Les couleurs de l’Equipe de France

Le parcours sans gloire (euphémisme, quand tu nous tiens…) de l’équipe de France a mis en évidence un certain nombre de tensions qui traversent notre société. La course à l’argent facile, les ravages du vedettariat, les conséquences d’une professionnalisation qui a transformé des enfants ou des jeunes hommes en machines à sous et des entraîneurs-pédagogues en managers ont leur part dans le fiasco, et il y a fort à parier que tout cela fera la une des gazettes. Mais la première salve sérieuse concerne une problématique un peu différente, celle de la “question raciale”.

 

A ma gauche, Julien Dray, l’ancien de SOS racisme (et de beaucoup d’autres choses, pas toutes très reluisantes). A l’en croire, le désamour des français pour leur équipe ne refleterait qu’une forme de racisme qui ne dit pas son nom. Les français, toujours selon sa thèse, ne supporteraient pas de se voir représenter par une équipe où les noirs et les arabes joueraient les premiers rôles.

 

A ma droite, Alain Finkielkraut. Pour lui, l’équipe de France ne fait que reproduire les comportements d’une communauté, celle des cités, avec ses “cailleras”, ses petits caïds, sa fascination pour le bling-bling, son irresponsabilité. Elle est donc incapable de représenter la France qui ne se reconnait pas dans cette culture.

 

Bien entendu, l’intervention des uns et des autres a provoqué la classique mobilisation des professionnels de la “diversité”, avec les excommunications et les fatwas (vous voyez, moi aussi je sais faire du multiculturel) habituelles. Ce que personne n’a remarqué à mon sens c’est à quel point ces deux discours donnent pour acquis l’un des dogmes fondamentaux de la “diversité”, à savoir, qu’on ne peut être correctement représenté que par quelqu’un qui vous ressemble.

 

Reprenons par le début: cela fait des années que la maffia de la “diversité” nous explique que la sous-représentation des minorités visibles (et en général, de telle ou telle “communauté”) dans diverses enceintes (les médias, le parlement, les élus…) est un sérieux problème et qu’il faut rapidement y remédier. Et il faut y remédier pour une raison précise: parce qu’il faut que ces communautés et minorités “soient représentées” ou pire, “se sentent représentées”. L’idée sous-jacente est que chacun d’entre nous ne peut être bien représenté (ou se sentir bien représenté) par quelqu’un qui n’est pas de sa propre “communauté”. Seuls les députés noirs, homosexuels ou femmes peuvent défendre correctement les intérêts des noirs, des homosexuels ou des femmes.

 

Le problème, c’est que ce raisonnement fonctionne dans les deux sens. Si seul un député noir peut représenter les intérêts des noirs, alors seul un député blanc peut représenter les intérêts des blancs. S’il faut un présentateur noir au journal télévisé pour que les noirs “se sentent intégrés”, alors il faudrait que l’équipe de France compte beaucoup de joueurs blancs pour que les blancs (qui constituent tout de même la majorité en France) se sentent représentés par cette équipe. Si l’on exige une représentation proportionnelle, alors l’Equipe de France devrait compter tout au plus un joueur noir et un joueur arabe (aucun de ces groupes ne compte plus de 10% de la population). En partant des idées de Dray, on arrive à la conclusion défendue par Finkielkraut.

 

Ce paradoxe illustre le risque qu’on prend à “racialiser” les débats politiques. Contre les avocats de la “diversité” qui prétendent tenir une comptabilité raciale et sexuelle, il faut réaffirmer toujours et partout l’un des grands principes de la Révolution française: la représentation est politique, pas sociologique. Un bourgeois peut représenter des prolétaires et un prolétaire représenter des bourgeois. Un blanc peut représenter des noirs et un noir des blancs. La République doit ignorer la couleur, la religion, l’origine de chacun d’entre nous et ne laisser subsister qu’une communauté de citoyens, où chacun a le potentiel de représenter tous les autres. L’Equipe de France doit être constituée exclusivement en fonction du mérite sportif de ses membres, indépendament de toute considération sociale ou raciale… mais cela doit aussi être vrai pour les assemblées publiques, pour les médias, et en général pour toute fonction. L’Equipe de France ne doit avoir que trois couleurs: bleu-blanc-rouge. Elle ne doit pas devenir l’équipe des communautés de France. C’est la seule manière de maintenir la possibilité pour ces institutions de nous représenter tous.

 

 

 

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7 réponses à Les couleurs de l’Equipe de France

  1. Inquiet dit :

    Bonjour Descartes.

    C’est la queue basse que je viens te dire que je pense que ton texte est très juste. Étant complètement allergique à la propagande médiatique (qu’elle soit de droite ou de gauche) que l’on subit
    dans ce pays, j’ai voulu exprimer (là où tu sais) mon rejet de cette idéologie de la diversité qui ne disfonctionne pas complètement mais qui engendre des tensions et des problèmes qu’il est
    interdit de relier à cette idéologie (qui elle-même ne doit pas être reliée à la mondialisation). C’était surement maladroit et je me suis peut-être emmêlé les pinceaux, voire carrément fourvoyé.
    Et je regrette amèrement que le sens de mes propos puisse être interprété dans un sens que je n’assume absolument pas. Je vote personnellement le plus républicain et le plus à gauche possible.
    Intellectuellement, j’en suis là.

    Mais je fréquente aussi (dans ma famille et leurs cercles) pas mal de gens du monde rural (ouvriers, paysans, artisans etc…). Et eux ils votent. Par devoir. Et je suis désespéré de voir que la
    gauche ne s’adresse jamais à ces gens là. Ils ne sont pas cultivés, ne brillent pas dans les salons mais ils font partie intégrante de ce pays. Et les insulter sans cesse les envoient directement
    dans les bras de la droite malhonnête voire de l’extrême-droite et c’est affligeant.

    Enfin, j’ai l’impression d’avoir moi-même “ethnicisé” le débat (comme on me l’a reproché) alors que je voulais exprimer un point de vue qui existe dans le peuple (expression dont certains se
    gargarisent) et qui ne va pas disparaitre parce que la gôche répète que c’est du fascisme ou du racisme alors que c’était un sentiment partagé par de Gaulle lui-même il n’y a pas si longtemps.
    Chacun se sent représentatif et donne des leçons de morale mais ça ne vaut rien et c’est inefficace. Il faudrait déjà apprendre à discuter et reconnaitre ses erreurs.

    Enfin bref, ce texte est très bon. En espérant ne pas encore avoir été maladroit. Cordialement.

    • Descartes dit :

      Ne t’excuse pas, mon cher Inquiet. J’avais parfaitement compris ton propos, et c’est un peu pour ça que j’ai voulu mettre sur mon blog un article qui clarifiait ce que tu as pu écrire sur le blog
      de Jean-Luc Mélenchon.

      Il faut aussi comprendre les modérateurs du blog de JLM. Ces sujets sont “glissants”, et peuvent donner lieu à tous les dérapages. Et le poids du “politiquement correct” est tel dans la gauche
      qu’un article ou un mot mal compris dans le blog d’un homme politique peut donner lieu à une déferlante médiatique incontrolable. Toi et moi, qui ne sommes pas des hommes publics, nous avons la
      liberté de dire et de publier certaines choses. Ce n’est pas le cas de tout le monde.

      La gauche bienpensante (qui est celle des classes moyennes) a une mentalité de dame patronnesse: pour soulager sa conscience, il lui faut s’occuper de “ceux qui souffrent” (ce qui est tout de
      même moins dangereux que s’occuper des exploités, somme toute). Et parmi “ceux qui souffrent”, les “minorités” sont une cible idéale. Certains membres de ces “minorités” l’ont très bien compris,
      et jouent à fonds la carte de l’ethnicisation pour tirer les dividendes de cette mauvaise conscience. C’est ainsi que s’est construit progressivement un discours du “minority is beautiful”, dont
      la contrepartie est bien entendu “majority is horrible”. Or, qui trouve-t-on dans la “majorité” ? Ces blancs, catholiques ma non troppo, parlant français, hétérosexuels, pas jeunes… on dirait
      un portrait du prolétaire, non ?

      L’image du “beauf” de Cabu ne m’a jamais fait rire. Parce qu’au fonds, ce “beauf”, c’est la France populaire. Comment peut-on prétendre parler au nom de ces gens-là si l’on ne les comprend pas,
      si l’on ne les aime pas ?

       

  2. dudu87 dit :

    Bonjour Descartes,

    Rien à voir avec ta note, j’ai pensé que tu serais preneur, peut-être as-tu déjà lu, les différents communiqués sur la loi « NONE ».
    Ils sont sur http://www.poursavoir.fr. Et particulierement le texte de la CGT Energie :
    Mission Roussely sur la filière nucléaire française : contribution de la CGT.

    A+
    dudu87

    • Descartes dit :

      Je te remercie, j’avais déjà consulté ce site. Je trouve d’ailleurs que les politiques de la “gauche radicale” parlent bien peu de cette affaire…

  3. Jérémy dit :

    Bonjour,

    Tu as tout résumé : ” L’Equipe de France doit être constituée exclusivement en fonction du mérite sportif de ses membres, indépendament de toute considération sociale ou raciale.. “
    Je rajouterai en revanche qu’il y a un manque d’éducation flagrant de certains joueurs et que cela pourrait – peut-être – être un critère à l’avenir, si, non, il serait souhaitable d’y remédier…

    • Descartes dit :

      Tout à fait d’accord avec toi. Lorsque je dis “mérite sportif”, ce n’est pas seulement à leur technique que je fais référence. Le “mérite sportif” c’est aussi le fair play, l’honnêteté, le
      respect de ses camarades et de ses adversaires… enfin, toutes les qualités que le sport prétend développer.

  4. nipontchik dit :

    10% des hommes en âge de…sont clients habituels de prostitué(e)s…faut-il exiger que cette proportion se retrouve parmi les footballeurs, surtout ceux chargés de représenter la nation?
    pour atteindre et dépasser ce chiffre il ne fut nul besoin de “discrimination positive”

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