L’assemblée nationale a discuté hier une proposition de loi “portant transposition du droit communautaire
sur la lutte contre le racisme et réprimant la contestation de l’existence du génocide arménien”. En fait, c’est la deuxième partie du titre qui est importante. La “transposition du droit communautaire sur la lutte contre le racisme” n’est là que pour donner au texte une apparence de base légale dans l’hypothèse où le texte serait déféré devant le Conseil constitutionnel (1). C’est donc bien la “contestation de l’existence du génocide arménien” qui est visé, même s’il n’est pas une seule fois mentionné dans le dispositif législatif. Qui est très simple: dans son article premier, il modifie les dispositions pénales contenues dans la loi du 29 juillet sur la liberté de la presse en introduisant la disposition suivante:
« Seront punis des peines prévues par le sixième alinéa de l’article 24 [ 1 an d’emprisonnement et 45000 € d’amende] ceux qui auront fait l’apologie, la négation ou la banalisation grossière publiques des crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, tels qu’ils sont définis de façon non exclusive :
« 1°) par les articles 6, 7 et 8 du statut de la Cour pénale internationale créée à Rome le 17 juillet 1998 ;
« 2°) par les articles 211-1 et 212-1 du code pénal ;
« 3°) par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 ;
« et qui auront fait l’objet d’une reconnaissance par la loi, une convention internationale signée et ratifiée par la France ou à laquelle celle-ci aura adhéré, par une décision prise par une institution communautaire ou internationale, ou qualifiés comme tels par une juridiction française, rendue exécutoire en France. » (2)
Quant au deuxième et dernier article de la proposition de loi, il n’a pour but que d’étendre la possibilité de se porter partie civile dans ces affaires aux associations défendant les intérêts “de toute autre victime de crimes de génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou des crimes ou délits de collaboration avec l’ennemi“.
La proposition de loi en question émane de députés du groupe UMP, mais cela n’a guère d’importance: la proposition de loi est fondée sur une loi antérieure “reconnaissant” le génocide arménien votée sous impulsion socialiste en 2001, le candidat socialiste à l’élection présidentielle avait indiqué qu’il ferait lui aussi voter une telle disposition s’il était élu, et l’ensemble des députés de droite comme de gauche – a quelques et honorables exceptions près – a affirmé, souvent en termes lyriques son attachement au vote de la loi. A ma connaissance aucun candidat à la présidence de la République n’a pris position contre cette proposition de loi. Rares donc ont été ceux qui ont eu le courage et la clairvoyance de s’opposer à cette monstruosité.
Car c’est bien d’une monstruosité qu’il s’agit. Il était déjà passablement absurde (3) pour le parlement de s’ériger en juge de l’histoire avec le vote des lois mémorielles “reconnaissant” tel ou tel génocide ou crime contre l’humanité, comme si l’existence ou non d’un génocide était une question qui pouvait être reglée par un vote à la majorité. Mais bon, dans la mesure où ces lois n’ont pas d’autre effet pratique que de permettre aux élus qui les votent d’aller draguer les voix de telle out elle communauté, ce n’était pas trop grave. Mais avec cette loi, on franchit un nouveau seuil: il sera désormais interdit aux historiens, aux chercheurs, aux journalistes de raconter autre chose que la version officielle sur les génocides “reconnus”, sous peine d’amende et de prison. Même si l’on peut supposer que les tribunaux feront de cette loi une sage application, une épée de Damocles flottera désormais sur la tête de ceux qui s’aviseraient de contredire la version officielle, pour les inciter à une salutaire autocensure.
Les défenseurs de ce genre de loi – en général les participants à la surenchère communautaire ou chacun veut avoir son petit Auschwitz – appuient leur démarche sur la loi Gayssot, avec l’argument “pourquoi ne pas faire pour les autres ce qu’on a fait pour les juifs” ? Cet argument repose sur une profonde incompréhension de la nature de la loi Gayssot. Il y a une différence fondamentale entre la négation d’un crime qui fait partie de l’histoire nationale, et la négation d’un crime qui, par son éloignement dans l’espace ou dans le temps, a un rapport lointain avec celle-ci. La négation des crimes nazis en France n’est pas seulement une question d’histoire. C’est une question fondamentalement politique, parce qu’une partie de la légitimité de nos institutions dérive justement du combat contre le nazisme. La négation des crimes nazis – historiquement justifiée ou pas, peu importe – est une menace à l’ordre public, dans le sens qu’a donné à cette expression le Conseil d’Etat: l’ensemble des institutions et règles qui permettent la vie en commun. Quand bien même les crimes nazis seraient une fiction, ils sont une fiction nécessaire. Et la société est jusqu’à un certain point légitime pour protéger ce type de fiction, quitte pour cela à rogner partiellement la liberté du débat public. Dans une société théocratique, la négation de l’existence de dieu n’est pas seulement un blasphème. C’est une atteinte à l’ordre public, puisque nier l’existence de dieu revient à priver la législation de toute base. Nous ne sommes pas dans un état théocratique, mais dans un état où la légitimité de nos institutions repose sur un certain nombre de fondements. Interdire la contestation de ces fondements est une question d’ordre public, que le législateur peut estimer nécessaire, même si cela doit limiter à certains moments la liberté de l’historien. “Salus populo suprema lex esto”.
Mais peut-on raisonnablement soutenir qu’interdire la contestation du génocide nazi serait légitime en Chine ? A mon avis, non. En Europe, questionner le génocide des juifs dépasse le cadre du débat historique et touche de près les questions politiques. A Pékin, la question de la véracité de l’extermination des juifs européens est un point qui ne concerne que les historiens intéressés par une contrée lointaine. Les institutions chinoises ne souffrent nullement de ce débat, qu’il soit tranché dans un sens ou dans l’autre. Un peu comme le génocide arménien pour nous. C’est pourquoi le raisonnement qui prétend établir une filiation entre la loi Gayssot et la proposition en discussion au parlement est vicié. Le génocide arménien, réel ou supposé, ne joue pas dans notre récit national le même rôle que le génocide juif de la seconde guerre mondiale.
Mais en dehors de son utilité ou de sa rationalité, la proposition de loi en question est une monstruosité parce qu’elle insulte la Turquie et la France. Il insulte la Turquie, parce que ce texte montre que les politiciens français accordent si peu d’intérêt aux rapports franco-turcs qu’ils sont prêts à les mettre en danger pour quelques centaines de milliers de voix. Et il insulte la France, parce qu’elle accepte que la politique étrangère de la France se fasse en fonction des demandes de telle ou telle “minorité”, et non en fonction de l’intérêt général. On ne peut se gausser du fait que la politique israélienne des US soit faite par le “lobby sioniste”, et ensuite permettre au “lobby arménien” de faire la politique extérieure de la France. Gauche et droite communiant dans la politique des “lobbies”, ce n’est pas un bon signe. Et j’invite ceux que la question intéresse à lire le compte rendu de la séance à l’assemblée nationale (disponible ici (4)). On y trouve des perles de démagogie communautariste, allant du député qui s’adresse au public dans les tribunes (ce que le règlement de l’Assemblée et la tradition parlementaire interdisent) à des variations infinies sur le thème “moi, qui ait toujours défendu la communauté arménienne dans ma circonscription…” (5).
Avec cette loi, on continue à détricoter la loi de la République pour lui substituer un droit communautaire. Le parlement a voté hier une loi pénale dont le but est de satisfaire les demandes d’une minorité définie en fonction de son origine. Et cela nous amène sur une pente dangereuse des lois communautaires. Si tel ou tel discours peut être interdit sous prétexte qu’il blesse une “communauté” donnée – à condition, bien entendu, que cette communauté soit perçue par nos élus comme électoralement porteuse – on rentre vite dans le royaume de l’arbitraire. La négation du génocide arménien blesse-t-elle les descendants d’arméniens plus que la négation de la sainteté du Prophète ne blesse les musulmans ? Pourquoi interdire l’une et pas l’autre ?
Mais plus profondement, l’évocation d’une “communauté arménienne” par des nombreux députés au cours du débat devrait poser des questions. Car il n’y a pas de “communauté arménienne” en France. Il y a des français d’origine arménienne, comme il y a des français d’origine congolaise, syrienne, algérienne ou… française. Mais en tant que citoyens, ils sont égaux en droits et en devoirs. C’est ça la République. Il est curieux de voir ceux-là même qui font preuve d’une vigilance extrême lorsque notre ministre de l’intérieur introduit des dispositions créant “deux catégories de français” tenir un discours qui divise les citoyens en “communautés” selon leur origine, communautés dont les sensibilités doivent être protégées par une loi pénale particulière votée en référence à la communauté en question.
Ce vote montre à quel point nos élus sont prêts à détricoter la République pour une poignée de voix. Honte à eux.
PS: Je n’ai pas encore eu accès au détail du vote de chacun des élus. Lorsqu’il sera diffusé, je le mettrai ici.
Descartes
(1) La décision-cadre 2008/913/JAI sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal a été adoptée par le Conseil de l’Union européenne le 28 novembre 2008. Elle précise dans son article 1 que sont punissables en tant qu’infractions pénales certains actes commis dans un but raciste ou xénophobe, tels que : l’apologie, la négation ou la banalisation grossière publiques des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre tels que définis dans le Statut de la Cour pénale internationale (articles 6, 7 et 8) et des crimes définis à l’article 6 de la charte du tribunal militaire international, lorsque le comportement est exercé de manière à inciter à la violence ou à la haine à l’égard d’un groupe de personnes ou d’un membre d’un tel groupe. Mais dès lors que la législation française punit déjà l’incitation à la haine et à la violence en général, on voit mal ce que pourrait apporter un nouveau texte à l’application de la décision cadre.
(2) On voit que la proposition de loi va bien plus loin que le droit européen qu’elle prétend transposer: celui-ci appelle à punir la négation du génocide ” lorsque le comportement est exercé de manière à inciter à la violence ou à la haine”. Dans la proposition de loi, cette restriction tombe: un livre universitaire, une étude scientifique tombent sous le coup de la loi quelque soit l’intention ou l’effet recherché par les auteurs.
(3) Absurde et probablement inconstitutionnel: l’article 34 de la constitution, qui liste explicitement les domaines dans lesquels le législateur est compétent, n’inclut pas l’écriture de l’histoire, comme l’a signalé opportunément l’ancien président du Conseil constitutionnel, R. Badinter. Par ailleurs, en qualifiant pénalement des faits le Parlement empiète sur le domaine réservé de l’autorité judiciaire.
(4) On trouve aussi dans le compte rendu du débat une curiosité: lorsque le président de séance passe la parole au député communiste Jean-Paul Lecoq, on trouve dans le compte rendu le commentaire suivant attribué à Eric Raoult: “J’applaudis en mémoire de Guy Ducoloné”. Chapeau bas, monsieur Raoult !
(5) Sur ce point, le summum est peut-être l’intervention de M. Jibrayel, député des Bouches du Rhône élu dans une circonscription marseillaise: “Ce que je viens d’évoquer, je le tiens de ce que m’ont raconté les Arméniens de Marseille, qui le tiennent eux-mêmes de leurs parents et de leurs grands-parents. Aujourd’hui, je suis particulièrement heureux et ému de voir que la pénalisation de la négation du génocide arménien revient en débat à l’Assemblée nationale. La pénalisation de la négation du génocide arménien n’est pas un simple acte législatif : c’est un devoir pour nous, élus du peuple, de faire en sorte que soit pénalisée la négation de ce que l’histoire ne cesse d’affirmer,
Une fois encore, pour tous mes amis arméniens, je me réjouis de ce texte et ne ferai que mon devoir en lui apportant mon approbation(…)”. Les citoyens français seront ravis d’apprendre que leurs élus votent la loi, expression de la volonté générale, en pensant à “leurs amis”. A des amis qui votent, of course.
Bonjour,
j’adhère à votre dénonciation de la loi votée ces jours-ci, mais la façon dont vous défendez la loi Gayssot me pose problème. En disant que même si la Shoah était une fiction, elle serait une
“fiction nécessaire”, vous validez les positions d’une partie de la wébosphère, que je ne citerai pas pour ne pas leur faire de pub, qui considère que la Shoah est une “religion officielle”…
Pour ma part, je suis sur la position évoquée en fin de cet article (écrit d’abord en défense de la loi Gayssot, puis corrigé pour prôner une réforme de celle-ci) : http://pourlecommunisme.over-blog.com/article-15799582.html
mais la façon dont vous défendez la loi Gayssot me pose problème. En disant que même si la Shoah était une fiction, elle serait une “fiction nécessaire”, vous validez les positions d’une
partie de la wébosphère, que je ne citerai pas pour ne pas leur faire de pub, qui considère que la Shoah est une “religion officielle”…
Je comprends que mon analyse vous gêne. Mais j’insiste sur le fait qu’il faut analyser les choses sans se sentir limité par l’obligation de donner tort à la partie de la webosphère à laquelle
vous faites référence.
Le problème est que sur ce point précis, cette partie de la webosphère n’a pas tout à fait tort: dès lors que l’Etat fixe par décret une vérité historique et punit celui qui s’aviserait
d’exprimer une opinion contraire, l’Etat constitue un dogme. Comme vous avez pu voir dans mon texte, je ne conteste ni la légitimité ni la nécessité pour l’Etat de le faire de temps en temps,
lorsque l’ordre public l’exige. Mais légitime ou pas, un dogme reste un dogme.
Ce qui caractérise un dogme, ce n’est pas qu’il soit faux, mais qu’il n’est pas susceptible d’être discuté. Pour des raisons historiques et politiques que je comprends et que je partage jusqu’à
un certain point, il a été décidé de faire de la réalité Shoah un dogme. Ce faisant, on a donné un excellent prétexte à “cette partie de la webosphère” pour se poser en victime. Il n’empêche
qu’il est important de s’interroger pour savoir si la loi Gayssot est toujours justifiable en termes d’ordre public. Mon sentiment est que ce n’est pas le cas.
Pour ma part, je suis sur la position évoquée en fin de cet article (écrit d’abord en défense de la loi Gayssot, puis corrigé pour prôner une réforme de celle-ci)
Je ne partage nullement le point de vue exprimé dans cet article, qui, désolé mais j’ai l’habitude de la franchise, est un tissu d’absurdités. Prenons ce paragraphe par exemple:
“Pourqui faire une loi pour interdire la négation d’un fait historique ? Pourquoi pas une loin pour interdire de nier la gravité ou que 1 et 1 font deux ? (…) Dans un sens, ils n’ont pas
totalement tort sur un point: oui, il y a des faits scientifiques sur lesquels le négationnisme devrait être puni, comme par exemple le fait de nier que le VIH soit un vecteur du SIDA, ce que
prétendent quelques chercheurs devoyés”.
Une telle vue ignore la principale difficulté du problème: il n’existe pas de “fait scientifique”. Il existe des “faits”, et puis il y a la connaissance que nous avons. Or, cette connaissance est
souvent faussée, tout simplement parce que nos instruments pour accédér à la réalité – et d’abord nos sens – nous trompent. Pendant des siècles la platitude de la terre fut un “fait”, tout comme
l’idée que le soleil tournait autour de la terre. Aurait-il fallu condamner ceux qui prétendaient le contraire pour “négationnisme” ? L’Eglise l’a fait, bien sur. Parce que ces affirmations
menaçaient l’ordre public, tout entier fondé à cette époque sur une vision théologique du monde. Mais sûrement nous, qui sommes fils des Lumières, nous ne partageons pas cette idée qu’il faut
sacraliser la vision qu’on a des “faits” à un moment donné.
Ou bien celui-ci: “Malgré tout, la forme de réunion qui se rapproche le plus de cette définition du débat, outre un meeting de scientifiques (…) c’est encore… le procès. Dans un procès
démocratique, il peut y avoir un débat. Si les négationnistes ont des arguments, ils peuvent les avancer pour tenter de prouver qu’ils font de la recherche historique et non de la négation”.
Celui qui écrit ces lignes ne comprend tout bonnement pas comment fonctionne la justice. Dans un procès, on ne discute pas de ce qu’on veut. Dans un procès, on discute exclusivement des éléments
qui peuvent établir l’infraction. Et si la loi punit le fait de nier la Shoah, alors il est inutile de présenter des “arguments pour prouver qu’on fait de la recherche historique”. Quand bien
même la négation serait le fruit de la recherche historique la plus sérieuse, elle tomberait sous le coup de la loi. Il y a dans ce texte une erreur fondamentale sur ce que la loi interdit. La
loi interdit la négation de la Shoah, et non seulement le “négationnisme”, qui n’a pas de définition juridique.
Venons maintenant à la proposition qui se trouve en fin d’article. L’auteur propose de réformer la loi Gayssot pour punir non pas la négation elle même, mais les négations qui ne seraient pas
appuyées sur des méthodes scientifiques: “Si un négateur de la Shoah publie une thèse en ce sens, il sera convoqué au tribunal pour juger non de sa thèse mais de ses méthodes. Si celles-ci ne
sont effectivement que sélectivité des sources, hypercritique et attaques ad-hominem ou toute autre absurdité, alors il sera condamné pour avoir appliqué de telles méthodes à des sujets reconnus
comme graves par un consensus assez large d’historiens”.
Le remède est, si l’on veut, pire que le mal. Au lieu de faire des juges les arbitres des faits historiques, on les ferait ici juges des méthodes de recherche historique. Un sujet sur lequel les
historiens eux mêmes sont divisés en différentes chapelles et en violent désaccord.
Je crois qu’il faut se reposer la question de fond: pourquoi diable faudrait-il faire taire les négationnistes ? Certes, leurs commentaires sont offensants, mais l’offense ne devrait pas
constituer une raison suffisante pour empêcher quelqu’un de s’exprimer, autrement il faudrait interdire le blasphème. Certes, leurs travaux n’ont aucune valeur historique. Mais on laisse bien des
charlatans s’exprimer dans tous les domaines de la connaissance, que ce soit la physique (pensez à la “fusion froide”), la médecine (homéopathie)… en quoi les négationnistes sont plus dangereux
que les autres charlatans ?
Je réitère ma position: soit un négationnisme pose un problème d’ordre public, et dans ce cas on l’interdit et on assume le fait d’avoir créé de ce fait une “vérité officielle”, soit ils ne
posent pas de problème d’ordre public, et dans ce cas il n’y a aucune raison pour les interdire. Je fais remarquer d’ailleurs que la loi Gayssot n’a pas eu d’effet perceptible sur la violence
raciste ou antisémite.
Je continue de penser qu’établir une « vérité historique officielle » est une erreur car ouvre de très dangereux précédents en termes de liberté
d’expression (je n’ai jamais dit que la loi Gayssot aurait stimulé la violence raciste), et vais défendre l’article que je vous ai mis en lien, que vous avez, me semble-t-il, mal compris sur
plusieurs points.
Quand l’auteur dit : « “Pourqui faire une loi pour
interdire la négation d’un fait historique ? Pourquoi pas une loin pour interdire de nier la gravité ou que 1 et 1 font deux ? (…) Dans un sens, ils n’ont pas totalement tort sur un point: oui,
il y a des faits scientifiques sur lesquels le négationnisme devrait être puni, comme par exemple le fait de nier que le VIH soit un vecteur du SIDA, ce que prétendent quelques chercheurs
devoyés”. »
On peut différencier des faits scientifiques (ceux qui nécessitent les connaissances et des expériences propres à une discipline précise pour être établis, comme « le VIH est vecteur du
SIDA ») et les autres faits (par exemple : « Nicolas Sarkozy est président de la République depuis 2007 »). Mais l’auteur de l’article voulait justement différencier les
révisionnismes en fonction, non pas de ce qu’ils menacent l’ordre établi (notion très vaste, puisqu’il peut s’agir d’un ordre moral, ou de la sûreté même des individus), mais en cela que la
négation qu’ils induisent est dangereuse pour au moins quelques personnes. Dire que la Terre n’est pas ronde (ou quasi-ronde) ou que 2+2=5 ne fait de
mal à personne, ne serait-ce que parce que vous n’irez pas très loin avec ces affirmations. Nier l’existence d’un crime de masse est dangereux, non pas parce que cela met en cause les fondements
de nos institutions, non pas parce que cela fait de la peine aux familles des victimes, mais parce que cela réhabilite des régimes criminels, leur idéologie, leur fonctionnement, et permet le
recommencement du crime. Je ne me fais aucun doute que si, grâce au soutien d’une puissance d’argent quelconque, des livres niant les crimes nazis pouvaient se diffuser en grande quantité dans le
commerce, même s’ils étaient réfutés par des historiens qui seraient moins lus, on finirait par voir émerger des politiciens qui parleraient avec complaisance du Führer, voire partageraient son
antisémitisme. Et qui, une fois au pouvoir, se rappelleraient de l’attitude réelle des nazis vis-à-vis des juifs et tziganes, et auraient les mains
libres pour la rééditer… N’oublions pas Goebbels appelant à tuer encore et encore, puisque de toute façon, personne ne se rappelait du massacre des arméniens…
Aussi, de ce point de vue, je n’adhère pas à la distinction que vous faites entre crimes proches et éloignés. Nier en France les méfaits du maoïsme ou des khmers rouges me semble aussi
dangereux que nier la Shoah. Je n’ai pas envie d’attendre que la France soit passée sous le joug de néo-maoïstes ou d’un néo-Angkar pour commencer à me dire – si je fais partie des survivants,
bien sûr – qu’il faut réprimer l’apologie de ces régimes.
Sur le passage concernant la justice, vous commentez :
« Celui qui écrit ces lignes ne comprend tout bonnement pas comment fonctionne la justice. Dans un procès, on ne discute pas de ce qu’on veut. Dans
un procès, on discute exclusivement des éléments qui peuvent établir l’infraction. Et si la loi punit le fait de nier la Shoah, alors il est inutile de présenter des “arguments pour prouver qu’on
fait de la recherche historique”. Quand bien même la négation serait le fruit de la recherche historique la plus sérieuse, elle tomberait sous le coup de la loi. Il y a dans ce texte une erreur
fondamentale sur ce que la loi interdit. La loi interdit la négation de la Shoah, et non seulement le “négationnisme”, qui n’a pas de définition juridique. »
Je dirai que vous avez à moitié raison. A moitié seulement. Raison sur le fait qu’un tribunal ne débat que de l’objet qu’il juge, dans l’idéal. Mais à moitié raison car c’est justement
« dans l’idéal ». Dans un procès historique médiatisé, inévitablement, il y aura des témoignages et des dépositions qui sortiront de l’objet même du procès. Par exemple, dans le procès
Papon de 1998, il y a eu nombre de dépositions qui débordaient du sujet, certains témoins déblatérant sur les qualités personnelles de l’ancien préfet, d’autres sur les relations entre la France
et l’Allemagne dans les années 90, etc…
Imaginons le cas posé par l’auteur : un historien publie une thèse crédible démontant radicalement ce qu’on croyait savoir sur l’ampleur et l’intentionnalité du génocide juif et tzigane.
Selon la loi Gayssot, il doit passer au tribunal et être condamné pour avoir nié le génocide, peu importe ses arguments historiques. C’est ce qui se passerait si la justice fonctionnait comme un
programme informatique, et non comme un système humain, qui aura forcément des failles. Dans ce cas théorique, on aurait forcément – à moins d’adhérer à la théorie du complot généralisé des
historiens – nombre d’universitaires qui, lisant les travaux de l’
Je continue de penser qu’établir une « vérité historique officielle » est une
erreur car ouvre de très dangereux précédents en termes de liberté d’expression
Le danger est évident. Mais la “vérité officielle” est une nécessité pour le fonctionnement
d’une société. On n’y échappe pas. Le sacré est une nécessité humaine: nous avons
besoin d’un fondement ultime qui nous garantit symboliquement la stabilité du monde. Si tu accepte que tout est discutable, ce fondement cesse d’exister. Autrement, ce fondement était la
réligion. Puis, ce furent les Droits de l’Homme, la République, l’Etat. Aucune société ne peut tolérer qu’on mette en discussion les fondements ultimes de sa légitimité. On n’explique pas aux
enfants à l’école que la démocratie est un moyen comme un autre de choisir ses gouvernants. On ne leur explique pas non plus pourquoi il est plus légitime que les autres. C’est un article de
foi.
(je n’ai jamais dit que la loi Gayssot aurait stimulé la violence
raciste)
Moi non plus. J’ai dit exactement le contraire: la loi Gayssont n’a eu aucun effet sur la
violence raciste.
On peut différencier des faits scientifiques (ceux qui nécessitent les connaissances et
des expériences propres à une discipline précise pour être établis, comme « le VIH est vecteur du SIDA ») et les autres faits (par exemple : « Nicolas Sarkozy est président de
la République depuis 2007 »).
Je ne vois pas ce qui vous permet de séparer ces deux faits. Dans les deux cas, le “fait” en
lui même vous est inaccessible. Vous accédez à lui à travers l’interprétation de ce que vous disent vos sens et d’un appareillage qui étend la portée de vos sens. Vous voyez sur la “une” du Monde
daté de 2007 “Nicolas Sarkozy élu président de la République” et vous en déduisez à
partir de votre expérience et de considérations rationnelles qu’une telle “une” est crédible. A partir de là, vous parlez d’un “fait” auquel vous n’avez pas d’accès direct. Parce que je vous prie
de croire que si tout ce qui est écrit à la “une” du Monde était un “fait”, le monde serait très différent de ce qu’il est…
Mais l’auteur de l’article voulait justement différencier les révisionnismes en fonction,
non pas de ce qu’ils menacent l’ordre établi (notion très vaste, puisqu’il peut s’agir d’un ordre moral, ou de la sûreté même des individus), mais en cela que la négation qu’ils induisent est
dangereuse pour au moins quelques personnes.
Admettons. Mais si le fait de “nier” quelque chose qui est “vrai” peut être dangereux, le
fait de nier quelque chose qui est “faux” peut l’être aussi… faut-il alors interdire la négation de quelque chose qui est “faux” ? C’est là le trou dans le raisonnement: si vous posez l’idée qu’il faut interdire de nier ce qui est
“vrai”, alors vous tombez sur la problématique de déterminer ce qui est “vrai” ou
“faux”. Mais si la justification pour interdire ce n’est pas que ce soit “vrai”, mais que ce soit “dangereux”, alors il faudrait aussi interdire de nier ce qui est “faux” aussi lorsqu’on l’estime
dangereux. Et vous retombez sur ce que je disais plus haut: on établit ainsi une vérité officielle, c’est à dire une “vérité” qui est “vraie” parce qu’on estime qu’il est dangereux de le
nier.
Nier l’existence d’un crime de masse est dangereux, non pas parce que cela met en cause
les fondements de nos institutions, non pas parce que cela fait de la peine aux familles des victimes, mais parce que cela réhabilite des régimes criminels, leur idéologie, leur fonctionnement,
et permet le recommencement du crime.
Supposons. Mais alors, nier un crime de masse imaginaire – mais auquel tout le monde croit – n’est pas moins dangereux. Faut-il l’interdire ? Prenons un exemple:
si Le Pen était demain accusé à tort d’avoir torturé monsieur X, faudrait-il le défendre ? Cette défense ne pourrait pas apparaître comme une “réhabilitation” d’un criminel ?
Il faut bien comprendre qu’on peut raisonner en termes de “vrai ou faux” ou en termes de
“dangereux ou inoffensif”. Mais que ces deux raisonnements sont totalement séparés. Nier le faux peut être aussi dangereux socialement que de nier le vrai.
Je ne me fais aucun doute que si, grâce au soutien d’une puissance d’argent quelconque,
des livres niant les crimes nazis pouvaient se diffuser en grande quantité dans le commerce, même s’ils étaient réfutés par des historiens qui seraient moins lus, on finirait par voir émerger des
politiciens qui parleraient avec complaisance du Führer, voire partageraient son antisémitisme.
Il y a beaucoup de pays ou le négationnisme n’est pas puni par la loi, parmi eux les
Etats-Unis. Et je ne vois pas que des politiciens parlant “avec complaisance du Fuhrer” risquent là bas de prendre le pouvoir. Mais à supposer que le risque existe – risque qui est totalement
indépendant de la question de savoir si la Shoah est une réalité ou pas – alors on est dans le domaine de l’ordre public. On interdit cette expression non pas parce qu’elle est fausse, mais parce
qu’elle est dangereuse.
Nier en France les méfaits du maoïsme ou des khmers rouges me semble aussi dangereux
que nier la Shoah.
L’expérience vous donne tort. Cela fait un demi-siècle que les maoïstes français “nient” la
révolution culturelle, et je ne perçois pourtant aucun frémissement dans l’opinion française dans le sens d’accepter un régime maoïste en France. Je pense que vous avez une vision très mécanique
de la politique: ce n’est pas parce que quelqu’un nie un crime que ce quelqu’un sera écouté. C’est cela qui fait toute la différence entre les “crimes proches” et les “crimes lointains”: les
premiers font partie de notre histoire, et ceux qui pourraient vouloir les nier seront écoutés non pas par le mérite de leur discours, mais parce que ce discours fait partie d’une identité
sociale. Ceux qui nient les seconds, par contre, se voient jugés à l’aune de l’analyse historique. Et c’est pourquoi ils n’ont guère de chance d’être politiquement influents.
Dans un procès historique médiatisé, inévitablement, il y aura des témoignages et des
dépositions qui sortiront de l’objet même du procès. Par exemple, dans le procès Papon de 1998, il y a eu nombre de dépositions qui débordaient du sujet, certains témoins déblatérant sur les
qualités personnelles de l’ancien préfet, d’autres sur les relations entre la France et l’Allemagne dans les années 90, etc…
Vous avez raison. Je commentais sur le principe de la justice. Le problème justement des lois
mémorielles est de transformer les tribunaux, dont la fonction est de dire la loi, en colloques d’historien ou l’on prétend de dire l’histoire. Ni la justice ni l’histoire n’en sortent
grandis.
Le sacré est une nécessité humaine: nous avons besoin d’un
fondement ultime qui nous garantit symboliquement la stabilité du monde. Si tu accepte que tout est discutable, ce fondement cesse d’exister.
Le problème est de savoir : que sacralisons-nous ? Des principes moraux, politiques, ou
des faits historiques ? Eventuellement, des récits religieux peuvent servir de « sacré », puisqu’ils remontent à des faits très anciens, sans doute mythiques et en tout cas
invérifiables, et qui valent surtout par leur valeur parabolique. Mais pas des faits historiques proches sur lesquels on peut faire des recherches précises.
Vous voyez sur la
“une” du Monde daté de 2007 “Nicolas Sarkozy élu président de la République” et vous en déduisez à partir de votre expérience et de considérations rationnelles qu’une telle “une” est crédible. A
partir de là, vous parlez d’un “fait” auquel vous n’avez pas d’accès direct. Parce que je vous prie de croire que si tout ce qui est écrit à la “une” du Monde était un “fait”, le monde serait
très différent de ce qu’il est…
Dans
l’un des cas, j’ai, à défaut d’une connaissance en soi du fait, la possibilité d’accroître sa vraisemblance à mes yeux par des moyens simples ne nécessitant aucune expertise : si je ne crois
pas Le Monde ni les chaines télévisées, je peux recenser toutes les autres sources, demander aux autres personnes autour de moi, ou au pire aller directement à Paris. Vérifier les propriétés d’un
virus nécessite un autre niveau de connaissance et la maîtrise d’au moins une discipline scientifique. Mais dans les deux cas, je n’atteints jamais une connaissance sans faille ni doute possible
du fait, qui serait indépendante de mes sens comme vous le dîtes. Mais j’accrois la probabilité que mon interprétation soit conforme aux faits.
Mais si le fait de
“nier” quelque chose qui est “vrai” peut être dangereux, le fait de nier quelque chose qui est “faux” peut l’être aussi…
Je ne
comprends pas. Avez-vous un exemple ?
Prenons un exemple:
si Le Pen était demain accusé à tort d’avoir torturé monsieur X, faudrait-il le défendre ? Cette défense ne pourrait pas apparaître comme une “réhabilitation” d’un criminel ?
Oui, il
faudrait le défendre, au nom d’un principe de justice et d’égalité de chaque citoyen devant la loi ! Si certains croient que défendre Le Pen sur un point, c’est le défendre en tous points,
nous ne pouvons rien pour eux, et nous ne devons surtout pas capituler devant l’amalgame…
Je
finirai sur le fait que les pays qui n’interdisent pas le négationnisme ne sont pas forcément frappés d’une hausse de l’antisémitisme, ou que les maoïstes (qui ne nient pas la « Grande
Révolution Culturelle Prolétarienne » mais son bilan macabre) ne progressent pas malgré leurs dénis. Je dirai d’abord que l’Histoire ne repasse jamais exactement les mêmes plats. Il n’y aura
jamais de nazisme bis ou de Khmers rouges bis. Mais malheureusement, sans doute d’autres régimes barbares qui peuvent très bien voir dans le négationnisme de crimes passés une sorte de
« service après-vente » des crimes futurs, et notamment de ceux qu’ils commettraient. Si un régime sanguinaire apparaît dans le futur, et même s’il s’effondre ensuite, ses complices et
suppôts pourront toujours bénéficier du bénéfice du doute si certains nient les crimes les plus graves du régime après sa chute, et si les responsables directs ont disparu (suicidés dans un
bunker par exemple). De ce point de vue, dire que les USA ne sont pas concernés par la montée d’un extrémisme particulier est à relativiser : l’antisémitisme et le nazisme n’ont aucune
chance de prendre le pouvoir aux USA, mais l’Etat américain peut devenir une dictature sous d’autres couleurs et une autre idéologie. Après, puisque vous parliez de sacré, les USA ont aussi le
leur, en termes de principes, au premier rang desquels figure la liberté d’expression. Est-ce toujours une bonne chose ? C’est indémontrable…
Le problème est de savoir : que sacralisons-nous ?
C’est l’un des problèmes. L’autre étant “comment le sacralisons-nous”. Mais ne disgressons pas:
Des principes moraux, politiques, ou des faits historiques ? (…) Mais pas des faits historiques proches sur lesquels
on peut faire des recherches précises.
Quelquefois, on n’a pas le choix. En 1945, il fallait établir la légitimité du régime issu de la Libération. Cette légitimité ne
pouvait être fondée que sur la France Libre et sur la Résistance. Il a fallu donc mitifier ces deux sources de légitimité, en gommant opportunément les erreurs, les hésitations, les crimes.
Pouvait-on en 1945 chercher les commanditaires de l’assassinat de Giraud ou de celui de Darlan ? Pouvait-on expliquer qu’en 1940 il y avait eu “40 millions de pétainistes” ? Bien sur que non. La
Libération a fabriqué un récit “lisse” de sa propre génèse, récit qui est resté “vérité officielle” jusqu’aux années 1960. Avait-on vraiment le choix ? Aurait-on pu se passer de la sacralisation
d’un “évènement proche” ? Je ne le crois pas.
Mais dans les deux cas, je n’atteints jamais une connaissance sans faille ni doute possible du fait,
qui serait indépendante de mes sens comme vous le dîtes.
Exact. Et c’est pourquoi on ne peut établir une différence entre la “négation d’un fait” et les autres
“négations”. Nous n’avons pas d’accès direct aux “faits” – ce qui ne veut nullement dire qu’ils n’aient pas de réalité, comme le prétendent les post-modernes – et par conséquent lorsque nous
parlons de “fait établi” nous ne faisons réference qu’à une perception qui fait consensus à un moment donné. La question est: au nom de quoi peut on punir quelqu’un simplement parce qu’il est en
désaccord avec ce consensus ? Pas au nom de la vérité, en tout cas.
“Mais si le fait de “nier” quelque chose qui est “vrai” peut être dangereux, le fait de nier quelque
chose qui est “faux” peut l’être aussi…” Je ne comprends pas. Avez-vous un
exemple ?
Ce que je veux dire, c’est qu’il y a dans toute société des “fictions nécessaires”. Des choses fausses et
qui pourtant sont crues par l’immense majorité de la population. Nier ces fictions, c’est mettre en danger l’équilibre de la société. Ainsi, par exemple, en 1945 il eut été très imprudent de
“nier” que la majorité du peuple français était avec la France Libre, et contre l’armistice et Pétain, ce qui pourtant était parfaitement faux.
Oui, il faudrait le défendre, au nom d’un principe de justice et d’égalité de chaque citoyen devant la
loi ! Si certains croient que défendre Le Pen sur un point, c’est le défendre en tous points, nous ne pouvons rien pour eux, et nous ne devons surtout pas capituler devant
l’amalgame…
Je d’accord, mais l’article que vous défendez dit extactement le contraire: “Nier l’existence d’un crime de masse est dangereux, non pas parce que cela met en cause les fondements de
nos institutions, non pas parce que cela fait de la peine aux familles des victimes, mais parce que cela réhabilite des régimes criminels, leur idéologie, leur fonctionnement, et permet le
recommencement du crime”. Si défendre Le Pen c’est “réhabiliter des régimes
criminels” (celui de la torture en Algérie), alors on voit mal comment on pourrait le défendre, même si l’accusation est fausse.
Mais malheureusement, sans doute d’autres régimes barbares qui peuvent très bien voir dans le
négationnisme de crimes passés une sorte de « service après-vente » des crimes futurs, et notamment de ceux qu’ils commettraient.
Franchement… est-ce que tu crois qu’avant de commettre un crime de masse tel ou tel dictateur se
préoccupe de savoir si ceux qui nieront ses crimes après sa mort seront punis ou pas ? Croyez-vous vraiment que la négation des crimes de la “grande révolution culturelle” puisse avoir la
moindre influence sur ses choix ? Soyons sérieux… parmi les innombrables crimes commis pendant le vingtième siècle, seule une infime portion est sacralisée. Pour le reste, on peut “nier” tout
ce qu’on veut sans que personne ne vienne vous inquiéter.
Si un régime sanguinaire apparaît dans le futur, et même s’il s’effondre ensuite, ses complices et
suppôts pourront toujours bénéficier du bénéfice du doute si certains nient les crimes les plus
graves du régime après sa chute
Vous savez bien que le “bénéfice du doute” ne dépend pas de ce qu’on “nie” ou pas, mais des équilibres
politiques. Les crimes des partisans de Milosevich seront jugés, ceux de l’UCK, de Tudjman ou d’Izetbegovic ne le seront pas, tout simplement parce que les uns étaient du “bon” côté de la
barrière stratégique et les autres du mauvais côté. Et non parce que les partisans des uns aient “nié” avec plus de conviction que les autres…
De ce point de vue, dire que les USA ne sont pas concernés par la montée d’un extrémisme particulier
est à relativiser : l’antisémitisme et le nazisme n’ont aucune chance de prendre le pouvoir aux USA, mais l’Etat américain peut devenir une dictature sous d’autres couleurs et une autre
idéologie.
Peut-être. Mais je doute que ce soit du fait que le négationnisme n’est pas puni.
Après, puisque vous parliez de sacré, les USA ont aussi le leur, en termes de principes, au premier
rang desquels figure la liberté d’expression. Est-ce toujours une bonne chose ? C’est indémontrable…
Je crois avoir soutenu précisement le contraire: que la limite de la liberté d’expression doit être l’ordre
public.