L’ordre règne à Roye

A ma grande surprise, l’affaire n’a pas fait grand bruit. Une semaine plus tard, elle est pratiquement oubliée. Pourtant, elle est emblématique de l’état de désarroi dans lequel se trouvent nos institutions.

D’abord, un petit rappel des faits. Le 25 août dernier dans un camp de gens du voyage de Roye (Somme), une fusillade éclate. Pour des raisons qui demeurent obscures, un homme passablement éméché fait feu, tuant quatre personnes, dont un gendarme. Jusqu’ici, rien que de très habituel. Chaque week-end, des centaines de gens libérés de leurs inhibitions par l’alcool agressent d’autres gens, des familiers ou des simples passants. Souvent, les forces de l’ordre sont appelées à intervenir pour séparer les belligérants et mettre les agresseurs hors d’état de nuire. Et il n’est pas rare qu’elles payent un prix très lourd dans l’exercice de leur devoir. Des traumatismes, des blessures quelquefois graves, la mort sont, sinon un lot quotidien, au moins une possibilité toujours présente et qui mériterait que les français témoignent un peu plus de reconnaissance.

L’histoire serait donc banale si elle s’était arrêté là. Mais il y a une suite : Le fils et le cousin de l’une des personnes décédées souhaite assister aux obsèques. Ce qui là aussi serait assez ordinaire si le fils et le cousin en question n’étaient pas en prison pour vol et recel. Les prisonniers déposent donc une requête pour une permission de sortie leur permettant d’assister aux obsèques. Requête rejetée par le juge d’application des peines sur le fondement de la crainte d’une atteinte à l’ordre public.

Vendredi 28 août vers 21h une soixantaine de personnes occupe les voies de l’autoroute A1 (Paris-Lille) et monte un barrage qui bloque la circulation dans les deux sens, faisant brûler des palettes, des pneus, coupant les arbres qui embellissent le trajet pour renforcer leur barricade. Leur demande ? Exiger que la justice libère le fils et du cousin le temps des obsèques. Et la justice s’exécutera : samedi 29 à 11 heures, le juge d’appel – siégeant, on l’imagine, en toute indépendance – annule la décision du juge d’application des peines et accorde une permission de dix heures. Les occupants quittent alors l’autoroute, qui ne sera rendue à la circulation qu’en fin de journée : en effet, les feux allumés pendant la nuit ont endommagé l’ouvrage routier qui nécessite des réparations importantes, qui se chiffrent à une somme que la presse n’a pas publié mais qui, si je crois quelques connaissances, serait dans les centaines de milliers d’euros. Conclusion : une journée d’embouteillages monstres pour les usagers, une infrastructure publique dégradée qu’il faut réparer, un environnement enlaidi, et pas une seule interpellation. Car pendant que ces faits se déroulaient, les gendarmes attendaient à prudente distance et sans intervenir. Par ailleurs, des individus ont aussi bloqué des ronds points dans la commune de Roye munis de battes de baseball, et là encore ils ont eu le champ libre. Voilà une tranche de vie dans la France de 2015. Dans notre beau pays, une soixantaine de personnes peuvent se permettre de défier la loi, de faire pression sur la justice, de dégrader une infrastructure publique, de menacer les citoyens. Et non seulement ils n’ont rien à craindre des institutions, mais celles-ci se déculotteront pour avoir la paix, donnant raison aux vandales.

Cette affaire n’est pas isolée : déjà en 2010 à Saint-Aignan, dans le Loir-et-Cher, on avait assisté à des faits semblables. Mais à l’époque les forces de l’ordre avaient fini par intervenir, et la justice n’avait pas cédé. Les choses ont beaucoup changé. Et puis, bien entendu, il y a des affaires plus « politiques » : Sivens, à Notre-Dame des Landes, à Nonant le Pin, des petits groupes s’octroient le pouvoir d’imposer leur loi contre les décisions prises par les institutions qui détiennent la légitimité démocratique. Et à chaque fois, les institutions cèdent piteusement. Pourquoi ? Parce que dans la démocratie de l’émotion dans laquelle nous vivons, la consigne est « pas de vagues ». Faire usage de la force, c’est risquer le genre d’accident qui a coûté la vie a Rémy Fraysse, avec son cortège prévisible d’articles de presse, de commissions d’enquête et d’interpellations parlementaires. L’Etat – et les fonctionnaires d’autorité qui assurent sa représentation – est placé devant l’injonction impossible de faire respecter les lois sans amocher personne. Le préfet qui fera respecter la loi saura qu’il n’est pas couvert, qu’il y aura toujours un ministre démagogue comme Ségolène Royal pour venir donner raison aux militants groupusculaires, sous les applaudissements de l’opinion publique. Il faut lire la piteuse réponse que fait la préfète de la Somme interrogée sur l’affaire de Roye : « Ma décision [de ne pas faire intervenir les forces de l’ordre] ne s'est pas limitée à la situation de l'autoroute A1. Je peux comprendre l'exaspération des automobilistes, mais il n'y avait pas de vie en danger. En revanche, une intervention aurait pu avoir de graves conséquences sur le plan de l'ordre public sur la ville de Roye. Dans cette commune de 3 000 habitants, qui a été le 25 août le théâtre d'un drame au cours duquel quatre personnes été tuées, dont trois parmi les gens du voyage et un gendarme, la situation est tendue. Une intervention aurait pu donner lieu à des débordements et mettre en danger une population endeuillée ». Force ne doit donc pas rester à la loi. Dès lors qu’on exhibe le pouvoir de foutre le bordel, l’Etat se couche.

Et pourtant, la formule qui veut que seul l’Etat détient la force légitime est le fondement de toute société civilisée. Lorsque la loi se trouve devoir céder devant la force privée, la barbarie n’est jamais loin. Affaiblir l’empire de la loi, c’est ouvrir la porte à l’arbitraire du « parce que je le veux bien ». Et pas du tout au bénéfice des plus modestes. Souvenez vous de la formule : « entre le faible et le fort, c’est la liberté qui asservit et la loi qui libère ». Certains me diront qu’il y a des lois injustes. C’est certainement vrai, le problème est qu’on ne sait pas lesquelles, parce que chacun trouvera « injuste » la loi qui s’oppose à ses désirs ou, plus banalement, à ses intérêts. Est-il « injuste » d’empêcher un homme – qui est tout de même un délinquant, il ne faudrait pas l’oublier – d’assister aux obsèques de son père ? Peut-être. Il s’est en tout cas trouvé soixante personnes pour le penser. Mais vous trouverez aussi bien soixante patrons pour penser qu’il est « injuste » que la loi leur interdise de licencier leur personnel comme ils l’entendent. Faut-il leur donner raison ? Et si soixante millionnaires trouvent qu’il est injuste de leur faire payer l’impôt sur la fortune, faut-il les en dispenser ?

Il faut dire et répéter cette vérité – qui n’a rien d’une évidence – qu’il faut appliquer et faire appliquer la loi non pas parce qu’elle est bonne, non pas parce qu’elle est juste, mais parce que c’est la loi. L’alternative, c’est le chaos, qui est en général pire que la plus mauvaise des lois. Il faut revenir ici à Hobbes : pour éviter le « combat de tous contre tous » qui caractérise l’état de nature, les hommes délèguent leur « pouvoir de nuire » à l’un d’eux – aujourd’hui, on dirait à une institution plutôt qu’à un homme. Celui-ci l’exerce plus ou moins bien, mais même s’il l’exerce mal, ce sera toujours mieux qu’un retour à l’état de nature. Le pire gouvernement vaut mieux que le chaos. Ce sage principe nous est confirmé chaque jour par le phénomène des « états faillis ». Et une société ou soixante personnes peuvent violer la loi et détruire la propriété publique sans que personne ne s’en offusque est une société qui sombre dangereusement vers la faillite.

Certains me diront que je défends une vision trop rigide de la loi. Que dans une démocratie le peuple a aussi le droit de se faire entendre, et que cela nécessite quelquefois des actions qui sont à la limite de la loi, voire de l’autre côté. Ce n’est pas faux. La violation de la loi peut aussi avoir un sens politique. Mais il y a une grande différence entre la défense d’une revendication politique et celle d’un intérêt particulier. Le blocage de l’autoroute du Nord le 24 août dernier n’avait pas pour but de contester un principe, mais d’obtenir une dérogation particulière. Et même si le droit de manifestation peut justifier une violation limitée de la loi, il ne justifie jamais, je dis bien jamais, la destruction gratuite de la propriété publique. J’avais ici même expliqué pourquoi les syndicalistes de « Continental » qui avaient saccagé une sous-préfecture devaient être poursuivis et condamnés, ne serait-ce que pour le principe. Je n’ai pas changé d’avis.

J’avoue que cette affaire m’a profondément troublé. Il est effrayant de penser que dans la France d’aujourd’hui notre volonté publique est si faible qu’on accepte d’être collectivement rackettés – car c’est bien de racket qu’il s’agit – par des petites minorités qui n’hésitent pas à faire appel à la violence sans la moindre protestation. Avez-vous entendu beaucoup de leaders politiques ou médiatiques s’exprimer sur cette affaire ? Moi pas. L’autorité de l’Etat en ce qu’il a de plus sacré, la Justice, a été bafouée, et personne ne semble s’émouvoir. Pas même ceux qui en temps normal se font les gardiens de l’indépendance de la justice. A peine une petite poignée de réactions chez « Les Républicains » qui témoignent plus d’un réflexe pavlovien de critiquer le gouvernement que d’une véritable analyse et… chez le Front National.

Et c’est là le pire : encore une fois, on laisse au FN le monopole de la défense de l’autorité de l’Etat et de la primauté de la loi sur les revendications privées. Et il ne se trouve pratiquement personne pour le lui disputer. Comment s’étonner ensuite que de plus en plus de gens se tournent vers lui ? Car l’histoire montre que la première demande des citoyens envers l’Etat, celle qui est constante depuis que l’homme a créé les premiers royaumes, c’est une demande de prévisibilité. Ce qui suppose qu’il y ait des règles connues de tous et appliquées systématiquement. L’ordre, l’autorité de l’Etat ne sont pas des lubies des réactionnaires, c’est la condition nécessaire pour assurer la prévisibilité du monde qui nous entoure. Un Etat faible, dont les règles cessent de s’appliquer parce que soixante personnes le décident, c’est la porte ouverte à toutes les insécurités. Ceux qui professent de combattre le Front National feraient bien de passer un peu moins de temps à le diaboliser et un peu plus à chercher des réponses à cette question fondamentale.

PS : j’apprends aujourd’hui que des faits similaires se sont reproduits à Monceau les Mines. La RN70 a été bloquée dans les deux sens de circulation et la chaussée dégradée. Là encore, aucune interpellation. Là encore, l’Etat a cédé aux revendications des occupants. Et là encore, les frais seront supportés par la collectivité. Et personne n’en dira rien.

Descartes

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101 réponses à L’ordre règne à Roye

  1. Mathieu dit :

    “Certains me diront que je défends une vision trop rigide de la loi. Que dans une démocratie le peuple a aussi le droit de se faire entendre, et que cela nécessite quelquefois des actions qui sont à la limite de la loi, voire de l’autre côté. Ce n’est pas faux. La violation de la loi peut aussi avoir un sens politique. Mais il y a une grande différence entre la défense d’une revendication politique et celle d’un intérêt particulier.”

    Merci pour cette précision, c’est exactement à cause de cette différence que je partage complètement votre avis sur cette affaire-là… et un peu moins en ce qui concerne ND des Landes ou Sivens (pour ce que j’en connais, du moins).

    Un autre élément peut, peut-être, alimenter la confusion : le fait que notre Etat (ou ce qu’il en reste) aux abois n’hésite parfois pas à employer des méthodes discutables pour intimider, discréditer qui bon lui semble, pour des motifs parfois douteux (je pense notamment à l’affaire de Tarnac ces dernières années).
    En outre, les affaires de corruption, les soupçons (plus ou moins fondés) de collusions diverses avec les puissances d’argent peuvent parfois amener le citoyen anonyme (et parfois même “sans histoires”) à douter du fondement véritable de telle ou telle décision des autorités publiques (leur légitimité étant, quant à elle, garantie par la loi)… et produire des manifestations de groupuscules qu’on peut juger fondées (même si leur légitimité est discutable).

    Un Etat qui perd son crédit (et donc la confiance qu’on devrait lui accorder), n’est-ce pas déjà au moins l’antichambre du chaos ?

    Merci pour vos articles en tout cas. Même si je ne suis pas toujours d’accord (mais je le suis souvent malgré tout), ils ont l’immense mérite de dégourdir les méninges (et parfois même, ce qui ne gâche rien, avec un franc sourire).

    • Descartes dit :

      @ Mathieu

      [Merci pour cette précision, c’est exactement à cause de cette différence que je partage complètement votre avis sur cette affaire-là… et un peu moins en ce qui concerne ND des Landes ou Sivens (pour ce que j’en connais, du moins).]

      Je ne comprends pas comment vous arrivez à partager mon avis dans un cas et pas dans l’autre. Soit vous admettez qu’un petit groupe a le droit de s’affranchir des lois qui ne lui conviennent pas, et alors vous devez admettre le blocage de l’A1 au même titre que celui du site de Sivens, soit vous considérez que « force doit rester à la loi », et alors ce principe s’applique dans le deux. Si vous postulez que certaines lois peuvent être violées et d’autres pas, se pose une question évidente : qui décide lesquelles sont lesquelles ?

      [Un autre élément peut, peut-être, alimenter la confusion : le fait que notre Etat (ou ce qu’il en reste) aux abois n’hésite parfois pas à employer des méthodes discutables pour intimider, discréditer qui bon lui semble, pour des motifs parfois douteux (je pense notamment à l’affaire de Tarnac ces dernières années).]

      Je ne vois pas en quoi on aurait utilisé des « méthodes discutables » pour intimider ou discréditer. Pourriez-vous être un peu plus précis ? Le « groupe de Tarnac » a probablement – les juges diront si c’est plus qu’une probabilité – saboté des lignes TGV. Les services de l’Etat on cherché à prouver qu’il s’agissait d’un acte terroriste, ils n’ont pas réussi. Mais je ne vois pas en quoi on pourrait les accuser d’intimidation ou de discrédit…

      [En outre, les affaires de corruption, les soupçons (plus ou moins fondés) de collusions diverses avec les puissances d’argent peuvent parfois amener le citoyen anonyme (et parfois même “sans histoires”) à douter du fondement véritable de telle ou telle décision des autorités publiques (leur légitimité étant, quant à elle, garantie par la loi)… et produire des manifestations de groupuscules qu’on peut juger fondées (même si leur légitimité est discutable).]

      C’était justement mon point. Que les citoyens exigent la lumière sur les affaires de corruption, sur d’éventuelles collusions, c’est une chose normale et même digne d’éloge. Mais tirer de la « corruption » ou de la « collusion » réelle ou supposée un argument pour contester la légitimité de la loi est toujours extrêmement dangereux. Tout simplement parce que si je m’accorde le droit de désobéir à telle ou telle loi, je ne pourrai pas ensuite refuser le même droit aux autres. Si les opposants de Sivens exigeaient la communication de tous les éléments préparatoires à la décision, et s’ils détectent une irregularité, qu’ils exigent son annulation me paraîtrait normal. Qu’on empêche la construction d’un équipement dont l’autorisation n’est entachée d’aucune irrégularité connue, simplement parce qu’on suppose qu’il pourrait y en avoir une, non.

      [Un Etat qui perd son crédit (et donc la confiance qu’on devrait lui accorder), n’est-ce pas déjà au moins l’antichambre du chaos ?]

      Cela dépend ce que vous appelez le « crédit ». L’Etat est là pour faire appliquer les lois, qu’elles soient justes ou injustes, bonnes ou mauvaises. Et ce qui légitime ce rôle est le fait que tout mauvaise que soit la loi, elle est toujours mieux que le chaos. L’Etat aura son « crédit » intact aussi longtemps qu’il sera en mesure de faire appliquer la loi. Il ne faut pas confondre la légitimité de l’Etat avec celle du système politique. Ce sont deux choses très differentes.

      [Merci pour vos articles en tout cas. Même si je ne suis pas toujours d’accord (mais je le suis souvent malgré tout), ils ont l’immense mérite de dégourdir les méninges (et parfois même, ce qui ne gâche rien, avec un franc sourire).]

      Merci beaucoup, ça fait du bien de se sentir apprécié. Mais ce sont aussi les commentateurs qui donnent à ce blog son goût inimitable…

    • Mathieu dit :

      “Je ne comprends pas comment vous arrivez à partager mon avis dans un cas et pas dans l’autre. Soit vous admettez qu’un petit groupe a le droit de s’affranchir des lois qui ne lui conviennent pas, et alors vous devez admettre le blocage de l’A1 au même titre que celui du site de Sivens, soit vous considérez que « force doit rester à la loi », et alors ce principe s’applique dans le deux. Si vous postulez que certaines lois peuvent être violées et d’autres pas, se pose une question évidente : qui décide lesquelles sont lesquelles ?”

      Parce que dans un cas, il s’est agi de CREER le chaos (et accessoirement prendre les usagers en otage, sans considération des risques qu’on leur faisait éventuellement courir) pour des revendications très individuelles (et relativement dérisoire mais vous avez raison : qui décide ce qui est dérisoire et pourquoi ?). Dans le cas de ND des Landes ou de Sivens (autant que je sache), il s’agit d’empêcher (ou d’entraver) un chantier dont on estime (à tort ou à raison ? Qui décide et pourquoi ?) que les conditions, les règles et/ou les conséquences sont corrompues et/ou néfastes.
      Quant aux méthodes employées, je vous rejoins : force reste à la loi (puisque c’est ce qui rend l’Etat crédible avant tout). Il est donc normal (à défaut d’être forcément juste) que toute forme de désordre ou de dégradation soit réprimée par les outils prévus à cet effet : Vichy était d’ailleurs également intraitable sur ce point. Il est normal que l’Etat réagisse face à ND des Landes ou Sivens pour faire exécuter un chantier qui a été régulièrement (jusqu’à nouvel ordre) décidé par les institutions, et il aurait été normal que l’Etat fasse respecter la loi en ce qui concerne la bande qui a décidé de foutre le bordel sur l’A1.
      Et il était normal que Vichy réagisse avec vigueur aux actes de terrorisme perpétrés par les “odieux résistants” qui ne respectaient rien.
      Justement, il est dommage de constater que l’Etat sait se montrer très fort en face d’une menace faiblarde… et se déculotte honteusement dès qu’il a peur (peur de la réaction d’une communauté à Roye, peur du scandale causé par un mort à Sivens, peur des courbes de sondage à ND des Landes).

      Mais “force reste à la loi” ne signifie pas pour autant “force DOIT rester à la loi”. L’Histoire montre qu’on a peut-être parfois eu du bol que la force change de bord… mais intérêt à ce qu’elle se stabilise ensuite.
      Pour autant, un Etat qui faiblit signe sa propre perte (et dans des conditions qui promettent un joyeux boxon qui éclaboussera tout le monde).

      Je partage votre avis dans le cas de Roye, je le partage moins dans les 2 autres cas cités parce que je (personnellement moi-même) considère ces projets nuisibles et que je doute de la régularité des conditions dans lesquelles ils ont été décidés (on pourrait aussi citer le TAFTA, comme exemple de négociations douteuses). Je reconnais la légitimité de la loi mais je me réserve le droit de penser parfois (y compris contre la majorité) qu’elle se goure.
      Et j’en admets les conséquences (c’est d’ailleurs ce qui me convainc jusqu’à présent de rester chez moi sans prendre de risque 🙂 ).

      “Je ne vois pas en quoi on aurait utilisé des « méthodes discutables » pour intimider ou discréditer. Pourriez-vous être un peu plus précis ? Le « groupe de Tarnac » a probablement – les juges diront si c’est plus qu’une probabilité – saboté des lignes TGV. Les services de l’Etat on cherché à prouver qu’il s’agissait d’un acte terroriste, ils n’ont pas réussi. Mais je ne vois pas en quoi on pourrait les accuser d’intimidation ou de discrédit…”

      Lorsque l’Etat (et son organe de propagande, c’est-à-dire l’ensemble de la presse subventionnée) se permet de dire sur un JT de la télévision publique qu’il “va falloir repérer et traiter ceux qui ne sont pas Charlie”, lorsque l’Etat et la presse hurlent comme un seul homme que toute forme de contestation de l’Union européenne (et de bien d’autres vérités officielles) est le monopole du méchant facho-Front national et n’est qu’une nouvelle forme de nazisme, lorsque l’Etat et la presse font bloc pour présenter une bande d’épiciers “un peu idéalistes” qui ont peut-être (ça a aussi été revendiqué par des groupes anti-nucléaires allemands, dans le silence le plus total) balancé quelques ferrailles sur des caténaires comme d’impitoyables terroristes dignes héritiers des Brigades rouges ou de la bande à Baader… oui, j’appelle ça de l’intimidation et des méthodes, non pas discutables mais carrément dégueulasses. Avec, en prime, la force de frappe de la presse et la “légitimité” de l’Etat.
      Dans l’affaire précise de Tarnac (mais je doute qu’elle soit unique), les juges ont fait preuve parfois d’une partialité troublante… surtout quand on pense que c’est celle que l’Etat attendait d’eux.

      “Cela dépend ce que vous appelez le « crédit ». L’Etat est là pour faire appliquer les lois, qu’elles soient justes ou injustes, bonnes ou mauvaises. Et ce qui légitime ce rôle est le fait que tout mauvaise que soit la loi, elle est toujours mieux que le chaos. L’Etat aura son « crédit » intact aussi longtemps qu’il sera en mesure de faire appliquer la loi. Il ne faut pas confondre la légitimité de l’Etat avec celle du système politique. Ce sont deux choses très differentes.”

      Tout à fait d’accord.
      Et c’est pourquoi je respecte aussi (surtout quand je suis du même avis, je vous le concède) le droit que s’arrogent certains d’outrepasser (ou de combattre) la loi… à condition qu’ils en acceptent aussi les risques inhérents, fussent-ils “injustes” (et encore, aux yeux de qui ?).
      Il est vrai que “crédit” peut signifier aussi bien “autorité” que “justice”. Or, qu’il soit juste ou injuste, un Etat ne peut rester crédible ni prétendre protéger sans autorité.

      “Merci beaucoup, ça fait du bien de se sentir apprécié. Mais ce sont aussi les commentateurs qui donnent à ce blog son goût inimitable…”

      Je ne sais pas si je vous apprécie puisque je ne vous connais pas, mais j’apprécie beaucoup vos articles (même si je suis un “vilain” écolo – mais pas EELV, faut quand même pas déconner ! – persuadé qu’on va droit dans le mur avec cette sacro-sainte société de croissance, de consommation de gaspillage et de productivité effrénée).
      Et puis les espaces de vraie liberté de parole sont de plus en plus rares (ce qui ramène aux méthodes discutables visant à intimider ou discréditer) : vous serez peut-être bientôt une espèce d’île déserte (à moins que le ministère de l’Intérieur décide “démocratiquement et légitimement” votre fermeture administrative ?).

      Alors oui, merci encore !

    • Descartes dit :

      @ Mathieu

      [Parce que dans un cas, il s’est agi de CREER le chaos (et accessoirement prendre les usagers en otage, sans considération des risques qu’on leur faisait éventuellement courir) pour des revendications très individuelles (et relativement dérisoire mais vous avez raison : qui décide ce qui est dérisoire et pourquoi ?). Dans le cas de ND des Landes ou de Sivens (autant que je sache), il s’agit d’empêcher (ou d’entraver) un chantier dont on estime (à tort ou à raison ? Qui décide et pourquoi ?) que les conditions, les règles et/ou les conséquences sont corrompues et/ou néfastes.]

      Je ne vois pas très bien ou est la différence de fond. Une revendication « très individuelle » n’est pas forcément plus ou moins juste qu’une revendication collective. Faire pression sur l’Etat pour qu’il libère un prisonnier n’est pas si différent que ça de faire pression sur l’Etat pour qu’il abandonne un projet décidé démocratiquement.

      [Et il était normal que Vichy réagisse avec vigueur aux actes de terrorisme perpétrés par les “odieux résistants” qui ne respectaient rien.]

      La question se pose différemment pour Vichy, pour la simple raison que contrairement aux lois faites par la République leur légitimité n’était pas assurée…

      [Mais “force reste à la loi” ne signifie pas pour autant “force DOIT rester à la loi”. L’Histoire montre qu’on a peut-être parfois eu du bol que la force change de bord… mais intérêt à ce qu’elle se stabilise ensuite.]

      Je ne comprends pas votre raisonnement. « force doit rester à la Loi » n’est pas la même chose que « force doit rester à l’Etat ». La loi étant l’expression de la volonté générale, je n’imagine pas une situation ou on ait eu « du bol que la force change de bord »…

      [Je partage votre avis dans le cas de Roye, je le partage moins dans les 2 autres cas cités parce que je (personnellement moi-même) considère ces projets nuisibles et que je doute de la régularité des conditions dans lesquelles ils ont été décidés (on pourrait aussi citer le TAFTA, comme exemple de négociations douteuses). Je reconnais la légitimité de la loi mais je me réserve le droit de penser parfois (y compris contre la majorité) qu’elle se goure.]

      Vous avez le droit de penser que les projets en question sont « nuisibles », mais cela ne vous donne pas pour autant le droit de violer la loi. Par contre, si vous avez des raisons de penser que la décision n’est pas régulière, c’est autre chose. Le problème, c’est que pour « douter de la régularité des conditions dans lesquelles ils ont été décidé » il faut pouvoir apporter des éléments objectifs. Sur quel élément s’appuient vos « doutes » ?

      [Lorsque l’Etat (et son organe de propagande, c’est-à-dire l’ensemble de la presse subventionnée) se permet de dire sur un JT de la télévision publique qu’il “va falloir repérer et traiter ceux qui ne sont pas Charlie”, lorsque l’Etat et la presse hurlent comme un seul homme que toute forme de contestation de l’Union européenne (et de bien d’autres vérités officielles) est le monopole du méchant facho-Front national et n’est qu’une nouvelle forme de nazisme,]

      Tout ça, vous me l’accorderez, n’a aucun rapport avec le groupe de Tarnac. Et vous l’accorderez aussi que vous faites un raccourci un peu rapide en transformant l’ensemble de la presse subventionnée en « organe de propagande de l’Etat ».
      [lorsque l’Etat et la presse font bloc pour présenter une bande d’épiciers “un peu idéalistes” qui ont peut-être (ça a aussi été revendiqué par des groupes anti-nucléaires allemands, dans le silence le plus total) balancé quelques ferrailles sur des caténaires comme d’impitoyables terroristes dignes héritiers des Brigades rouges ou de la bande à Baader… oui, j’appelle ça de l’intimidation et des méthodes, non pas discutables mais carrément dégueulasses. Avec, en prime, la force de frappe de la presse et la “légitimité” de l’Etat.]

      Je pense que vous faites erreur. Un journal comme « Le Monde », qu’on peut difficilement considérer comme un organe de la révolution anarchiste, a pris fait et cause dès le départ pour le « groupe de Tarnac » et critiqué la position de l’Etat. Et il a été largement suivi par une bonne partie de la presse. Je trouve curieuse votre idée d’un Etat capable de mobiliser la presse et les médias à son secours, alors que dans notre beau pays la presse et les médias se font un métier de critiquer l’Etat en permanence, à propos et hors de propos. Quant à « l’intimidation », je vois mal en quoi elle consiste. Le groupe de Tarnac a pu continuer de diffuser sa prose sans la moindre entrave. On n’a pas crevé leurs pneus, incendié leur voiture ou leur maison, envoyé des petits cercueils à leur adresse. Ce n’est pas parce que les tarnaciens se couvrent du manteau de la victime qu’il faut tomber dans le panneau.

      [Dans l’affaire précise de Tarnac (mais je doute qu’elle soit unique), les juges ont fait preuve parfois d’une partialité troublante… surtout quand on pense que c’est celle que l’Etat attendait d’eux.]

      En effet. Je pense que le juge qui a requalifié les accusations de « terrorirsme » en simple « perturbation de la circulation ferroviaire » a été d’une troublante partialité…

      [Et c’est pourquoi je respecte aussi (surtout quand je suis du même avis, je vous le concède) le droit que s’arrogent certains d’outrepasser (ou de combattre) la loi… à condition qu’ils en acceptent aussi les risques inhérents, fussent-ils “injustes” (et encore, aux yeux de qui ?).]

      Je ne peux qu’applaudir votre honnêteté lorsque vous précisez que votre « respect » est conditionné au fait que vous partagez le but de l’action… mais vous voyez bien que cette conditionnalité détruit en grande partie votre argument, puisqu’en fait vous approuvez la violation de la loi lorsque vous partagez l’objectif, et vous la condamnez quand vous ne le partagez pas. On ne peut pas fonder une position juridique sur un fondement purement subjectif.

      Personnellement, je « respecte » ceux qui violent la loi « politiquement » et qui acceptent la conséquence de cette violation – comme par exemple les signataires du « manifeste des 343 » sur l’avortement – parce que l’objectif dans ce cas est d’obtenir du pouvoir constitué la modification de la loi, et non une exception. Mais ce « respect » s’étend que je sois ou non d’accord avec l’objectif poursuivi…

      [Et puis les espaces de vraie liberté de parole sont de plus en plus rares (ce qui ramène aux méthodes discutables visant à intimider ou discréditer) : vous serez peut-être bientôt une espèce d’île déserte (à moins que le ministère de l’Intérieur décide “démocratiquement et légitimement” votre fermeture administrative ?).]

      Un « îlot isolé », je veux bien… mais une « île déserte », j’espère pas !

    • Antoine dit :

      Bonjour,

      > Le « groupe de Tarnac » a probablement – les juges diront si c’est plus qu’une probabilité – saboté des lignes TGV.

      Vous éveillez ma curiosité. Au-delà de la présomption d’innocence, sur quoi vous basez-vous pour penser que ce “groupe” a commis (“probablement”) les faits qui lui sont reprochés ? Il me semble que les “preuves” matérielles sont assez faibles voire quasi-inexistantes. Par ailleurs, l’affaire est factuellement assez simple, les accusés probablement peu organisés (on ne parle pas de bandits aguerris et disposant de multiples complicités, mais de post-adolescents se radicalisant en paroles dans des textes romantiques) : si vraiment il y avait culpabilité de ces gens-là, elle aurait dû être prouvée depuis longtemps, AMHA.

      Par ailleurs, pourquoi la juge serait-elle partiale ? Elle connaît probablement mieux le dossier que vous et moi…

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [Le « groupe de Tarnac » a probablement – les juges diront si c’est plus qu’une probabilité – saboté des lignes TGV.]

      [Vous éveillez ma curiosité. Au-delà de la présomption d’innocence, sur quoi vous basez-vous pour penser que ce “groupe” a commis (“probablement”) les faits qui lui sont reprochés ?]

      Sur l’ordonnance du juge d’instruction qui a décidé le renvoi devant la juridiction correctionnelle. En général, les juges d’instruction ne renvoient pas devant les juridictions de jugement des affaires dans lesquelles ils sont convaincus que les accusés sont innocents. Et si les preuves présentées sont suffisantes pour convaincre que le juge que les accusés sont « probablement » coupables, c’est suffisant aussi pour moi.

      [Il me semble que les “preuves” matérielles sont assez faibles voire quasi-inexistantes. Par ailleurs, l’affaire est factuellement assez simple, les accusés probablement peu organisés (on ne parle pas de bandits aguerris et disposant de multiples complicités, mais de post-adolescents se radicalisant en paroles dans des textes romantiques) :]

      Pour mettre un crochet sur un caténaire on n’a pas besoin d’être très organisé. La manière de faire peut se trouver sur internet, la fabrication est à la portée de n’importe quelle personne qui sache manier quelques outils, et la pose ne nécessite pas de compétences particulières.

      [si vraiment il y avait culpabilité de ces gens-là, elle aurait dû être prouvée depuis longtemps, AMHA]

      Comment ? Si ces « adolescents radicalisés » ont pris du fil de fer, fabriqué trois crochets les ont posés sur un catenaire et ensuite jeté le matériel de fabrication dans la mer, comment pensez vous qu’on aurait pu « prouver depuis longtemps » leur culpabilité ?

      [Par ailleurs, pourquoi la juge serait-elle partiale ? Elle connaît probablement mieux le dossier que vous et moi…]

      C’est vous qui avez écrit : « Dans l’affaire précise de Tarnac (mais je doute qu’elle soit unique), les juges ont fait preuve parfois d’une partialité troublante… », pas moi. Si vous faites confiance à l’impartialité du juge qui a requalifié les actes, je ne vois pas pourquoi vous ne faites pas confiance aux autres…

    • Antoine dit :

      > C’est vous qui avez écrit : « Dans l’affaire précise de Tarnac (mais je doute qu’elle soit unique), les juges ont fait preuve parfois d’une partialité troublante… »

      Je n’ai rien écrit de tel. Vous me confondez avec Mathieu, un autre commentateur.

      > Pour mettre un crochet sur un caténaire on n’a pas besoin d’être très organisé.

      Bien entendu. Ce que je dis, c’est que face à une bande peu organisée et peu aguerrie, il est étrange de devoir enquêter des années pour arriver à prouver quelque chose (à supposer que quelque chose soit prouvé).

      > Et si les preuves présentées sont suffisantes pour convaincre que le juge que les accusés sont « probablement » coupables, c’est suffisant aussi pour moi.

      Je ne comprends pas. Dans un message précédent, vous disiez que la juge vous semblait d’une “troublante partialité” pour avoir requalifié les accusations. Maintenant vous semblez dire que vous faites confiance à son jugement, alors même que vous ne le connaissez pas avec certitude (ce n’est pas la juge qui a prononcé les mots “probablement coupables” – c’est votre lecture de ses actes).

      Personnellement, vouloir attribuer à la juge une conviction avant que le procès ne soit terminé et le jugement rendu me semble irrespectueux du processus judiciaire. Je pensais que vous aviez des éléments matériels à votre disposition.

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [C’est vous qui avez écrit : « Dans l’affaire précise de Tarnac (mais je doute qu’elle soit unique), les juges ont fait preuve parfois d’une partialité troublante… »][Je n’ai rien écrit de tel. Vous me confondez avec Mathieu, un autre commentateur.]

      Oops ! Je vous prie de m’excuser, j’ai fait erreur. Une petite explication s’impose donc. Mathieu avait fait part de ses suspicions concernant la « partialité troublante » des juges. Je trouve curieux que quelqu’un qui penche plutôt pour l’innocence des accusés dans l’affaire Tarnac parle de « partialité troublante des juges » supposés agir sous la pression de l’Etat, alors que dans cette affaire le juge n’a pas suivi les réquisitions du ministère public et a requalifié l’accusation à un degré bien moindre de gravité.

      [Bien entendu. Ce que je dis, c’est que face à une bande peu organisée et peu aguerrie, il est étrange de devoir enquêter des années pour arriver à prouver quelque chose (à supposer que quelque chose soit prouvé).]

      Pourquoi ? Quand on enquête sur une bande d’illuminés qui fantasment sur la révolution imminente, il est toujours difficile de savoir où s’arrête le fantasme et où commence la réalité, où finit le prêche enflammé et où commence le passage à l’acte. Ecrire un pamphlet qui appelle à détruire les institutions n’est pas un délit, le mettre à exécution oui. Cela me rappelle le film de Hitchcock « La Corde ».

      [Et si les preuves présentées sont suffisantes pour convaincre que le juge que les accusés sont « probablement » coupables, c’est suffisant aussi pour moi.][Je ne comprends pas. Dans un message précédent, vous disiez que la juge vous semblait d’une “troublante partialité” pour avoir requalifié les accusations.]

      L’ironie de mon commentaire vous a échappé.

      [Personnellement, vouloir attribuer à la juge une conviction avant que le procès ne soit terminé et le jugement rendu me semble irrespectueux du processus judiciaire.]

      Pas du tout. Le juge d’instruction se fait une « intime conviction » au moment de clôturer le dossier par son renvoi… je ne préjuge pas de ce que sera la décision de la juridiction de jugement, mais on peut raisonnablement déduire de la décision du juge d’instruction de renvoyer les « Tarnac » en correctionnelle qu’il y a des raisons sérieuses de penser qu’ils ont commis les faits qui leur sont reprochés.

  2. v2s dit :

    @Descartes
    [..dans la démocratie de l’émotion dans laquelle nous vivons, la consigne est « pas de vagues ».]

    Il arrive rarement que nous soyons d’accord.
    Et bien voici encore un point sur lequel nous sommes complètement d’accord.
    J’ai peur que ça ne dure pas, en particulier quand vous nous parlerez bientôt des réfugiés migrants.
    Mais sur ce point précis de la démission des pouvoirs et de la démocratie de l’émotion, je suis tout à fait d’accord avec vous.
    Et j’ai même un début d’explication à cette déliquescence de l’autorité de l’état :
    Vous parlez d’une consigne qui dit « pas de vague ». Et bien cette consigne appartiendrait à la culture, à la formation, à l’ADN de nos classes dirigeantes.
    PDVMVPDV «Pas de vagues, mon vieux, pas de vagues».
    C’est une maxime que les énarques appliquent à la lettre si on en croit l’essai à charge de l’énarque Adeline Baldacchino.
    http://www.lefigaro.fr/vox/culture/2015/09/02/31006-20150902ARTFIG00331–la-ferme-des-enarques-les-illusions-perdues-d-une-ancienne-eleve.php

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Il arrive rarement que nous soyons d’accord. Et bien voici encore un point sur lequel nous sommes complètement d’accord.]

      Pas si rarement que ça… mais forcément, nous échangeons plus sur les points de désaccord…

      [Et j’ai même un début d’explication à cette déliquescence de l’autorité de l’état : Vous parlez d’une consigne qui dit « pas de vague ». Et bien cette consigne appartiendrait à la culture, à la formation, à l’ADN de nos classes dirigeantes. C’est une maxime que les énarques appliquent à la lettre si on en croit l’essai à charge de l’énarque Adeline Baldacchino.]

      Méfiez vous des « essais à charge » des prêtres défroqués qui brûlent ce qu’ils ont autrefois adoré. En général, ils reflètent les aigreurs et les déceptions personnelles, souvent la conséquence d’illusions disproportionnées. L’énarque aigri qui ratasse sur son école est un classique qui ne date pas d’aujourd’hui. Le problème est que beaucoup d’élèves de cette prestigieuse – et à juste titre – école ne comprennent pas que le rôle du fonctionnaire n’est pas de gouverner. Que ce privilège appartient en exclusivité aux élus du peuple. Bien sur, c’est frustrant de servir un ministre qui ne comprend rien à rien et qui d’ailleurs s’en fout, obnubilé qu’il est par la « com » et par sa carrière. Bien sur, c’est frustrant d’imaginer des réformes et de les voir rejetées – ou vidées de leur sens – parce qu’il faut faire plaisir à telle ou telle ONG, à tel ou tel « notable » local. Le haut-fonctionnaire, comme n’importe quel autre fonctionnaire, est un « soutier ». Il est là pour ramer. Si l’ENA a un défaut, c’est de ne pas suffisamment expliquer aux élèves – et aux candidats au concours surtout – en quoi consiste le métier auquel ils se préparent.

      Le fonctionnaire d’autorité qu’est le préfet est au service du gouvernement. C’est de lui qu’il tient ses instructions. Je ne connais pas d’exemple de préfet ayant reçu des instructions de fermeté de son ministre et ayant fait preuve de laxisme. Alors, c’est un peu trop facile de charger le « pas de vagues » sur le dos des fonctionnaires. C’est au politique de donner les ordres. C’est un peu trop facile de laisser les hauts-fonctionnaires se débrouiller, pour ensuite les limoger lorsqu’il y a un « accident ».

    • Mathieu dit :

      Je crois (et c’est peut-être un autre point de désaccord) que l’inertie peut expliquer bien des choses mais qu’il arrive un moment où elle n’est plus viable par elle-même… et c’est là qu’interviennent de petits complots (ou petits arrangements avec les circonstances) pour éviter qu’une vague ne vienne brutalement troubler l’inertie dans laquelle ils se vautrent.

      Pensez-vous d’ailleurs que Mitterrand ne doit son accession au pouvoir et son “oeuvre” qu’à son inertie ? Il me semble qu’un chouia de machiavélisme l’a un peu aidé quand même.

    • Descartes dit :

      @ Mathieu

      [Pensez-vous d’ailleurs que Mitterrand ne doit son accession au pouvoir et son “oeuvre” qu’à son inertie ? Il me semble qu’un chouia de machiavélisme l’a un peu aidé quand même.]

      L’arrivée au pouvoir, certainement pas. Mitterrand – tout comme Sarkozy ou Hollande d’ailleurs – sont d’excellents tacticiens lorsqu’il s’agit de la conquête du pouvoir. Le problème est justement ce qu’on fait une fois qu’on y est. Et de ce point de vue, on ne peut pas dire que Mitterrand ait eu vraiment des convictions. « L’œuvre » de Mitterrand de 1981-83 dérive d’un véritable projet. Mais après le « tournant de la rigueur », Mitterrand s’est largement converti à la politique « du chien crevé au fil de l’eau ».

  3. Julian dit :

    “Et c’est là le pire : encore une fois, on laisse au FN le monopole de la défense de l’autorité de l’État et de la primauté de la loi sur les revendications privées.”

    Oui…Comme si une mécanique diabolique était à l’œuvre pour hisser le score électoral du FN à un niveau tel que seule la perspective “monstrueuse” de la victoire de Marine LP en 2017 puisse permettre, dans un sursaut, au candidat de la “gauche” ou de” la défense de la République” de l’emporter.

    Je ne crois pas au délitement de l’État dans cette affaire comme dans les précédentes. Je crois à une tactique délibérée. Je crois que les cerveaux solfériniens sont tordus et pervers. Capables de ce calcul politicien ignoble.

    • Descartes dit :

      @ Julian

      [Je ne crois pas au délitement de l’État dans cette affaire comme dans les précédentes. Je crois à une tactique délibérée. Je crois que les cerveaux solfériniens sont tordus et pervers. Capables de ce calcul politicien ignoble.]

      Je ne crois pas aux visions « machiavéliques ». Pas la peine de chercher d’obscurs complots alors que la simple inertie suffit à expliquer.

  4. Dragon Bleu dit :

    Article intéressant. Je note que lorsque vous admettez qu’une violation de la loi peut avoir un sens politique, vous semblez accepter, sur le principe, les revendications des zadistes que vous dénoncez quelques paragraphes plus haut. Ils ont, pour le coup, une idéologie politique qui motive leurs actions. A moins que vous ne fassiez là une autre nuance que je n’ai pas saisie ?

    Soit dit en passant, j’attends avec impatience votre analyse de la tentative de Chevènement de se rapprocher de Mélenchon et de NDA, et de dialoguer avec Onfray & Debray, pour fonder une nouvelle pensée de “gauche républicaine”.

    • Descartes dit :

      @ Dragon Bleu

      [Je note que lorsque vous admettez qu’une violation de la loi peut avoir un sens politique, vous semblez accepter, sur le principe, les revendications des zadistes que vous dénoncez quelques paragraphes plus haut.]

      Je n’accepte rien. Vous semblez penser que parce qu’on accorde à un acte un sens politique il deviendrait acceptable ou au moins excusable. Or, ce n’est pas le cas. L’assassinat de Yitsak Rabin avait certainement un sens politique. Pensez-vous pour autant qu’il faudrait laisser son auteur impuni ?

      [Soit dit en passant, j’attends avec impatience votre analyse de la tentative de Chevènement de se rapprocher de Mélenchon et de NDA, et de dialoguer avec Onfray & Debray, pour fonder une nouvelle pensée de “gauche républicaine”.]

      J’ai dit ce que j’en pense dans un autre commentaire. Je partage avec Sapir l’idée qu’il est impératif d’en finir avec cette barrière « droite/gauche » qui n’a plus aucun sens et qui empêche les souverainistes de travailler ensemble. Pour cela, avant de penser à des « fronts » ou des « alliances », il faut commencer par se parler. L’idée d’organiser une rencontre de personnalités politiques et intellectuelles « des deux rives » me parait une excellente chose.

      Chevènement a raison d’inviter tout le monde à cette réunion – et j’espère qu’il acceptera la participation de ceux qu’il n’aurait pas invité mais qui souhaiteraient s’y joindre. Après tout, le but est bien de montrer que des gens de « bords » différents peuvent se parler et se réunir sur un certain nombre de revendications prioritaires qui leur sont communes. Par contre, il fallait s’attendre au refus de Mélenchon d’y participer.

    • BolchoKek dit :

      >Par contre, il fallait s’attendre au refus de Mélenchon d’y participer.< Chevènement a d’ailleurs publié une réponse ouverte sur son blog, où il écrit notamment :
      ” Mais comment ne vois-tu pas qu’en refusant d’engager le débat sur le fond – Comment réorienter l’Europe en s’appuyant sur la souveraineté populaire ? – tu t’enfermes dans un espace restreint où tu finiras par être étouffé ? “
      C’est déjà arrivé à Mélenchon une fois de dire “Chevènement avait raison”… mais c’était bien trop tard, et j’ai peur que cela ne se répète.

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Chevènement a d’ailleurs publié une réponse ouverte sur son blog, où il écrit notamment : « Mais comment ne vois-tu pas qu’en refusant d’engager le débat sur le fond – Comment réorienter l’Europe en s’appuyant sur la souveraineté populaire ? – tu t’enfermes dans un espace restreint où tu finiras par être étouffé ? »]

      Chevènement a raison, mais je ne pense pas qu’il se soit fait beaucoup d’illusions. Ce n’est pas le cas sur tout, mais sur la question maastrichienne, Mélenchon a été toujours d’une grande consistance. Au-delà des discours faussement « jacobins », Mélenchon reste un mitterrandiste de cœur.

      Ce qui m’inquiète, par contre, c’est que dans sa réponse Chevènement écrit que la réunion du 26 septembre serait « évidement reportée »… est-ce que quelqu’un saurait pourquoi ?

      [C’est déjà arrivé à Mélenchon une fois de dire “Chevènement avait raison”… mais c’était bien trop tard, et j’ai peur que cela ne se répète.]

      C’est un peu comme dans l’histoire drôle : il est parfaitement capable de remplacer tout seul une ampoule, mais il lui faut vingt ans pour s’apercevoir qu’elle est grillée.

  5. “J’avoue que cette affaire m’a profondément troublé.”
    Je ne suis pour ma part qu’à moitié étonné: il y a depuis pas mal de temps une tendance latente à se montrer “souple” pour conserver la paix sociale. Songez que la police évite quand elle le peut certains quartiers. Je me souviens d’une émission il y a quelques années où, dans une cité, les policiers (municipaux je crois) avaient reçu comme instruction officielle de ne pas verbaliser les jeunes contrôlés à bord de deux roues sans assurance. Afin d’éviter les débordements, de privilégier le “dialogue”. Je me suis toujours demandé si la maréchaussée serait aussi bienveillante à mon égard… C’est pourquoi ce qui arrive ne doit pas vous étonner: cela fait déjà un certain temps que l’Etat recule, dans ce domaine comme dans d’autres. Et cela commence à l’école: quand vous entendez des enseignants siégeant à un conseil de discipline se demander si des insultes proférées à l’encontre d’un surveillant méritent réellement une exclusion, vous comprenez que la société a un problème. Il règne un laxisme certain.

    Il n’est cependant pas inutile de rappeler que le laxisme est loin de s’exercer pour tout le monde: je pense à un Eric Zemmour, condamné pour avoir dit “la plupart des trafiquants sont noirs ou arabes”, ou à un Brice Hortefeux condamné pour avoir dit (sur un ton humoristique et dans un cadre détendu non officiel): “quand il y en a un, ça va, c’est quand il y en a plusieurs que c’est un problème” en parlant des Maghrébins. C’est bizarre, vous ne trouvez pas, cette propension à traquer, trouver et condamner, moralement et devant les tribunaux s’il vous plaît, la moindre parole contestable ou maladroite d’une personne, disons, “classée à droite”. Quand certaines populations issues de l’immigration ou les gens du voyage profitent d’une invraisemblable mansuétude. On pourrait aussi évoquer Esteban Morillo, le fasciste, le nazi, l’assassin, qui a été unanimement condamné pour la mort de Clément Méric, alors que l’enquête a montré depuis que le jeune skinhead faisait partie du groupe agressé, et n’avait fait que riposter à un coup que Méric lui avait courageusement porté par derrière. Je me souviens aussi de l’occupation du chantier de la mosquée de Poitiers par des identitaires (une soixantaine peut-être): étrangement, on les a délogés, ceux là, on a fermement condamné leurs agissements dans la presse, à ceux là. Je dénonce depuis longtemps ce “deux poids, deux mesures” que je trouve insupportable. On pardonne tout à certains, et rien à d’autres parce qu’ils pensent différemment, parce qu’ils n’adhèrent pas à la vulgate antiraciste et droit-de-l’hommiste. “On”, c’est l’Etat, la gauche, certaines institutions comme l’école ou la justice.

    “Il est effrayant de penser que dans la France d’aujourd’hui notre volonté publique est si faible qu’on accepte d’être collectivement rackettés – car c’est bien de racket qu’il s’agit – par des petites minorités qui n’hésitent pas à faire appel à la violence sans la moindre protestation.”
    Songez à ce qu’ils auraient obtenu s’ils avaient été six cents… A six mille, on peut prendre le pouvoir, cher Descartes! Ne voulez-vous pas recruter? 🙂

    Moi aussi, je suis troublé depuis pas mal de temps déjà, vous le savez d’ailleurs. Je m’interroge sur l’usage de la violence, sur la pertinence de l’autodéfense. Je me demande si je peux vraiment compter sur l’Etat pour protéger aussi bien la France que ma personne (voire ma liberté, puisque je fais clairement partie de ceux qui n’adhèrent pas à la vulgate susdite). J’enrage quand je vois qu’on me reproche ma haine et mon ressentiment et que d’autres laissent libre cours aux leurs, sous les applaudissements (voire avec les encouragements!) d’une certaine gauche, radicale ou pas. J’ai l’impression que des “minorités” que je ne nommerai pas sont bien plus importantes que la catégorie de la population à laquelle j’appartiens. Je pense même que d’aucuns se réjouiraient de voir un “facho” crever. Et j’avoue être très inquiet. Mais si l’Etat est incapable de défendre la France, la loi, la civilisation de notre pays, alors il ne faudra pas s’étonner que certains essaient de le faire à sa place… Avec les risques de dérives qu’on imagine.

    Allez, et puisque vous parlez de la “démocratie de l’émotion” (j’aurais plutôt écrit la “dictature de l’émotion”), je ne résiste pas à l’envie de vous le demander: un mot sur la photo de l’enfant syrien qui émeut le monde entier…

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [Je ne suis pour ma part qu’à moitié étonné: il y a depuis pas mal de temps une tendance latente à se montrer “souple” pour conserver la paix sociale. Songez que la police évite quand elle le peut certains quartiers.]

      Tout à fait. Mais jusqu’ici cette « souplesse » consistait surtout à acheter la paix sociale dans les zones « difficiles » en les maintenant soigneusement séparées du reste de la population. On payait les « grands frères » pour qu’ils « tiennent » le quartier et on détournait les yeux de leurs trafics, à condition que les trafics en question restent confinés au quartier. L’affaire de l’A1 montre qu’on est passé à un niveau supérieur : on est passé d’une logique d’achat de la paix sociale dans certains territoires à une logique de racket à grande échelle de l’ensemble de la population.

      [ Je me souviens d’une émission il y a quelques années où, dans une cité, les policiers (municipaux je crois) avaient reçu comme instruction officielle de ne pas verbaliser les jeunes contrôlés à bord de deux roues sans assurance. Afin d’éviter les débordements, de privilégier le “dialogue”. Je me suis toujours demandé si la maréchaussée serait aussi bienveillante à mon égard…]

      Je pense que vous posez mal le problème. Votre commentaire laisse penser que la « bienveillance » de la maréchaussée envers ces « djeunes » et une sorte de cadeau, alors que c’est tout le contraire. Bien sur que les gendarmes ne seraient pas aussi « bienveillants » à votre égard. Dans votre quartier les gens roulant sans assurance se feront verbaliser, ET C’EST TRES BIEN AINSI, parce que ce fait protège vos enfants et vous-même de la possibilité de vous faire écraser par un conducteur sans assurance. Le fait de ne pas verbaliser les « djeunes » dans certains quartiers lorsqu’ils roulent sans assurance n’est pas un geste de « bienveillance », au contraire. C’est un geste d’abandon. Et le jour ou les « djeunes » en question ont un accident, ils n’auront que leurs yeux pour pleurer.

      [C’est pourquoi ce qui arrive ne doit pas vous étonner: cela fait déjà un certain temps que l’Etat recule, dans ce domaine comme dans d’autres.]

      Je ne dirais pas que cela m’étonne. Mais même si j’en ai parfaitement conscience du recul de l’Etat provoqué par la pusillanimité du politique – j’y suis confronté professionnellement chaque jour – j’avoue que le voir se manifester aussi nettement, aussi publiquement et sans que personne trouve à y redire m’a troublé. Souvent les gens ne veulent pas voir, mais au moins réagissent lorsqu’ils en sont forcés. Ici, rien.

      [Et cela commence à l’école: quand vous entendez des enseignants siégeant à un conseil de discipline se demander si des insultes proférées à l’encontre d’un surveillant méritent réellement une exclusion, vous comprenez que la société a un problème. Il règne un laxisme certain.]

      Tout à fait. Les enseignants qui font cela scient d’ailleurs la branche qui les supporte.

      [Il n’est cependant pas inutile de rappeler que le laxisme est loin de s’exercer pour tout le monde: je pense à un Eric Zemmour, condamné pour avoir dit “la plupart des trafiquants sont noirs ou arabes”, ou à un Brice Hortefeux condamné pour avoir dit (sur un ton humoristique et dans un cadre détendu non officiel): “quand il y en a un, ça va, c’est quand il y en a plusieurs que c’est un problème” en parlant des Maghrébins. C’est bizarre, vous ne trouvez pas, cette propension à traquer, trouver et condamner, moralement et devant les tribunaux s’il vous plaît, la moindre parole contestable ou maladroite d’une personne, disons, “classée à droite”. Quand certaines populations issues de l’immigration ou les gens du voyage profitent d’une invraisemblable mansuétude.]

      Que le laxisme dans les faits s’accompagne d’une police des idées ne devrait pas vous surprendre. Dans la mesure où nos élites intellectuelles et politiques ont fait le deuil de toute capacité de changer le réel, les conflits qui autrefois se manifestaient dans les pratiques se concentrent aujourd’hui sur le domaine idéologique, avec d’autant plus de dureté. Par ailleurs, la fragilité interne de l’idéologie dominante est telle, son caractère ad-hoc est tellement visible, que les « classes moyennes » sont terrifiées à l’idée qu’elle puisse être contestée.

      [Songez à ce qu’ils auraient obtenu s’ils avaient été six cents… A six mille, on peut prendre le pouvoir, cher Descartes! Ne voulez-vous pas recruter? :)]

      Non, justement. Si on les laisse ainsi piétiner l’autorité de l’Etat, c’est parce que le pouvoir, le véritable pouvoir, est ailleurs.

      [Moi aussi, je suis troublé depuis pas mal de temps déjà, vous le savez d’ailleurs. Je m’interroge sur l’usage de la violence, sur la pertinence de l’autodéfense. Je me demande si je peux vraiment compter sur l’Etat pour protéger aussi bien la France que ma personne (voire ma liberté, puisque je fais clairement partie de ceux qui n’adhèrent pas à la vulgate susdite).]

      La question se posera inévitablement. Dès lors que l’Etat apparaît trop faible pour assurer que « force restera à la loi », si soixante personnes munies de barres de fer peuvent lui imposer leur volonté, chacun de nous sera encouragé à se trouver cinquante-neuf amis et à se munir d’une barre de fer pour protéger son bien, sa liberté, sa vie. Le vide laissé par l’Etat ne peut qu’être comblé par des milices privées.

      [J’enrage quand je vois qu’on me reproche ma haine et mon ressentiment et que d’autres laissent libre cours aux leurs, sous les applaudissements (voire avec les encouragements!) d’une certaine gauche, radicale ou pas. J’ai l’impression que des “minorités” que je ne nommerai pas sont bien plus importantes que la catégorie de la population à laquelle j’appartiens. Je pense même que d’aucuns se réjouiraient de voir un “facho” crever. Et j’avoue être très inquiet.]

      Je partage votre inquiétude. Certains se préoccupent de la disparition des humanités à l’école. Mais cette disparition est un symptôme : les humanités disparaissent de l’école parce que les notions de tolérance et d’intérêt pour l’autre que nous avons hérité des Lumières, et qui sous tendent ces humanités, disparaissent de notre espace public. Mais il paraît que dans la foulée des attentats de janvier le « traité sur la tolérance » de Voltaire a crevé les plafonds de vente. Il ne faut pas désespérer d’un peuple qui en réponse à une crise revient aux Lumières…

      [Allez, et puisque vous parlez de la “démocratie de l’émotion” (j’aurais plutôt écrit la “dictature de l’émotion”), je ne résiste pas à l’envie de vous le demander: un mot sur la photo de l’enfant syrien qui émeut le monde entier…]

      Je vais essayer d’écrire un papier là-dessus… mais comme vous l’imaginez, ce n’est pas facile. A chaque mot on risque d’être labellisé « suppôt du front national ». En tout cas, je ne peux pas m’empêcher de me poser une question : cela fait des mois et des mois que des migrants se noient en méditerranée. Et parmi eux, on le sait, des femmes et des enfants. D’autres photos comme celle-ci doivent exister depuis des semaines ou des mois. Alors, pourquoi cette campagne maintenant ? Quel est l’objectif ?

    • v2s dit :

      @Descartes

      [..sur la photo de l’enfant syrien qui émeut le monde entier…]
      [D’autres photos comme celle-ci doivent exister depuis des semaines ou des mois. Alors, pourquoi cette campagne maintenant ? Quel est l’objectif ?]

      Un complot sans doute !
      Il ne vous aura pas échappé que la presse française avait royalement ignorée cette photo, et que le reste de l’Europe et du monde l’avait mise en une. Alors si complot il y a, ce sera forcément un complot à visée mondiale ! Ne venez pas nous dire qu’il s’agit de l’œuvre de la pensée unique des élites médiatiques françaises boboisées, ce ne serait pas crédible.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [D’autres photos comme celle-ci doivent exister depuis des semaines ou des mois. Alors, pourquoi cette campagne maintenant ? Quel est l’objectif ?][Un complot sans doute !]

      Un complot ? Probablement pas. Mais une campagne de « com’ » très réussie, sans aucun doute.

      [Il ne vous aura pas échappé que la presse française avait royalement ignorée cette photo, et que le reste de l’Europe et du monde l’avait mise en une.]

      Le reste de l’Europe, oui. Le reste du monde, non. C’est essentiellement la presse européenne qui a repris cette photo…

      Cela fait des mois qu’on nous rapporte presque quotidiennement la mort de migrants en méditerranée. Des milliers sont morts, et parmi eux de nombreuses femmes et enfants. Il y a donc certainement d’autres corps d’enfants rejetés par la mer sur les plages de Grèce, d’Italie, de Turquie ou de Lybie, d’autres photos comme celle du petit Aylan… et pourtant, aucune photo n’a fait la « une » des gazettes. Les journaux nous servaient au contraire des images de migrants secourus à bord de leurs embarcations. Il est vrai qu’à l’époque les dirigeants européens cherchaient plutôt à minimiser la crise et à faire passer l’idée que tout était sous contrôle. Et juste au moment où les dirigeants européens choisissent au contraire d’admettre l’ampleur du problème, juste au moment ou Merkel, Hollande et les autres commencent à expliquer qu’il va falloir faire une place aux nouveaux arrivants, voilà que la photo-émotion qui justifie à merveille le nouveau message est à la une de tous les journaux. Avouez qu’une telle coïncidence a de quoi troubler, non ?

      D’autant plus que ce n’est pas la seule coïncidence dans cette affaire. Prenez par exemple le fait que l’enfant soit natif de la ville de Kobané, ville qui avait occupé très largement les médias européens il y a quelques mois, et qui était donnée en exemple de « résistance populaire ». A votre avis, quelle est la probabilité qu’un réfugié pris au hasard vienne précisément de cette ville ?

      Mais ce qui me rend le plus soupçonneux, c’est le message qui entoure la publication de cette photo. Les médias insistent sur « la photo qui changera la politique européenne », nous disent que « rien ne sera plus comme avant » et ainsi de suite. Comme s’il s’agissait effectivement de préparer l’opinion à une rupture…

      Maintenant, parler de « complot » serait certainement excessif. Mais il y a dans notre système un métabolisme qui fait que les « classes bavardantes » ont des intérêts communs et donc des réflexes et des références qui s’accordent spontanément sans qu’il soit besoin d’une « direction occulte » pour les concerter. De ce point de vue, il n’est pas inutile de rappeller une autre photo qui devait « changer la politique européenne », celui de charnier de Timisoara. Là aussi, l’ensemble de la presse européenne avait publié les photos – que nous savons aujourd’hui falsifiées – avec des commentaires enflammés…

      [Alors si complot il y a, ce sera forcément un complot à visée mondiale !]

      Mondiale non. Je n’ai pas vue la photo à la « une » des journaux chinois ou brésiliens, par exemple. Européenne oui…
      [Ne venez pas nous dire qu’il s’agit de l’œuvre de la pensée unique des élites médiatiques françaises boboisées, ce ne serait pas crédible.]

      Au contraire. Pour une fois, les élites boboisées françaises se sont comportés un peu mieux que les élites boboisées britanniques ou allemandes. Les journaux français n’ont pas repris au départ la photo, comme vous le soulignez vous-même. Ce n’est qu’une fois menacés par la vague de bisounoursisme galopant qu’ils se sont décidés à rejoindre la cohorte larmoyante.

      Dans cette affaire, je trouve qu’il y a beaucoup de girouettes. Je me souviens en 2007 combien la gauche avait dénoncé la « dictature de l’émotion » lorsque la presse avait publié les photos d’un vieil homme dont la maison avait été incendiée par des voyous. A l’époque, on n’avait pas de mots trop durs pour dénoncer la manipulation au travers des images mélodramatiques. Et maintenant, on entend les mêmes louer la publication d’une photo qui, volontaire ou involontairement, permet le même type de manipulation, interdisant de fait tout débat rationnel sur la question migratoire.

    • CVT dit :

      @Descartes,
      [Au contraire. Pour une fois, les élites boboisées françaises se sont comportés un peu mieux que les élites boboisées britanniques ou allemandes. Les journaux français n’ont pas repris au départ la photo, comme vous le soulignez vous-même. Ce n’est qu’une fois menacés par la vague de bisounoursisme galopant qu’ils se sont décidés à rejoindre la cohorte larmoyante]

      et bien, je me joins à vos applaudissements! Pour avoir vu la photo dans un magazine étranger, je peux vous dire qu’il faut avoir le coeur bien accroché, et surtout, s’abstenir de toute réaction prématurée! Pour moi, la presse française a bien réagi. Quant aux râleurs qui crient à la censure, libre à eux d’aller regarder ces photos sur Internet (le sac à vomi peut-être utile).

      Mais surtout, la question de publier ou non des photos sensationnelles, pourrait également se poser dans le cas des sempiternelles décapitations de l’Etat Islamique: la presse française, dans l’ensemble, s’est abstenue de les montrer, et bizarrement, il n’y a pas eu de vague. Enfin, pour la bonne route, on ne s’est jamais retenu de montrer à la télé ou dans les jour des petits enfants noirs (j’insiste sur la couleur de peau…) en train de mourir de fin et de soif dans un quelconque pays africain frappé par la famine, sans que ça ne gêne qui que ce soit…

      Pour ma part, j’aurait été choqué non seulement par cette photo, mais surtout par son exploitation faite pour culpabiliser ceux qui refuseraient par avance d’accueillir ces réfugiés (je récuse le terme de “migrant”, trop vague…); je songe aux couches populaires des pays européens, qui n’en peuvent déjà plus du chômage, et à qui on va demander de faire encore un peu plus de place pour accueillir d’autres pauvres qui seront mieux traités qu’eux, le tout au nom d’un humanisme bien compris…
      Enfin, je suis surtout révolté par le culot des prescripteurs d’opinion, dont l’inconséquence éclate ici au grand jour: dans cette affaire, ces réfugiés syriens affluent par centaines de milliers en Europe, précisément parce que l’Occident, à commencer par la France, a armé ceux qui sont à l’origine de leur exode, l’Etat Islamique, né de la volonté d’éradiquer la “brute sanguinaire el-Assad”. Car contre l’avis des Français, qui ne voulaient pas prendre par à ce conflit, nos dirigeants ont soutenu les pires ennemis de ce dernier, au nom d’une conception dévoyée des Droits de l’Homme; et maintenant, ces enfoirés (désolé, je ne peux désigner autrement Hollande et Fabius) nous somment d’accueillir ceux qui, d’après moi, auraient dû rester lutter en Syrie pour chasser le diable salafiste, alors même que notre pays n’a plus les moyens de s’occuper de ses propres pauvres, comme le montre notre endettement croissant?
      Oui, je suis révolté par ce que le cadavre de ce pauvre enfant cache comme montagne d’hypocrisie de la part de nos dirigeants: il risque de servir de prétexte à, ce qu’en d’autres temps, on aurait désigné sous le terme d’invasion…

    • v2s dit :

      @Descartes
      [Mondiale non. Je n’ai pas vue la photo à la « une » des journaux chinois ou brésiliens, par exemple. Européenne oui…]

      La photo d’Aylan Kurdi a été largement reprise ailleurs qu’en Europe.
      Le New York Time, comme la presse canadienne ont mis la photo à la une.
      Libre à vous de croire que ces images sont mises à disposition pour manipuler l’opinion européenne, moi je constate qu’elles intéressent le monde entier. Mais polémiquer sur ce point ne fait guère avancer le débat.

      Il me semble plus intéressant de parler d’un des aspects du fond de cette question des réfugiés :
      Comment et pourquoi la France qui jouit depuis des siècles d’une réputation justifiée de terre d’accueil pour les réfugies, comment en sommes nous arrivés à ce que, selon un sondage récent, une forte majorité de Français, « 56% des personnes interrogées se disent opposées à ce que la France accueille une part de migrants et de réfugiés, notamment en provenance de Syrie ».

      Nous ne sommes pas mieux disposés vis-à-vis des réfugiés que les Slovaques, les Hongrois ou les Polonais, loin derrière les Hollandais, les Anglais, les Allemands et les Suisses …
      Si La France avait été dans les mêmes dispositions au siècle dernier, nous aurions rejeté l’arrivée des Arméniens victimes du génocide turque, nous aurions rejeté les Espagnols victimes de Franco, les réfugiés Grecs fuyant le régime des colonels, ma propre belle mère italienne, arrivée dans les bagages de son père fuyant la répression de Mussolini, sans oublier les juifs d’Europe centrale fuyant l’avancée du nazisme et leurs coreligionnaires qui, un peu plus tard, fuyaient l’installation du communisme. Et les Iraniens qui fuyaient le Chah, et plus tard leurs compatriotes qui fuyaient Khomeiny.
      Et puis tant qu’on y est, au nom du célèbre mot d’ordre « on est chez nous ! », la France aurait pu également s’opposer à l’arrivée massive de tous les juifs séfarades d’Afrique du Nord, arrivés au Maghreb bien avant la colonisation française et qui n’avaient donc absolument rien de Français de souche.
      Alors oui, « on est chez nous » et chez nous, il y avait une tradition d’accueil de réfugiés qui malheureusement est soluble dans la lepénisation des esprits.
      Il paraît que La France ou l’aime ou on la quitte, moi j’ai bien peur, à cause de la monté du FN, de ne plus l’aimer autant qu’avant.

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [Mais surtout, la question de publier ou non des photos sensationnelles, pourrait également se poser dans le cas des sempiternelles décapitations de l’Etat Islamique: la presse française, dans l’ensemble, s’est abstenue de les montrer, et bizarrement, il n’y a pas eu de vague.]

      Il faut reconnaître à la presse française une certaine retenue dans l’utilisation des documents photographiques. Peut-être parce que les français ont tendance, beaucoup plus que les anglosaxons, à verser dans le cynisme et ressentent très négativement les tentatives de manipulation trop évidentes.

      [Pour ma part, j’aurait été choqué non seulement par cette photo, mais surtout par son exploitation faite pour culpabiliser ceux qui refuseraient par avance d’accueillir ces réfugiés (je récuse le terme de “migrant”, trop vague…); je songe aux couches populaires des pays européens, qui n’en peuvent déjà plus du chômage, et à qui on va demander de faire encore un peu plus de place pour accueillir d’autres pauvres qui seront mieux traités qu’eux, le tout au nom d’un humanisme bien compris…]

      Je pense que vous avez mis le doigt là où ça fait mal. Comme souvent, la véritable question en fin de compte est « qui va payer ? ». Et dans la configuration actuelle, il est clair que la charge va peser sur les couches populaires, par simple effet de transfert. Alors que les états européens sont soumis à une sévère cure d’amaigrissement, imaginez-vous une augmentation nette des budgets de la santé, du logement, de l’éducation, de la sécurité pour faire face aux besoins des nouveaux arrivants ? Imaginez-vous la Commission levant la contrainte sur les déficits des états pour permettre de faire face ? Bien sur que non. Les nouveaux arrivants émargeront aux maigres crédits consacrés aux services publics et aux politiques sociales dans les quartiers défavorisés – parce que vous n’imaginez pas tout de même qu’on installera les réfugiés dans le 7ème arrondissement de Paris. Ce sont donc les couches populaires qui devront partager leur ordinaire. Les « classes moyennes », elles, se contenteront des bonnes paroles.

      Tiens, si Hollande veut véritablement convertir nos compatriotes à l’accueil des réfugiés, j’ai une mesure à lui proposer : il n’a qu’à annoncer que la baisse d’impôts de 2 milliards prévue pour les classes moyennes n’aura pas lieu, cet argent étant nécessaire pour installer dignement les réfugiés dans notre pays. On verra alors qui est solidaire, et qui ne l’est pas.

      [Enfin, je suis surtout révolté par le culot des prescripteurs d’opinion, dont l’inconséquence éclate ici au grand jour: dans cette affaire, ces réfugiés syriens affluent par centaines de milliers en Europe, précisément parce que l’Occident, à commencer par la France, a armé ceux qui sont à l’origine de leur exode,]

      Je pense que vous faites erreur sur le point précis. L’occident n’a pas vraiment « armé » l’EI. Mais vous avez raison sur le fond : si l’occident n’avait pas joué aux apprentis sorciers en renversant les régimes qui ne lui convenaient pas au risque de mettre par terre l’Etat tout entier, on ne se retrouverait pas avec des « états faillis » incapables de protéger leur population. Et rares ont été les « prescripteurs d’opinion » qui, à l’époque, avaient tiré la sonnette d’alarme…

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [La photo d’Aylan Kurdi a été largement reprise ailleurs qu’en Europe. Le New York Times, comme la presse canadienne ont mis la photo à la une.]

      « Ailleurs qu’en Europe » ne suffit pas pour faire une « reprise mondiale ». En dehors de l’Europe et de quelques journaux « élitistes » aux USA et au Canada, le sujet n’a pas fait la « une ». Pourquoi le ferait-il, d’ailleurs ? Pour nous, cela peut être une affaire très importante, mais je pense que pour les australiens les enfants philippins ou indonésiens qui se noient en essayant d’atteindre l’Australie sont nettement plus médiatiques que ceux qui se noient dans la mer Egée. Comme vous le dites si souvent, l’Europe n’est plus le centre du monde…

      [Libre à vous de croire que ces images sont mises à disposition pour manipuler l’opinion européenne,]

      En d’autres termes, vous pensez que si cette photo sort justement au moment ou les dirigeants européens essayent de vendre une politique d’accueil à leurs peuples est une pure coïncidence, et que si les centaines d’enfants qui se sont noyés au large de l’Italie ou de la Grèce ces six derniers mois n’ont pas accédé à la célébrité, c’est la encore un hasard ?

      [Comment et pourquoi la France qui jouit depuis des siècles d’une réputation justifiée de terre d’accueil pour les réfugies, comment en sommes nous arrivés à ce que, selon un sondage récent, une forte majorité de Français, « 56% des personnes interrogées se disent opposées à ce que la France accueille une part de migrants et de réfugiés, notamment en provenance de Syrie ».]

      Vous posez la question, mais vous ne proposez aucune réponse. Pourquoi les français, hier si accueillants, ont changé d’avis ? Quelle serait votre explication ? Je pourrais vous en proposer une, mais avant j’aimerais connaître la votre…

      [Et puis tant qu’on y est, au nom du célèbre mot d’ordre « on est chez nous ! », la France aurait pu également s’opposer à l’arrivée massive de tous les juifs séfarades d’Afrique du Nord, arrivés au Maghreb bien avant la colonisation française et qui n’avaient donc absolument rien de Français de souche.]

      Là, j’avoue que je ne vois pas le rapport. En quoi le fait « d’être chez soi » empêche d’accueillir l’autre ? Je me souviens qu’en 1973 mes parents avaient accueilli pendant quelques mois un réfugié chilien dans notre appartement, et pourtant personne n’a jamais contesté qu’ils « étaient chez eux ». Dire qu’on « est chez soi », c’est se réserver le droit de faire les règles auxquelles l’autre doit se conformer. Mais n’implique nullement qu’on n’accueille pas l’autre.

      [Alors oui, « on est chez nous » et chez nous, il y avait une tradition d’accueil de réfugiés qui malheureusement est soluble dans la lepénisation des esprits.]

      Ah… la « lépénisation des esprits », que ferions nous sans ce recours qui permet d’expliquer tout et n’importe quoi. Mais à votre avis, pourquoi les esprits se sont-ils « lépénisés » ? Pourquoi ces français si accueillants hier ne le sont plus aujourd’hui ?

    • v2s dit :

      @Descartes

      [Ah… la « lépénisation des esprits », que ferions nous sans ce recours qui permet d’expliquer tout et n’importe quoi]

      Il reste que les réfugiés sont là, que les Français s’opposent à 56% à l’accueil de notre part de ces réfugiés, que ce pourcentage dépasse de beaucoup ce que vous appelez les couches populaires et débordent largement sur les classes moyennes.
      Même si le mot ne vous plait pas, la lepénisation des esprits fait son chemin.
      La course à l’électorat lepéniste à laquelle se livrent Sarkozy et les siens fait sauter les réticences.
      Le piège se referme sur notre pays.
      Chaque jour, un peu plus, « on est chez nous ».
      Chaque jour un peu plus repliés sur nous-mêmes, un peu plus nationalistes, un peu plus xénophobes, un peu plus islamophobes, un peu plus « fiers » d’être Français de souche.
      Que direz-vous si le stade suivant est le retour de l’antisémitisme chez les « vrais Français de souche » ?
      Allez oust! Dehors ! Tous dans un bateau, les Arabes, les Juifs, les Arméniens, les noirs et les roms tant qu’on y est … ON est chez nous ! que diable !

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Il reste que les réfugiés sont là, que les Français s’opposent à 56% à l’accueil de notre part de ces réfugiés, que ce pourcentage dépasse de beaucoup ce que vous appelez les couches populaires et débordent largement sur les classes moyennes.]

      Pas vraiment. J’ai toujours dit que pour moi les « classes moyennes » représentaient entre 20 et 30% de la population à tout casser. La bourgeoisie est numériquement négligéable. Il reste donc largement suffisamment de couches populaires pour arriver à votre somme de 56%. Mais je constate que vous répétez l’affirmation sans jamais aller plus loin. Je vous répète donc la question : POURQUOI ? Pourquoi à votre avis ces français si tolérants, si accueillants pendant plus d’un siècle décident justement aujourd’hui de changer d’avis ? A supposer même que la « lépénisation des esprits » existe, elle est un effet, pas une cause.

      [Même si le mot ne vous plait pas, la lepénisation des esprits fait son chemin.]

      Je vous l’ai deja dit : la répétition ne constitue pas un argument.

      [La course à l’électorat lepéniste à laquelle se livrent Sarkozy et les siens fait sauter les réticences. Le piège se referme sur notre pays. Chaque jour, un peu plus, « on est chez nous ». Chaque jour un peu plus repliés sur nous-mêmes, un peu plus nationalistes, un peu plus xénophobes, un peu plus islamophobes, un peu plus « fiers » d’être Français de souche.]

      Il est très difficile d’échanger avec vous quand vous vous mettez en mode prêche. Mais je vais essayer quand même. Je pense que vous faites une erreur fondamentale lorsque vous interprétez le slogan « on est chez nous ». Cette affirmation en elle-même ne porte pas sur le fait d’accueillir ou non des étrangers, mais sur la question de savoir qui fait les règles. Proclamer que « je suis chez moi », c’est proclamer que c’est moi qui fait les règles. Et l’étranger accueilli chez moi doit s’y conformer. Les britanniques ont une formule qui est encore plus explicite : « my house, my rules » (« ma maison, mes règles »).

      Vous pouvez bien entendu être en désaccord avec cette position. Vous avez le droit de penser que les étrangers qui arrivent chez nous ont le droit sacré à prolonger les règles, les modes de vie et de relation de leur pays d’origine, et que c’est à la société d’accueil de s’adapter à celles-ci. Mais l’autre position est elle aussi respectable et en rien « fasciste ». Et le premier respect, c’est d’éviter les falsifications : dire « chez suis chez moi » ne m’empêche en rien d’accueillir les autres.

      J’entends déjà votre objection : « oui, mais lorsqu’ils disent « je suis chez moi », ces gens-là PENSENT « je ne veux pas les autres » ». Et bien, contrairement à vous, je ne peux pas lire dans les pensées des gens. Et je suis très prudent lorsqu’il s’agit de procès d’intention. Si vous avez des éléments objectifs pour justifier votre interprétation, je vous invite à les partager avec nous.

      [Que direz-vous si le stade suivant est le retour de l’antisémitisme chez les « vrais Français de souche » ?]

      Je le condamnerais et je la combattrais, bien sur. Et que diriez vous si le stade suivant est une politique d’accueil raisonnée et fondée sur une véritable assimilation qui assure en même temps le droit des étrangers à être accueilli et la cohésion de la collectivité d’accueil ? Avec des « si », on mettrait Paris en bouteille.

      [Allez oust! Dehors ! Tous dans un bateau, les Arabes, les Juifs, les Arméniens, les noirs et les roms tant qu’on y est … ON est chez nous ! que diable !]

      Vous devriez vous demander pourquoi beaucoup de ces Arabes, de ces Juifs, de ces Arméniens, de ces Noirs qui ont été accueillis par le passé et assimilés vont eux aussi, aujourd’hui, scander « on est chez nous » dans des meetings… Vous ne semblez pas vous rendre compte que c’est justement l’incertitude quant au fait de savoir qui fait les règles qui alimente la peur de l’autre, qui dans ce contexte n’est qu’une peur de perdre le contrôle sur sa propre vie. Croire qu’on peut répondre à cette crainte par des leçons de morale, des accusations de « lépénisation » ou des photos-choc me paraît être une erreur extrêmement dangereuse. Personne n’accepte d’accueillir l’autre dans sa maison si l’accueil se traduit par une dépossession.

    • @ v2s,

      “ON est chez nous ! que diable !”

      J’ignore, monsieur, où vous vivez, et qui sont vos voisins. J’ai cru comprendre que vous goûtiez une retraite méritée, que vos enfants ont une situation convenable. Ce n’est pas le cas de tous les Français, même parmi les “de souche”. C’est un point que vous avez, me semble-t-il, du mal à admettre. Vous parlez toujours de manière générale, comme si tous les Français vivaient dans les mêmes quartiers, avec les mêmes revenus.

      Permettez-moi de vous parler de mon quotidien. J’habite dans une petite ville de province, dans un quartier pavillonnaire jouxtant une importante ZUP, à la population très diversifiée. Au sein de cette population, les musulmans représentent une proportion importante, surtout des Maghrébins, des Turcs, quelques Subsahariens et Caucasiens. Ils ne représentent pas la totalité de la population du quartier, mais ils sont nombreux. Au demeurant, c’est un quartier relativement calme, ce n’est pas l’enfer, les bâtiments sont propres et rénovés. Les musulmans n’agressent personne. Simplement, quand je passe dans ce quartier, que je vois que de nombreuses femmes sont voilées (et pas toujours un “simple” foulard), que la plupart des commerces sont estampillés hallal ou du moins “oriental”, désolé, mais je ne me sens pas chez moi. Quand un établissement scolaire est pour ainsi dire cerné par la nouvelle mosquée flambant neuve d’un côté et par les commerces communautaires de l’autre, quand le marché du week-end ressemble davantage à celui d’une ville turque ou maghrébine, excusez-moi de ne pas me sentir chez moi. Quand dans la supérette voisine ou dans la rue, vous croisez des gens qui se parlent en turc ou en arabe, désolé, je ne me sens pas chez moi.

      Bien sûr, on peut me reprocher de ne pas vraiment côtoyer ces gens. Je ne vis pas avec ces musulmans, je vis à côté d’eux. Peut-être qu’ils sont tolérants, sympathiques, ouverts. Peut-être qu’ils ont le sens de l’hospitalité. Peut-être. Mais je trouve que porter la religion en bandoulière comme ils le font, afficher en permanence une manière de vivre qui est étrangère, désolé de le dire, ça crée un fossé. Et je me permets de souligner que ce sont ces gens, et non moi, qui mettent cette distance entre nous. Je n’ai pas envie de m’adapter, désolé. C’est peut-être un peu présomptueux, mais effectivement, la France, c’est chez moi. L’immense majorité de mes ancêtres (connus) y sont nés, y ont toujours vécu et y sont enterrés. Des gens d’ailleurs sont venus, et certains veulent continuer à vivre comme au pays. Très bien, mais moi j’ai le droit de ne pas désirer leur présence.

      Maintenant, concernant les réfugiés, j’ai quelques questions à vous poser:
      1) Combien en hébergez-vous chez vous? J’aimerais bien que ceux qui nous parlent du “devoir” et de la “tradition d’accueil” de la France commence par donner l’exemple. Je ne doute pas de votre générosité, par conséquent éclairez-nous sur les réfugiés qui dorment chez vous.
      2) Qui va payer l’accueil, les soins, la formation des adultes et l’école des enfants? Je ne sais pas si vous le savez, mais pour un enseignant, “faire la classe” dans un établissement “multiculturel” (et beaucoup le sont, bien au-delà des REP +, qui sont en fait des bahuts où bien souvent il n’y a quasiment plus de natifs) n’a rien de facile. Les attentats du 7 janvier, les progrès de l’islam radical (que les enseignants constatent depuis plusieurs années dans ce quartier près de chez moi) n’ont rien arrangé, vous le savez.

      Alors c’est un peu facile de faire abstraction de tout cela (ainsi que de la situation économique du pays) et de dire: “ah, mais c’est la France, on doit les accueillir, ça a toujours été comme ça”. D’abord, il faut relativiser: pendant longtemps, l’asile ne concernait que des effectifs très faibles. Quand les républicains espagnols sont arrivés, on ne les a pas très bien accueillis contrairement à ce que vous pensez: ils ont été parqués dans des camps. La France traversait une mauvaise passe et n’avait nulle envie de s’occuper d’eux. Les séfarades d’Afrique du Nord n’ont rien à voir, car ils étaient citoyens français pour la plupart. Mais je puis vous assurer que les pieds-noirs n’ont pas partout été accueillis avec enthousiasme, loin de là. Les immigrationnistes ont quand même tendance à enjoliver la “tradition d’accueil” de notre beau pays…

    • Jean-François dit :

      [J’ai toujours dit que pour moi les « classes moyennes » représentaient entre 20 et 30% de la population à tout casser.]

      A ce sujet, vous m’aviez donné ces précisions il y a quelques temps :

      “Sur la base de la distribution du vote et de la statistique publique, j’aurais tendance à penser qu’il y a une trentaine de pourcents pour lesquels la construction européenne est aujourd’hui avantageuse.”

      Je viens de calculer le pourcentage de Français majeurs qui ont voté pour autre chose que la sortie de l’euro au premier tour des dernières élections présidentielles, cela fait environ 58%. Si vous dites vrai, alors seulement la moitié de ces électeurs ont véritablement un intérêt à voter ainsi. Je n’arrive pas à imaginer que cela soit possible. Je veux bien qu’une certaine proportion se fasse avoir, mais que 30% des Français majeurs votent contre leur intérêt me paraît énorme !

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [J’ignore, monsieur, où vous vivez, et qui sont vos voisins. J’ai cru comprendre que vous goûtiez une retraite méritée, que vos enfants ont une situation convenable. Ce n’est pas le cas de tous les Français, même parmi les “de souche”. C’est un point que vous avez, me semble-t-il, du mal à admettre. Vous parlez toujours de manière générale, comme si tous les Français vivaient dans les mêmes quartiers, avec les mêmes revenus.]

      Vous soulevez un point important. Il y a une certaine tendance à confondre une stratification ethnique et une stratification sociale. Pour schématiser, les « blancs » seraient tous riches et exploiteraient les « bronzés », qui sont tous pauvres. Mais ce n’est pas le cas. Allez dans les petites villes et villages de la Somme ou du Pas de Calais et vous verrez des « blancs » – souvent blonds aux yeux bleus, en prime – qui vivent dans des taudis, souvent avec des allocations minimes en attendant de trouver un improbable emploi, ou avec des retraites misérables. Pour beaucoup d’électeurs du Front National les immigrés ne sont pas « les plus pauvres qu’eux »…

      [Simplement, quand je passe dans ce quartier, que je vois que de nombreuses femmes sont voilées (et pas toujours un “simple” foulard), que la plupart des commerces sont estampillés hallal ou du moins “oriental”, désolé, mais je ne me sens pas chez moi. Quand un établissement scolaire est pour ainsi dire cerné par la nouvelle mosquée flambant neuve d’un côté et par les commerces communautaires de l’autre, quand le marché du week-end ressemble davantage à celui d’une ville turque ou maghrébine, excusez-moi de ne pas me sentir chez moi. Quand dans la supérette voisine ou dans la rue, vous croisez des gens qui se parlent en turc ou en arabe, désolé, je ne me sens pas chez moi.]

      Je pense que vous faites erreur quand aux causes du sentiment que vous éprouvez. Il y a une grande mosquée dans le centre de Paris, et cette grande mosquée, qui « cerne » le vénérable muséum d’histoire naturelle, ne me pose le moindre problème. Pourquoi ? Parce qu’elle ne m’a pas été imposée. C’est nous, français, qui avons décidé de la construire dans les années 1920. Ce qui gêne dans la présence d’une population d’origine étrangère aujourd’hui est cette forte impression que cette population n’a aucune considération pour nos règles. Que nos lois, nos coutumes, nos traditions sont ignorées quand elles ne sont pas bafouées, sans que nous puissions rien faire. Tiens, si le 14 juillet la mosquée et les commerçants communautaires décoraient leurs édifices du drapeau national, s’ils faisaient l’effort de parler français en votre présence, de dévoiler leurs femmes, auriez-vous la même impression de « ne plus être chez vous » ?

      [Les immigrationnistes ont quand même tendance à enjoliver la “tradition d’accueil” de notre beau pays…]

      Pas du tout. La France est un pays très accueillant. Il est vrai qu’elle a parqué les républicains espagnols dans des camps. Mais les autres pays européens – à la notable exception de l’URSS – ont fait bien pire, refusant par avance d’accorder l’asile à quelque réfugié espagnol que ce soit…

    • Descartes dit :

      @ Jean-François

      [“Sur la base de la distribution du vote et de la statistique publique, j’aurais tendance à penser qu’il y a une trentaine de pourcents pour lesquels la construction européenne est aujourd’hui avantageuse.”][Je viens de calculer le pourcentage de Français majeurs qui ont voté pour autre chose que la sortie de l’euro au premier tour des dernières élections présidentielles,]

      Aux élections présidentielles on ne vote pas pour ou contre la sortie de l’Euro, on vote pour un candidat à la magistrature suprême. Imaginer qu’on peut tirer une conclusion quant au positionnement des électeurs par rapport à l’Euro implique poser comme hypothèse que la question de l’Euro est le facteur déterminant du vote. Ce qui me paraît pour le moins aventureux.

      Imaginez que vous fassiez le même raisonnement sur la question de la constitution européenne. En 2002, 80% des voix se sont portés sur un candidat favorable à la ratification du TCE. Trois ans plus tard, 53% des français se prononçait contre la ratification.

    • Jean-François dit :

      [Aux élections présidentielles on ne vote pas pour ou contre la sortie de l’Euro, on vote pour un candidat à la magistrature suprême. Imaginer qu’on peut tirer une conclusion quant au positionnement des électeurs par rapport à l’Euro implique poser comme hypothèse que la question de l’Euro est le facteur déterminant du vote. Ce qui me paraît pour le moins aventureux.]

      Certes mais ce n’est pas ce que je dis. Ce que je dis c’est que si la moitié des électeurs qui ont voté pour des candidats partisans de l’euro ont voté contre leur intéret, cela me paraît énorme. Je me serais plutôt attendu à ce qu’une bonne majorité ait vraiment intérêt à voter pour ces partis.

      [Imaginez que vous fassiez le même raisonnement sur la question de la constitution européenne. En 2002, 80% des voix se sont portés sur un candidat favorable à la ratification du TCE. Trois ans plus tard, 53% des français se prononçait contre la ratification.]

      En fait avec le même raisonnement on obtient environ 40% qui ont voté pour des candidats favorables au TCE, ce qui me paraît moins étonnant. (J’ai fait la somme de voix au premier tour de chaque candidat favorable au TCE et j’ai divisé par la population adulte.) Mais il y avait environ 30% d’abstention et moins de 5% de non inscrits. (En 2012, il y avait environ 20% et 5% respectivement.)

    • Descartes dit :

      @ Jean François

      [Certes mais ce n’est pas ce que je dis. Ce que je dis c’est que si la moitié des électeurs qui ont voté pour des candidats partisans de l’euro ont voté contre leur intérêt, cela me paraît énorme.]

      Mais qu’est ce qui vous dit qu’ils ont voté « contre leurs intérêts » ? Dans le programme des candidats, il n’y avait pas que la question de l’Euro, mais plein d’autres choses. A supposer même que les électeurs choisissent leurs candidats purement en fonction de leurs intérêts, il se peut très bien que les électeurs aient estimé que ce qu’ils pouvaient gagner GLOBALEMENT en votant les candidats pro-euro était plus intéressant que ce qu’offraient GLOBALEMENT les candidats anti-euro.

      De plus, les électeurs ne votent pas en fonction de leurs intérêts, mais en fonction de la vision qu’ils ont de ceux-ci. Ainsi, par exemple, les couches populaires peuvent avoir tout intérêt à une sortie de l’Euro, mais en même temps être convaincus par une propagande intensive que si nous sortions de l’Euro le ciel leur tomberait sur la tête. Il ne faut pas oublier l’importance de l’hégémonie idéologique, et dans notre société, celle-ci appartient aux « classes moyennes », qui ont un intérêt indiscutable au maintien dans l’Euro.

      [Imaginez que vous fassiez le même raisonnement sur la question de la constitution européenne. En 2002, 80% des voix se sont portés sur un candidat favorable à la ratification du TCE. Trois ans plus tard, 53% des français se prononçait contre la ratification.][En fait avec le même raisonnement on obtient environ 40% qui ont voté pour des candidats favorables au TCE, ce qui me paraît moins étonnant. (J’ai fait la somme de voix au premier tour de chaque candidat favorable au TCE et j’ai divisé par la population adulte.)]

      Mais pourquoi le faites vous sur le premier tour ? Dans la mesure où le second tour voyait s’affronter un candidat opposé au TCE et un candidat qui lui était favorable, c’est ce tour-là qu’il faut prendre en compte…

    • @ Descartes,

      “Il y a une grande mosquée dans le centre de Paris, et cette grande mosquée, qui « cerne » le vénérable muséum d’histoire naturelle, ne me pose le moindre problème.”
      Votre comparaison ne me convainc pas. Paris est depuis un certain temps déjà une “ville-monde” et par conséquent elle a nécessairement une dimension cosmopolite, comme peuvent l’avoir d’autres villes ouvertes sur des influences étrangères (je pense à Marseille). Et puis, la grande mosquée de Paris s’inscrit dans un contexte particulier: elle date, si je ne m’abuse, de 1926, époque où la France impériale avait de nombreux sujets musulmans et était elle-même une puissance du monde musulman. Il ne vous aura pas échappé que 90 ans plus tard, le contexte a quelque peu changé…

      “Ce qui gêne dans la présence d’une population d’origine étrangère aujourd’hui est cette forte impression que cette population n’a aucune considération pour nos règles. Que nos lois, nos coutumes, nos traditions sont ignorées quand elles ne sont pas bafouées, sans que nous puissions rien faire.”
      Je suis d’accord, et il ne me semblait pas avoir dit le contraire… A ceci près que “nos lois” sont dans l’ensemble respectées, car une femme qui porte le foulard, des gens qui parlent arabe ou turc dans la rue, une musulmane même qui refuse de serrer la main d’un homme, ne violent pas la loi. Ce sont les règles tacites, non-écrites, ce qui relève effectivement de la coutume et de la tradition, qui ne sont pas respectées. Que faire? Rendre obligatoire tous les petits gestes du quotidien, conformes à la coutume, par la loi? Obliger légalement les gens à parler français dans la rue? Ce n’est pas possible, sauf à vivre sous un régime peu respectueux des libertés.

      “si le 14 juillet la mosquée et les commerçants communautaires décoraient leurs édifices du drapeau national, s’ils faisaient l’effort de parler français en votre présence, de dévoiler leurs femmes, auriez-vous la même impression de « ne plus être chez vous » ?”
      Il y a dix ans, je vous aurais sans doute répondu que non, dans ce cas, je n’aurais pas l’impression de “ne plus être chez moi”. Mais le temps a passé. Ma patience s’est usée à force de constater avec amertume les renoncements, les capitulations, les “accommodements raisonnables”. Moi aussi, je me suis radicalisé avec le temps. Je pense que nous avons trop reculé. Aujourd’hui, je n’ai aucune envie d’assimiler ces gens. Je souhaite simplement qu’ils partent, je le dis.

      “La France est un pays très accueillant.”
      La France peut-être, mais les Français… Des ratonnades contre les Italiens à la fin du XIX° siècle en passant par le “retour forcé au pays” de Polonais dans l’entre-deux-guerres, je ne crois pas que les Français soient moins xénophobes que les autres. Mais il est vrai que, par rapport à bien d’autres pas, la France accueille, disons moins mal… Du moins, en dépit de sa rudesse, elle donnait une chance par le biais de l’assimilation. Mais ça, c’était avant.

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [Et puis, la grande mosquée de Paris s’inscrit dans un contexte particulier: elle date, si je ne m’abuse, de 1926, époque où la France impériale avait de nombreux sujets musulmans et était elle-même une puissance du monde musulman. Il ne vous aura pas échappé que 90 ans plus tard, le contexte a quelque peu changé…]

      Non, cela ne m’a pas échappé… et c’était précisément mon point. Il y a une différence entre la situation ou un pays décide d’accueillir, et la situation ou cet accueil lui est imposé. Tout au long du XXème siècle et jusqu’au milieu des années 1970, la France décidait. La construction de la Grande Mosquée de Paris en est le symbole : elle n’est pas le résultat d’une décision communautaire ou d’un pays étranger. C’était un geste de l’Etat français. Depuis le début des années 1980, la France subit. Et cela pour moi fait une grosse différence.

      [Je suis d’accord, et il ne me semblait pas avoir dit le contraire… A ceci près que “nos lois” sont dans l’ensemble respectées, car une femme qui porte le foulard, des gens qui parlent arabe ou turc dans la rue, une musulmane même qui refuse de serrer la main d’un homme, ne violent pas la loi.]

      Nous sommes d’accord. Lorsque je parlais de « nos lois, nos habitudes, nos traditions » je faisais référence justement à l’ensemble des normes écrites et non écrites qui régissent les rapports entre les gens dans la sphère publique.

      [Que faire? Rendre obligatoire tous les petits gestes du quotidien, conformes à la coutume, par la loi? Obliger légalement les gens à parler français dans la rue? Ce n’est pas possible, sauf à vivre sous un régime peu respectueux des libertés.]

      Cela dépend ce que vous appelez « rendre obligatoire ». Il est clair qu’on ne peut codifier dans le droit positif cette infinité de gestes de politesse qui rendent la vie plus agréable. Mais cela ne veut pas dire qu’on ne puisse pas les rendre obligatoires. Cela passe par la fin de l’indifférence et par une vigilance sociale. Comment enseignait-on aux enfants à céder leur siège aux personnes âgées ? Cela commence par les institutions, et particulièrement à l’école.

      [Il y a dix ans, je vous aurais sans doute répondu que non, dans ce cas, je n’aurais pas l’impression de “ne plus être chez moi”. Mais le temps a passé. Ma patience s’est usée à force de constater avec amertume les renoncements, les capitulations, les “accommodements raisonnables”.]

      Je dois avoir plus de patience que vous. Je suis prêt à passer l’éponge sur le passé à condition d’être sans concession sur l’avenir. Mais cela implique une société de l’exigence.

      [Moi aussi, je me suis radicalisé avec le temps. Je pense que nous avons trop reculé. Aujourd’hui, je n’ai aucune envie d’assimiler ces gens. Je souhaite simplement qu’ils partent, je le dis.]

      Soyons réalistes. Ils ne partiront pas. Il faut donc trouver d’autres solutions.

      [« La France est un pays très accueillant. » La France peut-être, mais les Français… Des ratonnades contre les Italiens à la fin du XIX° siècle en passant par le “retour forcé au pays” de Polonais dans l’entre-deux-guerres, je ne crois pas que les Français soient moins xénophobes que les autres.]

      Je ne suis pas d’accord. Il y a une minorité d’excités violents, et cette minorité n’est pas moins xénophobe qu’on peut l’être en Angleterre ou en Allemagne. Mais les dispositions d’un pays se lisent d’abord à ses institutions. Et très rares sont les pays dont les institutions sont aussi accueillantes, et donnent autant la possibilité aux étrangers de devenir véritablement français en effaçant à toutes fins utiles leurs origines. En Grande Bretagne, il faut des générations pour devenir britannique, et encore, votre origine vous suit toujours. Même chose en Allemagne, où la nationalité est toujours symboliquement liée au droit du sang. Aux Etats-Unis, pourtant pays d’immigration, certaines fonctions sont toujours réservés aux américains « natifs ».

    • Jean-François dit :

      [Mais qu’est ce qui vous dit qu’ils ont voté « contre leurs intérêts » ? Dans le programme des candidats, il n’y avait pas que la question de l’Euro, mais plein d’autres choses. A supposer même que les électeurs choisissent leurs candidats purement en fonction de leurs intérêts, il se peut très bien que les électeurs aient estimé que ce qu’ils pouvaient gagner GLOBALEMENT en votant les candidats pro-euro était plus intéressant que ce qu’offraient GLOBALEMENT les candidats anti-euro.

      De plus, les électeurs ne votent pas en fonction de leurs intérêts, mais en fonction de la vision qu’ils ont de ceux-ci. Ainsi, par exemple, les couches populaires peuvent avoir tout intérêt à une sortie de l’Euro, mais en même temps être convaincus par une propagande intensive que si nous sortions de l’Euro le ciel leur tomberait sur la tête. Il ne faut pas oublier l’importance de l’hégémonie idéologique, et dans notre société, celle-ci appartient aux « classes moyennes », qui ont un intérêt indiscutable au maintien dans l’Euro.]

      Bien sûr. Il n’empêche, globalement, il me semble que, au-delà de l’euro, ce qui est proposé par les partis pour lesquels j’ai fait la somme des votes ne correspond pas à l’intérêt de ce que vous appelez couches populaires. Tout ce que je dis, c’est que le pourcentage m’étonne beaucoup. Je me dis que soit votre estimation à 20 à 30% est vraiment trop faible, soit les électeurs se font massivement avoir. Peut-être un peu des deux.

      [Mais pourquoi le faites vous sur le premier tour ? Dans la mesure où le second tour voyait s’affronter un candidat opposé au TCE et un candidat qui lui était favorable, c’est ce tour-là qu’il faut prendre en compte…]

      Parce que “au premier tour on choisit et au second on élimine”. Quand on voit Jean-Marie Le Pen au second tour, qu’on se rappelle par exemple les propos extrêmes qu’il tient ou la manière dont les mairies des élus du FN sont gérées, peu importe que les idées qu’il prône correspondent globalement à notre intérêt ou non, l’idée de son élection fait peur. Au premier tour beaucoup moins, puisqu’on sait très bien que dans le pire des cas il y a un second tour, et qu’il y aura probablement un candidat du PS ou du RPR face à lui.

    • Descartes dit :

      @ Jean-François

      [Bien sûr. Il n’empêche, globalement, il me semble que, au-delà de l’euro, ce qui est proposé par les partis pour lesquels j’ai fait la somme des votes ne correspond pas à l’intérêt de ce que vous appelez couches populaires.]

      Mais quelle aurait été l’alternative ? Comme je vous l’indiquais, les gens ne votent pas pour leur candidat idéal, mais choisissent entre les candidats réels. Y avait-il un candidat qui représente de manière crédible les intérêts des couches populaires ? Qui à votre avis ?

      [Parce que “au premier tour on choisit et au second on élimine”. Quand on voit Jean-Marie Le Pen au second tour, qu’on se rappelle par exemple les propos extrêmes qu’il tient ou la manière dont les mairies des élus du FN sont gérées, peu importe que les idées qu’il prône correspondent globalement à notre intérêt ou non, l’idée de son élection fait peur.]

      Oui, mais cela est vrai aussi au premier tour. Or, au premier tour qui étaient les candidats qui en 2002 rejetaient le TCE ? En dehors de Le Pen (17%) vous trouvez Chevènement (5%), Laguillier (5%), Besancenot (4%) et Hue (3%). Cela fait en tout 34%. Avec ces chiffres, on devrait conclure si l’on suit votre raisonnement que la grande majorité du peuple français était favorable au TCE.

  6. luc dit :

    Je comprends que dans ces temps affreux,où les conséquences de la bestialité sociale organisée,nous choque,nous recherchion l’ordre,l’harmonie et la quiétude,mais c’est un rêve!
    Vous mêmes indiquez ,que grosso modo,ces grands singes que sont lés êtres humains,ne sont pas améliorables.
    Seules les pratiques ,sociales le sont ,y compris les techniques de répression.
    Souvent,chez beaucoup,de responsables de ces techniques de répression,dans notre République sociale,cette France si particulière , l’usage de l’autorité est recherchée avec les effets prévisibles ,les moins meurtriers possibles.
    Dommage que la [Requête rejetée par le juge d’application des peines sur le fondement de la crainte d’une atteinte à l’ordre public.]
    C’est la raison pour laquelle la véritable force d’un état réside dans la conscientisation de ces citoyens[Ce qui suppose qu’il y ait des règles connues de tous et appliquées systématiquement. L’ordre, l’autorité de l’Etat ne sont pas des lubies des réactionnaires, c’est la condition nécessaire pour assurer la prévisibilité du monde qui nous entoure.]
    Oui,mais les gens en question ont des coutumes qui perturbent les hôpitaux,les écoles.
    Là,c’était une vendetta recuite,vieille de plusieurs années,raison pour laquelle le gendarme,était là, paix à son âme et à celles des autres personnes.[Pour des raisons qui demeurent obscures, un homme passablement éméché fait feu, tuant quatre personnes, dont un gendarme]. [Jusqu’ici, rien que de très habituel.]..Eh,oui!Là nous ressentons votre tristesse,les relations sociales sont violentes.
    Mais parce que notre degré de civisme est élevé nous acceptons que notre état fort ne tombe pas dans une violence sytématique,aveugle!
    Dans un état fort l’usage de la violence d’état doit être réalisé de façon mesurée sans entrainer des dégats suplémentaires voire outranciers..Recherches le moins de dégats,quand les armes peuvent tuer,me semble sage..
    Autrement dit plutôt que d’anéantir l’opposant(=fascisme),il est préférable de le canaliser.
    En ce sens contrairement à ce que scandaient les étudiants benêts de mai 1968,les CRS ne sont pas des SS.
    En France,nous avons une certaine école d’expertise dans un type de répression,gérée vers le plus de pacifisme possible,comme justement pendant les évènements de Mai 1968,grâce au préfet Grimaud,même si De Gaulle évoquait,le ‘Chienlit’…

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Vous mêmes indiquez, que grosso modo, ces grands singes que sont lés êtres humains,ne sont pas améliorables.]

      Non. J’ai dit exactement le contraire !

      [Souvent,chez beaucoup,de responsables de ces techniques de répression, dans notre République sociale, cette France si particulière, l’usage de l’autorité est recherchée avec les effets prévisibles, les moins meurtriers possibles.]

      Et c’est très bien ainsi. Mais une chose est de chercher à minimiser les dégâts humains et matériels, et une autre toute différente est de sacrifier le respect des lois pour avoir la paix.

      [Dans un état fort l’usage de la violence d’état doit être réalisé de façon mesurée sans entraîner des dégâts supplémentaires voire outranciers.. Rechercher le moins de dégâts, quand les armes peuvent tuer, me semble sage…]

      On n’est pas au royaume des bisounours. Quand un délinquant organise un hold-up sur une banque, on ne le laisse pas repartir tranquillement avec l’argent au prétexte de réduire les « dégâts ». Au contraire, on négocie toujours sur le principe qu’au bout des choses le crime ne doit pas payer. Autrement, la société deviendrait invivable.

      [Autrement dit plutôt que d’anéantir l’opposant(=fascisme),il est préférable de le canaliser.]

      Je ne vois pas très bien en quoi consiste la « canalisation ». Que ce soit dans l’affaire de l’A1 ou à Sivens, les « opposants » ont eu gain de cause.

      [En France,nous avons une certaine école d’expertise dans un type de répression, gérée vers le plus de pacifisme possible, comme justement pendant les évènements de Mai 1968, grâce au préfet Grimaud, même si De Gaulle évoquait,le ‘Chienlit’…]

      Enfin, pas tout à fait. Contre les ouvriers, on envoie sans hésiter la troupe. Mais contre les enfants des « classes moyennes », effectivement, il y a une tradition de mansuétude dont Mai 68 a été une excellente illustration…

    • Descartes dit :

      @ xc

      [Vous n’êtes pas seul à vous désoler]

      Heureusement! Et je pense que ceux qui se désolent en privé sont plus nombreux qu’on ne le croit. Le problème, c’est que personne n’ose signaler l’éléphant au milieu de la pièce et que tout le monde fait semblant de ne pas le voir…

  7. RP dit :

    Bonjour,

    J’ai découvert votre blog au début de l’été et je dois dire que je suis assez régulièrement d’accord avec vous – pas sur tout toutefois.

    Je me souviens avoir entendu parler de la chose en passant à côté d’un membre de ma famille regardant une célèbre chaîne d’infos en continue et m’être simplement demandé si on vivait encore sous un Etat de droit. Force est de constater que c’est de moins en moins le cas.

    Comme vous, je regrette que l’on abandonne encore un sujet essentiel au FN et qu’on lui permette de se poser en seul défenseur de l’Etat de droit.

    Mais il est à parier que ce genre d’incidents se reproduiront de plus en plus fréquemment…

    • Descartes dit :

      @ RP

      [J’ai découvert votre blog au début de l’été et je dois dire que je suis assez régulièrement d’accord avec vous – pas sur tout toutefois.]

      J’espère bien ! « La où tout le monde est d’accord, il n’y a qu’un seul qui pense »…

      [Je me souviens avoir entendu parler de la chose en passant à côté d’un membre de ma famille regardant une célèbre chaîne d’infos en continue et m’être simplement demandé si on vivait encore sous un Etat de droit. Force est de constater que c’est de moins en moins le cas.]

      Tout à fait. Pendant trente ans on a affaibli l’Etat avec l’idée « libérale-libertaire » que celui-ci était la principale menace pour les libertés publiques. Les attentats de janvier ont un peu entamé cette illusion. Mais on n’est pas allé encore assez loin dans la réflexion. Et vous trouverez encore pas mal de « bienpensants » pour donner raison aux bloqueurs de l’A1.

  8. rodolphe dit :

    Je suis tout à fait d’accord avec vous. Moi même j’ai été abasourdi de constater la passivité de l’état sur cette affaire. J’ai trouvé ça stupéfiant cette énième prise en otage des minorités. Ne croyez vous pas non plus que l’information continue joue un rôle d’anesthésie ? Car tout était en direct ? Si il y a de la casse, tout le monde le verra et ça deviendra vite incontrôlable. Ne sommes nous pas aussi pris en otage par ce mécanisme de l’image partout et nulle par, surtout pour le politique qui cherche à se faire élire sur une image télévisuelle propre et consensuelle ? Mais contrairement à vous, moi j’ai tout de suite pensé qu’ils cherchaient plutôt à protéger (les socialistes) l’image qu’ils se sont inventés comme protecteurs de toutes les minorités. Des proches l’ont pensé aussi. Plutôt garder la pureté de ce nouveau totem socialiste, plutôt que de faire respecter de la loi. Ensuite une dernière question, ne voyez vous pas un lien entre cette histoire et celle des migrants actuels dans le sens ou tout est devenu ingouvernable par tant d’accumulation de contradictions par calculs politiques intenables et de passivités mêlées ? On a l’impression que plus personne ne gouverne plus rien sinon par l’émotion. Au train ou va l’émotion comme mode de gouvernance des sociétés modernes, à mon avis c’est la guerre de tous contre contre qui s’annonce. Et pour le Fn, tout à fait d’accord avec vous. Je le dis souvent autour de moi. Laissé à ce parti le monopole de la raison parce que plus personne n’en a le courage est proprement indigne de notre grand pays qui a vu Pascal et Descartes le construire. Mais peut-être que je me trompe sur toute la ligne parce que le sens de l’époque m’échappe.

    • Descartes dit :

      @ rodolphe

      [J’ai trouvé ça stupéfiant cette énième prise en otage des minorités. Ne croyez vous pas non plus que l’information continue joue un rôle d’anesthésie ? Car tout était en direct ? Si il y a de la casse, tout le monde le verra et ça deviendra vite incontrôlable.]

      Il y a effectivement un effet médiatique lié à l’instantanéité. A tort ou à raison – à tort je pense, car les français sont bien plus intelligents qu’on ne le pense – les dirigeants politiques sont terrifiés par les réactions possibles de la population si un « accident » devait se produire. Je pense que cela tient aussi au fait que nos dirigeants politiques vivent en vase clos, et ont perdu depuis longtemps le contacte avec la société réelle, qu’ils ne voient qu’à travers du prisme déformant des médias et des lobbies de toute sorte. Non, les français ne sortiront pas dans la rue pour protester pour le sort de Rémi Fraysse. La plupart d’entre eux concluront probablement qu’il l’avait bien cherché.

      [Mais contrairement à vous, moi j’ai tout de suite pensé qu’ils cherchaient plutôt à protéger (les socialistes) l’image qu’ils se sont inventés comme protecteurs de toutes les minorités. Des proches l’ont pensé aussi. Plutôt garder la pureté de ce nouveau totem socialiste, plutôt que de faire respecter de la loi.]

      Je ne crois pas qu’il faille confondre « létargie » et « stratégie ». Je ne pense pas qu’il y ait chez les socialistes une théorisation de la question des « minorités ». Je pense qu’il y a plutôt une idéologie invasive qui veut qu’on soit « gentil avec tout le monde », plus une peur panique de devoir prendre ses responsabilités au cas ou cela tournerait mal. D’où la tendance à suivre la ligne de moindre résistance.

      [Ensuite une dernière question, ne voyez vous pas un lien entre cette histoire et celle des migrants actuels dans le sens ou tout est devenu ingouvernable par tant d’accumulation de contradictions par calculs politiques intenables et de passivités mêlées ? On a l’impression que plus personne ne gouverne plus rien sinon par l’émotion.]

      Bien sur… et je comptais aborder la question dans un prochain papier !

    • BolchoKek dit :

      @ rodolphe

      >On a l’impression que plus personne ne gouverne plus rien sinon par l’émotion.< J’ai l’impression que au “capitalisme de la séduction” de Clouscard répond “la politique de l’émotion” de Valls et autres…

  9. v2s dit :

    [Et c’est là le pire : encore une fois, on laisse au FN le monopole de la défense de l’autorité de l’Etat et de la primauté de la loi sur les revendications privées]

    Je trouve que Marine Le Pen partage avec son père une intelligence politique redoutable, très au dessus de nombre de leurs concurrents.
    Depuis leurs débuts politiques, le père d’abord et la fille ensuite, sont parvenus à enfermer patiemment le reste de la classe politique française dans ses contradictions, à les mettre face à leur incapacité à nommer les problèmes et à leur impuissance à les résoudre.
    Le succès du FN, le succès des Le Pen, doit beaucoup à la médiocrité, la lâcheté, la langue de bois, la volonté de ne pas faire de vagues de tous les autres.
    Et quand de grands esprits en arrivent à envisager comme un début de solution le dialogue avec le FN, donc avec les Le Pen, on se dit que décidément oui, les Le Pen ont déjà remporté une grande bataille.
    Alors, en rédigeant une réaction sur votre blog, je visionnais à nouveau cette courte vidéo (2minutes 36 secondes), je pensais à vous, Descartes, et je me posais cette question en forme de sondage :
    Est-ce que cette vidéo
    Réponse 1 : vous fait chaud au cœur
    Réponse 2 : vous fait froid dans le dos
    Réponse 3 : vous laisse indifférent.

    https://www.youtube.com/watch?v=q4ArFUWGJ0Y

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Je trouve que Marine Le Pen partage avec son père une intelligence politique redoutable, très au dessus de nombre de leurs concurrents.]

      Vous voyez ? Nous sommes plus souvent d’accord que vous ne le pensiez…

      [Depuis leurs débuts politiques, le père d’abord et la fille ensuite, sont parvenus à enfermer patiemment le reste de la classe politique française dans ses contradictions, à les mettre face à leur incapacité à nommer les problèmes et à leur impuissance à les résoudre.]

      Tout à fait. Je note que pour la première fois vous attribuez donc « au père d’abord et à la fille ensuite » un rôle éminemment utile… car j’imagine que pour vous il est utile que la classe politique soit mise devant ses contradictions, ses incapacités, son impuissance, non ?

      [Le succès du FN, le succès des Le Pen, doit beaucoup à la médiocrité, la lâcheté, la langue de bois, la volonté de ne pas faire de vagues de tous les autres.]

      Tout à fait. Et j’ajouterais à ces vices leur consensus pour marginaliser les couches populaires et les priver d’expression politique.

      Alors, en rédigeant une réaction sur votre blog, je visionnais à nouveau cette courte vidéo (2minutes 36 secondes), je pensais à vous, Descartes, et je me posais cette question en forme de sondage : Est-ce que cette vidéo Réponse 1 : vous fait chaud au cœur Réponse 2 : vous fait froid dans le dos Réponse 3 : vous laisse indifférent.]

      Aucun des trois. Je dirais qu’elle m’inquiète par comparaison au discours des autres leaders politiques sur cette question. Oui, qu’on ne trouve que le FN pour dire qu’être français implique d’aimer la France, cela m’inquiète profondément.

    • v2s dit :

      [Tout à fait. Je note que pour la première fois vous attribuez donc « au père d’abord et à la fille ensuite » un rôle éminemment utile… car j’imagine que pour vous il est utile que la classe politique soit mise devant ses contradictions, ses incapacités, son impuissance, non ?]

      Oui oui, le rôle du FN est éminemment utile.
      Utile comme un tsunami pour révéler les failles de la sécurité nucléaire japonaise, utile comme la peste pour stopper l’épidémie de choléra.
      Je note que vous n’avez pas répondu sur ce que vous inspirent ces images de fanatiques qui hurlent leur admiration pendant les rassemblements FN.
      Vous dites qu’il faut une grande cuillère pour déjeuner avec le diable, vous admettez donc que le FN c’est le diable.

    • BolchoKek dit :

      @ Descartes

      >Oui, qu’on ne trouve que le FN pour dire qu’être français implique d’aimer la France, cela m’inquiète profondément.< Je vais devoir être en désaccord avec toi sur ce point. Je pense que si la question de l’amour de la France se pose, c’est justement que la France a perdu confiance en elle-même. On ne peut exiger, imposer, instituer l’amour : Pascal l’avait dit en son temps. On peut par contre instituer le respect.
      Bien des grands hommes de notre histoire avaient une vague indifférence, méprisaient voire détestaient notre beau pays. Cela ne les rend pas moins français pour autant. Je connais des étrangers résidant sur notre sol qui ont un amour profond de la France, tout comme je connais des français qui n’ont que dégoût pour elle. Cela ne fait pas des français pour autant des premiers, ni des étrangers des seconds…

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Tout à fait. Je note que pour la première fois vous attribuez donc « au père d’abord et à la fille ensuite » un rôle éminemment utile… car j’imagine que pour vous il est utile que la classe politique soit mise devant ses contradictions, ses incapacités, son impuissance, non ?][Oui oui, le rôle du FN est éminemment utile. Utile comme un tsunami pour révéler les failles de la sécurité nucléaire japonaise, utile comme la peste pour stopper l’épidémie de choléra.]

      Franchement, le rapport m’échappe.

      [Je note que vous n’avez pas répondu sur ce que vous inspirent ces images de fanatiques qui hurlent leur admiration pendant les rassemblements FN.]

      Au contraire, je vous ai répondu très précisément. Mais vous semblez avoir besoin d’une explication plus précise alors allons-y.
      L’exaltation lors des meetings politiques n’a rien de nouveau, et si vous avez fréquenté des meetings électoraux – car c’est de cela qu’il s’agit – vous devriez y être habitué. Je ne vois pas dans le images que vous avez montré plus de « fanatisme » que dans un meeting de n’importe quel autre parti.

      Reste le discours. Je vous avoue que le slogan « on est chez nous » ne me dérange nullement. J’ai toujours pris parti pour l’assimilation des étrangers qui s’installent chez nous. J’estime que c’est l’assimilation qui le mieux assure les droits des étrangers et en même temps le fonctionnement de la société d’accueil. Et l’assimilation implique cette affirmation que les français sont « chez eux » en France, et qu’il appartient donc à l’étranger qui souhaite s’y installer d’adapter ses comportements à ceux de la société d’accueil, et non l’inverse. Je ne vois dans cette position aucun « fanatisme » particulier.

      Pour des raisons que je peux comprendre – mais certainement pas approuver – on fait de ce « on est chez nous » un slogan de rejet de l’autre. Je ne pense pas que ce soit le cas. C’est un slogan qui marque le fait que l’étranger qui s’installe en France a des devoirs, et parmi ceux celui de respecter les habitudes, les traditions, les règles écrites et non écrites du pays qui l’accueille. C’est tout. Et vous remarquerez que le fragment du discours de Marine Le Pen que souligne cet « on est chez nous » porte sur le sujet de la double nationalité. Là aussi, je ne trouve pas « fanatique » l’idée qu’on demande aux gens de choisir parmi leurs loyautés. On ne peut servir deux pays à la fois.

      Si penser que c’est à l’étranger de s’adapter au pays d’accueil – ce qui après tout est l’histoire de ma vie ; si penser qu’il faut que chacun choisisse clairement ou sont ses loyautés fait de moi pour vous un lépéniste, alors soit. Mais c’est précisément là que se situe mon inquiétude : que dans la France de 2015 ces deux idées, qui font après tout partie de l’héritage de la gauche, aient été abandonnées par le camp progressiste.

      [Vous dites qu’il faut une grande cuillère pour déjeuner avec le diable, vous admettez donc que le FN c’est le diable.]

      Je n’ai jamais dit le contraire.

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Je vais devoir être en désaccord avec toi sur ce point. Je pense que si la question de l’amour de la France se pose, c’est justement que la France a perdu confiance en elle-même. On ne peut exiger, imposer, instituer l’amour : Pascal l’avait dit en son temps. On peut par contre instituer le respect.]

      L’amour qu’on peut sentir pour son pays n’est pas de même nature que celui qu’on peut ressentir pour un autre être humain. Je ne partage pas votre idée : l’amour de son pays, comme l’amour des œuvres d’art ou des grands textes s’institue et s’éduque.

      Bien entendu, l’amour ne peut « s’exiger », au sens qu’on ne peut forcer quelqu’un à aimer quelque chose. Par contre, cela peut s’exiger comme condition, au moins symboliquement. Doit-on considérer « français » – au-delà de la question administrative – celui qui hait la France et se propose sa destruction ? Je ne le pense pas.

      [Bien des grands hommes de notre histoire avaient une vague indifférence, méprisaient voire détestaient notre beau pays. Cela ne les rend pas moins français pour autant.]

      Pourriez-vous donner quelques exemples ? Je connais des « grands hommes » qui critiquaient leur pays, qui lui reprochaient amèrement telle ou telle chose. Mais cela n’est pas contradictoire avec l’amour, au contraire. C’est parce qu’on aime qu’on peut se sentir trahi ou trompé.

  10. luc dit :

    Les élèves à l’Ena prètent ils serment de fidélité à la république française?
    Les postiers,titulaire ou auxiliaires,le font,au moment de leur embauche:c’est une tradition qui remonte à la révolution ,française of course!
    Je l’ai fait,lors d’un job d’été de 5 semaines en 1978.Aujourd’hui,ça se fait encore.Cela devrait être généralisé à tous les fonctionnaires au moins et pourquoi pas à tous,y compris les étudiants,les migrants ou gens du Voyage…
    Ainsi reculerait peut être la mésestime de soi,et la Xénophilie exagérée des français.
    Déjà la fascination des gaulois pour les romains ,puis les germains fut surprenant tant l’assimilation de ces cultures étrangères se construisit comme d’immenses réussites.
    Plus tard,il y eut l’influence italienne,dont François premier,se fit le chantre fanatique ce qui déboucha sur la Renaissance.
    Il y eut de nouveau l’influnce de Frédérik de Prusse,des illuminé de Bavière,ce qui n’empécha pas la mobilisation générale pour sauver la révolution,devenue Patrie en danger contre les ci-devants et leurs congénrent aristocrates étarngers tous ligués contre la République.
    puis il y eut l’orientalisme,et la fascination pour les cultures islamiques avecs massignon,Berque et tant d’atres.
    Evidemment,le suucès de la fille de la révolution française qu’était Octobre 1917 selon les chefs bolchéviks,Trotsky,Lénine,Staine etc…,a rendu nombre de français amoureux de l’URSS et des cultures liés à cette confédération.Idem pour la Chine,dont les maoistes de l’époque ne cessaient de tisser les louanges,réciproque aussi,car aujourd’hui encore pour le Parti Communiste Chinois,le révolution française est leur cadre de référence.
    Les cultures hispaniques aussi ont fasciné les français de part l’Andalousie,l’expérience républicaine,et les révolutions d’Amérique du sud de Cuba au Brésil.
    Les Fascinations pour le Japon,le Portugal,le Boudhisme,etc…sont autant de sines de notre Xénophilie gauloise.
    De même dans la littérature la place accordée à Esméralda ,django reinhardt,les films de Tony galtif,Emir Kusturica..les français rendent hommage aux gens du voyage…
    Or,il me semble que toute éxagération doit être rééquilibrée.
    C’est pourquoi,je propose que ce serment de fidélité à la république ,des postiers soit étendu aux maximum de citoyens,non?

    • Descartes dit :

      @luc

      [Les élèves à l’Ena prêtent ils serment de fidélité à la république française?]

      Non. Comme l’ensemble des fonctionnaires. Et je ne crois pas que cela se fasse encore à La Poste.

      Il y a pas si longtemps il y avait une proposition de prestation de serment pour les naturalisés français, ce que je trouve une bonne idée. Et pour ceux qui pensent que cela créerait une discrimination entre français naturalisés et français de naissance, on pourrait faire prêter serment à ces derniers à leur majorité, comme cela se fait dans beaucoup de pays.

  11. Colas BREUGNON dit :

    “Descartes” pense, donc je le suis !

    Il est clair que la dégénérescence de l’État ne peut-être acceptée comme objectif que dès lors que la dictature de la classe bourgeoise sur l’ensemble de la société sera abolie …
    On en est loin, puisque la plupart de acteurs politiques et syndicaux qui se réclament de la gooôche et du socialisme se vautrent dans la collaboration de classe la plus sordide.
    La “montée” – toute relative – du FN ne s’explique que par la jachère idéologique dans laquelle est laissée aujourd’hui la lutte des classes.
    Il est urgent de faire “l’ordre règne” D’ABORD, avenue Mathurin Moreau.

  12. Colas BREUGNON dit :

    A l’intention de “V2…s”

    Effectivement la video “you tube” fait froid dans le dos : le “On est chez nous!” à des airs de “Sieg heil!” et le Zénith nous renvoie au stade de Nuremberg …
    Mais là nous restons dans l’émotionnel.
    N’est-ce pas d’ailleurs la caractéristique des spectacles qu’on produit généralement dans les stades … de Toulouse à Santiago ?

    A propos de l’amour du “drapeau”, ce texte publié par mes soins en décembre 2009 :

    «Message d’origine le 3 déc. 09 à 07:50, “David – policier à Toulouse” a écrit :                                          

    Voici une information que je garantis réelle à 100%. L’information est vérifiée.                   
    La scène se déroule le soir du 2ème match Egypte-Algérie, à Toulouse, sur la place du Capitole, la Mairie.               
    Comme bien souvent, un très grand nombre de personnes issues des “minorités” étaient regroupées en masse.                
    Comme toujours, un fort effectif de Police était déployé sur place. “Au cas où”.                                         
    Des jeunes ont escaladé la façade pour accéder aux drapeaux.                                                             
    Il y avait le drapeau européen (bien entendu), le drapeau de la croix Occitane et (quand même) le drapeau Français.      
    Les jeunes ont enlevé un drapeau.                                                                                        
    Devinez lequel ?                                                                                                         
    Notre drapeau national, évidemment !                                                                                     
    Mais que fait la Police ?                                                                                                
    Eh bien, devant la foule de nombreux badauds, les policiers ont reçu l’ordre de ne pas intervenir.                       
    Mais ce n’est pas tout.                                                                                                  
    Les jeunes ont disposé un drapeau algérien à la place du drapeau Français.                                               
    Oui, oui. C’est la vérité.                                                                                               
    Devant les policiers écœurés, ces pauvres jeunes sont tranquillement redescendus.                                        
    Sont-ils repartis chez eux pour faire la fête ou dans leurs doux foyers ?                                                
    Eh bien non!                                                                                                             
    Ils ont brulé le drapeau Français sur la place du Capitole, à Toulouse, France                                           
    Tout ça devant plus d’une cinquantaine de Policiers dégoutés.                                                            
    Aux demandes répétées par radio des fonctionnaires de Police pour intervenir, il a été répondu par la hiérarchie que ces actes étaient “festifs” (je cite).                                                                                       
    Alors, peut-être que quelque chose m’a échappé!                                                                          
    Suis-je le seul à me souvenir d’un texte de loi réprimant ce genre de comportement ?                                     
    Si même la Police ne peut plus faire respecter la loi et les règlements, n’est-ce pas la fin de la démocratie ?          
    A vous de juger.                                                                                                         
    David, policier à Toulouse.»    

    « Réponse de Colas BREUGNON aux états d’âme d’un fonctionnaire de police, en Sharkozie, à l’heure de l’Hortefeux.

    C’est sous couvert du drapeau français, qu’en 1840, Bugeaud  et ses hommes sont allés “conquérir” le Maghreb, visant prioritairement le “trésor du Dey d’Alger”.
    Ce dernier permit à la “France” (c’est à dire :  à quelques “grandes” familles d’escrocs) de constituer leurs fortunes de départ, sur la fabrication des canons et le développement des chemins de fer et du transport maritime. 

    Après avoir douloureusement exploité nos parents, grands-parents, arrière-grands parents,  etc… dans leurs usines de métropole et des colonies … 
    Après avoir provoqué, avec la complicité de leurs homologues Européens et Américains, deux guerres mondiales et une multitude de guerres de décolonisation, avec tous les “crimes contre l’humanité” qui les ont accompagnées … 
    Le tout aux simples fins de poursuivre leur enrichissement familial …

    Ces  “200 familles” – les Empain, Schneider, Krupp, De Wendel (ancêtres de Ernest Antoine-Seillères) etc…- ont fabriqué des dizaines de générations de chômeurs dans le Nord, en Lorraine, au Creusot, … et dans les colonies. 
    Laissant au passage les miettes de la “reconversion” de leurs actifs à un indien nommé Mittal.

    Après “redéploiement” de leurs actions dans l’automobile, l’aviation, l’énergie, l’eau, les ordures, l’agro-alimentaire, l’électronique et les télécommunications, l’armement et surtout les banques et les “hedge-funds” …
    Ces mêmes fortunes familiales continuent de prospérer sur fond de guerre en Tchétchénie, Irak, Afghanistan, Palestine…  et de crise financière mondiale.

    Au nom de ce même drapeau – celui des versaillais, des Clémenceau, Foch et Nivelle – on a fusillé ou envoyé à l’abattoir des millions d’innocents “fédérés” et  “poilus”, et autant de “casques à pointes”…

    Ce drapeau là – celui des troupes coloniales et de l’OAS – n’a rien à voir avec celui de Valmy, avec ceux de la Commune de 1871, rien à voir non plus avec les couleurs que mon père  et ma mère ont défendues au péril de leur vie entre 1940 et 1944, aidés en cela par de nombreux “terroristes” … dont certains “étrangers et nos frères pourtant, l’affiche qui semblait une tache de sang … parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles … y voyaient un effet de peur sur les passants »

    Et je m’incline devant le courage d’Henri Alleg, et d’Eliette Loup torturés, Maurice Audin, Maurice Laban et l’aspirant Maillot, “effacés” d’une rafale de P.M., Fernand Yveton guillotiné, et de bien d’autres de ces “Français d’Algérie” qui ont eu l’honneur de participer, au côté de leurs frères d’armes, à la guerre de libération du peuple Algérien. 
    Il sont à ce titre les dignes héritiers des fusillés du Mont-Valérien et de Châteaubriand, et bien évidemment des combattants du groupe Manouchian, cette “armée du crime” au sein de laquelle des “prolétaires de tous les pays”  ont combattu dans l’honneur, l’armée  nazie d’occupation et ses nervis vautrés dans la fange de la kollaboration de “l’État Français”.

    Aujourd’hui, une proportion croissante de nos concitoyens sont – non du fait de l’émigration, mais par la loi toute naturelle de l’héritage génétique – les petits-enfants et arrière-petits-enfants des “Français-musulmans” (car ils l’étaient tous à l’époque !) que les Salan, Massu, Aussaresses, Bigeard, Le Pen et consorts … ont fait massacrer, violer, torturer, à Sétif, Biskra, à la villa Sezini et à El Biar … et à Paris … (sous la férule très pédagogique du Préfet Papon qui avait fait ses classes sous Pétain, en apportant sa contribution à l’alimentation des fours crématoires).

    Parmi leurs descendants, qui sont aussi mes compatriotes, une forte proportion est aujourd’hui – comme le sont mes enfants – soumise au totalitarisme de l’exploitation capitaliste.  

    S’ils brûlent un drapeau qui est la copie conforme de celui sous lequel Pétain serra la main du Chancelier du Reich à Montoire, cela ne me gêne qu’à moitié.
    D’autant que ce drapeau là ne claque plus, au fronton de nos édifices publics, sans être systématiquement flanqué de l’oriflamme de la Gross-Europa, (les étoiles dorées sur fond bleu ayant pris la place du svastika sur fond rouge)… 

    Alors … que des gamins, excités par les jeux du cirque, remplacent un drapeau par un autre ( dont ils ont oublié le sens, celui de l’Étoile Nord-Africaine et de l’indépendance algérienne ) cela ne peut que m’attrister …

    Au même titre que m’attriste le spectacle de gosses d’émigrés mexicains saluant le “stars & stripes”  avant de partir – pour une opération de “pacification” dans les montagnes afghanes ou dans un village irakien.
    Et je regrette le temps où de jeunes citoyens américains portaient haut et fort l’honneur de leur pays, brûlant le drapeau, en manifestation de leur refus de participer au massacre des populations vietnamiennes.

    Quant aux fonctionnaires de police de la V° République, leur écoeurement ne me surprend pas : 
    Ils sont mis à toutes les sauces, footballistiques ou publicitaires, par lesquelles Narkozy cherche à faire oublier ses abandons systématiques des conquêtes du Front Populaire et  du Conseil National de la Résistance.

    Cet écoeurement, bien compréhensible, est d’abord la conséquence du fossé, de plus en plus large, qui sépare 
    les roulements de tambour “d’objectifs chiffrés en terme de sécurité”, affichés par M.A.M., Brice Couvrefeux, et autres Besson, 
    des moyens matériels et humains de notre administration en constante régression, 

    C’est ce qui s’appelle la dégénérescence de l’État-Nation sous pression de la maffia financière.»

    • Descartes dit :

      @ Colas Breugnon

      Un mot avant de commencer : évitez les commentaires trop longs, surtout s’il s’agit de textes publiés ailleurs. Mettre un lien vers la publication originale suffit pour que les gens intéressés puissent le lire, et encombre moins ce blog…

      [Effectivement la video “you tube” fait froid dans le dos : le “On est chez nous!” à des airs de “Sieg heil!” et le Zénith nous renvoie au stade de Nuremberg … Mais là nous restons dans l’émotionnel.]

      En effet, il faut se méfier de l’émotionnel. La ferveur qu’on voit sur cette vidéo n’est pas très différente de celle qu’on peut observer dans d’autres meetings de campagne électorale. Les « tous ensemble tous ensemble oueh, oueh ! » des meetings de la gauche ne sont pas moins fervents que les « nous sommes chez nous » du FN. Et la comparaison avec « Nuremberg » – Goodwin, est-tu là – n’a ni queue ni tête. Ou voyez-vous les torches allumées, les militants en uniforme, la discipline quasi militaire, le discours mystique ?

      [A propos de l’amour du “drapeau”, ce texte publié par mes soins en décembre 2009 : (…) C’est sous couvert du drapeau français, qu’en 1840, Bugeaud et ses hommes sont allés “conquérir” le Maghreb, visant prioritairement le “trésor du Dey d’Alger”.]

      Bugeaud ne pouvait pas en 1940 « viser prioritairement le « trésor du Dey d’Alger », puisque ce dernier était tombé dans les mains françaises après la capitulation d’Alger le 5 juillet 1830. Mais au délà de l’exactitude des faits historiques, cette invocation n’a pas de sens. Oui, le drapeau tricolore est celui de Bugeaud. C’est aussi celui de la Résistance. Comment pouvez vous savoir lequel des deux a été décroché en 2009 ?

      [Ce dernier permit à la “France” (c’est à dire : à quelques “grandes” familles d’escrocs) de constituer leurs fortunes de départ, sur la fabrication des canons et le développement des chemins de fer et du transport maritime.]

      Oui. Et aussi à des milliers de paysans français misérables de trouver une vie plus riche de l’autre côté de la méditerranée. Et aux algériens d’accéder à toute une série de progrès – les vaccins, l’instruction publique, le chemin de fer – que leur précédent colonisateur, l’empire ottoman, ne leur avait pas apporté. Car il faut se souvenir dans cette affaire de deux choses : la première, c’est que les troupes françaises qui conquièrent Alger n’asservissent pas un pays indépendant, mais remplacent un colonisateur par un autre. La deuxième, c’est que la colonisation est un phénomène bien plus ambigu qu’on ne le pense.

      [Ces “200 familles” – les Empain, Schneider, Krupp, De Wendel (ancêtres de Ernest Antoine-Seillères) etc…- ont fabriqué des dizaines de générations de chômeurs dans le Nord, en Lorraine, au Creusot, … et dans les colonies.]

      Vous vous laissez porter par votre enthousiasme… il est impossible que les 200 familles aient créé « des dizaines de générations de chômeurs ». A vint-cinq ans par génération, « des dizaines de générations » cela fait au minimum 500 ans. Aucune des familles que vous citez, toutes enrichies dans l’industrie après la révolution française, n’a une telle durée dans le temps… Cela peut paraître banal, mais cela ne l’est pas. Il faut être rigoureux avec les faits, autrement, comment peut-on faire des analyses sérieuses ?
      [Au nom de ce même drapeau – celui des versaillais, des Clémenceau, Foch et Nivelle – on a fusillé ou envoyé à l’abattoir des millions d’innocents “fédérés” et “poilus”, et autant de “casques à pointes”…]

      Là encore, il faut être rigoureux. Les millions « d’innocents » – comment aurait-on pu envoyer des « coupables » – qui sont « allés à l’abattoir » sont allés volontairement sous le drapeau tricolore, convaincus de faire leur devoir. On n’a pas le droit de les transformer en « victimes » comme vous – et d’autres avec vous – le font. Et là encore, la question du drapeau n’est pas simple.

      [Ce drapeau là – celui des troupes coloniales et de l’OAS – n’a rien à voir avec celui de Valmy,
      avec ceux de la Commune de 1871, rien à voir non plus avec les couleurs que mon père et ma mère ont défendues au péril de leur vie entre 1940 et 1944, aidés en cela par de nombreux “terroristes” … dont certains “étrangers et nos frères pourtant, l’affiche qui semblait une tache de sang … parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles … y voyaient un effet de peur sur les passants »]

      Comment le savez vous ? Qui vous dit que le drapeau décroché en 2009 pour être remplacé par le drapeau algérien n’était pas celui de Valmy, celui de la commune, celui des résistants de 1940-44 ? Je trouve que vous allez un peu vite en imaginant que ceux qui ont décroché le drapeau en font la différence. Et ils n’ont pas tout à fait tort, parce qu’on ne peut pas acheter l’Histoire au détail. Nous sommes les héritiers de Valmy et de Bugeaud, de la Résistance et de Vichy. De la même manière que vous ne pouvez pas renier votre grand père pétainiste ou votre grand-mère alcoolique, nous ne pouvons pas renier une partie de notre Histoire. Elle est présente en nous.

      [Et je m’incline devant le courage d’Henri Alleg, et d’Eliette Loup torturés, Maurice Audin, Maurice Laban et l’aspirant Maillot, “effacés” d’une rafale de P.M., Fernand Yveton guillotiné, et de bien d’autres de ces “Français d’Algérie” qui ont eu l’honneur de participer, au côté de leurs frères d’armes, à la guerre de libération du peuple Algérien.]

      Dans ce paragraphe, vous résumez l’une des contradictions les plus notables du discours bienpensant. Si je comprends bien, vous vous « inclinez » devant le courage de ceux qui ont aidé les nationalistes algériens à constituer la nation algérienne – même si cette constitution a abouti in fine à un « nettoyage ethnique ». Mais en même temps, vous conchiez les nationalistes français, qui voudraient la même chose pour la France. Ceux qui ont aidé les algériens à dire « on est chez nous » méritent les honneurs, ceux qui en France crient « on est chez nous » méritent l’opprobre…

      [Aujourd’hui, une proportion croissante de nos concitoyens sont – non du fait de l’émigration, mais par la loi toute naturelle de l’héritage génétique – les petits-enfants et arrière-petits-enfants des “Français-musulmans” (…)]

      Avec le même raisonnement, on pourrait dire qu’une proportion croissante des algériens sont petits enfants et et arrière petits enfants des français-catholiques, non ? Pensez-vous qu’un tel langage aurait la moindre chance d’être entendu à Alger ? Pourquoi, à votre avis ?

      [(car ils l’étaient tous à l’époque !) que les Salan, Massu, Aussaresses, Bigeard, Le Pen et consorts … ont fait massacrer, violer, torturer, à Sétif, Biskra, à la villa Sezini et à El Biar … et à Paris … (sous la férule très pédagogique du Préfet Papon qui avait fait ses classes sous Pétain, en apportant sa contribution à l’alimentation des fours crématoires).]

      Oui. Mais qu’ont fait les nationalistes algériens lorsqu’ils ont pris le pouvoir à Alger ? Avez-vous entendu parler de « la valise ou le cercueil » ? Encore une fois, je suis étonné des choses que la bienpensance pardonne aux « nationalistes » du tiers monde mais qu’elle condamne sans ambiguïté aux nationalistes bien de chez nous. Pourquoi le « nationalisme » est digne d’éloge sous certaines latitudes et de condamnation chez les autres ?

      [S’ils brûlent un drapeau qui est la copie conforme de celui sous lequel Pétain serra la main du Chancelier du Reich à Montoire, cela ne me gêne qu’à moitié.]

      Beh… la question est : pourquoi ils sont là ? Après tout, les algériens ont un pays, l’Algérie. Pourquoi viennent ils se faire exploiter par les méchants français, le pays de Bugeaud, de Salan, de Massu, bref, des salauds ? Là, vous butez sur un deuxième problème : l’échec de la décolonisation. Cinquante ans après l’indépendance, l’illusion qui voulait qu’une fois les méchants colonialistes partis tout le monde serait heureux s’est dissipée. Et inutile d’aller chercher des boucs émissaires : l’Algérie est riche de ses hydrocarbures, et elle a été gouvernée par des algériens, avec une interférence minime de la part des puissances étrangères.

      [Et je regrette le temps où de jeunes citoyens américains portaient haut et fort l’honneur de leur pays, brûlant le drapeau, en manifestation de leur refus de participer au massacre des populations vietnamiennes.]

      Le cas est rare. La plupart de ceux qui ont refusé d’aller au Vietnam l’ont fait par souci de leur propre peau, beaucoup plus que par souci des populations vientamiennes…

  13. CVT dit :

    @Descartes,
    samedi dernier, revenant à Paris d’un déplacement professionnel de Bruxelles en voiture, je suis resté coincé quatre heures dans les bouchons de l’A1: j’ai appris à mon arrivée que les “gens du voyage” avaient bloqué et dégradé l’autoroute la veille; j’en étais resté là, râlant sur le fait qu’en plus de ces nuisances, un gendarme avait auparavant déjà laissé la vie pour faire respecter l’ordre chez les contrevenants, ce qui relativisait un peu ma colère. Et hier, j’apprends en lisant votre blog, que non seulement, l’Etat avait laissé faire, mais en plus, que les délinquants ont fini par obtenir gain de cause? Et qu’ils ont été finalement relaxés? Je ne sais plus trop quoi dire, sinon que cette année 2015 est maudite pour notre pays…
    Non seulement l’Etat, ou plutôt ceux qui sont à sa tête, a montré son impéritie lors du massacre de Charlie Hebdo (l’appareil d’Etat ayant fait de son mieux pour accomplir son devoir…), mais en plus, dans l’affaire qui nous préoccupe il y a démission manifeste, qui tient à l’attitude de F.Hollande, chef de l’Etat, qui cherche systématiquement à éviter les conflits, livrant ainsi le pays à l’arbitraire: c’est une forfaiture, car la Constitution statue que le chef de l’Etat est le garant de l’ordre publique! Mais ce dernier a été foulé aux pieds par ces énergumènes!
    L’affaire Léonarda avait montré jusqu’à quel point, que le “joyeux drille” qui tient lieu de président de la République, se fichait de l’Etat de droit comme de son premier congrès du PS: c’est probablement à cela qu’on peut mesurer son degré de bassesse, son inconsistance, et surtout, à quel point il est bien plus dangereux au pouvoir que son prédécesseur, car contrairement à Sarkozy, Hollande n’a JAMAIS manifesté le plus petit sens de l’Etat…

  14. luc dit :

    Si,Si cher Descartes:sachez que je n’affirme rien sans en être certain,sur ce blog et en général!
    Question de recherche de l’estime de moi même..
    [Les élèves à l’Ena prêtent ils serment de fidélité à la république française?][[Non. Comme l’ensemble des fonctionnaires. Et je ne crois pas que cela se fasse encore à La Poste.]]
    http://www.ladepeche.fr/article/2015/09/04/2169924-70-jeunes-postiers-pretent-serment.html
    Autre info,Frédéric Lordon,décrit remarquablement l’état d’esprit en Grèce,chez les gauchistes français,ses divergences trés intéressantes avec Sapir,dans un entretien avec M.Bonnetde Médiapart visible sur :http://www.pcfbassin.fr/
    Honneteté intellectuelle maximale,démonstrations limpides ,verbe fluide et clair,Savourez cet entretien de haut vol !

    Autre nouvelle:’Le Rassemblement Bleu,blanc,rouge est annoncé par Lepen Jean Marie,évidemment en concurrence avec le Rassemblement Bleu Marine de Lepen Marine!
    Cher Descartes,il va sans dire que les philippistes,restent avec Marine.
    L’alliance des souverainistes doit elle aller jusqu’à znglober le Rassemblement bleu,blanc,rouge ?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [http://www.ladepeche.fr/article/2015/09/04/2169924-70-jeunes-postiers-pretent-serment.html]

      Merci beaucoup de ce détail. J’ignorais que cette tradition était perpétuée encore aujourd’hui. Je trouve que la chose excellente, et ce serait bien si cette tradition était étendue à d’autres corps du service public. D’une manière générale, notre société manque cruellement de cérémonies d’initiation et de passage.

      [Autre info, Frédéric Lordondécrit remarquablement l’état d’esprit en Grèce, chez les gauchistes français, ses divergences trés intéressantes avec Sapir, dans un entretien avec M.Bonnet de Médiapart visible sur : http://www.pcfbassin.fr/%5D

      Merci de cette référence. Le site de la section PCF du bassin d’Arcachon dont vous donnez le lien est d’ailleurs remarquablement tenu et contient souvent des matériels intéressants. Et je ne le dis pas seulement parce qu’ils ont mis un lien sur mon blog… 😉

      L’entretien est très intéressant. Je ne suis en général pas un admirateur de Lordon, mais je dois au moins reconnaître qu’il a évolué dans le bon sens. La seule chose que je regrette est qu’il ne revienne pas sur cette évolution, en faisant comme s’il avait toujours eu raison, alors que pendant longtemps il a été partisan de « l’autre Europe ». Mais Lordon sur interprète très largement le changement de cap de la « gauche radicale » avec son « plan B ». Mais surtout, le problème de Lordon est que son analyse reste idéaliste. Lorsqu’il s’agit d’expliquer pourquoi la « gauche radicale » refuse de discuter de la nation, de la souveraineté, il tombe toujours dans la question idéologique, dans la « panique intellectuelle ». Jamais dans une véritable analyse de classe qui l’obligerait à aller dans une analyse des intérêts des uns et des autres. Je ne partage pas du tout cette analyse : si la « gauche radicale » s’accroche à la construction européenne – sous la forme de « l’autre Europe » – ce n’est pas par « panique intellectuelle », mas par intérêt économique. La « gauche radicale » représente une classe sociale qui n’a pas intérêt à sortir de l’Euro. C’est pourquoi le discours de Lordon ou de Sapir resteront isolés dans cette « gauche » : ceux à qui ils s’adressent n’ont aucun intérêt à les suivre.

      [Autre nouvelle: « Le Rassemblement Bleu,blanc,rouge » est annoncé par Lepen Jean Marie, évidemment en concurrence avec le Rassemblement Bleu Marine de Lepen Marine!]

      Vous regardez trop la télévision…

      [L’alliance des souverainistes doit elle aller jusqu’à englober le Rassemblement bleu,blanc,rouge ?]

      Si le « rassemblement bleu, blanc, rouge » est souverainiste et capte une part significative du vote populaire, la question se posera, comme dirait Sapir. Comme je pense que dans le meilleur des cas il ne regroupera qu’une poignée de nostalgiques d’un monde qui n’a jamais existé, je ne pense pas que la question soit posée.

  15. Ribus dit :

    Vous parlez de désarroi pour les institutions alors qu’à mon avis c’est le peuple français qui est en plein désarroi. Je dirais plutôt « délabrement » car il est clair que nos institutions souffrent de dysfonctionnements. L’exécutif est en pleine dérive et semble vouloir pousser le pays vers la guerre civile pour des calculs électoraux.

    Le pouvoir législatif produit des lois par paquets de 10 dont l’efficacité et l’intérêt pour le bien public sont quasi-nuls. Le pouvoir judiciaire devient de plus en plus politisé et prend des décisions absurdes voire insensées. De plus, notre Constitution créée par le Général a été bricolée sans cesse depuis plus de 50 ans et est à mon avis très abîmée dans la lettre comme dans l’esprit.

    Vous évoquez l’attitude de la presse à propos de l’affaire de Roye qui est absolument honteuse. La télévision française est un instrument de propagande et tout le monde le sait. Il est donc inutile de chercher une aide quelconque de ce côté pour connaître la vérité des faits.

    Vous parlez ensuite de SIVENS : Je connais puisque je vais régulièrement à Albi. La propagande a fait ses choux gras de la mort de ce jeune. Ce n’est pas un barrage mais une simple retenue d’eau pour irriguer les cultures car le département du Tarn est sec, donc on capte l’eau l’hiver et on irrigue l’été.

    On a parlé du « zadiste » mort mais pas de la forêt piégée de SIVENS avec des bouteilles d’acide où se promènent des familles le dimanche ni de l’élevage de 1500 faisans décimés, ni du monument aux morts de Gaillac tagué etc …Non, des braves gens les « zadistes », possibles électeurs du parti au pouvoir, donc, « il est interdit d’interdire » ( vieux précepte de 68)

    A un moment vous écrivez : «  qu’il y aura toujours un ministre démagogue comme Ségolène Royal pour venir donner raison aux militants groupusculaires, sous les applaudissements de l’opinion publique… » Eh bien non, Descartes, l’opinion publique est hostile à ces gens et le dit à chaque élection depuis 2012 mais cela est sans effet car la caste qui nous dirige est dans une logique révolutionnaire.

    Le fond de votre article porte, ce me semble, sur la loi et l’impérieuse nécessité de la respecter : « Dura lex, sed lex ». Je suis complètement d’accord avec vous, Descartes. Mais hélas, l’heure est au Chaos ( Ordo ab Chao) et à la destruction. Ceux qui parlent des heures sombres de l’Histoire par référence aux années 30 et 40 nous mentent. Les heures sombres, ce sont celles que nous et nos enfants vont vivre et cela fait ma tristesse et mon désespoir, je vous l’assure.

    • Descartes dit :

      @ Ribus

      [Vous parlez de désarroi pour les institutions alors qu’à mon avis c’est le peuple français qui est en plein désarroi.]

      Je n’ai pas parlé de « désarroi pour les institutions ». Les institutions sont affaiblies, et cet affaiblissement traduit, comme vous le dites, un « désarroi » du peuple français lui-même. Nous sommes dans une période de fractionnement de la société. Les accords implicites entre classes sociales qui ont caractérisé la période des « trente glorieuses » ont volé en éclats, et chaque classe, chaque groupe ne songe qu’à faire avancer ses propres intérêts même si pour cela il faut détruire le tissu social. Les institutions subissent cet état de choses, désastreux pour elles, puisqu’elles sont justement censées représenter cet « intérêt général » dont personne ne se soucie plus.

      [La télévision française est un instrument de propagande et tout le monde le sait. Il est donc inutile de chercher une aide quelconque de ce côté pour connaître la vérité des faits.]

      Je pense qu’il faut aller plus loin dans l’analyse. La télévision, les journaux, les médias en général ne sont pas des « instruments de propagande » au sens qu’ils seraient contrôlés par un « directoire » qui pourrait les utiliser à son aise. C’est beaucoup plus subtil que cela : ceux qui contrôlent les médias, ceux qui font les programmes, ceux qui présentent les actualités appartiennent tous à la même classe, les « classes moyennes ». Et parce qu’ils ont des intérêts communs ils diffusent spontanément l’idéologie qui justifie les intérêts de cette classe sans avoir à se concerter. C’est pourquoi ceux qui se battent pour « l’indépendance des médias », particulièrement à l’égard de l’Etat, se trompent de cible. Des médias « indépendants », c’est des médias dominés par les « classes moyennes ». Je préfère infiniment le contrôle explicite d’un « ministre de l’information » – qui lui, au moins, répond à un parlement élu – plutôt qu’une pseudo-indépendance.

      [Vous parlez ensuite de SIVENS : (…) Ce n’est pas un barrage mais une simple retenue d’eau pour irriguer les cultures car le département du Tarn est sec, donc on capte l’eau l’hiver et on irrigue l’été.]

      La question pour moi n’est pas de savoir si Sivens est un bon ou un mauvais projet. La question est que la construction du barrage a été décidée et autorisée par des élus du peuple en application des lois votées par le Parlement. A partir de là, quelle est la légitimité de ceux qui s’opposent par la violence à l’exécution de la décision ? Pour moi, aucune. Il y a un droit de manifestation, bien entendu. Mais il ne s’agit pas ici de manifestation, mais d’obstruction.

      [A un moment vous écrivez : « qu’il y aura toujours un ministre démagogue comme Ségolène Royal pour venir donner raison aux militants groupusculaires, sous les applaudissements de l’opinion publique… » Eh bien non, Descartes, l’opinion publique est hostile à ces gens et le dit à chaque élection depuis 2012 mais cela est sans effet car la caste qui nous dirige est dans une logique révolutionnaire.]

      Vous avez raison. Il faudrait ici faire une différence entre « l’opinion publique » et « l’opinion du public ». Les ministres n’ont guère de contacts avec le public. L’opinion de celui-ci leur est transmise – filtrée, bien entendu – par l’intermédiaire des ONG, des lobbies, des groupes de pression, des partis politiques. Les ministres croient très sincèrement qu’en donnant raison aux excités de Sivens ou de Notre-Dame des Landes ils gagnent des voix. C’est l’un des effets le plus remarquable de la transformation des partis politiques en clubs d’élus. Elle a privé les dirigeants politiques d’enracinement dans le peuple. Il n’y a plus personne pour écouter les conversations dans les zincs des bistrots de France et pour dire aux ministres « attention, vous faites fausse route ».

      [Mais hélas, l’heure est au Chaos ( Ordo ab Chao) et à la destruction. Ceux qui parlent des heures sombres de l’Histoire par référence aux années 30 et 40 nous mentent. Les heures sombres, ce sont celles que nous et nos enfants vont vivre et cela fait ma tristesse et mon désespoir, je vous l’assure.]

      Je ne suis pas persuadé. Le vent est en train de tourner, et après trente ans de règne indiscuté des « libéraux-libertaires », se manifeste une véritable revendication de pouvoir vivre dans une société ordonnée. La montée du FN traduit en grande partie ce renversement de perspective. Et on peut supposer que les partis de gouvernement finiront par entendre cette interpellation pour ne pas être balayés.

  16. PierreB dit :

    Mais comment en est-on arrivé en France à cette haine de soi ? A ne sélectionner dans l’histoire et hors de tout contexte que les événements les plus épouvantables ou les plus discutables, pour en conclure que nous sommes et seront éternellement un peuple de salauds et de beaufs racistes (cf Colas Breugnon) ? J’ai eu l’occasion de rencontrer Henri Alleg, et je suis certain que, malgré ce qu’il a vécu, il est jusqu’à la fin de sa vie demeuré patriote, en raison meme d’un internationalisme qu’il a payé au prix fort (torture, exil). Au même titre que ces jeunes communistes qui ont refusé de porter les armes en Algerie (les soldats du refus), au même titre que beaucoup d’autre qui ont subi la répression des autorités francaises pour leur engagement politique, sans jamais en déduire qu’il fallait haïr leur pays et eur nation. Qu’aurait pensé Alleg du drapeau toulousain ? Pas certain qu’il aurait sombré dans la démagogie. On retrouve les mêmes reflexes aujourd’hui avec l’affaire de Roye : comme ils sont gens du voyage et veulent vivre selon leurs traditions ( ce qui est leur droit), ils sont nécessairement plus purs que le petit propriétaire d’un pavillon. Et à ce titre peuvent mépriser le gadjo (pas de racisme la dedans, les minorités ne peuvent être racistes) tout en s’installant où bon leur semble, le coût étant supporté par la collectivité. Il faut lire les réactions à la mort du petit Syrien : en dernier ressort, il ne s’agit même plus de remettre en cause les choix militaires opérés par nos dirigeants en Libye puis en Syrie, mais de pointer le raciste qui se cache nécessairement derriere chaque Français (combien de fois peut-on lire “j’ai honte d’être Français” en réaction à la photo du petit garçon) ? Mais quelle volée de bois vert pour celui qui tout aussi bêtement dirait “tu devrais avoir honte d’être Irakien” parce que l’état islamique règne sur une partie du pays. Bref d’où vient cette haine de soi, cette honte de soi qui, si l’on ne les partage pas, vous transforme en crypto lepéniste. D’ailleurs, combien de réfugiés en Israël ? (Tiens, tout en écrivant ce commentaire j’entends Eva Joly à la radio…)

    • Descartes dit :

      @ Pierre B

      [Mais comment en est-on arrivé en France à cette haine de soi ? A ne sélectionner dans l’histoire et hors de tout contexte que les événements les plus épouvantables ou les plus discutables, pour en conclure que nous sommes et seront éternellement un peuple de salauds et de beaufs racistes (cf Colas Breugnon) ?]

      Je vous recommande – d’autres vont dire que je radote – le livre d’Alain-Gérard Slama, « Le siècle de monsieur Pétain ». Slama montre que cette « haine de soi » est un peu une constante de notre histoire. Notre psyché nationale oscille en permanence entre l’auto-congratulation et l’auto-flagellation. La première a tendance à s’imposer lorsque la France est en période d’expansion économique et intellectuelle, la deuxième lors des périodes de crise.

      [J’ai eu l’occasion de rencontrer Henri Alleg, et je suis certain que, malgré ce qu’il a vécu, il est jusqu’à la fin de sa vie demeuré patriote, en raison même d’un internationalisme qu’il a payé au prix fort (torture, exil). Au même titre que ces jeunes communistes qui ont refusé de porter les armes en Algerie (les soldats du refus), au même titre que beaucoup d’autre qui ont subi la répression des autorités francaises pour leur engagement politique, sans jamais en déduire qu’il fallait haïr leur pays et leur nation.]

      J’ai eu aussi l’opportunité – je dirais même le privilège – de rencontrer Alleg et de discuter avec lui. Comme beaucoup de grands lutteurs, il avait un profond amour de la France tout comme il avait un profond amour pour sa deuxième patrie, l’Algérie. Et pourtant, il aurait pu les haïr tous les deux : la France, parce que son armée l’a torturé, l’Algérie parce qu’elle l’a finalement empêché de vivre dans la terre dont il avait tant fait pour obtenir l’indépendance. Il s’est jusqu’à la fin de sa vie proclamé communiste et français.

      [On retrouve les mêmes reflexes aujourd’hui avec l’affaire de Roye : comme ils sont gens du voyage et veulent vivre selon leurs traditions (ce qui est leur droit),]

      Non, ce n’est pas leur droit. Il faut être très précis. Il n’existe aucun « droit de vivre selon ses traditions ». Il existe une liberté générale de vivre comme on le souhaite – que ce soit en respectant les « traditions » ou au contraire de les jeter aux oubliettes – et cette liberté générale s’exerce aussi longtemps qu’elle ne trouble pas l’ordre public. Les « traditions » ne justifient rien : si je veux exciser ma fille ou sortir dans la rue à poil sous prétexte que mes « traditions » m’autorisent à le faire, je viole la loi et je serai puni.

      [Il faut lire les réactions à la mort du petit Syrien : en dernier ressort, il ne s’agit même plus de remettre en cause les choix militaires opérés par nos dirigeants en Libye puis en Syrie, mais de pointer le raciste qui se cache nécessairement derrière chaque Français (combien de fois peut-on lire “j’ai honte d’être Français” en réaction à la photo du petit garçon) ?]

      C’est le but poursuivi. Le recours à l’émotion est la meilleure manière de réduire au silence toute opposition, d’empêcher toute interrogation, toute remise en cause rationnelle. Nos grands-mères l’avaient compris lorsqu’elles nous faisaient manger la soupe avec l’injonction « pense à tous ces petits enfants africains qui donneraient tout pour cette bonne soupe ». Mais je vous rassure : les imbéciles qui écrivent « j’ai honte d’être français » en réaction à cette photo avaient déjà « honte d’être français » bien avant. Avoir « honte d’être français » est une manière fort commode de se refaire une virginité en refusant de prendre ses responsabilités pour notre histoire. Curieusement, ces gens qui rejettent aussi clairement les crimes des français du passé n’hésitent pas lorsqu’il s’agit de profiter des richesses que notre pays nous prodigue grâce à leur héritage. Curieux, n’est ce pas ?

  17. Ribus dit :

    Descartes,

    Je dois reconnaître que je ne saisis pas très bien votre raisonnement sur les médias appartenant à la classe moyenne. Vu le salaire que perçoit n’importe quel présentateur même très mauvais, j’aurais tendance à le classer dans la classe « cadre supérieur ». Par contre, vous avez raison de souligner la « pseudo-indépendance » des médias et des journalistes.

    Il suffit de « zapper » comme on dit maintenant pour s’apercevoir que les journaux télévisés sont carrément photocopiés. De plus, les têtes d’affiche de la presse dînent avec les politiciens, hommes d’affaire et gens du spectacle dans les mêmes clubs et autres officines plus ou moins claires . Il suffit de parcourir le livre « Au cœur du pouvoir- éditions FACTA » d’Emmanuel Ratier ( récemment disparu) pour s’en rendre compte.

    « Il n’y a plus personne pour écouter les conversations dans les zincs des bistrots de France et pour dire aux ministres « attention, vous faites fausse route ».

    Vous semblez penser que nos élites sont coupés du peuple et n’ont plus l’information nécessaire. Je pense, au contraire, que ce sont des gens très intelligents et très bien informés. Les services de renseignements font leur travail et chaque jour des notes confidentielles sur l’état de l’opinion leur arrivent.

    S’ils ont cette attitude autiste et méprisante, c’est tout à fait volontairement ou pire parce qu’ils sont contraints de le faire sous l’influence des vrais pouvoirs, ceux que l’on ne voit pas.

    Pour le reste, je partage votre analyse mais je suis plus inquiet que vous sur la tournure des événements.

    Bien à vous,

    • Descartes dit :

      @ Ribus

      [Je dois reconnaître que je ne saisis pas très bien votre raisonnement sur les médias appartenant à la classe moyenne. Vu le salaire que perçoit n’importe quel présentateur même très mauvais, j’aurais tendance à le classer dans la classe « cadre supérieur ».]

      Je l’ai plusieurs fois expliqué dans ce blog. J’ai beaucoup travaillé le concept de « classe moyenne » en essayant de lui donner un véritable statut de classe sociale au sens que donne à ce terme l’analyse marxiste. Pour cela, j’ai proposé une définition de « classe moyenne » qui ne repose pas sur le revenu, mais sur la position dans le mode de production. Pour schématiser, il y a d’un côté les bourgeois, qui ont du capital, et d’un autre les prolétaires, dont les bourgeois achètent la force de travail à un prix inférieur à la valeur que ce travail produit (autrement, quel intérêt auraient-ils à les employer ?). Il doit donc y avoir entre les deux une classe sociale qui a suffisamment de capital (matériel et immatériel) pour ne pas être obligée de vendre sa force de travail au dessus de sa valeur, et qui a donc un pouvoir de négociation suffisant pour récupérer la totalité. C’est ce groupe-là que j’appelle « classe moyenne ». Et je mets le terme entre guillemets pour bien marquer que je ne l’utilise pas dans le sens habituel.

      [« Il n’y a plus personne pour écouter les conversations dans les zincs des bistrots de France et pour dire aux ministres « attention, vous faites fausse route ». Vous semblez penser que nos élites sont coupés du peuple et n’ont plus l’information nécessaire. Je pense, au contraire, que ce sont des gens très intelligents et très bien informés. Les services de renseignements font leur travail et chaque jour des notes confidentielles sur l’état de l’opinion leur arrivent.]

      Ces informations sont beaucoup moins utiles que vous ne le pensez. D’abord, parce que les services de renseignement tendent à suivre les groupes actifs, et n’ont pas eux non plus le temps d’écouter les conversations dans les bistrots – et encore moins dans les ateliers, dans les salles des profs ou dans la queue du pain. Ils ont donc eux aussi tendance à amplifier cette perception que l’opinion des groupes est l’opinion publique. Ensuite, parce que la tradition de faire fusiller le porteur de mauvaises nouvelles n’a rien perdu de sa force, les services de renseignement ont tendance à s’auto-censurer.

      [S’ils ont cette attitude autiste et méprisante, c’est tout à fait volontairement ou pire parce qu’ils sont contraints de le faire sous l’influence des vrais pouvoirs, ceux que l’on ne voit pas.]

      Je me méfie des visions « complotistes ». Malheureusement, aujourd’hui les « zadistes » de Sivens ou de Notre-Dame des Landes semblent peser bien plus lourd que les « vrais pouvoirs » auxquels vous faites référence…

    • yann dit :

      @Ribus

      Emmanuel Todd avait expliqué dans plusieurs de ses livres (“L’illusion économique ” notamment) que l’on avait pour la première fois dans l’histoire de France la formation d’un groupe social dominant capable de vivre en vase clos sociologiquement parlant. Il met ça sur le compte de l’élévation du niveau scolaire des populations et du fait que l’ascenseur scolaire est resté bloqué à 25 % de la population ayant fait des études supérieures. La hausse du niveau scolaire au stade supérieur ne s’étant pas démocratisé comme l’enseignement primaire l’avait fait autrefois créant la poussée démocratique. À l’inverse le blocage de l’ascenseur social produit un retour à l’ancien régime avec une séparation des populations entre populations ayant fait des études supérieures et les autres. Les populations ayant une formation supérieure formant une espèce de caste qui ne vit et ne se marie qu’entre elles. Une classe endogame, qui n’a que peu ou pas de contact avec le reste de la population. Et c’est une première dans l’histoire, parce qu’autrefois les aristocrates ou les bourgeois de naguère n’étaient pas assez nombreux en proportion pour vivre en vase clos. Ils représentaient quelques pourcentages de la population, là on a un groupe, qui, s’il n’est pas majoritaire, représente quand même 20 à 30 % de la population, et largement plus de la moitié des richesses du pays. Cela rejoint en définitive la définition que donne Descartes de la classe « moyenne ». Et les journalistes ne font que refléter cette fermeture de groupe en régurgitant les idées reçues de leur caste sociale. En définitive, l’information officielle ne nous dit pas grand-chose du monde réel, mais elle nous dit beaucoup de choses sur la mentalité de cette fameuse classe « moyenne »

  18. v2s dit :

    @Descartes
    [J’ai toujours dit que pour moi les « classes moyennes » représentaient entre 20 et 30% de la population à tout casser.]

    Ah ! alors, si vous l’avez [toujours dit], ça ne peut être que vrai !

    Sur cette question de l’estimation des classes moyennes, vous refusez d’admettre la définition de l’INSEE pour lui opposer une définition purement personnelle, parfaitement non mesurable.
    Une définition pensée sur mesure pour coller à votre vision « Descartiennne » du marxisme en 2015.
    Il devient donc difficile de débattre.
    56% de classe populaire ! Soyez sérieux.
    Le fait est que la société a changé et que les classes moyennes, quasi inexistantes dans les années 50, sont devenues aujourd’hui majoritaires. C’est du moins le point de vue de l’INSEE.
    Et si j’en crois ce que nous observons, la monté des classes moyennes est un phénomène mondial.

    Qui, à part vous, estime les classes populaires à 56% en France ?

    [Et que diriez vous si le stade suivant est une politique d’accueil raisonnée et fondée sur une véritable assimilation qui assure en même temps le droit des étrangers à être accueilli et la cohésion de la collectivité d’accueil ?]

    Je l’ai dit ici, en particulier à l’occasion de riches débats sur l’immigration, vous et d’autres m’ont convaincu : je suis en faveur d’une politique d’assimilation. Je l’ai dit explicitement, même si, je le redis, assimilation ne signifie pas abjurer sa foi. Nous n’allons pas refaire une fois de plus le débat sur la laïcité qui nous a tellement occupés en 2014.
    Je suis pour l’assimilation et je regrette, comme d’autre sur ce site, la lâcheté et l’inaction des dirigeants (gouvernements Sarkozy et Hollande confondus).
    Depuis l’arrivée du chômage de masse, l’accueil des réfugiés en vue de leur assimilation ne peut pas se faire aussi naturellement qu’à l’époque du plein emploi. Ça nécessite certainement des adaptations, des ajustements des règles, des lois, des aides, des allocations. Ça ne se fera pas sans choix politiques clairs et sans arbitrages courageux.
    Mais pour autant, ma contestation de l’inaction du pouvoir, ne passe pas par le Front National, ni par la xénophobie, ni par le racisme, ni par l’islamophobie. En clair, ne passe pas par la lepénisation de mes convictions.
    OUI, je suis pour l’assimilation et NON je ne fais pas partie des 56% de Français qui ne souhaitent pas accueillir une partie des réfugiés Syriens.

    Lorsque vous et vos parents, lorsque les juifs qui fuyaient Hitler, les Arméniens qui fuyaient le génocide, les Chiliens qui fuyaient Pinochet … lorsque tous ces gens sont arrivés en France, ils venaient avec la ferme intention de s’intégrer puis de s’assimiler. Soit.
    Par contre, les Syriens Kurdes, chrétiens ou sunnites qui fuient Bachar el-Assad ou Deash ou les deux, là, le FN et vous pensez, A PRIORI, qu’ils n’ont pas l’intention de s’assimiler.
    Je ne sais pas lequel de nous deux lit dans une boule de cristal.

    Qu’auriez vous pensé, vous et vos parents, si la France vous avait fermé la porte au prétexte que vous n’aviez vraisemblablement pas, A PRIORI, l’intention de vous assimiler ?

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [J’ai toujours dit que pour moi les « classes moyennes » représentaient entre 20 et 30% de la population à tout casser.][Ah ! alors, si vous l’avez « toujours dit », ça ne peut être que vrai !]

      Soyez honnête : dans votre commentaire, vous pointiez ce qui a votre avis était une contradiction dans mon discours. Selon vous, le fait que 56% des français soient contre l’accueil des migrants indique nécessairement qu’une partie des « classes moyennes » partagent cette position, contrairement à ce que j’avais écrit. Seulement, pour qu’il y ait contradiction il faut qu’il y ait conflit entre mes propres affirmations – qu’elle soient ou non « vraies ». J’ai toujours soutenu que les « classes moyennes » – au sens ou j’utilise cette expression – représentent entre 20 et 30% de la population, ce qui laisse une large marge pour que la position de rejet de l’accueil soit concentrée dans les couches populaires. Le chiffre de 30% est peut-être faux, mais c’est ma position. Il n’y a donc pas « contradiction ». CQFD

      [Sur cette question de l’estimation des classes moyennes, vous refusez d’admettre la définition de l’INSEE pour lui opposer une définition purement personnelle, parfaitement non mesurable.]

      A ma connaissance, et une recherche rapide sur son site me l’a confirmé, l’INSEE n’a pas de définition des « classes moyennes ». Ce qui est d’ailleurs parfaitement compréhensible : l’INSEE est un institut statistique, et il a besoin donc de définitions objectives, fondées sur des critères mesurables. Ainsi, l’INSEE parle des « revenus moyens » (déciles 4 à 6). Mais une définition des classes moyennes telles qu’utilisée par les sociologues nécessite la prise en compte de critères subjectifs – habitus culturels, par exemple.

      [Une définition pensée sur mesure pour coller à votre vision « Descartiennne » du marxisme en 2015. Il devient donc difficile de débattre.]

      Je trouve votre observation étrange. On pourrait penser que préciser une définition au lieu de faire appel à un concept vaguement défini et dont le sens change d’un auteur à l’autre, d’un journal à l’autre rendrait au contraire le débat plus facile.

      Je vous ai par ailleurs plusieurs fois mis au défi de me proposer une définition précise de ce que VOUS appelez « classes moyennes ». Pour le moment, sans succès. Ce qui me confirme dans l’idée que votre objection vient non pas du fait que ma définition serait inopérante, mais au contraire du fait qu’en donnant une définition précise, on enlève cette zone d’incertitude si commode qui permet de dire un peu n’importe quoi sur les classes moyennes, c’est-à-dire, sur notre propre classe…

      [56% de classe populaire ! Soyez sérieux.]

      Je suis très sérieux.

      [Le fait est que la société a changé et que les classes moyennes, quasi inexistantes dans les années 50, sont devenues aujourd’hui majoritaires. C’est du moins le point de vue de l’INSEE.]

      Pourriez-vous m’indiquer précisément où l’INSEE affirme pareille chose, et quelle est la définition précise qu’ils utilisent pour arriver à cette conclusion ? Invoquer l’INSEE a tout bout de champ n’est pas un argument. Références précises, s’il vous plait.

      La transformation magique du prolétariat en « classes moyennes » est une opération de prestidigitation fort pratique : elle a permis depuis les années 1960 de faire magiquement disparaître la problématique de la lutte des classes. Faire du prolétariat une classe résiduelle était nécessaire pour permettre aux « classes moyennes » de chasser le prolétariat du centre de la réflexion politique et de prendre sa place. Le discours était simple : Puisque le prolétariat n’est plus qu’une classe résiduelle, la question de l’exploitation – et toutes celles qui en dérivent – peuvent être remisée au placard. Plus question de donner un rôle central à l’extraction de plusvalue, ou la lutte des travailleurs pour la récupérer. Puisque les classes moyennes étaient « majoritaires », c’est les problématiques qui les intéressent qui doivent prendre la première place.

      Les mots ne sont pas innocents, et c’est pourquoi je tiens tellement à caractériser ces « classes moyennes », minoritaires, qui non seulement ont réussi à capter une part non négligeable de la richesse nationale, mais qui ont réussi surtout à occuper la totalité du champ politique. Et elles ont réussi ce coup de force entre autres choses en générant une illusion, celle que « nous sommes tous classes moyennes »…

      [Et si j’en crois ce que nous observons, la monté des classes moyennes est un phénomène mondial.]

      Je vous le répète : dans la mesure ou vous n’avez toujours pas proposé une définition de ce que vous vous appelez « classe moyenne », il est difficile de juger de la véracité de cette affirmation.

      [Qui, à part vous, estime les classes populaires à 56% en France ?]

      Quant bien même je serais le seul, je ne vois pas ce que cela changerait. Dans un autre message, vous me reprochiez de considérer que le succès électoral du FN prouvait qu’il avait raison. Et maintenant vous me sortez l’argument contraire ? Décidez vous : vox populi vox dei ou pas ?

      [Je l’ai dit ici, en particulier à l’occasion de riches débats sur l’immigration, vous et d’autres m’ont convaincu : je suis en faveur d’une politique d’assimilation.]

      Je m’en réjouis. Mais si vous êtes en faveur d’une politique d’assimilation, alors vous ne pouvez pas être « en faveur » d’une politique migratoire qui rend l’assimilation impossible.

      [Mais pour autant, ma contestation de l’inaction du pouvoir, ne passe pas par le Front National, ni par la xénophobie, ni par le racisme, ni par l’islamophobie. En clair, ne passe pas par la lepénisation de mes convictions.]

      La mienne non plus. Il n’empêche que le FN est là, et chaque jour plus fort. Et s’il est chaque jour plus fort, c’est parce que les gens ont compris que nos gouvernements ne changeront de politique que sous l’effet d’une pression extérieure. Bien entendu, j’aurais infiniment préféré que ce soit la « gauche radicale », ma famille politique d’origine, qui prenne l’initiative d’amener sur la place publique ce débat. Mais le fait est qu’elle ne l’a pas fait, et continue à tenir des discours iréniques totalement déconnectés de la réalité. Alors, qu’est ce qu’on fait ?

      [Lorsque vous et vos parents, lorsque les juifs qui fuyaient Hitler, les Arméniens qui fuyaient le génocide, les Chiliens qui fuyaient Pinochet … lorsque tous ces gens sont arrivés en France, ils venaient avec la ferme intention de s’intégrer puis de s’assimiler. Soit.]

      Non. Ils ne venaient pas avec l’intention de s’assimiler. Les juifs allemands qui fuyaient Hitler n’avaient qu’une idée en tête : attendre que la situation politique change pour retourner en Allemagne. Ils étaient profondément patriotes et allemands. Même chose pour les chiliens qui fuyaient Pinochet, dont la plus grande partie est d’ailleurs retourné au pays. Les populations qui viennent « avec la ferme intention de s’assimiler » sont rares. L’assimilation n’est pas une volonté de l’immigrant, c’est une volonté du pays d’accueil qui le leur impose. Bien entendu, cette imposition ne passe pas nécessairement par des mesures de force. Mais c’est toujours une violence, fut elle symbolique.

      [Par contre, les Syriens Kurdes, chrétiens ou sunnites qui fuient Bachar el-Assad ou Deash ou les deux, là, le FN et vous pensez, A PRIORI, qu’ils n’ont pas l’intention de s’assimiler.]

      Je ne pense rien sur cette question. Comme je vous ai expliqué plus haut, ce n’est pas là que se situe le problème. La difficulté n’est pas ce que les migrants ont comme intention, mais ce que nous sommes capables, sociale et politiquement, de leur imposer. Si nous imposons l’assimilation, alors ils s’assimileront comme l’ont fait les vagues d’immigration précédentes. Mais pour leur imposer l’assimilation, il faut en payer le prix. Et ni la bourgeoisie, ni les « classes moyennes » ne sont disposées à le faire. Les couches populaires peuvent-elles – et voudront-elles – assumer le fardeau ?

      [Qu’auriez vous pensé, vous et vos parents, si la France vous avait fermé la porte au prétexte que vous n’aviez vraisemblablement pas, A PRIORI, l’intention de vous assimiler ?]

      Que la France a le droit de choisir qui elle admet sur son territoire, et que c’était à moi de lui prouver mon engagement à respecter les règles qu’elle pourrait m’imposer. Et si cette démonstration faite elle m’avait fermé la porte, j’aurais trouve cette attitude irrationnelle et j’aurais été voir ailleurs.

  19. v2s dit :

    @Colas BREUGNO

    [Effectivement la vidéo “You tube” fait froid dans le dos : le “On est chez nous!” à des airs de “Sieg heil!” et le Zénith nous renvoie au stade de Nuremberg …
    Mais là nous restons dans l’émotionnel.]

    Bien sûr, nous restons dans l’émotionnel. Les partis Nationalistes adorent jouer sur l’émotionnel.

    Mon point est le suivant :
    Aujourd’hui, en France, les gouvernements actuels et précédents ont montré leur incapacité à comprendre les problèmes et à y apporter des solutions.
    Ils ont installé un système centré principalement sur le désir de se faire réélire, basé sur la communication, la langue de bois, le souhait de ne pas faire de vagues, de ne déplaire à personne. Alors que gouverner dans l’intérêt général nécessiterait des choix courageux, nécessiterait de prendre le risque de déplaire.

    Le peuple, les électeurs et le pays tout entier se sont laissé enfermer dans un choix absurde :
    Soit vous reconduisez ceux qui n’ont pas compris vos problèmes et qui n’ont pas su y apporter de solutions.
    Soit vous rejoignez les lepénistes et tout ce que vous haïssez chez eux.
    Et bien, ceux qui refusent ce choix, doivent le dire :
    Nous voulons une Europe dont la commission respecte la démocratie
    Nous voulons donner notre avis et qu’il soit respecté sur les grands sujets comme le traité transatlantique.
    Nous voulons réduire ou abolir le pouvoir des lobbies
    Nous voulons des politiques d’immigration adaptées à l’évolution de la réalité de 2015 (chômage de masse d’une part mais maintient d’un accueil raisonné d’autre part)
    Nous voulons des politiques économiques qui se donnent pour objectif la croissance ET la réduction des inégalités.
    Mais nous ne voulons ni de Le Pen, ni de sa xénophobie, ni de sa démagogie.

  20. luc dit :

    Les médias foLes médias fonctionnent selon une dualité antagonique Xénophhilie/Xénophobie,régulièrement,actuellement mais souvent depuis des dizaines d’année,ne trouvez vous pas?.
    Ce couple infernal qui plonge la population dans le culpabilité ou l’agressivité n’a rien de sérieux mais nous précipite dans des abimes de mésestimes et de ‘dépressions afférentes’,non?.
    Evidemment,une finalité politique peut être décelée derrière cette perpétuelle agitation des bonnes consciences mais au final n’assistons nous pas simplement au fonctionnement logique de la sphère médiatique qui fai’son beurre’?
    Comme avec les couples infernaux,vieux/jeunes,hommes/femmes,Homophobes/homo,élève/prof tous ces sujets sociétaux qui engendrent du profit pour l’industrie médiatique?
    Xénophilie/xénophobe me semble être un faux problème,véritable marronier sociétal,agité pour générer des audiences et les profits qui vont avec,Non?
    Rien de sérieux,sauf l’aspect pitoyable,n’est ce pas?nctionnent selon une dualité antagonique Xénophhilie/Xénophobie,régulièrement,actuellement mais souvent depuis des dizaines d’année,ne trouvez vous pas?.
    Ce couple infernal qui plonge la population dans le culpabilité ou l’agressivité n’a rien de sérieux mais nous précipite dans des abimes de mésestimes et de ‘dépressions afférentes’,non?.
    Evidemment,une finalité politique peut être décelée derrière cette perpétuelle agitation des bonnes consciences mais au final n’assistons nous pas simplement au fonctionnement logique de la sphère médiatique qui fai’son beurre’?
    Comme avec les couples infernaux,vieux/jeunes,hommes/femmes,Homophobes/homo,élève/prof tous ces sujets sociétaux qui engendrent du profit pour l’industrie médiatique?
    Xénophilie/xénophobe me semble être un faux problème,véritable marronier sociétal,agité pour générer des audiences et les profits qui vont avec,Non?
    Rien de sérieux,sauf l’aspect pitoyable,n’est ce pas?

  21. Raptor dit :

    Bonjour Descartes,

    Autant je suis totalement d’accord avec tonn article, autant sur le “on est chez nous” entonné par les FNJ je te trouve, sans vouloir te vexer, un peu naïf.

    Certes, le FN a en parti évolué et je dois dire que j’en suis ravi mais il faut reconnaître qu’il existe encore dans ce parti des gens qui (sans être majoritaire mais pas négligeable) ont encore uen vision ethniciste, racialiste de ce que peut être un Français. Des personnes pour qui l’assilimiation des non-Blancs, des non-Catholique ne peut être possible, contrairement à toi et moi qui penont le contraire (encore une fois je ne prétends pas que ces gens soient majoritaire au sein du FN, je n’en sais rien). Donc je me demande à s’adresse ce “on est chez nous” : aux français musulmans, aux étrangers ? A d’autres ? Je pense que cette phrase veut dire nous français de souche nous sommes chez nous ici et nous faisons ce que nous voulons.

    Sinon ce “on est chez nous” peut être aussi interprété comme “nous gens du FN sont sommes bientôt aux portes du pouvoir et nous allons maintenant décider pour la france”. Ce qui pourrait être aussi inquiétant.

    Bon après comme tu l’as dis ca reste un meeting où les esprits s’échauffent. N’enmpêche que j’aimerais quand même savoir à qui ils s’adressent

    Raptor

    • Descartes dit :

      @ Raptor

      [Certes, le FN a en partie évolué et je dois dire que j’en suis ravi mais il faut reconnaître qu’il existe encore dans ce parti des gens qui (sans être majoritaire mais pas négligeable) ont encore une vision ethniciste, racialiste de ce que peut être un Français. Des personnes pour qui l’assimilation des non-Blancs, des non-Catholique ne peut être possible, contrairement à toi et moi qui penons le contraire (encore une fois je ne prétends pas que ces gens soient majoritaire au sein du FN, je n’en sais rien).]

      Je ne doute pas qu’il y ait au FN des gens qui analysent le monde à travers un prisme « ethniciste, racialiste ». Il y en a d’ailleurs dans les autre partis politiques aussi, à gauche comme à droite. Car celui qui singularise le « non-blanc » pour en dire du mal n’est pas moins « racialiste » que celui qui le singularise pour en dire du mal. Dire « tous les noirs son fainéants » n’est pas moins « racialiste » que dire « tous les noirs ont la musique dans la peau ». Une association qui se proclame « blanche » n’est pas plus « racialiste » qu’une association qui se proclame « noire ». Malheureusement, nous assistons – la mode est comme d’habitude venue des Etats-Unis – à une « ethnicisation » de l’espace public. Et le plus terrible est que cette mode plaque une pensée construite dans un pays qui a connu la ségrégation raciale jusqu’aux années 1960 sur un pays où la question ethnique a été effacée de l’espace public il y a deux siècles.

      Dans cette affaire, la gauche et les bienpensants ont joué aux apprentis sorciers. En créant un « racialisme de gauche » qui ne perd une opportunité pour souligner combien les « minorités » sont parées de toutes les vertus et dignes de toutes les attentions, elle a constitué par réaction une « ethnie » qui concentre tous les pêchés, tous les défauts, est digne de tous les mépris, celle des « français de souche ». Une « ethnie » paradoxale, puisqu’elle compte dans ses rangs une forte proportion de français dont la « souche » vient de l’étranger, mais qui se sont assimilés au point de se considérer – et être considérés par les autres – comme faisant partie du paysage. Allez à Hénin-Beaumont et vous trouverez une proportion non négligeable de citoyens qui ont des noms d’origine polonaise, témoignage du grand nombre de mineurs polonais qui sont venus travailler dans le bassin minier. Allez à Nice et vous trouverez des quantités de noms italiens. Pensez-vous vraiment que pour les militants du FN héninois ou niçois ces citoyens soient exclus de « l’ethnie française de souche » ? Que les militants du FNJ, lorsqu’ils chantent « on est chez nous », entendent exclure ces gens-là ?

      [Donc je me demande à s’adresse ce “on est chez nous” : aux français musulmans, aux étrangers ? A d’autres ? Je pense que cette phrase veut dire nous français de souche nous sommes chez nous ici et nous faisons ce que nous voulons.]

      C’est là à mon avis le nœud de la question : savoir qui fait les règles. « La souveraineté réside essentiellement dans la nation », dit la Déclaration de 1789, et toute notre histoire politique depuis repose sur ce principe : c’est le peuple français qui fait les règles. En d’autres termes, « le peuple français est chez lui », puisque le « chez soi » est précisément l’espace dans lequel chacun de nous peut faire les règles sans avoir à rendre de compte à personne.

      Peut-être que certains militants du FN, lorsqu’ils chantent « on est chez nous » voient dans ce « on » une collectivité réduite aux « français de souche ». Je ne pense pas qu’ils soient nombreux : cela reviendrait à exclure le sénateur-maire de Fréjus, David Rachline, dont les grands parents étaient des juifs ukrainiens. Qu’une personnalité avec de tels antécédents ait pu accéder à de telles responsabilités au FN – et qui plus est, dans une région ou le « vieux » FN est encore dominant – montre que la plupart des militants et des électeurs du FN ont une vision de ce qu’est un « français de souche » assez large.

      Le « on » de « on est chez nous » couvre probablement l’ensemble de ce qu’on pourrait appeler les « français assimilés », c’est-à-dire ceux qui sont français depuis de longues générations mais aussi ceux qui, arrivés plus récemment, ont adopté l’ensemble des codes, des habitudes, de traditions de leur pays d’accueil. Ils ne doivent pas être nombreux au FN ceux qui contestent la « francitude » d’un Rachline.

      Cela étant dit, la prétention de ce « on » à « être chez lui » et « à faire ce qu’il veut » – c’est-à-dire à faire les règles – est elle déraisonnable ? Personnellement, je ne le pense pas. Je pense au contraire que c’est le fondement de toute identité nationale, de toute vision collective d’un destin commun. Le rejeter reviendrait à consacrer le droit absolu de l’individu non seulement à faire ce qu’il veut dans la sphère privée, mais aussi dans la sphère publique.

      [Sinon ce “on est chez nous” peut être aussi interprété comme “nous gens du FN sont sommes bientôt aux portes du pouvoir et nous allons maintenant décider pour la france”. Ce qui pourrait être aussi inquiétant.]

      Je ne crois pas que ce soit le cas. La formule se réfère clairement à la question migratoire. C’est d’ailleurs lorsque l’orateur parle de cette question que les audiences reprennent ce refrain.

    • BolchoKek dit :

      @ Descartes

      >Car celui qui singularise le « non-blanc » pour en dire du mal n’est pas moins « racialiste » que celui qui le singularise pour en dire du mal. Dire « tous les noirs son fainéants » n’est pas moins « racialiste » que dire « tous les noirs ont la musique dans la peau ».< Je suis tout à fait d’accord. Mais force est de constater que cette vision est en fait très répandue. A quand un “front uni des juifs impécunieux, des bretons hydrophobes et des noirs qui ne savent pas danser” ?
      Par ailleurs je peine toujours à voir la différence entre le “racialisme” et le “racisme”. Un film comme “Intouchables” a toujours été pour moi profondément raciste, par exemple.

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Je suis tout à fait d’accord. Mais force est de constater que cette vision est en fait très répandue. A quand un “front uni des juifs impécunieux, des bretons hydrophobes et des noirs qui ne savent pas danser” ?]

      C’est une bonne idée ! Je souscris à la catégorie « juif impécunieux », si vous voulez…

      [Par ailleurs je peine toujours à voir la différence entre le “racialisme” et le “racisme”. Un film comme “Intouchables” a toujours été pour moi profondément raciste, par exemple.]

      Je ne sais pas s’il y a une différence. On utilise le mot « raciste » pour décrire les théories qui établissent une hiérarchie entre les « races », et « racialistes » les théories qui, tout en analysant la réalité avec le prisme des « races », n’établissent pas une hiérarchie entre elles. Ainsi, la proposition d’établir un « quota ethnique » serait « racialiste » mais pas « raciste »…

      J’avoue que la distinction me semble en grande partie artificielle. Dès lors qu’on attribue des caractéristiques à telle ou telle ethnie, et que ces caractéristiques sont elles-mêmes hiérarchisées, on établit implicitement une hiérarchie entre les ethnies.

  22. @Descartes
    « La télévision, les journaux, les médias en général ne sont pas des « instruments de propagande » au sens qu’ils seraient contrôlés par un « directoire » qui pourrait les utiliser à son aise. C’est beaucoup plus subtil que cela : ceux qui contrôlent les médias, ceux qui font les programmes, ceux qui présentent les actualités appartiennent tous à la même classe, les « classes moyennes ». Et parce qu’ils ont des intérêts communs ils diffusent spontanément l’idéologie qui justifie les intérêts de cette classe sans avoir à se concerter. C’est pourquoi ceux qui se battent pour « l’indépendance des médias », particulièrement à l’égard de l’Etat, se trompent de cible. Des médias « indépendants », c’est des médias dominés par les « classes moyennes ». Je préfère infiniment le contrôle explicite d’un « ministre de l’information » – qui lui, au moins, répond à un parlement élu – plutôt qu’une pseudo-indépendance. »

    Dans toute société complexe, la production de culture est l’affaire d’une élite, ou si vous préférez, d’une classe sociale spécialisée : l’Intelligentsia. Partant de là je m’interroge vraiment sur ce que serait pour vous des médias « non dominés » par les classes moyennes.

    Mais de toute façon, la demande libérale de la séparation de la presse et de l’Etat ne vient pas du fait qu’on espère que le contenu médiatique en soit amélioré, mais seulement de la volonté de rétablir l’adéquation entre les revenus d’un média donné et la satisfaction subjective qu’il apporte à ceux qui lui consacrent volontairement leur argent (tout cela formant un marché libre médiatique). Soit exactement l’inverse du système actuel, dans laquelle les journaux sont (inégalement du reste) arrosés de l’argent du contribuable (avec des effets difficiles à estimer d’autocensure vis-à-vis du pouvoir politique), alors que dans le même temps nos concitoyens écœurés boycottent de plus en plus cette presse, souvent au profit d’internet (le samizdat de notre époque). Il serait donc juste de leur rendre leur liberté de soutenir le type de médium qui correspond le mieux à leurs opinions et leurs attentes. Comme disait Thomas Jefferson : « Obliger un homme à payer des impôts pour la propagation d’idées qu’il désapprouve et abhorre est scandaleux et tyrannique ». Un contrôle démocratique de l’information n’aboutirait qu’à une tyrannie de la majorité en favorisant une certain type de contenu au détriment de la diversité dont vous avez-vous-mêmes écrit qu’elle était vitale pour une démocratie (« Ce qui fait la démocratie, c’est la capacité à assumer les différences et les oppositions, alors que la pensée totalitaire cherche au contraire à les effacer pour fondre la société dans un moule consensuel »).

    Concernant votre billet, Contrepoint a repris un article qui travaille le même thème (Loi versus indignation morale), mais qui aboutit une conclusion moins « platonicienne » en matière de respect de l’autorité : http://www.contrepoints.org/2015/09/07/220867-socrate-vs-snowden-suffit-il-dobeir-aux-lois-pour-etre-juste

    • Descartes dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      [Dans toute société complexe, la production de culture est l’affaire d’une élite, ou si vous préférez, d’une classe sociale spécialisée : l’intelligentsia. Partant de là je m’interroge vraiment sur ce que serait pour vous des médias « non dominés » par les classes moyennes.]

      L’intelligentsia n’est pas une « classe sociale ». On peut dire que la production de culture est l’affaire d’un groupe social particulier, d’une « élite » si le mot n’écorche pas trop vos oreilles. Mais en faire une « classe » impliquerait qu’ils occupent tous la même position dans le mode de production, et ce n’est pas le cas. Prenez par exemple la littérature : pensez-vous que Camus et Gide appartiennent à la même classe sociale ?

      Mais il est vrai que dans la société postomoderne ou nous vivons, les classes moyennes ont réussi à contrôler totalement la production des idées. Et dans ces conditions, leur domination sur les médias est complète.

      [Il serait donc juste de leur rendre leur liberté de soutenir le type de médium qui correspond le mieux à leurs opinions et leurs attentes. Comme disait Thomas Jefferson : « Obliger un homme à payer des impôts pour la propagation d’idées qu’il désapprouve et abhorre est scandaleux et tyrannique ».]

      Si l’idée de Jefferson est certainement incontestable dans un monde ou tout le monde disposerait des mêmes ressources, il est clair que dans le monde réel, ou certains ont des milliards à mettre sur la table et d’autres n’ont rien, son idée conduit à une tyrannie encore pire. Si chacun de nous a « la liberté de soutenir le type de médium qui correspond le mieux à nos opinions et nos attentes », la décision de Mme Bettencourt de soutenir la diffusion de certaines idées n’a pas tout à fait les mêmes effets que la mienne. Rendre les journaux dépendants du financement privé c’est donner à ceux qui ont plus d’argent le contrôle des idées. C’est d’ailleurs comme cela que ça a marché tout au long du XIXème siècle, avec des magnats de la presse comme Hearst. Les dispositifs de soutien public – comme la création des NMPP – ont permis une réelle démocratisation de la presse.

      [Un contrôle démocratique de l’information n’aboutirait qu’à une tyrannie de la majorité en favorisant une certain type de contenu au détriment de la diversité dont vous avez-vous-mêmes écrit qu’elle était vitale pour une démocratie]

      C’est pourquoi un système d’aide à la presse ou les subventions sont distribuées en fonction de critères objectifs et un système de distribution non-discriminatoire me paraissent essentiels. Mais le système purement libéral est aussi dangereux que le « contrôle démocratique » de la presse. Dans un cas c’est la tyrannie de l’argent, dans l’autre la tyrannie de la majorité.

      [Concernant votre billet, Contrepoint a repris un article qui travaille le même thème (Loi versus indignation morale), mais qui aboutit une conclusion moins « platonicienne » en matière de respect de l’autorité : http://www.contrepoints.org/2015/09/07/220867-socrate-vs-snowden-suffit-il-dobeir-aux-lois-pour-etre-juste%5D

      En fait, le débat est très ancien et tient à la question fondamentale suivante : existe-t-il une loi transcendante supérieure à celle que les hommes font ? Parce que les philosophes qui ont défendu l’idée de désobéissance aux lois de l’Etat le font toujours par l’invocation d’une loi « naturelle » qui leur serait supérieure. En fait, aucun penseur ne justifie la désobéissance à la loi sur la base de la pure « indignation morale »…

  23. v2s dit :

    @Descartes
    [Enfin, pas tout à fait. Contre les ouvriers, on envoie sans hésiter la troupe.]

    Vous vous égarez, Descartes.
    A quand remonte le dernier envoie « sans hésiter » de la troupe contre des ouvriers ?

    Je ne me souviens pas avoir vu l’armée intervenir quand les Contis saccageaient la sous-préfecture de Compiègne.

    Malheureusement, la gestion des conflits sur le mode, PDVMVPDV, « pas de vagues mon vieux, pas de vagues » concerne aussi bien Roye que Sivens, que le saccage des portiques par les bonnets rouges, que les attaques et les incendies de centres d’impôts par les agriculteurs … que le saccage de la sous-préfecture par les Contis.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Enfin, pas tout à fait. Contre les ouvriers, on envoie sans hésiter la troupe.][Vous vous égarez, Descartes. A quand remonte le dernier envoie « sans hésiter » de la troupe contre des ouvriers ?]

      Je vous rappelle que l’échange portait sur Mai 68. A l’époque, on a envoyé la troupe contre les ouvriers, alors qu’on ne l’a pas fait contre les étudiants.

      [Je ne me souviens pas avoir vu l’armée intervenir quand les Contis saccageaient la sous-préfecture de Compiègne.]

      Non, les choses se sont adoucies. Mais les auteurs du saccage ont été traînés devant la juridiction correctionnelle et condamnés. Tiens, quelle est la dernière fois qu’un étudiant est passé devant la juridiction correctionnelle pour dégradation ?

      [Malheureusement, la gestion des conflits sur le mode, PDVMVPDV, « pas de vagues mon vieux, pas de vagues » concerne aussi bien Roye que Sivens, que le saccage des portiques par les bonnets rouges, que les attaques et les incendies de centres d’impôts par les agriculteurs … que le saccage de la sous-préfecture par les Contis.]

      C’est faux : les Contis sont passés en correctionnelle et ont été condamnés. Et les manifestations devant le tribunal n’ont en rien empêché leur condamnation, confirmée d’ailleurs en appel. Comme quoi, lorsqu’il s’agit de conflits ouvriers, on hésite un peu moins à « faire des vagues ».

  24. luc dit :

    Quel Tohu bohu,médiatique!Un nouveau tsunami,qui a failli me noyer!
    là je reprends ma respiration et dans ce texte,j’explose!
    Quel rouleau compresseur idéologique!
    L’Allemagne reine des cœurs,c’est une nouvelle façon de présenter les ex ‘casques à pointes’ ,alors que nécessité du peuplement futur des territoires germains,fait loi au vue de la future désertification de la Germanie qui s’annonce pour cause de dénatalité!
    La France qui depuis les Kabyles après la première guerre mondiale,les Italiens,les juifs d’Europe centrale,les russes blancs,les républicains espagnols,les travailleurs portugais,maghrébins,africains,les pieds noirs,les regroupements familiaux,les boats people,les migrants clandestins,les réfugiés du Kosovo,bosnie,turcs,indiens,chinois,de daech etc..n’a cessé depuis des dizaines d’années d’accueillir des migrants se voit une fois de plus taxé ‘d’égoïsme’?!?!?
    Les populations issues de ces migrants constituent des millions de personnes,ont construit,c’est leur droit,des dizaines de temples,centaines d’églises,milliers de mosquées etc…Commis aussi des actes plus ou moins légaux comme tout être humain mais sans un zèle effréné pour le respect de la laïcité chez les milliers d’enburkanées par exemple.Nous supportons tout ça,cette communauté de culture musulmane,la plus grande d’Europe,pas toujours fière et zélée de notre particularité,hexagonale,le laïcité!
    Alors trop,c’est trop,que les journalistes arrêtent avec cette surévaluation de l’Allemagne où 400000 femmes se prostituent légalement depuis des dizaines d’années,rejointes certainement par nombre de ces nouvelles réfugiées de Merkel,où des centaines de milliers de salariés touchent 2 euros de l’heure!
    Au bout d’un moment,il faut parler Vrai!
    de même qui combat sur le terrain,les infâmes de Daech,les Russes! Qui ,les soutient?très peu de monde et surtout pas F.Hollande,qui n’a rien compris mais qui en refilant plus d’un milliard d’euros en remboursement des vedettes non-vendues,à fourni quelques liquidités à la Russie qui en a bien besoin dans sa lutte héroïque contre Daech.
    Pourquoi les journalistes ne tiennent ils pas le langage de la vérité?
    parcequ’ils ne paient pas d’impôts et craignent de se voir retirer ce ‘trop compréhensible privilège’?

  25. @Descartes
    « L’intelligentsia n’est pas une « classe sociale ». On peut dire que la production de culture est l’affaire d’un groupe social particulier. »

    Ha non, ce n’est pas ce que je voulais dire. A mon avis, tous les individus d’une société donnée « produisent » de la culture, y compris le lycéen qui invente un nouveau style de skateboard. Ce que je propose d’appeler intelligentsia, ce sont les personnes qui produisent de la culture de façon spécialisée, professionnelle ou semi-professionnelle. J’admets que le concept mériterait d’être davantage travaillé.

    « Une « élite » si le mot n’écorche pas trop vos oreilles. »

    Aucun problème, je connais bien les thèses de l’École italienne de sociologie (cf : http://oratio-obscura.blogspot.fr/2015/07/les-partis-politiques-de-robert-michels.html ).

    « Mais en faire une « classe » impliquerait qu’ils occupent tous la même position dans le mode de production, et ce n’est pas le cas. »

    Ce sera le cas dans une acceptation restrictive du terme, si on ne considère que les personnes qui vivent d’un métier lié à la production de culture (les universitaires par exemple, ou les écrivains qui n’ont pas besoin d’une autre profession pour gagner leur vie). Mais ça exclurai toute sorte de situations intermédiaires. Par exemple, Céline vivait de petits boulots en essayant d’être diplômé en médecine lorsqu’il a écrit le Voyage au bout de la nuit.

    « Dans la société post-moderne ou nous vivons »

    Désolé si je ne vous suis pas, « post-moderne » c’est un peu comme néolibéral, chacun y va de sa petite définition… Post-industrielle à la rigueur, mais « post-moderne » fait surtout penser aux cohortes d’intellectuels qui nous annoncent un nouveau Moyen-âge…

    « Rendre les journaux dépendants du financement privé c’est donner à ceux qui ont plus d’argent le contrôle des idées. »

    Pas vraiment, car le marché, à la différence de la démocratie, ne retient pas qu’une décision majoritaire, mais toutes les opinions exprimées par une dépense de monnaie, à la hauteur précise du montant dépensé. Lorsque j’achète le journal A plutôt que le B, j’augmente la capacité de ses rédacteurs à poursuivre leur travail. Si c’est un journal qui se vend bien, je les enrichis à la hauteur d’un exemplaire supplémentaire. Je peux aussi aller donner sa chance à une nouvelle publication. La décision majoritaire n’a pas cette souplesse, elle ne retient qu’une option et ne permet que des changements beaucoup plus lents.

    En outre vous passez à côté de la dimension symbolique de la culture. Il y a toute sorte de gens qui n’achèteront pas le journal de Mme Bettencourt, fût-il bon marché et joli, précisément parce que c’est le journal de Mme Bettencourt. Et en conséquence, si Mme Bettencourt espère faire de l’argent avec son journal (et non brûler ses vaisseaux dans la seule tentative de confirmer l’opinion de Marx que « les idées dominantes d’une époque sont les idées de la classe dominante »), elle devra essayer de suivre les goûts du public pour lui proposer un contenu vendable. Il n’est donc pas du tout évident que l’argent permette le contrôle des idées. Si je voulais être un brin provoquant, je pourrais même écrire que ce sont les idées qui contrôlent l’argent. Dans une économie libre, on ne peut pas s’enrichir en faisant n’importe quoi.

    En outre vous sous-estimez Internet, où le rapport entre l’argent investi et le gain en termes de visibilité n’est pas du tout évident.

    « C’est d’ailleurs comme cela que ça a marché tout au long du XIXème siècle, avec des magnats de la presse comme Hearst. »

    Oui. Et d’innombrables journaux de l’extrême-droite à l’extrême gauche anarchiste, de La Libre Parole de Drumont à l’En-Dehors d’Émile Armand. A l’époque de Jaurès, la presse française était l’une des plus diversifiée, des plus fécondes et des plus vendues d’Europe. Et tout cela fonctionnait sans subventions publiques. On n’aurait pas imaginé les socialistes de l’époque allés réclamer des sous à « l’Etat bourgeois-impérialiste » pour fonder L’Humanité. C’est le secteur privé qui a permis de lancer l’Huma (« Lors de sa création, L’Humanité bénéficie de soutiens dans la bourgeoisie dreyfusarde et notamment dans la bourgeoisie juive », article Wikipédia « L’Humanité », note n°3)

    « Mais le système purement libéral est aussi dangereux que le « contrôle démocratique » de la presse. Dans un cas c’est la tyrannie de l’argent, dans l’autre la tyrannie de la majorité. »

    J’espère vous avoir montré que non. L’argent peut aller à bien des causes, il peut être gaspillé, mais dans une économie libre, il ne peut permettre de faire du profit que s’il est utilisé pour répondre aux attentes des consommateurs. Et il n’est pas tyrannique. Personne ne vous force à acheter le journal ou à écouter telle radio. Ce qui EST tyrannique (et collectiviste), c’est de forcer le contribuable, qui n’a rien demandé, à payer pour Le Figaro, Le Monde Diplo et Piscou Magazine (et je ne dis pas ça contre ces journaux, surtout pas contre Piscou Magazine !).

    • Descartes dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      [Ha non, ce n’est pas ce que je voulais dire. A mon avis, tous les individus d’une société donnée « produisent » de la culture, y compris le lycéen qui invente un nouveau style de skateboard.]

      Je sens qu’on va avoir un débat sur le sens du mot « culture »…

      Non, « tous les individus » ne produisent pas de la culture, et surtout pas le lycéen qui invente un nouveau style de skateboard. Le propre de la « culture », c’est son caractère cumulatif. Ce qui fait qu’une création fait partie de la « culture », c’est justement le fait qu’elle s’intègre dans une histoire, qu’elle devient la brique d’un grand édifice sur laquelle d’autres briques pourront s’appuyer. Le lycéen qui invente un nouveau style de skateboard ne fait qu’inventer une mode. Il ne produit de la « culture » que si ce nouveau style s’inscrit dans l’histoire des styles, et qu’un autre style est ensuite inventé en s’appuyant sur lui.

      [Désolé si je ne vous suis pas, « post-moderne » c’est un peu comme néolibéral, chacun y va de sa petite définition… Post-industrielle à la rigueur, mais « post-moderne » fait surtout penser aux cohortes d’intellectuels qui nous annoncent un nouveau Moyen-âge…]

      Exactement…

      [Pas vraiment, car le marché, à la différence de la démocratie, ne retient pas qu’une décision majoritaire, mais toutes les opinions exprimées par une dépense de monnaie, à la hauteur précise du montant dépensé.]

      Pas tout à fait. Vous oubliez que le marche de l’information, comme tout marché réel, a des barrières à l’entrée. Si j’ai 100 M€, je peux diffuser dix fois mieux mon journal que si je n’ai que 10 M€. Mais si j’ai 10 €, je ne peux pas faire un journal du tout. Le marche retient, vous avez raison, toutes les opinions exprimées… à condition qu’elles arrivent à s’exprimer. Les opinions qui ne peuvent pas aligner le « droit d’entrée » restent sans expression.

      [En outre vous passez à côté de la dimension symbolique de la culture. Il y a toute sorte de gens qui n’achèteront pas le journal de Mme Bettencourt, fût-il bon marché et joli, précisément parce que c’est le journal de Mme Bettencourt.]

      Encore faudrait-il qu’ils le sachent. Seriez-vous en mesure de donner la distribution du capital des grands quotidiens nationaux aujourd’hui ? Sans aller regarder sur wikipédia, je veux dire !

      [Et en conséquence, si Mme Bettencourt espère faire de l’argent avec son journal (et non brûler ses vaisseaux dans la seule tentative de confirmer l’opinion de Marx que « les idées dominantes d’une époque sont les idées de la classe dominante »), elle devra essayer de suivre les goûts du public pour lui proposer un contenu vendable.]

      Pas tout à fait. Si Mme Bettencourt veut que son journal gagne de l’argent, elle devra probablement coller aux goûts du public – c’est-à-dire, publier ce qui confirme les préjugés de ses lecteurs ou ce que ces derniers ont envie d’entendre, car croire que la grande majorité des gens achètent le journal pour s’informer c’est commettre un péché de naïveté. Mais on peut gagner de l’argent avec un journal sans nécessairement que son journal gagne de l’argent. Un journal peut permettre à ses investisseurs de faire pression sur le politique pour obtenir des mesures favorables à d’autres affaires, des contrats juteux ou pour éviter des poursuites judiciaires. Remember Hersant ?

      [Il n’est donc pas du tout évident que l’argent permette le contrôle des idées. Si je voulais être un brin provoquant, je pourrais même écrire que ce sont les idées qui contrôlent l’argent. Dans une économie libre, on ne peut pas s’enrichir en faisant n’importe quoi.]

      Non, pas n’importe quoi…

      [En outre vous sous-estimez Internet, où le rapport entre l’argent investi et le gain en termes de visibilité n’est pas du tout évident.]

      Je parlais bien évidement de la presse et plus largement des médias audiovisuels. Internet est différent précisément parce que la barrière à l’entrée, le droit a payer pour pouvoir commencer à diffuser est relativement faible. Mais aussi parce que c’est un média bien plus facilement « saturable ». Vous pouvez toujours publier, mais ce que vous publiez se trouve noyé dans un immense océan de textes, les uns intelligents, dans leur énorme majorité idiots. Comment vos idées arriveraient-elles à surnager ce magma ?

      [Oui. Et d’innombrables journaux de l’extrême-droite à l’extrême gauche anarchiste, de La Libre Parole de Drumont à l’En-Dehors d’Émile Armand. A l’époque de Jaurès, la presse française était l’une des plus diversifiée, des plus fécondes et des plus vendues d’Europe.]

      Je pense que vous faites une petite erreur sur les dates. Je parlais du XIXème siècle, vous me parlez du début du XXème. Par ailleurs, vous confondez la presse française et la presse parisienne. Si jusqu’aux années 1920 on pouvait trouver à Paris toutes sortes de journaux représentant les opinions les plus diverses, ce n’était pas le cas en province, ou la presse était dominée par les grands quotidiens régionaux propriété des grands potentats locaux qui s’en servaient comme machine de propagande politique (Sarraut à la « Depêche du midi », Delpuech au « Petit Provençal »).

      [Et tout cela fonctionnait sans subventions publiques. On n’aurait pas imaginé les socialistes de l’époque allés réclamer des sous à « l’Etat bourgeois-impérialiste » pour fonder L’Humanité. C’est le secteur privé qui a permis de lancer l’Huma (« Lors de sa création, L’Humanité bénéficie de soutiens dans la bourgeoisie dreyfusarde et notamment dans la bourgeoisie juive », article Wikipédia « L’Humanité », note n°3)]

      Tout à fait. Mais à partir du début des années 1920, de nombreux journaux disparaissent. « L’Humanité » – devenu le journal communiste – est en faillite et ne survit que par la mobilisation des militants communistes, « le Populaire », le journal de la SFIO, devient bimensuel en 1922. La « Libre Parole » de Drummond disparaît en 1924. Ne survivent en fait que les journaux soutenus par les financiers et ceux qui sont soutenus par un parti politique. Et contrairement à ce que vous pensez, ces journaux demandent le soutien public sous forme d’une organisation de distribution non-discriminatoire. Il faudra attendre la Libération pour que les grands patrons de presse s’y résignent, avec la loi Bichet et la création des NMPP.

      [J’espère vous avoir montré que non. L’argent peut aller à bien des causes, il peut être gaspillé, mais dans une économie libre, il ne peut permettre de faire du profit que s’il est utilisé pour répondre aux attentes des consommateurs.]

      Pas seulement. Il peut aussi permettre de faire du profit lorsqu’il est utilisé pour faire pression sur le politique. Lorsque Mathieu Pigasse, Xavier Niel et Pierre Bergé prennent le contrôle du « Monde », croyez-vous qu’ils le font parce qu’ils comptent sur les dividendes pour rentabiliser leur investissement ?

      [Personne ne vous force à acheter le journal ou à écouter telle radio.]

      C’est vrai. De la même manière que personne ne m’oblige à travailler pour un patron. Si je veux, je peux refuser et crever de faim. Mais c’est mon choix. Bien sur, personne ne m’oblige à regarder TF1. Je peux toujours regarder FR2, ARTE ou Chérie23. Le problème, c’est qu’elles disent toutes la même chose. Les gens qui feraient la télévision que j’aurais envie de regarder n’ont pas assez d’argent pour la faire.

      [Ce qui EST tyrannique (et collectiviste), c’est de forcer le contribuable, qui n’a rien demandé, à payer pour Le Figaro, Le Monde Diplo et Piscou Magazine (et je ne dis pas ça contre ces journaux, surtout pas contre Piscou Magazine !).]

      Moi je ne suis jamais malade. Pourquoi m’oblige-t-on à payer pour l’hôpital ?

    • yann dit :

      @Johnathan R. Razorback

      ” Ce qui EST tyrannique (et collectiviste), c’est de forcer le contribuable, qui n’a rien demandé, à payer pour Le Figaro, Le Monde Diplo et Piscou Magazine (et je ne dis pas ça contre ces journaux, surtout pas contre Piscou Magazine !).”

      C’est bien le discours d’un libéral ça. Ma liberté de consommer. À titre personnel, plutôt que d’être libre de choisir quel type de yaourt je peux acheter, je préférerais être libre de choisir les politiques macroéconomiques qui sont appliquées à mon pays. Mais cette liberté-là nous a été enlevée, et cela n’a pas l’aire de vous chagriner pour autant.

      Sinon que faites-vous de la publicité? Vous dites que chacun doit être libre de choisir ce qu’il consomme. Mais moi j’en ai marre de financer TF1, M6 et les autres chaines stupides qui remplissent la télévision française. Mais il se trouve que je finance ces médias à travers ma consommation sans que j’aie le choix. L’on critique la redevance, mais croyez-vous donc que la publicité n’a aucun coût pour le consommateur? En toute objectivité, si vous êtes contre la redevance télé et les financements publics parce qu’ils vous obligent à financer des médias que vous ne regardez pas. Vous devriez être contre les revenus publicitaires qui sont une forme de TVA privée. Vous ne devriez admettre que les abonnements et le paiement direct.

    • Sanson dit :

      @Descartes

      [Si j’ai 100 M€, je peux diffuser dix fois mieux mon journal que si je n’ai que 10 M€. Mais si j’ai 10 €, je ne peux pas faire un journal du tout. Le marche retient, vous avez raison, toutes les opinions exprimées… à condition qu’elles arrivent à s’exprimer. Les opinions qui ne peuvent pas aligner le « droit d’entrée » restent sans expression.]

      Mais elles peuvent faire ce que les autres journaux en place ont fait : rechercher les fonds, convaincre des gens de mettre leurs ressources financières, matérielles ou humaines au service de leur projet. Comme ce qu’a fait L’Huma, ainsi que le décrit Arwert plus haut.

      Et enfin, c’est assez incroyable de regretter l’existence de barrières à l’entrée et de souhaiter le maintien de subventions, dont il est évident qu’elles ne peuvent que contribuer à l’existence de ses barrières.

      [Encore faudrait-il qu’ils le sachent]

      Les noms des grands actionnaires des journaux sont quand même bien connus.

      [Vous pouvez toujours publier, mais ce que vous publiez se trouve noyé dans un immense océan de textes, les uns intelligents, dans leur énorme majorité idiots. Comment vos idées arriveraient-elles à surnager ce magma ?]

      En vertu de quel droit mes idées devraient-elles surnager ? La liberté d’expression est la liberté de s’exprimer, pas de forcer les gens à écouter ! Ni de faire les poches des contribuables pour renflouer une feuille de chou que personne ne lit d’ailleurs.

      Internet est justement le média qui permet à des gens qui ont des choses intéressantes (j’ai dit intéressante, pas justes ou intelligentes…) de faire un carton plein auprès de l’opinion publique. Pour vous provoquer un peu : avec ses idées, jamais Soral n’aurait eu accès à un média écrit ou audio/télévisuel autre qu’anecdotique. Grâce à Youtube il peut abreuver de ses conneries des centaines de milliers de personnes.

      Et il y a quantité de journaux en ligne, de blogs, de réseaux sociaux, sur lesquels des gens motivés arrivent à toucher un très grand nombre de personnes. Mais oui, cela implique d’être meilleur, de surnager par rapport aux autres. Comme pour les journaux et les émissions de télévision ou de radio.

      [Bien sur, personne ne m’oblige à regarder TF1. Je peux toujours regarder FR2, ARTE ou Chérie23. Le problème, c’est qu’elles disent toutes la même chose]

      Je me suis débarrassé de ma télévision. Ce n’était pas un gros sacrifice. Mis à part quelques émissions intéressantes, je ne trouvais plus rien d’attirant. Il est tout à fait possible de réduire sa consommation de médias, c’est une question de volonté. Et j’affirme que ça n’est même pas très difficile.

      C’était également un (tout petit) acte politique, car je considère que le principe même d’un service publique audiovisuel est antidémocratique et s’oppose à ce que je considère être une société humaine ouverte. Je ne voulais pas payer la redevance pour financer ce que j’estime être contraire à la marche normale de la démocratie. Hélas, l’État verse des centaines de millions d’euros par an à France Télévision, et va me taxer pour me permettre d’utiliser une box grâce à laquelle je lis mes mails et votre blog…

      [Moi je ne suis jamais malade. Pourquoi m’oblige-t-on à payer pour l’hôpital ?]

      Cette comparaison ne tient pas. La santé publique porte des enjeux qui justifient que des efforts collectifs soient entrepris pour la maintenir, ce qui n’est pas le cas de la presse subventionnée (ou du service public audiovisuel) : cela fait longtemps que l’information ne dépend plus de ces médias, et nos voisins ont un parc audiovisuel et une presse écrite qui ne dépendent pas du contribuable.

      Du reste, comparez le “public” d’une salle d’urgence et celui qui lit les principaux journaux. Il est évident que l’un aurait les moyens de payer de sa poche pour le service qu’il reçoit, et pas l’autre.

      Par ailleurs, quand je paie mes impôts, je sais que le montant destiné aux hôpitaux contribue effectivement à la politique de santé. Alors que le montant que je paie destiné à la presse subventionné ou au service public audiovisuel va dans les comptes de Télé 7 Jours et de Michel Drücker… la démocratie, l’édification des masses et le pluralisme des idées ont bon dos.

    • Descartes dit :

      @ sanson

      [Mais elles peuvent faire ce que les autres journaux en place ont fait : rechercher les fonds, convaincre des gens de mettre leurs ressources financières, matérielles ou humaines au service de leur projet. Comme ce qu’a fait L’Huma, ainsi que le décrit Arwert plus haut.]

      Certes. Mais vous voyez bien qu’il existe une asymétrie entre ceux qui défendent les idées qui plaisent à la bourgeoisie et les autres. Parce qu’il est bien plus facile de « convaincre » à hauteur de quelques millions d’euros lorsqu’on fait plaisir à Rotschild ou Bolloré que lorsqu’on fait plaisir à Mme Michu. Il faut convaincre beaucoup de Mmes Michu pour faire un seul Bolloré…

      [Et enfin, c’est assez incroyable de regretter l’existence de barrières à l’entrée et de souhaiter le maintien de subventions, dont il est évident qu’elles ne peuvent que contribuer à l’existence de ces barrières.]

      Pourquoi ? Je défends un système de subvention qui ne fait pas de différence entre les journaux existants et les nouveaux journaux. Pour ne donner qu’un exemple, le système mis en place à la Libération par la création des NMPP ne créait aucune barrière à l’entrée, au contraire.

      [Encore faudrait-il qu’ils le sachent][Les noms des grands actionnaires des journaux sont quand même bien connus.]

      « Bien connus » de qui ? Pourriez-vous – sans l’aide de google, bien entendu – m’indiquer le nom des principaux actionnaires du Parisien-Aujourd’hui en France ou du JDD, par exemple ?

      [Vous pouvez toujours publier, mais ce que vous publiez se trouve noyé dans un immense océan de textes, les uns intelligents, dans leur énorme majorité idiots. Comment vos idées arriveraient-elles à surnager ce magma ?][En vertu de quel droit mes idées devraient-elles surnager ?]

      Mais… du fait qu’elles sont les meilleures…

      [La liberté d’expression est la liberté de s’exprimer, pas de forcer les gens à écouter !]

      Bien entendu. Mais je ne pense pas ici à la liberté d’expression. Plutôt au droit des gens d’avoir accès à l’information. La question du financement de la presse doit être à mon avis appréhendée sous ce dernier angle. On ne finance pas les porte-voix pour le bénéfice de ceux qui parlent, mais plutôt pour le bénéfice de ceux qui écoutent.

      [Ni de faire les poches des contribuables pour renflouer une feuille de chou que personne ne lit d’ailleurs.]

      La question n’est pas de financer une feuille de chou que personne ne lit, mais une feuille de choux dont les lecteurs ne sont pas assez nombreux pour assurer son équilibre.

      [Internet est justement le média qui permet à des gens qui ont des choses intéressantes (j’ai dit intéressante, pas justes ou intelligentes…) de faire un carton plein auprès de l’opinion publique.]

      Possible. Mais je ne me contente pas d’un système qui ne donne aux gens accès qu’à des choses « intéressantes »…

      [Pour vous provoquer un peu : avec ses idées, jamais Soral n’aurait eu accès à un média écrit ou audio/télévisuel autre qu’anecdotique. Grâce à Youtube il peut abreuver de ses conneries des centaines de milliers de personnes.]

      Vous faites erreur. Soral s’est fait une réputation par l’écrit papier – il a publié plusieurs livres – et dans les médias classiques bien avant d’aller sur les médias électroniques. Ce n’est pas internet qui l’a fait connaître.

      [Et il y a quantité de journaux en ligne, de blogs, de réseaux sociaux, sur lesquels des gens motivés arrivent à toucher un très grand nombre de personnes.]

      Avez-vous quelques exemples en tête ?

      [Je me suis débarrassé de ma télévision. Ce n’était pas un gros sacrifice. Mis à part quelques émissions intéressantes, je ne trouvais plus rien d’attirant. Il est tout à fait possible de réduire sa consommation de médias, c’est une question de volonté. Et j’affirme que ça n’est même pas très difficile.]

      On peut toujours se couper du monde, mais cela ne répond pas à ma question. Le fait est que le « libre marché » télévisuel n’a pas fait apparaître une télévision de qualité. Les très rares chaînes qui dans le monde proposent autre chose qu’un abrutissement programmé pour meubler les longues soirées sont toutes publiques. En France, la multiplication de l’offre s’est traduite par un abêtissement général, les chaînes publiques faisant du suivisme contrairement à la BBC, par exemple, qui a choisi au contraire de ne pas concurrencer la télé-poubelle sur son propre terrain.

      [C’était également un (tout petit) acte politique, car je considère que le principe même d’un service publique audiovisuel est antidémocratique et s’oppose à ce que je considère être une société humaine ouverte.]

      Je n’ai toujours pas compris pourquoi. D’abord, le « service publique audiovisuel » ne représente que quelques chaînes sur la quinzaine de la TNT et les centaines disponibles sur le câble. Pourquoi vous « débarrasser » de votre télé, alors ? Pour bénéficier de cette « société humaine ouverte », il vous suffisait d’effacer les chaînes de France Télévisions et ARTE de votre programmateur…

      Ensuite, je ne vois pas ce que la « démocratie » vient faire là dedans. Vous trouvez normal que Bouygues et Bolloré aient leur télé, ou l’on passe les programmes qu’ils décident de passer. Pourquoi l’Etat ne ferait-il pas de même ? La démocratie n’est ce pas la concurrence entre les différentes idées ? Pourquoi l’Etat devrait-il être exclu de cette « compétition » ?

      [Je ne voulais pas payer la redevance pour financer ce que j’estime être contraire à la marche normale de la démocratie.]

      Là encore, je ne vous comprends pas. La redevance ne fait pas que financer les programmes de France Télévisions, elle finance aussi le service public de la diffusion dont bénéficient les chaînes privées…

      [Moi je ne suis jamais malade. Pourquoi m’oblige-t-on à payer pour l’hôpital ?][Cette comparaison ne tient pas. La santé publique porte des enjeux qui justifient que des efforts collectifs soient entrepris pour la maintenir,]

      Et pas l’information ? J’aurais tendance à penser que la diversité de l’information et de la diffusion culturelle portait elle aussi des enjeux qui justifient un effort collectif… Tiens, j’y pense : pensez-vous qu’il faille accorder des subventions publiques aux bibliothèques, aux musées, au cinéma d’art et d’essai… ?

      [ce qui n’est pas le cas de la presse subventionnée (ou du service public audiovisuel) : cela fait longtemps que l’information ne dépend plus de ces médias, et nos voisins ont un parc audiovisuel et une presse écrite qui ne dépendent pas du contribuable.]

      De quels « voisins » parlez-vous ? A ma connaissance, tous nos voisins européens conservent une radio et une télévision publique. Et la plupart subventionnent leurs journaux, certes de manière moins visible que la notre, mais tout aussi réelle, avec des avantages fiscaux tels que la réduction de la TVA.

      [Du reste, comparez le “public” d’une salle d’urgence et celui qui lit les principaux journaux. Il est évident que l’un aurait les moyens de payer de sa poche pour le service qu’il reçoit, et pas l’autre.]

      Je ne suis pas persuadé que les lecteurs du Parisien ou ceux du JDD auraient les moyens de payer leur journal à son juste prix.

      [Par ailleurs, quand je paie mes impôts, je sais que le montant destiné aux hôpitaux contribue effectivement à la politique de santé. Alors que le montant que je paie destiné à la presse subventionné ou au service public audiovisuel va dans les comptes de Télé 7 Jours et de Michel Drücker… la démocratie, l’édification des masses et le pluralisme des idées ont bon dos.]

      Ca, c’est autre chose. Si vous me dites que les subventions à la presse et à l’audiovisuel sont mal distribuées, qu’elles vont à des actions qui pourraient parfaitement s’autofinancer – ou bien carrément disparaître sans dommage pour la population, je serais d’accord avec vous. Financer une programmation comme celle de la BBC par l’impôt me paraît souhaitable, financer France Télévisions pour avoir une télé-poubelle de plus, c’est parfaitement inutile. Mais ce n’est donc pas le principe qui est en cause, mais sa mise en œuvre.

    • Sanson dit :

      @yann

      Vous comparez deux choses qui ne sont pas comparables : votre liberté en tant qu’individu et le droit d’autodétermination (la souveraineté) des peuples/nations/des deux à la fois selon la théorie constitutionnelle française.

      Vous avez, toujours, la liberté d’acheter la marque de yaourt que vous voulez. Vous, personnellement, n’avez jamais eu la liberté de choisir la politique macroéconomique de votre pays. Il est bien évident qu’il ne peut y avoir qu’une politique économique dans un pays à un moment donné, qui ne peut pas être voulue par tous les citoyens à la fois ! Vous n’avez donc que la “chance” de subir la politique voulue par d’autres. A la rigueur, si vous vivez dans un pays démocratique, vous avez eu, à titre personnel, un tout petit bout de pouvoir de décision dans le choix de vos gouvernants.

      [Mais moi j’en ai marre de financer TF1, M6 et les autres chaines stupides qui remplissent la télévision française.]

      le business de la télé est extrêmement simple :

      – des chaînes comme TF1 ont fait le choix de se financer par la pub. Pour cela elle produit des émissions télés, qui sont des produits intermédiaires. Ces produits intermédiaires sont mis à disposition, gratuitement, des téléspectateurs, dont la globalité donnera un audimat. Cet audimat est ensuite utilisé comme argument de vente aux annonceurs, qui sont les clients réels de TF1 (et autres). Dans ce schéma, vous ne financez rien du tout, car vous n’êtes pas le client : vous êtes le produit. Vous ne payez pas pour TF1, c’est Danone, Renault et l’Oréal qui paient.
      – des chaînes comme Canal + font payer à leurs téléspectateurs, qui pour le coup sont leurs clients réels, les émissions qu’ils regardent, par le pay per view ou par des abonnements. Éventuellement ce système peut se coupler avec celui du dessus.

      Évidemment dans les deux cas il est abusif de faire un parallèle entre la redevance et le financement par la pub ou l’abonnement. Vous ne pouvez pas ne pas payer la redevance si vous avez un téléviseur, même si vous ne regardez jamais le service public. Vous avez toujours le choix de ne pas participer aux deux autres systèmes de financement : soit vous ne prenez pas d’abonnement, soit vous ne regardez pas ces chaînes et n’entrez donc pas dans leurs stats d’audimat.

    • Sanson dit :

      @Descartes

      [Certes. Mais vous voyez bien qu’il existe une asymétrie entre ceux qui défendent les idées qui plaisent à la bourgeoisie et les autres.]

      A la rigueur. Et alors ? Cela confère pas à la bourgeoisie, si tant est que ce groupe existe encore dans l’univers éclaté et mondialisé de l’information, une place éminente dans la production et la diffusion d’idées. La presse papier, quelle est sa diffusion aujourd’hui, quelle était sa diffusion il y a dix, vingt, trente ans ? Même question pour les autres médias classiques, télé, radio, dont l’audience s’effrite. Vous vous inquiétez de la main-mise d’une bourgeoisie sur un appareil médiatique dépassé !

      Et d’ailleurs, quelle est l’influence réelle de ces grands messieurs sur l’opinion des Français ? C’est une chose de dire que la presse est leur créature et le cerveau des Français leur terrain de jeu, c’est une autre de démontrer l’influence des actionnaires sur le contenu rédactionnel, et l’influence de ce contenu sur l’opinion générale. Les exemples ne manquent pas où l’opinion a été à rebours des opinions des “faiseurs d’opinion”. Il me semble que ce sont plutôt les médias qui suivent l’opinion que l’inverse. La chute du communisme est France est-elle due à la baisse de diffusion de l’Huma, ou la baisse de diffusion de l’Huma est-elle due à la chute du communisme ?

      En fait il me semble que vous vous focalisez beaucoup trop sur l’existence de ces actionnaires, et que vous êtes amené à justifier la politique médiatique de l’Etat sur la base de votre hostilité à ces actionnaires. Tombe le rideau de leur pouvoir réel, que reste t-il ?

      [Pourquoi ? Je défends un système de subvention qui ne fait pas de différence entre les journaux existants et les nouveaux journaux. Pour ne donner qu’un exemple, le système mis en place à la Libération par la création des NMPP ne créait aucune barrière à l’entrée, au contraire.]

      Dans les faits, le journal qui se lance doit passer par une période sans aide. Il est plus cher que sa concurrence pendant ce temps.

      Par ailleurs, les aides supposent un cloisonnement des besoins auxquels répondent le secteur de la presse. Internet a rendu tout cela obsolète. Les pure players en ligne sont en concurrence avec la presse écrite, mais ne bénéficient pas d’aides. Elles sont donc inégalitaires.

      Notez bien que ce point est secondaire, ce n’est pas l’inégaltié qui justifie mon oposition à ces aides, c’est leur existence même.

      [Pourriez-vous – sans l’aide de google, bien entendu – m’indiquer le nom des principaux actionnaires du Parisien-Aujourd’hui en France ou du JDD, par exemple ?]

      Le JDD est détenu par Lagardère je crois, les autres je ne sais pas. Mais je pourrais vous citer ceux du Figaro, de TF1 ou de Libé. Je ne vois pas où vous voulez en venir : les actionnariats ne sont pas un secret, un effort minimal ou le hasard permettent d’en prendre connaissance. Et vous pensez bien que si la femme la plus riche de France créée son journal, cela sera vite de notoriété publique…

      [Bien entendu. Mais je ne pense pas ici à la liberté d’expression. Plutôt au droit des gens d’avoir accès à l’information. La question du financement de la presse doit être à mon avis appréhendée sous ce dernier angle. On ne finance pas les porte-voix pour le bénéfice de ceux qui parlent, mais plutôt pour le bénéfice de ceux qui écoutent.]

      Je suis totalement en désaccord. Le droit d’accès à l’information serait menacé ? Il y a des téléviseurs et des box internet dans toutes les maisons, des kiosques à tous les coins de rue et il faudrait dépenser des milliards d’euros tous les ans, et sans le consentement des intéressés, s’il vous plaît ?

      Je me rappelle que, dans un billet précédent que j’ai trouvé dans les archives de votre site, vous citiez un échange entre Vimaire et Vétérini, où il dit des choses très vrai sur l’Etat. Vous avez peut-être lu Mécomptes de Fées, du même auteur :”You can’t go around building a better world for people. Only people can build a better world for people. Otherwise it’s just a cage.”

      Dit autrement, on ne peut pas forcer l’âne à boire. Concrêtement les aides maintiennent en vie des titres qui auraient disparu autrement. Elles forcent les gens à payer pour quelque chose qui ne leur d’aucune utilité. Il n’y a pas de maintien d’un droit à l’accès à l’information, par contre je vois très bien l’intérêt pour l’entreprise de presse de garder son gagne-pain sans rendre à la collectivité un service équivalent.

      [La question n’est pas de financer une feuille de chou que personne ne lit, mais une feuille de choux dont les lecteurs ne sont pas assez nombreux pour assurer son équilibre.]

      Voir au dessus : la liberté d’expression n’est pas le droit de faire financer par les autres sa feuille de chou pour ne pas avoir à payer son vrai coût.
      Quel est l’intérêt de garder artificiellement en vie un journal qui n’a pas de lectorat ? C’est uen vrai question, pas une provocation. Cette situation est parfaitement ubuesque.

      [Possible. Mais je ne me contente pas d’un système qui ne donne aux gens accès qu’à des choses « intéressantes »… ]

      Que ceux qui veulent diffuser des trucs qui n’intéressent personne le fasse ,juste pas avec l’argent des autres.

      [Soral s’est fait une réputation par l’écrit papier – il a publié plusieurs livres – et dans les médias classiques bien avant d’aller sur les médias électroniques. Ce n’est pas internet qui l’a fait connaître.]

      Mea culpa pour Soral, je ne le connais pas. Le point tient : Internet est un moyen pour lui de diffuser ses idées sans passer par les grands médias (qui ne lui donneraient pas l’antene), et des tas de gens diffusent leurs idées qui n’étaient pas connus auparavant.

      [Avez-vous quelques exemples en tête ?]

      Pour les journaux en ligne ? Médiapart, rue89, des tas d’autres auxquels je ne pensent pas forcément. Pareil pour les blogs.

      [On peut toujours se couper du monde]

      Je ne suis pas coupé du monde. Comme je le dis, la télévision n’est pas nécessaire pour se tenir informé, loin de là.

      [Le fait est que le « libre marché » télévisuel n’a pas fait apparaître une télévision de qualité.]

      C’est peut-être vrai (je ne pense pas cela dit, tout dépend de ce que lon entend par télévision de qualité. NBO est très populaire pour qui aime les séries, la chaîne de National Geographic n’est pas publique pour ce j’en sais, etc), mais je n’en conclut pas que la mission de l’Etat soit de faire apparaître une télévision de qualité… vous reconnaissez vous-mêmes que les chaînes publiques échouent dans leur mission.

      [Je n’ai toujours pas compris pourquoi. D’abord, le « service publique audiovisuel » ne représente que quelques chaînes sur la quinzaine de la TNT et les centaines disponibles sur le câble. Pourquoi vous « débarrasser » de votre télé, alors ? Pour bénéficier de cette « société humaine ouverte », il vous suffisait d’effacer les chaînes de France Télévisions et ARTE de votre programmateur…]

      Il suffit d’avoir un téléviseur pour être obligé de payer la redevance.

      [Ensuite, je ne vois pas ce que la « démocratie » vient faire là dedans. Vous trouvez normal que Bouygues et Bolloré aient leur télé, ou l’on passe les programmes qu’ils décident de passer. Pourquoi l’Etat ne ferait-il pas de même ? La démocratie n’est ce pas la concurrence entre les différentes idées ? Pourquoi l’Etat devrait-il être exclu de cette « compétition » ?]

      Très bonne question, développons là :

      Trouvez-vous normal que les boulangers aient leurs boulangeries, faisant le pain qu’ils veulent au prix qu’ils décident ? Pourquoi l’Etat devrait-il être exclu de cette compétition, il pourrait faire des boulangeries d’Etat, et un service public de boulangerie ?
      Trouvez-vous normal que Samsung ou Electrolux aient leurs usines de fabrication de laves-linges ? Pourquoi l’Etat ne ferait-il pas de même ? Les laves-linges sont-ils exclus du jeu démocratique ?

      [Et pas l’information ?]

      Non. Ce n’est pas parce que quelque chose est nécessaire que ce quelque chose doit devenir l’objet d’une production étatique. Les conducteurs de poids lourds qui alimentent tous les jours les marchés en alimentation ont certainement une activité bien plus importante, vitalement plus importante, que tous les journalistes de France, ce ne sont pas pour autant des fonctionnaires.

      Du reste, si je me tranche une artère, je dois nécessairement aller à l’hôpital. Si je me renseigner sur l’actualité ou un domaine quelconque de la pensée, je n’ai que l’embarras du choix quant au média à utiliser, et beaucoup d’entre eux ne dépendront pas de l’Etat.

      [pensez-vous qu’il faille accorder des subventions publiques aux bibliothèques, aux musées, au cinéma d’art et d’essai… ?]

      Je n’ai pas de problème à ce que l’Etat ait une certaine action patrimoniale, donc pourquoi pas des subventions aux musées ou bibliothèques. En revanche je suis opposé aux subventions au cinéma d’art et d’essai.

      [De quels « voisins » parlez-vous ? A ma connaissance, tous nos voisins européens conservent une radio et une télévision publique. Et la plupart subventionnent leurs journaux, certes de manière moins visible que la notre, mais tout aussi réelle, avec des avantages fiscaux tels que la réduction de la TVA. ]

      Il n’y a rien de comparable à ce qu’il y a en France chez nos voisins.

      [Je ne suis pas persuadé que les lecteurs du Parisien ou ceux du JDD auraient les moyens de payer leur journal à son juste prix.]

      Le JDD, ce journal dont le lectorat est composé d’hommes aux revenus plus élevés que la moyenne des Français 😉

      [Ca, c’est autre chose. Si vous me dites que les subventions à la presse et à l’audiovisuel sont mal distribuées, qu’elles vont à des actions qui pourraient parfaitement s’autofinancer – ou bien carrément disparaître sans dommage pour la population, je serais d’accord avec vous. Financer une programmation comme celle de la BBC par l’impôt me paraît souhaitable, financer France Télévisions pour avoir une télé-poubelle de plus, c’est parfaitement inutile. Mais ce n’est donc pas le principe qui est en cause, mais sa mise en œuvre. ]

      Non, ce ne sont pas abus, c’est la conséquence logique d’un système d’aide à la presse ou à la télévision qui n’est pas ouvertement un organe de propagande du pouvoir en place.

    • Descartes dit :

      @ samson

      [A la rigueur. Et alors ? Cela ne confère pas à la bourgeoisie, si tant est que ce groupe existe encore dans l’univers éclaté et mondialisé de l’information, une place éminente dans la production et la diffusion d’idées. La presse papier, quelle est sa diffusion aujourd’hui, quelle était sa diffusion il y a dix, vingt, trente ans ?]

      Même si elle n’a plus le rôle dominant qu’elle pouvait avoir il y a un demi siècle, son influence reste quand même considérable. Particulièrement dans les classes qui manipulent les idées. Je ne pense pas que le médium électronique remplacera de sitôt la lecture réflexive.

      [Et d’ailleurs, quelle est l’influence réelle de ces grands messieurs sur l’opinion des Français ?]

      Ca dépend de quels français. Je peux vous assurer qu’il n’y a pas de cabinet ministériel, de directeur d’administration, de préfet qui ne soit pas abonné au « Monde ». Chez les gens « qui comptent » – i.e. qui ont du pouvoir – la presse écrite a encore une influence considérable.

      [c’est une autre de démontrer l’influence des actionnaires sur le contenu rédactionnel, et l’influence de ce contenu sur l’opinion générale.]

      Je vous propose une démonstration inversée. Il y a des gens qui investissent des millions d’euros de leur argent dans des journaux. Ces gens-là savent parfaitement que du point de vue de la stricte rentabilité financière, un journal ne paye jamais. Alors, si leur investissement ne leur donne aucune influence ni sur les rédactions, ni sur l’opinion, pourquoi persistent-ils ? Insinuez vous que Pigasse, Rotchild, Bergé, Niel, Lagardère et d’autres de trompent ?

      [Les exemples ne manquent pas où l’opinion a été à rebours des opinions des “faiseurs d’opinion”.]

      Oui, mais l’inverse est bien plus fréquente.

      [Il me semble que ce sont plutôt les médias qui suivent l’opinion que l’inverse. La chute du communisme en France est-elle due à la baisse de diffusion de l’Huma, ou la baisse de diffusion de l’Huma est-elle due à la chute du communisme ?]

      Disons que c’est une dialectique. Si le PCF avait eu à sa botte une dizaine de journaux et trois chaînes de télévision comme les anticommunistes, l’issue aurait pu être différente.

      [Dans les faits, le journal qui se lance doit passer par une période sans aide. Il est plus cher que sa concurrence pendant ce temps.]

      Ce n’est pas le cas. Un journal bénéficie du régime des NMPP depuis le jour de sa création.

      [Le JDD est détenu par Lagardère je crois, les autres je ne sais pas. Mais je pourrais vous citer ceux du Figaro, de TF1 ou de Libé.]

      Allez-y…

      [Je ne vois pas où vous voulez en venir : les actionnariats ne sont pas un secret, un effort minimal ou le hasard permettent d’en prendre connaissance.]

      Oui, mais la plupart des lecteurs ne fait pas cet effort. Et du coup, ne sait pas quels sont les intérêts qui sont derrière ce qu’il lit.

      [Je suis totalement en désaccord. Le droit d’accès à l’information serait menacé ? Il y a des téléviseurs et des box internet dans toutes les maisons, des kiosques à tous les coins de rue et il faudrait dépenser des milliards d’euros tous les ans, et sans le consentement des intéressés, s’il vous plaît ?]

      Oui. Parce qu’il ne faut pas confondre l’accès à l’information avec l’accès à certaines informations. Si vous voulez pouvoir entendre des voix dissidentes par rapport à la pensée unique, il faut bien les aider. Autrement, le mur de l’argent les écrase.

      [Je me rappelle que, dans un billet précédent que j’ai trouvé dans les archives de votre site, vous citiez un échange entre Vimaire et Vétérini, où il dit des choses très vrai sur l’Etat. Vous avez peut-être lu Mécomptes de Fées, du même auteur :”You can’t go around building a better world for people. Only people can build a better world for people. Otherwise it’s just a cage.”]

      Je vois – avec grand plaisir, je dois dire – qu’on a les mêmes références. Je suis d’accord, on ne peut faire le bonheur des gens à leur place. Mais cela n’a rien à voir. Il ne s’agit pas de changer le monde, mais de donner aux gens le moyens de décider s’il doit être changé.

      [Dit autrement, on ne peut pas forcer l’âne à boire. Concrêtement les aides maintiennent en vie des titres qui auraient disparu autrement. Elles forcent les gens à payer pour quelque chose qui ne leur d’aucune utilité.]

      C’est là où on n’est pas d’accord. Ce n’est pas parce qu’un titre « aurait disparu autrement » qu’il n’est « d’aucune utilité ». Les pouvoirs publics maintiennent avec de l’argent public des musées et des bibliothèques publiques « qui auraient disparu » autrement. Il y a des expressions culturelles qui touchent un public qui ne pourrait pas tout seul payer pour qu’elles existent. Et qui pourtant sont utiles.

      [Voir au dessus : la liberté d’expression n’est pas le droit de faire financer par les autres sa feuille de chou pour ne pas avoir à payer son vrai coût.]

      Et pourquoi pas ? La collectivité finance les écoles, les bibliothèques publiques, les musées pour que des gens qui ne peuvent payer leur vrai coût puissent y avoir accès. Pourquoi pas des journaux ?

      [Mea culpa pour Soral, je ne le connais pas. Le point tient : Internet est un moyen pour lui de diffuser ses idées sans passer par les grands médias (qui ne lui donneraient pas l’antene), et des tas de gens diffusent leurs idées qui n’étaient pas connus auparavant.]

      Oui, mais seulement parce que son nom est connu grâce aux médias classiques. Si Soral avait commencé par publier sur Internet, il aurait été noyé sous le flot de banalités qu’on y trouve, et jamais il n’aurait réussi à toucher l’audience qu’il touche aujourd’hui. Pensez à ce blog : il n’est pas plus bête ni plus intelligent que celui de Soral…

      [Avez-vous quelques exemples en tête ?][Pour les journaux en ligne ? Médiapart, rue89, des tas d’autres auxquels je ne pensent pas forcément. Pareil pour les blogs.]

      Médiapart est une opération montée à partir d’un média papier : Plenel n’aurait jamais réussi à se faire connaître s’il n’avait fait quelques coups au « Monde » et publié plusieurs bouquins. Rue89 est une émanation d’un groupe de presse, le groupe Perdriel-l’Obs, créé par des journalistes qui s’étaient fait connaître à Libération. Je vous le répète : pour le moment, le média qui se serait fait intégralement sur Internet et qui toucherait des centaines de milliers de gens n’existe pas…

      [mais je n’en conclut pas que la mission de l’Etat soit de faire apparaître une télévision de qualité… vous reconnaissez vous-mêmes que les chaînes publiques échouent dans leur mission.]

      Le fait que l’Etat échoue dans sa mission n’implique pas que c’en soit pas une… et s’il a échoué en France, cet échec n’est pas inévitable : la BBC garde un enviable niveau de qualité, et cela dans un environnement concurrentiel. France Télévision a échoué parce qu’elle a cherché à battre la concurrence sur son propre terrain, celui de la télé-poubelle.

      [Je n’ai toujours pas compris pourquoi. D’abord, le « service publique audiovisuel » ne représente que quelques chaînes sur la quinzaine de la TNT et les centaines disponibles sur le câble. Pourquoi vous « débarrasser » de votre télé, alors ? Pour bénéficier de cette « société humaine ouverte », il vous suffisait d’effacer les chaînes de France Télévisions et ARTE de votre programmateur…][Il suffit d’avoir un téléviseur pour être obligé de payer la redevance.]

      Plus maintenant. Il vous suffit de regarder la télévision sur un moniteur d’ordinateur par le câble ou l’ADSL.

      [Trouvez-vous normal que les boulangers aient leurs boulangeries, faisant le pain qu’ils veulent au prix qu’ils décident ?]

      Non. Je trouverais fort anormal qu’ils puissent faire le pain en mélangeant de la sciure à la farine, par exemple. Non, les boulangers ne font pas « le pain qu’ils veulent ».

      [Pourquoi l’Etat devrait-il être exclu de cette compétition, il pourrait faire des boulangeries d’Etat, et un service public de boulangerie ?]

      Il n’y a aucune raison, en effet, qu’il en soit exclu. C’est une pure question d’efficacité. Si l’initiative privée peut fournir du pain avec plus d’efficacité que l’Etat, alors laissons la chose à l’initiative privée. Si demain l’initiative privée devenait moins efficace que ne pourrait l’être un service public d’Etat, vaudrait mieux confier la chose à un service public.

      Le fait est que l’initiative privée n’est pas capable de fournir une radio, une télévision de qualité. Qu’elle ne permet pas une expression équilibrée des différentes opinions. A partir de là, la légitimité de l’Etat à intervenir me paraît établie.

      [Non. Ce n’est pas parce que quelque chose est nécessaire que ce quelque chose doit devenir l’objet d’une production étatique.]

      Bien sur que non. Je ne suis pas un étatiste borné. La question pour moi est une pure question d’efficacité.

      [Je n’ai pas de problème à ce que l’Etat ait une certaine action patrimoniale, donc pourquoi pas des subventions aux musées ou bibliothèques. En revanche je suis opposé aux subventions au cinéma d’art et d’essai.]

      En d’autres termes, vous voulez bien qu’on subventionne les bibliothèques « patrimoniales », mais pas celles consacrées à la lecture publique ? Il faut être cohérent : pourquoi payer pour la diffusion des nouveaux livres, et non des nouveaux films ?

      [De quels « voisins » parlez-vous ? A ma connaissance, tous nos voisins européens conservent une radio et une télévision publique. Et la plupart subventionnent leurs journaux, certes de manière moins visible que la notre, mais tout aussi réelle, avec des avantages fiscaux tels que la réduction de la TVA. ][Il n’y a rien de comparable à ce qu’il y a en France chez nos voisins.]

      En quoi la situation de la BBC ne serait pas « comparable » à celle de France Télévisions ?

      [Non, ce ne sont pas abus, c’est la conséquence logique d’un système d’aide à la presse ou à la télévision qui n’est pas ouvertement un organe de propagande du pouvoir en place.]

      Je n’ai pas compris ce point.

  26. Michael Travis dit :

    Bonsoir Descartes.
    Je vous fais parvenir un article du figaro sur Mélenchon http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/citations/2015/09/08/25002-20150908ARTFIG00104-melenchon-veut-que-tout-le-monde-paie-l-impot-sur-le-revenu.php
    Le dernier paragraphe devrait certainement vous amuser..

    • Descartes dit :

      @Michael Travis

      En fait, je suis d’accord sur ce point avec Mélenchon. Il faudrait que tout le monde paye, ne serait-ce qu’un petit peu, pour aider à éduquer la conscience citoyenne des gens. J’avais il y a déjà quelques années fait une proposition qui va plus loin: tous les contribuables devraient payer l’impôt, et tous devraient recevoir une “carte de contribuable” donnant droit à une réduction sur les tarifs des services publics. Cela aurait l’avantage de matérialiser le lien entre l’impôt et le service rendu par l’Etat…

      Quant à la dernière phrase… oui, elle me fait sourire. Tout le monde veut protéger les classes moyennes…

  27. Arwert dit :

    @ Johnathan R. Razorback

    C’est le secteur privé qui a permis de lancer l’Huma (« Lors de sa création, L’Humanité bénéficie de soutiens dans la bourgeoisie dreyfusarde et notamment dans la bourgeoisie juive », article Wikipédia « L’Humanité », note n°3)

    La plus grande circonspection doit s’appliquer à Wikipédia. Jaurès se sentant à l’étroit dans « La Nouvelle République » cherchait à créer un journal socialiste. Lucien Herr, Léon Blum et Lucien Lévy-Bruhl tous militants socialistes sont parvenus à réunir les fonds : 800 000 francs pour lancer le journal.
    1/ sociologiquement, ils n’appartenaient pas au prolétariat, pas plus que Jaurès c’est vrai.
    2/ on peut toujours spéculer sur l’origine des fonds, l’histoire étant pas simple à ce sujet. Il n’est pas non plus déraisonnable de penser que les socialistes, en particulier « jaurésiens » se sont mobilisés à cette occasion.
    Quant à suggérer péremptoirement que « L’humanité » est issue l’argent de la « bourgeoisie juive » « notamment »… L’orientation ultérieure du journal avec Jaurès a démontré qu’il n’avait pas de « fil à la patte », si vous me pardonnez l’expression.

    Tiré à 140 000 exemplaires, il est vendu 138 000 à sa première parution. En 1905, devenu organe de la SFIO montante, il chute à 15 000 exemplaires et frôle la faillite. Il refuse une proposition de rachat par la banque Rothschild puis, en 1906 une autre de renflouement par Arthur Germanovitch Raffalovitch, sous réserve de ne plus attaquer les emprunts russes. Il ne survit que grâce à des souscriptions auprès de syndicats, coopératives et emprunts.

    Je crois, par ailleurs, que vous confondez liberté de la presse pour laquelle combattaient démocrates mais aussi partis et syndicats ouvriers et « libre entreprise » qui peut s’étendre jusqu’aux profits de la presse « sensationnaliste » pour ne pas dire plus.

  28. Jean-François dit :

    Je crée un nouveau fil parce que j’ai peur de polluer votre discussion avec nationalistejacobin.

    [Mais quelle aurait été l’alternative ? Comme je vous l’indiquais, les gens ne votent pas pour leur candidat idéal, mais choisissent entre les candidats réels. Y avait-il un candidat qui représente de manière crédible les intérêts des couches populaires ? Qui à votre avis ?]

    Si aucun candidat ne représente de manière crédible son intérêt, on peut voter blanc ou s’abstenir. Cela me paraît plus rationnel en tout cas.

    [Oui, mais cela est vrai aussi au premier tour.]

    Oui, mais, comme je l’ai expliqué, dans une extrêmement moindre mesure.

    [Or, au premier tour qui étaient les candidats qui en 2002 rejetaient le TCE ? En dehors de Le Pen (17%) vous trouvez Chevènement (5%), Laguillier (5%), Besancenot (4%) et Hue (3%). Cela fait en tout 34%. Avec ces chiffres, on devrait conclure si l’on suit votre raisonnement que la grande majorité du peuple français était favorable au TCE.]

    Vous arrondissez en-dessous, et il y avait quelques autres petits candidats aussi. Et vous oubliez aussi les votes blancs, les abstentions et les non-inscrits. Mais peu importe. Ce que je dis n’est pas du tout que les électeurs votent tous selon leur intérêt et qu’on peut estimer qui est favorable au TCE à partir des votes du premier tour des présidentielles de 2002. Ce que je dis est que si vous disiez vrai avec vos 20 à 30%, alors je serais très étonné du nombre d’électeurs qui a voté pour des candidats qui proposent quelque chose qui est globalement contre leur intérêt.

    • Descartes dit :

      @ Jean-François

      [Si aucun candidat ne représente de manière crédible son intérêt, on peut voter blanc ou s’abstenir. Cela me paraît plus rationnel en tout cas.]

      C’est d’ailleurs ce que fait une proportion croissante de nos concitoyens. Mais si un candidat ne représente pas de manière crédible mon intérêt, le comportement « rationnel » n’est pas de voter blanc, mais de voter le candidat qui en est le moins éloigné. Et c’est ce que font beaucoup d’électeurs.

      [Vous arrondissez en-dessous, et il y avait quelques autres petits candidats aussi.]

      Certes, mais ces « petits candidats » n’avaient pas pris explicitement position contre le TCE. D’ailleurs je suis très généreux en mettant les voix de LO du côté des anti-TCE, puisque cette organisation si ma mémoire ne me trompe pas avait appelé à l’abstention sur cette question.

      [Et vous oubliez aussi les votes blancs, les abstentions et les non-inscrits.]

      A l’heure d’évaluer le niveau d’opposition au TCE, les votes blancs, abstentions et non inscrits ne fournissent aucune information. Je n’ai aucune raison de penser que le vote blanc ou l’abstention à l’élection présidentielle reflète une prise de position sur cette question.

      [Ce que je dis est que si vous disiez vrai avec vos 20 à 30%, alors je serais très étonné du nombre d’électeurs qui a voté pour des candidats qui proposent quelque chose qui est globalement contre leur intérêt.]

      Encore une fois, je ne vois pas pourquoi. Les gens qui estiment que Sarkozy comme Hollande sont « globalement contre leur intérêt » se demandent lequel des deux est le moins pire, et votent pour lui. C’est parfaitement rationnel.

  29. v2s dit :

    @ NJ et Descartes
    [Pour beaucoup d’électeurs du Front National les immigrés ne sont pas « plus pauvres qu’eux »…]

    Nous y sommes !
    Voila un point capital dans la compréhension de la monté du FN.
    Tout se passe comme si, [Pour beaucoup d’électeurs du Front National] les noirs et les Arabes étaient parfaitement acceptables, aussi longtemps que ces derniers restaient pauvres et visiblement inférieurs à eux socialement.
    Que les émigrés, ou les Français descendant d’émigrés, qui vivent en France, fassent la vaisselle dans les restaurants, respirent les vapeurs de bitume chaud dans les travaux de voirie, qu’ils soient opérateurs de production, livreurs ou chauffeurs de taxi, c’est dans l’ordre des choses.
    Là ou [beaucoup d’électeurs du Front National] estiment que l’on est plus chez nous, c’est effectivement quand [les immigrés ne sont pas « plus pauvres qu’eux »…].
    [Beaucoup d’électeurs du Front National] découvrent écœurés que des Arabes ou des noir(e)s peuvent devenir ministre de la République française : « On est plus chez nous !»
    Qu’ils ou elles peuvent faire des études, parfois brillantes, et devenir les professeurs de leurs enfants, les médecins, les anesthésistes ou les chirurgiens qui les opéreront. Ou encore, les employés ou cadre de banque qui instruiront leurs dossiers de crédit. Alors, décidément non, pour [beaucoup d’électeurs du Front National], « on est plus chez nous !»
    Certains sont bosseurs et courageux, ils montent leur boîte, ou réhabilitent de vieux logements, en seconde activité, en parallèle à leur job de manœuvre ou d’intérimaire. Et il n’est pas rare que certains réussissent et s’élèvent socialement.
    Et çà, c’est vrai, [beaucoup d’électeurs du Front National] ne le supportent pas.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Pour beaucoup d’électeurs du Front National les immigrés ne sont pas « plus pauvres qu’eux »…][Nous y sommes !]

      Ou ça ?

      [Voila un point capital dans la compréhension de la monté du FN. Tout se passe comme si, « pour beaucoup d’électeurs du Front National » les noirs et les Arabes étaient parfaitement acceptables, aussi longtemps que ces derniers restaient pauvres et visiblement inférieurs à eux socialement.]

      Faudrait savoir. Dans vos autres commentaires, vous n’arrêtez pas de dénoncer le racisme et la xénophobie du Front National. Je me souviens aussi de vos affirmations selon lesquelles les nouvelles « classes populaires » étaient les immigrés, les ouvriers français ayant un niveau de vie qui les rapprochait des classes moyennes. Et maintenant, vous dites exactement le contraire : d’une part, le rejet par les électeurs FN des arabes et des noirs n’est en rien lié à la « xénophobie » ou au « racisme » – puisque arabes et noirs sont « parfaitement acceptables » aussi longtemps qu’ils sont pauvres ; et en plus vous acceptez que « beaucoup » de français « de souche » sont plus pauvres que les immigrés…

      Je note aussi que vous confondez « arabes et noirs » avec « immigrés ». Or, ce n’est pas le cas. Il y a chez nous des arabes et des noirs qui ne sont pas et n’ont jamais été immigrés.

      [Que les émigrés, ou les Français descendant d’émigrés, qui vivent en France, fassent la vaisselle dans les restaurants, respirent les vapeurs de bitume chaud dans les travaux de voirie, qu’ils soient opérateurs de production, livreurs ou chauffeurs de taxi, c’est dans l’ordre des choses. Là ou « beaucoup d’électeurs du Front National » estiment que l’on est plus chez nous, c’est effectivement quand « les immigrés ne sont pas « plus pauvres qu’eux »… ».]

      Supposons que ce soit le cas. Dans cette logique, la montée du racisme devrait donc être corrélée à un enrichissement relatif des immigrés. Et elle devrait être d’autant plus forte dans les régions ou les immigrés s’enrichissent le plus par rapport aux français. Pensez-vous vraiment qu’on assiste à ce phénomène ? Que les immigrés bénéficient d’une promotion sociale plus rapide que celle des français « de souche » ?

      Votre raisonnement conduit à une conclusion paradoxale : dans notre beau pays, les immigrés seraient mieux traités que les « français de souche », ce que ces derniers ne supporteraient pas. Cela revient, vous l’aurez remarqué, à donner raison aux thèses du FN quant au « racisme anti-blanc »…

      [« Beaucoup d’électeurs du Front National » découvrent écœurés que des Arabes ou des noir(e)s peuvent devenir ministre de la République française : « On est plus chez nous !»]

      Je ne me souviens pas que le FN ait fait de la nomination de Rachida Dati ou de Rama Yade un casus belli.

      [Qu’ils ou elles peuvent faire des études, parfois brillantes, et devenir les professeurs de leurs enfants, les médecins, les anesthésistes ou les chirurgiens qui les opéreront. Ou encore, les employés ou cadre de banque qui instruiront leurs dossiers de crédit. Alors, décidément non, pour [beaucoup d’électeurs du Front National], « on est plus chez nous !»]

      Je note donc que pour vous en France les arabes et les noirs peuvent faire des études brillantes, devenir professeurs, médecins, anesthésistes ou chirurgiens. Et cela en nombre suffisamment important pour qu’une partie importante de la population le remarque au point d’être gênée. Dont acte. Je garde cet élément pour une référence future…

    • dsk dit :

      @ v2s

      [“Que les émigrés, ou les Français descendant d’émigrés, qui vivent en France, fassent la vaisselle dans les restaurants, respirent les vapeurs de bitume chaud dans les travaux de voirie, qu’ils soient opérateurs de production, livreurs ou chauffeurs de taxi, c’est dans l’ordre des choses. Là ou [beaucoup d’électeurs du Front National] estiment que l’on est plus chez nous, c’est effectivement quand [les immigrés ne sont pas « plus pauvres qu’eux »…”]

      Encore une fois, vous plaquez ici votre théorie selon laquelle tous les français feraient partie des “classes moyennes”. Or, il se trouve que pour nombre d’électeurs FN, justement, faire la vaisselle dans les restaurants, respirer les vapeurs de bitume chaud dans les travaux de voirie, être opérateur de production, livreur ou chauffeur de taxi, ce n’est pas être plus pauvre qu’eux. C’est donc vous qui vous imaginez que ces emplois inférieurs ne seraient occupés que par des immigrés, et justement pas les électeurs FN. Et ce n’est que pour les vraies classes moyennes, auxquelles tous les français sont loin d’appartenir, qu’il serait “dans l’ordre des choses” que les immigrés soient plus pauvres qu’elles.

      [“Certains sont bosseurs et courageux, ils montent leur boîte, ou réhabilitent de vieux logements, en seconde activité, en parallèle à leur job de manœuvre ou d’intérimaire. Et il n’est pas rare que certains réussissent et s’élèvent socialement. Et çà, c’est vrai, [beaucoup d’électeurs du Front National] ne le supportent pas.”]

      Absolument pas. Je me vois ici contraint de réitérer à votre endroit le conseil que j’ai pu donner plusieurs fois à certains “antifas” sur ce blog. Si vous voulez critiquer efficacement le FN, intéressez-vous à ce qu’il est et à ce qu’il dit réellement, et non aux fantasmes plus ou moins délirants de ses adversaires. Ce que les électeurs FN reprochent en général aux immigrés, c’est justement de ne pas faire preuve d’esprit d’entreprise, et de ne compter que sur la générosité du système social français pour vivre.

    • @ v2s,

      En ce qui me concerne, je “lis” la question de l’immigration sous un prisme plus culturel qu’économique. N’appartenant pas moi même aux couches populaires, je ne perçois pas vraiment les immigrés comme globalement “plus riches” que moi (au contraire), ou comme des concurrents au niveau économique. J’ai grandi dans une famille où les livres étaient nombreux et le savoir transmis avec soin.

      Cela étant, j’ai pu constater dans le cadre de mon travail des inégalités entre les natifs des campagnes et les populations issues de l’immigration vivant dans les villes: même un quartier “défavorisé” possède en général plus d’infrastructures, de services publics, d’installations sportives et culturelles, de transports en commun et de commerces qu’un village éloigné des agglomérations. Vous ramenez le problème, me semble-t-il, à la fortune, au revenu individuel, au type d’emploi occupé, mais il faut plutôt raisonner (à mon avis) en terme géographique d’accès aux services publics, aux infrastructures, aux commerces, à l’emploi même. Être serveur dans un restaurant de centre-ville, ce n’est pas tout à fait la même chose qu’être serveur dans l’unique bar-restaurant d’un petit village. Et, de ce point de vue là, les jeunes des cités sont avantagés par rapport aux jeunes du rural profond. Si j’étais cynique, je vous dirais que même le trafic de drogue est bien plus rentable dans une agglomération qu’en zone rurale… Ces campagnes qui votent FN supportent difficilement qu’on trouve toujours du fric pour les “quartiers” (ainsi que des journalistes et des intellos pour s’apitoyer sur les immigrés des “ghettos”) quand dans le même temps on leur supprime (ou on limite) leur accès aux services publics.

      Maintenant, à titre personnel, je ne suis pas “électeur frontiste” même s’il m’est arrivé d’accorder mon suffrage à ce parti. Moi, ce qui me dérange le plus, c’est l’islam ostentatoire, les drapeaux étrangers brandis dans les mariages, l’usage ostensible d’une langue étrangère dans l’espace public, les propos haineux sur la France (et sur les blancs, car oui, le racisme envers les blancs existe). Je pense qu’il y a un électorat frontiste qui rejette l’immigration plutôt pour des raisons économiques (les ouvriers, pour faire vite), et un autre segment de l’électorat frontiste plus sensible à l’aspect culturel (les catholiques conservateurs, les pieds-noirs, les identitaires). Bien sûr, ces deux courants de rejet de l’immigration peuvent se mêler: un ouvrier peut fort bien s’offusquer que des immigrés rejettent la culture française.

    • v2s dit :

      @dsk
      [Or, il se trouve que pour nombre d’électeurs FN, justement, faire la vaisselle dans les restaurants, respirer les vapeurs de bitume chaud dans les travaux de voirie, être opérateur de production, livreur ou chauffeur de taxi, ce n’est pas être plus pauvre qu’eux]

      Les dirigeants FN exploitent parfaitement la fin de l’âge d’or.
      Dans les années bénies de croissance ET de plein emploi, grosso modo jusqu’en 1975, les émigrés ne dérangeaient pas grand monde.
      La France construisait des autoroutes et des cités HLM, Pompidou bétonnait la France, les usines de bagnoles manquaient d’OS.
      Les Français de souche croquaient à pleine dents dans ce confort moderne que n’avaient pas connu leurs parents, le taux d’équipement des ménages en voitures, en salles de bain, en télés en lave linges suivait la courbe de la croissance.
      L’ascenseur social fonctionnait à merveille.
      C’était l’époque ou circulaient les « bonnes » blagues sur les Algériens, fraîchement sortis de leur bled, qui ne connaissant soi-disant pas l’utilité d’une salle de bain, y élevaient des lapins et y égorgeaient leurs moutons.
      Ah ! C’était le bon temps !
      Même Jean marie Le Pen faisait rire : en 1974, Jean-Marie Le Pen, candidat de la « droite nationale, sociale et populaire » faisait … 0,75% des voix.
      La suite on la connaît, l’essoufflement de la croissance, les deux chocs pétroliers, certes, pas de baisse du PIB, ni de récession en valeur absolue, mais une forte réduction de la croissance et le chômage de masse.
      Les inégalités persistent et se creusent, entre les extrêmes, mais une immense classe moyenne est née des 30 glorieuse et s’est installée durablement.
      Le génie politique des dirigeants du FN, c’est de réussir à faire croire à leurs électeurs que les immigrés sont à l’origine de la fin de l’âge d’or, qu’ils en sont l’une des causes.
      Comme si les immigrés n’avaient toujours été qu’une variable d’ajustement, les lepénistes nous disent :
      « On est chez nous, chassons les, et l’âge d’or reviendra ».

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Les dirigeants FN exploitent parfaitement la fin de l’âge d’or. Dans les années bénies de croissance ET de plein emploi, grosso modo jusqu’en 1975, les émigrés ne dérangeaient pas grand monde.]

      Oui enfin… des gens qui se souviennent des « l’âge d’or », il n’en reste pas tant que ça qui soient actifs aujourd’hui en politique ou dans le monde du travail. Je pense que vous surestimez les possibilités d’exploitation de « l’âge d’or » que vous prêtez au FN. Il est d’ailleurs très rare que les dirigeants du FN en fassent explicitement référence dans leur discours. Que le FN grandisse sur les cendres des « trente glorieuses », cela me semble évident. Mais l’idée de « l’âge d’or » me semble singulièrement absente. J’y reviendrai.

      [Les Français de souche croquaient à pleine dents dans ce confort moderne que n’avaient pas connu leurs parents, le taux d’équipement des ménages en voitures, en salles de bain, en télés en lave linges suivait la courbe de la croissance.]

      Pourquoi « les français de souche » seulement ? Ceux d’origine étrangère, les enfants des immigrés espagnols, portugais, polonais ou italiens étaient-ils exclus de ce « confort moderne » ? Vous avez tellement envie de faire des « français de souche » les seuls bénéficiaires de « l’âge d’or » que vous oubliez que celui-ci a profité aux français en général. Et même aux immigrés les plus récents, qui ont trouvé en France des conditions de vie infiniment meilleures que dans leurs pays, à tel point que la plupart d’entre eux ont fait souche ici plutôt que retourner dans leur pays quand la conjoncture s’est retournée.

      [Ah ! C’était le bon temps !]

      Faut croire, puisque tout le monde le regrette…

      [Le génie politique des dirigeants du FN, c’est de réussir à faire croire à leurs électeurs que les immigrés sont à l’origine de la fin de l’âge d’or, qu’ils en sont l’une des causes.]

      Beh… justement pas. Aussi longtemps que le FN s’est contenté de cette ritournelle, il est resté un parti marginal. Pour casser le plafond de verre, il lui a fallu changer son discours, et incorporer d’autres « causes » à son explication, comme le libre-échange européen ou l’Euro. Si l’on accepte les hypothèses de votre raisonnement, on arrive à la conclusion paradoxale que la dénonciation de l’immigration est finalement insuffisante pour attirer les masses…

      [Comme si les immigrés n’avaient toujours été qu’une variable d’ajustement, les lepénistes nous disent : « On est chez nous, chassons les, et l’âge d’or reviendra ».]

      Mais où voyez-vous dans le discours « lépéniste » la référence à « l’âge d’or » ? J’ai l’impression que vous plaquez sur le FN le discours que vous voudriez lui voir tenir pour confirmer votre théorie, mais qu’en pratique n’est pas vraiment le sien.

    • dsk dit :

      @ v2s

      [“Le génie politique des dirigeants du FN, c’est de réussir à faire croire à leurs électeurs que les immigrés sont à l’origine de la fin de l’âge d’or, qu’ils en sont l’une des causes.”]

      Qu’ils en sont à l’origine, non. C’est un pur fantasme à propos du FN que de dire qu’il ramènerait tout à l’immigration, un peu comme s’il s’agissait de sa part d’une folie ou d’une obsession. Aujourd’hui, son discours économique est prioritairement axé sur la sortie de l’Euro, le protectionnisme, et l’État stratège, et l’immigration tend de plus en plus à être vue comme un problème social, plutôt qu’économique. Maintenant, que l’immigration soit l’une des causes de la fin de l’âge d’or, effectivement, on peut voir quelque chose comme cela dans ses discours. Mais est-ce faux ? N’y a-t-il pas eu, selon vous, une dégradation des conditions de vie des classes populaires dans certains quartiers, liée à une forte présence immigrée ?

      [“Comme si les immigrés n’avaient toujours été qu’une variable d’ajustement, les lepénistes nous disent :
      « On est chez nous, chassons les, et l’âge d’or reviendra ».”]

      Non. D’abord il ne dit pas “chassons les”. Ce qu’il dit, c’est “n’en faisons plus entrer”, sauf cas particuliers, comme certains délinquants ou djihadistes qu’il veut effectivement chasser. Ensuite, je ne l’ai jamais entendu promettre le retour d’un âge d’or, même une fois mise en œuvre de l’intégralité de ses mesures économiques, comme la sortie de l’Euro, le protectionnisme etc. Cependant, je dirais qu’il n’est pas faux de dire que ses mesures tendent à essayer d’obtenir le retour d’un âge d’or. Mais là encore, en quoi est-ce critiquable ?

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