Et maintenant, une page de publicité (méritée)

Ce blog s’est toujours voulu un lieu de débat, et c’est pourquoi j’ai rarement profité de ces colonnes pour faire de la publicité. Mais pour une fois, je vais faire une exception au profit de l’équipe du mensuel « Bastille, République, Nations » – « BRN » pour les intimes – qui changera de formule et de titre à partir du 29 mai prochain – la date n’est pas choisie au hasard – pour devenir « Ruptures » (1). Et si je fais cette exception, c’est parce que l’histoire intellectuelle de « BRN » me semble largement la mériter, tant les idées et – plus important – la conception du débat qui transparaît dans le projet due « Ruptures » correspond aux conceptions que je défend dans ce blog.

Mais d’abord, un peu d’histoire : Il y a quelques années, Pierre Lévy, un ancien syndicaliste de la métallurgie CGT devenu journaliste à l’Humanité, avait accédé à une certaine notoriété – du moins dans les milieux proches du PCF – en commettant un livre au titre évocateur : « Bastille, République, Nation » (2) dont le contenu est resté dans ma mémoire. Courrait l’année 2000, et Robert Hue régnait souverain sur le PCF après un XXXème Congrès qu’il avait qualifié de « congrès fondateur du nouveau parti communiste des années 2000 » et qui aurait du être celui de son apothéose mais qui serait aussi celui du début de sa chute. Robert Hue avait lui aussi commis un livre humoristique – mais dont le comique n’apparait que rétrospectivement – aujourd’hui très injustement oublié. Il s’agit de « Communisme, la mutation », ouvrage dans lequel Robert Hue décrit – avec force « l’argent pour l’argent » et « l’argent roi », expressions qui reviennent à peu près une fois par page – les fondements du « nouveau communisme » qu’il entendait créer. Et qui ressemble drôlement au communisme aujourd’hui porté par le PCF, à une nuance près : dans « communisme, la mutation », ce nouveau communisme aboutirait à rallier au PCF l’ensemble des « gens », toutes classes confondues. Dans la réalité, le « nouveau communisme » a réduit le PCF aux dimensions d’un groupuscule dont le poids sur les décisions mais aussi – et c’est plus grave – sur le débat politique, économique, social est quasi-nul, et je pèse mes mots.

On sait ce qu’il devint du père UbHue qui, à défaut de devenir Roi de Pologne comme son illustre prédécesseur, s’est tout de même débrouillé pour devenir dictateur à vie du MUP – Mouvement Unitaire Progressiste pour les intimes, intimes qu’on peut compter sur les doigts d’une main, essentiellement des anciens cadres « huistes » du PCF en mal de sièges – et bien entendu sénateur élu avec le soutien du parti socialiste, car il faut bien vivre, n’est ce pas ? Mais à l’époque, le nain de jardin était à la mode. Mieux : c’était la coqueluche du tout-Paris, de Julia Kristeva à Jack Lang. De soirées techno a défiles de Prada, la Place du Colonel Fabien semblait briller de mille feux et le « nouveau communisme des années 2000 » – qui, contrairement à l’ancien, ne faisait plus peur à personne – faisait miroiter aux nouveaux cadres du huisme l’espérance de juteuses positions, y compris ministérielles. A l’intérieur même du PCF, une nouvelle vague de militants venus des « classes moyennes » communiait avec une partie des vieux grognards « staliniens », chez qui la joie, après la sinistrose des années 1980, d’avoir l’impression que quelque chose bougeait abolissait tout sens critique.

Dans cette ambiance d’euphorie, il y eut quand même quelques militants pour se rendre compte que ces quelques années d’ivresse allaient se payer d’une cirrhose qui risquait d’être fatale au PCF. Pierre Lévy était de ce nombre. Et il en fallait, du courage. Car les chasseurs de sorcières du politiquement correcte étaient à l’affût pour débusquer les « rouges-bruns », nom de code pour les communistes qui n’acceptaient la « mutation » et qui, bien entendu, ne pouvaient être que des crypto-fascistes. Pour ne donner qu’un exemple, rappelons comment Gilles Perrault, l’auteur de « l’Orchestre rouge » mais aussi un critique constant du stalinisme, fut traîné dans la boue par Didier Daeninckx dans une opération médiatique qui rappelait tristement les pires heures du McCarthysme. Patrick Besson romancera cette affaire dans un opuscule qui vaut la peine d’être lu : « Didier Dénonce ».

Dans ses écrits, Pierre Lévy s’interroge en particulier sur un point, qui est celui du rapport du PCF à la Nation. A cette « synthèse entre le drapeau rouge et le drapeau tricolore » qui fit du PCF un acteur incontournable de la politique française dans la Résistance et jusqu’aux années 1990. Lévy montre – et les faits postérieurs lui ont donné raison – combien la « mutation » huiste implique un abandon des valeurs républicaines et une conversion à l’eurolâtrie. Dans la droite ligne de son livre-manifeste, Lévy continuera le combat avec une revue, dont le nom reprend le titre de son livre « Bastille, République, Nation » en ajoutant un « s » au dernier terme, ce qui personnellement ne me convainc pas mais bon, on ne peut pas être d’accord sur tout. Car pour le reste, la ligne de cette publication – à la diffusion malheureusement faible – est très proche de celle de ce blog.

Aujourd’hui, Pierre Lévy et son équipe ont décidé de rénover « République, Bastille, Nations » avec l’objectif d’en faire une revue de qualité et élargir sa diffusion. Et pour cela, il faut des moyens. Or, il n’aura échappé à personne que les magnats qui se penchent sur la presse de gauche n’ont pas les idées assez larges pour aider une publication qui ne rentre pas dans les canons de l’eurolâtrie officielle. Il serait étonnant de voir un Mathieu Pigasse ou un Pierre Bergé – qui fut et est toujours, soit dit en passant, un soutien actif du père UbHue – accorder un soutien quelconque à l’équipe de Pierre Lévy. Ce projet ne peut donc se faire qu’avec le soutien des militants, des amis, de tous ceux qui estiment important qu’une voix républicaine puisse s’exprimer publiquement. Je suis de ceux-là, et j’appelle donc mes lecteurs à contribuer et à accorder dans la mesure de leurs possibilités leur soutien, financier et autre, à ce projet. L’équipe a ouvert un site (http://ruptures-presse.fr/) où vous pourrez consulter les archives de « BRN », lire la « charte » du nouveau mensuel, et bien entendu contribuer financièrement par don ou par abonnement anticipé. Je vous invite très chaleureusement à le faire.

Certains, en compulsant les archives de « BRN » trouveront certainement des motifs de désaccord. C’est aussi mon cas. Mon appel ne doit pas donc être interprété comme une allégeance quelconque aux positions soutenues par l’équipe de la revue. Mais si je suis en désaccord sur certains points avec l’équipe de « BRN », je ne vois pas dans la ligne éditoriale de celle-ci le moindre sectarisme. Et cela est assez rare dans l’univers politique actuel pour être signalé. Nous avons besoin d’une publication qui, parce qu’elle n’appartient à aucune « secte », soit un carrefour de rencontre entre des républicains qui, malgré leurs différences, n’ont d’autre choix pour avancer que de débattre ensemble et chercher à s’entendre sur un projet.

A vous donc, mes chers lecteurs, de jouer. Sachez aussi que l’équipe de « BRN » connaît ce blog et le consulte. Vos commentaires seront donc certainement suivis avec une certaine attention… toute bienveillante !

Descartes

(1) Le « manifeste » du nouveau journal peut être consulté à l’adresse http://ruptures-presse.fr/esprit-contenu/. Pour vous donner un avant-goût, voici un paragraphe qui ne sonnera certainement familièrement aux lecteurs de ce blog :

« Ruptures reste naturellement fidèle à l’esprit fondateur de BRN : d’abord de l’information qu’on ne trouve pas ailleurs ; ensuite une rupture assumée avec la « bien-pensance » sur laquelle s’appuie l’ordre dominant ; enfin, une ligne éditoriale organisée autour de la reconquête du progrès sous toutes ses formes.

Progrès économique et social d’abord, deux dimensions qui devraient être indissociables. Progrès politique également, dont le socle ultime est la souveraineté du peuple. Progrès international, conséquemment, qui combat les ingérences, et valorise indépendance nationale et coopérations. Progrès technique et industriel enfin, qui s’oppose à tous les obscurantismes, à commencer par les fantasmes funestes de « décroissance » et de « sobriété » – autres noms de la récession et de l’austérité. »

(2) Pour les lecteurs qui ne sont pas parisiens, les places de la République, de la Bastille et de la Nation sont trois grandes places situés dans l’est de Paris, réunies par de grandes avenues, et qui servent traditionnellement de lieu de rassemblement pour les grandes manifestations ouvrières.

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74 réponses à Et maintenant, une page de publicité (méritée)

  1. v2s dit :

    Le blog de Descartes compte, on l’espère de très nombreux lecteurs, mais il ne compte qu’une grosse vingtaine de contributeurs réguliers aux réactions.
    Au bout de quelques années on finit par « bien » les connaître.
    Il y a, parmi ces contributeurs, surtout d’anciens du PCF, des gens qui hésitent entre Mélenchon, les frondeurs du PS, la gauche radicale ….
    Bref, globalement ce blog séduit plutôt la gauche qui n’aime pas le centre gauche.
    Et puis il y a aussi l’idiot utile, v2s, (moi) qui représente un peu tout ce que vous haïssez, la bien pensance boboïsante, libérale libertaire, millénariste et anti progressiste, qui se contente de répéter les poncifs de la pensée unique … et j’en passe.
    Ce que j’écris n’intéresse pas grand monde mais ça permet à Descartes de préciser sa pensée et de montrer sa dextérité à casser du bobo.
    Il y a pourtant un point de vue que je partage avec Descartes et qui se retrouve dans le site http://ruptures-presse.fr, recommandé par Descartes :
    Cette sensibilité qui se retrouve à la fois chez Descartes, chez ruptures-presse.fr, et qui pourtant me plait bien, c’est cette bienveillance envers la Russie. Il me semble en effet que les diplomaties françaises et européennes manquent une belle occasion de se rapprocher la Russie, qu’elles se trompent en cherchant le bras de fer avec Poutine. Qu’à terme notre avenir économique, énergétique, passe plus sûrement par des complicités, des convergences, des alliances avec la Russie, un très grand pays européen, qu’avec la Chine ou les Etats Unis, qui risquent les uns et les autres de nous ignorer avec mépris, le jour ou nous n’aurions plus les moyens de nos ambitions.

    Mais il y a deux questions qui me taraudent et que je voulais poser de depuis longtemps :

    La premiere :
    Votre sensibilité pro-Russe n’est elle qu’un réflexe pablovien d’anti européiste, anti atlantiste, ancien admirateur de feu l’URSS. La ligne politique de Poutine n’ayant plus rien de communiste, qu’est-ce qui vous pousse aujourd’hui à préférer la Russie aux USA ou à la Chine ?

    Et la seconde question qui me brûle les lèvres :
    Votre grande amabilité envers le nouveau FN de Marine Le Pen semble prendre sa source dans le fait qu’il draine les anciens électeurs du PCF. Ceux que vous appelez dans votre jargon les « couches populaires ».
    Serait-ce que, en tant qu’ancien cadre du PCF, consciemment ou inconsciemment, vous vous considérez comme « spécialiste » du fond de commerce que représente la clientèle électorale des couches populaires ?
    En d’autres termes, plutôt que de vous désoler de voir vos « clients historiques » changer de crémerie, plutôt que de vous résoudre à baisser le rideau, n’êtes vous pas en train de vous chercher d’excellentes raisons de rejoindre ceux qui vous ont piqué vos clients ? Apres tout, comme vous le répétez souvent, le FN manque de cadre, et les électeurs pourraient même trouver ça rassurant de voir arriver d’anciens cadres communistes dans l’équipe dirigeante de leur nouveau parti favori.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Il y a, parmi ces contributeurs, surtout d’anciens du PCF, des gens qui hésitent entre Mélenchon, les frondeurs du PS, la gauche radicale ….]

      Le spectre est plus large que ça. On a eu même quelques libéraux, et même quelques électeurs de droite.

      [Bref, globalement ce blog séduit plutôt la gauche qui n’aime pas le centre gauche.]

      Je ne le dirais pas comme ça. D’abord, parce que le « centre gauche » est une vision de l’esprit. Ca n’existe pas, ça n’a jamais existé. Le « centre gauche » est en fait le « centre » avec une main de ripolin rose pour faire joli. Et le « centre », comme tout le monde sait, est à droite. Si tant est que « droite » et « gauche » aient encore un sens…

      [Et puis il y a aussi l’idiot utile, v2s (…)]

      Utile, utile… vous vous vantez…

      [(moi) qui représente un peu tout ce que vous haïssez, la bien pensance boboïsante, libérale libertaire, millénariste et anti progressiste, qui se contente de répéter les poncifs de la pensée unique … et j’en passe.]

      C’est un peu ça. Sauf que personne ne vous « haït ». Je comprends que vous souhaitiez qu’on vous haïsse. La haine est quelque chose de si valorisant… être haï, c’est la preuve que ce qu’on dit est capable de soulever chez les autres des sentiments puissants. Dusse votre vanité en souffrir, je me dois de vous dire que personne ne vous haït. Il y a certains que vos idées amusent, d’autres qui les méprisent, d’autres encore – c’est mon cas – que vos idées intéressent. Mais « haïr » ? Allons…

      [Ce que j’écris n’intéresse pas grand monde mais ça permet à Descartes de préciser sa pensée et de montrer sa dextérité à casser du bobo.]

      Vous n’allez pas nous faire votre Calimero en plus… « je suis malheureux, personne ne m’aime »… Ne vous en faites pas, vos idées intéressent, du moins lorsque vous les exprimez en évitant les attaques personnelles. Ces derniers jours, vous m’avez par exemple accusé à titre personnel de suppôt d’un « joug sanguinaire », de tirer avantage de « la paix et la prospérité » française, de profiteur du travail des enfants…

      [Il y a pourtant un point de vue que je partage avec Descartes et qui se retrouve dans le site http://ruptures-presse.fr, recommandé par Descartes : Cette sensibilité qui se retrouve à la fois chez Descartes, chez ruptures-presse.fr, et qui pourtant me plait bien, c’est cette bienveillance envers la Russie.]

      Je n’ai pas de « bienveillance » particulière envers la Russie. Mais il est vrai que dans le contexte actuel, le refus de hurler avec les loups est vite assimilé à de la « bienveillance ».

      [Il me semble en effet que les diplomaties françaises et européennes manquent une belle occasion de se rapprocher la Russie, qu’elles se trompent en cherchant le bras de fer avec Poutine. Qu’à terme notre avenir économique, énergétique, passe plus sûrement par des complicités, des convergences, des alliances avec la Russie, un très grand pays européen, qu’avec la Chine ou les Etats Unis, qui risquent les uns et les autres de nous ignorer avec mépris, le jour ou nous n’aurions plus les moyens de nos ambitions.]

      Je vois que vous utilisez le « nous » sans définir très bien qui constitue ce collectif. « Nous », c’est les français ? Les européens ? Les « classes moyennes » ? Les couches populaires ? Parce que selon qui est ce « nous », les intérêts – et donc les alliances intéressantes – ne sont pas les mêmes. La France, par exemple, avait tout intérêt à un équilibre bipolaire qui lui permet de jouer les arbitres. La bourgeoisie française, au contraire, a intérêt au monde unipolaire dans lequel l’Empire assure l’ouverture des frontières et la libéralisation des marchés.

      [Votre sensibilité pro-Russe n’est elle qu’un réflexe pavlovien d’anti européiste, anti atlantiste, ancien admirateur de feu l’URSS. La ligne politique de Poutine n’ayant plus rien de communiste, qu’est-ce qui vous pousse aujourd’hui à préférer la Russie aux USA ou à la Chine ?]

      Comme je vous l’ai dit plus haut, je ne « préfère » rien du tout. Qu’est ce qui vous fait penser que je « préfère » la Russie à la Chine ? Le fait est que nous vivons dans un monde dangereux, et qu’une puissance comme la France ne peut aujourd’hui peser uniquement par elle-même dans un affrontement avec une hyperpuissance. Par contre, lorsque deux superpuissances sont en équilibre, elle jouira d’une influence beaucoup plus grande, puisque son choix peut faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. La France a donc tout intérêt donc à un monde bipolaire ou multipolaire. Devant l’hyperpuissance américaine, quel peut être le contrepoids ? La Chine ? Culturellement, rien ne dit qu’elle veuille vraiment devenir une puissance globale, et toute son histoire plaide contre cette hypothèse. La Russie, par contre, a une tradition de puissance et qui plus est un intérêt aux alliances avec la France qui est inscrite dans la géopolitique européenne.

      [Votre grande amabilité envers le nouveau FN de Marine Le Pen semble prendre sa source dans le fait qu’il draine les anciens électeurs du PCF. Ceux que vous appelez dans votre jargon les « couches populaires ». Serait-ce que, en tant qu’ancien cadre du PCF, consciemment ou inconsciemment, vous vous considérez comme « spécialiste » du fond de commerce que représente la clientèle électorale des couches populaires ?]

      Non, pas du tout. Mais en bon marxiste je reste convaincu que la fin de l’exploitation du travail humain ne peut se faire qu’avec le soutien des « couches populaires », tout simplement parce que ce sont les seules qui aient vraiment intérêt. C’est pourquoi le fait de savoir où ces couches trouvent leur expression politique est du plus haut intérêt pour moi. Cela étant dit, je n’ai aucune « amabilité » pour le nouveau FN. Mais une fois encore, c’est un domaine ou la simple neutralité analytique est vite considérée comme une complicité.

      [En d’autres termes, plutôt que de vous désoler de voir vos « clients historiques » changer de crémerie, plutôt que de vous résoudre à baisser le rideau, n’êtes vous pas en train de vous chercher d’excellentes raisons de rejoindre ceux qui vous ont piqué vos clients ?]

      Je pense m’être suffisamment « désolé » de voir le PCF perdre contact avec l’électorat populaire pour échapper à ce reproche. Et je ne conçois pas les citoyens comme des « clients » de la politique. Je vous le répète : pour n’importe quel marxiste, el fait de savoir chez qui les travailleurs trouvent une expression politique est de la plus haute importance. Cer c’est en eux, et en eux seuls que tout espoir de changement progressiste de la société repose. Les « classes moyennes » et la bourgeoisie ne changeront jamais qu’à leur avantage, qui est de perpétuer l’exploitation et, si possible, la renforcer.

      [Apres tout, comme vous le répétez souvent, le FN manque de cadre, et les électeurs pourraient même trouver ça rassurant de voir arriver d’anciens cadres communistes dans l’équipe dirigeante de leur nouveau parti favori.]

      Je ne sais pas s’ils trouveraient cela très rassurant. Vous vous imaginez, vous, Robert Hue conseiller de Marine Le Pen ?

    • CVT dit :

      @Descartes,
      [ La France, par exemple, avait tout intérêt à un équilibre bipolaire qui lui permet de jouer les arbitres. La bourgeoisie française, au contraire, a intérêt au monde unipolaire dans lequel l’Empire assure l’ouverture des frontières et la libéralisation des marchés.]

      Et bien voilà, on n’est dans la m.rde :-(!
      Pardonnez mon langage fleuri, mais ceux qui nous dirigent SONT ELUS, et pourtant, ils travaillent à la perte de notre pays! Vous faites bien de distinguer les intérêts de la France de ceux de la bourgeoisie française (à laquelle il faut rajouter, bien sûr, votre chère classe moyenne…).
      Pour sortir de cette ornière, cela revient à dire qu’il faudrait balayer nos élites, ce qui n’est pas souvent arrivé dans notre histoire en dehors de révolutions ou de guerres! Bref, ce n’est pas très optimiste…
      Je pense sincèrement que nous devons sortir de notre situation actuelle, à savoir la subordination à l’UE, qui est synonyme de mort lente pour notre pays, mais j’ai l’impression que mon opinion est fort minoritaire, même si on sent un frémissement dans l’opinion dû à quelques signes annonciateurs: je songe notamment à l’éventuelle (et probable) sortie de la Grèce de l’eurozone, et donc une sortie de fait de l’UE.
      Les semaines à venir seront d’autant plus importante que l’alliée de la Grèce est la Russie de Poutine, ce qui montre que les liens historiques entre nations ne sont pas un vain mot, et que les nations ne se rayent pas d’un trait de plume: toute chose que nos élites françaises “cosmopolites” et anti-nations semblent avoir oubliée…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [Pardonnez mon langage fleuri, mais ceux qui nous dirigent SONT ELUS, et pourtant, ils travaillent à la perte de notre pays! Vous faites bien de distinguer les intérêts de la France de ceux de la bourgeoisie française (à laquelle il faut rajouter, bien sûr, votre chère classe moyenne…).]

      Chère, très chère, en effet. Mais il est excessif de dire que nos dirigeants « travaillent à la perte de notre pays ». Je dirais plutôt qu’ils laissent le pays aller à sa perte, à force de s’occuper seulement des intérêts du groupe social dont ils sont issus.

      [Pour sortir de cette ornière, cela revient à dire qu’il faudrait balayer nos élites, ce qui n’est pas souvent arrivé dans notre histoire en dehors de révolutions ou de guerres! Bref, ce n’est pas très optimiste…]

      On m’a accusé de beaucoup de péchés, mais rarement de celui d’optimisme.

      [Je pense sincèrement que nous devons sortir de notre situation actuelle, à savoir la subordination à l’UE, qui est synonyme de mort lente pour notre pays, mais j’ai l’impression que mon opinion est fort minoritaire, même si on sent un frémissement dans l’opinion dû à quelques signes annonciateurs: je songe notamment à l’éventuelle (et probable) sortie de la Grèce de l’eurozone, et donc une sortie de fait de l’UE.]

      Je pense que votre opinion, comme la mienne, sont très minoritaires. Mais nous avons l’histoire avec nous. La logique des nations est une logique structurelle, séculière. Comme le disait mongénéral, « dans mille ans il n’y aura peut être pas d’URSS, mais il y aura toujours une Russie ». Les faits lui ont donné raison. Et je pense que pour l’UE ce sera la même chose. L’édifice est branlant, et cela se voit de plus en plus. Il ne manque que la tempête qui fichera tout l’ensemble par terre.

  2. jmp dit :

    bonjour
    le journal actuel dont Pierre Lévy est rédacteur est ” Bastille République Nation ” sigle BRN
    mais merci quand même pour votre article de soutient: au niveau actuel, je crains que la subvention de lancement (modeste ) de 38000 euro ne soit pas ateinte , sauf arrivée de nouveaux contributeurs
    voir: http://fr.ulule.com/ruptures-presse/
    je suis lecteur de BRN et j’espère voir le projet aboutir

    • Descartes dit :

      @ jmp

      [le journal actuel dont Pierre Lévy est rédacteur est ” Bastille République Nation ” sigle BRN]

      Ma langue a fourché… l’erreur a été corrigé.

      [mais merci quand même pour votre article de soutient: au niveau actuel, je crains que la subvention de lancement (modeste ) de 38000 euro ne soit pas ateinte , sauf arrivée de nouveaux contributeurs]

      Faut essayer de faire du battage. On a besoin de publications de ce type pour faire face au déluge idéologique qui vient de l’autre côté. Je serais désolé de le voir disparaître. Peut-être pourrait-on demander un petit coup de main aux gens de Charlie Hebdo ? 😉

    • BolchoKek dit :

      >On a besoin de publications de ce type pour faire face au déluge idéologique qui vient de l’autre côté.<
      Voilà le Descartes que j’aime. Le Descartes combatif, positif, décidé. Même si l’espoir est faible, on ira, on tiendra bon, comme à Leningrad.
      Je le retrouve après quelques mois de déprime !
      Je dois dire à ma grande honte que je n’ai jamais entendu parler de “BRN”. Et je dois dire que ma honte s’accroît lorsque je consulte les archives. Comme quoi, lorsque nous constatons que les “jacobins de gauche” sont éparpillés, ce n’est pas une litote…
      Je vais souscrire dès que j’ai les moyens. Mon budget est assez serré, mais je vais faire de mon mieux pour les soutenir.

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Voilà le Descartes que j’aime. Le Descartes combatif, positif, décidé. Même si l’espoir est faible, on ira, on tiendra bon, comme à Leningrad. Je le retrouve après quelques mois de déprime !]

      Ca va, ca vient… En fait, je suis très sensible à l’humeur des gens que je fréquente au boulot. Et en ce moment, je dois dire qu’on est plutôt bipolaires… des moments de profonde dépression suivis de moments d’euphorie…

      [Je dois dire à ma grande honte que je n’ai jamais entendu parler de “BRN”. Et je dois dire que ma honte s’accroît lorsque je consulte les archives. Comme quoi, lorsque nous constatons que les “jacobins de gauche” sont éparpillés, ce n’est pas une litote…]

      Eh oui… malheureusement, personne n’a réussi à constituer véritablement un réseau, à institutionnaliser les échanges. Je n’ai que très récemment réalisé combien la culture de la « gauche » est devenue sectaire au fur et à mesure que l’esprit « libéral-libertaire » – celui des « classes moyennes » – s’est imposé dans tous les partis, du PS à LO. Il n’y a plus d’enceinte d’échange régulé ou des gens qui, tout en partageant des valeurs et des projets communs, ne sont pas d’accord. Il n’y a qu’à voir comment le prochain congrès du PS se prépare… et ne parlons même pas des congrès ou conférences nationales du PCF ou des messes du PG. On se réunit « entre soi », et celui qui manifeste un désaccord est au mieux un idiot, au pire un traître.

      Dans ce climat de sectarisme, dans une gauche dominée par l’eurolâtrie, les « jacobins de gauche » sont presque par définition des individualités isolées. Peut-être que la peur du FN va finalement faire comprendre à la gauche qu’un « aggiornamento » sur la question nationale – et donc sur l’Europe – est nécessaire ? Cela donnerait aux « jacobins de gauche » un encouragement à se regrouper.

      [Je vais souscrire dès que j’ai les moyens. Mon budget est assez serré, mais je vais faire de mon mieux pour les soutenir.]

      Je ne vais pas vous dire qu’il n’y a que l’intention qui compte. Ce n’est pas vrai. L’équipe BRN a besoin de sous pour pouvoir éditer la nouvelle revue. Mais chacun donne en fonction de ses moyens et de ses possibilités. C’est toujours comme ça que le mouvement ouvrier a fonctionné.

  3. Et moi, et moi et moi … (j’aime bien Dutronc)
    Le pied-noir ultra-républicain, laïque jusqu’au bout du chapelet, islamo-critique viscéral, passionné de Baroque, défenseur de l’hypocrisie constructive des catholiques, Jacobin en diable, Colbertiste forcené, pro-russe congénital (père communiste = russe en première langue, et croyez moi en Afrique de l’ouest des années 60 même le CNED avait du mal !).
    Les choses devenant très compliquées pour un esprit limité comme le mien j’ai trouvé une méthode infaillible pour distinguer le bon politique du mauvais : je regarde le programme d’EELV (je sais il faut d’abord le trouver) s’il y a le quart d’une virgule en commun avec la question alors je rejette, ensuite je passe au PS, si trois mots surnagent et semblent se réunir sur ma question alors je rejette, et ainsi de suite ; la plupart du temps le tri s’arrête chez Debout La France, mais parfois il faut pousser jusqu’au FN … et alors ?
    Chez Dupont-Aignan un certain F. Morvan était proche de RBN (du temps où on tentait le pole républicain avec Chevènement), souvenirs, le Franc, une économie encore vive, une parole écoutée, un ciment national intact ; si P. Lévy lit ce commentaire, je le salue au nom de notre ami Michel Lafarge, communiste qui eu le courage de rejoindre Pasqua.

    • Descartes dit :

      @ Gérard Couvert

      [Le pied-noir ultra-républicain, laïque jusqu’au bout du chapelet, islamo-critique viscéral, passionné de Baroque, défenseur de l’hypocrisie constructive des catholiques, Jacobin en diable, Colbertiste forcené, pro-russe congénital (père communiste = russe en première langue, et croyez moi en Afrique de l’ouest des années 60 même le CNED avait du mal !).]

      C’est un portrait de vous-même ? Je me reconnais un peu… sauf que je ne suis pas pied-noir !

      [(…) souvenirs, le Franc, une économie encore vive, une parole écoutée, un ciment national intact]

      Il faut raconter cette France-là aux jeunes. Si nous ne le faisons pas, qui leur expliquera que tout cela a existé, et que donc c’est possible…

    • Vous n’êtes pas pied-noir, bon tant pis, vous êtes pardonné.
      Ce monde d’avant, d’espoir et d’utopie, je ne cesse d’en parler ; parfois cela est difficile, parfois cela ne sert à rien et l’on passe pour un affabulateur [vive discussion l’autre dimanche avec la présidente PS du bureau de vote à coté de celui que je tenais].
      Mais il ne faut pas baisser les bras, beaucoup d’amis de mon fils (18/19 ans) ont un discours débarrassé des oripeaux libertaire/libéraux, le recours à la nation n’est pas loin …

    • Descartes dit :

      @ Gérard Couvert

      [Ce monde d’avant, d’espoir et d’utopie, je ne cesse d’en parler ; parfois cela est difficile, parfois cela ne sert à rien et l’on passe pour un affabulateur (vive discussion l’autre dimanche avec la présidente PS du bureau de vote à coté de celui que je tenais).]

      Il le faut pourtant. Qu’on puisse passer par un « affabulateur » montre combien le mécanisme de transmission fonctionne mal. On risque d’avoir aux commandes une génération incapable d’imaginer qu’on puisse faire les choses différemment, tout simplement parce qu’ils n’ont pas conscience que le monde qu’ils voient devant eux n’a pas toujours été comme ça. Je le vois tous les jours dans mon travail : des « quadra » qui sont persuadés qu’une monnaie nationale est « impossible » pour toutes sortes de raisons, et qui se trouvent tout bête quand on leur rappelle que la France a eu une monnaie nationale pendant des siècles et que, ma foi, cela n’a pas si mal marché. Avant de penser à changer le monde, il faut se convaincre que le monde que nous avons n’est pas le seul possible. Et pour s’en convaincre, la connaissance de l’Histoire – qui nous montre combien les formes d’organisation, les politiques et les projets ont été divers au cours des âges – est le seul véritable argument. Et l’histoire récente, parce qu’elle est plus proche de nos préoccupations, est de ce point de vue indispensable.

      Il ne s’agit pas, bien entendu, d’alimenter une quelconque nostalgie. Nous ne reviendront pas à la lampe à pétrole, et c’est tant mieux. Mais savoir que la lampe à pétrole a existé, et qu’il n’y a pas si longtemps l’immense majorité des gens n’avaient pas autre source d’éclairage, permet d’avoir une autre perspective sur ce que l’électrification a représenté pour notre pays. Et cette perspective peut utilement guider l’action politique.

      [Mais il ne faut pas baisser les bras, beaucoup d’amis de mon fils (18/19 ans) ont un discours débarrassé des oripeaux libertaire/libéraux, le recours à la nation n’est pas loin…]

      C’est vrai. Les excès des parents et grands-parents soixante-huitards a produit des enfants sages. Mais cette « sagesse » va de pair avec une ignorance effrayante. Ce n’est pas leur faute, les pauvres : l’école « libérée » par les théoriciens issus de mai 1968 l’a soigneusement organisée. C’est pourquoi je prends très à cœur la question de la transmission, qui est à mon avis LA responsabilité politique de notre génération.

  4. @Descartes
    « Le spectre est plus large que ça. On a eu même quelques libéraux, et même quelques électeurs de droite. »

    Personnellement, j’ai une sensibilité politique que je qualifierais de libérale-républicaine, mais certainement pas de droite. Mais le républicanisme libéral, ce n’est pas quelque chose d’aussi solidement conceptualisé que le marxisme. C’est un équilibre instable entre une affirmation des libertés individuelles et un souci de fonder la souveraineté sur la participation active des citoyens. Si je devais citer quelques figures liées à ce courant, je mentionnerais Thomas Jefferson, Condorcet, Tocqueville, Arendt…mais avec des réserves sur chacun d’eux. La communion intellectuelle et politique ne vient pas facilement…

    C’est une ligne égalitaire mais pas égalitariste, démocratique mais pas socialiste. Je ne vois pas ce qui empêche de la rattacher à la gauche. Même si, le libéralisme et la Nation, ce ne sont plus vraiment les thèmes qu’on associe aisément à la gauche depuis au moins la Troisième République…

    J’en profite pour vous demander, Descartes, si vous connaissez l’essai de l’économiste Jean-Jacques Rosa, « L’erreur européenne », paru en 1998 (cf : http://livre.fnac.com/a5115/Jean-Jacques-Rosa-L-erreur-europeenne ) ? C’est une critique ardente (et dans une certaine mesure précoce) de l’euro et de la construction européenne depuis une position on ne peut plus libérale. Ce qui pourrait vous intéresser, sait-on jamais.

    • Descartes dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      [Personnellement, j’ai une sensibilité politique que je qualifierais de libérale-républicaine, mais certainement pas de droite.]

      En d’autres temps, la « gauche » était définie comme le parti qui voulait changer les rapports sociaux, et la « droite » comme le parti qui voulait conserver le statu-quo. Je doute que ces étiquettes aient encore vraiment un sens, en particulier parce qu’avec la « révolution néolibérale » ceux qui étaient traditionnellement à droite sont apparus comme le parti du mouvement, alors que ceux qui étaient traditionnellement à gauche sont tout à coup devenus des conservateurs. Et les tentatives de maintenir à tout pris la bipolarité droite/gauche en inventant des critères plus ou moins orientés – par exemple, en plaçant l’opposition non pas sur le plan social mais sociétal – ne m’intéressent pas vraiment.

      En fait, aujourd’hui la « gauche » et la « droite » ne se caractérisent pas par leurs idées, mais par un héritage figé. On est « de gauche » parce qu’on est l’héritier putatif de ceux qui étaient « à gauche » en 1970. Et on est « à droite » pour la même raison. Les organisations politiques qui n’ont pas d’antécédents sont priées de s’en trouver un instamment, sous peine d’apparaître « hors sol ».

      [Mais le républicanisme libéral, ce n’est pas quelque chose d’aussi solidement conceptualisé que le marxisme. C’est un équilibre instable entre une affirmation des libertés individuelles et un souci de fonder la souveraineté sur la participation active des citoyens. Si je devais citer quelques figures liées à ce courant, je mentionnerais Thomas Jefferson, Condorcet, Tocqueville, Arendt…mais avec des réserves sur chacun d’eux. La communion intellectuelle et politique ne vient pas facilement…]

      Parce que le « républicanisme libéral » est issu d’une déception. Vous y trouvez les libéraux qui sont suffisamment lucides pour se rendre compte que la liberté individuelle considérée comme un absolu conduit à la dissolution sociale. Pour paraphraser Irving Kristol, un « républicain libéral » est un libéral qui s’est fait casser la gueule par la réalité. Le « républicanisme libéral » est donc l’admission des imperfections de la doctrine libérale. Il est difficile de construire une conceptualisation solide à partir d’un fondement de ce type.

      [C’est une ligne égalitaire mais pas égalitariste, démocratique mais pas socialiste. Je ne vois pas ce qui empêche de la rattacher à la gauche.]

      Ce qui empêche de le rattacher à la « gauche », c’est que les concepts de « gauche » et « droite » sont aujourd’hui historiques, et non politiques. Et que historiquement les « républicains libéraux » se trouvent à droite.

      [J’en profite pour vous demander, Descartes, si vous connaissez l’essai de l’économiste Jean-Jacques Rosa, « L’erreur européenne », paru en 1998 (cf : http://livre.fnac.com/a5115/Jean-Jacques-Rosa-L-erreur-europeenne ) ? C’est une critique ardente (et dans une certaine mesure précoce) de l’euro et de la construction européenne depuis une position on ne peut plus libérale. Ce qui pourrait vous intéresser, sait-on jamais.]

      Je l’ai lu il y a de très longues années, et j’en ai gardé un très bon souvenir. Mais on peut difficilement parler de « précocité ». En 1992, lors du débat sur le traité de Maastricht, d’autres avaient déjà formulé les mêmes critiques. L’originalité de la critique de Rosa est qu’il s’agit d’une critique construite d’un point de vue purement libéral, et par une personnalité qu’on ne saurait suspecter de la moindre trace de sympathie pour les positions interventionnistes, contrairement à un Chevènement ou un Séguin. C’est en cela qu’elle est iconoclaste, puisqu’elle accuse la construction européenne non pas d’être « trop libérale », mais de ne pas être « assez libérale »…

  5. bovard dit :

    @V2s
    Et si,tout simplement,le blog de Descartes,vous passionne?En particulier,pour la classe de son style?Sur ce site,j’apprends beaucoup de choses et l’envie d’y participer ,m’envahit immédiatement à sa lecture.Comme,lorsque je vous lis,j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire:c’est une joie de venir sur le site de ce cher Descartes.La parole est souvent difficile ailleurs,surtout pour des anciens du PCF,dont seuls les vestiges persistent,ici et là selon le bon vouloir des ‘barons’ locaux’.mais l’héritage du PCF,qui le connait.Vous par exemple,n’êtes pas effleuré par une quelconque idée de ce leg.Pourtant,prenez le statut de la fonction publique.C’est auusi l’histoire des coups assénés par les artisans fanatiques ‘de la libre entreprise sans entraves, pour l’abattre’.
    La droite gaulliste ne lui était pas hostile,ce serit le cas du rassemblement bleu Marine,débarrassé de son ultra-libéral pétainiste de Jean Marie lepen?Pourquoi pas,depuis le 11/01/2015,les cartes se redistribuent….

    • bovard dit :

      @V2s,@Descartes
      Effectivement,l’euroscepticisme est ‘l’Enjeu’ actuel au FN.
      En écoutant Laurence Parisot sur Europe1,cela est manifeste.Comme à son habitude,sans états d’âme,elle déshumanise le débat en affirmant péremptoirement que les échanges entre Marine et son père,sont factice,télécommandés,scénarisés.
      Bref,du niveau de la théorie du complot et du faux semblant,manipulés par ‘les ennemis de l’ouverture sur l’Europe’.,.
      Certains ,plus réalistes,misent aussi sur l’islamophobie’,enfouie chez de nombreuses personnes ,y compris de culture musulmane,en partie,au fond, largement compréhensible quand elle est non violente.
      Même si le ressort raciste peut exister,l’islamophobie non-violente,ne peut pas âtre similarisé avec l’anti-sémitisme beaucoup plus injuste et dramatique.
      Car,la construction de milliers de mosquée,les déambulations de centaines de milliers d’emburkanéees,les assassinats,l’autocensure imposée,les violences dans les cités,à l’EN, les bondieuseries,les menus hallals,les centaines de milliers de français d talibanisés,tout cela ,les français ,comme moi,l’acceptent ,sans le comprendre ou admettre ces myriades de provocations.
      Pourquoi,parce que ,et c’est juste en même temps que sage,la législation française est très rigoureuse en ce qui concerne le racisme.Grâce à cette législation exigeante ,la paix civile est préservée en France,heureusement,car notre pays est une poudrière potentielle.
      Mais les efforts consentis par la population ,pour admettre depuis 2 ou 3 décennies,les difficultés,que seuls jusqu’à présent les personnels de l’EN subissaient,ne peuvent s’exprimer que par le vote FN de Marine,le seul à proposer une sortie de la crise par une sortie de l’Euro.
      C’est le sens,probablement, de l’action ,peut être avortée de Marine lepen et Filipot.

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Même si le ressort raciste peut exister, l’islamophobie non-violente, ne peut pas âtre similarisé avec l’anti-sémitisme beaucoup plus injuste et dramatique.]

      Personnellement, ces discussions pour savoir si l’islamophobie est pire ou meilleure que l’antisémitisme m’énervent. Il faut revenir aux fondamentaux : la loi de la République interdit de discriminer en fonction d’un certain nombre de critères (ethniques, religieux, politiques, etc.) lorsque cette discrimination aboutit à refuser un bien ou un service, priver d’un emploi, etc. Mais aucune loi n’oblige personne à aimer personne. On a le droit de détester les juifs, les chrétiens, les musulmans, les athées, séparément ou ensemble.

      [Car, la construction de milliers de mosquée, les déambulations de centaines de milliers d’emburkanées, les assassinats, l’autocensure imposée, les violences dans les cités, à l’EN, les bondieuseries, les menus hallals, les centaines de milliers de français talibanisés, tout cela, les français, comme moi, l’acceptent, sans le comprendre ou admettre ces myriades de provocations.]

      Faudrait éviter de dire n’importe quoi. Il n’y a pas en France des « centaines de milliers d’embourkanées ». Les femmes portant la bourka en France sont estimées au mieux en centaines, au pire en milliers. De même, il me semble absurde de parler de « centaines de milliers de français talibanisés ». Le commentaire est libre, mais les faits sont sacrés.

  6. v2s dit :

    @bovard

    [Sur ce site, j’apprends beaucoup de choses et l’envie d’y participer m’envahit immédiatement à sa lecture]

    Ça commence très bien ? Sur cette phrase nous sommes tout à fait d’accord … voyons la suite.

    [La droite gaulliste ne lui était pas hostile (hostile au PCF), ce serait le cas du rassemblement bleu Marine, débarrassé de son ultra-libéral pétainiste de Jean Marie le Pen ?]
    Aie ! ça se gâte !

    1/ Sur le gaullisme et le PCF :
    Mais bovard, ma parole c’est un complot ! Vous vous êtes donnez le mot avec Descartes pour témoigner que le PCF et le gaullisme n’était « pas hostile » l’un à l’autre.
    Descartes va encore plus loin que vous, il parle de « pacte ». On n’a pas du voir ni entendre les mêmes choses de 58 à 68, quand Thorez, Duclos, Waldeck Rochet dénonçait le « capitalisme monopoliste d’état » et quand, en 65 le PCF faisait voter pour Mitterrand, puis en 68 pour le NON au referendum … Si ce n’était pas de l’hostilité !

    2/ Sur la compatibilité entre le PC et un FN débarrassé de son vieux pétainiste ultra-libéral.
    Se débarrasser du père, ne fera pas tout. Il faudrait aussi faire semblant d’ignorer que derrière la façade respectable que se donne le parti de Marine Le Pen et de Florian Filippot, il subsiste chez beaucoup de sympathisants et de militants de solides, de tenaces penchants xénophobes, racistes, parfois antisémites.
    Qu’aujourd’hui d’anciens communistes votent FN, c’est certain.
    Mais si ce qui reste du PC devait un jour faire cause commune avec le FN, alors la référence au communisme n’aurait plus beaucoup de sens. Il faudrait dissoudre le PC et le fondre dans un « rassemblement des classes populaires et nationalistes ».

    Par ailleurs, je crains que dans la suite du drame familial que les Le Pen jouent sous nos yeux, les nationalistes eurosceptiques ne soient finalement déçus. Pour suivre les sondages et lever quelques barrières supplémentaires à son accession au pouvoir, il se dit que Marine Le Pen pourrait bien renoncer à ses velléités de sortie de l’euro.
    Auquel cas, débarrassée de son père et de son image qui joue trop le rôle de repoussoir, débarrassée aussi d’une annonce de sortie de l’euro qui, aujourd’hui, effraie le plus grand nombre (à tort ou à raison, ce n’est pas le sujet), Marine le Pen se verrait déjà à la tête d’un « Syriza à la française ».
    Le « Syriza de Mélenchon » ne pèserait pas lourd face au « Syriza de Marine Le Pen ».
    Et comme disait Michel Blanc dans les bronzés : « sur un malentendu ça peut marcher ».

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Descartes va encore plus loin que vous, il parle de « pacte ». On n’a pas du voir ni entendre les mêmes choses de 58 à 68, quand Thorez, Duclos, Waldeck Rochet dénonçait le « capitalisme monopoliste d’état » (…)]

      Si vous avez « vu ou entendu » Thorez, Duclos et Waldeck Rochet dénoncer « le capitalisme monopoliste d’Etat » entre 1958 et 1968, vous aviez alors un sérieux problème de vue et d’audition. Parce que le concept de « capitalisme monopoliste d’Etat » a été créée par les économistes marxistes dans les années 1970. Et non pas pour « condamner », mais pour décrire le capitalisme français de leur temps, et notamment la crise qui s’annonçait avec un recul significatif de la rentabilité du capital et de la croissance…

      J’ai l’impression que votre vision de l’histoire du PCF est totalement anachronique, mélangeant allègrement les politiques et les époques. Et, j’ajoute, les tendances politiques. Le PCF a toujours défendu les nationalisations comme constituant un progrès pour la classe ouvrière, sujet sur lequel il s’opposait à l’extrême gauche qui, elle, dénonçait la nationalisation comme une fausse socialisation. C’est aussi l’extrême gauche qui utilisait dès les années 40 le terme « capitalisme d’Etat » pour qualifier – ou plutôt disqualifier – le système économique de l’URSS et du bloc socialiste.

      [et quand, en 65 le PCF faisait voter pour Mitterrand, puis en 68 pour le NON au referendum … Si ce n’était pas de l’hostilité !]

      Sur 1965, les interprétations diffèrent. Le PCF n’a pas présenté de candidat contre De Gaulle, et il a soutenu très mollement la candidature Mitterrand.

      [Se débarrasser du père, ne fera pas tout. Il faudrait aussi faire semblant d’ignorer que derrière la façade respectable que se donne le parti de Marine Le Pen et de Florian Filippot, il subsiste chez beaucoup de sympathisants et de militants de solides, de tenaces penchants xénophobes, racistes, parfois antisémites.]

      C’est vrai. Mais c’est vrai aussi des autres partis. Souvenez-vous des commentaires de Mitterrand sur le « lobby juif ». Je ne comprends pas pourquoi il faudrait appliquer au FN des standards et des exigences plus sévères que pour les autres. A ma connaissance, la direction du PS n’a jamais condamné officiellement la saillie de Mitterrand. La direction du FN a par contre condamné tout à fait officiellement les commentaires antisémites et sanctionné les candidats qui s’en sont rendus coupables. Que faudrait-il que le FN fasse pour démontrer sa bonne foi ?

      Je suis d’accord avec vous qu’il ne faudrait jamais oublier quelles sont les racines d’un mouvement politique. Mais avoir de la mémoire n’implique pas de croire que chaque parti porte en lui une essence immuable. Autrement, je vais croire que Macron est le continuateur de Blum et Vallaud-Belkacem l’héritière de Jean Zay. Ce qui bien entendu est une absurdité. Et de la même manière que je repousse les tentatives de Valls de me persuader qu’il faut « s’unir » autour de Macron parce que Blum, autour de Vallaud-Belkacem parce que Zay, je m’interroge sur ceux qui cherchent à me convaincre que voter pour MLP c’est voter pour Pétain.

      [Mais si ce qui reste du PC devait un jour faire cause commune avec le FN, alors la référence au communisme n’aurait plus beaucoup de sens. Il faudrait dissoudre le PC et le fondre dans un « rassemblement des classes populaires et nationalistes ».]

      Tout a fait d’accord. Le PCF n’a de sens que si l’on croit encore qu’on peut défendre les intérêts des classes populaires à partir d’une position politique et idéologique différente de celle du FN – ce qui est, j’insiste, mon cas. Si on devait conclure que la défense des couches populaires n’est possible qu’à partir de la vision du FN, alors autant se fondre dans lui.

      Si un certain nombre d’électeurs – et même de militants communistes – sont en train de voter pour le FN, c’est parce que le PCF ne joue plus son rôle. En abandonnant les couches populaires à leur sort, en se concentrant sur une idéologie « sociétale » – et plus banalement sur la préservation de ses « notables » – le PCF a laissé les classes populaires sans autre alternative pour peser politiquement que le vote FN ou l’abstention. Mais cela n’implique nullement qu’il n’y ait pas de place pour un parti ouvrier et jacobin à gauche.

      [Par ailleurs, je crains que dans la suite du drame familial que les Le Pen jouent sous nos yeux, les nationalistes eurosceptiques ne soient finalement déçus. Pour suivre les sondages et lever quelques barrières supplémentaires à son accession au pouvoir, il se dit que Marine Le Pen pourrait bien renoncer à ses velléités de sortie de l’euro.]

      « Il se dit » ? Vous êtes trop bon. En ce moment, « Le Monde » martèle à pleines pages – il y a eu trois cette semaine – le message suivant : le FN serait « piégé » par son programme économique – la sortie de l’Euro notamment – qui l’empêche de « mordre » sur l’électorat UMP, notamment l’électorat âge qui craint pour ses intérêts. Et on profite pour mettre en exergue tous ceux qui à l’intérieur du FN critiquent la ligne économique et militent pour un retour à une vision plus libérale et européenne. Et on trouve la même campagne dans d’autres moyens de presse. Une coïncidence, certainement.

      En fait, il semblerait que la « dédiabolisation » du FN a donné des idées à certains. De même que certains voient avec espoir la possibilité d’une transformation du FN en parti « populaire », jacobin et eurosceptique, d’autres le verraient plutôt se transformer en une sorte de « tea party » compatible avec la droite eurolâtre. C’est que, voyez-vous, ce qui gêne aujourd’hui les commentateurs des « classes moyennes », ce n’est pas que le FN soit xénophobe, raciste ou même antisémite, c’est qu’il soit eurosceptique. Si cette barrière saute, tout le reste peut être pardonné…

      Je ne pense pas que cette opération rencontrera beaucoup de succès. Les cadres du FN sont trop conscients du fait que ce qui fait leur attrait, c’est bien leur singularité. C’est le fait de représenter, au moins dans le discours, le seul pôle de résistance à la « pensée unique » européenne. Enlevez qu FN « dédiabolisé » son jacobinisme, son eurosceptiscisme, ajoutez une pincée de libéralisme et que trouvez-vous ? Une UMP-bis.

      [Et comme disait Michel Blanc dans les bronzés : « sur un malentendu ça peut marcher ».]

      Oui, mais pas longtemps.

    • v2s dit :

      [Sur 1965, les interprétations diffèrent. Le PCF n’a pas présenté de candidat contre De Gaulle, et il a soutenu très mollement la candidature Mitterrand.]

      Si je m’en tiens aux leçons d’initiation à la politique, excellentes leçons distillées dans ce blog et dans ses commentaires, je ne peux pas ignorer que la seule façon, pour un puissant parti minoritaire, d’avoir des élus dans un système électoral non proportionnel, c’est de faire des alliances.

      La stratégie d’alliance du PC avec les socialistes, dont l’élection de 65 est un épisode, a permis au PCF d’avoir des mairies, des départements, des parlementaires, un groupe puissant à l’assemblée. Et cette stratégie s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui avec, entre temps, la longue époque de l’union de la gauche, et même, à son apogée, les ministres communistes au gouvernement.

      Dire que « ne pas présenter de candidat en 65 » relevait d’un pacte (informel) PC / De Gaulle, c’est esquisser l’ébauche d’une révision de l’histoire pour tenter de mettre au crédit du PC la parenthèse heureuse de la Vème république sous De Gaulle. Qui va croire un truc pareil ?

      [Mais ce n’est pas De Gaulle qui a libéré tout seul la France en 1944, et ce n’est pas De Gaulle qui a emporté tout seul les « succès » de la Vème République.]

      Vous persistez à mettre sur un même plan, d’une part les deux ans gouvernement d’union (SFIO, PC, MRP) présidé par De Gaulle et, d’autre part, la Veme république.

      Pendant les deux ans de gouvernement d’union 45-46, les trois principales forces politiques de la France mettent leurs différences entre parenthèses pour le bien commun des Français. Ces forces choisissent De Gaulle comme leader et ensemble ces trois forces rétablissent la république et lance la reconstruction du pays. Cette parenthèse aura duré deux ans.

      12 ans plus tard, De Gaulle, SANS le PCF, SANS les socialistes se fait élire président de la Veme république dont il a écrit le texte de la constitution. (ou dont il a dirigé l’écriture).

      Alors d’éminents historiens peuvent bien réfléchir sur l’importance de l’influence du PC ou sur l’influence de l’URSS … ils n’ont pas tort. Un contexte historique comporte effectivement de nombreuses composantes. La présence des communistes en France et dans le monde est l’une de ces composantes qui a forcément influencé De Gaulle et les dirigeants de l’époque.
      Comme aujourd’hui les djihadistes, ou la monté du FN ou le succès de Syriza ou la monté en puissance de la Chine ou l’ascension des géants américains, chinois et transnationaux (Google, Facebook, Alibaba, Amazon …) ou n’importe quel courant ou acteur majeur influence les choix et décisions de tout dirigeant, comme à toutes les époques.
      Mais de là à parler de pacte.

      PS : l’histoire de l’oiseau dans la bouse m’a vraiment rappelé mon enfance. J’ignore quel journaliste, quel commentateur, quel humoriste l’a écrite ou reprise à cette époque, mais elle a beaucoup circulé dans les années 50/60 dans les cours d’école, au bistrot ou autour de la table familiale, lors des repas dominicaux.
      Cette parabole explique parfaitement que « l’enfer est pavé de bonnes intentions » et que nos amis peuvent nous mettre dans l’embarras en croyant nos aider. Je ne vois pas trop en quoi cette parabole nous aiderait à croire en l’existence d’un pacte informel entre De Gaulle et le PC.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [La stratégie d’alliance du PC avec les socialistes, dont l’élection de 65 est un épisode, a permis au PCF d’avoir des mairies, des départements, des parlementaires, un groupe puissant à l’assemblée.]

      Pas vraiment. Encore une fois, vous faites de l’anachronisme, en inscrivant l’élection de 1965 dans la logique du programme commun, qui date de 1972, après le départ de mongénéral. En 1965, le soutien du PCF à la candidature de Mitterrand – qui à l’époque n’était même pas au parti socialiste – n’a pas donné au PCF un maire, un conseiller général, un parlementaire. Le PCF n’avait d’ailleurs pas à l’époque besoin d’alliances pour avoir un « groupe puissant à l’assemblée », puisqu’il avait un électorat très concentré.

      [Dire que « ne pas présenter de candidat en 65 » relevait d’un pacte (informel) PC / De Gaulle, c’est esquisser l’ébauche d’une révision de l’histoire pour tenter de mettre au crédit du PC la parenthèse heureuse de la Vème république sous De Gaulle. Qui va croire un truc pareil ?]

      Votre dernière remarque est très révélatrice. Le fait que personne ne « croie un truc pareil » n’a aucun effet sur sa véracité. Il y a plein de choses vrais que personne ne croit, et plein de choses fausses qui pourtant sont crues. Cette question finale montre combien vous vous placez non pas dans la logique de l’histoire et des faits, mais dans la logique du « roman » et de la croyance…

      Venons au fond. Pensez à 1981 : diriez vous que la direction du PCF a soutenu François Mitterrand ?
      Le fait est que le PCF est allé à l’élection de 1965 sans grand enthousiasme. D’une part parce que l’élection de De Gaulle paraissait jouée, et d’autre part parce que les troupes n’étaient pas très mobilisées pour « barrer la route » à De Gaulle. Déjà, lorsque le PCF avait appelé à voter « non » lors du référendum de 1958, ses propres troupes l’avaient abandonné et voté massivement « oui ». Et si le PCF de l’époque avait une vertu, c’est qu’au-delà de la langue de bois et des figures imposées il était à l’écoute de son électorat. Et son électorat n’était pas foncièrement antigaulliste.

      [Pendant les deux ans de gouvernement d’union 45-46, les trois principales forces politiques de la France mettent leurs différences entre parenthèses pour le bien commun des Français.]

      Là encore, vous idéalisez beaucoup ce que fut le GPRA. Jamais au grand jamais les « trois principales forces politiques » ont mis leurs différences « entre parenthèses ». Elles se sont au contraire battues pied à pied pour essayer de tirer la couverture à eux. C’est d’ailleurs de cette époque que datent les confidences de mongénéral sur le fait que les seuls qui jouaient le jeu de la reconstruction de la France étaient les communistes, alors que tous les autres, et surtout la SFIO, jouaient à se placer.

      [Ces forces choisissent De Gaulle comme leader et ensemble ces trois forces rétablissent la république et lance la reconstruction du pays. Cette parenthèse aura duré deux ans.]

      Là encore, vous romancez les faits. Jamais le PCF, le MRP et la SFIO n’ont « choisi » De Gaulle. De Gaulle s’est imposé à eux, y compris par des méthodes que la morale reprouve (au cas où vous ne le sauriez pas, je vous l’apprends : Darlan ne s’est pas suicidé et Giraud n’est pas parti tout seul). Et dans ces combats, c’est le PCF qui a le plus soutenu De Gaulle, alors que les politicards du MRP et de la SFIO se seraient bien accommodés d’une solution giraudiste… sous la coupe des américains. Et le PCF ne l’a pas soutenu par bonté d’âme mais parce qu’il était, parmi le alternatives possibles, celui qui était le moins soumis aux américains. Et De Gaulle en retour, donna au PCF une place qu’il n’aurait jamais eu sous Giraud, comme le montre l’affaire de l’exécution de Pucheu. Pas d’alliance formelle donc, mais une convergence d’intérêts et une disponibilité à travailler ensemble.

      [Alors d’éminents historiens peuvent bien réfléchir sur l’importance de l’influence du PC ou sur l’influence de l’URSS … ils n’ont pas tort. Un contexte historique comporte effectivement de nombreuses composantes. La présence des communistes en France et dans le monde est l’une de ces composantes qui a forcément influencé De Gaulle et les dirigeants de l’époque.]

      Mais ce n’est pas seulement une question de « influence ». C’est aussi une question de petits services rendus, d’une volonté de « non agression » des bastions de l’autre, de combats communs (même si chacun reste dans sa tranchée). Lorsque pour améliorer ses rapports avec l’URSS le pouvoir gaullien utilise certains anciens résistants du PCF pour ouvrir des canaux diplomatiques parallèles, ça s’appelle comment, à votre avis ? Lorsque dirigeants gaullistes et communistes se retrouvent dans un appartement secrètement en plein mai 1968 pour discuter des manières de stabiliser la situation et contenir le happening gauchiste, n’est on pas un peu plus loin qu’une simple « influence » ?

      [Cette parabole explique parfaitement que « l’enfer est pavé de bonnes intentions » et que nos amis peuvent nous mettre dans l’embarras en croyant nos aider. Je ne vois pas trop en quoi cette parabole nous aiderait à croire en l’existence d’un pacte informel entre De Gaulle et le PC.]

      Je crois que vous faites un contresens sur la parabole. En fait, elle dit exactement le contraire de ce que vous lui faites dire. Elle ne dit pas que « nos amis peuvent nous mettre dans l’embarras en croyant nous aider » : le passant qui met l’oiseau dans la bouse l’aide VRAIMENT. Ce que la parabole dit, c’est que les apparences sont trompeuses. Qu’une aide peut paraître, vue d’un certain angle, comme une agression et qu’au contraire, certaines agressions peuvent revêtir l’apparence d’une aide. Je trouve que cela illustre assez bien notre échange : vous vous concentrez sur l’apparence des rapports gaullo-communistes, sans vous interroger sur le fond de ces rapports.

    • v2s dit :

      La parabole de l’oiseau dans la bouse dit :
      [Cette histoire a trois moralités :
      1) Ceux qui te mettent dans la merde ne sont pas forcément tes ennemis.]

      Pour moi, ça semble clair, ceux qui te mettent dans la merde peuvent également, dans certaines circonstances, être tes amis, ce que je traduis logiquement par :
      [« L’enfer est pavé de bonnes intentions » (…) nos amis peuvent (aussi, parfois,) nous mettre dans l’embarras en croyant nous aider.]
      Mais non, il faut absolument qu’à vos yeux que je fasse un contresens, donc vous affirmez :
      [Ce que la parabole dit, c’est que les apparences sont trompeuses. Qu’une aide peut paraître, vue d’un certain angle, comme une agression et qu’au contraire, certaines agressions peuvent revêtir l’apparence d’une aide]
      Apres avoir relu 10 fois calmement 1/ la phrase, 2/ mon interprétation et 3/ la vôtre, il me semble que :
      – « Celui qui te met dans la merde n’est pas forcément ton ennemi » est absolument identique en sens à « même tes amis peuvent parfois te mettre dans la merde » (sous entendu, sans le vouloir).
      Si on se place, comme vous, du point de vue de l’observateur on peut aussi dire :
      – « ne nous fions pas aux apparences, cet homme qui a mis l’autre dans la merde, n’est pas son ennemi, c’est bien son ami et bien que les conséquences de son aide soient négatives, son acte n’était pas mal intentionné »
      Je n’arrive pas à entrevoir de contresens, ni de contradiction entre nos différentes interprétations.
      Et encore moins d’éléments pour étayer la thèse que vous défendez.
      Revenons en plutôt au fond.

      Pour en revenir au fond, à savoir le supposé pacte PC/De Gaulle, je ne vois pas bien ou vous voulez nous entraîner.
      La question reste de savoir si De Gaulle et les gaullistes considéraient le communisme, l’organisation socialiste de la société, le collectivisme comme une alternative intéressante pour la France. Pour moi, la réponse est NON.
      Est-ce que, de leur coté, les communistes considéraient que De Gaulle ou les gaullistes entraînaient la France vers une société de type socialiste, collectiviste et qu’il fallait donc l’aider ou les aider. Pour moi, la réponse est également NON.
      Alors, si les communistes ont vraiment fait un pacte « implicite » avec De Gaulle, force est de constater qu’ils se sont fait rouler dans la farine, parce que De Gaulle, sous la Véme république, n’a jamais fait la moindre concession ni au collectivisme, ni au marxisme ni à aucune forme d’organisation socialiste de la société française.

      A une époque où chacun se voudrait l’héritier du gaullisme, vous pouvez vous trouver des raisons de croire que les « vrais héritiers » c’est vous.
      Comme vous le dites, la parole est libre, tant que les faits sont respectés et qu’on s’en tient à des interprétations, sans réécrire l’histoire, ça n’engage que vous et ceux qui veulent vous croire.

      Ce que je préfère voir dans la gaullisme, c’est cette capacité qu’il a eu à concilier la planification et la libre entreprise, la contrainte de l’état pour assurer le cap et dire l’intérêt général et le respect des libertés individuelles pour laisser libre cours à l’entreprise privée, à l’initiative privée, à la liberté de commerce et d’industrie.
      J’ai souvent été surpris quand vous me dites que je suis le chantre du libre marché. Je ne suis pas un disciple de Madelin, je suis un « social démocrate ».
      Ce n’est pas le libre marché que veulent les sociaux démocrates. C’est la liberté d’entreprendre à l’intérieur de règles fixées par la loi et imposées par l’état.
      « Mon » gaullisme est peut être « romancé », mais c’est pourtant ce coté « social démocrate » (ou social libéral j’avoue humblement que la différence m’échappe) que j’ai retenu de la période gaulliste, et c’est cette démocratie sociale que je voudrais voir revenir.
      Et c’est aussi pour cette démocratie sociale que je vote, et que je voterai quand je choisirai entre Hollande, Juppé et un centriste, s’il vient à s’en présenter un moins ringard que Bayrou.
      J’écarterai toujours Sarkozy, le FN, la gauche du PS, le FG, le PG. Quand à EELV je suis bien trop conscient de la nécessité d’intégrer l’écologie dans toutes les décisions politiques, pour estimer qu’un parti politique puisse n’être « que » écologiste.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [1) Ceux qui te mettent dans la merde ne sont pas forcément tes ennemis.][Pour moi, ça semble clair, ceux qui te mettent dans la merde peuvent également, dans certaines circonstances, être tes amis, ce que je traduis logiquement par : [« L’enfer est pavé de bonnes intentions » (…) nos amis peuvent (aussi, parfois,) nous mettre dans l’embarras en croyant nous aider.]

      Et c’est là, justement, que vous faites un contresens : ce n’est pas « en croyant nous aider ». Le passant qui met l’oiseau dans la bouse ne « croit pas l’aider », il l’aide effectivement. Vous voulez à tout prix introduire dans la parabole un élément qui n’y est pas : ce n’est pas que nos amis nous mettent dans la merde « en croyant nous aider », mais « en nous aidant ».

      [Mais non, il faut absolument qu’à vos yeux que je fasse un contresens,]

      Ce n’est pas le cas. Mais si c’était mon intention, je trouverais chez vous un partenaire ideal…

      [Apres avoir relu 10 fois calmement 1/ la phrase, 2/ mon interprétation et 3/ la vôtre, il me semble que :- « Celui qui te met dans la merde n’est pas forcément ton ennemi » est absolument identique en sens à « même tes amis peuvent parfois te mettre dans la merde » (sous entendu, sans le vouloir).]

      Jusqu’au « sous entendu », vous aviez juste. Mais vous tenez absolument à rajouter un « sous-entendu » qui ne s’y trouve pas…

      [La question reste de savoir si De Gaulle et les gaullistes considéraient le communisme, l’organisation socialiste de la société, le collectivisme comme une alternative intéressante pour la France. Pour moi, la réponse est NON.]

      A ma connaissance, c’est une question que personne qui connaisse un minimum l’histoire ne se pose. Si De Gaulle avait pensé au communisme comme « une alternative intéressante pour la France », il aurait été communiste. Et de la même manière, personne ne se demande si Thorez a jamais considéré que le capitalisme – fut il à la sauce gaulliste – ait été son objectif dans la vie. Si nous ne faisions des compromis qu’avec les gens avec lesquels nous sommes d’accord, nous ferions bien peu de compromis dans la vie. Mais De Gaulle n’avait pas besoin de vouloir une société communiste pour considérer qu’à l’heure de rétablir la France dans sa souveraineté, ceux qui voulaient une société communiste étaient des alliés.

      [Alors, si les communistes ont vraiment fait un pacte « implicite » avec De Gaulle, force est de constater qu’ils se sont fait rouler dans la farine, parce que De Gaulle, sous la Véme république, n’a jamais fait la moindre concession ni au collectivisme, ni au marxisme ni à aucune forme d’organisation socialiste de la société française.]

      Il ne faudrait tout de même pas exagérer. Le capitalisme a la sauce gaullienne a socialisé toute une série de services et de protections sociales, et conservé celles qui avaient été socialisés auparavant. Du point de vue du PCF, De Gaulle n’était peut-être pas l’idéal, mais c’était certainement le moindre mal. La logique d’alliances n’implique pas nécessairement de la part de l’autre des « concessions ». Pour la fonder, la simple convergence d’intérêts suffit. Churchill et Staline furent des alliés, et ni l’un ni l’autre n’étaient du genre à faire des concessions, ni étaient le moins du monde séduits par le modèle que l’autre défendait…

      [A une époque où chacun se voudrait l’héritier du gaullisme, vous pouvez vous trouver des raisons de croire que les « vrais héritiers » c’est vous.]

      La répétition ne constitue pas un argument, et le procès d’intention encore moins.

      [Comme vous le dites, la parole est libre, tant que les faits sont respectés et qu’on s’en tient à des interprétations, sans réécrire l’histoire, ça n’engage que vous et ceux qui veulent vous croire. Ce que je préfère voir dans la gaullisme (…)]

      Décidez vous : d’un côté vous me dites qu’il faut respecter les faits et ne pas réecrire l’histoire, de l’autre vous décidez ce que vous « préférez voir » dans le gaullisme… dois-je conclure que si vous n’acceptez pas l’idée d’un « pacte gaullo-communiste », c’est que vous « préférez ne pas le voir » ?

      [(…) c’est cette capacité qu’il a eu à concilier la planification et la libre entreprise, la contrainte de l’état pour assurer le cap et dire l’intérêt général et le respect des libertés individuelles pour laisser libre cours à l’entreprise privée, à l’initiative privée, à la liberté de commerce et d’industrie.]

      Alors vous « préférez voir » ce qui n’est pas là. Parce que mongénéral s’asseyait allégrement sur la « libre entreprise », et qu’il était trop méfiant de « l’initiative privée » pour lui laisser « libre cours ». Au point que la « liberté de commerce et d’industrie » à laquelle vous faites mention ne figure nulle part dans la constitution qu’il a porté sur les fonts baptismaux. Pour peu, vous feriez de mongénéral un Madelin avant l’heure…

      [J’ai souvent été surpris quand vous me dites que je suis le chantre du libre marché. Je ne suis pas un disciple de Madelin, je suis un « social démocrate ». Ce n’est pas le libre marché que veulent les sociaux démocrates. C’est la liberté d’entreprendre à l’intérieur de règles fixées par la loi et imposées par l’état.]

      Tout à fait. Ca s’appelle « vouloir le beurre et l’argent du beurre ». « Libre cours à l’entreprise privée », mais avec des règles. Les riches doivent pouvoir s’enrichir béaucoup, mais sans appauvrir les pauvres… et on sait comment ça finit.

      [« Mon » gaullisme est peut être « romancé », mais c’est pourtant ce coté « social démocrate » (ou social libéral j’avoue humblement que la différence m’échappe) (…)]

      Et qui vous a dit qu’il y avait une différence ?

      [(…) que j’ai retenu de la période gaulliste, et c’est cette démocratie sociale que je voudrais voir revenir.]

      Là, j’avoue que je ne vous comprends plus. Cette « démocratie sociale » impliquait de mettre la « libre entreprise » en coupe réglée. Dans beaucoup d’entreprises, publiques mais aussi privées, la cogestion est devenue chose courante. Le crédit était contrôlé par l’Etat et contingenté, de manière à aller prioritairement aux secteurs repérés par le « Plan ». La période gaullienne a vu la rémunération du capital devenir faible et même négative. En même temps, ce fut une période de protectionnisme assumé, non seulement au niveau des douanes, mais aussi au niveau des achats des entreprises et administrations publiques. Imaginait-on La Poste acheter autre chose que des Renault ? Les fonctionnaires voyager sur une ligne aérienne qui ne fut pas Air France, Air Inter ou UTA ? Et vous allez me parler de « libre entreprise » ? Vous rigolez…

      Vous allez vite en besogne lorsque vous dites que De Gaulle n’a jamais été tenté par le communisme. Même s’il était « moralement » très loin des communistes, il n’a pas répugné à reprendre chez eux pas mal de choses : l’idée d’une économie planifiée, le contrôle par l’Etat des « grands moyens de production et d’échange »…

      [Et c’est aussi pour cette démocratie sociale que je vote, et que je voterai quand je choisirai entre Hollande, Juppé et un centriste, s’il vient à s’en présenter un moins ringard que Bayrou.]

      Je vous comprends de moins en moins : d’un côte vous me dites vouloir « voir revenir » la « démocratie sociale » à la mode gaullienne, de l’autre vous irez voter pour un libéral eurolâtre, c’est-à-dire, pour ceux-là même qui depuis trente ans ont tout fait pour enterrer la « certaine idée de la France » que portait De Gaulle. Pensez-vous que tout ça soit cohérent ? Pensez-vous vraiment que la « démocratie sociale » de mongénéral soit vraiment compatible avec l’adhésion génuflexe au libéralisme euro-compatible de Hollande, Juppé ou d’un « centriste » ?

    • v2s dit :

      @bovard
      Il me semble qu’en choisissant « Républicains » comme nom pour son parti, Sarkozy fait un choix un peu bébête qui consiste à copier l’Amérique, à affirmer son admiration sans bornes pour les USA.
      Il se donne ainsi l’impression de faire rentrer la France dans une ère de modernité, de faire pour la politique française, le choix d’être « aussi bien que l’Amérique ».
      Je me souviens de son comportement de « petit garçon » quand, dans les premiers jours de son quinquennat, il avait cru apporter à sa femme, Cécilia, un argument décisif la pour la garder: « je vais te faire rencontrer le président des Etats Unis ». Comme un gamin qui promettrait à sa petite amie de lui présenter une rock-star.
      Sarkozy est un intuitif, il a, bien entendu, de nombreux conseillers, mais parfois il se comporte comme un gamin. Les « Républicains », pour lui, c’est l’Amérique.
      Ce faisant, c’est aussi une façon de dire : je crois pour la France aux vertus du bipartisme à l’américaine, une façon de dire que plus de deux partis, ce serait ringard : Les républicains, les démocrates et rien autre.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Il me semble qu’en choisissant « Républicains » comme nom pour son parti, Sarkozy fait un choix un peu bébête qui consiste à copier l’Amérique, à affirmer son admiration sans bornes pour les USA.]

      Je ne crois pas. Je pense plutôt que Sarkozy a cherché à éviter le conflit. Choisir un nom pour un parti est toujours une opération délicate, parce que choisir, comme disait l’autre, c’est annuler tous les possibles sauf un. Et dont se fâcher avec les défenseurs de chacun de ces « possibles ». Aurait-il choisi le terme « droite », on l’aurait accusé de rejeter le « centre ». Aurait-il inclus le terme « européen », il aurait fait hurler les eurosceptiques. Et ainsi de suite. En choisissant un mot qui est « consensuel il éviter évite les réactions du genre « moi je ne suis pas Charlie ». Qui osera à l’UMP dire « moi je ne suis pas républicain » ?

      Mais je pense que Sarkozy se trompe. D’abord, parce que ce choix apparaîtra fatalement comme une tentative de récupération. Mais aussi parce que le consensus autour du mot « républicain » n’est pas aussi fort qu’on ne le croit. Même si personne ne le récusera publiquement, on évite soigneusement de l’employer chez les eurolâtres de tout poil, chez les fédéralistes.

    • BolchoKek dit :

      @ Descartes
      Il faut dire que la droite française a presque toujours eu des noms de parti dans ce genre… Avant guerre on avait la “Fédération Républicaine” et “Alliance Démocratique”, après on a eu le “Rassemblement pour la France” et le “Mouvement Républicain Populaire” ; la “Union pour la Nouvelle République” est celle qui avait le plus de signification dans le contexte de la cinquième république. Et je ne parle pas des UDF, RPR, UDR, qui étaient tous dans le même genre. La tendance semble être que les plus centristes se disent plutôt “démocrates” tandis que les plus à droite préfèrent “républicains”.
      Mais je suis d’accord que le nom est pour le coup très mal choisi. Les précédents étaient en fait des sigles dont on attachait peu d’importance à la signification mais qui étaient distinctifs. Ils auraient pu trouver quelque chose du genre “Union des Républicains et Démocrates”, mais comme tu le dis les communicants trouveraient probablement ça trop vieillot… Comme si les vieux n’étaient pas de toute façon l’un des électorats de droite les plus importants !

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Il faut dire que la droite française a presque toujours eu des noms de parti dans ce genre… Avant guerre on avait la “Fédération Républicaine” et “Alliance Démocratique”, après on a eu le “Rassemblement pour la France” et le “Mouvement Républicain Populaire” ; la “Union pour la Nouvelle République” est celle qui avait le plus de signification dans le contexte de la cinquième république.]

      Ce n’est pas tout à fait la même chose. Que nous dit un nom comme « Fédération républicaine » de l’organisation qui le porte ? D’abord, que c’est une fédération, et ensuite, que les membres de cette fédération adhèrent aux principes républicains. Elle n’implique nullement qu’elle regroupe TOUS les républicains. Vous remarquerez que dans tous les noms que vous citez, les termes « républicain », « populaire », « démocratique » sont utilisés comme qualificatifs. Ils nous disent dans quel but a été constitué une « union », une « fédération », un « mouvement ». Mais pas leurs membres.

      Lorsqu’on choisit de s’appeler « les républicains », ou « les communistes », on fait une confusion entre l’organisation et ses membres. Dès lors qu’une organisation s’appelle « les républicains », toute personne qui se revendique « républicain » est censé en faire partie.

      [Et je ne parle pas des UDF, RPR, UDR, qui étaient tous dans le même genre. La tendance semble être que les plus centristes se disent plutôt “démocrates” tandis que les plus à droite préfèrent “républicains”.]

      Pas forcément. Ainsi, le « Front Républicain » est une invention de la gauche. Chèvenement avait appelé son parti « Mouvement Républicain et Citoyen ». Mais il est vrai que la gauche a abandonné depuis la fin des années 1960 le terme « République » – mai 1968 est passé par là – pour ne le reprendre que très récemment.

    • BolchoKek dit :

      >Pas forcément. Ainsi, le « Front Républicain » est une invention de la gauche.< Bien entendu. Je parlais surtout de la droite et de ses habitudes… >Mais il est vrai que la gauche a abandonné depuis la fin des années 1960 le terme « République » < Je me souviens de Jean-François Kahn racontant que dans les milieux intellectuels il y a quelques années il se faisait traiter de “républicain”, et que c’était vu comme une injure méprisante par ceux qui la proféraient… Au moment du lancement de “Marianne”, le nom même du journal avait été pensé comme une provocation. Aujourd’hui, nombre de ceux-ci se posent en rempart contre la barbarie antirépublicaine… O tempora, o mores…

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Je me souviens de Jean-François Kahn racontant que dans les milieux intellectuels il y a quelques années il se faisait traiter de “républicain”, et que c’était vu comme une injure méprisante par ceux qui la proféraient… Au moment du lancement de “Marianne”, le nom même du journal avait été pensé comme une provocation. Aujourd’hui, nombre de ceux-ci se posent en rempart contre la barbarie antirépublicaine… O tempora, o mores…]

      N’est ce pas ? Je crois que c’était Daniel Lindenberg qui dans son bouquin « Enquête sur les nouveaux réactionnaires » était allé plus loin dans cette direction. Etre « républicain », c’était presque s’acoquiner avec les « rouges-bruns ». La République, c’était Ferry le colonialiste. La République était raciste, sexiste, conformiste bref, elle accumulait tout ce qui est péché pour les bobos postmodernes. C’est en cela que la tragédie de « Charlie Hebdo » a été utile : elle a montré combien les débats germanopratins sont dérisoires, et combien ces soi-disant élites se sont perdues dans leurs délires et ont négligé le réel.

  7. dssk dit :

    @ v2s

    [Il me semble qu’en choisissant « Républicains » comme nom pour son parti, Sarkozy fait un choix un peu bébête qui consiste à copier l’Amérique, à affirmer son admiration sans bornes pour les USA.]

    100% d’accord, si ce n’est que ce n’est pas “un peu bébête”, c’est de la pure provocation, de la part de cet américanolâtre impénitent, dont je rappelle qu’il avait jugé bon de passer ses premières vacances d’été de président dans le ranch du “républicain” George Bush. Personnellement, je suggèrerais au FN de parodier ce nouveau nom en “Les Américains”.

    • BolchoKek dit :

      @dssk (faute de frappe ou double maléfique ?)

      >Personnellement, je suggèrerais au FN de parodier ce nouveau nom en “Les Américains”.< Je serais intéressé de savoir ce que pense Henri Guaino de ce nouveau nom. Il détestait déjà l’UMP pour son nom et pour sa formule “big tent” à l’américaine. Si en plus ce surnom se répand…

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Je serais intéressé de savoir ce que pense Henri Guaino de ce nouveau nom. Il détestait déjà l’UMP pour son nom et pour sa formule “big tent” à l’américaine. Si en plus ce surnom se répand…]

      La dernière fois que je l’ai vu s’exprimer publiquement, il a été très critique de la posture de Sarkozy. Mais c’était avant l’annonce du nouveau nom. J’ai du mal à imaginer qu’un homme comme Guaino puisse s’en satisfaire. Il a trop de culture historique pour imaginer qu’un seul courant politique puisse réclamer la République pour lui seul…

    • dsk dit :

      @ Bolchokek

      [“@dssk (faute de frappe ou double maléfique ?)”]

      Que voulez-vous, Sarkozy me hérisse à un point tel qu’il me fait commettre des fautes de frappe. Car oui, je l’avoue, je le confesse, ici, devant Descartes, oui ! je suis un anti-sarkozyste primaire, secondaire, tertiaire, et même quaternaire ! C’est un véritable maladie, pour laquelle je n’ai pu trouver jusqu’à présent que deux médicaments. Le premier, c’est Hollande. Depuis qu’il est président, j’ai retrouvé mon calme intérieur, je m’enivre aux douces effluves du mariage gay, de la théorie du genre et de la commémoration continuelle, tandis que Sarkozy m’apparaît de plus en plus lointain, inoffensif, presque sympathique. Toutefois, il ne s’agit là que d’un anti-douleur, d’une drogue anesthésiante aux effets provisoires. Pour le traitement de fond, je me soigne avec Descartes.

    • CVT dit :

      @Descartes,
      [Il a trop de culture historique pour imaginer qu’un seul courant politique puisse réclamer la République pour lui seul…]

      La tentative de Sarkozy de s’arroger le terme de “République”, prouve surtout à quelle point la gauche n’est plus républicaine, et ce au moins depuis le fameux texte de Régis Debré en 1989.
      Je pense effectivement que les socialistes d’aujourd’hui sont les descendants de la politique de L.Jospin, anti-républicain parmi tous.
      La date de 1989, outre le bicentenaire de la Révolution et son grand guignol du 14-Juillet, marque pour moi, la déchéance du PS du piédestal républicain: l’affaire des collégiennes voilées de Creil m’a marqué au fer rouge, et la brûlure s’est réveillée le 7 janvier dernier!
      Les socialistes avaient lâchement abandonné le proviseur du collège de Creil, M.Chénière (un Antillais, au passage! Comme quoi, la méritocratie avait du bon!), grand proviseur soucieux des principes laïcs et républicains. Or loin de le défendre, les socialistes l’ont livré à la vindicte médiatique (et non populaire car je crois que bien des Français le soutenaient contre les deux contrevenantes…), et on a vu poindre pour la première le troupeau d’ayatollahs politiquement correct qui sévit encore de nos jours dans le ministère de l’Education (à quand le retour du ministère de l’Instruction Publique?).
      On sous-estime largement l’impact de cette affaire de Creil, qui pour moi apparaît comme une affaire Dreyfus à l’envers: la gauche a délibérément choisi la frange la plus rétrograde de l’immigration contre son propre peuple! Corrigez-moi si je me trompe, mais cette affaire a été l’un des déclencheurs du texte encore fameux de R.Debré que j’ai évoqué plus haut.
      C’est aussi à cette occasion que les socialistes ont jeté une poignée de sable supplémentaire sur le cercueil de la République en annonçant la tristement célèbre réforme Jospin-Allègre, celle qui met l’élève (et donc l’arbitraire) au centre du système scolaire! Désormais, les élèves sont aussi savants que leurs maîtres (oui, j’utilise le mot à dessin)!
      Et depuis, cela n’a pas cessé: la laïcité a été foulée au pied depuis 25 ans, et le niveau scolaire n’a cessé de baisser, jusqu’à la suppression de fait des humanités (i.e. les cours de grec et de latin classiques), dont on nous dit qu’ils sortiront renforcés par la mise en place de l’apprentissage de la deuxième langue étrangère en classe 5è….
      Et si on arrêtait de transformer notre langue, le français, en langue étrangère pour les Français? Ce serait déjà un premier pas vers la République auquel nous aspirons quasiment tous…

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Que voulez-vous, Sarkozy me hérisse à un point tel qu’il me fait commettre des fautes de frappe. Car oui, je l’avoue, je le confesse, ici, devant Descartes, oui ! je suis un anti-sarkozyste primaire, secondaire, tertiaire, et même quaternaire !]

      C’est très dommage qu’un homme intelligent comme vous – et ne voyez dans ce compliment aucune ironie – se laisse aveugler par la haine. Une haine qui, je suis désolé de le dire, ressemble à mon avis un peu trop à une haine de classe. Après tout, notre paysage politique est parsemé de gens dont l’action est certainement bien plus néfaste que celle de Sarkozy, et qui pourtant ne font pas l’objet de la part de nos classes moyennes boboïsées d’un tel acharnement. Est-ce parce que Sarkozy a piétiné visiblement toutes les vaches sacrées de la bienpensance, alors que les autres ont eu la prudence de leur payer l’hommage que notre société médiatisée exige ? Est-ce parce que ses gestes, sa diction, ses réflexes, son accent même sont ceux d’un « parvenu » ?

      Je dois dire que je suis une personne plutôt bienveillante. J’ai beaucoup de mal à entrer dans une logique de haine. Je crois que dans toute mon expérience politique, il n’y a qu’un homme politique que j’aurais voulu voir rôtir dans les feux de l’enfer, et je vous laisse deviner lequel. D’un point de vue humain, même les pires personnages m’inspirent plutôt de la curiosité que de la détestation. Je recherche en eux le tragique – qui est en chacun d’entre nous – plutôt que de rentrer dans une logique de jeu de massacre. En fait, j’aime les personnages intéressants, et Sarkozy est certainement un personnage intéressant.

      [C’est un véritable maladie, pour laquelle je n’ai pu trouver jusqu’à présent que deux médicaments. Le premier, c’est Hollande. Depuis qu’il est président, j’ai retrouvé mon calme intérieur, je m’enivre aux douces effluves du mariage gay, de la théorie du genre et de la commémoration continuelle, tandis que Sarkozy m’apparaît de plus en plus lointain, inoffensif, presque sympathique.]

      Il est vrai que rien ne rend Sarkozy plus sympathique que l’examen des alternatives. Mais je souligne le paradoxe : à mon sens, l’histoire retiendra l’action – si l’on me pardonne l’exagération en utilisant ce terme – de Hollande comme bien plus néfaste que celle de Sarkozy. Et pourtant, on ne trouve contre lui nul acharnement.

      [Toutefois, il ne s’agit là que d’un anti-douleur, d’une drogue anesthésiante aux effets provisoires. Pour le traitement de fond, je me soigne avec Descartes.]

      Excellente prescription…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [On sous-estime largement l’impact de cette affaire de Creil, qui pour moi apparaît comme une affaire Dreyfus à l’envers: la gauche a délibérément choisi la frange la plus rétrograde de l’immigration contre son propre peuple! Corrigez-moi si je me trompe, mais cette affaire a été l’un des déclencheurs du texte encore fameux de R.Debré que j’ai évoqué plus haut.]

      C’est « Debray » et non « Debré »… mais vous avez en grande partie. Je diffère cependant avec vous sur un point. La gauche n’a rien « choisi délibérément ». Et c’est bien là le problème : cela fait bien longtemps que la gauche ne « délibère » plus. La délibération implique un débat suivi d’un choix. Or, ce à quoi on a assisté dans cette affaire et à quoi on assiste chaque jour c’est à l’incapacité d’abord d’avoir un véritable débat autant que de prendre une décision ferme à son issue. La gauche depuis trente ans c’est la ligne de la moindre résistance. Pas parce qu’on dit « oui », mais parce qu’on n’a pas le courage de dire « non ». Bref, la politique du chien crevé au fil de l’eau. Ce qu’on peut reprocher à la gauche dans l’affaire de Creil n’est pas ses mauvais choix, mais son absence de choix. Et une absence de choix finit toujours par bénéficier au lobby le mieux organisé.

      [Et si on arrêtait de transformer notre langue, le français, en langue étrangère pour les Français? Ce serait déjà un premier pas vers la République auquel nous aspirons quasiment tous…]

      Bonne proposition… mais je doute qu’elle s’inscrive dans la réforme du collège qu’on nous propose aujourd’hui.

    • dsk dit :

      @ Descartes

      Je tiens tout d’abord à vous remercier de me permettre de poursuivre ainsi cette sarko-thérapie avec vous. Je vais tâcher de m’y prêter avec toute la sincérité dont je suis capable.

      [“C’est très dommage qu’un homme intelligent comme vous – et ne voyez dans ce compliment aucune ironie – se laisse aveugler par la haine.”]

      Très honnêtement, je ne pense pas ressentir de la haine envers Sarkozy. Je dirais plutôt qu’il représente pour moi la “tête à claques” absolue. Si je cherche à présent à en comprendre la raison, je me dis que c’est sans doute parce qu’il est le contraire de ce que j’attends, personnellement, d’un dirigeant politique, à savoir qu’il soit d’abord un grand Artiste. Or, dès que j’aperçois Sarkozy, je ne vois qu’un épouvantable acteur de série Z, qui joue atrocement faux, ce qui me déclenche l’irrépressible envie de lui balancer des tomates, des œufs pourris et tout ce qui peut me tomber sous la main. Mais si j’en veux à quelqu’un, ce n’est pas à ce pauvre minable, mais au producteur de ce one-man-show pathétique : la CIA ne pouvait-elle faire en sorte, au moins, de placer un bon acteur à la tête de l’État français?

      [“Une haine qui, je suis désolé de le dire, ressemble à mon avis un peu trop à une haine de classe.”]

      Vous croyez ? Je dirais plutôt une haine de son absence de classe.

      [“Après tout, notre paysage politique est parsemé de gens dont l’action est certainement bien plus néfaste que celle de Sarkozy, et qui pourtant ne font pas l’objet de la part de nos classes moyennes boboïsées d’un tel acharnement.”]

      Vous avez raison. C’est d’ailleurs en cela que la lecture de votre blog m’a permis de me guérir partiellement de cet anti-sarkozysme obsessionnel. Les aperçus vertigineux que l’on y trouve sur le monde de la gauche, que je connaissais mal, m’ont fait réaliser qu’il y a peut-être encore pire que Sarkozy.

      [“Est-ce parce que ses gestes, sa diction, ses réflexes, son accent même sont ceux d’un « parvenu » ?”]

      Je trouve assez curieux que vous utilisiez ce terme de “parvenu” à son sujet. Une recherche rapide sur Google montre que Sarkozy appartient à un milieu fort bourgeois. Quoi qu’il en soit, Tapie, qui était, lui, le type même du “parvenu”, ne déclenchait pas du tout chez moi le même type de rejet.

      [“En fait, j’aime les personnages intéressants, et Sarkozy est certainement un personnage intéressant.”]

      Possible. Je vais y réfléchir… En tout cas, je crois que je me sens désormais beaucoup mieux, et je vous en remercie chaleureusement.

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Je tiens tout d’abord à vous remercier de me permettre de poursuivre ainsi cette sarko-thérapie avec vous. Je vais tâcher de m’y prêter avec toute la sincérité dont je suis capable.]

      Vous me direz où je dois envoyer la facture. Comme l’a montré Freud, une thérapie psychique ne marche pas si elle est gratuite…

      [Très honnêtement, je ne pense pas ressentir de la haine envers Sarkozy. Je dirais plutôt qu’il représente pour moi la “tête à claques” absolue. Si je cherche à présent à en comprendre la raison, je me dis que c’est sans doute parce qu’il est le contraire de ce que j’attends, personnellement, d’un dirigeant politique, à savoir qu’il soit d’abord un grand Artiste.]

      Oui, mais des têtes à claques, il y en a d’autres. Et pourtant, elles n’ont jamais mérité le genre de réaction que suscite Sarkozy dans une certaine frange des « classes moyennes ». On a eu des politiciens bien plus ignorants, vains, erratiques, faux, etc. que Sarkozy. Pourquoi les traite-t-on généralement avec une ironie amusée, style canard enchaîné, et rien de plus. Pourquoi Sarkozy se singularise au point que certains désirent publiquement sa mort ? Posez-vous la question, je pense qu’elle est intéressante.

      [“Une haine qui, je suis désolé de le dire, ressemble à mon avis un peu trop à une haine de classe.”][Vous croyez ? Je dirais plutôt une haine de son absence de classe.]

      Exactement. Il n’a aucun des attributs qui l’identifient aux « classes » que la bienpensance considère dignes d’exercer le pouvoir. Dans le discours anti-sarkozyste primaire je retrouve des sonorités qui me rappellent le discours anti-Marchais des années 1980…

      [Je trouve assez curieux que vous utilisiez ce terme de “parvenu” à son sujet. Une recherche rapide sur Google montre que Sarkozy appartient à un milieu fort bourgeois.]

      Sarkozy a fréquenté un milieu « fort bourgeois ». Mais toujours comme un outsider. Il a beaucoup d’amis très riches, mais il n’est pas riche lui-même. Son patrimoine, qui peut être consulté, est relativement modeste. Il est de toute évidence fasciné par l’argent, mais il n’a pas fait de l’argent lui-même. C’est d’ailleurs un élément intéressant de sa personnalité : pourquoi un homme comme lui, qui aurait certainement pu faire beaucoup d’argent dans les affaires s’il s’y était consacré, a préféré plutôt le chemin de la politique, qui peut certainement offrir beaucoup de satisfactions, mais finalement relativement peu d’argent ?

      Sarkozy est un « parvenu » au sens qu’il a réussi sans emprunter les voies socialement acceptables de la réussite. Il n’a pas suivi la voie bourgeoise de l’héritage, n’étant pas un « fils de », pas plus que la voie méritocratique, étant un étudiant assez moyen. Et, comble des combles, il n’a fait aucune concession à la « bienséance ». Ni a celle des bourgeois (plusieurs divorces…) ni a celle des « classes moyennes » (évident mépris pour les attributs culturels). Ecoutez le parler : sa diction est plus proche de celle du jeune de banlieue que de celle d’un Pompidou ou d’un Giscard…

      [Quoi qu’il en soit, Tapie, qui était, lui, le type même du “parvenu”, ne déclenchait pas du tout chez moi le même type de rejet.]

      Tapie a su rester à sa place : S’il était devenu président de la République, il aurait probablement déclenché le même type de rejet.

    • @ Descartes,

      “Il n’a pas suivi la voie bourgeoise de l’héritage, n’étant pas un « fils de », pas plus que la voie méritocratique, étant un étudiant assez moyen. Et, comble des combles, il n’a fait aucune concession à la « bienséance ». Ni a celle des bourgeois (plusieurs divorces…) ni a celle des « classes moyennes » (évident mépris pour les attributs culturels). Ecoutez le parler : sa diction est plus proche de celle du jeune de banlieue que de celle d’un Pompidou ou d’un Giscard…”

      Ce que vous dites là est fort intéressant. En ce qui me concerne, je déteste Sarkozy. Mais pas pour son action en tant que président: comme vous, je pense qu’il n’a pas été un aussi mauvais président qu’on veut bien le dire. Sur la politique industrielle, la fermeté en matière de sécurité routière, la conception de l’autorité de l’Etat, je pense que Sarkozy n’avait pas tout faux. Le problème, c’est que Sarkozy me renvoie l’image d’un Américain moyen, arrogant, ignare et vulgaire. Mais non dénué de talent: il s’entourait mieux que Hollande, et surtout, très grande qualité, il sait susciter des fidélités. Il faut le dire: Sarkozy a beaucoup de fidèles qui l’ont défendu sans faillir, même après sa défaite, et ont publiquement souhaité son retour. C’est impressionnant. Combien de socialistes monteront au créneau pour défendre Hollande et son bilan (le mot est osé, j’en conviens) si l’actuel président est balayé en 2017? Je prends les paris qu’ils ne seront pas nombreux.

      Mais sa “diction plus proche de celle du jeune de banlieue que de celle d’un Pompidou ou d’un Giscard”, c’est à mes yeux impardonnable. La France est une nation de culture, et en particulier une nation de littérature. La langue est (ou était) fondamentale pour notre identité. De ce point de vue, Sarkozy incarne une forme de décadence culturelle (qui a cependant commencé avant lui), ainsi qu’une certaine France “urbaine” issue de l’immigration, ignare, inculte et vulgaire. Si Sarkozy est arrivé au pouvoir, cela veut peut-être dire que les “jeunes de banlieue” y arriveront demain, avec leur diction infâme, leur vocabulaire d’une pauvreté affligeante.

      Cela a d’ailleurs déjà commencé: je lisais il y a quelques mois un dossier dans Marianne sur la nouvelle “équipe” mise en place à Bobigny après la victoire de l’UDI aux municipales (contre le PCF..). Les “petites frappes” sont aux manettes, avec leurs méthodes (menaces, intimidations). Ce n’est que le début.

      De ce point de vue, l’ascension d’un Sarkozy est la preuve que la France est mourante.

    • Descartes dit :

      @nationalistejacobin

      [Le problème, c’est que Sarkozy me renvoie l’image d’un Américain moyen, arrogant, ignare et vulgaire.]

      Ce n’est pas vraiment ma perception. L’américain moyen a une haute opinion de lui-même, et n’a aucune conscience de ses insuffisances. Sarkozy, au contraire, est un complexé. Il souffre de ne pas avoir fait l’ENA, il souffre de ne pas être cultivé. Au point qu’une fois arrivé au pouvoir il a bien séparé ceux qui étaient ses « porte-flingues » politiques, et ceux qui étaient des véritables « intellectuels ». Un américain moyen admirerait-il Guaino ou Buisson (dont on peut dire beaucoup de choses, mais pas qu’il manque de culture) ? Se laisserait-il émouvoir par la lettre de Guy Mocquet ?

      [Mais non dénué de talent: il s’entourait mieux que Hollande, et surtout, très grande qualité, il sait susciter des fidélités. Il faut le dire: Sarkozy a beaucoup de fidèles qui l’ont défendu sans faillir, même après sa défaite, et ont publiquement souhaité son retour. C’est impressionnant.]

      Je n’avais pas noté ce point, mais vous avez tout à fait raison. Il est notable comment les fidèles de Nicolas Sarkozy le sont restés alors que celui-ci n’avait plus rien à distribuer. Certains risquent même d’aller en prison pour lui, et pourtant personne n’a essayé de rejeter la responsabilité sur lui – et les médias n’attendent que ça. Au contraire. Lorsqu’on voit ce que valent les fidélités dans le monde politique français, il est vrai que c’est remarquable.

      [Mais sa “diction plus proche de celle du jeune de banlieue que de celle d’un Pompidou ou d’un Giscard”, c’est à mes yeux impardonnable. La France est une nation de culture, et en particulier une nation de littérature. La langue est (ou était) fondamentale pour notre identité. De ce point de vue, Sarkozy incarne une forme de décadence culturelle (qui a cependant commencé avant lui), ainsi qu’une certaine France “urbaine” issue de l’immigration, ignare, inculte et vulgaire. Si Sarkozy est arrivé au pouvoir, cela veut peut-être dire que les “jeunes de banlieue” y arriveront demain, avec leur diction infâme, leur vocabulaire d’une pauvreté affligeante.]

      J’aurais tendance à tirer une interprétation qui est l’inverse de la votre. Oui, Sarkozy est notre premier président « plébéien ». Mais vous pouvez constater que pratiquement personne – ni à droite, ni à gauche, ni l’intéressé lui-même – n’en ont tiré un motif de satisfaction. Personne n’a dit « c’est bien d’avoir enfin un président qui parle comme le peuple ». Même les soixante-huitards attardés qui ont tendance de se moquer du « parler cultivé » de nos élites ont brocardé Sarkozy. Et cela est plutôt encourageant : on voit que le « surmoi littéraire » de notre pays reste toujours très puissant. Paradoxalement, même l’intéressé partage ce surmoi, puisqu’il avait pris la peine de se faire écrire des discours qui, en général, sont des pièces littéraires dignes de ses prédécesseurs et pas du tout dans la ligne du « Sarkozy spontané » qu’on connaît.

      Reste que la communication moderne privilégie les profils de gens ignares, incultes et vulgaires, au point que même les politiques qui ne le sont pas font des efforts considérables pour cacher leur culture, pour parler une langue « facile », en un mot, pour occulter tout ce qui pourrait leur donner ne image « au dessus de la moyenne ». Et de ce point de vue, les français restent très ambigus.

      [Cela a d’ailleurs déjà commencé: je lisais il y a quelques mois un dossier dans Marianne sur la nouvelle “équipe” mise en place à Bobigny après la victoire de l’UDI aux municipales (contre le PCF..). Les “petites frappes” sont aux manettes, avec leurs méthodes (menaces, intimidations). Ce n’est que le début.]

      Rien n’est plus terrible que le pouvoir politique sans une idéologie pour lui mettre des limites.

      [De ce point de vue, l’ascension d’un Sarkozy est la preuve que la France est mourante.]

      J’ai envie de vous répondre avec la formule de Guitry : « est si vous la voyez diminuée, écrasée, piétinée… ne vous en faites pas. Elle s’en sort toujours…. »

    • @ Descartes,

      “J’ai envie de vous répondre avec la formule de Guitry : « est si vous la voyez diminuée, écrasée, piétinée… ne vous en faites pas. Elle s’en sort toujours…. »”
      Il ne m’importe pas seulement de savoir si la France s’en sort, mais comment elle s’en sort. Je discutais avec un ami et il me disait que dans son bouquin “Soumission” (que cet ami a lu, moi non), Houellebecq termine en montrant une France qui reprend du poil de la bête et retrouve une certaine influence dans le monde… au prix d’une islamisation de la société qui est une rupture profonde avec l’histoire antérieure du pays.

      Cela étant, je dois faire mon mea culpa. Vous aviez raison et j’avais tort. Tort de désespérer du salut de la patrie. C’est très étrange, voyez-vous. Je suis rarement ému, et lorsque les attentats de janvier ont eu lieu, j’avoue que je n’ai pas ressenti grand-chose sur le moment. Il m’a semblé pendant quelques jours que ce n’était qu’un banal fait divers. Après tout, des gens meurent tous les jours dans des guerres un peu partout sur Terre. Ce n’est que progressivement que j’ai pris conscience de l’importance de l’événement. J’ai longtemps eu confiance en ma civilisation, mais là, je me suis mis à douter. D’un coup, l’essence, l’âme de la France m’a paru fragile, très fragile. J’ai interprété les manifestations, non point comme un sursaut, mais comme le chant du cygne d’une civilisation à l’agonie. Car les discours “raisonnables” n’ont pas tardé à s’étaler un peu partout: “il faut connaître l’islam”, “il faut mieux s’occuper des immigrés et respecter les musulmans”, “Ah! si les musulmans avaient davantage de mosquées…” (le recteur de la Mosquée de Paris a dit qu’il fallait doubler le nombre de lieux de culte musulmans, si je ne m’abuse), comme si les tueries avaient à voir avec tout ça. Les islamistes tuent dans des pays musulmans où l’islam est “connu et respecté”…

      Notre situation, si morose soit-elle, est moins dramatique que celle qu’ont connu les Français en 1815, 1870 ou 1940, quand le pays était brisé, humilié et envahi. Nous ne sommes pas les poilus pataugeant dans la boue de l’enfer de Verdun. Pardonnez-moi d’avoir désespéré.

      Je voulais aborder avec vous une question, car vous êtes calé en économie, plus que moi, une question en lien justement avec le discours du PCF des années 70 (mais je rédige un seul message, désolé).
      Voilà: j’entends souvent cet argument (et vous aussi sans doute) comme quoi “la France, comme les autres pays riches, a besoin des immigrés pour occuper les emplois dont les Français ne veulent pas”. Or cet argument me paraît très contestable. Ne serait-il pas plus judicieux de dire que “le patronat français a besoin des immigrés pour occuper les emplois dont les Français ne veulent pas pour les salaires proposés”?

      Mais admettons que les frontières soient fermées à l’immigration. Dans ce cas, la loi de l’offre et de la demande devrait pousser les patrons d’un secteur en manque de bras à augmenter les rémunérations pour attirer les travailleurs, non? A cela certains répondent que, dans un secteur donné, le patron ne peut pas augmenter les salaires à moins de mettre ses marges en danger. Dans ce cas, ne faut-il pas considérer que cette activité n’est pas rentable, et qu’il est préférable qu’elle disparaisse afin que le capital et le travail qu’elle mobilise soient disponibles pour une autre activité plus rentable? Autrement dit, l’entreprise du bâtiment ou de la restauration qui ne survit qu’en employant des salariés immigrés (voire clandestins) dociles et mal payés, ne devrait-elle pas logiquement “couler”? La survie de certaines de ses entreprises n’est-elle pas un problème pour les travailleurs natifs? Dans son bouquin sur l’immigration, l’américain Caldwell écrit quelque chose qui m’a frappé: selon lui, les industries françaises ont commencé à recourir massivement à une main d’oeuvre immigrée, à la fin des années 60, parce qu’en fait elles étaient en déclin et cessaient d’être rentables. Pour lui, le recours à une main-d’oeuvre immigrée peu exigeante n’a fait que retarder le déclin de ses industries. Mais après les fermetures des usines, les immigrés sont restés… De plus, il affirme que le recours croissant à une main d’oeuvre immigrée dans les vieilles industries (automobile, textile, sidérurgie) à la fin des années 60 et dans les années 70 s’accompagne parallèlement (et paradoxalement) d’une hausse continue du chômage. Par conséquent, le recours aux travailleurs immigrés ne serait pas lié à une pénurie de main-d’oeuvre. Il souligne également qu’une main-d’oeuvre bon marché a tendance à freiner la modernisation (coûteuse) de l’outil de production. Qu’en pensez-vous?

      Depuis que je suis petit, j’entends des discours alarmistes sur “la pénurie de main-d’oeuvre” dans tel ou tel secteur. Je me souviens, c’était avant la crise, d’un slogan choc disant qu’il y avait “700 000 emplois non pourvus” dans le BTP, la restauration, l’agriculture. Autant dire des emplois peu qualifiés. Mais ce spectre de la “pénurie” est-il si dangereux qu’on nous le répète? Et dangereux pour qui? Et si la “pénurie de main-d’oeuvre” était somme toute une bonne chose pour les travailleurs, qui peuvent ainsi faire monter les enchères et négocier en position de force? A partir de quel moment la pénurie devient-elle véritablement problématique pour l’économie?

      Je me souviens avoir lu, dans un chapitre consacré aux conséquences démographiques et économiques de la Peste noire du XIV° siècle, les effets inattendus et plutôt positifs pour les paysans de l’énorme pénurie de main-d’oeuvre qui suit les ravages de l’épidémie: afin d’attirer et de fixer les paysans devenus plus rares, les seigneurs ont été contraints de leur offrir des conditions plus avantageuses, de baisser les taxes par exemple… sous peine de voir le paysan déménager chez un seigneur offrant de meilleures conditions. Même le servage en a pris un coup: les serfs s’enfuyaient et trouvaient assez facilement un nouveau seigneur disposé à les chaser, sans trop poser de questions sur leur passé, dans un contexte où le paysan est rare, donc précieux.

      Pour résumer mon questionnement: faut-il craindre la “pénurie de main-d’oeuvre”? L’immigration est-elle une nécessité absolue pour l’économie française? Y a-t-il vraiment une “pénurie de main-d’oeuvre” en France et si oui, dans quels secteurs?

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [Cela étant, je dois faire mon mea culpa. Vous aviez raison et j’avais tort. Tort de désespérer du salut de la patrie.(…) Il m’a semblé pendant quelques jours que ce n’était qu’un banal fait divers. Après tout, des gens meurent tous les jours dans des guerres un peu partout sur Terre. Ce n’est que progressivement que j’ai pris conscience de l’importance de l’événement.]

      Je suis content d’avoir eu raison… et surtout content de vous voir reprendre espoir. J’imagine que ce que vous ressentez quelquefois, ce que je ressens aussi d’ailleurs, n’est pas très loin mutatis mutandis de ce qu’a pu ressentir Marc Bloch et d’autres comme lui après l’armistice de 1940. Une défaite qui paraissait si totale, si définitive qu’on avait du mal à imaginer que la France puisse un jour reprendre sa place dans le concert des nations. Pensez aussi à l’Allemagne en ruines de 1945. Une nation a en elle des ressources énormes, pour peux qu’on arrive à les canaliser…

      [Voilà: j’entends souvent cet argument (et vous aussi sans doute) comme quoi “la France, comme les autres pays riches, a besoin des immigrés pour occuper les emplois dont les Français ne veulent pas”. Or cet argument me paraît très contestable. Ne serait-il pas plus judicieux de dire que “le patronat français a besoin des immigrés pour occuper les emplois dont les Français ne veulent pas pour les salaires proposés”?]

      Bien entendu. Il est clair que du point de vue macroéconomique, c’est-à-dire, celui des grands équilibres, un pays comme la France n’a pas besoin, aujourd’hui, d’immigrés. L’offre de travail est très largement excédentaire par rapport à la demande (autrement, on n’aurait pas cinq millions de chômeurs). Mais lorsqu’on regarde du point de vue micro-économique, c’est-à-dire, du point de vue de l’acteur individuel, c’est un peu différent : les français n’acceptent pas n’importe quel travail à n’importe quel prix. Ils ont des exigences salariales, mais aussi sur les conditions de travail. Ils savent s’organiser, revendiquer, constituer des réseaux de solidarité et faire valoir leurs droits devant les tribunaux. La main d’œuvre immigrée est bien plus flexible, bien moins exigeante. Elle a beaucoup moins de possibilités de recourir aux syndicats ou aux tribunaux. En deux mots, elle est moins chère et plus flexible.

      [Mais admettons que les frontières soient fermées à l’immigration. Dans ce cas, la loi de l’offre et de la demande devrait pousser les patrons d’un secteur en manque de bras à augmenter les rémunérations pour attirer les travailleurs, non?]

      Pas nécessairement. Le salaire ne peut jamais être supérieur à la valeur produite par le travailleur, autrement le patron n’a aucun intérêt à embaucher. En d’autres termes, sans l’immigration un certain nombre de métiers disparaîtraient, soit qu’on les remplace par des machines, soit qu’ils disparaissent pure et simplement. Il y a là une question fondamentale pour nos économies développées : dans le temps, le plein emploi était possible parce que le niveau de vie était si bas qu’il était rentable d’employer même des gens faiblement productifs. Au fur et à mesure que le niveau de vie moyen augmente, on trouvera de plus en plus de gens dont la productivité est inférieure à la norme qui permet de maintenir ce niveau de vie. Que fera-t-on de ces gens là ? Des « travailleurs pauvres », payés en dessous de cette norme ? Des chômeurs ? Des travailleurs payés correctement mais dont une partie du salaire sera financé par des transferts venant de travailleurs plus productifs qu’eux ?

      [A cela certains répondent que, dans un secteur donné, le patron ne peut pas augmenter les salaires à moins de mettre ses marges en danger. Dans ce cas, ne faut-il pas considérer que cette activité n’est pas rentable, et qu’il est préférable qu’elle disparaisse afin que le capital et le travail qu’elle mobilise soient disponibles pour une autre activité plus rentable?]

      Oui. Mais pour la raison expliquée plus haut, cela ne vous garantit pas le plein emploi. Il faut être conscient que les travailleurs ne sont pas interchangeables : certains sont vifs, d’autres sont lents, certains sont intelligents, d’autres sont bêtes. Or, lorsque vous allez vers des activités « plus rentables », vous vous trouverez de plus en plus avec des activités qui impliquent des investissements en capital qui ne sont rentables que si les travailleurs sont « vifs et intelligents ». Que faites vous des « lents et bêtes » ? Soit vous les condamnez à la pauvreté, en maintenant des salaires suffisamment bas pour que leur travail reste « rentable », et vous vous retrouvez avec le phénomène des « travailleurs pauvres », soit vous organisez un transfert des travailleurs plus productifs vers les moins productifs, mais pour cela vous avez besoin d’une solidarité institutionnelle qui soit acceptable par les plus productifs.

      [Dans son bouquin sur l’immigration, l’américain Caldwell écrit quelque chose qui m’a frappé: selon lui, les industries françaises ont commencé à recourir massivement à une main d’oeuvre immigrée, à la fin des années 60, parce qu’en fait elles étaient en déclin et cessaient d’être rentables. Pour lui, le recours à une main-d’oeuvre immigrée peu exigeante n’a fait que retarder le déclin de ses industries.]

      C’est un peu vrai, même si c’est plus compliqué que ça. Au début des années 1960, la demande de travail dépasse de loin l’offre. Il y a une véritable pénurie de main d’œuvre et dans ce contexte l’importation de main d’œuvre n’était un rien un signe de « déclin ». Après tout, les Etats-Unis ont massivement importé de la main d’œuvre au début du XXème siècle dans un contexte qui était incontestablement expansionniste. Mais à la fin des années 1960, lorsque la croissance se ralentit, l’offre de main d’œuvre commence à devenir excédentaire. Avoir continué dans ce contexte à importer de la main d’œuvre relève plus de l’analyse que vous décrivez. Au début des années 1970, on n’importait plus de main d’œuvre pour faire face à une pénurie, mais pour faire baisser les salaires et donc les coûts.

      [Il souligne également qu’une main-d’oeuvre bon marché a tendance à freiner la modernisation (coûteuse) de l’outil de production. Qu’en pensez-vous?]

      Que c’est vrai !

      [Depuis que je suis petit, j’entends des discours alarmistes sur “la pénurie de main-d’oeuvre” dans tel ou tel secteur. Je me souviens, c’était avant la crise, d’un slogan choc disant qu’il y avait “700 000 emplois non pourvus” dans le BTP, la restauration, l’agriculture.]

      Bien entendu. Mais si ces emplois ne sont pas pourvus, c’est en grande partie parce que personne n’en veut, et pour cause : ils sont durs, mal payés… Bon, il est vrai qu’il faut un peu nuancer. Il y a une problématique de rigidité dans le marché du travail français. La spécialisation de la formation initiale et son poids dans la carrière professionnelle fait qu’il est difficile pour les gens de changer de métier. L’uniformité du SMIC avec l’âge pénalise lourdement l’entrée des jeunes dans le marché du travail. Les filets de protection sociale sont un peu trop « naïfs » en ce qu’ils peuvent être assez facilement détournés de leurs buts et que certains en profitent. Il y a une dévalorisation symbolique du travail manuel qui complique aussi l’orientation des jeunes.

      [Autant dire des emplois peu qualifiés. Mais ce spectre de la “pénurie” est-il si dangereux qu’on nous le répète? Et dangereux pour qui? Et si la “pénurie de main-d’oeuvre” était somme toute une bonne chose pour les travailleurs, qui peuvent ainsi faire monter les enchères et négocier en position de force? A partir de quel moment la pénurie devient-elle véritablement problématique pour l’économie?]

      Vous avez raison de mettre « pénurie » entre guillemets. Il n’y a pas de pénurie. Mais il y a une inadaptation du marché. Pour vous donner une image, les travailleurs viennent en kit alors que les employeurs voudraient des travailleurs prêts à l’emploi. Les employeurs ne sont pas prêts à dépenser de l’argent pour former les jeunes ou les travailleurs reconvertis, mais ils ne trouvent pas de jeunes expérimentés ou des travailleurs dans les bonnes spécialités. Et l’éducation nationale hésite en permanence entre deux possibilités : soit elle forme des généralistes dont les employeurs ne veulent pas, soit elle donne une formation spécialisée que les employeurs adorent… jusqu’à ce que la spécialité en question passe de mode, et on tombe alors dans la problématique de la reconversion.

      [Je me souviens avoir lu, dans un chapitre consacré aux conséquences démographiques et économiques de la Peste noire du XIV° siècle, les effets inattendus et plutôt positifs pour les paysans de l’énorme pénurie de main-d’oeuvre qui suit les ravages de l’épidémie: afin d’attirer et de fixer les paysans devenus plus rares, les seigneurs ont été contraints de leur offrir des conditions plus avantageuses, de baisser les taxes par exemple… sous peine de voir le paysan déménager chez un seigneur offrant de meilleures conditions. Même le servage en a pris un coup: les serfs s’enfuyaient et trouvaient assez facilement un nouveau seigneur disposé à les chaser, sans trop poser de questions sur leur passé, dans un contexte où le paysan est rare, donc précieux.]

      Tout à fait. Et vous pourriez faire les mêmes remarques après les deux guerres mondiales. La décennie qui a suivi fut aussi une époque bénie pour les travailleurs…

      [Pour résumer mon questionnement: faut-il craindre la “pénurie de main-d’oeuvre”?]

      La réponse est non. Le problème est plus l’inadaptation de l’offre à la demande qu’un défaut d’offre.

      [L’immigration est-elle une nécessité absolue pour l’économie française?]

      Non. Ni « absolue » ni autrement.

      [Y a-t-il vraiment une “pénurie de main-d’oeuvre” en France et si oui, dans quels secteurs?]

      Oui, il y a une pénurie sectorielle dans certains métiers. Et notamment certains métiers manuels hautement qualifiés. Je vous parle par expérience personnelle : aujourd’hui, un soudeur qualifié N1 gagne mieux qu’un ingénieur…. Mais alors, pourquoi ne voit-on pas de nombreux chômeurs aller vers les formations pour devenir soudeur ? D’abord, parce que c’est un grand investissement, et que la demande pourrait n’être que conjoncturelle. Comment convaincre un jeune d’investir son futur en prenant un risque pareil ? Ensuite, parce que c’est un travail physiquement dur, et il y a une véritable difficulté à persuader nos jeunes « douillets » à aller vers ce type de métier.

  8. Benjamin dit :

    Bonjour Descartes,

    Je me permets d’attirer votre attention sur le dernier numéro de la “Revue du Projet” qui consacre un dossier à la Nation :

    http://fr.calameo.com/read/000609216d591a03a9557

    Si j’en crois mes camarades communistes l’équipe qui anime cette revue est plus ou moins chargée du renouveau idéologique du parti. Alors certes ce n’est pas encore “République Bastille Nation” et il m’en faudra davantage pour prendre ma carte, mais n’est-ce pas un signe positif ? Vous qui connaissez sans doute quelques-uns des contributeurs, que vous inspire ce ce choix éditorial ?

    • Descartes dit :

      @ Benjamin

      [Si j’en crois mes camarades communistes l’équipe qui anime cette revue est plus ou moins chargée du renouveau idéologique du parti. Alors certes ce n’est pas encore “République Bastille Nation” et il m’en faudra davantage pour prendre ma carte, mais n’est-ce pas un signe positif ?]

      Quand la « revue du projet » a été lancée, j’ai suivi ses premiers numéros avec intérêt. Mais très rapidement j’ai compris que le véritable objectif n’était pas d’ouvrir un véritable débat, mais de donner un vernis un peu plus « universitaire » au discours canonique du PCF « muté ». Et ce numéro sur la Nation est de ce point de vue assez symptomatique : alors qu’il s’agit d’un sujet de fond, ou des positions très différentes s’affrontent y compris à l’intérieur du PCF, on ne trouve dans ce numéro pas un seul article qui s’écarte de la « vulgate » officielle. On se gargarise de la « souveraineté populaire » sans jamais s’interroger sur les instruments de cette souveraineté (et notamment la monnaie).

      En fin de compte, après lecture de ce numéro on ne sait même pas ce que le concept de « nation » recouvre pour les communistes. On nous explique que la nation française « n’est pas » définie sur une base religieuse, ou ethnique, ou administrative… et donc une fois qu’on nous a dit ce que la nation n’est pas, on aboutit à une conclusion étrange : « Ce qui définit [les français], ce qui définit la France populaire, c’est une socialisation encore globalement uniforme sur le territoire, c’est une vie quotidienne soumise au même cadre juridique, façonnée par les mêmes institutions (notamment l’école), protégée par un certain nombre de droits collectifs, etc. ». L’ennui, c’est que tous ces éléments s’appliquent aussi aux étrangers résidant sur notre territoire. Font-ils partie de la « nation » ? Quels sont alors les limites de cette collectivité nationale « populaire » ? Ou finit le « national » et commence « l’immigré » ?

      En fait, la ligne éditoriale est d’éviter systématiquement tout ce qui est problématique, tout ce qui risque de fâcher. Devant le conflit, on refuse de choisir soit en démontrant que tout est compatible soit, dans les cas extrêmes, que tout est dépassable. La nation et la construction européenne ne s’opposent pas, le conflit entre protectionnisme et libre-échange peut être dépassé par des vagues « nouvelles solidarités ». Ainsi, Patrick Le Hyaric explique que « il y a une tension entre le cadre national et les institutions européennes » mais il s’empresse d’ajouter que « elle n’est pas due à l’idée de la construction européenne, mais aux politiques mises en œuvre au nom de l’Union européenne ». Il faudra m’expliquer comment un projet qui est par essence celui de la construction d’une autorité supranationale pourrait ne pas entrer en tension avec le cadre national, quelque soient les « politiques » que cette autorité mettra en place. Ainsi, toutes les difficultés sont évités, tous les désaccords sont mis sous le boisseau, et lorsqu’on se trouve au pied du mur avec un problème concret à résoudre, on s’en sort toujours comme le fait Dimicoli en proposant des « nouvelles règles », des « nouvelles coopérations », d’une « nouvelle politique monétaire » dont on ne sait pas grande chose en dehors du fait qu’elles sont « nouvelles ».

      Bien entendu, il y a quelques articles intéressants, notamment ceux qui abordent la question d’un point de vue historique. Le rappel du fait que le PCF a cherché à « marier le drapeau tricolore et le drapeau rouge » dès 1934 est utile, tout comme la réflexion de Vovelle sur les symboles (même s’il omet de dire qu’avant d’être sifflée par des spectateurs « issus de l’immigration » au Stade de France, « La Marseillaise » l’a été par des « bons français » à la Fête de l’Humanité, lorsque la direction du PCF a décidé en pleine période post-soixante-huitarde de faire chanter l’hymne national avec « l’Internationale » à la fin du meeting politique). On peut d’ailleurs remarquer que si ces historiens se penchent sur la conception de la nation du PCF sous Thorez, Duclos, Waldeck ou Marchais, ils omettent prudemment de parler de la période Hue-Buffet-Laurent. Une coïncidence, sans doute.

      [Vous qui connaissez sans doute quelques-uns des contributeurs, que vous inspire ce ce choix éditorial ?]

      Franchement, j’ai l’impression comme je l’ai dit plus haut, qu’on essaye de donner un vernis universitaire à la « ligne » officielle. Je ne vois dans cet exercice la moindre amorce d’un débat, le moindre début d’une réflexion approfondie sur la question. Je me trompe peut-être, mais j’espère que « BRN » donnera plus l’opportunité à un débat critique.

    • BolchoKek dit :

      @ Descartes
      >L’ennui, c’est que tous ces éléments s’appliquent aussi aux étrangers résidant sur notre territoire. Font-ils partie de la « nation » ? Quels sont alors les limites de cette collectivité nationale « populaire » ? Ou finit le « national » et commence « l’immigré » ?< Tu n’as pas lu le dernier article concernant la “nécessité d’une séparation de la nationalité et de la citoyenneté” ? Couplé à la “citoyenneté de résidence”, on comprend qu’on pourrait être de nationalité française et de citoyenneté française, tout comme finlandais de citoyenneté française, du moment que l’on vit en France…

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Tu n’as pas lu le dernier article concernant la “nécessité d’une séparation de la nationalité et de la citoyenneté” ?]

      Non, mais si j’avais su que c’était le dernier, je l’aurais certainement lu… 😉

      J’ai lu un certain nombre d’articles sur ce thème. Le problème, c’est que leurs auteurs n’expliquent jamais ce qui reste de la « nationalité » une fois qu’on lui a enlevé la « citoyenneté ». Dans la logique républicaine classique, ces deux idées sont inséparables parce que la citoyenneté tire sa légitimité de la nationalité. Qu’est ce qui me donne le droit de participer à la délibération publique ? Le fait que les décisions qui y sont prises me concernent, et pas seulement pour aujourd’hui ou demain, mais pour un avenir indéfini puisqu’il y a entre les membres d’une nation une communauté de destin.

      Maintenant, si l’on peut être « citoyen » sans être « national », quelle est la source de la légitimité du citoyen à participer à la délibération ? Le fait qu’il paye des impôts ? Mais alors, il faudrait exclure de la citoyenneté ceux qui n’en payent pas…

    • BolchoKek dit :

      >Non, mais si j’avais su que c’était le dernier, je l’aurais certainement lu… 😉<
      Enfin, l’avant dernier du dossier de la “Revue du Projet”, pages 32-33.

      >Maintenant, si l’on peut être « citoyen » sans être « national », quelle est la source de la légitimité du citoyen à participer à la délibération ?<
      Leur argument est que la simple résidence sur le territoire confèrerait la pleine citoyenneté, la nationalité étant un peu du “folklore”… C’est profondément débile, je te l’accorde…

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Leur argument est que la simple résidence sur le territoire confèrerait la pleine citoyenneté, la nationalité étant un peu du “folklore”… C’est profondément débile, je te l’accorde…]

      C’est pire que « débile ». Lorsque l’aveuglement atteint un tel niveau, il doit avoir une fonction. En d’autres termes, il s’agit d’une idéologie qui doit avoir sa racine dans l’intérêt de classe d’une couche sociale. Séparer « citoyenneté » et « nationalité » implique trouver pour la « citoyenneté » une définition qui ne soit pas fondée sur la « nationalité ». Or, quelle serait cette définition ? C’est là que ça devient compliqué. Prenons l’idée d’une « citoyenneté de résidence », dans laquelle il suffit d’avoir résidé dans un lieu suffisamment longtemps pour être reconnu « citoyen ». Cela revient à admettre que le corps des citoyens ne parle pas forcément la même langue, ne partage pas un cadre de référence qui lui permette de communiquer. Car la résidence ne garantit nullement l’apprentissage d’une langue commune, d’un cadre commun. Dans ces conditions, comment fonctionne le « démos » inséparable de la notion de démocratie ? Comment organiser la délibération publique alors que les gens ne se comprennent pas ?

      La Nation est avant tout un principe d’unité. L’article de la « revue du projet » que vous citez reprend la formule de Renan : « Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans
      le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble ». Vrai. Mais pour « consentir à vivre ensemble », il faut déjà se connaître, et donc être en mesure de communiquer. C’est ce principe d’unité qui gêne tellement la transformation de la France en une province européenne, et donc les intérêts des « classes moyennes » et de la bourgeoisie.

      Le plus drôle, c’est que les partisans de la « citoyenneté de résidence » pour les immigrés sont souvent des soutiens inconditionnels des mouvements régionalistes qui, eux, défendent la « régionalisation des emplois », mesure qui prétend rétablir une « nationalité régionale » fondée sur le droit du sang…

  9. Alexis dit :

    C’est la première fois que je mets un commentaire sur ce site et j’imagine que ce qui suit ne va pas faire l’unanimité. Je connais BRN via Fakir et ce qu’ils disent sur l’Europe semble en général bien documenté. Je serais content s’ils arrivent à financer et à publier leur nouvelle gazette. Mais sur l’environnement, je ne leur fais pas confiance. J’avais été frappé par la postface de Pierre Lévy au livre de Pascal Acot, “Climat, un débat dévoyé?”, ou l’auteur, avec un talent littéraire certain mais sans argument sérieux, prétend montrer que le réchauffement anthropique était une simple arnaque du capital. Je travaille dans la recherche sur l’environnement, et en fait je m’étais senti insulté par Pierre Levy dans cette postface. Je peux développer si ça intéresse quelqu’un.

    A propos de l’environnement en général, sa prise en compte politique est un des rares aspects positifs de la mutation du PCF. C’est peut-être aussi un des seuls domaines ou l’Europe a apporté quelque chose de positif, évidemment parce que la classe dominante est touchée autant que le peuple. Si on rejette les deux (nouveau PCF et Europe) en bloc, on doit évidemment rejeter les informations qui dérangent sur l’environnement. C’est ce que me semble faire Pierre Lévy. Sauf que le monde réel n’est pas forcément comme on aimerait qu’il soit. On aimerait que le réchauffement soit une arnaque, comme on aimerait que le capitalisme s’effondre de lui-même sous ses contradictions. Pour le deuxième espoir, ça fait longtemps qu’on attend.

    En fait il y a un lien avec le dualisme de Descartes (l’original) ici, qui rêvait l’homme ‘comme maitre et possesseur de la nature’, cet idée des Lumière s’est propagée chez les marxistes et les libéraux. Le problème c’est d’oublier que l’homme fait aussi partie de la nature, et ni la main invisible ni la dialectique n’y peuvent rien. En tout cas on ne risque pas d’être maitre de la nature si on rejette la partie de la science qui nous déplait pour des raisons politiques.

    Ceci-dit il y a des circonstances aténuantes, la postface est sortie à l’époque ou tous les vautours médiatiques et politiques ne parlaient que d’écologie. Et il est naturel que la classe dominante esssaie de tout utiliser pour justifier ce qu’ils appellent austérité, et qui signifie transfert des richesses des pauvres aux riches.

    • Descartes dit :

      @ Alexis

      [C’est la première fois que je mets un commentaire sur ce site et j’imagine que ce qui suit ne va pas faire l’unanimité.]

      Par construction, aucun commentaire sur ce site ne fait l’unanimité. A votre place, je ne m’inquiéterais donc pas outre mesure… en tout cas, bienvenu au statut de commentateur.

      [Mais sur l’environnement, je ne leur fais pas confiance. J’avais été frappé par la postface de Pierre Lévy au livre de Pascal Acot, “Climat, un débat dévoyé?”, ou l’auteur, avec un talent littéraire certain mais sans argument sérieux, prétend montrer que le réchauffement anthropique était une simple arnaque du capital. Je travaille dans la recherche sur l’environnement, et en fait je m’étais senti insulté par Pierre Levy dans cette postface. Je peux développer si ça intéresse quelqu’un.]

      Je n’ai pas lu le texte auquel vous faites référence, mais je me demande s’il n’y a pas de votre côté une surinterprétation. J’ai du mal à croire que Pierre Lévy ait cherché à montrer que le réchauffement anthropique était « une simple arnaque du Capital ». Connaissant un peu son discours, je me demande s’il n’a pas plutôt voulu démontrer que le réchauffement anthropique – au delà du débat sur sa réalité, qui est un débat qu’il faut laisser aux spécialistes – et les réactions qu’il suscite est utilisé comme instrument de propagande par le Capital. Mais, comme je vous l’ai dit plus haut, je n’ai pas accès au texte.

      [A propos de l’environnement en général, sa prise en compte politique est un des rares aspects positifs de la mutation du PCF.]

      Je ne partage pas votre enthousiasme. D’une part, parce que je crois me souvenir que le PCF a commencé à prendre en compte l’environnement bien avant la « mutation ». Et d’autre part, parce qu’il y a manière et manière de prendre en compte l’environnement, et la « mutation » s’est traduite par une dérive certaine vers la position la plus irrationnelle et obscurantiste de le faire.

      [C’est peut-être aussi un des seuls domaines ou l’Europe a apporté quelque chose de positif, évidemment parce que la classe dominante est touchée autant que le peuple.)

      Pourriez-vous donner quelques exemples des « apports » auxquels vous faites référence ? Parce que ceux que j’ai en tête vont plutôt dans l’autre sens. Par exemple, les directives « transport » se sont traduites par un report massif du transport longue distance sur la route, ce qui peut difficilement être considéré comme favorable à l’environnement. De la même manière, la politique de développement des énergies renouvelables poussée par la Commission implique un retour vers le charbon – comme on le voit en Allemagne – pour assurer l’appoint lorsque les énergies renouvelables sont défaillantes…

      [Si on rejette les deux (nouveau PCF et Europe) en bloc, on doit évidemment rejeter les informations qui dérangent sur l’environnement.]

      Pourquoi dites vous ça ? On n’a pas attendu la « mutation » ou l’Europe pour s’occuper de l’environnement. Prenons quelques exemples si vous le voulez bien : la question de la pollution de l’air, par exemple, a préoccupé le législateur dès le début du XIXème siècle, avec l’un des actes les plus anciens de notre droit de l’environnement, le décret impérial du 15 octobre 1810 sur « les Manufactures et Ateliers qui répandent une odeur insalubre ou incommode ». Et cette préoccupation a subsisté constamment, même pendant les périodes les plus « productivistes ». Ainsi, la loi du 2 aout 1961 « relative à la lutte contre la pollution de l’air et les odeurs » est promulguée alors que les écologistes ne représentent politiquement pas grande chose. Pour ce qui concerne les installations industrielles, la législation dite des « installations classées » est elle aussi très ancienne, et on n’a pas eu besoin du PCF « muté », de l’Europe ou des écologistes pour adopter la loi du 19 juillet 1976 « relative aux installations classées pour la protection de l’environnement » qui réforme de fond en comble le dispositif. On peut donc parfaitement « rejeter l’Europe et « nouveau PCF » » sans nécessairement rejeter les « informations qui dérangent sur l’environnement ». Ce n’est pas parce que les « écologistes » de tout poil prétendent avoir inventé la protection de l’environnement qu’il faut les croire…

      [En fait il y a un lien avec le dualisme de Descartes (l’original) ici, qui rêvait l’homme ‘comme maitre et possesseur de la nature’, cet idée des Lumière s’est propagée chez les marxistes et les libéraux. Le problème c’est d’oublier que l’homme fait aussi partie de la nature,]

      Vous énoncez ce principe comme s’il était une vérité d’évidence. Ce n’est nullement le cas. J’aimerais d’ailleurs savoir ce que vous appelez « nature ». Parce que si l’on prend le sens habituel, la « nature » se caractérise d’abord par son amoralité. Lorsqu’un tigre tue une gazelle, lorsqu’un lion dominant tue la progéniture d’un autre lion, la question du bien ou du mal ne se pose pas. Si vous pensez que l’homme « fait partie de la nature », alors ses actes ne sont plus soumis au jugement moral. Lorsqu’une espèce de fourmis extermine une autre, personne n’en fait un crime. Pourquoi Auschwitz en serait un ?

      Faites attention : dans la « naturphilosophie » allemande, qui sert de base à beaucoup de mouvements écologistes, on trouve en germe le nazisme. Tout simplement parce que cette idée que l’homme « fait partie de la nature » est au fond un anti-humanisme. On peut beaucoup discuter la vision cartésienne d’un homme « maître et possesseur de la nature ». Mais c’est cette vision aussi qui peut faire de nous les gardiens de la nature, précisément parce qu’en nous plaçant au dehors de la nature, elle nous confère une responsabilité, cette responsabilité que nous avons envers les choses dont nous sommes maîtres. Si nous ne sommes qu’une espèce parmi d’autres, alors pourquoi devrions nous nous préoccuper du saccage de la nature ? Les girafes, lorsqu’elles mangent les feuilles des arbres, ne s’inquiètent pas de la déforestation. Les castors, lorsqu’ils construisent leurs barrages, ne se préoccupent guère de l’effet que cela peut avoir sur les autres espèces. Pourquoi devrions-nous agir différemment, puisque nous sommes au même niveau qu’eux ?

      [En tout cas on ne risque pas d’être maitre de la nature si on rejette la partie de la science qui nous déplait pour des raisons politiques.]

      Sur ce point, je suis d’accord avec vous. Mais j’aimerais bien qu’on applique le même raisonnement à des questions d’énergie, par exemple…

    • v2s dit :

      @Descartes

      [On peut beaucoup discuter la vision cartésienne d’un homme « maître et possesseur de la nature ». Mais c’est cette vision aussi qui peut faire de nous les gardiens de la nature, précisément parce qu’en nous plaçant au dehors de la nature, elle nous confère une responsabilité, cette responsabilité que nous avons envers les choses dont nous sommes maîtres.]

      Votre immense talent rhétorique me surprendra toujours.
      Tel le chat, vous retombez toujours sur vos pattes.
      Si votre [vision cartésienne d’un homme « maître et possesseur de la nature] vous conduit désormais à vous ranger sans arrière pensée aux cotés des [gardiens de la nature], alors oui, je vous le dis: nous sommes d’accord.
      Permettez-moi de saluer le chemin que vous avez parcouru depuis nos premiers échanges sur ce blog, sur l’écologie, il y a déjà 2 ou 3 ans.
      Soyons pragmatique, ça me paraît secondaire que nos motivations philosophiques divergent, du moment que nous sommes d’accord pour dire, en conclusion que :
      [l’homme est le gardien de la nature].

    • Benjamin dit :

      « Connaissant un peu son discours, je me demande s’il n’a pas plutôt voulu démontrer que le réchauffement anthropique – au delà du débat sur sa réalité, qui est un débat qu’il faut laisser aux spécialistes –[…]»

      Cela fait-il encore débat ? Il me semble qu’il y a aujourd’hui un large consensus scientifique sur l’origine anthropique du réchauffement actuel, même si quelques savants dont ce n’est d’ailleurs pas toujours la spécialité continuent d’émettre des doutes que relaient volontiers les sites d’info « alternative » à tendance complotiste. Votre formulation peut donner l’impression qu’on peut accorder à ces derniers le même crédit qu’aux autres, alors même qu’ils constituent une petite minorité. Si la majorité n’a pas toujours raison, ne peut-on raisonnablement donner plus de poids aux rapports du GIEC qu’à Claude Allègre ?

      « [En fait il y a un lien avec le dualisme de Descartes (l’original) ici, qui rêvait l’homme ‘comme maitre et possesseur de la nature’, cet idée des Lumière s’est propagée chez les marxistes et les libéraux. Le problème c’est d’oublier que l’homme fait aussi partie de la nature,]

      Vous énoncez ce principe comme s’il était une vérité d’évidence. Ce n’est nullement le cas. J’aimerais d’ailleurs savoir ce que vous appelez « nature ». Parce que si l’on prend le sens habituel, la « nature » se caractérise d’abord par son amoralité. Lorsqu’un tigre tue une gazelle, lorsqu’un lion dominant tue la progéniture d’un autre lion, la question du bien ou du mal ne se pose pas. Si vous pensez que l’homme « fait partie de la nature », alors ses actes ne sont plus soumis au jugement moral. Lorsqu’une espèce de fourmis extermine une autre, personne n’en fait un crime. Pourquoi Auschwitz en serait un ? »

      Peut-être allez-vous un peu vite en besogne. Si l’homme n’est pas un animal comme les autres, il ne s’en inscrit pas moins dans le continuum naturel, n’en participe pas moins d’un écosystème. Par la grâce du logos et de la technique, il s’affranchit dans une certaine mesure de sa condition animale, développant une culture, façonnant le monde à travers son travail. Cesse-t-il pour autant d’être un primate, bien qu’il partage l’essentiel du patrimoine génétique de ses plus proches cousins ? Peut-on parler de rupture ontologique ? Du point de vue de la biologie évolutionniste comme de l’écologie (la discipline scientifique, pas l’écologie politique), cette idée n’a guère de sens. Tout ce qui vit fait par définition partie de la nature au sens écosystémique, dire cela ne revient pas à nier la spécificité irréductible d’homo sapiens – non plus que celle des autres espèces. La moralité de l’homme constitue peut-être une caractéristique unique dans le règne animal, ce que contestent au passage certains éthologues, mais elle ne le place « hors-nature » qu’au sens relativement étroit où vous l’entendez, elle ne l’arrache pas à l’écosystème. Si on ne qualifie pas de « crime » l’extermination d’une fourmilière par une autre, c’est d’abord parce que nous n’en avons cure, ensuite parce que la notion de crime suppose une intentionnalité, laquelle fournit avec la capacité à répondre de ses actes le critère de la responsabilité. Si un homme est déclaré irresponsable pénalement à la suite d’une expertise psychiatrique, s’il apparaît dénué de toute moralité, en quoi se distingue-t-il des autres animaux ? Et les handicapés mentaux, font-ils ou non partie de la nature ?

      « Faites attention : dans la « naturphilosophie » allemande, qui sert de base à beaucoup de mouvements écologistes, on trouve en germe le nazisme. »

      Peut-être cette référence philosophique sert-elle de base à un certain nombre de mouvements écologistes, mais il n’est pas indispensable de puiser à cette source ni de diviniser la Nature façon Pacha Mama pour élaborer une réflexion écologique, loin de tout irrationalisme.

      « Tout simplement parce que cette idée que l’homme « fait partie de la nature » est au fond un anti-humanisme. On peut beaucoup discuter la vision cartésienne d’un homme « maître et possesseur de la nature ». Mais c’est cette vision aussi qui peut faire de nous les gardiens de la nature, précisément parce qu’en nous plaçant au dehors de la nature, elle nous confère une responsabilité, cette responsabilité que nous avons envers les choses dont nous sommes maîtres. »

      Même si en droit français on considérait jusqu’à récemment les animaux domestiques comme des bien meubles, les animaux sauvages ne bénéficiant quant à eux d’aucun statut particulier, il me semble à la fois choquant et peu rigoureux philosophiquement de ravaler des êtres doués de sensibilité au rang de « choses », et je doute que vous les traitiez comme telles en pratique.

      « Si nous ne sommes qu’une espèce parmi d’autres, alors pourquoi devrions nous nous préoccuper du saccage de la nature ? Les girafes, lorsqu’elles mangent les feuilles des arbres, ne s’inquiètent pas de la déforestation. Les castors, lorsqu’ils construisent leurs barrages, ne se préoccupent guère de l’effet que cela peut avoir sur les autres espèces. Pourquoi devrions-nous agir différemment, puisque nous sommes au même niveau qu’eux ? »

      Il se trouve que nous sommes l’espèce dominante sur Terre, selon nos propres critères du moins (si nous raisonnons en termes de biomasse par exemple, l’espèce dominante sur notre planète est… le krill d’Antarctique), et nous distinguons entre autres de nos colocataires par le développement de notre conscience. C’est cette caractéristique à laquelle nous devons notre statut qui nous crée des obligations envers les autres espèces plus faibles. Vous pensez en humaniste classique que les traits distinctifs de l’homme le séparent radicalement du reste des vivants, je pense plutôt qu’ils font de lui un primum inter pares. S’il reste des lions et des castors dans quelques millions d’années, ce qui suppose de survivre à l’Anthropocène, peut-être auront-ils à leur tour développé une conscience morale et se soucieront-ils alors des conséquences de leurs actes… Les amateurs de science-fiction sont familiers de ce thème traité par exemple dans « Demain les chiens » de Clifford Simak. Dans un autre registre, je me permets au passage de vous suggérer la lecture de « La fin de l’exception humaine » de J.-M. Schaeffer.

      « [En tout cas on ne risque pas d’être maitre de la nature si on rejette la partie de la science qui nous déplait pour des raisons politiques.]

      Sur ce point, je suis d’accord avec vous. Mais j’aimerais bien qu’on applique le même raisonnement à des questions d’énergie, par exemple… »

      J’en profite pour vous remercier pour votre insistance sur ces questions, même si je n’ai jamais été un farouche opposant au nucléaire la lecture de ce blog a emporté mes dernières réticences, avec d’autres résidus de gauchisme.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Votre immense talent rhétorique me surprendra toujours. Tel le chat, vous retombez toujours sur vos pattes.]

      Parce que, comme le chat, je regarde bien ou je vais avant de sauter… mais ici il ne s’agit pas de rhétorique, mais de logique. Refuser à l’homme une position de « maître de la nature » revient à le rendre irresponsable. Car nous ne sommes pas responsables de ce que nous ne maîtrisons pas. C’est pourquoi je vous invite à vous méfier de ceux qui prétendent que l’homme n’est finalement qu’un animal parmi d’autres…

      [Si votre « vision cartésienne d’un homme « maître et possesseur de la nature » » vous conduit désormais à vous ranger sans arrière pensée aux cotés des « gardiens de la nature », alors oui, je vous le dis: nous sommes d’accord.]

      Sans aucune arrière pensée. Mais je vous rappelle que j’entends « gardien de la nature » au même sens que je suis « gardien de mon jardin ». En d’autres termes, je suis maître de le modifier, de l’aménager, de couper tel arbre et de planter tel autre.

      [Permettez-moi de saluer le chemin que vous avez parcouru depuis nos premiers échanges sur ce blog, sur l’écologie, il y a déjà 2 ou 3 ans.]

      Je ne pense pas avoir beaucoup changé. Mais peut-être vous me compreniez moins bien il y a deux ou trois ans… si l’échange à permis de mieux se comprendre, c’est déjà ça.

      [Soyons pragmatique, ça me paraît secondaire que nos motivations philosophiques divergent, du moment que nous sommes d’accord pour dire, en conclusion que : « l’homme est le gardien de la nature ».]

      Si nous sommes d’accord sur cela, c’est que depuis hier vous avez changé radicalement d’opinion. Je vous rappelle que dans votre précédent commentaire vous affirmiez que l’homme était « partie de la nature ». Dans ces conditions, il ne peut en être le gardien, puisque la position de gardien implique une position d’extériorité. Un prisonnier ne peut être gardien de prison.

    • Descartes dit :

      @ Benjamin

      [Cela fait-il encore débat ? Il me semble qu’il y a aujourd’hui un large consensus scientifique sur l’origine anthropique du réchauffement actuel, même si quelques savants dont ce n’est d’ailleurs pas toujours la spécialité continuent d’émettre des doutes que relaient volontiers les sites d’info « alternative » à tendance complotiste.]

      Un « large consensus » n’implique pas que le débat soit clos. Et dans la mesure ou sur un problème aussi complexe il est pratiquement impossible d’apporter une preuve logique, et que les modèles varient largement dans leur estimation de l’effet anthropique sur le réchauffement terrestre, je vois mal comment il pourrait être clos un jour prochain.

      [Votre formulation peut donner l’impression qu’on peut accorder à ces derniers le même crédit qu’aux autres, alors même qu’ils constituent une petite minorité. Si la majorité n’a pas toujours raison, ne peut-on raisonnablement donner plus de poids aux rapports du GIEC qu’à Claude Allègre ?]

      C’est un problème qui n’a pas de solution évidente. Les mêmes écologistes qui soutiennent qu’il faut suivre la majorité des scientifiques dans le cas du climat soutiennent avec une égale constance qu’il faut défendre l’homéopathie, alors que le consensus scientifique est que les théories qui fondent l’homéopathie relèvent de la charlatanerie, ou que le nucléaire est dangereux alors que le consensus scientifique, là aussi, dit l’opposé. Alors, quand est-ce qu’on suit le consensus scientifique, et quand est-ce qu’on le dénonce ?

      En dernière instance, la question est politique. L’avis scientifique est souvent revendiqué ou dénoncé en fonction d’une conclusion pré-établie. Et c’est dans ce sens que l’affrontement entre climato-croyants et climato-sceptiques est faussé. En dernière instance, c’est l’affrontement des marchands de pétrole contre les marchands d’éoliennes. Et personnellement, je n’ai pas plus d’estime pour les uns que pour les autres : tous deux ne cherchent qu’une chose, faire de l’argent.

      Comme je vous l’ai dit, je ne suis pas spécialiste du sujet que je suis d’assez loin. Et franchement il ne m’intéresse pas vraiment, non pas parce que je le trouve inintéressant scientifiquement, mais parce que je pense que les décisions politiques qui seront prises le seront pour plein de raisons, mais certainement pas parce que les scientifiques les recommandent.

      [Peut-être allez-vous un peu vite en besogne. Si l’homme n’est pas un animal comme les autres, il ne s’en inscrit pas moins dans le continuum naturel, n’en participe pas moins d’un écosystème.]

      Je ne dis pas le contraire. C’est pourquoi je m’interrogeais sur le sens qu’on donne dans l’affirmation que je commentais au mot « nature ». Si on entend par « nature » un ensemble de processus biologiques, alors sans doute l’homme est un « être naturel », puisque sa biologie est affine à celle de nos cousins les primates. Mais si l’on donne à « nature » un sens plus large, celui d’un système de comportements, alors l’homme ne fait certainement pas « partie de la nature ».

      [Par la grâce du logos et de la technique, il s’affranchit dans une certaine mesure de sa condition animale, développant une culture, façonnant le monde à travers son travail. Cesse-t-il pour autant d’être un primate, bien qu’il partage l’essentiel du patrimoine génétique de ses plus proches cousins ? Peut-on parler de rupture ontologique ? Du point de vue de la biologie évolutionniste comme de l’écologie (la discipline scientifique, pas l’écologie politique), cette idée n’a guère de sens.]

      Du point de vue biologique et écologique, l’homme reste un primate. Mais du point de vue moral et juridique, certainement pas. Lorsqu’au zoo le chimpanzé dominant force une femelle à avoir des rapports sexuels, personne à ma connaissance ne le traîne devant une cour d’assises. Si le chimpanzé mord un gardien, il n’est pas condamné pour coups et blessures, alors que si le gardien mord le chimpanzé il est susceptible d’être poursuivi pour cruauté envers l’animal. Il y a donc bien une « rupture ontologique » qui met l’homme dans une position d’extériorité par rapport à la nature.

      [Tout ce qui vit fait par définition partie de la nature au sens écosystémique, dire cela ne revient pas à nier la spécificité irréductible d’homo sapiens – non plus que celle des autres espèces.]

      Encore une fois, si le mot « nature » est réduit à un concept de nature biologique ou écologique, l’homme en fait partie. Mais le mot « nature » n’est pas utilisé aujourd’hui dans un sens aussi restrictif. Lorsque certains prétendent faire de la « nature » un sujet de droit – par exemple, en incluant dans la constitution un chapitre « droits de la nature », ce que certains on fait – on n’est plus dans cette logique.

      [Si on ne qualifie pas de « crime » l’extermination d’une fourmilière par une autre, c’est d’abord parce que nous n’en avons cure,]

      En d’autres termes, la notion de « crime » est fondamentalement humaine. Il n’existe pas d’idée de « crime » qui soit « naturelle ». Nous sommes donc l’espèce qui s’attribue le privilège de décider ce qui constitue un « crime » et ce qui n’en constitue pas. Cela nous place déjà dans une position unique.

      [ensuite parce que la notion de crime suppose une intentionnalité, laquelle fournit avec la capacité à répondre de ses actes le critère de la responsabilité.]

      En quoi le viol d’une femelle par un mâle chimpanzé est moins « intentionnel » que le viol d’une femme par un homme ? Ce n’est pas l’intentionnalité qui est le fondement de la responsabilité, mais la notion de sens moral, la capacité de distinguer ce qui est bien de ce qui est mal. Le chimpanze – comme l’enfant ou le fou – est irresponsable non parce qu’il n’est pas capable d’intention, mais parce qu’il est incapable de distinguer le bien du mal.

      [Si un homme est déclaré irresponsable pénalement à la suite d’une expertise psychiatrique, s’il apparaît dénué de toute moralité, en quoi se distingue-t-il des autres animaux ? Et les handicapés mentaux, font-ils ou non partie de la nature ?]

      La question est passionnante… et la réponse a varié avec le temps. Le droit a toujours hésité à permettre le franchissement de la frontière entre l’homme et la nature, pour des raisons faciles à comprendre. On pose donc comme absolu qu’un être humain, même dépourvu de sens moral, même dépourvu de communication, même à l’état végétatif, reste un être humain. Du point de vue philosophique, on peut se demander à partir de quel niveau d’incapacité un être humain pourrait être considéré comme relevant de la « nature »…

      [Peut-être cette référence philosophique sert-elle de base à un certain nombre de mouvements écologistes, mais il n’est pas indispensable de puiser à cette source ni de diviniser la Nature façon Pacha Mama pour élaborer une réflexion écologique, loin de tout irrationalisme.]

      Bien entendu. Il est regrettable que des mouvements politiques irrationnels et divinisant la « nature » aient confisqué abusivement ce qui est finalement une discipline scientifique fort utile et respectable. Comme je l’ai écrit dans un autre commentaire, on n’a pas attendu les « écologistes » pour s’occuper de l’environnement. L’industrie nucléaire, si décriée par les « écologistes », est d’ailleurs l’une des premières à s’être occupé de ses effets sur l’environnement…

      [Même si en droit français on considérait jusqu’à récemment les animaux domestiques comme des bien meubles, les animaux sauvages ne bénéficiant quant à eux d’aucun statut particulier, il me semble à la fois choquant et peu rigoureux philosophiquement de ravaler des êtres doués de sensibilité au rang de « choses », et je doute que vous les traitiez comme telles en pratique.]

      En droit, le concept de « chose » s’oppose à celui de « personne ». Oui, je traite mon chien comme une « chose », au sens que je ne lui accorde pas les prérogatives pas plus que je ne lui exige les devoirs qui s’attachent à une personne. Mais le fait que mon chien soit une « chose » ne m’empêche pas de le traiter avec respect et même tendresse. Par contre, je suis totalement opposé à l’idée que mon chien aurait des « droits ». Si l’on interdit la cruauté contre les animaux, ce n’est pas parce que l’animal a des droits, mais parce que la cruauté envers l’animal porte atteinte à la dignité de l’homme.

      [Il se trouve que nous sommes l’espèce dominante sur Terre, selon nos propres critères du moins (si nous raisonnons en termes de biomasse par exemple, l’espèce dominante sur notre planète est… le krill d’Antarctique), et nous distinguons entre autres de nos colocataires par le développement de notre conscience. C’est cette caractéristique à laquelle nous devons notre statut qui nous crée des obligations envers les autres espèces plus faibles.]

      Et c’est précisément cette « conscience » qui nous met en dehors de la « nature ». Alors que le comportement de toutes les espèces sans exception est déterminé par des mécanismes « naturels », le notre est déterminé par des règles que nous nous faisons, et que nous imposons à l’ensemble de la création.

      [Vous pensez en humaniste classique que les traits distinctifs de l’homme le séparent radicalement du reste des vivants, je pense plutôt qu’ils font de lui un primum inter pares. S’il reste des lions et des castors dans quelques millions d’années, ce qui suppose de survivre à l’Anthropocène, peut-être auront-ils à leur tour développé une conscience morale et se soucieront-ils alors des conséquences de leurs actes…]

      Peut-être. Et ils seront alors extérieurs à la nature, sépares « radicalement » du reste des vivants. Mais hic et nunc il n’y a que l’espèce humaine qui ait franchi ce pas. Et ce pas n’en fait pas un « primum inter pares », mais nous rend radicalement différents des autres.

      [Les amateurs de science-fiction sont familiers de ce thème traité par exemple dans « Demain les chiens » de Clifford Simak. Dans un autre registre, je me permets au passage de vous suggérer la lecture de « La fin de l’exception humaine » de J.-M. Schaeffer.]

      C’est fait… mais je ne peux pas dire que le livre m’ait beaucoup impressionné. Je suis assez imperméable à l’anti-humanisme des postmodernes. Car la thèse d’une continuité entre le monde « naturel » et l’être humain est très loin d’être innocente. Elle a des effets juridiques est politiques dévastateurs.

      [J’en profite pour vous remercier pour votre insistance sur ces questions, même si je n’ai jamais été un farouche opposant au nucléaire la lecture de ce blog a emporté mes dernières réticences, avec d’autres résidus de gauchisme.]

      Merci de cet encouragement…

    • v2s dit :

      @Descartes

      [Je ne pense pas avoir beaucoup changé. Mais peut-être vous me compreniez moins bien il y a deux ou trois ans… si l’échange à permis de mieux se comprendre, c’est déjà ça].

      Mais bien sur que si, il convient absolument de saluer le chemin parcouru :
      Avant, si un de vos interlocuteurs évoquait la disparition des insectes pollinisateurs, ou l’épuisement de la réserve halieutique, ou la disparition de la foret primaire d’Océanie ou d’Amazonie pour la remplacer par des plantations de soja ou de palmiers à huile, votre réponse c’était :
      « Si ça doit un jour poser un problème, l’homme trouvera bien une solution ».
      Aujourd’hui, au nom d’une [vision cartésienne d’un homme « maître et possesseur de la nature] vous n’hésitez plus à déclarer que [l’homme est le gardien de la nature].
      Si ça, ce n’est pas une évolution, si ce n’est pas un chemin parcouru.
      Quand un interlocuteur évoquait le renouvellement des ressources naturelles moins rapide que la consommation des mêmes ressources, la réponse c’était :
      « Arrêtez ce discours millénariste »
      Et aujourd’hui, voila que [l’homme est le gardien de la nature].
      Et puis souvenez vous, de mon coté je soutenais que les vrais cartésiens, les vrais réalistes, les vrais pragmatiques c’étaient précisément ceux qui s’alarmaient de la puissance de destruction de la nature exponentielle, que l’homme avait réussi à mettre en place dans le minuscule intervalle de temps qui nous sépare de la révolution industrielle (minuscule à l’échelle de la présence de Sapiens sur terre).
      Et vous, vous me répondiez que, selon une loi mathématique ou physique dont je ne me souviens plus, il était au contraire parfaitement cartésien d’affirmer que l’homme se sortirait forcément de toutes les situations, pour la seule raison qu’il s’en était toujours sorti jusqu’à maintenant.
      Et voila qu’aujourd’hui, l’homme devient [le gardien de la nature].
      Non, décidément, même si vous n’aimez pas ça, nous sommes désormais d’accord sur l’essentiel, et je m’en réjouis.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Je ne pense pas avoir beaucoup changé. Mais peut-être vous me compreniez moins bien il y a deux ou trois ans… si l’échange à permis de mieux se comprendre, c’est déjà ça].

      [Mais bien sur que si, il convient absolument de saluer le chemin parcouru : Avant, si un de vos interlocuteurs évoquait la disparition des insectes pollinisateurs, ou l’épuisement de la réserve halieutique, ou la disparition de la foret primaire d’Océanie ou d’Amazonie pour la remplacer par des plantations de soja ou de palmiers à huile, votre réponse c’était : « Si ça doit un jour poser un problème, l’homme trouvera bien une solution ». Aujourd’hui, au nom d’une [vision cartésienne d’un homme « maître et possesseur de la nature] vous n’hésitez plus à déclarer que [l’homme est le gardien de la nature].]

      Je ne vois pas la différence. C’est bien en « maître de la nature » que l’homme « trouvera une bonne solution » le jour où la disparition d’insectes pollinisateurs ou de la réserve halieutique posera un problème. J’ai l’impression que vous avez mal interprété mon propos : vous semblez croire qu’être « gardien de la nature » implique de la préserver à l’identique.

      Il est vrai que le terme est ambigu. On imagine en général que le « gardien » n’est pas le propriétaire du bien, mais qu’il a reçu délégation de ce propriétaire pour garder le bien dans les meilleures conditions en attendant que le propriétaire reprenne possession. Mais j’ai bien explicité au contraire que l’homme est « gardien de la nature » précisément parce qu’il en était « maître et propriétaire ». C’est donc lui-même qui définit les termes de sa « garde ».

      [Et vous, vous me répondiez que, selon une loi mathématique ou physique dont je ne me souviens plus, il était au contraire parfaitement cartésien d’affirmer que l’homme se sortirait forcément de toutes les situations, pour la seule raison qu’il s’en était toujours sorti jusqu’à maintenant.]

      Vous falsifiez ma pensée. Je vous mets au défi de m’indiquer ou j’aurais dit que « selon une loi mathématique ou physique il était cartésien d’affirmer que l’homme se sortirait forcément de toutes les situations ». Je n’ai jamais dit pareille absurdité. Tout ce que j’ai dit, c’est que l’homme a toujours résolu les problèmes qui se posaient à lui, et qu’il n’y avait aucune raison de penser qu’il n’y serait capable à l’avenir.

      [Non, décidément, même si vous n’aimez pas ça, nous sommes désormais d’accord sur l’essentiel, et je m’en réjouis.]

      Je ne crois pas que nous soyons plus « d’accord sur l’essentiel » aujourd’hui qu’hier, mais si cela vous fait plaisir de le penser, je ne m’y opposerai pas. Après tout, on a tellement peu d’opportunités de se faire plaisir, aujourd’hui…

  10. Marcailloux dit :

    @Descartes et v2s
    Bonjour,
    [Votre immense talent rhétorique me surprendra toujours. Tel le chat, vous retombez toujours sur vos pattes.] – – – – [Parce que, comme le chat, je regarde bien ou je vais avant de sauter…]
    Je partage avec v2s sa surprise, assez plaisante en général, rarement agaçante toutefois.
    Exemple de « détournement » rhétorique : eh bien non, un chat, qu’il regarde ou non l’endroit où il va atterrir, a la faculté, par son système vestibulaire, de tomber à plat sur ses pattes, et des expériences ont montré qu’en lui occultant les yeux et en le lâchant dans le vide sur le sol, il rétablissait instinctivement la verticale.

    Vous écrivez dans un commentaire à Alexis
    [Tout simplement parce que cette idée que l’homme « fait partie de la nature » est au fond un anti-humanisme].- – – – – [Si nous ne sommes qu’une espèce parmi d’autres, alors pourquoi devrions nous nous préoccuper du saccage de la nature ?]

    Vous simplifiez la situation de l’homme sur la planète.
    Il n’est pas contestable que l’espèce humaine est le produit de la nature. C’est l’effet même de l’évolution que vous ne réfutez sans doute pas.
    Que nous soyons une « espèce parmi d’autre » n’est, non plus, pas contestable, et il en existe près de 9 millions actuellement recensées. L’emploi ou non du terme d’animal, ne change rien à notre appartenance parmi les espèces vivantes, vertébrées, mammifères.
    C’est la singularité de notre espèce qui nous distingue des autres, avec lesquelles nous partageons la vie sur notre planète commune. Et cette singularité consiste en la capacité de l’homme à acquérir et accumuler une culture sans commune mesure avec les espèces les plus proches de l’humanisme.
    L’évolution culturelle nous a affranchis partiellement du déterminisme naturel qui s’impose aux autres espèces et les rend irresponsables de leurs actes.
    Quant à être gardien, l’homme n’est pas encore, et de loin, le gardien de la nature, mais de ses propres interventions vis-à-vis de la nature.
    Nuance essentielle.
    S’il en était le gardien, au sens où vous l’évoquez, il abolirait la bêtise, la cruauté, la violence, il maitriserait l’énergie des ouragans et de la foudre, etc, etc.
    Dans votre jardin, vous ne maitrisez pas l’action des parasites, des maladies cryptogamiques, et bien d’autres choses.
    D’autre part, l’appartenance ou l’inclusion dans un ensemble, que ce soit la nature au sens large, ou un groupe humain, n’exclut pas la capacité de garder, ou « gardienner ».
    Il existe bien dans le langage la possibilité de « se garder de… », le PDG d’une entreprise fait « partie » de l’entreprise, mais son rang lui attribue des responsabilités liées au pouvoir dont il dispose sur l’entreprise et ses salariés. Il est, entre autres, le « gardien » des résolutions et engagements organisant les activités de l’entreprise. Il se gardera donc de les trahir. Dans l’église catholique, il existe la fonction de gardien de la doctrine de la foi, confiée à un cardinal dont on attend, pour le moins, qu’il la pratique [la foi] avec rigueur. Il est croyant parmi les croyants.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Tout simplement parce que cette idée que l’homme « fait partie de la nature » est au fond un anti-humanisme].- – – – – [Si nous ne sommes qu’une espèce parmi d’autres, alors pourquoi devrions nous nous préoccuper du saccage de la nature ?][Vous simplifiez la situation de l’homme sur la planète.]

      Bien entendu. Il est difficile sur un blog d’aller au fond des choses. Un blog, c’est un travail journalistique, et l’essence du journalisme est de savoir simplifier sans travestir.

      [Il n’est pas contestable que l’espèce humaine est le produit de la nature. C’est l’effet même de l’évolution que vous ne réfutez sans doute pas.]

      Avec des nuances. Disons que l’homme de Cro-Magnon soit le produit de l’évolution. Mais l’homme moderne l’est-il ? Cela est déjà moins évident. Les comportements de l’homme moderne, le chemin qu’il a parcouru depuis cette époque sont-ils explicables par la simple sélection naturelle ? Je ne le crois pas. Alors, il est difficile de dire que l’espèce humaine telle que nous la connaissons aujourd’hui soit le produit de l’évolution. La biologie humaine doit tout à l’évolution. Mais l’éthologie humaine ?

      [Que nous soyons une « espèce parmi d’autre » n’est, non plus, pas contestable, et il en existe près de 9 millions actuellement recensées. L’emploi ou non du terme d’animal, ne change rien à notre appartenance parmi les espèces vivantes, vertébrées, mammifères.]

      Là, nous divergeons. L’idée même d’espèce n’a rien de naturel. C’est nous, êtres humains, qui avons fixé arbitrairement la classification des êtres vivants. Et par conséquent, nous n’appartenons à une « espèce » que dans la mesure ou nous décidons, en toute liberté, que cette classification s’applique à nous. Nous ne sommes donc pas, nous ne pouvons pas être « une espèce comme les autres ».

      [C’est la singularité de notre espèce qui nous distingue des autres, avec lesquelles nous partageons la vie sur notre planète commune. Et cette singularité consiste en la capacité de l’homme à acquérir et accumuler une culture sans commune mesure avec les espèces les plus proches de l’humanisme.]

      Il n’y a pas que ça. Présenté comme vous le faites, il semblerait que la barrière entre les autres êtres vivants et nous soit une pure question quantitative. Il n’y aurait donc pas de différence qualitative entre le singe et nous, simplement, nous sommes capables d’emmagasiner une somme de connaissances plus grandes que lui.

      Ma position – qui est celle de l’humanisme classique – est qu’il y a une différence qui n’est pas quantitative, mais qualitative. Nous sommes humains non pas parce que nous pouvons faire des choses mieux que le singe, mais parce que nous pouvons faire des choses que le singe ne peut pas faire, et cela a aucun degré. Nous sommes le seul être vivant à avoir un sens moral, et par conséquence le seul à échapper à la logique de sélection naturelle.

      [Quant à être gardien, l’homme n’est pas encore, et de loin, le gardien de la nature, mais de ses propres interventions vis-à-vis de la nature. Nuance essentielle.]

      Je n’ai pas compris la « nuance ».

      [S’il en était le gardien, au sens où vous l’évoquez, il abolirait la bêtise, la cruauté, la violence, il maitriserait l’énergie des ouragans et de la foudre, etc, etc.]

      Je crois que vous confondez maîtrise et toute-puissance. Je suis maître et gardien de mon jardin, et pourtant je ne suis pas capable d’y abolir « la bêtise »…

  11. Benjamin dit :

    “Tout ce que j’ai dit, c’est que l’homme a toujours résolu les problèmes qui se posaient à lui, et qu’il n’y avait aucune raison de penser qu’il n’y serait capable à l’avenir”

    “L’homme qui a nourri le poulet tous les jours de sa vie finit par lui tordre le cou, montrant par là qu’il eût été bien utile audit poulet d’avoir une vision plus subtile de l’uniformité de la nature.”

    – Bertrand Russell

    (Je sais que ce n’est pas de votre fait mais j’ai bien du mal à m’habituer au nouveau système de commentaires, particulièrement contre-intuitif…)

    • Descartes dit :

      @ Benjamin

      [“Tout ce que j’ai dit, c’est que l’homme a toujours résolu les problèmes qui se posaient à lui, et qu’il n’y avait aucune raison de penser qu’il n’y serait capable à l’avenir”][“L’homme qui a nourri le poulet tous les jours de sa vie finit par lui tordre le cou, montrant par là qu’il eût été bien utile audit poulet d’avoir une vision plus subtile de l’uniformité de la nature.”- Bertrand Russell]

      La citation est jolie… mais elle n’est pas adaptée. Russel fait une erreur de raisonnement en identifiant ce qui est une attitude humaine (le fait de nourrir le poulet pour le tuer ensuite) avec « l’uniformité de la nature ». Le poulet aurait du se méfier précisément parce que l’homme ne fait pas partie de la nature, et que le fait de nourrir le poulet fait donc partie d’un « plan », est gouverné par une intention.

      Si l’homme a pu résoudre jusqu’ici les problèmes qui se posaient à lui, c’est du fait de ses capacités, et non parce qu’une force supérieure – ayant donc un « plan » – l’a ainsi voulu. Du coup, l’inférence qui consiste à projeter le passé vers le futur est méthodologiquement bien plus rationnelle.

      [(Je sais que ce n’est pas de votre fait mais j’ai bien du mal à m’habituer au nouveau système de commentaires, particulièrement contre-intuitif…)]

      J’en suis vraiment désolé, mais je n’y peux rien… sinon protester auprès d’over-blog.

  12. morel dit :

    98 % de notre génome commun avec le chimpanzé. Sommes-nous pour autant des chimpanzés ?
    Rappel : un homme peut traiter un autre de chimpanzé, pas l’inverse 😉
    35 % de notre génome commun avec certaines fleurs. Sommes-nous des fleurs évoluées ?
    Ne pas tenir compte des réponses de certaines coquettes 😉
    « Qu’est-ce que l’homme ? C’est l’espèce qui échappe à la compétition le plus efficacement en divergeant de manière radicale, ce qui explique son succès par rapport aux autres espèces au cours de l’évolution. Elle le fait grâce à la culture et à tout ce qui lui est lié ; langage, sciences et technologie, développement industriel, arts etc…En effet, l’homme crée son propre environnement, il vit dans une société dont les lois s’imposent au déterminisme biologique – aucune autre espèce n’est en mesure de le rejoindre sur ce terrain. D’un point de vue darwinien, l’homme est donc le triomphe de la divergence. »
    Jean-Jacques KUPIEC Biologiste INSERM

  13. v2s dit :

    @Descartes
    Et aussi @marcailloux, Benjamin, Alexis

    Descartes vous dites :
    [Si l’homme a pu résoudre jusqu’ici les problèmes qui se posaient à lui, c’est du fait de ses capacités, (…) Du coup, l’inférence qui consiste à projeter le passé vers le futur est méthodologiquement bien plus rationnelle. ?]

    Certes, la science remet en question en permanence ses certitudes, mais, à un instant donné, il faut bien s’en tenir aux dernières avancées.
    À ce jour, les paléontologues n’émettent guère de doute sur le fait qu’Homo Sapiens, (« nous »), n’a pas changé depuis son « apparition » hier, il y a 200 000 ans. Par « apparition » j’entends ultime évolution de la branche du buisson des hominidés.
    Ce que le paléontologue, Y. Coppens, expliquait un jour par cette image : « Homo Sapiens avait toutes les capacités intellectuelles pour être, par exemple, le Président d’un état moderne ». Ce qu’on pourrait traduire autrement :
    Si, en 2015, des généticiens « s’autorisaient » à cloner un homme, contemporain de Cro-Magnon, à partir de quelques cellules recueillies sur des restes exploitables, enfermés, par exemple, dans le permafrost, le bébé ainsi cloné, élevé dans une famille moderne et éduqué sur les bancs d’une école, ne présenterait aucune différence avec les autres élèves de sa classe.
    Mais au fond, je pense que le débat se situe ailleurs, parce que sur ce point nous n’avons pas de réelles divergences, puisque vous dites que, ce qui nous différencie de Cro-Magnon, c’est notre culture accumulée et, là-dessus, je pense que nous pouvons être d’accord.
    La chance extraordinaire d’Homo Sapiens, c’est que l’ultime évolution dont il a bénéficié lui a conféré une intelligence et des capacités suffisantes pour accumuler et transmettre un savoir, puis concevoir, imaginer et construire des machines, des systèmes ou des organisations qui le mettent à l’abri des principaux aléas de la nature.
    Là ou cette chance se transforme catastrophe potentielle, c’est quand les hommes oublient qu’ils font partie d’un ensemble, oublient qu’ils vivent en interdépendance avec le reste de leur écosystème.
    La terre est un exceptionnel et minuscule vaisseau spatial qui se déplace dans un espace infini et inhospitalier, en un mot, un espace invivable.
    Par un hasard formidable, la terre, ce minuscule vaisseau spatial, réunit une infinité de conditions (température, eau, air, oxygène, autres êtres vivants, nourriture …) qui en font notre habitat idéal.
    Si nous venions à utiliser notre intelligence, nos capacités et nos acquis culturels pour perturber ce bel équilibre, nous nous mettrions nous-mêmes en danger.
    Par notre intelligence, nos capacités et notre culture accumulée, nous sommes évidemment très différents des autres espèces.
    Mais là ou nous sommes sur un parfait pied d’égalité avec le reste des 9 autres millions d’espèces vivants sur terre, c’est quand, comme les 9 autres millions, nous sommes totalement dépendants du maintien des conditions de la vie sur terre.
    Et contrairement aux autres espèces, notre intelligence, nos capacités et nos connaissances accumulées nous ont mis en capacité de détruire tout ou partie des conditions optimums de la vie sur terre : Déforestation, consommation des ressources plus rapide que leur renouvellement, raréfaction des réserves d’eau douce fossiles, accumulation des déchets sur terre, sur mer et dans l’air, accumulation de polluants liés à l’agriculture, à l’industrie, aux transports …( je m’arrête parce que habituellement vous poursuivez mes énumérations par « et gna gna gna, et gna gna gna… »
    C’est donc une immense responsabilité que de veiller au maintien, que « d’être la gardien », des conditions optimums de vie sur terre.
    Ces conditions optimums sont aujourd’hui largement compromises dans de nombreux domaines.
    Alors, qui sont les dangereux irrationnels, ceux qui affirment qu’il faut réagir maintenant ou ceux qui affirment, comme vous : « si ça doit un jour poser un problème, nous trouverons bien une solution » ?

    • Descartes dit :

      @ v2s

      Certes, la science remet en question en permanence ses certitudes, mais, à un instant donné, il faut bien s’en tenir aux dernières avancées.

      [À ce jour, les paléontologues n’émettent guère de doute sur le fait qu’Homo Sapiens, (« nous »), n’a pas changé depuis son « apparition » hier, il y a 200 000 ans. Par « apparition » j’entends ultime évolution de la branche du buisson des hominidés.]

      Et par « changer », vous entendez quoi ? Je vois mal comment font les paléontologues pour savoir si la psyché de l’homme n’a pas changé depuis 200.000 ans. Comment font-ils pour psychanalyser cette malheureuse Lucy ? A la rigueur, les scientifiques peuvent conclure que l’homme n’a pas changé significativement du point de vue biologique. Que son cerveau était plus ou moins de la taille du notre. Mais ils n’ont aucun élément pour savoir comment ce cerveau fonctionnait.

      [Ce que le paléontologue, Y. Coppens, expliquait un jour par cette image : « Homo Sapiens avait toutes les capacités intellectuelles pour être, par exemple, le Président d’un état moderne
      ».]

      Je respecte beaucoup l’opinion de Coppens, mais à toute affirmation comme celle-ci je fais passer un simple test : je me demande « comment le sait-il » ? Franchement, pensez-vous qu’on puisse connaître les « capacités intellectuelles » d’un animal – homme inclus – à partir de quelques fragments d’os récupérés par-ci par-là ? Même parmi les hommes modernes, tous n’ont pas les « capacités intellectuelles pour être le Président d’un état moderne ». Pourriez-vous les reconnaître un examinant un fragment de leur mandibule ?

      [Si, en 2015, des généticiens « s’autorisaient » à cloner un homme, contemporain de Cro-Magnon, à partir de quelques cellules recueillies sur des restes exploitables, enfermés, par exemple, dans le permafrost, le bébé ainsi cloné, élevé dans une famille moderne et éduqué sur les bancs d’une école, ne présenterait aucune différence avec les autres élèves de sa classe.]

      Le fait est que nous n’en savons rien. Peut-être bien que oui, et peut-être bien que non. Sauf à faire l’expérience, nous ne le saurons jamais. Parce que Cro-Magnon a fabriqué des outils et des objets d’un raffinement qu’aucun autre animal n’a réussi, on peut supposer qu’il avait des mécanismes mentaux qui le rapprochent de nous. Mais nous ne savons pas si son cerveau était capable d’abstraction. Et, sauf à faire un clone, nous ne le saurons jamais avec certitude.

      [Là ou cette chance se transforme catastrophe potentielle, c’est quand les hommes oublient qu’ils font partie d’un ensemble, oublient qu’ils vivent en interdépendance avec le reste de leur écosystème.]

      De grâce, ayez un peu de sens critique sur votre propre discours, au lieu de répéter des formules toutes faites ! Les hommes n’oublient JAMAIS qu’ils vivent en interdépendance avec le reste de leur écosystème. On construit des maisons pour se protéger du « reste de notre écosystème ». On tue les rats et les cafards pour la même raison. En dehors des autistes, tout le monde est parfaitement conscient qu’il existe un vaste monde là dehors, avec lequel nous sommes en interaction.

      [La terre est un exceptionnel et minuscule vaisseau spatial qui se déplace dans un espace infini et inhospitalier, en un mot, un espace invivable.]

      Et alors ? Sans vouloir vous offenser, l’extinction du Dodo n’a en rien changé la « vivabilité » de la terre. Vous semblez croire que pour que la terre reste « vivable », il ne faut surtout rien y changer. Ce n’est pas le cas. On peut aussi améliorer la terre.

      [Par un hasard formidable, la terre, ce minuscule vaisseau spatial, réunit une infinité de conditions (température, eau, air, oxygène, autres êtres vivants, nourriture …) qui en font notre habitat idéal.]

      Pas vraiment. Autrement, nous n’aurions pas besoins de chauffage, de cultiver la terre… je dirais plutôt que la terre réunit des conditions qui ne sont pas un mauvais point de départ, et que l’homme l’a ensuite beaucoup améliorée…

      [Si nous venions à utiliser notre intelligence, nos capacités et nos acquis culturels pour perturber ce bel équilibre, nous nous mettrions nous-mêmes en danger.]

      Pourquoi ? Qu’est ce qui vous dit que cet « bel équilibre » est le seul possible, qu’il n’y a d’autres équilibres encore plus favorables à l’épanouissement de l’espèce humaine ? Tiens, prenons un exemple : je suis persuadé que vous n’hésitez pas à tuer rats et cafards lorsque ceux-ci s’approchent un peu trop près de vous. Pourquoi ne pas laisser « le bel équilibre » s’établir naturellement ? Les rats et les cafards ne sont-ils pas, eux aussi, partie de cet « écosystème » dont l’équilibre doit être préservé ?

      [C’est donc une immense responsabilité que de veiller au maintien, que « d’être la gardien », des conditions optimums de vie sur terre.]

      « Optimum » pour qui ? Pour les rats ? Pour les cafards ? Pour les dauphins ? Pour les bébés-phoques ? Pour nous ?

      [Alors, qui sont les dangereux irrationnels, ceux qui affirment qu’il faut réagir maintenant ou ceux qui affirment, comme vous : « si ça doit un jour poser un problème, nous trouverons bien une solution » ?]

      Les premiers, assurément. « réagir maintenant » contre quoi ?

    • v2s dit :

      @ Descartes
      [Je vois mal comment font les paléontologues pour savoir si la psyché de l’homme n’a pas changé depuis 200.000 ans. Comment font-ils pour psychanalyser cette malheureuse Lucy ?]
      Mais non, Descartes, Lucy n’est pas une Homo Sapiens, elle n’a pas, comme nos semblables Homo Sapiens, 200 000 ans, mais elle a 3,2 millions d’année. C’est un australopithèque et pas du tout un homme moderne.
      200 000 ans, l’apparition de l’homme moderne, c’est un temps ridiculement court par rapport à l’histoire de la vie et de l’évolution, qui remontent, elles, à 3,8 milliards d’années. 200 000 ans c’était hier.

      [Vous semblez croire que pour que la terre reste « vivable », il ne faut surtout rien y changer.]
      Là, Descartes, vous êtes pris en flagrant délit de parfaite mauvaise foi. Lorsque je déplore, en quelques décennies, l’accumulation de pollutions des mers, des terres et de l’air, vous traduisez ça par [Vous semblez croire que pour que la terre reste « vivable », il ne faut surtout rien y changer.].
      Ce n’est même pas de la déformation de mes propos c’est de l’invention pure et simple. Vous ne trouverez nulle part, en trois ans d’interventions sur ce blog, une phrase de moi qui prétend qu’il ne faut rien changer. Ce que je dis c’est que le temps est venu d’arrêter le massacre, de réfléchir aux conséquences avant de se lancer dans la fuite en avant, de penser à la terre que nous laissons à nos enfants.

      [« Optimum » pour qui ? Pour les rats ? Pour les cafards ? Pour les dauphins ? Pour les bébés-phoques ? Pour nous ?]
      Il semblerait que les rats et surtout les cafards seront beaucoup mieux équipés que nous pour survivre lorsque nous aurons finis de vider les dernières nappes phréatiques fossiles, pollués les dernières mers intérieures d’eau douce, raclé les derniers fonds marins …
      Je ne suis pas du tout inquiet pour la survie des rats et des cafards. Je vous rappelle que les cafards étaient là 400 millions d’années avant nous, ils en vu d’autres. Il n’y a que nous qui soyons importants. Mais vous, vous préférez croire que l’extinction accélérée des espèces est sans conséquences pour nous, vous ne croyez donc pas à l’interdépendance des espèces, pour leur survie.
      Vous affirmez que
      [Les hommes n’oublient JAMAIS qu’ils vivent en interdépendance avec le reste de leur écosystème],
      mais vous vous empressez d’ajouter
      [Qu’est ce qui vous dit que cet « bel équilibre » est le seul possible, qu’il n’y a d’autres équilibres encore plus favorables à l’épanouissement de l’espèce humaine ?]
      Donc, votre confiance dans l’homme est telle, que vous êtes convaincu que notre intelligence sans borne corrigera en quelques décennies un monde qui a mis prés de 4 milliards d’années à se stabiliser.
      Et bien, rien, absolument rien ne me dit qu’il n’existe pas de meilleur équilibre, rien si ce n’est mon intime conviction et celle de ceux qui, comme moi, pensent que l’homme est un apprenti sorcier lorsqu’il prétend bousculer sans conséquences fatales, un équilibre qui a mis 4 milliards d’années à s’installer.
      Notre intime conviction vaut bien la votre.
      Forcément l’un de nous deux se trompe.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Je vois mal comment font les paléontologues pour savoir si la psyché de l’homme n’a pas changé depuis 200.000 ans. Comment font-ils pour psychanalyser cette malheureuse Lucy ?][Mais non, Descartes, Lucy n’est pas une Homo Sapiens, elle n’a pas, comme nos semblables Homo Sapiens, 200 000 ans, mais elle a 3,2 millions d’année. C’est un australopithèque et pas du tout un homme moderne.]

      Je crains que vous ne soyez atteint d’une grave atrophie de votre sens de l’humour… en tout cas, vous ne répondez pas à la question. Connaître le psychisme de Lucy est aussi difficile que de connaître celle d’un Homo Sapiens d’il y a 200.000 ans. L’un comme l’autre n’a laissé aucune trace qui donne une idée du fonctionnement de son imaginaire.

      [Vous semblez croire que pour que la terre reste « vivable », il ne faut surtout rien y changer.][Là, Descartes, vous êtes pris en flagrant délit de parfaite mauvaise foi. Lorsque je déplore, en quelques décennies, l’accumulation de pollutions des mers, des terres et de l’air, vous traduisez ça par « vous semblez croire que pour que la terre reste « vivable », il ne faut surtout rien y changer. ».]

      Avant d’accuser les autres de « mauvaise foi », il faudrait peut-être balayer devant votre porte. Ma remarque ne répondait nullement à votre « déploration qu’en quelques décennies l’accumulation de pollutions des mers, des terres et de l’air », mais à une remarque totalement différente, que voici : « La terre est un exceptionnel et minuscule vaisseau spatial qui se déplace dans un espace infini et inhospitalier, en un mot, un espace invivable. ».

      [Ce n’est même pas de la déformation de mes propos c’est de l’invention pure et simple.]

      Comme vous pouvez l’apprécier au paragraphe précédent, c’est vous qui « inventez purement et simplement » une « déploration » qui n’existe pas et qui sortez ma réponse de son contexte. Je ne vous accuserai pas de mauvaise foi, car contrairement à vous j’ai du respect pour les autres et je n’aime pas les accusations sans preuves. Je me contenterai donc de penser que vous vous trompez.

      [Vous ne trouverez nulle part, en trois ans d’interventions sur ce blog, une phrase de moi qui prétend qu’il ne faut rien changer.]

      Bien sur que si. Vous brodez en permanence sur le thème « il faut préserver les équilibres » de la nature. Je vois mal comment on pourrait modifier quoi que ce soit sans modifier les équilibres naturels. Quand je vaccine des populations, je prolonge leur espérance de vie. Et cela ne peut être sans effet sur les « équilibres naturels ».

      [« Optimum » pour qui ? Pour les rats ? Pour les cafards ? Pour les dauphins ? Pour les bébés-phoques ? Pour nous ?][Il semblerait que les rats et surtout les cafards seront beaucoup mieux équipés que nous pour survivre lorsque nous aurons finis de vider les dernières nappes phréatiques fossiles, pollués les dernières mers intérieures d’eau douce, raclé les derniers fonds marins …]

      Je constate que vous ne répondez pas à la question de fond. Y a-t-il un espoir d’avoir une réponse avant d’avoir fini de vider les dernières nappes phréatiques fossiles, pollués les dernières mers intérieures d’eau douce – une contradiction dans les termes, entre parenthèses – et raclé les derniers fonds marins ?

      [Il n’y a que nous qui soyons importants.]

      Hossannah ! Alleluia ! Vous avez vu la lumière, les dieux soient loués !

      [Mais vous, vous préférez croire que l’extinction accélérée des espèces est sans conséquences pour nous, vous ne croyez donc pas à l’interdépendance des espèces, pour leur survie.]

      J’avoue que l’interdépendance entre nous et le Dodo m’a échappé, oui… tigres et lions se sont éteints en Europe, et je n’ai pas l’impression que les européens soient plus malheureux ou vivent moins bien de ce fait. Je dirais même que c’est le contraire.

      [Qu’est ce qui vous dit que cet « bel équilibre » est le seul possible, qu’il n’y a d’autres équilibres encore plus favorables à l’épanouissement de l’espèce humaine ?][Donc, votre confiance dans l’homme est telle, que vous êtes convaincu que notre intelligence sans borne corrigera en quelques décennies un monde qui a mis prés de 4 milliards d’années à se stabiliser.]

      Bien entendu. Pendant longtemps les hommes sont morts à 30 ans de maladies, de froid, tués par les bêtes sauvages. Et cet « équilibre » s’est stabilisé pendant des centaines de milliers voire des millions d’années ; et puis en une vingtaine de siècles, presque rien à l’échelle du monde, nous avons multiplié notre espérance de vie par deux ou plus, contrôlé ou supprimé des maladies incurables il y a à peine quelques siècles. Donc oui, nous avons pas mal « corrigé » les équilibres, et personne ne songe à s’en plaindre.

      [Et bien, rien, absolument rien ne me dit qu’il n’existe pas de meilleur équilibre,]

      Au contraire, tout vous le dit. A moins que vous préfériez revenir vivre dans une caverne, manger des racines et des baies et mourir à 30 ans, comme cela s’est toujours fait avant qu’on décide finalement de corriger la copie de mère nature. Nous avons profondément modifié les équilibres naturels en ce qui nous concerne et, si l’on laisse de côté certains écologistes parmi les plus extrêmes, personne, et je dis bien PERSONNE ne veut revenir en arrière. Les écologistes eux-mêmes dans leur immense majorité insistent sur le fait que leur objectif n’est pas un retour à l’âge de pierre.

      [Notre intime conviction vaut bien la votre.]

      « Notre » ? Vous avez été mandaté par quelqu’un pour perler en son nom ? Ou s’agit-il d’un pluriel de majesté ?

      [Forcément l’un de nous deux se trompe.]

      J’ai ma réponse donc : c’est bien un pluriel de majesté, puisque « nous » n’est qu’un…

  14. morel dit :

    @ v2s @ Descartes

    « Et alors ? Sans vouloir vous offenser, l’extinction du Dodo n’a en rien changé la « vivabilité » de la terre. Vous semblez croire que pour que la terre reste « vivable », il ne faut surtout rien y changer. Ce n’est pas le cas. On peut aussi améliorer la terre. »

    Voilà ! En plein dans le mille ! J’ai toujours remarqué cette propension des écolos (je ne parle pas des scientifiques) à vouloir figer pour l’éternité les conditions « naturelles ». Outre que ce que nous connaissons actuellement a été mille fois , bouleversé, façonné par l’histoire c-a-d pas seulement celle des hommes ; une démultiplication de pandas, par exemple, détruisant des forêts de bambous, ça ne peut pas se faire ?; et s’il faut revenir au « naturel », qui peut croire que la terre était viable pour ce qui est devenu l’humanité, à ses débuts ? Le « naturel » est une escroquerie intellectuelle : la matière est en perpétuelle mutation, on sait ainsi que le soleil aussi va connaître sa fin (bien sûr c’est pas demain) et il faudrait que l’action de l’homme se contente de « préserver » ?
    Absurde !

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Voilà ! En plein dans le mille ! J’ai toujours remarqué cette propension des écolos (je ne parle pas des scientifiques) à vouloir figer pour l’éternité les conditions « naturelles ». Outre que ce que nous connaissons actuellement a été mille fois bouleversé, façonné par l’histoire (…)]

      Cette idée de « figer pour l’éternité les conditions naturelles » est profondément inscrite dans notre psyché. Nous n’aimons pas les choses qui changent, parce que ce changement nous rappelle l’irréversibilité de notre condition, qui nous amène fatalement de la naissance à la mort. L’idée d’un monde cyclique, ou tout se reproduit à l’identique à l’infini, est une réponse à cette angoisse. On le retrouve explicitement dans certaines cosmogonies – pensez à la vision hindouiste de la roue de la vie – et de manière moins explicite dans d’autres. Ce n’est qu’à cette condition que nous pouvons écarter cette terrible réalité que l’évolution du monde est irréversible, et qu’il nous est donc impossible de laisser la terre comme nous l’avons trouvée.

      Bien entendu, c’est une illusion qui prend quelquefois des aspects comiques. Ainsi, cette affiche vantant la « Loire-Nature » avec l’image le château et la forêt de Chambord ou de Chenonceau, dont on peut difficilement arguer du caractère « naturel ». Les rats et les cafards sont aussi « naturels » que les bébés-phoques ou les dauphins, et pourtant personne ne crie au scandale lorsqu’ils sont empoisonnés en grand nombre.

  15. v2s dit :

    [personne, et je dis bien PERSONNE ne veut revenir en arrière]
    Moi non plus. Si vous m’attribuez ça aussi, c’est aussi une invention.

    [Pendant longtemps les hommes sont morts à 30 ans de maladies, de froid, tués par les bêtes sauvages. Et cet « équilibre » s’est stabilisé pendant des centaines de milliers voire des millions d’années]

    Il n’existe qu’un seul homme, c’est homo sapiens (Neandertal s’est éteint et ce n’était pas notre ancêtre).
    Cet homme moderne, n’existe que depuis 200 000 ans (pas des millions). Et depuis 200.000 ans son ADN n’a pas varié, pas évolué.
    Cette durée de présence de l’homme sur terre est insignifiante, comparée aux 3,5 milliards d’années de présence de la vie ou même aux 70 millions d’années de la présence des mammifères.

    Nous, nous sommes arrivés « hier », (il y a 200 000 ans) mais surtout, ce n’est que depuis une poignée d’années, depuis la révolution industrielle, que notre impact positif et négatif est devenu infiniment plus grand que n’importe quel animal et surtout, infiniment plus grand que notre propre impact avant ce moment extraordinaire.

    La question n’est pas de savoir si l’homme fait bien de chercher à améliorer ses conditions de vie sur terre. Oui, l’homme fait bien de chercher à améliorer ses conditions de vie sur terre.
    La question grave, pas résolue, c’est la question des dommages collatéraux.

    Quand vous parliez de l’homme [gardien de la nature], je croyais que vous aviez enfin réalisé que l’homme devait se réveiller et se décider à évaluer, à priori, les dommages collatéraux de sa fuite en avant vers le progrès.
    Mais non, vous avez immédiatement apporté une explication qui contredisait ce que j’avais cru comprendre.
    Dont acte. C’est très clair.

    [Qu’est ce qui vous dit que ce « bel équilibre » est le seul possible, qu’il n’y a (pas) d’autres équilibres encore plus favorables à l’épanouissement de l’espèce humaine ?]
    Alors, un nouvel équilibre ? Pourquoi pas ?
    Mais, lorsque les plastiques envahissent les océans, lorsque les pesticides s’accumulent dans les terres végétales, lorsque les métaux lourds ou les hormones se retrouvent dans nos nappes phréatiques et dans nos verres d’eau, reconnaissez que ce « nouvel équilibre » qui s’installe n’a pas été voulu, n’a pas été pensé.
    C’est bien un dommage collatéral.
    Que cette accumulation de dysfonctionnements s’avére être [encore plus favorables à l’épanouissement de l’espèce humaine], reconnaissez aussi que c’est fort peu probable.

    Je ne milite pas pour un retour en arrière, ni pour un gel de tout progrès.
    Je milite seulement pour que l’homme arrête la fuite en avant, cesse de croire que les dommages collatéraux trouveront « forcément » une solution.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [personne, et je dis bien PERSONNE ne veut revenir en arrière][Moi non plus. Si vous m’attribuez ça aussi, c’est aussi une invention.]

      Je ne vous attribue rien du tout. J’aurais imaginé que l’expression « personne ne veut » vous exclut au même titre que tous les autres. Mais je trouve le fait que vous teniez à préciser le point assez révélateur… auriez-vous peur que votre discours soit mal compris ? Ne le trouvez-vous pas assez clair ?

      [Pendant longtemps les hommes sont morts à 30 ans de maladies, de froid, tués par les bêtes sauvages. Et cet « équilibre » s’est stabilisé pendant des centaines de milliers voire des millions d’années][Il n’existe qu’un seul homme, c’est homo sapiens (Neandertal s’est éteint et ce n’était pas notre ancêtre). Cet homme moderne, n’existe que depuis 200 000 ans (pas des millions).]

      Puisque vous avez décidé de pinailler, pinaillons donc. Neanderthal était en partie notre ancêtre, puisque les recherches récentes montrent qu’une partie de notre génome nous vient de lui, ce qui conduit à l’hypothèse que des neanderthaliens se sont accouplés avec des cro-magnons pour engendre une descendence. Ensuite, si vous dites que « cet homme moderne » n’existe que depuis 200.000, vous sous entendez qu’il existe « d’autres hommes modernes ». Ce qui contredit votre théorie selon laquelle « il n’existe qu’un seul homme ».

      [Et depuis 200.000 ans son ADN n’a pas varié, pas évolué.]

      Ce n’est pas ce que disent les études génétiques : en particulier, on trouve trace du croisement avec l’homme de Neanderthal, ce qui suppose tout de même un petit changement de l’ADN…

      [Nous, nous sommes arrivés « hier », (il y a 200 000 ans) mais surtout, ce n’est que depuis une poignée d’années, depuis la révolution industrielle, que notre impact positif et négatif est devenu infiniment plus grand que n’importe quel animal et surtout, infiniment plus grand que notre propre impact avant ce moment extraordinaire.]

      Et je ne vois pas de raison de me plaindre. Sans cet impact, je serais en toute probabilité mort depuis longtemps.

      [La question n’est pas de savoir si l’homme fait bien de chercher à améliorer ses conditions de vie sur terre. Oui, l’homme fait bien de chercher à améliorer ses conditions de vie sur terre.]

      Une petite précision : s’agit-il seulement de « chercher à améliorer », ou d’améliorer effectivement ?

      [La question grave, pas résolue, c’est la question des dommages collatéraux.]

      Je note d’abord la manière dont vous posez la question. Ce qui vous inquiète, ce ne sont pas les « effets » collatéraux, mais les « dommages » collatéraux. Vous introduisez donc une catégorie morale dans l’affaire, parce que ce qui est « dommage » pour l’un n’est qu’un « effet » – voire un effet positif – sur l’autre. Vous trouverez des gens pour vous dire que le Château de Chambord est un « dommage » parce qu’il modifie le paysage naturel du val de Loire. D’autres, au contraire, jugent qu’il l’améliore.

      Mais surtout, que voulez-vous dire par « pas résolue » ? Comment une telle question pourrait-elle être « résolue » ? C’est comme si vous me disiez que l’homme n’a toujours pas résolu la question de la mort. Notre vie change la terre. Il en est ainsi, et c’est inévitable. On peut poser la question de la nature de ces changements, de leur contrôle, de leur suivi. Mais on ne peut pas les « résoudre ». Derrière votre formulation, se cache toujours la même illusion : celle de « laisser la terre dans l’état ou nous l’avons trouvé ».

      [Quand vous parliez de l’homme [gardien de la nature], je croyais que vous aviez enfin réalisé que l’homme devait se réveiller et se décider à évaluer, à priori, les dommages collatéraux de sa fuite en avant vers le progrès.]

      Encore une fois, vous donnez au débat une tournure morale qui le rend impossible. Ayant qualifié l’activité humaine de « fuite en avant vers le progrès », vous disqualifiez par avance tout contradicteur, puisque celui qui n’est pas d’accord avec vous ne peut être qu’un complice de cette « fuite en avant ». Pourquoi ne pas se contenter « d’évaluer à priori les effets collatéraux du progrès » ? N’est ce pas suffisant pour atteindre votre objectif ? Pourquoi qualifier à priori le progrès de « fuite en avant » et les « effets » en « dommages » ? Comment savoir s’il s’agit de dommages avant de les « évaluer » ?

      [Mais, lorsque les plastiques envahissent les océans, lorsque les pesticides s’accumulent dans les terres végétales, lorsque les métaux lourds ou les hormones se retrouvent dans nos nappes phréatiques et dans nos verres d’eau, reconnaissez que ce « nouvel équilibre » qui s’installe n’a pas été voulu, n’a pas été pensé.]

      L’ancien non plus, si vous allez par là. A moins que vous soyez devenu déiste…
      Ce que j’ai du mal à comprendre dans votre discours, c’est cette idée qu’il existerait des « bons » équilibres et des « mauvais » équilibres. L’équilibre « naturel » a produit, lui aussi, des sources polluées aux métaux lourds et même des déchets nucléaires (avez-vous entendu parler des réacteurs naturels d’Oklo ?). Pourquoi une source « naturellement polluée » serait-elle « bonne » et une source artificiellement polluée mauvaise ?

      [Que cette accumulation de dysfonctionnements s’avére être [encore plus favorables à l’épanouissement de l’espèce humaine], reconnaissez aussi que c’est fort peu probable.]

      Et bien, si ce n’était pas le cas, son effet sera de réduire la population humaine, et on atteindra ainsi un nouvel équilibre. Et cet équilibre ne sera en rien « meilleur » ou « pire » que l’équilibre ancien.

      [Je ne milite pas pour un retour en arrière, ni pour un gel de tout progrès.]

      Vous me rappelez la devise – supposée – des conservateurs britanniques : « nous ne sommes pas contre l’innovation, mais il ne faut rien faire qui n’ai pas déjà été essayé ». Vous ne militez pas « pour un retour en arrière ni un gel de tout progrès », mais vous militez pour des choses qui auraient cet effet.

  16. Cadmoslao dit :

    Bien, finalement le projet est financé, c’est une excellent nouvelle ! J’avoue que je n’y croyais pas trop à mi-course. Espérons que le résultat soit à la hauteur des attentes.

    Je profite de ce premier commentaire pour vous féliciter et vous remercier pour la qualité et la pédagogie de vos articles et interventions.

    • Descartes dit :

      @ Cadmoslao

      Oui, j’ai cru comprendre que le but a été atteint de justesse. Le projet peut donc continuer…
      Je tiens à remercier ceux de mes lecteurs qui ont contribué à ce projet, et j’espère qu’ils continueront à le soutenir.

      Et merci encore pour vos compliments. Dusse ma modestie souffrir, je dois dire qu’il est toujours agréable d’être encouragé!

    • gugus69 dit :

      Ça me fait plaisir, j’ai donné quelques sous.
      La pub de Descartes aura donc été efficace.
      Depuis assez longtemps, je ne lis plus guère (sur du papier) que “Les Cahiers rationalistes”.
      J’ai besoin de retrouver un périodique plus directement politique… Alors, Ruptures ? On verra.

    • Bruno dit :

      On peut le trouver en kiosque ou en version papier hors abonnement? Le site n’est pas très clair…

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      J’avoue que je ne sais pas. Je ne pense pas qu’on puisse le trouver en kiosque: la distribution est probablement trop chère pour une petite publication.

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