Marine Le Pen: un jeu ou tout le monde gagne…

Une constante de la politique française dans les temps récents est l’importance prise par la “petite phrase”. Foin de longues discussions sur les projets des uns et des autres, plus de batailles de chiffres ou de diagnostics. Non: ce qui fait la une de nos gazettes (surtout sur la toile et sur les médias parlés) est que M. X a traité M. Y de “salaud” ou “d’ordure”, que Mme Z a comparé M. T à un officier SS et ainsi de suite. Et de très sérieux journalistes d’interroger le présumé coupable avec un air de vierge surprise: “ne trouvez-vous pas que cela fait baisser le niveau du débat politique” pendant que d’éminents commentateurs dénoncent la “dérive populiste”.

 

Jean-Marie Le Pen a construit sa carrière politique – du moins la dernière partie de celle-ci – sur cette dérive vers le non-débat. Sachant avec un rare talent jusqu’où il pouvait aller trop loin, il nous a habitué à des dérapages contrôlés pour faire hurler la basse-cour médiatique bienpensante et l’ensemble de la gauche. En fait, cela arrangeait tout le monde: Le Pen faisait passer son message auprès de son électorat – et notamment son électorat populaire – fort peu sensible aux gesticulations made in Nouvelobs, et la gauche avait un épouvantail bien commode pour galvaniser ses troupes et se donner l’illusion d’avoir un but dans la vie.

 

Marine Le Pen vient d’essayer le même coup. Et pour un coup d’essai, c’est un coup de maître. Avec un commentaire somme toute assez anodin – et surtout très prévisible – elle a réussi à imposer son sujet à l’ensemble de la classe politico-médiatique. Pas un seul parti politique, pas une seule association qui ne se soit pas cru obligée de prendre position, de publier une déclaration ou de porter plainte. Comme si la sortie de Marine Le Pen nous apprenait quelque chose de foncièrement nouveau. Comme si elle marquait un changement de position de son auteur ou de son organisation. Franchement, est-ce qu’il est raisonnable de remuer ciel et terre chaque fois qu’un politicien repète pour la n-ième fois quelque chose qu’il a toujours dit et que tout le monde sait ? 

 

D’autant plus que le commentaire Lepenien est somme toute assez banal: “Maintenant, il y a dix ou quinze endroits où de manière régulière un certain nombre de personnes viennent pour accaparer les territoires. C’est une occupation de pans du territoire, des quartiers dans lesquels la loi religieuse s’applique, c’est une occupation. Certes y’a pas de blindés, y’a pas de soldats, mais c’est une occupation tout de même“. En lisant ce texte, il est difficile de comprendre la logique d’un certain nombre de réactions.

 

Il y a d’abord les plaintes. Ce texte a provoqué plusieurs annonces indignées d’actions en justice. Celle de la LDH pour “provocation à la discrimination, à la haine et à la violence”. Celle du MRAP pour “incitation à la haine raciale”. Celle du CCIF (1), dont le motif n’est pas explicité. Le problème est que pour obtenir une condamnation en justice il ne suffit pas qu’une déclaration suscite l’indignation des plaignants. Il faut aussi qu’elle soit contraire à la loi. Pour voir dans la déclaration de Marine Le Pen une “incitation à la discrimination, à la haine et à la violence” il faudrait interpréter la loi d’une manière si extensive qu’on pourrait à juste titre se demander ce qui resterait de la liberté d’expression. Après tout, on a entendu chez Besancenot ou Mélenchon des commentaires sur la, “les banquiers qui mettent le pays en coupe réglée” qui sont nettement plus violents et haineux. Lorsque ce dernier écrit par exemple dans son livre que “[des millions de gens] iront prendre aux cheveux les importants parce qu’ils sont excédés de les voir piller (…)“, l’incitation à la violence semble bien plus explicite que dans le commentaire de Marine Le Pen. La LDH, le MRAP et autres organisations si rapides à dégainer la plainte devraient réfléchir plus sérieusement: un commentaire peut être répugnant sans être pour autant illégal. En déposant plainte à tort et à travers avec la noble intention de restreindre la liberté d’expression de nos adversaires nous établissons les précédents qui demain pourraient permettre de limiter la notre.

 

Il y a aussi la figure imposée de la “reductio ad hitlerum”. Si l’on relit le texte avec attention, on remarquera qu’il ne contient aucune référence explicite à l’occupation nazie (2). Si Marine Le Pen parle bien “d’occupation”, elle en parle d’une manière générique (“c’est une occupation”) et sans référence à une “occupation” précise. On pourrait au même titre associer son commentaire à l’occupation américaine de l’Irak ou l’occupation israélienne de la cisjordanie. Pourquoi alors toutes les réactions font le lien ? Sans compter les politiciens qui se lancent sur des affirmations du genre “Marine Le Pen est l’héritière du nazisme français”, commentaire qui n’a en fait ni queue ni tête.

 

En fait, nous assistons à une pièce de théâtre bien réglée, dont la chorégraphie reste la même depuis presque trente ans. Et qui continuera aussi longtemps qu’elle arrange tout le monde. Le Front National y gagne pour sa propagande, puisque la résonance de ces dérapages contrôlés lui permet de parler et de faire parler de ses idées, et de les imposer dans l’agenda politique. Il n’y perd pas grande chose, puisque son électorat est insensible aux rodomontades des “bienpensants”. La gauche, elle, y gagne parce que les excès verbaux du FN lui donnent un point de fixation idéologique qui lui permet de déguiser le vide sidéral de sa réflexion politique. On aura beau s’étriper à gauche sur le nucléaire, le système électoral, la participation ou non aux exécutifs, les questions d’égos… mais on sera toujours unis pour condamner la “bête immonde”. Mitterrand l’avait bien compris, lorsqu’il fit de l’abomination de Le Pen – sous le couvert du “touche pas à mon pote” – le ciment idéologique de sa réélection en 1988, précisément au moment où la gauche avait abandonné toute prétention à “changer la vie”. Et finalement, les classes moyennes y gagnent parce qu’elles se donnent bonne conscience à un prix fort abordable. Avoir des “nazis de papier” à disposition, c’est pouvoir être “résistant” sans le risque de se faire fusiller. Le rêve, quoi.

 

Avec autant de gens ayant intérêt à ce que le spectacle continue, on voit mal pourquoi il devrait s’arrêter. Et pourtant, ce spectacle recèle un danger qu’il ne faut pas négliger. Depuis des années la gauche a préféré d’aborder au fonds les questions délicates, c’est à dire, celles qui peuvent diviser ses militants et mettre en opposition frontale son électorat des classes moyennes et celui des couches populaires. Ainsi, sur des sujets tels que la sécurité, l’immigration, la politique industrielle, la défense, la Nation, la laïcité et bien d’autres on évite d’ouvrir le débat sur le fond pour se contenter de réaffirmer des principes généraux quand ce ne sont pas des vagues “valeurs”. C’est le refus d’aborder ces sujets et la concentration sur les questions “sociétales” qui ont éloigné de la gauche les couches populaires, et donné à ces dernières un sentiment d’abandon. Comment les habitants des quartiers pourraient se reconnaître dans des organisations qui pensent avoir fait un grand pas en avant parce qu’ils ont ajouté des “-e-s” dans leurs statuts ?

 

Marine Le Pen – comme son père autrefois – joue habilement de ce sentiment. Elle parle des problèmes que les autres n’osent pas aborder, ceux-là même qui intéressent l’électorat populaire. Pour cet électorat, elle apparaît ainsi comme la candidate antisystème, puisque c’est celle qui parle de ce que les autres craignent d’évoquer, et qu’en plus cela lui vaut la réprobation des élites, ces mêmes élites qui les ont abandonné depuis un quart de siècle à leur triste sort .

 

La nature a horreur du vide, et cela est aussi vrai en politique. Aussi longtemps que la gauche ne se donnera pas les moyens d’occuper le terrain populaire en s’occupant des problèmes tels que les couches populaires les ressentent – et non pas comme les classes moyennes pensent qu’elles devraient les ressentir – Marine Le Pen continuera à cartonner.

 

PS: Je sais bien que ce commentaire va me valoir des volées de bois vert, tant il est interdit à gauche d’avoir aux propos du Front National une réaction autre que la condamnation. Je persiste à croire qu’on ne change pas ce qu’on ne comprend pas. Et pour comprendre, il faut regarder les choses comme elles sont, et non pas à travers les lunettes de couleur, quelqu’elle soit.

 

 

Descartes

 

 

(1) Collectif Contre l’Islamophobie en France

 

(2) Même si Marine Le Pen fait, dans la suite, une référence “à ceux qui aiment parler de la Seconde Guerre mondiale”.

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14 réponses à Marine Le Pen: un jeu ou tout le monde gagne…

  1. JMP dit :

    Bonjour
    Vous écrivez « Ainsi, sur des sujets tels que la sécurité, l’immigration, la politique industrielle, la défense, la Nation, la laïcité et bien d’autres on évite d’ouvrir le débat sur le fond pour
    se contenter de réaffirmer des principes généraux quand ce ne sont pas des vagues “valeurs”.
    J’ajouterai a ses sujets la lutte contre le néolibéralisme, tout simplement ; car s’occuper réellement des problèmes de l’électorat populaire signifie se battre résolument pour dégager les moyens
    de les régler ; en d’autre termes , prendre le fric la ou il est , contester la logique de l’Europe telle qu’elle a été construite_ et verrouillée_ ; etc. , vous connaissez mieux que moi . Bien
    évidement, si on a pas du tout l’intention de mener ce combat, mais au contraire de se rallier à l’idéologie dominante , pas question « d’ouvrir le débat »
    J’ai été ouvrier, agent de maîtrise , responsable de formation: j’ai vu des sympathisants communistes, habitant les citées, passer au vote front national ; je me souvient des réactions, lors de
    débats avec des gens de gauche habitants des beaux quartiers , lorsque j’évoquais cette réalité en les exhortant a analyser les raisons profondes de ce qui me consternait ; en particulier de cette
    « explication » assénée avec commisération à mon égard : des gens qui avaient jusque là voté communiste ne pouvaient être , bien sûr, que de dangereux totalitaires ¨. Il n’était donc pas étonnant
    qu’ils passent si facilement du rouge au brun. Fin du débat..
    A la même époque, mon épouse était prof d’histoire-géo sur la ZUP d’Argenteuil (22 ans au front) Elle et moi avons assisté avec effarement a la mise en œuvre d’un pédagogisme dont les fondements
    tenaient manifestement plus aux fumées du pétard qu’à l’expérience de terrain ; avec les résultats que l’on sait ; et nous avons vu dans le même temps les promoteurs de ces expérimentations mettre
    leurs rejetons bien au chaud , dans des établissements (publics ou privés) ou régnaient les bonnes vielles méthodes soit disant « aliénantes » : celles qui permettent de s’en sortir

    C’est la même hypocrisie que pour le débat sur l’intégration

    C’était il y a 25 ans

  2. argeles39 dit :

    Un républicain ne peut accepter qu’une religion, quel qu’elle soit, impose une norme de civilisation.
    Pour un républicain, la laïcité doit être intangible, elle n’est pas négociable.
    L’histoire nous enseigne que lorsque la religion n’est pas cantonnée à la sphère privée, c’est très souvent « une boucherie » qui en résulte.
    Je n’ai aucun grief contre les religions, je respecte l’islam comme ses deux « cousines » abrahamiques (judaïsme et christianisme) ou toute autre religion. Je n’ai aucun grief même si ma famille a
    payé un lourd tribut au fascisme et à l’église catholique (tu vas penser que j’exagère, mais en Espagne, dans les années 36 – 39, l’église était fortement imbriquée dans la rébellion fasciste. La
    rébellion franquiste a été une croisade contre l’antéchrist et le bolchévisme).
    Si je respecte l’islam, je ne peux accepter l’islamisme, islam politique qui prétend imposer la charia comme mode de civilisation. Les prières de rue me semblent relever de l’islamisme, occuper
    l’espace public pour une pratique religieuse ne peut être qu’une démarche militante, c’est pourquoi la république doit au plus tôt y mettre le holà sans plus tarder. Le FdG doit avoir un discours
    clair et sans ambigüités sur ce thème, sans quoi, je partage ton avis, c’est le pen qui va tirer les marrons du feu.
    Mais ce n’est pas facile, imagine que Mélenchon clame haut et fort que, s’il est élu, il interdira les prières de rue et que la république réinvestira les espaces désertés au profit de la caillera.
    Tu imagines le panorama et le déchainement médiatique de ceux qui n’hésitent déjà pas à l’assimiler à Le pen. Donc ce n’est pas simple, il faudra beaucoup de talent et de doigté.
    Par ailleurs je crois que la montée du communautarisme a beaucoup à voir avec le fait que notre modèle d’intégration est en panne, faute de plein emploi pour tous. Le FdG doit aussi proposer des
    solutions dans ce domaine.

  3. Darthé-Payan dit :

    Merci à toi pour ce point de vue qui nous change du politiquement correct et de la pensée dominante.

    Si la gauche politique en général et la gauche “radicale” en particulier ne traite pas des questions qui sont régulièrement soulevées par nos concitoyens et bien ce sera l’échec à coup sûr. Traiter
    les questions des anciens bassins industriels et miniers, recréer une vie économique et sociale grâce à un projet industriel de reconquête et de reconstruction (un peu comme celui qui fût mis
    réalisé à la Liberation ) qui crée des emplois, de l’activité, de la production, de l’espèrance et de la fierté de participer à la renaissance économique du pays. Les questions de sécurité, je les
    appelle de sûreté publique doivent être traitées et vu sous l’oeil républicain, c’est à dire le respect de la loi et de l’intérêt général, le respect des personnes et des biens. Partout doit
    reculer la délinquance, l’incivilité, la criminalité. C’est la continuité territoriale par la loi. La république doit être présente partout et pour tous. Les questions de l’assimilation doivent
    être remis au centre du projet politique, Fair en sorte ce qui ressemble, rassemble soit plus fort que ce qui déférencie. La république c’est l’assimilation et pas l’intégration qui elle se base
    sur le communautarime, le différentialisme. Souvent le droit à la différence se transforme en la différence de droits.

    Merci pour ce point de vue au demeurant fort républicain.

    Je parle un peu de cela dans mon dernier billet :

    http://darthe-payan-lejacobin.over-blog.com/article-double-claque-electorale-pour-la-gauche-et-le-front-de-gauche-l-avertissement-est-clair-a-quand-un-sursaut-republicain-de-la-gauche-et-notamment-du-pcf-et-du-pg-62936726.html

    Bien à toi.

    • Descartes dit :

      Je suis globalement d’accord avec toi, mais je retiens le point qui me parait le plus important: il faut arrêter avec la comédie de “l’intégration” qui ne fait qu’ouvrir les portes à tous les
      communitarismes. Il nous faut remettre à l’ordre du jour l’assimilation, ce projet incroyablement généreux qui a permis à d’innombrables immigrants de devenir, souvent en une
      génération, “des français comme les autres”.

  4. Darthé-Payan dit :

    @ Descartes

    Tout à fait. l’assimilation est un beau projet républicain et en plus c’est un projet humaniste et d’avenir. C’est comme cela que la république a pu “cimenter” des gens venant de pays différents.
    L’assimilation républicaine est émancipatrice. Mes parents et grands parents en sont le parfait exemple. Ce sont des assimilés et très fiers d’être français et affirment haut et fort qu’ils doivent
    beaucoup à la République qui assimile pour faire des futurs citoyens.

    Et puis parler d’assimilation éviterait de découper la France en communautés, en religion, en groupe ethnique, en genre ou pratique sexuelle, etc… chose pratiquée par la gauche ou la droite
    intégrationniste.La république une et indivisible, beaucoup à droite comme à gauche semble l’oublier.

    Bien à toi.
    D-P.

  5. marc malesherbes dit :

    erreur … à corriger

    vous écrivez
    “Si l’on relit le texte avec attention, on remarquera qu’il ne contient aucune référence explicite à l’occupation nazie.”

    Or, de fait, cela est” faux”. (1)
    Personnellement je ne suis pas pour faire des citations tronquées d’un adversaire politique pour lui faire dire ce qu’il n’a pas voulu dire.

    Vous êtes peut-être de bonne foi, mais cela n’empêche pas que c’est faux.

    (1) voici un extrait plus complet de ce qu’elle a déclaré:
    « Il y a quinze ans on a eu le voile, il y avait de plus en plus de voiles. Puis il y a eu la burqa, il y a eu de
    plus en plus de burqa. Et puis il y a eu des prières sur la voie publique (…) maintenant il y a dix ou quinze endroits où de manière régulière un certain nombre de
    personnes viennent pour accaparer les territoires. (…) Je suis désolée, mais pour ceux qui aiment beaucoup parler de la Seconde guerre mondiale, s’il s’agit de parler
    d’occupation, on pourrait en parler, pour le coup, parce que ça c’est une occupation du territoire » Avant d’ajouter : « Certes y’a pas de blindés, y’a pas de soldats, mais c’est une occupation
    tout de même et elle pèse sur les habitants. »

    • Descartes dit :

      Je persiste et signe. Je n’ai pas écrit qu’il n’y eut pas de référence à la Seconde Guerre Mondiale. J’ai dit qu’il n’y avait pas de référence explicite à l’Occupation impliquant
      une assimilation à celle-ci. Et votre texte le confirme: MLP dit “on peut parler d’une occupation”, assimilable finalement à n’importe quelle “occupation”, à celles de la seconde
      guerre mondiale, mais pas seulement.

      Je reconnais que j’aurais du être plus explicite dans mon commentaire, mais je pense que votre commentaire comble cette lacune. J’ai mis tout de même un commentaire sur mon article.

  6. julien dit :

    Ce que fait Marine est très très connu en langage Internet. Ca s’appelle un troll.

    Certains gens de droite (genre Lefevre, Ciotti etc) sont très forts à ce jeu-là.

    Car, c’est connu, la seule manière de gagner, c’est de not feeder le troll. Et dans un environnement politique moderne basé sur la communication, c’est super compliqué.

    • Descartes dit :

      Je crois que votre assimilation est abusive. J’ai esayé de l’expliquer dans mon papier: si tout le monde réagit aux propos de MLP, ce n’est pas par le même mécanisme qui fait qu’on réagit au
      “troll”. Les gens réagissent au “troll” parce que celui-ci les hérisse. Les politiques réagissent aux commentaires de MLP parce qu’ils y ont un intérêt. Et ils continueront à “feeder le troll”
      aussi longtemps qu’il y aura quelque chose à gagner…

  7. Marcailloux dit :

    Dans le blog de JLM, il y a quelques jours je me suis permis de vous interpeller en reprenant une partie de l’un de vos commentaires ( qu’au demeurant j’apprécie en général beaucoup ) . Sans
    réponse de votre part, et un peu déçu j’ai découvert votre blog un peu après, c’est pourquoi j’insiste et y reviens donc :
    Descartes dit :
    …….Ou bien on est entourés d’imbéciles qui ne comprennent pas à quel point nous avons raison, ou bien quelque chose cloche dans nos explications, notre message, notre façon de faire qui empêche nos
    idées de passer. Moi, je pencherais pour la deuxième hypothèse……….
    Cette « interpellation » était dans le blog de JLM :
    J’en conviendrais volontiers à condition toutefois de remplacer imbéciles par indifférents et nous avons raison par nous avons de bonnes raisons ce qui vous fera l’économie de l’alternative que
    vous évoquez.
    Traduit en clair, combien avez vous de citoyens qui se donnent la peine d’examiner ne serait ce qu’une heure par semaine les tenants et aboutissants des politiques dont ils sont pourtant plus ou
    moins les acteurs? Mon nez me suggère un chiffre d’à peine 10%. Ils se répartissent bien sur dans tout l’éventail politique.
    L’infime minorité qui fréquente les blogs politiques représente des citoyens déjà convaincus ou presque.
    Pour attirer l’attention,éveiller l’intérêt,démontrer le bien fondé de nos «raisons», il faut employer les méthôdes de marketing que nos adversaires emploient, et toucher aux « tripes»
    1-Quelques messages simples répétés, répétés, répétés qui lentement s’incrustent dans les esprits.
    2-Une série d’argumentaires étayés sur 10 ou 12 sujets qui touchent les plus ou moins indécis ( 1 Français sur 2 ) pouvant être facilement relayer par le plus grand nombre des sympatisants en
    excluant tout langage et argument d’experts (sinon ça devient très vite contre productif.)
    3-L’ensemble des dossiers techniques necéssitant ceux là une véritable compétence dans le débat politique à haut niveau si cela est nécessaire (toujours au risque de noyer le badaud).
    L’ensemble de la gauche intellectualise trop ouvertement et donc brouille le message.
    N’oublions pas l’adage : dans le doute abstient toi

    J’ajoute aujourd’hui un post sriptum :
    Quelle est la réalité ? Comment pouvons nous espérer l’approcher étant donné que nos choix plus ou moins inconscients déterminent les sources d’information auquelles nous accèdons ce qui en général
    renforce nos convictions. Contentons nous de nos vérités, à ne surtout pas confondre avec LA VERITE, qui à mon sens représenterait la réalité. Pour mes rêves je m’en remets à Mozart et consors…
    Que souhaitons nous ? Avoir raison ou se voir reconnu comme expert compétent sur de nombreuses questions du domaine de la politique, ou bien voir nos idées passer le cap du concept à l’action,
    celle çi ne pouvant se réaliser qu’après un vote démocratique. ?
    Sans être béatement marxiste, je considère que seule la praxis se justifie dans le débat politique et que le débat ne doit porter que sur le fonds et le moins possible (l’homme parfait n’existe
    pas), sur les arcanes de l’accession au pouvoir. Se contenter et se maintenir dans un discours clair et fort me parait la seule voie de la réussite.
    Les quelques suggestions présentées un peu simplement, il est vrai, dans mon commentaire, sont pratiquées dans le monde de l’entreprise et je crains que la gauche en général ne soit pas très
    sensible à cette approche qui pourtant, que l’on aime ou non, a fait ses preuves.
    Ce qui me préoccupe, et là je vous rejoint entièrement, c’est la masse ( je n’aime pas ce terme) des 15 millions d’abstentionnistes auxquels on pourrait ajouter 5 ou 6 millions qui votent, par
    esprit grégaire, sans conviction réelle, parce que c’est la mode. Quoi et comment le dire, comment élargir l’audience ?
    Je ne sais ce qui peut concourrir efficacement à l’avènement de la politique que nous estimons juste et équitable,
    si le débat des idées doit prévaloir sur le combat des égos et chapelles auquel on assiste même sur des blogs intéressants comme celui de JLM.
    Actif, individuellement, dans ces débats depuis peu et faisant depuis longtemps la promotion du vote blanc , adepte donc d’une certaine façon du « Qu’ils s’en aillent tous », je cherche à être
    utile.
    Je crains devoir me résigner de nouveau au vote blanc.

    • Descartes dit :

      Je m’excuse de ne pas vous avoir répondu sur le blog de Jean-Luc. Mais il m’a été demandé de restreindre à un nombre raisonnable mes interventions sur ce blog, et j’applique la consigne. Je suis
      donc obligé de faire un choix dans les commentaires auxquels je réponds. Mais ici je suis le patron, alors je peux me permettre de dialoguer avec mes lecteurs sans entraves… n’hésitez donc pas
      à intervenir!

      Vous suggériez de remplacer “imbéciles” par “indifférents” dans mon commentaire. Mais ce n’est pas tout à fait le sens que je voulais lui donner. Car si les gens sont intelligents et
      indifférents, ils le sont certainement pour une raison intelligente. Et on revient au sens de mon commentaire: il faut alors essayer de comprendre le pourquoi de cette indifférence, et c’est à
      nous d’adapter notre discours à l’attitude des gens, et pas l’inverse. La seule hypothèse ou l’on peut se permettre de continuer avec notre discours et de ne pas le remettre en question, c’est en
      supposant que les gens sont des imbéciles.

      Je pense que vous sous-estimez la connaissance que les citoyens ont de ce qui se passe autour d’eux. Ils ne prennent peut être pas le temps d’analyser eux mêmes les tenants et les aboutissants
      des politiques (et d’ailleurs ils n’ont pas les moyens), mais ils sont les héritiers d’une expérience historique. Et cette expérience leur dit que ce n’est pas la peine de croire au père Noël.
      Que les “experts” ont quelquefois tort mais souvent raison. Ils sont capables d’anticiper quelles seront les politiques qui seraient mis en oeuvre par chaque candidat, et en général ils ne se
      sont pas beaucoup trompés. L’expérience du “non” au TCE montre que les citoyens ne sont pas si influençables qu’on le croit souvent…

      Vous dites ensuite: “Pour attirer l’attention,éveiller l’intérêt,démontrer le bien fondé de nos «raisons», il faut employer les méthôdes de marketing que nos adversaires emploient, et toucher
      aux « tripes»”. Admettons. La première règle du “marketing”, c’est d’adapter la campagne au produit qu’on veut vendre. Mais en quoi consiste exactement ce produit ? Pour moi, c’est là que se
      trouve le problème: la “gauche radicale” n’a pas de “produit à vendre. Tout au plus quelques vagues idées sur ce que ce “produit” est censé avoir comme effet: “faire le bonheur des gens”. C’est
      un peu court pour monter une campagne de marketing.

      Prenons par exemple le débat sur la VIème République. Que propose-t-on ? Comemnt marcheront effectivement les institutions que l’on projette ? Mystère. Tout ce qu’on sait, c’est qu’on mettra à
      bas ce qui existe et qu’on élira une “constituante”. Et on verra ce que la “constituante” nous fabriquera. Difficile à partir de là d’imaginer un “marketing” efficace.

      S l’on avait un “produit”, alors ton idée serait excellente: des messages répétés, touchant un nombre limité d’éléments jugés prioritaires dans un langage simple, et une réserve d’expertise pour
      pouvoir “planter” nos adversaires si nécessaire. Mais encore une fois, je ne vois pas le produit qu’on veut vendre. Or, il s’agit de convaincre le “client potentiel” que derrière la campagne il y
      a un produit qui non seulement est réel, mais qui peut résoudre ses problèmes.

      Tu poses ensuite la question suivante: “Que souhaitons nous ? Avoir raison ou se voir reconnu comme expert compétent sur de nombreuses questions du domaine de la politique, ou bien voir nos
      idées passer le cap du concept à l’action, celle çi ne pouvant se réaliser qu’après un vote démocratique ?”. La question est mal posée, parce que les différentes options ne s’excluent pas,
      elles se recouvrent. Quel est l’intérêt de “voir nos idées se réaliser” si elles ne sont pas bonnes ? Et comment pourraient elles être bonnes si nous n’avons pas jusqu’à un certain point “raison”
      ?

      Derrière ta question se cache un principe à mon avis désastreux, celui du primat de l’action. Un principe que les gauchistes français ont hérité d’une mauvaise lecture de l’histoire de la
      révolution cubaine. C’est l’idée que l’action à elle seule produit les “bonnes” politiques (“c’est la vie qui tranche”, comme disait le père UbHue), et qu’il est inutile (et même nuisible) de
      réflechir “intellectuellement” aux projets et aux politiques à suivre. Che Guevara a été le porte drapeau le plus signalé de cette idée: il est allé en Bolivie dans une campagne mal conçue, mal
      étudiée, mal préparée, sur la seule hypothèse que la volonté dans l’action pouvait suppléer toutes les carences. On a vu le résultat.

      Tu parles ensuite d’une “masse des 15 millions d’abstentionnistes”. Je ne vois pas très bien d’où tu sorts ces chiffres. Aux dernières élections présidentielles, l’abstention a été de 16%, ce qui
      ne réprésente guère plus de 5 millions. Pour gagner cette audience, il faut appliquer – pour reprendre ton commentaire – les bonnes recettes du marketing: d’abord concevoir un produit adapté à la
      “cible” (c’est à dire, susceptible de résoudre ses problèmes: exit le “sociétal” et retour à des questions comme la sécurité, l’emploi, l’économie), et ensuite concevoir un message adapté.

      Vous dites ensuite: “(…) si le débat des idées doit prévaloir sur le combat des égos et chapelles auquel on assiste même sur des blogs intéressants comme celui de JLM”.
      Personnellement, je pense toujours qu’on construit à partir des choses comme elles sont. Les égos sont là, les “chapelles” (en fait, les groupes d’intérêt) aussi. On ne les abolira simplement en
      répétant qu’il ne faut pas. Il faut donc organiser un mode de fonctionnement qui tienne compte de ces faits.

      Et finalement vous concluez: “Actif, individuellement, dans ces débats depuis peu et faisant depuis longtemps la promotion du vote blanc , adepte donc d’une certaine façon du « Qu’ils s’en
      aillent tous », je cherche à être utile. Je crains devoir me résigner de nouveau au vote blanc”. Je ne voudrais pas vous offenser, mais je trouve le “qu’ils s’en aillent tous” parfaitement
      infantile. On croirait entendre Peter Pan, l’enfant qui ne voulait pas grandir. Ca veut dire quoi “qu’ils s’en aillent tous” ? Tous les politiciens ? Tous les experts ? Tous ceux qui gagnent plus
      de telle ou telle somme ? Prenons par exemple: un ancien sénateur (sous Mitterrand), ancien ministre (sous Jospin), aujourd’hui député européen… lui aussi il faut qu’il s’en aille ?

      Faut arrêter ces puérilités: l’idée qu’on pourrait faire “table rase” et éliminer les élites est le rêve idiot de tous les gauchistes. Si l’on veut rendre notre projet crédible, il faut en finir
      avec ce genre de rodomontades.

  8. marc malesherbes dit :

    ne pas négliger le changement .. au Front National et à l’UMP

    vous écrivez:
    “Comme si elle [M le Pen] marquait un changement de position de son auteur ou de son organisation”

    d’une manière générale votre billet suggère qu’il n’y a rien de nouveau entre la ligne politique de M le Pen et celle de son père.

    En ce qui me concerne, je ne le ressens pas comme cela, et je ne suis pas le seul.
    Il n’y a pas longtemps L Ferry déclarait qu’il préférait M le Pen à O Besancenot. On n’imagine pas une déclaration équivalente il y a quelques années.
    Récemment dans les Guignols (Canal +) qui, à ma connaissance, est une émission “grand public”, j’ai vu plusieurs fois M le Pen brocardée, disant qu’elle ne disait pas autre chose que ce que faisait
    l’UMP. Certes, c’est une émission de divertissement, approximative. Mais, à nouveau, je n’imagine pas une telle “vanne” il y a quelques années.

    Sur le fond, je crois que M le Pen a abandonné l’anti-sémitisme, et le racisme “dur” anti-arabe. Si c’est vrai, son programme devient très proche d’un N Dupont Aignan, de certaines tendances de
    l’UMP. Cela va-t-il profiter au FN ? ou à l’UMP ? je n’en sais rien.

    nb: on ne peut réduire les orientations d’un parti à celles qu’il a eu dans le passé. Si le passé est un indicateur de “méfiance/confiance”, il ne faut pas négliger les évolutions (par exemple
    l’UMP de N Sarkozy, n’est pas celle de J Chirac, même si, vu de loin, c’est pareil)

    • Descartes dit :

      d’une manière générale votre billet suggère qu’il n’y a rien de nouveau entre la ligne politique de M le Pen et celle de son père.

      Absolument pas. Ce que mon billet “suggère”, c’est que le discours tenu par Marine Le Pen aujourd’hui ne contient aucune surprise, et qu’il n’y a pas de différence notable avec celui qu’elle
      tient depuis plus d’un an maintenant. Et qu’il faut donc se demander pourquoi certains réagissent à chaque fois comme si les commentaires de MLP marquaient une rupture.

      Il y a, bien entendu, une évolution du discours du FN, essentiellement sous l’effet d’un renouveau générationnel. Avec la disparition des derniers témoins de Vichy, les nostalgiques du pétainisme
      se sont en grande partie effacés. A mesure que la guerre d’Algérie s’éloigne dans le temps, ceux qui se sont formés à l’OAS ou dans les organisations de rapatriés ont aussi perdu du poids. Les
      cathos intégristes eux non plus ne sont que l’ombre de ce qu’ils étaient… En bref, ce sont les franges au discours le plus extrémiste qui disparaissent peu à peu, et du coup le FN se recentre
      sur une vision “conservatrice”, face au pôle “libéral” dominant à l’UMP, qui est proche de la gauche sur les questions “sociétales” et qui réaffirme en permanence une vocation réformiste.

      Cette évolution rend le FN bien plus acceptable par des intellectuels comme Ferry ou Finkielkraut, qui restent attachés à un certain conservatisme social. Il le rend aussi beaucoup plus attractif
      pour un électorat populaire, qui lui aussi tend à être conservateur.

      Mais cette évolution est en cours depuis plus de dix ans. Elle n’a pas commencé avec le dernier discours de MLP.

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