Le désoeuvrement est le père de tous les vices. Maintenant que Marie-George s’est débarrassée du secrétariat national du PCF, elle s’essaye elle aussi à la rédaction de communiqués, un sport qu’on pratique beaucoup au Parti ces temps-ci (1). Souvent, Marie-George se concentre sur les questions sportives, sujet dont elle est censée être devenue experte depuis son passage au ministère de la jeunesse et des sports. Ainsi le 30 juillet elle se fend d’un communiqué pour féliciter les athlètes français après les excellents résultats de Barcelone. Le 2 août, elle publie un communiqué… pour féliciter encore ces mêmes athlètes. Peut-être avait-elle déjà oublié son précédent communiqué ? Ou peut-être pense-t-elle que deux félicitations valent mieux qu’une ? Mystères de la communication communiste…
Et voilà qu’aujourd’hui 10 août, elle récidive. Mais cette fois-ci, ce n’est pas aux sportifs qu’elle s’adresse. Non, c’est une autre passion des foules qui est en cause: la religion. Pour reprendre le titre du communiqué, “Marie George Buffet envoie un message de paix et de fraternité à la veille du ramadan“.
Et pourquoi pas, me direz-vous. Après tout, qu’est ce qui empêche un dirigeant du PCF d’envoyer ses meilleurs voeux de Noël, de Iom Kippur ou de Ramadan ? Rien, bien entendu. Sauf qu’une recherche rapide dans les communiqués du PCF fait apparaître que Marie-George a curieusement omis de communiquer son message de paix et de fraternité à nos compatriotes chrétiens ou juifs lors de ces fêtes. Un oubli, sans doute.
Il est difficile de comprendre quelle est exactement la motivation de ce communiqué, d’autant que le texte est bourré de contradictions. Ainsi, Marie-George proclame dès le départ son message: “Je voudrais redire à cette occasion ma détermination à défendre autant la laïcité que le droit de chacun et chacune à adopter la religion de son choix“. On voit mal comment on peut défendre la laïcité en saluant sélectivement les communautés à l’occasion de leur fête religieuse. Car la laïcité consiste précisément à l’indifférence de la sphère publique vis-à-vis de la religion, et du confinement de celle-ci à la sphère privée. Quant au “droit d’adopter la religion de son choix”, Marie-George ignore-t-elle la position intransigeante de la doctrine musulmane, tous courants confondus, envers le musulman qui voudrait se convertir à une autre religion ? Faut-il lui rappeler que pour le droit musulman l’apostasie (c’est à dire, le fait pour un musulman de se convertir à toute autre religion) est un crime passible de la mort ?
De même, on reste un peu interloqué par la suite du communiqué: “Je voudrais enfin avertir le Président de la République et le gouvernement que je ne suis pas prête à accepter sans réagir tout ce qui pourrait conduire à développer des réflexes racistes ou xénophobes. Partout, en France et dans le monde, l’égalité entre les femmes et les hommes, les droits Humains doivent être défendus !”. Soit. Mais une question évidente se pose: est-ce que Marie-George croit vraiment qu’à l’heure de défendre “l’égalité entre les femmes et les hommes et les droits humains”, elle se trouvera parmi ceux qui observent pieusement le Ramadan plus d’alliés que dans le gouvernement ? Si elle le croit, elle risque d’être terriblement déçue…
Car le Ramadan, ce n’est pas Noël. La fête censée commémorer la naissance du Christ a depuis bien longtemps été complètement déchristianisée. Sa célébration consiste essentiellement à se réunir en famille pour un gueuleton, suivi en général d’une soirée télé ou les vedettes aux fesses à peine cachées sont bien plus visibles que les bonnes soeurs, et par l’ouverture des cadeaux, où la encore les consoles de jeux sont bien plus présentes que les missels. Ce n’est pas le cas du Ramadan, qui reste un évènement d’affirmation religieuse et surtout communautaire. Ceux qui ont le privilège de vivre dans les cités savent bien d’ailleurs que le Ramadan est l’opportunité pour les traditionalistes de faire pression sur les “assimilés”: honte à celui qui décide de ne pas “faire le Ramadan”, il sera montré du doigt devant toute la communauté comme un traître, un “céfran”, un “bolo”. Car, n’en déplaise à Marie-George, il n’y a pas dans la vision islamique de place pour “adopter la religion de son choix”. On naît musulman parce que la religion est inséparable de la communauté. Et changer de religion (ou même cesser d’en observer les prescriptions) revient à la trahir, à s’exclure soi même.
“Faire le Ramadan”, c’est se soumettre à une foule de commandements et de prescriptions. On ne “fait” pas Ramadan comme on veut, on le fait en obéissant. A l’opposé, on est libre de fêter Noël comme on l’entend. On peut décider (si le portefeuille permet) d’aller le passer dans un paradis tropical, les pieds dans la piscine et le cocktail à la main. Ou bien dans la maison familiale quelque part en Auvergne, avec dinde aux marrons et bûche dans la cheminée. Ou encore ne pas le fêter du tout, et aller se coucher de bonne heure avec un bon livre et une boîte de chocolats. On peut être seul ou accompagné, aller à la messe de minuit ou ne pas y aller. Ou se déguiser en curés et nonnes et organiser une orgie. Et personne ne vous accusera de blasphème ou vous promettra l’enfer pour autant.
Il fut un temps ou le catholicisme exerçait sur les fidèles – et sur l’ensemble de la société là où il était majoritaire – le même type de pouvoir que l’Islam revendique aujourd’hui. En ce temps-là, Noël, Pâques, Carême et le reste du calendrier religieux étaient des affaires sérieuses. Et celui qui ne se découvrait pas devant une procession avait des graves ennuis, comme le Chevalier de la Barre a pu l’expérimenter. Mais cette époque est révolue: les graines plantées par la Renaissance ont donné le fruit des Lumières, et progressivement chassé la religion de l’espace public, processus couronné en 1905 par la séparation des églises (le pluriel n’est pas accidentel) et l’Etat. Oui, certaines fêtes religieuses à l’origine sont restées dans le calendrier, mais elles ont été totalement déchristianisées, dans la mesure où l’église n’a plus aucun pouvoir pour prescrire comment et par qui elles doivent être célébrées.
Cette révolution française, que le christianisme et le judaïsme ont – nolens volens – fini par accepter, l’islam la refuse toujours. Et c’est pourquoi les fêtes musulmanes n’ont pas tout à fait le même sens que les fêtes chrétiennes ou juives. Alors que ces dernières ont perdu tout caractère obligatoire, toute fonction prescriptive, les fêtes religieuses musulmanes restent un instrument de contrainte et de surveillance de la communauté. On a projété plusieurs fois à Noel le film “La vie de Brian”, désopilante parodie des évangiles réalisée par les Monty Python. Imagine-t-on projeter à l’occasion du Ramadan un film parodiant la vie du Prophète ? Dans la réponse à cette question, se trouve résumé le problème: l’islam n’est pas “une religion comme les autres” parce qu’elle n’a toujours pas accepté – contrairement aux autres – d’être confinée dans la sphère privée (2). Et aussi longtemps qu’elle ne l’aura pas accepté, l’islam constituera pour la République un problème.
Alors, Marie-George, s’il te plaît… reste sur le sport, ou tu risques moins de dire des bêtises. Fais des communiqués pour féliciter les athlètes, les footballeurs, les cyclistes, les nageurs… cela devrait te donner de quoi occuper ta retraite.
Descartes
(1) Il suffit de vérifier la section “communiqués” sur le site du PCF: depuis le 8 juillet, on y a publié 24 communiqués, soit plus d’un par jour ouvrable. Et pourtant, on est en été…
(2) Que ce soit d’ailleurs dans les pays où l’islam est majoritaire ou dans ceux ou la pratique est minoritaire. L’affaire des “caricatures de Mahomet” a bien mis en évidence ce problème: l’islam – à l’exception de quelques rares voix éclairées – prétend appliquer ses règles même aux non croyants.
@ Descartes
Salut,
J’apprécie le contenu de ton billet, contenu ironique que me plaît à souhait.
Oui, peut-être que le PCF ou son ancienne Secrétaire nationale veulent obtenir la médaille d’or de plus grand nombre de communiqués sur un sujet d’importance et d’urgence planétaires (le sport, les
sportifs) vont permettre au PCF et au FDG de remporter la médaille en chocolat à la présidentielle de 2012.
Trève de plaisanterie.
Tout cela montre que le PCF a jeté par dessus bord l’une des valeurs républicaines, l’un des fondammentaux de notre république qu’est la laïcité républicaine et il se glisse petit dans le moule des
partis bien pensants libertariens (au service des classes moyennes et de la petite bourgeoisie urbaines ou péri urbaines) qui mettent en avant le sociétal, le bien être, le spectacle et les
communautés au centre des choses.
La religion est une affaire privée et l’Etat, comme le politque ne doit pas s’y méler.
Si la religion, ou la communauté envahit l’espace public, la sphère publique, les services publics ou veulent imposer une politique et bien il y a rappel à loi commune. L’intérêt général prime sur
les intérêts privés et particuliers. Dans notre pays, la république (comme le disais Mélenchon à propos du voile intégral) doit avoir le dernier mot. C’est fort domage que le PG et le FDG n’aient
pas appliqué ce principe républicain mélenchonien !
C’est quoi ce cirque autour du ramadan ? C’est le cirque du service soupe obligatoire de la bien pensante société politico médiatique qui baigne dans le libertarisme jusqu’en laver le cerveau des
politiques, des militants y compris les communistes (pas seulement les débutants). Qu’elle triste et pathétique évolution de la Gauche et du PCF !
Moi qui appelle à des convergences pour un sursaut républicain et bien avec Marie George, on est vraiment mal barrés.
Pendant qu’elle rédigera les futurs communiqués pour féliciter les sportifs, je lui propose dès qu’elle aura du temps libre de lire ou relire la loi de 1905, les débats Jaurès, Briand, Combe,
etc.., le livre qui relate ces débats qu’a publié l’Humanité aux Editions du Cherche midi. Un peu de lecture intensive ne fait de mal à personne.
Salut fraternel à toi.
D-P.
Tout à fait!