Je ne sais plus qui rapporte cette histoire. Elle se déroule à la fin du XIXème siècle, à une époque où les fausses décorations pullulaient. C’est que, dans le monde des affaires, de la politique, de l’université, porter à sa boutonnière le ruban, ou mieux, la rosette rouge de la légion d’honneur (1), cela posait son homme. C’était le signe que vous aviez montré des mérites éminents, ou bien – cas le plus fréquent – que vous aviez un réseau de relations dans le monde des affaires et de la politique suffisamment actif pour obtenir qu’un ministre vous mette sur la liste, quels que fussent vos mérites. Alors, ceux qui n’avaient pas de mérite à faire valoir ou de réseau qui leur permettrait de s’en passer, avaient quelquefois recours à d’autres méthodes pour arborer la décoration convoitée. L’une, fort peu recommandable, était l’achat, et Jules Grévy, président de la République, obligé à démissionner suite au scandale de trafic de décorations, en fit les frais. Mais plus simple et plus banal, beaucoup avaient recours à une méthode plus simple et beaucoup moins dangereuse : porter des décorations qu’ils n’avaient pas. Et tant qu’à faire, on délaissait le ruban de chevalier pour la rosette d’officier. Pourquoi se limiter ?
L’histoire va ainsi : un honnête commerçant qui se promenait le long du canal voit un enfant en train de se noyer. N’écoutant que son courage, il saute dans l’eau et le sauve au péril de sa vie. Le maire, impressionné par le geste, demande au ministre de le considérer pour la légion d’honneur, qui lui est accordée au grade de chevalier. Se promenant dans la rue portant fièrement son ruban à la boutonnière, il est abordé par des notables locaux qui lui demandent pourquoi ne porte-t-il plutôt la rosette. Ce à quoi il leur répond « parce que ce ruban, lui, il est vrai ».
Cette anecdote m’est revenue en mémoire suite à deux évènements qui sont peut-être mineurs par leurs conséquences, mais révélateurs du fonctionnement de notre société, et notamment des comportements qu’elle entend récompenser ou encourager.
Le premier, c’est la nomination de Najat Vallaud-Belkacem en tant que conseiller-maître à la Cour des comptes, le plus haut grade dans ce « grand corps » de l’Etat. Voici comment la Cour elle-même décrit son rôle : « La Cour des comptes est l’institution supérieure de contrôle chargée de vérifier l’emploi des fonds publics et de sanctionner les manquements à leur bon usage ». Pour faire ce travail éminemment sensible, il faut des fonctionnaires compétents en matière financière et comptable, connaissant sur le bout des doigts le fonctionnement de l’Etat et de ses différents établissements, capables d’exercer leurs fonctions dans la plus totale indépendance en évitant les conflits d’intérêts. Ces fonctionnaires étaient autrefois recrutés pour partie parmi les meilleurs étudiants à la sortie de l’ENA au grade d’auditeur, formés dans la maison et évalués tout au long de la carrière, pour n’accéder au grade de conseiller référendaire d’abord puis promus, en fonction de leurs mérites, conseiller maître. L’autre partie était recrutée parmi les fonctionnaires de l’Etat ayant un certain nombre d’années de service, et ayant démontré au service de l’Etat des qualités en rapport avec les missions de la Cour. Enfin, une petite quantité de postes étaient nommés « au tour extérieur » par le président de la République, cette dernière voie permettant la nomination de personnalités ayant montré des capacités professionnelles éminentes qui ne remplissent pas les conditions des deux autres voies (2).
Maintenant, examinons le profil de madame Najat Vallaud-Belkacem. Si elle possède des capacités éminentes dans le domaine de l’évaluation de la dépense publique ou du fonctionnement de l’Etat, elle les a très bien cachées. Aucune publication d’importance, aucun document de recherche, aucun écrit théorique dans cette matière ne porte sa signature. Sa formation ne plaide pas non plus dans ce sens : ayant fait ses études en droit à Sciences Po, elle a raté par deux fois le concours de l’ENA. Elle n’aura exercé le métier d’avocat que trois ans, comme juriste dans un cabinet privé. Elle se consacre ensuite aux questions culturelles et à la jeunesse, tant comme élue locale que comme chroniqueuse à la télévision. Elle sera aussi porte-parole lors des campagnes de Ségolène Royal et François Hollande. Sous ce dernier, elle sera successivement ministre des droits des femmes, ministre de la ville puis ministre de l’éducation nationale. A aucun de ces postes elle n’a montré le moindre intérêt pour les questions de comptabilité publique ou d’évaluation de la dépense. Et lorsqu’elle enseigne, ce n’est pas dans le domaine des finances publiques, mais dans le programme « égalité femmes-hommes et politiques publiques » de Sciences Po.
Est-ce que quelqu’un peut m’expliquer en quoi le profil, le parcours, les centres d’intérêt de Najat Vallaud-Belkacem la destinent à un poste de conseiller maître à la Cour des comptes ? Dans laquelle de ses multiples fonctions a-t-elle démontré ses compétences en matière de contrôle de l’utilisation de l’argent public, son indépendance et sa neutralité ? Réponse : dans aucune. Cette nomination ne s’explique que par un mot, et ce n’est pas un joli mot. Cela s’appelle « copinage » si l’on veut être gentil, et que l’on pense que le président a voulu faire plaisir à une ancienne camarade et lui offrir une sinécure, « corruption » si l’on veut être méchant – et je ne suis pas le seul à penser qu’en accordant ce bénéfice notre Premier ministre cherche à acheter les bonnes grâces du mari de la dame, qui par une heureuse coïncidence se trouve être le président du groupe socialiste à l’Assemblée, groupe dont les voix peuvent sauver le gouvernement d’un sort funeste.
Comme pour le sauveteur de mon histoire, on doit distinguer, parmi les membres de la Cour des comptes, ceux dont le ruban est « vrai » et ceux dont la rosette est fausse. Les premiers auront montré des vertus et talents conformes à leur statut, les autres auront des amis haut placés qui leur permettent de s’en passer. Et rassurez-vous, personne ne sera dupe : ce n’est pas demain que la Cour confiera à Najat Vallaud-Belkacem un rapport complexe, une mission délicate. Elle se contentera de toucher son salaire en faisant le minimum syndical. Le malheur, c’est que les vrais et les faux toucheront le même salaire… aux frais du contribuable.
Le deuxième évènement qui m’a rappelé l’histoire du sauveteur, c’est la légion d’honneur attribuée à Gisèle Pelicot. Là encore, il faut revenir aux fondamentaux, et les fondamentaux on les trouve dans le code de la légion d’honneur. A l’article 1er, on peut lire que la légion d’honneur « est la récompense de mérites éminents acquis au service de la nation soit à titre civil, soit sous les armes », fidèle à la formule de son fondateur qui déclarait « je veux pouvoir décorer mes soldats et mes savants ». En conséquence, le code précise à l’article 18 que « pour être admis (…), il faut justifier de services publics ou d’activités professionnelles d’une durée minimum de vingt années, assortis dans l’un et l’autre cas de mérites éminents ».
Maintenant, quels sont les « mérites éminents acquis au service de la nation » qui habilitent Gisèle Pelicot à recevoir sa distinction ? A ma connaissance, le seul et unique acte de courage qu’on peut lui attribuer, c’est d’avoir refusé le huis-clos lors de son procès. Est-ce que cela mérite la plus haute distinction que la République peut accorder ? S’agit-il là d’un « mérite éminent » ? Non, certainement pas. Ce qui permet à cette dame d’arborer le ruban, c’est la médiatisation de son cas, et le lobbying de certaines associations. Autrement dit, on récompense non pas le mérite d’une personne, mais sa célébrité. Avec un goût douteux, un chroniqueur avait remarqué que le cas de Gisèle Pelicot montre qu’on peut avoir la légion d’honneur en dormant. Il n’a pas tout à fait tort.
Et malheureusement, ce genre de cas se répète. On peut admettre à la rigueur qu’un sportif de haut niveau qui emporte une grande victoire dans une compétition internationale puisse contribuer au rayonnement de la France et à l’éducation de notre jeunesse, et qu’à ce titre on le décore. Mais que dire de Sophia Aram, chroniqueuse et humoriste médiocre, dont les chroniques n’intéressent – et encore – que les auditeurs de France Inter, elle aussi médaillée dans la même promotion ? Elle fait son boulot, sans éclat particulier, comme des millions de Français dans les bureaux et les usines. Elle ne le fait pas mieux que mon boulanger ou mon garagiste, et on voit mal ce que la nation en tire d’exceptionnel. Alors, pourquoi a-t-elle le droit de porter le ruban, alors que mon boulanger ou mon garagiste n’ont pas cet honneur ? Quels sont les « mérites éminents » qui la mettent dans le petit groupe de Français que la République donne en exemple ?
Najat Vallaud-Belkacem, Gisèle Pelicot et Sophia Aram ont quelque chose en commun. Toutes les trois sont portées par des réseaux qui ont des amis dans les cercles de pouvoir. Ce sont ces lobbies, ces réseaux, qui au sens figuré vous obtiennent la rosette là où d’autres, ceux qui sont véritablement méritants, doivent se contenter du ruban – et encore, l’attendent souvent pendant des années quand ils ont la chance de voir leur mérite reconnu. Voilà donc trois personnages dont notre société fait des exemples : une politicarde qui n’a fait que faire carrière, une victime dont le seul acte de courage est de s’afficher comme telle, une célébrité médiatique sans grand talent mais ayant beaucoup d’amis. C’est ça, les modèles qu’offre à la jeunesse la France de 2025. Misère…
Mais soyons optimistes : les Français ne sont pas idiots. Lorsqu’on voit le ruban sur le veston d’un anonyme, on se dit qu’il a probablement fait quelque chose de vraiment exceptionnel pour pouvoir l’arborer. Lorsqu’on voit des personnalités médiatiques ou des « victimes » médiatisées arborer la rosette, on sait que c’est du toc.
Descartes
(1) Le « ruban » correspond au premier grade, celui de chevalier. La « rosette », au second grade, celui d’officier. A partir troisième grade, la « rosette » se porte sur un ruban, argent pour le grade de commandeur, or et argent pour celui de grand officier, or pour celui de grande-croix.
(2) Suite à la réforme de la haute fonction publique, l’ensemble des membres de la Cour est maintenant recruté par cette deuxième et troisièmes voies. Autrement dit, on a supprimé la voie de recrutement la plus neutre socialement. Cherchez l’erreur…
Alors ça, ça fait vraiment plaisir à lire ! Ces remises de décorations absurdes équivalaient à cracher sur ceux qui les avaient obtenues pour de bonnes raisons, notamment faits de résistance. Il est vrai que ceux-là ne votent plus. Le phénomène n’est pas nouveau, mais là, c’était vraiment le bouquet. Je croyais d’ailleurs que l’Ordre du Mérite avait été créé précisément pour éviter ce genre de situations.
@ Christine Berger
[Le phénomène n’est pas nouveau, mais là, c’était vraiment le bouquet. Je croyais d’ailleurs que l’Ordre du Mérite avait été créé précisément pour éviter ce genre de situations.]
Oui… et non. L’ordre national du mérite avait été créé en 1945 pour permettre de récompenser les “mérites signalés” en réservant la légion d’honneur aux “mérites éminents” et en évitant de la galvauder. Mais il est clair que les personnalités cherchent le prestige. Pourquoi “se contenter du ruban quand on peut avoir la rosette” ? Un fonctionnaire méritant sera tout fier d’avoir l’ordre du mérite, mais une Sophia Aram, ou les gens qui sont derrière Gisèle Pelicot exigeront pour leur protégé la décoration la plus élevée. Encore heureux qu’on ne puisse qu’exceptionnellement gravir plus d’un échelon à la fois, sans quoi on serait noyés sous les “grand croix” médiatiques…
En fait, il se produit le même phénomène que celui illustré par mon anecdote: de même qu’hier le ruban était plus souvent lié au mérite que la rosette, aujourd’hui, le ruban bleu de l’ordre du mérite est souvent l’expression d’un mérite véritable, alors que celui de la légion d’honneur est le signe du réseau et de la présence médiatique.
@ Descartes
Votre étonnement m’étonne. Cela fait des années que c’est ainsi.
Quels sont les “mérites éminents acquis au service de la nation soit à titre civil, soit sous les armes » démontrés par les artistes, chanteurs, les “people” qui depuis tant d’années obtiennent la Légion d’honneur ? Aucun. Pas plus que les divers politiciens décorés chaque année n’en montrent.
Pour Najat Vallaud-Belkacem, la ficelle est si grosse que Moscovici avait dû monter au créneau pour soutenir mordicus que la dame devait sa nomination à ses seules compétences. Je ne retrouve plus l’article de presse (je l’avais lu sur FranceInfo), mais vous imaginez bien que plus il la défendait, plus il l’enfonçait.
Les gens ne sont pas dupes et savent bien que tout cela n’est que piston (c’est le mot qui viendra à l’esprit de tous), et n’a au fond que peu d’importance. Toutes ces médailles et décorations sont insignifiantes, et les Français, il me semble, s’en soucient comme d’une guigne.
Je pense que le point pour lequel cela compte est que cela contribue à creuser la fracture entre le peuple et les pseudos-élites qui s’octroient nominations, récompenses et distinctions par piston. Et ce piston est un poison lent, car le peuple voit bien que lui ne bénéficie pas du même traitement de faveur qu’une certaine nomenklatura politico-médiatique; lui, au contraire, on rogne toujours plus sur ses droits, comme le montrent les différentes réformes en cours pour “faire des économies”, on traque ses “fraudes sociales” aloru que si peu est fait pour lutter contre la fraude fiscale. Ce peuple ne peut nourrir que mépris vis-à-vis de ces privilégiés qui vivent en circuit-clos.
@ Bob
[Votre étonnement m’étonne. Cela fait des années que c’est ainsi.]
Je n’en suis pas convaincu. Il est vrai que cela fait quelques années qu’on récompense des copains et des coquins. Mais rarement des personnalités aussi peu « méritantes », et pour des raisons aussi peu défendables. Le cas de Sophia Aram a peut-être des précédents, même si l’inconsistance de la personne en question est particulièrement notable. Mais j’ai du mal à trouver d’un exemple où l’on ait décoré quelqu’un dont le seul mérite est d’avoir été une victime.
[Quels sont les “mérites éminents acquis au service de la nation soit à titre civil, soit sous les armes » démontrés par les artistes, chanteurs, les “people” qui depuis tant d’années obtiennent la Légion d’honneur ? Aucun.]
N’exagérons rien. Un Aznavour, par exemple, a beaucoup fait non seulement pour le rayonnement de la culture et de la langue française, en France comme à l’étranger. Il mérite très largement la légion d’honneur. Il est vrai que pour d’autres « artistes » décorés, la question se pose. Mais aucune ne me vient à l’esprit qui ait fait aussi peu d’efforts qu’Aram ou Pelicot…
[Pas plus que les divers politiciens décorés chaque année n’en montrent.]
Là, il faudrait examiner les cas. Même si on est en désaccord avec eux, consacrer sa vie à la politique implique de lourds sacrifices personnels, familiaux, financiers. Qu’au bout d’une vie de labeur on les récompense par un ruban, cela ne me choque pas.
[Pour Najat Vallaud-Belkacem, la ficelle est si grosse que Moscovici avait dû monter au créneau pour soutenir mordicus que la dame devait sa nomination à ses seules compétences. Je ne retrouve plus l’article de presse (je l’avais lu sur FranceInfo), mais vous imaginez bien que plus il la défendait, plus il l’enfonçait.]
Moscovici devrait d’ailleurs se taire. Un magistrat n’a pas à défendre – pas plus qu’à critiquer – une nomination qui relève du pouvoir politique. Cela fait partie du devoir de réserve des magistrats, et je m’étonne que personne n’ai cru devoir le lui rappeler.
[Les gens ne sont pas dupes et savent bien que tout cela n’est que piston (c’est le mot qui viendra à l’esprit de tous), et n’a au fond que peu d’importance. Toutes ces médailles et décorations sont insignifiantes, et les Français, il me semble, s’en soucient comme d’une guigne.]
Ce n’est pas tout à fait vrai. Si les classes intermédiaires affichent un souverain mépris pour les « hochets » – tout en faisant des pieds et des mains pour en aborder un – la France populaire accorde encore une certaine considération pour les anonymes qui les portent. Je m’en suis rendu compte quand moi-même j’ai reçu un ruban pour mes bons et loyaux services (je vous rassure, je n’ai fait jouer aucune influence, aucune amitié politique, c’est mon directeur général qui a décidé de la demander pour moi). Je le porte fièrement à ma boutonnière, et cela m’a valu déjà plusieurs fois des remarques fort obligeantes d’inconnus croisés dans la rue ou les transports. On m’a même proposé de me céder la place dans une queue… chose que bien entendu j’ai décliné, parce que je déteste les passe-droits. C’est un peu la même chose que le passage par les grandes écoles, et en particulier l’ENA. Les classes intermédiaires affichent leur mépris, mais dans la France populaire la perception est toute autre. Et là encore, je vous parle d’expérience personnelle. Je pense que dans notre pays la méritocratie continue à être une aspiration des couches populaires.
[Je pense que le point pour lequel cela compte est que cela contribue à creuser la fracture entre le peuple et les pseudos-élites qui s’octroient nominations, récompenses et distinctions par piston. Et ce piston est un poison lent, car le peuple voit bien que lui ne bénéficie pas du même traitement de faveur qu’une certaine nomenklatura politico-médiatique; lui, au contraire, on rogne toujours plus sur ses droits, comme le montrent les différentes réformes en cours pour “faire des économies”, on traque ses “fraudes sociales” alors que si peu est fait pour lutter contre la fraude fiscale. Ce peuple ne peut nourrir que mépris vis-à-vis de ces privilégiés qui vivent en circuit-clos.]
Je suis d’accord avec vous sur le fond, mais je pense que la question des décorations n’est pas fondamentale dans la fracture que vous évoquez. Il est clair que dans un pays de tradition égalitaire comme le nôtre, les élites ne peuvent légitimer leurs avantages qu’en montrant leur utilité. C’est d’ailleurs écrit dans la Déclaration de 1789, et à l’article 1er, ce qui n’est pas un hasard : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». Une élite « inutile », c’est une élite illégitime. C’est pourquoi le principe « noblesse oblige » est fondamental dans la constitution de notre « aristocratie républicaine ».
Ce qu’on reproche à la “nomenklature” dont vous parlez n’est pas tant ses privilèges, mais le fait qu’elle jouit de ces privilèges exceptionnels sans avoir à rendre un service exceptionnel en échange. Personne ne conteste le fait que le préfet ait une voiture de fonction ou soit logé dans une belle résidence aux frais des contribuables, parce que tout le monde sait que les Préfets sont en fonctions vingt quatre heures par jour et trois-cent soixante cinq jours par an au service des populations.
@ Descartes
[ Le cas de Sophia Aram a peut-être des précédents, même si l’inconsistance de la personne en question est particulièrement notable. Mais j’ai du mal à trouver d’un exemple où l’on ait décoré quelqu’un dont le seul mérite est d’avoir été une victime]
Restons sur la promotion “culture” (je voudrais y mettre des triples guillemets si cela existait) de cette année (mais c’est pareil depuis des lustres). Y figurent au rang de Chevalier : Sophia Aram, Jean-Louis Aubert, Léa Drucker, Emilie Frèche, Marc Levy, Andreï Makine, Pharrell Williams. Ceux qui accompagnent S. Aram ne la méritent pas plus qu’elle (pas moins non plus). Qu’on me liste les ““mérites éminents acquis au service de la nation soit à titre civil, soit sous les armes” de ces “pipoles”… Non, pas besoin de “cases à cocher”, on n’est dans le chimiquement pur copinage.
Cet article, dont je ne peux lire que le début car non abonné, donne la couleur :
https://www.lesechos.fr/weekend/chroniques/lhonneur-de-sophia-aram-2177054
Ceux qui critiquent la légion d’honneur de S. Aram sont des racistes, c’est tout simple… Tiens, qui est l’auteur de cet article au passage ? une certaine Tristane Banon. Copinage, vous dis-je.
[Là, il faudrait examiner les cas. Même si on est en désaccord avec eux, consacrer sa vie à la politique implique de lourds sacrifices personnels, familiaux, financiers. Qu’au bout d’une vie de labeur on les récompense par un ruban, cela ne me choque pas.]
Je ne suis pas convaincu.
Restons à la promotion de juillet aussi pour les politiciens : Rima Abdul Malak, Olivier Dussopt, Clément Beaune, et finissons en beauté avec Marlène Schiappa.
Quels sont leurs “mérites éminents acquis au service de la nation soit à titre civil, soit sous les armes” ?
Les lourds sacrifices que vous évoquez ne sont-ils pas simplement ceux demandés pour cette charge ? Méritent-ils vraiment la légion d’honneur ? Pourquoi tous les maires de France ne devraient-ils pas l’obtenir eux aussi dans ce cas ? Le maire d’un petit village a beaucoup de difficultés à gérer, souvent seul et sans l’aide d’une armada de conseillers que les “cadors” ont à disposition. Est-il moins méritant ?
Et si on attribue la légion d’honneur à ces politiciens, quid des policiers qui interviennent pour (tenter de) faire respecter la loi dans les quartiers gangrenés par les trafics de drogues (situtation en partie due aux choix de ces politiciens depuis des décennies qui plus est) ? ou encore des pompiers qui éteignent les feux de forêt souvent au péril de leur vie ? d’ailleurs de temps à autre, certains y laissent réellement leur vie. Je n’ai pas souvenir d’un politicien qui l’ait perdue “en service”.
Il me semble que sur l’échelle des valeurs des “mérites éminents acquis au service de la nation soit à titre civil, soit sous les armes”, policiers et pompiers sont objectivement plus méritants que nos politiciens (ou que n’importe quel autre chanteur, Aznavour compris). Cela ferait certes du monde à décorer, mais au point où on en est…
[Moscovici devrait d’ailleurs se taire. Un magistrat n’a pas à défendre – pas plus qu’à critiquer – une nomination qui relève du pouvoir politique. Cela fait partie du devoir de réserve des magistrats, et je m’étonne que personne n’ai cru devoir le lui rappeler.]
Pour la bonne bouche : https://www.franceinfo.fr/politique/ps/najat-vallaud-belkacem/najat-vallaud-belkacem-a-la-cour-des-comptes-je-ne-suis-pas-son-copain-elle-y-est-arrivee-par-une-procedure-de-recrutement-parfaitement-objective-defend-pierre-moscovici_7382305.html
Tout ce qu’y dit Moscovici est délicieux. S’il est “sorti au moment de la délibération”, tout va bien…
Au passage, apprécions que “Pierre Moscovici a bénéficié d’un recul de limite d’âge d’un an à la Cour des comptes, à compter du 17 septembre 2025, par décret, parce qu’il est père d’un jeune enfant.” En quoi être père d’un jeune enfant justifie-t-il ce traitement de faveur ? Notons que cette bonne grâce lui a été attribuée par décret, soit le fait du Prince. C’est la République des copains là encore. Mais pourquoi se géner après tout ? tant qu’on est entre soi…
[je pense que la question des décorations n’est pas fondamentale dans la fracture que vous évoquez]
Je suis d’accord. J’ai été peu clair. Elle n’est pas fondamentale du tout. Ce n’est qu’un exemple, d’importance plus symbolique que réelle, qui marque et entretient cette fracture. Mais, comme vous le dites souvent, les symboles comptent.
@ P2R
[« Le cas de Sophia Aram a peut-être des précédents, même si l’inconsistance de la personne en question est particulièrement notable. Mais j’ai du mal à trouver d’un exemple où l’on ait décoré quelqu’un dont le seul mérite est d’avoir été une victime » Restons sur la promotion “culture” (je voudrais y mettre des triples guillemets si cela existait) de cette année (mais c’est pareil depuis des lustres). Y figurent au rang de Chevalier : Sophia Aram, Jean-Louis Aubert, Léa Drucker, Emilie Frèche, Marc Levy, Andreï Makine, Pharrell Williams. Ceux qui accompagnent S. Aram ne la méritent pas plus qu’elle (pas moins non plus).]
Là, je ne suis pas d’accord. On peut ne pas aimer les écrits de Levy ou de Makine, mais il faut reconnaître qu’écrire un livre, c’est déjà un effort important, et écrire un livre que beaucoup de gens ont envie de lire, cela n’a rien d’évident. Un écrivain lu par autant de gens de par le monde contribue au rayonnement de la culture et de la langue française. Je pense aussi que Jean-Louis Aubert mérite largement sa légion d’honneur, ne serait-ce que parce qu’il a fait le choix – pas évident à l’époque – de faire du rock en français. Encore une fois, on aime ou on n’aime pas, mais il faut lui reconnaître d’avoir beaucoup bossé et laisser une œuvre considérable. Par contre, Léa Drucker ou Emilie Frèche… bof.
[Cet article, dont je ne peux lire que le début car non abonné, donne la couleur : (…) Ceux qui critiquent la légion d’honneur de S. Aram sont des racistes, c’est tout simple… Tiens, qui est l’auteur de cet article au passage ? une certaine Tristane Banon. Copinage, vous dis-je.]
Dans le cas d’Aram, certainement. Mais l’article – du moins le début, moi non plus je ne peux le lire complet – montre bien le naufrage de la notion même de « mérite ». On doit être récompensé pour ce qu’on EST, et non pour ce qu’on FAIT. Le cas de Pelicot est de ce point de vue le plus révélateur, mais l’article que vous citez fait aussi dans cette tonique. En quoi le fait d’être née à Trappes dans une famille d’origine maghrébine légitime – comme le prétend Tristane Banon – le fait qu’on vous donne la légion d’honneur ? Le simple fait d’être né dans la mouise et de mourir dans la soie est une récompense en soi. Pour avoir la légion d’honneur, il faut faire quelque chose de plus.
[« Là, il faudrait examiner les cas. Même si on est en désaccord avec eux, consacrer sa vie à la politique implique de lourds sacrifices personnels, familiaux, financiers. Qu’au bout d’une vie de labeur on les récompense par un ruban, cela ne me choque pas. » Je ne suis pas convaincu. Restons à la promotion de juillet aussi pour les politiciens : Rima Abdul Malak, Olivier Dussopt, Clément Beaune, et finissons en beauté avec Marlène Schiappa. Quels sont leurs “mérites éminents acquis au service de la nation soit à titre civil, soit sous les armes” ?]
Faudrait regarder ce que ces personnages ont sacrifié de leur vie familiale, combien auraient-ils pu gagner d’argent si au lieu de se consacrer à la chose publique ils avaient consacré ce même effort dans le monde des affaires. J’ajoute qu’il s’agit là de décorations « ministérielles ». Il y a certains postes qui vous assurent une décoration. Là, le raisonnement est inverse : on vous leur donne parce que la République n’accepte pas l’idée qu’une personne qui ne la mérite pas puisse occuper un poste ministériel.
[Les lourds sacrifices que vous évoquez ne sont-ils pas simplement ceux demandés pour cette charge ? Méritent-ils vraiment la légion d’honneur ? Pourquoi tous les maires de France ne devraient-ils pas l’obtenir eux aussi dans ce cas ? Le maire d’un petit village a beaucoup de difficultés à gérer, souvent seul et sans l’aide d’une armada de conseillers que les “cadors” ont à disposition. Est-il moins méritant ?]
Beaucoup l’obtiennent. Mais je pense que vous avez une idée fausse de ce qu’est la charge de travail et les sacrifices attachés à une charge ministérielle. « L’armada de conseillers » n’est pas en fait si nombreuse que cela – un cabinet compte très rarement plus d’une quinzaine de personnes – et sans même parler de la charge de travail, des heures de réunions, des déplacements, des cérémonies, des tonnes et tonnes de papiers à lire, il faut compter la pression mentale des désastres toujours possibles, d’une vie familiale chaotique, de vous faire trainer quotidiennement dans la boue par la presse et les médias. Ce n’est pas par hasard s’ils finissent par devenir fous…
[Et si on attribue la légion d’honneur à ces politiciens, quid des policiers qui interviennent pour (tenter de) faire respecter la loi dans les quartiers gangrenés par les trafics de drogues (situtation en partie due aux choix de ces politiciens depuis des décennies qui plus est) ? ou encore des pompiers qui éteignent les feux de forêt souvent au péril de leur vie ? d’ailleurs de temps à autre, certains y laissent réellement leur vie.]
Policiers, gendarmes, militaires et pompiers sont très souvent décorés. En plus des ordres nationaux (légion d’honneur, ordre du mérite) ils ont d’ailleurs des ordres qui leurs sont propres justement pour éviter de mélanger les torchons et les serviettes.
[Je n’ai pas souvenir d’un politicien qui l’ait perdue “en service”.]
Je ne sais pas ce que cela veut dire « en service » pour un politicien. Voulez vous dire « en poste » ? Dans ce cas, l’exemple le plus récent qui me vienne à l’esprit est celui d’Olivier Marleix, le 7 juillet dernier.
[Au passage, apprécions que “Pierre Moscovici a bénéficié d’un recul de limite d’âge d’un an à la Cour des comptes, à compter du 17 septembre 2025, par décret, parce qu’il est père d’un jeune enfant.” En quoi être père d’un jeune enfant justifie-t-il ce traitement de faveur ? Notons que cette bonne grâce lui a été attribuée par décret, soit le fait du Prince. C’est la République des copains là encore. Mais pourquoi se géner après tout ? tant qu’on est entre soi…]
Là, vous lui faites un mauvais procès. Les députés ont voté des lois qui font qu’un fonctionnaire peut bénéficier d’un recul de limite d’âge pour des raisons familiales – par exemple, du fait d’avoir un enfant à charge. La raison de cette concession est simple : lorsque vous prenez votre retraite, quand vous êtes haut fonctionnaire, un peu plus de la moitié de vos revenus – puisque les primes, qui constituent la moitié de la rémunération d’un haut fonctionnaire, ne sont pas comptées pour le calcul de la retraite. Or, élever un enfant coûte cher… et le fait que la mesure soit prise par décret n’implique pas un “copinage” quelconque: dans ce cas, je pense qu’il s’agit de ce qu’on appelle une “compétence liée”. Le signataire du décret n’a en fait pas le choix.
J’ajoute que cette disposition existe dans beaucoup d’entreprises lorsqu’il existe une limite d’âge.
@ Descartes
[écrire un livre, c’est déjà un effort important […] Un écrivain lu par autant de gens de par le monde contribue au rayonnement de la culture et de la langue française. Je pense aussi que Jean-Louis Aubert mérite largement sa légion d’honneur, ne serait-ce que parce qu’il a fait le choix – pas évident à l’époque – de faire du rock en français. Encore une fois, on aime ou on n’aime pas, mais il faut lui reconnaître d’avoir beaucoup bossé et laisser une œuvre considérable.]
Un écrivain français sera traduit à l’étranger, pas sûr que cela contribue au rayonnement de la langue française.
Ecrire un livre représente un effort important ; Aubert a beaucoup bossé. Je n’en doute pas. Beaucoup travailler suffirait-il à obtenir la légion d’honneur ? Les ouvriers du BTP aussi travaillent dur, voire très dur…
A mon sens, aucun – je dis bien aucun – écrivain ou chanteur ne devrait recevoir la légion d’honneur pour sa production artistique (il y a l’ordre des Arts et des Lettres pour ça). La raison est fort simple : aucune production artistique ne démontre un “mérite éminent acquis au service de la nation soit à titre civil, soit sous les armes”. Dorénavant, on mélange les torchons et les serviettes.
On notera l’aspect cocasse, par exemple, de l’attribution du titre de chevalier à Dupont-Moretti, qui est passé à deux doigts d’une condamnation judiciaire… De la disgrâce à la gloire, le fil est parfois tenu.
[Je ne sais pas ce que cela veut dire « en service » pour un politicien. Voulez vous dire « en poste » ? Dans ce cas, l’exemple le plus récent qui me vienne à l’esprit est celui d’Olivier Marleix, le 7 juillet dernier]
“En poste”, oui. Je crois savoir que de notoriété publique personne ne sait les raisons qui ont conduit O. Marleix à se suicider, qu’il n’a laissé aucun écrit expliquant son acte. Les motivations qui conduisent quelqu’un à commettre un tel acte sont souvent insondables. Faire un lien direct avec son passé politique me semble rapide.
[Là, vous lui faites un mauvais procès […] Or, élever un enfant coûte cher]
Je concède le mauvais procès fait à Moscovici. Je me demande si les députés ont eu la prévenance de prévoir un supplément de retraite le jour où le quasi retraité qui a un enfant en bas âge devra assumer le coût de l’enfant devenu étudiant, car les études coutent cher aussi, pile au moment où le fonctionnaire pourrait devoir rejoindre une maison de retraite, qui, elle aussi, est onéreuse. Cela me semble une loi fort “discutable” qui vient de manière fort heureuse aider quelqu’un à assumer la charge d’une situation tout à fait prévisible (le fait qu’élever un enfant coûte cher). Les caissières de grande surface au smic ne bénéficient pas “d’un coup de pouce” dans ce cas de figure que nos magnanimes députés auraient anticipé ?
Il me semble, par ailleurs, qu’une société qui prévoit des dispositions pour aider ceux qui attendent l’âge de la retraite pour avoir des enfants n’est pas sur la bonne voie. Avoir l’âge d’entrer à l’Epad au moment où sa progéniture passe le Bac me parait pour le moins gênant.
@ Bob
[Un écrivain français sera traduit à l’étranger, pas sûr que cela contribue au rayonnement de la langue française.]
Victor Hugo est traduit de par le monde, mais sa popularité a donné à beaucoup de gens envie de lire l’original en français. C’est quelque chose qu’on connaît bien dans les Alliances Françaises…
[Ecrire un livre représente un effort important ; Aubert a beaucoup bossé. Je n’en doute pas. Beaucoup travailler suffirait-il à obtenir la légion d’honneur ? Les ouvriers du BTP aussi travaillent dur, voire très dur…]
Je pense que vous manquez un point essentiel. On ne donne pas la Légion d’Honneur seulement pour faire plaisir au récipiendaire. On la lui donne aussi pour le donner en exemple à imiter à l’ensemble des citoyens. Oui, il y a des ouvriers du BTP qui travaillent dur. Mais des gens qui montent des murs, on en trouve facilement, et des gens qui écrivent un bon livre, c’est très rare. Si l’on veut que des gens se lancent dans l’écriture, pousser les français a imiter les écrivains me paraît beaucoup plus justifié.
[On notera l’aspect cocasse, par exemple, de l’attribution du titre de chevalier à Dupont-Moretti, qui est passé à deux doigts d’une condamnation judiciaire… De la disgrâce à la gloire, le fil est parfois tenu.]
Dupont-Moretti a occupé un poste – celui de ministre – pour lequel la décoration est pratiquement automatique, pour les raisons que j’ai expliqué dans mon commentaire précédent.
[« Je ne sais pas ce que cela veut dire « en service » pour un politicien. Voulez vous dire « en poste » ? Dans ce cas, l’exemple le plus récent qui me vienne à l’esprit est celui d’Olivier Marleix, le 7 juillet dernier » “En poste”, oui. Je crois savoir que de notoriété publique personne ne sait les raisons qui ont conduit O. Marleix à se suicider, qu’il n’a laissé aucun écrit expliquant son acte. Les motivations qui conduisent quelqu’un à commettre un tel acte sont souvent insondables. Faire un lien direct avec son passé politique me semble rapide.]
C’est souvent le cas lorsqu’on pense à la mort d’un politique. Prenez ce maire assassiné par un administré mécontent. Doit-on considérer qu’il est mort « en service », ou bien des suites d’un conflit de voisinage ?
[Là, vous lui faites un mauvais procès […] Or, élever un enfant coûte cher]
[Les caissières de grande surface au smic ne bénéficient pas “d’un coup de pouce” dans ce cas de figure que nos magnanimes députés auraient anticipé ?]
Le problème ne se pose pas pour une caissière de supermarché, puisque la convention collective dont elle dépend ne prévoit pas de limite d’âge. Elle peut donc rester au travail aussi longtemps qu’elle le veut. Elle peut même prendre sa rentraite puis recommencer à travailler et cumuler partiellement les deux revenus. Seuls les fonctionnaires – et certains travailleurs sous statut – ont ce problème.
Je découvre que Sophia ARAM (et non Sophie) arbore cette décoration. Plus le temps passe, plus l’État bourgeois sombre.
Salutations républicaines
Bertrand
@ Bertrand BARERE
[Je découvre que Sophia ARAM (et non Sophie) (…)]
Toutes mes excuses pour cette erreur, j’ai corrigé le texte.
[(…) arbore cette décoration.]
Je dois dire que cette nomination a été entourée d’une certaine discrétion, notamment à France Inter. Curieux, non ?
[Plus le temps passe, plus l’État bourgeois sombre.]
Que vient faire “l’Etat bourgeois” dans cette galère ? L’abus des décorations n’est pas un comportement très “bourgeois”. Pour le bourgeois, la mesure du mérite est l’argent. C’est plutôt la vanité des classes intermédiaires, pour lesquelles le “capital immatériel” est fondamental. Et une décoration, c’est une forme de capital immatériel symbolique.
Je fais ce lien avec l’État bourgeois car je suis surtout désabusé par tout cet entre-soi, politique, médiatique, culturel sans oublier ces hauts-fonctionnaires parisiens. Je suis tellement écœuré par tout cela. Je n’attends qu’une chose.
L’explosion finale.
Salutations républicaines
@ Descartes
Vous me semblez un peu largué, je vais vous expliquer.
NVB est une femme avec des origines maghrébines. Cela justifie pleinement sa promotion à la cour des comptes. Y voir un pacte de corruption avec le chef des socialistes, c’est du complotisme 😉
Sophia Aram a eu le courage, dans le monde artistico-médiatique, de porter un discours pro-Israel.
Ce faisant elle risque sa vie. Cela ne montre t’il pas un courage méritant récompense ? En plus c’est une femme avec des origines maghrébines. les quotas, Descartes ! Les quotas !
Quant à mme Pelicot, elle est décorée au même titre qu’un militaire tombé au front.
En première ligne dans la guerre des sexes, épouse d’un mâle blanc hétérosexuel archaïque violent et pervers, elle a choisi de porter le drapeau de la résistance et à triomphé médiatiquement du monstre. Bon, si elle avait pu avoir des origines maghrébines (avec un mari blanc, si le mari violent et pervers est aussi maghrébin, ça ne marche pas, ça s’annule), ç’aurait été top, mais faute de grives..
@ P2R
[Vous me semblez un peu largué, je vais vous expliquer.]
Vous faites bien, sur ce genre de questions je suis quelquefois très bouché…
[NVB est une femme avec des origines maghrébines. Cela justifie pleinement sa promotion à la cour des comptes. Y voir un pacte de corruption avec le chef des socialistes, c’est du complotisme]
Vous avez raison, j’ai le tort de voir le mal partout. Vrai, NVB coche au moins trois cases de la vision moderne du « mérite » : elle est femme, elle a des origines maghrébines, elle n’a jamais rien dit qui aille contre la bienpensance ambiante. Que demander de plus, à l’heure de nommer un magistrat à la Cour des comptes ?
[Sophia Aram a eu le courage, dans le monde artistico-médiatique, de porter un discours pro-Israel.]
Alors, elle mérite une décoration israélienne…
[Ce faisant elle risque sa vie. Cela ne montre t’il pas un courage méritant récompense ? En plus c’est une femme avec des origines maghrébines. les quotas, Descartes ! Les quotas !]
C’est vrai, elle coche finalement les trois mêmes cases que NVB. Elle aurait donc du être nommée à la Cour des comptes, non ? C’est trop gentil d’elle de se contenter d’une légion d’honneur qui, finalement, coûte bien moins au contribuable…
[Quant à mme Pelicot, elle est décorée au même titre qu’un militaire tombé au front.]
En première ligne dans la guerre des sexes, épouse d’un mâle blanc hétérosexuel archaïque violent et pervers, elle a choisi de porter le drapeau de la résistance et à triomphé médiatiquement du monstre. Bon, si elle avait pu avoir des origines maghrébines (avec un mari blanc, si le mari violent et pervers est aussi maghrébin, ça ne marche pas, ça s’annule), ç’aurait été top, mais faute de grives…]
Hollande avait créé la « médaille des victimes ». Finalement, ce n’était pas une si mauvaise idée, ca permet de ne pas mélanger les torchons avec les serviettes…
C’est le double sens du mot honneur. Un homme d’honneur, c’est un homme méritant. Recevoir des honneurs, c’est recevoir des compliments. La légion d’honneur est parfois synonyme de personne méritante, et parfois elle est synonyme de simple compliment officiel, sans rapport avec des mérites.
@ samuel
[C’est le double sens du mot honneur. Un homme d’honneur, c’est un homme méritant. Recevoir des honneurs, c’est recevoir des compliments. La légion d’honneur est parfois synonyme de personne méritante, et parfois elle est synonyme de simple compliment officiel, sans rapport avec des mérites.]
Je pense que vous vous laissez abuser par le nom de la décoration. La « légion d’honneur » n’est pas un « honneur » (pas plus que « l’ordre du mérite » n’est pas un « mérite »). Dans « légion d’honneur » il y a certes « honneur », mais il y a aussi « légion ». Se voir accorder la « légion d’honneur », c’est rentrer dans la cohorte de ceux à qui l’ensemble des citoyens est censée exprimer sa reconnaissance. S’il s’agissait d’un simple « compliment », on pourrait l’envoyer confidentiellement par la poste. Pourquoi le rendre public, en le publiant au journal officiel et en réservant aux membres de ce groupe, et à eux seuls, le droit de porter un signe indiquant leur appartenance ?
Non, l’appartenance à la « légion d’honneur » est bien la reconnaissance d’un mérite, on pourrait dire même plus, un appel aux citoyens à le reconnaître. Cela n’a rien d’un simple « compliment ».
A propos des décorations en tous genres il faut se rappeler ce que disait Napoléon lors de la création de la Légion d’honneur : un hochet pour faire marcher les hommes. De nos jours on ajouterait, pour être politiquement correct, les femmes en oubliant que le mot homme désigne aussi le genre humain indifféremment du sexe de l’individu. J’ajoute que ce sont toujours des conformistes, des gens dans l’air du temps qui sont promus, récompensés. De plus certaines médailles doivent, paraît-il, se réclamer pour être obtenues.
Quant au C.C. et à la Cour des comptes il est notoire que ce sont des institutions sont politisées parce que ce sont plus des hommes et femmes politiques proches et/ou des partisans notoires qui y sont nommés plus que de vrais experts. C’est pourquoi, un jour, il faudra faire le ménage pour rendre à ces institutions leurs crédibilités perdues. Un des moyens pourrait être un gouvernement souverainiste qui réformerait la constitution et donc y faire prévaloir la supériorité du droit national sur le droit européen. Et aussi, par la même occasion, les principes mémoriels, le principe de précaution, le DALO, bref toutes ces choses qui n’ont pas lieu d’être dans une constitution mais y ajoutées depuis 1992.
@ Cording1
[A propos des décorations en tous genres il faut se rappeler ce que disait Napoléon lors de la création de la Légion d’honneur : un hochet pour faire marcher les hommes.]
On prête beaucoup de formules à Napoléon, ce qui est d’autant plus facile que l’empereur a écrit fort peu, et qu’on se fie essentiellement à la mémoire des gens qui l’ont écouté dire telle ou telle chose. Napoléon a dit, si l’on croit les différentes sources, des choses fort contradictoires sur les décorations. D’un côté, il y a la formule que vous citez, qui fait penser à une conception purement instrumentale de ces récompenses. De l’autre, on trouve des formules beaucoup plus positives, comme « je veux pouvoir récompenser mes généraux et mes savants » pour justifier l’extension de la Légion d’honneur aux civils.
Je pense que Napoléon, en bon jacobin, avait compris que pour faire de la France une nation – il faut se souvenir qu’en ce début de XIXème elle est toujours morcelée par des barrières linguistiques et culturelles – il fallait construire des références communes. Avec les codes civil et pénal, pour la première fois l’ensemble des citoyens est soumis, dans leur vie quotidienne, à une loi commune. Avec la légion d’honneur, on crée une référence commune des comportements à encourager comme honorables et patriotiques. C’est un élément non négligéable dans la création d’une nouvelle élite susceptible de remplacer celles – politiques, techniques, militaires – que la Révolution a balayées…
[J’ajoute que ce sont toujours des conformistes, des gens dans l’air du temps qui sont promus, récompensés.]
Il ne faut pas trop exagérer. Bien entendu, les critères de jugement du « mérite » sont relativement consensuels, et tendent donc à privilégier des personnalités « consensuelles ». Mais ce n’est pas « toujours » le cas. Jean-Pierre Chevènement, par exemple, est commandeur de la Légion d’Honneur, et on peut difficilement dire que ce soit un « conformiste ». Il est vrai que pendant très longtemps il était pratiquement interdit de décorer un dirigeant communiste. Maurice Thorez, Jacques Duclos et Georges Marchais, pourtant leaders politiques de premier plan, sont morts sans avoir obtenu le moindre ruban. Louis Aragon l’a eue in articulo mortis, et si Joliot-Curie a été commandeur de la Légion d’Honneur, c’est parce qu’il l’a obtenu avant la guerre froide…
[De plus certaines médailles doivent, paraît-il, se réclamer pour être obtenues.]
Il faut que quelqu’un la demande pour vous. Et c’est vous-même qui achetez votre médaille…
[Quant au C.C. et à la Cour des comptes il est notoire que ce sont des institutions sont politisées parce que ce sont plus des hommes et femmes politiques proches et/ou des partisans notoires qui y sont nommés plus que de vrais experts.]
Là encore, il ne faut pas exagérer. Si les nominations « au tour extérieur » sont très souvent politiques – quand il ne s’agit pas d’offrir une sinécure à un copain – l’essentiel des conseillers maîtres est recrutés parmi des hauts fonctionnaires méritants qui ont occupé des emplois dans le domaine budgétaire ou financier. L’expertise de la Cour est connue et reconnue de par le monde, et l’influence des « politiques » reste limitée. La nomination de gens comme NVB est critiquable non pas tant parce que cela porte atteinte à la neutralité de la cour, que parce que cela constitue une sorte d’emploi fictif…
J’ajoute qu’aux récipiendaires des décorations remises on devrait leur dire “La Macronie reconnaissante”. Ce qui serait bien plus fondé que “la Patrie reconnaissante” vu que leur esprit patriotique leur est une chose étrangère.
La république des copains, n’est-ce pas ce qu’on appelle une mafia ? Question sens arrière-pensée bien sûr…
@ COUVERT Jean-Louis
[La république des copains, n’est-ce pas ce qu’on appelle une mafia ?]
Oui, mais à tort. La notion de “mafia” va bien plus loin que le simple échange de services entre “copains”.
Le recasage de copains a des fromages de la republique est vieux comme le monde. Balladur fur recasé a la direction du tunnel du mont blanc en … 68
Segolene Royal fut ambassadrice aux poles ou elle ne fit strictement rien (contraitement a son predeesseur M Rocard) et elle ne fut ejectee qu apres avoir critiquee la main qui l avait nommee
En ce qui concerne la legion d honneur, je vois pas en quoi la donner a un sportif quelconque soit moins problematique que Pelicot. A moins que le sportif se soit dopé auquel cas on peut considerer qu il a risque sinon sa vie mais au moins sa sante. Mais quel sportif fait une competition pour le rayonnement de son pays ?(je parle ici des pays occidentaux, pas de la coree du nord). ET Mme Pelicot n est elle pas plus honorable qu un certain N Sarkozy qui fut ejecte de l ordre contre la volonte de notre president ?
Mais la source du probleme n est elle pas ailleurs ?
Le probleme n est pas qu on nomme une incompetante a un poste bien payé ou elle ne verra strictement rien (et c est mieux comme ca car au moins elle ne fera pas de degats) mais que l etat ait un grand nombre de postes ou il peut nommer des incapables
@ cdg
[Le recasage de copains a des fromages de la république est vieux comme le monde. Balladur fut recasé a la direction du tunnel du mont blanc en … 68]
Je ne sais pas si « recasé » est le bon terme pour ce qui concerne Balladur. Né en 1929, Balladur n’a pas 40 ans en 1968. C’est à l’époque un jeune énarque qui n’a pas fait de politique, qui n’a occupé aucun poste politique. Il ne sera secrétaire général adjoint de la présidence qu’après l’élection de Pompidou en 1969, c’est-à-dire, après sa nomination à la société du tunnel du Mont Blanc. Pour autant qu’on sache, sa nomination à ce poste pouvait parfaitement être liée à ses mérites, et non à un « recasage » politique.
Cela étant dit, et même si l’exemple est mal choisi, le « recasage » est une pratique courante depuis que le monde est monde. C’était déjà le cas dans la Rome antique. En fait, on pourrait même dire que c’est au contraire l’idée que la nomination à un poste ou à une fonction doive se faire en fonction du mérite de l’impétrant qui est une idée relativement neuve… il ne faudrait pas oublier que pendant longtemps postes et charges ont été héréditaires ou vénales.
[En ce qui concerne la légion d’honneur, je vois pas en quoi la donner a un sportif quelconque soit moins problématique que Pelicot.]
Un sportif « quelconque », peut-être pas. Mais un sportif de haut niveau qui a passé des années à s’entrainer, qui a sacrifié sa vie professionnelle et personnelle à l’atteinte des objectifs qu’il s’est fixé lui-même, et qui y a réussi, c’est une autre affaire. Lui donner une médaille, c’est le signaler à ses concitoyens comme un exemple à imiter. Si vous aviez un fils comme Teddy Riner, vous seriez certainement fier de lui. Seriez-vous fier d’avoir une fille comme Gisèle Pelicot ?
Je pense que c’est là un problème d’interprétation de ce qu’est une décoration. Une décoration, contrairement à ce qu’on pense souvent, ce n’est pas l’équivalent d’une prime qu’on vous verse sur votre compte en banque pour vous récompenser. Une décoration, c’est un acte public par lequel on vous fait rentrer dans la « Légion » des gens donnés en exemple. C’est d’ailleurs vrai de toutes les décorations, et pas seulement de la Légion d’Honneur.
[Et Mme Pelicot n est elle pas plus honorable qu un certain N Sarkozy qui fut ejecte de l ordre contre la volonte de notre president ?]
Je ne sais pas. Mais c’est irrélevant. On ne vous donne pas la Légion d’Honneur parce que vous êtes « honorable », même si c’est une condition. On vous la donne parce que la société veut vous donner en exemple. Ce n’est pas du tout la même chose.
[Le problème n’est pas qu on nomme une incompétente a un poste bien payé ou elle ne verra strictement rien (et c’est mieux comme ça car au moins elle ne fera pas de dégâts) mais que l’état ait un grand nombre de postes ou il peut nommer des incapables]
Je vous reconnais bien là… vous savez, ce n’est pas qu’un problème de l’Etat. Les sinécures, dans le privé, cela existe aussi. Ces derniers temps, elles sont d’ailleurs plus nombreuses que dans le public, parce qu’une sinécure publique est de par la loi payée selon la grille de la fonction publique, qui est fort modeste, alors que les sinécures privées, elles, peuvent être bien plus juteuses. D’éminents hommes politiques – pensez à François Mitterrand, payé par son vieil ami Schuler à l’Oréal – ont passé des années dans des postes bidon où leur contribution était nulle. Et ne venez pas me dire que les sinécures privées sont payées par l’argent des actionnaires, qui font ce qu’ils veulent de leur bien. Ces sinécures privées, elles sont rarement accordées sans contreparties, contreparties payées par vous et moi…
[(2) Suite à la réforme de la haute fonction publique, l’ensemble des membres de la Cour est maintenant recruté par cette deuxième et troisièmes voies. Autrement dit, on a supprimé la voie de recrutement la plus neutre socialement. Cherchez l’erreur…]
Comment se passe l’affectation à la sortie de l’ENA/INSP ?
@ Glarrious
[Comment se passe l’affectation à la sortie de l’ENA/INSP ?]
Dans le temps, un nombre de postes légèrement supérieur au nombre d’élèves était offert par les différentes administrations (et dans les différents corps). Les élèves étaient appelés à choisir leur poste dans cette liste dans l’ordre de leur rang de classement. Les dix ou vingt premiers choisissaient habituellement les postes dans les “grands corps” (Inspection des Finances, Conseil d’Etat, Cour des Comptes, conseillers des affaires étrangères, inspections générales), les suivants étaient versés dans le corps des administrateurs civils et prenaient des postes dans les différents ministères, soit dans des postes correspondant à leur corps, soit par détachement sur d’autres corps (corps des sous-préfets, corps des magistrats des tribunaux administratifs ou des cours régionales des comptes).
Maintenant, la procédure est différente. Il n’y a plus de classement à la sortie, et tout le monde est versé dans le corps des administrateurs de l’Etat (qui a remplacé le corps des administrateurs civils). Les administrations proposent des postes, et les candidats présentent des dossiers de candidature aux postes qui les intéressent, et les administrations auditionnent les candidats. Ensuite, chaque administration classe les candidatures qu’elle a reçu sur chaque poste, et chaque candidat classe les postes pour lesquels il a été auditionné. Et à partir de ce double classement, une procédure compliqué dite “d’appariement” cherche à placer chaque élève le plus haut possible dans ses choix et dans ceux des administrations d’accueil.
Moralité: un candidat qui a des “relations” dans une administration convoitée peut se faire bien classer par celle-ci et donc avoir le poste en question. Bien sur, les auditions se font devant un petit jury, ce qui offre quelques garanties, mais beaucoup moins que l’ancien système, fondé uniquement sur le mérite traduit par les notes de stage et des épreuves.
Quant à l’accès aux “grands corps”, il n’est plus possible à la sortie de l’INSP. Après quelques années de carrière dans l’administration, les fonctionnaires peuvent candidater à ces fonctions. Le principe n’est pas mauvais: il permet de recruter pour ces “grands corps” des personnes d’expérience et qu’on a vu agir. Le problème est que le recrutement ne se fait pas sur épreuves, mais sur dossier… et qu’elle est donc ouverte à toute sorte de copinages.
Je déduis de votre réflexion que vous n’avez guère de sympathie pour ceux qui refusent publiquement la Légion d’honneur.
Mettons que cela soit le cas ; quel argument offrez-vous ? Par exemple, que Jacques Bouveresse se trouvait dans une position où, de sa part, un refus public de la Légion d’honneur était plus susceptible d’augmenter son “capital immatériel” qu’une acceptation ? Quitte à se convaincre lui-même de sa bonne foi par une argumentation à laquelle il croira le plus sincèrement du monde ? Irez-vous jusqu’à proférer ce syntagme si surréaliste, et néanmoins (ou plutôt pour cette raison) si à la mode de nos jours, de “signalement de vertu” ?
Pensez-vous que toute personne qui pourrait légitimement être montrée en exemple, devrait, par pur sens du devoir, accepter de l’être ? Mais à cela on pourrait alors objecter, que si quelqu’un que l’on pensait pouvoir être montré en exemple, refuse de l’être, alors il n’était, pas, en fait, digne d’être montré en exemple, étant donné qu’il manque à son devoir. Donc, si Jacques Bouveresse refuse la Légion d’honneur, c’est qu’en fait il ne la méritait pas… donc on ne peut pas lui reprocher de l’avoir refusée.
Mais je ne sais pas, en fait, ce que vous répondriez à une telle question : “que pensez-vous de ceux qui refusent publiquement la Légion d’honneur” ?… et je serais curieux de le savoir.
@ MJJB
[Je déduis de votre réflexion que vous n’avez guère de sympathie pour ceux qui refusent publiquement la Légion d’honneur.]
Je vais formuler la question d’une manière différente. Pour moi, on ne peut « refuser » la Légion d’Honneur. La nomination à la Légion d’Honneur n’est pas une récompense, un cadeau, un chèque que vous pouvez retourner à l’envoyeur. Accorder la Légion d’Honneur à quelqu’un, c’est une façon pour la nation de dire « celui-ci est digne d’être pris en exemple, d’être imité ». Est-ce que quelqu’un peut refuser d’être donné en exemple ? Vous pouvez toujours répondre « je n’en suis pas digne » par modestie, ou même « je n’accepte pas d’être donné en exemple par ce gouvernement » si vous pensez qu’on vous l’a donné pour de mauvaises raisons ou que vous voulez marquer votre opposition, comme le fait Bouveresse dans le document que vous donnez en référence.
[Mettons que cela soit le cas ; quel argument offrez-vous ? Par exemple, que Jacques Bouveresse se trouvait dans une position où, de sa part, un refus public de la Légion d’honneur était plus susceptible d’augmenter son “capital immatériel” qu’une acceptation ?]
On peut expliquer les choix des classes sociales en termes d’intérêt, mais il est toujours dangereux de le faire pour les cas individuels. Je ne sais pas pourquoi Bouveresse a « refusé » la Légion d’Honneur. Il semblerait d’ailleurs, si on lit le texte que vous proposez, qu’il ait fait le choix très tôt « de ne pas recevoir des distinctions de ce genre ». Pourquoi ? Il ne le dit pas, il se contente d’exiger qu’on respecte son choix. Personnellement, je le regrette. J’aime bien l’idée que des hommes comme Bouveresse, que je respecte et apprécie infiniment, puissent être montrés en exemple par la République. Si des gens comme lui refusent d’être ainsi montrés, il ne restera comme exemple à imiter que des Gisèle Pelicot et des Sophie Aram. Je pense que Bouveresse aurait pu arborer sa décoration avec fierté, et que personne à son passage n’aura douté que c’en était une « vraie »…
[Irez-vous jusqu’à proférer ce syntagme si surréaliste, et néanmoins (ou plutôt pour cette raison) si à la mode de nos jours, de “signalement de vertu” ?]
Je n’ai pas compris la question.
[Pensez-vous que toute personne qui pourrait légitimement être montrée en exemple, devrait, par pur sens du devoir, accepter de l’être ?]
Non, bien sur que non. Vous l’aurez remarqué, j’évite de dire aux gens ce qu’ils devraient faire. Chacun fait ses choix personnels. Vous pouvez parfaitement refuser d’être montré en exemple. Cela étant dit, je trouve dommage que ceux que la République gagnerait à voir imités refusent d’être cités à cette fin.
[Mais à cela on pourrait alors objecter, que si quelqu’un que l’on pensait pouvoir être montré en exemple, refuse de l’être, alors il n’était, pas, en fait, digne d’être montré en exemple, étant donné qu’il manque à son devoir.]
Vous savez, ce n’est pas parce que Kafka tenait sa production en piètre estime – au point de demander que son œuvre soit détruite après sa mort – que ce n’est pas un grand écrivain, digne d’être lu. Bouveresse est à mon avis digne d’être imité, que cela lui plaise ou pas. Et il ne peut m’empêcher de l’imiter, ou de recommander à d’autres de l’imiter. C’est pourquoi, pour moi, le refus de la Légion d’Honneur n’a pas de sens. Bouveresse a parfaitement le droit de dire que cette nomination ne lui fait pas plaisir, il a même le droit de ne pas se faire remettre sa médaille, ou de porter le ruban en public. Mais les institutions ont le droit de dire « voilà un homme qui mérite d’être imité », que cela plaise ou non à l’homme en question.
[Donc, si Jacques Bouveresse refuse la Légion d’honneur, c’est qu’en fait il ne la méritait pas… donc on ne peut pas lui reprocher de l’avoir refusée.]
J’avoue que je ne comprends pas ce raisonnement circulaire. Bouveresse ne manque à aucun « devoir » en déclarant qu’il ne veut pas être donné en exemple. Ce qui rend Bouveresse digne d’être imité – et donc digne de la Légion d’Honneur – c’est son travail de professeur, son œuvre de création philosophique. Le fait qu’il « refuse » ou non ce qu’il voit comme une récompense ne change rien au fait qu’il soit digne de la recevoir…
[Mais je ne sais pas, en fait, ce que vous répondriez à une telle question : “que pensez-vous de ceux qui refusent publiquement la Légion d’honneur” ?… et je serais curieux de le savoir.]
Je pense avoir répondu à cette question, mais au cas où ma réponse ne serait pas claire, je la reformule. Je pense que ceux qui refusent leur nomination à la Légion d’Honneur font erreur sur la nature même ce cette nomination. Être ainsi nommé – et cela vaut pour l’ensemble des décorations – n’est pas une « récompense » que l’on peut accepter et refuser. C’est une « distinction », autrement dit, un acte par lequel les institutions de la République vous mettent dans un groupe « à part », celui des gens qui sont dignes d’être donnés en exemple, dont les vertus appellent l’imitation. Et à ce titre, le « refus » n’a tout simplement pas de sens.
Imaginez qu’une fois par an une autorité montait à une tribune pour lire la liste des personnes qui, par leurs vertus et les talents, méritent d’être imités. Quelle signification aurait le refus de figurer dans la liste ? Qui pourrait dire « je ne veux pas être imité », sauf à être victime d’un excès de modestie en phase terminale ?
@ Descartes
[Je pense que Bouveresse aurait pu arborer sa décoration avec fierté, et que personne à son passage n’aura douté que c’en était une « vraie »…]
La légion d’honneur est désormais galvaudée, il suffit de parcourir la liste des récipiendaires chaque année pour s’en apercevoir.
Outre les promotions d’écrivains et de chanteurs, celle de sportifs interrogent. Prenons, au hasard, l’exemple du footballeur Lizarazu (je n’ai rien contre lui). Quel sens sa promotion au grade de chevalier a-t-elle ? Si cela est dû au fait qu’on souhaite faire de lui un exemple à suivre, tout footballeur qui gagne une compétition internationale devrait y avoir droit. ça en fait des exemples… Pour les sportifs aussi, je cherche en vain le “mérite éminent acquis au service de la nation soit à titre civil, soit sous les armes”.
C’est peut-être une des raisons qui poussent certains qui la mériteraient vraiment à la refuser.
[il ne restera comme exemple à imiter que des Gisèle Pelicot]
Son cas semble vous interpeller particulièrement. On peut lire que c’est pour la contribution qu’elle a apportée à “la cause féminine”, notamment par le refus du huis-clos lors du procès de son mari. ça vaut ce que ça vaut, mais ça ne me semble – au point où on en est – pas moins mérité que tant d’autres (notamment les “pipoles” du showbiz).
@ Bob
[« Je pense que Bouveresse aurait pu arborer sa décoration avec fierté, et que personne à son passage n’aura douté que c’en était une « vraie »… » La légion d’honneur est désormais galvaudée, il suffit de parcourir la liste des récipiendaires chaque année pour s’en apercevoir.]
Je ne suis pas d’accord. Je pense que dans la perception de nos concitoyens, il y a – comme dans l’histoire qui servait d’introduction à mon papier – qu’il y a des « vraies » légions d’honneur, portées par des gens qui méritent effectivement l’honneur et l’imitation, et des « fausses », c’est-à-dire, des gens qui les ont par copinage ou par l’effet de célébrité.
[Outre les promotions d’écrivains et de chanteurs, celle de sportifs interrogent. Prenons, au hasard, l’exemple du footballeur Lizarazu (je n’ai rien contre lui). Quel sens sa promotion au grade de chevalier a-t-elle ? Si cela est dû au fait qu’on souhaite faire de lui un exemple à suivre, tout footballeur qui gagne une compétition internationale devrait y avoir droit. Ca en fait des exemples…]
C’est un peu ce qu’on constate. Pratiquement tout sportif gagnant une grande compétition internationale se voit distingué. Personnellement, je ne suis pas favorable, parce que je trouve que cela fait double emploi : celui qui gagne une compétition olympique ou une coupe du monde obtient déjà une médaille qui le « distingue ». Pourquoi lui donner une deuxième médaille ? Il serait finalement plus simple d’autoriser ceux qui ont une telle médaille à porter un ruban (or, argent ou bronze) sur leur veston, et affaire conclue.
[C’est peut-être une des raisons qui poussent certains qui la mériteraient vraiment à la refuser.]
J’en doute. Je pense que la plupart de ceux qui le refusent en font un acte de refus de tout lien avec le pouvoir en place. Je pense que ce raisonnement est néfaste, et revient à confondre la nation et le gouvernement du jour. Même si le décret est signé du président de la République, ce n’est pas le président qui accorde la distinction, c’est la République.
[« il ne restera comme exemple à imiter que des Gisèle Pelicot » Son cas semble vous interpeller particulièrement.]
C’est le cas. C’est l’un des rares cas où l’on aura accordé la Légion d’Honneur à une personne non pour distinguer ce qu’elle a FAIT, mais ce qu’elle EST. Pour moi, il y a là un précédent catastrophique, qui illustre parfaitement le glissement victimiste et essentialiste de nos sociétés.
Merci pour votre article.
Louis Aragon n’avait-il pas refusé la Légion d’honneur ?
De même, il y a le cas de Jacques TARDI. Il évoquait clairement et ouvertement le refus d’être distingué par des gens et des institutions qu’il n’estimait pas. Ce serait malgré tout difficile de caractériser la position de cette forte personnalité comme phénomène d’anomie
https://www.lemonde.fr/culture/article/2013/01/02/jacques-tardi-refuse-la-legion-d-honneur_1812089_3246.html
@ Capitaine Felix
[Merci pour votre article. Louis Aragon n’avait-il pas refusé la Légion d’honneur ?]
Pas que je sache. Si ma mémoire ne me trompe pas, elle ne lui a été offerte qu’après l’élection de Mitterrand, après 1981. Je ne vois pas pourquoi il l’aurait refusée, ce n’était certainement pas la politique du PCF de demandera aux très rares militants à qui la distinction était accordée de la refuser.
[De même, il y a le cas de Jacques TARDI. Il évoquait clairement et ouvertement le refus d’être distingué par des gens et des institutions qu’il n’estimait pas. Ce serait malgré tout difficile de caractériser la position de cette forte personnalité comme phénomène d’anomie]
Comme je l’ai dit dans un autre commentaire, je pense que ceux qui « refusent » la Légion d’Honneur font un contresens sur le sens d’une décoration. Une décoration n’est pas une récompense, c’est une distinction, autrement dit, une manière pour celui qui l’accorde de donner le récipiendaire en exemple à imiter. Que Tardi n’estime pas les gens et les institutions qui le donnent en exemple, c’est son droit. Mais je ne vois pas très bien comment on peut leur « refuser » la possibilité de dire qu’il faut vous imiter…
Merci pour vos précisions
Concernant Louis Aragon, c’est apparemment une sorte de croyance dans l’esprit de beaucoup de (journalistes) gens. Que l’institution s’efforce à rectifier souvent (exemple ci-dessous paragraphe 2/)
https://www.google.com/url?sa=t&source=web&rct=j&opi=89978449&url=https://www.legiondhonneur.fr/sites/default/files/refuser_la_legion_dhonneur.pdf&ved=2ahUKEwiXhLeQxY-PAxVjKvsDHVvDEuYQFnoECBUQAQ&usg=AOvVaw3glSDHDGgNp7XMoxI9hWpp
En liaison avec les commentaires précédents :
Ne faudrait-il peut-être pas modifier le régime de cet ordre honorifique?
Soit préciser son périmètre à éventuellement les militaires, policiers, fonctionnaires civils etc ? Ou simplement préciser les fondement matériel de “mérite pour la nation”?
Ou revoir la procédure d’inscription et d’obtention ? Par exemple en notifiant en amont à la personne impétrant que son dossier a été soumis à la Chancellerie pour étude et qu’il ou elle dispose d’un certain délai pour demander à que son nom soit dûment retiré….
@ Capitaine Felix
[Concernant Louis Aragon, c’est apparemment une sorte de croyance dans l’esprit de beaucoup de (journalistes) gens. Que l’institution s’efforce à rectifier souvent (exemple ci-dessous paragraphe 2/)]
Tout à fait. Sur cette affaire je n’ai le moindre doute, parce que je me souvenais de la cérémonie au cours de laquelle les insignes lui avaient été remises par le président de la République lui-même le 19 novembre 1981, en présence des ministres Jack Ralite, de Jack Lang, de Robert Badinter, ainsi que de Georges Marchais, de Henri Krasucki, de Roland Leroy, de Madeleine Renaud et de Jean Ristat. C’était quelques mois après l’arrivée de la gauche au pouvoir, du temps où Mitterrand cherchait à ménager les dirigeants communistes. Lorsqu’il meurt un an plus tard, le 24 décembre 1982, aucun hommage officiel ne lui sera offert… par la gauche socialiste. C’est de la droite que les propositions d’hommage sont venus, celui de Jean d’Ormesson (« je l’admire plus que personne »), celui de Jean Dutourd qui proposa – dans « Le Figaro », notez le bien – de rebaptiser le boulevard Arago du nom d’Aragon.
Le « Maitron », qui est la bible biographique du mouvement ouvrier, consigne bien la légion d’honneur accordée en 1981 à Aragon. On notera tout de même que le résistant, incontestablement le plus grand poète français du XXème siècle, a du attendre sa 84ème et dernière année pour se voir décerner cette distinction. Cela donne une idée ce qu’était l’anticommunisme de ces années-là…
[Ne faudrait-il peut-être pas modifier le régime de cet ordre honorifique ? Soit préciser son périmètre à éventuellement les militaires, policiers, fonctionnaires civils etc ? Ou simplement préciser le fondement matériel de “mérite pour la nation” ?]
En théorie oui. Mais en pratique, je vois mal comment on pourrait trouver un « fondement matériel » suffisamment objectif. Par ailleurs, il faut raison garder : le système ne fonctionne pas si mal que ça, et la plupart des récipiendaires mérite effectivement d’être distinguée. Ce n’est pas parce que certains « pipols » la reçoivent par copinage qu’il faut oublier la signification que peut avoir cette distinction par les centaines d’anonymes qui la reçoivent chaque année pour des mérites bien réels.
[Ou revoir la procédure d’inscription et d’obtention ? Par exemple en notifiant en amont à la personne impétrant que son dossier a été soumis à la Chancellerie pour étude et qu’il ou elle dispose d’un certain délai pour demander à que son nom soit dûment retiré…]
Je ne pense pas qu’il existe un « droit » à voir son nom retiré. L’Etat a parfaitement le droit de dire « voici un homme qui mérite d’être honoré et imité ». Et cet homme a le droit de dire « je ne me sens pas honoré par un Etat que je n’aime pas », ou bien « je ne suis pas digne de cet honneur », ou bien encore « je ne donne aucune importance à ce geste » en refusant de se la faire remettre. A chacun son rôle.
@ Descartes
[Ce n’est pas parce que certains « pipols » la reçoivent par copinage qu’il faut oublier la signification que peut avoir cette distinction par les centaines d’anonymes qui la reçoivent chaque année pour des mérites bien réels.]
On en fait des tonnes avec quelques “pipoles” – malheureusement – mais vous avez raison de le rappeler.
@ Bob
[On en fait des tonnes avec quelques “pipoles” – malheureusement – mais vous avez raison de le rappeler.]
Oui, il faut toujours se rappeler que les médias ne nous montrent pas le monde réel, mais seulement une fiction de monde réel. Il ne faut jamais oublier ce qu’on appelait autrefois “la France des sous-préfectures”. Je me souviens de la cérémonie de remise des insignes de chevalier de la Légion d’Honneur au maire d’une commune moyenne, distinction largement méritée après plus de vingt-cinq ans de conseil municipal, dont deux mandats de maire, avec un incendie de forêt et une inondation à la clé qu’il avait géré avec grand courage. Dans la salle des fêtes pavoisée pour l’occasion, c’est le préfet qui officiait, et qui prononçait la phrase rituelle “au nom du président de la République, et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, je vous fais chevalier de la légion d’honneur”. Le récipiendaire avait la larme à l’œil, et tous les habitants venus au vin d’honneur étaient fiers pour lui. Et pendant des semaines, m’a-t-il raconté, chaque fois qu’il croisait un habitant dans la rue on le félicitait. Personne ne songeait à Sophia Aram et autres personnages du genre.
@ Descartes
C’est une jolie anecdote, qui finit de me ranger à votre opinion de départ que le peuple sait faire la différence entre les faussaires et les méritants de la légion d’honneur.
@ democ-soc
[En gros, tu as une vision fausse monnaie/ bonne monnaie;]
On peut le résumer comme ça.
[j’aurais plutot tendance a penser que la monnaie toute entière est dévaluée par ce genre de choses. Quoique peut etre seulement par catégorie, si on veut etre optimiste. Quand Isabelle Balkany hérite de la légion d’honneur, je pense que, aux yeux du citoyen lambda, cela entache un peu tous les politiques qui l’ont eue; quand c’est Sophia Aram (ou Jean-Pierre Pernaut!), tous les journalistes etc…Je ne sais pas si il y a déja eu un sondage sur cette question de la perception des décorations chez nos contemporains. Ca serait probablement éclairant.]
Ce serait intéressant… mais je reste convaincu par expérience personnelle que nos concitoyens sont bien plus intelligents qu’on ne le pense, et qu’ils sont parfaitement capables de faire la différence. Ils savent très bien qu’il y a des personnages qui reçoivent des distinctions par copinage, des distinctions qu’ils ne méritent pas, de la même façon qu’on nomme à des postes supérieurs de l’Etat des gens qui n’ont d’autre mérite qu’un solide réseau de copinage. En même temps, ils savent aussi que ces personnages sont des exceptions, que la plupart des membres de la Légion d’Honneur ont fait quelque chose pour le mériter, et que la plupart des postes supérieurs de l’Etat sont occupés par des gens compétents. Et ils savent parfaitement faire la différence. Quand il y a quelques années le patron de la production à EDF a reçu son ruban, l’ensemble de ses troupes l’ont fêté parce qu’elles savaient parfaitement que c’était une distinction méritée. Tout le monde était content que la République se soit enfin décidée à le reconnaître. Et personne n’a pensé « ca n’a aucune valeur, Aram ou Pernault ont la même ».
[Pour moi, cette décoration aurait sans doute du rester ce qu’elle était à l’origine : une distinction pour militaires, scientifiques et ingénieurs. En gros, pour Foch, Pasteur et Eiffel. Quand on déborde ces 3 catégories, on passe de l’objectif au subjectif… Et entre le subjectif et le copinage, la glissade est assez rapide…]
Je trouve que c’est un peu restrictif, parce que des Foch, des Pasteur et des Eiffel, il y en a un ou deux par siècle. Je suis d’accord avec vous sur le problème de la subjectivité, mais je vois difficilement comment on fait pour le résoudre. Faire confiance au bon sens du peuple pour faire la différence entre les « vrais » méritants et les « faux » décorés, c’est peut-être la meilleure solution.
[D’ailleurs, à à contrario, les palmes académiques ne seront pas l’objet d’un débat de ce genre : les reserver à l’éducation nationale, c’est pas une protection infaillible mais ça limite pas mal les risques d’erreurs de casting…]
C’est là un intéressant paradoxe. L’ordre national du mérite, ordre crée en 1945 pour distinguer des mérites signalés mais pas suffisants pour valoir la légion d’honneur, est finalement mieux protégé par son statut de « légion d’honneur du pauvre ». Les personnalités, les pipol, demandent tout de suite le ruban rouge, et méprisent le ruban bleu du mérite. Et du coup, le mérite continue à être accordé à des gens qui le méritent vraiment… un peu comme le rapport entre le ruban et la rosette dans mon histoire.
@ Descartes et alii,
Excusez-moi d’intervenir, mais pour les écrivains, les chanteurs, les comédiens, peut-être même les journalistes, il existe l’Ordre des Arts et des Lettres, non? Est-ce que décerner cette décoration à cette catégorie de gens de culture – et il y a des écrivains, des chanteurs, des comédiens qui participent réellement au rayonnement de la France – ne serait pas suffisant? Cela permettrait d’éviter le mélange des genres, et de garder la Légion d’honneur effectivement pour les militaires, les ingénieurs, les savants, les diplomates, bref plutôt pour des serviteurs de l’Etat.
Qu’en pensez-vous?
@ Carloman
[Excusez-moi d’intervenir, mais pour les écrivains, les chanteurs, les comédiens, peut-être même les journalistes, il existe l’Ordre des Arts et des Lettres, non ? Est-ce que décerner cette décoration à cette catégorie de gens de culture – et il y a des écrivains, des chanteurs, des comédiens qui participent réellement au rayonnement de la France – ne serait pas suffisant ? Cela permettrait d’éviter le mélange des genres, et de garder la Légion d’honneur effectivement pour les militaires, les ingénieurs, les savants, les diplomates, bref plutôt pour des serviteurs de l’Etat.]
Je suis d’accord. Mais le monde des « ordres » est un monde hiérarchisé, et c’est pourquoi la Légion d’Honneur est convoitée : c’est l’ordre qui est au-dessus de la pyramide. En pratique, cela protège les autres : pendant que les « pipol » se battent pour avoir la Légion d’Honneur, on confère l’ordre du mérite, les palmes académiques, l’ordre des arts et des lettes, la médaille des actes de courage et de dévouement aux gens qui les méritent vraiment. Par certains côtés, avoir aujourd’hui les palmes académiques est plus difficile que d’avoir la Légion d’Honneur…
@ Descartes
[la plupart des membres de la Légion d’Honneur ont fait quelque chose pour le mériter, et que la plupart des postes supérieurs de l’Etat sont occupés par des gens compétents.]
L’analogie avec la bonne monnaie et la fausse monnaie de democ-soc est très bonne. Quand il y a beaucoup de fausses pièces en circulation, lorsque vous sortez une pièce de votre poche, le doute est important de se demander s’il ne s’agit pas d’une fausse pièce, et par conséquent d’attribuer moins de “valeur” (non pas fiduciaire) à cette pièce, précisément à cause de ce doute.
[nos concitoyens sont bien plus intelligents qu’on ne le pense, et qu’ils sont parfaitement capables de faire la différence. ]
Pour les cas quasi pathologiques comme I. Balkany, certainement. Mais pour les politiciens moins ou peu connus, c’est beaucoup moins sûr. Nos concitoyens sont intelligents, mais il ne s’agit pas d’être intelligent ici, il s’agit d’avoir à disposition les informations qui permettent de trier les méritants des imposteurs. Quand tel ou tel préfet qui m’est inconnu est promu, comment puis-je savoir s’il n’a pas bénéficié de copinage ? Ce dernier se situe entre la personnalité “pipole” dont on sait que la décoration est “du toc” et l’anonyme qui la mérite, comme vous concluez votre article, et pour lui, difficile pour le grand public de savoir à quel groupe il appartient.
[Quand il y a quelques années le patron de la production à EDF a reçu son ruban, l’ensemble de ses troupes l’ont fêté parce qu’elles savaient parfaitement que c’était une distinction méritée. Tout le monde était content que la République se soit enfin décidée à le reconnaître. Et personne n’a pensé « ca n’a aucune valeur, Aram ou Pernault ont la même ». ]
Personne ne l’a dit, mais vous ne pouvez pas savoir si personne ne l’a pensé. Si j’avais fait partie des effectifs, je l’aurais pensé.
@ Bob
[L’analogie avec la bonne monnaie et la fausse monnaie de democ-soc est très bonne. Quand il y a beaucoup de fausses pièces en circulation, lorsque vous sortez une pièce de votre poche, le doute est important de se demander s’il ne s’agit pas d’une fausse pièce, et par conséquent d’attribuer moins de “valeur” (non pas fiduciaire) à cette pièce, précisément à cause de ce doute.]
L’analogie est excellente, mais je pense qu’elle ne fonctionne pas tout à fait par catégories, comme il le pense. Ou plutôt, je dirais que cela fonctionne en deux catégories : les « pipol » et les autres. Je pense qu’un anonyme qui porte la légion d’honneur est automatiquement « distingué » par ces concitoyens, précisément parce qu’étant un anonyme, on ne le suspectera pas d’avoir reçu son ruban par copinage. Par contre, un « pipol » qui porte le ruban n’en tirera aucun respect, parce que les gens le suspecteront de ne pas l’avoir méritée. En fait, ceux qui sont les plus à plaindre sont les « pipol » qui ont effectivement fait quelque chose pour mériter la médaille… et qui seront suspectés de l’avoir eu par copinage !
[Pour les cas quasi pathologiques comme I. Balkany, certainement. Mais pour les politiciens moins ou peu connus, c’est beaucoup moins sûr. Nos concitoyens sont intelligents, mais il ne s’agit pas d’être intelligent ici, il s’agit d’avoir à disposition les informations qui permettent de trier les méritants des imposteurs. Quand tel ou tel préfet qui m’est inconnu est promu, comment puis-je savoir s’il n’a pas bénéficié de copinage ?]
Pour les préfets, le cas est différent, parce que c’est le genre du poste où la décoration vient avec la fonction. Un préfet sacrifie sa famille, il accepte d’énormes contraintes sur le plan personnel, prend des risques considérables. Le simple fait d’exercer ce métier pendant une dizaine d’années mérite d’être signalé en exemple. On leur remet aussi pour des raisons techniques : le protocole exige que la médaille vous soit remise par quelqu’un qui la détient lui-même. Or, dans la France périphérique, il n’est pas toujours évident de trouver quelqu’un qui est déjà membre de la Légion d’honneur pour remettre la médaille à un maire, à un policier…
[Ce dernier se situe entre la personnalité “pipole” dont on sait que la décoration est “du toc” et l’anonyme qui la mérite, comme vous concluez votre article, et pour lui, difficile pour le grand public de savoir à quel groupe il appartient.]
Pour les fonctionnaires, la question ne se pose à mon avis pas. D’une part, parce que dans notre pays les fonctionnaires sont généralement anonymes, et rares sont ceux qui sont suffisamment médiatisés pour que le pouvoir gagne à les décorer publiquement. Dites-vous bien que les médailles sont en nombre limité, et qu’à l’heure de « pipoliser », les politiques cherchent à donner les médailles à ceux avec qui ils ont envie d’être pris en photo !
[« Quand il y a quelques années le patron de la production à EDF a reçu son ruban, l’ensemble de ses troupes l’ont fêté parce qu’elles savaient parfaitement que c’était une distinction méritée. Tout le monde était content que la République se soit enfin décidée à le reconnaître. Et personne n’a pensé « ca n’a aucune valeur, Aram ou Pernault ont la même ». » Personne ne l’a dit, mais vous ne pouvez pas savoir si personne ne l’a pensé. Si j’avais fait partie des effectifs, je l’aurais pensé…]
Vue la chaleur avec laquelle les troupes ont accueilli l’annonce et le traitement qu’il a eu chaque fois qu’ils s’est déplacé sur le terrain après l’annonce, je peux raisonnablement dire que si des gens l’ont pensé, ils n’étaient pas très nombreux. Même les syndicalistes, qui sont les premiers à dénoncer les privilèges des cadres supérieurs, lui ont rendu hommage. De plus, dans son milieu, son action et ses mérites étaient trop connus pour qu’on puisse contester sa légitimité.
Mais faisons une expérience imaginaire : si je vous dis que le patron de la production d’EDF, le directeur des réacteurs nucléaires du CEA, le directeur de l’institut de physique du Globe du CNRS et l’ancien directeur de projet du pont de Millau ou du tunnel sous la Manche ont reçu la légion d’honneur, sans même les connaître, votre première impulsion serait de dire « ils l’ont eu par copinage » ou « ils l’ont eu par leurs propres mérites » ? Faisons la même expérience avec un acteur connu, un journaliste de France Inter, un joueur de football…
Je pense sans m’avancer que dans le premier cas votre première impulsion – comme la mienne d’ailleurs – est de leur accorder la légitimité de la médaille, et pas dans le second. Pourquoi ? Parce que nous avons une certaine confiance dans la méritocratie : on ne confie pas certains postes à n’importe qui, et l’action de ceux qui l’occupent a une importance dans le succès d’un projet. Nous n’avons pas la même confiance dans l’exigence de la sélection quand il s’agit de journalisme à France Inter ou de sélection des footballeurs…
En dernière instance, les gens ne sont pas idiots : ils comprennent qu’il y a des médailles qu’on donne pour distinguer ceux qui les reçoivent, et des médailles qu’on donne pour que celui qui l’accorde puisse faire une belle photo, ou pour acheter la bienveillance d’un journaliste. Et les gens font très bien la différence entre les deux…
@ Descartes
[Ou plutôt, je dirais que cela fonctionne en deux catégories : les « pipol » et les autres]
J’en ferais 3 : les “pipol”, les politiciens, les autres.
[Pour les préfets, le cas est différent, parce que c’est le genre du poste où la décoration vient avec la fonction. Un préfet sacrifie sa famille, il accepte d’énormes contraintes sur le plan personnel, prend des risques considérables. Le simple fait d’exercer ce métier pendant une dizaine d’années mérite d’être signalé en exemple.]
Comme la décoration vient avec la fonction, mon exemple était mal choisi.
Quels sont les risques pris par un préfet ?
[De plus, dans son milieu, son action et ses mérites étaient trop connus pour qu’on puisse contester sa légitimité.]
Je ne conteste pas le moins du monde que ce patron de la production à EDF n’était pas légitime à obtenir sa légion d’honneur. Ce que je voulais dire, c’est que je me serais dit : “il obtient la légion d’honneur, soit, c’est bien ainsi et tout à fait mérité, mais étant donné que G. Pélicot l’a obtenue aussi – pour reprendre le cas que vous jugez catastrophique – alors qu’est-ce que cela atteste in fine ?”. C’est sans doute parce que j’estime que la donner à toutes ces personnalités copines ou pour la photo tire tout le monde vers le bas.
Votre expérience de pensé est intéressante. Oui, j’accorde la légitimité de la médaille dans le premier cas et pas dans le second.
Je pense que dès qu’il s’agit de “technique”, c’est-à-dire de postes pour lesquels on sait objectivement qui est compétent et qui ne l’est pas, on ne peut pas “enfumer” son monde, et que donc quelqu’un de ce domaine qui est décoré recueille l’approbation et l’admiration de ses concitoyens.
Pour le showbiz, je suis d’accord, il y a d’abord, injustement pour certains sans doute, suspicion de copinage.
Les cas les plus délicats à évaluer sont les politiciens, probablement encore plus aujourd’hui qu’hier, car si jadis je leur aurais volontiers accordé la prime à la compétence, aux savoir-faires techniques, désormais c’est tellement un monde de communicants plutôt que de “faisants” qu’en premier lieu je doute de leur légitimité à être décorés.
@ Bob
[« Ou plutôt, je dirais que cela fonctionne en deux catégories : les « pipol » et les autres » J’en ferais 3 : les “pipol”, les politiciens, les autres.]
Je suis peut-être méchant mais j’incluais les politiciens dans la catégorie « pipol »…
[Quels sont les risques pris par un préfet ?]
Pour aller du moins important au plus important, vous avez d’abord les risques professionnels : un préfet est nommé « ad nutum », ce qui veut dire qu’il peut être viré « d’un hochement de tête », sans préavis ni indemnisation. Et ils ont été nombreux à avoir été renvoyés pour avoir déplu à un ministre, pour avoir manqué au protocole, ou même parce qu’il fallait un fusible, et qu’on n’avait personne d’autre sous la main. A l’autre côté de l’échelle, on trouve des préfets qui font l’objet de menaces de mort – j’en connais qui ne peuvent sortir de chez eux sinon accompagnés par un garde du corps – et ces menaces ne sont pas que théorique, voir le cas de Claude Erignac.
[Votre expérience de pensé est intéressante. Oui, j’accorde la légitimité de la médaille dans le premier cas et pas dans le second. Je pense que dès qu’il s’agit de “technique”, c’est-à-dire de postes pour lesquels on sait objectivement qui est compétent et qui ne l’est pas, on ne peut pas “enfumer” son monde, et que donc quelqu’un de ce domaine qui est décoré recueille l’approbation et l’admiration de ses concitoyens.]
Je ne crois pas que ce soit pour cette raison là que mon expérience de pensée donne ce résultat. Je pense que c’est surtout parce que le directeur de la production à EDF, l’administrateur général du CEA ou le directeur du laboratoire de physique du Globe sont des parfaits inconnus en dehors de leurs pairs. Un ministre n’a aucun intérêt personnel à pousser leur dossier de décoration, il ne gagne pas grande chose à leur accorder. Le président décorant Zidane, ça fait une belle photo et des articles dans les journaux. Décorer Sophia Aram, cela vous garantit une chronique sympa sur France Inter. Mais pour un ministre, décorer Cédric Lewandowsky, François Jacq ou Marc Chaussidon ne vous apporte pas grande chose… qui les connait ?
[Les cas les plus délicats à évaluer sont les politiciens, probablement encore plus aujourd’hui qu’hier, car si jadis je leur aurais volontiers accordé la prime à la compétence, aux savoir-faires techniques, désormais c’est tellement un monde de communicants plutôt que de “faisants” qu’en premier lieu je doute de leur légitimité à être décorés.]
C’est pourquoi les décorations ont, assez largement, perdu leur signification lorsqu’elles concernent les politiciens. Celles arborés par les anciens ministres n’ont aucune signification, et tout le monde le sait, elles leurs sont remises pour des raisons protocolaires et sont attachées à la fonction plus qu’à la personne. Rares sont d’ailleurs les politiques qui mettent sur leurs cartes de visite ou sur leur papier à en-tête – comme ils en ont le droit – « chevalier de la légion d’honneur » lorsqu’ils ont le titre.