C’est la chute finale

Rien ne sera comme avant après ce 25 mai. Non pas parce quelque chose ait radicalement changé. Les fondamentaux qui ont rendu possible la victoire du Front National sont à l’œuvre depuis fort longtemps. Depuis plus de trente ans nous assistons à la dégradation de nos institutions, à la démission de nos élites, à la détérioration – dans la plus grande indifférence des bienpensants – de notre appareil productif, à la marginalisation politique des couches populaires et à la prise du pouvoir par les classes moyennes, à la destruction de l’ascenseur social et à la promotion des « communautés ». C’est dire que tout ce qui a permis au Front National d’arriver en tête dans cinq circonscriptions sur sept et de devenir le premier parti de France ne date pas de dimanche dernier. Trente ans que l’empereur a été progressivement délésté de ses beaux habits devant une foule de courtisans politico-médiatiques qui vantaient en permanence la modernité et la « branchitude » de son costume. Aujourd’hui, l’Empereur est nu et il le sait. Pas étonnant qu’il ait envie de changer de tailleur.

Le résultat du 25 mai dernier n’est donc pas un fait nouveau, mais un symptôme d’une évolution ancienne arrivée à un stade paroxystique. Celui d’une contexte ou les couches populaires sont privées de tout levier efficace leur permettant de contester les évolutions qui leur sont imposées par une alliance entre une bourgeoisie qui s’enrichit chaque fois plus et des classes moyennes hantées par le spectre du déclassement. Quels sont les leviers d’action laissés aux classes populaires ? La grève ? Elle est pratiquement impossible dans un contexte de chômage de masse et de délocalisation. La manifestation ? L’expérience a montré que la manifestation ouvrière – contrairement à celle des classes moyennes, voir CPE – n’aboutit à rien. Le vote ? L’expérience là encore montre que la politique économique et sociale mise en œuvre sert les mêmes intérêts quelque soit la coalition sortie des urnes. L’abstention ? On a bien vu qu’elle ne fait peur à personne, et que nos politiques n’en tiennent aucun compte une fois la victoire emportée, même lorsqu’elle l’est avec 15 % des voix.

Le Front National a profité habilement de cette situation, en tenant un discours qui ouvre une fenêtre dans cette atmosphère étouffante. Non pas un discours « fasciste » – qui dans la France de 2014 n’auraient attiré personne – mais au contraire un discours qui reprend reprend les idées qui ont permis en un temps – hélas, revolu – aux partis « de gauche » de représenter effectivement la classe ouvrière. Des idées simples comme celles de redevenir maître chez soi, de produire chez nous, de renforcer nos institutions, de revaloriser le travail, de rompre avec les discours victimistes et pleurnichards. Et, last but not least, un discours qui dit qu’une autre politique est possible, là où les autres se résignent à quelques aménagements de l’existant. Sarkozy avait réussi en 2007 à attirer le vote populaire avec un discours volontariste et – je reprends ici ses propres termes – en reprenant les drapeaux que la gauche avait laissé tomber. Maintenant que la droite dite « républicaine » est redevenue de droite, c’est le Front National qui capitalise ces mêmes drapeaux. Mais il ne faut pas oublier que lorsque Sarkozy en 2012 a quitté ce discours pour celui nettement plus droitier que lui soufflait Patrick Buisson, les résultats n’ont pas été probants. Ce qui montre bien combien le succès du FN se joue sur sa récupération des thèmes populaires, et non sur une quelconque veine « fasciste ».

Le 25 mai n’est pas, contrairement à ce que les commentateurs bienpensants veulent nous faire croire, le triomphe du « repli sur soi ». Pas plus que la victoire du « fascisme » dont nous rabat les oreilles l’extrême gauche. C’est la réponse de l’électorat populaire à l’autisme d’une élite politique dominée par les classes moyennes et qui, de la droite dite « républicaine » à l’extrême gauche, a renoncé à changer quoi que ce soit sur le fond. Bien sûr, personne n’assume ce renoncement. A droite et au centre on se réfugie qui dans le « il n’y a pas d’alternative », à gauche dans le monde onirique avec des utopies chaleureuses mais totalement déconnectées de la réalité. Cela fait plus de trente ans que nous glissons sur cette pente savonneuse, et au fur et à mesure que les gouvernements se succèdent et se ressemblent, que le fossé entre le langage des campagnes électorales et la pratique des gouvernements devient de plus en plus évident, l’illusion devient chaque fois plus difficile à entretenir. Ce renoncement des élites, dont Maurice Duverger parlait déjà en 1986 dans « la nostalgie de l’impuissance », le peuple français – et c’est tout à son honneur – les accepte de plus en plus mal. Non parce qu’il refuse de regarder la mondialisation en face, mais parce qu’il refuse de se laisser imposer ses choix par cette mondialisation aveugle. Et si les appels à la résignation des libéraux – qu’ils soient « sociaux » ou pas – ne font plus recette, ce ne sont certainement pas les utopies « sociétales » de la « gauche radicale » qui peuvent constituer une alternative. L’électorat populaire a été abandonné, rejeté par des politologues du genre Terra Nova qui l’ont marqué du sceau de l’infamie sous prétexte qu’il n’adhère à l’idée que se font les bobos de la « tolérance », tolérance dont Clemenceau disait fort justement qu’il y a des maisons pour ça. Dans la « gauche radicale », on se prétend défenseur d’un prolétariat « virtuel » qui n’a qu’un rapport lointain avec la classe ouvrière réelle. Cet électorat abandonné était à prendre, le FN l’a pris. La faute à qui ? Si les « djeunes » veulent manifester, ils feraient mieux de le faire sous les fenêtres de Marie-George Buffet et de Robert Hue, de Jospin et de Aubry, de Mélenchon et de Besancenot plutôt que de Marine Le Pen.

Il est difficile de dire jusqu’à quel point les électeurs qui ont voté pour les candidats du FN partagent le projet – ou plutôt l’un des projets, parce qu’il y a plusieurs – défendus par ce parti. Mais tous les sondages montrent que ces électeurs ont une chose en commun : le rejet des fausses alternatives – Schultz ou Junker ? Social-libéralisme ou libéralisme social ? – dans lesquels on prétend les enfermer. Et tout montre aussi que ces électeurs ont compris qu’en votant pour les partis du consensus européiste – qui va de l’UMP au Front de Gauche, hélas ! – ou en s’abstenant ils n’auraient fait que conforter les élites médiatico-politiques dans leur autisme. Imaginez-vous ce qu’auraient été les discours de la soirée électorale si le FN avait fait 5%… on aurait entendu le cœur chanter « vous voyez bien que tout le monde est pour l’Europe de Maastricht moyennant quelques aménagements ». Si le vote de dimanche dernier a fermé la voie à cette autosatisfaction, on aura au moins gagné ça.

En d’autres termes, l’électorat populaire a fait le bon diagnostic et agi en conséquence. Ne pas le comprendre, disqualifier ce vote au nom de la lutte contre le « fascisme » c’est se boucher les yeux et les oreilles au fait que la fracture que révèle le vote FN est une fracture de classe. Après avoir nié ce fait pendant des années, même la « gauche radicale » le reconnaît aujourd’hui. Un sondage publié cette semaine dans l’Humanité montre que des ouvriers et employés qui se sont déplacé pour voter, 41% ont voté pour le FN, et que le vote pour ce parti progresse fortement chez les syndiqués, toutes obédiences confondues. Plutôt que de se déclarer « atterrés » ou de maudire le vote populaire, les progressistes devraient au contraire être stimulés par cette démonstration d’intelligence et de maturité politique de la part du peuple français. « Mieux vaut allumer une chandelle que de maudire l’obscurité », comme disent nos amis anglais. Ce vote montre qu’il y a une demande de changement, et cela est encourageant. Ensuite, si l’on ne veut pas des solutions proposées par le FN, c’est aux progressistes de proposer une réponse alternative qui puisse satisfaire les demandes des couches populaires. Mais les progressistes doivent aussi être conscients que l’Histoire ne les attendra pas. S’ils ne sont pas capables de proposer des solutions aux problèmes, d’autres se chargeront de le faire. Imaginer que les gens continueront sagement à voter pour des gens qui n’ont aucune chance de résoudre leurs difficultés, c’est se bercer de douces illusions.

Le vote du 25 mai est, je suis convaincu, un vote pour le changement. C’est pourquoi j’ai du mal à être catastrophé comme le sont un certain nombre de mes connaissances, y compris celles qui disent sur tous les tons vouloir le changement. Nous cherchions à sortir l’électorat de son indifférence ? Et bien, c’est fait. Pourquoi pleurer alors ? Bien sur, Marine Le Pen ne représente pas l’alternative que je voudrais. Mais le résultat du FN est un grand coup de pied dans la fourmilière politique. Il donne l’opportunité d’amorcer une dynamique d’où peut surgir un programme alternatif que je serais heureux de voter. A nous de saisir cette opportunité.

Malheureusement, personne ne semble prendre ce chemin. On a pu le voir lors de la soirée électorale sur nos médias. Si vous me permettez là encore une considération personnelle, je dois dire que la soirée électorale a été l’une des plus jouissives depuis le soir du 29 mai 2005. Le dicton chinois veut que si l’on s’installe sur le pas de sa porte et qu’on est assez patient, on finit par voir passer le cadavre de son ennemi. Les mines déconfites des européistes de gauche comme de droite, le dépit haineux des commentateurs bienpensants, voilà un spectacle que j’aimerais voir plus souvent. Mais au delà de ces satisfactions fort mesquines, je le reconnais, il y a les comportements politiques. Et en lisant ces comportements, le message ne pouvait être plus clair : c’était « les électeurs aboient, la caravane passe ». Nous avons entendu Valls déclarer qu’il ne changerait rien. Nous avons entendu les « partis de gouvernement » nous expliquer que les électeurs n’avaient rien compris. Nous avons vu des commentateurs faire de gros efforts pour nous démontrer que les français n’ont pas en fait voté ce qu’ils ont voté (1). Nous avons vu un commissaire européen nous expliquer que l’Europe nous protège grâce aux cinquante règlements qu’il avait lui-même impulsé pour mieux contrôler les banques (c’est la spécialité de l’UE de fermer l’écurie une fois que le cheval s’est échappé). Rien qui puisse laisser penser que le message envoyé par un votant sur quatre ait été entendu.

Depuis, ça ne s’est pas arrangé. Le président de la République s’est adressé à nous pour nous expliquer – entre deux fautes de français (2) – qu’il ne changerait rien. La fièvre passée, les commentateurs sont revenus à leurs commentaires habituels. La « gauche radicale », suivant son réflexe pavlovien, manifeste « contre le vote Front National » sans se rendre compte de l’aberration démocratique que contient cette formule. Le texte de l’appel à manifester contre le Front National (3) du jeudi 29 mai est d’ailleurs révélateur. Voici le premier paragraphe de cet appel :

« Les résultats des élections européennes sont un véritable cataclysme politique dans notre pays. Cela ne correspond pas à nos valeurs, celles du mouvement social. Notre camp, c’est celui qui s’indigne et se mobilise contre l’expulsion des sans-papiers, contre les violences, misogynes, homophobes et racistes. C’est celui qui croit en l’égalité et la solidarité, qui rembourse la contraception et l’IVG, qui s’est engagé pour les droits des femmes. Celui qui a su bâtir un modèle social qui garantit à tou-te-s l’accès à la santé et à l’éducation. Cette France qui croit aux idéaux d’égalité et de progrès doit se mobiliser. »

Si « notre camp » est celui-là, à quel « camp » appartiennent ceux qui sont préoccupés par le chômage, par les fins de mois difficiles, par la fermeture de branches industrielles entières, par l’insécurité dans leur quartier ? Notre pays compte bientôt trois millions et demi de chômeurs et des millions de précaires, nos industries disparaissent, et les jeunesses politiques de la gauche ne nous parlent que de l’expulsion de sans papiers et des violences misogynes. Comment dans ces conditions peuvent elles espérer être entendues par l’électorat populaire, qui a d’autres problèmes un peu plus pressants ? Il y a quelque chose d’effrayant dans l’autisme d’une classe politico-médiatique qui confond ses marottes avec l’intérêt général, qui est persuadée de détenir la vérité révélée et se sent investie on ne sait pas par quelle divinité du pouvoir de faire le bonheur des peuples malgré eux. Cet autisme, on l’a vu, n’épargne personne à droite comme à gauche jusqu’à y compris la gauche radicale. Les soi-disant élites n’écoutent plus que les gens comme eux, et sont devenues sourdes aux préoccupations du reste de la société. C’est là où se trouve le véritable danger. Si Marine Le Pen arrive un jour au pouvoir, ce sera portée par les voix de ceux dont on a trop longtemps ignoré les problèmes, et non par un coup d’Etat « fasciste ».

Au fond, le plus surprenant dans la situation que nous vivons est certainement la surprise de nos politiques et de nos commentateurs. On aurait dit que tous ces gens ont été pris au dépourvu par les résultats. Pourtant, ils étaient prévisibles, que dis-je, annoncés depuis plusieurs semaines. Même pour un observateur moyennement informé comme moi. Alors, imaginez pour les Fressoz et les Giesbert, supposés être la crème de la crème de nos analystes politiques, et pour tous ces ministres qui ont à leur disposition les rapports des préfets ? Sans parler des partis politiques, avec leurs réseaux à l’écoute des citoyens. Tous ces gens savaient le résultat à l’avance. Or, le soir de l’élection, l’impréparation était totale. Personne n’avait l’air d’avoir préparé son discours, tout le monde semblait KO debout. On en arrivait à se demander à quels résultats tous ces gens-là s’étaient préparés. S’attendaient jusqu’au bout à un miracle ?

Si je devais garder une image des élections européennes, ce serait celle de l’émotion et de la détresse de Mélenchon à sa conférence de presse (4). Pour une fois, le Petit Timonier n’a pas cherché à minimiser l’ampleur du désastre. Il n’a pas, comme c’est devenu son habitude, cherché à gonfler le score du Front de Gauche. Il a admis, avec des trémolos dans la voix qui n’étaient nullement feints, la défaite et le besoin de revenir sur les erreurs commises (5). Vous remarquerez d’ailleurs que depuis le soir de l’élection le blog de Mélenchon est muet et fermé aux commentaires. Tout cela – vous voyez, je suis optimiste – est de bon augure. La baffe reçue des électeurs ce 25 mai pourra peut-être réussir là ou les amis qui lui veulent du bien – à ne pas confondre avec les sycophantes qui, comme tout flatteur, vivent aux crochets de celui qui les écoute – ont échoué. C'est-à-dire à lui faire comprendre qu’une révision en profondeur du programme, du langage et du positionnement sont indispensables s’il veut pouvoir conquérir et représenter l’électorat populaire, condition sine qua non de tout changement de fond. Permettez-moi donc d’adresser à Jean-Luc un message personnel : Courage ! Rien n’est perdu pour celui qui a le courage d’admettre les erreurs et de les corriger.

Descartes

(1) Efforts qui ont par exemple consisté à remarquer qu’après tout, malgré les 26% du Front National, les partis européistes font encore près de 69 % des voix. Seulement, cet argument oublie un phénomène bien connu des experts en marketing, celui de la rémanence des choix. Pour le dire autrement : si vous arrivez au rayon lessives de votre supermarché en n’ayant jamais acheté une lessive, il y a de grandes chances que votre choix soit guidé par le prix, ou les qualités annoncées du produit ou de l’emballage. Mais si vous avez déjà acheté, la probabilité que vous preniez une marque que vous avez déjà acheté est relativement importante alors même que son prix, son emballage ou ses qualités sont moins attractives. En d’autres termes, pour qu’une nouvelle marque arrive à attirer votre attention, il lui faut offrir beaucoup plus que la marque installée. En politique, le phénomène de « prime au sortant » est une bonne illustration de ce phénomène. Ce phénomène de rémanence limite l’amplitude des évolutions qu’on peut observer d’une élection sur l’autre. Même si la majorité du peuple français était eurosceptique, il serait très difficile pour le camp eurosceptique de passer de 10% à 50% en seulement cinq ans. De tels déplacements du vote sont extrêmement rares.

(2) Quelqu’un devrait expliquer au président que les formules « La France, elle est comme ci » et « le changement, il devrait donner cela » sont incorrectes. Le discours de François Hollande étant bourré de fautes de cette nature, je me suis demandé si ce n’était qu’un tic de langage du président à l’oral. Mais les fautes figurent aussi dans le discours écrit tel qu’il est publié sur le site de l’Elysée… franchement, on ne pourrait pas payer au président un bon correcteur de discours ?

(3) L’appel est signé par l’UNEF, la FIDL, l’UNL, Osez le Féminisme, la Maison des Potes, les Jeunes Socialistes, les Jeunes Communistes, les Jeunes du Parti de Gauche, les Jeunes de la Gauche Unitaire, les Jeunes Ecologistes, les Jeunes Radicaux de Gauche. Le texte, long de plusieurs paragraphes, ne mentionne pas une seule fois les mots « chômage » ou « chômeur ».

(4) consultable ici : http://www.dailymotion.com/video/x1wq06x_conference-de-presse-de-j-l-melenchon-europeennes-2014_news

(5) Dommage qu’il ait ressenti le besoin de rejeter la faute sur les autres – le gouvernement, pour faire court. Dommage aussi qu’il voie dans la résultat du FN le simple fait que « d’aucuns ont réussi à imposer l’idée que c’était les immigrés, que c’était les mœurs, que c’était la nature du mariage, qui posaient problème dans ce pays ». Or, si quelqu’un a martelé que « les mœurs et la nature du mariage posaient problème », c’est bien le Front de Gauche. Comparez la place donnée à ces questions dans le programme du FDG avec celle qui est réservée aux questions économiques… si « la nature du mariage » ne pose pas de problème, pourquoi est-on allé le réformer avec la loi dite « du mariage pour tous » âprement défendue par le Front de Gauche ?

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110 réponses à C’est la chute finale

  1. Bannette dit :

    Bonsoir Descartes,

    J’ai eu la même surprenante sérénité à l’annonce du résultat du FN en tête lors de ces élections, alors que j’honnis ce parti. Non seulement je m’en doutais par mes discussions avec des petites gens lorsque je fais mon marché, mais en plus, j’ose le dire ici, je… l’espérais. Pourtant je n’ai pas voté pour Marine LP (je vote toujours pour un programme auquel j’adhère au mois à 60 %), mais comme tu le dis souvent, je voulais que les thèmes qu’elle fais mine de porter – facile pour elle plus personne ne les porte mis à part DLR ou le micro parti UPR (NON à l’Euro ! Souveraineté Nationale ! STOP au transfert des compétences ! NON au GMT ! contrôle de nos frontières, de nos modes de productions, services publics, rejet des institutions européïstes) aient résonance, même si nos merdias les diabolisent, même si la fille de JMLP les porte très mal, l’important c’est qu’on en parle. Comme disait l’autre, parlez de moi en bien, parlez de moi en mal, mais parlez de moi…

    Je ne suis absolument pas catastrophée par la situation, car si je regarde les autres votes en Europe, c’est à peu près la même chose : les eurosceptiques ont su faire entendre leur voix (qu’ils soient de gauche ou de droite ou indéterminé), mais le fait que la France, 2ème puissance du continent, ait eu un tel résultat, si frappant pour les esprit (je vois d’ici le Times refaire une couverture comme en 2002 "The shame of France", on est tellement habitués au French bashing chez les anglo-saxons bienpensants), est pour moi une satisfaction chauvine : elle continue à porter le beau costume de l’indépendance et de la rébellion (après le discours de Villepin concernant l’Irak, après le NON de 2005 pour la constitution européenne, qui a entraîné celui des danois et des irlandais dans son sillage). Qu’est-ce que j’adorerais qu’on soit le premier pays à sortir de l’euro !

    Bon je m’emballe, je m’emballe… Certes il est désespérant de voir les élites déconfites et sourdes, le spectacle déshonorant du énième scandale financier de la clique à Sarko, mais au milieu de cette stupidité, de cette vulgarité, de ce snobisme vis-à-vis des petites gens, un moment que je qualifierais presque de "grâce", l’intervention de JLM. J’ai moi aussi été touchée par Jean Luc Mélenchon. Il était totalement à nu, son rêve de devenir le Tsipras/Chavez/Kirshner/or whatever français se fracassant sur le mur de la réalité, le fait de sentir que toute sa stratégie mise au moins depuis la création du FDG n’a servi à RIEN car il est revenu sur la ligne de départ (même score qu’en 2009, après son humiliation aux législatives, après les scores décevants du FDG post présidentielles de 2012), je crois que même au soir du 21 avril 2002, il n’était pas aussi ému. On pourrait se moquer de lui, faire niark, niark, niark, il l’a bien mérité, mais peut être que cette gifle monumentale lui permettra enfin de se remettre en question.

    Oui le personnage m’a souvent énervée (le coup du "maréchaliste" pour les gens de gauche comme moi qui veulent sortir de l’euro, son dillettantisme, ses coups de gueule mal placés, certaines intuitions foireuses), mais l’ayant rencontré, j’ai toujours senti ce fond d’humanité (sans compter ses qualités personnelles réelles, même s’il est dommage que la compétence ou la compréhension de l’économie n’en fasse pas partie) qui permettait d’espérer.

    Va-t-il se remettre en question ? LA est tout le suspens pour les mois à venir. En tout cas il est déprimé c’est sûr vu le silence radio sur son blog. Je suis sûre que dans sa tête, il sent qu’il a échoué, maintenant c’est de son entourage dont j’ai le plus peur (même si comme je l’ai déjà dit, c’est de sa faute s’il est entouré de courtisants qui déforment la réalité, c’est de sa faute si des gens aussi estimables que Dolez ou Ramaux se sont barrés). Je dois avouer que les premiers billets sur le site de son parti font peur : encore une recherche des boucs émissaires (les médias, le PCF, le PS, etc), une auto-satisfaction sur les résultats de ses lieutenants grossis comme encourageants (comme ils l’ont fait avec Simmonet ou Grenoble dont ils n’ont même pas la Mairie, alors qu’à côté, des maires PG perdaient leur siège), une énième manif anti-raciste… Bon si c’est de la com’ pour l’extérieur afin de ne pas perdre la face, OK du moment qu’en interne, JLM revoie sa copie. On verra pour la suite…

    Sinon, en aparté, que penses-tu de Nigel Farage ? Je ne connais pas bien la politique anglaise, mais j’ai trouvé certaines similitudes étonnantes avec l’aggiornamento apparent du FN : il est parti de l’Europe pour aborder l’immigration (en gros l’ouverture des frontières et la libre circulation des biens/capitaux/hommes amènent à la délocalisation, et l’importation d’ouvriers d’Europe de l’est qui font pression à la baisse des salaires des anglais) et c’est à ce moment là qu’il a décollé : avant ses électeurs étaient des conservateurs souverainistes, maintenant il capte l’électorat populaire.

    • Descartes dit :

      @ Banette

      [Bonsoir Descartes,]

      Bonjour Banette, bienvenu parmi nous, ca faisait un bail qu’on ne vous voyait pas ici…

      [J’ai eu la même surprenante sérénité à l’annonce du résultat du FN en tête lors de ces élections, alors que j’honnis ce parti.]

      C’est un point qu’il faut à mon avis noter. Pourquoi je retrouve tant d’anciens camarades qui auraient été catastrophés il y a quelque temps de ce résultat et qui aujourd’hui le prennent avec fatalisme – quand ce n’est pas avec curiosité ? L’explication de la « dédiabolisation » me paraît un peu courte. J’ai expliqué dans mon papier que ce vote était à mon avis un « vote pour le changement ». C’est une forme de sortie d’une longue léthargie politique. C’est pourquoi ceux qui veulent du changement ne peuvent que regarder la chose avec intérêt. Maintenant, c’est à chacun de chercher à orienter le « changement » en question.

      [Je ne suis absolument pas catastrophée par la situation, car si je regarde les autres votes en Europe, c’est à peu près la même chose : les eurosceptiques ont su faire entendre leur voix (qu’ils soient de gauche ou de droite ou indéterminé),]

      Il faudrait regarder cela avec attention. Je ne connais pas assez la politique et l’histoire danoise ou hongroise pour pouvoir analyser les chiffres. Mais si je reste à ce que je connais, il est notable de voir combien l’euroscepticisme est différent selon les traditions et les systèmes politiques nationaux. La différence entre les pays qui profitent de l’Euro (Allemagne, Pays Bas) et ceux qui en sont les victimes (France, Grèce) est remarquable.

      [Qu’est-ce que j’adorerais qu’on soit le premier pays à sortir de l’euro !]

      Je me souviens ici de la devise de la marine américaine : « ne soyez jamais le premier, ne soyez jamais le dernier, et ne vous portez jamais volontaire pour quoi que ce soit ». Je pense que la sortie volontaire de l’Euro sera, par force, un processus traumatique et qu’il ne pourra donc être conduit que par un gouvernement disposant d’une grande assise politique. Ce que je ne vois pas venir. C’est pourquoi je vois plutôt une sortie forcée, un effondrement, et ce ne sera pas beau à voir !

      [Bon je m’emballe, je m’emballe… Certes il est désespérant de voir les élites déconfites et sourdes, le spectacle déshonorant du énième scandale financier de la clique à Sarko, mais au milieu de cette stupidité, de cette vulgarité, de ce snobisme vis-à-vis des petites gens, un moment que je qualifierais presque de "grâce", l’intervention de JLM. J’ai moi aussi été touchée par Jean Luc Mélenchon. Il était totalement à nu, son rêve de devenir le Tsipras/Chavez/Kirshner/or whatever français se fracassant sur le mur de la réalité, le fait de sentir que toute sa stratégie mise au moins depuis la création du FDG n’a servi à RIEN car il est revenu sur la ligne de départ (même score qu’en 2009, après son humiliation aux législatives, après les scores décevants du FDG post présidentielles de 2012), je crois que même au soir du 21 avril 2002, il n’était pas aussi ému. On pourrait se moquer de lui, faire niark, niark, niark, il l’a bien mérité, mais peut être que cette gifle monumentale lui permettra enfin de se remettre en question.]

      Mélenchon est souvent émouvant lorsqu’il est spontané. L’ennui, c’est que le politicard reprend vite le dessus. J’ai presque regretté d’avoir publié ce paragraphe sur Mélenchon lorsque j’ai lu son premier papier sur son blog après l’élection. Parce que Jean-Luc y revient une fois encore aux mêmes antiennes : c’est la faute aux solfériniens qui ont désespéré le peuple, c’est la faute aux médias qui m’ont diabolisé et mis le FN au centre du débat, c’est la faute aux communistes qui n’ont pas voulu se plier à sa stratégie de « autonomie conquérante ». En d’autres termes, c’est toujours la faute aux autres, à des forces sur lesquelles on n’a pas le moindre contrôle. Et dans ces conditions, les mêmes causes provoquant les mêmes effets, il n’y a rien à faire puisque ce pauvre PG n’a le pouvoir de changer ni les solfériniens, ni les médias, ni les communistes.

      Et pourtant, Mélenchon n’est pas très loin de mon analyse générale de la situation : il constate que le FN est porté par une dynamique de l’histoire qui amène une large partie de l’électorat à contester le « système » et à rechercher une alternative. Malheureusement, il ne se pose jamais la question vitale : pourquoi le Front de Gauche n’a pas réussi à constituer cette alternative et disputer l’électorat populaire au FN ? Il élimine au contraire cette question d’un revers de manche en décrétant que la position du FdG est rendue « illisible » par le travail de sape des médias et la faute des communistes. Ce n’est tout simplement pas vrai. Le discours du FdG est « illisible » parce qu’il n’a de sens que pour un tout petit secteur de la société, celui pour qui les questions « sociétales » sont essentielles et les questions économiques et sociales secondaires. Mélenchon vitupère ceux qui « nient la centralité du conflit social et politique » mais les discours de son parti – et souvent les siens – font au contraire une place centrale aux question « sociétales », oubliant du coup ce qui relève du social. Cette contradiction, que j’ai signalée en citant l’appel à manifester contre le FN de jeudi dernier, est au centre du problème.

      Si à cela on ajoute la tendance mélenchonienne à réécrire l’histoire… exemple : « Toutes les étapes où il était possible de contrer la construction du Front national ont été ratées. Depuis la proposition d’interdiction il y a vingt ans jusqu’à la mise en ligne du Front de Gauche comme contrepoint, tout a été vain ». Quel aveu, non ? Ainsi pour Mélenchon on commence à « contrer la construction du Front National » il y a « vingt ans ». C’est-à-dire, en 1994, juste quand François Mitterrand cesse de gouverner… mais pourquoi ne pas avoir combattu le FN avant cette date ? Peut-être parce qu’à l’époque ce cher François – dont Mélenchon était un soutien inconditionnel – cherchait plutôt à aider le FN à se construire pour emmerder la droite…

      Bref, je crains que l’autocritique et la prise de conscience de Mélenchon n’aient duré qu’une soirée. Dommage.

      [Oui le personnage m’a souvent énervée (le coup du "maréchaliste" pour les gens de gauche comme moi qui veulent sortir de l’euro, son dillettantisme, ses coups de gueule mal placés, certaines intuitions foireuses), mais l’ayant rencontré, j’ai toujours senti ce fond d’humanité (sans compter ses qualités personnelles réelles, même s’il est dommage que la compétence ou la compréhension de l’économie n’en fasse pas partie) qui permettait d’espérer.]

      Comme être humain, il est adorable. Comme politicien, c’est un désastre.

      [Sinon, en aparté, que penses-tu de Nigel Farage ? Je ne connais pas bien la politique anglaise, mais j’ai trouvé certaines similitudes étonnantes avec l’aggiornamento apparent du FN : il est parti de l’Europe pour aborder l’immigration (en gros l’ouverture des frontières et la libre circulation des biens/capitaux/hommes amènent à la délocalisation, et l’importation d’ouvriers d’Europe de l’est qui font pression à la baisse des salaires des anglais) et c’est à ce moment là qu’il a décollé : avant ses électeurs étaient des conservateurs souverainistes, maintenant il capte l’électorat populaire.]

      Le système politique britannique est très différent du notre parce que la société britannique est très différente à la notre. En France, nous avons un système traditionnellement quadripartite (droite, centre droit, centre gauche, gauche). En Grande Bretagne, le système électoral pousse fortement au bipartisme. Du coup, les franctures se trouvent à l’intérieur des partis, et non à l’extérieur. Entre l’extrême gauche et l’extrême droite des travaillistes ou des conservateurs il y a des différences bien plus importantes qu’entre la droite et la gauche du PS ou de l’UMP.

      Farage vient de la droite souverainiste, qui a toujours été très forte au parti conservateur. Cette droite souverainiste a toujours été à couteaux tirés avec les conservateurs « européistes », et ce sont en partie ces guerres qui ont entraîné la chute de Margaret Thatcher, par exemple. Mais le souverainisme anglais n’a rien à voir avec le souverainisme français : en Grande Bretagne, les souverainistes sont fondamentalement libéraux. Ils combattent Bruxelles non pour rétablir l’autorité de l’Etat britannique, mais pour donner la plus grande liberté aux entreprises britanniques. Et ce libéralisme est populaire même parmi les ouvriers. En France, le souverainisme est plutôt étatiste, et le FN a du abandonner une bonne partie de son libéralisme pour attirer les voix des couches populaires.

      C’est le problème éternel des souverainistes: alors que les européistes sont tous pareils, les souverainistes sont tous différentes…

  2. v2s dit :

    Je ne sais pas si c’est dû au fait que je vous lis maintenant depuis près de deux ans, mais je me trouve très en accord avec votre article.
    Et je ne suis pas loin de penser que les élus de l’UMPS (appelons les comme ça, c’est plus rapide que « partis républicains de gouvernement »), je ne suis pas loin de penser que les participants à la soirée électorale, avec leurs mines déconfites, et leurs airs faussement surpris, pensaient à peu près la même chose que vous.
    Bien sur, ce n’était pas Michel Barnier, présidentiable à la commission, qui allait se fendre d’un mea-culpa, mais on n’avait l’impression que tout le monde pensait tout bas ce que vous écrivez « tout haut ».
    La vraie surprise, le choc, c’est que, une fois la gueule de bois passée, dès le surlendemain c’était « business as usual ».
    Les débats ont repris de plus belle sur le seul sujet qui les intéresse : qui seront les candidats en 2017 ? Pour le PS ? Pour l’UMP ? que disent les sondages sur leurs chances d’être élus ?
    Hollande, qui s’est fait élire sur un malentendu (on a élu le vainqueur de la primaire socialiste parce qu’on ne voulait plus de Sarko), Hollande est au pouvoir depuis deux ans. Depuis deux ans, son « formidable instinct politique » s’est manifesté brillamment en réussissant de moins en moins à faire croire à tout le monde que, « cette fois ci, ça y est, on sait exactement ce qu’il faut faire, on va agir, on va vous montrer des résultats ». Résultat ? deux ans de perdus et toujours pas de ligne claire. L’opposition ne propose rien de mieux et semble juste attendre que les choses continuent d’aller de plus en plus mal, dans l’espoir d’empocher la mise en 2017, dans une alternance dont ils ne doutent pas.
    Pour eux, la politique de La France ne serait donc qu’une espèce de coupe de France de foot qui se jouerait tous les cinq ans ?
    Mais en 2017, ou en serons nous ? à 4 millions de chômeurs ? à une relégation à la 25eme place mondiale ? à une France de retraités et de chômeurs incapable de financer correctement son école, sa santé, sa recherche ?
    Allons nous attendre tranquillement 2017, puis confier le pouvoir à des gens qui n’ont pas de meilleurs plan pour La France que ceux qui ont aujourd’hui le pouvoir ?
    Dans l’histoire, La France est souvent sortie de crises graves grâce à des hommes providentiels.
    Sans faire injure à personne, ni Mélenchon, ni Jupé, ni Bayrou, ni Vals, ni personne de connu n’a le profil d’un De Gaulle. Gardons espoir qu’un inconnu se révèle « miraculeusement », je vais de ce pas brûler un cierge.
    PS : En lisant votre titre « la chute finale », j’avais espéré que vous alliez nous expliquer que la chute de Hollande était pour demain, qu’il allait dissoudre l’assemblée ou pourquoi pas nous proposer une sixième république.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Je ne sais pas si c’est dû au fait que je vous lis maintenant depuis près de deux ans, mais je me trouve très en accord avec votre article.]

      Eh oui… l’habitude de l’échange fait qu’on s’entend au moins sur le sens des mots, et cela aide à trouver des convergences. Voilà le grand mérite d’un débat suivi…

      [Et je ne suis pas loin de penser que les élus de l’UMPS (appelons les comme ça, c’est plus rapide que « partis républicains de gouvernement »),]

      Malheureusement cela exclue d’autres partis de gouvernement : PRG, EELV, centristes de tout poil…

      [ (…) je ne suis pas loin de penser que les participants à la soirée électorale, avec leurs mines déconfites, et leurs airs faussement surpris, pensaient à peu près la même chose que vous.
      Bien sur, ce n’était pas Michel Barnier, présidentiable à la commission, qui allait se fendre d’un mea-culpa, mais on n’avait l’impression que tout le monde pensait tout bas ce que vous écrivez « tout haut ».]

      Je ne suis pas sur. Il y encore des mystiques de l’Europe – l’exemple de Jean Arthuis me semble le plus éclatant – qui croient sincèrement que l’Europe est en train de faire notre bonheur et que nous sommes trop bêtes pour le voir. Pour les autres, je pense que leurs facultés intellectuelles étaient plutôt concentrées sur la question « comment on sort de ce merdier ».

      [La vraie surprise, le choc, c’est que, une fois la gueule de bois passée, dès le surlendemain c’était « business as usual ». Les débats ont repris de plus belle sur le seul sujet qui les intéresse : qui seront les candidats en 2017 ? Pour le PS ? Pour l’UMP ? que disent les sondages sur leurs chances d’être élus ?]

      Ca vous surprend ? Vous oubliez que nos soi disant élites politico-médiatiques viennent des classes moyennes, et que les classes moyennes souffrent d’une myopie absolue pour ce qui concerne le long terme. Leur logique est de danser sur le volcan. Une fois qu’elles ont constaté que la victoire du FN ne se traduit pas par des têtes sur des piques et la guillotine place de la Concorde, elles peuvent tranquillement continuer à jouir de leurs privilèges jusqu’à la prochaine secousse.

      [Dans l’histoire, La France est souvent sortie de crises graves grâce à des hommes providentiels. Sans faire injure à personne, ni Mélenchon, ni Jupé, ni Bayrou, ni Vals, ni personne de connu n’a le profil d’un De Gaulle. Gardons espoir qu’un inconnu se révèle « miraculeusement », je vais de ce pas brûler un cierge.]

      Il y a de ça. A chaque fois, il a fallu pour sortir de la crise prendre de front des couches sociales dont l’égoïsme corporatiste bloquait tout progrès. Pour casser ce verrou, il faut à chaque fois une concentration très grande du pouvoir en quelques mains, d’où ce besoin d’un « homme providentiel ». Mais cet homme providentiel n’est presque jamais venu de l’establishment politique. C’était souvent un « outsider ». Difficile donc de prévoir qui ce pourrait-être.

      [PS : En lisant votre titre « la chute finale », j’avais espéré que vous alliez nous expliquer que la chute de Hollande était pour demain, qu’il allait dissoudre l’assemblée ou pourquoi pas nous proposer une sixième république.]

      Oh que non. Même dans l’état ou elles sont, les institutions de la Vème sont – et c’est heureux – suffisamment solides pour survivre à un Hollande. La dissolution, que le FN demande à cor et à cri et qui du coup devient impossible politiquement, n’arrangerait rien puisqu’on ne voit pas quelle coalition pourrait prendre la place de celle qui gouverne aujourd’hui. Le système est profondément bloqué, et c’est bien là le problème.

    • Bannette dit :

      Oui la prise de conscience de Mélenchon n’a pas duré longtemps ; j’ai lu son billet et à nouveau les bras m’en tombent. Il a du être consolé par sa clique et renforcé dans ses mauvaises intuitions.

      Comme quoi il a vraiment un entourage à baffer : il avait tenu une remarquable conférence il y a 2 ans je crois sur le thème de la Défense, appelée "pour une défense souveraine et altermondialiste" aux accents quasi-gaullistes (même s’il ne le revendique pas), devant des happy few (genre 100 personnes à tout casser dans une salle réduite). J’avais demandé à un camarade, qui connait bien l’entourage de Mélenchon, pourquoi il fait ce genre de conférence, où il est très inspiré (à la fois au niveau des idées, mais aussi de la forme, l’inspiration donnant un cachet exceptionnel à ses qualités d’orateur) quasiment secrètement, pourquoi pas quand les efforts des militants réussissent à réunir près de 100 000 personnes à Paris, où là il aurait vraiment de l’écho, plutôt que d’en profiter pour faire un énième discours bienpensant pour les droits des femmes, du mariage gay et des immigrés.

      Il m’a répondu qu’en fait dans l’entourage de JLM, ce genre de conférence est parfois perçue avec grincement, que la défense est la marotte personnelle du Chef, et qu’ils le "laissent" faire puisque ça lui fait plaisir, du moment qu’à côté, il défend les "vraies" idées de gauche sociétale. Tu ne seras pas surpris si on te dit que parmi ceux qui considèrent que le tropisme de JLM par rapport aux questions de Défense peut être tendancieux, militariste, rappeler les heures sombres de l’armée française, etc, il y a Billard, Chaïbi and Co. Rappelons que dans l’extrême gauche, il y a des abrutis pacifistes qui souhaitent que la France donne exemple pour qu’elle se désarme, partage/abandonne son siège au Conseil permanent de l’ONU (à droite, on a même suggéré qu’elle le partage avec… l’Allemagne !), retire toutes ses bases militaires à l’étranger !
      Bref voilà cet homme de + 60 ans qui peut avoir de bonnes intuitions gâcher son talent pour défendre avec la frénésie des nouveaux convertis les droits de la femme ou des LGBT, alors que s’il suivait l’inspiration qu’il avait lors de cette conférence sur la Défense, mais pour parler d’industrie, d’Europe ou de l’Euro, il pourrait damer le pion à la fille Le Pen.
      Tant pis pour lui.

      Voyons comme le FN va gérer ses villes et la suite de l’ascension de la fille Le Pen. Si Dupont Aignan pouvait s’en inspirer et chercher à mordre l’électorat populaire (mais il doit être en déficit de militants).

    • Descartes dit :

      @ Bannette

      [Oui la prise de conscience de Mélenchon n’a pas duré longtemps ; j’ai lu son billet et à nouveau les bras m’en tombent. Il a du être consolé par sa clique et renforcé dans ses mauvaises intuitions.]

      Je m’étais fait exactement la même réflexion…

      [Il m’a répondu qu’en fait dans l’entourage de JLM, ce genre de conférence est parfois perçue avec grincement, que la défense est la marotte personnelle du Chef, et qu’ils le "laissent" faire puisque ça lui fait plaisir, du moment qu’à côté, il défend les "vraies" idées de gauche sociétale. Tu ne seras pas surpris si on te dit que parmi ceux qui considèrent que le tropisme de JLM par rapport aux questions de Défense peut être tendancieux, militariste, rappeler les heures sombres de l’armée française, etc, il y a Billard, Chaïbi and Co.]

      Non, pas vraiment…

    • marc.malesherbes dit :

      @ Banette @ Descartes

      "Oui la prise de conscience de Mélenchon n’a pas duré longtemps ; j’ai lu son billet et à nouveau les bras m’en tombent. Il a du être consolé par sa clique et renforcé dans ses mauvaises intuitions. "

      vous reprenez l’éternelle complainte "le souverain est bon, ses conseiller sont méchants"

      comme c’est amusant de revoir, à travers les ages, les mêmes croyances.
      Et pourtant l’éducation a progressé, et je suis persuadé que vous avez été à l’école au moins jusqu’en CE2, que vous avez regardé à la télé des séries historiques … En somme je reprendrai le vieux dicton "la raison est et a toujours été l’esclave de la passion"  (HUME)

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [vous reprenez l’éternelle complainte "le souverain est bon, ses conseiller sont méchants".Comme c’est amusant de revoir, à travers les ages, les mêmes croyances. ]

      Vous êtes méchant… mais vous n’avez pas tout à fait tort. Avec une petite nuance historique tout de même. La phrase avait été inventée à une époque lointaine ou les rois étaient souvent faibles et le choix de leur « conseillers » – en fait, des ministres – était déterminé par la nécessité de se faire des alliés parmi les « grands » du royaume. A l’époque, séparer l’action des « conseillers » de celle du roi avait donc un sens. Avec la construction de la monarchie centralisée puis de la République, la légitimité a été concentrée chez le monarque ou l’élu et les conseillers sont devenus des serviteurs que le gouvernant choisit à volonté et qu’il congédie lorsqu’il n’est plus satisfait d’eux. Du coup, la responsabilité repose exclusivement sur le gouvernant. Une faute d’un conseiller est en dernière instance une faute du gouvernant qui l’a choisi…

      Maintenant, la question intéressante : le PG fonctionne-t-il comme une République ? Ou reste-t-il régi par le modèle féodal ? Le roi a le libre choix de ses conseillers, ou est-il tenu de d’entourer des « grands » dont il recherche les alliances ?

  3. morel dit :

    « C’est dire que tout ce qui a permis au Front National d’arriver en tête dans cinq circonscriptions sur sept et de devenir le premier parti de France ».
    Je vous ai déjà signifié mon horreur du déni de réalité concernant les élections. Le FN est arrivé en tête des européennes, c’est la réalité et même avec une forte progression depuis 2009 (comparons ce qui est comparable). De là à parler du « premier parti de France », je crois que vous écrivez un peu trop vite. Il y a d’une part cette forte abstention que vous ne pouvez balayer qui ne se manifeste pas lorsque l’enjeu est plus concret, de l’autre, les scrutins européens nous ont trop habitués à des montées brusques (car sans conséquences réellement concrètes) la dernière en date étant celle de EELV mais ce n’est pas la seule dans l’historique de ce scrutin. Avouez que cela mériterait pour le moins confirmation.

    « Et, last but not least, un discours qui dit qu’une autre politique est possible »
    Je comprends ce que vous avez voulu signifier mais, veuillez m’excuser, je ne supporte plus cette formule entendue sous la variante « une autre Europe est possible ».
    « les partis du consensus européiste – qui va de l’UMP au Front de Gauche, hélas ! ou en s’abstenant ils n’auraient fait que conforter les élites médiatico-politiques dans leur autisme.»
    Je ne souscris pas à l’amalgame entre votants pour des partis pro-UE à différents degrés et les abstentionnistes. Le « vote » ouvrier ou plus généralement populaire reste encore le premier…chez les abstentionnistes, le vote FN ne vient qu’après. Examinez de près les communes ouvrière (exemple non exclusif : Stains).
    « les progressistes doivent aussi être conscients que l’Histoire ne les attendra pas. S’ils ne sont pas capables de proposer des solutions aux problèmes, d’autres se chargeront de le faire. ».
    Effectivement. Et le problème est bien là cette fois. Non pas que je m’apprête à monter sur des barricades imaginaires pour la « lutte antifasciste ». Je viens de m’engue…avec un camarade d’un autre syndicat à ce sujet (elles sont où les bandes de nervis SA ??) mais parce que je ne crois pas une seule seconde que le clan Le Pen est au service des salariés.
    « Les résultats des élections européennes sont un véritable cataclysme politique dans notre pays. »
    Bien d’accord avec vous sur ce discours rebattu. Depuis des mois le résultat avait été clairement annoncé. D’un autre côté je ne suis pas très étonné non plus de cette réaction qui ne peut que valoriser le FN.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [De là à parler du « premier parti de France », je crois que vous écrivez un peu trop vite.]

      Je vous l’accorde. J’aurais du être plus précis sur les critères de hiérarchisation. En l’espèce, je voulais parler surtout de la dynamique. Le FN est le seul parti qui en France se situe dans une dynamique de croissance. Tous les autres au mieux maintiennent avec difficulté leurs positions électorales acquises. Le seul qu’on voit progresser d’élection en élection et conquérir de nouveaux électorats, c’est le FN.

      [Il y a d’une part cette forte abstention que vous ne pouvez balayer qui ne se manifeste pas lorsque l’enjeu est plus concret, de l’autre, les scrutins européens nous ont trop habitués à des montées brusques (car sans conséquences réellement concrètes) la dernière en date étant celle de EELV mais ce n’est pas la seule dans l’historique de ce scrutin. Avouez que cela mériterait pour le moins confirmation.]

      Tout à fait. Mais encore une fois, on peut difficilement nier que le FN est, et cela depuis plusieurs élections, dans une dynamique de croissance et de conquête de nouveaux électorats. On le voit faire des bons résultats dans des régions – l’ouest, le sud-ouest – ou des électorats – les syndiqués – où il était pratiquement absent il n’y a pas si longtemps. L’abstention est, certes, forte. Mais si le vote était obligatoire, je ne suis pas persuadé que les résultats du FN seraient moins bons. Ceux qui s’abstiennent le font souvent par rejet du choix qui leur est proposé.

      [Je ne souscris pas à l’amalgame entre votants pour des partis pro-UE à différents degrés et les abstentionnistes. Le « vote » ouvrier ou plus généralement populaire reste encore le premier…chez les abstentionnistes, le vote FN ne vient qu’après. Examinez de près les communes ouvrière (exemple non exclusif : Stains).]

      Ce n’est pas ce que je voulais dire. Mon point, c’est que nos élites politico-médiatiques ne prennent pas en compte l’abstention. Les 25 % des listes FN a provoqué la consternation, alors que le 65% d’abstention n’a provoqué qu’une indifférence polie. En d’autres termes, le vote « européiste » et l’abstention se trouvent avoir un caractère commun : ils ne dérangent pas nos politiques et nos commentateurs. Et cela indépendamment du message qu’ont pu vouloir envoyer les abstentionnistes.

      [Effectivement. Et le problème est bien là cette fois. Non pas que je m’apprête à monter sur des barricades imaginaires pour la « lutte antifasciste ». Je viens de m’engue…avec un camarade d’un autre syndicat à ce sujet (elles sont où les bandes de nervis SA ??) mais parce que je ne crois pas une seule seconde que le clan Le Pen est au service des salariés.]

      Je ne crois pas que la question se pose de cette manière. Au risque de me répéter, il y a une dialectique entre les dirigeants d’un parti, sa base et son électorat. Lorsqu’un parti a un électorat ouvrier, il est obligé de servir les intérêts de cet électorat sous peine de le perdre. Et cela quelque soit la vision personnelle des dirigeants. Ceux-ci ont une marge de manœuvre, certes, mais cette marge est moindre que ce que l’on croit. La sociologie d’un parti est bien plus déterminante, à l’heure de prédire ses politiques, que les opinions de ses dirigeants. Et c’est pourquoi le fait de savoir si « le clan Le Pen est au service des salariés » ou pas n’a finalement qu’une importance secondaire. En choisissant sa « clientèle », ils ont choisi d’une certaine manière le « produit ». Si Monoprix essayait de vendre des sacs Vuitton, ils se planterait, et de même si Vuitton essayait de vendre des sacs Monoprix. Le client est roi.

    • Louis dit :

      Tout d’abord je veux vous dire bravo pour tout votre blog ! Même si je dois commenter une fois par an, cela fait des années que je le lis avec grand plaisir.

      Avec ces lectures, je ne peux plus m’empêcher de penser aux classes moyennes lorsque je lis la presse 🙂

      Mais n’y a t’il pas une contradiction entre ce que vous nous expliquez sur la dialectique "Lorsqu’un parti a un électorat ouvrier, il est obligé de servir les intérêts de cet électorat sous peine de le perdre" et ce comportement des ouvriers britanniques "Ils combattent Bruxelles non pour rétablir l’autorité de l’Etat britannique, mais pour donner la plus grande liberté aux entreprises britanniques. Et ce libéralisme est populaire même parmi les ouvriers "

      Les ouvriers britanniques auraient-ils intérêt à une politique totalement contraire à celle qui satisferait les ouvriers français (libéralisme économique vs interventionnisme) ?

      Ou peut-être considérez vous que l’idéologie (au sens de Marx) des classes moyennes connait un règne sans partage au Royaume-Uni ? L’UKIP serait un pis-aller pour les classes populaires britanniques ?

    • Descartes dit :

      @ Louis

      [Tout d’abord je veux vous dire bravo pour tout votre blog ! Même si je dois commenter une fois par an, cela fait des années que je le lis avec grand plaisir.]

      Merci de l’encouragement, ça aide àcontinuer…

      [Mais n’y a t’il pas une contradiction entre ce que vous nous expliquez sur la dialectique "Lorsqu’un parti a un électorat ouvrier, il est obligé de servir les intérêts de cet électorat sous peine de le perdre" et ce comportement des ouvriers britanniques "Ils combattent Bruxelles non pour rétablir l’autorité de l’Etat britannique, mais pour donner la plus grande liberté aux entreprises britanniques. Et ce libéralisme est populaire même parmi les ouvriers ". Les ouvriers britanniques auraient-ils intérêt à une politique totalement contraire à celle qui satisferait les ouvriers français (libéralisme économique vs interventionnisme) ?]

      J’ai voulu faire bref, et j’ai été schématique… je vais essayer de clarifier le point. En France, l’Etat reste le grand arbitre des conflits sociaux. Le rapport de forces s’exprime par le biais de la législation, et ensuite chacun, ouvriers et patrons, demande à l’Etat de protéger cet équilibre. En Angleterre, la tradition est beaucoup plus libérale. Ouvriers et patrons règlent leurs conflits par la négociation entre des syndicats puissants et des organisations patronales non moins puissantes. L’intervention de l’Etat est mal vécue parce qu’elle s’est faite pratiquement toujours au détriment des ouvriers.

      L’intérêt des ouvriers français est donc devoir l’Etat intervenir, alors que celui des ouvriers britanniques est au contraire de le maintenir a distance. Non pas parce que leurs intérêts sont différents, mais parce que l’Etat ne joue pas le même rôle. En France, l’Etat s’est construit en défendant les « petits » contre les « grands », en Grande Bretagne, ce sont les « communautés » qui protègent les « petits », l’Etat étant l’instrument des « gros »…

      [Ou peut-être considérez vous que l’idéologie (au sens de Marx) des classes moyennes connait un règne sans partage au Royaume-Uni ? L’UKIP serait un pis-aller pour les classes populaires britanniques ?]

      Il y a de ça aussi ! Mais alors qu’en France les classes moyennes ont pris le pouvoir "par la gauche" avec mai 1968 et plus tard avec Mitterrand, en Angleterre elles ont pris le pouvoir "par la droite" avec Thatcher.

    • Louis dit :

      Si je vous embêtes sur un sujet éloigné de nos préoccupation premières, ie la situation politique en France, c’est que je me demande si votre théorie des classes moyennes, qui me semble très utile pour éclairer les évolutions en France depuis 45-30 ans, se transpose bien dans des contextes étrangers.

      Dans le cas britannique, soit les classes moyennes sont arrivées au pouvoir pour mener une politique en contradiction avec les intérêts des classes populaires et alors la limitation des interventions étatiques n’était (n’est ?) pas dans l’intérêt des classes populaires britanniques, soit Thatcher a fait une politique favorisant les intérêts des ouvriers et employés…

      Je comprend votre arguments sur l’Etat Britannique qui protège les "gros" tandis que les corps intermédiaires (depuis les barons et la Magna Carta en 1215) protègent les petits. Cela me parait très éclairant pour comprendre pourquoi les ouvriers britanniques ne vont pas demander de médiation de l’Etat dans les négociations ou pourquoi Cameron peut proposer de confier aux communautés la gestion de l’Etat Providence (Big Society). Mais un libéralisme thatcherien, libre-échangiste, favorable aux réductions d’impôts pour les plus aisés et au démantèlement de l’Etat Providence n’est il pas défavorable aux classes populaires, même au Royaume-Uni ?

    • Descartes dit :

      @ Louis

      [je me demande si votre théorie des classes moyennes, qui me semble très utile pour éclairer les évolutions en France depuis 45-30 ans, se transpose bien dans des contextes étrangers.]

      En tant que « théorie », je pense que oui. Mais il est clair que l’histoire et le rôle des classes moyennes dans les différents pays est très différent, et qu’il faut donc l’utiliser à bon escient, sans chercher à retrouver les processus sous la même forme.

      [Dans le cas britannique, soit les classes moyennes sont arrivées au pouvoir pour mener une politique en contradiction avec les intérêts des classes populaires et alors la limitation des interventions étatiques n’était (n’est ?) pas dans l’intérêt des classes populaires britanniques, soit Thatcher a fait une politique favorisant les intérêts des ouvriers et employés…]

      Je ne suis pas très sur de comprendre votre question, mais je vais essayer d’y répondre. En Angleterre, contrairement à ce qui se passe en France, les classes moyennes sont arrivées très tardivement au pouvoir. Jusqu’aux années 1980, l’Etat britannique est très faible, et c’est le très grand pouvoir des syndicats – et non celui de l’Etat – qui en fait détermine la répartition du revenu. Une répartition qui n’est pas du tout du goût de la bourgeoisie mais surtout des classes moyennes naissantes. Thatcher arrive au pouvoir portée par une alliance de la bourgeoisie et des classes moyennes pour terminer avec le pouvoir syndical. Elle sera appuyée par une frange de la classe ouvrière qui aspire à accéder aux classes moyennes dans un pays où les classes moyennes sont encore peu nombreuses et où il y a véritablement une place pour l’ascension sociale.

      Ce qu’il faut comprendre, c’est que la société anglaise est dans les années pré-thatcher beaucoup plus rigide socialement que la société française. En France, les « trente glorieuses » ont rapidement fabriqué une classe moyenne nombreuse et puissante, qui a pu imposer sa vision à partir de la fin des années 1960. La rigidité sociale anglaise a beaucoup ralenti ce processus, et les classes moyennes naissantes ont gardé un esprit « working class » bien plus longtemps que les classes moyennes françaises.

      [Mais un libéralisme thatcherien, libre-échangiste, favorable aux réductions d’impôts pour les plus aisés et au démantèlement de l’Etat Providence n’est il pas défavorable aux classes populaires, même au Royaume-Uni ?]

      Bien sur que si. Mais Thatcher n’a pas fait que casser les protections sociales, elle a aussi cassé la rigidité sociale qui empêchait les classes populaires de changer de statut. Le libéralisme thatchérien contient cette ambiguïté qui est difficile à saisir pour nous français pour qui la séparation entre les couches sociales a cessé d’être étanche au début du XIXème siècle. Il dit à l’ouvrier « vous n’aurez plus l’hôpital public, mais si vous travaillez dur vous pourrez vous payer l’hôpital privé ». Ce discours était crédible pour deux raisons : d’une part, le pouvoir syndical avait conduit à la formation d’une aristocratie syndicale qui n’avait rien à envier en termes de rapacité à la bourgeoisie et à des abus sans nom. D’autre part, parce que le thatchérisme a permis une véritable promotion sociale d’une partie de la classe ouvrière vers les classes moyennes.

    • Jérémy dit :

      Cette explication du positionnement politique des ouvriers britanniques est très intéressante. Cela faisait longtemps que je me demandais pourquoi les idées libérales pouvaient être soutenues par les classes populaires, notamment en Grande Bretagne.

      En parallèle, je me demande toujours pourquoi les classes populaires allemandes ne sont pas plus critiques vis-à-vis de leurs partis de gouvernement. Certes, le chômage est au plus bas. Mais il me semble néanmoins que les conditions socio-économiques des classes populaires ne sont pas idéales (déflation salariale, mini-jobs, augmentation du taux de pauvreté…). Est-ce simplement le soutien d’une population fière d’appartenir à un pays "dominant" ? Ou est-ce que je me trompe sur ces conditions socio-économiques ?

    • Descartes dit :

      @ Jeremy

      [En parallèle, je me demande toujours pourquoi les classes populaires allemandes ne sont pas plus critiques vis-à-vis de leurs partis de gouvernement.]

      Là, j’aurais beaucoup plus de mal à vous répondre. Je connais assez bien l’histoire politique britannique, j’avoue une bien plus grande ignorance en ce qui concerne l’Allemagne. Je ne suis pas sur que les classes populaires allemandes soient « moins critiques » vis-à-vis de leur gouvernement. Seulement, il faut se souvenir que l’Allemagne est un pays fédéral. Profondément fédéral. Contrairement à nous, les allemands ne font pas du gouvernement fédéral le principal acteur politique. Les corps intermédiaires sont bien plus puissants qu’en France, et les débats au niveau des Länder sont souvent beaucoup plus vifs que ceux qui concernent le niveau national. Lorsque l’allemand est mécontent du pouvoir d’achat, cela se manifeste dans une confrontation entre les syndicats de salariés et ceux des patrons, sans que le gouvernement fédéral intervienne. Lorsque l’allemand est mécontent de l’école, c’est avec son Länd qu’il se bagarre, pas avec l’Etat central.

      [Certes, le chômage est au plus bas. Mais il me semble néanmoins que les conditions socio-économiques des classes populaires ne sont pas idéales (déflation salariale, mini-jobs, augmentation du taux de pauvreté…). Est-ce simplement le soutien d’une population fière d’appartenir à un pays "dominant" ? Ou est-ce que je me trompe sur ces conditions socio-économiques ?]

      Non, vous avez raison sur les conditions socio-économiques. Seulement, les allemands à la différence des français ne pensent pas que ce soit au gouvernement fédéral de régler ces problèmes. C’est le jeu des syndicats et du patronat qui fixent les salaires, pas le gouvernement. Parce que nous, français, nous sommes un pays qui s’est constitué autour de l’Etat, nous tendons à transposer ce modèle aux autres et à chercher donc les conflits là où il se manifestent chez nous. Mais notre modèle n’est pas le seul. D’autres nations se sont formées différemment, et n’attendent pas forcément les mêmes choses de la politique.

      De ce point de vue, on peut dire que la France est une nation « politique », au sens que les conflits et les oppositions qui surgissent dans la société se règlent dans la sphère politique. D’autres pays règlent ces mêmes conflits dans d’autres sphères.

  4. bovard dit :

    Votre texte me semble pertinent à un détail prêt.Or ‘l’enfer est dans le détail’.
    Si le FN avait fait un bon score à Limoges,Decazeville,le PS aurait gardé ces municipalités comme il l’a ‘miraculeusement fait à Strasbourg dans une triangulaire.
    Après les précédentes déconfitures du PS(1986,1994etc..)c’est l’existence d’un FN-repoussoir qui a permis au PS de se renflouer.La manoeuvre est devenu un classique depuis Dreux en 1982.Elle sera renouvelée avec encore plus d’ampleur dans les années à venir qui verront le PS se renflouer.
    Cambadélis d’ailleurs ne cesse d’annoncer que le tripartisme s’installe durablement en France.
    Du coup Mélenchon cesse d”affubler ces ex camarades trotsyko-PS du sobriquet de ‘solfériniens’.
    L’Union des gauches est de retour comme en 1934,c’est le détail qui vous a échappé..Il est même possible que Mélenchon las du FDG retourne chez l’ex-trotskyste Cambadélis..Médiapart a organisé un débat entre eux et Cosse.Ce badinage fut très courtois,avec un tutoiement entre eux ,refoulé mais qui ne cessait d’affleurer..Mélenchon y reconnaissait que Cambadélis était de gauche et non un ‘solférinien’.
    Quel est le raisonnement qui sous tend cette stratégie?
    Elle est trés efficace pour un parti d’élus/notables donc très attrayante pour le PS.
    Elle a été déjà validée durant ces 30 dernières années.
    Il s’agit de faire éclater la droite(vous savez celle qui ‘est la plus bête du monde..’).Cla pétaudière,Sarko,Coppé,Guéant,Gauino etc..
    Ensuite,conforter le FN dans son rôle de parti dominant de façon à ce qu’entre le PS et le FN,il n’y ait rien…
    Le PS-deloriste pourra continuer ainsi à gouverner comme il le fait depuis trente ans à cause des positions clivantes du FN.
    C’est un point aveugle dans votre raisonnement,le rôle actif du PS-deloriste incarné par Hollande et aussi Aubry comme allié objectif d’un FN infréquentable ,fossoyeur de la droite républicaine..
    Mitterand avait compris que le FN, dont le nombre de voix n’a pas franchement augmenté d’ailleurs(4millions), ne pourrait jamais arriver au pouvoir pour cause de 5ème République. 25% pour le FN font que 75% des électeurs sont contre ce Fhaine(versus collabo-colionalisto-raciste) et prêt à voter PS quelque soit son bilan..
    Bien sûr, il y a tout bonnement une dynamique pour le FN, et ce n’est ni la déconfitures de l’UMP ni celle du PS qui peuvent la contrer, les deux étant parfaitement explicables et d’ailleurs malheureusement justifiées,comme Descartes l’a montré.
    Mais le Fhaine effraie trop de gens en premier lieu les fameux ‘français de papier ‘d’après le Fhaine (que seraient,à tort, les français issus de l’immigration).
    Oui,C’est un fait,le Fhaine effraie.Le FN le revendique et l’instrumentalise comme JLM l’a démontré avec son’Monseigneur Ebola’..
    Le blocage "bipartiste" de la 5 ème République permet à deux partis dits "de gouvernement" de se partager le pouvoir … pour faire la même politique que je qualifie de ‘Deloriste’ (c’est cette ligne politique dite ‘Deloriste’ qui a triomphé durant ces 30 dernières années) habillée différemment.Grâce à un FN dominant,repoussoir le PS pourra gouverner seul,les institutions de la 5ième république s’y prêtent…
    Un peu comme De Gaulle avait pu gouverner seul,à cause de l’effet repoussoir du PCF à l’époque.
    Le FN est aujourd’hui dans le rôle du PCF et le PSdeloriste dans le rôle du parti gaulliste .à fronts ..renversés.

    • marc.malesherbes dit :

      @ Bovard

      vos remarques, plutôt inhabituelles pour moi, me posent questions

      pour les présidentielles 2017. il me semble qu’il y a une possibilité non négligeable d’un deuxième tour UMP FN, avec bien sûr victoire de l’UMP. Et dans la foulée, victoire de l’UMP aux législatives. Avec à chaque fois l’appel du PS à voter UMP.
      Pourquoi écartez vous ce scénario ?

      Certes, il y a 2022, ou le PS pourrait reprendre la main. Mais c’est bien loin.
      Et une alliance / recomposition UMP / FN rendrait la chose difficile.

      Bref, n’est-ce pas devenu un pari risqué pour le PS, quand il commence à pouvoir être éliminé des deuxième tours ?

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Après les précédentes déconfitures du PS(1986,1994 etc..) c’est l’existence d’un FN-repoussoir qui a permis au PS de se renflouer. La manoeuvre est devenu un classique depuis Dreux en 1982.Elle sera renouvelée avec encore plus d’ampleur dans les années à venir qui verront le PS se renflouer.]

      Elle risque de ne plus marcher. Le système électoral français fait que ce coup marche à deux conditions : la première est que le « troisième parti » soit suffisamment fort pour gêner mais pas assez pour conquérir lui-même les positions ; la seconde et la plus importante est que le troisième parti ne prenne pas des électeurs des deux côtés. Du temps de Mitterrand, ou le FN était à 10% et que le PCF était encore là pour encadrer les ouvriers, le FN faisait le jeu du PS. Mais avec un FN à 20% qui prend des électeurs autant à gauche qu’à droite, la chose devient dangereuse.

      [Cambadélis d’ailleurs ne cesse d’annoncer que le tripartisme s’installe durablement en France.
      Du coup Mélenchon cesse d”affubler ces ex camarades trotsyko-PS du sobriquet de ‘solfériniens’.]

      C’est injuste : Mélenchon continue à tempêter contre les « solfériniens », voire son dernier papier sur son blog.

      [L’Union des gauches est de retour comme en 1934,c’est le détail qui vous a échappé. Il est même possible que Mélenchon las du FDG retourne chez l’ex-trotskyste Cambadélis.]

      Aucune chance. La configuration politique n’a rien à voir avec celle de 1934. L’union des gauches à l’époque était un moyen d’opposer le poids électoral de la gauche à l’activisme des ligues de droite. C’étaient les urnes contre les armes. En 2014, avec la gauche à 33% et le FN en tête des scrutins, ce serait plutôt l’inverse…

      [Médiapart a organisé un débat entre eux et Cosse. Ce badinage fut très courtois,avec un tutoiement entre eux, refoulé mais qui ne cessait d’affleurer. Mélenchon y reconnaissait que Cambadélis était de gauche et non un ‘solférinien’. Quel est le raisonnement qui sous tend cette stratégie?]

      Mélenchon parie sur la scission du PS, qui laisserait une « aile gauche » qui pourrait s’allier au FdG et une « aile droite » qui irait chez les centristes. Après avoir joué – et perdu – l’OPA sur le PCF, il joue maintenant à constituer un rassemblement « mou » fait de communistes, de « socialistes de gauche » et d’écologistes avec une pincée de NPA. Vous savez ce que j’en pense : un rassemblement qui serait sociologiquement lié aux classes moyennes ne fera jamais que la politique des classes moyennes. Quelque soient ses promesses et son positionnement.

      [Ensuite,conforter le FN dans son rôle de parti dominant de façon à ce qu’entre le PS et le FN, il n’y ait rien… Le PS-deloriste pourra continuer ainsi à gouverner comme il le fait depuis trente ans à cause des positions clivantes du FN.]

      Sauf que dans ce contexte, la victoire du FN n’est pas exclue. Plus le FN se dilue dans une droite « républicaine », plus il deviendra acceptable comme alternative de pouvoir. Je vous le répète, l’éclatement de l’UMP n’est pas une bonne nouvelle pour le PS.

      [Mitterand avait compris que le FN, dont le nombre de voix n’a pas franchement augmenté d’ailleurs(4millions), ne pourrait jamais arriver au pouvoir pour cause de 5ème République.]

      Le FN de Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret, non. Mais le FN de Marine Le Pen et Florian Philippot ? C’est beaucoup moins sur. Il faudra regarder avec attention la gestion de la quinzaine de grosses municipalités conquises par le FN aux dernières élections. S’ils réussissent leur coup, alors tous les espoirs leur seront permis.

      [Le blocage "bipartiste" de la 5 ème République permet à deux partis dits "de gouvernement" de se partager le pouvoir … (…) Un peu comme De Gaulle avait pu gouverner seul,à cause de l’effet repoussoir du PCF à l’époque.]

      Je pense que vous avez une vision erronnée de la Vème République. D’abord, la Vème n’a jamais été « bipartiste ». La configuration traditionnelle de la république gaullienne était plutôt « quadripartiste », avec une droite divisée entre gaullistes et centristes, et une gauche qui se partageait entre socialistes et communistes. Par ailleurs, De Gaulle n’a pas gouverne « seul » : en 1958 les législatives ne donnent à l’UNR que 38% des sièges. Il lui faut l’appoint des « centristes » du CNIP pour avoir une majorité. En 1962, l’UNR manque de peu la majorité avec 48% des sièges et doit composer avec les centristes. Même chose en 1967, avec 41% des sièges. Ce n’est qu’en 1968, après la dissolution, que l’UNR a une majorité « toute seule ». De Gaulle aura donc « gouverné tout seul » en tout et pour tout moins d’un an…

    • Marcailloux dit :

      @Descartes,
      Bonjour,
      [Vous savez ce que j’en pense : un rassemblement qui serait sociologiquement lié aux classes moyennes ne fera jamais que la politique des classes moyennes. Quelque soient ses promesses et son positionnement.]
      C’est dans cette assertion que votre théorie sur les classes moyennes me parait présenter une faille importante.
      Telle que vous la décrivez, la classe moyenne se distingue par une relation vis-à-vis des moyens de production. Soit. Il n’y a, à priori, aucune raison que ceux qui relèvent de cette appartenance, soient plus satisfaits d’une politique proposée par un embrouillamini GPS+PC+PG+PAC que par telle ou telle politique du centre, droit ou gauche, ou même de droite type UMP si tant est que celle-ci soit clairement exprimée et appliquée.
      Ils appartiennent à une catégorie de citoyens de type libéro libertaires – terme que vous utilisez fréquemment avec pour icone D. Cohn Bendit – et qui finalement se comportent, dans l’isoloir – lorsqu’ils font l’effort de se déplacer au bureau de vote – de manière probablement assez anarchique, c’est-à-dire sans ligne conductrice bien établie.
      Ce n’est là que simple supposition fondée sur le caractère hétéroclite de cette population. A titre personnel, je connais quelques cas dans mon entourage qui semblent bien correspondre à votre définition. Eh bien, leur positionnement politique revendiqué ne présente pratiquement aucune corrélation avec leur positionnement social. Ils consomment à pleine dents les richesses que leur offre notre société de consommation généreuse, et vont, soit, sans vergogne, soutenir celui qui, sur l’instant, sera le plus séduisant, enjôleur, ou simplement dans l’air du temps, soit par atavisme, celui auquel leur attachement est constant depuis l’origine des temps, un peu comme s’ils avaient été baptisés à l’aune d’un parti pris une fois pour toute, de la même façon que la plupart d’entre nous sommes chrétiens.
      Par conséquent, affirmer que l’on pratique une politique favorable à une catégorie de gens inclassables politiquement me parait tout de même sujet à caution. Notre société est atomisée et ce qui la caractérise est justement ce manque de caractère qui s’exprime particulièrement dans le vote croissant pour le FN, ramassis d’une multitude de motivations sans véritable cohérence et fondement. Comment expliquez-vous, par exemple, une assez forte propension des campagnes à voter FN, sur la base d’un discours sécuritaire et l’immigration, alors que l’on y est plutôt préservé. Vous trouverez les mêmes incohérences dans le vote ouvrier pour qui, une sortie de l’euro entraînerait de facto un renchérissement important des objets importés qu’ils consomment d’avantage, en proportion, que les tenants des classes moyennes et aisées.
      La « classe moyenne » selon Descartes me semble plus que toute autre formée d’électrons libres, opportunistes et versatiles, imprévisibles et superficiels, matérialistes et cependant moralistes. Tout cela contribue à entretenir une agitation brownienne dont il est bien difficile d’en tirer un principe directeur. La « classe moyenne » est un état selon un critère, ce qui n’engendre pas systématiquement une constante de comportement. Il n’y a pas, comme au XIXème siècle de forte corrélation entre une position sociale et une conviction politique.
      Ne sommes-nous pas dans une phase de régénération de la notion du fait politique. Même nos élites semblent être déboussolées sur ce sujet.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Telle que vous la décrivez, la classe moyenne se distingue par une relation vis-à-vis des moyens de production. Soit. Il n’y a, à priori, aucune raison que ceux qui relèvent de cette appartenance, soient plus satisfaits d’une politique proposée par un embrouillamini GPS+PC+PG+PAC que par telle ou telle politique du centre, droit ou gauche, ou même de droite type UMP si tant est que celle-ci soit clairement exprimée et appliquée.]

      Oui et non. Il y a le substantiel et le symbolique. Dans la mesure où les politiques mises en œuvre sont les mêmes, on peut préférer se laver les mains en exprimant un vote du genre « je n’ai pas voulu ça ». Vous remarquerez d’ailleurs qu’un certain nombre de gens qui étaient antilibéraux du temps ou la domination du libéralisme était sans conteste sont devenus de plus en plus libéraux au fur et à mesure que le risque de voir véritablement contestées les politiques libérales est apparu…

      [Ils appartiennent à une catégorie de citoyens de type libéro libertaires – terme que vous utilisez fréquemment avec pour icone D. Cohn Bendit – et qui finalement se comportent, dans l’isoloir – lorsqu’ils font l’effort de se déplacer au bureau de vote – de manière probablement assez anarchique, c’est-à-dire sans ligne conductrice bien établie.]

      Oui, mais seulement aussi longtemps que l’ordre libéral n’est pas véritablement menacé.

      [Par conséquent, affirmer que l’on pratique une politique favorable à une catégorie de gens inclassables politiquement me parait tout de même sujet à caution.]

      Pourquoi ? Que ces gens-là soient « inclassables politiquement » n’implique pas qu’elles n’aient pas une communauté d’intérêts. Vous remarquerez tout de même que si les classes moyennes accordent leur voix à des organisations politiques très différentes, ces organisations coïncident sur un grand nombre de points essentiels : le débat sur l’Euro est probablement le plus significatif de ce point de vue. Le PCF n’a pu devenir un parti « des classes moyennes » que par sa rupture avec l’euroscepticisme.

      Par ailleurs, je vous fais remarquer que la bourgeoisie présente la même particularité. Vous trouverez des grands patrons « de gauche » comme des grands patrons « de droite »…

      [Notre société est atomisée et ce qui la caractérise est justement ce manque de caractère qui s’exprime particulièrement dans le vote croissant pour le FN, ramassis d’une multitude de motivations sans véritable cohérence et fondement. Comment expliquez-vous, par exemple, une assez forte propension des campagnes à voter FN, sur la base d’un discours sécuritaire et l’immigration, alors que l’on y est plutôt préservé.]

      Je pense que le vote des français n’a pas le côté « immédiat » que vous lui accordez. Les gens sont sensibles aux problèmes qui leurs sont proches, mais ils se sentent aussi membres d’un corps social plus vaste. La réflexion du paysan de la Creuse qui voit les émeutes en région parisienne n’est pas de se dire « ça arrive dans un autre pays ». Il ressent cet événement, même s’il est distant, comme proche. La solidarité inconditionnelle, qui est pour moi la caractéristique fondamentale de la nation, repose en grande partie sur cette capacité de ressentir comme ce qui arrive à d’autres comme si cela vous arrivait à vous. Et cette capacité, comme on peut l’observer aujourd’hui, est socialement segmentée : les français pauvres de la Creuse – en grande majorité paysans – s’identifient aux français pauvres d’ailleurs.

      [Vous trouverez les mêmes incohérences dans le vote ouvrier pour qui, une sortie de l’euro entraînerait de facto un renchérissement important des objets importés qu’ils consomment d’avantage, en proportion, que les tenants des classes moyennes et aisées.]

      Il n’y a là aucune « incohérence ». Pour les couches ouvrières, la sortie de l’Euro se traduit par un renchérissement des produits importés et par une relocalisation d’activités redevenues compétitives. L’expérience du passé a montré que le bilan est largement positif pour elles. Par ailleurs, il faut se méfier de cette idée que les couches populaires « consomment d’avantage de produits importés en proportion que les couches moyennes ». D’abord, c’est faux : pour les couches populaires, la dépense contrainte – électricité, eau, loyer – pèse lourdement, et elle n’est pas « importée ». Mais même dans ce cas, il y a une différence structurelle : les couches modestes consomment des produits importés qui seraient faciles à substituer par des produits français (textile-habillement, alimentation) tandis que les couches moyennes consomment des produits insubstituables (voyages à l’étranger…).

      [La « classe moyenne » selon Descartes me semble plus que toute autre formée d’électrons libres, opportunistes et versatiles, imprévisibles et superficiels, matérialistes et cependant moralistes.]

      Bien entendu. Comme la bourgeoisie, d’ailleurs. Comme la classe ouvrière, dans une moindre mesure. Mais cela appartient au niveau des idées. Lorsque vous entrez dans es considérations structurelles, elles restent étonnamment cohérentes…

      [La « classe moyenne » est un état selon un critère, ce qui n’engendre pas systématiquement une constante de comportement. Il n’y a pas, comme au XIXème siècle de forte corrélation entre une position sociale et une conviction politique.]

      Beaucoup plus que vous ne le pensez. Mais encore une fois, il faut revenir aux fondamentaux. Le vote des classes moyennes se distribue sur beaucoup d’organisations différentes. Mais si vous creusez un peu, vous remarquerez qu’elles ne sont pas, dans les actes, si différentes que ça.

  5. Bruno dit :

    Merci pour cet excellent papier Descartes!

    "Mais il ne faut pas oublier que lorsque Sarkozy en 2012 a quitté ce discours pour celui nettement plus droitier que lui soufflait Patrick Buisson, les résultats n’ont pas été probants." Ne pensez-vous pas que c’est par cette ligne que Sarkozy a évité une grosse humiliation, réduisant grâce à elle son écart final avec Hollande? Beaucoup de gens n’ont pas été dupes, mais certains ont mordu à l’hameçon.
    Juste pour info, mon propre article concernant le résultat des européennes : http://www.cyrano.net/politique-societe/soufflet-2483/

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [Ne pensez-vous pas que c’est par cette ligne que Sarkozy a évité une grosse humiliation, réduisant grâce à elle son écart final avec Hollande? Beaucoup de gens n’ont pas été dupes, mais certains ont mordu à l’hameçon.]

      Non, je ne le crois pas. En 2007 le FN faisait au premier tour 10%, en 2012 il faisait 17,9%. En même temps, Sarkozy passait de 31% à 27%. Le discours « républicain » de 2007 semble donc – en première analyse en tout cas – avoir été beaucoup plus efficace pour « pomper » les électeurs du FN que le discours « droitier » de Buisson. Il est possible que ce discours « droitier » ait permis de mobiliser d’autres électorats, mais probablement pas celui du FN.

    • Bruno dit :

      Pourriez-vous m’expliquer le distinguo que vous faites entre ces deux discours ("républicain" et "droitier")? Je pense également que la ligne "Buisson’ n’a pas fonctionné du fait du quinquennat Sarkozy, en contradiction totale avec elle… Les gens ont clairement vu la ficelle.

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [Pourriez-vous m’expliquer le distinguo que vous faites entre ces deux discours ("républicain" et "droitier")?]

      Bien entendu. Pour la campagne électorale de 2007 et au début de son mandat, Sarkozy multiplie les références à des valeurs et des références qui sont traditionnellement l’apanage des « républicains », de gauche comme de droite : l’effort, le travail (« travailler plus pour gagner plus »), la Résistance, Jaurès. Je pense qu’à gauche on sous-estime ce que cela représente pour l’électorat de droite la décision d’un président de faire lire dans les écoles la dernière lettre d’un résistant communiste. C’est un peu comme si un président de gauche faisait lire du Maurras.

      Dans la dernière partie de son mandat, le langage a sensiblement changé. On retrouve de plus en plus de références à la chrétienté, à l’immigration, aux traditions. Les références républicaines, elles, sont limitées à leur plus simple expression.

      [Je pense également que la ligne "Buisson’ n’a pas fonctionné du fait du quinquennat Sarkozy, en contradiction totale avec elle… Les gens ont clairement vu la ficelle.]

      Je vous l’accorde. Sarkozy a en fait perdu sur les deux tableaux. Il a perdu les électeurs FN qu’il avait attiré avec son discours « républicain » sans compenser cette perte dans l’électorat droitier, dont une partie a, comme vous dites, « vu la ficelle »…

    • Bruno dit :

      Merci pour vos réponses Descartes.
      Je note que dans un des commentaires vous indiquez que le vote FN tend de plus en plus à devenir un vote social, avant d’être un vote idéologique. Je partage partiellement cette opinion, faisant toutefois une distinction entre le vote des classes populaires, éminemment social (Nord, Lorraine…) et celui de l’autre région traditionnelle du FN (PACA), qui m’apparaît identitaire plus que social. Alain Finkielkraut évoquait dans son dernier ouvrage cette "insécurité culturelle" qui naîtrait aujourd’hui chez nombre de français, inquiets de voir leur environnement (je ne parle pas d’écologie) se transformer radicalement, notamment du fait de la visibilité croissante de l’immigration de peuplement africaine. Peut-on selon vous résumer le vote FN à ces deux aspects : le social et l’identitaire? Y-a-t-il une pertinence derrière ces critères?

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [Je note que dans un des commentaires vous indiquez que le vote FN tend de plus en plus à devenir un vote social, avant d’être un vote idéologique. Je partage partiellement cette opinion, faisant toutefois une distinction entre le vote des classes populaires, éminemment social (Nord, Lorraine…) et celui de l’autre région traditionnelle du FN (PACA), qui m’apparaît identitaire plus que social.]

      Je partage votre diagnostic. Il est clair que l’électorat du FN n’est pas homogène, et qu’on retrouve à côté des implantations « historiques » – celles des rapatriés d’Algérie ou des boutiquiers poujadistes – des nouvelles implantations dans des régions ouvrières qui obéissent à des logiques différentes.

      [Peut-on selon vous résumer le vote FN à ces deux aspects : le social et l’identitaire? Y-a-t-il une pertinence derrière ces critères?]

      Je pense que ce sont de loin les deux facteurs essentiels pour expliquer le succès du FN. Et puisque vous avez lu Finkielkraut, je vous renvoie a un autre aspect de son exposé (je cite de mémoire), celui de la transformation du « changement construit » au « changement subi ». Il y a dans les couches populaires une aspiration profonde à reprendre le contrôle sur les transformations qui les affectent, que ce soit les transformations sociales ou celles du cadre de vie. Ce qui se traduit par un rejet d’un « establishment » politique et médiatique qui a fondé depuis des années son discours sur l’absence d’alternative et l’impuissance.

    • Bruno dit :

      [Il y a dans les couches populaires une aspiration profonde à reprendre le contrôle sur les transformations qui les affectent, que ce soit les transformations sociales ou celles du cadre de vie.]

      Je le pense également. Toutefois je demeure assez pessimiste quant à la faculté des classes populaires à se faire entendre par ledit establishment, comme en témoigne l’édito du journal de référence des "élites" au lendemain du scrutin. Je cite : "En Europe, où elle faisait déjà figure de maillon faible, la France va inévitablement apparaître comme le "mouton noir", en proie aux délétères – et détestables – pulsions du national-populisme".
      Cette faculté à réduire le vote d’une partie non négligeable des citoyens à un comportement bestial, primaire et néfaste, est à mon sens symptomatique, on ne peut ou l’on ne veut pas écouter ces électeurs. Ils votent "mal" et on prétend réduire leur vote à des éléments négatifs : la peur (injustifiée), l’intolérance, la xénophobie, voire le racisme. Par ailleurs, ceux qui votent "bien" se voient parés de toutes les "vertus" : modernes, progressistes, ouverts, tolérants…
      C’est un peu court et c’est d’autant plus inquiétant.
      Mon interrogation profonde demeure la raison de cette autisme de l’establishment.
      Habitant un univers situé à des années lumières des classes populaires, les "élites" voient-elles réellement en l’actuel construction européenne/ déconstruction française, un progrès? Ou, cyniques, tout en sachant ce système imparfait et générateur d’inégalités, souhaitent-elles le développer, puisqu’elles en tirent profit, et cherchent-elles à culpabiliser ceux qui crèvent sur le bord du chemin, en les frappant d’anathèmes, afin qu’ils se résignent?
      Qu’en pensez vous?

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [Toutefois je demeure assez pessimiste quant à la faculté des classes populaires à se faire entendre par ledit establishment, comme en témoigne l’édito du journal de référence des "élites" au lendemain du scrutin.]

      Je partage votre pessimisme sur cette question. Les classes moyennes, terrifiées à l’idée de perdre leur statut, n’écouteront rien si ce n’est dans un contexte de véritable effondrement.

      [Mon interrogation profonde demeure la raison de cette autisme de l’establishment.]

      Je pense que cela tient au statut particulier des classes moyennes. Leur position précaire les rend insensibles aux considérations de long terme. Il faut profiter pendant que ça dure, et après on verra. Le raisonnement qu’avait résumé le Guépard dans la formule « changer tout pour que rien ne change » est un raisonnement qui apparaît dans les classes dominantes, les vraies. La bourgeoisie, d’une certaine manière, est plus ouverte au message qui est transmis par le vote populaire que les classes moyennes. Et on trouve chez certains patrons des expressions nettement plus « progressistes » aujourd’hui que chez les politiques soumis à la dictature des classes moyennes.

  6. marc.malesherbes dit :

    "Il a admis, avec des trémolos dans la voix qui n’étaient nullement feints …"

    je crois que vous sous-estimez grandement les qualités de tribun de JL Mélenchon. Sincère … pas sincère, je n’en sais rien.

    Je remarque seulement que dans la même déclaration, avec le même accent de sincérité, avec les mêmes trémolos, parlant de ses partenaires du Front de Gauche, il a déclaré:
    ""nous sommes unis ((FdG)), resteront unis"

    Tout dans le ton de la voix, l’attitude indiquait une union profonde et réelle, alors qu’il sait bien qu’il ne s’agit que d’une union tactique, avec de multiples désaccords et coup bas. Qui de plus est mise en cause par certains de ses membres (voir R Piquet, voir l’opposition interne au PCF).

    Alors, on peut croire ce que l’on veut bien croire .. Et cela n’a guère d’importance.

    • Descartes dit :

      @marc.malesherbes

      [« Il a admis, avec des trémolos dans la voix qui n’étaient nullement feints … ». Je crois que vous sous-estimez grandement les qualités de tribun de JL Mélenchon. Sincère … pas sincère, je n’en sais rien.]

      Je le connais, JLM. Je peux vous assurer que les trémolos en question n’étaient pas feints. Ce qui n’implique pas que ce qu’il a dit avec cette voix soit forcément la vérité.

      [Je remarque seulement que dans la même déclaration, avec le même accent de sincérité, avec les mêmes trémolos, parlant de ses partenaires du Front de Gauche, il a déclaré: "nous sommes unis ((FdG)), resteront unis"]

      Et alors ? Il a raison. Ils resteront unis, ne serait-ce que parce qu’ils n’ont pas d’autre option. Je vous le répète, ce n’est pas parce que la voix tremble qu’on dit nécessairement ce qu’il pense. C’est l’émotion, pas le discours, qui est authentique.

  7. Vin dit :

    Bon article. En effet, les eurobéats récoltent ce qu’ils ont semé et il faut bien dire que ces élections auront des conséquences sur le paysage politique avant 2017, aussi bien au PS qu’à l’UMP.
    http://www.blogactualite.org/2014/05/europeennes-2014-resultats-et.html

  8. marc.malesherbes dit :

    j’ai lu l’analyse globale faite par JL Mélenchon des européennes. Le ton global est franchement pessimiste.

    Fini les envolées lyrique du type "nous allons dépasser le PS, le FN …" Fini la perspective de devenir premier ministre de F Hollande. Une prévision de succès à venir pour le FN entraînée par un mouvement historique "révolutionnaire !". Et pour le FdG, une longue traversée du désert comme perspective …

    Comment peut-on passer en si peu de temps à de tels excès contraires ? Car, si je ne minimise pas le score du FN, franchement il n’y en a pas autant, surtout si l’on tient compte des comportements ambiguë du FdG. Se maintenir à 8,5% dans ce contexte, c’est quand même une bonne base.

    De plus si on regarde dans le détail, toutes les têtes de liste PG (3/7) ont légèrement progressé. Parmi les têtes de liste "autres", seules ont légèrement régressées, celle du Nord Ouest (PCF) et celle du Centre (Ensemble). Et ce n’est pas un hasard, ces deux têtes de listes venant des organisations les plus "européistes" du FdG.

    Alors pourquoi ce défaitisme ? pour une double raison liée :
    1- JLM constate "Chez les Verts, le Centre a une attraction plus grande que la nôtre après le résultat des européennes…" Son rêve d’une alliance avec les Verts, il n’y crois plus, et c’est toute sa stratégie de conquête du pouvoir qui s’effondre.
    2- JLM déplore "ma diabolisation amplement répercutée dans tous les registres, nous a coupé des frivoles classe moyennes des centres ville …" Il révèle par là implicitement quelle était sa "vraie" cible électorale (bravo Descartes), et quelle est le fer de lance du FdG, du PG. Et privé de cet électorat qu’il dispute aux Verts, au PS, pas de perspective d’alliance avec les Verts. A contrario pas un mot sur ce qu’a fait l’électorat des couches populaires ! ce n’est pas son problème (encore bravo Descartes).

    Si on regarde dans le détail, l’électorat du FdG (voir http://fr.scribd.com/doc/226037674/Europeennes-Ipsos-Comprendre-Le-Vote-Des-Francais)…, on s’aperçoit qu’il fait un score à peu près égal dans toutes les catégories sociales, avec un meilleur résultat chez les salariés du public (les fonctionnaires), et moins bon chez les + de 60 ans et les chômeurs. Son électorat est de plus très majoritairement "pour l’Europe", même si il l’est un peu moins que celui du PS.

    Se tourner vers les couches populaires serait très dangereux pour lui, pour deux raisons:
    1- il perdrait dans toutes les couches sociales qui font la grande majorité de son électorat.
    2- regagner la confiance des couches populaires demanderait du temps, d’autant plus qu’une partie ayant été séduite par le FN, ce serait long et difficile, et une grande partie des cadres du PG n’en ont aucune envie et le quitterait. Or JLM a montré qu’il était pressé et aimait les victoire rapides (se rappeler ses appels du pied surréalistes à Cohen Bendit lors d’une émission télé!).

    Je comprend pourquoi JLM est abattu.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [J’ai lu l’analyse globale faite par JL Mélenchon des européennes. Le ton global est franchement pessimiste. Fini les envolées lyrique du type "nous allons dépasser le PS, le FN …" Fini la perspective de devenir premier ministre de F Hollande. Une prévision de succès à venir pour le FN entraînée par un mouvement historique "révolutionnaire !". Et pour le FdG, une longue traversée du désert comme perspective… Comment peut-on passer en si peu de temps à de tels excès contraires ?]

      C’est habituel chez les gauchistes et chez les enfants. Un jour on rit, le jour suivant on pleure. Un jour on n’aime pas sa soupe, le suivant on en reprend deux fois. J’avoue que j’ai aussi du mal à comprendre comment on peut être aussi frappé de stupeur par un évènement qui était annoncé depuis de très longues semaines. Cela donne une idée de la capacité de nos hommes politiques – et pas seulement Mélenchon – à vivre dans un monde « virtuel » qui se fracasse de temps en temps sur la réalité.

      [Car, si je ne minimise pas le score du FN, franchement il n’y en a pas autant, surtout si l’on tient compte des comportements ambiguë du FdG. Se maintenir à 8,5% dans ce contexte, c’est quand même une bonne base.]

      Tu veux dire 6,5%, je suppose. Ce n’est pas vraiment « une bonne base ». Si l’on tient compte du résultat du PS et de celui de l’extrême gauche, c’est un très mauvais résultat.

      [De plus si on regarde dans le détail, toutes les têtes de liste PG (3/7) ont légèrement progressé. Parmi les têtes de liste "autres", seules ont légèrement régressées, celle du Nord Ouest (PCF) et celle du Centre (Ensemble). Et ce n’est pas un hasard, ces deux têtes de listes venant des organisations les plus "européistes" du FdG.]

      Arrêtez de colporter ce mythe, de grâce. Le PG cherche à se dédouaner de son europhilie en se prétendant l’otage d’un PCF qui non seulement serait devenu européiste mais, injure suprême, le serait devenu pour faire plaisir aux « solfériniens ». Tout ça ne tient pas debout : D’une part, le PG ne s’est jamais gêné pour tenir un discours à l’opposé de celui du PCF lorsqu’il n’y avait pas accord : la question du nucléaire, ou le PG déclare continûment sa volonté de sortir du nucléaire et participe aux manifestations antinucléaires en est un bon exemple. Pourquoi le PG se serait-il senti libre de dire tout le mal qu’il pense du nucléaire sans craindre de déplaire au PCF, et se serait retenu pour critiquer l’Euro ? Et d’autre part, Mélenchon lui-même a toujours défendu l’œuvre de son maître François Mitterrand au point de ne jamais critiquer le traité de Maastricht. Dans ces conditions, faire de lui un opposant à l’euro bridé par le PCF est ridicule.

      Par ailleurs, vous faites erreur : sur la circonscription Centre, la liste Front de Gauche n’était pas conduite par un candidat de « Ensemble », mais par l’un des ténors du Parti de Gauche, Corinne Morel-Darleux (bien connue des lecteurs de ce blog). Cela ne lui a pas empêché de régresser, passant à 7,47% alors qu’en 2009 la liste conduite par la communiste Marie-Claude Beaufils avait dépassé 8%. Alors que Patrick Le Hyaric passe de 6,32% à 6,48% malgré son « européisme ». Comme quoi, la corrélation que vous prétendez établir a du plomb dans l’aile…

      Alors pourquoi ce défaitisme ? pour une double raison liée :
      [1- JLM constate "Chez les Verts, le Centre a une attraction plus grande que la nôtre après le résultat des européennes…" Son rêve d’une alliance avec les Verts, il n’y crois plus, et c’est toute sa stratégie de conquête du pouvoir qui s’effondre.]

      Oui. Mais je ne pense pas que Mélenchon y ait vraiment cru…

      [2- JLM déplore "ma diabolisation amplement répercutée dans tous les registres, nous a coupé des frivoles classe moyennes des centres ville …" Il révèle par là implicitement quelle était sa "vraie" cible électorale (bravo Descartes), et quelle est le fer de lance du FdG, du PG.]

      Je vous l’avais bien dit…

      [Si on regarde dans le détail, l’électorat du FdG (…)…, on s’aperçoit qu’il fait un score à peu près égal dans toutes les catégories sociales, avec un meilleur résultat chez les salariés du public (les fonctionnaires), et moins bon chez les + de 60 ans et les chômeurs. Son électorat est de plus très majoritairement "pour l’Europe", même si il l’est un peu moins que celui du PS.]

      Cette étude est absolument passionnante. Le FN apparaît comme le parti des ouvriers, des chômeurs, des petits salaires…

      [Se tourner vers les couches populaires serait très dangereux pour lui (…) Je comprend pourquoi JLM est abattu.]

      Ce que je ne comprends pas c’est pourquoi il est abattu MAINTENANT. Après tout, tout cela était parfaitement vrai et visible il y a déjà longtemps…

  9. marc.malesherbes dit :

    Bonjour,

    il y a une question qui m’embête.

    Sur ce blog, et dans la plupart des commentaires, la question de l’immigration est rarement évoquée;
    Or je constate (enquête jour du vote) que cela a été une question importante dans les motivations du vote lors des élections européennes.

    Je dois dire que cela m’a surpris à posteriori, car j’étais principalement focalisé sur les traités européens, l’euro, la souveraineté nationale.
    Je comprend parfaitement que ce soit une motivation de vote importante, et je suis personnellement pour une régulation "intelligente" de l’immigration (plutôt les cerveaux que les bras, plutôt les réfugiés politiques). Mais il reste que c’est une question délicate, en particulier en ce qui concerne les immigrés clandestins, la garde des frontières, et surtout les visas d’entrée de tourisme, la principale source d’immigration clandestine (on vient légalement, mais on ne repart pas). Comment faire pour ceux qui continuent à arriver clandestinement (et qui se rendent apatrides) ?

    Le problème paraît technique, mais il engendre tant de drames humains, que l’on ne peut fermer les yeux.

    Avez-vous un avis sur la question ?
    Connaissez vous des textes "de gauche" (ou autres) qui traitent la question autrement qu’en niant le problème, par les bons sentiments, ou par l’immigration ouverte à tous ?

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [il y a une question qui m’embête. Sur ce blog, et dans la plupart des commentaires, la question de l’immigration est rarement évoquée;]

      Personnellement, je pense que la véritable question est celle de l’assimilation, et non celle de l’immigration. C’est pourquoi en général j’ai abordé la question sous cet angle. Certains commentateurs, comme nationalistejacobin, abordent très fréquemment cette question. Je peux vous assurer en tout cas que la question n’est nullement « tabou » pour moi.

      [Avez-vous un avis sur la question ?]

      Je l’ai exprimé plusieurs fois ici. D’une part, notre pays ne peut supporter à lui seul toute la misère du monde. D’autre part, il n’y a pas de raison pour que la population française accepte de voir ses conditions de vie se dégrader du fait de l’arrivée des nouveaux venus. Il s’ensuit non pas qu’il faille fermer l’immigration, mais qu’il faut la réguler en fonction des capacités de notre économie et de notre système social à les intégrer et à les assimiler.

      [Connaissez vous des textes "de gauche" (ou autres) qui traitent la question autrement qu’en niant le problème, par les bons sentiments, ou par l’immigration ouverte à tous ?]

      Pas vraiment… malheureusement, peu de penseurs de gauche acceptent de se pencher sur ce « problème »…

    • bovard dit :

      Cette question de l’immigration est peut être structurelle plutôt que de droite ou de gauche.
      A partir du moment où notre structure des retraites et salariales est basée sur les salaires différés (les cotisations sociales et la retraite par répartition) et où de nombreux emplois sous-payés n’attirent pas,il est compréhensible que la France accepte un certain quota d’immigration.

    • v2s dit :

      Il me semble exagéré, pour ne pas dire inexact, de suggérer que notre pays tendrait à [supporter à lui seul toute la misère du monde]. La misère du monde se répartit un peu partout et, pour ne parler que de l’Europe, des pays comme la Suisse, l’Allemagne, l’Angleterre, la Belgique ont des taux de population immigrée tout à fait comparable au nôtre.

      Ce qui doit nous faire réfléchir, c’est votre affirmation selon laquelle, [il n’y a pas de raison pour que la population française accepte de voir ses conditions de vie se dégrader du fait de l’arrivée des nouveaux venus.] D’un coté votre remarque tombe sous le sens, c’est un réflexe de survie. Mais d’un autre coté, on sait bien que l’être humain n’est pas motivé que par la défense de ses intérêts. Nous sommes aussi faits d’altruisme, de compassion, de désintéressement … c’est même ce qu’on appelle parfois avoir de « l’humanité ». Sommes-nous réellement prêts à vivre dans des zones bunkerisées, à l’abri de barbelés et de milices, derrière lesquels s’entasseraient des migrants prêts à mourir pour entrer et échapper à leur misère ?

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Il me semble exagéré, pour ne pas dire inexact, de suggérer que notre pays tendrait à « supporter à lui seul toute la misère du monde ».]

      Bien entendu. C’est une métaphore, et ne doit pas être prise au pied de la lettre. Il n’empêche que si la France ouvrait ses frontières et accueillait tous ceux qui sont dans la misère alors que les autres continuent à restreindre la circulation, elle ne tarderait pas à accueillir sinon toute la misère du monde, du moins une grosse partie…

      [Mais d’un autre coté, on sait bien que l’être humain n’est pas motivé que par la défense de ses intérêts. Nous sommes aussi faits d’altruisme, de compassion, de désintéressement …]

      Vraiment… certaines mauvaises langues vous diront que l’altruisme, la compassion et le désintéressement ne sont qu’apparents. Qu’en fait elles cachent un intérêt bien compris, moins immédiat certes, mais tout aussi réel que pour toutes les autres actions humaines. Pendant des siècles, on a donné de l’argent aux pauvres parce que cela vous gagnait le Paradis, ou plus banalement parce que cela augmentait votre statut social. Les riches créent des fondations et construisent des hôpitaux pour légitimer leur richesse selon le sage principe « il faut donner quelque chose si vous ne voulez pas qu’on vous prenne tout ». Nous aidons aussi les pauvres parce que nous ne voulons pas être forcés à vivre derrière des murs gardés…

      [Sommes-nous réellement prêts à vivre dans des zones bunkerisées, à l’abri de barbelés et de milices, derrière lesquels s’entasseraient des migrants prêts à mourir pour entrer et échapper à leur misère ?]

      Si l’alternative est trop coûteuse, la réponse est sans doute « oui ».

    • Descartes dit :

      @ Bovard

      [A partir du moment où notre structure des retraites et salariales est basée sur les salaires différés (les cotisations sociales et la retraite par répartition) et où de nombreux emplois sous-payés n’attirent pas,il est compréhensible que la France accepte un certain quota d’immigration.]

      Mais si on amène des immigrés pour payer nos retraites, qui payera les retraites des immigrés en question ? D’autres immigrés, encore plus nombreux ? Vous voyez bien que ce raisonnement construit une pyramide de Ponzi.

      Dans le système de répartition, chaque génération paye les retraites de la suivante, en échange de l’engagement de la génération qui lui succédera à son tour de faire de même. Mais la justice exige que les cotisations et les pensions soient fixées de manière que chaque génération paye son du. Amener des immigrés, cela revient à faire un emprunt. On augmente le nombre de cotisants, et on renvoie à plus tard la manière dont on couvrira lorsque les immigrés en question seront devenus des retraités.

  10. v2s dit :

    Le site Internet de France télévision, très bien fait, permet de consulter commune par commune, avec un nom ou un code postal, tous les scores aux Européennes, il permet aussi de consulter les communes limitrophes et de comparer avec les élections précédentes.
    D’abord, sans rien enlevé à la victoire FN, on voit que leur électorat s’est mieux mobilisé. Les électeurs FN ont senti qu’en se mobilisant dans un scrutin traditionnellement propice à l’abstention, ils avaient une belle opportunité de frapper un grand coup.
    Mais surtout, en quelques clics on vérifie facilement ou passe la fracture, la ligne de partage FN / non FN.
    Il y a désormais deux Frances, une qui a pris en route le train de la mondialisation, qui profite des échanges internationaux, qui habitent en grande ville ou dans les villages bobos des périphéries et qui vote UMPS, avec des nuances plus ou moins Vertes ou Mélenchon. Et puis il y a les « autres », les « petits », les laissés pour compte. Ils habitent des banlieues ou de petites villes ou villages de la France profonde, ils ont perdu leur job dans les boîtes délocalisées. Quand ils ne sont pas au chômage, ils font des petits boulots, temps partiels, précaires, intérimaires. Ils sont non imposables, bénéficient des allocs, de la CMU, voire des restos du cœur ou d’autres aides.
    S’ils ont trouvé le courage de reprendre un petit commerce, ils végètent et finissent par fermer. Ils n’ont plus de perspectives et bien pire, ils n’ont plus d’espoirs, et ont le sentiment d’avoir aussi perdu leur dignité.
    Essayez de rapprocher les villages et les banlieues ou le FN fait ses scores, avec les prix du m2 du marché de l’immobilier. Vous constaterez qu’en plus de n’avoir aucune chance de s’en sortir professionnellement, leur capital immobilier, quand ils en ont un, ne vaut plus rien.
    De charmantes petites villes, anciennement très industrieuses, comme St Claude dans le Jura, ou Ugine en Savoie offrent des appartements vides à des prix ridiculement bas et parallèlement font des scores record au FN.
    Plus que le score FN, ce qui me choque aujourd’hui, c’est l’absence de réaction réelle, du pouvoir comme de l’opposition, le recul de l’industrie, la montée continue du chômage, le recul de tous les indicateurs économiques, de l’école, de la recherche … tout le monde en parle, accuse ses opposants sans conviction, et puis … plus rien, pas de plan d’action, pas d’action.
    Allons-nous laissé Hollande continuer de nous faire croire qu’il connaît la solution et qu’il la met effectivement en œuvre ? Et dès lors que nous ne le croyons plus, devrons nous attendre jusqu’en 2017 une alternance.
    Une alternance, certes inéluctable, mais qui sera tout aussi inefficace, puisque tous les partis traditionnels ont décidé une fois pour toute de ne favoriser que leurs électeurs, (oui les classes moyennes) au détriment de l’intérêt général.
    L’intérêt général passe par une prise en compte des intérêts des perdants, des oubliés de la mondialisation.
    Laisser les perdants s’enfoncer encore, c’est aggraver la cassure et risquer de déclencher des réactions qui peuvent devenir incontrôlables.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [D’abord, sans rien enlevé à la victoire FN, on voit que leur électorat s’est mieux mobilisé. Les électeurs FN ont senti qu’en se mobilisant dans un scrutin traditionnellement propice à l’abstention, ils avaient une belle opportunité de frapper un grand coup.]

      Votre interprétation me semble légèrement « conspirative ». La question à se poser est : pourquoi l’électorat FN a « senti qu’il pouvait frapper un grand coup » et pas l’électorat du PS ou du FdG ? Si le FdG ou le PS étaient sortis à 25%, ce serait aussi « un grand coup », non ? Mais peut-être que ces électorats ne sont pas suffisamment convaincus pour avoir envie de frapper de grands coups…

      En fait, on parle trop souvent des « électeurs FN » ou des « électeurs socialistes » comme si les gens avaient une étiquette sur le front. Ce fut le cas pour certains électorats qui montraient dans le passé une remarquable discipline et fidélité à une organisation. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il n’y a pas de « électeurs FN » qui auraient voulu « frapper un grand coup », il y a des électeurs – qui dans les élections précédentes ont peut-être voté UMP, PS ou FdG, qui cette fois-ci ont décidé de faire connaître leur mécontentement en votant pour le FN ou en s’abstenant. Car pour celui qui a voté pour les socialistes en 2012 et 2013, s’abstenir en 2014 c’est aussi une manière d’affirmer son mécontentement.

      [Mais surtout, en quelques clics on vérifie facilement ou passe la fracture, la ligne de partage FN / non FN. Il y a désormais deux Frances, une qui a pris en route le train de la mondialisation, qui profite des échanges internationaux, qui habitent en grande ville ou dans les villages bobos des périphéries et qui vote UMPS, avec des nuances plus ou moins Vertes ou Mélenchon. Et puis il y a les « autres », les « petits », les laissés pour compte. Ils habitent des banlieues ou de petites villes ou villages de la France profonde, ils ont perdu leur job dans les boîtes délocalisées. Quand ils ne sont pas au chômage, ils font des petits boulots, temps partiels, précaires, intérimaires. Ils sont non imposables, bénéficient des allocs, de la CMU, voire des restos du cœur ou d’autres aides.]

      En d’autres termes, vous décrivez la fracture entre ceux dont le pouvoir de négociation est important et qui arrivent donc à récupérer la valeur qu’ils produisent – et plus marginalement ceux qui partagent cette valeur – et ceux qui n’ont plus aucun pouvoir de négociation et sont donc exploités ou simplement marginalisés du processus économique. Tiens, ça me rappelle quelque chose…

      Mais vous avez tout à fait raison. Le vote FN ne correspond pas à des choix purement idéologiques, à une idéologie « fasciste » qui se répandrait chez nous, mais répond à une division sociale. Le vote FN est de plus en plus un vote de classe. Et c’est pourquoi tous les discours et toutes les campagnes « antiracistes » n’y changent absolument rien. Si l’on veut combattre le FN, il faut être capable d’apporter une réponse à ces « petits », ces « laissés pour compte » dont vous parlez.

      [S’ils ont trouvé le courage de reprendre un petit commerce, ils végètent et finissent par fermer. Ils n’ont plus de perspectives et bien pire, ils n’ont plus d’espoirs, et ont le sentiment d’avoir aussi perdu leur dignité. Essayez de rapprocher les villages et les banlieues ou le FN fait ses scores, avec les prix du m2 du marché de l’immobilier. Vous constaterez qu’en plus de n’avoir aucune chance de s’en sortir professionnellement, leur capital immobilier, quand ils en ont un, ne vaut plus rien.]

      Tout à fait. Le prix du logement mesurent souvent – mais pas toujours – la variation de la « désirabilité » d’une zone géographique. Et de plus en plus de français se voient obligés de vivre là où personne ne veut vivre. Non seulement cela dévalorise leur capital immobilier – ce qui pour des gens qui utilisent ce « capital » à sa valeur d’usage n’est pas en soi grave – mais surtout cela réduit la mobilité et les enferme dans leur situation. Mais encore une fois, les gens ne votent pas FN parce qu’ils sont dans cette situation. Ils votent FN parce que, dans cette situation, c’est la seule organisation politique qui s’adresse à eux.

      [Plus que le score FN, ce qui me choque aujourd’hui, c’est l’absence de réaction réelle, du pouvoir comme de l’opposition, le recul de l’industrie, la montée continue du chômage, le recul de tous les indicateurs économiques, de l’école, de la recherche … tout le monde en parle, accuse ses opposants sans conviction, et puis … plus rien, pas de plan d’action, pas d’action.]

      La question que vous posez est pour moi essentielle, fondamentale. J’ai bien envie de la traiter dans un papier qui lui serait consacré, mais je vais essayer de répondre schématiquement. Pour la première fois depuis au moins les années 1930 nous avons des « élites » – j’utilise ce terme dans le sens des gens qui occupent les fonctions de direction, et non au sens stricte – qui sont aussi peu attentives au sort des gens qui ne sont pas comme eux. Jusqu’aux années 1990, nous avions des élites techniques – ces polytechniciens, ces énarques aujourd’hui honnis – qui étaient fondamentalement paternalistes, pour qui « noblesse obligeait ». On peut leur reprocher d’avoir voulu faire le bonheur des gens malgré eux, d’avoir imposé des solutions techniciennes qui n’étaient pas toujours optimales du point de vue humain sans concertation, mais on ne peut leur reprocher de ne pas avoir pensé aux autres. Lorsque Dautry ou Delouvrier pensent le logement et construisent les « villes nouvelles », ils pensent comment loger dans des conditions dignes les gens qui vivent dans des taudis et des bidonvilles, pas aux gens de leur classe. Lorsque les technocrates d’EDF lancent les « compteurs bleus », le but est d’amener le courant dans la ferme la plus lointaine, de faire bénéficier tous les français des bienfaits de l’électricité. Cette élite technique n’existe plus, non parce qu’on ne formerait plus des « grands commis », mais parce que le politique ne les laisse plus travailler. Essayez de lancer une action « à la Delouvrier » ou « à la Dautry ». Vous vous trouverez immédiatement avec une armée d’associations pour la défense de ceci ou de cela – l’instrument des classes moyennes pour défendre leur pré carré – pour menacer le ministre de la crucifixion médiatique si le projet se fait.

      Or, le ministre n’a pas envie d’être crucifié, et il sait qu’il est plus dangereux médiatiquement de mécontenter ceux qui sont contre tout que ceux qui sont pour. C’est la logique médiatique qui veut ça : un accident mineur dans une centrale nucléaire fait la une des journaux, 58 réacteurs qui fonctionnent parfaitement depuis trente ans ne méritent même pas un article dans la section « chiens écrasés ». Du coup, il est beaucoup plus facile de saboter un projet que de le mener à bien. D’autant plus que pour anihiler un projet, il suffit d’un trait de plume alors que pour le conduire il vous faut dix ou vingt ans de continuité. Comment un Besse, un Delouvrier ou un Dautry pourraient surgir aujourd’hui ? Ces gens-là se sont construit en dirigeant projet après projet. Aujourd’hui, pour construire une maison de garde-barrière il vous faut trente ans de concertations, de consultations, d’annulations de permis de construire, de changements de ministre – je veux, je veux pas – après quoi le chef de projet ne songera qu’à une retraite bien méritée.

      Depuis trente ans on a fait en sorte de réduire l’Etat à l’impuissance. Or, si l’Etat ne s’occupe pas des « laisses pour compte », qui le fera ? Pas le privé, pour qui ils ne constituent pas des publics « rentables »…

      [Une alternance, certes inéluctable, mais qui sera tout aussi inefficace, puisque tous les partis traditionnels ont décidé une fois pour toute de ne favoriser que leurs électeurs, (oui les classes moyennes) au détriment de l’intérêt général.]

      C’est un peu ce qui m’angoisse. Aussi longtemps que le pays reste « gouvernable », les classes moyennes ne céderont rien. Comme le montrent certaines expériences étrangères, il faudrait qu’elles soient vraiment terrorisées pour qu’elles lâchent l’affaire. Cela suppose que le pays devienne ingouvernable, un peu comme en 1958.

      [L’intérêt général passe par une prise en compte des intérêts des perdants, des oubliés de la mondialisation. Laisser les perdants s’enfoncer encore, c’est aggraver la cassure et risquer de déclencher des réactions qui peuvent devenir incontrôlables.]

      Tout à fait. Mais « prendre en compte les intérêts des perdants » suppose de revaloriser l’idée de nation et le rôle de l’Etat. Car il n’y a que cette idée qui puisse aujourd’hui légitimer les transferts indispensables entre les couches et les régions plus riches et celles plus pauvres, et il n’y a que l’Etat qui puisse les gérer. L’affaiblissement des nations dans le cadre d’une Europe forcément libérale n’est pas une coïncidence : affaiblir la nation était indispensable pour créer cette « concurrence libre et non faussée » qui n’est que l’expression élégante d’un darwinisme social. La « concurrence libre et non faussée » ne peut qu’enfoncer les plus faibles.

  11. Dominique Levrier dit :

    Bonjour Descartes, bonjour à tous.

    Je vous connais, Descartes, depuis l’époque où vous fréquentiez assidûment le blog de J-L-M, et je regrette que vous l’ayez abandonné. Les commentaires, c’est vrai, en sont devenus (pas du seul fait de votre absence), assez décevants. J’aime le débat, et, revenant vous lire ici, je trouve matière ! J’apprécie que vous preniez la peine de répondre à chaque post. Il va de soi que je ne partage pas, loin de là, toutes vos positions.

    Pour ce qui concerne la campagne des européennes, et les résultats.
    Comme d’autres, je n’ai pas été étonnée du résultat. Comme certains, je n’y vois pas que matière à inquiétude. Je précise tout de suite que je milite au Parti de Gauche.

    Tout d’abord, sur la réaction de J-L-M au soir des résultats. Et ses « rodomontades ». Je n’apprendrai peut-être rien au militant que vous fûtes. Quoique chacun ait sa façon de militer. Peut-être que votre lucidité vous a toujours suffi. Je fonctionne autrement. En campagne, l’espoir de gagner, (disons, de faire un bon résultat) m’est nécessaire. C’est mon carburant. Mes convictions ne me suffisent pas. En même temps, je ne perds pas complètement de vue la réalité. Il y a dédoublement. Franchement, ici, qui aurait eu envie de se battre pour faire moins de 10% ?On savait très bien qu’on dérouillerait, mais il fallait y aller, alors on pousse des cris de guerre.
    Bref.

    Les causes, selon moi, de l’échec du FdG, sont multiples, et malheureusement, je n’apporterai rien de nouveau. Je souhaiterais seulement pondérer.
    Je ne retrancherai rien des causes énumérées par J-L-M, et je pense que vous les sous-estimez. Peut-être que vous vivez en dehors du bruit des médias. Sinon, vous ne pouvez pas dire sérieusement que ce que pointe le FdG est faux. Nous n’avons eu que très peu de temps, les médias ont vraiment fait campagne en présentant le FN comme la seule alternative. Là où je vous rejoints, c’est que ce n’était pas faux. En effet, la position du FdG était illisible. D’une part, à cause de la campagne municipale, où nous avons perdu une grande part de crédibilité comme proposition politique distincte du PS, puisque le PCF avait fait les choix que vous savez. Et parce que nous n’avons pas traduit en termes clairs une position compliquée. Là où je suis en désaccord avec vous, c’est quand vous écrivez que le PC n’a pas de responsabilité dans cette ligne illisible. D’une façon générale d’ailleurs, vous réservez toutes vos critiques à Mélenchon. Je me demande dans ce cas pourquoi vous avez quitté le PC.

    http://pcfbassin.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=15075:les-dirigeants-communistes-nont-pas-voulu-de-rupture-avec-leuro-jacques-genereux&catid=92:europe-2014&Itemid=9

    Autres points de désaccord. A vous lire, le fond du discours du FdG et de Mélenchon seraient les questions sociétales. Là, franchement, je me demande si vous êtes sérieux. Jamais au cours de porte-à-porte dans les quartiers populaires je n’ai entendu ce reproche, tout simplement parce qu’il n’est pas fondé. Les gens nous reçoivent très bien parce qu’ils se souviennent, entre autres, de notre proposition de porter le salaire minimum à 1700 €. Je vois que vous ne partagez pas non plus notre axe écologique. Chacun a ses faiblesses. Vous devriez pourtant admettre que ce sont les classes populaires qui sont le plus exposées aux conséquences sanitaires que provoque l’aveuglement face à toutes sortes de poisons. Bien sûr, ce n’est pas l’urgence du moment quand on n’a pas de travail. Un parti politique digne de ce nom ne peut cependant pas faire l’impasse sur ce qui sera la catastrophe majeure du siècle. Pour finir, l’immigration. Comme vous, je pense que nous n’avons pas de réponse suffisante. Je pense aussi que les « bons sentiments « ne suffisent pas. Mais il faut commencer par là dans un moment où tous les autres « se lâchent » et font des étrangers l’unique cause de la crise. J’arrête là pour le moment. Coupez ce qui vous semble anecdotique, je ne crierai pas à la censure, vous êtes maître chez vous.

    • Descartes dit :

      @ Dominique Levrier

      [Je vous connais, Descartes, depuis l’époque où vous fréquentiez assidûment le blog de J-L-M, et je regrette que vous l’ayez abandonné.]

      Moi aussi, mais je ne supporte pas le manque de respect. Je ne fais pas référence au comportement des intervenants – les chiens qui aboient n’ont jamais empêché les caravanes de passer – mais à celui du propriétaire du blog, représenté par son modérateur. Je passe un certain temps à écrire mes commentaires, je prends soin de vérifier les données et de travailler le style. Je supporte donc mal de les voir censurés alors qu’ils respectent parfaitement les règles énoncées dans la charte du blog. Lorsque j’ai protesté, on m’a expliqué que mes commentaires n’étaient pas dans la « ligne politique » fixée par Mélenchon. Dès lors, je ne vois pas l’intérêt de participer à un soi-disant « débat » ou seuls peuvent s’exprimer ceux qui disent ce qui arrange le Chef. Mélenchon a suffisamment de sycophantes autour de lui pour ne pas avoir besoin de moi pour lui lécher les bottes.

      [Les commentaires, c’est vrai, en sont devenus (pas du seul fait de votre absence), assez décevants.]

      Que dites vous ! Moi je les trouve, au contraire, passionnants. Au deuxième degré, bien entendu. Cela vous donne une image « en creux » de la manière dont on réflechit – si l’on me pardonne l’exagération – au PG. Le culte du Chef, l’anticommunisme viscéral, le refus du réel, tout y est…

      [J’aime le débat, et, revenant vous lire ici, je trouve matière ! J’apprécie que vous preniez la peine de répondre à chaque post. Il va de soi que je ne partage pas, loin de là, toutes vos positions.]

      Ce n’est pas grave. L’important, c’est que l’échange respectueux enrichit tous les participants. C’est ce que Mélenchon et son modérateur ne veulent pas comprendre. « Sans liberté de blâmer, il n’y a pas d’éloge flatteur ».

      [Tout d’abord, sur la réaction de J-L-M au soir des résultats. Et ses « rodomontades ». Je n’apprendrai peut-être rien au militant que vous fûtes. Quoique chacun ait sa façon de militer. Peut-être que votre lucidité vous a toujours suffi. Je fonctionne autrement. En campagne, l’espoir de gagner, (disons, de faire un bon résultat) m’est nécessaire. C’est mon carburant. Mes convictions ne me suffisent pas. En même temps, je ne perds pas complètement de vue la réalité. Il y a dédoublement. Franchement, ici, qui aurait eu envie de se battre pour faire moins de 10% ? On savait très bien qu’on dérouillerait, mais il fallait y aller, alors on pousse des cris de guerre.]

      Je comprends tout à fait votre sentiment. Mais il illustre un problème plus vaste : celui du surinvestissement dans les partis politiques dans les échéances électorales. J’ai d’ailleurs vécu cette transformation dans le PCF. Lorsque j’étais militant – je le précise, dans une commune et dans un canton ou nous n’avions pas le moindre espoir d’emporter un jour le siège – les résultats électoraux n’étaient que l’un – et pas le plus important – de nos indicateurs d’activité. Nous regardions avec beaucoup plus d’attention les chiffres de vente de notre hebdo local, le placement de la vignette de la Fête de l’Huma, les porte-à-porte, le muguet du 1er mai… toute une série de mini-confrontation ou nous pouvions, par notre activité propre, emporter des victoires. Bien sur, nous allions aux élections avec des discours « conquérants », mais nous en connaissions les limites et surtout notre activité quotidienne nous permettait d’amortir le choc quand on se prenait une veste.

      Depuis que je connais le PG, jamais je n’ai vu publier d’autres indicateurs d’activité en dehors des résultats électoraux. Pire, on ne voit de véritable activité politique qu’autour des campagnes, pas de véritable débat en dehors des batailles pour les listes, les candidatures et les programmes électoraux. Dans ces conditions, le phénomène que vous soulignez devient dangereux, puisqu’on se sent obligé avant l’élection de fixer des cibles impossibles, ce qui garantit une déception de grande taille à l’arrivée…

      [Les causes, selon moi, de l’échec du FdG, sont multiples, et malheureusement, je n’apporterai rien de nouveau. Je souhaiterais seulement pondérer. Je ne retrancherai rien des causes énumérées par J-L-M, et je pense que vous les sous-estimez. Peut-être que vous vivez en dehors du bruit des médias. Sinon, vous ne pouvez pas dire sérieusement que ce que pointe le FdG est faux. Nous n’avons eu que très peu de temps, les médias ont vraiment fait campagne en présentant le FN comme la seule alternative.]

      Je ne dis pas que « ce que pointe le FdG soit faux ». Admettons que ce soit vrai, que les médias aient donné très peu de temps au FdG et aient présenté le FN comme seule alternative. Et alors ? D’une part, ce n’est pas parce que les médias disent « votez untel » que le peuple s’exécute. Autrement, le « non » n’aurait jamais emporté le référendum de 2005. Et d’autre part, il est inutile de maudire ce qu’on ne peut changer. Un agriculteur qui plante du blé au Sahara et voit sa récolte compromise par la sécheresse ne peut se prendre qu’à lui-même. Les médias font partie d’une donnée, comme le climat. On n’a pas le pouvoir de les changer, alors il faut dessiner une stratégie qui fasse avec. Et si c’est impossible, alors autant abandonner la politique et se consacrer à autre chose.

      Méfiez-vous des dirigeants qui cherchent toujours à expliquer les défaites par des circonstances qui leur sont étrangères. C’est souvent une tentative d’empêcher tout retour critique sur leurs choix. Les circonstance sont ce qu’elles sont. Dire « j’ai été battu parce que les médias ne m’aiment pas » ou « j’ai été battu parce que Marine Le Pen a été méchante » est une tentative de cacher le fait qu’on n’a pas choisi la bonne stratégie pour faire face aux médias ou a Marine Le Pen.

      [Là où je vous rejoints, c’est que ce n’était pas faux. En effet, la position du FdG était illisible. D’une part, à cause de la campagne municipale, où nous avons perdu une grande part de crédibilité comme proposition politique distincte du PS, puisque le PCF avait fait les choix que vous savez.]

      P…. arrêtez avec ça ! Ces histoires n’intéressent que le petit milieu des militants politiques. Le reste du pays s’en fout. Croyez-vous vraiment que Mme Michu, dont le fils est au chômage parce que l’usine s’est délocalisée en Bulgarie, qui croise les dealers dans le hall de son immeuble en allant faire ses courses, qui constate que sa retraite ne suffit plus pour joindre les deux bouts et à qui on fait payer le passe « navigo » qui était auparavant gratuit pour les plus de 65 ans ira voter FN plutôt que FdG parce que le PCF a fait liste commune avec le PS pour les municipales ? Et d’ailleurs, pensez-vous qu’elle jugera moins sévèrement l’alliance du PG avec EELV, par exemple, alors que EELV avait deux ministres au gouvernement ?

      La position du FdG est illisible parce que son programme, son projet, sa vision sont illisibles. C’est de là qu’il faut partir. La question des alliances, qui passionne les militants, n’intéresse personne en dehors d’eux. Expliquez à Mme Michu comment vous comptez faire pour chasser les dealers, pour donner du travail à son fils, pour lui donner une retraite digne, et elle votera pour vous-même si vous êtes allié avec Satan. Mais attention, « expliquer », ce n’est pas « promettre »…

      [Et parce que nous n’avons pas traduit en termes clairs une position compliquée.]

      Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire vous viennent aisément. La difficulté n’était pas que la position était « compliquée », c’est qu’elle était contradictoire. Pour être plus précis, on ne peut proposer un programme qui n’est réalisable que si l’on sort de l’Euro tout en refusant cette sortie.

      [Là où je suis en désaccord avec vous, c’est quand vous écrivez que le PC n’a pas de responsabilité dans cette ligne illisible. D’une façon générale d’ailleurs, vous réservez toutes vos critiques à Mélenchon.]

      Ce n’est pas vrai. J’ai au contraire critiqué de nombreuses fois le PCF dans mes papiers. Je n’arrête pas de fustiger sa direction nationale faible qui laisse le champ libre aux « notables » locaux, le pouvoir d’influence dont jouit le « gang des lesbiennes » – nom peu charitable donné par certaines mauvaises langues au lobby soi-disant féministe du CN – et qui se traduit par les ridicules « e-e-s » dans tous les textes, la dérive « sociétale »… mais je dois aussi admettre qu’en matière stratégique le PCF garde une cohérence que n’a pas le PG. Le PCF s’est fixé une ligne – qu’on peut ou non partager – et s’y tient. Le PG, lui oscille en permanence entre plusieurs options : après avoir appelé à voter Hollande en 2012 il vomit toute alliance avec le PS. Il vitupère contre le gouvernement mais fait les yeux doux à EELV. Sans parler des alliances à géométrie variable dans les conseils régionaux, ou l’on voit les élus PG quitter le PCF pour constituer des groupes avec des socialistes dits « de gauche » ou avec EELV. Quand on dîne avec Cohn-Bendit, le porte-drapeau des « libéraux-libertaires » tout en expulsant un militant parce qu’il a pris un pastis avec le grand résistant gaulliste Yves Guéna, cela ne pose pas à votre avis un petit problème de « lisibilité » ?

      [Je me demande dans ce cas pourquoi vous avez quitté le PC.]

      Parce que je n’étais pas d’accord avec la ligne choisie après le congrès de Martigues en 2000, et qui actait la transformation du PCF en parti gauchiste des classes moyennes. Parce que le fonctionnement interne imposé par les directions ne laissait aucun espace à ceux qui, comme moi, ne partageaient pas la ligne majoritaire. Mais ces désaccords ne m’aveuglent pas pour autant. Le PCF reste un parti institutionnalisé, avec des procédures de discussion interne et de décision qui ne se réduisent pas au diktat du Chef, un parti capable de définir une stratégie et de s’y tenir. Je n’ai pas l’impression que ce soit le cas du PG.

      [http://pcfbassin.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=15075:les-dirigeants-communistes-nont-pas-voulu-de-rupture-avec-leuro-jacques-genereux&catid=92:europe-2014&Itemid=9]

      Cette histoire, là encore, ne tient pas debout. Le PG ne s’est jamais gêné pour défendre ses positions, alors même qu’elles étaient en opposition totale avec celles du PCF. Le meilleur exemple est la question du nucléaire, où le PG défend avec constance la « sortie du nucléaire » et participe régulièrement dans des actions dans ce sens, y compris en organisant ses propres actions. Et ce n’est pas le seul exemple : Mélenchon a été plusieurs fois au clash en soutenant publiquement des positions qui déplaisaient fortement à ses alliés communistes. Dans ces conditions, la théorie selon laquelle Mélenchon aurait été favorable à une stratégie de sortie de l’Euro mais aurait soutenu publiquement le contraire parce qu’il se serait « fait tordre le bras » par les communistes – comme l’affirme l’article que vous citez – n’a pas la moindre crédibilité. Et le fait que Généreux – que j’ai entendu personnellement défendre l’euro lors de la campagne présidentielle – colporte aujourd’hui cette version montre à quel point les dirigeants du PG sont infoutus d’assumer leurs propres erreurs. Je n’étais pas d’accord avec Généreux, mais je lui reconnaissais au moins une certaine intégrité intellectuelle. Plus maintenant, puisqu’il m’explique que depuis deux ans il défend de son autorité professorale des idées qui ne sont pas les siennes.

      [Autres points de désaccord. A vous lire, le fond du discours du FdG et de Mélenchon seraient les questions sociétales. Là, franchement, je me demande si vous êtes sérieux. Jamais au cours de porte-à-porte dans les quartiers populaires je n’ai entendu ce reproche, tout simplement parce qu’il n’est pas fondé.]

      Je vous renvoie par exemple à l’appel à manifester contre le FN que j’ai cité dans mon papier. Si vous n’êtes pas convaincue, je vous invite à jeter un coup d’œil sur la page internet du PG aujourd’hui. Je me permets de lister les sujets « à la une » dans l’ordre où ils apparaissent : « Au cinéma, la résistance par le vin », « Face à l’extrême droite : Toute-s mobilisé-e-s pour l’égalité et la solidarité », « Ferme des 1000 vaches : Solidarité avec les militants de la Confédération Paysanne », « La France en crise politique [commentaire des résultats électoraux] », « Agir pour reconstruire [tactique politique] ». Et si cela ne suffit pas, relisez « l’humain d’abord ». Vous constaterez que les droits des LGBT prennent autant de place que la politique économique…

      [Les gens nous reçoivent très bien parce qu’ils se souviennent, entre autres, de notre proposition de porter le salaire minimum à 1700 €.]

      Très bien. Alors faudra m’expliquer pourquoi ces gens qui « vous reçoivent très bien » ne votent pas pour vous au final. Mais peut-être renoncent au SMIC à 1700€ et à toutes ces belles propositions crédibles parce que le PCF s’est allié au PS aux municipales ? Sans indiscrétion, vous les faites où, vos porte-à-porte ?

      La « proposition de porter le salaire minimum à 1700€ » ne vaut rien, et vous le savez. Personne n’y croit, et à juste titre. Les gens voient bien que les usines ferment, que les productions sont délocalisées, que nos marchés sont envahis par des produits bon marché fabriqués par des gens payés au lance-pierres. Dans ces conditions, qui peut croire un instant que nos entreprises survivraient au « SMIC à 1700€ » ? Pour rendre une telle chose possible, il faudrait des mesures protectionnistes, or justement le FdG s’y refuse.

      Les gens ne sont pas idiots. Ils savent très bien que les propositions ne coûtent pas grande chose, et que promettre le SMIC à 1700 € (et pourquoi pas au double, puisqu’on y est…) c’est à la portée de tout le monde. Bien sur, lors d’un porte-à-porte il vous écouteront avec gentillesse parce que les gens sont polis et que si l’on reçoit un militant chez soi lors d’un porte-à-porte, ce n’est pas pour le maltraiter. Mais ne vous faites pas d’illusions, ce n’est pas parce qu’ils souriront à vos arguments ou qu’ils vous diront « c’est pas mal ça » qu’ils sont convaincus. Pour rendre crédible votre proposition, il faut expliquer comment on fait pour la mettre en œuvre. Et là, j’avoue qu’après une lecture attentive de « l’Humain d’abord », je ne suis pas plus avancé.

      [Je vois que vous ne partagez pas non plus notre axe écologique. Chacun a ses faiblesses. Vous devriez pourtant admettre que ce sont les classes populaires qui sont le plus exposées aux conséquences sanitaires que provoque l’aveuglement face à toutes sortes de poisons.]

      Je n’en suis pas persuadé. Auriez-vous l’obligeance de m’indiquer par exemple en quoi les classes populaires seraient « plus exposées » aux conséquences sanitaires de l’énergie nucléaire ? Par contre, ce sont elles qui en tirent le principal bénéfice : parce que l’industrie nucléaire est un gros fournisseur d’emplois non délocalisables, parce que le nucléaire permet d’avoir une énergie sûre, abondante et pas chère qui favorise l’implantation d’activités industrielles créatrices d’emplois en France, et finalement parce qu’elle permet aux français d’avoir l’électricité parmi les moins chères d’Europe. Faudra m’expliquer en quoi le remplacement du nucléaire par des énergies fossiles ou renouvelables serait dans l’intérêt des classes populaires.

      [Bien sûr, ce n’est pas l’urgence du moment quand on n’a pas de travail. Un parti politique digne de ce nom ne peut cependant pas faire l’impasse sur ce qui sera la catastrophe majeure du siècle.]

      Je ne vois pas très bien de quoi vous parlez. Quelle est cette « catastrophe » ? S’il s’agit du réchauffement climatique, faudra m’expliquer comment le combat pour la « sortie du nucléaire » s’insère dans cette perspective. Toute sortie du nucléaire ne peut que se traduire par une augmentation dans les émissions de gaz à effet de serre. Donc ?

      [Pour finir, l’immigration. Comme vous, je pense que nous n’avons pas de réponse suffisante. Je pense aussi que les « bons sentiments « ne suffisent pas ». Mais il faut commencer par là (…)]

      Je ne vois pas pourquoi il faudrait commencer par là. Je dirais plutôt qu’il faut commencer par apporter une réponse à la question.

      [J’arrête là pour le moment. Coupez ce qui vous semble anecdotique, je ne crierai pas à la censure, vous êtes maître chez vous.]

      Ici, on ne coupe rien. Si votre message est conforme aux lois et règlements en vigueur, il sera publié in extenso.

  12. Baruch dit :

    Je pense que Mélenchon n’a effectivement pas minimisé l’ampleur du désastre, mais à mon avis il ne l’a pas tout à fait non plus mesuré.

    Si on compare aux européennes de 2009 ou avec une abstention un peu plus forte, le front de gauche faisait 6,1% mais l’extrême gauche elle aussi faisait 6,1%, en 2014 le front de gauche a obtenu 6,2% et l’extrême gauche n’en fait plus que 1,6%.
    L’addition des deux a perdu 600 000 voix entre les deux élections.
    Depuis l’école primaire je sais bien qu’on n’additionne pas les carottes et les fraises, mais les louvoiements , les incohérents appels à des groupuscules toujours plus groupusculaires comme "ensembles" à l’intérieur du FdG, embauchés,débauchés, rembauchés me semblent marquer un glissement des uns vers les autres, et une évaporation énorme de tous ceux qui avaient eu envie de construire une force unie, ce fameux creuset, qui auraient eu envie de produire de nouveaux thèmes en phase avec la situation en votant front de gauche. Cette fois -ci le fdg était un NPA bis, il n’était en aucun cas une force d’attraction même encore en construction.
    Je crois qu’il y a là un échec terrible que dans son texte "pendant que la poussière retombe" au ton "sincère" et à l’amertume palpable Mélenchon n’affronte pas.
    Il y a encore pour lui un plaidoyer pro-domo, encore un dédouanement sur la malignité des medias quoique de façon mesurée ce coup-ci, encore un petit coup de griffe sur la stratégie de ses "alliés" aux municipales et s’il accuse "les frivoles classes moyennes des centres villes" (sic) il ne va pas jusqu’à dire qu’il en a été un des porte-parole et que si il s’était récrié aux discours de Terra Nova, il ne s’était pas pour autant plus adressé à la classe ouvrière, au prolétariat réel et non rêvé,comme il dit.
    Sur l’Europe le front de gauche a été une catastrophe, à la suite des licenciements partout, du chômage de masse à la durée sans fin,pendant Alstom, pendant que l’on annonçait la mise en vente des chantiers de l’Atlantique, quand n’importe quel ouvrier sait que les commandes de l’industrie dépendent aussi du prix de l’énergie on discutait de fermer les centrales nucléaires, de se lancer à corps perdu dans l’éco-socialisme, dans un scénario no -watt,décroissance et je ne sais quel salaire de base sans que les gens aient à travailler.
    Un tel discours est inaudible, chacun sait quand on est ouvrier, dans sa chair de travailleur-producteur attaché à sa peine, que c’est le travail qui produit la valeur, et que c’est la mise en commun du travail qui permet la croissance et la fructification du capital.
    Bizarrement, les seuls discours de ce type l’ont été par Le Pen et Philippot, c’est une honte pour nous. Que Le Pen et le FN tiennent ce discours c’est une chose, mais que nous nous ne le tenions pas c’est cela la honte et la trahison.
    Le PS, comme Mélenchon, comme les "associations" ont tenu des discours apitoyés, compatissants, déjà en 1971 environ, je ne sais plus la date,le PCF avait fait passer un "manifeste contre la misère" je me souviens de discussion de cellule et d’un texte signé par de nombreuses cellules et même fédérations disant que comme communistes on luttait contre l’exploitation et pour l’émancipation et non contre " la misère", cela c’était la doctrine de l’Eglise;
    "L’humain d’abord"!,ce titre, "rallumer les étoiles"! auraient du mettre la puce à l’oreille de ceux qui avaient été éduqués à la "lutte de classe", l’échec est lourd,il faudrait en sortir autrement que par des constatations d’impuissance.

    • Descartes dit :

      @ Baruch

      [Si on compare aux européennes de 2009 ou avec une abstention un peu plus forte, le front de gauche faisait 6,1% mais l’extrême gauche elle aussi faisait 6,1%, en 2014 le front de gauche a obtenu 6,2% et l’extrême gauche n’en fait plus que 1,6%.]

      Il est clair que le marigot de l’extrême gauche se vide progressivement, au fur et à mesure que la crise s’approfondit. Certains pensent que la partie des classes moyennes qui avait « le cœur à gauche mais le portefeuille à droite » commence à prendre peur et à dériver vers le centre et la droite. La remarque de Mélenchon sur « frivoles classes moyennes des centre villes » qui auraient tourné le dos au PG n’est pas innocente, et couvre à mon avis une réalité très préoccupante pour la gauche.

      [(…) et une évaporation énorme de tous ceux qui avaient eu envie de construire une force unie, ce fameux creuset, qui auraient eu envie de produire de nouveaux thèmes en phase avec la situation en votant front de gauche. Cette fois -ci le fdg était un NPA bis, il n’était en aucun cas une force d’attraction même encore en construction.]

      Je pense que le « parti creuset » est mort, si tant est qu’il ait été autre chose qu’une illusion. Les bisbilles tacticiennes – dignes d’un congrès de l’UNEF-ID – pendant les municipales ont rendu à mon avis trop visible le fond d’anticommunisme du PG et sa tentative d’OPA sur le Front de Gauche. Ces blessures ne cicatriseront pas facilement, même si la direction du PG revenait à de meilleurs sentiments. Quant à une alliance avec EELV ou les « socialistes de gauche », elle m’a toujours paru relever du fantasme. Ces gens vont à la soupe, et la soupe que peut offrir le FdG est singulièrement maigre.

      [Je crois qu’il y a là un échec terrible que dans son texte "pendant que la poussière retombe" au ton "sincère" et à l’amertume palpable Mélenchon n’affronte pas (…) et que si il s’était récrié aux discours de Terra Nova, il ne s’était pas pour autant plus adressé à la classe ouvrière, au prolétariat réel et non rêvé, comme il dit.]

      Tour à fait d’accord. Le FdG a choisi de disputer les classes moyennes au PS plutôt que de disputer les couches populaires au FN. Il faut dire que pour parler à la classe ouvrière le FdG aurait du faire un énorme effort sur ses propres militants pour les sortir de leur univers – le sociétal, l’écologie – et les plonger dans un discours économique et social ou il n’y a pas véritablement beaucoup de place pour les bons sentiments et la sentimentalité petit-bourgeoise. Parler d’immigration, c’est renouer avec ce qu’il y a de tragique dans la politique.

      [Sur l’Europe le front de gauche a été une catastrophe, à la suite des licenciements partout, du chômage de masse à la durée sans fin,pendant Alstom, pendant que l’on annonçait la mise en vente des chantiers de l’Atlantique, quand n’importe quel ouvrier sait que les commandes de l’industrie dépendent aussi du prix de l’énergie on discutait de fermer les centrales nucléaires, de se lancer à corps perdu dans l’éco-socialisme, dans un scénario no -watt,décroissance et je ne sais quel salaire de base sans que les gens aient à travailler.]

      C’est cette déconnexion d’avec le réel qui est effrayant. Et qui conduit à toutes les contradictions : le FdG exige qu’on sauve les raffineries – voir les déclarations sur Pétroplus à Petit-Couronne tout en proposant qu’on réduise la consommation de carburants…

      [Un tel discours est inaudible, chacun sait quand on est ouvrier, dans sa chair de travailleur-producteur attaché à sa peine, que c’est le travail qui produit la valeur, et que c’est la mise en commun du travail qui permet la croissance et la fructification du capital.
      Bizarrement, les seuls discours de ce type l’ont été par Le Pen et Philippot, c’est une honte pour nous. Que Le Pen et le FN tiennent ce discours c’est une chose, mais que nous nous ne le tenions pas c’est cela la honte et la trahison.]

      Tout à fait. La gauche – et la gauche radicale en particulier – ont laissé tomber ses meilleurs drapeaux : ceux du travail, de la nation, de la République. Le FN n’a eu qu’à se baisser pour les ramasser.

      [Le PS, comme Mélenchon, comme les "associations" ont tenu des discours apitoyés, compatissants, déjà en 1971 environ, je ne sais plus la date,le PCF avait fait passer un "manifeste contre la misère" je me souviens de discussion de cellule et d’un texte signé par de nombreuses cellules et même fédérations disant que comme communistes on luttait contre l’exploitation et pour l’émancipation et non contre " la misère", cela c’était la doctrine de l’Eglise;]

      Je me souviens d’un épisode de ce type. A l’époque, le PCF avait encore un corps militant très lié à la classe ouvrière, et qui ressentait fortement ces tentatives impulsées par certains dirigeants arrivés après 1968 avec des idées « sociétales ». Je me souviens de discussions interminables sur la question de la « lutte contre la pauvreté »…

  13. L'inconnue de l'Orient Express dit :

    @ Descartes,

    C’était tellement prévisible cette victoire du FN que je me suis même offert le luxe de favoriser un autre parti, prônant lui ouvertement la sortie de l’UE, sachant très bien que le score n’irait pas bien loin mais assurée de la victoire du FN, j’avais la conscience tranquille (parcourant souvent les forums citoyens, je lis bien évidemment les messages des internautes sous les articles et c’est ce qui est le plus parlant et là c’était flagrant que ça allait saigner) !
    Dans votre billet vous avez tout résumé de ce que je pense aussi et donc je ne rajouterai rien de plus ! En accord avec vous !
    Quant à Mélenchon, que je ne connais pas moi par contre, je pense aussi que l’émotion était non feinte mais hélas, il continuera à se faire mal conseiller et c’est trop tard maintenant, même si il entreprenait de vouloir récupérer la classe ouvrière ! Le mal est fait c’est foutu !

    Quant aux mairies qui seront gérées par le FN, on va leur mettre des bâtons dans les roues, ne pas faire aboutir des subventions etc… pour qu’ils échouent et ainsi on ne saura jamais de quoi ils auraient pu être vraiment capables !

    Sinon pour l’avoir écouté, je trouve Philippot tout à fait à la hauteur !
    C’est un peu confus tout ça mais bon comme vous, je sens que les choses auront une chance de bouger prochainement…et ne suis donc pas catastrophée non plus 🙂
    Si ça avait été le FDG qui avait fait un score de 25 % à la place du FN, j’en aurais été ravie mais hélas il a bien fallu ne pas les suivre dans le suicide !

  14. L'inconnue de l'Orient Express dit :

    Tenez Descartes, un article paru sur Agoravox qui fait écho aux échanges ici :

    Comment un Jeune Communiste passe au FN…
    http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/comment-un-jeune-communiste-passe-152318

    • Descartes dit :

      @ L’inconnue de l’Orient Express

      [Quant à Mélenchon, que je ne connais pas moi par contre, je pense aussi que l’émotion était non feinte mais hélas, il continuera à se faire mal conseiller et c’est trop tard maintenant, même si il entreprenait de vouloir récupérer la classe ouvrière ! Le mal est fait c’est foutu !]

      Je ne suis pas convaincu. Le FN a marqué des points, c’est évident. En même temps, il ne convainc pas tout à fait. On peut supposer qu’une partie de son électorat regrette de devoir voter à l’extrême droite pour retrouver certaines valeurs républicaines, et préférerait les retrouver ailleurs. Un parti qui tiendrait le même discours sans avoir à traîner derrière lui les casseroles du FN aurait des chances. Mais je vous accorde que pour aller dans ce sens il faudrait à Mélenchon et aux autres dirigeants du PG et du PCF de violer une partie de leur base militante.

      [Quant aux mairies qui seront gérées par le FN, on va leur mettre des bâtons dans les roues, ne pas faire aboutir des subventions etc… pour qu’ils échouent et ainsi on ne saura jamais de quoi ils auraient pu être vraiment capables !]

      Je ne suis pas sur que cela suffise. La droite avait fait la même chose avec le PCF et n’avait pourtant pas pu empêcher le « communisme municipal » d’être un succès.

      [Sinon pour l’avoir écouté, je trouve Philippot tout à fait à la hauteur !]

      Comme quoi on peut être énarque et être à la hauteur…

      [Tenez Descartes, un article paru sur Agoravox qui fait écho aux échanges ici :Comment un Jeune Communiste passe au FN…]

      Un peux confus, mais intéressant…

  15. Tolosa dit :

    Bonjour Descartes
    Bravo pour votre blog,
    Je lis dans dans le supplément spectacle du JDD d’aujourd’hui une interview de Yannick Noah
    A la question
    vous comprenez pourquoi des français sont de plus en plus nombreux à être tentés par le vote extrême ?
    Réponse
    Non, je ne trouve aucune circonstances atténuante, aucune excuse au fait de voter pour le FN’ je ne peux avoir d’empathie pour une personne raciste, homophobe ou antisémite. Si tu es racistes tu m’insultes. ..

    Mais plus loin. Il indique quand même qu’il n’aura aucun problème à se produire dans une ville dirigée par le front national tout en restant lucide (sic) sur le pouvoir de sa chanson de faire reculer le vote pour le front..
    Incroyable qu’on puisse encore tenir un discours de ce genre en 2014…..
    Avec de telles personnes le vote fn a des beaux jours devant lui….

    • Descartes dit :

      @ Tolosa

      [Je lis dans dans le supplément spectacle du JDD d’aujourd’hui une interview de Yannick Noah. A la question : « vous comprenez pourquoi des français sont de plus en plus nombreux à être tentés par le vote extrême ? » la Réponse : « Non, je ne trouve aucune circonstances atténuante, aucune excuse au fait de voter pour le FN’ je ne peux avoir d’empathie pour une personne raciste, homophobe ou antisémite. Si tu es raciste tu m’insultes… »]

      C’est très drôle… on pose à Noah la question de savoir s’il peut « COMPRENDRE », lui répond sur le thème « je ne peux pas JUSTIFIER ». Curieux glissement du sens : chercher à « comprendre », ce serait donc chercher à « justifier », à trouver des « circonstances atténuantes »…

      Noah est en fait un digne représentant de la bienpensance. Comprendre ne lui intéresse pas. Il n’a aucune curiosité quant au mécanisme qui peut amener quelqu’un à faire des choix ou aboutir à des conclusions très lointaines des siennes. Pour lui, la politique c’est « il a insulté ma mère ! ».

      [Mais plus loin. Il indique quand même qu’il n’aura aucun problème à se produire dans une ville dirigée par le front national tout en restant lucide (sic) sur le pouvoir de sa chanson de faire reculer le vote pour le front…]

      « Business is business »…

    • bovard dit :

      Beaucoup d’intervenants évoquent tel ou tel parti,dont le PCF dans leurs textes.
      Ci dessous,des éléments nouveaux concernant le débat que Descartes anime avec talent pour notre bonheur.
      Comme il convient,en voici la source et je soumets ce texte à la réflexion collective car il exprime mieux que moi certaines de mes hypothèses:
      Qui a abandonné 
les concepts de «souveraineté-populaire» 
et de «nation-citoyenne » ?
      – See more at: http://www.humanite.fr/affolements-538907#sthash.8vpqXhoi.dpuf
      Paru dans ‘l’humanité’ du 30/05/2014,seule la la seconde partie du texte titré ‘Dangers’ du bloc notes de Jean Emmanuel Ducoin est ici publiée car la première partie n’est que le rappel des résultats électoraux:
      Merci d’avance à Descartes de le présenter sur son blog puisque toutes les réfèrences de ce texte public sont exprimées.
      ‘ Dangers: Quelques arguments peuvent en effet tempérer ce qu’il y a tout lieu, pourtant, de nommer une «percée» ou une «victoire» électorale du FN. L’ampleur de l’abstention, d’abord, qui a exclu du jeu la grande majorité de l’électorat de gauche «traditionnel» : voici la triste rançon du fiasco de la construction européenne telle qu’elle est et des politiques austéritaires théorisées et assumées par Normal Ier. La singularité du scrutin européen, ensuite, qui envoie régulièrement valdinguer les forces dominantes : ne l’oublions pas, une élection européenne ne «prédit» jamais l’avenir, sinon le Parti socialiste (14,4% en 1994 avec Michel Rocard) n’existerait déjà plus et Nicoléon (auteur d’un magistral 12% en 1999 comme tête de liste !) ne serait jamais devenu prince-président… Néanmoins, prenons la mesure cette fois que l’affaire est sérieuse, grave et durable, et que fifille-la-voilà, à la tête d’une formation en état de marche qui surfe mieux que n’importe quelle autre sur l’atomisation morale et sociale des citoyens, constitue désormais un danger majeur pour l’avenir et, évidemment, pour les cadres institués de la démocratie républicaine. Nous le savons, l’affolement ne se résorbe pas toujours dans le partage. Et il est sans doute un peu tard maintenant pour nous reprocher les parties de notre cursus idéologique laissées en friche au fil des années, soumis que nous étions à la pression des idées neuves et à la nécessaire transformation des modes de fonctionnement des organisations. Mais au fait, c’est qui, «nous» ? Nous, les communistes, les marxiens, les progressistes, les héritiers du jacobinisme politique, les révolutionnaires de toujours et même les socialistes primitifs d’Épinay, bref, tous ceux qui, à force de rectifications élémentaires et d’erreurs intellectuelles coupables, sans parler de l’indispensable désoviétisation, ont abandonné, parfois sans le vouloir, les concepts de «souveraineté-populaire» et de «nation-citoyenne». Fifille-la-voilà a tout récupéré. La patrie, au profit d’une souveraineté du chef et d’une nation identitaire. Et même le discours social, en substituant un clivage de classe par un clivage ethnique, sur les ruines de l’ancienne culture ouvrière. Qu’on se le dise. Le FN n’est plus seulement une question de droite posée à la droite, mais bien, désormais, une question philosophique et sociale posée à la gauche.

      Qui a abandonné 
les concepts de «souveraineté-populaire» 
et de «nation-citoyenne » ?
      – See more at: http://www.humanite.fr/affolements-538907#sthash.8vpqXhoi.dpuf

    • Descartes dit :

      @Bovard

      [Paru dans ‘l’humanité’ du 30/05/2014,seule la la seconde partie du texte titré ‘Dangers’ du bloc notes de Jean Emmanuel Ducoin est ici publiée car la première partie n’est que le rappel des résultats électoraux:]

      J’ai une sainte horreur des textes de Ducoin. Il a un côté infantile qui m’énerve. Et le texte que vous citez en fournit plusieurs exemples. Pourquoi faut-il, dans un texte qui prétend faire une analyse politique sérieuse, qu’il désigne Sarkozy sous l’appellation de « Nicoléon », Marine Le Pen sous le sobriquet « fifille-là-voilà » et François Hollande en tant que « Normal Ier ». J’ai horreur des gens qui n’appellent pas les choses par leur nom. Je n’ai rien contre la métaphore. Encore faut-il qu’elle en soit une, c’est-à-dire, qu’elle ait un peu de grâce et surtout qu’elle « colle » au personnage. Lorsque Victor Hugo appelle Louis-Napoléon Bonaparte « Napoléon le petit », c’est un jugement politique. Mais a quoi rime « fifille-la-voilà » ? En quoi Nicolas Sarkozy peut-il être comparé à Napoléon (une comparaison qui serait plutôt flateuse, je trouve…) ? Est-il quelque chose de moins monarchique que notre pauvre « Normal Ier » ?

      [« Dangers: Quelques arguments peuvent en effet tempérer ce qu’il y a tout lieu, pourtant, de nommer une «percée» ou une «victoire» électorale du FN. L’ampleur de l’abstention, d’abord, qui a exclu du jeu la grande majorité de l’électorat de gauche «traditionnel» ]

      Ca commence mal. L’abstention n’a « exclu » personne du jeu. C’est le choix souverain de l’électorat « de gauche traditionnel » de ne pas voter. Avec sa formule, Ducoin transforme ce qui est un choix souverain en une fatalité dépendante de forces extérieures. Au lieu de parler d’exclusion, Ducoin ferait mieux de se demander pourquoi « la grande majorité de l’électorat de gauche traditionnel » a décidé de s’exclure elle-même du jeu.

      [La singularité du scrutin européen, ensuite, qui envoie régulièrement valdinguer les forces dominantes : ne l’oublions pas, une élection européenne ne «prédit» jamais l’avenir, sinon le Parti socialiste (14,4% en 1994 avec Michel Rocard) n’existerait déjà plus et Nicoléon (auteur d’un magistral 12% en 1999 comme tête de liste !) ne serait jamais devenu prince-président… Néanmoins, prenons la mesure cette fois que l’affaire est sérieuse, grave et durable,]

      Faudrait savoir. Si l’élection européenne ne « prédit » jamais l’avenir, comment Ducoin peut-il conclure que « cette fois l’affaire est sérieuse, grave et durable ». Par ailleurs, si l’affaire est sérieuses, grave et durable « cette fois », pourquoi ne l’était pas « la fois dernière » (c’est-à-dire il y a un mois) ?

      [Et il est sans doute un peu tard maintenant pour nous reprocher les parties de notre cursus idéologique laissées en friche au fil des années, soumis que nous étions à la pression des idées neuves et à la nécessaire transformation des modes de fonctionnement des organisations.]

      Eh oui… surtout ne « reprochons » rien à personne. Ducoin, qui a chanté pendant des années les louanges de la « mutation » huiste et buffetiste utilise le gambit traditionnel pour se protéger de toute critique. Regardons en avant, camarades, surtout pas en arrière. Tout retour critique serait inutile, puisqu’il est « trop tard » pour s’y mettre. Mais alors… que faisait Ducoin quand il était encore temps de le faire ? Trop occupé par la « nécessaire transformation des modes de fonctionnement » qui ont conduit le PCF à n’être plus que l’ombre de lui-même ?

      [Mais au fait, c’est qui, «nous» ? Nous, les communistes, les marxiens, les progressistes, les héritiers du jacobinisme politique, les révolutionnaires de toujours et même les socialistes primitifs d’Épinay, bref, tous ceux qui, à force de rectifications élémentaires et d’erreurs intellectuelles coupables, sans parler de l’indispensable désoviétisation, ont abandonné, parfois sans le vouloir, les concepts de «souveraineté-populaire» et de «nation-citoyenne».]

      Et ça continue de mieux en mieux. Ducoin utilise ici une autre technique classique, celle du « nous » englobant. Ainsi, tous les communistes, tous les marxiens, tous les progressistes, tous les héritiers du jacobinisme politique, tous les « révolutionnaires de toujours et même les socialistes primitifs d’Epinay » partageraient sa faute, celle d’avoir « abandonné parfois sans le vouloir les concepts de « souveraineté populaire » et de « nation citoyenne »…

      Et bien non. Il y eut des communistes, des marxiens, des progressistes, des héritiers du jacobinisme politique qui n’ont pas abandonné les concepts en question. Il y eut même qui, pendant que Ducoin et ses « nous » les abandonnaient, ont sonné le tocsin pour essayer de lui faire prendre conscience de ce qu’ils étaient de faire en train de faire. Je me souviens très bien des éditoriaux de Ducoin l’époque. Il n’y avait pas un mot pour reprendre ces protestations et ces avertissements. Tout l’espace était occupé à faire la promotion des frasques de la « mutation ». Alors, excusez-moi, mais quand je vois Ducoin se frapper la poitrine en mon nom, cela me donne envie de vomir. Moi, j’étais communiste, marxien, progressiste et héritier du jacobinisme politique. Et moi, je n’ai rien « abandonné » à force de « rectifications élémentaires et d’erreurs coupables ». Au contraire : j’ai ouvert mon clapet pour gueuler, et cela m’a valu d’être insulté et mis au ban. Mis au ban par les gens comme Decoin, qui à l’époque était bien moins lucide qu’aujourd’hui. Alors, j’attends de lui le minimum de décence qui consiste à ne pas me faire porter le poids de ses erreurs, qui ne sont pas les miennes.

  16. Baruch dit :

    @Dominique Lévrier disant "[Les commentaires, c’est vrai, en sont devenus (pas du seul fait de votre absence), assez décevants.]"
    @Descartes répondant:
    "Que dites vous ! Moi je les trouve, au contraire, passionnants. Au deuxième degré, bien entendu"
    Que pensez vous de l’abîme qui s’ouvre devant celui qui cherche à comprendre ce commentaire sur le site de Mélenchon en ce beau dimanche à 12h38 ? Vous ferez une dissert. en trois points !!! :

    "Moi aussi, je suis assez pessimiste sur la suite. La classe populaire ne nous suit pas, et je pense que c’est du à un manque de réfléxion et un manque de culture."
    Faut-il commencer par réformer, éduquer le peuple avant de lui donner le droit de vote?
    La classe ouvrière, ses alliés devront-ils toujours laisser la direction des affaires à "ceux qui savent, sont éduqués et réfléchissent" oui bien sûr mais à condition que le peuple se soit donné LUI-MEME ses outils d’éducation de réflexion, de culture : cela s’appelait un "parti ouvrier".
    Que de la meilleure foi, les gentils zélateurs de Mélenchon, bien tristes de l’évolution des choses ne comprennent pas que cette lamentation si sincère est en même temps la marque au deuxième degré de l’impéritie du front de gauche, "descendant" comme les "narodniki" les populistes russes du XIXème siècle au peuple;
    Althusser disait pour faire comprendre l’idéologie:
    c’est comme quelqu’un qui frappant à notre porte à qui on demande "qui c’est", répond "c’est moi" et nous, on lui ouvre la porte car on l’a reconnu.
    Mais ce n’est pas la réponse elle-même qui a été la cause de la reconnaissance, même le bandit qui vient m’assassiner dira c’est moi ! et ce sera vrai ! c’est cette reconnaissance tautologique préalable à la réponse.le heurteur et l’ouvreur partageant la même préalable enveloppe qui fait qu’ils ne peuvent faire autrement que se reconnaître.
    Les commentaires sur le site de Mélenchon enveloppent auteur du billet et commentateurs dans la même enveloppe, bulle idéologique qui est bien celle des "classes moyennes" et l’incongru est effectivement le discours "des classes populaires", inaudible et rejeté, ne pouvant être que rejeté, comme un discours d’incultes et de petite têtes débiles.
    Le PG (et le PCF actuel) nagent en pleine idéologie et ne le voient même pas;

    • Descartes dit :

      @ Baruch

      [Que pensez vous de l’abîme qui s’ouvre devant celui qui cherche à comprendre ce commentaire sur le site de Mélenchon (…) « Moi aussi, je suis assez pessimiste sur la suite. La classe populaire ne nous suit pas, et je pense que c’est du à un manque de réfléxion et un manque de culture. »]

      Moi j’ai trouvé ce commentaire délicieux d’ambiguïté. Lorsque l’auteur parle de « manque de réflexion et manque de culture », fait-il référence aux électeurs, ou aux militants qui n’arrivent pas à se faire suivre ?

      Bon, OK, c’était pour rigoler. C’est sûrement votre interprétation qui est la bonne. Et elle conduit évidemment à la conclusion qu’il faut en finir avec la « souveraineté populaire ». Car que peut-on attendre d’un « souverain » qui manque de « reflexion » et de « culture » au point de ne pas comprendre combien le programme du FdG ferait son bonheur ? Brecht ironisait sur l’idée que si le peuple est en désaccord avec le Comité central, il faut dissoudre le peuple et en élire un autre. Au FdG, on semble partager cette idée…

      [La classe ouvrière, ses alliés devront-ils toujours laisser la direction des affaires à "ceux qui savent, sont éduqués et réfléchissent" oui bien sûr mais à condition que le peuple se soit donné LUI-MEME ses outils d’éducation de réflexion, de culture : cela s’appelait un "parti ouvrier".]

      C’est là tout le problème. Un parti « ouvrier » n’est pas un parti comme les autres. Comme il s’adresse à ceux qui ont le moins de chance d’accéder au savoir et à la culture, il a non seulement la responsabilité d’élaborer un projet, mais aussi d’éduquer son électorat pour qu’il soit en mesure de le comprendre et de le soutenir consciemment. Ceux qui veulent construire un tel parti doivent se préparer à un très long travail de siège, et perdre tout espoir d’une attaque rapide. Croire qu’on peut faire des « coups » comme le pense Mélenchon c’est se bercer de douces illusions.

      [Althusser disait pour faire comprendre l’idéologie: (…)]

      J’ai beaucoup aimé ce rappel. C’est une analogie qui explique admirablement le problème.

  17. Bonjour Descartes,

    J’aurais voulu ton avis sur les résultats de DLR aux européennes, qu’en penses-tu? Y a-t-il selon toi des raisons d’espérer?

    Tu parles dans un commentaire d’un parti qui, au fond, dirait à peu près les mêmes choses que le FN sans traîner la réputation sulfureuse des Le Pen. Ce parti existe, il s’appelle DLR… Pourtant il peine à convaincre, c’est un fait. Et cependant, Dupont-Aignan parle des ouvriers, de l’industrie, et il essaie d’aller parler aux ouvriers eux-mêmes. Je pense qu’il est conscient des problèmes et des enjeux et d’une certaine manière, je crois qu’il essaie bien plus que le Front de Gauche de disputer l’électorat ouvrier au FN. Seulement, j’ai l’impression qu’il y a une certaine inertie électorale qui se met en place en faveur du FN, celui-ci étant hégémonique dans le camp "social-souverainiste" pour aller vite. Du coup, je me demande si une autre formation peut réellement exister à côté du FN.

    PS: promis, je parlerai moins d’immigration, car je ne veux pas passer pour l’obsédé de la question… mais je constate que la question a été abordée sans que j’y mette mon grain de sel.

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [J’aurais voulu ton avis sur les résultats de DLR aux européennes, qu’en penses-tu? Y a-t-il selon toi des raisons d’espérer?]

      Des raisons d’espérer, il y en a toujours… Je trouve que DLR fait un résultat qui n’est pas mauvais, compte tenu du contexte. Avec un peu moins de 4%, assez bien distribué sur l’ensemble du territoire et qu’il retrouve de scrutin en scrutin, il semble arriver à stabiliser un électorat. Si l’on tient compte qu’il n’a ni implantation locale, ni quantité d’élus, faire plus de la moitié du score du FdG, ce n’est pas mal.

      Le problème de DLR est comment dépasser le stade artisanal pour devenir un véritable parti. Un vrai parti politique ne peut se réduire à un seul dirigeant. DLR a besoin d’attirer des personnalités, des experts, des militants, pour s’institutionnaliser et rayonner en dehors du petit électorat qu’il s’est constitué…

      [Tu parles dans un commentaire d’un parti qui, au fond, dirait à peu près les mêmes choses que le FN sans traîner la réputation sulfureuse des Le Pen. Ce parti existe, il s’appelle DLR…]

      Oui. Mais le FN a mis vingt ans de passer de 0,4% à 25%. Et il y a réussi parce qu’il a écouté avec une grande constance son électorat, non seulement son électorat « naturel », mais aussi celui qu’il s’est fixé pour cible.

      [Pourtant il peine à convaincre, c’est un fait. Et cependant, Dupont-Aignan parle des ouvriers, de l’industrie, et il essaie d’aller parler aux ouvriers eux-mêmes. Je pense qu’il est conscient des problèmes et des enjeux et d’une certaine manière, je crois qu’il essaie bien plus que le Front de Gauche de disputer l’électorat ouvrier au FN.]

      Je ne sais pas que NDA organise des rencontres avec les syndicats, qu’il aille visiter des usines ou des ateliers. S’il le faisait, je suis sur que cela se saurait.

      [Seulement, j’ai l’impression qu’il y a une certaine inertie électorale qui se met en place en faveur du FN, celui-ci étant hégémonique dans le camp "social-souverainiste" pour aller vite. Du coup, je me demande si une autre formation peut réellement exister à côté du FN.]

      Celui qui part en premier a toujours une longueur d’avance. Mais l’histoire est remplie de partis qui sont partis en second et qui ont dépassé le premier.

  18. Dominique Levrier dit :

    un problème plus vaste : celui du surinvestissement dans les partis politiques dans les échéances électorales. D’accord avec vous là-dessus. J’ai adhéré au PG à sa création, en janvier 2009 et nous n’avons pas eu de répit, en campagne chaque année. Je ne parlerai que de mon expérience. Là où je vis, nous sommes une poignée à militer vraiment, 5 au PG, 4 au PCF. Des militants chevronnés qui commencent à fatiguer. D’autres, comme moi, primo-militants. Depuis 5 ans, l’essentiel de mon travail a consisté à me décrasser, j’entends: tenter de comprendre les enjeux de mon époque. Parce que, jeune retraitée, j’en avais enfin le temps. C’est pourquoi je suis particulièrement indulgente avec mes contemporains. La politique, c’est une culture. Surtout si, comme moi, on vient d’un milieu petit-bourgeois. J’ai eu la chance de connaître assez de difficultés par la suite, pour que cela me donne l’envie de tenter de peser sur le monde que je laisserai à mes enfants. Juste assez de problèmes matériels pour m’extraire de mon confort mental. Pas trop pour qu’il reste de l’énergie disponible. Nous sommes nombreux de ce type au PG. Et aussi au PC, pour ceux que je connais. L’enjeu électoral a tout bouffé, parce qu’il n’y a pas assez de forces militantes pour le reste. Parce qu’on a voulu des résultats trop vite. Parce que l’argent est le nerf de la guerre. Parce que l’urgent a pris le pas sur l’important.

    Dire « j’ai été battu parce que les médias ne m’aiment pas » ou « j’ai été battu parce que Marine Le Pen a été méchante » est une tentative de cacher le fait qu’on n’a pas choisi la bonne stratégie pour faire face aux médias ou a Marine Le Pen.
    Tout à fait d’accord. On s’est plantés. J’espère qu’on sera nombreux à l’admettre.

    Ces histoires n’intéressent que le petit milieu des militants politiques. Je ne crois pas. Le désaccord sur la stratégie aux municipales a été relayé jusque dans la « presse » gratuite. Et on a souvent eu des retours sur le fait d’avoir appelé à battre Sarkozy, on nous met dans le même panier que le P.S. La rumeur du « tous pareils » n’épargne pas Mme Michu. On aurait pu ne pas lui donner d’aliments.

    La difficulté n’était pas que la position était « compliquée », c’est qu’elle était contradictoire.Pour être plus précis, on ne peut proposer un programme qui n’est réalisable que si l’on sort de l’Euro tout en refusant cette sortie. Ok, mais la contradiction vient du compromis entre le PG et le PC. M. Boccara refuse d’en entendre parler, au PG, «on ne défend pas une sortie de l’euro, assure Guillaume Etiévant. Ce que nous disons, c’est qu’au vu de la crise de la zone euro, si l’on ne parvient pas à infléchir la politique de la Banque centrale européenne, on aboutira sans doute à un éclatement de celle-ci et il faut s’y préparer. Mais ce n’est pas un objectif stratégique et politique pour nous, car nous avons une position internationaliste : c’est bien qu’une politique monétaire soit menée par différents pays d’Europe, on pourrait même imaginer qu’elle ait un cadre plus large encore.»

    Le PCF s’est fixé une ligne – qu’on peut ou non partager – et s’y tient. Le PG, lui oscille en permanence entre plusieurs options : après avoir appelé à voter Hollande en 2012 il vomit toute alliance avec le PS. Il vitupère contre le gouvernement mais fait les yeux doux à EELV. Sans parler des alliances à géométrie variable dans les conseils régionaux, ou l’on voit les élus PG quitter le PCF pour constituer des groupes avec des socialistes dits « de gauche » ou avec EELV. Le FdG , pas le Pg, a appelé à battre Sarkozy. Que faire d’autre ? Sur la cohérence des alliances, que dire du PC, serait-il plus tendre avec le gvt ? Alors qu’il donne un max de visibilité à Paris à l’alliance avec Hidalgo ? Donc, il y aurait à dire des 2 côtés. Mais peut-il en être autrement, quand on trouve de tout au PS (même des gens de gauche), et que EELV n’est pas non plus monolithique.
    Quand on dîne avec Cohn-Bendit, le porte-drapeau des « libéraux-libertaires » tout en expulsant un militant parce qu’il a pris un pastis avec le grand résistant gaulliste Yves Guéna, cela ne pose pas à votre avis un petit problème de « lisibilité » ? Juste par malice,croyez-vous que Mme Michu en ait entendu parler ? Et un rectificatif, par rapport à votre papier sur l’apéro fatal. Je ne crois pas vous avoir lu préciser que le fameux pastis avait été pris au local de campagne de Guéna, lors de son inauguration. Pas idéal.

    Le PCF reste un parti institutionnalisé… Comment comparer 2 partis, dont l’un est presque centenaire, et l’autre a 5 ans. Oui, le Pg est un parti bordélique, où il y a pas mal de blanc-becs, qui a tendance à se regrouper derrière un chef charismatique, qui prend trop d’importance. C’est en train de changer.

    Mélenchon a été plusieurs fois au clash en soutenant publiquement des positions qui déplaisaient fortement à ses alliés communistes. Oui, mais là, après s’être recollés à grand peine pour les européennes, ça n’aurait pas passé. Mais je vous donne le point: sur l’euro, nous ne pouvons pas être clairs, parce qu’on considère que l’euro présente des avantages, et des inconvénients. C’est pourquoi il est difficile de trancher dans l’absolu, et qu’on ne peut dire que « ça dépendra du rapport de force ».

    Et si cela ne suffit pas, relisez « l’humain d’abord ». Vous constaterez que les droits des LGBT prennent autant de place que la politique économique…Non, je l’ai sous les yeux. Chap I à IV, pages 13 à 50: économie. dans le Chap V: une page, la lutte contre toutes les discriminations.

    Sans indiscrétion, vous les faites où, vos porte-à-porte ? Dans les cités.

    Pour rendre une telle chose possible, (le smic à 1700 €) il faudrait des mesures protectionnistes, or justement le FdG s’y refuse. Non, il dit p74 nous combattrons les principes de libre-échange de l’OMC. Et nous parlons de protectionnisme solidaire.

    Les conséquences sanitaires de l’énergie nucléaire, sûre et pas chère ?: demandez aux sdf japonais embauchés qui essaient de traiter Fukushima. En France:
    http://www.sortirdunucleaire.org/Competitivite-et-sous-traitance
    Et à la Cour des Comptes:
    http://www.challenges.fr/industrie/20140527.CHA4263/selon-la-cour-des-comptes-l-energie-nucleaire-sera-de-plus-en-plus-chere-en-france.html

    Toute sortie du nucléaire ne peut que se traduire par une augmentation dans les émissions de gaz à effet de serre. Vous ne faites pas confiance à la science et à la technique pour trouver d’autres solutions que les énergies carbonées ? Vous avez conscience que ces énergies s’épuiseront un jour ?

    Immigration : Je dirais plutôt qu’il faut commencer par apporter une réponse à la question.
    On ne donne pas les mêmes réponses selon que l’on considère que l’immigration EST un problème ( en soi), pour certains, les basanés, même après des générations de porteurs de carte d’identité française, ne sont pas vraiment des français. Ou si on considère que l’immigration pose DES problèmes à DES français.

    J’apprécie beaucoup vos critiques. Je ne crois pas vouloir justifier à tout prix le PG. Cette discussion me donne envie de creuser sur l’euro et sur l’immigration. Ce sera un mérite de ces élections et de notre échec, si le plus grand nombre au FdG s’interroge. Je ne serais jamais allée à une marche « contre le vote FN » car je ne méprise pas ses électeurs.

    • Descartes dit :

      @ Dominique Levrier

      [D’accord avec vous là-dessus. J’ai adhéré au PG à sa création, en janvier 2009 et nous n’avons pas eu de répit, en campagne chaque année. Je ne parlerai que de mon expérience. Là où je vis, nous sommes une poignée à militer vraiment, 5 au PG, 4 au PCF. Des militants chevronnés qui commencent à fatiguer. D’autres, comme moi, primo-militants.]

      Croyez-en mon expérience : les dirigeants se concentrent sur « l’action » – en particulier électorale – lorsqu’ils veulent empêcher les militants de réfléchir. Quand on met la priorité sur la formation des militants, on trouve toujours du temps pour le faire. Mais voilà : les militants formés ont la fâcheuse habitude de réflechir. Et réflechir, comme on dit à l’armée, c’est déjà désobéir.

      [L’enjeu électoral a tout bouffé, parce qu’il n’y a pas assez de forces militantes pour le reste.]

      Non. L’enjeu électoral a tout bouffé parce qu’on en a fait la priorité, et même la seule priorité.

      [« Ces histoires n’intéressent que le petit milieu des militants politiques ». Je ne crois pas. Le désaccord sur la stratégie aux municipales a été relayé jusque dans la « presse » gratuite.]

      Seulement parce que Mélenchon en a fait un casus belli et en a fait des tonnes publiquement pour faire pression sur les militants du PCF d’abord, sur leurs dirigeants ensuite. Souvenez-vous de tout le battage fait sur le « logo »…

      [Et on a souvent eu des retours sur le fait d’avoir appelé à battre Sarkozy, on nous met dans le même panier que le P.S. La rumeur du « tous pareils » n’épargne pas Mme Michu. On aurait pu ne pas lui donner d’aliments.]

      Ah… mais à l’heure d’appeler à voter pour Hollande, il n’y avait pas de « division ». Mélenchon l’a dit d’abord, et le PCF l’a suivi. Si vous vouliez démontrer que le discours du FdG a été rendu illisible par les désaccords PCF-PG, l’exemple est particulièrement mal choisi. L’exemple montre plutôt que le FDG est illisible parce qu’il n’arrive pas à définir une stratégie cohérente dans le temps dans ses rapports avec le PS.

      [Ok, mais la contradiction vient du compromis entre le PG et le PC. M. Boccara refuse d’en entendre parler, au PG, «on ne défend pas une sortie de l’euro, assure Guillaume Etiévant. Ce que nous disons, c’est qu’au vu de la crise de la zone euro, si l’on ne parvient pas à infléchir la politique de la Banque centrale européenne, on aboutira sans doute à un éclatement de celle-ci et il faut s’y préparer.]

      C’est cela qui est incohérent. Le problème de l’Euro n’est pas la politique de la BCE. Le problème de l’Euro est qu’on ne peut pratiquer une politique monétaire unique qui soit optimale pour 28 économies qui sont structurellement très différentes. Quelque soit la politique choisie par la BCE, elle sera optimale pour un petit nombre de pays, et mauvaise pour tous les autres. Je trouve par ailleurs curieux de rester au milieu de la rivière en disant d’un côté « il ne faut pas sortir de l’Euro » et de l’autre « l’Euro va éclater ». Si on est convaincu que l’Euro est condamné, l’attitude logique est de sortir volontairement et de façon concertée, et non d’attendre la catastrophe.

      [Mais ce n’est pas un objectif stratégique et politique pour nous, car nous avons une position internationaliste : c’est bien qu’une politique monétaire soit menée par différents pays d’Europe, on pourrait même imaginer qu’elle ait un cadre plus large encore.]

      Pourquoi c’est « bien » que la politique monétaire soit la même pour l’ensemble des pays d’Europe, voir au delà ? Quel rapport avec « l’internationalisme » ? Faut arrêter de dire n’importe quoi et regarder les problèmes en face : la question de l’Euro n’est pas une question de principe, mais de technique monétaire. Une monnaie commune à plusieurs pays qui ont des économies très différentes ne peut marcher qu’avec des mécanismes de transfert massifs qui compensent les déséquilibres. Or, personne ne veut de ces transferts. Donc, c’est cuit. Allez regarder la théorie des zones monétaires optimales de Robert Mundell.

      [Le FdG , pas le Pg, a appelé à battre Sarkozy. Que faire d’autre ?]

      Appeler à s’abstenir. Ou donner liberté de vote. Il y a plein d’options. Pourquoi serait-on obligés de choisir entre la peste et le choléra ? Regardez le FN : depuis des années, il se refuse à se désister pour la droite au risque de laisser la gauche gagner, et on n’a pas l’impression que son électorat l’abandonne pour autant. Pourquoi la « gauche radicale » ne pourrait faire pareil ? Bien entendu, il faudrait expliquer, expliquer et expliquer aux électeurs de gauche le pourquoi de ce positionnement. Il faudrait être cohérent dans le temps. Mais c’est faisable. Si on n’a pas le choix, alors pas la peine de faire de la politique.

      Hollande est-il meilleur que Sarkozy ? Alors on fait voter pour lui et on assume. Hollande et Sarkozy c’est kif-kif ? Alors pas la peine d’appeler à voter pour l’un ou pour l’autre. Mais la logique qui consiste à appeler à voter Hollande pour ensuite expliquer qu’il est pire que Sarkozy, c’est incompréhensible.

      [Sur la cohérence des alliances, que dire du PC, serait-il plus tendre avec le gvt ?]

      Non. Mais pour le PCF, la priorité est de conserver son réseau d’élus. Ca aussi, ça peut s’expliquer aux électeurs. Après tout, c’est à eux de choisir. Qu’est ce qu’ils préfèrent : avoir des élus communistes qui les défendront, même si pour être élus il leur faut faire liste commune avec le PS et voter les budgets municipaux ? Ou être défendus par un parti qui n’a pas d’élus mais a les mains propres ?

      [Alors qu’il donne un max de visibilité à Paris à l’alliance avec Hidalgo ?]

      C’est Mélenchon, et non le PCF, qui a « donné un max de visibilité à l’alliance avec Hidalgo » en faisant un plat de cette affaire et un casus belli médiatique. Sans cela, la chose serait passée quasi-inaperçue.

      [Donc, il y aurait à dire des 2 côtés.]

      Oui, mais pas les mêmes choses. Le PCF avait une stratégie que tout le monde connaissait, puisque c’est la même depuis des années. Mélenchon, au lieu de négocier avec ses partenaires, a essayé d’imposer sa stratégie de « l’autonomie conquérante », allant jusqu’à chercher à opposer les militants communistes à leurs dirigeants. Et quand le « coup » a échoué, il a essayé de faire pression sur le PCF en médiatisant à mort le conflit. Dans ces conditions, il m’est difficile de condamner le PCF.

      [Mais peut-il en être autrement, quand on trouve de tout au PS (même des gens de gauche), et que EELV n’est pas non plus monolithique.]

      Si l’on trouve au PS « même des gens de gauche », pourquoi s’interdire à priori les listes communes ?

      [Quand on dîne avec Cohn-Bendit, le porte-drapeau des « libéraux-libertaires » tout en expulsant un militant parce qu’il a pris un pastis avec le grand résistant gaulliste Yves Guéna, cela ne pose pas à votre avis un petit problème de « lisibilité » ? Juste par malice,croyez-vous que Mme Michu en ait entendu parler ?]

      A Périgueux et dans la région, certainement.

      [Et un rectificatif, par rapport à votre papier sur l’apéro fatal. Je ne crois pas vous avoir lu préciser que le fameux pastis avait été pris au local de campagne de Guéna, lors de son inauguration. Pas idéal.]

      Et pourquoi ça ? Tous les partis politiques participent à l’expression du suffrage universel. Ce n’est pas parce qu’on défend des projets différents et même incompatibles qu’il faut exclure des rapports courtois. On n’est pas en guerre civile, que je sache, même si certains au PG ont envie de le croire.

      [Le PCF reste un parti institutionnalisé… Comment comparer 2 partis, dont l’un est presque centenaire, et l’autre a 5 ans. Oui, le Pg est un parti bordélique, où il y a pas mal de blanc-becs, qui a tendance à se regrouper derrière un chef charismatique, qui prend trop d’importance. C’est en train de changer.]

      Vraiment ? Pourriez-vous donner quelques exemples de ce « changement » ? Moi, ce que j’observe, c’est au contraire que cela ne change pas. Le PG reste une secte, avec des chefs tout-puissants et des mécanismes de décisions opaques. Je ne trouve pas sur le site du PG des compte rendus des réunions des différentes instances statutaires, ni même l’annonce de leurs réunions.

      [Mélenchon a été plusieurs fois au clash en soutenant publiquement des positions qui déplaisaient fortement à ses alliés communistes. Oui, mais là, après s’être recollés à grand peine pour les européennes, ça n’aurait pas passé.]

      Ne vous racontez pas d’histoires. Mélenchon défend l’Euro et qualifie des « maréchalistes » et autres noms d’oiseau ceux qui sont pour la sortie depuis sa campagne présidentielle. Bien avant les municipales. Toute cette histoire d’un PG eurosceptique forcé à l’europhilie par le méchant PCF ne tient pas débout. J’ai discuté avec Généreux pendant la campagne présidentielle de 2012, et déjà à l’époque il n’était pas question de sortie de l’Euro.

      [Mais je vous donne le point: sur l’euro, nous ne pouvons pas être clairs, parce qu’on considère que l’euro présente des avantages, et des inconvénients. C’est pourquoi il est difficile de trancher dans l’absolu, et qu’on ne peut dire que « ça dépendra du rapport de force ».]

      J’aimerais qu’on m’explique quels sont les « avantages » que le PG voit dans l’Euro.

      [« Sans indiscrétion, vous les faites où, vos porte-à-porte ? » Dans les cités.]

      Heureusement que vous n’avez pas répond « dans les portes »… pourriez-vous m’indiquer dans quelles cités (la commune suffira).

      [Pour rendre une telle chose possible, (le smic à 1700 €) il faudrait des mesures protectionnistes, or justement le FdG s’y refuse. Non, il dit p74 nous combattrons les principes de libre-échange de l’OMC. Et nous parlons de protectionnisme solidaire.]

      Tiens, ça m’intéresse. En quoi consiste précisément le « protectionnisme solidaire » ? Vous proposez donc d’instaurer des taxes aux frontières et donc des douaniers pour les percevoir ? Comment on fait pour instaurer un « protectionnisme solidaire » tout en restant dans l’UE ?

      [Les conséquences sanitaires de l’énergie nucléaire, sûre et pas chère ?: demandez aux sdf japonais embauchés qui essaient de traiter Fukushima.]

      Vous leur avez demandé ? Que savez-vous sur leur état sanitaire ? Désolé, mais ce genre d’argument est parfaitement stupide.

      [En France: http://www.sortirdunucleaire.org/Competitivite-et-sous-traitance%5D

      Encore un article de propagande antinucléaire. Comme d’habitude, aucune donnée factuelle, aucun tableau épidémiologique. Si c’est sur ce genre d’information qu’est fondée la politique nucléaire du PG, on est bien avancés.

      [Et à la Cour des Comptes: http://www.challenges.fr/industrie/20140527.CHA4263/selon-la-cour-des-comptes-l-energie-nucleaire-sera-de-plus-en-plus-chere-en-france.html%5D

      Et alors ? Même avec les chiffres de cet article, le nucléaire reste l’énergie la plus économique après l’hydraulique. Encore une fois, j’ai l’impression que vous avez une idée assez sommaire des faits. Juste par curiosité, combien coûte selon vous le MWh éolien ? Et le solaire ?

      [Toute sortie du nucléaire ne peut que se traduire par une augmentation dans les émissions de gaz à effet de serre. Vous ne faites pas confiance à la science et à la technique pour trouver d’autres solutions que les énergies carbonées ? Vous avez conscience que ces énergies s’épuiseront un jour ?]

      Non seulement j’ai confiance, mais je sais que la science et la technique a trouvé une alternative économique aux énergies carbonées : le nucléaire. Seulement, le PG n’a pas l’air de l’avoir compris. Et prôner la « sortie du nucléaire » tout de suite avec l’espoir qu’un jour, peut-être, la technique trouvera mieux, c’est de l’irresponsabilité. On voit bien d’ailleur ce que cela donne en Allemagne : une envolée des prix et des émissions de CO2.

      [On ne donne pas les mêmes réponses selon que l’on considère que l’immigration EST un problème (en soi), pour certains, les basanés, même après des générations de porteurs de carte d’identité française, ne sont pas vraiment des français. Ou si on considère que l’immigration pose DES problèmes à DES français.]

      Prenons la deuxième hypothèse. L’immigration pose DES problèmes à DES français. Elle pose des problèmes aux salariés les moins qualifiés qui voient les salaires baisser du fait de la concurrence des nouveaux arrivés. Elle pose des problèmes aux professeurs qui voient contester leur cours d’histoire. Elle pose des problèmes aux hôpitaux ou des femmes voilées refusent d’être touchées par un homme… quelles sont les solutions que vous proposez ?

      [J’apprécie beaucoup vos critiques. Je ne crois pas vouloir justifier à tout prix le PG. Cette discussion me donne envie de creuser sur l’euro et sur l’immigration.]

      Je ne peux que vous y encourager. Mettez-vous au nucléaire aussi, puisque vous y êtes. Mais ne confondez mas « creuser » et lire des articles militants.

    • Dell Conagher dit :

      Bonjour Descartes

      "Mettez-vous au nucléaire aussi, puisque vous y êtes."

      Auriez-vous des ouvrages à recommander sur ce sujet ? C’est un sujet qui m’intéresse, mais je ne sais ni par quel côté l’aborder (technique ? historique ? politique ?) ni vers quels auteurs me tourner…

    • Descartes dit :

      @ Dell Conagher

      [Auriez-vous des ouvrages à recommander sur ce sujet ? C’est un sujet qui m’intéresse, mais je ne sais ni par quel côté l’aborder (technique ? historique ? politique ?) ni vers quels auteurs me tourner…]

      Je pense que ce sont les aspects historiques, économiques et techniques qui sont les plus intéressants pour commencer. Une fois qu’on a compris ces aspects, on peut commencer à regarder le côté politique sans craindre de dire des bêtises… Pour l’histoire, on peut citer un livre récent que j’ai trouvé fort bien fait : de Boris Dänzer-Kantof, Félix Torres, « L’énergie de la France. De Zoé aux EPR, l’histoire du programme nucléaire », éditions François Bourin, 2013. Pour les aspects économiques, je peux vous conseiller de François Levêque, « Le nucléaire : On/Off », Dunod, 2013. Ou alors de Evelyne Bertel et Gilbert Naudet, « Economie de l’Energie Nucléaire », EDP sciences, 2004. Pour les aspects techniques, cela dépend de votre niveau de formation scientifique. Pour un ouvrage de vulgarisation, voir de Paul Reuss « l’Energie nucléaire », collection Que sais-je, PUF, 2012.

  19. morel dit :

    « Ce n’est pas ce que je voulais dire. Mon point, c’est que nos élites politico-médiatiques ne prennent pas en compte l’abstention. Les 25 % des listes FN a provoqué la consternation, alors que le 65% d’abstention n’a provoqué qu’une indifférence polie. En d’autres termes, le vote « européiste » et l’abstention se trouvent avoir un caractère commun : ils ne dérangent pas nos politiques et nos commentateurs. Et cela indépendamment du message qu’ont pu vouloir envoyer les abstentionnistes »

    Mes excuses, j’ai effectivement mal interprété. Mais que peut-il probablement en résulter ? En 2005 c’était aussi la « consternation » (rappelons-nous les noms d’oiseaux) et, la poussière retombée, on a eu droit à une « cession de rattrapage ». Le gouvernement a déjà répondu qu’il ne changerait pas sa feuille de route. Le FDG est une impasse (va- t-il soutenir la position de la coordination LGTB pour la prochaine gay pride à laquelle ils ne manqueront pas de participer, avec la gauche, es qualités : http://www.lexpress.fr/actualite/societe/famille/le-ps-banni-de-la-prochaine-gay-pride_1534365.html ? Le suspense est insoutenable…)
    Faudrait-il pour autant par son vote servir de marchepied au clan Le Pen ? Ma réponse est non et je pense que nous sommes suffisamment nombreux dans cette position pour pouvoir garder l’espoir qu’apparaisse une vraie alternative.

    « Je ne crois pas que la question se pose de cette manière. Au risque de me répéter, il y a une dialectique entre les dirigeants d’un parti, sa base et son électorat. Lorsqu’un parti a un électorat ouvrier, il est obligé de servir les intérêts de cet électorat sous peine de le perdre. »

    Honnêtement, je ne sais mais je sais que ses dirigeants n’ont rien à voir avec le monde ouvrier ses luttes et ses intérêts, loin de là.

    Je n’ai ni l’envie, ni l’autorité pour décerner des « bons points » mais toutes mes félicitations pour votre paragraphe « P…. arrêtez avec ça ! …. liste commune avec le PS pour les municipales ? » C’est exactement ça pendant qu’on coule.
    De même j’ai applaudit au passage de Baruch : « je me souviens de discussion de cellule et d’un texte signé par de nombreuses cellules et même fédérations disant que comme communistes on luttait contre l’exploitation et pour l’émancipation et non contre " la misère", cela c’était la doctrine de l’Eglise » Chapeau bas même si je ne suis pas communiste. Faudrait-il ne parler des restaus du cœur et de « l’inoubliable » Coluche que l’œil humide de compassion ? Basta !

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Faudrait-il pour autant par son vote servir de marchepied au clan Le Pen ? Ma réponse est non et je pense que nous sommes suffisamment nombreux dans cette position pour pouvoir garder l’espoir qu’apparaisse une vraie alternative.]

      Je pense que le coup de tonnerre aura des effets. Peut-être pas aussi radicaux qu’on le voudrait, mais des effets quand même. Le référendum de 2005 n’a pas empêché le traité de Lisbonne, mais a tué toute velléité de « constitutionnaliser » la construction européenne. Le vote du 25 mai aura lui aussi des conséquences. Cela commence d’ailleurs : si je crois ce que me disent certains amis qui travaillent à la commission, cela a terrorisé les hauts fonctionnaires de la commission. On ne s’en rend pas compte en France, mais nous avons en Europe une réputation de peuple incontrôlable et régicide, et l’idée que les Français pourraient dresser les guillotines pour raccourcir l’aristocratie bruxelloise semble hanter un certain nombre d’eurocrates.

      [Je n’ai ni l’envie, ni l’autorité pour décerner des « bons points » mais toutes mes félicitations pour votre paragraphe « P…. arrêtez avec ça ! …. liste commune avec le PS pour les municipales ? » C’est exactement ça pendant qu’on coule.]

      Merci !

  20. Dominique Levrier dit :

    @ Descartes

    Croyez-en mon expérience : les dirigeants se concentrent sur « l’action » – en particulier électorale – lorsqu’ils veulent empêcher les militants de réfléchir. Quand on met la priorité sur la formation des militants, on trouve toujours du temps pour le faire. Mais voilà : les militants formés ont la fâcheuse habitude de réflechir. Et réflechir, comme on dit à l’armée, c’est déjà désobéir.

    Argument d’autorité: irrecevable.
    « Quand on veut, on peut » : je préfère m’en tenir à mon expérience. Je me trompe ou il n’y a plus d’école des cadres et militants au PCF ? Et un ridicule parti de 10 000 adhérents pourrait se le permettre ?
    Vous êtes gentil, mais vous me dites donc que je ne réfléchis pas?

    Seulement parce que Mélenchon en a fait un casus belli et en a fait des tonnes publiquement pour faire pression sur les militants du PCF d’abord, sur leurs dirigeants ensuite. Souvenez-vous de tout le battage fait sur le « logo »…

    Il n’y avait pas besoin de faire pression sur les militants du PCF pour qu’ils s’insurgent contre l’alliance parisienne. Je lisais le blog de Laurent et surtout L’huma.fr où il y avait des dizaines de réactions de communistes indignés par les choix de la direction . Et il y a eu des villes où les élus ne respectaient pas le vote des militants. Ne faites pas semblant de croire qu’au PC il n’y a qu’une seule ligne.

    Appeler à s’abstenir. Ou donner liberté de vote. Il y a plein d’options. Pourquoi serait-on obligés de choisir entre la peste et le choléra ? Regardez le FN : depuis des années, il se refuse à se désister pour la droite au risque de laisser la gauche gagner, et on n’a pas l’impression que son électorat l’abandonne pour autant.

    Vous êtes sérieux là ? Le FN s’est construit contre la droite gaulliste. Rien à voir avec l’histoire de la gauche. Ne pas appeler à battre Sarkozy aurait été suicidaire.

    Mais la logique qui consiste à appeler à voter Hollande pour ensuite expliquer qu’il est pire que Sarkozy, c’est incompréhensible.

    C’est facile de dire ça aujourd’hui. Dois-je vous rappeler la campagne de Hollande ? Alors les députés PC qui sont passés de l’abstention avec Ayrault au vote contre Valls sont incohérents?

    Qu’est ce qu’ils préfèrent : avoir des élus communistes qui les défendront, même si pour être élus il leur faut faire liste commune avec le PS et voter les budgets municipaux ? Ou être défendus par un parti qui n’a pas d’élus mais a les mains propres ?

    Vous supposez donc que des listes FdG partout n’auraient eu aucun élu ? Vous ne croyez pas que les électeurs pourraient préférer voter pour une ligne claire qui implique une rupture avec le PS ? ça semble contredire tous les reproches d’incohérence que vous faites par ailleurs. Et ça n’a pas réussi aux communistes puisqu’ ils encore perdu un quart de leurs municipalités.

    Le PCF avait une stratégie que tout le monde connaissait, puisque c’est la même depuis des années. Ben on avait cru comprendre que la stratégie désormais c’était le FdG. Il y avait même eu un accord signé.

    Si l’on trouve au PS « même des gens de gauche », pourquoi s’interdire à priori les listes communes ?

    On en s’est pas interdit des listes communes, à condition que ce soit sur notre ligne. C’est comme ça qu’on a fait chez moi avec EELV.

    Le PG reste une secte, avec des chefs tout-puissants et des mécanismes de décisions opaques. Je ne trouve pas sur le site du PG des compte rendus des réunions des différentes instances statutaires, ni même l’annonce de leurs réunions.

    Moi non plus je ne trouve pas sur les sites des autres partis ce genre de renseignement. Par contre, en tant que militante, je reçois une circulaire où j’ai toutes ces infos.

    Toute cette histoire d’un PG eurosceptique forcé à l’europhilie par le méchant PCF ne tient pas débout. J’ai discuté avec Généreux pendant la campagne présidentielle de 2012, et déjà à l’époque il n’était pas question de sortie de l’Euro.

    Vous êtes bien d’accord sur le fait que le PC a changé de position depuis Maastricht ?
    Moi j’ai participé à un débat avec Généreux en août 2011 et la position était: « si son doit choisir entre notre politique et l’euro, on choisit notre politique. Mais ce n’est pas la position du FdG »

    J’aimerais qu’on m’explique quels sont les « avantages » que le PG voit dans l’Euro.

    Le fait d’être à l’abri des attaques contre la monnaie. Là-dessus j’attends un scud de votre part, auquel je ne saurai pas répondre car il est évident que vous maîtrisez le sujet, pas moi.

    Heureusement que vous n’avez pas répond « dans les portes »…

    Là, vous m’avez fait sourire. A mes dépens. A Lagny, Thorigny, Seine-et-Marne.

    En quoi consiste précisément le « protectionnisme solidaire » ? Vous proposez donc d’instaurer des taxes aux frontières et donc des douaniers pour les percevoir ? Comment on fait pour instaurer un « protectionnisme solidaire » tout en restant dans l’UE ?

    Le protectionnisme solidaire c’est de percevoir des taxes pour renchérir les produits qui ne satisfont pas à nos normes sociales et environnementales. Vous me direz peut-être que Mme Michu ne sera pas contente de payer son tee-shirt ou son écran plat plus cher. Par contre elle sera peut-être contente si de ce fait on peut ouvrir chez elle une usine de tee-shirts. Plus cher, mais qu’elle pourra se payer avec un salaire d’au moins 1700€. Au lieu d’avoir 3 tee-shirt qui vrillent au premier lavage, elle en aura un qui dure sans problème 15 ans. De son côté l’ouvrier chinois n’aura plus de boulot ? ça, c’est le problème du PCC je crois. Et de H et M.

    Que savez-vous sur leur état sanitaire ? Désolé, mais ce genre d’argument est parfaitement stupide. Oui, c’était stupide aussi de s’inquiéter de la santé des gens qui posaient de l’amiante. Tout le monde sait bien à quel point les entreprises se préoccupent de la santé des travailleurs. Surtout au Japon où le gouvernement a relevé les normes de radioactivité admissibles, pour pouvoir renvoyer chez eux les habitants de la douce province de Fukushima.

    le nucléaire reste l’énergie la plus économique. Et les lasagnes à la carcasse de cheval sont plus économiques que celles que je fais avec du boeuf bio. Vous avez remarqué que tous les produits merdiques sont moins chers que ce qui est sans risque pour la santé ? A court terme. Ma grand-mère (ouvrière dans la chaussure) disait: je n’ai pas les moyens d’acheter de la mauvaise qualité. C’est ma logique.

    Et prôner la « sortie du nucléaire » tout de suite avec l’espoir qu’un jour, peut-être, la technique trouvera mieux, c’est de l’irresponsabilité.

    Personne ne prétend sortir du nucléaire tout de suite.

    Elle pose des problèmes aux salariés les moins qualifiés qui voient les salaires baisser du fait de la concurrence des nouveaux arrivés. Elle pose des problèmes aux professeurs qui voient contester leur cours d’histoire. Elle pose des problèmes aux hôpitaux ou des femmes voilées refusent d’être touchées par un homme… quelles sont les solutions que vous proposez ?

    Les salaires baissent peut-être aussi parce que les patrons ne paient pas de cotisations sur le smic, parce qu’ils peuvent délocaliser, parce qu’ils préfèrent acheter des robots sur lesquels ils ne payent pas de taxe, parce que les banques ne les financent pas, parce qu’il n’y a pas de demande vu que les salaires sont trop bas…Au Canada, le salaire horaire minimum équivaut à 5, 5 €, sans « la concurrence des nouveaux arrivés ». Les professeurs et les hôpitaux ont pas mal de problèmes, c’est vrai, je ne suis pas sûre que celui que vous pointez soit le principal. Mais bon, la réponse aux problèmes soulevés c’est: on est au pays de la laïcité, point barre.

    • Descartes dit :

      @ Dominique Levrier

      [« Croyez-en mon expérience : les dirigeants se concentrent sur « l’action » – en particulier électorale – lorsqu’ils veulent empêcher les militants de réfléchir. Quand on met la priorité sur la formation des militants, on trouve toujours du temps pour le faire. Mais voilà : les militants formés ont la fâcheuse habitude de réflechir. Et réflechir, comme on dit à l’armée, c’est déjà désobéir ». Argument d’autorité: irrecevable.]

      Nullement. Ce n’était même pas un argument. Plutôt un conseil. Je ne prétends avoir rien démontré, je vous fais simplement bénéficier de mon expérience. Vous avez tout à fait le droit de ne pas me croire.

      [Je me trompe ou il n’y a plus d’école des cadres et militants au PCF ? Et un ridicule parti de 10 000 adhérents pourrait se le permettre ?]

      Bien sur que si. LO en a, par exemple, et il a bien moins d’adhérents que cela. Je militais dans une section qui avait à peine 150 adhérents, et on organisait bien des « écoles de section ». Ce n’est pas difficile de trouver des intervenants qui seront ravis de donner quelques heures de leur temps pour préparer un cours et le faire devant un auditoire qu’ils savent attentif et respectueux. Si vous voulez monter une formation dans votre section et que vous ne trouvez pas d’intervenants, je peux vous arranger ça…

      [Vous êtes gentil, mais vous me dites donc que je ne réfléchis pas?]

      Je ne me permettrais pas…

      [Il n’y avait pas besoin de faire pression sur les militants du PCF pour qu’ils s’insurgent contre l’alliance parisienne. Je lisais le blog de Laurent et surtout L’huma.fr où il y avait des dizaines de réactions de communistes indignés par les choix de la direction.]

      Comment savez-vous que c’était des communistes ? Avez-vous vu leurs cartes ? Je ne voudrais pas vous décevoir, mais il ne faut pas croire tout ce que les gens disent dans les blogs. Et il n’est pas difficile de « troller » un blog avec des « réactions spontanées ». Avec trente ans de militantisme au PCF derrière moi, je peux vous assurer qu’on distingue tout de suite le texte écrit par un militant communiste de celui d’un gauchiste. Et je suis formel : les « réactions » dont vous parlez n’avaient rien de spontané, et encore moins de communiste.

      [Et il y a eu des villes où les élus ne respectaient pas le vote des militants. Ne faites pas semblant de croire qu’au PC il n’y a qu’une seule ligne.]

      Je n’ai jamais cru pareille chose. J’ai d’ailleurs écrit mille fois ici même qu’au PCF chaque « notable » est aujourd’hui maître chez lui et fait ce qu’il veut. Mais cela ne change rien au fait discuté ici, à savoir, qu’à Paris les dirigeants ont bien suivi le vote des militants, et que les militants ont voté pour la liste commune avec le PS, malgré les tentatives de Mélenchon de jouer les uns contre les autres. Et que si quelqu’un a tout fait pour que ce désaccord soit mis sous le feu des projecteurs, c’est bien Mélenchon. Alors, quand il pleure maintenant que ces désaccords auraient rendu le FdG « illisible », pardonnez-moi mais je ne peux m’empêcher de sourire…

      [Vous êtes sérieux là ? Le FN s’est construit contre la droite gaulliste.]

      Et le PG contre la gauche « solférinienne ». La seule différence, c’est qu’alors que le FN a tenu une ligne cohérente quitte à faire battre la droite, le PG a appelé à voter Hollande au deuxième tour de la présidentielle.

      [Ne pas appeler à battre Sarkozy aurait été suicidaire.]

      Appeler à le battre, semble-t-il, aussi.

      [« Mais la logique qui consiste à appeler à voter Hollande pour ensuite expliquer qu’il est pire que Sarkozy, c’est incompréhensible ». C’est facile de dire ça aujourd’hui.]

      Je l’ai dit en 2012. Vous pouvez le vérifier sur ce blog. Vous pouvez donc difficilement me reprocher de choisir la « facilité »…

      [Dois-je vous rappeler la campagne de Hollande ?]

      Oui. Rappelez-moi ce qui dans la « campagne d’Hollande » rendait impossible de ne pas voter pour lui…

      [Alors les députés PC qui sont passés de l’abstention avec Ayrault au vote contre Valls sont incohérents?]

      Passablement, oui.

      [« Qu’est ce qu’ils préfèrent : avoir des élus communistes qui les défendront, même si pour être élus il leur faut faire liste commune avec le PS et voter les budgets municipaux ? Ou être défendus par un parti qui n’a pas d’élus mais a les mains propres ? » Vous supposez donc que des listes FdG partout n’auraient eu aucun élu ?]

      Pourquoi « partout » ? Le PCF n’a pas fait liste commune avec le PS « partout » que je sache. Mais il est certain que dans beaucoup de communes le FdG n’aurait pas eu d’élus en y allant tout seul. Ou alors très peu. Que dans ces communes le PCF ait préféré faire liste commune avec les socialistes me paraît être tout à fait cohérent dès lors que l’objectif était d’avoir le plus d’élus possible. J’aurais préféré que le PCF explique clairement à ses électeurs le pourquoi de ses alliances avec les socialistes. Mais je ne peux condamner un choix tactique qui était parfaitement adapté à l’objectif poursuivi.

      [Vous ne croyez pas que les électeurs pourraient préférer voter pour une ligne claire qui implique une rupture avec le PS ?]

      Je crois à l’expérience : le PCF a essayé cette tactique aux régionales, et il a perdu la moitié de ses conseillers. Il a essayé aux cantonales, et rebelote. A un moment, il faut bien se rendre compte que c’est une stratégie suicidaire. Le fait est que la « ligne claire » du FdG ne permet pas d’attirer suffisamment d’électeurs pour permettre d’avoir des élus.

      [ça semble contredire tous les reproches d’incohérence que vous faites par ailleurs.]

      Pourquoi ? Cela me semble un choix très cohérent, au contraire.

      [Et ça n’a pas réussi aux communistes puisqu’ ils encore perdu un quart de leurs municipalités.]

      Avec la stratégie « d’autonomie », il avait perdu la moitié de ses conseillers régionaux, de ses conseillers départementaux, et de ses députés. Passer de la moitié au quart, ce n’est pas si mal.

      [« Le PCF avait une stratégie que tout le monde connaissait, puisque c’est la même depuis des années ». Ben on avait cru comprendre que la stratégie désormais c’était le FdG. Il y avait même eu un accord signé.]

      Je ne vois pas très bien de quel « accord » vous parlez. Si vous connaissez un « accord » qui obligerait le PCF à renoncer aux listes communes avec le PS, je vous prie de m’indiquer la référence… Cet accord, vous le savez bien, n’existe pas. Le Front de Gauche n’est pas un parti, et chacun de ses membres reste maître de son programme et de ses alliances. D’ailleurs, le PG a usé de cette liberté autant que le PCF pour faire des alliances avec EELV ou avec le NPA.

      [On en s’est pas interdit des listes communes, à condition que ce soit sur notre ligne. C’est comme ça qu’on a fait chez moi avec EELV.]

      Ah bon ? « Chez vous » EELV était sur « la ligne » du Front de Gauche ?

      [« Le PG reste une secte, avec des chefs tout-puissants et des mécanismes de décisions opaques. Je ne trouve pas sur le site du PG des comptes rendus des réunions des différentes instances statutaires, ni même l’annonce de leurs réunions ». Moi non plus je ne trouve pas sur les sites des autres partis ce genre de renseignement.]

      Parce que vous ne regardez pas. Vous trouverez par exemple pour chaque réunion du Comité National du PCF le rapport d’introduction et le compte rendu analytique des débats à l’adresse suivante : http://www.pcf.fr/6745. Et j’ajoute que ce n’est pas une nouveauté : les comptes-rendus des réunions du Comité Central étaient déjà publiés dans l’Humanité depuis la fin des années 1970 au moins.

      [Par contre, en tant que militante, je reçois une circulaire où j’ai toutes ces infos.]

      Une circulaire avec le compte rendu analytique des débats dans le Conseil national, par exemple ?

      [Vous êtes bien d’accord sur le fait que le PC a changé de position depuis Maastricht ?]

      Bien entendu.

      [Moi j’ai participé à un débat avec Généreux en août 2011 et la position était: « si son doit choisir entre notre politique et l’euro, on choisit notre politique. Mais ce n’est pas la position du FdG »]

      Et c’était quoi, la position du FdG, selon lui ? « si on doit choisir entre notre politique et l’euro, on choisit l’euro » ?

      [Le fait d’être à l’abri des attaques contre la monnaie. Là-dessus j’attends un scud de votre part, auquel je ne saurai pas répondre car il est évident que vous maîtrisez le sujet, pas moi.]

      De toute évidence, c’est le cas. Si ce sont les attaques qui vous préoccupent, pourquoi ne pas prendre le dollar plutôt que l’Euro ? On serait encore plus protégés…

      [« En quoi consiste précisément le « protectionnisme solidaire » ? Vous proposez donc d’instaurer des taxes aux frontières et donc des douaniers pour les percevoir ? Comment on fait pour instaurer un « protectionnisme solidaire » tout en restant dans l’UE ? ». Le protectionnisme solidaire c’est de percevoir des taxes pour renchérir les produits qui ne satisfont pas à nos normes sociales et environnementales.]

      Donc, on rétablit les contrôles aux frontières et on y met des douaniers. Parce que autrement, je ne vois pas très bien comment on peut « percevoir la taxe ». C’est donc sortir de Schengen et de l’UE. Sommes nous d’accord ?

      Mais le principal problème est que votre proposition est irréaliste : comment savez-vous, lorsqu’un produit se présente à nos frontières, s’il « satisfait à nos normes sociales et environnementales » ? Comment allez-vous faire pour distinguer un t-shirt fabriqué par des enfants super-exploités d’un t-shirt fabriqué par des adultes correctement payés ?

      [Vous me direz peut-être que Mme Michu ne sera pas contente de payer son tee-shirt ou son écran plat plus cher. Par contre elle sera peut-être contente si de ce fait on peut ouvrir chez elle une usine de tee-shirts.]

      Pour Mme Michu, c’est certain. Mais pour monsieur Dubobo, trader, c’est moins sur. Qu’est ce qu’il en a à foutre qu’on ouvre une usine de t-shirts à côté de chez lui ?

      [« Que savez-vous sur leur état sanitaire ? Désolé, mais ce genre d’argument est parfaitement stupide ». Oui, c’était stupide aussi de s’inquiéter de la santé des gens qui posaient de l’amiante.]

      Vous avez oublié aussi le scorbut qui affectait les marins autrefois… n’essayez pas de vous en tirer avec ce genre d’exemples. Vous avez affirmé que le nucléaire comportait des dommages sanitaires, et donné en exemple « les sdf embauchés à Fukushima ». Je vous répète la question : comment savez-vous qu’ils ont subi des dommages sanitaires. N’essayez pas de vous en sortir en vous raccrochant à des choses qui n’ont rien à voir. L’amiante n’a aucun rapport avec l’état sanitaire des travailleurs de Fukushima.

      [Tout le monde sait bien à quel point les entreprises se préoccupent de la santé des travailleurs.]

      Tout à fait. Particulièrement les entreprises qui ont besoin d’une main d’œuvre très formée et très qualifiée, comme c’est le cas de l’industrie nucléaire. C’est pourquoi d’ailleurs la population des travailleurs dits « sous rayonnements » est l’une des populations qui fait l’objet d’une surveillance sanitaire constante, et dont l’espérance de vie est supérieure à celle des travailleurs des industries équivalentes. Je vous recommande d’ailleurs l’excellent livre du sociologue Pierre Fournier « Travailler dans le nucléaire », où il explique cela admirablement.

      [Surtout au Japon où le gouvernement a relevé les normes de radioactivité admissibles, pour pouvoir renvoyer chez eux les habitants de la douce province de Fukushima.]

      Encore une fois, vous essayez de suppléer les informations que vous n’avez pas par du terrorisme intellectuel. Je vous le répète : vous avez affirmé que les « sdf embauchés à Fukushima » avaient subi des dommages sanitaires, alors que vous n’avez aucun élément factuel pour soutenir cette affirmation. Et si ce n’était que vous, ce ne serait pas grave. Le problème, c’est que tout le discours antinucléaire – et celui du PG en particulier – est construit sur ce genre d’abus. J’ai plusieurs fois montré sur ce blog combien les discours antinucléaires sont appuyés sur du vent.

      [le nucléaire reste l’énergie la plus économique. Et les lasagnes à la carcasse de cheval sont plus économiques que celles que je fais avec du boeuf bio.]

      Vous dites là une fois encore n’importe quoi. Le courant électrique sorti d’une centrale nucléaire est de la même qualité que celui qui sort d’une éolienne. Il n’y a donc pas de différence sur le produit, contrairement aux lasagnes de votre exemple. Si vous voulez avoir une discussion rationnelle, arrêtez de sauter comme une grenouille qui a mis le doigt dans la prise et essayez de formuler une argumentation cohérente.

      [Vous avez remarqué que tous les produits merdiques sont moins chers que ce qui est sans risque pour la santé ?]

      J’imagine que vous devez respirer du champagne, alors. Beaucoup plus cher que l’air, à ce qu’on m’a dit…

      [« Et prôner la « sortie du nucléaire » tout de suite avec l’espoir qu’un jour, peut-être, la technique trouvera mieux, c’est de l’irresponsabilité ». Personne ne prétend sortir du nucléaire tout de suite.]

      Mais bien sur que si. Le PG par exemple. Du moins si je crois ce qu’on peut lire dans son site. Juste un exemple : http://www.lepartidegauche.fr/actualites/international/3580-sortir-nucleaire-peuples-monde. Dans cet article, on appelle à « Le renoncement à la prolongation de l’exploitation des réacteurs ayant atteint ou dépassé les 30 ans de fonctionnement ». Dans la mesure où une dizaine de réacteurs sont déjà dans cette situation et que plus de la moitié du parc atteindra cet âge dans les cinq ans qui viennent, cela revient à une sortie du nucléaire « tout de suite »…

      [Les salaires baissent peut-être aussi parce que les patrons ne paient pas de cotisations sur le smic,]

      Faudra m’expliquer par quelle magie le fait de ne pas payer de cotisations sur le smic ferait baisser les salaires…

      [parce qu’ils peuvent délocaliser, parce qu’ils préfèrent acheter des robots sur lesquels ils ne payent pas de taxe, parce que les banques ne les financent pas, parce qu’il n’y a pas de demande vu que les salaires sont trop bas…]

      Possible. Mais aussi parce que l’arrivée de salariés immigrés augmente l’offre de travail, et que dans la mesure où les salaires sont fixés par l’équilibre offre-demande, plus l’offre est importante plus les salaires baissent. Je vous fais remarquer que ces « patrons » que vous honissez ont toujours été favorables à l’ouverture des flux migratoires, alors que ce sont les organisations syndicales qui ont été toujours les plus réservées. Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi ?

    • Courtial des Pereires dit :

      @ Dominique L.

      Bonjour. Avant toute chose, permettez-moi de vous conseiller d’utiliser le bouton "Répondre" qui se situe à la droite du pseudo du commentateur à qui vous voulez répondre, pour gagner en lisibilité dans les discussions. Ainsi, en utilisant ce bouton, votre message apparaîtra juste en dessous de celui auquel vous répondez, au lieu d’apparaître tout en bas de la colonne de commentaires, ce qui perturbe un peu le suivi des discussion selon moi, qui trouve vos échanges avec Descartes instructifs.

      Peut-être faites-vous tout ce qu’il faut et que le blog déconne, je ne sais pas…

      Quoi qu’il en soit, j’aimerais m’incruster dans la conversation et vous poser une question au sujet de vos porte-à-porte dans les cités : est-ce que les habitants des cités sont réactifs aux marottes du PG sur les droits LGBT ? Peut-être vous concentrez-vous sur les arguments sociaux type SMIC à 1700 euros et/ou sur la fibre émotionnelle de la solidarité des opprimés (personnes non blanches discriminés, homosexuels et transexuels discriminés, même combat, même blabla) ?

      Je ne peux parler que de ma propre expérience, des gens que j’ai connu ou que je connais, et des commentaires que je lis sur des sites divers et variés, mais j’ai l’impression que les couches populaires, voire précaires, des cités, de culture musulmane et d’origine maghrébine et subsaharienne, qui pourraient être intéressés par l’aspect social du PG et de la gauche en générale, est en fait sur une ligne traditionnelle radicalement opposée aux changements sociétaux du type mariage gay.

      Selon moi, les musulmans pratiquants sont plus proches culturellement des électeurs conservateurs catholiques du Front National et de l’UMP que des post-soixant-huitards d’EELV et du FDG. Aussi, je ne peux pas expliquer que cette population vote massivement pour la gauche et les partis comme le PS (mais cela a peut-être changé depuis les municipales, après le mariage gay et l’ABCD de l’égalité transformé en débat sur la théorie du genre…), si ce n’est pour profiter des aides sociales, tout en cultivant un mode de vie et des mœurs qui sont à l’opposé de ce que préconise les politiques qu’ils encouragent.

      N’y-a-t-il pas un genre de "donner la monnaie, on vivra comme on voudra en vase clos dans nos cités entre nous de toutes façons" ?

      Les "immigrés" (pour faire vite) n’ont donc, selon moi, pas toutes les raisons d’accrocher aux idées du PG-FDG-EELV. Et puis, il y a les gens comme moi : un bon petit blanc issu de la classe moyenne, athée, laïque, qui étant jeune rêvait d’un monde sans frontières, crachait volontiers sur le Front National par mimétisme et bêtise sans m’être jamais vraiment posé de questions, etc. J’aurais pu faire un électeur fdg parfait… mais voilà… J’ai grandi, j’ai lu, j’ai entendu d’autres points de vue, j’ai admis dans le fond qu’un monde sans frontières serait un crime, qu’il mènerait à la destruction des cultures qui ont déjà tendance à disparaître, qu’il ne serait fait que contre l’avis des peuples (d’une partie). J’ai cessé de rêver, et puis j’ai compris que j’aimais mon pays, sa langue, ses qualités et ses défauts, ses paysages, son Histoire. Et voilà, je suis aujourd’hui beaucoup plus sensible au discours de l’UPR, de DLR et même du Front National. Je ne me sens pas du tout représenté par un quelconque parti de gauche, dont je partage bien des valeurs pourtant. Je ne vois pas d’encouragement au roman national, à une assimilation rigide qui permettrait que les gens, à défaut d’avoir la même couleur de peau, aient les mêmes bases culturelles, le même sentiment d’appartenance à un destin commun. Je vois dans l’immigration massive et le regroupement des immigrés dans les mêmes quartiers des problèmes gravissimes, car le multiculturalisme (la France est déjà multiculturelle pour moi, les basques, les savoyards, les bretons, les alsaciens, etc. mais ces identités se revendique de la même nation) mène au conflits, irrémédiablement. Je me revois au collège, tous ces camarades qui ne s’estimaient pas Français, mais Marocains, Algériens, Portugais même ! Tout sauf la France ! Pour moi, la gauche, avec sa manière de cracher systématiquement à la face des institutions comme la police, l’armée, de ridiculiser le beauf campagnard et son terroir, de descendre en flèche le catholicisme (l’Islam s’en prend de temps en temps depuis le 11 septembre, mais le judaïsme on attend encore… bon il y avait un peu à l’époque d’Hara Kiri et des BD de Vuillemin dans l’écho des savanes, mais tout ceci est terminé depuis longtemps, Siné s’est même suffisamment fait pourrir après sa petite pique sur la conversion fu fils Sarkosy…), de tourner en ridicule l’amour de la nation, de diaboliser à outrance JM Le Pen (que j’ai appris à aimer ses dernières années, je le trouve très cultivé et très drôle même, souvent bien au-dessus des autres politiques qui nous servent la même soupe tiède de bons sentiments et de langue de bois, et j’ai un profond respect pour ce qu’il a fait de sa vie, son engagement, etc., moi qui n’ait encore rien fait), a activement participé à la "décadence" de la France et à l’abandon progressif de l’idée de peuple uni sous un même drapeau, avec une propension inouïe des Français à détester leur pays, et à se morfondre dans un pessimisme naturel qu’ils sont incapables d’expliquer pour la plupart tellement le climat est pesant et que les citoyens ont les fesses entre deux chaises : celle du citoyen du monde et celle du "Pétainisme" (Maréchalisme :p ?).

      Bref, heureusement que des gens comme Descartes existent, que j’ai encore de quoi me raccrocher, me dire que oui, je peux partager certaines valeurs (assimilation, roman national, préférence nationale même, refus de tout tabou intellectuel, anti-communautarisme, etc.) avec des gens qui viennent de la gauche (antédiluvienne cependant… :p).

      Je suis parti un peu dans tous les sens, j’espère que mon message n’est pas trop confus. Je veux rajouter que je pense que les militants des partis de gauche ne sont pas tous pareils, évidemment, mais j’exprime ici une sensation générale par rapport au PG-FDG-EELV (pas pire parti que celui-là… il cumule tout ce qui fait que la gauche est devenue insupportable à mon sens, avec des éclairs de génie cependant comme José Bové que je trouve pertinent souvent et qui a déclaré récemment être opposé personnellement à la GPA), ce que je ressens en observant le jeu politique de l’extérieur, moi qui ne milite nul part.

      Et puis bon, à gauche, qui pour sortir de l’euro et de l’Union Européenne ? Personne. Donc d’emblée, il sera impossible pour quelqu’un qui partage avec moi une sensibilité souverainiste de voter pour ces partis là.

      Aussi, j’ai du mal à comprendre comment un démocrate (et Dieu sait si la gauche aime ce mot) peut être en faveur de l’Union Européenne, qui peut punir un pays dont les représentants du peuple veulent voter des lois qui ne conviendraient pas aux lois de Bruxelles. Les Français votent pour des Français et ne devraient pas avoir de comptes à rendre à l’Allemagne, l’Italie, la Bulgarie (qu’une proportion infime de nos concitoyens sont capables de placer sur une carte d’ailleurs) ou quelque autre pays qui pourrait par son véto empêcher les intérêts de la France et des français d’être mis en œuvre.

      Si on doit se planter, qu’on le fasse par notre propre faute, par nos décisions et avec nos politiques incompétents, qu’on sache qui punir.

      @ Descartes : Si vous avez envie de pulvériser certains de mes commentaires si dessus, n’hésitez pas une seconde. La contradiction (ou pas) m’est très utile pour pousser plus loin mes réflexions fœtales.

    • v2s dit :

      [Si vous voulez avoir une discussion rationnelle, arrêtez de sauter comme une grenouille qui a mis le doigt dans la prise et essayez de formuler une argumentation cohérente.]

      Je traduis : « Écoute bien, petite grenouille excitée, si tu caresses l’espoir de poursuivre la discussion avec Moi, l’érudit rationnel, le grand homme cultivé qui s’abaisse généreusement à parfaire ton éducation politique, alors, essaie de calmer ton enthousiasme et ton excitation toute féminine, ainsi, tu pourras apprécier ma réflexion, mon argumentation cohérente, à leurs justes valeurs et tu pourras, toi aussi, essayer de te rapprocher de Ma perfection. »
      ou qua

    • Bonjour Descartes,

      Je discute régulièrement avec un militant PCF et je manque d’éléments précis pour le convaincre de la dangerosité de l’euro (de son caractère de "monnaie de classe", si vous voulez). Pouvez-vous me conseillez des articles ou des ouvrages d’économie qui ont forgé votre opinion sur la question (ou même une synthèse des critiques lisible en ligne, soyons fous) ?

      Par ailleurs, vous écrivez que le patronat a toujours été favorable à l’immigration, ce qui est un thème récurrent du discours d’extrême-droite (voir par exemple l’article d’Alain de Benoist, L’immigration, armée de réserve du capital). Si vous prônez l’intervention de l’État pour restreindre la circulation des personnes et l’accroissement de la concurrence économique, qu’est-ce qui vous différencie des positions du Front National ?

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Je traduis : « Écoute bien, petite grenouille excitée, si tu caresses l’espoir de poursuivre la discussion avec Moi, l’érudit rationnel, le grand homme cultivé qui s’abaisse généreusement à parfaire ton éducation politique, alors, essaie de calmer ton enthousiasme et ton excitation toute féminine, ainsi, tu pourras apprécier ma réflexion, mon argumentation cohérente, à leurs justes valeurs et tu pourras, toi aussi, essayer de te rapprocher de Ma perfection. »]

      Si ça vous plait de faire de la démagogie – de cet point de vue, l’accusation déguisée de "machisme" que rien dans mon commentaire ne justifie est assez révélatrice – c’est votre affaire. Ce que j’ai écrit – et que je maintiens – c’est qu’il est impossible de maintenir un débat rationnel avec un interlocuteur qui en permanence saute du coq à l’âne et prétend justifier ses affirmations avec des exemples qui n’ont aucun rapport avec le sujet en discussion. Ici, pour soutenir une affirmation sur les conséquences sanitaires de l’accident de Fukushima on a eu droit à des références à l’amiante, aux lasagnes au cheval… pensez-vous que de telles méthodes d’argumentation permettent un débat rationnel ? Si pour vous la réponse est positive, assumez-là. Si la réponse est négative, votre commentaire n’a d’autre raison d’être que le plaisir d’une attaque ad hominem.

    • Descartes dit :

      @Courtial des Pereires

      [Selon moi, les musulmans pratiquants sont plus proches culturellement des électeurs conservateurs catholiques du Front National et de l’UMP que des post-soixant-huitards d’EELV et du FDG. Aussi, je ne peux pas expliquer que cette population vote massivement pour la gauche et les partis comme le PS (mais cela a peut-être changé depuis les municipales, après le mariage gay et l’ABCD de l’égalité transformé en débat sur la théorie du genre…), si ce n’est pour profiter des aides sociales, tout en cultivant un mode de vie et des mœurs qui sont à l’opposé de ce que préconise les politiques qu’ils encouragent.]

      C’est toute l’ambiguïté de la chose. Ces populations votent « massivement » à gauche – et notamment la gauche « libérale-libertaire » – précisément parce que cette gauche est au fond communautariste. En d’autres termes, il y a plus de tolérance pour un mode de vie communautaire sous la gauche que sous la droite. Ce n’est pas vraiment dans les municipalités de droite que l’on trouvera des horaires de piscine réservés aux femmes, et ce n’est pas les partis de droite qui présenteront des candidates voilées. En France, « l’assimilation » est une idée portée essentiellement par la droite et par la gauche jacobine, du temps ou le PCF était encore sur cette ligne. La gauche « libérale-libertaire » a toujours préféré « l’intégration », c’est à dire l’insertion des communautés – et non des individus – dans la République.

      En même temps, si les « communautés » profitent de la tolérance de la gauche « libérale-libertaire », elles ne la partagent pas pour autant. Et c’est ainsi qu’on se retrouve avec une gauche qui défend le droit des chaque communautés au respect de leurs « coutumes ancestrales » pour découvrir ensuite combien les « coutumes » en question sont contraires à son éthique.

      [J’ai cessé de rêver, et puis j’ai compris que j’aimais mon pays, sa langue, ses qualités et ses défauts, ses paysages, son Histoire. Et voilà, je suis aujourd’hui beaucoup plus sensible au discours de l’UPR, de DLR et même du Front National. Je ne me sens pas du tout représenté par un quelconque parti de gauche, dont je partage bien des valeurs pourtant. Je ne vois pas d’encouragement au roman national, à une assimilation rigide qui permettrait que les gens, à défaut d’avoir la même couleur de peau, aient les mêmes bases culturelles, le même sentiment d’appartenance à un destin commun (…).]

      Je partage votre sentiment. Mais contrairement à vous, j’ai eu la chance d’être formé politiquement au PCF, du temps ou ce parti était encore le pole jacobin de la gauche. Ce qui prouve qu’on peut parfaitement être à gauche tout en comprenant l’utilité des frontières, du « roman national » et la nécessité de l’assimilation. Bercé dans ma jeunesse par « Ma France » de Jean Ferrat, j’ai eu la chance d’aimer ce pays, sa langue, ses qualités et ses défauts alors même que je n’étais pas encore français. Ce qui, au delà de mon expérience personnelle, montre qu’on peut parfaitement concilier les valeurs « de gauche » – d’une certaine gauche au moins – avec la forme de patriotisme que vous décrivez.

      [Pour moi, la gauche, avec sa manière de cracher systématiquement à la face des institutions comme la police, l’armée (…)]

      N’oubliez pas l’école. La gauche n’a pas craché à la face de telle ou telle institution, dont on peut après tout toujours discuter la légitimité. Elle a craché sur l’idée même d’institution.

      [(…) de diaboliser à outrance JM Le Pen (que j’ai appris à aimer ses dernières années, je le trouve très cultivé et très drôle même, souvent bien au-dessus des autres politiques qui nous servent la même soupe tiède de bons sentiments et de langue de bois, et j’ai un profond respect pour ce qu’il a fait de sa vie, son engagement, etc., moi qui n’ait encore rien fait),]

      Oui, enfin, faudrait pas exagérer. On ne peut pas contester chez JMLP des qualités de tribun hors du commun, un grande culture et un sens de l’humour remarquable. On ne peut pas non plus lui dénier le courage et l’engagement. Mais de la à « l’aimer »… il faut admettre que s’il a eu le courage de s’engager, il s’est engagé pour des causes qui étaient souvent mauvaises et dans certains cas, criminelles.

      [Bref, heureusement que des gens comme Descartes existent, que j’ai encore de quoi me raccrocher, me dire que oui, je peux partager certaines valeurs (assimilation, roman national, préférence nationale même, refus de tout tabou intellectuel, anti-communautarisme, etc.) avec des gens qui viennent de la gauche (antédiluvienne cependant… :p).]

      J’assume, j’assume. Comme disait Barthes, « soudain il m’est devenu indifférent d’être moderne ».

      [(…) EELV (pas pire parti que celui-là… il cumule tout ce qui fait que la gauche est devenue insupportable à mon sens, avec des éclairs de génie cependant comme José Bové que je trouve pertinent souvent et qui a déclaré récemment être opposé personnellement à la GPA),]

      « Eclairs de génie » ? Bof… vous savez, une montre en panne indique quand même l’heure exacte deux fois par jour…

      [@ Descartes : Si vous avez envie de pulvériser certains de mes commentaires si dessus, n’hésitez pas une seconde. La contradiction (ou pas) m’est très utile pour pousser plus loin mes réflexions fœtales.]

      M’avez-vous déjà vu hésiter ?

    • v2s dit :

      @ Courtial des Pereires

      [Je suis parti un peu dans tous les sens, j’espère que mon message n’est pas trop confus]
      Mais non Courtial, au contraire, tout cela est très clair !

      [JM Le Pen, que j’ai appris à aimer ces dernières années, je le trouve très cultivé et très drôle même ..] Très cultivé ! Très drôle ! C’est peu dire !

      Vous voulez un exemple récent, Courtial, de la culture et de l’humour de ce grand homme : « Monseigneur Ebola peut régler ça en trois mois ». Cette solution s’appliquait, selon JMLP, au «risque de submersion de la France par l’immigration». Les paroles ente guillemets sont tirées d’une intervention du grand humoriste cultivé, prononcées à Marseillais, récemment, fin mai 2014.

    • Dominique Levrier dit :

      @ Courtial des Pereires

      Vous avez peut-être raison sur la proximité des musulmans pratiquants avec le FN. Sur les questions de genre et d’orientation sexuelle, tous les monothéismes se valent. Jusqu’ici, je n’ai jamais eu d’échanges à ce sujet. Je ne suis pas sûre que ces questions passionnent tant que ça les athées, qui sont quand même en majorité dans ce pays. Cela dit, il est bien difficile aujourd’hui de trouver un parti dont on partage toutes les positions. Chacun d’entre nous a des positions conservatrices sur certains sujets. Des attachements à des traditions, à une histoire, des nostalgies. On reproche parfois au FdG des côtés passéistes, dans le style: le drapeau rouge, la référence à la Révolution de 1789. Nous revendiquons une histoire et une tradition, tout comme le FN. Ce n’est pas la même.
      Sur l’attachement aux frontières, et la question des traditions culturelles, je vous rejoins en partie. Peut-être faut-il chercher, dans l’histoire familiale de chacun, une des raisons de nos approches différentes de l’identité. Voir du côté des travaux d’E.Todd. Je suis issue de 3 générations parisiennes. Pour des raisons familiales, très proche de l’Espagne. Mes parents ont du mal à s’intéresser à ce qui vient de l’étranger. Moi, j’en suis très curieuse. Peut-être faut-il quelques générations pour fabriquer un citoyen du monde, (comme les psy disent qu’il faut 3 générations pour faire une personne psychotique !)
      Ce qui me gène, ce n’est pas la « disparition des cultures », c’est l’uniformisation, le fait que toute la planète adopte la sous-culture américaine. Les empires des siècles passés ont apporté des cultures qui valaient la peine qu’on les adopte, au moins en partie. La philo grecque, le droit romain, le catholicisme en Amérique latine, les maths et la médecine en Andalousie. La culture de la Méditerrannée est le fruit des échanges. Comment démêler dans la culture française ce qui vient des Latins, des Francs, des Normands, des Arabes ? Et la mayonnaise a pris. Le problème que j’ai avec les Etats-Unis, c’est qu’ils exportent la culture d’un pays qui s’est construit sur un génocide, selon les principes du protestantisme pour lequel la conversion n’est pas possible. Curieusement, alors que nous sommes bien davantage colonisés par les US que par des migrants avec qui nous avons une histoire, le FN ne paraît pas s’en émouvoir. Alors que je suis moins gênée de voir une femme porter un foulard dans la rue que par les Trifouilly’s café, Car Center, Corinne’s Beauty. Ridicule. Ce n’est pas comme ça que les langues changent. On adopte un mot parce qu’il n’existe pas dans notre langue.
      Sur le destin commun, oui, l’immigration doit forcément passer par le fait d’adhérer à la devise républicaine. Mais essayez de scolariser des gamins roms. Je m’y emploie depuis des mois. C’est la loi, mais le Maire n’en a cure.
      Sur tout ce que vous écrivez des réflexes de « la gauche », son mépris de la police et de l’armée, des campagnards….vous mélangez les libertaires, les « élites parisiennes », les fédéralistes EELV. Je ne me reconnais dans rien de tout ça. Quand à M. Le Pen, c’est en effet un homme cultivé, qui manie très bien la langue. Je ne m’attends pas à ce qu’un homme, parce qu’il est d’extrême-droite, soit forcément une brute. Ce qui fait que je ne peux partager ses idées, c’est que pour moi la question de la souveraineté n’est pas celle de la souveraineté nationale, mais celle de la souveraineté populaire. Je me fiche pas mal d’être exploitée par Peugeot plutôt que par Mercedes ou Ford. Donc le problème de l’union européenne, ce n’est pas que les ordres viennent de Bruxelles, de Francfort ou d’ailleurs. Delors l’a construite sur les directives des industriels et jamais elle ne sera autre chose que libérale. C’est pourquoi le FdG veut la faire exploser, mais pas en partant chacun de son côté, en s’assurant des alliés pour construire autre chose. Parce qu’un peuple seul qui décide de changer le cours de l’histoire est fragile face à l’empire. Voyez Cuba.

    • Dominique Levrier dit :

      @ v2s: Oui, il y a un peu de ça ! J’espère que Descartes a de l’humour, moi oui, donc le fait d’être comparée à une grenouille ne saurait me vexer.

    • Courtial des Pereires dit :

      Vous savez, j’aurais très bien pu faire cette blague de mauvais goût moi-même, je suis même un spécialiste, alors ce propos ne me choque nullement. C’est justement parce que JMLP est capable de sortir des trucs pareils, de se foutre royalement de la bien-pensance et des professionnels de l’indignation, qu’il m’est sympathique.

      Oh, mais vous savez, j’ai parfaitement conscience d’être un pauvre type puisque je trouve que Dieudonné est le meilleur humoriste de ces dix dernières années et que je trouve aussi Alain Soral plutôt drôle parfois. J’ai même beaucoup rigolé à la lecture du roman "l’Enculé" de Marc-Edouard Nabe et, pire, en lisant Bagatelles pour un Massacre.

      Libre à vous de jouer les vierges effarouchées à la moindre provocation, moi je préfère prendre les gens comme ils sont, éviter les procès d’intentions et éviter de juger aussi. Et j’aime ce qui est corrosif, qui sort des sentiers battus. Je ne suis pas sûr que JMLP transmettrait le virus Ebola à tous les noirs s’il en avait l’opportunité…

      Aller, puisque je suis irrécupérable, j’avoue que j’ai aussi rigolé aux commentaires de Vladimir Poutine ce soir au sujet d’Hillary Clinton : "Il vaut mieux ne pas pas débattre avec les femmes…", "la faiblesse n’est pas un défaut pour les femmes…".

      S’il y a bien quelque chose que la gauche de ces 40 dernières années m’a appris à faire, c’est à ne pas avoir de limite en matière d’expression et d’humour. Rien est sacré, merci les libéraux-libertaires !

    • Courtial des Pereires dit :

      Oh, et pardon, j’ai été induis en erreur par une mauvaise traduction du figaro et de TF1 qui est assez grave.

      Poutine n’a semble-t-il pas dit qu’il était préférable de ne pas "débattre" avec les femmes mais de ne pas se "disputer" avec les femmes. En effet, il semblerait que Vladimir Poutine ait utilisé le mot "пререкания", qui signifie "querelle".

      Voici ma source pour le texte original : http://ria.ru/politics/20140604/1010730321.html

      La traduction de Libération est plus juste.

      Mince, moi qui me réjouissait de voir Poutine faire grimacer les starlettes du petit-écran (Trierweiler et Jean-Luc Roméro ont immédiatement twitté bien sûr)… mais voilà qu’il fait dans la finesse et le consensuel finalement.

      Il me faudra plus de rigueur à l’avenir, je m’excuse. A la Descartes, du sérieux, du droit-à-la-source !

    • dsk dit :

      @ v2s

      ["Vous voulez un exemple récent, Courtial, de la culture et de l’humour de ce grand homme : « Monseigneur Ebola peut régler ça en trois mois »."]

      Je crois qu’en l’espèce, ce serait plutôt un exemple de son opposition à la "soupe tiède de bons sentiments et de langue de bois", dont parlait très justement Courtial des Pereires.

    • dsk dit :

      @ Descartes

      Et je précise qu’il s’agit là, à mon avis, d’un bel exemple de "dérapage" "volontaire", luttant contre la "bienpensance", et n’ayant rien d’un "lapsus".

    • Descartes dit :

      @ Jonathan R . Razorback

      [Pouvez-vous me conseillez des articles ou des ouvrages d’économie qui ont forgé votre opinion sur la question (ou même une synthèse des critiques lisible en ligne, soyons fous) ?]

      Il me serait difficile de vous conseiller des articles ou des ouvrages récents. Ma conviction s’est faite lors du débat référendaire de 1992. Je pourrais vous conseiller de lire quelques articles sur la théorie des zones monétaires optimales. L’article fondateur de Mundell « a theory of optimum currency areas » est un peu complexe, mais il y a beaucoup de gens qui l’ont commenté en des termes plus simples. J’ai essayé d’expliquer quelques points du problème dans des papiers publiés sur ce blog.

      [Par ailleurs, vous écrivez que le patronat a toujours été favorable à l’immigration, ce qui est un thème récurrent du discours d’extrême-droite (voir par exemple l’article d’Alain de Benoist, L’immigration, armée de réserve du capital). Si vous prônez l’intervention de l’État pour restreindre la circulation des personnes et l’accroissement de la concurrence économique, qu’est-ce qui vous différencie des positions du Front National ?]

      Je n’aime pas ce genre d’amalgame. Je ne ressens pas particulièrement le besoin de me « différentier du FN ». Si le FN dit qu’il fait jour à midi, je ne vais pas m’efforcer de prouver le contraire rien que pour démontrer que mes positions seraient « différentes ». Moi, je me fais ma propre opinion à partir des faits dont j’ai connaissance. Point. Que cette opinion coïncide ou pas avec celle du PS, de l’UMP, du PCF ou du FN ne me préoccupe pas le moins du monde.

      Sur les faits : le patronat a toujours été favorable à l’ouverture de l’immigration. Tout simplement, parce que c’est son intérêt : l’afflux massif de main d’œuvre fait baisser les salaires. C’est pourquoi le patronat des mines a organisé l’importation massive de main d’œuvre marocaine et polonaise dès les années 1920, que le patronat amené des travailleurs du Maghreb par camions entiers pendant les « trente glorieuses ». Après le choc pétrolier de 1974, c’est sur la pression des syndicats et contre l’avis du patronat que Giscard ferme l’immigration de travail. Et depuis lors, le patronat demande régulièrement, que ce soit à travers ses représentants ou à travers les « think-tanks » qu’il contrôle, l’ouverture de l’immigration de travail.

    • Descartes dit :

      @ Dominique Levrier

      [Peut-être faut-il quelques générations pour fabriquer un citoyen du monde, (comme les psy disent qu’il faut 3 générations pour faire une personne psychotique !)]

      L’analogie me paraît fort pertinente…

      [Curieusement, alors que nous sommes bien davantage colonisés par les US que par des migrants avec qui nous avons une histoire, le FN ne paraît pas s’en émouvoir. Alors que je suis moins gênée de voir une femme porter un foulard dans la rue que par les Trifouilly’s café, Car Center, Corinne’s Beauty. Ridicule]

      L’antiaméricanisme primaire, ça va un moment, mais faut pas en abuser. A ma connaissance, les Trifouilly’s café et les Car Center sont tenus par des français, pas par des américains. Dans ces lieux, ce sont les règles et les lois françaises qui s’appliquent, pas les lois américaines. Ces noms n’ont pas pour but de maintenir une communauté isolée du reste de la société et soumise à ses propres règles, contrairement au foulard. Et pourtant, vous nous dites que ces noms vous gênent moins que le foulard en question… Avec des réflexions comme celle-ci, je ne m’étonne pas que le FdG soit à 6%.

      [Ce n’est pas comme ça que les langues changent. On adopte un mot parce qu’il n’existe pas dans notre langue.]

      Vraiment ? Vous croyez qu’en anglais il n’existe pas de mot pour « chauffeur » ?

      [Sur le destin commun, oui, l’immigration doit forcément passer par le fait d’adhérer à la devise républicaine. Mais essayez de scolariser des gamins roms. Je m’y emploie depuis des mois. C’est la loi, mais le Maire n’en a cure.]

      Je ne vois pas très bien le rapport entre la devise républicaine et la scolarisation des gamis roms. Pourriez-vous élaborer ?

      [Ce qui fait que je ne peux partager ses idées, c’est que pour moi la question de la souveraineté n’est pas celle de la souveraineté nationale, mais celle de la souveraineté populaire.]

      Pourriez-vous expliquer la différence ?

      [Je me fiche pas mal d’être exploitée par Peugeot plutôt que par Mercedes ou Ford.]

      Donc, si je comprends bien, vous vous foutez que Alstom soit vendue à GE, à Siemens ou qu’elle reste dans les mains des capitalistes français. Pourtant, ce n’est pas ce que j’ai cru comprendre à lire les déclarations du PG à ce sujet. Apparemment, ils pensent qu’il vaut mieux pour les travailleurs d’Alstom d’être exploités par les capitaux français…

      [Parce qu’un peuple seul qui décide de changer le cours de l’histoire est fragile face à l’empire. Voyez Cuba.]

      Un peuple « seul » ? C’est impressionnant, le pouvoir de la mythologie…

    • bovard dit :

      Bonjour et encouragements à Descartes,Effectivement,il semble que Descartes voit juste.La BCE a rendu négatif son taux d’épargne au banques et aménagé des mesures en faveur de la croissance.
      C’est peut être la première conséquence,de l’utilisation du signal d’alarme ‘FN’,(pas par moi) par 25% des votants.
      Quant à Normal 1er,je lui ai trouvé de belles couleurs sur les plages normandes!
      A-t-il été revigoré par la juste colère exprimée aux européennes?

    • Descartes dit :

      @dsk

      [Et je précise qu’il s’agit là, à mon avis, d’un bel exemple de "dérapage" "volontaire", luttant contre la "bienpensance", et n’ayant rien d’un "lapsus".]

      Je ne le crois pas un instant. Ce n’est peut-être pas un lapsus au sens psychanalytique du terme – c’est à dire, une expression de l’inconscient – mais à mon avis c’est un lapsus au sens politique du terme – c’est à dire, une expression parfaitement consciente mais dite devant le mauvais public. Autrement dit un "dérapage" pas du tout contrôlé. Mais bon, ni vous ni moi – sauf erreur de ma part – n’avons l’opportunité de discuter avec JMLP avec une intimité qui nous permettrait de pénétrer sa pensée. Nos échanges restent donc du domaine de la simple opinion…

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Effectivement,il semble que Descartes voit juste.La BCE a rendu négatif son taux d’épargne au banques et aménagé des mesures en faveur de la croissance. C’est peut être la première conséquence,de l’utilisation du signal d’alarme ‘FN’, (pas par moi) par 25% des votants.]

      Je ne le crois pas. Je pense au contraire que la BCE a réagi – trop tard, mais c’est la constante des institutions européennes de fermer l’étable une fois que le cheval s’est échappé – aux signaux qui montrent que la moitié de la zone Euro est entrée en déflation. Le plus drôle, si l’on peut dire, c’est que la BCE réagit exactement à ce que la politique européenne en matière budgétaire cherche à provoquer !

      C’est encore l’Euro qui est à l’œuvre : dans une zone monétaire unique à faible inflation, un pays faiblement compétitif – mettons la Grèce, pour ne donner qu’un exemple – n’a qu’un moyen d’augmenter sa compétitivité : faire baisser les prix. Les maintenir constants ne suffit pas, puisque l’inflation globale étant faible, sa compétitivité n’augmentera que très lentement. C’est pourquoi les politiques budgétaires de rigueur imposées par la Commission visent à réduire en même temps prix et salaires. C’est-à-dire, à provoquer la déflation. Mais tandis que le cerveau gauche cherche la déflation, le cerveau droit de l’Europe se rend compte qu’une fois la déflation obtenue, il est très difficile d’en sortir. Qui, en effet, ira investir sachant que la valeur de son investissement diminuera de jour en jour ? Qui consommera aujourd’hui sachant que demain ce sera moins cher ?

      Dans un monde raisonnable, la Banque nationale de Grèce et la Banque nationale d’Allemagne feraient des politiques monétaires différentes. Celle d’Allemagne ferait une politique expansionniste – tiens, un peu comme fait la BCE, quelle coïncidence – alors que la Banque de Grèce ferait une politique plus restrictive comptant sur la dévaluation pour rétablir l’équilibre. Mais comme nous n’avons qu’une seule politique monétaire pour toute la zone, on est coincés.

      [Quant à Normal 1er,je lui ai trouvé de belles couleurs sur les plages normandes!]

      J’ai trouvé les discours et le spectacle à cette occasion pleins de comique involontaire. Les efforts pour ne pas mentionner l’Allemagne étaient par moment touchants. On aurait dit qu’en 1944 les alliés se battaient contre quelque espèce de martiens venus de l’espace. Quand il est fait mention, la Wehrmacht – qui, rappelons-le, n’était pas une succursale du NSDAP et dont les généraux n’avaient que mépris pour celui-ci – est devenue « les nazis ». Alors que les grandes envolées lyriques du genre « nous n’oublierons jamais ce que nous devons à l’Amérique » furent légion, tout le monde semble avoir oublié ce que nous devons à l’Allemagne…

      [A-t-il été revigoré par la juste colère exprimée aux européennes?]

      Les hommes politiques sont toujours revigorés lorsqu’ils peuvent participer à des commémorations consensuelles. C’est le genre de cadre ou ils ne sont pas tenus de prendre des décisions et où tout le monde il est beau tout le monde il est gentil. C’est de la politique, mais une politique en conserve.

  21. v2s dit :

    @Descartes et marc.malesherbes
    [L’immigration pose DES problèmes à DES français. Elle pose des problèmes aux salariés les moins qualifiés qui voient les salaires baisser du fait de la concurrence des nouveaux arrivés.]

    Pendant cette élection et surtout depuis l’élection, comme le faisait remarquer votre lecteur marc.malesherbes :
    [ …dans la plupart des commentaires, la question de l’immigration est rarement évoquée;
    Or je constate (enquête jour du vote) que cela a été une question importante dans les motivations du vote lors des élections européennes.]

    Si je reprends mes exemples des petites villes industrielles comme St Claude dans le jura (37,2% FN) ou Ugines en Savoie (38,8%FN), les émigrés y sont présents depuis des décennies. Ces [nouveaux arrivés] ne sont donc pas aussi [nouveaux] que ça. Ils constituent même, dans les cas que je cite, les bataillons de ceux qui ont perdu leur emploi dans les fermetures, les restructurations, les délocalisations, la désindustrialisation en général.
    Je n’habite pas près de Peugeot Aulnay, mais si j’en juge par les images télé que nous avons vues pendant les lutes, la population visiblement issue du Maghreb était très importante parmi ceux qui perdaient leur job.
    Aussi longtemps que les usines tournaient « à fond », leur présence était très bien admise. Elle était même indispensable car, si l’ensemble de la population profitait directement et indirectement de l’activité industrielle, les immigrés, eux, tenaient souvent les postes les plus pénibles, les plus dévalorisants : C’est par exemple le cas des Turcs sur les presses à Zamak à St Claude ou sur les presses à caoutchoucs dans l’industrie des équipementiers automobile. On y travaille en 5×8, dimanche compris, c’est chaud, ça pue …
    Leur départ, réclamé aujourd’hui par le FN, et par tous ceux qui cherchent un bouc émissaire, ne réglera jamais le fait que l’activité industrielle se soit évaporée. De plus, ces populations issues de l’immigration sont souvent plus mobiles, plus flexibles que des gens implantés dans leur ville depuis des siècles. Ce sont les premiers à quitter une région industrielle sinistrée.
    Chassez les Arabes, les Turcs ou les musulmans en général ne fera pas rouvrir les usines délocalisées et donc ne réglera rien.
    Dans ces questions relatives aux étrangers, à l’immigration le FN mélange tout et le populisme s’en donne à cœur joie.
    Ce n’est pas la faute des Arabes ni des musulmans si l’Europe offre, quasi légalement, aux grands groupes de transport la possibilité de faire conduire en France des flottes de camions par des Roumains payés 500 € par mois.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Si je reprends mes exemples des petites villes industrielles comme St Claude dans le jura (37,2% FN) ou Ugine en Savoie (38,8%FN), les émigrés y sont présents depuis des décennies. Ces [nouveaux arrivés] ne sont donc pas aussi [nouveaux] que ça.]

      S’ils sont là « depuis des décennies », il y a de grandes chances qu’ils ne soient plus des immigrés, mais qu’ils soient devenus français. Faudrait savoir de quoi on parle. La discussion ici porte sur les politiques d’immigration, c’est à dire, la possibilité d’accueillir des nouveaux arrivants. Personne, même pas au Front National, ne propose de renvoyer les travailleurs qui sont venus en France dans les années 1980 et qui sont d’ailleurs devenus dans beaucoup de cas français par naturalisation.

      [Ils constituent même, dans les cas que je cite, les bataillons de ceux qui ont perdu leur emploi dans les fermetures, les restructurations, les délocalisations, la désindustrialisation en général.
      Je n’habite pas près de Peugeot Aulnay, mais si j’en juge par les images télé que nous avons vues pendant les lutes, la population visiblement issue du Maghreb était très importante parmi ceux qui perdaient leur job.]

      Vous mélangez « immigré » et « français d’origine immigrée ». Les images télé ne vous permettent pas de faire la distinction.

      [Leur départ, réclamé aujourd’hui par le FN, et par tous ceux qui cherchent un bouc émissaire,]

      Excusez-moi, mais je n’ai pas vu de « réclamation » du FN tendant à faire partir les travailleurs immigrés installés chez nous depuis « plusieurs décennies ». Pourriez-vous indiquer une référence précise ?

      [De plus, ces populations issues de l’immigration sont souvent plus mobiles, plus flexibles que des gens implantés dans leur ville depuis des siècles. Ce sont les premiers à quitter une région industrielle sinistrée.]

      Les immigrés fraîchement arrivés sont, effectivement, plus mobiles et plus flexibles tout simplement parce que le simple choix de l’émigration sélectionne les plus flexibles et les plus mobiles. Ceux qui ne veulent pas bouger et qui ne veulent pas changer leurs habitudes restent chez eux. Mais l’âge et l’assimilation aidant, cette particularité disparaît. Les populations immigrées « installées depuis des décennies » ne présentent pas de différence notable par rapport aux populations de même niveau social. Pour ne donner qu’un exemple, les mineurs et les sidérurgistes d’origine marocaine, très nombreux dans le Nord et le Pas-de-Calais y sont restés lors de l’effondrement industriel de la région.

      [Chassez les Arabes, les Turcs ou les musulmans en général ne fera pas rouvrir les usines délocalisées et donc ne réglera rien.]

      Non, mais fera augmenter les salaires dans les activités non-délocalisables. Cela n’a rien à voir d’ailleurs avec le fait qu’ils soient Arabes, Turcs ou musulmans en général. Si on chassait les chrétiens, ce serait la même chose. Cela tient simplement au rapport offre-demande sur le marché du travail.

      [Ce n’est pas la faute des Arabes ni des musulmans si l’Europe offre, quasi légalement, aux grands groupes de transport la possibilité de faire conduire en France des flottes de camions par des Roumains payés 500 € par mois.]

      Je ne saisis pas le rapport avec la choucroute. Vous semblez faire une identité « immigration = arabes » qui n’est pas celle du FN. A ce qu’on voit, le FN dénonce l’immigration roumaine t chrétienne avec la même véhémence que l’immigration arabe ou musulmane.

    • v2s dit :

      @ Descartes
      [S’ils sont là « depuis des décennies », il y a de grandes chances qu’ils ne soient plus des immigrés, mais qu’ils soient devenus français. Faudrait savoir de quoi on parle. La discussion ici porte sur les politiques d’immigration]
      Mais non, mais non … vous savez très bien de quoi nous parlons. Nous en avons déjà beaucoup parlé sur votre blog.
      La politique actuelle de l’immigration n’est pas laxiste. C’est un fantasme des nationalistes de tout bord. Les chiffres des entrées légales et illégales sur le territoire français, de Sarkozy à Vals en passant par Hortefeu sont régulièrement en baisse.
      [Vous semblez faire une identité « immigration = arabes » qui n’est pas celle du FN.]
      Ah bon ? Le FN ne fait pas ça ? Peut-être avez-vous raison, ils vouent la même haine aux Roms qu’aux Arabes, en fait ils n’aiment pas tout ce qui est différents.
      Mais il y a une différence qui ne vous échappe pas entre, d’une part, les Roms qui viennent vivre des miettes de notre civilisation dans des baraques en planches aux banlieues de nos villes et les Roumains (ou Bulgares, ou Polonais) qui, souvent instruits, formés et opportunistes, profitent, avec leurs employeurs, des lacunes de la législation Européenne pour concurrencer la main d’œuvre de l’Europe de l’Ouest. (Cas du transport ou des contrats de salariés détachés).
      On peut haïr les uns et les autres, mais la haine n’est pas de même nature dans l’un et l’autre cas.
      L’entreprise Le Pen a effectivement repris à son compte des causes justes que d’autres avaient bêtement abandonnées, parce que ce sont de fins politiciens, mais ils n’ont rien renié de leur racines. Que le FN dise des choses exactes sur l’Europe ne doit pas nous aveugler sur leurs convictions idéologiques, les dérapages verbaux de Le Pen père sont là pour nous le rappeler.
      Par ailleurs, ce que le FN dénonce et qui, vous aussi, vous agace, et ce qui alimente le fond de commerce de la petite entreprise familiale Le Pen, c’est que les arabes et les musulmans français ne sont pas assimilés.
      Vous avez déjà écrit dans ces pages, que la nationalité française est, selon vous, susceptible d’etre remise en cause pour les immigrés et leurs descendants s’ils n’ont pas envie de s’assimiler.
      Pour vous, comme pour le FN, la chose la plus importante serait que les immigrés de toutes origines, et en premier lieu les plus différents de nous, les arabes, les musulmans, deviennent de « bons » immigrés, « à l’ancienne », plus français que les français, prêts à chanter les louanges de leur pays d’accueil.
      Dommage, Descartes, l’assimilation n’est pas inscrite dans la constitution.
      Malheureusement pour vous, et pour le FN, le monde a changé. Le pays de cocagne, qu’était la France, vit désormais dans une économie stagnante, synonyme de chômage de masse, qui n’est plus propice à l’enthousiasme assimilationiste des immigrés, comme dans les années 40 et 50.
      Si nous voulions les assimiler, il fallait y penser pendant le boom économique des années 60 / 70. Mais nous avons préféré pendant ces années là, les reléguer dans leurs ghettos, nous avons préféré mettre en place un apartheid, certes moins violent qu’en Afrique du sud, mais un apartheid quand même.
      Et nous pensions bêtement qu’eux et leur descendance, nous seraient éternellement reconnaissants pour les avoir logés dans ces belles cités provisoires équipées de tout le « confort moderne », cités provisoires, qu’ils habitent toujours 60 ans plus tard !
      Les couches populaires qui acceptaient sans état d’âme de voir les Maghrébins faire les sous-boulots qu’elles mêmes ne voulaient pas faire, se réveillent aujourd’hui, 20, 30 ans ou 40 ans plus tard, tout étonnées de perdre elles-mêmes leurs emplois, vexées de retrouver leurs enfants en compétition avec ces « braves arabes » ou leurs enfants, français comme eux, et qui ont désormais non seulement l’audace d’encombrer le marché du travail, mais qui, en plus, s’accrochent à leur religion et leurs mosquées, alors que les Français, dits de souche, se sécularisent et délaissent leur foi et leurs églises.
      Le message du FN et de ses sympathisants c’est « L’assimilation ou rien ! Nous ne voulons pas de cette intégration qui les laisse librement être ce qu’ils sont ! »
      Mais comme dit le proverbe chinois (ou arabe ou africain .. je ne sais plus) « Quand on a fait dans son froc, c’est trop tard pour serrer les fesses ». Ils sont là, ils s’intègrent chaque jour un peu plus, sans pour autant s’assimiler, leur poids démographique et politique montent.
      Personnellement, je pense qu’ils s’assimileront peut-être un jour, avec beaucoup de temps et si les conflits arabes dans le monde ne viennent pas polluer les choses.
      Les Le Pen et leurs sympathisants avancent masqués, mais nous ne sommes pas obligés de tomber dans le piège de leur dédiabolisation, même pour vous faire plaisir, Descartes.
      De vrais problèmes existent : L’extrémisme, le fondamentalisme musulman progressent. Ils prospèrent plus et mieux sur le terreau de la misère et de l’exclusion. Et, sur le terrain, les discours islamophobes des sympathisants du FN, ne font qu’exciter les plus radicaux, et éloignent encore un peu plus l’assimilation que vous appelez de vos vœux.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [« S’ils sont là « depuis des décennies », il y a de grandes chances qu’ils ne soient plus des immigrés, mais qu’ils soient devenus français. Faudrait savoir de quoi on parle. La discussion ici porte sur les politiques d’immigration ». Mais non, mais non … vous savez très bien de quoi nous parlons.]

      Moi oui, mais vous… je n’en suis pas sur. Encore une fois, si vous vous laissez emporter par votre lyrisme à dire des bêtises, ce n’est pas ma faute.

      [La politique actuelle de l’immigration n’est pas laxiste.]

      Je ne sais pas. C’est quoi pour vous les critères qui permettent de qualifier une politique d’immigration de « laxiste » ?

      Personnellement, je ne me souviens pas d’avoir une seule fois qualifié la politique d’immigration de la France de « laxiste ». Si l’on compare avec nos voisins britanniques, par exemple, il y a des questions sur lesquelles ont est plus « laxistes » qu’eux – le contrôle aux frontières, par exemple – et des domaines ou l’on l’est moins – le contrôle des immigrés une fois rentrés sur le territoire. Personnellement, le seul point sur lequel notre politique d’immigration me paraît extrêmement injuste est celui de la régularisation. Pour moi, la régularisation d’un clandestin entré illégalement sur le territoire devrait être impossible, ou alors très difficile. Le fait qu’il suffit de se maintenir sur le territoire sur une période de cinq ans pour obtenir quasi-automatiquement une régularisation revient à récompenser le délit et punir l’honnêteté. L’étranger qui respecte la loi en restant chez lui lorsque le visa lui est refusé est pénalisé, celui qui viole la loi en venant clandestinement est récompensé d’une régularisation. A votre avis, quel message envoie ce système ?

      [C’est un fantasme des nationalistes de tout bord. Les chiffres des entrées légales et illégales sur le territoire français, de Sarkozy à Vals en passant par Hortefeu sont régulièrement en baisse.]

      Pourriez-vous indiquer d’où vous tenez ces chiffres ? Je suis particulièrement intéressé par les chiffres des entrées « illégales »…

      [« Vous semblez faire une identité « immigration = arabes » qui n’est pas celle du FN ». Ah bon ? Le FN ne fait pas ça ? Peut-être avez-vous raison,]

      Dont acte. Vous aviez donc « peut-être » tort…

      [ils vouent la même haine aux Roms qu’aux Arabes, en fait ils n’aiment pas tout ce qui est différents.]

      Là encore, vous tombez dans le cliché. « Différent » de quoi ?

      [Mais il y a une différence qui ne vous échappe pas entre, d’une part, les Roms qui viennent vivre des miettes de notre civilisation dans des baraques en planches aux banlieues de nos villes et les Roumains (ou Bulgares, ou Polonais) qui, souvent instruits, formés et opportunistes, profitent, avec leurs employeurs, des lacunes de la législation Européenne pour concurrencer la main d’œuvre de l’Europe de l’Ouest.]

      Je ne vois pas de quelles « lacunes » vous parlez. La construction européenne a fait de la libre concurrence son alpha et son oméga. Les règles européennes qui permettent aux travailleurs à bas coût de concurrencer les nôtres sont parfaitement dans l’esprit de la construction européenne. Je ne pense pas un instant qu’elles résultent de « lacunes » dans les règles, en ce que le terme « lacune » indiquerait une distraction ou une erreur de leurs rédacteurs. Non : ceux qui ont fait la législation avaient pour but d’établir cette concurrence.

      Par ailleurs, j’aime votre manière d’écrire que ces travailleurs « profitent, avec leurs employeurs », comme si le profit des employeurs était secondaire. Non, ce sont d’abord les employeurs qui profitent, et les travailleurs qui touchent les « miettes », avec des rémunérations qui sont à peine supérieures à celles qu’ils auraient dans leurs pays. Et qui souvent, lors de leur passage en France, vivent dans des conditions indignes. Un peu comme les Roms…

      [L’entreprise Le Pen a effectivement repris à son compte des causes justes que d’autres avaient bêtement abandonnées, parce que ce sont de fins politiciens, mais ils n’ont rien renié de leur racines. Que le FN dise des choses exactes sur l’Europe ne doit pas nous aveugler sur leurs convictions idéologiques, les dérapages verbaux de Le Pen père sont là pour nous le rappeler.]

      Possible. Mais personnellement, je me fous des « convictions idéologiques ». L’expérience nous a montré que les très estimables « convictions idéologiques » des dirigeants socialistes ne les ont pas empêché de privatiser à tout va ou de faire la même politique libérale que la droite. Ce ne sont pas les « convictions idéologiques » des politiques qui déterminent les politiques mises en œuvre, c’est la dialectique entre les politiques et leur électorat. Les « dérapages verbaux » de Le Pen père cesseront lorsque Le Pen père sera mort, et cela ne saurait pas trop tarder maintenant.

      [Vous avez déjà écrit dans ces pages, que la nationalité française est, selon vous, susceptible d’etre remise en cause pour les immigrés et leurs descendants s’ils n’ont pas envie de s’assimiler.]

      Cela m’étonnerait beaucoup. Tout simplement parce que pour moi la question de « l’envie de s’assimiler » ne se pose même pas. Pour moi, l’assimilation n’estpas un choix qui doit être laissée à l’immigré, mais d’une obligation imposée par la société d’accueil. C’est d’ailleurs comme cela que l’assimilation en France a fonctionné jusqu’à la fin des années 1960.

      [Pour vous, comme pour le FN, la chose la plus importante serait que les immigrés de toutes origines, et en premier lieu les plus différents de nous, les arabes, les musulmans, deviennent de « bons » immigrés, « à l’ancienne », plus français que les français, prêts à chanter les louanges de leur pays d’accueil.]

      Encore une fois vous vous laissez emporter à dire n’importe quoi. Les immigrés « les plus différents de nous », paradoxalement, s’assimilent fort bien : pensez à ceux qui viennent de la péninsule indochinoise ou de Chine. Seraient-ils pour vous des « immigrés à l’ancienne » ?

      [Dommage, Descartes, l’assimilation n’est pas inscrite dans la constitution.]

      Si on devait écrire dans la constitution l’ensemble de ce qui est nécessaire, la constitution serait d’une longueur ingérable.

      [Malheureusement pour vous, et pour le FN, le monde a changé. Le pays de cocagne, qu’était la France, vit désormais dans une économie stagnante, synonyme de chômage de masse, qui n’est plus propice à l’enthousiasme assimilationiste des immigrés, comme dans les années 40 et 50.]

      Et gna gna gna… vous semblez croire que parce que vous déclarez gravement que « le monde a changé », vous avez démontré quelque chose. Si on vous écoute, la France devrait dans quelques années devenir un pays tellement pauvre que les immigrés nous quitteront pour aller s’installer au Brésil ou en Chine. Et le problème de l’assimilation se résoudra alors de lui-même. Fermez le ban.

      [Si nous voulions les assimiler, il fallait y penser pendant le boom économique des années 60 / 70.]

      Sauf à inventer l’assimilation rétroactive, je vois mal comment on peut assimiler dans les années 1960 et 70 les immigrés arrivés depuis le début des années 1990. Or, ce sont ceux-là qui posent problème. Les immigrés arrivés dans les années 1970 portent rarement le voile intégral, pas plus qu’ils n’envoient leurs enfants voilées à l’école.

      [Mais nous avons préféré pendant ces années là, les reléguer dans leurs ghettos, nous avons préféré mettre en place un apartheid, certes moins violent qu’en Afrique du sud, mais un apartheid quand même.]

      Et re-gna, gna, gna… oui, nous sommes très méchants, frappons nous la poitrine et demandons pardon pour nos crimes. Et accessoirement, pour nous faire pardonner, acceptons les élèves voilées dans nos écoles publiques, ce sera une manière de montrer notre repentance. J’ai bien compris ?

      Désolé pour vous, mais contrairement à la légende dorée, « nous » n’avons rien fait de tel. Au contraire. « Nous » avons construit au début des années 1960 les grands ensembles pour permettre aux immigrés de pouvoir sortir des bidonvilles et d’avoir le confort moderne. Qui leur était nécessaire parce que « nous » avons créé le regroupement familial qui permettait aux immigrés venus travailler d’amener leurs familles. Et puis « nous » avons scolarisé leurs enfants, et permis qu’en deux générations ils deviennent des professionnels universitaires. C’est lorsque l’économie a ralenti que les classes moyennes ont cassé la machine à assimiler avec des inventions du genre « le droit des immigrés à conserver leurs coutumes », pour protéger leurs propres enfants de la concurrence des nouveaux venus.

      [Et nous pensions bêtement]

      A confession de partie, dispense de preuve…

      [Les couches populaires qui acceptaient sans état d’âme de voir les Maghrébins faire les sous-boulots qu’elles mêmes ne voulaient pas faire, se réveillent aujourd’hui, 20, 30 ans ou 40 ans plus tard, tout étonnées de perdre elles-mêmes leurs emplois, vexées de retrouver leurs enfants en compétition avec ces « braves arabes » ou leurs enfants, français comme eux,]

      Oh là là… on est tombés là dans le délire culpeux de la pire espèce. Croyez-vous vraiment que le problème aujourd’hui des couches populaires est la « concurrence des enfants des braves arabes » ? Vous rêvez. Le problème des couches populaires est une désindustrialisation massive qui supprime les emplois pour les déplacer vers l’Inde, la Chine ou le Maroc. Et cette délocalisation touche aussi fort les « enfants des braves arabes » que les enfants des ouvriers bien français. Il vous faut réaliser que les « enfants des braves arabes », qui sont français eux aussi, votent Front National comme les autres, parce qu’elles sont exactement sur le même bateau que les couches populaires. Et qu’elles ressentent au moins autant que les ouvriers « de souche » l’arrivée d’immigrés qui acceptent des salaires largement inférieurs aux leurs.

      [Le message du FN et de ses sympathisants c’est « L’assimilation ou rien ! Nous ne voulons pas de cette intégration qui les laisse librement être ce qu’ils sont ! »]

      Si c’est le cas, ils ont raison. Et leur position est plus conforme à l’intérêt des immigrés que les logiques qui « les laisse librement être ce qu’ils sont ». Franchement, si on avait « laissé librement les gens être ce qu’ils sont », il n’y aurait jamais eu d’école obligatoire. Après tout, si les gens veulent « librement » être analphabètes, de quel droit irait-on leur apprendre à lire et à écrire ?

      [Mais comme dit le proverbe chinois (ou arabe ou africain .. je ne sais plus) « Quand on a fait dans son froc, c’est trop tard pour serrer les fesses ». Ils sont là, ils s’intègrent chaque jour un peu plus, sans pour autant s’assimiler, leur poids démographique et politique montent.]

      Et il n’y a rien à faire. Toujours le discours de la résignation…

      [Personnellement, je pense qu’ils s’assimileront peut-être un jour, avec beaucoup de temps et si les conflits arabes dans le monde ne viennent pas polluer les choses.]

      Je ne vois pas pourquoi. Si leur poids démographique et politique montent suffisamment, ce sera à nous, peut-être, de nous « assimiler », non ?

      [Les Le Pen et leurs sympathisants avancent masqués, mais nous ne sommes pas obligés de tomber dans le piège de leur dédiabolisation, même pour vous faire plaisir, Descartes.]

      Je ne vois pas en quoi ils « avancent masqués ». Dans ce qui précède, vous êtes en train de déclarer que leurs pires discours catastrophistes sur l’immigration sont parfaitement justifiés : vous écrivez que « le poids démographique et politique des immigrés augmente », qu’ils « ne s’assimilent pas », qu’il est trop tard pour faire quoi que ce soit, y compris serrer les fesses. Le lecteur non averti pourrait prendre votre discours pour un tract du FN…

      [De vrais problèmes existent : L’extrémisme, le fondamentalisme musulman progressent. Ils prospèrent plus et mieux sur le terreau de la misère et de l’exclusion.]

      Là encore, vous êtes inconséquent. Vous avez écrit plus haut que les enfants d’immigrés concurrencent avec succès les enfants des ouvriers français. Ce sont donc les ouvriers français qui devraient devenir « fondamentalistes »… et pourtant, vous admettez qu’au contraire ils se sécularisent. La misère aurait pour effet de « radicaliser » les uns et de « séculariser » les autres ? Faudrait savoir…

      Le fondamentalisme, l’extrémisme progressent. Mais pas à cause de « la misère et l’exclusion ». Ils progressent parce que les idéologies « communautaristes » rentabilisent ce type de stratégie. Vous expliquez qu’il faudrait « laisser les gens être comme ils sont ». Et ensuite, lorsqu’ils « sont comme ils sont » effectivement, vous prenez peur…

      [Et, sur le terrain, les discours islamophobes des sympathisants du FN, ne font qu’exciter les plus radicaux, et éloignent encore un peu plus l’assimilation que vous appelez de vos vœux.]

      Vous m’avez convaincu que l’assimilation est impossible. Dès lors, pourquoi le fait de s’éloigner de l’assimilation serait-il un problème ?

    • @ v2s,

      "C’est un fantasme des nationalistes de tout bord. Les chiffres des entrées légales et illégales sur le territoire français, de Sarkozy à Vals en passant par Hortefeu sont régulièrement en baisse."
      Ah bon?

      Voici les chiffres de l’INED (et non du FN) des entrées légales entre 2002 et 2008 (de l’époque où Sarkozy fut ministre de l’Intérieur jusqu’au début de son quinquennat):
      http://www.ined.fr/fr/pop_chiffres/france/flux_immigration/tri/

      Auriez-vous la bonté de m’indiquer la baisse "régulière" des flux migratoires que vous évoquez?

      Quant aux statistiques plus récentes:
      http://www.ined.fr/fichier/t_publication/1663/publi_pdf1_population_fr_2013_3_france_conjoncture_demographique.pdf#page=5

      Si on regarde le nombre de titres de séjours de plus de 364 jours, entre 2008 et 2011, la baisse est loin d’être spectaculaire… La féminisation de l’immigration n’est pas non plus un bon signe, car en faisant venir les femmes, la société d’origine se reconstitue plus aisément sur le sol français.

      @ Descartes,

      Sur l’immigration clandestine, la difficulté semble provenir (en partie) du fait que beaucoup de clandestins arrivent légalement, d’après ce que j’ai lu. Une fois leur autorisation de séjour expirée, ils ne repartent pas. Que faire face à cette situation?

    • Descartes dit :

      @nationalistejacobin

      [Sur l’immigration clandestine, la difficulté semble provenir (en partie) du fait que beaucoup de clandestins arrivent légalement, d’après ce que j’ai lu. Une fois leur autorisation de séjour expirée, ils ne repartent pas. Que faire face à cette situation?]

      Ma question était ironique. V2S avait écrit que "les chiffres des entrées légales et illégales sont en baisse". Au delà des chiffres que vous avez présenté concernant l’immigration légale, il est évident que l’affirmation contient une faille logique: il n’y a pas de statistiques sur les "entrées illégales", pour des raisons évidentes. D’ailleurs, comme vous le soulignez, une partie des "entrées illégales" sont en apparence légales, puisqu’il s’agit d’entrées avec visa de tourisme avec l’intention de demeurer sur le territoire après expiration du visa.

  22. Dominique Levrier dit :

    @ Descartes

    le PCF a essayé cette tactique aux régionales, et il a perdu la moitié de ses conseillers. Il a essayé aux cantonales, et rebelote.

    en quelle année ?

    Chez vous » EELV était sur « la ligne » du Front de Gauche ? Oui.

    Comment allez-vous faire pour distinguer un t-shirt fabriqué par des enfants super-exploités d’un t-shirt fabriqué par des adultes correctement payés ?
    Pour les normes environnementales, ça existe déjà. Les douaniers ne contrôlent pas tout mais par exemple, depuis Fukushima, ils contrôlent les produits alimentaires qui viennent du Japon. Sinon, je suppose que ça doit passer par des accords bilatéraux. On nous parle actuellement d’aligner les normes européennes et états-uniennes. C’est donc possible de changer les normes et de les appliquer entre états.

    L’amiante n’a aucun rapport avec l’état sanitaire des travailleurs de Fukushima.
    Non, c’était juste un exemple ou un état a traîné pendant des décennies, sous la pression des industriels, pour se préoccuper des conséquences sanitaires d’un produit dangereux.

    J’ai plusieurs fois montré sur ce blog combien les discours antinucléaires sont appuyés sur du vent.
    Donnez-moi les références svp, j’irai lire vos papiers.

    De mon côté je vous donnerai un exemple:
    http://sauvons.dhuis.fr
    Rien ne se serait passé sans l’action militante. L’IRSN n’a pas anticipé.

    Sur le smic, vous ne démontrez pas la relation entre l’immigration (trop d’offre) et le chômage. Chez moi, certains Roms arrivent à se faire embaucher au noir sur les chantiers. S’ils avaient les mêmes droits que les français, et des inspecteurs du travail pour les faire appliquer, la concurrence avec les français serait plus loyale. Par ailleurs, si votre équation est juste, pour supprimer le chômage, il faut augmenter la demande de travail. Réduction du temps de travail, et penser l’économie à partir des besoins sociaux (logement, agriculture, industrie re-localisée) plutôt que comme un moyen de rentabiliser l’investissement.

    Pour faire court, sur le nucléaire, je vais vous conforter dans l’idée que je ne réfléchis pas, ou que je suis mal informée (mais je souhaite quand même lire vos articles). En fait, en supposant que vous puissiez vous appuyer sur des avis totalement désintéressés, c-a-d en aucune façon ayant un intérêt quelconque au statu-quo, vous devriez donc pouvoir avancer que la science dans son état actuel est capable de concevoir une technologie qui présente un risque zéro, non pas à l’échelle de la vie humaine, mais pour des dizaines de milliers d’années. Quelle technologie est infaillible, sachant qu’elle est mise en oeuvre par des êtres qui le sont ? Admettons qu’elle soit perfectible, qui peut prétendre prévoir tous les risques? Pour Fukushima, vous avez une combinaison d’évènement naturel, de défaut de la jauge de température de la cuve, plus un manque de formation du personnel. Combinaison hautement improbable, mais on a maintenant sur les bras un problème que personne ne sait traiter. En Ukraine, des hommes armés, probablement les dingues de Pravy Sector, ont tenté de prendre le contrôle d’une centrale nucléaire. Source: les crises, je n’ai pas le lien exact, mais vous connaissez sans doute le blog de Berruyer. Vous avez peut-être aussi lu que des méduses, dont la prolifération n’était pas prévue, ont endommagé le système de refroidissement d’une centrale suédoise. Ce ne sont que des exemples. Risque zéro ? ça ne peut être qu’un pari. Pour moi, l’enjeu est trop gros. Même si la catastrophe ne devait se produire que quand j’aurai depuis longtemps pourri en terre, je préfèrerais mourir en ne léguant pas ce danger potentiel aux générations futures. Je ne parle pas des problèmes liés à notre approvisionnement en uranium. L’énergie abondante et pas chère, c’est fini. Je crois que les humains ont besoin d’un toit, de nourriture, de soins et d’éducation. Je ne suis pas passéiste, et je me demande comment à l’avenir on pourra continuer à fabriquer des ordinateurs, je ne voudrais pas renoncer à Internet. Mais à beaucoup d’autres choses, inutiles, oui, parce qu’il faudra partager avec les milliards de personnes qui doivent sortir de la misère. Et je fais confiance au génie humain pour trouver les solutions techniques afin de donner à tous des conditions de vie dignes, sans épuiser les ressources de cette planète. Pour moi, ceux qui sont passéistes sont ceux qui pensent qu’avec le nucléaire on a mis en oeuvre il y a 40 ans la seule solution pour fournir l’énergie dont nous avons besoin.

    • Descartes dit :

      @ Dominique Levrier

      [« le PCF a essayé cette tactique aux régionales, et il a perdu la moitié de ses conseillers. Il a essayé aux cantonales, et rebelote ». en quelle année ?]

      Toutes mes excuses : là où j’ai écrit « cantonales » il fallait lire « législatives ». Les dates : les régionales de 2010. Le PCF avait eu 185 conseillers régionaux élus en 2005, il est sorti avec 95. Pour les législatives, même topo : le PCF avait 15 députés en 2007, en 2012 il n’a plus que 7.

      [« Chez vous » EELV était sur « la ligne » du Front de Gauche ? » Oui.]

      Vraiment ? EELV souscrit chez vous à « l’écosocialisme » ? Pourriez-vous donner plus de détails.

      [« Comment allez-vous faire pour distinguer un t-shirt fabriqué par des enfants super-exploités d’un t-shirt fabriqué par des adultes correctement payés ? ». Pour les normes environnementales, ça existe déjà. Les douaniers ne contrôlent pas tout mais par exemple, depuis Fukushima, ils contrôlent les produits alimentaires qui viennent du Japon.]

      Vous confondez « normes environnementales » avec « normes sanitaires ». On peut toujours contrôler aux frontières que les biens importés respectent les normes sanitaires (teneur en telle ou telle substance chimique, par exemple). Mais il est impossible de vérifier les « normes environnementales », pour la simple raison que ces « normes » concernent le processus de production et non le produit fini. Comment voulez vous pouvoir détecter sur un t-shirt si l’usine qui l’a fabriqué traite correctement ses effluents ou a une chaudière au gaz plutôt qu’au charbon ?

      Je dois ajouter que votre référence à Fukushima m’a beaucoup fait rire… décidément, lorsqu’on a une obsession…

      [Sinon, je suppose que ça doit passer par des accords bilatéraux. On nous parle actuellement d’aligner les normes européennes et états-uniennes. C’est donc possible de changer les normes et de les appliquer entre états.]

      Il est possible, mais cela ne dépend pas de nous. Le propre des accords bilatéraux est précisement de nécessiter l’accord des deux parties. Je doute beaucoup que le gouvernement indien, chinois ou brésilien aient très envie de pénaliser leur propre industrie en imposant des « normes environnementales ». On est donc ramené à la question précédente : comment les gens pourraient croire aux propositions de « protectionnisme solidaire » alors que vous ne semblez avoir la moindre idée de comment les mettre effectivement en œuvre ?

      [« L’amiante n’a aucun rapport avec l’état sanitaire des travailleurs de Fukushima ». Non, c’était juste un exemple ou un état a traîné pendant des décennies, sous la pression des industriels, pour se préoccuper des conséquences sanitaires d’un produit dangereux.]

      Vous admettez donc que vous n’avez fourni le moindre argument à l’appui de votre affirmation sur les effets sanitaires de l’accident Fukushima. Je ne peux que vous mettre en garde contre la logique qui consiste à répéter des affirmations en espérant en faire des vérités. J’attends toujours que vous argumentiez votre affirmation, ou à défaut que vous admettiez qu’elle n’a aucune base factuelle.

      [« J’ai plusieurs fois montré sur ce blog combien les discours antinucléaires sont appuyés sur du vent ». Donnez-moi les références svp, j’irai lire vos papiers.]

      Avec plaisir :
      http://descartes.over-blog.fr/article-pourquoi-les-antinucleaires-sont-dangere-109851904.html
      http://descartes.over-blog.fr/article-36215975.html

      [De mon côté je vous donnerai un exemple: http://sauvons.dhuis.fr Rien ne se serait passé sans l’action militante. L’IRSN n’a pas anticipé.]

      En effet c’est un excellent exemple de la manière dont les antinucléaires manipulent les analyses officielles. Voici – les citations sont extraites du site dont vous donnez la référence – ce que dit l’IRSN : « le protocole de démolition mis en œuvre par Placoplatre pour détruire les 26 premiers bâtiments du Fort ne présentait pas de garanties suffisantes pour assurer la protection des travailleurs, du public et de l’environnement ». Et voici la conclusion que tire le site en question : « L’avis de l’IRSN démontre d’une manière indiscutable que les travailleurs et les riverains ont été mis en danger et cela dès le début des opérations de destruction du Fort ». Les avis de l’IRSN seraient donc « indiscutables » ? C’est bon à savoir, puisque l’IRSN dit aussi dans ses avis que les centrales nucléaires françaises sont sûres et que leur exploitation peut continuer.

      Il est toujours amusant de constater combien pour les antinucléaires les avis des « experts » – par ailleurs honnis – deviennent « indiscutables » quand ils vont dans leur sens alors qu’ils seront voués aux gémonies lorsqu’ils vont dans le sens inverse. Vous-même, après avoir constaté que « l’IRSN n’a pas anticipé » – ce qui jetterait des doutes sérieuses sur sa compétence – semblez être prête à souscrire à son avis…

      [Sur le smic, vous ne démontrez pas la relation entre l’immigration (trop d’offre) et le chômage.]

      Faut-il vraiment que je vous « démontre » que sur un marché les prix diminuent lorsque l’offre augmente ? J’aurais pensé que c’était une évidence… je ne peux que vous recommander la lecture d’un ouvrage d’initiation à l’économie. Tiens, « L’introduction à l’Economie », de Jacques Généreux, par exemple…

      [Chez moi, certains Roms arrivent à se faire embaucher au noir sur les chantiers. S’ils avaient les mêmes droits que les français, et des inspecteurs du travail pour les faire appliquer, la concurrence avec les français serait plus loyale.]

      Vous avez raison pour les inspecteurs du travail. Mais pas pour les « droits » : il y a beaucoup de français qui travaillent au noir, eux aussi. C’est une pure question de concurrence. Cela étant dit, si vous proposez de donner à tout immigré qui pose le pied en France le droit à travailler et résider chez nous, il faut le dire clairement.

      [Par ailleurs, si votre équation est juste, pour supprimer le chômage, il faut augmenter la demande de travail.]

      Non. Si on augmente la demande de travail tout en augmentant l’offre, cela n’aura aucun effet. Ce qu’il faut augmenter, c’est le rapport entre la demande et l’offre.

      [Réduction du temps de travail, et penser l’économie à partir des besoins sociaux (logement, agriculture, industrie re-localisée) plutôt que comme un moyen de rentabiliser l’investissement.]

      J’avoue que je ne vois pas le rapport. La « réduction du temps de travail » n’a aucun effet sur la demande de travail, elle ne fait que réduire l’offre. Quant à « penser l’économie à partir des besoins sociaux », je ne sais pas très bien ce que cela veut dire concrètement.

      [Pour faire court, sur le nucléaire, je vais vous conforter dans l’idée que je ne réfléchis pas, ou que je suis mal informée (mais je souhaite quand même lire vos articles). En fait, en supposant que vous puissiez vous appuyer sur des avis totalement désintéressés, c-a-d en aucune façon ayant un intérêt quelconque au statu-quo, vous devriez donc pouvoir avancer que la science dans son état actuel est capable de concevoir une technologie qui présente un risque zéro, non pas à l’échelle de la vie humaine, mais pour des dizaines de milliers d’années.]

      Non. Je n’ai jamais prétendu « avancer » pareille chose. La « technologie qui présente un risque zéro » n’existe pas. Et cela est vrai pour le nucléaire comme pour toute autre technologie. L’histoire de l’humanité est l’histoire des risques pris par les différentes sociétés pour pouvoir avancer. Informez-vous, et vous verrez par exemple que les industries chimiques produisent elles aussi des déchets toxiques dont la durée de vie dépasse même celle des substances radioactives. Le mercure, l’arsenic, le plomb sont des éléments stables, et donc éternels…

      Point n’est besoin qu’une technologie soit « infaillible ». Il suffit que ses avantages dépassent ses inconvénients. La technologie automobile fait plus d’un millier de morts en France chaque année, et personne n’a songé à demander qu’on abandonne l’automobile, tout simplement parce que les avantages que nous retirons sont socialement infiniment plus lourds que ce coût. En plus d’un demi siècle d’utilisation, l’énergie nucléaire a tué dans le monde bien moins que le charbon, le pétrole, la chimie ou même l’automobile…

      [Quelle technologie est infaillible, sachant qu’elle est mise en oeuvre par des êtres qui le sont ? Admettons qu’elle soit perfectible, qui peut prétendre prévoir tous les risques?]

      Personne. Je vous le répète, vous posez la mauvaise question. Personne n’a jamais prétendu que le nucléaire pouvait présenter un « risque zéro ». Au contraire, l’industrie nucléaire répète depuis le premier jour que « le risque zéro n’existe pas ». La véritable question est de savoir si les risques qu’on prend sont socialement justifiés par les avantages qu’on en retire.

      [Même si la catastrophe ne devait se produire que quand j’aurai depuis longtemps pourri en terre, je préfèrerais mourir en ne léguant pas ce danger potentiel aux générations futures.]

      Vous leur léguez bien vos déchets arsenicaux et mercuriels. Etes vous prête à renoncer à toute électronique ?

      [Je ne parle pas des problèmes liés à notre approvisionnement en uranium.]

      Je ne vois pas de quels « problèmes » vous parlez. Pourriez-vous être plus précise ?

      [L’énergie abondante et pas chère, c’est fini. Je crois que les humains ont besoin d’un toit, de nourriture, de soins et d’éducation. Je ne suis pas passéiste, et je me demande comment à l’avenir on pourra continuer à fabriquer des ordinateurs, je ne voudrais pas renoncer à Internet. Mais à beaucoup d’autres choses, inutiles, oui, parce qu’il faudra partager avec les milliards de personnes qui doivent sortir de la misère.]

      Si c’est le discours que le PG propose aux couches populaires, je doute qu’il emporte beaucoup d’adhésions…

      [Et je fais confiance au génie humain pour trouver les solutions techniques afin de donner à tous des conditions de vie dignes, sans épuiser les ressources de cette planète. Pour moi, ceux qui sont passéistes sont ceux qui pensent qu’avec le nucléaire on a mis en oeuvre il y a 40 ans la seule solution pour fournir l’énergie dont nous avons besoin.]

      Je n’ai toujours pas compris ce que vous proposez comme alternative…

    • Alain Brachet dit :

      Bonjour,
      Je viens de découvrir fortuitement votre blog, alors qu’il y a longtemps (du temps du 34ème congrès du PCF) j’aimais bien vos interventions sur le site AlternativeForge, ouvert par le PC pour la discussion de son projet de texte de congrès…
      Je viens de lire votre texte de base, mais pas encore les réflexions des lecteurs, car il y a du pain sur la planche! Et, malheureusement, je vais en rajouter!
      Je dois dire que je partage pour l’essentiel votre point de vue. Et je déplore que les partenaires du FdG ne tentent pas de réfuter (ou d’approuver!) vos arguments autrement qu’en les ignorant. Je bute cependant sur un petit détail, qui me parait tout de même important, si on veut faire évoluer les choses: votre condamnation globale des classes moyennes (j’utilise pour ma part le terme de couches moyennes, car le terme classe a un autre contenu, en tout cas pour moi). Je pense qu’il faut distinguer les couches moyennes hautes (les CSP+, dont Cahuzac me parait l’exemple- type) des couches moyennes moyennes (dont je pense faire partie) et des couches moyennes "basses", voire populaires (la limite entre ces catégories n’est jamais clairement définie…et peut-être difficile à cerner clairement). Pour moi, en effet, le FdG, sur lequel j’ai fondé de grands espoirs, devrait être l’alliance nécessaire de nos jours entre couches populaires et couches moyennes, et pour ces dernières en commençant par le "bas". Ces couches sont à mon avis les constituants objectifs de la "classe sociale, au sens de Marx, des exploités en tous genres du Capital actuel "(financiarisé et mondialisé, etc…). Sous cet angle, on peut espérer constituer une majorité unie et susceptible à terme d’évacuer le capitalisme et de construire une "société socialiste…du 21ème Siècle" (21ème, si possible) par une "révolution citoyenne" se voulant pacifique et démocratique.
      J’ai développé cette idée dans un papier de 20 pages. Je l’ai diffusé, entre autres, à MG Buffet et à JL Mélenchon… et n’ai pas encore toutes les réponses! Je peux tenter de vous l’adresser, si ce blog permet un copier-coller?
      En tout cas merci pour votre texte qui, malheureusement, n’est pas encore très lu, semble-t-il, par ceux qui en auraient le plus besoin… Cordialement… et persévérons!.

    • Descartes dit :

      @ Alain Brachet

      [Je viens de découvrir fortuitement votre blog, alors qu’il y a longtemps (du temps du 34ème congrès du PCF) j’aimais bien vos interventions sur le site AlternativeForge, ouvert par le PC pour la discussion de son projet de texte de congrès…]

      Ah oui… ça fait un bout de temps. L’affaire s’était mal terminée d’ailleurs : j’avais été menacé d’expulsion par Franck Mouly, responsable du site, pour avoir osé écrire que les dirigeants du PCF refusaient de rendre des comptes aux militants et avoir exigé qu’ils le fassent. Et comme je n’avais pas obtempéré j’avais non seulement été exclu, mais toutes mes contributions avaient été effacées rétroactivement du site. Comme quoi la manie de retoucher les photos pour faire disparaître les personnages gênants a la vie dure au PCF… J’ajoute que le responsable du site ayant été brillamment élu membre du CN au congrès, je m’étais permis de le féliciter ironiquement. Cela m’avait valu une réponse fort grossière, dans laquelle j’étais traité de « sinistre connard ». Certains personnages n’ont même pas le sens de l’humour…

      Souvenirs, souvenirs…

      [Je dois dire que je partage pour l’essentiel votre point de vue. Et je déplore que les partenaires du FdG ne tentent pas de réfuter (ou d’approuver!) vos arguments autrement qu’en les ignorant.]

      Oh vous savez, je ne me fais pas trop d’illusion sur mon poids. Au mieux, je peux être comme le taon qui pique le cheval : ça l’incommode, mais ça ne lui fait pas changer sa route. Si les « partenaires du FdG » voulaient un véritable débat, ils l’organiseraient d’eux-mêmes. Mais les dirigeants du PCF comme ceux du PG n’ont pas envie d’ouvrir un débat. Si on permet aux militants de se poser des questions, il y a toujours le risque qu’ils trouvent des réponses.

      [Je bute cependant sur un petit détail, qui me parait tout de même important, si on veut faire évoluer les choses: votre condamnation globale des classes moyennes (j’utilise pour ma part le terme de couches moyennes, car le terme classe a un autre contenu, en tout cas pour moi).]

      Je ne « condamne » rien du tout. Je me contente de décrire. Chaque classe sociale défend ses intérêts. Pourquoi les classes moyennes devraient agir différemment ? Mais je voudrais répondre à votre remarque par rapport au terme de « classe ». Je parle ici de « classes moyennes » non pas dans le sens habituel, mais dans un sens que j’ai défini précisement pour pouvoir parler de « classe » au sens marxiste du terme. Pour moi, les classes moyennes sont les couches qui détiennent suffisamment de capital (matériel ou immatériel) pour ne pas être exploitées, mais pas assez pour exploiter les autres. Avec cette définition, les « classes moyennes » sont caractérisées selon leur place dans le mode de production, et on peut donc parler de « classe ».

      [Pour moi, en effet, le FdG, sur lequel j’ai fondé de grands espoirs, devrait être l’alliance nécessaire de nos jours entre couches populaires et couches moyennes, et pour ces dernières en commençant par le "bas".]

      Une telle « alliance » suppose une communauté d’intérêts. Or, cette communauté n’existe pas. Quels seraient à votre avis les politiques qui pourraient cimenter cette alliance ? Quelle serait la politique – réaliste, s’entend – qui servirait les intérêts de la classe ouvrière et ceux des classes moyennes en même temps ?
      Malheureusement, ce qui structure notre société, c’est au contraire l’alliance entre la bourgeoisie et les classes moyennes. Et la bourgeoisie fait très attention de rétrocéder aux classes moyennes suffisamment pour que celles-ci restent fidèles à cette alliance.

      [Ces couches sont à mon avis les constituants objectifs de la "classe sociale, au sens de Marx, des exploités en tous genres du Capital actuel "(financiarisé et mondialisé, etc…).]

      Qu’est ce qui vous fait penser que les classes moyennes sont « exploités » ? Comment expliquez-vous, si elles le sont, qu’elles votent systématiquement pour des politiques libérales ?

      [J’ai développé cette idée dans un papier de 20 pages. Je l’ai diffusé, entre autres, à MG Buffet et à JL Mélenchon… et n’ai pas encore toutes les réponses! Je peux tenter de vous l’adresser, si ce blog permet un copier-coller?]

      Je n’ai jamais publié sur ce blog un papier qui ne fut pas de moi. Je ne suis pas contre même si je préfèrerait le publier comme lien vers un autre site.

    • Alain Brachet dit :

      Bonjour,
      Et merci pour votre réponse détaillée.
      Je vois que mon papier de 20 pages pourraient (si on à le courage de le lire…ce que l’expérience que j’en ai, montre difficile!) apporter quelques éléments de réponse à vos remarques; Mais je n’ai pas de site en propre. J’ai réussi à placer ce papier, avec quelques péripéties, sur BellaCiao, sous la signature AB-BA (ou abbé Béat) et le titre: Avenir du FdG après les européennes…ou quelque chose d’analogue.
      Pour résumer ces 20 pages je dirai que je pense que les couches moyennes (ou classes moyennes: je reconnais qu’il y a là un "riche" débat à entâmer!), couche à laquelle je prétends appartenir, sont, avec toute une gradation de caractéristiques, "partiellement exploitées". Mon assertion est fondée sur la notion marxienne de "survaleur", complexfiée par les idées marxiennes d’aliénation et de fétichisme, auxquelles, pour embellir le tout, j’ajoute des considérations d’anthropologisme (d’où les 20 pages!). Toute cette "cuisine" pour dire, que l’on peut tenter d’unir couches populaires et couches moyennes, objectivement susceptibles de partager ce commun dénominateur (l’explotation capitaliste à travers la survaleur). Ainsi on devrait pouvoir bâtir (Marx l’avait vu en son temps, alors qu’il était loin alors qu’il en fut ainsi) une majorité écrasante "d’exploités en tous genres" ayant alors le pouvoir d’imposer démocratiquement et pacifiquement (tout au moins de leur côté) une "transformation sociale", un socialisme des siècles à venir.
      Je charge (le veulent-ils?) le PCF (parti politique qui reste encore celui, préférentiellement, des couches populaires) et le PG (parti de couches moyennes désormais acquises, me semble-t-il, à l’idée d’une nécessaire et sincère alliance entre ces catégories, et leurs partis respectifs-le FdG) de faire ce travail…
      Sinon, je ne vois pas d’issue heureuse à la catastrophe en préparation par le Capital mondial, et aux ordres des USA.
      Cordialement.

    • Descartes dit :

      @ Alain Brachet

      [Je vois que mon papier de 20 pages pourraient (si on à le courage de le lire…ce que l’expérience que j’en ai, montre difficile!) apporter quelques éléments de réponse à vos remarques; Mais je n’ai pas de site en propre. J’ai réussi à placer ce papier, avec quelques péripéties, sur BellaCiao, sous la signature AB-BA (ou abbé Béat) et le titre: Avenir du FdG après les européennes…ou quelque chose d’analogue.]

      Envoyez-le moi, je m’engage à le lire – vous savez, j’ai beaucoup de courage – et selon la teneur, à le publier soit en partie, soit en totalité.

      [Pour résumer ces 20 pages je dirai que je pense que les couches moyennes (ou classes moyennes: je reconnais qu’il y a là un "riche" débat à entâmer!), couche à laquelle je prétends appartenir, sont, avec toute une gradation de caractéristiques, "partiellement exploitées". Mon assertion est fondée sur la notion marxienne de "survaleur", complexfiée par les idées marxiennes d’aliénation et de fétichisme, auxquelles, pour embellir le tout, j’ajoute des considérations d’anthropologisme (d’où les 20 pages!).]

      Je ne vois pas très bien ce que le fétichisme ou l’aliénation – et encore moins les « considérations anthropologiques » viennent faire là dedans. La question essentielle st celle de la « survaleur » (j’utilise dans mes papiers l’expression « plus-value » qui me semble plus parlante, mais j pense qu’on parle de la même chose) qui est la différence entre la valeur produite par la force de travail vendue par le travailleur et la valeur qu’il reçoit en échange. C’est cela, et rien d’autre, qui détermine le rapport d’exploitation.

      La question est donc de savoir si les « couches moyennes » – j’utilise a dessein cette expression plutôt que celle de « classes moyennes », car du fait de la définition que j’ai proposé pour ce terme la question devient tautologique – produisent plus de valeur qu’elles récupèrent. Pensez-vous par exemple qu’un « trader » soit dans cette situation ?

      [Toute cette "cuisine" pour dire, que l’on peut tenter d’unir couches populaires et couches moyennes, objectivement susceptibles de partager ce commun dénominateur (l’explotation capitaliste à travers la survaleur).]

      Et c’est cela qu’il fallait démontrer… Votre raisonnement est un raisonnement à rebours. La logique voudrait qu’on analyse la réalité, qu’on regarde qui est exploité et qui ne l’est pas, et qu’ensuite on déduise les alliances possibles. Mais vous – et vous n’êtes pas le seul, malheureusement – faites le raisonnement à l’envers : vous voulez démontrer qu’une alliance des classes moyennes et des couches populaires est possible, et pour cela vous construisez une usine à gaz théorique pour aboutir à la conclusion que les classes moyennes sont « exploitées » et ont donc une communauté d’intérêts avec les couches populaires.

      Ce qu’il faudrait m’expliquer alors c’est pourquoi les classes moyennes votent et agissent encore et toujours avec la bourgeoisie et contre les intérêts des couches populaires. Car il ne faut pas se voiler la face : depuis trente ans les couches moyennes ont, au delà des discours qui gauchiste, qui compatissant, toujours apporté leurs suffrages aux partis engagés dans les politiques libérales. Et qu’elles ont toujours massivement soutenu les « réformes » qui ont cassé l’ascenseur social et la méritocratie républicaine. Vous me direz que c’est le mécanisme d’aliénation qui expliquerait se fait. Mais alors, il faudra m’expliquer comment une population ayant le meilleur accès à l’éducation et la culture, disposant d’un niveau de vie enviable et d’un patrimoine important serait plus « aliénée » que les couches populaires…

      Pour le dire plus grossièrement : ces théories – que certains appellent la « théorie du peuple-classe » – ne visent au fond qu’un seul objectif : fournir aux classes moyennes une justification morale. Elles leur permettent de profiter d’une situation économique de l’oppresseur tout en ayant la légitimité symbolique de la victime.

      [Ainsi on devrait pouvoir bâtir (Marx l’avait vu en son temps, alors qu’il était loin alors qu’il en fut ainsi) une majorité écrasante "d’exploités en tous genres" ayant alors le pouvoir d’imposer démocratiquement et pacifiquement (tout au moins de leur côté) une "transformation sociale", un socialisme des siècles à venir.]

      Je doute que Marx ait prévu l’apparition des classes moyennes telles que les « trente glorieuses » et la deuxième révolution l’ont produites. Le vieux Karl était certainement un grand théoricien, mais ce n’était pas un prophète.

      [Je charge (le veulent-ils?) le PCF (parti politique qui reste encore celui, préférentiellement, des couches populaires) et le PG (parti de couches moyennes désormais acquises, me semble-t-il, à l’idée d’une nécessaire et sincère alliance entre ces catégories, et leurs partis respectifs-le FdG) de faire ce travail…]

      Faudra vous rendre à l’évidence : cela ne marche pas. Chaque fois que le FdG cherche à faire plaisir aux classes moyennes, qui constituent aujourd’hui le gros de son électorat, il s’éloigne des couches populaires. Et s’il cherchait à se rapprocher des couches populaires, il lui faudrait affronter son électorat et, pire, ses propres militants. Croyez-vous vraiment qu’en parlant de sortir du nucléaire et de régulariser tous les sans-papiers on a des chances d’être perçu par les « ouvrier-e-s » comme leur défenseur ?

      [Sinon, je ne vois pas d’issue heureuse à la catastrophe en préparation par le Capital mondial, et aux ordres des USA.]

      « Moi ou le chaos », version gauchiste…

    • Alain Brachet dit :

      Bonjour,
      Votre commentaire du mien me pose quelques questions, car j’ai le sentiment en vous lisant de ne pas m’être bien expliqué, et je me demande si ma prose de 20 pages ne va pas aggraver mon cas !
      Je vais donc commencer par répondre au mieux à vos remarques.
      1) Exploitation capitaliste. Nous sommes d’accord : sa réalité concrète repose fondamentalement sur l’appropriation par le capitaliste de la « plus value », au sens de Marx, fabriquée par l’exploité, qui en est volé. J’ai utilisé le terme de « survaleur », parce que j’avais l’impression qu’il a supplanté l’autre dans les écrits actuels des marxistes officiels de tous bords. Mais c’est bien la même chose quant au fond. Par ailleurs, le terme de survaleur me parait éviter l’ambigüité de celui de plus-value, quand on n’y adjoint pas le qualificatif de « au sens de Marx », car le mot plus-value a alors une connotation commerciale ambigüe. En tout cas, ce concept est à la base de mes raisonnements sur la lutte des classes.
      2) « Couches »et « classes moyennes ». Je préfère le terme de couche moyenne, faute de mieux, car je souhaite bien distinguer l’aspect sociologique, porté par le terme couche, du terme classe, qui est lié à l’exploitation sous deux aspects caractérisés par les notions de « classe en soi » et « classe pour soi ». C’est pour parler de la notion de classe pour soi que j’ai fait appel aux autres notions marxistes d’aliénation et de fétichisme. J’y ajoute (c’est peut-être orgueilleux de ma part !) une notion d’anthropologie que j’emprunte, plus ou moins, au sociologue Emmanuel Terray (voir son livre : « Penser à droite »). L’idée d’une classe sociale des exploités qui s’étendrait au-delà de la seule « classe ouvrière » sociologique, et à laquelle je fais référence, n’est pas une vue de mon seul esprit. Sous des formes diverses on en trouve des prémisses chez Marx (voir livre récent d’Yvon Quiniou : « Retour à Marx »), et sous une forme sans doute différente, chez des penseurs marxistes comme Jacques Bidet, probablement chez d’autres…
      Je veux ainsi tenter de comprendre ce que je nomme dans mon long papier « le paradoxe 50/50 » qui est le constat, que chacun peut faire, que dans les pays « avancés » et « démocratiques » (pays occidentaux, dont, encore, la France) la plupart des élections se soldent par des scores voisins de « 50 % + quelque chose », entre « droite » et « gauche », et ceci, plus ou moins alternativement.
      Ce « paradoxe » pose à mon sens un sérieux problème à ceux qui pensent qu’il faut sortir du capitalisme. Et qui pensent aussi que tout ce qu’on appelle réformisme, social-démocratie, etc…n’y parviendra pas (je suis de ceux-là). Pour sortir du capitalisme il faut une transformation profonde de la société, opération qui avait nom autrefois de « révolution » et que (je le regrette, mais qui puis-je ?) on a pris l’habitude de désigner par la formule édulcorée de « transformation sociale ».
      Le problème, quant à lui, est le suivant :
      Si ce constat du « paradoxe » est si puissant, il n’y a, en définitive, que deux voies pour abattre le Capital : a) par la conquête du pouvoir par une « minorité agissante » imposant d’une manière ou d’une autre, sa dictature, à la fois à la classe capitaliste et au peuple, dont on sait qu’il n’est pas largement majoritaire, si même il l’est, à vouloir subir cette solution drastique (paradoxe 50/50). b) par une forme de « révolution citoyenne », c’est-à-dire de transformation de la société par les urnes, certainement appuyée par « la rue » (style 1936), dont la première élection de Chavez ou celle d’Allende sont des exemples caractéristiques. Dans ces cas, en somme, on pensait changer la société avec l’accord de la majorité, si elle le voulait, et aussi faible que soit celle-ci, par exemple dans les urnes (c’est la loi de toute élection : une voix d’écart suffit). Il est cependant bien évident que ce rapport de forces ne sera pas facile à maintenir, ou ne donnera pas une légitimité et une force suffisante à elle seule pour changer profondément les choses : il faudra faire avec.
      On est donc à peu près certain que la victoire démocratique sera difficile à atteindre et, surtout, une fois obtenue, sera fragile, compte tenu de la puissance et de l’absence de toute considération morale chez l’adversaire de classe (et là, les exemples dramatiques et féroces sont multiples et bien connus… dont Allende). Egalement parce qu’interviennent, avant et après la prise de pouvoir, fut-elle démocratique et paisible, les effets de l’aliénation sur un terreau anthropologique qui pèse lourd. Et dont l’ennemi de classe saura utiliser toutes les failles (200 ans de capitalisme lui ont permis d’affiner toutes ses tactiques, de la plus douce à la plus brutale : là encore l’histoire nous en fournit les preuves).
      Pour ma part, et dans la France d’aujourd’hui, voire le monde occidental d’aujourd’hui, je ne pense pas que la première variante soit possible (et là aussi, les exemples concrets sont malheureusement probants, puisque l’Urss elle-même, après avoir franchi le cap de la révolution, a tenu le coup 70 ans, dans les conditions que l’on connait, et a échoué finalement).
      Si la seule solution est la voie démocratique, donc la construction d’une majorité de 50% + quelque chose, il faut travailler à l’édifier ! Ma conviction est que c’est possible et toute mon « usine à gaz » visant à faire de la classe révolutionnaire la « classe des exploités en tous genres et de toutes intensités » me parait la seule voie possible pour y arriver. Dans cette voie, je pense que le FdG est , avec les partis politiques concernés, l’amorce du chemin à emprunter. Et il est vrai qu’à terme, si on n’arrive pas vite au résultat, il s’agira bien de choisir entre un socialisme et le chaos… Mais le choix sera-t-il encore possible ?

    • Descartes dit :

      @ Alain Brachet

      [2) « Couches »et « classes moyennes ». Je préfère le terme de couche moyenne, faute de mieux, car je souhaite bien distinguer l’aspect sociologique, porté par le terme couche, du terme classe, qui est lié à l’exploitation sous deux aspects caractérisés par les notions de « classe en soi » et « classe pour soi ».]

      On ne parle pas de la même chose, alors. Moi je parle d’un groupe que je caractérise à partir d’un raisonnement économique et plus précisément de la place qu’elle occupe dans le mode de production. Cela permet d’utiliser les instruments d’analyse de la théorie marxiste pour analyser son comportement politique. Je ne vois par contre pas trop quel est l’intérêt de définir une « couche moyenne » à partir de critères sociologiques.

      Quant aux notions de « classe en soi » et « classe pour soi », je ne vois pas très bien de quoi vous voulez parler. Pourriez-vous être plus explicite ?

      [C’est pour parler de la notion de classe pour soi que j’ai fait appel aux autres notions marxistes d’aliénation et de fétichisme. J’y ajoute (c’est peut-être orgueilleux de ma part !) une notion d’anthropologie que j’emprunte, plus ou moins, au sociologue Emmanuel Terray (voir son livre : « Penser à droite »). L’idée d’une classe sociale des exploités qui s’étendrait au-delà de la seule « classe ouvrière » sociologique, et à laquelle je fais référence, n’est pas une vue de mon seul esprit. Sous des formes diverses on en trouve des prémisses chez Marx (voir livre récent d’Yvon Quiniou : « Retour à Marx »), et sous une forme sans doute différente, chez des penseurs marxistes comme Jacques Bidet, probablement chez d’autres…]

      Bidet, Quiniou, Terray… les trois grandes figures du virage des communistes vers les classes moyennes… Désolé, mais je ne partage pas du tout ce genre de tentatives théoriques de marier Marx avec la sociologie – ou, pire, avec la psychanalyse – pour fabriquer une théorie qui, en fin de comptes, ne sert qu’à permettre aux classes moyennes de s’approprier le rôle – et la parole – de la classe ouvrière.

      [Je veux ainsi tenter de comprendre ce que je nomme dans mon long papier « le paradoxe 50/50 » qui est le constat, que chacun peut faire, que dans les pays « avancés » et « démocratiques » (pays occidentaux, dont, encore, la France) la plupart des élections se soldent par des scores voisins de « 50 % + quelque chose », entre « droite » et « gauche », et ceci, plus ou moins alternativement.]

      Je ne vois pas quel est le « paradoxe ». Vous remarquerez d’abord que ce phénomène ne se manifeste pas dans tous les pays et dans tous les scrutins. Là où une majorité relative suffit, les scores ne sont pas, loin de là, « 50/50 ». Ainsi par exemple, en Grande Bretagne, dans l’élection qui porte Thatcher au pouvoir en 1979 les conservateurs n’ont que 43% des voix, les travaillistes 37%, les libéraux 14%. En 1997, Tony Blair l’emporte avec 43%, avec les conservateurs à 31% et les libéraux à 17%.

      En fait, le phénomène auquel vous faites référence est parfaitement naturel et s’explique facilement. Imaginons candidat K qui cherche à gagner les élections dans un système électoral où il lui faut X% pour être vainqueur. Le candidat en question a intérêt à chercher des soutiens pour augmenter son capital électoral jusqu’à dépasser la barre qui lui permet de gagner. Mais il n’a pas intérêt à aller au delà, puisque plus il augmente le nombre de ses soutiens, plus nombreux seront ceux avec qui il devra partager les fruits de la victoire. En d’autres termes, tout candidat a intérêt à « coller » le plus possible au score de 50%. En déça, il a intérêt à élargir son discours, à s’adresser à de nouveaux électeurs avec l’espoir de les conquérir. Au delà, il a intérêt à consolider son acquis mais pas à rechercher de nouveaux électeurs… En Grande Bretagne, où la barre des 40% suffit en général pour vous procurer une majorité à la Chambre des Communes, les partis visent – et aboutissent souvent – à ce chiffre. Là ou l’élection se joue à la majorité, on aboutit à des scores proches de 50%. Voilà le mystère expliqué, sans avoir recours à des théories compliquées…

      [Ce « paradoxe » pose à mon sens un sérieux problème à ceux qui pensent qu’il faut sortir du capitalisme. Et qui pensent aussi que tout ce qu’on appelle réformisme, social-démocratie, etc…n’y parviendra pas (je suis de ceux-là). Pour sortir du capitalisme il faut une transformation profonde de la société, opération qui avait nom autrefois de « révolution » et que (je le regrette, mais qui puis-je ?) on a pris l’habitude de désigner par la formule édulcorée de « transformation sociale ».]

      Je pense que vous faites une erreur fondamentale. Celle de croire que la « sortie du capitalisme » se fera parce que quelqu’un accédera au pouvoir et décrétera que le capitalisme est fini. Mais ce n’est pas ainsi que les choses se passent. Historiquement, les révolutions politiques traduisent une transformation économique. Ce n’est pas la Révolution française qui a dépouillé l’aristocratie du pouvoir pour le donner à la bourgeoisie. C’est parce que la bourgeoisie avait déjà pris de fait le pouvoir que la Révolution a été possible. Et la Révolution n’a fait que traduire dans le droit et dans les institutions une évolution de fait.

      C’est pourquoi lorsque vous écrivez :

      [Le problème, quant à lui, est le suivant : Si ce constat du « paradoxe » est si puissant, il n’y a, en définitive, que deux voies pour abattre le Capital : a) par la conquête du pouvoir par une « minorité agissante » imposant d’une manière ou d’une autre, sa dictature, à la fois à la classe capitaliste et au peuple, dont on sait qu’il n’est pas largement majoritaire, si même il l’est, à vouloir subir cette solution drastique (paradoxe 50/50). b) par une forme de « révolution citoyenne », c’est-à-dire de transformation de la société par les urnes, certainement appuyée par « la rue » (style 1936), dont la première élection de Chavez ou celle d’Allende sont des exemples caractéristiques.]

      vous tombez en fait dans cette illusion qui consiste à croire que la conquête du pouvoir politique pourrait « abattre le Capital ». Non : si le Capital est un jour « abattu », ce sera parce qu’il sera devenu un frein au développement des forces productives, et non parce que ses adversaires auront conquis le « pouvoir ». Un mode de production tombe – c’est là la plus importante conclusion de Marx – du fait de ses contradictions internes, et non du fait de l’action d’une « minorité agissant », de l’action de la rue ou d’une victoire dans les urnes.

      La question du « pouvoir » politique ne se pose donc pas dans une situation révolutionnaire. Qui peut dire à l’avance dans un tel contexte comment se posera la question institutionnelle ? Seulement, les situations révolutionnaires ne se présentent pas tous les jours. Il y en a une tous les deux-trois siècles. La question a se poser n’est donc pas « comment on abat le capital », mais comment on fait de la politique dans un cadre institutionnel qui est ce qu’il est en attendant qu’une situation révolutionnaire se présente.

      Quant à Chavez ou Allende… il ne faut pas se tromper. Allende est la preuve que la conquête du pouvoir politique ne permet pas de « abattre le Capital » lorsqu’il n’y a pas une crise du mode de production lui-même. Quant à Chavez, au delà de la rhétorique « révolutionnaire » ce n’est qu’un « caudillo » populiste comme l’Amérique Latine en a connu des dizaines. Croire que Chavez a « abattu le Capital » est ridicule.

      [Dans ces cas, en somme, on pensait changer la société avec l’accord de la majorité, si elle le voulait, et aussi faible que soit celle-ci, par exemple dans les urnes (c’est la loi de toute élection : une voix d’écart suffit). Il est cependant bien évident que ce rapport de forces ne sera pas facile à maintenir, ou ne donnera pas une légitimité et une force suffisante à elle seule pour changer profondément les choses : il faudra faire avec.]

      Le problème n’est pas là. Pour « changer la société », encore faut-il savoir ce qu’on met à la place. Ceux qui ont essayé « d’abattre le capital » se sont trouvés rapidement avec des économies inefficaces, des productivités faibles, des pénuries. Les régimes du « socialisme réel » n’ont pas été abattus par la force des armes, mais par les désirs de consommation de leurs propres citoyens. Je trouve d’ailleurs très curieux qu’on se concentre toujours sur des débats interminables sur le « comment » on change la société, alors qu’on ne sait toujours pas très bien ce qu’on mettrait à la place de l’existant. Tiens, j’aimerais par exemple savoir comment serait pour vous fixé le prix des biens dans une économie communiste…

      [Si la seule solution est la voie démocratique, donc la construction d’une majorité de 50% + quelque chose, il faut travailler à l’édifier ! Ma conviction est que c’est possible (…)]

      Plus qu’une conviction, cela ressemble à un article de foi. Sur quoi se fonde cette « conviction » ?

      [et toute mon « usine à gaz » visant à faire de la classe révolutionnaire la « classe des exploités en tous genres et de toutes intensités » me parait la seule voie possible pour y arriver.]

      Vous devriez réaliser que votre raisonnement est un raisonnement à rebours. Vous décrétez que « c’est possible », et ensuite vous construisez une théorie qui décrit une réalité virtuelle qui s’ajuste à ce décret. Il faut que les classes moyennes soient exploitées parce qu’autrement votre « conviction que c’est possible » se trouverait prise en défaut… seulement voilà : c’est la théorie qui doit s’ajuster à la réalité, et non l’inverse.

      [Dans cette voie, je pense que le FdG est , avec les partis politiques concernés, l’amorce du chemin à emprunter. Et il est vrai qu’à terme, si on n’arrive pas vite au résultat, il s’agira bien de choisir entre un socialisme et le chaos… Mais le choix sera-t-il encore possible ?]

      Je me méfie des gens qui prétendent enfermer la réflexion dans des alternatives binaires. Non, le choix n’est pas entre « socialisme et chaos ». Il y a d’autres trajectoires possibles. Et d’ailleurs, je ne vois toujours pas en quoi consiste votre « socialisme ». Quant au FdG… si c’est cela « l’amorce du chemin à emprunter »…

  23. adrien dit :

    Bonjour Descartes,

    Une question en passant — je dois avouer que je n’étais pas venu sur votre blog depuis longtemps : que pensez vous du fait que, sur les douze mairies remportées par le FN et ses alliés au dernières municipales, dix l’aient été dans le cadre de triangulaires ou de quadrangulaires, où la prime à la liste arrivée en tête a donné au FN la majorité absolue des sièges, qu’il n’avait pas atteinte en suffrages exprimé ?

    • Descartes dit :

      @ Adrien

      [Une question en passant — je dois avouer que je n’étais pas venu sur votre blog depuis longtemps :]

      Vous avez tort, vous avez tort…

      [que pensez vous du fait que, sur les douze mairies remportées par le FN et ses alliés au dernières municipales, dix l’aient été dans le cadre de triangulaires ou de quadrangulaires, où la prime à la liste arrivée en tête a donné au FN la majorité absolue des sièges, qu’il n’avait pas atteinte en suffrages exprimé ?]

      Toute procédure démocratique est une convention. Il n’y a pas de procédure démocratique qui permette de s’assurer que la décision prise est objectivement la volonté du peuple. Pourquoi exiger une majorité absolue plutôt qu’une majorité simple pour élire le maire ? Et pourquoi ne pas exiger plutôt une majorité des deux-tiers, des trois-quarts ou des quatre-cinquièmes ? Pourquoi un système à deux tours plutôt qu’à un où à trois tours ? Pourquoi un vote indirect plutôt qu’un vote direct ? Chaque système a ses inconvénients et ses avantages, et aucun ne peut prétendre être objectivement plus « démocratique » que les autres…

      En fait, la légitimité d’un système démocratique se juge en général a posteriori : si les représentants élus sont reconnus comme légitimes à l’issue de leur élection, si les citoyens – y compris ceux qui n’ont pas voté pour eux – les acceptent comme tels, si les normes qu’ils font sont appliquées, si les ordres qu’ils donnent sont obéies, alors on peut se dire que le système reflète avec une certaine fidélité la volonté du peuple. Dans les municipalités ou le FN est arrivé en tête d’une triangulaire, la population a reconnu les maires issus de l’élection comme légitimes, et seule une infime minorité a appelé à la désobéissance. J’en déduis que le système ne fonctionne pas si mal.

      Notre système politique actuel a été construit en grande partie en réaction à l’instabilité chronique des régimes d’assemblée de la IIIème et IVème Républiques. Le peuple veut participer aux décisions qui le concernent, certes, mais il se rend aussi compte que participer à des décisions dans un système qui n’a pas la force de les mettre à exécution n’a pas grand intérêt. On est donc prêts à accepter une distorsion dans la représentation pour avoir la garantie que les institutions issues du suffrage seront en mesure de gouverner vraiment. C’est pourquoi le scrutin proportionnel, tant souhaité par certains hommes politiques, ne fait pas recette parmi les citoyens. C’est aussi pour cette raison qu’on a institué cette forme de scrutin majoritaire qui permet à la liste arrivée en tête au deuxième tour de s’assurer une majorité.

      Pour aller plus loin, qu’est ce que vous proposeriez comme système ? En cas de triangulaire, comment répartiriez-vous les sièges ? Et que feriez-vous s’il n’y a pas de majorité au conseil municipal ?

    • AlainBrachet dit :

      Bonjour,
      Pour mieux comprendre votre concept de « classes moyennes » – question que je juge primordiale – j’ai repris la lecture de vos réponses à mes interventions et d’autres adressées à divers intervenants antérieurs.
      Ce retour en arrière m’a permis de mieux me faire une idée de vos « fondamentaux », du moins je l’espère, et de vérifier qu’ils sont très souvent proches des miens. Mais je ne suis pas sûr d’être parvenu à une parfaite compréhension de votre position sur les classes moyennes. Je remets la question sur le tapis, en m’excusant des redites éventuelles.
      « Classes » et « couches », en l’occurrence « moyennes »: Donc, je vous comprenais mal. Pour vous, me semble-t-il, l’ensemble des couches sociologiques moyennes font « classe » au sens de Marx. C’est-à-dire qu’elles constituent une 3ème classe, au côté de la classe capitaliste (les exploiteurs à 100%), de la « classe ouvrière » (les exploités à 100%). A moins que vous les associez au Capital, pour en rester à deux classes. Mais j’écarterais cette hypothèse qui me parait contraire à la réalité décrite par la « loi de la plus-value ». A noter au passage que je pense que le terme de classe ouvrière devrait être aujourd’hui précisé et sans doute remplacé par celui (pas très satisfaisant non plus) de classes populaires, pour prendre en compte les évolutions sociologiques qui se sont développées au 20ème et 21ème siècle (notamment avec la part grandissante prise par les services). Mais cette question de terminologie n’est pas fondamentale si on prend le mot ouvrier dans un sens large (producteur, travailleur salarié ?). Ce qui n’est peut-être pas clairement dit par certains. Je pense à l’utilisation du mot ouvrier par le PCOF : désigne-t-il là l’ouvrier sociologique, la classe ouvrière dans un sens étroit, dans le sens plus large qui est le mien (« synonyme de la classe des exploités en tous genres et toutes intensités »). J’ai l’impression qu’en identifiant une 3ème classe (hypothèse que je retiens pour vous comprendre, sauf, bien sûr, avis contraire de vous) vous rejoignez peu ou prou ce que propose le marxiste Jacques Bidet qui parle: d’une classe capitaliste, d’une « classe fondamentale » assimilable à la classe ouvrière et d’une classe des « experts et compétents », que j’assimile à cette classe moyenne, selon l’acception qui serait la vôtre.
      C’est, à mon sens, un point de divergence entre nous. Je pense que l’introduction de cette 3ème entité va compliquer énormément les choses. Autrement dit, elle est « contre-productive » (pour reprendre un terme à la mode !)
      D’abord, si l’on se réfère à notre définition des classes au sens de Marx (position par rapport à la plus-value), je pense que les couches ouvrières ou populaires sont des « exploités totaux » : leurs revenus (salaires) sont insuffisants pour qu’ils en prélèvent une part significative pour « la placer », par exemple en achetant des actions…ce qui ferait d’eux, partiellement, de tous petits exploiteurs (celui qui possède des actions est un copropriétaire d’un morceau de moyen de production. Il est donc, au moins partiellement, un exploiteur : il prélève sa part, aussi minuscule soit-elle, de plus-value, en proportion de son portefeuille d’actions ! ).
      Dans les couches moyennes, on trouve toute une gradation, entre le bas et le haut, de ces « copropriétaires » de moyens de production. Donc de ces « exploiteurs partiels ». A la limite inférieure de ces couches, ils diffèrent peu de leurs « frères » exploités totaux… Ils pourraient donc tous être assimilables à des « frères de classe ». Et, dans leur grande majorité, ce sont des salariés, donc des « fabricants » de plus-value, donc à ce titre, des « exploités». A la limite supérieure, chez les CSP, et a fortiori chez les CSP+ (pour reprendre une terminologie de sociologue), on retrouve des salariés (donc exploités en conséquence) mais qui bénéficient de sursalaires, de primes, qui peuvent être très prépondérants par rapport à la part de revenus qualifiée de salaires. Ils sont toujours des exploités partiels…à moins que l’on préfère les désigner comme « exploiteurs partiels » ! C’est d’ailleurs là le problème ! (Je développe davantage tout cela dans mon papier de 20 pages en compliquant un peu les choses notamment pour inclure dans cette catégorie d’exploités partiels d’autres catégories sociales, comme les patrons de PME, mais ici je simplifie). Je vous adresse par ailleurs mon papier, et simultanément je sollicite de votre part la référence ou la communication d’un texte qui développerait votre idée.
      Quoiqu’il en soit, pour moi, s’en tenir à deux classes antagonistes est précisément le moyen de ne pas créer une discontinuité de type classe, au sens de Marx, dans le champ complet de ces « exploités partiels de diverses intensités », donc de rendre plus aisée la possibilité de les unir, tout au moins en partie, sachant qu’ils représentent, dans un pays comme la France 80-90 % de la population. Si on se donne pour but d’en mobiliser un nombre suffisant, pour une action concertée de « transformation sociale », on a de meilleures chances d’y parvenir, en mettant en évidence un « commun dénominateur » entre eux (sous la forme d’une fraction d’exploitation partagée) que si on crée des frontières entre eux. Il se trouve que, en raisonnant sur cette base marxienne de la plus-value, support du concept de classe, tel que j’ai tenté de le faire, les choses se présentent d’elles-mêmes et sans contorsion de langage, de meilleure façon, qu’en tentant de manipuler trois classes distinctes a priori portées à être antagonistes. Simplifions-nous donc les problèmes ! Quant à l’hypothèse d’inclure tout ou partie des couches moyennes dans la « classe capitaliste » elle me parait inexacte, par référence a la « loi de la plus-value ».
      J’ai raisonné sur la base d’une analyse concrète, fondée sur la réalité des situations dépeintes par la plus-value. Tout semble baigner à ce niveau ! Le socialisme devrait être là, et s’il n’est pas là, c’est pour demain ! Hélas! Les choses sont plus compliquées ! Ce que l’on a décrit-là, c’est ce que les philosophes nomment la « classe en soi ». Ce qui importe pour que les hommes (homo sapiens !) agissent conformément à cette réalité concrète qui est la leur, c’est d’en prendre conscience. Il s’agit du problème de la « représentation », c’est-à-dire la manière pour ces exploités « en soi » d’appréhender la réalité, de prendre conscience qu’ils sont exploités (ou exploiteurs). C’est ce que les philosophes nomment « la classe pour soi » (en précisant cela je donne une réponse à l’une de vos questions relatives à ces notions de « en soi » ou « pour soi »). Warren Buffet est parfaitement conscient qu’il est exploiteur « en soi » et simultanément « pour soi » ; il n’y a pas chez lui de freins mentaux qui brouilleraient les cartes, comme c’est malheureusement le cas pour tous ces exploités en tous genres : « aliénation », « fétichisme », intérêts concrets, psychologie ou « anthropologie », propagande en tous genres, difficulté à remettre en question une croyance acquise au fil du temps, etc… ! C’est cette prise de conscience qui motive l’action et notamment le vote dans des élections. Il faut le reconnaître : il n’y a pas adéquation entre le « en soi » et le « pour soi » pour la majorité des gens. Ce que l’on peut mesurer par les résultats électoraux dans un pays « démocratique », comme l’est encore (?) le nôtre : les résultats électoraux (présidentielles, législatives, référendums…) entre ce que l’on peut nommer « gauche » (reflet complexe et mitigé de la classe pour soi des « exploités en tous genres et de toutes intensités ») et ce que l’on peut nommer « droite » (reflet complexe et mitigé de la classe pour soi des « exploiteurs totaux » et pour beaucoup, « partiels » du haut de l’échelle) ont bien de la peine à dépasser, dans un sens ou dans l’autre, 50%. J’ai nommé ce phénomène le « paradoxe 50/50 ». Le problème crucial est donc là : comment réussir à rassembler une masse suffisante (supérieure à 50% « d’exploités en tous genres et toutes intensités » pour changer la donne, renverser ce capitalisme prédateur et le remplacer par une autre société plus humaine que, pour simplifier, je nommerai socialisme? Je ne précise pas ici le moyen de renverser : révolution plus ou moins violente (la rue), « révolution citoyenne » essentiellement par les urnes, autres… mais je pense qu’il faut qu’une majorité existe, consciente de l’enjeu, dans tous les cas, pour que cela réussisse.

      Conclusion :
      Je pense que le FdG dans son principe est la solution à développer en France pour l’avenir. Car il est l’embryon à travers le PC et le PG alliés, de l’alliance des « exploités totaux » et « partiels » à construire. Il prépare l’avenir. Il est en somme l’amorce de cette « force politique d’avant-garde des exploités en tous genres du Capital ». Il ne peut réussir cette union forcément majoritaire « en soi » dans un pays comme la France, en dépit de sa faible force actuelle, qu’indépendamment du PS en l’état, même si cela coûte cher pour ses composantes principales (PC et PG). Cela impose un difficile challenge, dont cependant les bases concrètes existent déjà dans ce FdG embryonnaire : renouer avec les couches populaires qui partent ailleurs (le PC, s’il le veut, est là principalement pour ça), donner à la fraction de couches moyennes, non encore intoxiquée par le social-libéralisme auquel est acquis le PS, un débouché crédible (le PG, s’il le veut, est là principalement pour ça). L’emprise croissante (la dynamique de développement) du PC et du PG alliés sincères dans ce but au sein du FdG fera boule de neige et préparera une « transformation sociale », en entrainant une masse de plus en plus accrue d’exploités progressivement convaincus d’une issue crédible de ce côté-là.

    • Descartes dit :

      @Alain Brachet

      [Ce retour en arrière m’a permis de mieux me faire une idée de vos « fondamentaux », du moins je l’espère, et de vérifier qu’ils sont très souvent proches des miens. Mais je ne suis pas sûr d’être parvenu à une parfaite compréhension de votre position sur les classes moyennes. Je remets la question sur le tapis, en m’excusant des redites éventuelles.]

      Ne vous excusez pas. Je pense que c’est un sujet fondamental pour comprendre la société d’aujourd’hui. Je voudrais aussi insister sur un point : je ne prétend pas avoir raison, ni même avoir élaboré une théorie complète et cohérente sur la question. J’explore un certain nombre de pistes, et ma pensée se construit aussi dans la confrontation avec les questions et les objections des autres. Le débat qui a lieu sur ce blog sur cette affaire m’aide à affiner ma pensée, et ne vous étonnez donc pas si elle évolue lentement au fil du temps.

      [« Classes » et « couches », en l’occurrence « moyennes »: Donc, je vous comprenais mal. Pour vous, me semble-t-il, l’ensemble des couches sociologiques moyennes font « classe » au sens de Marx.]

      Pas tout à fait. Il n’est pas possible de construire comme « classe » au sens marxiste « l’ensemble des couches sociologiques moyennes », pour la simple et bonne raison que les membres de l’ensemble formé par les couches moyennes « sociologiques », qui s’étend pour certains de l’ouvrier qualifié en CDI au cadre supérieur, n’occupe pas la même position vis-à-vis du mode de production. Pour construire une « classe moyenne » en tant que « classe » du point de vue marxiste, il faut donc redéfinir celle-ci, en restreignant son étendue aux individus qui occupent une position commune vis-à-vis du mode de production, et qui ont donc des intérêts communs.

      [C’est-à-dire qu’elles constituent une 3ème classe, au côté de la classe capitaliste (les exploiteurs à 100%), de la « classe ouvrière » (les exploités à 100%).]

      Pas tout à fait. Personne n’est « exploité à 100% » (autrement, de quoi vivrait-il ?). Je dirais plutôt qu’il y a des gens qui ne reçoivent qu’une partie sensiblement réduite de la valeur qu’ils produisent (les classes populaires), d’autres qui prélèvent un part significative de la valeur que produisent les autres (la bourgeoisie) et qu’au milieu il doit avoir un groupe qui empoche la presque totalité de la valeur qu’elle produit. C’est cette dernière couche que je caractérise comm « classe moyenne ».

      [A moins que vous les associez au Capital, pour en rester à deux classes.]

      Non, je ne les associe pas. Que les « classes moyennes » soient depuis trente ans les alliées les plus fidèles de la bourgeoisie, c’est une chose. Mais cette alliance est circonstancielle, pas structurelle. Elle peut se briser si la bourgeoisie n’accepte pas de payer la « protection ».

      [A noter au passage que je pense que le terme de classe ouvrière devrait être aujourd’hui précisé et sans doute remplacé par celui (pas très satisfaisant non plus) de classes populaires, pour prendre en compte les évolutions sociologiques qui se sont développées au 20ème et 21ème siècle (notamment avec la part grandissante prise par les services)].

      Je pense que c’est une révision nécessaire, mais pas pour les raisons que vous indiquez. Il ne faut pas mélanger sociologie et économie. La définition d’une classe sociale – au sens marxien du terme – est économique, et non sociologique. C’est pour tenir compte des mutations économiques qu’il faut actualiser la terminologie, et non pour tenir compte de mutation sociologiques.

      [J’ai l’impression qu’en identifiant une 3ème classe (hypothèse que je retiens pour vous comprendre, sauf, bien sûr, avis contraire de vous) vous rejoignez peu ou prou ce que propose le marxiste Jacques Bidet qui parle: d’une classe capitaliste, d’une « classe fondamentale » assimilable à la classe ouvrière et d’une classe des « experts et compétents », que j’assimile à cette classe moyenne, selon l’acception qui serait la vôtre.]

      Oui et non. La vision de Bidet est plus restrictive que la mienne. Il considère une classe des « experts et compétents » alors que pour moi la nature des « capitaux immatériels » qui permettent aux classes moyennes d’échapper à l’exploitation est beaucoup plus large. Un petit commerçant peut être « classe moyenne » pour moi, alors qu’il n’est ni « expert » ni « compétent » au sens de Bidet.

      [C’est, à mon sens, un point de divergence entre nous. Je pense que l’introduction de cette 3ème entité va compliquer énormément les choses. Autrement dit, elle est « contre-productive » (pour reprendre un terme à la mode !)]

      On n’introduit pas des « entités » pour le plaisir. Il me semble clair que l’analyse classique avec deux classes sociales ne permet pas de rendre compte de l’évolution des sociétés contemporaines. Il manque donc à cette construction des catégories qui permettent de penser ces sociétés.

      [D’abord, si l’on se réfère à notre définition des classes au sens de Marx (position par rapport à la plus-value), je pense que les couches ouvrières ou populaires sont des « exploités totaux » : leurs revenus (salaires) sont insuffisants pour qu’ils en prélèvent une part significative pour « la placer », par exemple en achetant des actions…ce qui ferait d’eux, partiellement, de tous petits exploiteurs (celui qui possède des actions est un copropriétaire d’un morceau de moyen de production.]

      Ce que vous énoncez comme une évidence n’en est pas une. On peut être « exploité » au sens marxiste et toucher un excellent salaire, qui laisse un excédent suffisant pour pouvoir se constituer un patrimoine, y compris sous forme d’actions. Sans déflorer un papier que j’essaye d’écrire en ce moment – et qui me donne beaucoup de fil à retordre – je pense que vous faites une confusion très courante dans la gauche entre « exploitation » et « misère ». Cette confusion était facile à faire du temps de Marx, parce qu’avec une productivité faible et une organisation ouvrière naissante, le prélèvement d’une partie de la richesse produite par le capitaliste laissait l’ouvrier à la limite de la survie. Mais avec l’augmentation massive de la productivité et le développement des luttes populaires, cette confusion devient évidente : les « trente glorieuses » ont montré qu’un individu pouvait vivre dans une certaine aisance et se constituer un patrimoine tout en étant « exploité ». Votre thèse sur les « exploités totaux » pose donc un sérieux problème.

      [Dans les couches moyennes, on trouve toute une gradation, entre le bas et le haut, de ces « copropriétaires » de moyens de production. Donc de ces « exploiteurs partiels ». A la limite inférieure de ces couches, ils diffèrent peu de leurs « frères » exploités totaux…]

      La « limite inférieure », vous la définissez comment ? Par le patrimoine ? Par le revenu ? Par le niveau d’éducation ? Par le mode de vie ? Pensez-vous vraiment qu’entre l’artiste qui gagne un SMIC et la femme de ménage qui gagne un SMIC il n’y a pas une différence de classe ?
      Je pense que vous restez sur un vision « sociologique » des classes moyennes, alors que la question est économique. Vous semblez faire abstraction du « capital immatériel » dont certains disposent et d’autres pas. Ce « capital immatériel » permet à certains de négocier avec leur employeur leur salaire et donc d’empocher la totalité – ou en tout cas une très grande partie – de la valeur produite. Pourquoi ne pas compter ce « capital immatériel » au même titre que le capital purement matériel ?

      [Ils pourraient donc tous être assimilables à des « frères de classe ».]

      Non. Et la meilleure preuve, c’est qu’ils ne votent pas pareil, qu’ils ne se syndiquent pas pareil, qu’ils n’ont pas les mêmes rapports avec les institutions, et que d’un manière générale ils ne défendent pas les mêmes intérêts.

      [Et, dans leur grande majorité, ce sont des salariés, donc des « fabricants » de plus-value, donc à ce titre, des « exploités». A la limite supérieure, chez les CSP, et a fortiori chez les CSP+ (pour reprendre une terminologie de sociologue), on retrouve des salariés (donc exploités en conséquence) mais qui bénéficient de sursalaires, de primes, qui peuvent être très prépondérants par rapport à la part de revenus qualifiée de salaires. Ils sont toujours des exploités partiels…à moins que l’on préfère les désigner comme « exploiteurs partiels » !]

      La qualification juridique des différents revenus n’a ici aucune importance. La question essentielle tient dans le rapport entre la valeur qu’on produit – toutes activités confondues – et le revenu qu’on reçoit – là encore, toutes sources confondues. Si je produis plus de valeur que je n’en touche, alors j’ai intérêt à ce que la société soit organisée d’une certaine manière. Si j’en touche plus que je n’en produis, j’ai intérêt à ce qu’elle soit organisée d’une autre. Et si je récupère l’ensemble de la valeur que je produis, mon intérêt sera encore différent. Introduire dans la discussion la terminologie « sociologique » ne fait que créer de la confusion.

      [Je vous adresse par ailleurs mon papier, et simultanément je sollicite de votre part la référence ou la communication d’un texte qui développerait votre idée.]

      Désolé, mais je n’ai rien écrit de tel encore. Vous pouvez suivre l’évolution de ma pensée dans ce domaine en lisant les articles de ce blog. Lorsque je partirai à la retraite, j’aurai peut-être le temps d’écrire un véritable texte théorique sur la question, avec toute la documentation que cela exige. Pour le moment, je suis désolé, je me vois réduit à agir en amateur…

      [Quoiqu’il en soit, pour moi, s’en tenir à deux classes antagonistes est précisément le moyen de ne pas créer une discontinuité de type classe, au sens de Marx, dans le champ complet de ces « exploités partiels de diverses intensités », donc de rendre plus aisée la possibilité de les unir, tout au moins en partie, sachant qu’ils représentent, dans un pays comme la France 80-90 % de la population.]

      Puisque vous y êtes, pourquoi ne pas décider qu’il n’existe qu’une seule classe ? Comme ça, vous évitez toute « discontinuité », et pouvez vous consacrer à « unir » 100% de la population…

      Ce que vous exposez, c’est un exemple caricatural de théorie ad hoc, c’est à dire, d’une théorie construite non pas pour modéliser une réalité, mais pour aboutir à un résultat prédéterminé par une nécessité militante. Cette manière de procéder est à terme suicidaire, parce qu’elle incite à raisonner à rebours : au lieu d’examiner la réalité telle qu’elle est, on se construit une « réalité virtuelle » compatible avec la réalité souhaitée. Vous n’arriverez pas à « unir » le prolétariat et les « classes moyennes », tout simplement parce qu’ils ont des intérêts opposés. Et croire qu’il suffit de décréter qu’il n’existe que deux classes pour que cette opposition disparaisse magiquement c’est se bercer de douces illusions.

      [Si on se donne pour but d’en mobiliser un nombre suffisant, pour une action concertée de « transformation sociale », on a de meilleures chances d’y parvenir, en mettant en évidence un « commun dénominateur » entre eux (sous la forme d’une fraction d’exploitation partagée) que si on crée des frontières entre eux.]

      Encore une fois, on ne construit pas une théorie politique sur la base d’un « but » à atteindre. Si cela pouvait marcher, il suffirait de décider que burgeoisie et prolétariat n’en font plus qu’un. On pourrait alors « mobiliser » le 100% de la population.

      Une théorie politique doit partir de l’analyse du réel. Elle doit créer les concepts et les objets qui permettent de modéliser ce réel, et donc de faire apparaître les lignes de fracture, les oppositions d’intérêts, les contradictions. Mais ces fractures, ces oppositions, ces contradictions ont une existence réelle, c’est à dire, indépendante de l’observateur. Imaginer que parce que l’observateur se bouche les yeux le réel disparaît est une position digne de certains oiseaux au long cou et au cerveau minuscule. Le choix de penser trois classes au lieu de deux n’est pas un choix arbitraire : il dérive du fait que le modèle traditionnel avec deux classes sociales n’arrive pas, ou plus, à expliquer certaines évolutions.

      [Il se trouve que, en raisonnant sur cette base marxienne de la plus-value, support du concept de classe, tel que j’ai tenté de le faire, les choses se présentent d’elles-mêmes et sans contorsion de langage, de meilleure façon, qu’en tentant de manipuler trois classes distinctes a priori portées à être antagonistes.]

      Le problème, c’est qu’en raisonnant sur deux classes seulement, vous n’arrivez pas à expliquer pourquoi un groupe social numériquement de plus en plus important, qui selon votre théorie serait l’allié naturel de la classe ouvrière, et qui est le plus éloigné en théorie de l’aliénation capitaliste puisqu’il a accès privilégié au savoir et à al culture, se trouve depuis presque un demi-siècle appuyer les politiques néo-libérales et anti-populaires.

      Encore une fois, une théorie politique ne sert à rien si elle ne modélise pas le réel.

      [Simplifions-nous donc les problèmes !]

      Cette injonction est très révélatrice de votre démarche de négation du réel. On ne peut « simplifier les problèmes », tout simplement parce que c’est le réel qui nous les pose. On peut à la rigueur simplifier la formulation du problème, mais pas le problème lui-même. Et lorsqu’on formule simplement un problème complexe, on risque toujours le schématisme.

      [Quant à l’hypothèse d’inclure tout ou partie des couches moyennes dans la « classe capitaliste » elle me parait inexacte, par référence a la « loi de la plus-value ».]

      « Inexacte » ? Ou plutôt contraire au « but » que vous vous êtes fixé ? Imaginons que cette affirmation vous aidait à « mobiliser un nombre suffisant pour une action concertée de transformation sociale ». Serait-elle toujours aussi « inexacte » ?

      [Ce qui importe pour que les hommes (homo sapiens !) agissent conformément à cette réalité concrète qui est la leur, c’est d’en prendre conscience. Il s’agit du problème de la « représentation », c’est-à-dire la manière pour ces exploités « en soi » d’appréhender la réalité, de prendre conscience qu’ils sont exploités (ou exploiteurs).]

      Faut tout de même pas exagérer. Il y a une dialectique entre les deux notions. Avant de « prendre conscience » du fait qu’on est exploité, encore faut-il l’être.

      [Warren Buffet est parfaitement conscient qu’il est exploiteur « en soi » et simultanément « pour soi » ; il n’y a pas chez lui de freins mentaux qui brouilleraient les cartes, comme c’est malheureusement le cas pour tous ces exploités en tous genres : « aliénation », « fétichisme », intérêts concrets, psychologie ou « anthropologie », propagande en tous genres, difficulté à remettre en question une croyance acquise au fil du temps, etc… !]

      Mais à votre avis, comment Buffet a acquis cette « conscience » ? Pourquoi est-il insensible à l’aliénation, au fétichisme, à la propagande ? Comment est-il arrivé à « remettre en question les croyances acquises au fil du temps » ?

      Malheureusement, introduire une séparation trop radicale entre la « classe en soi » et la « classe pour soi » conduit à vider le marxisme de tout intérêt en tant que fondement d’une théorie politique. Si en dernière instance ce qui détermine le vote ou les positionnements politiques n’est pas la position objective dans le mode de production – i.e. la « classe en soi » – mais la perception subjective déconnectée de la réalité matérielle, alors la question des classes sociales et de leurs intérêts n’a plus de place dans le débat politique. C’est pourquoi je ne comprends plus lorsque, alors que votre souci est de toute évidence politique, vous énoncez que « il n’y a pas adéquation entre le « en soi » et le « pour soi » pour la majorité des gens ». Si tel est le cas, alors ce n’est pas la peine de continuer à fonder une politique sur des débats sur les classes « en soi ». A quoi bon débattre pendant des heures pour savoir si les classes moyennes, le prolétariat ou la bourgeoisie existent et quels sont leurs rapports matériels, puisque cela n’a aucun poids dans les choix politiques ?

      Si les outils de l’analyse marxiste ont encore un pertinence, c’est parce que la « classe en soi » et la « classe pour soi » ne sont pas des concepts autonomes, mais entretiennent un rapport dialectique très étroit. Je ne partage nullement votre idée que « il n’y a pas adéquation entre le « en soi » et le « pour soi » pour la majorité des gens ». Je pense au contraire que l’immense majorité des exploités a parfaitement conscience de l’être. Que cette conscience ne soit pas aussi complète et aussi intellectuelle que vous le voudriez, c’est un autre probleme.

      [Ce que l’on peut mesurer par les résultats électoraux dans un pays « démocratique », comme l’est encore (?) le nôtre : les résultats électoraux (présidentielles, législatives, référendums…) entre ce que l’on peut nommer « gauche » (reflet complexe et mitigé de la classe pour soi des « exploités en tous genres et de toutes intensités ») et ce que l’on peut nommer « droite » (reflet complexe et mitigé de la classe pour soi des « exploiteurs totaux » et pour beaucoup, « partiels » du haut de l’échelle) ont bien de la peine à dépasser, dans un sens ou dans l’autre, 50%.]

      Là, vraiment, je ne vous comprends plus du tout. Qu’est ce qui vous permet de dire que la « gauche » serait le reflet de la « classe pour soi » des « exploités en tous genres et de toutes intensités » ? Nous avons vu la « gauche » à l’œuvre. Sur les trente années qui vont de 1981 à 2002, elle aura gouverné la moitié du temps. Pensez-vous que les « exploités de tous genres » y aient beaucoup gagné ? La « gauche », pas plus que la « droite », ne représente les intérêts des exploités. Le fait que ces derniers se détournent de l’une comme de l’autre devrait au contraire vous apparaître comme une expression de la « classe pour soi » et d’une prise de conscience du fait qu’il n’y a rien à attendre d’organisations politiques qui, chaque fois qu’elles ont eu le pouvoir, ont avancé les intérêts des mêmes groupes sociaux.

      [J’ai nommé ce phénomène le « paradoxe 50/50 ».]

      Je vous ai déjà montré que ce « paradoxe » n’existe pas. Le fait que dans une démocratie on aboutisse à un résultat proche du 50/50 tient en fait à l’atomisation politique et au fonctionnement du système électoral. Dans un système majoritaire, et alors qu’aucun groupe d’intérêt ne peut réunir à lui seul 50% des voix, chaque groupe d’intérêt est obligé de faire des concessions pour capter des voix supplémentaires. Et il continuera à faire des concessions jusqu’à arriver à la barre fatidique des 50%, puisqu’un fois arrivé à la majorité il n’a plus aucun intérêt à continuer à partager le gâteau. C’est un résultat bien connu de la théorie des jeux.

      [Le problème crucial est donc là : comment réussir à rassembler une masse suffisante (supérieure à 50% « d’exploités en tous genres et toutes intensités » pour changer la donne, renverser ce capitalisme prédateur et le remplacer par une autre société plus humaine que, pour simplifier, je nommerai socialisme?]

      Je suis toujours surpris de ces bouffées d’idéalisme dans quelqu’un qui se pose comme matérialiste. Si vous croyez que les gens – quelque soit leur classe, d’ailleurs – sont prêts à sacrifier les conditions matérielles de leur existence pour une « société plus humaine », vous vous fourrez le doigt dans l’œil. Le problème, ce n’est donc pas seulement de « rassembler une masse suffisante » pour renverser le capitalisme et le remplacer par une société « plus humaine », mais de construire une conception de « société plus humaine » qui soit compatible avec un haut niveau matériel. Il faut apprendre de l’expérience des « socialismes réels ». Leur chute est d’abord et avant tout liée à un échec économique. La victoire du capitalisme s’est joué dans sa capacité à offrir – y compris aux exploités – un haut niveau de vie par le biais d’une productivité sans cesse améliorée. La défaite du « socialisme réel » s’est jouée dans son incapacité à améliorer la productivité, et donc à devoir redistribuer la pénurie. Que cette distribution ait été plus « juste » est pour moi un fait. Mais la justice ne suffit pas. Lorsque les exploités français vivent mieux que les ouvriers soviétiques, il y a un problème.

      Vous persistez par ailleurs à vouloir mettre parmi les « exploités de toutes intensités » des gens qui ne sont pas, à strictement parler, exploités. Des gens qui, par divers mécanismes, jouissent d’une valeur supérieure à celle qu’ils produisent eux-mêmes par leur travail. Et ces gens ont tout à craindre d’une société « plus humaine » si cela veut dire redistribuer aux producteurs la valeur produite. Ces gens-là ne voteront jamais pour une alternative qui pourrait « changer la donne ».

      [Conclusion : Je pense que le FdG dans son principe est la solution à développer en France pour l’avenir.]

      C’est une « conclusion » ou une hypothèse ?

      [Car il est l’embryon à travers le PC et le PG alliés, de l’alliance des « exploités totaux » et « partiels » à construire. Il prépare l’avenir.]

      C’est une solution d’avenir et qui le restera, comme aurait dit mongénéral. Mais soyons sérieux un instant. On est dans la figure classique du gauchisme, celle de l’union entre les ouvriers et les classes moyennes. Avec une division du travail très précise : les ouvriers sont priés de rester sagement à leur place, et de dire « amen » à ce que les avant-gardes éclairées ont conçu pour eux. Par ces biais les classes moyennes – pardon, les « exploités partiels » – confisquent la légitimité du combat ouvrier à leur profit. Et le FdG porte cette posture jusqu’à la caricature. Rien qu’un exemple, voici le texte de l’affiche que le FdG est en train de coller dans Paris, et qui figure sur le site du PG : « PMA, familles, genre, austérité, FN… les reculs de Hollande nous mettent en danger ». Pensez-vous vraiment que les sujets choisis et l’ordre dans lequel ils sont mis reflètent un souci de prendre en compte les préoccupations des « exploités totaux » ? A votre avis, à quel niveau de priorité si situe pour eux la question du « genre » ?

      [Il est en somme l’amorce de cette « force politique d’avant-garde des exploités en tous genres du Capital »].

      Bof.

      [Il ne peut réussir cette union forcément majoritaire « en soi » dans un pays comme la France, en dépit de sa faible force actuelle, qu’indépendamment du PS en l’état, même si cela coûte cher pour ses composantes principales (PC et PG).]

      Ces discussions tactiques sont certainement très intéressantes pour les notables des partis en question, mais pour le reste du monde présentent un intérêt négligeable. Avant de discuter des alliances, il serait peut-être utile d’avoir un projet crédible à défendre. Or, c’est cela qui manque cruellement au FdG. On sort des élections européennes. Une élection sans véritable enjeu qui puisse enfermer l’électeur dans le vote utile. Une élection à la proportionnelle, qui ne pousse donc pas à l’alliance de circonstance. Et que constate-t-on ? Que le FdG fait un score médiocre, alors que l’impopularité du PS et la déliquescence de l’extrême gauche aurait du lui ouvrir un boulevard à gauche. Avant de se poser la question des alliances, n’y a-t-il pas des questions à se poser sur le projet et sa crédibilité ?

      [Cela impose un difficile challenge, dont cependant les bases concrètes existent déjà dans ce FdG embryonnaire : renouer avec les couches populaires qui partent ailleurs (le PC, s’il le veut, est là principalement pour ça),]

      Je vois mal où sont les « bases concrètes » du FdG pour « renouer avec les couches populaires ». Si le PCF savait comment faire ça, il n’aurait pas besoin du Front de Gauche pour faire semblant d’exister.

      [L’emprise croissante (la dynamique de développement) du PC et du PG alliés sincères dans ce but au sein du FdG fera boule de neige et préparera une « transformation sociale », en entrainant une masse de plus en plus accrue d’exploités progressivement convaincus d’une issue crédible de ce côté-là.]

      On peut toujours rêver. Et pendant ce temps, le FN…

    • Brachet Alain dit :

      Bonjour,
      Un petit mot avant d’en dire plus ultérieurement.
      Je vous remercie pour avoir tenté de publier mon long texte ci-dessus…qui,d’ailleurs, n’arrive pas à être repris en entier! Il est beaucoup trop long et ,en fait, n’est pas adapté à la pratique de votre blog que je ne connaissais pas, quand je vous l’ai adressé. Je vois mieux comment échanger désormais. Nos dernières discussions sont bien adaptées au but poursuivi, comme il en est de même avec les autres intervenants. Je vais donc continuer selon ces modalités-là et ne verrai aucune brimade de votre part si vous retiriez mon grand texte du blog… de toutes façons, dans mes interventions futures, je reprendrai sûrement des idées de mon texte (mais en plus concis!). Pour l’instant, je réfléchis à tout ce que vous m’avez dit et je vais poursuivre le dialogue, sur ce sujet…si vous n’y voyez pas d’inconvénient?
      Cordialement.

    • Brachet Alain dit :

      Bonjour,
      « Je ne prétends pas avoir raison, ni même avoir élaboré une théorie complète et cohérente sur la question (il s’agit de notre débat sur les couches moyennes et classes moyennes). J’explore un certain nombre de pistes et ma pensée se construit aussi dans la confrontation avec des questions et objections des autres. Le débat sur ce blog m’aide à affiner ma pensée et ne vous étonnez pas si elle évolue au fil du temps ». Je mets en exergue cette citation tirée de votre réponse à mon dernier commentaire : elle est valable, je pense, pour tout le monde… Je reviens dans cet esprit sur nos réflexions croisées sur le sujet. Pour bien faire, il aurait fallu que je procède comme vous dès le début, en reprenant au fur et à mesure les points particuliers sur lesquels j’ai quelques commentaires. Je ne l’ai pas fait et il est un peu tard pour tout reprendre à zéro…d’autant que j’avais comptabilisé au total plus de 40 points de ce type !
      J’en reprends tout de même 3 aujourd’hui qui m’ont plus spécialement « interpellé » (comme on dit). Mais, si vous n’y voyez pas d’inconvénients, je reprendrai plus tard une réflexion générale sur le thème considéré. Nous sommes en effet d’accord sur l’importance de ce problème, dans le monde et la France d’aujourd’hui : les classes populaires et moyennes et leur éventuelle union pour changer les choses.
      « Raisonnement à rebours » : Vous me dites que je fais un raisonnement à rebours, en partant en somme de ce que je voudrais obtenir (une union des plus déshérités ou plutôt de ce que je nomme « les exploités totaux et partiels ») en cherchant à adapter la réalité à mon but. Mes raisonnements, fondés sur la « plus-value » au sens de Marx, me semblent décrire une réalité, qu’on la prenne « à rebours » ou, sans parti pris, en observant le monde tel qu’il est, et en enregistrant ses caractéristiques objectives (selon évidemment une méthodologie s’inspirant de Marx).
      Mais je suis d’accord : dans ma réflexion, je suis parti du but à atteindre. Puis, en regardant la réalité, je constate qu’elle peut se couler dans un moule favorable. Il n’y a pas lieu de s’en plaindre ! Peu importe le cheminement de pensée… pourvu qu’il mène à quelque chose d’utile (ce qui reste évidemment à démontrer!)
      Je pense d’ailleurs que tous les grands penseurs politiques tel que Marx, Engels, Lénine (je ne m’inclue pas dans le lot, mais je tente -modestement – de les imiter !) ont sûrement procédé à rebours. Ils étaient sincèrement ulcérés par l’injustice de la société capitaliste (après celles du servage, de l’esclavage) et ils ont cherché (et trouvé, notamment Marx) les raisons de cette « horreur ». Je ne suis pas sûr que Marx, prenant le problème « à l’endroit », aurait dégagé la théorie révolutionnaire qui a été la sienne. Il a certainement fait preuve de volontarisme en la matière ; il était animé par des impératifs de type moral (ce que je nomme « le cœur »). Ce qui lui a fermé les hautes sphères, notamment universitaires de son temps, et l’a réduit à une vie presque misérable, dans laquelle il a pu survivre, notamment avec l’aide d’un patron de PME charitable de l’époque (Engels) !…
      Je suis donc d’accord avec vous…mais je persiste à prendre les choses à rebours ! Je me demande d’ailleurs si vous ne faites pas de même, quant au fond?… Sinon, pourquoi se passionner pour ces questions ?
      Pourquoi les classes moyennes sont-elles toujours avec la bourgeoisie ? : « Pourquoi ces classes qui ont un meilleur accès à l’éducation, à la culture, seraient-elles plus « aliénées » que les classes populaires ? » C’est évidemment la question de fond sur laquelle je compte revenir.
      Mais je pense que la vision globalisante qui vous fait mettre dans « un même sac » toutes les variétés, pourrait-on dire, d’ « exploités partiels » ou couches moyennes (j’utilise ici ma terminologie) ferme des possibilités d’action. Aujourd’hui, avec l’extension mondialisée et financiarisée du Capital, qui détruit tout une série de « valeurs » altruistes, humanistes, « pour ne laisser que celle du paiement au comptant », que celles de l’égoïsme, de la lutte de tous contre tous, etc… les couches moyennes sont effectivement « aliénées » autant que les couches populaires, mais de façon différente. Elles tendent à épouser ces « valeurs » de la classe des puissants, et à trouver normal l’exploitation menée par ceux-ci, car elles sont de plus en plus acquises à l’idée que c’est ainsi qu’elles récolteront une part de la plus-value accaparée par le Capital. La crise, la fin des énergies conventionnelles, le réchauffement climatique, et surtout l’enrichissement toujours plus grand des puissants, dans un monde fini, est menaçant pour les catégories populaires, aussi bien que moyennes : ces dernières pensent tirer leur épingle du jeu le mieux possible, en acceptant que d’autres (les exploités moins nantis qu’eux) soient maintenus dans leur rôle de fournisseurs principaux de plus-value. Dans beaucoup des fonctions qu’ils occupent, ils participent à l’opération. Mais une fraction d’entre eux, devenue à coup sûr plus faible de nos jours, pour des raisons diverses mais dans lesquelles je suis persuadé qu’il y a une part de ce que je nomme « anthropologie » ou psychologie ou, en langage plus imagé, le « cœur », conforté par la raison (j’y reviendrai) en est venue à assumer une nécessaire alliance avec les couches populaires. Je précise au passage que je pense faire partie de cette fraction. Il faut faire croitre celle-ci au point qu’elle soit majoritaire en regard de celle qui reste frileusement ou, en toute connaissance de cause, alliée à l’exploiteur. S’il est difficile de changer l’homme, faire d’un égoïste libéral, un altruiste révolutionnaire, il se trouve que ceux qui se disent pragmatiques pour légitimer leur allégeance au Capital, le seront encore si le vent tourne : ils se décideront pour beaucoup à suivre le vent. Ce qui n’en fait pas des combattants forcément sincères et fiables de la nouvelle donne. Il faudra donc que les révolutionnaires soient sur leur garde. Mais on progressera… En un sens, l’histoire de l’URSS a matérialisé un tel phénomène : les oligarques libéraux actuels proviennent pour beaucoup (sinon tous ?) des sphères dirigeantes de l’état soviétique où ils avaient accédé en pragmatiques…plutôt qu’en révolutionnaires sincères et convaincus! On connait donc maintenant bien la musique, il faudra veiller à ne pas y retomber ! Donc, au départ il nous faut compter plutôt sur des « incorruptibles » conscients, pour amorcer le mouvement… ensuite, il faudra créer ou sélectionner encore des « incorruptibles » non moins conscients, pour poursuivre l’expérience, et éviter les retours en arrière. Ce n’est pas une petite affaire ! Il faut y croire et s’y employer ! A mon petit niveau… j’y crois. Parti-classe : Vous évoquez un peu ironiquement ce concept. Personnellement je n’en connaissais pas l’existence. S’il s’agit de ce que je nomme « classe des exploités en tous genres et toutes intensités », je ne récuse pas ce terme bien qu’il ait une connotation quelque peu démagogique, et un contenu exact que j’ignore… et qui peut cacher autre chose. En particulier, je ne suis pas sûr que sous ce concept ne se dissimuleraient pas les idées « mouvementistes » du PC actuel, dans sa quête d’un « élargissement du FdG » destiné, je le crains, à en évacuer le fondement essentiel pour moi d’une alliance de classe entre couches populaires et couches moyennes ou, tout au moins, dans un premier temps, avec la partie de celles-ci qui est acquise, dès maintenant, à cette union…ce qui n’était pas le cas de l’Union de la Gauche au temps de Mitterand, lequel voyait dans cette machinerie le moyen de détruire le PC, en tant que « parti de la classe ouvrière » qu’il était ( bien davantage qu’aujourd’hui !). Dans l’union à construire, les deux « sous-classes » que sont les « populaires » et les « moyennes », représentées respectivement et principalement par les partis politiques PC et PG, doivent être indissociables, alliées dans un respect mutuel sincère, parce que conscient. Leur alliance, c’est le Front de Gauche, cartel de ces deux forces principales, à développer de concert et dans l’union. Cela exclut en l’état le PS qui a fait aujourd’hui alliance avec le Capital et que le FdG doit supplanter à terme. Ce qui implique évidemment que ces « frileux » et ces « pragmatiques » cités plus haut, dans le rapport de forces qu’il faut établir au profit du FdG, prenne le dessous. Alors, s’il y a dans la longue cohorte des partis politiques et des organisations du « mouvement social » qui constitueront ce FdG majoritaire un petit (Allez ! Ne soyons pas mesquins !) un moyen PS « frondeur »… ce n’en sera que mieux ! Et s’il reste à l’extérieur un autre « moyen PS canal historique », fidèle à Hollande, Mitterrand, Delors et quelques autres…on fera avec (ou plutôt sans !)
      « Ca ne marchera pas »: « Chaque fois que le FdG cherche à faire plaisir aux classes moyennes…il s’éloigne des couches populaires ». Je ne vous suis pas sur ce pronostic. L’alliance à mettre en œuvre, comme ci-dessus évoquée, doit précisément avoir pour ardente obligation de conduire ensemble, et en toute connaissance de cause, le mouvement dans une union sincère, parce qu’inscrite dans la structure de la « classe des exploités en tous genres », dans la « nature des choses », comme disait De Gaulle. C’est une condition sine qua non, qui n’est malheureusement pas comprise actuellement par le PC, qui veut faire cavalier seul et, essentiellement pour cette raison, par le PG qui veut échapper à ce piège, en cherchant d’autres alliances indépendantes du FdG en l’état, pour faire davantage de poids (en l’occurrence alliance avec les Verts). Son opportunisme en la matière tient beaucoup au fait qu’il n’est pas acquis à la pensée de Marx, à la lutte des classes comme donnée essentielle, incontournable. Je pense que l’un et l’autre font erreur et s’en mordront les doigts (malheureusement, nous aussi !)… ce qui est déjà à l’œuvre, puisqu’ils stagnent et se font coiffer au poteau par le FN, sur de nombreux points, dont celui, pas négligeable, de l’audience auprès des couches populaires !
      « L’illusion de croire que la conquête du pouvoir politique pourrait abattre le capitalisme » : Je n’ai pas cette illusion. Mais je pense qu’une voie crédible aujourd’hui pour changer les choses passe, qu’on le veuille ou non, par cette conquête du pouvoir d’état. C’est une étape qu’il faudra de toutes façons franchir, avec toujours le risque, si l’on s’y prend mal, d’échouer in fine. Mais s’affranchir de la conquête du pouvoir, même en invoquant Marx et le communisme final où il voyait un effacement de l’état, est une illusion.
      Quelques arguments à l’appui de cette « hypothèse de travail », qui est celle, avec diverses contorsions, du FdG. Il s’agit de la « révolution citoyenne » chère au PG, et sur laquelle le PC ne se prononce d’ailleurs pas clairement, mais que son comportement électoraliste accrédite dans le flou.
      Même si l’URSS n’a vécu que 70 ans…elle a pu pousser cette expérience à partir du moment où le PCb a eu le pouvoir d’état. Corrélativement, l’existence de cet état « socialiste » a déchaîné le capitalisme mondial : c’est bien qu’il le redoutait. D’ailleurs, il a remis ça dès lors qu’en Espagne (1936) est apparu une république aux allures révolutionnaires. De même avec Allende, Nasser, Ho Chi Minh, Chavez, et plus récemment les « révolutions arabes »… Peut-on ignorer l’avertissement (sans frais ?) que le capitalisme nous donne ainsi? Et quand on n’est pas sûr de son coup, n’est-ce pas faire preuve de prudence, que de prendre, faute de mieux, le contre-pied de ce qui est la démarche du Capital ?
      Quelle autre voie pour changer de régime ? La « rue », la grève générale, c’est-à-dire la manifestation brutale d’une force populaire auparavant latente mais non exprimée au grand jour ? Sans doute, mais l’expérience montre qu’un tel déclenchement inattendu n’assure pas facilement le succès : mai 68, les révolutions arabes encore… Pour accroitre les chances de succès d’un tel mouvement, il faut que des forces politiques organisées et puissantes existent, pour reprendre en main, si l’on peut dire, l’événement déclencheur et assurer son débouché. Là encore, mai 68 qui est survenu dans une société où les forces politiques (le PC, pourtant encore fort) ne s’y étaient pas préparées, a échoué. On peut en dire probablement de même pour les « révolutions arabes »… Laisser le champ libre à l’improvisation, même si elle vient du peuple révolté, ne garantit pas le succès.
      En conclusion pour cet aspect: il ne semble pas qu’un mai 68 soit dans l’air, malgré les coups portés par le Capital, aidé par une fraction importante de ces couches moyennes, plutôt hautes. Le désarroi des moins nantis peut peut-être conduire à un mouvement social important et inattendu (ce qui me parait tout de même peu probable pour l’instant). Si cela survenait, la faiblesse des relais politiques (le FdG en l’occurrence) serait catastrophique … C’est donc bien de ce côté-là que l’effort est à faire. Il faut que cet embryon de FdG s’étoffe numériquement, et pour cela qu’il ait une ligne politique crédible de transformation pouvant unir les victimes de tous niveaux (précisément la « classe des exploités en tous genres et toutes intensités »). En disant cela j’utilise une fois de plus ma terminologie, mais, dans cette union à construire, le concept que vous utilisez convient tout autant, car il ya bien deux sous-ensembles assez disjoints à unifier. Le FdG doit devenir « l’avant-garde éclairée de ces exploités en tous genres ». Ce qui signifie évidemment que ses composantes principales (PC et PG) voient les choses de cette façon !… Cela reste malheureusement la grande inconnue…

    • Descartes dit :

      @ Brachet Alain

      [Pour l’instant, je réfléchis à tout ce que vous m’avez dit et je vais poursuivre le dialogue, sur ce sujet…si vous n’y voyez pas d’inconvénient?]

      Aucun inconvénient, bien entendu. Vous êtes toujours le bienvenu ici.

    • Descartes dit :

      @ Alain Brachet

      [« Raisonnement à rebours » : (…) Mais je suis d’accord : dans ma réflexion, je suis parti du but à atteindre. Puis, en regardant la réalité, je constate qu’elle peut se couler dans un moule favorable. Il n’y a pas lieu de s’en plaindre ! Peu importe le cheminement de pensée… pourvu qu’il mène à quelque chose d’utile (ce qui reste évidemment à démontrer!)]

      Pas tout à fait. Qu’un raisonnement fait « à rebours » puisse par un heureux hazard tomber juste, c’est possible. Mais le problème n’est pas que votre raisonnement soit « à rebours », c’est que votre argument l’est. Dire, « le monde est comme ci ou comme ça parce que c’est la seule manière de pouvoir rassembler les gens sur tel ou tel objectif » est un argument sans valeur. La réalité ne s’adapte pas pour nous faire plaisir.

      J’insiste. Il est très dangereux de partir d’un objectif et ensuite chercher dans le réel les éléments qui permettent de le justifier. Cela peut se comprendre dans le débat électoral, quand il s’agit de galvaniser les troupes, mais il faut être conscient que ce genre de méthode tue toute réflexion véritable puisqu’elle renverse la logique : c’est le but qui devient « sacré », et non les faits.

      [Je pense d’ailleurs que tous les grands penseurs politiques tel que Marx, Engels, Lénine (je ne m’inclue pas dans le lot, mais je tente -modestement – de les imiter !) ont sûrement procédé à rebours. Ils étaient sincèrement ulcérés par l’injustice de la société capitaliste (…)]

      Qu’est ce qui vous fait dire ça ? Je ne connais aucun écrit théorique de Marx, d’Engels ou de Lénine ou ces auteurs soutiennent qu’il faut que la réalité soit telle ou telle pour leur permettre d’aboutir à une conclusion prédéfinie. Si ces gens là sont grands, c’est précisément parce que, ulcérés par la société capitaliste, ils ont d’abord cherché à la comprendre, avant de prétendre la changer. La faiblesse de ce qui aujourd’hui passe pour « pensée » dans la gauche, c’est précisément qu’on suit le chemin inverse : on condamne d’abord, on cherche à comprendre ensuite. Et du coup on est enfermé, puisque la « compréhension » ne saurait contredire la condamnation de départ…

      [ (…) (après celles du servage, de l’esclavage) et ils ont cherché (et trouvé, notamment Marx) les raisons de cette « horreur ». Je ne suis pas sûr que Marx, prenant le problème « à l’endroit », aurait dégagé la théorie révolutionnaire qui a été la sienne. Il a certainement fait preuve de volontarisme en la matière ; il était animé par des impératifs de type moral (ce que je nomme « le cœur »). Ce qui lui a fermé les hautes sphères, notamment universitaires de son temps, et l’a réduit à une vie presque misérable, dans laquelle il a pu survivre, notamment avec l’aide d’un patron de PME charitable de l’époque (Engels) !…]

      Je ne crois pas qu’il ait été animé par des impératifs « de type moral ». Ni qu’il aurait souscrit à votre qualificatif de « horreur ». Marx avait certainement, comme tout être humain, des préjugés sur ce qui était « bien » ou « mal ». Mais dans son travail d’analyse, il a su s’extraire de ces préjugés. Et je ne vois absolument pas ce qui vous conduit à penser que Marx ou Lénine auraient pu raisonner « à rebours ». Je ne connais pas – mais je ne prétend pas à une connaissance approfondie de l’œuvre marxienne – de texte qui aille dans ce sens. Pourriez-vous m’en indiquer un ?

      [Je suis donc d’accord avec vous…mais je persiste à prendre les choses à rebours ! Je me demande d’ailleurs si vous ne faites pas de même, quant au fond?… Sinon, pourquoi se passionner pour ces questions ?]

      Par passion de la connaissance pure, peut-être ? Je trouve votre question déroutante : on peut se passionner pour la connaissance par le plaisir tout simple de comprendre comment un mécanisme fonctionne. Un ingénieur peut éprouver un grand plaisir à dominer la résistance des matériaux et à construire un pont en suivant ses principes. Et s’il raisonnait à rebours, le résultat serait nettement moins satisfaisant…

      [Pourquoi les classes moyennes sont-elles toujours avec la bourgeoisie ? : « Pourquoi ces classes qui ont un meilleur accès à l’éducation, à la culture, seraient-elles plus « aliénées » que les classes populaires ? » C’est évidemment la question de fond sur laquelle je compte revenir.]

      Pourquoi les classes moyennes sont-elles (presque) toujours avec la bourgeoisie ? Et bien, parce que la bourgeoisie est généralement suffisamment intelligente pour les acheter. Dans une société démocratique, la bourgeoisie a besoin d’alliés. Elle ne peut pas passer en force sans faire des dégâts coûteux pour elle-même. Dans d’autres contextes – le pacte « gaullo-communiste », pour ne donner qu’un exemple – la bourgeoisie a préféré retourner une partie de la plusvalue à la classe ouvrière, pour avoir la paix. Dans le contexte d’aujourd’hui, entre une classe moyenne qui domine le champ des idées et possède un capital considérable, et une classe ouvrière à qui l’ouverture des frontières a enlevé une bonne partie de son poids politique, le choix est vite fait. La bourgeoisie s’appuie donc sur la classe qui lui est la plus proche en termes d’intérêts…

      [Mais je pense que la vision globalisante qui vous fait mettre dans « un même sac » toutes les variétés, pourrait-on dire, d’ « exploités partiels » ou couches moyennes (j’utilise ici ma terminologie) ferme des possibilités d’action.]

      Certainement. Mais je ne peux que constater les faits. Une fois encore, vous me proposez un raisonnement « à rebours ». Vous me proposez de nier la réalité de l’alliance entre la bourgeoisie et les classes moyennes pour ouvrir telle ou telle « possibilité d’action » qui n’existera alors dans mon imagination. Le réel m’oblige à constater que certaines « possibilités d’action » sont fermées. Et bien, partons de cette réalité pour chercher celles qui sont ouvertes, au lieu de nous obstiner à emprunter des chemins qui ne conduisent nulle part.

      [Aujourd’hui, avec l’extension mondialisée et financiarisée du Capital, qui détruit tout une série de « valeurs » altruistes, humanistes, « pour ne laisser que celle du paiement au comptant », que celles de l’égoïsme, de la lutte de tous contre tous, etc… les couches moyennes sont effectivement « aliénées » autant que les couches populaires, mais de façon différente.]

      Vous m’inquiétez beaucoup. Vous êtes en train de me dire que les couches qui ont le meilleur accès à l’éducation, aux savoirs, à la culture, à l’art, aux professions intellectuelles, et qui en plus contrôlent l’essentiel des médias seraient « autant aliénées que les couches populaires » ? Mais alors, à quoi sert tout ça ? A quoi sert d’avoir tous les outils pour comprendre comment le monde fonctionne si vous restez aliéné ?

      Non. Si les couches moyennes « tendent à épouser les valeurs de la classe des puissants », c’est parce qu’ils en partagent les intérêts. Si elles « trouvent normale l’exploitation », c’est parce qu’ils n’en souffrent pas et qu’ils en sont même indirectement les bénéficiaires. Pourquoi aller chercher je ne sais pas quelle « aliénation » alors que l’explication est beaucoup plus simple ? Le rasoir d’Occam reste toujours aussi efficace…

      [La crise, la fin des énergies conventionnelles, (…)]

      Pardon, mais où voyez vous « la fin des énergies conventionnelles » ? Faudrait veiller à ne pas s’auto-intoxiquer. Les « énergies conventionnelles » sont là encore pour longtemps, et notre génération – et même celles qui nous suivent – n’en verra certainement pas la fin.

      [le réchauffement climatique, et surtout l’enrichissement toujours plus grand des puissants, dans un monde fini,]

      Grrr !!! Arrêtons les poncifs. Qui vous a dit que le monde est fini ? Le monde matériel peut être considéré « fini » à notre échelle (et encore, la conquête spatiale pourrait faire mentir, à long terme, ce postulat) mais l’homme ne vit pas seulement dans un monde matériel. Le nombre d’ordinateurs qu’on peut fabriquer est fini, mais le nombre de logiciels qu’on peut développer sur eux est infini. Le nombre de livres qu’on peut imprimer est fini, mais le nombre de livres qu’on peut écrire est infini. Ou du moins si grand qu’il est infini à notre échelle.

      [est menaçant pour les catégories populaires, aussi bien que moyennes : ces dernières pensent tirer leur épingle du jeu le mieux possible, en acceptant que d’autres (les exploités moins nantis qu’eux) soient maintenus dans leur rôle de fournisseurs principaux de plus-value.]

      Objection, votre honneur. Elles ne « pensent » pas tirer leur épingle du jeu, elles le font effectivement, et cela depuis bientôt trente ans. C’est pourquoi il n’y à pas à mon avis lieu de parler « d’aliénation », puisque la position des classes moyennes n’est pas fondée sur une illusion, mais sur une réalité. Les classes moyennes n’agissent pas contre leurs intérêts. Au contraire.

      [Dans beaucoup des fonctions qu’ils occupent, ils participent à l’opération. Mais une fraction d’entre eux, devenue à coup sûr plus faible de nos jours, pour des raisons diverses mais dans lesquelles je suis persuadé qu’il y a une part de ce que je nomme « anthropologie » ou psychologie ou, en langage plus imagé, le « cœur », conforté par la raison (j’y reviendrai) en est venue à assumer une nécessaire alliance avec les couches populaires.]

      Pourriez-vous donner quelques exemples ? On parle bien entendu de groupes sociaux, et pas de choix individuels. Parce que si on aborde ces derniers, vous trouverez aussi des bourgeois qui, individuellement, « assument une nécessaire alliance avec les couches populaires »…

      Je regrette, mais je pense que vous faites erreur. Chaque fois que les couches moyennes « assument une nécessaire alliance avec les couches populaires », c’est plutôt pour les utiliser comme masse de manœuvre pour soutenir leurs propres intérêts. Je ne connais pas de cas ou ces « alliances » aient véritablement défendu durablement les intérêts des couches populaires. Et cela pour la simple raison que la défense des couches populaires implique une atteinte aux intérêts des couches moyennes. C’est là à mon avis un point fondamental : à la fin du XIXème, il était concevable d’améliorer le niveau de vie du prolétariat en distribuant la richesse empochée par les « 200 familles ». Mais la distribution de la richesse s’est beaucoup aplatie avec l’apparition d’une classe moyenne puissante. Aujourd’hui, le revenu des « 200 familles » les plus riches du pays ne serait guère suffisant pour rétablir une certaine justice. « L’effet pyramide » fait que pour rétablir la justice, il faudrait toucher sérieusement les revenus des couches moyennes. Dans ces conditions, pourquoi celles-ci entreraient dans une « alliance » qui serait contraire à leurs intérêts.

      [Je précise au passage que je pense faire partie de cette fraction.]

      Encore une fois, ce n’est pas une question de choix individuels. Il y a des patrons très humains.

      [Il faut faire croitre celle-ci au point qu’elle soit majoritaire en regard de celle qui reste frileusement ou, en toute connaissance de cause, alliée à l’exploiteur. S’il est difficile de changer l’homme, faire d’un égoïste libéral, un altruiste révolutionnaire, il se trouve que ceux qui se disent pragmatiques pour légitimer leur allégeance au Capital, le seront encore si le vent tourne : ils se décideront pour beaucoup à suivre le vent.]

      Un argument qui commence par « il faut » me paraît éminemment suspect. Encore une fois, pourquoi voulez-vous qu’une classe aille contre ses intérêts ? Vous admettez d’ailleurs la difficulté lorsque vous parlez de « changer l’homme », ce qui suggère que votre transformation serait de l’ordre de la morale individuelle, et non de l’intérêt de classe…

      [En un sens, l’histoire de l’URSS a matérialisé un tel phénomène : les oligarques libéraux actuels proviennent pour beaucoup (sinon tous ?) des sphères dirigeantes de l’état soviétique où ils avaient accédé en pragmatiques…plutôt qu’en révolutionnaires sincères et convaincus!]

      Encore une fois, si vous cherchez à fonder un régime sur la moralité individuelle de ses dirigeants, vous courrez à la catastrophe. Revenez à Marx, s’il vous plait : il n’y a que les intérêts qui en dernière instance déterminent les rapports entre les groupes humains. Ceux qui hier servaient loyalement l’Etat soviétique le faisaient parce que c’était leur intérêt. L’Etat soviétique disparu, ils ont regardé où se trouvait leur intérêt, et ils l’ont suivi. Imaginer que cela puisse être autrement, c’est se préparer à de graves désillusions.

      [On connait donc maintenant bien la musique, il faudra veiller à ne pas y retomber ! Donc, au départ il nous faut compter plutôt sur des « incorruptibles » conscients, pour amorcer le mouvement… ensuite, il faudra créer ou sélectionner encore des « incorruptibles » non moins conscients, pour poursuivre l’expérience, et éviter les retours en arrière. Ce n’est pas une petite affaire !]

      Non, c’est une impossibilité. La seule manière d’avoir des « incorruptibles », c’est de construire un système dans lequel l’incorruptibilité apporte plus de récompenses et d’avantages que la corruptibilité… c’est d’ailleurs sur cette logique que fut construite originalement notre fonction publique. La « conscience » n’a rien à faire là dedans.

      Je trouve votre idéalisme émouvant… pensez-vous réellement qu’on puisse fonder une politique sur la rectitude morale des individus ? Je ne peux que citer la phrase attribuée à Robespierre : « tout système bâti sur l’idée que la loi est bonne et que le juge est incorruptible est mauvais ».

      [Il faut y croire et s’y employer !]

      « Il faut y croire » ? Argh….
      Non, il ne faut jamais « y croire ». Soit les arguments rationnels sont convaincants, et alors la « croyance » n’a pas de raison d’être, puisque la « conviction » suffit, soit les arguments rationnels ne sont pas convaincants, et la « croyance » n’est alors que dogme.

      [A mon petit niveau… j’y crois.]

      Il n’y a que la foi qui sauve…

      [Parti-classe : Vous évoquez un peu ironiquement ce concept. Personnellement je n’en connaissais pas l’existence.]

      Non pas « parti-classe » mais « peuple-classe ».

      [S’il s’agit de ce que je nomme « classe des exploités en tous genres et toutes intensités », je ne récuse pas ce terme bien qu’il ait une connotation quelque peu démagogique, et un contenu exact que j’ignore… et qui peut cacher autre chose. En particulier, je ne suis pas sûr que sous ce concept ne se dissimuleraient pas les idées « mouvementistes » du PC actuel, dans sa quête d’un « élargissement du FdG » ( …)]

      Non. Historiquement, le terme « peuple-classe » apparaît dans les cercles trotskystes dans les années 1930, notamment dans le cadre des analyses de la « question juive » et du sionisme. Mais il réapparaît aujourd’hui dans les cercles altermondialistes dans des termes assez proches à votre pensée, pour justifier la possibilité d’action commune entre les couches moyennes et les couches populaires. C’est un certain Christian Delarue qui semble être le grand théoricien de la chose. Vous trouverez ses articles ici : http://blogs.mediapart.fr/mot-cle/peuple-classe

      [Dans l’union à construire, les deux « sous-classes » que sont les « populaires » et les « moyennes », représentées respectivement et principalement par les partis politiques PC et PG, doivent être indissociables, alliées dans un respect mutuel sincère, parce que conscient.]

      Conscient de quoi ? Vous voulez à tout prix que deux classes sociales aux intérêts divergents s’allient. Pourriez-vous m’expliquer sur quoi serait fondée cette alliance, outre la bonne volonté ? En outre, je doute fortement de la capacité du PCF aujourd’hui à représenter les « couches populaires ».

      [« Ca ne marchera pas »: « Chaque fois que le FdG cherche à faire plaisir aux classes moyennes…il s’éloigne des couches populaires ». Je ne vous suis pas sur ce pronostic.]

      Vous voulez parier ?

      [« L’illusion de croire que la conquête du pouvoir politique pourrait abattre le capitalisme » : Je n’ai pas cette illusion. Mais je pense qu’une voie crédible aujourd’hui pour changer les choses passe, qu’on le veuille ou non, par cette conquête du pouvoir d’état.]

      C’est discutable. On peut considérer que le FN a réussi à changer certaines choses, sans jamais exercer le pouvoir d’Etat. Même chose en 1936 : le PCF a réussi à faire passer pas mal de ses idées sans, là encore, exercer le pouvoir d’Etat. Même chose pendant la période du « gaullo-communisme ». Même si conquérir le pouvoir d’Etat doit rester un objectif important du fait des possibilités qu’une telle conquête donne, je ne crois pas qu’il faille restreindre la réflexion à ce qu’on ferait si on avait le pouvoir d’Etat. Le pouvoir d’influence, dans une société démocratique, n’est pas à négliger.

      [Même si l’URSS n’a vécu que 70 ans…elle a pu pousser cette expérience à partir du moment où le PCb a eu le pouvoir d’état. Corrélativement, l’existence de cet état « socialiste » a déchaîné le capitalisme mondial : c’est bien qu’il le redoutait. D’ailleurs, il a remis ça dès lors qu’en Espagne (1936) est apparu une république aux allures révolutionnaires. De même avec Allende, Nasser, Ho Chi Minh, Chavez, et plus récemment les « révolutions arabes »…]

      Ce genre de vision globalisante n’aide pas à faire une analyse sérieuse. Comment peut-on imaginer qu’on puisse faire une trouver une logique commune à des évennements historiques aussi séparés dans l’espace et dans le temps, fruit de contextes complètement différents ? Qu’y a-t-il de commun entre Nasser, dirigeant nationaliste d’un pays naissant après des années de colonisation, et l’Espagne de 1936 ? Quel rapport entre Ho Chi Minh, leader d’une guerre de décolonisation autant que révolutionnaire socialiste, et les « révolutions arabes », révoltes sans leaders qui sont plutôt un symptôme d’un profond mécontentement des classes moyennes qu’autre chose ? Et quel rapport de tout ça avec l’URSS ?

      Cette manie de faire du « capitalisme » une sorte de croquemitaine commence à m’énerver. Le régime chaviste n’est pas en train de se déliter sous le « déchaînement du capitalisme mondial », mais sous le poids de ses propres erreurs et aberrations. Alors, basta. Le « capitalisme mondial » est certes puissant, mais il y a dans les difficultés des régimes qui prétendent construire une alternative des causes internes qui n’ont rien à voir avec lui.

      [Peut-on ignorer l’avertissement (sans frais ?) que le capitalisme nous donne ainsi? Et quand on n’est pas sûr de son coup, n’est-ce pas faire preuve de prudence, que de prendre, faute de mieux, le contre-pied de ce qui est la démarche du Capital ?]

      Le « capital » n’est pas une personne. Il n’a pas de « démarche » et ne peut donner des « avertissements ». Cette personnification du « capital » a un nom : fétichisme.

      [Quelle autre voie pour changer de régime ? La « rue », la grève générale, c’est-à-dire la manifestation brutale d’une force populaire auparavant latente mais non exprimée au grand jour ?]

      Dites moi d’abord ce que vous voulez mettre à la place du « régime », et on pourra ensuite discuter des moyens d’y arriver. J’ai la nette impression que la gauche radicale met aujourd’hui la charrue avant les bœufs. Et cela la condamne à l’impuissance, parce que les masses ne suivront pas un mouvement qui dit « le régime actuel ne nous plait pas, on veut le changer on ne sait pas par quoi, mais ce n’est pas grave, on verra bien à l’arrivée ».

      [Sans doute, mais l’expérience montre qu’un tel déclenchement inattendu n’assure pas facilement le succès : mai 68, les révolutions arabes encore…]

      Vous vous trompez. Mai 68 a été un grand succès. Si vous ne le voyez pas, c’est parce que vous ne considérez pas quels étaient ses vrais objectifs…
      [Pour accroitre les chances de succès d’un tel mouvement, il faut que des forces politiques organisées et puissantes existent, pour reprendre en main, si l’on peut dire, l’événement déclencheur et assurer son débouché. Là encore, mai 68 qui est survenu dans une société où les forces politiques (le PC, pourtant encore fort) ne s’y étaient pas préparées, a échoué.]

      Non. Mai 68 avait pour objectif de mettre fin au pacte gaullo-communiste et de libérer les classes moyennes des contraintes que celui-ci leur imposait. Les classes moyennes ne voulaient plus de la redistribution, de l’argent dépensé dans des grands programmes techniques et scientifiques ou dans la « grandeur » de la France. Elles ne voulaient plus de cette méritocratie qui menaçait l’avenir de leurs enfants en permettant à des enfants des classes modestes d’accéder à la promotion sociale. Les classes moyennes voulaient consommer, et non investir. Mai 68 à initié le long processus qui, en trente ans leur a permis d’atteindre cet objectif.

      En mai 1968, le capitalisme n’était pas en crise. Or, c’est là la condition objective pour qu’une révolution soit possible, si l’on suit le raisonnement de Marx. Et cela, le PCF n’avait pas le pouvoir de le changer. En ce sens, la politique du PCF fut parfaitement correcte : dans la mesure ou la révolution n’est pas possible, il faut refuser l’aventurisme – qui n’aurait abouti qu’à une guerre civile – et essayer de tirer les avantages qu’on peut par la lutte syndicale. Croyez-vous vraiment que si le PCF s’était « préparé », s’il avait appelé à la révolution socialiste les masses l’auraient suivi ? Et croyez-vous vraiment que si le capitalisme avait été vraiment menacé, tous ces « enragés » qui quelques années plus tard ont été les premiers à profiter des « années fric » auraient vraiment suivi ? Vous rêvez, mon pauvre…

      [En conclusion pour cet aspect: il ne semble pas qu’un mai 68 soit dans l’air, malgré les coups portés par le Capital, aidé par une fraction importante de ces couches moyennes, plutôt hautes.]

      Bien entendu. Les classes moyennes ont eu ce qu’elles voulaient. Pourquoi descendraient-elles dans la rue ?

      [Il faut que cet embryon de FdG s’étoffe numériquement, et pour cela qu’il ait une ligne politique crédible de transformation pouvant unir les victimes de tous niveaux (précisément la « classe des exploités en tous genres et toutes intensités »).]

      Ah… on y arrive. Ce qui caractérise donc les couches à unir, ce n’est pas le fait qu’elles soient exploitées, c’est qu’elles sont « victimes ». Ce n’est plus « prolétaires de tous les pays », c’est « victimes de toutes les couches sociales »…

      Vous venez de mettre en lumière la grande faiblesse du Front de Gauche, qui n’est pas numérique mais idéologique. C’est qu’il se conçoit comme parti au service des « victimes », dans cette approche « victimiste » si répandue aujourd’hui. Or, cette vision contient une contradiction : on ne peut pas être en même temps acteur de l’histoire et « victime ».

    • Alain Brachet dit :

      Bonjour,
      Je poursuis notre discussion sur un sujet que je trouve important, voire décisif, de nos jours : les « couches » ou « classes sociales moyennes ».
      Votre commentaire me confirme à nouveau que je ne vous comprends pas totalement sur ce sujet [1]. Ce qui est curieux, c’est que je partage beaucoup de vos réflexions dans les détails. Une explication est que je les comprends par référence à un certain marxisme auquel je fais comme vous appel. Ce qui ne veut pas dire que, sur des bases originellement similaires, nos développements respectifs soient forcément les mêmes in fine…
      Le point de divergence me semble se situer, comme je l’ai dit précédemment, d’abord dans le fait que vous ne nuancez pas les positions respectives propres aux couches moyennes hautes (que, pour parler vite, je nomme les « énarques et assimilés ») et les couches moyennes basses, qui se confondent progressivement et de manière continue avec les couches populaires, les plus haut placées. Je pense qu’il y a un certain « continuum » entre les « énarques » et les couches populaires dans la société d’aujourd’hui, et dans un pays comme la France. Ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays plus « défavorisés ». Ce qui était certainement encore bien moins le cas au 19ème Siècle, quand Marx et Engels ont développé leur théorie (il n’y avait pas d’énarques, mais tout de même, des « assimilables » !). Ni même le cas en 1917 en Russie. Pour énoncer cette caractéristique de « continuum », je m’appuie sur le concept de « plus-value » marxienne dont j’ai compris que nous considérons, vous et moi, qu’il est le critère de base de l’exploitation capitaliste. A noter que j’ai le sentiment que nous partageons cette façon objective de voir les choses pour d’autres aspects (elle nous fait aussi distinguer exploitation et oppression ; exploités et victimes). Et, malheureusement, elle me semble avoir été totalement perdue de vue par d’anciens marxistes (par exemple au PCF !). Dit d’une autre manière, je crois que nous sommes d’accord pour considérer que cette vision est « l’infrastructure » de l’exploitation, qu’elle définit « la classe en soi » exploitée. Le fait d’être dépossédé de la plus-value définit l’exploité, le fait de se l’approprier définit l’exploiteur capitaliste. Lequel redistribue à son gré une part de plus-value à certains de ses exploités (en quantité savamment dosée selon qu’on est « énarque ou assimilé » ou exploité du bas de l’échelle) dans le but, évidemment, de faire des uns et des autres, si possible, des serviteurs heureux de leur sort et travailleurs consentants, et pour certains (les « énarques et assimilés »)… des «exploiteurs délégués » !
      Je pense que tout cela constitue le fond du problème et qu’il ne faut jamais le perdre de vue. Le reste (la « superstructure ») vient ensuite. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut la négliger, au contraire, car c’est à ce niveau (la « représentation », c’est-à-dire la manière que chacun a de prendre conscience de l’infrastructure) que doivent se situer les efforts de persuasion, d’éducation, à la charge des organisations politiques, et autres organisations de la société civile, pour éclairer les gens (essentiellement les exploités en tous genres) afin de les mettre en mouvement. Il est évident que le fait que la majorité des gens doit être conduite à se constituer en « classe des exploités en tous genres », compte tenu qu’ils sont plus ou moins exploités (et pour certains plus ou moins exploiteurs !) ne facilitera pas le travail de ceux (les partis politiques ou organisations du « mouvement social ») qui ont la charge d’impulser le mouvement !
      Cette « bouteille à l’encre » est beaucoup plus complexe qu’au temps de Marx, dans une société « avancée » telle que la France. D’où son importance. Faire que tous les exploités partiels et de toutes intensités se rassemblent en un mouvement conscient unitaire majoritaire de « transformation sociale » n’est pas une petite affaire, et nous butons évidemment là- dessus. Mais nous avons tout de même à notre avantage que la réalité concrète de l’exploitation est universelle. C’est (malheureusement !) notre principal atout. Faisons-le fructifier.
      Et c’est là, je pense, que nous divergeons à nouveau. Le fait que vous ne preniez pas en compte suffisamment cet atout fondamental, vous conduit à distinguer dans le champ des exploités en tous genres, deux classes sociales au sens de Marx. Les 80,90% d’exploités en tous genres qui constituent une nation comme la France, se trouvent partagés en deux entités de volume respectif réduit qui, en outre, deviennent concurrentes, voire opposées. Quelle chance pour la classe du Capital : qu’on les laisse s’étriper entre eux et tirons les marrons du feu !
      C’est aux forces politiques qui se targuent de vouloir changer les choses et, peu ou prou, même quand elles ne le disent que du bout des lèvres, abattre un jour le capitalisme, de prendre en compte cette réalité fondamentale.
      Alors, il faut bien replonger dans le concret, pour voir où nous en sommes de ce point de vue-là.
      Très rapidement et à coups de serpe je dirais :
      Le PCF, et c’est là le drame principal, a en partie tourné sa veste : il prétend traiter l’ensemble des exploités que je nomme « totaux » [2], comme des exploités partiels et même comme des « bobos » préoccupés principalement par des « revendications sociétales », qui sont désormais le souci de ceux qui ont tiré au mieux leur épingle du jeu (ce qui, en somme, n’est pas étonnant : quand on a le pain on peut se préoccuper des roses – sans jeu de mots !), c’est-à-dire les couches moyennes, moyennes et plutôt hautes. Bien évidemment, le fond rémanent de « parti de la classe ouvrière » ne fait pas du PCF un porteur de parole le mieux placé, pour cette catégorie d’exploités partiels. Mais il y a des exceptions, fidèles quant au fond au parti qui représentait, malgré quelques défauts, la force politique jugée essentielle. Elles sont à encourager (j’en fais partie, me semble-t-il, et certainement je ne suis pas le seul !). Simultanément, le PCF s’isole de cette catégorie autrefois la sienne, des exploités totaux, qu’il a tendance à assimiler aux seuls « déshérités »…et le PC patauge, et décline.
      Le PS est désormais totalement celui des « énarques et assimilés ». Il est le bon serviteur du Capital et, au gouvernement, « l’exploiteur délégué » du Capital. Le malheur est qu’il a ainsi attiré à lui (effet majoritaire notamment sur le plan électoral) une grande partie de ces « exploités partiels » qui, pragmatiquement, suivent le mouvement, quelquefois en rechignant un peu (les « frondeurs »)…
      Le PG, est lui aussi un parti de couches moyennes, plutôt moyennes- moyennes (combien d’énarques au PG ?), qui sont acquises à la nécessité, pas toujours dans la joie, de se rapprocher des couches populaires…tout en continuant à jouer leur petite musique « écolo-sociéto-culturelle », celle des couches sociales qui leur sont proches. C’est une chance qu’une fraction de ces couches moyennes en soit là : il ne faut pas la repousser vers son berceau confortable et égoïste d’antan.
      Fort heureusement, PC et PG, tels qu’ils sont, c’est-à-dire avec les défauts précédents, ont réussi une union ( le FdG) qui, dans son principe, amorce cette alliance des couches moyennes ou des « exploités en tous genres et toutes intensités » que je crois qu’il faut à tout prix constituer, allant des « exploités totaux » à, peut-être, des « énarques » de bonne volonté (cela peut exister ! Et existera d’autant plus que ce FdG deviendra la force politique principale, car on est pragmatique chez ces gens-là).
      Evidemment, cela nécessite de la part du PC tout spécialement, une révision déchirante. Elle est nécessaire car c’est de son action spécifique que la partie PG, qui en l’état actuel est assez conforme à ce qu’on peut souhaiter d’elle en sa phase naissante, deviendra un partenaire sérieux de l’alliance à faire fructifier. C’est leur confrontation sincère et difficile qui « élèvera leur niveau de conscience »à l’un et à l’autre, et, évidemment aux autres partenaires de ce FdG. Tous,a unis dans ce FdG consolidé…se consolideront respectivement pour devenir majoritaires à termes et reléguer le PS à de la figuration, réservée à certains « énarques et assimilés » indécrottables. Quant à la Droite et au Capital, on sera alors en situation de lui consacrer tous les coups…
      On est un peu loin de cette union idéale, mais quelle autre solution que d’y travailler ?
      Notes :
      [1] Pour mieux comprendre vos idées fondamentales sur la question « classes moyennes », pourriez-vous m’indiquer quelques références de votre blog ou d’ailleurs qui seraient plus centrées sur cette question ?
      [2] Vous m’aviez repris sur ma terminologie « d’exploités totaux », en notant qu’il n’y a pas, de nos jours, d’exploités « à mort ». J’en suis bien d’accord et je reconnais que ma terminologie n’est peut-être pas la meilleure. En fait, je voulais caractériser sous ce terme les exploités qui, comme on le disait autrefois (la terminologie actuelle semble avoir abandonné cette notion) ne reçoivent de l’exploiteur que « ce qui leur permet de reconstituer leur force de travail », donc de ne pas mourir à la tâche. Ce « minimum vital » n’est d’ailleurs pas le même entre l’ouvrier et l’ingénieur, par exemple, et « mourir à la tâche » pourrait donner lieu également à débats (mais ce n’est pas ici le moment de l’entamer). Dans le texte de 20 pages que je vous avais adressé, j’avais utilisé comme définition approximative l’idée que l’exploité total ne peut pratiquement pas « mettre de l’argent de côté » en achetant, par exemple des actions, ce qui aurait fait de lui un tout petit exploiteur (être actionnaire, c’est prélever en proportion de son portefeuille, sa part de plus-value). Pire d’ailleurs, il est clair que c’est dans cette catégorie sociale que beaucoup n’ont même pas ce minimum vital…puisque l’on a inventé le « crédit à la consommation » à leur intention, quand ce ne sont pas les Restos du Coeur! Ce qui montre au passage la régression actuelle en la matière : les conquêtes péniblement obtenues au fil des années par les travailleurs en matière sociale, sont désormais en régression et ce recul replace certains dans des conditions qui étaient celles des débuts du capitalisme occidental.

    • Descartes dit :

      @ Alain Brachet

      [Votre commentaire me confirme à nouveau que je ne vous comprends pas totalement sur ce sujet [1].]

      Dans votre référence, vous me demandez une sorte de bibliographie, interne et externe à ce blog. J’avoue que c’est un travail considérable que je n’ai pas fait pour le moment, manque de temps. Peut-être un jour, lorsque je partirai à la retraite, je ferai un livre sur la question et alors j’essaierai de lire ce qui s’écrit sur le sujet…

      [Le point de divergence me semble se situer, comme je l’ai dit précédemment, d’abord dans le fait que vous ne nuancez pas les positions respectives propres aux couches moyennes hautes (que, pour parler vite, je nomme les « énarques et assimilés ») et les couches moyennes basses, qui se confondent progressivement et de manière continue avec les couches populaires, les plus haut placées.]

      Je vous ai expliqué pourquoi. Ce que j’essaye de voir, c’est la manière dont la position dans le mode de production influence le positionnement politique. Or, de la même manière que le bourgeois qui investit un milliard a les mêmes intérêts que celui qui investit un million, de la même manière le membre des « classes moyennes », qu’elles soient « supérieures » ou « inférieures », ont des intérêts communs. Si on découvre qu’une « classe » est formée par des gens qui ont des intérêts de classe différents voire opposés, cela veut dire que quelque chose cloche dans la définition de la « classe » en question.

      [Je pense qu’il y a un certain « continuum » entre les « énarques » et les couches populaires dans la société d’aujourd’hui, et dans un pays comme la France.]

      Un « continuum » de quoi ? S’il s’agit de modes de vie, alors il y a aussi un « continuum » entre le patron et son ouvrier du fait précisément de l’homogénéisation des biens disponibles dans notre société. Mais cela n’a guère d’intérêt pour moi. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir s’ils ont collectivement les mêmes intérêts. Si la réponse est oui, alors on peut espérer les voir soutenir les mêmes politiques. Si la réponse est non, alors ce n’est pas la peine.

      [Ce qui était certainement encore bien moins le cas au 19ème Siècle, quand Marx et Engels ont développé leur théorie (il n’y avait pas d’énarques, mais tout de même, des « assimilables » !). Ni même le cas en 1917 en Russie. Pour énoncer cette caractéristique de « continuum »,]

      Vous parlez de « continuum », mais on ne sait pas à quoi s’applique ce terme. S’agit-il de dire que les différents groupes sociaux mangent les mêmes choses ? Que leurs voitures se ressemblent ? Qu’ils partent en vacances aux mêmes endroits ? Ou s’agit-il d’une communauté d’intérêts ?

      [A noter que j’ai le sentiment que nous partageons cette façon objective de voir les choses pour d’autres aspects (elle nous fait aussi distinguer exploitation et oppression ; exploités et victimes). Et, malheureusement, elle me semble avoir été totalement perdue de vue par d’anciens marxistes (par exemple au PCF !).]

      C’est le moins qu’on puisse dire… la question est « pourquoi ? ». Pourquoi des gens aussi intelligents ont oublié cette distinction ? La réponse se trouve dans un raisonnement ad hoc assez semblable en fait au votre : la notion de « oppression » permet d’effacer les barrières de classe. Ce langage permet aux classes moyennes de se sentir légitimes – puisqu’elles arrivent assez facilement à se sentir, elles aussi, « opprimées ». Remplacez « opprimés » par « exploités », et les classes moyennes se trouvent tout à coup du mauvais côté de la barrière.

      [Dit d’une autre manière, je crois que nous sommes d’accord pour considérer que cette vision est « l’infrastructure » de l’exploitation, qu’elle définit « la classe en soi » exploitée.]

      Exact.

      [Le fait d’être dépossédé de la plus-value définit l’exploité, le fait de se l’approprier définit l’exploiteur capitaliste. Lequel redistribue à son gré une part de plus-value à certains de ses exploités (en quantité savamment dosée selon qu’on est « énarque ou assimilé » ou exploité du bas de l’échelle) dans le but, évidemment, de faire des uns et des autres, si possible, des serviteurs heureux de leur sort et travailleurs consentants, et pour certains (les « énarques et assimilés »)… des «exploiteurs délégués » !]

      C’est un peu plus compliqué que ça. D’abord, l’exploiteur ne distribue pas « à son gré », il le fait en fonction d’un rapport de forces dont il doit tenir compte. Mais plus fondamentalement, vous présentez la chose comme si le bourgeois extrayait de la plus-value de tout le monde, pour ensuite leur rembourser une partie. Ce n’est pas comme cela que ça se passe. Certains travailleurs ne fournissent pas de plus-value. Leur salaire correspond à la valeur produite. Il n’y a donc pas de « redistribution ».

      Cette présentation vous permet d’imaginer l’immense majorité des français en « exploités », même ceux qui en fin de compte, une fois la « redistribution » de plus-value dont vous parlez faite, se retrouvent avec la totalité de la valeur qu’ils produisent, voire plus. Mais encore une fois, vous faites un raisonnement ad-hoc. Un ingénieur dont les compétences rares lui permettent de négocier un superbe salaire qui couvre largement la valeur qu’il produit n’est pas un « exploité » qui recevrait ensuite une part de « redistribution ».

      [Cette « bouteille à l’encre » est beaucoup plus complexe qu’au temps de Marx, dans une société « avancée » telle que la France. D’où son importance. Faire que tous les exploités partiels et de toutes intensités se rassemblent en un mouvement conscient unitaire majoritaire de « transformation sociale » n’est pas une petite affaire, et nous butons évidemment là- dessus. Mais nous avons tout de même à notre avantage que la réalité concrète de l’exploitation est universelle. C’est (malheureusement !) notre principal atout. Faisons-le fructifier.]

      Encore une fois, je ne vois pas cet « atout ». Je vous le répète : celui qui reçoit en échange de son travail la totalité de la valeur qu’il produit n’est pas un exploité, ni « partiel » ni autrement. C’est cet équilibre global qui détermine les intérêts d’un groupe social, et non le fait qu’on lui prélève d’un côté pour lui rendre de l’autre. Dès lors que le bilan est favorable, je ne vois pas comment vous réussiriez à emporter ces couches sociales dans la lutte contre l’exploitation qui ne peut que dégrader leur situation…

      [Et c’est là, je pense, que nous divergeons à nouveau. Le fait que vous ne preniez pas en compte suffisamment cet atout fondamental,]

      C’est là en effet que nous divergeons. Je ne prend pas en compte cet « atout fondamental » parce que je le trouve tout à fait illusoire. Les exploités sont une majorité dans notre société, mais une majorité bien moindre que vous ne le pensez. Et ils n’ont pas de représentation politique, depuis que les classes moyennes ont confisqué à leur avantage tous les porte-voix.

      [Le PS est désormais totalement celui des « énarques et assimilés ». Il est le bon serviteur du Capital et, au gouvernement, « l’exploiteur délégué » du Capital. Le malheur est qu’il a ainsi attiré à lui (effet majoritaire notamment sur le plan électoral) une grande partie de ces « exploités partiels » qui, pragmatiquement, suivent le mouvement, quelquefois en rechignant un peu (les « frondeurs »)…]

      S’ils « suivent le mouvement », c’est peut-être qu’ils y ont intérêt, non ?

      [Le PG, est lui aussi un parti de couches moyennes, plutôt moyennes- moyennes (combien d’énarques au PG ?),]

      Vous avez l’air obsédé par les « énarques », vous… Pour votre information, la plupart des gens sortis de cette vénérable école exercent des fonctions dans la haute fonction publique qui s’apparentent à des fonctions de cadre supérieur dans le privé, pour un traitement qui est en général assez inférieur. Je ne sais pas combien d’énarques il y a au PG, mais je peux vous assurer qu’on trouve dans cette organisation des gens dont le revenu est bien supérieur à celui d’un énarque moyen…

      [qui sont acquises à la nécessité, pas toujours dans la joie, de se rapprocher des couches populaires…]

      De se « rapprocher » ? Je dirais plutôt de les manipuler, de les utiliser comme masse de manœuvre pour faire avancer leurs propres revendications. Je vous trouve tout à coup bien éloigné du matérialisme que vous montriez plus haut. Au lieu de regarder les déclarations des partis, vous devriez vous intéresser plus aux intérêts qu’ils défendent. Au fonds, le PS et le PG défendent les mêmes intérêts. C’est la manière qui est différente…

      [Fort heureusement, PC et PG, tels qu’ils sont, c’est-à-dire avec les défauts précédents, ont réussi une union ( le FdG) qui, dans son principe, amorce cette alliance des couches moyennes ou des « exploités en tous genres et toutes intensités » que je crois qu’il faut à tout prix constituer, allant des « exploités totaux » à, peut-être, des « énarques » de bonne volonté (cela peut exister ! Et existera d’autant plus que ce FdG deviendra la force politique principale, car on est pragmatique chez ces gens-là).]

      Je dois être très borné, mais je ne vois pas beaucoup d’ouvriers au FdG. Ce qui rend un peu illusoire cette « alliance des exploités en tous genres et toutes intensités ». Curieusement, l’alliance en question ne semble attirer que les « exploités de faible intensité », si tant est qu’ils soient véritablement « exploités », ce qui pour moi n’a rien d’évident.

      [Evidemment, cela nécessite de la part du PC tout spécialement, une révision déchirante. Elle est nécessaire car c’est de son action spécifique que la partie PG, qui en l’état actuel est assez conforme à ce qu’on peut souhaiter d’elle en sa phase naissante, deviendra un partenaire sérieux de l’alliance à faire fructifier. C’est leur confrontation sincère et difficile qui « élèvera leur niveau de conscience »à l’un et à l’autre, et, évidemment aux autres partenaires de ce FdG.]

      J’avoue qu’après avoir lu ce paragraphe trois fois, je n’avais toujours pas compris ce que vous voulez dire.

      [Tous,a unis dans ce FdG consolidé…se consolideront respectivement pour devenir majoritaires à termes et reléguer le PS à de la figuration, réservée à certains « énarques et assimilés » indécrottables. Quant à la Droite et au Capital, on sera alors en situation de lui consacrer tous les coups…]

      Vous rêvez. Vous partez de l’hypothèse que des gens que le capitalisme permet de vivre très bien, qui ne sont guère exploités, vont « consacrer tous les coups » à démolir le système. Vous devriez voir la contradiction évidente de ce raisonnement. Croyez-vous vraiment que les couches sociales qui font le gros des troupes du FdG auraient une plus grosse part du gâteau si le capitalisme s’effondrait ? Vraiment ? La main sur le cœur ?

      On n’a jamais vu les dindes voter pour avancer Noël. Et on ne verra jamais les classes moyennes demander la fin de l’exploitation. Mettez-vous cela bien dans le crâne. Si le PCF a pu être « le parti de la classe ouvrière », c’est parce que ses militants – et ses dirigeants – venaient en grande partie du monde ouvrier. Et les autres, eh bien, il leur fallait montrer patte blanche. Croire qu’une direction faite de cadres supérieurs devenus élus professionnels ira se battre pour le bonheur et le bien-être des ouvriers… laissez moi rire.

      On est un peu loin de cette union idéale, mais quelle autre solution que d’y travailler ?

      [En fait, je voulais caractériser sous ce terme les exploités qui, comme on le disait autrefois (la terminologie actuelle semble avoir abandonné cette notion) ne reçoivent de l’exploiteur que « ce qui leur permet de reconstituer leur force de travail », donc de ne pas mourir à la tâche. Ce « minimum vital » n’est d’ailleurs pas le même entre l’ouvrier et l’ingénieur, par exemple,]

      Ah bon ? La « reconstitution de la force de travail » de l’ingénieur serait-elle plus coûteuse que celle de l’ouvrier ? J’aimerais que vous m’expliquiez comment on arrive à cette conclusion…

      [j’avais utilisé comme définition approximative l’idée que l’exploité total ne peut pratiquement pas « mettre de l’argent de côté » en achetant, par exemple des actions, ce qui aurait fait de lui un tout petit exploiteur (être actionnaire, c’est prélever en proportion de son portefeuille, sa part de plus-value). Pire d’ailleurs, il est clair que c’est dans cette catégorie sociale que beaucoup n’ont même pas ce minimum vital…puisque l’on a inventé le « crédit à la consommation » à leur intention, quand ce ne sont pas les Restos du Coeur!]

      Là vous mélangez tout et n’importe quoi. Le « crédit à la consommation » existe depuis la Rome antique, et ses utilisateurs principaux ne sont pas les plus pauvres, contrairement à ce que vous semblez croire, entre autres choses parce que les prêteurs ne sont pas idiots et évitent de prêter à des gens qui « n’ont pas de quoi mettre de l’argent de côté » et donc de rembourser le prêt. Quant aux restaurants du cœur, il faudrait arrêter de transformer ce qui est un épiphénomène médiatique en référence moyenne. L’immense majorité des travailleurs français ne va pas aux restos du cœur.

      [Ce qui montre au passage la régression actuelle en la matière : les conquêtes péniblement obtenues au fil des années par les travailleurs en matière sociale, sont désormais en régression et ce recul replace certains dans des conditions qui étaient celles des débuts du capitalisme occidental.]

      Tout a fait. Faut bien que l’excellent niveau de vie des classes moyennes sorte de quelque part…

  24. adrien dit :

    Bonjour Descartes,

    J’avais laissé un message il y a quelques jours, mais il semble qu’il ne soit pas passé. C’est vraiment un des trucs qui font que je ne viens plus guère par ici, ça et les temps de chargement, le navigateur qui plante régulièrement sur votre page… Bref, soucis techniques qui pourraient être négligeables mais qui suffisent à faire pencher la balance. Quoi qu’il en soit : revoici mon message.

    ********************

    Ah, j’aurais du m’attendre à votre réponse : je reconnais bien votre définition toute pragmatique de la démocratie, ou qui ne dit mot, consent. Elle a du bon, mais je n’arrive pas à la trouver entièrement satisfaisante, sans doute parce que, comme vous le dite, elle ne permet d’évaluer qu’à posteriori. Je sens venir une crise, et vous me répondez : non, non, jusqu’ici, tout va bien.

    Chaque système a ses inconvénients et ses avantages, et aucun ne peut prétendre être objectivement plus « démocratique » que les autres…

    Chaque système a ses inconvénients et ses avantages, sans doute, mais ça n’empêche pas que certains soient objectivement plus « démocratiques » que d’autres. Tout dépend, bien sûr, de la manière dont on définit un système démocratique, et il faudrait d’abord s’accorder sur les critères qui doivent être satisfaits. Mais on peut aussi évaluer les critères, et le vôtre me semble insuffisant — au point que j’ai du mal à imaginer un système qui ne le satisfasse pas, hors situation d’anarchie — et encore, seulement parce que c’est le système lui-même qui cesserait d’exister. C’est en fait un critère quasi-Panglossien : on pourrait vivre en dictature, tant que les ordres seraient obéis, nous serions pour vous en démocratie, et tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Et si le régime venait à être renversé, passé une période de transition, nous serions à nouveau en démocratie. Il faudrait alors, a posteriori, conclure que le précédent était une dictature : ce n’est plus Pangloss, c’est le ministère de la Vérité. Bref, un critère qui ne permet d’exclure aucun système ne me paraît pas très pertinent.

    Quant à mes critères… Pour l’élection d’un dirigeant, je suis assez convaincu par ceux définis sur le site de l’association Vote de valeur, dont j’ai déjà parlé : http://www.votedevaleur.org/co/criteres.html Il y en a trop pour tous les lister ici, mais le principal souci de notre mode de scrutin, est qu’il permet à un candidat rejeté par la majorité d’être élu face à des candidats plus consensuels. C’est quand même très ennuyeux… Les modes de scrutin plurinominaux permettent d’éviter ce type de situation.

    Et pour l’élection d’une assemblée, la proportionnelle stricte me semble aller de soi, vraiment. Contrairement à vous, je pense que ce sont plutôt les dirigeants qui s’en méfient — et c’est normal, dans la mesure où, par définition, ils sont majoritairement issus des partis qui bénéficient du biais introduit par les modes de scrutin actuels. Cependant je n’ai connaissance d’aucun sondage sur le sujet en France. ‘Ttendez, je cherche un peu et je reviens…

    Ah voilà, récent sondage Viavoice intitulé « L’observatoire de la démocratie en France » : 64% des personnes intérogées souhaiteraient davantage de proportionnelle. Et la même proportion pense que la démocratie fonctionne mal en France.

    Ceci dit, c’est le premier que j’ai trouvé, et comme il va dans le sens de ce que j’attendais, je n’ai pas cherché plus loin. Peut-être avez-vous des données montrant que, comme vous l’écriviez, le scrutin proportionnel « ne fait pas recette parmi les citoyens » ?

    Je pense vraiment que les gens sont las de la « distorsion dans la représentation » induite par notre mode de scrutin ; en outre, je ne vois pas bien le risque qu’il y aurait à y mettre un terme. Il serait plus difficile d’obtenir la majorité ? Eh, oui, mais c’est plutôt un avantage qu’un inconvénient, non ? Si « gouverner vraiment » consiste à imposer des réformes impopulaires, je serais bien content qu’il soit impossible de « gouverner vraiment ».

    Et pour en revenir au Front national… Ce qui m’inquiète, c’est que ce parti est maintenat en position de bénéficier du biais de représentativité. Avec le mode de scrutin actuel, vu l’état de faiblesse du PS et de l’UMP, ils pourraient obtenir ainsi prochainement des départements, des régions, voir devenir majoritaires à l’assemblée. Marine Le Pen, premier ministre grâce au biais de représentativité, vous pensez vraiment que ça passerait ?

    • Descartes dit :

      @adrien

      [J’avais laissé un message il y a quelques jours, mais il semble qu’il ne soit pas passé. C’est vraiment un des trucs qui font que je ne viens plus guère par ici,]

      J’en suis désolé, croyez le.

      [Je sens venir une crise, et vous me répondez : non, non, jusqu’ici, tout va bien.]

      J’aimerais surtout comprendre ce qui vous fait prédire « une crise ».

      [Mais on peut aussi évaluer les critères, et le vôtre me semble insuffisant — au point que j’ai du mal à imaginer un système qui ne le satisfasse pas, hors situation d’anarchie — et encore, seulement parce que c’est le système lui-même qui cesserait d’exister.]

      Bien sur que non. Il y a de par le monde beaucoup de pays ou l’obéissance des ordres du gouvernement n’est acquise que par l’usage massif de la force. C’est un signe que le système n’est pas démocratique, puisque la légitimité que le peuple accorde aux gouvernants n’est pas suffisante pour assurer l’obéissance. J’admets que mon commentaire était imprécis : j’aurais du écrire « si les normes qu’ils font sont appliquées, si les ordres qu’ils donnent sont obéies sans qu’il soit besoin d’utiliser massivement la force ou la terreur ».

      [(…) mais le principal souci de notre mode de scrutin, est qu’il permet à un candidat rejeté par la majorité d’être élu face à des candidats plus consensuels.]

      Non. Dans notre système électoral, les électeurs votent pour celui qu’ils préfèrent. On ne leur demande pas de s’exprimer sur chaque candidat. Le fait de voter pour un candidat n’équivaut pas à « rejeter » tous les autres. Par ailleurs, votre commentaire ne s’applique pas à l’élection présidentielle, puisque à cette élection le candidat élu est assuré d’avoir été choisi par une majorité.

      Je ne vois pas non plus pourquoi le choix d’un candidat « consensuel » serait plus « démocratique » que celui d’un candidat clivant.

      [C’est quand même très ennuyeux… Les modes de scrutin plurinominaux permettent d’éviter ce type de situation.]

      On ne va pas recommencer. J’ai expliqué ici pourquoi le scrutin plurinominal n’est en rien plus « démocratique » qu’un scrutin uninominal. Je remarque en tout cas que vous n’avez toujours pas défini quels sont les critères pour grader les modes de scrutin en termes de « démocratie ».

      [Et pour l’élection d’une assemblée, la proportionnelle stricte me semble aller de soi, vraiment.]

      Je ne vois pas pourquoi elle irait « de soi ». D’une manière générale je me méfie de ce genre d’affirmations. En général, lorsqu’on dit que quelque chose « va de soi » c’est pour cacher une incapacité à argumenter le point. L’expérience montre par ailleurs plutôt le contraire. Le scrutin régional – qui est proportionnel – ne donne pas au conseiller régional une légitimité que n’aurait pas le conseiller général. C’est plutôt le contraire.

      [Contrairement à vous, je pense que ce sont plutôt les dirigeants qui s’en méfient — et c’est normal, dans la mesure où, par définition, ils sont majoritairement issus des partis qui bénéficient du biais introduit par les modes de scrutin actuels.]

      C’est le contraire : le système proportionnel donne au contraire aux « dirigeants » l’assurance d’être élus, puisque ce sont eux qui contrôlent les listes. Avec un système proportionnel, Pierre Laurent n’aurait aucune difficulté à se faire élire député, puisqu’il serait naturellement tête de liste. Avec un système majoritaire, il lui faut trouver une circonscription qui voterait pour lui personnellement…

      [Ah voilà, récent sondage Viavoice intitulé « L’observatoire de la démocratie en France » : 64% des personnes interrogées souhaiteraient davantage de proportionnelle. Et la même proportion pense que la démocratie fonctionne mal en France.]

      Et cela prouve quoi ? A votre avis, si l’on était dans un système de proportionnelle intégrale – toutes choses égales par ailleurs – et qu’on posait la question inverse, à votre avis, on obtiendrait quel résultat ? Les gens ont une forte tendance en temps de crise à penser que les choses seraient meilleures si on prenait le système inverse à celui qu’ils ont… Si les français adorent la proportionnelle, il faudra m’expliquer pourquoi les seules élections qui se font à la proportionnelle (régionales, européennes) sont celles où l’on s’abstient le plus.

      Franchement, je n’ai jamais cru au « gouvernement par sondage ». Chaque fois qu’ils ont eu à se prononcer, les français ont plébiscité les partis qui ne proposaient pas d’établir la proportionnelle.

      [Ceci dit, c’est le premier que j’ai trouvé, et comme il va dans le sens de ce que j’attendais, je n’ai pas cherché plus loin. Peut-être avez-vous des données montrant que, comme vous l’écriviez, le scrutin proportionnel « ne fait pas recette parmi les citoyens » ?]

      Je vous les ai donné plus haut. Si le fait de proposer la proportionnelle vous faisait gagner des voix, les partis politiques en feraient une promesse de campagne. Ils ne le font pas, ou alors très prudemment. Les élections à la proportionnelle sont celles où les français s’abstiennent le plus (régionales, européennes). Faut-il continuer ?

      Les français aiment être bien représentés, mais ils aiment encore plus être gouvernés. Ils savent pertinemment que la proportionnelle se traduit par l’atomisation de la représentation politique et un mode de gouvernement qui implique la négociation permanente entre la carpe et le lapin, avec pour résultat l’impuissance et l’incohérence. Cela marche quelquefois dans des pays qui ont une tradition de bipartisme très forte, mais pas en France, ou la tendance à l’atomisation est forte.

      [Je pense vraiment que les gens sont las de la « distorsion dans la représentation » induite par notre mode de scrutin ; en outre, je ne vois pas bien le risque qu’il y aurait à y mettre un terme. Il serait plus difficile d’obtenir la majorité ? Eh, oui, mais c’est plutôt un avantage qu’un inconvénient, non ?]

      Non. L’impuissance est la pire des tares d’un Etat, celle qui le détruit et le corrompt le plus sûrement.

      [Si « gouverner vraiment » consiste à imposer des réformes impopulaires, je serais bien content qu’il soit impossible de « gouverner vraiment ».]

      Vraiment ? Pensez à la quatrième république. Il était impossible d’imposer des « réformes impopulaires », par exemple, l’indépendance de l’Algérie. On a vu les conséquences…
      Lorsqu’une majorité est difficile à réunir, cela donne un pouvoir disproportionné aux lobbies qui ont tout loisir de jouer la « charnière » des majorités. Les « réformes impopulaires » sont bloquées, certes, mais les « réformes populaires » le sont aussi.

      [Et pour en revenir au Front national… Ce qui m’inquiète, c’est que ce parti est maintenat en position de bénéficier du biais de représentativité. Avec le mode de scrutin actuel, vu l’état de faiblesse du PS et de l’UMP, ils pourraient obtenir ainsi prochainement des départements, des régions, voir devenir majoritaires à l’assemblée. Marine Le Pen, premier ministre grâce au biais de représentativité, vous pensez vraiment que ça passerait ?]

      Dans la mesure où le FN n’a pas la possibilité de conclure des alliances, la probabilité qu’il obtienne une majorité tout seul à l’Assemblée nationale est nulle. Je ne vois pas l’intérêt de se faire peur.

  25. adrien dit :

    Bonjour Descartes,

    > j’aurais du écrire « si les normes qu’ils font sont appliquées, si les ordres qu’ils donnent sont obéies sans qu’il soit besoin d’utiliser massivement la force ou la terreur ».

    C’est déjà mieux. Mais donc, une monarchie absolue, disons éclairée, où les gens sont contents de leur despote, c’est démocratique ?

    > Non. Dans notre système électoral, les électeurs votent pour celui qu’ils préfèrent. On ne leur demande pas de s’exprimer sur chaque candidat. Le fait de voter pour un candidat n’équivaut pas à « rejeter » tous les autres.

    Ça revient pourtant strictement au même. Que veut dire « préférer », quand on ne peut en choisir qu’un, sinon rejeter tous les autres ? Pensez au vote par assentiment, où on donne à l’électeur la possibilité de voter pour plusieurs candidats: vous êtes d’accord que ça revient à rejeter tous les autres ? Eh bien on *peut* voter pour plusieurs candidats, mais ce n’est pas obligatoire, et on peut aussi bien choisir de ne voter que pour un seul — si on rejette tous les autres, donc. Si tous les électeurs adoptent cette stratégie, on est ramené au vote uninominal majoritaire.

    Et de toute façon, où avez-vous vu qu’on « demande » quoi que ce soit aux électeurs, si ce n’est de voter ? Qui a décidé que « Dans notre système électoral, les électeurs votent pour celui qu’ils préfèrent » ? Faut-il infliger une amende aux électeurs qui pratiquent le vote-sanction, ou le vote-utile, pour dévoiement du système électoral et non-conformité à « ce qu’on leur demande » ?

    Cependant, ce n’est pas tout à fait ce que je voulais dire par « un candidat rejeté par la majorité ». Je ne pensais pas forcément à un… Hollande, mettons, puisque c’est le dernier en date, arrivé en tête du premier tour avec moins de 50% des voix. Je pense à un — ou une — Le Pen, par exemple : vous m’accorderez, je pense, que la majorité des électeurs français rejette les candidats FN ? Pareil pour Mélenchon, n’est-ce pas ? Des candidats rejetés, donc, précisons : fortement rejetés, qui en duel perdraient contre la plupart des autres candidats. Bon, eh bien avec notre mode de scrutin, il est possible d’avoir un deuxième tour Mélenchon-Le Pen, qui porterait donc au pouvoir un candidat fortement rejeté par les électeurs.

    > Par ailleurs, votre commentaire ne s’applique pas à l’élection présidentielle, puisque à cette élection le candidat élu est assuré d’avoir été choisi par une majorité.

    Une majorité au second tour, qui ne change rien à l’affaire, cf. paragraphe précédent. C’est tout le problème de ce mode de scrutin, en fait.

    > Je ne vois pas non plus pourquoi le choix d’un candidat « consensuel » serait plus « démocratique » que celui d’un candidat clivant.

    Pourtant, par définition, un candidat consensuel aura moins besoin de faire usage de la force pour gouverner. N’est-ce pas là votre propre critère ?

    > On ne va pas recommencer. J’ai expliqué ici pourquoi le scrutin plurinominal n’est en rien plus « démocratique » qu’un scrutin uninominal.

    Ah bah si vous l’avez expliqué, alors… Mais dites, vous seriez pas un peu pape sur les bords, pour détenir ainsi l’infaillibilité ? Remarquez, le Pape ne dirige le Vatican ni par la force, ni par la terreur : ça doit donc être une démocratie, à n’en pas douter.

    > Je remarque en tout cas que vous n’avez toujours pas défini quels sont les critères pour grader les modes de scrutin en termes de « démocratie ».

    Euh… Vous avez dû sauter une phrase. Je la remets ? Je disais que ceux définis sur le site de l’association Vote de Valeur me paraissaient convaincants.

    > Je ne vois pas pourquoi elle irait « de soi ». D’une manière générale je me méfie de ce genre d’affirmations. En général, lorsqu’on dit que quelque chose « va de soi » c’est pour cacher une incapacité à argumenter le point.

    Bah, les membres d’une assemblée ne sont-ils pas censés être les représentants de leurs électeurs ? Introduire un biais de représentativité… biaise la représentativité, désolé pour la tautologie. Il me semble donc aller de soi qu’une assemblée élue à la proportionnelle stricte, sans biais de représentativité, est plus représentative qu’une assemblée élue avec une prime majoritaire. Et puisqu’une assemblée doit être représentative…

    > L’expérience montre par ailleurs plutôt le contraire. Le scrutin régional – qui est proportionnel – ne donne pas au conseiller régional une légitimité que n’aurait pas le conseiller général. C’est plutôt le contraire.

    D’une manière générale je me méfie de ce genre d’affirmations. En général, lorsqu’on dit que « L’expérience montre » c’est pour cacher une incapacité à argumenter le point : de quelle expérience parlez vous ? Comment mesurez-vous la « légitimité » d’un élu ? Quelle sont selon ces mesures les légitimités respectives du conseiller général et du conseiller régional ? Êtes-vous certain que d’autres facteurs ne peuvent expliquer les différences que vous évoquez ?

    > Pierre Laurent n’aurait aucune difficulté à se faire élire député, puisqu’il serait naturellement tête de liste

    Mais non, pourquoi ? La proportionnelle, ce n’est pas forcément la-proportionnelle-à-la-française. On peut avoir du panachage, rayer des noms sur les listes, comme on le fait d’ailleurs, ou à peu près, dans les petites communes pour les municipales, ou tout simplement tirer au sort au sein des listes un nombre de candidats proportionnel au score obtenu. Ainsi on évite facilement le biais que vous dénonciez. (Et en prime, on augmente le renouvellement de la classe politique, plus aucun député ne pouvant être assuré de sa réélection, et on évite le biais des hommes têtes de liste qui s’oppose à la règle de la parité.)

    > Et cela prouve quoi ?

    Que votre « le scrutin proportionnel […] ne fait pas recette parmi les citoyens » était mal informé.

    > A votre avis, si l’on était dans un système de proportionnelle intégrale – toutes choses égales par ailleurs – et qu’on posait la question inverse, à votre avis, on obtiendrait quel résultat ?

    Hahaha, j’adore. « Toutes choses égales par ailleurs », comment mieux dire que pour vous le mode de scrutin n’a aucune espèce d’importance ? Non, je pense que si nous votions à la proportionnelle, toutes choses ne pourraient pas être égales par ailleurs — et que les Français continueraient à souhaiter « davantage de proportionnelle » que dans notre système actuel. Et mon avis vaut bien le vôtre, c’est à dire pas grand chose sur ce sujet d’imagination où on ne peut de toute façon rien prouver.

    > Si les français adorent la proportionnelle, il faudra m’expliquer pourquoi les seules élections qui se font à la proportionnelle (régionales, européennes) sont celles où l’on s’abstient le plus.

    Donc si je vous suis, le mode de scrutin le plus populaire devrait avoir le meilleur taux de participation ? Ça se tient, mais pour tester l’hypothèse, commençons par éliminer les biais dans les données. D’abord, si on regarde bien en France, on voit qu’elles sont loin d’être aussi tranchées que vous les présentez : en effet, les records d’abstention des régionales ont été régulièrement battus par les cantonales, au scrutin uninominal majoritaire ; et les records absolus sont détenus par les référendums de 1988 et 2000, sur l’autodétermination de la Nouvelle Calédonie et le quinquennat, avec plus 60%, et près de 70% d’abstention. Le référendum de 72 sur l’élargissement de la CEE a aussi enregistré une participation bien plus faible que la moyenne de son époque. Donc, les résultats en France ne permettent pas d’aboutir à la conclusion que vous en tirez.

    Fussent-ils aussi tranchés que vous les présentez, on ne serait pas beaucoup plus avancé, d’ailleurs : il est clair qu’il y a d’autres facteurs qui entrent en jeu, à commencer par l’importance, les enjeux des différents scrutins. Pour bien faire les choses, il faudrait un éventail bien plus large et des scrutins d’importance équivalente. Impossible de trouver ça en France. Il faudrait se tourner vers les comparaisons internationales…

    Coup de bol, en cherchant un peu on tombe sur le site de l’organisation intergouvernementale International IDEA, qui fait précisément cela : des comparaisons de résultats électoraux. Ils obtiennent une moyenne de 73 % de participation pour les élections parlementaires à la proportionnelle, contre 63% de participation pour les élections parlementaires au scrutin majoritaire à deux tours.

    http://www.idea.int/publications/vt/upload/Voter%20turnout.pdf

    Ces données restent à prendre avec précautions, mais je vois mal quel autre facteur pourrait suffisamment influencer les résultats à cette échelle. Si vous trouvez un biais, je compte sur vous pour le signaler, mais en attendant, je pense qu’on peut conclure qu’au niveau mondial, les électeurs préfèrent les scrutins à la proportionnelle. Si on considère que les électeurs français, dans le sondage que je citais, expriment explicitement cette même préférence pour plus de proportionnelle, je pense qu’on peut en conclure, suivant votre raisonnement, qu’elle est avérée.

    > Chaque fois qu’ils ont eu à se prononcer, les français ont plébiscité les partis qui ne proposaient pas d’établir la proportionnelle.

    N’importe quoi. La proportionnelle en 86, c’était une promesse de campagne, et Hollande avait aussi « une dose de proportionnelle » dans son programme : ça fait donc au moins deux élections (sans compter les législatives) ou les Français ont plébiscité des partis qui proposaient d’établir la proportionnelle.

    > Je vous les ai donné plus haut. Si le fait de proposer la proportionnelle vous faisait gagner des voix, les partis politiques en feraient une promesse de campagne. Ils ne le font pas, ou alors très prudemment. Les élections à la proportionnelle sont celles où les français s’abstiennent le plus (régionales, européennes). Faut-il continuer ?

    Bah si c’est tout ce que vous avez, oui, il va vous falloir continuer, ou plutôt commencer, parce que pour l’instant, vous n’avez rien. Les Français ne s’abstiennent pas moins aux élections à la proportionnelle, et ils ne plébiscitent pas moins les partis qui la proposent. Voyons maintenant le dernier point.

    D’abord, on vient de le voir, des partis en ont fait une promesse de campagne, et une promesse de campagne qui, si je ne suis pas en mesure de prouver qu’elle ait aidé la gauche à emporter les élections, du moins ne l’en a pas empêchée. Ensuite, vous faites comme si le populisme marchait absolument, et qu’il suffisait de promettre ce que les gens veulent pour être élu, et que les partis n’auraient donc qu’intérêt à promettre ce que veulent les Français. Et vous en concluez que s’ils ne le font pas, c’est que ça n’intéresse pas les Français. C’est aller bien trop vite en besogne, et oublier le conflit d’intérêt majeur et évident qu’il y aurait pour les partis de gouvernement à changer un système qui les avantage. La droite de retour aux affaires n’a pas mis longtemps à abolir la proportionnelle introduite par la gauche, histoire de reprendre aux FN les sièges — à défaut des voix — qu’il lui avait rafflés. Je ne serais pas surpris que le PS ait fait le même calcul — la « dose » de proportionnelle proposée par Hollande est une toute petite dose, on est pour moi vraiment dans la mesure symbolique destinée à attirer des électeurs, loin d’une vraie proportionnelle. Comme le montrent clairement les travaux du GATE du CNRS que j’ai déjà cités, le scrutin majoritaire favorise les partis « de gouvernement ». Quand des privilégiés ne proposent pas d’abolir leurs propres privilèges, il faut être sacrément naïf pour en conclure que ces privilèges n’existent pas, ou que personne ne souhaite leur abolition !

    > Les français aiment être bien représentés, mais ils aiment encore plus être gouvernés. Ils savent pertinemment que la proportionnelle se traduit par l’atomisation de la représentation politique et un mode de gouvernement qui implique la négociation permanente entre la carpe et le lapin, avec pour résultat l’impuissance et l’incohérence. Cela marche quelquefois dans des pays qui ont une tradition de bipartisme très forte, mais pas en France, ou la tendance à l’atomisation est forte.

    Comment savez-vous qu’ils « aiment » ? Comment savez-vous qu’ils « savent » ? Je crois Descartes que vous prenez vos désirs pour des réalités, et votre opinion pour une opinion partagée.

    > L’impuissance est la pire des tares d’un Etat, celle qui le détruit et le corrompt le plus sûrement.

    Je ne comprends pas comment vous pouvez appeler « impuissance de l’État » l’impossibilité pour une minorité d’imposer ses décisions à la majorité.

    > Vraiment ? Pensez à la quatrième république. Il était impossible d’imposer des « réformes impopulaires », par exemple, l’indépendance de l’Algérie. On a vu les conséquences…

    Encore une fois, vous vous trompez, Descartes. D’une part, l’indépendance de l’Algérie était loin d’être impopulaire dans l’opinion. Si l’on avait « gouverné selon les sondages », elle aurait vraisemblablement été obtenue bien plut tôt : http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3?id_article=233

    (Et encore, sans oublier que dans cette assemblée « nationale », les Algériens n’étaient pas représentés. L’eussent-ils été, la question de l’indépendance se serait posée bien différemment, et même avec la proportionnelle pour les « vrais » Français, on peut difficilement faire comme si l’assemblée était représentative des personnes concernées…)

    D’autre part, sous la quatrième, l’assemblée était toute puissante, à peine contrebalancée par le conseil. Elle investi le président du conseil et le gouvernement — le président du conseil étant lui-même proposé par le Président de la république, qui est élu par le parlement, ce qui renforce encore indirectement le contrôle de l’assemblée sur le gouvernement. Et elle peut le renverser par une majorité simple ! Évidemment, dans cette situation, s’il n’y a pas une majorité claire, le gouvernement est instable. Mais est-ce à cause de la proportionnelle, ou du déséquilibre des pouvoirs en faveur de l’assemblée ? On ne peut pas séparer les causes ! Même élue à la proportionnelle, une assemblée qui n’a pas le pouvoir de renverser le gouvernement ne peut pas le renverser… Dans notre système où il faut réunir la majorité absolue, même avec une assemblée élue à la proportionnelle une motion de censure serait beaucoup plus difficile à adopter.

    Bref, ne jetez pas le bébé avec l’eau du bain.

    > Dans la mesure où le FN n’a pas la possibilité de conclure des alliances, la probabilité qu’il obtienne une majorité tout seul à l’Assemblée nationale est nulle. Je ne vois pas l’intérêt de se faire peur.

    Je préfère me faire peur que fermer les yeux. La probabilité n’est pas nulle, je vous l’ai dit, les dernières élections montrent que le FN est en position de bénéficier du système. Déjà les deux députés FN à l’assemblée ont été élus dans le cadre de triangulaires. Sur les douze mairies qu’ils ont emportées, dix l’ont été dans des triangulaires (ou quadrangulaires). Et le FN ne présentait pas de liste partout, loin de là ! Alors qu’il est en mesure de présenter un candidat pour chaque siège de député. À moins d’un miracle (ou d’une catastrophe qui susciterait une sorte d’alliance nationale derrière un autre parti), il y aura d’autres triangulaires, et dans leur état actuel je vois mal le PS et l’UMP jouer le jeu du front républicain. Donc, le FN va emporter des triangulaires, et il est en mesure d’entrer en force à l’assemblée. Un groupe parlementaire me paraît largement à sa portée. Quand l’UMP est forte, le FN n’a pas la possibilité de conclure des alliances, c’est vrai. Quand l’UMP est forte ! Mais dans son état actuel, si elle parvient seulement à arriver devant le FN, elle risque d’avoir besoin d’alliés pour gouverner…

    > J’aimerais surtout comprendre ce qui vous fait prédire « une crise ».

    Voilà. C’est dans les paragraphes précédents. J’espère jouer les Cassandre, mais pour le coup je crains fort d’être dans le vrai. On verra déjà l’an prochain les résultats des départementales et des régionales, mais franchement ça me paraît mal barré.

    • Descartes dit :

      @ Adrien

      [C’est déjà mieux. Mais donc, une monarchie absolue, disons éclairée, où les gens sont contents de leur despote, c’est démocratique ?]

      Un gouvernement qui assure à son peuple la jouissance des libertés fondamentales, et dont les ordres et les lois sont obéis spontanément sans que le peuple n’utilise ces libertés pour le changer est certainement « démocratique » au sens qu’il représente la volonté du peuple. Je crois utile de faire la différence entre un gouvernement « démocratique » au sens qu’il représente la volonté du peuple, et un gouvernement « démocratique » au sens qu’il est issu d’un processus et encadré par des règles censées assurer cette représentation. Un despote éclairé peut être « démocratique » au sens que ses politiques comptent avec l’assentiment du peuple, mais cela dépend exclusivement de la capacité d’un seul homme à interpréter la volonté du corps politique, et non des règles qui s’imposent à lui. Un président constitutionnel élu est censé être « démocratique » au-delà de ses capacités personnelles, puisque son caractère démocratique est censé être assuré par des garanties procédurales.

      [« Non. Dans notre système électoral, les électeurs votent pour celui qu’ils préfèrent. On ne leur demande pas de s’exprimer sur chaque candidat. Le fait de voter pour un candidat n’équivaut pas à « rejeter » tous les autres ». Ça revient pourtant strictement au même. Que veut dire « préférer », quand on ne peut en choisir qu’un, sinon rejeter tous les autres ?]

      Si vous m’offrez un gâteau à la fraise et un gâteau au chocolat, je choisirai le premier mais je ne « rejette » pas le second, au sens que si le gâteau à al fraise était indisponible, je prendrais avec plaisir le gâteau au chocolat.« Rejetter » a un sens bien plus fort que « ne pas choisir ».

      En pratique, il est difficile d’imaginer un système électoral permettent de « rejeter » formellement un candidat. Les systèmes de vote préférentiel permettent de mesure le niveau de rejet d’un candidat, mais il est difficile d’aller au delà.

      [Et de toute façon, où avez-vous vu qu’on « demande » quoi que ce soit aux électeurs, si ce n’est de voter ?]

      L’appel aux électeurs contient une question implicite. Pour une élection présidentielle, ce serait « qui voudriez vous voir présider la Republique pendant les cinq prochaines années » ?

      [Qui a décidé que « Dans notre système électoral, les électeurs votent pour celui qu’ils préfèrent » ? Faut-il infliger une amende aux électeurs qui pratiquent le vote-sanction, ou le vote-utile, pour dévoiement du système électoral et non-conformité à « ce qu’on leur demande » ?]

      Vous faites une confusion entre « préférence » et « adhésion ». Le vote-sanction est aussi l’expression d’une « préférence ».

      [Je pense à un — ou une — Le Pen, par exemple : vous m’accorderez, je pense, que la majorité des électeurs français rejette les candidats FN ? Pareil pour Mélenchon, n’est-ce pas ? Des candidats rejetés, donc, précisons : fortement rejetés, qui en duel perdraient contre la plupart des autres candidats. Bon, eh bien avec notre mode de scrutin, il est possible d’avoir un deuxième tour Mélenchon-Le Pen, qui porterait donc au pouvoir un candidat fortement rejeté par les électeurs.]

      Non. Tout simplement parce que les électeurs comme les politiques sont capables d’anticiper. Il faudrait que le pays soit dans un état de polarisation extrême pour que, sachant qu’il y a un risque de voir les extrêmes au deuxième tour, il n’y ait pas une « union sacrée » au premier tour pour assurer à un candidat modéré la présence au deuxième tour. Et si le pays se trouvait dans un état tel que Mélenchon et Le Pen peuvent être au deuxième tour simultanément sans qu’un tel accord soit possible… il n’y a pas de système électoral qui puisse sauver la mise.

      Par ailleurs, même à supposer que la situation que vous décrivez soit possible, cela ne serait pas suffisant pour porter Mélenchon ou Le Pen « au pouvoir ». Tout au plus, à la présidence de la République. Il lui faudrait ensuite emporter une majorité à l’Assemblée. Et là, c’est beaucoup plus compliqué parce que les triangulaires sont possibles.

      Mais sur le fonds, je comprends bien quel est votre objectif. Vous souhaitez un système électoral qui assure la victoire des « modérés », des candidats qui suscitent les sentiments les moins tranchés, que ce soit dans un sens ou dans l’autre. Je crains que cela ne transforme la démocratie en mediocratie. Avec votre système, on exclut De Gaulle devant Laniel ou Queuille…

      [« Je ne vois pas non plus pourquoi le choix d’un candidat « consensuel » serait plus « démocratique » que celui d’un candidat clivant ». Pourtant, par définition, un candidat consensuel aura moins besoin de faire usage de la force pour gouverner. N’est-ce pas là votre propre critère ?]

      Je ne vois pas pourquoi un candidat consensuel aurait besoin d’user moins de la force qu’un candidat « clivant ». L’histoire tend à montrer le contraire : ce sont les gouvernements « centristes » qui ont souvent obligés d’établir leur autorité par des mesures de force. Pensez à la répression des grèves de 1948 par les ministres SFIO, ou de l’envoi du contingent en Algérie par Guy Mollet. Et plus près de nous, diriez-vous que le « clivant » Sarkozy a utilisé la force plus souvent que le « consensuel » Hollande ?

      J’ai l’impression que pour vous la démocratie est un régime essentiellement fragile : si l’élection porte au pouvoir un personnage « clivant », me dites vous, celui-ci ne jouira pas du seul fait de son élection d’une légitimité incontestée, et il lui faudra s’imposer par la force. Mieux vaut donc assurer l’élection d’un « consensuel » qui n’aura pas besoin de recourir à ces extrémités. Mais les faits montrent que chez nous la démocratie est beaucoup plus solide que ça. Nos concitoyens reconnaissent la légitimité issue de l’élection, même lorsqu’elle aboutit à élire un candidat « clivant ».

      [« On ne va pas recommencer. J’ai expliqué ici pourquoi le scrutin plurinominal n’est en rien plus « démocratique » qu’un scrutin uninominal ». Ah bah si vous l’avez expliqué, alors… Mais dites, vous seriez pas un peu pape sur les bords, pour détenir ainsi l’infaillibilité ?]

      Ce n’est pas une question d’infaillibilité. Mon raisonnement est peut-être faux et peut-être vrai, mais dans les deux cas je ne vois pas l’intérêt de le répéter ad indefinitum.

      [Remarquez, le Pape ne dirige le Vatican ni par la force, ni par la terreur : ça doit donc être une démocratie, à n’en pas douter.]

      Le Vatican, certainement. Si les quelques centaines de citoyens que compte le micro-état en question se satisfont de leur régime politique, je ne vois pas au nom de quoi vous ou moi irions leur donner des leçons. Par ailleurs, avant de décider si le Pape gouverne sans recours ni a la force, ni a la terreur, j’aimerais avoir l’avis de Roberto Calvi… vous savez, cet homme qui s’est mystérieusement suicidé à Londres.

      [« Je remarque en tout cas que vous n’avez toujours pas défini quels sont les critères pour grader les modes de scrutin en termes de « démocratie ». » Euh… Vous avez dû sauter une phrase. Je la remets ? Je disais que ceux définis sur le site de l’association Vote de Valeur me paraissaient convaincants.]

      Excusez-moi, mais je n’avais pas compris. J’imagine que vous faites référence aux critères qui figurent dans la rubrique « pourquoi est-ce que ce serait mieux » dans la page d’accueil du site ?

      [Bah, les membres d’une assemblée ne sont-ils pas censés être les représentants de leurs électeurs ? Introduire un biais de représentativité… biaise la représentativité, désolé pour la tautologie. Il me semble donc aller de soi qu’une assemblée élue à la proportionnelle stricte, sans biais de représentativité, est plus représentative qu’une assemblée élue avec une prime majoritaire. Et puisqu’une assemblée doit être représentative…]

      Mais la proportionnelle introduit, elle aussi, un « biais de représentativité ». Ce biais vient du fait que dans un système proportionnel, je ne choisis pas mon « représentant ». Je ne peux pas par exemple décider que la tête de liste ne me plaît pas, mais que je souhaiterais être représenté par le deuxième. Pour que le deuxième soit élu, il me faut élire aussi le premier de liste. En d’autres termes, une assemblée élue à la proportionnelle est plus « représentative » numériquement du vote des électeurs qu’une assemblée issue du scrutin majoritaire, mais du point de vue du représentant individuel, elle l’est moins, puisque les représentants sont choisis par les partis, et non par les électeurs.

      [« L’expérience montre par ailleurs plutôt le contraire. Le scrutin régional – qui est proportionnel – ne donne pas au conseiller régional une légitimité que n’aurait pas le conseiller général. C’est plutôt le contraire. » D’une manière générale je me méfie de ce genre d’affirmations. En général, lorsqu’on dit que « L’expérience montre » c’est pour cacher une incapacité à argumenter le point : de quelle expérience parlez vous ? Comment mesurez-vous la « légitimité » d’un élu ? Quelle sont selon ces mesures les légitimités respectives du conseiller général et du conseiller régional ? Êtes-vous certain que d’autres facteurs ne peuvent expliquer les différences que vous évoquez ?]

      Je la mesure au rôle qu’il joue dans la vie locale, au fait que les citoyens s’adressent à lui lorsqu’ils souhaitent porter un problème à la connaissance d’une autorité. Je le mesure aussi à la participation relative aux scrutins. S’il est difficile de comparer le scrutin européen avec celui du parlement national – tout le monde sait que le Parlement européen ne sert à rien – la comparaison entre le conseil régional, le conseil général et le conseil municipal me paraît pertinente. Or, qu’observe-t-on ? Que le conseiller général est l’interlocuteur naturel lorsqu’un problème local apparaît, alors que personne ne connaît même le nom de son conseiller régional. J’ajoute même que l’idée d’avoir « son » conseiller régional est absurde, puisque l’élection proportionnelle ne garantit pas qu’il y aura un conseiller régional élu proche de vous.
      [« Pierre Laurent n’aurait aucune difficulté à se faire élire député, puisqu’il serait naturellement tête de liste ». Mais non, pourquoi ? La proportionnelle, ce n’est pas forcément la-proportionnelle-à-la-française.]

      Je ne comprends pas ce que vous appelez « proportionnelle-à-la-française ». A ma connaissance, on pratique en France plusieurs mécanismes de proportionnelle.

      [On peut avoir du panachage, rayer des noms sur les listes, comme on le fait d’ailleurs, ou à peu près, dans les petites communes pour les municipales, ou tout simplement tirer au sort au sein des listes un nombre de candidats proportionnel au score obtenu. Ainsi on évite facilement le biais que vous dénonciez.]

      Mais on en produit d’autres. Par exemple, s’il y a tirage au sort cela veut dire que même si 90% des électeurs veut qu’untel le représente, il ne peut assurer son élection puisqu’il pourrait être le seul candidat de sa liste à être éliminé. Mais je crois qu’il y a un biais fondamental au scrutin proportionnel, un biais que rien ne peut éviter, et c’est le fait qu’il détruit le lien personnel entre l’électeur et l’élu. J’ai « mon » maire, « mon » député, « mon » conseiller général. Je n’ai pas « mon » député européen ou « mon » conseiller régional.

      [Et en prime, on augmente le renouvellement de la classe politique, plus aucun député ne pouvant être assuré de sa réélection, et on évite le biais des hommes têtes de liste qui s’oppose à la règle de la parité.]

      Si le renouvellement est l’objectif, alors autant interdire aux élus de se représenter, on gagnerait du temps. Mais personnellement, je ne suis pas un grand partisan du « renouvellement » : quand je vais à l’hopital, je suis ravi d’être opéré par un chirurgien expérimenté. Quand j’amène ma voiture au garage, je suis content de la laisser entre les mains d’un garagiste qui a vingt ans de pratique. Et quand il faut choisir un gouvernant…

      Quant à la « parité »… je préfère ne pas commenter. Ou plutôt si : l’idée même d’imposer une représentation paritaire par construction me parait profondément contraire à l’idée même de souveraineté populaire. Pourquoi pas un quota de blancs, de juifs, d’homosexuels, de supporters du Paris St-Germain et d’illettrés, puisqu’on y est ?

      [« A votre avis, si l’on était dans un système de proportionnelle intégrale – toutes choses égales par ailleurs – et qu’on posait la question inverse, à votre avis, on obtiendrait quel résultat ? » Hahaha, j’adore. « Toutes choses égales par ailleurs », comment mieux dire que pour vous le mode de scrutin n’a aucune espèce d’importance ? Non, je pense que si nous votions à la proportionnelle, toutes choses ne pourraient pas être égales par ailleurs — et que les Français continueraient à souhaiter « davantage de proportionnelle » que dans notre système actuel. Et mon avis vaut bien le vôtre, c’est à dire pas grand chose sur ce sujet d’imagination où on ne peut de toute façon rien prouver.]

      Ravi que cela vous fasse rire. Oui, je pense que du point de vue de la question posée, le mode de scrutin n’a aucune importance. La tendance à penser que l’herbe est toujours plus verte dans le champ du voisin est universelle, et fait que la réponse à la question du sondage peut être largement anticipée. Partout, on se plaint de ce qu’on a et on se plait à imaginer que si seulement on avait ce qu’ont nos voisins, ce serait mille fois mieux.

      [« Si les français adorent la proportionnelle, il faudra m’expliquer pourquoi les seules élections qui se font à la proportionnelle (régionales, européennes) sont celles où l’on s’abstient le plus ». Donc si je vous suis, le mode de scrutin le plus populaire devrait avoir le meilleur taux de participation ?]

      Pas forcément. Mais le fait que les scrutins proportionnels en France soient les plus boudés, et que la participation constatée se détériore plus rapidement que pour les autres devrait être pris en considération lorsqu’on débat des modes de scrutin.

      [Ça se tient, mais pour tester l’hypothèse, commençons par éliminer les biais dans les données. D’abord, si on regarde bien en France, on voit qu’elles sont loin d’être aussi tranchées que vous les présentez : en effet, les records d’abstention des régionales ont été régulièrement battus par les cantonales, au scrutin uninominal majoritaire ;]

      On ne peut pas comparer des élections sur des périodes différentes. Comparer les régionales de 1988 avec les cantonales de 1888 ne démontre rien. Entre 2001 et 2014, la moyenne de participation aux présidentielles est de 78%, aux municipales de 65%, aux élections législatives de 61%, aux élections cantonales de 60%, aux régionales de 53% et aux européennes de 42%. On voit bien que TOUTES les élections au scrutin majoritaire se placent devant celles au scrutin proportionnel. Et c’est encore plus net si l’on fait le calcul sur la période qui précède. Encore une fois, cela ne prouve rien, mais associé au fait que les gens se sentent bien plus représentés par leur conseiller municipal par leur conseiller général ou leur député – dont ils connaissent en général le nom, du moins en dehors des grandes villes – que par leur député européen ou par leur conseiller régional – dont ils ignorent en général tout – constitue un faisceau de présomptions pour penser que les gens n’ont pas autant de réserves par rapport au scrutin majoritaire que vous semblez le croire.

      [et les records absolus sont détenus par les référendums de 1988 et 2000, sur l’autodétermination de la Nouvelle Calédonie et le quinquennat, avec plus 60%, et près de 70% d’abstention.]

      Un référendum n’est pas une élection, et il est difficile de le rattacher à un mode de scrutin. Désolé, mais je ne vois pas très bien ce que les référendums viennent faire dans cette galère.

      [Coup de bol, en cherchant un peu on tombe sur le site de l’organisation intergouvernementale International IDEA, qui fait précisément cela : des comparaisons de résultats électoraux. Ils obtiennent une moyenne de 73 % de participation pour les élections parlementaires à la proportionnelle, contre 63% de participation pour les élections parlementaires au scrutin majoritaire à deux tours.]

      Ces chiffres sont difficiles à interpréter. En effet, les traditions nationales sont différentes et il est difficile de comparer des taux de participation constatés dans des pays différentes – d’autant plus que dans certains le vote est obligatoire. Pour que cela ait un sens, il faut comparer la participation a des modes de scrutin différents dans un même pays et dans une période de temps proche.

      [Ces données restent à prendre avec précautions, mais je vois mal quel autre facteur pourrait suffisamment influencer les résultats à cette échelle. Si vous trouvez un biais, je compte sur vous pour le signaler, mais en attendant, je pense qu’on peut conclure qu’au niveau mondial, les électeurs préfèrent les scrutins à la proportionnelle. Si on considère que les électeurs français, dans le sondage que je citais, expriment explicitement cette même préférence pour plus de proportionnelle, je pense qu’on peut en conclure, suivant votre raisonnement, qu’elle est avérée.]

      Certainement pas, pour la raison que je vous ai indiqué plus haut. Le fait que les Fidjiens se déplacent à 90% voter alors qu’ils ont un système proportionnel alors que les français se déplacent à 60% avec un système majoritaire ne permet nullement conclure que « au niveau de l’ensemble franco-fidjien » le scrutin proportionnel est préféré. Encore une fois, s’il s’agit de déterminer quel est le mode de scrutin jugé plus légitime par une population, il faut « suivant mon raisonnement » comparer la participation aux scrutins proportionnels et majoritaires de la MEME population.

      [« Chaque fois qu’ils ont eu à se prononcer, les français ont plébiscité les partis qui ne proposaient pas d’établir la proportionnelle ». N’importe quoi. La proportionnelle en 86, c’était une promesse de campagne,]

      En 1981, combien ont obtenu au total au premier tour les partis politiques qui proposaient la proportionnelle ? Réponse : 45%. J’en déduis que 55% des voix sont allés aux partis qui proposaient le maintien du scrutin majoritaire.

      [et Hollande avait aussi « une dose de proportionnelle » dans son programme : ça fait donc au moins deux élections (sans compter les législatives) ou les Français ont plébiscité des partis qui proposaient d’établir la proportionnelle.]

      Même calcul. Les partis favorables à « une dose de proportionnelle » (on n’est plus en 1981, même la gauche a compris que la proportionnelle intégrale ne fait pas recette…) obtiennent 43%. CQFD

      [D’abord, on vient de le voir, des partis en ont fait une promesse de campagne, et une promesse de campagne qui, si je ne suis pas en mesure de prouver qu’elle ait aidé la gauche à emporter les élections, du moins ne l’en a pas empêchée.]

      Vous remarquerez tout de même que la gauche au pouvoir n’a qu’une fois mis en œuvre la « promesse » en question, en 1986, et pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec un souci de démocratie, mais plutôt pour gêner la droite en permettant au FN d’avoir des députés. Par ailleurs, on est passé de la « proportionnelle » de 1981 à « une dose de proportionnelle » de 2012. Ne voyez-vous pas dans ces comportements une prise de conscience par nos politiques que les électeurs ne sont pas très friands de proportionnelle ?

      A gauche, le PS continue à faire semblant d’être favorable à la proportionnelle parce que cela lui permet de gagner des voix sur une frange « libertaire » sans perdre les voix des électeurs favorables au scrutin majoritaire qui savent parfaitement et par expérience que la promesse ne sera pas tenue. Franchement, si le scrutin proportionnel était souhaité ardamment par une majorité de nos concitoyens, ne pensez-vous pas que les socialistes, qui promettent la chose à chaque élection et qui ont eu par cinq fois depuis 1981 le pouvoir de changer le système électoral l’auraient fait depuis ?

      [Ensuite, vous faites comme si le populisme marchait absolument, et qu’il suffisait de promettre ce que les gens veulent pour être élu, et que les partis n’auraient donc qu’intérêt à promettre ce que veulent les Français. Et vous en concluez que s’ils ne le font pas, c’est que ça n’intéresse pas les Français.]
      Vous vous trompez. Je n’ai jamais dit qu’il suffise de promettre ce que les gens veulent pour être élu. Mais je sais que la meilleure manière d’être battu, c’est de ne pas promettre aux gens ce qu’ils veulent. Et par conséquence, la démarche de tous les partis politiques est 1) essayer de déterminer ce que son électorat voudrait et 2) lui promettre. Cela ne garantit pas l’élection, bien entendu, mais l’aide. Et j’en déduis, avec une impeccable logique, que si la majorité des partis et des hommes politiques ne promettent pas la proportionnelle, c’est parce que les gens n’en veulent pas vraiment. Et le fait que ceux qui sont élus sur cette promesse ne l’ont jamais tenue – avec l’exception de 1986 motivée, comme je l’ai dit, par des bas calculs électoraux – a tendance à confirmer cette hypothèse.

      [C’est aller bien trop vite en besogne, et oublier le conflit d’intérêt majeur et évident qu’il y aurait pour les partis de gouvernement à changer un système qui les avantage.]

      Certainement. Mais si la pression populaire était forte, ils seraient obligés d’agir, non ? Mais la pression populaire n’existe pas vraiment. Au-delà des réponses qu’on peut faire dans un sondage, les français sont attachés pour des raisons historiques à deux éléments du scrutin majoritaire : le rapport personnel à l’élu, et la gouvernabilité. Si l’on prend les résultats des dernières législatives, on se serait retrouvé avec une assemblée sans majorité (la gauche se retrouve à 48% seulement, et cela en supposant que du NPA au centre gauche on arrive à se mettre d’accord sur un programme de gouvernement). C’est sur ces deux questions qu’achoppe toute réforme du droit électoral.

      [Comment savez-vous qu’ils « aiment » ? Comment savez-vous qu’ils « savent » ? Je crois Descartes que vous prenez vos désirs pour des réalités, et votre opinion pour une opinion partagée.]

      La stabilité des institutions de la Vème République me semblent être la meilleure preuve. Si les français dans leur majorité souhaitaient un retour à l’instabilité de la IVème, je pense qu’ils auraient trouvé le moyen de le faire savoir. Non seulement ils ne l’ont pas fait, mais ils s’appliquent, après chaque élection présidentielle, à donner au président nouvellement élu une majorité solide à l’Assemblée…

      [« L’impuissance est la pire des tares d’un Etat, celle qui le détruit et le corrompt le plus sûrement ». Je ne comprends pas comment vous pouvez appeler « impuissance de l’État » l’impossibilité pour une minorité d’imposer ses décisions à la majorité.]

      Ce qui m’inquiète, c’est plutôt la possibilité donnée à une minorité de bloquer les décisions de la majorité. C’est d’ailleurs la difficulté avec les systèmes proportionnels : ils tendent à atomiser le spectre politique, et à donner un pouvoir exorbitant aux petits partis qui jouent le rôle de « charnière » dans les majorités. L’exemple israélien est révélateur : alors que le projet d’imposer le service militaire aux ultra-religieux ou de couper les crédits aux Yeshivas a une large majorité dans le parlement et dans le pays, ces mesures ne sont jamais prises parce que les partis ultra-orthodoxes sont indispensables pour constituer une majorité, et que leur soutien est conditionné à l’enterrement de ces mesures.

      [Encore une fois, vous vous trompez, Descartes. D’une part, l’indépendance de l’Algérie était loin d’être impopulaire dans l’opinion. Si l’on avait « gouverné selon les sondages », elle aurait vraisemblablement été obtenue bien plut tôt: http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3?id_article=233%5D

      C’est vous qui vous trompez : relisez l’article que vous citez, et vous verrez qu’avant le retour au pouvoir de De Gaulle, les partisans de l’indépendance n’ont jamais dépassé 23% des sondés… La majorité des sondés se partageait donc entre la continuation du rattachement à la France en tant que départements français (34%) et les « liens moins étroits » (voie moyenne entre l’intégration à la France et l’indépendance) à 40%. Difficile donc de dire comme vous le faites que « l’indépendance était loin d’être impopulaire » et que le « gouvernement selon les sondages y aurait conduit plus tôt »…

      [(Et encore, sans oublier que dans cette assemblée « nationale », les Algériens n’étaient pas représentés.]

      Vous faites erreur. Sous la quatrième république, les départements d’Algérie étaient représentés par une trentaine de députés, dont une partie élue par le collège des « français d’Algérie » et une autre par un collège « indigène »…

      [Mais est-ce à cause de la proportionnelle, ou du déséquilibre des pouvoirs en faveur de l’assemblée ?]

      Les deux, mon général. Sous la Vème République, un gouvernement sans majorité à l’assemblée aurait les mêmes difficultés à gouverner. La seule différence est qu’une majorité absolue est requise pour le renverser, alors q’une majorité des présents suffisait sous la IVème. Le pouvoir de dissolution existait aussi sous la IVème, même s’il était plus difficile à utiliser. Ce qui fait la différence, c’est que sous la Vème tous les gouvernements ont pu, du fait du système électoral, s’assurer une majorité stable.

      [Même élue à la proportionnelle, une assemblée qui n’a pas le pouvoir de renverser le gouvernement ne peut pas le renverser… Dans notre système où il faut réunir la majorité absolue, même avec une assemblée élue à la proportionnelle une motion de censure serait beaucoup plus difficile à adopter.]

      Qu’est ce qui vous fait penser cela ? Avec le vote de la dernière élection législative, une assemblée élue à la proportionnelle n’aurait pas eu de majorité absolue. Un gouvernement PS aurait toujours été sous la menace d’une censure UMP+FN, un gouvernement UMP idem.

      [Je préfère me faire peur que fermer les yeux. La probabilité n’est pas nulle, je vous l’ai dit, les dernières élections montrent que le FN est en position de bénéficier du système. Déjà les deux députés FN à l’assemblée ont été élus dans le cadre de triangulaires. Sur les douze mairies qu’ils ont emportées, dix l’ont été dans des triangulaires (ou quadrangulaires). Et le FN ne présentait pas de liste partout, loin de là ! Alors qu’il est en mesure de présenter un candidat pour chaque siège de député. À moins d’un miracle (ou d’une catastrophe qui susciterait une sorte d’alliance nationale derrière un autre parti), il y aura d’autres triangulaires, et dans leur état actuel je vois mal le PS et l’UMP jouer le jeu du front républicain.]

      Les électeurs le feront pour eux s’il y avait la moindre chance de voir le FN avoir une majorité à l’assemblée.

      [Donc, le FN va emporter des triangulaires, et il est en mesure d’entrer en force à l’assemblée. Un groupe parlementaire me paraît largement à sa portée.]

      De là à avoir une majorité, vous l’admettrez sûrement, il y a un pas délicat à franchir…
      [Voilà. C’est dans les paragraphes précédents. J’espère jouer les Cassandre, mais pour le coup je crains fort d’être dans le vrai. On verra déjà l’an prochain les résultats des départementales et des régionales, mais franchement ça me paraît mal barré.]

      J’espère que vous ne jouez pas les Cassandre… n’oubliez que la malédiction de Cassandre était de faire des prédictions exactes et de ne pas être écouté… 😉

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