Six heures pour une sixième république: le Front de Gauche et les institutions

Bêtes d’Angleterre et d’Irlande,
Animaux de tous les pays,
Prêtez l’oreille à l’espérance
Un âge d’or vous est promis.

 

 

 

Hier soir, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai affronté la neige et le verglas pour aller au ” 2ème Forum pour un programme partagé” qui était consacré aux questions institutionnelles et au projet de “VIème République”. Au delà de l’intérêt du sujet – qui me passionne – je voulais voir quelle était la méthodologie mise en place pour la réflexion.

 

C’est pourquoi, disons-le tout de suite, j’ai décidé dès le départ de ne pas faire d’intervention. Et cela pour deux raisons: la première, c’est qu’il est difficile de bien observer lorsqu’on se positionne en acteur du débat. Et la seconde – qui est apparue en écoutant les autres interventions – c’est qu’il est inutile de faire entendre une voix discordante lorsqu’on est à la messe. J’y reviendrai.

 

L’assistance n’était pas celle des grands jours. Un peu plus d’une centaine de personnes – en comptant les organisateurs, les photographes, les dirigeants des formations du Front de Gauche et les intervenants – dans une salle qui contenait 120 places assises. Compte tenu des personnalités présentes, ce n’est pas terrible. Ceux qui ont de la mémoire se souviendront qu’il fut un temps où le simple fait de faire intervenir un secrétaire général du PCF était suffisant pour faire déplacer plusieurs centaines de personnes. L’assistance était par ailleurs assez typique de ce genre d’évènements: beaucoup de cheveux blancs, quelques jeunes à peine sortis de l’adolescence, et bien peu de gens dans la tranche intermédiaire.

 

Il faut d’abord saluer la logistique de l’organisation, qui doit certainement beaucoup aux traditions communistes dans la matière. La salle était agréable, bien chauffée – et c’est important par les temps qui courent, surtout compte tenu de l’âge moyen des participants – les casse-croûte étaient savoureux et pas chers. Deux points noirs qu’il faut signaler. La ponctualité d’abord: pourquoi faut-il que toutes les réunions commencent avec trois quarts d’heure de retard (0)? Et les dirigeants ne donnent pas vraiment l’exemple, à l’exception – qu’il faut saluer – de Pierre Laurent, qui était là à l’heure. Le premier respect d’un dirigeant, c’est tout de même de respecter les horaires. Le deuxième point noir, c’est la disposition de la salle. Il est maintenant à la mode de disposer la “table ronde” des invités au centre de la salle. Il paraît que cela fait moins “eux et nous” que de mettre les intervenants contre le mur ou – horresco referens – sur une estrade. Le problème, c’est que cela condamne la moitié de la salle à regarder la nuque des intervenants, une partie du corps qui n’est ni particulièrement jolie, ni particulièrement expressive.

 

Bravo aussi aux organisateurs pour avoir distribué un texte de réflexion censé préparer le débat (1). On aurait aimé savoir plus sur l’identité de ses rédacteurs et sur le statut de ce texte, et il aurait surtout été utile d’en disposer à l’avance, pour qu’il puisse servir véritablement de guide de la discussion. Et c’est là le principal problème du débat: il n’avait pas véritablement de fil conducteur. Le texte en question n’a en fait pas servi pour guider la discussion, puisque les différents intervenant n’y ont pas fait référence, pas plus que les intervenants dans la salle.

 

Le déroulé de la réunion a été le truc habituel: une longue suite d’interventions d’invités entrecoupées d’interventions – plutôt rares, une dizaine en tout – du public. L’habillage en “tables rondes” ne change rien: chacun prend la parole à son tour pour vendre sa salade, sans que personne ne rebondisse sur l’intervenant précédent pour exprimer une contradiction. En fait, on pourrait organiser ces “forums” sur internet, chacun postant son intervention en vidéo, et cela donnerait le même résultat (avec l’avantage de ne pas avoir à aller jusqu’à Nanterre). Pas que tout le monde fut d’accord, loin de là. Il y eut même des invités qui ont exposé des idées, notamment sur l’Europe, qui n’étaient pas partagées par la salle. Et on les a écoutées en silence… et sans réaction. L’unanimisme ambiant tolère les expressions divergentes mais pas de débat. On écoute et on passe à autre chose. C’est pourquoi, lorsqu’à la fin de la soirée Isabelle Lorand – surprise, surprise – a mis les pieds dans le plat en constatant ingénument que puisque personne n’avait contesté l’idée de “citoyenneté de résidence” tout le monde était d’accord là dessus, un ange est passé… les ailes lourdes de sous-entendus.

 

Le problème essentiel dans ce forum est que le problème à résoudre était particulièrement mal posé.Et d’abord dans son diagnostic. Tous les discours tenus dans ce forum reposaient sur l’idée d’une “crise des institutions de la Vème République”. Mais où est l’évidence de cette “crise” ? En fait, les institutions-phare de la Vème – du moins de ce qui en reste – montrent une santé enviable. La participation aux élections présidentielles ne fléchit pas (84% en 2007, le meilleur chiffre depuis vingt ans), les élections législatives gardent des niveaux honorables. Les lois sont discutées,  votées, et une fois votées elles sont obéies y compris par ceux qui s’y opposaient (pensez à la loi sur les signes religieux à l’école…). L’autorité du gouvernement sur l’administration et l’armée sont incontestées. Où est donc le problème ? Où est la “crise de légitimité” ? En fait, si l’on regarde bien, ce sont en fait les institutions issues de la décentralisation et de la construction européenne qui souffrent d’une véritable crise: c’est pour leur élection que la participation est la plus faible. Mais les institutions “jacobines” se portent plutôt bien…

 

Lorsqu’on parle de réforme des institutions, il faut savoir quel est l’objectif poursuivi. Et c’est cet objectif même qui ne semble pas clair dans la tête de beaucoup d’intervenants. Pour le citoyen lambda le but des institutions est d’abord de fonctionner: il faut un pouvoir législatif capable de faire des lois, un pouvoir exécutif capable de les faire exécuter et une autorité judiciaire capable de trancher les conflits et punir les transgressions. A partir de là, on peut essayer de trouver le meilleur équilibre entre démocratie, participation citoyenne et efficacité, sans jamais oublier que les institutions tirent aussi leur légitimité de leur capacité à agir. Or, nous avons derrière nous une longue histoire institutionnelle, et on sait que certaines choses marchent et d’autres pas.

 

Ce qui est frappant, c’est de constater à quel point la gauche qui organisait la réunion d’hier soir a perdu la mémoire. Dans un sujet qui est par essence un sujet où l’histoire joue un rôle essentiel, on n’a pratiquement pas eu droit dans les interventions des uns et des autres à une référence à notre histoire institutionnelle. Or, les institutions de la Vème République ne sont pas nées par hasard. Elles ont surgi d’abord en réponse à l’incapacité des institutions de la IVème République à fonctionner correctement, incapacité qui les avait conduit à une véritable crise de légitimité: en 1958, le gouvernement n’avait plus les moyens de se faire obéir d’une partie importante de la population, de la fonction publique et de l’armée. Le régime d’assemblée souveraine a été expérimenté en France. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’expérience n’a pas été positive: à chaque fois qu’il s’est agi de gérer une crise et de tenir tête à des puissants intérêts particuliers, ce fut le désastre (4). Et la mémoire de ce désastre est tenace: ce n’est pas par hasard si l’élection présidentielle est la seule qui échappe à la hausse massive de l’abstention.

 

Mais ce n’est pas du tout de ce point de vue que le problème est abordé. La manie obsessionnelle de cette “gauche” n’est pas l’accélérateur mais le frein. La question fondamentale n’est pas de permettre aux institutions d’agir, mais de les empêcher de mal agir. Et la panacée qu’elle a trouvé est de mettre les institutions sous contrôle “démocratique”, quitte à organiser leur impuissance (2). Cette idée du “contrôle démocratique” repose en fait sur l’idée irénique d’un peuple homogène, capable de dégager directement l’intérêt général en faisant abstraction des intérêts particuliers. Le problème est que l’expérience montre exactement le contraire, et ceux qui assistent régulièrement à une assemblée de copropriété ne me démentiront pas: il est extraordinairement difficile pour une collectivité de se penser en tant que telle directement. Mis en situation d’égalité, sommé de s’exprimer directement, chaque citoyen voit midi à sa porte et défend ses intérêts. Il faut justement la médiation d’une institution qui, en donnant aux décisions un caractère abstrait, permet à l’intérêt général de se dégager des intérêts particuliers. C’est ce rôle maïeutique des institutions qui est singulièrement absent de la réflexion de la gauche, et qui du coup se trouve à l’opposé des aspirations populaires.

 

Il est d’ailleurs intéressant de constater qu’un certain nombre d’élus sont intervenus pour poser la bonne question: les citoyens, et notamment les couches populaires, ne participent pas aux processus démocratiques existants. Si on écoute ces élus, les gens ne participent pas parce qu’ils sont convaincus que leur participation et leur vote ne change rien. Le diagnostic est pertinent, mais inexplicable sans faire référence à l’histoire institutionnelle de la gauche (3). Car – on l’oublie trop souvent – la gauche a gouverné quinze ans sur les trente dernières années. Dix ans sous une configuration “présidentielle” (1981-86 et 1988-93) et cinq sous une configuration “parlementaire” (1987-2002). En d’autres termes, nos institutions si décriées ont permis au vote populaire de s’exprimer et d’amener la gauche au pouvoir. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le résultat n’a pas été fameux: pas une seule fois la gauche n’a réussi à se faire donner quitus par les électeurs – et encore moins par l’électorat populaire. Si les couches populaires pensent que leur vote ne compte pas, ce n’est pas à cause des institutions de la Vème République, mais à cause de trois expériences concrètes: par trois fois la gauche a été au pouvoir. Et par trois fois ses politiques, tout en étant différentes de celles de la droite dans certains domaines, ont laissé les couches populaires sur le bord du chemin. On comprend que revenir sur ces épisodes soit pénible pour les membres du Front de Gauche, ce qui explique peut-être la tendance à se fixer sur la question institutionnelle au lieu de revenir sur l’usage qui a été fait des institutions…

 

La répugnance à trouver les références dans notre propre histoire pousse bien évidement à les rechercher ailleurs. Et cet nouveau Eldorado référentiel, c’est l’Amérique Latine. Mais là encore, avec une lecture étrange de l’histoire qui, à travers un prisme déformant, fait apparaître ce qui en fait n’est que du clientélisme et la démagogie sous l’apparence plus avenante de la “démocratie participative”. Les organisateurs de la réunion ont ainsi infligé à l’assistance une vidéo sur l’ “expérience participative” de Catacachi (Equateur). Pour qualifier cette vidéo, un seul mot vient à l’esprit: propagande. Aucune explication sur le contenu réel de l’expérience, sur son fonctionnement, sur ses réalisations. Simplement des entretiens de gens qui disent “on est content”. Quel est le but de cette présentation qui n’aporte rien à la réflexion ? Quel rapport avec le but de la réunion ? Et dans la même veine, Jean-Luc Mélenchon a ressorti pour la n-ième fois son article sur la réforme constitutionnelle Vénézuelienne et la publication des articles de la constitution sur les paquets de pâtes.

 

Le problème des exemples latino-américains, c’est qu’on prétend montrer en exemple des choses qu’en France nous avons dépassé depuis longtemps, et pour lesquelles le peuple français n’a aucune nostalgie. Nous n’avons pas – et le debat référendaire sur le TCE l’a montré –  besoin d’imprimer la constitution dans les paquets de Lustucru pour avoir un véritable débat constitutionnel. Les “constituantes” latinoaméricaines sont des exercices plébiscitaires, des opérations politiques destinées à renforcer la stature du “leader maximo” du jour. D’ailleurs, pas une seule foi les “constituantes” ainsi élues n’ont mis en minorité ou rejeté une proposition du “leader” en question. Une coïncidence, sans doute.

 

On a du mal à voir ce que cette réunion a véritablement construit. Chacun a certes pu exprimer ses opinions. Sur un certain nombre de points qui font la “vulgate” gauchiste (vote des étrangers, parité, démocratie directe) personne n’a osé exprimer une opinion divergente. Sur la plupart – par exemple, sur l’abolition du président-monarque (5) – l’accord était acquis avant que le débat ne commence. Mais on est resté sur la logique habituelle de ces forums: on confond la construction du projet avec la collation de “propositions” plus ou moins réfléchies, plus ou moins préparées, plus ou moins loufoques, plus ou moins contradictoires… mais jamais hiérarchisées. Et dont les conséquences et la faisabilité ne sont jamais analysées. Si l’on reste sur cette (absence de) méthode, “projet commun” est bien mal parti…

 

 

Descartes

 

(0) De ce fait, les “6 heures pour une 6ème République” auront plutôt été “4 heures pour un retour à la 4ème république”…

 

(1) “Réflexions du groupe de travail préparant le Forum Démocratie et Institutions “6 heures pour la 6e République” du 9 décembre 2010″, sans signature.

 

(2) Ainsi, par exemple, la proposition d’un participant d’une présidence bicéphale de manière que chaque “co-président” joue le rôle de “contre-pouvoir” à l’autre. Le contrôle démocratique a d’ailleurs ses ambiguïtés. Lors de ce forum, le représentant des Alternatifs a par exemple soutenu la révocabilité à tout moment des élus comme moyen de contrôle démocratique en soulignant que dans le cas de la reforme des retraites, les élus ont voté pour alors que les deux tiers des électeurs se manifeste contre. Un intervenant dans la salle lui demande alors si ce même raisonnement doit être appliqué au vote d’abolition de la peine de mort, puisqu’à l’époque les deux tiers des électeurs était aussi contre… le représentant des Alternatifs n’a pas été en mesure de répondre. Ce qui montre que dans la tête d’un certain nombre de groupuscules le “contrôle démocratique” n’est pas le contrôle par le peuple, mais par ceux qui savent ce que le peuple devrait penser.

 

(3) Une histoire que paradoxalement personne n’évoque. Lors de cette soirée, personne n’a fait la moindre référence au fonctionnement institutionnel de la IVème République ni à la pratique institutionnelle de la gauche sous la Vème. Sur un sujet où la référence historique est essentielle, la gauche radicale parle comme si l’histoire commençait avec Sarkozy.

 

(4) Jean-Luc Mélenchon dans son intervention s’inscrit en faux contre cette affirmation en faisant référence à la conduite de la guerre 1914-18. L’argument n’est pas recevable: en 1914, il y avait une unité générale des forces politiques et des  intérêts économiques sur les buts de guerre. Dans ces conditions, peu importe que l’exécutif soit faible ou pas. Par contre, dans le contexte de luttes d’intérêt de 1940 et de 1958 (on pourrait rajouter la crise d’indochine), le régime d’assemblée a montré ses limites. Et pourtant, on retrouve dans les discours de la “gauche radicale” cette nostalgie d’une assemblée souveraine au pouvoir sans limite: Christian Piquet l’a même formulé en toutes lettres dans son intervention: “une assemblée unique non soumise au contrôle du Conseil Constitutionnel”.

 

(5) Mais pas du maire-monarque, curieusement. Le personnalisme qui paraît si détestable au sommet de l’Etat ne semble déranger personne lorsqu’il est pratiqué au niveau de la commune. Et pourtant, pas mal de maires se comportent en satrapes dans leur pré carré, accordant contrats et prébendes et prenant de manière autoritaire la plupart des décisions. Qu’on se souvienne de Frêche à Montpellier ou de Gastounet à Marseille…

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17 réponses à Six heures pour une sixième république: le Front de Gauche et les institutions

  1. marc malesherbes dit :

    Merci pour cette info, et bravo pour votre courage (sainteté laïque?) à participer à ce type de réunion.

    vous dites:
    “L’assistance était par ailleurs assez typique de ce genre d’évènements: beaucoup de cheveux blancs, quelques jeunes à peine sortis de l’adolescence, et bien peu de gens dans la tranche
    intermédiaire.”

    mais y avait-il beaucoup de personnes issues du maghreb, de l’afrique subsaharienne, des antilles, d’extrême orient, dont bon nombre sont aussi français que vous ou moi, et qui devraient en
    majorité faire partie de la clientèle “naturelle” du FdG ?

    J’ai été frappé, dans ma province, de leur absence lors des manifestations contre la réforme des retraites. Pour moi c’est un sacré problème pour la gauche de ne pas avoir d’écho dans ces milieux
    (qui doivent représenter plus de 10% de la population française, et sont en croissance constante), alors qu’ils savent manifester quand ils le veulent (voir 2005). Seule S Royal semble y avoir un
    certain écho. Mais pourquoi? son coté “people” ? son coté “télé- évangéliste” ?

    • Descartes dit :

      “Saintété laïque” ? Comme vous y allez… j’espère que j’aurais gagné le paradis laïque, au moins…

      Pour ce qui concerne ta question: non, pas beaucoup de “minorités ethniques” (appelons un chat un chat… ca veut dire quoi “issus de l’afrique subsaharienne” ?), a l’exception d’un élu de Vitry.
      Et les femmes étaient aussi nombreuses que les hommes. C’était notre rubrique “nouvelles du politiquement correct”…

      Franchement, je pense que c’est une erreur de penser en termes de “communautés”. Si les “minorités ethniques” n’étaient pas là, cela n’a rien à voir avec un problème communautaire. Pourquoi les
      maghrebins et les noirs, dont l’immense majorité sont employés, ouvriers ou chômeurs, viendraient-ils se les geler pour participer à une manifestation ou des orateurs des classes moyennes parlent
      des problèmes des classes moyennes ? L’absence des “minorités ethniques” n’est que la pointe visible d’un iceberg beaucoup plus grand (et plus dangereux): l’absence des couches populaires. C’est
      d’ailleurs ce qu’on constaté plusieurs élus, et ils ont tout à fait raison.

      Prenons un exemple: la politique d’immigration. Pour madame les professeurs, avocats, artistes, fonctionnaires la régularisation des sans papiers est une croisade morale. Mais pour l’ouvrier
      maghrebin, le sans papier régularisé est un concurrent redoutable pour ses propres enfants. Alors, quand les bonnes âmes distribuent des tracts “régularisation des sans papiers” en croyant que
      cela fera plaisir aux “pôvres”, elles se foutent le doigt dans l’oeil…

      Si la gauche veut sortir de l’impasse (et ravir l’électorat populaire à Marine Le Pen), il y a urgence à écouter les couches populaires et à prendre en compte leurs problèmes. Et non pas l’idée
      que les classes moyennes se font de ces problèmes. Autrement, on va dans le mur.

  2. JG45 dit :

    J’ai beaucoup aimé le compte rendu de cette réunion,qui m’en rappelle beaucoup, et pourtant j’ai surtout milité au centre gauche, et tous ces utopistes qui clament en réunion l’égalité, la primauté
    de l’état, sur toute la société, lorsque j’allais chez eux faire un devis pour de la maçonnerie étant artisan, le discours était souvent très différent, et l’on hésitait pas à me proposer de payer
    au noir, et c’est là que vous vous rendez compte que les purs sont pas toujours en accord leur acte et les parole enflammées, mais les hommes sont les hommes et n’oublions pas les femmes je m’en
    voudrais de rompre la parité.

  3. Je vous trouve très sévère avec le régime d’assemblée souveraine!

    La Convention nationale, en dépit de ses féroces divisions, a sauvé la Patrie en 1792 et 1793. Ce n’est pas si mal. D’autre part, faut-il rappeler que la République qui a duré le plus longtemps,
    jusqu’à présent, c’est la III° République de 1870 à 1940? Faut-il rappeler que cette République a affronté victorieusement l’épreuve terrible de la Grande Guerre? Il faut également rappeler que les
    phases d’instabilité alternaient avec des phases de gouvernement plus durables (ainsi Clemenceau est président du conseil de 1906 à 1909, ce qui relativise l’idée répandue selon laquelle “on
    changeait de gouvernement tous les six mois”).

    La V° République a été imposée aux Français de manière très contestable, et la faiblesse relative des scores gaullistes sous la IV° prouve que la plupart des citoyens s’accommodait fort bien du
    régime d’assemblée. De Gaulle a manipulé les Français d’Algérie (avant de les abandonner assez lâchement) et a obtenu le pouvoir sous la menace d’un coup d’Etat militaire (même si la menace
    n’émanait pas de lui), ce qui est proprement inadmissible. De plus, la V° République a été taillée pour De Gaulle, mais n’est pas De Gaulle qui veut…

    Aujourd’hui, avec la réforme du quinquennat, nos institutions ne sont pas “en crise” au sens où elles fonctionnent mal, elles sont déséquilibrées. Le pouvoir exécutif bicéphale pose un problème
    dans la mesure où la balance penche de plus en plus du côté du président, or ce dernier n’est pas responsable devant le Parlement, au contraire du gouvernement. Le président joue sa légitimité
    contre celle du Parlement, et à certains égards, l’Assemblée nationale devient une simple chambre d’enregistrement des décisions présidentielles… Avec le nouveau système, le président a de fortes
    chances d’avoir très souvent la majorité à l’Assemblée et, de fait, il possède un pouvoir législatif officieux considérable, sans que le Parlement ait le moindre contrôle sur lui! Alors que les
    initiatives législatives du gouvernement sont équilibrées par le fait que le Parlement peut renverser ledit gouvernement (comme en Italie ou en Allemagne).

    Aux Etats-Unis, où le président dispose seul du pouvoir exécutif, le mode d’élection du Congrès permet d’équilibrer les pouvoirs, et d’obliger le président à négocier avec les représentants de la
    Nation. En France, on sait que Nicolas Sarkozy n’hésite pas à décrocher son téléphone pour faire pression sur des députés récalcitrants de sa majorité…

    En 1958, la IV° République rencontrait des difficultés, mais n’était pas tant en crise que cela. La V°, pour se légitimer, a noirci à dessein le tableau, comme les Carolingiens ont brossé le
    portrait des “rois fainéants” mérovingiens pour justifier leur usurpation. Le procédé n’est pas nouveau! D’ailleurs la V° a été confrontée aux mêmes problèmes lorsque ceux que De Gaulle avait
    manipulés se sont rendus compte qu’ils avaient été floués. Et ils ont tenté un coup d’Etat militaire… comme en 1958! Ce dernier n’a pas eu lieu, mais rien ne permet de dire qu’il aurait réussi.
    On n’aurait peut-être été surpris de la vitalité insoupçonnée des dirigeants de la IV°, et de leurs soutiens dans la population…

    • Descartes dit :

      Je vous trouve très sévère avec le régime d’assemblée souveraine!

      Et vous n’avez encore rien vu…

      La Convention nationale, en dépit de ses féroces divisions, a sauvé la Patrie en 1792 et 1793.

      Oui… mais à quel prix ? Il est difficile de projeter ce qui était un gouvernement d’exception dans un fonctionnement normal des institutions. La dictature instauré par l’article 16 de la
      constitution de la Vème République a elle aussi “sauvé la patrie” d’un début de guerre civile. Faut-il pour autant en faire un mode normal de gouvernement ?

      D’autre part, faut-il rappeler que la République qui a duré le plus longtemps, jusqu’à présent, c’est la III° République de 1870 à 1940?

      Un mode de gouvernement n’est pas optimal simplement parce qu’il dure. Avec ce genre d’argument, on aurait gardé la monarchie, qui après tout reste dans notre histoire institutionnelle le régime
      le plus durable, et de loin… Par ailleurs, vous avez tort de considérer le régime de la IIIème République comme un régime d’assemblée souveraine: je vous rappelle qu’il s’agissait d’un régime
      bi-caméral.

      Faut-il rappeler que cette République a affronté victorieusement l’épreuve terrible de la Grande Guerre?

      Il faut surtout rappeller dans quelles conditions: celles de l’union sacrée. Il est évident qu’un régime d’assemblée ne présente pas de risque d’instabilité dès lors qu’il s’agit de conduire une
      politique qui emporte l’adhésion de 99% des députés. Imaginer un système institutionnel qui fonctionne dans un climat d’unanimisme n’est pas difficile: presque tous en sont capables. La
      difficulté est d’imaginer un système capable de gèrer une situation où l’opinion est divisée. Les evennements de la période 1936-40 ont amplement montré la faiblesse du régime d’assemblée dans
      une telle situation.

      Je ne partage pas par ailleurs votre diagnostic sur la mise en place de la Vème République. Si les conditions dans lesquelles De Gaulle est arrivé au pouvoir en 1958 – avec des assemblées
      terrorisées par la menace d’une guerre civile – peuvent être contestées, il est faux de dire que “la Vème republique a été imposée aux français”: la constitution de la Vème République a été
      soumise à référendum et l’opposition a eu tout loisir de faire campagne contre la nouvelle constitution. La loyauté de la campagne et du vote n’a à ma connaissance été contestée par personne, ni
      au temps des faits, ni après. Le référendum sur l’élection au suffrage universel du président de la République est encore plus symptomatique de l’adhésion des français au nouveau régime: on peut
      difficilement invoquer en 1962 la “menace d’un coup d’Etat militaire”…

      Les français se sont effectivement “accomodés” de la IVème République mais ne l’ont pas aimée, et l’ont vue disparaître sans regret. A contrario, la Vème République a emporté une véritable
      adhésion populaire. Sous la IVème, la participation des citoyens à la vie politique s’est étiolée, sous un régime qui favorisait la “combinazione” et qui en dernière instance laissait
      l’Administration, seul pôle de stabilité, gouverner. C’est la Vème qui a vu les grandes heures de la participation populaire et des débats politiques passionnés…

      Sur la question du fonctionnement institutionnel actuel, on peut se demander si l’on peut parler toujours de Vème République. De ce point de vue, il y a un “avant” et un “après” 1986. Dans la
      vision gaullienne, le pouvoir présidentiel avait comme contrepartie sa responsabilité, non devant le Parlement, mais devant le peuple tout entier. Ce qui supposait un recours fréquent à la
      consultation et un départ du président dès lors qu’un vote défavorable pouvait créer un doute quant à la volonté du peuple. En restant à son poste en 1988, Mitterrand a modifié profondément le
      fonctionnement des institutions, créant la figure de ce président irresponsable, légitime à rester alors même qu’il a perdu la confiance du souverain.

      En 1958, la IV° République rencontrait des difficultés, mais n’était pas tant en crise que cela.

      Faudrait tout de même pas exagérer. En 1958, la IVème République était dans une totale crise de légitimité. Les gouvernements n’étaient plus obéis par les fonctionnaires, par la police, par
      l’armée. Des intérêts privés avaient la possibilité de prendre en otage des ministres, qui avaient le choix entre faire ce qu’on leur disait ou “sauter” au prochain vote de la Chambre. La Vème
      n’a pas eu à “noircir” le tableau, il était suffisament accablant.

      Et ils ont tenté un coup d’Etat militaire… comme en 1958! Ce dernier n’a pas eu lieu, mais rien ne permet de dire qu’il aurait réussi. On n’aurait peut-être été surpris de la vitalité
      insoupçonnée des dirigeants de la IV°, et de leurs soutiens dans la population…

      Si ces dirigeants étaient si “vitaux” et si soutenus par la population, pourquoi n’ont-ils pas résisté à De Gaulle ? Car il ne faudrait tout de même pas oublier que ce sont ces mêmes “dirigeants”
      qui l’ont appelé au pouvoir, en acceptant toutes ses conditions…

      Faut pas tordre l’histoire… la IVème République n’est pas morte en pleine santé d’un coup d’Etat tombé du ciel. Le coup d’Etat a été rendu possible parce que le gouvernement avait perdu toute
      autorité et n’arrivait plus à se faire obéir. Pour tout système institutionnel, cette situation est la crise ultime. Même la IIIème République en 1940 n’était pas descendue aussi bas.

  4. « Un mode de gouvernement n’est pas optimal simplement parce qu’il dure » : sans doute, c’est malgré tout un indicateur non-négligeable. Mais la question qui se pose surtout est : ce régime est-il
    tombé à cause d’une opposition intérieure au pays ? La Ière République, oui (Napoléon devient empereur), la II° aussi (idem, mais c’est son neveu), la IV° même chose (De Gaulle prend le pouvoir).
    Et la III° ? Force est de constater que c’est la terrible défaite de 1940 qui la balaie. Les théories sur la « démoralisation du pays » et les « divisions » et l’ « incurie des gouvernements » dans
    les années 30 sont largement factices. Et d’où viennent-elles ? De Pétain évidemment (« l’esprit de jouissance ») et de… De Gaulle ! qui n’a jamais porté dans son cœur le régime parlementaire. Or
    les historiens sont pour une part revenus de ces jugements a posteriori. On s’aperçoit que la France des années 30 n’est pas dans l’état de déliquescence qu’on nous a longtemps présenté. En 1939 et
    1940, les Français mobilisés sont prêts à sa battre… et ils le font avec une vaillance qui leur fait honneur. Même l’armée française n’était pas dans l’état de délabrement que d’aucuns dénoncent.
    Il faut je crois souligner l’incurie des chefs militaires et la lâcheté de certains politiques, plus que la III° République.
    Sur l’Union sacrée, vous n’avez pas tort. Mais je vous signale que la III° République a affronté victorieusement les monarchistes dans les années 1870, la vague boulangiste dans les années 1880,
    l’affaire Dreyfus, les Ligues en 1934. Reconnaissez que des coups lui ont été portés… Et je trouve qu’elle a plutôt bien encaissé ! Même la forte poussée de l’extrême-droite maurrassienne ne l’a
    pas vraiment ébranlée. Si l’on ajoute à cela l’œuvre considérable de cette III° République (école, laïcité, progrès social, lent mais constant, mise en place des libertés fondamentales) dans un
    contexte de passion politique qui ne respirait pas l’unanimisme, excusez-moi de vous dire que la III° République, au-delà de sa longévité, mérite la 1ère place parmi nos républiques. Et de
    loin…
    Les Français ont approuvé la V° République parce qu’on leur a présenté De Gaulle en sauveur. En sauveur de quoi ? D’une situation catastrophique que De Gaulle a en partie provoqué, et il ne
    faudrait pas oublier que les gaullistes Delbecque et Soustelle n’ont pas été les derniers à attiser les passions à Alger. La crise de la IV° République était réelle, il n’empêche qu’elle a été
    largement renforcée et attisée par les menées gaulliennes. Peut-être aurait-il pu y avoir des solutions autres de sortie de crise, mais les gaullistes ont sciemment fait « pourrir » la situation à
    Alger. S’il s’était trouvé quelque homme de la trempe d’un Clemenceau, je ne suis pas convaincu que la V° République naissait…
    Les Français auraient-ils combattu un coup d’Etat en 1958 ? Pas tous sans doute, mais certains si (je pense que la PCF, encore puissant, n’aurait pas cédé face à la violence). De plus, De Gaulle
    arrive au pouvoir avec un programme de poursuite de la guerre d’Algérie. Or cette guerre était déjà impopulaire à cette date… Si De Gaulle a préféré arriver au pouvoir avec un semblant de légalité,
    c’est qu’il mesurait sans doute qu’un coup d’Etat entraînerait une guerre civile. Une France de « 90 % de gaullistes » en 1958, je n’en crois rien. Si les dirigeants de la IV° ont abandonné la
    partie, c’est parce qu’ils n’ont pas voulu non plus provoquer une guerre civile.
    Donc je maintiens que la V° a noirci le tableau… et qu’elle s’est bien gardée de rappeler que les gaullistes ont eu plus que leur part dans la genèse de la crise qui emporta la IV°. Cette dernière
    avait certes des défauts, mais la V° en a beaucoup aussi. En tout cas, le fonctionnement actuel des institutions ne me paraît pas satisfaisant : non point que le régime soit inefficace, mais le
    pouvoir me paraît trop concentré et personnalisé à l’excès.

    • Descartes dit :

      Désolé, mais là tu réécris l’histoire à ta convenance. La Ière République ne “tombe pas à cause d’une opposition intérieure” pour laisser la place à l’empire. Tu sembles ignorer la période
      consulaire, puis celle du consulat à vie. La IIème République prend fin sur un référendum. La IIIème République n’est pas balayée par la défaite, mais par le vote de l’Assemblée Nationale
      confiant les pouvoirs constituants à Pétain. La IVème République n’est pas tombée suite à la “prise de pouvoir de De Gaulle”, mais sur un référendum constitutionnel. En fait, notre histoire
      institutionnelle est remarquablement “continue”, et on ne trouve pratiquement pas d’exemple d’ordre constitutionnel qui ait été “balayé”. Nos Républiques n’ont pas été assassinées, elles ont
      généralement préféré le suicide.

      Sur la question des “délabrements”, là aussi, faut être sérieux dans la lecture de l’histoire. La France de la fin des années 1930 est dans un grave état de déliquescence. Je te recommande la
      lecture du livre de Crémieux-Brilhac, “Les français de l’an 40” où il montre bien l’état du pays dans la période cruciale 1938-40: un pouvoir désorganisé, gangréné par les groupes d’intérêt
      jusqu’au plus haut niveau de l’Etat, incapable de prendre des décisions radicales et de les faire accepter par la Chambre d’abord, par le pays ensuite. Plus l’action délétère du pacifisme hérité
      de la 1ère guerre mondiale (“plutôt allemand que mort”).

      Sur la IIIème République, vous avez raison de pointer son bilan, mais il faut tenir compte du changement des données de la vie politique. La IIIème République, avec ses assemblées essentiellement
      notabiliaires et une élite politico-administrative homogène, fonctionne assez correctement jusqu’à la Grande Guerre. Ce sont les changements sociologiques de la France (urbanisation,
      diversification des élites, apparition des moyens de communication de masse) qui progressivement changent la base du système et provoquent sa paralysie. Le régime d’assemblée de 1880 n’aurait
      rien à voir avec un régime d’assemblée aujourd’hui.

      Vous dites ensuite: “Les Français ont approuvé la V° République parce qu’on leur a présenté De Gaulle en sauveur. En sauveur de quoi ? D’une situation catastrophique que De Gaulle a en partie
      provoqué, et il ne faudrait pas oublier que les gaullistes Delbecque et Soustelle n’ont pas été les derniers à attiser les passions à Alger.”. Les français ne sont pas idiots: alors que son
      prestige est au zénith, De Gaulle n’est pas arrivé à imposer ses vues en matière constitutionnelle en 1946. Par deux fois les français ont retourné une assemblée constituante hostile aux idées du
      Général. En 1958, les français ont voté pour la constitution “gaullienne” parce qu’ils avaient eu le temps d’expériementer les charmes du régime d’assemblée, et parce qu’ils ont pu constater
      d’expérience que les reproches gaulliens contre le “régime des partis” étaient justifiés.

      Pour ce qui concerne l’affaire d’Alger, vous continuez à vous concentrer sur les évennements du 13 mai 1958 en oubliant le contexte, et ce faisant vous confondez le symptome avec la cause. Le
      “coup” n’est pas tombé d’un ciel serein, il est la conséquence d’une situation de paralysie qui durait depuis déjà plusieurs mois voire plusieurs années. Si le gouvernement n’arrivait plus à se
      faire obéir par ses fonctionnaires, ce n’était pas la faute à Soustelle ou Delbecque, mais à la faiblesse de gouvernements tellement accaparés par la lutte pour la survie qu’ils n’avaient ni le
      temps, ni la volonté de définir des politiques et de les faire appliquer. Ce n’est pas Soustelle ou Delbecque qui ont paralysé le régime, même s’ils ont profité de cette paralysie pour organiser
      le retour au pouvoir de De Gaulle. Est-ce que vous imaginez un groupe de civils et de militaires montant un coup d’Etat contre Sarkozy ? Quelle chance de réussite aurait une telle initiative ?

      S’il s’était trouvé quelque homme de la trempe d’un Clemenceau, je ne suis pas convaincu que la V° République naissait…

      S’il s’était trouvé quelque homme de la tremple d’un Clemenceau, la Chambre de la IVème République ne l’eut jamais investi. Ce n’est pas les hommes qui manquaient. Mais dans le système de la
      IVème, un homme ne pouvait gouverner que sous la surveillance d’une coalition, et cette coalition était gangrénée par des intérêts particuliers. En 1958, même Clemenceau n’aurait rien pu faire.
      S’il ne s’était pas plié aux injonctions de majorités hétérogènes qui demandaient tout et son contraire, il aurait été renversé.

      Les Français auraient-ils combattu un coup d’Etat en 1958 ? Pas tous sans doute, mais certains si (je pense que la PCF, encore puissant, n’aurait pas cédé face à la violence).

      Crois-tu vraiment que les militants du PCF seraient sortis pour défendre un régime qui les maintenait dans un “ghetto” depuis 1947, qui avait organisé le McCarthysme en France, qui avait executé
      et torturé plusieurs de ses militants (Alleg, Yveton) et tout ça pour que les Pleven, les Queuille et les Mitterrand puissent continuer à faire joujou avec les gros colons algériens ? Il aurait
      fallu être maso… Les communistes auraient peut-être combattu s’il y avait eu une possibilité que le coup de 1958 débouche sur une dictature. Mais cela n’a jamais été vraiment une option. Ils
      n’auraient certainement pas combattu pour défendre la IVème République et son régime d’assemblée. Tu remarqueras d’ailleurs que dans le référendum du 28 septembre 1958, l’électorat du PCF,
      pourtant historiquement discipliné, a pour la première fois désobéi massivement en votant “oui”.

      Une France de « 90 % de gaullistes » en 1958, je n’en crois rien.

      Moi non plus. Mais il n’est point besoin d’être “gaulliste” pour partager le diagnostic de De Gaulle sur les institutions de la IVème et ses idées en matière constitutionnelle. Et clairement,
      cette vision était partagée par une grande partie de la population, puisque la constitution de la Vème a été approuvée par plus de 80% des exprimés lors du référendum. Et ils seront à peu près
      aussi nombreux à voter “oui” à l’élection du président au suffrage universel direct quatre ans plus tard, alors que “coup d’Etat” n’était qu’un souvenir.

  5. Je ne crois pas réécrire l’histoire, mais avoir une lecture un peu différente des événements. Reprenons point par point. Je m’excuse de te prendre de ton temps, mais ça fait du bien de débattre de
    ce genre de question avec des gens sensés et informés, et qui de surcroît admettent les désaccords sans invectiver le contradicteur. Je le dis parce que c’est rare et je te félicite de ta culture
    du débat, que je trouve un peu affaiblie en France ces temps-ci.
    Je n’oublie pas le consulat ! Mais le consulat est républicain car le régime continue à s’appeler « République française ». Quant à savoir s’il est démocratique… C’est un autre problème. D’ailleurs
    si l’on est puriste, l’Empire lui-même conserve le mot République dans sa terminologie. Cela étant, le consulat n’est plus un régime d’assemblée, et le Directoire a bien été « balayé », je m’en
    excuse, par un coup d’Etat qui a eu lieu, si je ne m’abuse le 18 Brumaire an VIII. Le Directoire était-il un régime d’assemblée (bicaméral au demeurant) ? Vaste question que je ne me sens pas la
    compétence de traiter. Je dirai que c’était un système mixte, car les Directeurs ont assurément un grand pouvoir. Mais les assemblées ont un rôle important, d’ailleurs les prétentions de Bonaparte
    ne furent pas accueillies avec grand enthousiasme. Donc, le consulat, c’est toujours la Ière République officiellement, mais dans les faits, ce qui fondait la pratique politique républicaine depuis
    1792, à savoir un régime d’assemblée, cela est bel et bien terminé.
    En 1940, les pleins pouvoirs ont été votés à Pétain par des Chambres incomplètes. Si tous les élus avaient été là, le vote en eut-il été changé ? Je n’en sais rien. Mais précisons qu’à ce moment,
    la France est vaincue et ne possède plus sa pleine souveraineté sur le territoire national. Par conséquent, si les députés « sabordent » en effet le régime (comme la flotte…), il ne faut pas non
    plus trop jouer sur les mots : qui niera que la défaite est la première responsable de la fin de la III° ? Crois-tu que sans cela la III° s’effondrait d’elle-même ? Elle bénéficiait encore d’un
    prestige certain dans la population, et les menées de l’extrême-droite ne doivent pas faire oublier qu’une majorité de citoyens a continué à accorder ses suffrages à des partis républicains. Quant
    à la IV°, je ne dis pas qu’elle allait bien, je fais observer qu’elle était moins moribonde que le disent certains. Et que les gaullistes ont œuvré activement à la faire mourir, preuve que la bête
    était plus coriace qu’on le pense. Pour les communistes, tu n’as pas tort. Mais un régime issu d’un coup d’Etat (militaire de surcroît) aurait eu bien du mal à acquérir la légitimité. A mon avis,
    le pays sombrait dans la guerre civile.
    Je suis confus, je n’ai pas d’historien à te citer concernant la situation de la France dans les années 30. Mais je me souviens avoir vu un débat d’historiens (des vrais) dans lequel il
    apparaissait qu’on a très largement exagéré la déliquescence de la France à la veille de la défaite. Je pense que nous n’étions pas près (et c’était l’avis des officiers) mais malgré une idée
    reçue, la France se préparait à la guerre depuis quelques temps. On parle de délabrement. Mais les Français mobilisés sont allés faire leur devoir. 100 000 d’entre eux sont morts en 1940 en
    combattant les Allemands pour défendre la Patrie. Hormis quelques sabotages communistes, la plupart des Français étaient prêts à se battre. Le manque d’enthousiasme (bien compréhensible) n’est pas
    suffisant pour parler de « déliquescence ». L’Etat, à ma connaissance, fonctionnait, bon an, mal an. On subissait encore les contrecoups de la crise. Je ne dis pas que tout était rose ! Mais il me
    semble que là encore tu noircis le tableau. Ce qui explique la défaite, je le répète, ce sont des erreurs stratégiques dans le domaine militaire. Le régime n’y est pour rien. Les « groupes
    d’intérêts » ? Mais ils existent depuis le Second Empire ! De l’affaire Panama à l’affaire Stavisky, les scandales sont de toutes les époques. Ils alimentent les ennemis du parlementarisme. Il y
    aurait beaucoup à dire du « lobby colonial » dans les années 1880… Mais je t’accorde que les institutions fonctionnaient avec un peu plus de difficulté, car on était en période de turbulence. C’est
    cela aussi la démocratie.
    Quant aux changements sociologiques, ils restent lents : la France de 1939 est encore assez rurale (moins qu’en 1914, c’est sûr) ; les ouvriers ont bénéficié de la politique du Front populaire.
    Justement, la caractéristique de la France, c’est qu’il n’y a pas vraiment de bouleversement social brutal.
    « Les Français ne sont pas des idiots » : non, ce sont des « veaux »… dixit un certain Charles de Gaulle ! Sans rire, les Français ont voté la constitution « gaullienne » de guerre lasse et pour
    sortir de la crise institutionnelle. Avaient-ils au fond une autre solution ? La IV° était trop discréditée pour être rétablie. Les Français ont de mon point de vue adopté la solution de facilité :
    ils ont remis le destin de la France aux mains du « grand homme ». J’avoue (et ça, c’est en effet mon avis personnel) que je n’aime pas beaucoup le concept d’ « homme providentiel », qui
    infantilise le citoyen.
    « Un homme ne pouvait gouverner que sous la surveillance d’une coalition » : et alors ? Où est le problème ? On en arrive, je pense, au point fondamental de notre désaccord. Les coalitions bancales
    et fragiles, tu n’apprécies pas. Et moi je trouve que c’est l’essence même de la démocratie, car les opinions sont plurielles. L’instabilité est inhérente à la démocratie, elle en fait partie. Il
    m’apparaît normal que différents partis cherchent à s’entendre, au-delà des divergences, pour gouverner. C’est difficile, c’est chaotique, mais qu’est-ce que la nation souveraine sinon une «
    combinaison » complexe de convictions politiques diverses ?
    Observe ce que nous a donné la V° République : à terme, un bipartisme stérile. Le prestige du Président élu est tel que l’Assemblée se partage en deux : les partisans du président, et ceux qui sont
    contre. C’est tout. Il est symptomatique qu’à l’origine « UMP » signifiait « Union de la Majorité Présidentielle ». Aujourd’hui, les partis cherchent moins à avoir un programme qu’un candidat.
    Regarde le PS : quand Martine Aubry (femme respectable par ailleurs) déclare « nous travaillons à notre programme », je pouffe. Depuis 2002, le PS n’a pas de programme clair ! « L’élection
    présidentielle, c’est la rencontre d’un homme et d’un peuple », mais je me fiche du bonhomme ! Moi, ce qui m’intéresse, ce sont les idées. Or, entre un Nicolas Sarkozy et un Dominique Strauss-Kahn,
    il y a sans doute des différences, mais de détail… Trouves-tu normal que tant de nos concitoyens ne soient pas représentés à l’Assemblée nationale ? Même si ça en fâche certains, le FN, eu égard à
    son poids électoral, devrait avoir des députés. Et être combattu sur le fond, et non point seulement sur la forme (méthode qui a montré ses limites si l’on juge les progrès de ce parti). La V°
    République présidentialisée tue la vitalité démocratique de notre pays. Pour beaucoup de petits partis, l’élection présidentielle est le seul moment où ils existent vraiment. Mais comme leurs
    candidats ont peu de chance d’être élus, ils sont boudés par les médias et les sondages. Un régime d’assemblée, dans lequel toute la politique ne serait pas focalisée sur l’élection du président,
    doublé d’un scrutin à la proportionnelle, permettrait à plus de partis d’acquérir une certaine audience et à l’Assemblée d’être plus représentative des opinions politiques du corps civique. Car
    enfin, nous ne somme pas tous UMP (ou apparentés), PS, PC ou Vert, dans ce pays !

    • Descartes dit :

      En 1940, les pleins pouvoirs ont été votés à Pétain par des Chambres incomplètes. Si tous les élus avaient été là, le vote en eut-il été changé ? Je n’en sais rien. Mais précisons qu’à ce
      moment, la France est vaincue et ne possède plus sa pleine souveraineté sur le territoire national.

      Non. D’abord, lorsque les pleins pouvoirs sont votés, on se bat encore. Ensuite, on oublie trop souvent que la France métropolitaine n’était qu’une partie de l’Empire français. Les institutions
      de la IIIème avaient parfaitement la possibilité de se réfugier à Alger et de continuer la lutte. Elles ne l’ont pas fait, et ont préféré se suicider. C’est peut-être la meilleure illustration de
      la conscience qu’avaient ces institutions de leur propre faillite.

      il ne faut pas non plus trop jouer sur les mots : qui niera que la défaite est la première responsable de la fin de la III° ? Crois-tu que sans cela la III° s’effondrait d’elle-même ?

      Faut pas confondre les causes contingentes et les causes structurelles. Lorsqu’une maison vermoulue s’effondre suite à un coup de vent, dirais-tu que c’est le coup de vent qui est “responsable”
      de l’effondrement ? Bien sur que non. Et de même pour la IIIème République. Un système politique ne s’effondre jamais “de lui même”. Mais lorsqu’il est en crise grave, il est emporté par la
      première tempête. Devant l’occupation nazie, certains gouvernements se sont exilés (eg. Pologne), d’autres sont restés dans l’état (eg. Danemark). Pourquoi à ton avis un régime en bonne santé
      comme celui de la IIIème a-t-il décidé de se suicider ?

      Mais je me souviens avoir vu un débat d’historiens (des vrais) dans lequel il apparaissait qu’on a très largement exagéré la déliquescence de la France à la veille de la défaite.

      Je pense que tu fais une confusion entre l’état militaire du pays et celui de ses institutions. Il est exact que beaucoup d’historiens revient aujourd’hui sur la théorie selon laquelle l’armée
      française en 1940 était dans un état d’infériorité radicale par rapport à l’armée allemande. Mais je ne connais pas d’historien qui conteste le délabrement et la quasi-paralysie du régime, et
      notamment son incapacité à résister aux groupes de pression.

      Pour ne donner qu’un exemple, Crémieux-Brilhac explique bien comment la pression du “lobby” des députés paysans a obligé Daladier, alors président du conseil, à dégarnir les usines d’armement des
      ouvriers qualifiés pour permettre aux paysants mobilisés de revenir chez eux faire les foins, comment les “pinardiers” ont pesé dans l’organisation de la mobilisation… et ce n’est que quelques
      exemples !

      Ce qui explique la défaite, je le répète, ce sont des erreurs stratégiques dans le domaine militaire. Le régime n’y est pour rien

      Ah bon ? Et les hommes qui ont fait ces erreurs, ils ont été nommés par qui ? Contrôlés par qui ? Tu défends le régime d’assemblée sous prétexte qu’il permet un meilleur contrôle par les élus du
      peuple des décisions. C’est donc “le régime” qui doit assumer les erreurs stratégiques, non ?

      Les erreurs en question ont été commises par des hommes. Et qui a nommé ces hommes ? Le régime. La paralysie du système a conduit à nommer à des postes de responsabilité des personnalités sans
      relief pour ne pas risquer d’offenser personne. Ce fut le cas de Gamelin, pour ne donner qu’un exemple. 

      Les « groupes d’intérêts » ? Mais ils existent depuis le Second Empire !

      Certes. Mais un gouvernement faible, dépendant d’une coalition hétéroclite, toujours placé sous l’épée de Damoclès d’une assemblée élue au scrutin de liste, est bien plus enclin à leur céder.

      On en arrive, je pense, au point fondamental de notre désaccord. Les coalitions bancales et fragiles, tu n’apprécies pas. Et moi je trouve que c’est l’essence même de la démocratie, car les
      opinions sont plurielles.

      Exact. C’est le point fondamental de notre désaccord. Et il vient d’un autre désaccord fondamental: pour moi le but des institutions n’est pas seulement la représentation des “opinions
      plurielles”, mais l’action. Les parlottes sont nécessaires à la démocratie, mais lorsque le fonctionnement des institutions se limite à la parlotte, elles perdent toute crédibilité. Je crois à
      une politique où le (les) élu(s) sont mandatés pour mettre en oeuvre un projet, ont les moyens de le faire, et en assument la responsabilité. Le régime des “coalitions bancales et
      fragiles” est un système où les élus sont mandatés sur un projet, qu’ils n’auront pas les moyens d’appliquer sinon partiellement, et n’auront donc aucune responsabilité à assumer (puisqu’ils
      pourront toujours dire que si cela n’a pas marché, c’est la faute des autres).

      Sans vouloir t’offenser, je pense que, comme beaucoup de gens à gauche, tu as une réflexion institutionnelle essentiellement fondée sur la question de la représentation et la décision, mais qui
      oublie complètement la question de l’action (c’est à dire, de la mise en oeuvre).

      Observe ce que nous a donné la V° République : à terme, un bipartisme stérile

      Je ne vois pas ou est le “bipartisme”. Au contraire, la Vème République a été un régime extrêmement plastique, avec une rédéfinition permanente des partis et de leur hiérarchie autour des quatre
      pôles définis par la double division gauche/droite et jacobins/girondins.

      Le prestige du Président élu est tel que l’Assemblée se partage en deux : les partisans du président, et ceux qui sont contre.

      Et c’est très bien ainsi: d’un côté celui qui conduit le projet qui sera mis en oeuvre, et qui en assume la responsabilité, de l’autre l’ensemble de ceux qui jugent que ce projet ne doit pas être
      appliqué. Qu’est ce qui serait préférable ? Un système où une vingtaine d’organisations n’étant d’accord sur aucun projet cohérent s’entendraient entre elles pour garder le pouvoir le plus
      longtemps possible quitte à ne rien faire, comme ce fut le cas sous la IVème ?

      Regarde le PS : quand Martine Aubry (femme respectable par ailleurs) déclare « nous travaillons à notre programme », je pouffe.

      Et tu crois vraiment que quand Edgar Faure déclarait “travailler à un programme” sous la IVème c’était plus crédible ? Allons soyons sérieux…

  6. JMP dit :

    bonjour
    je vais faire court: j’ai découvert votre site par le biais du forum sur le blog de JL Melenchon ; j’ai lu tous vos articles depuis le début; je partage_ a mon niveau_ vos analyses et vos
    convictions; sur le blog de JLM, j’ai essayé de dire que vous aviez raison pour la méthode et la nécessaire crédibilité du programme du PG ( le débat sur l’expertise..) ma question: qu’est ce que
    je peut faire de plus pour vous aider? je suis convaincu que vous avez raison, et que si on ne vous écoute pas, l’expérience du PG ( et du Front de gauche ) échouera

    • Descartes dit :

      Merci de ces encouragements. Je crains que la seule réponse à votre question ne soit un peu déprimante. Dans la configuration actuelle, je vois mal comment on pourrait arrêter la dérive gauchiste
      du PG en particulier et du FdG en général. C’est malhereusement une maladie qui vient de très loin: de mai 1968, pour être précis. C’est là que commence le divorce entre la “gauche radicale” et
      les couches populaires.

      Pour remonter la pente, il faudra beaucoup de temps. Ce qui n’implique pas qu’on doive abandonner le combat. Au contraire: il faut continuer à réflechir, à analyser la réalité, a essayer de
      convaincre. Mais il faut être conscient que c’est un combat dont on ne verra au mieux le résultat que dans quelques années, voire quelques décennies. Et bien entendu, il faut toujours être
      disponible… car l’histoire a cette propriété de rendre quelquefois, à la merci d’une crise, posible ce qui paraissait impossible…

  7. “On se bat encore”: oui, pour l’honneur… Et d’ailleurs, cette remarque nuance quelque peu ton jugement sur la “déliquescence” de la III° République, car, si on se bat encore, c’est la preuve
    qu’il reste un peu d’autorité à l’Etat, non?
    Tout s’est joué à mon avis sur la question de Paris: si on avait choisi de défendre la capitale, d’obliger les Allemands à la conquérir rue par rue, les choses se seraient peut-être déroulées
    différemment. Mais avec des “si”… A partir du moment où Paris était tombée, la volonté de vaincre quitta peut-être définitivement les militaires et une partie des gouvernants.
    Je ne lis pas la suite de ta réponse, mais je pense que tu fais allusion à l’empire colonial qui obéit toujours au gouvernement. Si tel est le cas, il ne faut pas exagérer l’importance d’un empire
    certes vaste (et encore, avec beaucoup de sables…) mais sous-exploité et beaucoup moins peuplé que les Etats nés depuis l’indépendance.
    D’une manière générale, je comprends et respecte ton point de vue, mais je crois qu’à trop être dans le détail ou dans la terminologie officielle, tu perds de vue certains faits majeurs et surtout
    le contexte. Tu évites les raccourcis, mais tu sembles parfois oublier que les chutes des républiques s’inscrivent dans une trame générale et sont liées à d’autres événements. Tu négliges aussi le
    fait qu’un régime politique peut conserver son nom tout en étant vidé de sa substance, et donc en étant en réalité autre chose. Ainsi Auguste conserva officiellement la République romaine mais tous
    les historiens ne s’y trompent pas et parlent de principat.
    Ainsi, pour la Ière République, c’est bien des oppositions internes et des affrontements entre le Directoire et ses opposants (jacobins, monarchistes, ce qui donne lieu d’ailleurs à des coups
    d’Etat et des annulations d’élection) qui entraînent la dictature de facto de Napoléon (dictature au sens antique du terme dans un premier temps).
    De même lorsque tu écris que la II° République prend fin avec un référendum. D’une part, c’est un plébiscite, nuance (pas de bulletin secret contrairement au référendum moderne), d’autre part tu
    éludes le coup d’Etat du 2 décembre 1851 qui met de fait fin aux institutions de la II° sans l’abolir tout de suite.
    A te lire, j’ai l’impression que tu considères la fin de la III° République comme un événement presque indépendant de la défaite militaire (car on se bat encore, mais on est tout de même en déroute
    autant que je sache). Or les deux sont fondamentalement liées.

    • Descartes dit :

      “On se bat encore”: oui, pour l’honneur… Et d’ailleurs, cette remarque nuance quelque peu ton jugement sur la “déliquescence” de la III° République, car, si on se bat encore, c’est la
      preuve qu’il reste un peu d’autorité à l’Etat, non?

      Non. Cela revèle plus banalement que chez certains militaires il y avait encore une vision de l’honneur national qui ne permettait pas de tourner les talons et quitter le champ de bataille sans
      avoir fait le maximum.

      A te lire, j’ai l’impression que tu considères la fin de la III° République comme un événement presque indépendant de la défaite militaire (car on se bat encore, mais on est tout de même en
      déroute autant que je sache). Or les deux sont fondamentalement liées.

      Justement, je ne le crois pas. La défaite est une “cause contingente” de la chute de la IIIème, mais certainement pas la cause fondamentale. Je te fais remarquer que rien n’obligeait l’Assemblée
      à voter les pleins pouvoirs à Pétain. Elle aurait parfaitement pu investir un gouvernement (celui de Reynaud était démissionnaire) avec la mission de négocier un armistice avec l’Allemagne sans
      qu’il fut besoin pour cela de confier à un homme les pleisn pouvoirs, y compris les pouvoirs constituants. Pourquoi l’a-t-on fait, alors ? Parce que les élus ont bien senti que le peuple ne
      faisait plus confiance aux institutions, et qu’eux mêmes en étaient convaincus. Quant on relit les comptes rendus des séances de l’Assemblée à Bordeaux, on est frappé par
      l’unanimité sur la faillite du régime. Comment expliquer que des politiciens chevronnés, qui connaissaient par coeur les rouages des institutions, aient aussi vite perdu confiance en elles si
      elles avaient été aussi “vitales” que tu le penses ?

      Je persiste: les institutions de la IIIème, quelque fut leur pertinence en 1870, n’étaient plus adaptées à une démocratie de masse, urbanisée et éduquée, dans laquelle l’Etat joue un rôle
      économique fondamental. De là sa paralysie progressive. Il a suffit d’un coup de vent pour provoquer son effondrement, et ce coup de vent a été la guerre. La IVème a été une tentative de refaire
      les institutions de la IIIème dans une France encore plus masifiée, urbanisée et éduquée, avec un Etat encore plus présent dans l’économie. Elle n’a pas tenu 15 ans. La Vème a tenu parce qu’elle
      prenait justement en compte le fonctionnement d’une France moderne.

      C’est pourquoi réflechir à une VIème République qui ressemble à la IVème est à mon avis une erreur fondamentale. La VIème République doit être pensée en fonction des besoins institutionnels d’un
      état moderne. Et cela implique une organisation des pouvoirs qui permette à l’exécutif d’agir.

  8. Excuse-moi, je viens juste de prendre connaissance de ta réponse complète (un problème informatique sans doute).
    « Un système politique ne s’effondre jamais de lui-même ». Vraiment ? Pourtant à la veille de la guerre de 1870, tout indiquait que le II° Empire était solide. Un vote massif (et plus libre que les
    précédents, point important) avait prouvé quelques mois auparavant la popularité de l’empereur et une large adhésion à son régime. Une fois que les régimes s’effondrent, on a beau jeu de chercher
    des causes multiples, de déceler le moindre signe de faiblesse, et de tout réinterpréter parce qu’on connaît la suite. Méfions-nous de cette méthode. Demain, si la V° République était balayée par
    une défaite, tu trouverais des explications à cela ! Pourtant, aujourd’hui, beaucoup pensent que ce régime est stable. Je crois pour ma part que tout régime a des faiblesses. La question de savoir
    s’il survit à une crise ou non tient moins à ses institutions qu’à ce que les hommes en font. Les institutions de la III° République ont fonctionné de manière assez satisfaisante. Aucune révolution
    spectaculaire, sociologique ou politique, entre 1918 et 1939 ne peut expliquer qu’elles soient brutalement devenues inefficaces. C’est donc la faiblesse des hommes qu’il faut blâmer, et non les
    institutions. Ces dernières ont bon dos.
    L’état militaire d’un pays est directement et intimement lié à son état politique. On connaît peu d’Etat déliquescent et délabré qui conserve une armée efficace et discipliné. Et vu notre état
    militaire actuel, le délabrement de la V° République pourrait se discuter.
    « Le régime doit assumer les erreurs stratégiques » : c’est vrai. Mais je note que les militaires ont toujours adoré que les politiques assument (seuls si possible) les défaites. C’est d’ailleurs
    la grande idée défendue par Pétain en 1940, comme par Hindenburg et Ludendorff en 1918 : les militaires n’ont aucune responsabilité dans la défaite, c’est la faute des politiques… On ne peut pas
    faire grief à des députés de ne pas être experts en stratégie militaire.
    « Sans vouloir t’offenser » : tu ne m’offenses pas, et je tolère les critiques les plus acerbes lorsqu’elles sont argumentées. « Comme beaucoup de gens à gauche » : là, tu m’insultes ! Non, je
    plaisante. En général, pour les « gens de gauche », je suis un racisto-fascisto-xénophobe, un beauf de la France « moisie » (un nazi même m’a déclaré quelqu’un récemment). Je trouve amusant que tu
    écrives cela.
    Pour la V° République, je comprends ton point de vue, bien que je ne l’approuve pas entièrement.
    En tout cas, ces échanges ont été très stimulants et m’ont fait beaucoup réfléchir. D’une manière générale, je trouve tes articles bien tournés et bien argumentés. Je trouve que tu sais toujours
    défendre la « juste mesure » et le raisonnable. J’ai d’ailleurs beaucoup de points de convergence avec ce que tu écris. En m’excusant d’avoir encombré ton blog ces jours-ci, je te souhaite bonne
    continuation.

    • Descartes dit :

      Je te remercie de ton commentaire final, et je t’assure que tu n’encombres nullement mon blog. Au contraire: je l’ai créé justement pour rendre possibles les échanges comme ceux qu’on a eu sur ce
      sujet, et je te prie au contraire de continuer à faire part de tes commentaires !

  9. Martine dit :

    Certaines de vos critiques ne manquent pas de pertinences mais il semblerait qu’au delà de votre admiration pour la cinquième république vous oubliiez vous aussi de rappeler comment la 5°
    république est fille d’un coup d’État fomentée par la droite via l’armée française en 1958.

    “Opération Résurrection”
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3%A9ration_R%C3%A9surrection

    • Descartes dit :

      C’est ce que tout le monde repète, mais c’est inexact. La constitution de la Vème n’a pas été imposée par la force des armes, que je sache: elle résulte du référendum du 28 septembre 1958 et,
      pour l’élection du président de la République au suffrage universel, du référendum du 28 octobre 1962. Dans les deux cas, les “oui” ont été massifs (79% pour le premier, 62% pour le second), et
      personne à ma connaissance n’a accusé le régime d’avoir bourré les urnes ou empêché l’opposition de faire campagne.

      Le mythe de la Vème née d’un coup d’Etat et pratiquant le “coup d’Etat permanent” est en fait une invention d’une classe politique pour laquelle la IVème République, avec ses “combinazione” et sa
      corruption étaient une aubaine (Edgar Faure ou François Mitterrand étant peut être les exemples les plus achévés).

      Le plus drôle, c’est qu’on continue à contester à gauche la légitimité de la Vème alors que la gauche a changé du tout au tout sa vision du référendum. Dans les années 1960, on voyait le
      référendum comme un acte plebiscitaire, insusceptible de laver le peché originel du coup d’Etat (en fait, la menace de coup d’Etat, parce que le coup lui même ne s’est jamais matérialisé) qui
      avait amené De Gaulle au pouvoir. Aujourd’hui que la gauche revindique la démocratie directe et le référendum comme le moyen de décision démocratique par excellence… et du coup, difficile de
      contester la légitimité des institutions de la Vème !

      J’ajoute que les institutions de la Vème ont réussi un tour de force: cinquante ans après leur promulgation, elles sont toujours appréciées par l’immense majorité des français. Un record
      qu’aucune République n’a reussi avant elle…

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