« La civilisation, c’est la connaissance, la croyance, l’art, la loi, la coutume, et toutes les autres aptitudes ou habitudes acquises par l’homme en tant que membre de la société. » (E. Tyler, 1871)
Claude Guéant est un homme intelligent. Tout ceux qui le connaissent vous le diront. Après une longue carrière de préfet, il a été directeur général de la police nationale, directeur du cabinet du ministre de l’intérieur, secrétaire général de la présidence de la République et il est aujourd’hui ministre de l’intérieur. Autant dire qu’il a l’habitude de la chose publique et que ses prises de parole sont soigneusement pensées, pesées, contrôlées. Rien ou presque n’est laissé au hasard.
Claude Guéant est un homme intelligent, et son « dérapage contrôlé » de ce week-end devant le congrès de l’UNI (1) le montre. Il montre aussi une connaissance approfondie de la gauche, de ses tabous et de ses contradictions. Avec sa sortie sur l’inégalité des civilisations, il joue très habilement sur un point faible de la gauche, l’obligeant à s’engager sur un terrain glissant. Et les effets ont été immédiats : la gauche a enfourché les chevaux de l’indignation de commande et de la scandalisation, deux recours qui marchent de moins en moins bien. Reste que la question de fond n’est pas abordée: si la gauche bienpensante cloue au pilori celui qui dit que “toutes les civilisations ne se valent pas”, faut il conclure que pour elle “toutes les civilisations se valent” ?
La question soulevée par Claude Guéant est pourtant loin d’être une question tranchée, et mériterait qu’on s’y penche d’un peu plus près. Il y a d’abord un problème de terminologie. Que recouvre exactement le terme “civilisation”, terme dont tout le monde use et abuse sanc compter ? Au départ, “civilisation” est le nom que les Lumières donnent au processus qui conduit les individus d’une collectivité donnée de l’état de barbare à celui de citoyen. Aujourd’hui, le sens du terme a changé, et désigne plutôt un ensemble de “normes de comportement” liés à une collectivité et établies au cours de son histoire. On voit qu’on n’est pas très loin finalement de la notion de “culture”. En fait, le ministre de l’intérieur semble utiliser le terme « civilisation » à la place de celui de « culture », mais ce n’est pas là l’essentiel.
La question qui apparaît en creux dans la remarque du ministre est le fait que la gauche à choisi de considérer les cultures comme incommensurables. En d’autres termes, il est interdit sous peine d’excommunication – et d’exil au pays de Le Pen – d’insinuer qu’il serait possible de comparer deux civilisations, deux cultures, et d’en établir une hiérarchie. Admettre qu’on puisse comparer les cultures, c’est admettre implicitement qu’on puisse les hiérarchiser. Et c’est bien là que se trouve le problème. L’un des articles de foi de la réligion post-moderne que la gauche française a embrassée passionnément depuis plrès de trente ans est l’interdiction de toute hiérarchisation, que ce soit entre les individus, les cultures ou les institutions. Le but étant que chacun soit « fier » de ce qu’il est, il faut tout valoriser au même niveau. C’est pour cela que cette gauche rejette l’idée d’évaluation ou de sélection dans le travail ou l’éducation.
On voit d’ailleurs les ravages de cette idéologie quotidiennement : le Rap est élevé au rang d’expression artistique au même niveau que Mozart. Ce qui revient à ignorer qu’entre Doc Gynéco et Wolfgang Amadeus il y a, au delà des goûts de chacun, une différence objective en termes de complexité de l’instrumentation, de l’harmonie, de l’ornementation. Les « médecines traditionnelles » de certains peuples sont placées à égalité (2) par rapport à la médecine scientifique, en dépit de l’évidence non seulement en termes de fondements scientifiques et techniques, mais surtout quant aux résultats objectifs obtenus par les unes et par les autres. Le fait est qu’aucune civilisation réposant sur la “médecine traditionnelle” n’a réussi à atteindre une espérance de vie supérieure à 70 ans.
Avec sa sortie, Guéant pointe du doigt cette gauche relativiste pour laquelle « tout se vaut ». Et la gauche a du mal à répondre d’une manière convaincante parce qu’elle se trouve dans une position ambiguë. D’un côté, la gauche sait pertinemment qu’il y a une hiérarchie entre NTM et Mozart, entre le droit occidental et le droit islamique. La preuve en est qu’à l’heure d’éduquer ses enfants, cette gauche bienpensante fait des pieds et des mains pour que ses enfants reçoivent la meilleure culture “civilisée” à l’occidentale, loin des barbares. Mais d’un autre côté, la gauche bienpensante a fait siens les dogmes victimistes-communautaristes dont le meilleur exemple est l’antiracisme bêlant façon SOS-racisme. Et ce dogme nécessite, pour garder sa cohérence, le relativisme culturel et le refus de toute hiérarchisation. C’est ce « fait ce que je dis, pas ce que je fais » qui rend la gauche vulnérable aux attaques de Guéant et consorts.
N’en déplaise à la gauche bienpensante, on peut toujours établir une hiérarchie entre les cultures, et on le fait quotidiennement. Une hiérarchie qui dépend bien évidement des critères de comparaison. Même si l’on peut discuter à l’infini les critères de jugement qu’on peut ou doit retenir, il y a tout de même quelques critères qui semblent globalement acceptés : la complexité dans l’organisation de la société, la puissance des instruments technologiques et intellectuels auxquels celle-ci a accès, la gamme de possibilités et des libertés qu’elle offre à ses membres… et de ce point de vue, il faut admettre que les peuples votent avec leurs pieds. Le fait est que de très nombreux africains rêvent de vivre en Europe et sont prêts à risquer leur vie pour s’y rendre – malgré le racisme réel ou supposé qui y règne – alors que l’inverse est très, très rare. On m’objectera que ce phénomène ne fait que traduire la richesse économique relative de nos pays, et non une « hiérarchie » culturelle. Mais le fait est que cette richesse n’est pas apparue par opération du saint esprit. Elle n’est pas le résultat du hasard ou d’un choix divin. Elle est liée à la capacité que la « civilisation occidentale » a eu de générer les progrès scientifiques, techniques, philosophiques et juridiques qui lui ont permis de s’imposer au reste du monde. Si les conquérants européens ont pu bâtir des empires, ce n’est pas parce qu’ils étaient plus impitoyables ou plus rapaces que conquérants asiatiques, noirs ou amérindiens. C’est parce qu’ils avaient derrière eux une civilisation dont la capacité technique, intellectuelle et économique n’avait pas d’égal.
Reconnaître ce qui somme toute n’est qu’un fait historique ne fait pas de vous un raciste, un xénophobe ou un colonialiste. Mais cela peut coûter cher, parce que cela revient à contester le récit idéaliste qui est celui de la gauche bienpensante, et qui est bâti sur le mirage de la supériorité morale, culturelle et intellectuelle du conquis sur le conquérant. Il n’y a qu’à voir ce qui est arrivé à l’universitaire qui a osé écrire – avec une lourde documentation pour le prouver – que la traite négrière, loin d’être une invention “européenne”, avait été pratiquée bien plus longtemps et sur une plus grande échelle par la civilisation arabe.
La gauche va devoir choisir : on ne peut pas se réclamer de l’universalisme des Lumières, dont la conséquence logique est bien de placer notre culture en haut de la pyramide, puisqu’elle est en mesure de « constater » des droits de l’homme et du citoyens pour toute l’humanité, et en même temps adhérer à un relativisme qui refuse l’idée même d’universalité. Car si « toutes les cultures se valent », alors aucune n’a le droit d’imposer aux autres ses idées au nom de l’universel. De quel droit pourrions-nous déclarer que l’égalité devant la loi, la laïcité ou la sûreté sont des « universels » alors que d’autres cultures ne les admettent pas ? En quoi notre « déclaration des droits de l’homme» serait-elle plus universelle que la révélation coranique, que d’autres cultures tiennent pour telle ?
La conversion de la gauche aux théories post-modernes se traduit par un abandon de plus en plus évident des idées des Lumières, auxquelles la plupart de nos concitoyens, et tout particulièrement dans les couches populaires, sont très attachés. C’est pourquoi la droite joue sur du velours, comme ce fut le cas lors du vote des lois relatives aux signes religieux à l’école et plus tard sur le voile intégral. Pénélope moderne, la gauche joue le communautarisme la nuit et l’universalisme le jour. C’est ce grand écart que le « dérapage contrôlé » de Guéant met en évidence.
(1) Curieusement, les commentateurs tant journalistes que politiques se sont concentrés sur les paroles du ministre, mais personne ne semble s’être interrogé sur les raisons de sa présence au congrès de l’organisation. Qu’un ministre de l’enseignement supérieur soit invité à intervenir dans le congrès d’une organisation étudiante, quoi de plus normal. Mais que vient faire le ministre de l’Intérieur dans cette galère ?
Quand ce n’est pas en position de supériorité, car derrière ce refus de hiérarchiser se cache souvent une « haine de soi » anti-occidentale qui voudrait trouver des modèles dans les cultures « minoritaires ». Beaucoup de théories de la « diversité » sont construites sur ce modèle. Lorsqu’on lit les documents publiés par le CRAN, par exemple, on perçoit nettement que derrière une revendication d’égalité se cache en fait un « racisme inversé ».
Bonsoir,
Bien joli billet qui pose clairement le fait de la (ou des) civilisation.
Mais faut utiliser le terme au singulier ou au pluriel ?
C.Guéant, en l’utilisant au pluriel dissocie plusieurs entités et induit par là une comparaison. Il s’agit d’une démarche politique de caractère tragique (selon votre précédent billet du 22
octobre 2011) déclamant sur la déchirure du monde actuel.
Néanmoins, les apports de l’ethnologie tendent à modérer cette approche antagoniste.
Le terme « civilisations » est plus « tragique » dans la parole de C.Guéant que celui de culture, mais il devrait pourtant être moins clivant car tous ceux qui l’emploient au singulier – et ils
sont à mon avis la majorité – ne se sentiraient pas autant concernés.
La civilisation n’est elle pas univoque et ne représente – t – elle pas les multiples variantes culturelles ( qui peuvent elles, donner lieu à comparaison) propres aux sociétés, nations,
religions et époques? Et n’est elle pas l’aboutissement de millénaires de confrontation des cultures, actions, constructions humaines ?
Dans le cas présent, on assiste à un bel exercice de manipulation dialectique.
Mais faut utiliser le terme au singulier ou au pluriel ?
Au pluriel, définitivement. Sauf à considérer qu’il n’y a qu’un chemin possible pour sortir de la barbarie et arriver à la citoyenneté…
Comme je l’ai dit, Guéant utilise “civilisation” à la place de “culture”. Mais en dehors de cet – léger – abus de langage, on peut difficilement lui reprocher de “dissocier plusieurs entités” qui
sont historiquement distinctes. Et mon propos est précisement de dénoncer cette théorie qui prétend interdire la comparaison.
Néanmoins, les apports de l’ethnologie tendent à modérer cette approche antagoniste.
Je ne vois pas où vous voyez une “approche antagoniste”. Que “toutes les civilisations ne se valent pas” n’implique pas un antagonisme quelconque. Seulement une hiérarchisation. Les bons élèves
ne sont pas les ennemis des cancres.
La civilisation n’est elle pas univoque et ne représente – t – elle pas les multiples variantes culturelles ( qui peuvent elles, donner lieu à comparaison) propres aux sociétés, nations,
religions et époques?
Votre approche est finalement bien plus “uniciste” que celle de Guéant. Lui admet qu’il y a plusieurs manières de se “civiliser”. Vous, vous n’en admettez qu’une (implicitement, la notre) dont
toutes les autres ne peuvent être que des “variantes culturelles”…
« D’un côté, la gauche sait pertinemment qu’il y a une
hiérarchie entre NTM et Mozart, entre le droit occidental et le droit islamique »
Bonjour,
Je suis originaire du Sénégal. Je le dis parce que cela aidera
peut-être à comprendre d’où je parle.
Autant le dire tout de suite, cette question de la comparaison
des « civilisations » me dérange.
La droite est essentialiste et quand elle hiérarchise les
civilisations, il y a de manière implicite la croyance en une supériorité « éternelle » et immémoriale de la civilisation occidentale.
D’un point de vue technique, technologique, scientifique, prouver la supériorité d’une culture sur une autre ne pose pas de
problème. C’est du factuel, du concret.
Et on voit que l’Occident dominateur aujourd’hui ne l’a pas toujours été et ne le sera peut-être pas toujours.
En revanche comparer les mœurs c’est s’engager pour moi sur un terrain mouvant. Y a-t-il par exemple une supériorité de la
culture américaine sur la culture française ? Du droit américain sur le droit français ? Et comment le prouve-t-on.
Et puis je n’oublie que cette recherche de hiérarchisation a amené les délires les plus sordides. Et je pense que c’est à ce
niveau que se situe véritablement l’indignation d’une partie de la gauche.
Parce qu’entre hiérarchiser les cultures que les hommes ont bâti et hiérarchiser les hommes la frontière est
ténue.
Quant à l’universalisme des Lumières, je leur opposerais Herder.
La droite est essentialiste et quand elle hiérarchise les
civilisations, il y a de manière implicite la croyance en une supériorité « éternelle » et immémoriale de la civilisation occidentale.
Je me méfie des clichés. Il y a des “essentialistes” à droite…
et à gauche. Lorsqu’on entend des écologistes nous parler avec les larmes aux yeux de la supériorité des “civilisations prémières” qui vivaient en armonie avec la nature alors que l’homme
occidental en est incapable, ce n’est pas de l’essentialisme, ça ? D’un autre côté, il y a des républicains de droite qui n’ont rien d’essentialiste, et se limitent à regarder les
faits.
Personnellement, je crois qu’il y a dans la civilisation grecque
une originalité absolue qu’on ne trouve dans aucune autre civilisation: c’est la seule qui ait fondé au sens propre une philosophie, c’est à dire une pensée logique séparée de la religion et
interrogeant le monde. Toutes les cultures ont inventé des recits de genèse. Mais seuls les grecs se sont posés la question “pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien”. C’est un cas
pratiquement unique dans l’histoire humaine. Toutes les civilisations qui sont héritières de la pensée grecque – et au premier chef la civilisation occidentale au sens large – semblent de ce fait
avoir un avantage sur les autres…
D’un point de vue technique, technologique, scientifique, prouver la supériorité d’une culture sur une autre ne pose pas de
problème. C’est du factuel, du concret. Et on voit que l’Occident dominateur aujourd’hui ne l’a pas toujours été et ne le sera peut-être pas toujours.
Possible. Mais pour le moment toutes les civilisations qui prétendent dominer le monde le font en utilisant les concepts et les
idées forgées par la civilisation occidentale. Il ne semble pas y avoir véritablement d’alternative: la Chine n’est pas devenue une puissance économique en appliquant les enseignement de
Confucius, mais en appliquant la méthode scientifique conçue par Descartes. C’est là que se trouve la véritable singularité de la civilisation occidentale…
En revanche comparer les mœurs c’est s’engager pour moi sur un terrain mouvant. Y a-t-il par exemple une supériorité de la culture
américaine sur la culture française ? Du droit américain sur le droit français ? Et comment le prouve-t-on.
Tout à fait. Mais je ne crois pas que la question des “moeurs” se pose. Je crois que vous confondez ce qui relève du comportement et ce qui relève d’une discipline organisée. Le droit, pour ne prendre que cet
exemple, a une histoire. Et c’est cette histoire qui permet de faire des comparaisons. Ainsi, par exemple, on considère les droits théocratiques comme plus primitifs que les droits
humanistes.
Et puis je n’oublie que cette recherche de hiérarchisation a amené les délires les plus sordides. Et je pense que c’est à ce
niveau que se situe véritablement l’indignation d’une partie de la gauche.
C’est bien ce que je critique. Ce n’est pas parce qu’on a utilisé des marteaux pour bâtir Auschwitz qu’il faut brûler tous les
marteaux.
Quant à l’universalisme des Lumières, je leur opposerais Herder.
C’est curieux. Vous m’invitez à ne pas hiérachiser les cultures au prétexte que cela a servi à bien d’horribles choses, et vous
opposeriez aux Lumières rien de moins que Herder, en qui beaucoup voient l’un des initiateurs du nationalisme romantique allemand, qu’on trouve à la racine de bien des
malheurs…
Avec ce style de billets (et ce n’est pas le 1er que tu ecris sur ces sujets), tu me sembles effleurer les théories d’Emmanuel Todd sur le lien entre les structures familiales et les
ideologies/organisations poitiques/organisations societales.
Dans son dernier livre, Todd fait le lien entre l’expansion et la democratisation des nations européennes durant les derniers siecles et la présence massive dans le continent de la famille dite
“nucleaire”, favorable a l’individualisme et a l’autonomie de l’individu.
En ce sens, je ne sais pas si les cultures se “valent” ou non. Il y a des concepts moraux derriere qui me derangent un peu, je j’avoue; par contre, il me semble clair que les societes ou
l’individu est englué dans une vaste communauté familiale ne donnent pas le meme style de societe et de mentalité qu’en “occident”.
Et en occident meme, il est encore possible de raffiner et d’expliquer par ces concepts “familiaux”les differences entre les societes latines, germaniques et anglo-saxonnes.
En fait je suis surpris que tu ais un “angle mort” sur ces concepts: as tu deja lu cet historien?
Avec ce style de billets (et ce n’est pas le 1er que tu ecris sur ces sujets), tu me sembles effleurer les théories d’Emmanuel Todd sur le lien entre les structures familiales et les
ideologies/organisations poitiques/organisations societales.
Je partage en grande partie la vision de Todd sur ces questions. Mais ce n’était pas le sujet de mon papier, et je n’ai pas voulu compliquer encore le problème en détaillant les différents
éléments qui font une “civilisation”, dont les structures familiales et leur imbrication font certainement partie.
En fait je suis surpris que tu ais un “angle mort” sur ces concepts: as tu deja lu cet historien?
Bien entendu. Je trouve ses travaux très intéressants, même s’il tend à mon avis à être trop mécaniciste dans son approche, et d’analyser trop en termes de “détermination” ce qui en fait est
plutôt une dialectique.
“C’est curieux. Vous m’invitez à ne pas hiérarchiser les cultures au prétexte
que cela a servi à bien d’horribles choses, et vous opposeriez aux Lumières rien de moins que Herder, en qui beaucoup voient l’un des initiateurs du nationalisme romantique allemand, qu’on trouve
à la racine de bien des malheurs…”
J’invite surtout à ne pas hiérarchiser les
cultures sur le plan des mœurs.
Je leur oppose Herder parce que je m’oppose à ce faux universalisme qui cache en réalité la volonté d’imposer au monde entier de communier dans le marché. Le soi-disant doux commerce des
libéraux de l’époque des Lumières est un projet de société qui se révèle bien pauvre au final. Je revendique le droit pour chaque nation de vivre comme elle l’entend. SI les pays à dominante
musulmane sont satisfaits de leur droit, qu’il le garde. Si ces pays pensent qu’ils peuvent l’améliorer ou le changer parce que cela augmenterait leur bonheur, libre à eux de le faire.
Le triomphe de la Raison a un côté sombre. Le marché a toujours eu besoin de la Raison pour désacraliser et préparer la marchandisation.
« Tout à fait. »
Je n’ai pas compris le sens
de votre réponse « tout à fait » Voulez-vous dire qu’il y a une supériorité américaine ?
J’invite surtout à ne pas hiérarchiser les cultures sur le plan des mœurs.
Je ne sais pas quelle est l’extension que vous donnez au terme “moeurs”. La lapidation des adultères est pour vous une question de “moeurs”, par exemple ? Pour
ce qui me concerne j’ai donné dans mon papier les critères qui a mon sens sont les plus intéressants à l’heure de hiérarchiser les sociétés, parce que ce sont finalement ces critères qui
déterminent son poids et sa capacité à agir: la puissance des instruments intellectuels et technologiques dont elle dispose, la gamme de possibilités et des libertés qu’elle assure à ses membres,
la complexité de son organisation.
Je leur oppose Herder parce que je m’oppose à ce faux universalisme qui cache en réalité la volonté d’imposer au monde entier de communier dans le marché.
L’universalisme implique nécessairement quelque part la “volonté d’imposer au monde entier de communier” dans quelque chose. Lorsque la Révolution de 1789 proclame des “drois universels”, elle
manifeste par là sa volonté de voir reconnue – et au besoin d’imposer – sa vision du monde par tous. On peut s’opposer à l’universalisme libéral sans s’opposer pour autant à l’universalisme en
général, comme le fit Herder.
Le soi-disant doux commerce des libéraux de l’époque des Lumières est un projet de société qui se révèle bien pauvre au final.
Beh… pas tant que ça, finalement. Après tout, lorsque ce projet fut formulé le 70% de la population française était analphabète et l’espérance de vie ne dépassait pas 45 ans. Aujourd’hui, le
95% est alphabète et l’espérance de vie dépasse 75 ans. Ce n’est pas si mal, vous ne trouvez pas ?
Je revendique le droit pour chaque nation de vivre comme elle l’entend.
Je crois que vous confondez deux choses. Une chose est le droit de chaque nation de vivre comme elle l’entend, et une autre est le droit à ce que ce choix ne soit pas critiqué. Si les pays a
dominante musulmane sont satisfaits de leur droit, ils ont tout à fait le droit de le garder. Mais j’ai moi aussi le droit de dire que ce choix est une aberration, et de considérer que les
civilisations de droit théocratique sont moins avancées que les civilisations de droit humaniste.
Le triomphe de la Raison a un côté sombre. Le marché a toujours eu besoin de la Raison pour désacraliser et préparer la marchandisation.
A tout prendre, je prefère le marché à la théocratie. Pas vous ?
Je n’ai pas compris le sens de votre réponse « tout à fait » Voulez-vous dire qu’il y a une supériorité américaine ?
Bien sur que non. Mon “tout à fait” répondait au début du paragraphe cité: “En revanche comparer les moeurs c’est s’engager pour moi sur un terrain
mouvant”. J’attire cependant votre attention sur le fait que l’idée que les “moeurs” font partie de la sphère privée et n’ont donc pas à entrer dans les comparations de nature politique est
une idée profondément “occidentale”, et que beaucoup de cultures ne partagent nullement cette vision. Ainsi, vous trouverez des partisans de la “révolution islamique” iranienne qui fondent la
supériorité de la République Islamique sur les autres “civilisations” sur le fait que les femmes y sont bien moins “dépravées” (pas de maquillage, pas de contact avec le sexe opposé en dehors du
mariage, couverture totale du corps) qu’en Occident. Il faut croire qu’ils ne partagent pas votre vision sur la comparaison des moeurs…
n revanche comparer les mœurs c’est s’engager pour moi sur un terrain mouvant.
Allez on a encore une fois touché le fonds du niveau zéro du débat politique avec ce sénateur apparenté PS qui y va avec ses comparaisons nazisme, camps de concentrations et j’en passe, en
réplique à Guéant. Ce dernier a effectivement été finaud, dans le sens où il lui suffit de lancer une petite phrase pour que la gauche se ridiculise dans l’indignation morale.
J’en ai assez de cette manie de toujours comparer ce qui est “pô bô et pô zentil” avec Hitler : le président iranien, le président chinois, le 1er ministre russe, telle sortie de guéant ou
sarkozy, et j’en passe. Idem pour les comparaisons nazisme = communisme soviétique, ou toute forme de gouvernement autoritaire avec Hitler, alors que chaque cas obéit à des logiques différentes.
La gauche est souvent contradictoire sur ce sujet : les guerres dites “humanitaires” ont souvent été menées par des gouvernements sociaux démocrates au nom des droits de l’homme, en opérant par
une ruse de la raison (Raison qui est pourtant ce que les Lumières nous ont apportées).
Quand je discute avec les partisans de la double nationalité, de la nationalité française automatique, du droit de vote des étrangers (là où moi je suis pour un choix à la majorité conscient et
réfléchi), ils me disent souvent que le droit français est plus protecteur que certains droits d’ailleurs, qu’il fallait donc à tout prix protéger les personnes au cas où elles auraient des
problèmes à l’avenir sur leurs choix religieux ou matrimoniaux ; c’est là que je leur pointe leur paradoxe : donc ils estiment que le droit français est “supérieur” ? Quelle horreur, on n’a
jamais dit ça ! Mais il faut protéger !
De toute façon il s’applique en France, il ne saurait s’appliquer dans les pays où les chatiments corporels sont de mise. Quelqu’un qui fait des choix individuels non tolérés dans les pays
d’origine de ses parents doit en assumer les conséquences et choisir, il ne peut pas exiger d’avoir tout et que la République le protège alors qu’il ne se sent pas en communauté de destin avec
elle.
Allez on a encore une fois touché le fonds du niveau zéro du débat politique avec ce sénateur apparenté PS qui y va avec ses comparaisons nazisme, camps de concentrations et j’en passe, en
réplique à Guéant. Ce dernier a effectivement été finaud, dans le sens où il lui suffit de lancer une petite phrase pour que la gauche se ridiculise dans l’indignation morale.
Précisement. Et la gauche tombe dans le panneau à chaque fois parce qu’elle n’a pas les idées claires. Guéant nous dit “toutes les civilisations ne se valent pas”. La gauche est-elle prête à
soutenir le contraire ? Non, bien entendu. Du coup, sa seule réponse est une surenchère dans la diabolisation qui la conduit assez rapidement au point Goodwin. Il faut voir là aussi l’incapacité
de la gauche à hiérarchiser son discours. Une incapacité qu’elle a hérité du gauchisme: de “CRS=SS” à “Guéant=Hitler” il n’y a qu’un pas.
c’est là que je leur pointe leur paradoxe : donc ils estiment que le droit français est “supérieur” ? Quelle horreur, on n’a jamais dit ça ! Mais il faut protéger !
C’est la contradiction que porte la gauche française depuis qu’elle est devenue post-moderne. D’un côté on se veut universaliste, étendant à l’ensemble de l’humanité ce que notre civilisation
qualifie de “droits de l’homme”, d’un autre on a un discours de “respect” envers les autres civilisations qui interdit de les critiquer ou même les comparer.
Guéant est un sacré gymnaste pour faire un grand écart. On a du mal à percevoir sa souplesse physique et cérébrale. Quant à la gauche “bien-pensante, vous voulez opposer la “droite mal-pensante”,
je suppose ? comme “Bonaparte” et “Mallaparte”.Votre discours est fastidieux. Ecoutez donc Michel Onfray, vous allez progresser.
Votre discours est fastidieux.
Personne ne vous oblige à le lire. Par contre, je vous demanderai de rester poli, du moins si vous souhaitez continuer à vous exprimer sur mon blog.
Une citation de Levi-Strauss en lien avec votre article :
« Il n’est nullement coupable de placer une manière de vivre et de penser au-dessus de toutes les autres, et d’éprouver peu
d’attirance envers tels ou tels dont le genre de vie, respectable en lui-même, s’éloigne par trop de celui auquel on est traditionnellement attaché. Cette incommunicabilité relative n’autorise
certes pas à opprimer ou détruire les valeurs qu’on rejette ou leurs représentants, mais, maintenue dans ces limites, elle n’a rien de révoltant. Elle peut même représenter le prix à payer pour
que les systèmes de valeurs de chaque famille spirituelle ou de chaque communauté se conservent, et trouvent dans leur propre fonds les ressources nécessaires à leur renouvellement. »
Claude Lévi-Strauss (Le Regard éloigné, Paris, Plon, 1983).
Excellent!