Le progrès, une idée neuve ?

Pour une fois je vais vous offrir, mes chers lecteurs, un article résolument optimiste. Un optimisme qui vient d’un quartier assez atypique pour être signalé. Si je vois aujourd’hui la vie couleur de rose, c’est grâce à une campagne publicitaire.

Etrange, n’est ce pas ? En général, la publicité me donne plutôt envie de pleurer. Entre les paysans souriants qui vous offrent un bout de saucisson en insistant sur les clichés du « terroir », les affiches qui vous montrent des mondes futuristes remplis d’hommes avec des gros biscotos et de femmes avec des gros… cerveaux armés jusqu’aux dents, et les injonctions du genre « soyez ce que vous voulez être » ou « just do it » (sans qu’on sache très bien de quel « it » s’agit-il) on n’a pas vraiment le choix. Mais comme disait Malraux, dans le désert actuel chaque étincelle est un miracle. C’est pourquoi, pour une fois et exceptionnellement, je veux ici m’associer à une campagne publicitaire. Profitez-en, cela n’arrivera pas tous les jours.

La campagne en question est, vous l’aurez peut-être deviné, celle qu’EDF a lancée avec la formule « les hommes et les femmes d’EDF ne cesseront jamais de croire au progrès » (1). Elle est accompagnée par la mise en place d’un site internet dédié où l’on trouve des articles sur différents développements technologiques, passés ou en cours, des succès comme des échecs, et le tout placé sous l’injonction « donnons l’impulsion au progrès ». Le terme « progrès » est d’ailleurs décliné dans différentes affiches sous les formules « le progrès, c’est mieux réflechir la lumière », « le progrès ce n’est pas du vent, enfin, si (sur fond d’éoliennes) » et celle, beaucoup plus révélatrice qui dit « le progrès, il faut y croire pour le voir ».

Bien entendu, on pourra sourire devant le positivisme naïf de cette campagne, et même railler ce qui n’est finalement qu’une communication d’entreprise dont le but n’est finalement que de gagner de l’argent. En même temps, il n’est pas si fréquent de voir une grande entreprise communiquer sur les enthousiasmes de ses agents, et encore moins parler de « progrès », un terme qui, dans le contexte de l’idéologie irrationnelle et technophobe qui est devenue aujourd’hui dominante, sent le soufre. Même le terme « progressiste » est devenu suspect. Combien d’hommes politiques avez-vous entendu parler de « progrès » ces dernières années ? Combien se qualifieraient eux-mêmes de « progressistes » ?

Le « progrès », c’est le concept fondamental des Lumières. Il s’oppose à deux conceptions différentes. La première est celle de « l’âge d’or » : pour les tenants de cette théorie, le zénith de l’expérience humaine se trouve dans le passé, et à partir de ce moment nous n’avons fait que déchoir. Nous ne pouvons donc améliorer notre vie qu’en essayant de revenir en arrière. La seconde est celle de l’immanence d’un être humain, un être moralement défectueux et qui ne peut utiliser l’accumulation des connaissances et des avances technologiques que pour sa perte. A ces visions, les Lumières opposeront l’idée optimiste d’un être humain capable non seulement d’améliorer sa condition matérielle par le développement des sciences et des techniques, mais aussi s’améliorer lui-même en tant qu’être politique et moral par l’éducation et le recours à la Raison. Le positivisme d’Auguste Comte sera au XIXème siècle la forme la plus achevée de la croyance naïve dans le « progrès ». D’autres penseurs, notamment Marx, auront une vue beaucoup plus nuancée de la chose, tout en admettant tout de même les éléments fondamentaux de la vision progressiste, à savoir, que les découvertes scientifiques et technologiques contribuent à ce qu’en moyenne demain soit meilleur qu’hier.

L’optimisme excessif ne peut que conduire à des déceptions tout aussi excessives. Après avoir dominé le XIXème siècle, le positivisme viendra se fracasser sur les deux guerres mondiales. La vision de ce que la technologie pouvait faire lorsqu’elle était utilisée pour la destruction fit naître des interrogations quant à la capacité de l’homme à dominer sa création. Ces interrogations ont ouvert la porte au retour des idéologies réactionnaires que le positivisme et le marxisme avaient tenu en respect. Fort astucieux, les idéologues réactionnaires ont donc décrété que Verdun ou Auschwitz démontraient l’échec de la Raison, et qu’il fallait donc chercher ailleurs les solutions. Certains ont profité pour proposer un retour aux valeurs de la tradition, des hiérarchies anciennes et de la « vraie » religion. D’autres ont proposé des solutions qui tiennent de l’ascèse et du renoncement au monde. Il en résulte des critiques de la « société technicienne » qui peuvent venir d’une pensée religieuse (Jaques Ellul, théologien protestant et l’inspirateur de certains courants écologistes français, est un bon exemple) ou laïque (Martin Heidegger est le meilleur exemple). Ces idéologies se renforceront après la guerre et deviendront dominantes à la fin des « trente glorieuses », lorsque la crise économique poussera les classes moyennes à refuser aux autres ce que le « progrès » leur avait permis d’accumuler pour elles mêmes.

Nous vivons un étrange paradoxe dans une société qui incorpore en permanence des changements technologiques et scientifiques de premier ordre, tout en étant intimement persuadé que ces changements détruisent la planète, compromettent l’avenir et nous amènent chaque fois plus loin de « la nature », source de tous les bienfaits. Comment arrive-t-on a vivre avec un tel fossé entre la pratique et l’idéologie ? Comment comprendre qu’une société qui semble convaincue que la technologie est néfaste ne la rejette pas dans les faits ?

Le paradoxe est facile à comprendre si l’on se place d’un point de vue matérialiste. Les idéologies ne sont pas faites pour expliquer, mais pour justifier. L’idéologie du « progrès » constitue un danger pour les classes moyennes parce que c’est avant tout une idéologie dynamique. Postulant que l’homme peut s’améliorer par l’accumulation des connaissances et l’usage de la Raison, elle justifie par avance une remise en cause de ce qui est. Or, dans le contexte d’une économie à la croissance faible, la dernière chose que les classes moyennes souhaitent est une remise en cause de l’état existant. Il faut donc opposer à l’idéologie du progrès une idéologie de l’immobilisme. Une idéologie des rapports idylliques – car idéalisés – du passé villageois où tout le monde connaissait tout le monde, où l’on mangeait les légumes du jardin et on tirait l’eau du puits, avant l’arrivée de l’affreux « progrès ». Le fait que les mêmes qui vous dressent ce tableau charmant la larme à l’œil soient incapables de se passer plus de dix minutes de leur smartphone ne semble préoccuper personne. Et pourtant, c’est par ce détail qu’on voit combien cette idéologie sert plutôt de justificatif que de guide. Les classes moyennes terrorisées par la perspective du déclassement veulent bien du « progrès » technologique, ils l’exigent même. Mais à condition de vider ce progrès de tout contenu subversif sur le plan social. C’est pourquoi on se méfie de l’idéologie du « progrès », qui mêle dialectiquement l’un et l’autre.

On retrouve ce mécanisme dans la manière dont l’identité de la France est discutée. Si l’on croit le discours bienpensant, l’identité de la France serait à chercher dans les terroirs et les habitudes ancestrales. Les bobos revenant d’un tour dans les Gers ou l’Ardèche proclament qu’ils ont vu « la vraie France ». Ce discours connut d’ailleurs son heure de gloire sous le régime de Vichy, dont il est superflu de souligner le caractère réactionnaire, avec la devise « la terre, elle, ne ment pas » et le projet de faire de la France le grenier à blé de l’Europe Nouvelle, laissant à d’autres les activités industrielles. Mais la France a aussi une identité « moderne » : La Caravelle et le Concorde, le Minitel et le TGV, les centrales nucléaires et la carte à puce, le « France » et Ariane constituent des références aussi « identitaires » que le foie gras. La négation de cette identité, la répétition obsessionnelle du principe que la « vraie France » se trouve contenue dans le camembert au lait cru ont une fonction politique : celle de nous référer à une identité immobile.

C’est pourquoi l’irruption de la campagne publicitaire d’EDF est à la fois incongrue et bienvenue. Il faut aller chercher loin dans le temps pour trouver une expression, un film, une pièce, un roman qui mettent en scène des personnages qui « croient au progrès » et qui font en sorte qu’il arrive (2). Au moins, grâce à cette campagne, on en parlera du « progrès » à la télé. Et on saura qu’il y en a encore quelqu’un qui y croit.

Descartes

(1) La formulation même de ce slogan pose d’ailleurs un problème intéressant. Il est curieux qu’une entreprise se mêle des « croyances » de ses agents. Dire « les agents EDF agiront toujours pour le progrès » serait logique : l’employeur ayant une autorité sur ses employés, il peut leur dicter leur manière d’agir. Mais l’employeur n’a aucun contrôle sur ce que ces employés « croient ». Comment compte faire EDF pour s’assurer que ses agents « ne cesseront jamais de croire au progrès » ? Par des séances d’endoctrinement ? En virant les mécréants ? Bien sur que non. En fait, cette campagne montre combien après dix ans d’ouverture du capital l’entreprise EDF reste, pour reprendre les mots de son président « un établissement public coté en Bourse », une organisation qui se conçoit elle-même comme gardienne d’une éthique si évidente que toute personne rationnelle ne peut qu’adhérer. Dans cette logique, les agents EDF « ne cesseront jamais de croire au progrès » parce que cette croyance est consubstantielle à leur travail.

(2) Qui se souvient aujourd’hui de « La meilleure part » (1956) d’Yves Allégret, où Gérard Philippe joue le rôle d’un ingénieur qui dirige la construction d’un grand barrage et y laisse sa santé ? En italien, le film portait le titre « les années qui ne reviendront pas ». Tout un programme…

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33 réponses à Le progrès, une idée neuve ?

  1. J. Payen dit :

    L’idée de progrès, enterrée, n’était donc pas morte…Assurément.

    Je cherche le nom de ce poète inspiré qui a écrit : " Enterrez un mot. Il deviendra artésien".

  2. Marcailloux dit :

    Bonjour,
    [ … les découvertes scientifiques et technologiques contribuent à ce qu’en moyenne demain soit meilleur qu’hier. ]
    Pour arriver au constat d’une moyenne, fut – elle en progression, il est par définition implicite de rassembler des éléments qui s’opposent dans l’observation: ceux qui seront au dessous de la future moyenne et ceux qui seront en dessus. Dès lors, on ne peut faire l’économie des notions d’égalité, d’équité, d’écart ( écart-type dans le calcul de la moyenne) qui vont poser problème.

    [ Les classes moyennes terrorisées par la perspective du déclassement veulent bien du « progrès » technologique, ils l’exigent même. Mais à condition de vider ce progrès de tout contenu subversif sur le plan social. C’est pourquoi on se méfie de l’idéologie du « progrès », qui mêle dialectiquement l’un et l’autre.]

    Là, les bornes me semblent dépassées. Au début de mes lectures dans ce blog, je me suis senti visé lors de vos allusions – que dis-je?- lors de vos mises à l’index des classes moyennes. Par la suite, progrès oblige, j’ai pu considérer qu’à de nombreux égards je pouvais adhérer à certains de vos arguments, et ainsi me démarquer de cette catégorie honnie et malfaisante. Et lors de la poursuite dans la lecture de vos écrits, il m’a semblé que le nombre de ceux que vous visiez avec pugnacité, pour ne pas dire pire, se rétrécissait. Mais, avec les dernières piques que vous leur envoyez, j’ai vraiment l’impression que ceux dont vous parlez ne sont plus qu’une poignée. Donc, une quantité négligeable. Seriez vous obsédé par l’agitation brownienne de quelques groupuscules d’illuminés ? Votre acharnement à l’égard de J.L. Mélanchon me le suggérait déjà. Je suis convaincu que nombre de vos lecteurs souhaiterons qu’une fois pour toutes, vous précisiez – scientifiquement, c’est à dire dans l’esprit des Lumières et selon les préceptes de votre éponyme favori – avec des exemples concrets et observables, qui sont ces vauriens, ces galeux, ces réprouvés à qui vous attribuez la cause de tous les malheurs du pays.
    Cependant, j’adhère totalement à votre sensibilité vis à vis du progrès en général, et ne souhaiterais en rien avoir vécu 10, 50, ou 300 ans plus tôt. Mais l’adhésion aveugle et inconditionnelle à tout ce qui semble ou que l’on affirme progresser n’est pas pour autant signe de clairvoyance. Ce qui est nouveau n’est pas forcément porteur de progrès. Nous sommes dans une société du jetable à tout va et la recherche éperdue de la nouveauté a souvent pour effet de ne développer qu’une frustration synonyme de régression. " Science sans conscience n’est que ruine de l’âme " Et c’est bien connu, on ne parle fort que des trains qui arrivent en retard. Le contraire constituerait par là même le signe de la dégénérescence.
    René Descartes lui même, lors de la découverte du Cogito – selon Condorcet dans " Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain" – admet que " Les exigences de la pure raison, le règne des idées claires et distinctes ne s’établissent pas sans une résistance de la sphère des affects, de l’imaginaire et de l’inconscient. "

    [ Qui se souvient aujourd’hui de « La meilleure part » (1956) d’Yves Allégret ]
    Il s’est trouvé que l’on m’a offert, j’avais 15 ans, le roman de Philippe Saint-Gil, à l’origine du film, paru en 1954 aux Editions Robert Laffont. C’est un livre qui a laissé des traces et par la même contribue au progrès des hommes. Et le titre italien, comment l’interprétez vous ?

    • Descartes dit :

      @Marcailloux

      [Pour arriver au constat d’une moyenne, fut – elle en progression, il est par définition implicite de rassembler des éléments qui s’opposent dans l’observation: ceux qui seront au dessous de la future moyenne et ceux qui seront en dessus. Dès lors, on ne peut faire l’économie des notions d’égalité, d’équité, d’écart ( écart-type dans le calcul de la moyenne) qui vont poser problème.]

      Je ne suis pas sur d’avoir compris ce que vous voulez dire.

      [Mais, avec les dernières piques que vous leur envoyez, j’ai vraiment l’impression que ceux dont vous parlez ne sont plus qu’une poignée. Donc, une quantité négligeable. Seriez vous obsédé par l’agitation brownienne de quelques groupuscules d’illuminés ?]

      Je ne vois pas pourquoi vous concluez que ceux dont je parle ne sont « plus qu’une poigné ». Ils sont au contraire, fort nombreux. Suffisamment pour arbitrer les élections et pour que leur idéologie devienne l’idéologie dominante.
      [Je suis convaincu que nombre de vos lecteurs souhaiterons qu’une fois pour toutes, vous précisiez – scientifiquement, c’est à dire dans l’esprit des Lumières et selon les préceptes de votre éponyme favori – avec des exemples concrets et observables, qui sont ces vauriens, ces galeux, ces réprouvés à qui vous attribuez la cause de tous les malheurs du pays.]

      N’exagérons rien. Pas « tous » les malheurs… mais dans la mesure où c’est leur idéologie qui s’est imposée, et qu’ils occupent quasi-exclusivement le champ politique depuis bientôt trente ans, difficile d’ignorer leur rôle.

      Vous me demandez une définition. Je ne peux que vous répéter celle que j’ai donné maintes fois sur ce blog : ce sont ceux qui ont suffisamment de capital – matériel et immatériel – pour échapper à l’exploitation mais pas assez pour en exploiter d’autres. En d’autres termes, des gens qui ont suffisamment de capital pour pouvoir négocier avec leur employeur leur rémunération à un niveau qui correspond à la valeur produite. Vous voulez des exemples ? Les professions libérales, les professeurs, les cadres techniques, les soudeurs qualifiés N1…

      [Mais l’adhésion aveugle et inconditionnelle à tout ce qui semble ou que l’on affirme progresser n’est pas pour autant signe de clairvoyance. Ce qui est nouveau n’est pas forcément porteur de progrès.]

      Je suis d’accord. Mon propos n’était pas de dire que « toute nouveauté est progressiste », mais que le progrès humain est, globalement, une réalité.

      [Et le titre italien, comment l’interprétez vous ? ]

      Personnellement, dans le sens de la devise latine « carpe diem ».

    • Marcailloux dit :

      [ Je ne suis pas sur d’avoir compris ce que vous voulez dire.]
      En effet, mon développement est assez ambigu, mille excuses.
      Ce que je souhaitais faire ressortir, c’est que le progrès est une notion protéîforme qui évolue par une marche en crabe en zig zag. Dans de très nombreux cas, si en "moyenne" comme vous l’écrivez, il y a progrès, une minorité de perdants ( car il faut bien qu’il y en ait si on considère que la majorité est gagnante ), ne peut pas, ne doit pas être considérée comme quantité et qualité négligeables. Car la notion normative de progrès reste en général subjective, même dans le cas des sciences et techniques – où la démonstration est souvent assez simple à formuler – et leurs retombées positives sur les populations.
      En matière politique, qui est l’objet principal de ce blog, juger le passé en référence au présent, et vice versa n’est pas pertinent. Et, si je vous suis bien, le progrès décrété l’est à partir de l’appréciation de ceux qui ont, selon vous, l’influence politique, c’est à dire les classes moyennes. Les classes laborieuses et populaires n’ont peut être pas la même appréciation dans tous les domaines où se constate le progrès.
      Comment faites vous pour accorder ce que les uns considèrent progressiste et les autres régressif ?

    • Albert dit :

      [" les classes moyennes, ce sont ceux qui ont suffisamment de capital – matériel et immatériel – pour échapper à l’exploitation mais pas assez pour en exploiter d’autres"].

      OK, ça me va comme définition. Mais alors, pourquoi voudriez-vous que ces gens-là, qui n’exploitent personne, acceptent un changement dans leur situation qui leur serait préjudiciable? En quoi serait-ce un "progrès"?

    • Descartes dit :

      @Marcailloux

      [Comment faites vous pour accorder ce que les uns considèrent progressiste et les autres régressif ?]

      Je ne "m’accorde" pas. Un tel accord est impossible, ne serait-ce que parce que ce qui apparaît objectivement comme un progrès pour les uns est une régression pour les autres. Je ne doute pas que pour les bourgeois, la nuit du 4 août marque un considérable progrès. Pour les aristocrates, non. Comment voulez-vous les "accorder" ?

      La question n’est pas de savoir si telle ou telle invention est un "progrès" ou pas. Mais de constater qu’au fur et à mesure que l’être humain accumule des connaissances, il a chaque fois plus de choix quant à la manière de vivre sa vie. C’est cela pour moi l’essence du progrès.

    • Descartes dit :

      @Albert

      [Mais alors, pourquoi voudriez-vous que ces gens-là, qui n’exploitent personne, acceptent un changement dans leur situation qui leur serait préjudiciable?]

      Moi je ne veux rien. Je suis un analyste, pas un moraliste. Il est parfaitement logique que les maîtres d’esclaves votent contre l’abolition de l’esclavage…

    • Albert dit :

      Vous ne poussez pas un peu? Les classes moyennes, qui "n’exploitent personne"( je vous cite) assimilées à des "maitres d’esclaves" (id.), même en faisant la part des choses !!!

    • Descartes dit :

      @Albert

      [Vous ne poussez pas un peu? Les classes moyennes, qui "n’exploitent personne"( je vous cite) assimilées à des "maitres d’esclaves"]

      Je ne ferais jamais une telle "assimilation". J’ai trop de respect pour les maîtres d’esclaves… 😉
      Redevenons sérieux: non, je ne fait aucune "assimilation". Mon point était de montrer combien votre idée qu’on ne peut reprocher aux gens de suivre leur intérêt conduit à des paradoxes…

    • Jean Mi dit :

      [ Les classes moyennes terrorisées par la perspective du déclassement veulent bien du « progrès » technologique, ils l’exigent même. Mais à condition de vider ce progrès de tout contenu subversif sur le plan social. C’est pourquoi on se méfie de l’idéologie du « progrès », qui mêle dialectiquement l’un et l’autre.]
      "Les classes moyennes" et non pas "la classe moyenne" ! En vue de la question ci-après,qu’est-ce qui différencie une classe moyenne d’une autre ?
      [Vous me demandez une définition. Je ne peux que vous répéter celle que j’ai donné maintes fois sur ce blog : ce sont ceux qui ont suffisamment de capital – matériel et immatériel – pour échapper à l’exploitation mais pas assez pour en exploiter d’autres. En d’autres termes, des gens qui ont suffisamment de capital pour pouvoir négocier avec leur employeur leur rémunération à un niveau qui correspond à la valeur produite. Vous voulez des exemples ? Les professions libérales, les professeurs, les cadres techniques, les soudeurs qualifiés N1…]
      J’ai quelques difficultés avec l’échappatoire à l’exploitation pour la raison suivante: la plupart des professions citées ici concernent des prolétaires ( le Capital correspond au stock accumulé de biens ou de richesses que l’on utilise pour produire de nouveaux biens ou revenus, le prolétaire ne possède ni capital ni moyens de production et doit donc, pour subvenir à ses besoins, avoir recours au travail salarié.) et je vois mal comment en tant que salarié dépendant on peut échapper à l’exploitation à partir du moment où l’on ne peut pas vivre uniquement de ses rentes.

    • Descartes dit :

      @Jean-Mi

      ["Les classes moyennes" et non pas "la classe moyenne" ! En vue de la question ci-après,qu’est-ce qui différencie une classe moyenne d’une autre ?]

      Aucune classe n’est homogène, et on pourrait aussi établir des « prolétariats » ou des « bourgeoisies » différentes. Ce n’est pas parce qu’on a les mêmes intérêts de classe qu’on se ressemble en tout. Mais ici, le pluriel est plus une licence littéraire qu’autre chose.

      [J’ai quelques difficultés avec l’échappatoire à l’exploitation pour la raison suivante: la plupart des professions citées ici concernent des prolétaires ( le Capital correspond au stock accumulé de biens ou de richesses que l’on utilise pour produire de nouveaux biens ou revenus, le prolétaire ne possède ni capital ni moyens de production et doit donc, pour subvenir à ses besoins, avoir recours au travail salarié.) et je vois mal comment en tant que salarié dépendant on peut échapper à l’exploitation à partir du moment où l’on ne peut pas vivre uniquement de ses rentes.]

      L’exploitation traduit la différence entre la valeur produite par le salarié et la valeur qui lui est retournée sous forme de salaire. Dès lors qu’un salarié se trouve en position, du fait de son pouvoir de négociation, de récupérer la totalité de la valeur produite par lui, il n’y a pas d’exploitation. Ce pouvoir de négociation peut résulter de beaucoup de facteurs. Le cas le plus courant est celui de détenir une compétence rare. Aujourd’hui, un soudeur qualifié N1, du fait de la rareté, peut demander à peu près le salaire qu’il veut. J’en connais qui gagnent 10.000 € par mois. Peut-on les considérer comme « exploités » ? Une compétence rare, c’est un « capital »…

  3. Joe Liqueur dit :

    @ Descartes

    Il se trouve que je viens de lire « L’étrange défaite » de Marc Bloch… et de voir Avatar, le film de James Cameron (diffusé hier soir sur TF1). Le rapprochement peut certes sembler incongru voire déplacé. Mais enfin… Voici ce qu’écrivait le grand homme (je parle de Marc Bloch) en juillet-septembre 1940 :

    « Le pis est que cette paresse de savoir entraîne, presque nécessairement, à une funeste complaisance envers soi-même. J’entends chaque jour prêcher par la radio le « retour à la terre ». A notre peuple mutilé et désemparé, on dit « tu t’es laissé leurrer par les attraits d’une civilisation trop mécanisée, en acceptant ses lois et ses commodités, tu t’es détourné des valeurs anciennes, qui faisaient ton originalité ; foin de la grande ville, de l’usine, voire de l’école ! Ce qu’il te faut, c’est le village ou le bourg d’autrefois, avec leurs labeurs aux formes archaïques, et leurs petites sociétés fermées que gouvernaient les notables ; là, tu retremperas ta force et tu redeviendras toi-même ». Certes, je n’ignore pas que sous ces beaux sermons se dissimulent – en vérité assez mal – des intérêts bien étrangers au bonheur des Français. Tout un parti, qui tient aujourd’hui ou croit tenir les leviers de commande, n’a jamais cessé de regretter l’antique docilité qu’il suppose innée aux peuples modestement paysans. On pourrait bien s’y tromper, d’ailleurs. ce n’est pas d’hier que nos croquants ont, comme disaient les vieux textes, « la nuque dure ». Surtout, l’Allemagne, qui a triomphé par la machine, veut s’en réserver le monopole. C’est sous l’aspect de collectivités purement agricoles contraintes, par suite, d’échanger, à des prix imposés, leurs blés ou leurs laitages contre les produits de sa grande industrie, qu’elle conçoit les nations, dont elle rêve de grouper autour d’elle, comme une valetaille, l’humble compagnonnage. A travers le micro, la voix qui parle notre langue vient de là-bas.
    Ces bucoliques avis, pourtant, ne sont pas exclusivement choses d’aujourd’hui. Toute une littérature de renoncement, bien avant la guerre, nous les avait déjà rendus familiers. Elle stigmatisait l’« américanisme ». Elle dénonçait les dangers de la machine et du progrès. Elle vantait, par contraste, la paisible douceur de nos campagnes, la gentillesse de notre civilisation de petites villes, l’amabilité en même temps que la force secrète d’une société qu’elle invitait à demeurer de plus en plus résolument fidèle aux genres de vie du passé. Propos d’un académisme un peu bêlant, dont eussent souri nos vieux auteurs rustiques, un Noël du Fail ou un Olivier de Serres. Le vrai travail des champs a plus de stoïcisme que de douceur et c’est seulement dans les églogues que le village fait figure d’un asile de paix. »

    « La voiture à âne était peut-être un mode de transport bonhomme et charmant. Mais à refuser de lui substituer, là où cela est souhaitable, l’auto, nous finirions par nous voir enlever jusqu’à nos bourricots. »

    « Nous résignerons-nous, cependant, à n’être plus, comme les Italiens nous ont annoncé leur volonté de ne pas le demeurer, qu’un « musée d’antiquailles » ? Ne nous le dissimulons pas : le choix même ne nous est plus permis. Pour le croire encore possible, nous savons trop bien le sort que nos ennemis réservent aux musées. Nous voulons vivre et, pour vivre, vaincre. Or, ayons le courage de nous l’avouer, ce qui vient d’être vaincu en nous, c’est précisément notre chère petite ville. »

    J’en profite pour glisser aussi celui-ci, qui pour le coup n’a pas de lien direct avec ton billet, mais qui se passe aussi de commentaire, je crois :

    « Prisonniers de dogmes qu’ils savaient périmés, de programmes qu’ils avaient renoncé à réaliser, les grands partis unissaient fallacieusement des hommes qui, sur les problèmes du moment – on le vit bien après Munich -, s’étaient formé les opinions les plus opposées. Ils en séparaient d’autres, qui pensaient exactement de même. »

    En bref, lire « L’étrange défaite » en 2013, ça fait assez peur.

    Bon. Et puis, Avatar. Gros succès du box-office. Très belles images de synthèse, ambiance onirique, joli spectacle. Je passe sur la maîtrise technique indéniable et sur la poésie que l’on peut y voir et qui peut séduire. Mais franchement, sur un plan idéologique, c’est effarant. Une fable écolo-primitiviste d’une niaiserie et d’un manichéisme abyssaux (Cameron était aussi le réalisateur d’Abyss, avec les mêmes qualités, beaucoup moins les défauts, mais dont la version longue était une version trop longue, passons). Les indigènes qui se battent avec des flèches, dorment dans des feuilles géantes et, chose peut-être plus significative, volent sur des oiseaux apprivoisés… Des indigènes un peu rustres au premier abord, mais en fait, très très gentils et surtout, très très respectueux-de-la-nature. Apparemment ils n’ont pas besoin de se chauffer (sans doute le climat est-il de type tropical), ni de cuire leurs aliments, d’ailleurs ils ne mangent pas, par contre ils baisent, heureusement. Mais ils ne s’unissent pas seulement entre eux : aussi aux végétaux et aux animaux, en s’y connectant via leurs cheveux, si j’ai bien saisi. Ils pratiquent un genre de culte animiste impliquant une divinité personnifiant la nature, le « réseau » des espèces vivantes de Pandora. Bref, ce sont les gentils.

    De l’autre côté, les méchants : les humains ou plus exactement, ceux d’entre eux qui viennent pour exploiter les ressources minières de Pandora (et non pour étudier la nature et les indigènes) ; autrement dit, les industriels. Quelle horreur, des industriels. Et des militaires aussi. Pas mieux. Armés jusqu’aux dents, prêts à bondir, ils se déplacent dans des hélicoptères et aussi dans des tenues de Goldorak. Le gradé est une brute épaisse avec d’énormes balafres et un QI de colibri, le représentant de la World Compagny est un débile qui est prêt à tout raser pour récupérer son minerai et qui ne peut pas faire une phrase sans que celle-ci contienne le mot « dollar » (précédé de « millions »). Lui pilote à distance des drones-buldozers gros comme des immeubles. Bref, ce sont les méchants. A aucun moment bien sûr on n’évoque, ni dans un camp ni dans l’autre, la possibilité que les indigènes puissent travailler eux-mêmes, et à leur profit, à l’exploitation des gisements, pour les revendre aux terriens ou s’en servir eux-mêmes. Pensez donc, leur mode de vie primitif est tellement juste et bon, leur empreinte-écologique tellement… nulle.

    Moi qui suis un grand défenseur de la conquête spatiale, je note quand même au passage qu’a priori les scénaristes ont fait un certain effort de crédibilité technique et scientifique, en présentant l’exoplanète Pandora de manière assez réaliste (en imaginant par exemple une gravité plus faible que sur Terre ou encore une composition différente de l’atmosphère). N’empêche, sur un plan idéologique, on mesure le chemin parcouru (en arrière) depuis Star Trek.

    • Descartes dit :

      @Joe Liqueur

      [Il se trouve que je viens de lire « L’étrange défaite » de Marc Bloch… et de voir Avatar, le film de James Cameron (diffusé hier soir sur TF1).]

      Vous avez d’excellentes lectures…

      [« Nous résignerons-nous, cependant, à n’être plus, comme les Italiens nous ont annoncé leur volonté de ne pas le demeurer, qu’un « musée d’antiquailles » ? Ne nous le dissimulons pas : le choix même ne nous est plus permis. Pour le croire encore possible, nous savons trop bien le sort que nos ennemis réservent aux musées. Nous voulons vivre et, pour vivre, vaincre. Or, ayons le courage de nous l’avouer, ce qui vient d’être vaincu en nous, c’est précisément notre chère petite ville. »]

      On ne peut qu’admirer la lucidité de ce texte écrit il y a plus d’un demi siècle. Lucidité sur les mécanismes à l’œuvre à son époque, mais aussi quant au caractère constant dans notre histoire de ce conflit entre ruralité et urbanité, entre la tentation de la permanence et la nécessité de l’évolution. On peut difficilement m’accuser d’être un partisan de la nouveauté à tout prix. Par caractère je suis plutôt un nostalgique. Je pleure un peu comme Bloch « notre chère petite ville », mais en même temps je partage son diagnostic : si nous voulons avoir le choix, nous ne pouvons pas accepter de devenir un musée.

      [J’en profite pour glisser aussi celui-ci, qui pour le coup n’a pas de lien direct avec ton billet, mais qui se passe aussi de commentaire, je crois : « Prisonniers de dogmes qu’ils savaient périmés, de programmes qu’ils avaient renoncé à réaliser, les grands partis unissaient fallacieusement des hommes qui, sur les problèmes du moment – on le vit bien après Munich, s’étaient formé les opinions les plus opposées. Ils en séparaient d’autres, qui pensaient exactement de même. »]

      J’avais oublié celle-ci. Effectivement, là encore Bloch est particulièrement clairvoyant en mettant en exergue une constante de notre histoire politique : l’incapacité de gens qui sont d’accord sur la politique à poursuivre hic et nunc à constituer une force politique en dépassant « des dogmes qu’ils savent périmés, des programmes qu’ils ont renoncé à réaliser ».

      [En bref, lire « L’étrange défaite » en 2013, ça fait assez peur.]

      Pourquoi ? Après tout, la prise de conscience que Bloch illustre est à la racine de la constitution du CNR et des politiques économiques et sociales des trente glorieuses…

      [Bon. Et puis, Avatar. (…) Mais franchement, sur un plan idéologique, c’est effarant. Une fable écolo-primitiviste d’une niaiserie et d’un manichéisme abyssaux (…).]

      Vous savez, la théorie du « bon sauvage », cela ne date pas d’hier. Mais il est intéressant d’analyser un film comme celui-là, parce que son succès montre qu’il touche une fibre profonde. En fait, il y a dans nos sociétés une incapacité à gérer l’ambiguïté. Il nous faut des situations simples. Des bons qui soient très bons et des mauvais qui soient très mauvais. Des héros infaillibles et des salauds sans rémission. La difficulté, est que pour que les bons puissent être très bons, il faut les faire échapper à la contrainte économique. Parce que s’il faut qu’ils travaillent pour vivre, alors ils rentrent dans un rapport de production. Et on est forcément expulsé du jardin d’Eden dès qu’on entend les mots « tu gagneras le pain à la sueur de ton front »…

  4. vent2sable dit :

    Vive le Progrès !
    En ce début de XXIème siècle, les BRICS nous ont ravi la vedette. Le Brésil, l’Inde et surtout la Chine affichent, avec des hauts et des bas, une santé économique insolente. Au Brésil, par exemple, les favelas restent le symbole d’un pays inégalitaire ou les très pauvres sont légion, mais dans tout le pays, la misère recule. La classe moyenne, qui vit comme vous et moi représente désormais un quart des 200 millions de Brésiliens.
    En Chine, en Inde aussi, la classe moyenne, au mode vie « mondialisé », gagne du terrain en même temps que les pays se couvrent de gratte-ciel, de bagnoles, de TGV et d’aéroports.
    Le meilleur reste à venir et il est même parfois déjà là : La ville de Djakarta, par exemple, capitale d’un pays de 240 millions d’habitants, ressemble désormais à n’importe quelle mégapole du monde développé : métro, embouteillages, centres commerciaux, centres d’affaire, tours gigantesques. Et surtout classe moyenne en pleine croissance : bagnoles, villas, bateaux, loisirs, voyages …
    Le Bangladesh, le Vietnam, le Mexique, l’Ethiopie et le Nigéria accompagnent leur toute jeune réussite économique d’une émergence logique de leurs classes moyennes, copie conforme des classes moyennes des vieux pays industrialisés.
    En Europe, la monté en puissance du reste du monde entraîne malheureusement la désindustrialisation, le chômage de masse, la fin de l’état providence et la paupérisation de ceux qui ne profitent pas de la mondialisation. En France par exemple, on estime à 60% de la population, ceux à qui la mondialisation retire plus qu’elle n’apporte (ceux que vous appelez "le peuple", qui votaient autrefois communistes et qui votent aujourd’hui FN).
    Mais notre stagnation, voire notre récession « européenne », ne provoquera pas les effets escomptés par les écologistes, adeptes de la décroissance.
    A l’échelle planétaire, la seule échelle qui compte pour mesurer l’impact de l’homme sur l’environnement, l’épuisement des ressources et les atteintes aux milieux naturels s’aggravent à la même vitesse que croissent les classes moyennes des gigantesques pays émergents.
    Même si notre récession nous impose des comportements plus vertueux vis-à-vis de l’environnement, nos « efforts » d’anciens pays riches seront très largement compensés par la marche « en avant » triomphante des « Progrès » du reste du monde.
    Nous aurons donc à subir, en Europe et en France, à la fois les conséquences de notre récession économique et les conséquences écologiques de la poursuite du massacre planétaire de l’environnement.
    Nous pensions avoir le choix entre la prospérité et la sauvegarde de l’environnement, nous avons choisi de sacrifier l’environnement mais nous perdrons quand même la prospérité.

    • Descartes dit :

      @vent2sable

      [En Europe, la monté en puissance du reste du monde entraîne malheureusement la désindustrialisation, le chômage de masse, la fin de l’état providence et la paupérisation de ceux qui ne profitent pas de la mondialisation.]

      Je vois que vous vous êtes laissé abuser par le discours « mondialiste ». Non, ce n’est pas « la montée en puissance du reste du monde » qui entraîne la désindustrialisation ou le chômage de masse, pas plus que la fin de l’Etat-providence ou la paupérisation de certaines couches. Ce sont les politiques que nous avons mis en place pour faire face à la mondialisation. Dans les années 1980, nous avons choisi la libre circulation des capitaux et des marchandises, et un peu plus tard la monnaie unique et la « concurrence libre et non faussée ». Ces choix ont enrichi le capital et les classes moyennes au prix d’un chômage massif, de la désindustrialisation, de l’affaiblissement des institutions de redistribution, et finalement la paupérisation des couches populaires. Mais rien là dedans n’est fatal. On aurait pu parfaitement faire le choix inverse.

      [Mais notre stagnation, voire notre récession « européenne », ne provoquera pas les effets escomptés par les écologistes, adeptes de la décroissance.]

      Quand vous voyez les politiques faites par les écologistes, on peut sérieusement douter qu’ils « escomptent » un tel effet. Il n’y a qu’à voir le désastre allemand en matière de politique énergétique pour s’en convaincre. Après vingt ans de subventions aux renouvelables et d’économies d’énergie, l’Allemagne voit ses émissions de CO2 augmenter massivement, tout comme les prix de l’énergie…

      [Même si notre récession nous impose des comportements plus vertueux vis-à-vis de l’environnement, nos « efforts » d’anciens pays riches seront très largement compensés par la marche « en avant » triomphante des « Progrès » du reste du monde.]

      Je ne comprends pas très bien pourquoi vous mettez le « progrès » entre guillemets…

      [Nous pensions avoir le choix entre la prospérité et la sauvegarde de l’environnement, nous avons choisi de sacrifier l’environnement mais nous perdrons quand même la prospérité.]

      Pas nécessairement. Tout dépend de l’intelligence des choix que nous ferons. Ainsi, par exemple, le choix de l’énergie nucléaire a protégé l’environnement sans sacrifier en rien la prospérité : avec notre choix de politique énergétique des années 1970, nous avons décarbonné notre électricité tout en ayant l’électricité parmi les moins chères d’Europe – et du monde. Nous ne sacrifierons notre prospérité que si nous faisons des politiques de protection de l’environnement qui sont irrationnelles du point de vue économique.

    • Gugus69 dit :

      Bonsoir ami et camarade,
      C’est marrant, moi quand j’entends le mot "progrès", ça me renvoie à ma petite enfance. J’avais vécu ma prime jeunesse dans un vieil appartement insalubre du centre-ville. En 1960, nous sommes allés vivre dans un immeuble d’une banlieue populaire, appartenant (l’immeuble, pas la banlieue…) à la grande usine où travaillait mon père.
      C’était – c’est encore- une municipalité communiste. Dès lors, dans ma tête de gosse, progrès et communisme était des sortes de synonymes.
      Le progrès, c’était une lumière vive le soir dans toutes les pièces du F4 de 58 m2 que je trouvais immense. C’était une salle de bain, un wc rien que pour nous. C’était le dispensaire municipal où l’on nous vaccinait pour nous rendre immortels. C’était les colonies de vacances où l’on allait à la mer ou à la montagne. C’était le cinéma municipal tous les jeudis après-midi pour 20 centimes. C’était une télé toute neuve où Claude Santelli nous offrait le spectacle édifiant de Cosette et Ténardier. Un frigo plein de délicieux yaourts aromatisés dans des pots de plastique. Une machine à laver que ma mère laissait tourner dans un boucan terrible, en prenant le café avec la voisine de pallier.
      Voila, le progrès c’était ça : l’évidence d”un bien-être matériel qui ne pouvait que s’accroître, d’une santé qui résisterait à toutes les maladies connues ou à découvrir.
      À l’école, mes instits, dont au moins la moitié étaient communistes, comme (presque) tous les copains de mon père, nous expliquaient que la France était prospère et puissante, parce qu’elle produisait tant de millions de tonnes de charbon, d’acier, de blé, des voitures en pagaille, des trains, des avions, des bateaux, des cuisinières et des poêles à mazout… ; bref on était balèze parce qu’on PRO-DUI-SAIT ! Alors comme on était prospère, on s’équipait. C’est vrai par exemple que les barrages hydroélectriques était une fierté nationale (j’ai vu le film avec Gérard-Philipe). Et des routes, et des écoles, des hôpitaux !
      Et je pensais avec pitié aux générations d’avant qui trimaient dur en crevant de faim et de froid.
      Grâce au "progrès", nous étions tous devenus des privilégiés !
      Cette idée que le progrès des sciences apporterait le bonheur (un philosophe parlera de scientisme) m’a habité très longtemps. J’ai évolué dans ma réflexion depuis mes 10 ans. N’empêche : Le bonheur par le retour à la mère-nature originelle n’a jamais fait partie de mon horizon.

    • Descartes dit :

      @Gugus69

      [Voila, le progrès c’était ça : l’évidence d”un bien-être matériel qui ne pouvait que s’accroître, d’une santé qui résisterait à toutes les maladies connues ou à découvrir. (…) À l’école, mes instits, dont au moins la moitié étaient communistes, comme (presque) tous les copains de mon père, nous expliquaient que la France était prospère et puissante, parce qu’elle produisait tant de millions de tonnes de charbon, d’acier, de blé, des voitures en pagaille, des trains, des avions, des bateaux, des cuisinières et des poêles à mazout… ; bref on était balèze parce qu’on PRO-DUI-SAIT ! Alors comme on était prospère, on s’équipait. C’est vrai par exemple que les barrages hydroélectriques était une fierté nationale (j’ai vu le film avec Gérard-Philipe). Et des routes, et des écoles, des hôpitaux ! Et je pensais avec pitié aux générations d’avant qui trimaient dur en crevant de faim et de froid.]

      Votre témoignage – comme souvent – m’a beaucoup ému. Je suis ravi de constater qu’il y a encore des gens qui partagent ma vision du monde… même si cette vision peut paraître aujourd’hui au plus grand nombre ringarde ou passéiste. Nous, qui avons connu ces temps-là, nous avons un seul devoir : le raconter aux nouvelles générations. Il faut qu’elles sachent que la grisaille d’aujourd’hui n’est pas fatale. Qu’on peut faire différemment…

    • Jean Mi dit :

      Merci pour cette belle image qui m’a fait revivre celle que j’avais quelque peu rangée dans un tiroir à la maison.
      C’est aussi pour cela que comparativement j’ai parfois des difficultés à comprendre les motifs de pleurnicheries et l’ingratitude de certains à qui la société, (oserais-je dire dont le bas des classes moyennes), donne beaucoup sans contreparties.

  5. Gérard Couvert dit :

    Le sens en Italien me semble indiquer une nostalgie, mais aussi la marche inexorable du temps.
    Quelque chose à voir avec :

    Passent les jours et passent les semaines
    Ni temps passé
    Ni les amours reviennent
    Sous le pont Mirabeau coule la Seine

    Cela est présent aussi dans ceci :

    I sogni e gli anni non ritornano
    Ma a volte le cose cambiano.
    Lo so che sembra impossibile,
    che è incredibile, ma a volte capita

    Le film est une co-production franco-italienne, cette coopération si naturelle et si prolixe.
    A quand un axe Paris-Rome pour remplacer le Paris-Berlin !
    C’est aussi un film sur l’internationalisation du travail.

    Et pour finir une autre citation en Italien :
    Ma verrà un giorno che tutte quante
    O bella ciao bella ciao bella ciao ciao ciao
    Ma verrà un giorno che tutte quante
    Lavoreremo in libertà

    à voir : http://www.ina.fr/video/PHD98048006

  6. adrien dit :

    > Combien d’hommes politiques avez-vous entendu parler de « progrès » ces dernières années ?

    Pour apporter un élément de réponse quantitatif et précis à votre question je suis allé faire un tour dans la base de données de discours du site vie-publique.fr. Une recherche sur le mot-clef « progrès » montre que le terme est employé de manière à peu près constante dans 15-20% des discours depuis le début des années 2000, avec peut-être un léger déclin mais vu les fluctuations je ne suis pas certain qu’il soit significatif. Avant ça, il était par contre clairement moins employé, autour de 5% dans les décennies 80-90. Et encore avant, les discours sont moins nombreux, et il est difficile de dégager une tendance.

    Bref, le passage au nouveau siècle s’est clairement accompagné d’un renouveau d’intérêt pour le thème du progrès dans les discours politiques. Après, je n’ai pas poussé l’analyse pour savoir si le terme était associé à des valeurs positives ou négatives, par contre. Ça dépasse mes capacités, ou du moins l’effort que je suis prêt à mettre dans cette discussion.

    • Descartes dit :

      @Adrien

      Le mot "progrès" reste très utilisé. Mais ce n’est pas parce qu’on utilise le mot qu’on "parle de progrès". Le mot est en fait utilisé dans des expressions du genre "le mariage pour tous c’est un grand progrès"…

  7. jjj dit :

    "l’Européen parle de progrès, parce que, grâce à d’ingénieuses applications de quelques découvertes scientifiques, il a édifié une société qui confond confort et civilisation." Disraeli

  8. adrien dit :

    @ Descartes : Suite à votre remarque j’ai précisé ma recherche avec des expressions entre guillemets, comme "progrès technique", "progrès technologique", "progrès scientifique", "progrès humain" et "progrès social". Les termes suivent à peu près la même évolution dans le temps, avec à chaque fois une augmentation notable du nombre de discours parlant de chacun de ces types de progrès à l’approche des années 2000. Plus un pic plus petit à la fin des années 70-début des années 80, mais qui est plus difficile à quantifier vu le manque de données antérieures.

    J’ai également regardé la fréquence de ces expression au sein des discours contenant le terme "progrès" : elle est à peu près constante, à l’exception d’un pic très marqué pour l’expression "progrès technologique" centré sur 1981 (ainsi que d’un pic moins marqué pour l’expression "progrès social" à la même poque, et un autre petit pour "progrès technique", légèrement antérieur). Avant et après cette période la fréquence des différentes expressions est à peu près constante, l’expression "progrès social" (autour de 10%) dominant très nettement les autres (employées dans moins de 5% des discours parlant du progrès.

    Si vous avez des idées pour d’autres expressions… J’ai bien tenté "progrès sociétal" mais je n’ai obtenu qu’une poignée d’occurrence dans les années récentes. Il me semble que d’une manière générale on ne précise pas de quel type de progrès il s’agit, mais l’augmentation notable au passage aux années 2000 (le futur, enfin ! les voitures volantes et tout le reste !) suggère qu’il s’agit du progrès en général.

    • Descartes dit :

      @adrien

      Encore une fois, la question n’est pas l’expression mais l’idée. Le mot "progrès" n’a jamais disparu du discours. On a parlé de "progrès social" pour parler de la réduction du temps de travail, de "progrès technologique" pour parler de nouvelles inventions. Mais la question du "progrès" en général, c’est à dire, l’idée que l’accumulation de connaissances et l’usage de la Raison améliorent globalement notre monde et que donc on peut avoir confiance que demain sera meilleur qu’hier, elle, a disparu des radars. C’est pourquoi une recherche terminologique ne donne pas d’informations sur cette question. A la rigueur, il faudrait chercher combien de fois on trouve le mot "progrès" non suivi d’une qualification (social, écologique, humain, scientifique…).

  9. 1internaute dit :

    Magnifique article et tellement d’actualité (voit aussi le docu Arte sur Youtube: Un monde sans Humains.
    Cette vision un peu linéaire (mais nuancée) de l’histoire de la philosophie est très pédagogique mais souvenons nous qu’il ne s’agit que de l’Occident (pour simplifier beaucoup) et qu’il y a beaucoup de peuples sur Terre qui ne croient pas à la notion de progrès et qui s’en portent bien, si ce n’est que leur Terre est détruite par les progressistes. Le problème de la philo, c’est qu’elle évolue, mais que l’humain n’évolue pas, à chaque génération il lui faut réapprendre les fondamentaux, et tester lui même pour comprendre ses connaissances. Pour illustrer le manque de sagesse des "Lumières" et à présent des élites de style Illuminati (mais il y en a tant d’autres), il faut retenir ce principe de JS Bach en musique: Ne jamais ajouter une couche tant que la précédente n’est pas maîtrisée.
    Le grand baromètre de la sagesse des philosophies et de la folie technocratique, c’est l’agriculture. Actuellement, un fiasco colossal.
    "Spiderman" était une belle parabole, mais "tout le monde s’en fout" comme dit Vincent Delerm. Dans Spiderman: "A grands pouvoirs, grandes responsabilités". A bon? Mais alors le Nucléaire? L’agro industrie? L’extermination des pollinisateurs? La codification des relations humains par des logiciels (pour l’amour ou le travail). Etc, etc…
    L’Homme sage essaie de comprendre le monde (la Nature, par le monde ethnocentré, folie oedipienne), l’Homme déraisonnable essaie d’adapter le monde à lui. Seul l’hindouisme (et le jaïnisme) a compris cela.

    • Descartes dit :

      @1internaute

      [Cette vision un peu linéaire (mais nuancée) de l’histoire de la philosophie est très pédagogique mais souvenons nous qu’il ne s’agit que de l’Occident (pour simplifier beaucoup) et qu’il y a beaucoup de peuples sur Terre qui ne croient pas à la notion de progrès et qui s’en portent bien, ]

      Cela veut dire quoi « se porter bien » ? Une espérance de vie de 45 ans ? Une mortalité infantile importante ? Etre soumis aux famines selon le bon vouloir de la nature ? Etre à la merci des maladies infectieuses ou parasitaires ? J’avoue que je ne connais pas beaucoup de civilisations qui ne croient pas dans la notion de progrès et qui ont réussi à dépasser ces fléaux. Je ne vois donc pas très bien de quels peuples vous voulez parler…

      Vous avez par contre raison de signaler que l’idée de « progrès » est typiquement occidentale. C’est ce qui explique pourquoi les civilisations héritières de Grèce et deRome – pour faire court – ont réussi assez naturellement à dominer le monde, et pourquoi d’autres civilisations qui avaient au départ été bien plus loin (Chine, Egypte, Inde) alors que l’Europe était encore à l’âge de pierre se sont à un moment de leur histoire figés.

      [Le problème de la philo, c’est qu’elle évolue, mais que l’humain n’évolue pas, à chaque génération il lui faut réapprendre les fondamentaux, et tester lui même pour comprendre ses connaissances. Pour illustrer le manque de sagesse des "Lumières" et à présent des élites de style Illuminati (mais il y en a tant d’autres), il faut retenir ce principe de JS Bach en musique: Ne jamais ajouter une couche tant que la précédente n’est pas maîtrisée.]

      Je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire. C’est quoi les « élites du style Illuminati » ? Quel est le rapport avec le principe invoqué selon vous par JS Bach ?

      [Le grand baromètre de la sagesse des philosophies et de la folie technocratique, c’est l’agriculture. Actuellement, un fiasco colossal.]

      Ah bon ? Personnellement, je ne peu que constater que l’agriculture nourrit aujourd’hui sept milliards d’humains, et que si elle n’arrive pas encore à les faire manger tous à leur faim, elle arrive à les nourrir à un niveau jamais atteint auparavant dans l’histoire humaine. Les famines provoquées par une mauvaise récolte, qui étaient chose courante dans tous les pays du monde il y a deux siècles, ont totalement disparu sauf dans les pays ou justement le « progrès » n’est pas encore arrivé. Et tout cela alors que la force de travail investie dans l’agriculture n’a jamais été aussi faible. Pour l’agriculteur aujourd’hui, c’est la sur-production qui est devenue la menace, bien avant les ravageurs et les incidents climatiques. Et c’est cela que vous appelez « un fiasco colossal » ?

      ["Spiderman" était une belle parabole, mais "tout le monde s’en fout" comme dit Vincent Delerm. Dans Spiderman: "A grands pouvoirs, grandes responsabilités". A bon? Mais alors le Nucléaire? L’agro industrie? L’extermination des pollinisateurs? La codification des relations humains par des logiciels (pour l’amour ou le travail). Etc, etc…]

      Je ne comprends pas très bien le rapport entre tout ça. Le nucléaire nous fournit une énergie propre, abondante et économique en faisant infiniment moins de dommages écologiques et humains que le charbon (l’ensemble des morts de l’énergie nucléaire de toute son histoire ne représente pas le dixième des morts liées à l’extraction charbonnière pendant une année). L’agro-industrie nous fournit des aliments abondants et d’un niveau sanitaire inconnu dans toute l’histoire humaine. Et si la baisse des nombres des polinisateurs est un véritable problème, il n’y a pas de raison de penser qu’on n’arrivera pas à résoudre ce problème là comme on a résolu tant d’autres. Par contre, j’ai du mal à savoir ce que vous entendez par « la codification des relations humaines par des logiciels »…

      Que vous n’aimiez pas le « progrès », c’est votre droit. Mais vous semblez avoir du mal à donner à votre détestation un fondement rationnel, d’expliquer clairement avec des exemples précis ce que vous lui reprochez.

      [L’Homme sage essaie de comprendre le monde (la Nature, par le monde ethnocentré, folie oedipienne), l’Homme déraisonnable essaie d’adapter le monde à lui.]

      Oui, mais l’Homme sage vit alors dans une caverne, mange de la viande crue, et meurt jeune d’une maladie infectieuse. Car c’est cela le « monde » avant que nous essayions de l’adapter à nous. Alors que l’Homme déraisonnable vit dans un appartement agréable, chauffé, doté d’un frigo plein de bonnes choses, et peut compter vivre agréablement jusqu’à 80 ans entouré de musique, de livres et d’autres agréments. C’est à se demander si la « sagesse » vaut la déraison…

      [Seul l’hindouisme (et le jaïnisme) a compris cela.]

      Oui, et on voit les résultats.

    • ah aha, du bon sens pratique, ca change.

      et bonne nouvelle ca ne vas pas ralentir, parce que des gens d’ont jamais accepté d’écouter le consensus de prétendus scientifiques, de politiques en faites.

    • Descartes dit :

      @AlainCo

      Je n’ai rien compris à vos interventions…

  10. Olivier dit :

    Après la lecture de votre billet, on se sent un peu moins triste, plus enthousiaste, c’est aussi ça le progrès !

  11. Il est temps de passer a la pratique et de faire une révolution de progrès.
    de montrer comment une technologie nié, comme on a pas souvent nié une découverte, peut tout renverser sans que ce ne soit la souffrance générale.
    Trouver dans la technologie, la solution confortable aux angoisses exagérées ou réelles de notre temps.

    accessoirement on va enterrer tout ce qui aujourd’hui est sensé être la solution a nos problème, ainsi que nos peurs, et même ceux qui critiquent ces peurs…

    ironie.

    “Only puny secrets need keeping. The biggest secrets are kept by public incredulity.” (Marshall McLuhan)

  12. CVT dit :

    @Descartes,
    petit hors sujet (j’ai essayé de trouver l’un de vos articles récents qui soit le plus proche de ce dont je vais parler…).
    Que pensez-vous de la réforme de Vincent Peillon sur les classes préparatoires, notamment sur l’augmentation du nombre d’heures d’enseignement?
    Si on veut bien être indulgent avec le ministre de l’éducation nationale (à quand le retour d’un ministère de l’Instruction Publique? Comme cela, les responsabilité parents/professeurs seront plus claires…), il est en train de déshabiller Paul pour habiller Pierre! En clair, par pure démagogie anti-élitiste, il s’attaque aux classes prépas, symbole de la méritocratie républicaine.
    Pensez-vous que les sempiternels classes moyennes vont laisser faire? On s’attaque là à une des sources de leur pouvoir….

    • Descartes dit :

      @CVT

      [Que pensez-vous de la réforme de Vincent Peillon sur les classes préparatoires, notamment sur l’augmentation du nombre d’heures d’enseignement?]

      L’augmentation des heures d’enseignement me paraît une nécessité, tout comme le raccourcissement des vacances, et notamment des vacances en cours d’année. Si on me laissait faire, je supprimerai les vacances de février et de Toussaint, je raccourcirai radicalement les vacances de Pâques et celles d’été. Et j’augmenterai aussi les obligations de service des professeurs en conséquence.

      [En clair, par pure démagogie anti-élitiste, il s’attaque aux classes prépas, symbole de la méritocratie républicaine.
      Pensez-vous que les sempiternels classes moyennes vont laisser faire? On s’attaque là à une des sources de leur pouvoir….]

      Les "sempiternels classes moyennes" seront au contraire ravies. Il est vrai que c’est le système méritocratique en général et les classes préparatoires en particulier qui ont permis au XXème siècle la formation des classes moyennes. Mais aujourd’hui, les choses ont changé: la méritocratie permettrait, si elle marchait toujours, à des nouveaux arrivés d’entrer en compétition avec les enfants des classes moyennes. Et dans une compétition "au mérite", les classes moyennes installées ne sont pas sûres de gagner. C’est pourquoi, comme la bourgeoisie naguère, les classes moyennes rejettent aujourd’hui la sélection au mérite et préfèrent l’héritage, qui leur garantit de pouvoir transmettre leur statut social à leurs enfants.

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