On achève bien EDF

En avril dernier nous avons fêté les 70 ans de l’une des mesures les plus importantes prises à la Libération, une mesure qui a profondément influencé la France de l’après-guerre. En effet, le 8 avril 1946 était signée la « loi relative à la nationalisation du gaz et de l’électricité ». Il a suffit à l’époque de 53 petits articles – on savait écrire des lois, à l’époque – pour créer et régler le fonctionnement des deux établissements publics, Electricité de France et Gaz de France, qui allaient donner forme pendant plus d’un demi-siècle au paysage énergétique français.

Quand je dis « nous avons fêté », il s’agit bien entendu d’un abus de langage. Le président de la République n’a pas jugé nécessaire de se déplacer ou de faire un discours, et il n’y a pas eu de jogging entre les tombes ou de concert de Black M. Les fêtards ont été peu nombreux. Même à l’intérieur de d’EDF, les célébrations ont été fort discrètes. Ailleurs, elles ont été inexistantes. On nous rabat en permanence les oreilles du « devoir de mémoire », on fait en veux tu en voilà des lois mémorielles, on n’arrête pas de dévoiler des plaques et des monuments commémorant tel ou tel massacre, tel ou tel génocide, mais lorsqu’il s’agit de rappeler à nos mémoires une aventure positive, un acte de fondation, personne n’est intéressé.. Notre société ne peut commémorer que du point de vue de la victime. Comment dans ces conditions célébrer un évènement dont la figure de la victime est absente ? On commémore volontiers l’accident d’AZF ou celui de Malpasset, mais on est infoutu de célébrer comme il se doit la fondation de la Sécurité sociale, d’EDF ou du CNRS.

Il est tout de même révélateur que lorsque le ministre d’économie d’un gouvernement supposé « de gauche » cherche une commémoration pour prononcer un grand discours politique, il se batte pour récupérer l’image de la Pucelle d’Orléans et néglige le souvenir de ces pionniers, bien plus proches de nous, qui ont construit l’instrument qui a radicalement contribué à moderniser la France puis à assurer son indépendance énergétique, qui reste l’exemple le plus éclatant du fait qu’une entreprise publique peut être aussi bien gérée voire mieux que n’importe quelle entreprise privée tout en offrant à ses usagers et à la collectivité un service parmi les meilleurs du monde, à l’Etat actionnaire des bénéfices conséquents, et à son personnel un statut et une protection sociale de haut niveau. L’histoire d’EDF-GDF, c’est le récit du succès de tout ce pour quoi la « gauche » a fait profession de se battre. Et pourtant, la gauche – que ce soit la gauche sociale-libérale ou la gauche radicale – lui tourne le dos.

On peut comprendre la gêne de la gauche sociale-libérale, qui embarquée dans son mirage européiste a mis au début des années 2000 sa signature sur les directives qui ont amorcé le processus de démantèlement de EDF, établissement public devenu société anonyme au capital ouvert sous la direction d’un éminent technocrate socialiste, et la disparition de GDF absorbée par Suez. Après tout, qui à gauche est prêt à assumer les conclusions du sommet de Barcelone des 23 et 24 mars 2000, fixant comme objectif « d’accélérer la libéralisation dans des secteurs tels que le gaz et l’électricité », politique qui se matérialisera par la loi du 10 février 2000 ? On comprend moins bien ce silence de la part d’une « gauche radicale » qui ne jure que par le programme du CNR. Peut-être parce qu’ils ont omis de le lire ?

Le problème, c’est que si EDF a été un tel succès c’est en grande partie parce que c’est un une entreprise soviétique – « la seule entreprise soviétique qui ait réussi », selon la formule consacrée – construite par des gens de droite. D’une droite souverainiste, gaulliste, imprégnée d’intérêt général, mais droite tout de même. Alors que le gaullo-communisme s’effondrait partout après 1968, il a survécu dans cette entreprise dirigée par des ingénieurs des mines de droite et des syndicalistes communistes communiant dans la religion du service public et de l’excellence technique. Dans la France post-soixante-huitarde où le fric et les paillettes prenaient de plus en plus d’importance, EDF est une anomalie. Elle reste jusqu’à la fin des années 1990 une organisation méritocratique et puritaine. On y méprise l’argent et le paraître, on respecte le dévouement et la compétence. En d’autres termes, l’esprit EDF est exactement à l’opposé de ce qu’est devenu la gauche, autant dans son versant « social-libéral » que dans son versant « libéral-libertaire », le tout passé par le mitterrandisme. Même chez le PCF, longtemps resté en phase avec l’esprit de l’entreprise, on voit les effets de la « mutation » des années 1990 et les dérives « libertaires ».

On arrive ainsi à ce paradoxe : EDF, qui reste « l’entreprise préférée des français », dont le crédit auprès de la population lui permet d’emprunter à 100 ans, seule entreprise française à pouvoir se le permettre, est ignorée quand elle n’est pas mal aimée par les élites politiques et médiatiques – en dehors de quelques « gaullo-communistes » impénitents et marginaux. Et c’est particulièrement notable à gauche, ou ce symbole du service public à la française est surtout perçu comme une vache à lait – car EDF a toujours versé de copieuses redevances aux collectivités locales et de bénéfices à l’Etat. Et cela explique en grande partie les difficultés de l’entreprise aujourd’hui, qui annoncent des problèmes bien plus graves demain.

Il y a d’abord la question de l’ouverture du marché de l’électricité, lancée en 2000 par une loi sur laquelle Jospin – alors premier ministre – et Chirac apposèrent leur augustes signatures. Mais aussi des directives qui ont suivi, et qui contiennent en germe non seulement la privatisation des monopoles nationaux, mais surtout leur éclatement et leur atomisation pour permettre l’apparition d’un véritable marché “libre et non faussé”. Il aurait donc été logique que Jospin et Chirac nous annoncent d’une seule voix, en revenant du sommet de Barcelone, que EDF serait découpée en plusieurs tranches et ces tranches privatisées. Après tout, si on veut la fin il faut bien se donner les moyens. Mais comme souvent en matière européenne, on a signé d’abord – au nom de la « construction européenne » – et réfléchi ensuite aux conséquences. Et c’est ainsi qu’on s’est engagés à démanteler EDF tout en menant un combat d’arrière-garde pour éviter de le faire. Or tout le monde sait comment se terminent les combats d’arrière-garde. De « enquête approfondie » en « mise en demeure » de la Commission européenne, le gouvernement a progressivement démantelé notre électricien national, en détachant les réseaux (création de RTE pour le transport et de ERDF pour la distribution), en obligeant EDF à vendre une partie de sa production à prix coûtant à ses concurrents… et bientôt en remettant en concurrence les concessions hydrauliques dont la plupart, tonne la Commission européenne, devront échapper à EDF si la France ne veut pas d’ennuis à Bruxelles. Et cette pression ne s’arrêtera que le jour où EDF aura été réduite et démantelée. Tous ceux qui assistent aux réunions sur ces questions à Bruxelles vous le confirmeront : au-delà de sa position libérale, les services de la Commission ont une véritable haine pour notre électricien national, symbole de tout ce qu’ils exècrent.

Les difficultés d’EDF illustrent aussi les effets délétères du manque de vision globale – dans le temps et dans l’espace – de nos élites. Exemple éminent de cette caractéristique, la politique de développement des énergies renouvelables – que ce soit à l’échelle nationale ou européenne. Les élites politico-médiatiques ayant décidé que le développement des énergies renouvelables était en lui-même un « bien », on décide dans la joie et l’allégresse de se fixer des objectifs qui ne peuvent être que « ambitieux » de développement du solaire, de l’éolien, ou de la cogénération, subvention massive à la clé. Par ailleurs, on décide aussi que l’efficacité énergétique est un « bien », et on lance là encore des programmes de réduction de la consommation, là aussi lourdement subventionnés. D’un côté, nous subventionnons donc une augmentation de la production d’électricité, de l’autre nous subventionnons la diminution de la consommation. Et que fait-on lorsque la production dépasse la consommation ? Eh bien, comme en matière d’électricité la production doit être toujours égale à la consommation, on finit par payer des gens pour ne pas produire : ce sont les fameux « prix négatifs », qu’on observe depuis un certain temps sur le marché de gros allemand, et qui commencent à arriver sur le marché français.

Pour le dire autrement : la politique de développement massif des renouvelables conduit à subventionner massivement des capacités de production dont nous n’avons pas besoin. Notre parc hydroélectrique et nucléaire est très largement suffisant pour fournir la production de base dont la France a besoin, dans un contexte ou la consommation tend à baisser ou tout au plus à se maintenir. Ces subventions sont donc versées en pure perte. On ne peut même pas invoquer le bénéfice de la décarbonation de l’électricité, puisque le parc français est déjà à 95% décarbonné grâce au nucléaire et à l’hydroélectricité. Et ce ne sont pas des petites sommes : en 2016, cela représente une dépense annuelle de 5 Md€, et en tenant compte du fait que les contrats prévoient des subventions sur la durée de vie de l’installation – de 15 à 20 ans – la facture ne peut que croître. Pour donner une idée, on dépense chaque année en subventions aux énergies renouvelables – qui représentent 5% de l’électricité produite – le prix d’un demi-EPR, qui a une espérance de vie de 60 ans et produirait 3%.

Si on continue à ce rythme, ce sera une vingtaine de milliards chaque année à l’horizon 2025… et tout ça, je le répète, pour acheter quelque chose dont nous n’avons pas besoin. Mais sans attendre, cette politique a des effets délétères sur l’organisation du secteur électrique en général et sur EDF en particulier. Le déversement massif des renouvelables subventionnés sur un marché européen peu dynamique pousse les prix de gros de l’électricité vers le bas, d’autant plus d’ailleurs que les renouvelables ont un accès prioritaire au réseau et que leur rémunération est indépendante du prix du marché. Cela a deux effets : d’une part, les subventions augmentent mécaniquement, puisqu’elles doivent compenser la différence entre le coût réel de l’électricité renouvelable et les prix de marché. D’autre part, les prix sont tombés en dessous du coût marginal de production pour tous les moyens de production sauf pour le charbon et le nucléaire, et par conséquence aucun investissement dans la production d’électricité n’est rentable hors subvention. D’où la situation critique de l’ensemble des électriciens européens. Et encore, EDF avec son parc nucléaire amorti s’en sort plutôt bien, d’autres ont l’eau jusqu’au cou.

Et pour compliquer les choses, l’Etat a besoin d’argent. Il prélève donc depuis des années sur EDF un dividende royal tout en lui refusant, politique électorale oblige, les augmentations des tarifs conformes à l’évolution des coûts. Cela fait presque vingt ans que l’on joue à ce jeu-là, appauvrissant l’entreprise et l’obligeant à s’endetter à la place de l’Etat. A cela il faut ajouter aussi le fait que l’Etat ne paye pas ses dettes : en théorie, c’est EDF qui achète l’électricité renouvelable au prix subventionné, et l’Etat compense la différence au prix du marché grâce à une taxe, la CSPE. En pratique, la CSPE ne suit pas – politique électorale toujours – les dépenses et c’est donc EDF qui couvre avec sa trésorerie la différence… une dette qui se creuse chaque année et qui dépasse aujourd’hui les 5 Md€.

Résumons : une volonté de démantèlement venue de Bruxelles que nos dirigeants laissent faire. Une politique de développement de capacités renouvelables dont on n’a pas besoin, des prélèvements de dividendes excessifs, des dettes non payées, des tarifs qui ne couvrent pas les coûts. Et ne parlons même pas des cas ou le gouvernement utilise EDF comme vache à lait, pour reprendre telle ou telle entreprise en difficulté pour faire plaisir à tel ou tel élu, à tel ou tel « baron » local… Comment s’étonner dans ces conditions qu’EDF aille mal ? C’est le contraire qui serait surprenant…

Pour couronner le tout, nos élites politico-médiatiques utilisent les difficultés d’EDF pour « casser » le modèle construit en 1946. On nous explique que les difficultés de l’entreprise démontrent « l’échec du modèle EDF » – dixit Denis Beaupin, avant qu’un malheureux accident de carrière le condamne au silence – et qu’il est grand temps de faire quelque chose – par exemple, vendre des actifs, ouvrant la voie par exemple à la privatisation de RTE, alors que l’Etat, dans sa grande générosité, se voit obligé de « recapitaliser » le canard boiteux.

Ce désastre montre combien nous manquons d’une vraie politique industrielle, une vraie politique énergétique, gérée par un ministère qui se consacre à ça. Parce que les incohérences ci-dessus tiennent aussi à l’atomisation des responsabilités entre les ministères économiques qui ont les cordons de la bourse, alors que la politique énergétique – ou ce qui en reste – est confiée au ministère de l’environnement, dont la « clientèle » naturelle sont les ONG et autres groupes de pression « verts », comme le Syndicat des énergies renouvelables. Alors que d’un côté Bercy veille sur la valeur patrimoniale de l’entreprise, au boulevard Saint-Germain on fait des déclarations enflammées sur la fermeture du parc nucléaire, rendu obsolète par les renouvelables. Alors qu’à Matignon on refuse les hausses de tarifs, à Bercy on somme EDF de racheter le plus cher possible une partie d’AREVA qu’au ministère de l’Ecologie on explique que le nucléaire c’est fini, ce qui, vous me l’accorderez, réduit considérablement la valeur de cette dernière entreprise…

Alors, bon anniversaire EDF, et toutes mes félicitations à ceux qui au passé ou au présent, ont construit et défendu notre électricien national. Et espérons que dans dix ans, pour le 80ème anniversaire, il reste quelque chose à fêter…

Descartes

PS: Pour rendre hommage à ceux qui ont bâti EDF-GDF, je ne résiste pas à vous livrer le texte de l’hymne de l’école des gaziers de Lyon-La Mouche. Il s’agit de l’une des nombreuses écoles de métier mises en place dans les années 1940 et 50 pour fournir à EDF et GDF les compétences nécessaires, qui ne se trouvaient pas alors sur le marché. Chacune de ces écoles avait son drapeau et son hymne. Ces hymnes écrits par les élèves nous parlent d’une époque ou les gens se voyaient en acteurs de leur vie, et non en victimes…

Hymne de Lyon – La Mouche

Nous sommes tous animés par une même espérance

Et pourtant nous venons de toute part en France.

Réunis à la Mouche, nous voulons travailler

Pour que plus tard, soyons tous de parfaits gaziers.

Tu arrives de Marseille, moi je suis de Paris

Et puisque nous sommes là, nous serons bons amis.

Toute une année durant, ensemble nous vivrons

Et cette vie sera ce qu’ensemble nous ferons.

Parce qu’ nous apprenons pour préparer notre vie,

Que ce soit du pratique ou de la théorie.

Même si la tâche est dure, l’avenir est à nous.

Avec la volonté nous arriverons à tout.

Quand on se quittera, ce sera dans l’espoir,

Dans les années futures, de pouvoir se revoir.

Et avec un sourire qui est bien de la Mouche,

On se séparera, une chanson à la bouche.

Vous voulez un autre ? Celui-ci vient de Soissons-Couffies, une école d’électriciens cette fois.

Hymne à Soissons-Couffies

Des horizons de notre France,

Nous venons à Soissons.

Le cœur joyeux, plein d’espérance,

Vibrant à l’unisson,

Ne cachant pas notre fierté.

Toutes nos voix se sont unies

Pour venir chanter :

Vive Soissons-Cuffies.

Soissons-Cuffies sur ta colline,

Tu trônes dans le nord

Et dans l’Ecole où l’on devine,

Le prix de nos efforts,

Avec la joie de notre vie,

Brille l’éclat de tes couleurs.

Chantons d’un seul cœur

Vive Soissons-Cuffies

Soissons-Cuffies, tous tes élèves

Armés de volonté

Voient peu à peu que leurs beaux rêves

Vont se réaliser.

Par ta discipline assouplie,

Tu les as formés pour la vie.

Chantons pour toujours

Vive Soissons-Cuffies

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97 réponses à On achève bien EDF

  1. luc dit :

    Oui.[bon anniversaire EDF, et toutes mes félicitations à ceux qui au passé ou au présent, ont construit et défendu notre électricien national. Et espérons que dans dix ans, pour le 80ème anniversaire, il reste quelque chose à fêter…]
    Sans oublier les projets d’électrifications d’edf des villages africains avec des micros-centrales centrales.Toutes les ONG et les bénéficiaires par milliers remercient aussi EDF!
    Merci à Descartes pour cet article éclairant!

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Sans oublier les projets d’électrifications d’edf des villages africains avec des micros-centrales centrales.Toutes les ONG et les bénéficiaires par milliers remercient aussi EDF!]

      Vous me donnez l’opportunité de mentionner cette ONG dont personne ne parle jamais, “Électriciens sans frontières”. Une ONG qui vit en grande partie grâce au bénévolat des agents et aux dons de l’entreprise… Une ONG qui ne bénéficie guère de la publicité des médias ou de la bienveillance des faiseurs d’opinion, on se demande pourquoi… Mais une ONG qui fait un superbe travail en Afrique ou en Amérique Latine en installant des micro-centrales et des micro-réseaux, et encore plus important, en formant les gens qui auront à les entretenir et à les exploiter.

  2. Trublion dit :

    Bonjour,

    de toute façon EDF ou pas le capitalisme français se porte très mal!
    Les fleurons s’effondrent les uns après les autres. Il ne reste que l’automobile – qui a eu très chaud – l’aéronautique et le luxe.

    En fait ce que ne comprennent pas les libéraux, c’est qu’il y a des différence culturelles énormes qui font que dans certains pays l’intervention de l’état est plus que nécessaire :

    Quand Elon Musk investit dans Tesla, SpaceX ou Hyperloop, dans quoi investit Xavier Niel ? un incubateurs de starts-up qui vont développer des applications. Le prisme des acteurs privés Français pour les services, l’incapacité à drainer l’épargne des particuliers vers les entreprises, font que l’Etat a toujours été un acteur indispensable de l’industrialisation du pays. Or cet Etat on l’a démantelé et les acteurs privés sont incapables de prendre le relai de cet état moribond.

    Une fois qu’on aura achevé EDF, nous ne saurons pas reconstruire ce que nous avons cassé, il ne nous restera plus qu’à payer l’électricité plus cher et à accepter les délestages… euh pardon l’effacement !

    • Descartes dit :

      @ Trublion

      [de toute façon EDF ou pas le capitalisme français se porte très mal! Les fleurons s’effondrent les uns après les autres. Il ne reste que l’automobile – qui a eu très chaud – l’aéronautique et le luxe.]

      Je ne dirais pas que le capitalisme français se porte mal. Au contraire, on voit nos capitalistes faire de très bonnes affaires de par le monde : c’est vrai dans la banque, avec BNP ou la Socitété Générale, c’est vrai avec des groupes de distribution comme Carrefour ou Auchan. Ce n’est pas le capitalisme français qui va mal, c’est l’industrie française. La capitalisme français aujourd’hui est un capitalisme de banquiers, de communicants, de commerçants. On n’y trouve guère plus de capitaines d’industrie.

      [En fait ce que ne comprennent pas les libéraux, c’est qu’il y a des différence culturelles énormes qui font que dans certains pays l’intervention de l’état est plus que nécessaire :]

      Exactement. L’erreur de nos dirigeants, c’est d’adopter les règles des autres au lieu de jouer avec nos propres règles. Et du coup, on importe les manières de faire des autres sans comprendre que si certaines politiques marchent ailleurs, c’est parce qu’il y a un contexte historique, politique et social particulier, qui ne se trouve pas chez nous. On se pâme sur le tissu de PME à l’allemande qu’on cherche à récréer chez nous contre toute logique, et on crache sur ce qui a fait dans le passé la force de l’industrie française, c’est-à-dire le colbertisme.

      [Le prisme des acteurs privés Français pour les services, l’incapacité à drainer l’épargne des particuliers vers les entreprises, font que l’Etat a toujours été un acteur indispensable de l’industrialisation du pays. Or cet Etat on l’a démantelé et les acteurs privés sont incapables de prendre le relai de cet état moribond.]

      Exactement. Et le pire, c’est que même les capitalistes ne le comprennent pas. Si les patrons de PME avaient un minimum de capacité à voir plus loin que leur nez, ils se battraient pour renforcer l’intervention économique de l’Etat, parce que c’est cet Etat patron d’industrie qui pendant des décennies leur a donné des commandes. Si l’industrie meurt, ils mourront avec.

      [Une fois qu’on aura achevé EDF, nous ne saurons pas reconstruire ce que nous avons cassé, il ne nous restera plus qu’à payer l’électricité plus cher et à accepter les délestages… euh pardon l’effacement !]

      Oui. Dans une période comme celle-ci, ou il est si difficile construire des institutions, il faut être très attentif à ne pas détruire celles que nous avons. Les apprentis sorciers qui proposent une « sortie du nucléaire » feraient bien de s’en souvenir…

  3. Pile : Mélenchon - Face : Le Pen dit :

    Juin 1936-2016 : 80ème anniversaire des congés payés !

    Et en 2017, Ce sera qui les moins pires des libéraux ? Le parti scélérat… du moins c’est ce qu’ils essayent de marteler dans les têtes dévastées des petites gens, qu’ont même plus l’once d’une illusion perdue à faire renaître, pour retrouver leur chemin, semé d’embuches…

  4. marc.malesherbes dit :

    Bonjour,
    pouvez-vous nous dire quels sont les enseignements du congrès du PCF qui s’achève ?
    Merci

    nb: j’imagine qu’au moins le PCF a commémoré cet anniversaire “gaullo-communiste”.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [pouvez-vous nous dire quels sont les enseignements du congrès du PCF qui s’achève ?]

      Franchement, je n’en ai tiré aucun pour le moment. A ma grande honte, je dois dire que j’ai eu beaucoup de mal à m’intéresser à ce congrès. Moi qui, du temps ou j’étais militant, lisait soigneusement les textes et faisais même des fiches de lecture je dois reconnaître que cette fois-ci je n’ai lu les textes qu’en diagonale, et j’ai même eu la flemme de regarder les vidéos du congrès. Je n’ai regardé que le débat sur l’Europe, et ça a suffit pour me dégouter, tant il est évident que la direction entend fermer tout débat qui pourrait aboutir à l’idée qu’il faudrait sortir de l’Euro ou de l’UE. J’attends de voir les textes votés pour avoir une idée de ce qui se prépare, mais la seule chose que ce congrès montre, c’est que les débats internes du PCF n’intéressent pas grand monde…

      [nb: j’imagine qu’au moins le PCF a commémoré cet anniversaire “gaullo-communiste”.]

      En tout cas, je n’en ai pas trouvé la moindre trace…

  5. Barbey dit :

    [bien gérée voire mieux que n’importe quelle entreprise privée tout en offrant à ses usagers et à la collectivité un service parmi les meilleurs du monde, à l’Etat actionnaire des bénéfices conséquents, et à son personnel un statut et une protection sociale de haut niveau.]

    Bien gérée bien gérée, cela dépend à quelle époque vous parlez… Après quand on n’est un monopole naturel, est ce que c’est difficile à faire?

    [la disparition de GDF absorbée par Suez.]

    Notons qu’EDF a encore la décence de garder son nom contrairement à l’ex GDF, mais jusqu’à quand…

    [On y méprise l’argent et le paraître, on respecte le dévouement et la compétence]

    Une histoire anodine : coupure d’électricité à Gentilly. Les techniciens interviennent et rétablissent la majeure partie du courant. Leur chef, qui m’a raconté l’histoire, leur dit de rentrer chez eux vu qu’ils avaient déjà passé par mal d’heures dessus et fait du bon boulot. Réaction des techniciens : mais on n’a pas remis le courant chez le boulanger, les habitants ne vont pas avoir de pain demain matin… Ils ont fait 1h de boulot en plus sans être payé pour que les gens puissent avoir du pain le matin. Le bas forçait l’admiration du haut.

    [car EDF a toujours versé de copieuses redevances aux collectivités locales et de bénéfices à l’Etat. Et cela explique en grande partie les difficultés de l’entreprise aujourd’hui, qui annoncent des problèmes bien plus graves demain.]
    Cela n’a rien d’anormal pour un monopole naturel. Quand on voit ce que font les chefs de service de l’argent du contribuable….

    [non seulement la privatisation des monopoles nationaux, mais surtout leur éclatement et leur atomisation pour permettre l’apparition d’un véritable marché libre et non faussé.]

    Cela me rappelle mes profs d’économie qui tentaient de démontrer en quoi la concurrence dans un monopole naturel peut être plus efficiente…
    Cela met à jour aussi la nature destructrice de l’UE pour tout ce qui est étatique et relève du bien public.

    [Tous ceux qui assistent aux réunions sur ces questions à Bruxelles vous le confirmeront : au-delà de sa position libérale, les services de la Commission ont une véritable haine pour notre électricien national, symbole de tout ce qu’ils exècrent.]

    Combien d’agents, pardon de salariés privés d’EDF vouent une haine à l’UE ?

    [Les difficultés d’EDF illustrent aussi les effets délétères du manque de vision globale – dans le temps et dans l’espace – de nos élites.]

    Parlez aussi des élites d’EDF, elles ne sont pas bien plus intelligentes…

    [Résumons : une volonté de démantèlement venue de Bruxelles que nos dirigeants laissent faire. Une politique de développement de capacités renouvelables dont on n’a pas besoin, des prélèvements de dividendes excessifs, des dettes non payées, des tarifs qui ne couvrent pas les coûts. Et ne parlons même pas des cas ou le gouvernement utilise EDF comme vache à lait, pour reprendre telle ou telle entreprise en difficulté pour faire plaisir à tel ou tel élu, à tel ou tel « baron » local… Comment s’étonner dans ces conditions qu’EDF aille mal ? C’est le contraire qui serait surprenant…]

    Combien de traitres à EDF ? Combien sont pour les énergies renouvelables, l’UE, etc ? Par contre, diminuer leurs salaires car ils plombent la boite pas uns !
    Dites-leur que EDF, c’est l’Etat ou encore que EDF a une mission d’intérêt général, ils ne comprendront pas…

    [Pour couronner le tout, nos élites politico-médiatiques utilisent les difficultés d’EDF pour « casser » le modèle construit en 1946.]

    Le pire est qu’il y arrive.

    [Ce désastre montre combien nous manquons d’une vraie politique industrielle]

    Rappelons aussi qu’un emploi crée dans l’industrie, cela crée 3 emplois dans les services. J’imagine que cela paraît absurde de créer des emplois dans l’industrie dans une période si fleurissante.

    • Descartes dit :

      @ Barbey

      [Bien gérée bien gérée, cela dépend à quelle époque vous parlez… Après quand on n’est un monopole naturel, est ce que c’est difficile à faire?]

      Faut croire que oui. Comparez l’histoire d’EDF avec celle du CEGB britannique, et vous verrez la différence. Pourtant, ils étaient tous deux des « monopoles naturels »…

      [Ils ont fait 1h de boulot en plus sans être payé pour que les gens puissent avoir du pain le matin. Le bas forçait l’admiration du haut.]

      Et je pourrais vous raconter des dizaines d’expériences semblables. Il est de bon ton aujourd’hui de chanter les louanges des « entrepreneurs » et de dévaloriser les travailleurs sous statut, ces « planqués ». On oublie un peu vite combien les statuts ont permis de créer et de maintenir un esprit de service public qui permet à des entreprises comme EDF de disposer des réserves en cas de coup dur sans commune mesure avec celles de n’importe quelle entreprise privée.

      [Cela me rappelle mes profs d’économie qui tentaient de démontrer en quoi la concurrence dans un monopole naturel peut être plus efficiente…]

      Vaste défi ! Ils aimaient la difficulté, vos professeurs…

      [Cela met à jour aussi la nature destructrice de l’UE pour tout ce qui est étatique et relève du bien public.]

      L’UE est, par construction, la négation de l’idée même de « bien public ».

      [Combien d’agents, pardon de salariés privés d’EDF vouent une haine à l’UE ?]

      Je pense qu’ils doivent être assez nombreux. En 2005, la quasi-totalité des agents EDF que je connais ont voté « non » au référendum.

      [« Les difficultés d’EDF illustrent aussi les effets délétères du manque de vision globale – dans le temps et dans l’espace – de nos élites ». Parlez aussi des élites d’EDF, elles ne sont pas bien plus intelligentes…]

      Je n’en suis pas convaincu. Beaucoup de gens à l’intérieur de l’entreprise ont anticipé les conséquences de l’ouverture des marchés. Rappelez vous la fronde des « Jean Marcel Moulin » au début des années 2000. Pensez aussi à la lettre signée par l’ensemble des directeurs de centrale nucléaire en solidarité avec le personnel de Fessenheim… Bien sur, tout cela est resté discret, parce que personne ne veut perdre son boulot. Mais si l’on prend l’histoire récente, les « élites d’EDF » sont parmi celles qui ont résisté le plus fortement la libéralisation de leur entreprise. On ne trouve pas d’exemple du même type à Air France ou à France Télécom, ou les hauts cadres ont été achetés sans trop de difficultés.

      [Combien de traitres à EDF ? Combien sont pour les énergies renouvelables, l’UE, etc ?]

      En fait, pas tant que ça. Derrière un conformisme de façade – car personne ne veut perdre son boulot – les cadres d’EDF restent extrêmement attachés à la vision saint-simonienne de l’entreprise et au service public. Henri Proglio, qui pourtant était arrivé avec l’idée de changer tout ça, avait rapidement compris qu’il valait mieux y renoncer. C’est lui d’ailleurs qui, dix ans après l’ouverture du capital, qualifiait EDF de « établissement public côté en bourse ».

      [Par contre, diminuer leurs salaires car ils plombent la boite pas uns !]

      Les salaires à EDF restent relativement faibles par rapport aux industries du même type et à responsabilité équivalente. Vous devriez regarder la feuille de paye d’un directeur de centrale nucléaire, vous seriez surpris…

    • Bannette dit :

      Bonjour,

      Tu dis : “Faut croire que oui. Comparez l’histoire d’EDF avec celle du CEGB britannique, et vous verrez la différence. Pourtant, ils étaient tous deux des « monopoles naturels »…”

      Ne connaissant pas l’historique de nos voisins, peux-tu nous dire ce qui s’est passé avec le CEGB ?

      Sinon, faudra-t-il qu’on finisse par payer notre électricité très chère pour revenir en arrière vers ce qui ce faisait si bien chez nous ? Mais même du côté des classes moyennes bobos qui soutiennent aveuglément les âneries décroissantes des écolos, ne peuvent-elles pas faire un simple comparatif coût/avantage pour le nucléaire vu à quel point elles sont proches de leur portefeuille ?
      Et dire qu’on était si en avance sur tout le monde avec le nucléaire…

      Plus haut, a été évoqué l’abandon du chauffage électrique. J’ai habité un immeuble où on avait le chauffage par trames au sol, mais qui n’a jamais été entretenu depuis sa construction dans les années 1970. L’avantage, c’était d’avoir une température au sol fixe, et de la régler avec des convecteurs (étant moi même peu frileuse, je préfère ce système à d’autres où j’ai habité, où j’ai souvent trop chaud en période de chauffe). Bien sûr, du fait du manque d’entretien, les trames commencent à tomber en panne. J’avais entendu un élu imbécile de la ville dire que c’est la “preuve” que le chauffage électrique fut un mauvais choix, mais un BET qui a bossé pour un éventuel changement de chauffage a lui-même contredit cet élu (c’était un HLM) en concluant dans son étude que ça coûterait moins cher de préserver ce système avec des travaux de rénovation que de changer complètement aux normes écolos actuelles et de passer au gaz. Après je ne sais pas ce qu’ils feront n’y habitant plus, mais ça fait plaisir de voir un professionnel du privé donner la voix de la raison…

    • Descartes dit :

      @ Banette

      [Ne connaissant pas l’historique de nos voisins, peux-tu nous dire ce qui s’est passé avec le CEGB ?]

      Le CEGB (« Central electricity generating board ») était l’entreprise publique responsable en Grande Bretagne pour la production et le transport de l’électricité. C’était une organisation très bureaucratique, ou les techniciens n’avaient pas beaucoup de poids et ou les décisions étaient souvent guidées par des considérations politiques sans rapport avec les objectifs de l’enterprise. Ainsi, par exemple, le CEGB a maintenu pendant des années un outil de production vieillissant à base de charbon pour contenter les syndicats de mineurs, ou conduit un programme nucléaire hétérogène fondé sur la filière Magnox au lieu de faire comme nous le choix de la standardisation sur la filière la plus rentable, quitte à aller la chercher chez les américains.

      [Sinon, faudra-t-il qu’on finisse par payer notre électricité très chère pour revenir en arrière vers ce qui ce faisait si bien chez nous ? Mais même du côté des classes moyennes bobos qui soutiennent aveuglément les âneries décroissantes des écolos, ne peuvent-elles pas faire un simple comparatif coût/avantage pour le nucléaire vu à quel point elles sont proches de leur portefeuille ?]

      Pendant longtemps, les bobos ont été antinucléaires tout en étant persuadés que leurs positions n’auraient aucun effet sur la politique énergétique de la France. Ainsi, ils avaient le beurre et l’argent du beurre. Un peu comme un adolescent se rebelle contre ses parents tout en sachant qu’ils seront là en cas de besoin… Le problème, c’est que les bobos n’ont pas compris que les temps ont changé, et qu’on n’a plus les institutions solides qu’on avait il y a trente ou quarante ans.

      [Et dire qu’on était si en avance sur tout le monde avec le nucléaire…]

      Comme dans beaucoup d’autres domaines industriels. Seulement, une avance ça s’entretien. Quand une société consacre son énergie au mariage homosexuel et au combat contre les OGM et laisse tomber la recherche, elle perd tu terrain.

  6. Benjamin dit :

    Bonjour Descartes,

    merci pour cet article passionnant qui vient compléter votre précédent papier consacré aux énergies renouvelables et permet de prendre toute la mesure de ce que nous sommes en train de perdre avec EDF. Bien plus qu’une entreprise, c’est un pan entier de notre culture nationale qui se désagrège dans l’indifférence quasi-générale. Vous dénoncez en bloc les “élites politiques et médiatiques” complices de ce démantèlement, n’y a-t-il donc aucun parti ou personnalité politique d’envergure pour s’opposer à cette liquidation ? Il me semble que c’est toujours le cas du PCF en dépit de sa moyennisation, mais aucun des candidats déclarés à l’élection présidentielle ne donne l’impression de s’en préoccuper. On connaît les positions mélenchoniennes en matière énergétique, mais qu’en disent Marine Le Pen, Florian Philippot, Nicolas Dupont-Aignan ?..

    “Dans la France post-soixante-huitarde où le fric et les paillettes prenaient de plus en plus d’importance, EDF est une anomalie. Elle reste jusqu’à la fin des années 1990 une organisation méritocratique et puritaine. On y méprise l’argent et le paraître, on respecte le dévouement et la compétence. En d’autres termes, l’esprit EDF est exactement à l’opposé de ce qu’est devenu la gauche, autant dans son versant « social-libéral » que dans son versant « libéral-libertaire », le tout passé par le mitterrandisme. Même chez le PCF, longtemps resté en phase avec l’esprit de l’entreprise, on voit les effets de la « mutation » des années 1990 et les dérives « libertaires ».”

    Est-ce à dire que les cadres dirigeants de l’entreprise se sont convertis depuis au culte du “fric et [des] paillettes”, tournant le dos à ce qui fondait jusque là leur ethos ? Je ne connais pas EDF de l’intérieur mais les témoignages dont je dispose vont malheureusement dans ce sens.

    Hors- sujet : Je suis un lecteur critique de Bernard Stiegler dont j’apprécie la culture marxiste et l’effort pour penser la technique par où il se distingue de la plupart des philosophes contemporains. J’aime moins ses références à Marcuse et à la trinité Foucalut – Deuleuze – Derrida, sa proximité avec Philippe Meirieu, Yann Moulier-Boutang, son européisme et sa compatibilité avec la deuxième gauche, ou encore sa reprise de thèses en vogue comme celles de Rifkin… Oui, cela fait beaucoup. Ces derniers temps, il insiste beaucoup sur l’automatisation et la nécessité de remettre à plat notre système de redistribution (il n’est pas le seul) en s’appuyant notamment sur les récentes études selon lesquelles la robotisation menacerait jusqu’à 50% des emplois actuels en Amérique du Nord et en Europe occidentale dans les 20 prochaines années.

    https://www.youtube.com/watch?v=Lc_iFf2A_CU

    (Admirons au passage la vivacité de Pierre Laurent)

    Ces projections apocalyptiques vous paraissent-elles réalistes ? Si oui, pensez-vous que la vague d’automatisation annoncée suscitera autant de nouveaux emplois qu’elle en détruira et dans le cas contraire, nous dirigeons-nous vers une société à la Tripalium ? Faut-il envisager comme le proposent Stiegler et d’autres envisager l’extension du régime des intermittents à d’autres catégories de travailleurs ou l’adoption d’une forme de revenu de base, en dépit des problèmes que cela soulève et dont nous avons d’ailleurs discuté lors de notre rencontre ?

    • Descartes dit :

      @ Benjamin

      [Vous dénoncez en bloc les “élites politiques et médiatiques” complices de ce démantèlement, n’y a-t-il donc aucun parti ou personnalité politique d’envergure pour s’opposer à cette liquidation ? Il me semble que c’est toujours le cas du PCF en dépit de sa moyennisation, mais aucun des candidats déclarés à l’élection présidentielle ne donne l’impression de s’en préoccuper. On connaît les positions mélenchoniennes en matière énergétique, mais qu’en disent Marine Le Pen, Florian Philippot, Nicolas Dupont-Aignan ?..]

      En fait, très rares sont les dirigeants politiques de premier plan – toutes tendances confondues en dehors du FN – qui parlent publiquement en défense d’EDF en particulier et de nos grands opérateurs publics en général. Marine Le Pen et Florian Philippot ont à leur actif plusieurs interventions et communiqués dénonçant le démantèlement d’EDF – mais aussi de la SNCF – pour satisfaire le vent de libéralisation venu de Bruxelles, mais on peut se demander jusqu’où cette sollicitude n’est lié au discours anti-européen plus qu’à une sensibilité réelle pour ce que ces institutions représentent. A droite, on trouve des personnalités marginales comme Henri Guaino – qui à une époque était candidat à la présidence d’EDF – ou Jacques Myard. A gauche, si le PCF reste dans le discours fermement engagé dans la défense du « service public à la française », son intérêt pour la politique énergétique et industrielle est nul.

      [Est-ce à dire que les cadres dirigeants de l’entreprise se sont convertis depuis au culte du “fric et [des] paillettes”, tournant le dos à ce qui fondait jusque là leur ethos ? Je ne connais pas EDF de l’intérieur mais les témoignages dont je dispose vont malheureusement dans ce sens.]

      En fait, beaucoup moins qu’on ne pourrait le craindre. EDF est certes une entreprise très « militaire », et personne ne va dire publiquement qu’il ne partage pas l’orientation générale. Mais les gens savent user de l’obstruction pour s’opposer aux politiques dont ils ne veulent pas. Et clairement, les tentatives de Proglio pour faire d’EDF une entreprise « comme les autres » n’ont pas fonctionné.

      [Ces projections apocalyptiques vous paraissent-elles réalistes ? Si oui, pensez-vous que la vague d’automatisation annoncée suscitera autant de nouveaux emplois qu’elle en détruira et dans le cas contraire, nous dirigeons-nous vers une société à la Tripalium ?]

      Je ne crois pas que ces « projections apocalyptiques » soient réalistes, mais il y a certainement un problème à traiter. Un problème qui n’est d’ailleurs pas nouveau : depuis le début de la révolution industrielle, il faut de moins en moins de travail manuel pour produire les biens dont nous avons besoin. C’est cela qui a permis une réduction continue du temps de travail. Si demain l’automatisation permet de supprimer 50% du travail manuel, alors il suffira de faire travailler les travailleurs manuels moitié moins…

  7. Carnot dit :

    @ Descartes

    Excellent article, je partage l’amertume et la colère qu’on sent dans votre texte. La façon sont nos gouvernements sabotent – il n’y a pas d’autre mot – depuis 20 ans le magnifique système conçu entre 1945 et 1990 par la politique énergétique française est une honte. C’est misérable de constater que personne dans notre personnel politique – y compris d’ailleurs Mélenchon – ne remet en cause le bien-fondé de la politique européenne de libéralisation des grands services publics de réseaux alors qu’une très rapide analyse 1990 vs 2016, tant pour le ferroviaire que pour l’électricité et le gaz conduit évidemment à conclure que le système français centralisé et étatisé était à tout point de vue plus efficace (je mets les télécoms à part, les transformations technologiques ayant pour le coup totalement transformé le secteur et peuvent justifier à mon avis l’ouverture à la concurrence, quant à la poste même si l’UE l’a aussi bien sabotée elle est également confrontée à une baisse structurelle de son activité courrier liée au développement d’internet).

    Je suis également content de voir que vous évoquez un point qui me frappe depuis longtemps mais que je n’ai presque jamais vu souligné : l’efficacité énergétique n’est pas un bien en soi. On nous rebat les oreilles à longueur de journées avec « les économies d’énergies » et « l’isolation des logements » alors même qu’une analyse rationnelle devrait mettre en balance le coût d’une réduction de la consommation avec le coût marginal de production de l’énergie. Or étant donné que l’électricité française est quasiment totalement décarbonée et que les réserves d’uranium sont tout à fait confortables, il n’y a aucun argument qui puisse justifier cette obsession. Mais outre l’obole donnée aux « lobbies environnementaux », je soupçonne ces politiques ruineuses de subventions fiscales d’être d’autant plus soutenues qu’elles sont sans doute également conçues pour faire plaisir au lobby du BTP, qui est l’un des plus puissant (et des plus inepte économiquement parlant) dans notre pays… D’ailleurs je n’ai plus les chiffres en tête et ils ne concernent pas directement EDF mais il faudrait ajouter le coût de ces dispositifs aux 5Md€ annuels de subventions aux énergies renouvelables pour évaluer l’argent public gâché chaque année dans cette fumisterie. Les (vrais) services publics, eux, attendront.

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [Je suis également content de voir que vous évoquez un point qui me frappe depuis longtemps mais que je n’ai presque jamais vu souligné : l’efficacité énergétique n’est pas un bien en soi. On nous rebat les oreilles à longueur de journées avec « les économies d’énergies » et « l’isolation des logements » alors même qu’une analyse rationnelle devrait mettre en balance le coût d’une réduction de la consommation avec le coût marginal de production de l’énergie.]

      Exactement. C’est d’ailleurs curieux de constater que la plupart de nos politiques de maîtrise de la demande énergétique ne font jamais intervenir ce paramètre. Ainsi, par exemple, on a mis une croix sur le chauffage électrique, ce qui a abouti à une généralisation du chauffage au gaz, émetteur de CO2.

      [Mais outre l’obole donnée aux « lobbies environnementaux », je soupçonne ces politiques ruineuses de subventions fiscales d’être d’autant plus soutenues qu’elles sont sans doute également conçues pour faire plaisir au lobby du BTP, qui est l’un des plus puissant (et des plus inepte économiquement parlant) dans notre pays…]

      Pas seulement. Il y a la question de « l’emploi vert », cette illusion qui veut que les économies d’énergie créent de l’emploi. Et c’est vrai… à condition de subventionner massivement. A ce tarif, autant payer la moitié des chômeurs à creuser des trous et l’autre moitié à les combler…

    • François dit :

      @ Carnot

      [je mets les télécoms à part, les transformations technologiques ayant pour le coup totalement transformé le secteur et peuvent justifier à mon avis l’ouverture à la concurrence].

      Je ne suis pas d’accord avec cette affirmation. Le secteur des télécoms repose toujours sur des investissements importants et la logique de monopôle naturel est encore justifiée. À titre d’exemple, il est inutile de tirer deux fois la même longueur de fibre optique pour alimenter le même lotissement.
      Ajoutons à cela, la notion de service public, à savoir fournir un service accessible à tous. S’il est rentable de tirer un kilomètre de câble pour équiper 1000 foyers de l’internet haut débit, ça l’est beaucoup moins pour 100 foyers. Ainsi, si le secteur des télécoms avait été libéralisé dans les années 70, je doute fort que toutes les foyers français seraient équipés d’une ligne téléphonique. D’ailleurs dans une très grosse partie des cas, ce sont les communes qui financent l’installation du matériel haut débit. Nous en venons à une logique de privatisation des bénéfices et de socialisation des pertes, alors que la logique de service public consiste à financer les installations non rentables par des installations rentables.
      Je ne suis pas un expert en réseaux informatiques, mais s’il est vrai que les progrès technologiques permettent une architecture de réseau beaucoup plus décentralisée, je crois qu’il est toujours préférable d’avoir une architecture pensée par un seul acteur plutôt qu’un développement anarchique qui est susceptible de faire apparaître par exemple des doublons.

    • morel dit :

      @ Carnot

      « je mets les télécoms à part, les transformations technologiques ayant pour le coup totalement transformé le secteur et peuvent justifier à mon avis l’ouverture à la concurrence, quant à la poste même si l’UE l’a aussi bien sabotée elle est également confrontée à une baisse structurelle de son activité courrier liée au développement d’internet »

      Veuillez m’excuser mais je ne vois pas le rapport entre les « transformations technologiques » dans les télécoms avec une « nécessité » de privatisation. Pourriez-vous indiquer ce qui induit votre raisonnement ? Je ne crois pas que l’opérateur national ait été à la traîne à ce sujet.

      Concernant la poste : je rappellerais que les PTT ont été conçus comme un ministère unitaire englobant l’ensemble des correspondances dans leur complémentarité. C’est un gouvernement « socialiste », en vue de faciliter la privatisation de la partie la plus juteuse qui a décidé cette séparation.
      L’ancienne organisation était-elle inepte ou devenue inadaptée à votre avis ?

    • Descartes dit :

      @ François

      [Je ne suis pas d’accord avec cette affirmation. Le secteur des télécoms repose toujours sur des investissements importants et la logique de monopôle naturel est encore justifiée. À titre d’exemple, il est inutile de tirer deux fois la même longueur de fibre optique pour alimenter le même lotissement.]

      Je crois que vous faites une confusion sur le terme « monopole naturel ». Il y a des réseaux de distribution qui sont doublés, alors même qu’il serait plus économique de n’avoir qu’un seul. Pour donner un exemple, l’approvisionnement des magasins Carrefour et des magasins Monoprix est assuré par des transporteurs différents, alors qu’il serait probablement plus économique globalement de n’en avoir qu’un seul…

      Un « monopole naturel » est la situation d’un secteur économique ou les économies d’échelle sont très importantes quelque soit la taille des opérateurs. Dans un tel secteur, chaque fusion d’opérateurs se traduit par des gains, du fait de l’économie d’échelle. Le processus de fusion de poursuit donc naturellement jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un seul opérateur. Lorsqu’on se trouve dans ce genre de situation, la création d’un véritable marché non seulement implique de s’écarter de l’optimum économique, mais surtout une intervention constante de l’Etat pour empêcher les fusions… c’est exactement ce qui se passe dans le marché de l’Energie.

      [Ajoutons à cela, la notion de service public, à savoir fournir un service accessible à tous. S’il est rentable de tirer un kilomètre de câble pour équiper 1000 foyers de l’internet haut débit, ça l’est beaucoup moins pour 100 foyers. Ainsi, si le secteur des télécoms avait été libéralisé dans les années 70, je doute fort que toutes les foyers français seraient équipés d’une ligne téléphonique.]

      Le marché n’empêche pas la péréquation. Ainsi, par exemple, l’Etat aurait pu subventionner l’installation des lignes téléphoniques chez les utilisateurs non-rentables, et financer cette subvention par une taxe prélevée sur l’ensemble des abonnés, ce qui revient exactement au même. Enfin, pas tout à fait : s’il est vrai que – comme le disent les libéraux – on peut parfaitement organiser un service public rendu par des opérateurs privés dans le cadre du marché, cette organisation implique des coûts de transaction qui peuvent être très importants. Dans l’exemple que j’ai donné, il faudrait des gens pour constater le coût des clients non-rentables, pour calculer les subventions, pour faire les appels d’offre, pour prélever la taxe sur les abonnés… et tout ça coute de l’argent.

      Il y a une grande différence quand même entre le secteur des télécom et celui de l’énergie, qui rend le marché inopérant pour le second : c’est la question de la temporalité. En matière de télécom, une technologie dure en moyenne cinq ans, alors que dans le domaine énergétique on investit pour un demi-siècle. L’investisseur dans les télécoms cherche à deviner ce que sera le marché dans cinq ans, celui qui investit dans l’énergie cherche à imaginer ce qu’il sera dans trente ou quarante ans… or, plus on s’éloigne, moins les signaux du marché sont fiables.

      [Je ne suis pas un expert en réseaux informatiques, mais s’il est vrai que les progrès technologiques permettent une architecture de réseau beaucoup plus décentralisée, je crois qu’il est toujours préférable d’avoir une architecture pensée par un seul acteur plutôt qu’un développement anarchique qui est susceptible de faire apparaître par exemple des doublons.]

      C’est un grand débat d’économie. La régulation par le marché est, comme vous le dites, susceptible de faire apparaître des doublons ou de créer des incompatibilités, et cela a un coût. Mais un système centralisé capable de « penser » et réguler le développement du système doit disposer d’une quantité d’information énorme, et cela aussi a un coût. Selon les secteurs, les coûts font pencher la balance vers une solution ou vers l’autre…

    • Carnot dit :

      @ François et morel

      Alors tout d’abord je rappelle pour mémoire la définition du monopole naturel : secteur dans lequel l’essentiel des coûts globaux sont des coûts fixes tandis que le coût marginal de production n’en constitue qu’une petite part. En général cette condition est vérifiée pour les industries de réseau, le premier à en avoir eu l’idée était John Stuart Mill à propos de l’approvisionnement en eaux à Londres je crois. Comme le rappelle bien Descartes il ne suffit pas qu’un réseau unique permettent des économies pour faire un monopole naturel, il faut que les coûts fixes soient tellement élevés par rapport aux coûts marginaux qu’un nouvel acteur soit incapable de concurrencer sans intervention publique un monopole déjà installé bénéficiant d’un réseau amorti. Après il y a des degrés dans les monopoles naturels, le plus parfait étant sans doute l’électricité ou séparer production et infrastructure est encore plus difficile et artificiel que pour le rail. Ensuite pour gérer les monopoles naturels il y a plusieurs solutions économiques : monopoles public (c’est celle qui a de loin ma préférence) ou concurrence artificiellement organisée par l’Etat en forçant l’opérateur historique à abandonner ses avantages structurels pour créer un marché concurrentiel (en général ça passe, comme le veut la commission européenne, par une séparation entre exploitation, infrastructures et régulation du réseau, séparation qui met fin à l’avantage principal du système centralisé qui réside justement dans la fusion de toutes ces fonctions avec des coûts de coordination minimaux).

      Du coup pour répondre à votre question déjà concernant la Poste. Le secteur du courrier postal est un véritable monopole naturel : quand le réseau est complet le coût marginal de l’acheminement d’une lettre supplémentaire est presque nul. Du coup je serais favorable à ce que la poste demeure un monopole public, sous la forme d’un Etablissement public industriel et commercial. Mais le problème c’est qu’avec internet et la dématérialisation croissante du courrier la « production » a connu un effondrement et que celui-ci est structurel et n’a rien à voir avec l’organisation du marché. Cependant étant donné l’utilité très grande (économique et sociale) que conserve un réseau postal efficace et complet, je pense qu’il faut le maintenir et le subventionner pour sa mission de SP.

      Dans les télécoms c’est assez différent, déjà vous évoquez la fibre optique, mais concernant les téléphones mobiles tout passe par des antennes relais. Au global dans l’état actuel du marché les coûts fixes ne représentent plus une part si importante que cela du total et la concurrence peut être utile pour faire baisser les prix pour le consommateur. Cependant il est alors évidemment nécessaire que l’Etat encadre tout ça pour subventionner le service en zone non-rentable. Du coup étant donné que dans les ex-PPT il y avait à la fois la poste et les télécoms je pense qu’il fallait séparer les deux, faire de la Poste un EPIC monopolistique (comme dans les années 90). Pour France Télécom je pense qu’il aurait mieux valu ne pas la privatiser et lui conservait un rôle de gestion de l’infrastructure du réseau traditionnel mais pour autant ouvrir tout de même le marcher et l’intégrer dans un marché concurrentiel.

      Dans l’électricité, le gaz et le ferroviaire – purs monopoles naturels – je ne reviens pas là-dessus la libéralisation est stupide et dogmatique, le système traditionnel était parfait.

      Enfin il y a un secteur où la libéralisation a été une grande réussite, c’est le transport aérien. Là ce n’est pas un vrai monopole naturel : la gestion des aéroports toujours été séparées du transport aérien proprement dit, même quand l’Etat possédait tout, et c’est normal les deux activités sont assez différentes. Du coup il faut bien le dire la libéralisation du transport aérien en Europe conduite par l’UE a été un vrai succés et a conduit à des baisses de prix massives avec l’apparition des compagnies Low cost. Elle n’a pas non plus coulé les grandes compagnies (ex-)publiques qui se sont concentrées sur le long-courrier où elles conservent un véritable avantage comparatif. Dans ce secteur ce que je regrette c’est la stupide privatisation d’Air France et sa gestion petit bras par le privé depuis qui a mis la compagnie dans une position assez mauvaise…

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [Comme le rappelle bien Descartes il ne suffit pas qu’un réseau unique permettent des économies pour faire un monopole naturel, il faut que les coûts fixes soient tellement élevés par rapport aux coûts marginaux qu’un nouvel acteur soit incapable de concurrencer sans intervention publique un monopole déjà installé bénéficiant d’un réseau amorti.]

      Je pense que vous faites erreur : il y a des secteurs d’activité ou les coûts fixes sont extrêmement élevés et qui pourtant ne sont pas des monopoles naturels. L’exemple classique est celui du logement locatif : l’essentiel des coûts est l’amortissement de la construction… et pourtant on ne voit pas de monopole s’établir !

      Non, ce qui caractérise le « monopole naturel », c’est le fait que les économies d’échelle soient importantes quelque soit la taille des acteurs. En d’autres termes, deux entreprises de ce secteur ont TOUJOURS intérêt à fusionner. Ce phénomène fait que quelque soit l’atomisation du marché au départ, à défaut d’intervention d’un régulateur le monopole se reconstitue « naturellement ».

      Cela vous explique pourquoi certains secteurs ne sont pas des monopoles naturels quand même bien les couts fixes sont prédominants. Au-delà d’une certaine taille, deux bailleurs locatifs n’ont aucun intérêt à fusionner, puisque les économies d’échelle deviennent nulles voire négatives (complexité des organisations, dé-spécialisation, etc.).

      [Ensuite pour gérer les monopoles naturels il y a plusieurs solutions économiques : monopoles public (c’est celle qui a de loin ma préférence) ou concurrence artificiellement organisée par l’Etat en forçant l’opérateur historique à abandonner ses avantages structurels pour créer un marché concurrentiel (en général ça passe, comme le veut la commission européenne, par une séparation entre exploitation, infrastructures et régulation du réseau, séparation qui met fin à l’avantage principal du système centralisé qui réside justement dans la fusion de toutes ces fonctions avec des coûts de coordination minimaux).]

      Mais selon la théorie libérale elle-même, la « concurrence artificiellement organisé » implique une désoptimisation du système – puisque le propre du « monopole naturel » est précisément que le monopole représente l’optimum. Cette désoptimisation pourrait être acceptable si elle permettait une optimisation d’autres critères, sauf que dans le cas de l’électricité on ne voit pas très bien lesquels, en dehors du degré de satisfaction idéologique de la Commission…

      [Cependant étant donné l’utilité très grande (économique et sociale) que conserve un réseau postal efficace et complet, je pense qu’il faut le maintenir et le subventionner pour sa mission de SP.]

      J’irai même plus loin : la poste est un service régalien, au même titre que la monnaie.

      [Dans les télécoms c’est assez différent, déjà vous évoquez la fibre optique, mais concernant les téléphones mobiles tout passe par des antennes relais. Au global dans l’état actuel du marché les coûts fixes ne représentent plus une part si importante que cela du total et la concurrence peut être utile pour faire baisser les prix pour le consommateur.]

      Dans les télécoms – qui sont aussi un monopole naturel – il y a une logique à créer artificiellement une concurrence parce que les signaux économiques de marché ont un sens dans la mesure où les technologies évoluent rapidement et que les télécoms ne sont pas un service dont la continuité est essentielle. Mais dans le domaine de l’électricité, l’intérêt des signaux de marché est nul, puisque les délais d’investissement sont très longs et que la continuité du service est fondamentale.

      [Dans l’électricité, le gaz et le ferroviaire – purs monopoles naturels – je ne reviens pas là-dessus la libéralisation est stupide et dogmatique, le système traditionnel était parfait.]

      Parfait peut-être pas, mais certainement moins imparfait que les alternatives. D’ailleurs, l’exemple britannique montre comment l’histoire se termine. Une fois « mangés » les investissements passés, le système se montre incapable d’investir pour maintenir les infrastructures et l’Etat doit intervenir.

      [Enfin il y a un secteur où la libéralisation a été une grande réussite, c’est le transport aérien.]

      Parce que ce n’est pas un monopole naturel. Au contraire, la faillite de Pan Am a montré combien la taille pouvait être un handicap, et que l’avenir était plutôt a des compagnies de taille moyenne, beaucoup plus flexibles et disposant d’accords de réseau avec d’autres compagnies.

      [Du coup il faut bien le dire la libéralisation du transport aérien en Europe conduite par l’UE a été un vrai succés et a conduit à des baisses de prix massives avec l’apparition des compagnies Low cost.]

      Mais… la libéralisation du transport aérien n’a pas été « conduite par l’UE »… mais par l’OACI (l’organisation internationale de l’aviation civile). Il est drôle de constater que la seule libéralisation « réussie » soit celle sur laquelle les institutions européennes ont finalement les plus frileuses…

      [Elle n’a pas non plus coulé les grandes compagnies (ex-)publiques qui se sont concentrées sur le long-courrier où elles conservent un véritable avantage comparatif.]

      Ce n’est pas tout à fait vrai. SABENA a disparu, Suissair ne subsiste que comme marque, Alitalia a du être rachetée en catastrophe… beaucoup de lignes aériennes « ex-publiques » n’ont du leur salut qu’à la commande publique et à l’intention des états de garder une ligne portant leur drapeau.

    • Carnot dit :

      @ Descartes

      Oui vous avez raison sur les économies d’échelles j’ai fait une confusion dont je suis assez honteux…

      Pour la poste “service régalien” je partage tout à fait. C’est d’ailleurs tellement vrai qu’il s’agit historiquement du premier “service public” mis par l’Etat à la disposition de la population, sous Louis XI.

      [Dans les télécoms – qui sont aussi un monopole naturel – il y a une logique à créer artificiellement une concurrence parce que les signaux économiques de marché ont un sens dans la mesure où les technologies évoluent rapidement et que les télécoms ne sont pas un service dont la continuité est essentielle. Mais dans le domaine de l’électricité, l’intérêt des signaux de marché est nul, puisque les délais d’investissement sont très longs et que la continuité du service est fondamentale. ]

      Entièrement d’accord, mais du coup quelle solution d’organisation du marché des télécoms aurait selon vous été la plus efficace ?

      [ Il est drôle de constater que la seule libéralisation « réussie » soit celle sur laquelle les institutions européennes ont finalement les plus frileuses… ]

      C’est vrai que c’est assez amusant. Cepandant si l’UE n’a effectivement lancé le mouvement de libéralisation dans ce secteur elle y a ensuite pris une part importante : notamment avec les règlements de 1992 libéralisant les vols intérieurs, puis jusqu’en 1997.

      [beaucoup de lignes aériennes « ex-publiques » n’ont du leur salut qu’à la commande publique et à l’intention des états de garder une ligne portant leur drapeau.]

      C’est vrai mais disons que dans ce contexte Air France était plutôt bien placée pour tirer son épingle du jeu (avec Lufthansa) par rapport aux compagnies trop petites, ayant moins de liaisons long-courriers bien assurées de longue date et ne bénéficiant pas d’une image “haut de gamme”. Et c’est évidemment pour nous Français le principal.

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [Oui vous avez raison sur les économies d’échelles j’ai fait une confusion dont je suis assez honteux…]

      Il n’y a pas de honte. Il est vrai que pendant longtemps on a confondu les deux notions, puisque beaucoup de « monopoles naturels » remplissent la condition que vous énoncez. Seulement, le propre du « monopole naturel » est de tendre à se reconstituer « naturellement » même lorsqu’il n’existe pas au départ, et cela tient à la question de l’économie d’échelle.

      [Pour la poste “service régalien” je partage tout à fait. C’est d’ailleurs tellement vrai qu’il s’agit historiquement du premier “service public” mis par l’Etat à la disposition de la population, sous Louis XI.]

      Exactement. Dès lors que l’Etat est fondé sur l’écrit, la capacité à faire transporter les écrits dans n’importe quel lieu du territoire est une question régalienne. On m’objectera que l’écrit passera de plus en plus par les supports numérisés. Ma réponse est que le support numérisé ne remplacera jamais l’écrit sur papier, et cela pour une raison très simple : le texte numérisé nécessite un intermédiaire pour nous être accessible. L’écrit sur papier présente la particularité de nous être accessible directement.

      [Entièrement d’accord, mais du coup quelle solution d’organisation du marché des télécoms aurait selon vous été la plus efficace ?]

      J’aurais tendance à établir un monopole sur les infrastructures en général (réseau cuivre, fibre optique, relais téléphoniques) pour permettre la couverture totale du territoire avec péréquation des coûts. En fait, je laisserai au marché la partie commerciale – gestion des abonnements, gestion des terminaux. Au-delà, je ne suis pas un expert et je risquerais de dire des bêtises en m’inspirant de la problématique des réseaux électriques, qui est en fait très différente.

      [C’est vrai que c’est assez amusant. Cepandant si l’UE n’a effectivement lancé le mouvement de libéralisation dans ce secteur elle y a ensuite pris une part importante : notamment avec les règlements de 1992 libéralisant les vols intérieurs, puis jusqu’en 1997.]

      Oui, mais avec une assez grande frilosité, si ma mémoire ne me trompe pas. Elle s’est contenté de suivre le mouvement, en permettant même de maintenir certains monopoles pour des motifs d’aménagement du territoire, ce qui a toujours été refusé dans les libéralisations subséquentes…

    • François dit :

      @ Descartes, Carnot

      Il semblerait qu’il se dégage un consensus autour de cette discussion pour justifier le retour des télécommunications dans la sphère publique. D’ailleurs empiriquement il est justifié de revenir à un monopôle et des études commanditées par des organismes difficilement suspectables de d’être des officines socialistes recommandent un nombre réduit d’opérateurs.

      Pour commencer, il suffit de voir le nombre de FAI qu’il y avait au début des années 2000 et le nombre qu’il reste aujourd’hui. Il y a donc intérêt pour les opérateurs de fusionner pour atteindre une certaine taille. D’ailleurs c’est toujours le cas quand on voit les tentatives avortées de rachat de Bouygues Telecom, échecs principalement dus à des considérations politiques. Bouygues Telecom n’est plus en situation d’investir et sa stratégie commerciale est de casser les prix pour attirer de nouveaux clients. free ne doit son succès que parce que son réseau est en très grande partie adossé à Orange, et ses investissements se font attendre.

      Même si la situation actuelle serait celle d’un optimum économique, il y a une autre justification pour un monopôle public : le risque d’entente cordiale entre les opérateurs en raison du nombre réduit d’acteurs. C’était très certainement le cas avant l’arrivée de free et ça aurait été certainement de nouveau le cas si Bouygues Telecom avait été racheté. Il est très difficile pour une autorité de concurrence de contrôler les coups de fils.

      Pour au revenir au transport aérien, nous avons à faire à des entreprises concurrentes, mais le secteur du transport aérien fait de la concurrence au secteur ferroviaire. Une question que l’on pourrait se poser, atteint t-on un optimum économique quand train et avion se font concurrence sur tous les trajets, ou bien serait-il plus judicieux de faire travailler les deux de façon complémentaire ?

      Plus globalement, là où la commission européenne prône exclusivement la concurrence entre systèmes économiques, c’est la concurrence entre systèmes économiques qu’il faut mettre en œuvre.

    • morel dit :

      @ Descartes et Carnot
      Je n’ai aucune prétention en matière de science économique. Soyons franc, j’aime les choses carrées au risque sans doute de paraître dogmatique. Ainsi le terme de « monopole naturel » évoque un peu trop pour moi la vulgate écolo et, comme eux, un invariant anhistorique.

      Or, je ne crois pas à l’existence de ce type d’invariant.
      D’autre part, il me semble que dans ce discours est oubliée l’orientation politique générale imprimée à nos société et pays : peut-on s’extraire du contexte politico-économique dominant du capitalisme financier ayant la préséance sur le capitalisme industriel ?
      En d’autres termes, peut-on faire confiance au « mécanisme » actuel pour réaliser un but aussi éminemment politique que l’égalité des citoyens, l’aménagement sans mettre la main à la poche par les collectivités locales de plus en plus sollicitées ?
      Pour les télécoms la fibre optique « jusqu’au bout », pour tous ? Par quels moyens ?

      « J’aurais tendance à établir un monopole sur les infrastructures en général (réseau cuivre, fibre optique, relais téléphoniques) pour permettre la couverture totale du territoire avec péréquation des coûts. En fait, je laisserai au marché la partie commerciale – gestion des abonnements, gestion des terminaux. Au-delà, je ne suis pas un expert et je risquerais de dire des bêtises en m’inspirant de la problématique des réseaux électriques, qui est en fait très différente. »

      Je vous remercie de votre prudence et croyez, malgré la forme (on ne se refait pas !) il en est de même pour moi.
      Lorsque, dans les années 70, l’Etat décide le rattrapage téléphonique, il mobilise tous les moyens pour l’atteindre. Ainsi, la « partie commerciale » : abonnement, coût de de raccordement (sans vouloir jouer contre d’autres services public lorsque EDF fait payer les « poteaux », les télécoms ne facturent rien, pas à la distance) sont négligés au service de l’objectif. Une seule mission : faire croitre le nombre d’abonnés. En résultante un réseau dense, un délai de mise en service priorisé, un service public soutenu par la « foi » de ses agents (et, à vous lire, je crois que vous le comprenez). Période restée « mythique » chez les anciens télécoms .
      L’UE a justement commencé le démantèlement par la vente des terminaux (et peut-être doivent-ils être vendus sur le marché) puis le doigt dans l’engrenage mis…
      Peut-être parce que je ne connais cette période qu’à travers nos anciens qui auraient tendance à l’idéaliser je me fais des illusions mais les restent les faits, les chiffres et à l’époque, l’un des réseaux les plus modernes au monde.
      De la dispute raisonnée la lumière peut naître.

    • Descartes dit :

      @ François

      [Il semblerait qu’il se dégage un consensus autour de cette discussion pour justifier le retour des télécommunications dans la sphère publique.]

      Pas tout à fait. S’il y a consensus entre nous pour ce qui concerne les infrastructures et les réseaux, c’est moins évident pour ce qui concerne la gestion commerciale. Je ne suis pas persuadé qu’il faille un monopole public pour vendre des smartphones et des cartes SIM ou gérer les abonnements et leur facturation.

      [Pour commencer, il suffit de voir le nombre de FAI qu’il y avait au début des années 2000 et le nombre qu’il reste aujourd’hui. Il y a donc intérêt pour les opérateurs de fusionner pour atteindre une certaine taille.]

      C’est exact. La question qui se pose est celle de savoir s’il n’y a pas aussi une taille critique à partir de laquelle l’organisation ne peut grandir qu’en perdant de son efficacité. Si c’est le cas, le processus de concentration s’arrêtera une fois cette taille atteinte, et on se trouvera en présence d’un oligopole de deux ou trois opérateurs. Si ce n’est pas le cas, alors les fusions devraient continuer jusqu’à reconstituer le monopole, et on pourra parler de « monopole naturel ».

      Encore une fois, je suis prudent parce que je ne suis pas un expert du domaine. Mais il me semble que dans la mesure où l’accès à Internet devient un service essentiel – et il le deviendra du fait de la dématérialisation croissante des échanges – son statut s’approchera de celui de l’électricité, et donc du monopole naturel.

      [Même si la situation actuelle serait celle d’un optimum économique, il y a une autre justification pour un monopôle public : le risque d’entente cordiale entre les opérateurs en raison du nombre réduit d’acteurs.]

      Très bonne remarque. Les libéraux ont raison de dire que la théorie démontre que le marché est un excellent régulateur… mais ils oublient de dire que la théorie ne fonctionne que si le marché est « pur et parfait ». Et qu’une des conditions d’un marché « pur et parfait » est son atomisation – c’est-à-dire, qu’aucun opérateur ne soit suffisamment gros pour pouvoir peser à lui tout seul sur les prix. Or, parce que la taille optimale d’un opérateur télécom – si tant est que ce ne soit pas un monopole naturel – est relativement grande, « atomiser » le secteur des télécoms conduirait à une inefficacité trop grande. Le choix n’est donc pas entre un marché « parfait » et le monopole, mais entre un oligopole privé et un monopole public. Et dans ce contexte, la deuxième solution a été – du moins en France – toujours la plus efficace.

      J’ajoute que l’entente sur les prix n’est pas le seul problème. Un oligopole implique une instabilité générale du système, puisque chaque opérateur est suffisamment gros pour « faire » le marché.

      [Pour au revenir au transport aérien, nous avons à faire à des entreprises concurrentes, mais le secteur du transport aérien fait de la concurrence au secteur ferroviaire. Une question que l’on pourrait se poser, atteint t-on un optimum économique quand train et avion se font concurrence sur tous les trajets, ou bien serait-il plus judicieux de faire travailler les deux de façon complémentaire ?]

      Là aussi, vous posez une vaste question. Si l’on est libéral, on dirait qu’il y a un marché combiné du transport (route, rail, avion) raisonnablement atomisé, et que si ce marché est bien organisé – et notamment qu’on répercute correctement les coûts sur ceux qui les génèrent – l’équilibre de marché sera l’optimum économique. Cette vision pose deux problèmes : d’une part, le report des coûts n’a rien d’évident : ainsi, les usagers du rail payent les couts d’infrastructure, tout comme les usagers de l’avion… mais pas ceux de la route, puisque le coût de l’entretien des routes est mutualisé sur l’ensemble de la collectivité. D’autre part, l’optimum économique n’est pas nécessairement l’optimum social…

      [Plus globalement, là où la commission européenne prône exclusivement la concurrence entre systèmes économiques, c’est la concurrence entre systèmes économiques qu’il faut mettre en œuvre.]

      Je ne suis pas sûr de comprendre…

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Ainsi le terme de « monopole naturel » évoque un peu trop pour moi la vulgate écolo et, comme eux, un invariant anhistorique.]

      Dans « monopole naturel », le terme « naturel » vient du fait qu’il s’agit d’un monopole qui tient à se reconstituer par le jeu des forces du marché, sans aucune intervention volontariste. Ici, « naturel » s’oppose à « volontaire », et n’a aucun rapport avec le « naturel » à la Rousseau. Un « monopole naturel » n’a en fait rien de « naturel ». Et surtout, rien de « anhistorique ». Certains secteurs d’activité ont été des « monopoles naturels » à un certain stade du développement technologique et ont cessé de l’être au fur et à mesure que les technologies ont évolué. D’autres secteurs, qui n’étaient pas des « monopoles naturels », le sont devenus.

      [D’autre part, il me semble que dans ce discours est oubliée l’orientation politique générale imprimée à nos société et pays : peut-on s’extraire du contexte politico-économique dominant du capitalisme financier ayant la préséance sur le capitalisme industriel ?]

      J’avoue que je ne saisis pas trop le rapport. Le « monopole naturel » décrit une situation où l’efficacité d’une organisation est croissante avec la taille. Dans ces conditions, le marché poussera à la fusion des organisations qui opèrent dans le secteur, puisque chaque fusion apporte un surcroît d’efficacité. Le processus continue ainsi jusqu’à établir « naturellement » un monopole. Quel rapport avec le « contexte politico-économique » auquel vous faites référence ?

      [En d’autres termes, peut-on faire confiance au « mécanisme » actuel pour réaliser un but aussi éminemment politique que l’égalité des citoyens, l’aménagement sans mettre la main à la poche par les collectivités locales de plus en plus sollicitées ?]

      Bien sur que non. Et les libéraux classiques n’ont d’ailleurs jamais dit le contraire. Le marché est un mécanisme de régulation qui aboutit – sous certaines conditions – à un optimum économique, c’est-à-dire, à utiliser de manière optimale les moyens disponibles pour satisfaire les besoins. Personne ne dit que cet optimum économique soit aussi un optimum social. La société la plus riche n’est pas forcément la plus saine ni la plus heureuse.

      Le conflit entre libéraux et étatistes ne porte pas sur la légitimité de l’intervention de l’Etat, mais sur sa portée. Les deux estiment l’Etat légitime à intervenir pour réaliser des objectifs sociaux. Mais pour les uns, l’Etat doit intervenir en fixant les règles du marché et laisser ensuite le marché trouver son optimum, et pour les autres il doit participer directement à l’organisation de certaines activités.

      [Lorsque, dans les années 70, l’Etat décide le rattrapage téléphonique, il mobilise tous les moyens pour l’atteindre. Ainsi, la « partie commerciale » : abonnement, coût de de raccordement (sans vouloir jouer contre d’autres services public lorsque EDF fait payer les « poteaux », les télécoms ne facturent rien, pas à la distance) sont négligés au service de l’objectif. Une seule mission : faire croitre le nombre d’abonnés.]

      Parce que le « plan télécom » avait d’abord pour objectif de développer l’infrastructure de réseau. Ce n’est qu’une fois que l’infrastructure est là qu’on se pose la question « commerciale » d’optimiser le service rendu au client. L’électricité a suivi la même voie : d’abord, la priorité à l’électrification complète du pays, plus tard l’apparition d’un bouquet tarifaire permettant d’optimiser finement l’utilisation des infrastructures.

      [En résultante un réseau dense, un délai de mise en service priorisé, un service public soutenu par la « foi » de ses agents (et, à vous lire, je crois que vous le comprenez). Période restée « mythique » chez les anciens télécoms.]

      Bien entendu. Mais une fois que les clients ont accédé au service, s’est posée la question de raffiner l’offre de services. Et là, il faut admettre que le marché a été un meilleur régulateur que la planification publique.

      [L’UE a justement commencé le démantèlement par la vente des terminaux (et peut-être doivent-ils être vendus sur le marché) puis le doigt dans l’engrenage mis…]

      Je crois qu’il ne faut pas être extrémiste sous prétexte que les autres le sont. Ceux qui ont dit qu’il était absurde de donner à la DGT (puis France Telecom) le monopole de la vente des postes téléphoniques avaient raison. Il n’y a aucune raison, aucun gain d’efficacité à gérer ce type d’activité en monopole, alors qu’on peut avoir un marché atomisé offrant des opportunités d’innovation et d’écoute du consommateur bien plus importantes.

      [Peut-être parce que je ne connais cette période qu’à travers nos anciens qui auraient tendance à l’idéaliser je me fais des illusions mais les restent les faits, les chiffres et à l’époque, l’un des réseaux les plus modernes au monde.]

      Bien entendu. Et construit en temps record : on est passé du « 22 à Asnières » à une couverture par l’automatique de l’ensemble du territoire en à peine quelques années, sans compter avec Minitel qui, s’il a été un échec à l’exportation, a permis d’installer l’idée du terminal informatique dans chaque logement et nous a donné une longueur d’avance dans la diffusion intelligente d’Internet.

    • Antoine dit :

      @François,

      > Pour commencer, il suffit de voir le nombre de FAI qu’il y avait au début des années 2000 et le nombre qu’il reste aujourd’hui. Il y a donc intérêt pour les opérateurs de fusionner pour atteindre une certaine taille.

      Attention à ne pas confondre FAI et opérateur de coeur de réseau. On peut fournir un service d’accès sans être propriétaire de toute l’infrastructure réseau. Il y a aujourd’hui encore quantité de FAI qui s’adossent aux capacités de réseau d’autres opérateurs (on les appelle parfois “opérateur virtuel” ou MVNO dans le monde mobile). Notez qu’un FAI n’offre pas seulement un service d’accès, mais aussi des services additionnels qui permettent une différenciation (comptes mail, etc.).

      De plus, l’Internet est architecturé comme un réseau de réseaux. Sa conception technique permet et encourage la mise en partage des moyens des différents opérateurs (via des accords de peering et/ou de transit). Même un gros opérateur a intérêt à avoir de nombreux accords d’échange de trafic pour fournir la meilleure qualité possible à ses clients. Commuter des paquets d’opérateurs différents ne pose pas de problème particulier…

    • François dit :

      @ Descartes

      J’ai du mal me faire comprendre, mais pour les terminaux, je suis bien entendu pour la concurrence. Certaines personnes ont besoin d’un terminal satisfaisant que des besoins basiques, tandis que d’autres veulent avoir le nec plus ultra et le marché est là pour s’adapter aux besoins de chacun.

      Concernant mon dernier commentaire, ce que je voulais dire, c’est que la concurrence s’applique à différentes strates : entre entreprises d’un même secteur, entre secteurs (aérien contre ferroviaire par exemple), entre états et entre systèmes économiques (système libéral contre système étatiste). Ce que je reproche à la commission européenne c’est d’avoir exclu la quatrième strate. Je suis pour la concurrence libre et non faussée entre systèmes économiques et les citoyens sont libres de choisir celui qui correspond au mieux à leurs attentes. La concurrence entre systèmes économiques s’est avérée très prolifique, quand on voit les bonds de géant qui ont étés effectués dans la course à l’espace durant la guerre froide où chaque modèle voulait affirmer sa supériorité au reste du monde.

    • Carnot dit :

      @ Descartes, François et morel

      [Je crois qu’il ne faut pas être extrémiste sous prétexte que les autres le sont. Ceux qui ont dit qu’il était absurde de donner à la DGT (puis France Telecom) le monopole de la vente des postes téléphoniques avaient raison. Il n’y a aucune raison, aucun gain d’efficacité à gérer ce type d’activité en monopole, alors qu’on peut avoir un marché atomisé offrant des opportunités d’innovation et d’écoute du consommateur bien plus importantes. ]

      Je partage tout à fait l’avis de Descartes, l’expérience du fonctionnement des organisations complexes – c’est-à-dire la théorie de la bureaucratie – montre que la recherche de l’optimum est un équilibre entre les avantages de la centralisation qui permet une coordination efficace mais coûteuse et l’éclatement qui favorise les initiatives et les innovations. A mon avis la règle est que plus un secteur demande une planification de long terme et une gestion homogène sur le territoire plus le monopole public est un avantage tandis qu’à l’inverse les secteurs exigeant une évolution très rapides des biens et services pour répondre aux demandes des consommateurs sont très défavorables à un contrôle par l’Etat. D’ailleurs il est intéressant de noter que ce n’est pas sans lien avec les réussites très impressionnante obtenues par l’URSS dans l’industrie lourde alors que les industries de biens de consommation n’ont jamais fonctionné de manière satisfaisante (incapacité à répondre à la demande de diversification des consommateurs notamment).

      Du coup dans les cas dont on parle il m’apparaît clair qu’un monopole d’Etat est la meilleure solution pour construire et gérer des réseaux nationaux, qui se planifient longtemps à l’avance et bénéficient de larges économies d’échelles. Mais, dans les télécoms, la partie commerciale (abonnements, téléphones mobiles etc.) qui est beaucoup plus complexe que dans le cas de l’électricité, ne serait pas gérée de manière optimale en monopole, ne serait-ce que parce que ce serait difficile de répondre à la demande de diversité des consommateurs sans l’incitation concurrentielle. Par ailleurs concernant la gestion de ces réseaux sous monopole (rail, électricité, télécoms, etc) le modèle DGT ne me semble pas optimal, étant donné la nature « industrielle et commerciale » des activités en cause je pense que le modèle de l’EPIC offre plus de souplesse et répond mieux aux besoins pour gérer ces activités en monopole public. C’est un peu la même chose que pour les ex-arsenaux, si je suis très hostile à toute privatisation (même partielle) dans la défense je pense que le passage de la direction des constructions navales du Mindef a l’entreprise publique (S.A) DCNS (ou du GIAT à Nexter) était une bonne idée.

      Par ailleurs à l’appui de ces monopoles on peut également noter que dans tous ces cas le monopole public sur le réseau a un avantage sur un plan non-économique : permettre l’égalité de tous les citoyens devant le service public en permettant de mettre très facilement en place une péréquation avec des tarifs uniques.

      Sinon je suis tombé ce matin sur une tribune dans le Monde que vous avez peut-être vue et qui va totalement dans le sens de votre article Descartes, il me semble d’ailleurs que le titre résume assez bien votre position :

      http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/06/10/en-matiere-d-electricite-un-bon-monopole-vaut-mieux-qu-un-mauvais-marche_4947583_3232.html

      Sinon je profite de cette discussion, Descartes, pour vous poser une question sur un sujet connexe qui est en ce moment remis sur le devant de la scène par le mouvement contre la loi El Khomri : que pensez-vous de manière générale du droit de grève dans les services publics ? Si aujourd’hui juridiquement la question a été tranchée favorablement (sauf pour certaines activités régaliennes) en ce qui me concerne, en bon étatiste et jacobin j’avoue que ça me pose problème. L’Etat n’est pas un employeur comme un autre, il est dans notre modèle le garant unique de l’intérêt général. Dès lors que la continuité est reconnue comme le principe fondateur du service public je suis favorable à la conception traditionnelle (pré-arrêt Dehaene de 1950) qui proscrivait la grève pour les agents publics parce « qu’on ne peut pas tolérer un Etat à éclipses ».

    • Descartes dit :

      @ François

      [J’ai du mal me faire comprendre, mais pour les terminaux, je suis bien entendu pour la concurrence. Certaines personnes ont besoin d’un terminal satisfaisant que des besoins basiques, tandis que d’autres veulent avoir le nec plus ultra et le marché est là pour s’adapter aux besoins de chacun.]

      Tout a fait. Et surtout, il est relativement facile de définir des normes qui permettent de faire des terminaux interopérables avec le réseau.

      [Je suis pour la concurrence libre et non faussée entre systèmes économiques et les citoyens sont libres de choisir celui qui correspond au mieux à leurs attentes.]

      Merci, maintenant j’ai compris. Seulement, cette concurrence n’est concevable que dans une logique de frontières et d’Etats. L’UE s’est construite contre cette logique, dans une perspective fédérale…

    • morel dit :

      « Le processus continue ainsi jusqu’à établir « naturellement » un monopole. Quel rapport avec le « contexte politico-économique » auquel vous faites référence ? »
      Mon interrogation : le monopole « naturel » auquel vous faites référence ne nous dit rien sur le partage des gains induits par « l’efficacité d’une organisation croissante avec la taille ». Vous-même écrivez : « Personne ne dit que cet optimum économique soit aussi un optimum social. » Et je ne crois pas que ce questionnement soit infondé. Un monopole « naturel » avec confiscation des bénéfices par le propriétaire, Etat ou privé, ça ne peut exister ? Quelle efficacité économique maximale alors ?

      « Le marché est un mécanisme de régulation qui aboutit – sous certaines conditions – à un optimum économique. »

      Dont la condition de « concurrence pure et parfaite » qui apparaît comme bien illusoire

      « Parce que le « plan télécom » avait d’abord pour objectif de développer l’infrastructure de réseau. Ce n’est qu’une fois que l’infrastructure est là qu’on se pose la question « commerciale » d’optimiser le service rendu au client ».

      Il reste que l’utilisation de cette « partie commerciale » a été aussi un levier pour un développement supérieur profitable à tous. Levier qui n’existe plus avec la structure de marché ouvert à de multiples opérateurs.
      La discussion marché/Etat est loin d’être simple et lorsque je parle de la libéralisation des ventes de terminaux (qui sont bien un domaine de production marchande et non le cœur de métier des télécoms) par l’UE, je ne voulais que souligner qu’ils ont commencé par ce qui semblait le plus flagrant, pour grignoter vers ce qui l’était moins.
      Si je poursuis mon exemple, pendant des années l’Etat s’est désintéressé du développement des télécoms, il y avait un vrai retard français dans ce domaine. A l’inverse, dès lors qu’il y a eu une véritable volonté politique…
      Bien avant EDF, France Télécom a connu des prélèvements sans souci des besoins de l’entreprise par l’Etat pour « boucher » les trous de son budget de fonctionnement. Raison de plus pour faire référence au « contexte politico-économique », monopole « naturel » ou pas.
      A ces titres, l’Etat n’est ni la panacée ni l’horreur. On oublie trop souvent que sa conduite est, en régime démocratique, un reflet d’une majorité, y compris par défaut.

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [Par ailleurs à l’appui de ces monopoles on peut également noter que dans tous ces cas le monopole public sur le réseau a un avantage sur un plan non-économique : permettre l’égalité de tous les citoyens devant le service public en permettant de mettre très facilement en place une péréquation avec des tarifs uniques.]

      En fait, il est possible de mettre en place une péréquation même dans le cas où l’activité est gérée par le privé. Il suffit pour cela de prélever une taxe sur les clients « rentables » et de subventionner les clients « non rentables ». La difficulté est que ce processus est complexe et a un coût de fonctionnement qui peut être prohibitif…

      [Sinon je suis tombé ce matin sur une tribune dans le Monde que vous avez peut-être vue et qui va totalement dans le sens de votre article Descartes, il me semble d’ailleurs que le titre résume assez bien votre position :]

      Oui, une excellente tribune. Qui d’ailleurs m’a plongé dans un abîme de perplexité. En effet, si on suit le raisonnement de l’auteur, dans un marché « pur et parfait » le prix de marché tend vers le coût marginal du moyen de production le plus cher appelé (sur le marché de l’électricité, le dernier appelé puisque l’appel se fait dans l’ordre de préséance économique). Mais comme le coût marginal est TOUJOURS inférieur au coût complet, il s’ensuit que le prix de marché ne rémunère jamais complètement le coût du dernier moyen de production appelé…

      Mais autrement, je partage complètement l’analyse qui y est exposée, et surtout la conclusion.

      [Sinon je profite de cette discussion, Descartes, pour vous poser une question sur un sujet connexe qui est en ce moment remis sur le devant de la scène par le mouvement contre la loi El Khomri : que pensez-vous de manière générale du droit de grève dans les services publics ?]

      Voilà une question qui est très complexe. Sur le plan théorique, on peut soutenir que le rapport de l’agent public avec son employeur n’est pas tout à fait celui de l’employé privé. D’ailleurs, il faut rappeler que le traitement du fonctionnaire n’est pas, à l’origine un salaire. Il n’a pas pour but de rémunérer le travail du fonctionnaire, mais de permettre à celui-ci de « vivre dignement à l’abri du besoin, qui pourrait le rendre sensible aux sollicitations », selon la formule consacrée. En théorie donc, le droit de grève devrait être refusé aux fonctionnaires au nom non seulement de la « continuité de l’Etat », mais aussi du rapport entre l’agent public et l’Etat. Imagine-t-on un prêtre faisant la grève des sacrements ?

      Dans la pratique, cependant, cette réponse n’est pas satisfaisante. En effet, elle repose sur la vision idéaliste que le politique, qui a autorité sur l’administration, fixera de lui-même salaires, statuts et conditions de travail avec le souci de maintenir ce niveau de « dignité » sans besoin de passer par le rapport de forces. En effet, sans le droit de grève – ou toute mesure de force équivalente – de quels moyens disposent les agents publics pour faire valoir leurs revendications ? Quel mécanisme de régulation mettre en place pour empêcher que les conditions de travail et de rémunération des agents publics soient soumises à l’arbitraire sans limite ? Clairement, il faut un mécanisme qui permette aux agents publics de négocier collectivement avec un minimum de cartes en main. Plusieurs mécanismes de cette nature ont été essayés, et certains sont efficaces sous certaines conditions. Lorsqu’un tel mécanisme peut être trouvé, on devrait pouvoir priver la catégorie d’agents publics concernés du droit de grève.

    • Carnot dit :

      @ Descartes

      [Sur le plan théorique, on peut soutenir que le rapport de l’agent public avec son employeur n’est pas tout à fait celui de l’employé privé. D’ailleurs, il faut rappeler que le traitement du fonctionnaire n’est pas, à l’origine un salaire. Il n’a pas pour but de rémunérer le travail du fonctionnaire, mais de permettre à celui-ci de « vivre dignement à l’abri du besoin, qui pourrait le rendre sensible aux sollicitations »]

      Absolument, et je dois dire que si ça ne me surprend pas du tout de votre part ça me fait cependant vraiment plaisir de lire cela sous votre plume tant j’ai l’impression que de nos jours la différence fondamentale entre salaire et traitement échappe à tout le monde. Et la comparaison que vous faites, avec le prêtre, met bien en évidence la différence entre le travail et le service. Hegel a d’ailleurs décrit cela de manière magistrale dans ses Principes de la philosophie du droit (paragraphe 294) où il montre pourquoi le fonctionnaire ne saurait être un simple employé de l’Etat. Ce texte, je dois le dire, m’a beaucoup marqué et a joué un rôle dans ma volonté de servir l’Etat.

      D’ailleurs c’est justement pour cette raison, étant donné le rapport particulier entre les fonctionnaires et l’Etat, qui ne doit pas être un « rapport de production » au sens de Marx, que je suis également très réticent sur le principe au droit syndical dans la fonction publique. Dans certaines administrations d’ailleurs (je pense à la police et à la justice) des syndicats politisés posent un véritable problème quant à l’impartialité de l’Etat, sans même parler du scandaleux système clientéliste de gestion des carrières en fonction des appartenances syndicales qu’on peut trouver dans la police.

      [Plusieurs mécanismes de cette nature ont été essayés, et certains sont efficaces sous certaines conditions. Lorsqu’un tel mécanisme peut être trouvé, on devrait pouvoir priver la catégorie d’agents publics concernés du droit de grève.]

      Mais du coup concernant ces mécanismes alternatifs qui permettent aux agents de faire valoir leurs intérêts, pensez-vous à des instances comme le Conseil supérieur de la fonction militaire par exemple ?

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Mon interrogation : le monopole « naturel » auquel vous faites référence ne nous dit rien sur le partage des gains induits par « l’efficacité d’une organisation croissante avec la taille ». Vous-même écrivez : « Personne ne dit que cet optimum économique soit aussi un optimum social. » Et je ne crois pas que ce questionnement soit infondé.]

      Je n’ai pas dit le contraire. Mais les deux « questionnements » sont différents. Le fait qu’un secteur économique soit ou non un « monopole naturel » est une constatation de fait, et non une question de volonté. Un secteur qui est un « monopole naturel » aboutit à reconstituer un opérateur monopolistique – sauf bien entendu intervention d’une institution extérieure comme l’Etat.

      Ensuite, se pose la question du partage, non seulement des gains induits par l’efficacité croissante, mais aussi et surtout ceux d’une éventuelle « rente de monopole ». L’existence de cette « rente » tend à montrer que c’est folie que de laisser un secteur qui est en « monopole naturel » au marché : soit l’Etat est obligé d’intervenir en permanence pour éviter la reconstitution du monopole, avec perte d’efficacité, soit on laisse le monopole – ou l’oligopole – se constituer, et la « rente de monopole » tombe dans les mains du privé…

      [Un monopole « naturel » avec confiscation des bénéfices par le propriétaire, Etat ou privé, ça ne peut exister ? Quelle efficacité économique maximale alors ?]

      La « confiscation des bénéfices par l’Etat » est une vue de l’esprit. L’Etat n’est pas un acteur économique capable de jouir ou de consommer. L’argent que l’Etat empoche est redistribué. Si EDF augmente son efficacité, soit on peut baisser les tarifs, soit l’Etat peut « confisquer » les gains sous forme de dividende… mais dans ce cas ce dividende vient en diminution des impôts…

      [« Le marché est un mécanisme de régulation qui aboutit – sous certaines conditions – à un optimum économique. » Dont la condition de « concurrence pure et parfaite » qui apparaît comme bien illusoire]

      Ca dépend du marché. Prenez par exemple la restauration ou les boulangeries à Paris : on est très proche d’une « concurrence pure et parfaite ». Un marché atomisé, des barrières à l’entrée faibles… mais il est évident que dès lors qu’on parle d’activités très complexes et très capitalistiques, on s’éloigne de plus en plus des conditions idéales. Imaginer une concurrence pure et parfaite sur le marché des avions ou celui de l’électricité est une vue de l’esprit.

      [Si je poursuis mon exemple, pendant des années l’Etat s’est désintéressé du développement des télécoms, il y avait un vrai retard français dans ce domaine. A l’inverse, dès lors qu’il y a eu une véritable volonté politique…]

      C’est un autre domaine de l’intervention publique qu’il ne faut pas négliger : celle de « créateur de marchés ». L’exemple de la voiture est classique : pendant très longtemps, le développement de la voiture a été handicapé par le phénomène de l’œuf et de la poule. Les clients ne s’équipaient pas en voitures parce qu’ils ne trouvaient pas de distributeur de carburant près d’eux, et les stations de service ne se créaient pas parce qu’il n’y avait pas assez de voitures pour garantir la rentabilité. L’Etat, parce qu’il peut faire preuve d’une véritable volonté centrale, peut briser ce genre de blocage et accélérer considérablement le développement d’un marché.

      [A ces titres, l’Etat n’est ni la panacée ni l’horreur. On oublie trop souvent que sa conduite est, en régime démocratique, un reflet d’une majorité, y compris par défaut.]

      Bonne remarque. En fait, l’instabilité politique de la IVème puis le penchant technocratique des premiers gouvernants de la Vème ont permis l’âge d’or de l’Etat stratège. La montée en puissance des « notables » et des « barons » avec la décentralisation y ont mis fin…

    • morel dit :

      « La « confiscation des bénéfices par l’Etat » est une vue de l’esprit. L’Etat n’est pas un acteur économique capable de jouir ou de consommer. L’argent que l’Etat empoche est redistribué. Si EDF augmente son efficacité, soit on peut baisser les tarifs, soit l’Etat peut « confisquer » les gains sous forme de dividende… mais dans ce cas ce dividende vient en diminution des impôts… »

      Ma question était : Quelle efficacité économique maximale alors ? Lorsque l’Etat pressé par ses besoins de trésorerie empoche les bénéfices, vend les bijoux de famille, est-il un acteur « vertueux » ?

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [Absolument, et je dois dire que si ça ne me surprend pas du tout de votre part ça me fait cependant vraiment plaisir de lire cela sous votre plume tant j’ai l’impression que de nos jours la différence fondamentale entre salaire et traitement échappe à tout le monde.]

      Il faut dire que depuis trente ans on a tout fait pour nous convaincre que l’Etat n’est qu’une grande entreprise, et que ses ressources, qu’elles soient matérielles ou humaines, doivent être gérées avec les mêmes critères. Au point d’admettre que des fonctions régaliennes puissent être sous-traitées à des agents de droit privé.

      [Et la comparaison que vous faites, avec le prêtre, met bien en évidence la différence entre le travail et le service. Hegel a d’ailleurs décrit cela de manière magistrale dans ses Principes de la philosophie du droit (paragraphe 294) où il montre pourquoi le fonctionnaire ne saurait être un simple employé de l’Etat. Ce texte, je dois le dire, m’a beaucoup marqué et a joué un rôle dans ma volonté de servir l’Etat.]

      Je vois qu’on a les mêmes références… !

      [D’ailleurs c’est justement pour cette raison, étant donné le rapport particulier entre les fonctionnaires et l’Etat, qui ne doit pas être un « rapport de production » au sens de Marx, que je suis également très réticent sur le principe au droit syndical dans la fonction publique. Dans certaines administrations d’ailleurs (je pense à la police et à la justice) des syndicats politisés posent un véritable problème quant à l’impartialité de l’Etat, sans même parler du scandaleux système clientéliste de gestion des carrières en fonction des appartenances syndicales qu’on peut trouver dans la police.]

      Je suis d’accord sur le constat. Il y a un dévoiement syndical dans certains corps, dérives qui vont jusqu’à exiger que le service soit organisé en fonction des besoins des fonctionnaires, et non des usagers. Pensez à l’éducation nationale…

      La difficulté est que ce système est le pire qui soit… à l’exception de tous les autres. La logique de « service » dont vous parlez plus haut n’est possible que si l’agent public est encadré par une institution qui se soucie de ses intérêts matériels et moraux, et d’abord de sa dignité. Or, depuis plus de trente ans l’Etat est de plus en plus défaillant dans ces aspects. La question n’est pas seulement matérielle. On peut – et historiquement on l’a fait – baisser les rémunérations matérielles des fonctionnaires par rapport au privé, à condition de compenser la différence par une rémunération symbolique. Or on se trouve aujourd’hui dans une situation ou on refuse aux agents publics et le matériel, et le symbolique. Côté matériel, on bloque le point d’indice, on rogne sur la surface des bureaux, sur le mobilier, sur l’équipement. On travaille avec des matériels informatiques antédiluviens, avec des logiciels « libres » pleins de bugs, policiers et gendarmes sont de plus en plus obligés d’acheter leur équipement spécifique, tant celui qui fait partie de la dotation est insuffisant ou mal adapté, et chaque fois qu’on part en mission on est de sa poche. Côté symbolique, on se trouve soumis à une pluie médiatique qui assimile les agents publics à des fainéants, des parasites, des planqués, sans que les ministres, en théorie chefs des administrations, ne s’en émeuvent. La créativité, l’innovation, la prise de risque c’est par définition la chose du privé. A chaque budget, on supprime des postes – façon de dire que le travail des gens qui les occupaient ne servaient à rien. A chaque déménagement, on quitte les « palais de la République » pour travailler dans des bâtiments sans âme, sans caractère. Et je ne vous parle même pas du « prestige de l’uniforme »…

      Dans ces conditions, si vous enlevez aux agents publics la possibilité de se syndiquer et aux syndicats de se « politiser », quelle alternative leur offrez-vous pour faire valoir leurs droits ? Le recours systématique devant les tribunaux administratifs ?

      [Mais du coup concernant ces mécanismes alternatifs qui permettent aux agents de faire valoir leurs intérêts, pensez-vous à des instances comme le Conseil supérieur de la fonction militaire par exemple ?]

      C’était une tentative. Rétrospectivement, le résultat sans être nul est plutôt médiocre. Peut-être pourrait-on l’améliorer ? J’avoue que je ne suis pas un expert de la question. Mais dans ma longue vie d’agent public, j’ai vu pas mal de situations qui n’avaient pas de règlement possible en dehors d’une action collective – et donc syndicale.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Ma question était : Quelle efficacité économique maximale alors ? Lorsque l’Etat pressé par ses besoins de trésorerie empoche les bénéfices, vend les bijoux de famille, est-il un acteur « vertueux » ?]

      Aucun acteur n’est « vertueux » en économie. Chacun poursuit sont intérêt. On voit de plus en plus souvent des actionnaires financiers privés démanteler une entreprise et vendre les bijoux de famille poursuivant un gain important à court terme. De ce point de vue, l’Etat n’est ni plus ni moins « vertueux » que peut l’être un actionnaire privé. Simplement, ses objectifs sont différents.

    • BJ dit :

      [policiers et gendarmes sont de plus en plus obligés d’acheter leur équipement spécifique, tant celui qui fait partie de la dotation est insuffisant ou mal adapté]

      Cela me rappelle une anecdote qui m’est arrivée pas plus tard qu’il y a deux jours

      Je me suis fait arrêter par des gendarmes motards pour excès de vitesse. Oui, je sais, c’est pas bien;-)

      En dehors du fait que j’ai été agréablement surpris de tomber sur un gendarme courtois qui m’a évité le couplet moralisateur ou culpabilisant auquel on a droit trop souvent, j’ai été intrigué par leurs motos.

      Il y avait deux motos habituelles de la gendarmerie (bleues, avec antenne, gyrophare, carénage etc), et une moto du commerce standard (gris métallisé, sans antenne, gyrophare ni carénage).
      Je n’ai pas résisté à faire part de ma surprise, et on m’a expliqué qu’il y avait des moto de gendarmerie banalisées. Je n’ai pas voulu creuser plus loin, ma situation ne me le permettait pas. (il valait mieux faire profil bas;-) N’empêche que cette moto « banalisée » ressemblait furieusement à la moto personnelle d’un des gendarmes.

      Puis tout d’un coup, l’un des gendarmes enfourche cette moto et par à la poursuite d’un autre délinquant de la route.
      Et de m’imaginer poursuivi et rattrapé par une moto on ne peut plus banale, avec dessus un type armé et casqué m’enjoignant de m’arrêter sur le bas côté. Je ne sais pas si je n’aurais pas eu la peur de ma vie en croyant à une agression d’un malfrat quelconque…

    • morel dit :

      « Aucun acteur n’est « vertueux » en économie. Chacun poursuit son intérêt. On voit de plus en plus souvent des actionnaires financiers privés démanteler une entreprise et vendre les bijoux de famille poursuivant un gain important à court terme. De ce point de vue, l’Etat n’est ni plus ni moins « vertueux » que peut l’être un actionnaire privé. Simplement, ses objectifs sont différents. »

      Et…nous sommes bien d’accord. L’utilisation que j’ai faite de l’adjectif « vertueux » voulait répondre sans aucune malice à cet autre « naturel » s’agissant du monopole. Terminologie datée, non rigoureuse.
      Admettez que mon insistance sur le contexte « politico-économique n’était pas infondée, contexte dans lequel on voit l’administration, la fonction et le service public de plus en plus alignés sur l’économie marchande. L’usager devient client, les agents, des « ressources humaines » gérées par un DRH etc.

      Si je « tique » à votre partage : EDF nécessairement service public national, Télécoms nécessairement soumis à la concurrence, du moins au-delà du réseau (je vous remercie de rectifier si mon interprétation est erronée) c’est que le « bing bang » en matière de télécoms a commencé aux USA avec le démantèlement d’ATT sous le motif de la loi « anti-trust ».
      Rappelons que c’est sous la présidence Reagan , débutée par la bras de fer avec les contrôleurs aériens qui aboutira à leur licenciement qu’intervient ce démantèlement. Faut-il préciser qu’il fût un champion de la guerre froide et que la tranche supérieure des impôts a été ramenée de 70 à 50 %, Medicaid en baisse aussi etc.
      Dans ces conditions aucune discussion n’a eu lieu pour savoir si la situation nécessitait un renouvèlement des doctrines de réglementation. On « découvrait » opportunément le trust et la loi idoine devait s’appliquer.
      Le relais a été pris en Europe par l’allié « naturel » qui avait élu M. Thatcher de la même obédience.
      Puis l’UE a assumé le relais avec ses directives dont la fameuse « orientation des tarifs sur les coûts » du très néo- libéral commissaire à la concurrence sir Léon Brittan voulant mettre un point final à la légitime péréquation tarifaire d’un service public républicain.
      Passons sur la réglementation où, à chaque pas, « l’opérateur dominant » doit s’effacer pour faire place à la « concurrence », cet opérateur doit complaisamment offrir ses alvéoles aux concurrents, le dégroupage obligatoire de son réseau…(application curieuse de la doctrine de « concurrence libre et non faussée »).

      Concernant la partie dite commerciale : abonnements, tarifs, gestion … , on peut s’interroger si elle est si simplement séparable du reste (on a vu que l’Etat a su jouer de ces paramètres pour construire un réseau moderne).
      Si l’on souscrit à cela, alors pourquoi pas en faire de même avec EDF (séparation production/commercialisation) ?
      Une réponse courante consiste à invoquer la révolution numérique mais celle-ci est largement une création extérieure au secteur à proprement parler et le secteur s’est toujours enrichit d’innovations techniques.
      J’avoue que toutes les explications ne m’ont pas convaincu.

    • Descartes dit :

      @ BJ

      [N’empêche que cette moto « banalisée » ressemblait furieusement à la moto personnelle d’un des gendarmes.]

      Ça ne m’étonne qu’à moitié. Je ne compte pas les cas d’agents publics qui utilisent des portables personnels – c’est mon cas – pour pallier à l’insuffisance ou à l’obsolescence du matériel fourni, qui utilisent leur véhicule personnel plutôt que la voiture de service qui n’existe plus…

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Si je « tique » à votre partage : EDF nécessairement service public national, Télécoms nécessairement soumis à la concurrence, du moins au-delà du réseau (je vous remercie de rectifier si mon interprétation est erronée) c’est que le « bing bang » en matière de télécoms a commencé aux USA avec le démantèlement d’ATT sous le motif de la loi « anti-trust ».]

      Ce n’est pas tout à fait mon point. Les dynamiques de développement des Telecom sont très différentes de celles du réseau électrique, tout comme sont différentes les contraintes. Dans les télécoms, il y a toute une panoplie de services associés au « tuyau » : répondeur téléphonique, transfert d’appel, lignes groupées, etc. Dans le cas de l’électricité, il n’y a pas ce foisonnement : tout ce que nous demandons à notre abonnement électrique, c’est que la lumière soit quand on touche l’interrupteur. Il n’y a pas une électricité plus « riche en contenus » qu’une autre. C’est pourquoi on peut imaginer une économie d’entreprises télécom qui vendraient ces services tout en utilisant une infrastructure publique pour faire circuler leurs appels. En électricité, cette économie serait réduite à sa plus simple expression, sans que cela apporte une quelconque plus-value.

  8. François dit :

    Bonsoir

    Vous marquez le déclin d’EDF à partir de 2000 avec l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité, j’aurais tendance à le faire remonter trois ans plus tôt avec l’arrêt de Superphénix. S’il est vrai qu’EDF n’a jamais porté ce projet dans son cœur.

    Autrement, la loi NOME est normalement censé être un terrible constat d’échec pour la commission européenne : cela veut dire qu’aucun opérateur privé n’est capable de vendre de l’électricité à des tarifs plus compétitifs qu’EDF. Au fond, c’est comme l’obligation faite à l’ex France Télécom de faire de l’itinérance pour free. Ces lois sont authentiquement anti-libérale, car da

    • François dit :

      @Descartes,

      Désolé pour la fausse manipulation, le fait que l’espace pour remplir les coordonnées soit avant l’espace pour le commentaire, incite à remplir ce premier d’abord. Aussi il n’y pas de retour en arrière en cas de fausse manipulation avec les coordonnées de remplies.

    • Descartes dit :

      @ François

      Pas grave…

  9. Antoine dit :

    Bonsoir Descartes,

    Merci beaucoup pour cet article ! Vraiment très intéressant… Et, à lire la chanson que vous avez citée en annexe, je me rends compte à quel point l’époque a changé : sur le rapport à la technique, au métier, à l’action humaine face aux forces de la nature. Pour moi qui suis né dans les années 70, ce genre de choses est malheureusement difficile à imaginer (même si, dans les années 80, tout n’était peut-être pas si noir… je me souviens avoir lu enfant un petit livre illustré sur l’énergie nucléaire qui était intéressant et pas du tout marqué par la vulgate militante ou l’hystérie sécuritaire).

    Est-ce que vous auriez un peu de temps à consacrer à quelques explications détaillées à propos de deux sujets dont on parle en ce moment : 1) le “grand carénage” 2) le démantèlement progressif des vieilles centrales ? Evidemment, je suis conscient que je vous demande ici du travail “gratuit” (ou, plutôt, gracieux, car rien n’est jamais gratuit). Ou alors, simplement des liens vers des textes relativement objectifs.

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [Merci beaucoup pour cet article ! Vraiment très intéressant… Et, à lire la chanson que vous avez citée en annexe, je me rends compte à quel point l’époque a changé : sur le rapport à la technique, au métier, à l’action humaine face aux forces de la nature. Pour moi qui suis né dans les années 70, ce genre de choses est malheureusement difficile à imaginer (…)]

      En effet… il est difficile pour ceux qui ont moins de cinquante ans d’imaginer qu’il ait existé un autre monde, moins cynique, moins individualiste, et surtout moins pleurnichard. Avant les années 1980, les jeunes ne se voyaient pas comme les victimes impuissantes d’un sort funeste, mais au contraire comme des acteurs libres de leurs choix. Ils ne voyaient pas la société comme un frein à leur épanouissement, mais au contraire comme un support pour réaliser leurs projets. Et je ne parle pas des enfants des classes moyennes dorées, mais aussi – comme le montrent les chansons que j’ai cité – les jeunes des couches populaires qui allaient dans des institutions qui équivalent à nos lycées professionnels pour devenir « des parfaits gaziers » et électriciens.

      L’hystérie « victimiste » apparaît à la fin des années 1960. Sa « première pierre » symbolique est posée en mai 1968, quand une jeunesse dorée se pose pour la première fois en victime de la société, et déclare qu’un projet individuel ne peut se construire que contre les institutions. C’est là qu’apparaît l’image du « rebelle », de « l’insolent », de « l’insoumis » comme figure désirable. Les gentils jeunes qui chantaient ces hymnes sont devenus en quelques années des affreux conformistes, aliénés à la société et au travail, qu’il était urgent de déniaiser en leur montrant combien ils devaient haïr leur condition. Ainsi, on a convaincu une génération que 1) elle était victime et 2) elle était impuissante. C’est de cette idéologie que nous héritons aujourd’hui, lorsque dans nos écoles on répète aux enfants des couches populaires que de toute façon « ils finiront chômeurs ».

      [Est-ce que vous auriez un peu de temps à consacrer à quelques explications détaillées à propos de deux sujets dont on parle en ce moment : 1) le “grand carénage” 2) le démantèlement progressif des vieilles centrales ? Evidemment, je suis conscient que je vous demande ici du travail “gratuit” (ou, plutôt, gracieux, car rien n’est jamais gratuit).]

      Vous en faites pas, j’ai quelques minutes :

      1) Le « grand carénage » d’abord. Depuis que les réacteurs nucléaires ont été construits, les normes en matière de sécurité industrielle et de sûreté nucléaire ont changé. Même si des travaux de mise aux normes ont été effectués au cours des visites annuelles ou décennales, il est bon de temps en temps de remettre les choses à plat. Par ailleurs, lors de la conception des réacteurs la durée d’exploitation de 40 ans avait été prise comme référence. Aujourd’hui, on découvre que grâce aux marges prises à l’époque certains composants difficilement remplaçables (comme la cuve du réacteur) peuvent aller bien plus loin, et que d’autres qu’on pensait impossibles à remplacer (comme les générateurs de vapeur) sont finalement remplaçables à un coût économique raisonnable. Au fur et à mesure que les réacteurs atteignent 40 ans d’age, il sera intéressant de réaliser les travaux nécessaires pour pouvoir étendre la durée de vie à 50 voire 60 ans. Le « grand carénage » est le programme de travaux prévu par EDF à cette fin. Cela revient à dépenser autour de 1Md€ par réacteur pour gagner entre dix et vingt ans d’exploitation, ce qui est drôlement rentable…

      2) Le démantèlement progressif des vieilles centrales : pour le moment, et en dehors des installations nucléaires de recherche, il y a neuf réacteurs électronucléaires définitivement arrêtés et en cours de démantèlement : Un réacteur à eau lourde (Brennilis), six réacteurs graphite/gaz (Chinon, St Laurent des Eaux, Bugey), un réacteur à neutrons rapides (Superphénix), et un réacteur a eau pressurisée, similaire aux réacteurs du parc EDF (Chooz A). De toutes ces installations, c’est le dernier qui est le plus avancé – le démantèlement est virtuellement terminé. Cela s’explique par le fait que c’est une installation « industrielle », reproduite à des dizaines d’exemplaires dans le monde et pour laquelle il est donc rentable de développer des outils et des procédés. Brennilis, outre le fait qu’il s’agit d’une installation unique dans son genre, fait l’objet depuis des décennies d’une guérilla judiciaire par des antinucléaires qui a beaucoup ralenti le processus. Pour ce qui concerne le graphite/gaz, le démantèlement ne présente pas des difficultés particulières, le seul problème est la construction d’un stockage réservé au graphite radifère, qui du fait qu’il s’agit d’un combustible présente des difficultés particulières. Et finalement, en ce qui concerne Superphénix le démantèlement avance conformément aux plans.

  10. François dit :

    Dans votre billet, vous faite remonter les difficultés d’EDF au début des années 2000. J’aurais tendance à les faire remonter à l’année 1997 avec l’arrêt prématuré de Superphénix suite aux pressions des écologistes. Si EDF n’a jamais vraiment porté ce projet dans son cœur (plus une réalisation du CEA comme la filière UNGG), cela marque le début du renoncement à toute ambition technologique et donc de modernisation de l’outil de production comme cela a été fait avec le plan Messmer. Avec la filière RNR, la France aurait été indépendante énergétiquement pendant plusieurs millénaires.

    Autrement, la loi NOME aurait du être perçu comme un terrible aveu d’échec pour la commission européenne. Car cette loi signifie qu’aucun opérateur privé n’est capable de produire de l’électricité à des tarifs plus compétitifs qu’EDF. Même ENGIE, qui pourtant possède un savoir faire dans le nucléaire avec sa filiale Electrabel n’a pas pris le risque de construire une centrale nucléaire en France. C’est comme l’ex France Télécom qui est obligé de faire de l’itinérance pour free. Ces lois au fond sont authentiquement anti libérales car elles ne visent pas à sanctionner un abus de position dominante, mais à sanctionner une réussite. Il est vrai toutefois que le concept de monopôle naturel est quelque chose de complètement étranger pour la commission européenne. Nous avons à faire à de purs idéologues prétendent être des technocrates (au sens noble du terme).

    Plus généralement, je crois que le déclin de l’industrie française est la combinaison de deux facteurs : un principe de précaution exacerbé et la privatisation des entreprises stratégiques.
    Le principe de précaution a bridé toute innovation technologique, on le voit avec les OGM où la France est complètement dépassée alors qu’elle était un pionnier dans ce domaine, où bien les vingts ans d’avance technologique de perdus avec l’arrêt de Superphénix.
    La privatisation quant à elle a affaibli les grand industries françaises. On peut d’une part le voir avec le scandaleux démantèlement de la compagnie générale d’électricité, dont les des derniers soubresauts sont le passage d’Alcatel et de la branche énergie d’Alsthom sous pavillon étranger. D’ailleurs notre souveraineté commence à le payer quand on voit le bras de fer engagé en ce moment entre EDF et GE. Concernant les difficultés à l’export de l’industrie électronucléaire, elles tiennent au fait qu’EDF et Areva n’ont pas de banque qui les aide à financer les réalisations à l’étranger, comme cela peut être le cas pour les Russes et les Chinois.
    Il est désolant de voir des individus comme Édouard Balladur et Alain Juppé, qui ont commencé leur carrière où le capitalisme d’état triomphait le démanteler quelques décennies après. D’ailleurs les libéraux sont ridicules quand ils lancent l’inepte aphorisme selon lequel, seul le privé peut créer de la richesse. Lors d’un débat, Gaspard Kœnig a affirmé que l’ordiphone est un produit de l’initiative privée, ce qui est en très grande partie faux : le système de géolocalisation est une application militaire rendue civile (GPS) et les progrès réalisés dans le domaine des écrans tactiles ainsi que le système hyper texte WWW ont été réalisés au CERN. Autant de choses qu’une entreprise de communication est incapable de réaliser.

    Pour compléter votre remarque du début, si EDF a été construite sur des gens de droite en s’appuyant sur des syndicalistes communiste, c’est que si leurs finalités n’étaient pas les mêmes, les moyens pour y arriver eux par contre étaient similaires. Pour caricaturer un peu, nous pouvons dire qu’ils étaient l’avers et le revers d’une même médaille où le collectif prime, tandis que le P”S” et l’ex UMP sont l’avers et le revers d’une même médaille ou l’individu prime, le P”S” étant plutôt libertaire et l’ex UMP plutôt libérale.

    Concernant le principe de précaution, je ne peux que recommander cet excellent billet de Jean de Kervasdoué : http://www.marianne.net/elie-pense/les-francais-ne-croient-plus-au-progres-100243108.html

    Commentaire annexe mais pour revenir à Macron, les jets d’œufs qu’il a reçu aujourd’hui me semblent en grande partie justifiés. Inaugurer les timbres commémorant le 80ème anniversaire du Front Populaire est une pure tentative de récupération quand on connaît son programme économique. S’il avait participé à un débat portant sur le programme et l’héritage du Front Populaire, alors ces agissements auraient été condamnables.

    • Descartes dit :

      @ François

      [Dans votre billet, vous faite remonter les difficultés d’EDF au début des années 2000. J’aurais tendance à les faire remonter à l’année 1997 avec l’arrêt prématuré de Superphénix suite aux pressions des écologistes. Si EDF n’a jamais vraiment porté ce projet dans son cœur (plus une réalisation du CEA comme la filière UNGG), cela marque le début du renoncement à toute ambition technologique et donc de modernisation de l’outil de production comme cela a été fait avec le plan Messmer. Avec la filière RNR, la France aurait été indépendante énergétiquement pendant plusieurs millénaires.]

      Je ne crois pas qu’on puisse parler de « déclin d’EDF » à propos de Superphénix. EDF n’a jamais vraiment voulu de ce projet. C’est normal : dans un domaine industriel ou l’on investit à très long terme, les industriels tendent à être conservateurs et à rechercher les technologies éprouvées. Superphénix était le prototype d’une technologie compliquée, et son modèle économique reposait sur l’hypothèse que l’énergie resterait chère et deviendrait de plus en plus chère au fur et à mesure que les réserves en hydrocarbures s’épuiseraient. Si ces éléments avaient séduit le gouvernement, EDF était beaucoup plus réservée. Le pouvoir politique a tranché pour la construction de Superphénix, et EDF s’est donc exécuté au mieux de ses capacités, mais sans enthousiasme. Et la fermeture de Superphénix n’a pas été vécue dans la maison comme une catastrophe, sauf pour ceux qui s’étaient engagés dans le projet.

      A chacun son rôle : EDF est un électricien. Et comme tous les industriels qui opèrent dans les domaines où on investit à très long terme, les électriciens tendent à être conservateurs et à préférer les technologies établies et éprouvées. C’est à l’Etat, et à des institutions comme le CEA, de bousculer de temps en temps EDF. Les hypothèses économiques qui justifiaient les RNR ne se sont pas encore réalisées, et il ne serait pas rationnel de construire aujourd’hui des réacteurs de ce type industriellement. Par contre, il faut conserver la maîtrise de cette technologie pour le jour où… et c’est pourquoi il est regrettable de ne pas disposer de prototype aujourd’hui, après la fermeture de Phénix et de Superphénix. Peut-être arrivera-t-on à faire décoller le projet ASTRID ?

      Par contre, je vous suis sur le fait que la fermeture de Superphénix décidée d’un trait de plume pour pouvoir sceller un accord électoral marque un changement important. Pour la première fois sous la Vème République un Premier ministre sacrifie un choix fondamental de politique industrielle et énergétique à une « combinazione » électorale. Un tel précédent ne peut qu’affaiblir l’ensemble des institutions comme EDF ou la SNCF.

      [Autrement, la loi NOME aurait du être perçu comme un terrible aveu d’échec pour la commission européenne. Car cette loi signifie qu’aucun opérateur privé n’est capable de produire de l’électricité à des tarifs plus compétitifs qu’EDF. Même ENGIE, qui pourtant possède un savoir faire dans le nucléaire avec sa filiale Electrabel n’a pas pris le risque de construire une centrale nucléaire en France.]

      Je ne pense pas qu’on puisse tirer les conclusions que vous en tirez. EDF bénéficie d’un privilège d’antériorité qui lui donne un pouvoir de marché énorme. Aucun opérateur privé ne peut attendre les longues années qu’il lui faudrait pour se bâtir un parc capable de concurrencer celui d’EDF, même s’il en était capable. Et d’ailleurs, étant donné notre croissance atone, il n’y a pas de place pour de nouvelles installations de production. Dès lors qu’on veut bâtir un marché, il n’y avait qu’un choix : il fallait découper le parc EDF en plusieurs petites entités en concurrence sur le marché. En pratique, le dispositif de la loi NOME « découpe » le parc virtuellement : celui-ci reste exploité par EDF, mais l’électricité est vendue à prix coûtant, ce qui permet aux autres distributeurs de « faire comme si » ils avaient une unité de production à leur disposition.

      [Plus généralement, je crois que le déclin de l’industrie française est la combinaison de deux facteurs : un principe de précaution exacerbé et la privatisation des entreprises stratégiques. Le principe de précaution a bridé toute innovation technologique, on le voit avec les OGM où la France est complètement dépassée alors qu’elle était un pionnier dans ce domaine, où bien les vingts ans d’avance technologique de perdus avec l’arrêt de Superphénix.]

      Oui, tout à fait.

      [La privatisation quant à elle a affaibli les grand industries françaises. On peut d’une part le voir avec le scandaleux démantèlement de la compagnie générale d’électricité, dont les des derniers soubresauts sont le passage d’Alcatel et de la branche énergie d’Alsthom sous pavillon étranger.]

      Là encore, je suis d’accord. Cette privatisation fait partie d’un effort pour nous couler dans un moule « libéral » qui ne correspond ni à notre tradition, ni à notre culture, ni à notre mentalité. Si depuis des siècles, et contrairement à ce qui se passe dans le monde anglo-saxon, c’est l’Etat en France qui tire le développement industriel et technologique par son investissement, par ses commandes, par le contrôle de secteurs industriels entiers, ce n’est pas par hasard. Ce n’est pas la faute de l’Etat si nos patrons n’aiment pas prendre des risques et qu’ils courent s’abriter derrière l’Etat dès qu’ils ont un problème. Cela tient à une organisation très profonde de notre société. Chercher à fonctionner comme les autres alors que ni notre culture, ni notre histoire ne nous préparent, c’est s’imposer un énorme handicap.

      [Concernant les difficultés à l’export de l’industrie électronucléaire, elles tiennent au fait qu’EDF et Areva n’ont pas de banque qui les aide à financer les réalisations à l’étranger, comme cela peut être le cas pour les Russes et les Chinois.]

      En partie. Mais c’est aussi le fait que notre marché intérieur est trop petit pour fournir une « base » suffisante aux activités industrielles, d’autant plus que les règles européennes ne nous permettent pas de sécuriser le fait que ce marché aille à nos entreprises, comme c’est le cas dans des pays aussi « libéraux » – en façade – que les Etats-Unis.

      [D’ailleurs les libéraux sont ridicules quand ils lancent l’inepte aphorisme selon lequel, seul le privé peut créer de la richesse. Lors d’un débat, Gaspard Kœnig a affirmé que l’ordiphone est un produit de l’initiative privée, ce qui est en très grande partie faux : le système de géolocalisation est une application militaire rendue civile (GPS) et les progrès réalisés dans le domaine des écrans tactiles ainsi que le système hyper texte WWW ont été réalisés au CERN. Autant de choses qu’une entreprise de communication est incapable de réaliser.]

      Tout à fait. Et ce n’est pas par hasard si les pays les plus « innovants » sont aussi les plus protectionnistes. Les libéraux donnent toujours en exemple les Etats-Unis, mais ils oublient d’une part que ce pays est ouvertement protectionniste – la « buy american act » n’est qu’un exemple, mais il y en a beaucoup d’autres – et surtout que les produits innovants de l’industrie américaine doivent beaucoup aux énormes programmes de recherche et développement financés à travers du ministère de la Défense. Internet a peut-être été développé par un laboratoire nominalement privé, mais sur des crédits – et avec une planification – publique.

      [Pour compléter votre remarque du début, si EDF a été construite sur des gens de droite en s’appuyant sur des syndicalistes communiste, c’est que si leurs finalités n’étaient pas les mêmes, les moyens pour y arriver eux par contre étaient similaires.]

      Je ne le crois pas, justement. Ce qui m’a frappé, c’est au delà des discours violemment opposés, la vision que les militants communistes et les cadres « de droite » d’EDF avaient de la société et de ses valeurs était assez convergente. Je crois que la devise positiviste « ordre et progrès » est peut-être la meilleure description de cette vision.

      [Concernant le principe de précaution, je ne peux que recommander cet excellent billet de Jean de Kervasdoué : http://www.marianne.net/elie-pense/les-francais-ne-croient-plus-au-progres-100243108.html%5D

      Excellent, comme presque tout ce qu’écrit De Kervasdoué.

    • Ifig dit :

      @François – la question, c’est la nature des artefacts techniques à construire. Quand il faut construire un réseau optimisé sur un pays, avec un temps de cycle de l’innovation de l’ordre de la dizaine d’années, les organisations type EDF ou France Télécom vont très bien marcher. Ou bien AT&T, qui était parfaitement privée… Quand il faut réagir à des innovations, ou sortir des innovations, des structures plus agiles peuvent tout bouleverser sans avoir à porter le poids d’énormes investissements. C’est l’informatisation de la société qui permet ça. C’est bien sûr beaucoup moins vrai dans le monde de la production d’énergie.

  11. Ifig dit :

    Bon article, comme souvent avec Descartes. Je trouve particulièrement bien trouvée la présentation de EDF comme une entreprise soviétique et la présentation des éléments culturels qui le prouvent. Le chant des gaziers, c’est quelque chose!
    Maintenant, comme souvent, je trouve que tu ne vas pas assez loin dans l’analyse, Descartes. Est-ce qu’on peut avoir aujourd’hui une entreprise soviétique dans une société démocratique ou chacun, pour le meilleur et pour le pire, s’estime aussi expert que les vrais experts? Malheureusement peut-être, non. Il faut que EDF gagne le soutien et l’adhésion de chacun par la persuasion, pas juste en disant “nous on sait, faites ce qu’on vous dit.” Pour le meilleur ou pour le pire, ces jours où l’argument d’autorité suffisait sont partis.
    A noter qu’EDF a d’ailleurs d’excellents arguments autour du changement climatique. Mais par contre, cela demande par exemple un respect scrupuleux de l’ASN et de son indépendance. A noter aussi la remontrance de Sylvestre Huet à Mélenchon sur le fait qu’il dise n’importe quoi sur la transition énergétique: http://huet.blog.lemonde.fr/2016/06/07/jean-luc-melenchon-je-tecris-une-lettre/

    • Descartes dit :

      @ Ifig

      [Le chant des gaziers, c’est quelque chose!]

      N’est ce pas ? On y retrouve beaucoup d’éléments qui ne sont pas purement « soviétiques », mais qui caractérisent une époque : l’amour de son pays, l’intégration du projet personnel dans un projet collectif, la vision des institutions non pas comme une menace, mais comme une aide dans la réalisation de ce projet, la confiance dans la technique… de ce point de vue, on peut le rapprocher de chansons populaires comme « allons au devant de la vie » (composée par Jeanne Perret sur une musique de D. Chostakovitch) :

      Ma blonde, entends-tu dans la ville
      Siffler les fabriques et les trains ?
      Allons au-devant de la bise
      Allons au-devant du matin

      Refrain
      Debout, ma blonde ! chantons au vent !
      Debout, amis !
      Il va vers le soleil levant
      Notre pays !

      La joie te réveille, ma blonde
      Allons nous unir à ce chœur
      Marchons vers la gloire et le monde
      Marchons au-devant du bonheur.

      Refrain

      Et nous saluerons la brigade
      Et nous sourirons aux amis
      Mettons, en commun, camarades
      Nos plans, nos travaux, nos soucis

      Refrain

      Dans leur triomphante allégresse
      Les jeunes s’élancent en chantant
      Bientôt une nouvelle jeunesse
      Viendra au-devant de nos rangs

      Refrain

      Amis, l’univers nous envie
      Nos cœurs sont plus clairs que le jour
      Allons au-devant de la vie
      Allons au-devant de l’amour.

      [Est-ce qu’on peut avoir aujourd’hui une entreprise soviétique dans une société démocratique ou chacun, pour le meilleur et pour le pire, s’estime aussi expert que les vrais experts?] Malheureusement peut-être, non.]

      Peut-être. Mais comme disait je ne sais plus qui, « il est des batailles qu’on s’honore à perdre ». Peut-être que le sort d’EDF est scellé, et que le combat est vain. Dans ce cas, notre devoir sera de garder la mémoire et d’expliquer aux générations qui viennent que cela était possible.

      [Il faut que EDF gagne le soutien et l’adhésion de chacun par la persuasion, pas juste en disant “nous on sait, faites ce qu’on vous dit.” Pour le meilleur ou pour le pire, ces jours où l’argument d’autorité suffisait sont partis.]

      Je suis très loin d’être persuadé. L’immense majorité des gens sont convaincus que le réchauffement climatique est du aux activités humaines. Pourquoi le croient-ils ? Parce qu’ils ont lu et compris les rapports des scientifiques ? Parce qu’ils ont examiné eux-mêmes les résultats des mesures et des expériences ? Non, bien sur que non. Ils le croient parce que des personnages en position d’autorité morale – genre Nicolas Hulot – le répètent. L’argument d’autorité marche aussi bien, sinon plus, qu’hier. Seulement, l’autorité ne réside plus au même endroit. Hier, c’était chez les élites techniques, aujourd’hui chez les élites médiatiques.

      Par ailleurs, je crois moins que vous aux vertus de la « persuasion ». Le premier moteur de la croyance c’est l’intérêt. Les gens croient d’abord ce qu’ils ont intérêt à croire. C’est d’ailleurs pour cela que les croyances ne sont pas les mêmes dans toutes les couches sociales…

      [A noter aussi la remontrance de Sylvestre Huet à Mélenchon sur le fait qu’il dise n’importe quoi sur la transition énergétique :]

      Huet ne fait que dire ce que j’ai dit et écrit mille fois à Mélenchon. Sans aucun succès.

    • Ifig dit :

      Une autre manière de voir les choses: quand Merkel (qui a un doctorat en physique, donc n’est pas suspecte de ne rien comprendre au sujet) décide d’arrêter le nucléaire, l’argument qu’elle met en avant est un argument politique. Elle reconnaît qu’un accident nucléaire est toujours possible, même si très improbable, et qu’elle ne peut pas assumer devant ses concitoyens ce risque. C’est à comparer avec l’attitude de Messmer qui décide seul de doubler le plan déjà ambitieux que la direction d’EDF lui propose (je ne sais plus où j’ai lu ça, ici peut-être?) sans trop de débats préalables. Je pense que la décision de Messmer est au final meilleure que celle de Merkel, mais ce côté décision solitaire, sans prise en compte du retour de la société n’est plus possible a

      Un point faible aussi de l’offre nucléaire, c’est la trop grande concentration de la production. Certes, cela a des intérêts de mutualisation. Mais par contre, pour la résilience, c’est une faiblesse. Imagine qu’on se rende compte a posteriori qu’il faille changer une pièce critique dans tout un ensemble de centrales pour des raisons de mauvaise conception ou fabrication. Comment on fait concrètement?

      Là où on se retrouvera, c’est pour dire que l’intérêt ou les inconvénients du nucléaire doivent être jugés rationnellement, ce que ne font pas la grande majorité de ses opposants.

    • Descartes dit :

      @ Ifig

      [Une autre manière de voir les choses: quand Merkel (qui a un doctorat en physique, donc n’est pas suspecte de ne rien comprendre au sujet) décide d’arrêter le nucléaire, l’argument qu’elle met en avant est un argument politique. Elle reconnaît qu’un accident nucléaire est toujours possible, même si très improbable, et qu’elle ne peut pas assumer devant ses concitoyens ce risque. C’est à comparer avec l’attitude de Messmer qui décide seul de doubler le plan déjà ambitieux que la direction d’EDF lui propose (je ne sais plus où j’ai lu ça, ici peut-être?) sans trop de débats préalables. Je pense que la décision de Messmer est au final meilleure que celle de Merkel, mais ce côté décision solitaire, sans prise en compte du retour de la société n’est plus possible]

      Il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles. Surtout les français, d’ailleurs. Lorsque les hommes politiques prennent une décision, cette décision est publique, elle est connue de tous, et les gens ont beaucoup de moyens de faire connaître leur mécontentement, que ce soit dans le débat public, en faisant pression sur leurs élus ou en manifestant dans la rue. Les politiques ne prennent donc pas des décisions déconnectées de leur perception de ce que leur peuple – et leur électorat – veut. Lorsque Merkel prend sa décision, elle sait qu’elle prend une décision qui sera soutenue par l’opinion. Et même chose pour Messmer.

      Il y a une mythologie qui veut nous faire croire que dans la politique « d’avant » les hommes politiques prenaient des décisions « solitaires », déconnectées du « retour de la société ». C’est parfaitement faux : du temps de Messmer, les partis politiques, les élus parlementaires, les institutions savantes jouaient parfaitement leur rôle, celui de relais entre la société et le gouvernant. C’est par ces canaux-là que passait le « retour de la société ». L’analyse des systèmes institutionnels ne peut pas s’arrêter à la lettre de la Constitution. Il doit aussi regarder l’esprit et surtout le fonctionnement réel des institutions. Pierre Messmer n’était pas « solitaire » pour prendre ses décisions : il avait avec lui un parti politique qui plongeait ses racines profondément dans la société et des élus de la majorité qui faisaient remonter jusqu’à lui les débats et les demandes de leurs électeurs. Et en face, il avait un bloc d’opposition qui, lui aussi, plongeait ses racines et remontait les mécontentements. La décision de 1974 n’a effectivement pas été débattue au Parlement. Mais en même temps, personne n’a demandé ce débat, tout simplement parce que la décision faisait consensus. Le fait qu’elle n’ai suscité guère d’opposition montre que le gouvernement de l’époque avait une perception assez claire de ce que l’opinion était ou non prête à accepter.

      L’insistance actuelle sur la « participation de la société civile », la « démocratie participative » et autres balivernes – et si je dis « balivernes », c’est parce que j’attends toujours que quelqu’un me montre un seul exemple ou ces procédures aient permis d’améliorer la décision publique – tient à l’affaiblissement des relais qu’étaient les partis, les syndicats, les institutions du fait de la mainmise absolue des « classes moyennes » sur le champ politique. Nous avons aujourd’hui – et on en voit quotidiennement la preuve – une élite politico-médiatique si coupée du peuple qu’elle a besoin de faire continuellement des sondages pour savoir ce que les gens pensent. La légitimité du politique se trouve essentiellement là : dans sa capacité à représenter effectivement les aspirations, les désirs, les craintes de leurs concitoyens. Et c’est parce qu’ils n’en sont pas capables que nos politiques aujourd’hui vont se chercher une légitimité dans la « participation de la société civile ».

      Posez-vous la question : comment faisait-on de la politique avant l’invention des sondages ? Comment faisaient Clemenceau ou De Gaulle pour anticiper la réaction populaire à leurs propositions ? En répondant, vous comprendrez pourquoi ce que Messmer a fait en 1974 n’est plus possible aujourd’hui. Ce n’est pas, contrairement à ce que vous semblez penser, parce que « la société ne l’admettrait pas », mais parce qu’un Messmer aujourd’hui n’aurait pas de relai capable de l’informer et de guider sa décision vers quelque chose qui soit « admissible ».

      [Un point faible aussi de l’offre nucléaire, c’est la trop grande concentration de la production. Certes, cela a des intérêts de mutualisation. Mais par contre, pour la résilience, c’est une faiblesse. Imagine qu’on se rende compte a posteriori qu’il faille changer une pièce critique dans tout un ensemble de centrales pour des raisons de mauvaise conception ou fabrication. Comment on fait concrètement?]

      Beh… on la change. Cela s’est déjà produit plusieurs fois sur le parc nucléaire.

    • Ifig dit :

      Développement intéressant (et pertinent) sur le lien société-politique, je te laisse le point…
      Sur la résilience, ce que je voulais dire c’est que si tu te rends compte a posteriori qu’il y a une faiblesse générale, imprévue, sur l’ensemble du parc nucléaire, tu es coincé: tu ne peux pas arrêter la production d’électricité d’un côté; et de l’autre, tu te trouves face à un risque non anticipé. Scénario hypothétique, mais qui ne peut pas arriver quand tu as une plus grande diversité des sources de production. C’est un argument pour avoir des EPRs qui remplaceraient une partie des anciens réacteurs, d’ailleurs.

    • Descartes dit :

      @Ifig

      [Sur la résilience, ce que je voulais dire c’est que si tu te rends compte a posteriori qu’il y a une faiblesse générale, imprévue, sur l’ensemble du parc nucléaire, tu es coincé: tu ne peux pas arrêter la production d’électricité d’un côté;]

      Mais c’est quoi une “faiblesse générale” ? S’il y avait sur notre parc une “faiblesse générale” de nature à nécessiter l’arrêt immédiat de tous les réacteurs, on l’aurait détecté lors du démarrage des installations. Un risque qui ne s’est pas réalisé trente ans plus tard est par définition un risque très faible. En plus, si le parc est standardisé il n’est pas strictement homogène: plusieurs “paliers” – modèles – coexistent: CP0, CP1, CP2, P3, P’3, N4…

  12. luc dit :

    Puisqu’une lutte à mort est engagée contre l;énergie et la cgt,les salariés doivent se mettre à niveau.
    Il me semble légitime que les luttes aillent jusqu’à des coupures d’électricité,non?
    Il est plus facile pour un commentateur comme moi,éloigné des luttes des électriciens de donner des leçons que de mettre en oeuvre les luttes.Les électriciens doivent naturellement répugner à faire des coupures,
    Or,Nécessité fait loi et l’heure n’est elle pas au combat crucial?
    Les seules coupures pour fait de grève dont j’ai le souvenir ,c’était en 1968-69,je m’en suis remis!
    LePCF faisait 22% des voix!
    S’il y a des coupures, des tombereaux d’insultes seront vomis par le Médef,la réaction et les partisans de la dérégulation.
    Mais ça fera réfléchir Hollande et peut être donnera al victoire aux partisans du retrait de l’article 2 de la loi Elkhomri…
    Probablement ,les effets dans le rapport de force seront favorables aux grévistes si ces coupures sont pensées dans une dynamique stratégique..Sinon,ça sera mal vue par une aprtie de l’opinion qui se trouve déjà sous un tsunami médiatique pro dérégulation,n(est ce pas?..

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Puisqu’une lutte à mort est engagée contre l’énergie et la cgt, les salariés doivent se mettre à niveau. Il me semble légitime que les luttes aillent jusqu’à des coupures d’électricité, non?]

      Cela paraît difficile. Les coupures d’électricité privent les populations d’un bien essentiel. Ce n’est pas simplement, comme dans le cas des transports, des gens qui attendent plus longtemps leur train ou qui n’arrivent pas à se rendre à leur travail. C’est potentiellement le risque de voir des services vitaux – les ascenseurs, les relais de télécommunications, des services médicaux – s’arrêter. C’est pourquoi les électriciens ont toujours fait gaffe avec ça, et pourquoi un « gentleman agreement » entre syndicats et direction d’EDF permet depuis déjà quelques années des grèves « sans coupure », qui coutent cher à l’entreprise mais sont invisibles aux usagers.

      [Or, nécessité fait loi et l’heure n’est elle pas au combat crucial?]

      Il ne faut pas exagérer. Nous ne sommes pas en situation révolutionnaire, et le combat contre la loi El Khomri n’est pas un combat « crucial ». La loi en question n’est qu’un jalon de plus dans une longue suite de textes qui dégradent la protection sociale, ce n’est pas un point d’inflexion historique.

      [Les seules coupures pour fait de grève dont j’ai le souvenir, c’était en 1968-69, je m’en suis remis!]

      Même en 1968-69, les coupures n’ont pas été très importantes. Et il faut aussi tenir compte du fait qu’à l’époque le pays était bien moins dépendant de l’électricité qu’il ne l’est aujourd’hui. Compte tenu du nombre d’automatismes qui nous entourent, l’électricité est devenue un bien vital.

      [S’il y a des coupures, des tombereaux d’insultes seront vomis par le Médef, la réaction et les partisans de la dérégulation. Mais ça fera réfléchir Hollande et peut être donnera al victoire aux partisans du retrait de l’article 2 de la loi El Khomri…]

      Imaginez-vous que cela provoque la mort d’un malade par arrêt de son assistance respiratoire, que cela provoque un grave accident par arrêt des systèmes de sécurité ou de surveillance, qu’une personne soit dans l’impossibilité d’appeler les secours à cause de la défaillance des relais de communications. A votre avis, quelle serait la réaction de l’opinion publique ?

    • BJ dit :

      [Il me semble légitime que les luttes aillent jusqu’à des coupures d’électricité,non?]

      Non.
      Pas plus que ça donne le « droit » d’interrompre les livraisons de carburant ou de ne plus ramasser les poubelles.

      [Mais ça fera réfléchir Hollande et peut être donnera al victoire aux partisans du retrait de l’article 2 de la loi Elkhomri]

      Non plus.
      Je trouve délétère cette pratique qui consiste à prendre les citoyens en otage pour faire pression sur le gouvernement. D’une part c’est un aveu de faiblesse des syndicats qui n’ont d’autre choix que de sortir « l’arme nucléaire » revendicative pour se faire entendre, et d’autre part, ça provoque un rejet du mouvement par la population. C’est parfaitement contre-productif à mon sens. Une revendication ne peut aboutir que si elle a le soutien de la population, et là, les méthodes employées provoquent le rejet. Ça fait le jeu du gouvernement, en quelque sorte.

      [une partie de l’opinion qui se trouve déjà sous un tsunami médiatique pro dérégulation]

      Ça aussi, ça devient fatigant, ce complexe de supériorité. Il faudrait arrêter de penser que vous faites partie d’une élite pensante et éclairée face à une masse de veaux imbéciles. La loi El Khomri, tout le monde s’en fout ou presque. J’en veux pour preuve que les défilés du 26 mai dernier étaient bien moins importants que ceux contre la réforme des retraites de Sarko en 2010 (un rapport de 1 à 10 pour ma ville par exemple).
      Je note au passage que du retrait de la loi El Khomri, on est passé au retrait de l’article 2 de la loi El Khomri. Encore un peu et on se contentera du retrait de l ‘alinéa 3 de l’article 2 de la loi El Khomri ?

      [LePCF faisait 22% des voix]

      Ben oui, c’est bien ça le problème. Peut-être le PCF devrait-il se demander pourquoi il est arrivé à moins de 5%, et accessoirement quoi faire pour redevenir un parti influent. Et la réponse n’est pas que ces veaux de Français sont soumis à un tsunami médiatique pro libéralisme…

    • Descartes dit :

      @ BJ

      [« Il me semble légitime que les luttes aillent jusqu’à des coupures d’électricité, non? » Non. Pas plus que ça donne le « droit » d’interrompre les livraisons de carburant ou de ne plus ramasser les poubelles.]

      Si c’est une question de droit, alors je pense que vous faites erreur. Le droit de grève permet aux travailleurs d’arrêter le travail, même si cela interrompt les livraisons de carburant ou le ramassage des poubelles. La jurisprudence est très claire à ce sujet : il y a des activités pour lesquelles des dispositions spécifiques sont prévues : ainsi, les travailleurs de l’industrie nucléaire ne peuvent arrêter le travail si cela compromet des activités nécessaires à la sûreté des installations et à la protection des matières nucléaires. Mais aucune limitation de ce type n’existe pour maintenir la fourniture d’électricité, les livraisons de carburant et le ramassage des poubelles.

      Maintenant, sur la question de la « légitimité ». Il ne faudrait pas oublier que le droit de grève est le contrepoids du pouvoir quasi-absolu de l’employeur à l’heure de déterminer les conditions d’embauche, de travail et de rémunération de ses salariés. Sans cette possibilité, ce serait l’arbitraire patronal qui s’imposerait. Est-ce là l’intérêt public ? Je ne le pense pas.

      [Je trouve délétère cette pratique qui consiste à prendre les citoyens en otage pour faire pression sur le gouvernement. D’une part c’est un aveu de faiblesse des syndicats qui n’ont d’autre choix que de sortir « l’arme nucléaire » revendicative pour se faire entendre, et d’autre part, ça provoque un rejet du mouvement par la population.]

      Beh justement, non. Pour le moment, l’opinion publique est plutôt favorable au mouvement. Il faut comprendre que ce type de grève « politique » est en grande partie une grève par procuration. Alors qu’une grosse majorité de la population est contre la loi El Khomri, cette majorité n’a pas de véritable levier pour manifester son opposition efficacement. C’est pourquoi elle ne voit pas forcément d’un mauvais œil que les corps de métier qui ont les moyens de faire pression les utilisent en son nom.

      On peut considérer que ce fonctionnement, ou une arme essentiellement revendicative est utilisé pour un but pour lequel elle n’a pas été pensée, est fondamentalement pervers. Je vous accorderai ce point. Mais dans un contexte d’affaiblissement des partis politiques et d’une classe politique « hors sol » que l’alternance a rendu insensible aux signaux envoyés par les citoyens, je ne vois pas vraiment d’alternative.

      [Ça aussi, ça devient fatigant, ce complexe de supériorité. Il faudrait arrêter de penser que vous faites partie d’une élite pensante et éclairée face à une masse de veaux imbéciles. La loi El Khomri, tout le monde s’en fout ou presque. J’en veux pour preuve que les défilés du 26 mai dernier étaient bien moins importants que ceux contre la réforme des retraites de Sarko en 2010 (un rapport de 1 à 10 pour ma ville par exemple).]

      Justement, les français ne sont pas des veaux imbéciles. Et c’est pourquoi je pense que vous faites erreur en tirant de la faiblesse des manifestations la conclusion que « tout le monde se fout de la loi El Khomri ». Toutes les études d’opinion montrent le contraire – avec un rejet largement majoritaire de la loi et un faible taux de « sans opinion ». On peut aussi observer que la population accepte avec une relative bienveillance la gêne causée par les mouvements sociaux. Mais les gens sont d’abord pragmatiques : ils ne vont pas perdre une demi-journée à battre le pavé s’ils ne pensent pas pouvoir gagner quelque chose. Or, les gens sont persuadés – et ils ont raison – que les manifestations ne changeront rien. Tout simplement parce que l’élite socialiste gouvernante a déjà intégré la défaite et qu’elle n’a plus qu’une seule chose à préserver : son image – et quelques poires pour la soif. Ce sont les entreprises qui demain distribueront des postes pour recaser les battus, pas les syndicats…

      [Je note au passage que du retrait de la loi El Khomri, on est passé au retrait de l’article 2 de la loi El Khomri. Encore un peu et on se contentera du retrait de l ‘alinéa 3 de l’article 2 de la loi El Khomri ?]

      Votre raillerie tombe mal à propos. Dans toute sortie de conflit, il faut un compromis et de préférence un compromis qui ne fasse perdre la face à personne. D’habitude, celui qui gagne sur le fond laisse l’autre gagner sur la forme. Le retrait de l’article 2, ce serait une victoire sur le fond puisque c’est l’article « clé » du projet, celui qui modifie la hiérarchie des normes. Si les syndicats obtiennent ça, ils pourront se permettre de laisser le gouvernement « les battre » médiatiquement sur tout le reste…

      [Ben oui, c’est bien ça le problème. Peut-être le PCF devrait-il se demander pourquoi il est arrivé à moins de 5%, et accessoirement quoi faire pour redevenir un parti influent. Et la réponse n’est pas que ces veaux de Français sont soumis à un tsunami médiatique pro libéralisme…]

      Eh bien, on est d’accord au moins sur quelque chose…

    • BJ dit :

      @ Descartes

      [Si c’est une question de droit, alors je pense que vous faites erreur.]

      Au sens strict vous avez raison.

      [Maintenant, sur la question de la « légitimité ».]

      D’accord, dans mon esprit il s’agissait de la légitimité des actions entreprises.

      [Il ne faudrait pas oublier que le droit de grève est le contrepoids du pouvoir quasi-absolu de l’employeur]

      Je n’oublie pas en ne remets pas une seconde en cause le droit de grève.
      Sauf qu’en l’occurrence, il ne s’agit pas d’un conflit employés-employeurs. Il s’agit de contester une loi votée par les élus du peuple (ou qui va l’être après passage au Sénat et retour à l’Assemblée). Je suis personnellement opposé à cette loi. Je suis allé battre le pavé pour l’exprimer. Mais je suis aussi opposé aux moyens employés pour qu’elle n’aboutisse pas.
      Vous dites d’ailleurs sensiblement la même chose dans votre phrase : « On peut considérer que ce fonctionnement, ou une arme essentiellement revendicative est utilisé pour un but pour lequel elle n’a pas été pensée, est fondamentalement pervers. »

      [Je vous accorderai ce point. ]
      Eh bien, on est d’accord au moins sur 2 choses;-)

      Par contre où je ne vous suis plus, c’est quand vous parlez de cette «classe politique « hors sol » que l’alternance a rendu insensible aux signaux envoyés par les citoyens ». Que je sache, ils sont passés par le suffrage universel pour arriver là. Et avec des taux de participation importants. Si alternance il y a, c’est quand même bien parce que les Français amènent toujours les même aux deuxièmes tours, non ? Je ne vois rien de « hors sol » là dedans.

      [je ne vois pas vraiment d’alternative.]

      Parce qu’en l’occurrence il n’y en a pas, d’alternative (sauf à ne pas se sentir concerné par les règles qui nous soumettent, ce qui n’est pas le sujet).
      Ceux qui proposent cette loi sont parfaitement fondés à le faire. Qu’on ait voté pour eux ou pas, nous TOUS leur avons temporairement délégué le pouvoir de légiférer. Remettre ça en cause, c’est remettre en cause le principe du suffrage majoritaire et de délégation du pouvoir qui régit notre société.
      Ce qu’une loi a fait, une autre peut le défaire. Si cette loi est si impopulaire, comme « toutes les études d’opinion » le montrent, nul doute qu’ils seront nombreux à proposer de l’abroger lors des prochaines élections, non ?

    • Descartes dit :

      @ BJ

      [Sauf qu’en l’occurrence, il ne s’agit pas d’un conflit employés-employeurs. Il s’agit de contester une loi votée par les élus du peuple (ou qui va l’être après passage au Sénat et retour à l’Assemblée). Je suis personnellement opposé à cette loi. Je suis allé battre le pavé pour l’exprimer. Mais je suis aussi opposé aux moyens employés pour qu’elle n’aboutisse pas.]

      Oui et non. Il ne s’agit pas d’un conflit des employés avec LEUR employeur. Mais il s’agit bien d’un conflit entre les employés – en tant que catégorie – et les employeurs, puisqu’il s’agit d’une loi qui change radicalement les rapports entre eux. Vous avez raison de dire que c’est une loi votée par les élus du peuple. Mais les élus du peuple ne sont pas déconnectés de la réalité. Ils sont la caisse de résonance des conflits qui traversent la société. La loi dont on parle est une loi voulue par le patronat, et rejetée par les organisations représentatives des salariés.

      [Vous dites d’ailleurs sensiblement la même chose dans votre phrase : « On peut considérer que ce fonctionnement, ou une arme essentiellement revendicative est utilisé pour un but pour lequel elle n’a pas été pensée, est fondamentalement pervers. »]

      Oui, mais la difficulté est que toutes les alternatives sont bien plus « perverses »…

      [Par contre où je ne vous suis plus, c’est quand vous parlez de cette «classe politique « hors sol » que l’alternance a rendu insensible aux signaux envoyés par les citoyens ». Que je sache, ils sont passés par le suffrage universel pour arriver là. Et avec des taux de participation importants. Si alternance il y a, c’est quand même bien parce que les Français amènent toujours les même aux deuxièmes tours, non ? Je ne vois rien de « hors sol » là dedans.]

      Je n’ai peut-être pas été assez clair. Le système électoral fonctionne de telle manière que seulement deux partis – le PS et LR, pour faire simple – peuvent effectivement accéder au pouvoir. Deux partis qui sont au service des intérêts d’une alliance entre la bourgeoisie et les « classes moyennes », et qui au-delà des différences de langage, pratiquent globalement les mêmes politiques dans le domaine économique et social. Et comme personne ne veut assumer ces politiques, les électeurs rejettent à chaque élection le gouvernement en place : depuis 1978, et à une exception près en 2007, aucune majorité n’a jamais été reconduite.

      Les élites-politico-médiatiques se sont fait à cette réalité, sur le mode cyclique. Qu’ils soient au PS ou LR, le programme est le même : cinq ans de pouvoir local, suivis de cinq ans de pouvoir national. Et pendant chaque période, on est parfaitement irresponsable : on peut faire à peu près ce qu’on veut, puisqu’on est sûr de toute manière de perdre la prochaine élection… et de gagner la suivante. La seule chose à éviter, c’est un « accident » qui provoquerait une contestation trop forte qui vous obligerait à quitter le pouvoir prématurément…

      Personnellement, dans mes discussions avec des hommes politiques je trouve souvent ce genre de réflexion. Que ce soit des élus locaux ou nationaux, d’ailleurs. Les élus municipaux LR savent qu’à leur prochain renouvellement il y aura un gouvernement de droite à Matignon et un président de droite à l’Elysée, et qu’ils seront donc virés par une vague rose. Les députés socialistes aujourd’hui savent qu’ils seront balayés aux prochaines élections, quoi qu’ils fassent. Dans ces conditions, quel intérêt d’écouter les électeurs ?

      [Ceux qui proposent cette loi sont parfaitement fondés à le faire. Qu’on ait voté pour eux ou pas, nous TOUS leur avons temporairement délégué le pouvoir de légiférer. Remettre ça en cause, c’est remettre en cause le principe du suffrage majoritaire et de délégation du pouvoir qui régit notre société.]

      Pas tout à fait. Personne en conteste le fait qu’une fois votée la loi El Khomri sera appliquée. En d’autres termes, personne ne conteste le pouvoir de légiférer des députés. Mais si les citoyens délèguent aux députés le pouvoir de légiférer, cela ne les prive pas de ce qu’on appelle le « pouvoir de pétition », c’est-à-dire, celui de faire manifester auprès des élus leur volonté.

      La délégation de pouvoir n’implique nullement qu’une fois la délégation faite l’élu puisse légiférer en vase clos. Le principe de la démocratie représentative est au contraire une subtile combinaison entre la délégation de pouvoir et le droit de pétition. Le peuple délègue le pouvoir, mais conserve le droit de communiquer avec ses élus. Et cette communication peut prendre beaucoup de formes…

      [Ce qu’une loi a fait, une autre peut le défaire.]

      Ce n’est que partiellement vrai. Si la loi El Khomri est abrogée demain, les gens licenciés en vertu de ses dispositions ne seront pas réintégrés.

      [Si cette loi est si impopulaire, comme « toutes les études d’opinion » le montrent, nul doute qu’ils seront nombreux à proposer de l’abroger lors des prochaines élections, non ?]

      Seulement ceux qui n’ont aucune possibilité d’arriver au pouvoir. Les autres ne le proposeront pas, sachant qu’ils gagneront quand même. C’est l’effet pervers de l’alternance…

    • BJ dit :

      [La loi dont on parle est une loi voulue par le patronat, et rejetée par les organisations représentatives des salariés.]

      Oui.
      A vos yeux cela justifie les méthodes employées, aux miens non.

      [Le système électoral fonctionne de telle manière que seulement deux partis – le PS et LR, pour faire simple – peuvent effectivement accéder au pouvoir.]

      Je ne vois pas en quoi notre système électoral serait responsable de cet état de fait.
      Vous m’avez donné un rasoir d’Ockham, Descartes, et je m’en sers. Si seuls deux partis arrivent au pouvoir, l’explication la plus simple est que c’est juste parce que les électeurs le veulent. Votre raisonnement pourrait tenir s’il y avait une forte désaffection au second tour, due à l’abstention des électeurs qui ne voudraient ni du PS ni de LR. Mais ce n’est pas le cas, il y a toujours 80% de participation en moyenne au second tour*.

      [Dans ces conditions, quel intérêt d’écouter les électeurs ? ]

      Dans ces conditions, quel intérêt des électeurs de participer en masse au second tour ?

      [Seulement ceux qui n’ont aucune possibilité d’arriver au pouvoir. ]

      Pourquoi n’ont-ils aucune possibilité d’arriver au pouvoir ? A cause d’un système électoral qui serait vicié ou pervers ? Ne serait-ce pas plutôt parce qu’ils ne sont pas fichus de s’organiser pour accéder au pouvoir ? Franchement, à part le FN version Marine Lepen, je ne vois aucun parti faire des efforts pour se structurer en parti de pouvoir, mais essentiellement des « clubs Tupperware » genre PG.

      [Si la loi El Khomri est abrogée demain, les gens licenciés en vertu de ses dispositions ne seront pas réintégrés.]

      Oui. Mais quitte à passer pour un salaud, je « préfère » ça aux méthodes employées pour qu’elle ne passe pas. Et quitte aussi à faire une « raillerie qui tombe mal à propos » je note que ceux qui contestent cette loi sont les mêmes qui avaient appelé en 2012 à voter pour les auteurs de cette loi. Encore des déçus du socialisme, sans doute…

      NB : votre phrase « Deux partis qui sont au service des intérêts d’une alliance entre la bourgeoisie et les « classes moyennes » fleure un peu le complot, non ?

      *https://fr.wikipedia.org/wiki/Abstention_lors_d%27%C3%A9lections_en_France#.C3.89lections_pr.C3.A9sidentielles

    • Descartes dit :

      @ BJ

      [« La loi dont on parle est une loi voulue par le patronat, et rejetée par les organisations représentatives des salariés. » Oui. A vos yeux cela justifie les méthodes employées, aux miens non.]

      Là, je ne vous comprends plus. La question ici n’était pas « les méthodes employées », mais le droit même de s’opposer à la loi, dès lors qu’on se situe dans une démocratie représentative ou les députés ont reçu délégation pour faire la loi. Si on accepte votre raisonnement, AUCUNE méthode pour s’opposer à la loi n’est légitime.

      [« Le système électoral fonctionne de telle manière que seulement deux partis – le PS et LR, pour faire simple – peuvent effectivement accéder au pouvoir ». Je ne vois pas en quoi notre système électoral serait responsable de cet état de fait. Vous m’avez donné un rasoir d’Ockham, Descartes, et je m’en sers. Si seuls deux partis arrivent au pouvoir, l’explication la plus simple est que c’est juste parce que les électeurs le veulent.]

      Seulement, le rasoir d’Occam, il faut savoir s’en servir. Si l’explication la plus simple se trouve en contradiction avec les faits, alors il faut en chercher une autre, un peu plus complexe. Or, il existe de multiples preuves pour montrer que les électeurs dans leur majorité 1) ne veulent pas des politiques qui sont poursuivies et 2) sont parfaitement conscients que ces politiques ne sont pas accidentelles, mais sont voulues par les gens qui nous gouvernent. Alors, comment peut on « vouloir » mettre au pouvoir des gens dont on rejette les politiques ?

      C’est bien le système électoral majoritaire qui fait que seuls deux partis peuvent arriver au pouvoir. En effet, dans notre système il faut, pour être élu, obtenir une majorité ABSOLUE. Arriver au pouvoir implique donc pouvoir passer des accords et de récupérer des voix chez les autres, parce qu’il est exceptionnel qu’une organisation arrive à réunir une majorité derrière lui. Cela exclut du pouvoir les extrêmes de l’anneau politique, qui par définition ne peuvent trouver des voix que d’un seul côté et font que seuls le centre-gauche et le centre-droit – qui peuvent chasser les voix des deux côtés – peuvent prétendre gouverner.

      Imaginez que demain on remplace le système de vote majoritaire par un système à l’anglaise, fondé sur la majorité relative. Le FN serait au pouvoir.

      [« Dans ces conditions, quel intérêt d’écouter les électeurs ? » Dans ces conditions, quel intérêt des électeurs de participer en masse au second tour ?]

      De quelle « participation massive » parlez vous ? En dehors de l’élection présidentielle, toutes les élections montrent une abstention massive et croissante (et en général plus forte au deuxième tour qu’au premier, ainsi pour les législatives c’était 44,6% pour le second et 42,8% pour le premier). On ne voit pas de « participation massive » au deuxième tour. Seule l’élection présidentielle échappe à cette malédiction, et encore : en 2007, la différence entre le premier et le deuxième tour de la présidentielle est d’à peine un quart de point, en 2012 d’à peine un point. Et un électeur sur cinq ne s’est pas déplacé.

      Par ailleurs, la participation n’implique nullement que les gens croient vraiment à l’utilité de leur vote. L’élection est aussi une cérémonie, un rituel. Seule une minorité des gens qui vont à la messe croient que leurs prières seront exhaucées…

      [« Seulement ceux qui n’ont aucune possibilité d’arriver au pouvoir ». Pourquoi n’ont-ils aucune possibilité d’arriver au pouvoir ? A cause d’un système électoral qui serait vicié ou pervers ?]

      En partie. En partie aussi parce que pour arriver au pouvoir il faut de l’argent et des idées, et que les classes sociales qui contrôlent l’un et l’autre ne permettront pas à un parti qui ne correspond à leurs intérêts d’arriver au pouvoir.

      [Ne serait-ce pas plutôt parce qu’ils ne sont pas fichus de s’organiser pour accéder au pouvoir ?]

      Ce n’est pas seulement une question d’organisation. L’exemple du PCF est d’ailleurs emblématique de la manière dont le système peut harceler, user et finalement détruire une organisation.

      [« Si la loi El Khomri est abrogée demain, les gens licenciés en vertu de ses dispositions ne seront pas réintégrés ». Oui.]

      Donc vous admettez que l’abrogation de la loi demain ne rétablira pas le statu quo ante. C’était là mon point.

      [Mais quitte à passer pour un salaud, je « préfère » ça aux méthodes employées pour qu’elle ne passe pas.]

      C’est une question de perspective. Si vous étiez en CDD dans une entreprise en difficulté, peut-être votre perception de la chose serait légèrement différente.

      [Et quitte aussi à faire une « raillerie qui tombe mal à propos » je note que ceux qui contestent cette loi sont les mêmes qui avaient appelé en 2012 à voter pour les auteurs de cette loi.]

      Vous faites erreur : je conteste cette loi, et je n’ai pas « appelé à voter » pour les auteurs de cette loi, pas plus que je n’ai voté pour eux. Encore une fois, vous ne devriez pas mettre tous les opposants dans le même panier…

      [NB : votre phrase « Deux partis qui sont au service des intérêts d’une alliance entre la bourgeoisie et les « classes moyennes » fleure un peu le complot, non ?]

      Non, pas du tout. Ce n’est pas une question de complot, mais plutôt de « qui se ressemble s’assemble ».

  13. Baruch dit :

    “Ma blonde entends-tu dans la ville !” et “la jeune garde”, chansons que l’on hurlait en parcourant pendant 3 semaines de congés payés l’été les chemins de la Planèze avec mon père et ma mère qui avaient fait 36 !
    Ceci dit le dernier billet de Mélenchon est pompon!
    Il a pour titre:
    L’urgence écologique est le point de départ de ma campagne”!
    On y trouve ce paragraphe:
    “Aujourd’hui, sortir des énergies carbonées, tout le monde a compris et dit oui, comme si c’était une opération dont la simplicité était telle qu’on pouvait tomber d’accord en cinq minutes. Par contre, quand on parle de sortir du nucléaire, toute la salle se partage en deux… Pourtant, ce n’est pas le plus compliqué. A condition de le vouloir. Je suis naturellement pour interrompre les grands chantiers dont celui de Flamanville et je ne suis pas d’accord pour qu’EDF s’occupe de construire une centrale de même nature en Angleterre. On a perdu un quinquennat pour rien en matière de nucléaire. Il ne faudrait pas en perdre deux, au risque de rentrer dans la zone rouge où la probabilité de l’accident augmente.”
    Pourquoi la probabilité de l’accident augmente-t-elle au bout de cinq ans.
    J’ai beau avoir fait très peu de maths, pas plus loin que le secondaire cela me paraît curieux !
    Quand au volontarisme “il suffit de le vouloir”, est scandaleux parce que je ne le trouve pas risible à la réflexion de la part d’un responsable politique.

    • Descartes dit :

      @ Baruch

      [“Ma blonde entends-tu dans la ville !” et “la jeune garde”, chansons que l’on hurlait en parcourant pendant 3 semaines de congés payés l’été les chemins de la Planèze avec mon père et ma mère qui avaient fait 36 !]

      Eh oui… C’est fou combien les générations qui ont connu la guerre étaient optimistes, et combien celles qui ont été élevées dans du coton sont au contraire défaitistes… il y aurait là à mon avis un bon sujet de réflexion.

      [« On a perdu un quinquennat pour rien en matière de nucléaire. Il ne faudrait pas en perdre deux, au risque de rentrer dans la zone rouge où la probabilité de l’accident augmente. » Pourquoi la probabilité de l’accident augmente-t-elle au bout de cinq ans. J’ai beau avoir fait très peu de maths, pas plus loin que le secondaire cela me paraît curieux !]

      Comment, vous ne savez pas ? Si vous avez tiré une pièce trente fois sur « face », la probabilité de tirer « pile » au prochain tirage est beaucoup plus grande qu’un sur deux, non ? 😉

      J’avoue que cette sortie de Mélenchon m’avait échappé. Mais vous avez tout à fait raison. Mélenchon fait ici l’erreur classique que font tous les collégiens lors de leur premier contact avec la théorie des probabilités – une erreur que, curieusement, ne se corrige pas avec l’âge, ce qui montre que l’idée d’indépendance en probabilités est l’une des plus contre-intuitives qui soient… même pour les grands révolutionnaires.

      [Quand au volontarisme “il suffit de le vouloir”, est scandaleux parce que je ne le trouve pas risible à la réflexion de la part d’un responsable politique.]

      Mais vous trouvez là l’essence de la pensée mélenchonienne, qui ne fait que reprendre le volontarisme absolu des années 1960. Celui qui, porté par Guevara et consorts, séduisit tant des jeunes français. « Vouloir c’est pouvoir », au point que dans son discours de la place de Stalingrad Mélenchon va jusqu’à dire « ayez des idées, de l’argent on en trouvera toujours ». Ce volontarisme a un versant plus obscur, plus culpabilisant : puisque « vouloir c’est pouvoir », le fait qu’on ait échoué ne peut qu’être le résultat d’un « manque de volonté ». On voit pourquoi ce mode de pensée est un obstacle terrible pour toute véritable action politique progressiste : elle empêche tout retour critique sur les raisons de ses échecs, qui sont automatiquement ramenés à une défaillance personnelle.

  14. luc dit :

    http://www.publicsenat.fr/lcp/politique/loi-travail-mesures-liberales-defavorables-aux-syndicats-des-senateurs-fn-1383321
    Eh,oui ça devait arriver.Les lepénistes montrent enfin leur nature anti-collectiviste…
    Sur cette loi travail : les sénateurs FN défendent des mesures libérales et défavorables aux syndicats… puis les retirent…rétro-pédalage,de peur d’effrayer la tendance Philipot?
    Ce 11 Juin,visble par tous sur le lien ci dessus,ce que nous savions déjà sur les 2 lignes du FN.Celle des lepénistes qui attendent le bon moment pour’manger’ les philipistes’,non?
    Changement de stratégie intéressante… Le FN commence-t-il à se rendre compte du coût de son attitude auprès de son électorat pétainiste/OAS/anti collectiviste?
    Jusqu’ici il a oscillé entre la désapprobation silencieuse et la charge anti-grève de Marion Maréchal Le Pen. Ce rétro-pédalage est une des nombreuses illustrations du rapport de forces réel dans le pays en faveur de ceux qui luttent contre la loi travail, mais il ne change en rien sur le fond la manière dont le FN s’est démasqué face à un mouvement où il lui a été impossible d’introduire la xénophobie, le racisme comme instrument de division des travailleurs.
    Anti-collectivisme caché,sort de ce FN!
    Il était temps n’est ce pas?mais la période est elle mûre pour la scision obligée entre ces 2 lignes du FN?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Eh, oui ça devait arriver. Les lepénistes montrent enfin leur nature anti-collectiviste…]

      Beh… pas tout à fait. Certans « lépénistes » sénateurs de leur état ont montré leur nature anti-collectiviste en déposant ces amendements… mais d’autres « lépénistes » semblent les avoir obligés à les retirer fissa. Ce qui semble suggérer que tous les « lépénistes » n’ont pas tout à fait la même nature…

      [Sur cette loi travail : les sénateurs FN défendent des mesures libérales et défavorables aux syndicats… puis les retirent…rétro-pédalage, de peur d’effrayer la tendance Philipot?]

      Peut-être. Mais plus vraisemblablement, une provocation de la tendance plus « libérale » dans sa guerre contre la tendance « jacobine » représentée par Philippot. Une guerre que la majorité des médias bienpensants cherche à attiser en offrant complaisamment des pages entières pour relater les faits et gestes de ce que le FN compte de plus réactionnaire. Je note quand même que la tendance « jacobine » est suffisamment forte pour se permettre de faire bouffer leurs chapeaux aux sénateurs frontistes…

  15. Alain Brachet dit :

    Ancien ingénieur EDF et qui a « trempé » beaucoup dans le nucléaire PWR et même dans les surrégénérateurs type Superphénix, je voudrais dire mon accord quasi complet avec Descartes et quelques autres participants à ce blog… J’aurais évidemment quelques commentaires critiques pour certains… Mais je remets ça à plus tard, pour raconter seulement une petite mésaventure dont je viens d’être victime, assez bêtement, il faut le dire. Mais comme elle n’est pas sans relation avec la discussion en cours ici, je pense qu’elle peut y participer, à sa manière…
    Je viens de remplacer mon vieux lave-vaisselle par un neuf. L’un et l’autre ont le même nom de fabricant (typiquement allemand) : on ne peut nier que les allemands soient à la pointe dans ce domaine-là d’électroménager. Reprenant la même marque je n’ai pas bien regardé avant achat le nouveau produit : erreur impardonnable pour un ex-ingénieur…et un usager ordinaire !
    A la mise en route de mon bel appareil, j’ai découvert les choses suivantes (la liste n’est peut-être pas close !) : 1) il ne dispose pas d’un « prélavage » ou « lavage d’attente », permettant de ne pas enclencher un lavage complet, lorsqu’il y a peu de vaisselle à laver. 2) Il offre au contraire toute une série de lavages tortueux à l’utilité problématique. 3) Beaucoup de ces lavages durent des heures (4, par exemple !) 4) Après arrêt final toutes les lampes-témoin s’éteignent : on ne sait plus quel lavage (en particulier tortueux !) a été utilisé… Je me suis, malheureusement un peu tard, interrogé.
    Le premier réflexe ou piste de réflexion a été de penser : « Les ingénieurs en lave-vaisselle allemands sont en déclin, puisqu’ils ne savent même plus reconduire ce qui marchait si bien ». Evidemment, j’ai abandonné immédiatement cette piste, ne serait-ce que par solidarité professionnelle internationaliste…
    Alors ?
    J’ai fait des hypothèses de l’ordre de la raison (merci Descartes… au pluriel !) dont il est évidemment permis de se gausser.
    Les allemands ont mis fin au nucléaire chez eux, et se sont lancés vent debout (sans jeu de mots) dans les énergies alternatives (vent, soleil). Ils sont aujourd’hui en manque global de kW (de puissance instantanée) pour suivre la demande. Par contre ils ont trop de kWh et par moment il leur faut les brader à tout prix. Ceci signifie forcer les consommateurs, qui payent cash les kWh, à en consommer, mais en limitant la puissance de leurs appareils, car les kW payés principalement par les fournisseurs d’électricité (investissement dans les centrales, les lignes HT) coûtent chers… à ces fournisseurs. Les fabricants d’électroménager allemands font corps avec les fournisseurs d’énergie. Ils ont conçu des appareils répondant à la question : ils « bouffent » des kWh à basse puissance en moyenne et tout le monde (industriel…et capitaliste) est content. Et même les écolos qui peuvent penser qu’on consomme de l’électricité décarbonée de cette manière ! Mais gaspiller de l’électricité décarbonée…est-ce écologique ? Est-ce bon pour les consommateurs dont la facture n’est pas forcément diminuée par cet artifice ? Le mieux est alors de ne pas laisser de trace des « programmes de lavage » utilisés par leur machine (d’où l’effacement de la mémorisation des cycles tortueux utilisés). D’autant plus que ces machines sont ainsi préprogrammées pour être associées, le cas échéant mais de plus en plus probable, à des compteurs électriques « intelligents ». Vous n’avez pas à connaître ce que celui-ci mijote pour vous faire payer beaucoup de kWh au grand profit des fournisseurs. Les fabricants de machines ne sont pas oubliés dans la répartition des profits : ces pompes qui vont tourner des heures (pour pas grand-chose d’utile) s’useront, et devront être remplacées plus souvent…
    Vive le progrès ! Vive le capitalisme allemand du secteur qui nous impose ses options ! Vive l’UE qui sert d’intermédiaire !

    • Descartes dit :

      @ Alain Brachet

      [J’ai fait des hypothèses de l’ordre de la raison (merci Descartes… au pluriel !) dont il est évidemment permis de se gausser.]

      Faites gaffe, quand vous faites des hypothèses, de ne pas oublier votre rasoir d’Occam… c’est un accessoire indispensable pour éviter de tomber dans le complotisme.

      [Les allemands ont mis fin au nucléaire chez eux, et se sont lancés vent debout (sans jeu de mots) dans les énergies alternatives (vent, soleil). (…) Les fabricants d’électroménager allemands font corps avec les fournisseurs d’énergie. Ils ont conçu des appareils répondant à la question : ils « bouffent » des kWh à basse puissance en moyenne et tout le monde (industriel…et capitaliste) est content.]

      Et qu’est ce que les fabricants d’électroménager gagnent en échange ? Pourquoi feraient-ils « corps » alors qu’ils n’y ont aucun intérêt, et risquent même de mécontenter les consommateurs comme vous qui finiront par choisir d’autres marques ? Vous voyez bien que le simple usage du rasoir d’Occam vous permet d’écarter cette hypothèse passablement « complotiste »…

  16. Pile : Mélenchon - Face : Le Pen dit :

    Ah, si Henri Guaino entre dans la dance, c’est déjà un peu plus bandant 🙂

  17. Maurice dit :

    ‘bandant pour Pite :Mélenchon-Fesse :beau Pen ?
    Décidemment,c’est consternant de constater qu’un certain ‘sousceinturisme’ sert d’idéologie aux Mélenchonistes.
    Why not?puisqu’il n’y a rien d’autre sauf une couche de pseudo -écologie crétine et l’essentiel qui vient de la tradition Duclos/Marchais du pcf.JLM ne fait que réciter ce que ces dirigeants du PCF avaient déjà énoncés à l’époque où ses semblables puis JLM mettaient à mort ce PCF.JLM doit tout aussi à MGB et P.Laurent qui ont tout fait pour lui.
    A ce propos nous sommes nombreux au PCF à nous féliciter de la montée de JLM.Hollande et MLP ont du souci à se faire car JLM est la petite bébête qui monte,monte………..Certain(e) risuqe de ne pas se retrouver au deuxième tour,temps mieux,Hollande doit revenir à une politique non-antiCGT!

    • Descartes dit :

      @ Maurice

      [A ce propos nous sommes nombreux au PCF à nous féliciter de la montée de JLM.Hollande et MLP ont du souci à se faire car JLM est la petite bébête qui monte,monte…]

      Pas tant que ça, en fait. Il tourne toujours autour des 11-13%, et pourtant il est parti le premier et il n’a pas de véritable concurrent à gauche… On verra ce qu’il deviendra quand la vraie campagne commencera, et que les Taubira, les Hulot et autres Montebourg se seront déclarés. En tout cas, il j’ai beaucoup de mal à imaginer qu’au PCF on puisse se “féliciter” de la montée de JLM. Vous avez quand même bien compris que le but de JLM est d’annexer le PCF. L’OPA frontale de 2012 ayant raté, il essaye maintenant de diviser le PCF en détachant un certain nombre d’anciens “bébés Hue” (Parny, Dionnet, Buffet)…

      Le PCF affronte un danger bien réel: la perte de ses groupes parlementaires, avec à la clé de gros problèmes financiers. Les militants feraient bien de réflechir…

  18. Carnot dit :

    @ Descartes

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/06/15/edf-refuse-d-enclencher-la-fermeture-de-fessenheim_4950741_3234.html

    Lisant cet article je voulais vous demandez votre éclairage. Pensez-vous qu’EDF parviendra à ralentir le processus suffisamment longtemps pour que la fermeture ne soit pas irrémédiable au moment du très probable retour de la droite au pouvoir en mai prochain ? J’avoue que je l’espère de tout coeur…

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [Pensez-vous qu’EDF parviendra à ralentir le processus suffisamment longtemps pour que la fermeture ne soit pas irrémédiable au moment du très probable retour de la droite au pouvoir en mai prochain ? J’avoue que je l’espère de tout coeur…]

      Il semble en tout cas évident que la direction d’EDF a décidé – avec le soutien de l’ensemble de l’entreprise – de jouer la montre. Et compte tenu de l’incapacité de ce gouvernement à prendre des décisions rationnelles et les faire exécuter, j’ai le sentiment que ça a de grandes chances de marcher. Imagine-t-on le gouvernement renvoyant Lévy à ses études sous prétexte qu’il n’a pas exécuté la politique du gouvernement ? Non. D’abord, il faudrait pour cela une autorité que le gouvernement n’a pas, et ensuite il faudrait avoir un candidat sous la main qui soit acceptable pour l’entreprise pour le remplacer. Si on ne vire pas un ministre lorsqu’il contredit le premier d’entre eux, on ne va pas virer un PDG parce qu’il contredit un ministre. Et si on ne peut pas virer Lévy, quel levier le gouvernement a-t-il pour obliger EDF à obéir ?

      Le cas de Lévy est intéressant: voici un patron d’entreprise, passé par Vivendi et Thalès, dont on pouvait se dire qu’il obéirait au doigt et à l’oeil au gouvernement, plus sensible à sa carrière qu’à l’intérêt général. Et puis, devenu PDG d’EDF, il prend au contraire un risque pour sauvegarder l’intérêt de l’entreprise – et donc l’intérêt général – tel qu’il le conçoit. On avait vu un peu la même transformation chez Proglio. A mon sens, cela montre à quel point la culture de la maison EDF est puissante, au point de “formatter” même ses dirigeants. Lévy comme Proglio préfèrent affronter leur tutelle plutôt que leur “maison”…

    • François dit :

      @ Descartes

      Qu’est ce qui pourrait à vos yeux expliquer que la culture d’entreprise est beaucoup plus forte chez EDF, qu’elle ne l’a été chez France Telecom, voire la SNCF et bien d’autres anciennes entreprises publiques ?

    • Descartes dit :

      @ François

      [Qu’est ce qui pourrait à vos yeux expliquer que la culture d’entreprise est beaucoup plus forte chez EDF, qu’elle ne l’a été chez France Telecom, voire la SNCF et bien d’autres anciennes entreprises publiques ?]

      Je ne connais pas très bien France Télécom, alors je risque de dire des bêtises… Mais je pense que cela tient beaucoup à une histoire. D’abord, EDF est héritière d’une tradition industrielle très ancienne, qui est celle des industries lourdes et extractives. C’est vrai pour le monde syndical (l’énergie et les mines font partie de la même fédération à la CGT), c’est aussi vrai pour les dirigeants de l’entreprise, souvent issus du corps des Mines. Ensuite, EDF est constituée à la Libération, dans un contexte de reconstruction et de modernisation du pays, et considérée dès le départ comme assumant une fonction essentielle pour la Nation. EDF se conçoit dès le départ comme une organisation quasi-militaire, assurant une fonction stratégique. Le programme nucléaire, qui fait de l’entreprise un acteur majeur dans un domaine où se jouent la sécurité et la protection des populations, où le civil et le militaire se touchent, ne fait que renforcer cette culture.

      La SNCF avait probablement une culture de la même nature en 1940, quand le chemin de fer était un service essentiel, et capital en cas de conflit. On peut voir la manifestation de cet esprit dans ce qui fut « la bataille du rail ». Mais au fur et à mesure que le transport routier a pris une place importante, cette culture s’est progressivement affaiblie et je me demande si aujourd’hui il en reste quelque chose. Quant à France Télécom, les télécommunications ont toujours été perçues d’abord comme un service commercial dont le caractère stratégique n’a jamais été mis en avant.

  19. dudu87 dit :

    Bonjour à tous.

    Dans le même ordre d’idées, nous pourrions ajouter: “on achève bien la SNCF”.

    Je rappelle qu’EDF, GDF ont été nationalisé par Marcel Paul, ministre communiste de la production en 1946;
    Les grandes traits de la vie de cet ouvrier: https://fr.wikipedia.org/wiki/Marcel_Paul. Ayant eu la possibilité de visiter Buckenvall, le gardien, un ancien détenu, nous avait confirmé son rôle dans la libération du camp.

    {Le PCF affronte un danger bien réel: la perte de ses groupes parlementaires, avec à la clé de gros problèmes financiers. Les militants feraient bien de réflechir…]
    Je crois malheureusement qu’il est bien trop tard pour sauver le soldat… PCF!!! Je crains qu’il serait difficile de “recomposer” ce parti avec les équipes en place.

    • Descartes dit :

      @ dudu87

      [Dans le même ordre d’idées, nous pourrions ajouter: “on achève bien la SNCF”.]

      Possiblement, mais je connais beaucoup moins l’histoire et les dernières évolutions de la SNCF, et je ne me risquerai donc pas à écrire là-dessus.

      [Je rappelle qu’EDF, GDF ont été nationalisé par Marcel Paul, ministre communiste de la production en 1946;]

      Pas tout à fait. EDF et GDF n’ont pas été « nationalisées », mais créées à la Libération. En fait, le paysage électrique et gazier français s’était développé pendant les années 1930 de manière anarchique. D’un côté, les grands consommateurs d’électricité avaient construit des installations de production pour eux-mêmes selon les besoins : usines hydroélectriques dans les Alpes pour l’industrie de l’aluminium, centrales à charbon pour les aciéries du nord, les chemins de fer ou le métro parisien. Des entreprises locales de distribution se forment, des collectivités locales construisent des réseaux… La loi du 8 avril 1946 nationalise l’ensemble de ce paysage et le verse dans une entité unique, créée de toutes pièces. C’est dire combien l’aventure EDF fut d’abord de standardiser cet ensemble disparate et de lui donner une véritable personnalité unique.

      Quant au rôle de Marcel Paul dans ce processus, il est éminent. Il est vraiment dommage que sa personnalité soit aujourd’hui largement oubliée, alors que ce fut un personnage extraordinaire. Mais il est vrai que son parcours ne correspond pas vraiment à la figure de la « victime » qu’on aime tant aujourd’hui… Si quelqu’un réussit à retrouver sa lettre d’adieux aux électriciens-gaziers lors de son départ en 1947, c’est une pièce magnifique.

      [Je crois malheureusement qu’il est bien trop tard pour sauver le soldat… PCF!!! Je crains qu’il serait difficile de “recomposer” ce parti avec les équipes en place.]

      Je le pense aussi, malheureusement… mais il faut toujours espérer.

  20. luc dit :

    Le problème du PCF c’est l’ingénuité ou l’incurie,c’est selon, de sa direction ingénue.
    Le cas de MGB est significatif mais Dartigolles l’est plus encore.
    Quant à Pierre Laurent,entouré de pro-dissolvateurs du PCF,il ne sait pas s’entourer .
    JLM a bien compris tout cela .
    Il a su faire ,de fait une OPA ,sur l’électorat du PCF même si l’appareil garde encore des places dans la hiérarchie.
    Le glas a sonné,pour l’électorat PCF ce sera Mélenchon qui dans un sondage BVA est donné à 15% alors que Hollande est à 13%.
    C’est incontestablement une victoire ponctuelle pour JLM.
    Je ne lui fais absolument pas confiance surtout à son entourage, pour transformer l’essai,à l’avenir .
    Il suffit qu’il refasse un discours délirant pro-muslmano-maghrébin,pour que sa côte s’effondre.
    C’est ce qui s’était passé après son discours de Marseille en 2012!
    Personne même JLM ne peut échapper aux chausses trappes tendus par ‘les amis’!

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Il a su faire, de fait une OPA, sur l’électorat du PCF même si l’appareil garde encore des places dans la hiérarchie.]

      Qu’il essaye, c’est évident. Qu’il y arrive, c’est autre chose.

      [Le glas a sonné, pour l’électorat PCF ce sera Mélenchon qui dans un sondage BVA est donné à 15% alors que Hollande est à 13%.]

      Les sondages dix mois avant ne valent pas grande chose. On verra ce qui se passera lorsque la campagne commencera et que les autres candidats seront en lice.

  21. Timo dit :

    [ En d’autres termes, l’esprit EDF est exactement à l’opposé de ce qu’est devenu la gauche, autant dans son versant « social-libéral » que dans son versant « libéral-libertaire »]

    La gauche radicale actuelle, elle se situe pas plutôt sur un créneau “social-libertaire” ou “libertaire-anti-liberale” ? D’ailleurs, est ce qu’on penser que c’est rationnel de vouloir à la fois une économie socialisée et une société sans autorité ? Comment penser que tout le monde ira mettre sa pièce dans le pot commun si personne viens te taper sur les doigts si tu le fais pas ? Pourtant si j’ai bien compris c’est la dernière étape du projet de Marx avec le “dépérissement de l’État”, et comme vous citez souvent Marx j’imagine que vous le considérez comme quelqu’un de sensé

    • Descartes dit :

      @ Timo

      [La gauche radicale actuelle, elle se situe pas plutôt sur un créneau “social-libertaire” ou “libertaire-anti-liberale” ?]

      Non, je pense que le terme « libéral-libertaire » est celui qui convient le mieux. La gauche radicale n’a absolument rien de social : le social ne l’intéresse en fait absolument pas. Pourriez-vous indiquer une seule proposition concrète de nature véritablement sociale qui provienne de la gauche radicale ? Et au-delà de la rhétorique, la gauche radicale n’a rien de « antilibérale ». Au contraire, la gauche radicale est profondément anti-institutionnelle et individualiste.

      [D’ailleurs, est ce qu’on penser que c’est rationnel de vouloir à la fois une économie socialisée et une société sans autorité ? Comment penser que tout le monde ira mettre sa pièce dans le pot commun si personne viens te taper sur les doigts si tu le fais pas ?]

      Il y a dans la gauche radicale une puissante veine rousseauiste – et une mauvaise compréhension de Rousseau – qui les fait dire que l’homme étant naturellement bon, une société parfaitement juste ne pourra produire que des hommes qui feront leur devoir par pure conviction. Personnellement, j’en doute…

      [Pourtant si j’ai bien compris c’est la dernière étape du projet de Marx avec le “dépérissement de l’État”, et comme vous citez souvent Marx j’imagine que vous le considérez comme quelqu’un de sensé]

      Oui, mais je considère que le mérite de Marx est en tant qu’analyste du capitalisme, pas en tant que prophète.

  22. luc dit :

    Et la gauche au gouvernement?Celle que l’on devrait qualifier de falsi-manipulatrice.Holland/Valls,font l’amalgame entre la cgt et DAECH.Les mêmes utilisent l’Euro pour faire un rapprochement entre les hooligans,les casseurs et le service d’ordre de la cgt.Le gouvernement accuse ce service d’ordre de la cgt,qu’il qualifie ‘de gros bras'(bravo pourl e mépris!).
    Pour que le piège du discrédit fonctionne ,il est nécessaire que les casseurs dénaturent les manifestations de la cgt.Comment?
    Voici ce que le yndicat alliance a déclaré:
    Le syndicat Alliance s’interroge sur les consignes de non-intervention reçues face aux casseurs. Et accuse le gouvernement de vouloir décrédibiliser les mouvements sociaux.

    La charge est inattendue. Sur France Info, le secrétaire général du syndicat policier majoritaire Alliance, Jean-Claude Delage, s’est interrogé sur les consignes reçues par les policiers pendant les manifestations. Il s’interroge notamment sur la passivité imposée aux forces de l’ordre lorsque des casseurs sont en action.
    « Attendre une heure »

    Pourquoi les CRS n’interviennent-ils pas plus rapidement lorsque des groupes de personnes s’en prennent à des vitrines ou des équipements publics? Selon le patron d’Alliance, les policiers ne font qu’obéir aux ordres.
    « Lorsque vous voyez des casseurs détruire les vitrines, saccager des panneaux publicitaires, se servir des tubes néons à l’intérieur pour attaquer les forces de l’ordre et que des policiers mobilisés sont en face d’eux et qu’ils doivent attendre une heure en face d’eux pour intervenir (…) on se demande bien pourquoi. »

    Celui qui appelle les policiers à manifester contre « la haine anti-flics » le 18 mai l’assure: « les policiers veulent interpeller les casseurs ». Et d’ajouter:

    « L’Etat doit prendre ses responsabilités, ne pas nous laisser attendre des heures face à des casseurs identifiés, qu’on pourrait même peut-être préventivement assigner à résidence dans le cadre de l’état d’urgence ou interpeller. »

    Quelle est la logique derrière ces ordres?

    Pour Alliance, la stratégie de laissez-faire du gouvernement n’a qu’un objectif, jeter le discrédit sur l’ensemble de la mobilisation contre la Loi Travail.

    « Je pense que ça vise aussi à discréditer le mouvement social et syndical parce qu’évidemment, lorsque des syndicalistes manifestent contre un texte et qu’il y a des casseurs qui cassent tout dans le quartier, que les riverains sont exaspérés et que la police ne peut pas rapidement intervenir, et bien ça discrédite aussi quelque part le mouvement social » estime Jean-Claude Delage.

    Depuis son annonce par le gouvernement, le projet de Loi Travail a suscité une très vive contestation, traduite par des manifestations partout en France. Manifestations en marge desquelles ont été observés de violents affrontements avec les forces de l’ordre.
    A qui profite les casseurs,les hooligans,DAECH?………à Valls et Elkhomri,Medef retranchés derrière leur role d’autorité ,protégeant la France,de ces casseurs, hooligans,DAECHISTES,de la .cgt.

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Pour Alliance, la stratégie de laissez-faire du gouvernement n’a qu’un objectif, jeter le discrédit sur l’ensemble de la mobilisation contre la Loi Travail.]

      Ca paraît assez clair. Ce que je trouve intéressant, c’est la convergence entre un gouvernement qui laisse les casseurs agir, des médias qui leur donnent un écho disproportionné, et une « gauche radicale » qui justifie la violence et appelle à la solidarité avec les violents. Ce n’est pas une « conspiration », plus simplement, une identité de classe…

  23. Maurice dit :

    L’infamie dont se rend coupable Valls/Elkhomri/UE,prépare le terrain à des démolitions en règle de notre état social auquel la droite se préapre.Ce sera un trés long combat où les républicains se retouveront pour défendre les valeurs françaises de 1946.
    En prmier lieu,la laïcité.Voilà une des incidences de la loi ElKohmri à lauqelle j’ai pensé.Car cette loi ,c’est la fin du travail citoyen,rationnalisé au sein de branches dans un état,pour la libération de l’initiative individuelle y compris religieuse puisqu’il n’y aura plus d’accords de branches.Mais peut être croyez vous que les entreprises à but religieux n’existe pas?allez au coin de ma rue ,à la librairie libanaise où vous trouverez des dizaines d’ouvrages tous plus halal les uns que les autres,gravitant autour du saint coran.Pas autour du sain courant d’edf,qui profite des accords de branche,mais plus avec la loi Elkhomri.En détruisant les branches par l’article 2 ,elle détruit du tissu social citoyen français.Par ailleurs si les accords de branche n’existent plus et que seuls subsistent les accords d’entreprise,c’est la porte ouverte aux pratiques délictueuses voire anti laïque et anti citoyenne.
    En effet,un groupe de religieux fanatiques pourra accepter de travailler pour n’importe quoi afin de s’assurer le paradis ou d’enrichir le prosélythisme de son groupe religieux en guerre avec les autres nécessairement…
    Toutes les règles seront violées y compris la laïcité…..
    Le syndicat des cadres la CFE-CGC qui condamne l’article 2,voit dans celui ci un trés grave danger pour les entreprises normales.
    Mais le PS anti-cgtpcftotalitaire,n’ya pas pensé eput être?
    Au fait pourquoi cette obsession du PS à obéir à l’UE,sans réfléchir,sans avoir été mandaté par la présentation de cette mesure destructrice devant l’électorat?

    • Descartes dit :

      @ Maurice

      [En premier lieu,la laïcité. Voilà une des incidences de la loi ElKohmri à laquelle j’ai pensé. Car cette loi ,c’est la fin du travail citoyen, rationalise au sein de branches dans un état,pour la libération de l’initiative individuelle y compris religieuse puisqu’il n’y aura plus d’accords de branches.]

      Faudrait tout de même pas exagérer. Si la loi El Khomri permet aux accords d’entreprise de déroger aux accords de branche, elle ne leur permet pas de déroger aux principes d’ordre public contenus dans la loi et encore moins aux principes de valeur constitutionnelle. La loi El Khomri est suffisamment mauvaise pour qu’on n’ait pas besoin de lui en prêter des défauts qu’elle n’a pas…

  24. Maurice dit :

    @Descartes
    Merci,pour votre éclairage toujours bien venu.
    Mais cette affaire d’ostracisme de la cgt par le PS est excessivement grave.
    Cela rappelle,Moch,Ramadier,le guerre froide,le complot des pigeons,la guerre d’Algérie et surtout la guerre d’espagne.
    Valls a dit:’ça fait 100 ans que le PCF se tropme’.L’énormité de sa bévue lui a échappé car il est imbu d’anti -pcf depuis son enfance etsa formation idéologique droitière de sa jeunesse.
    Il a été élevé par des parents libéraux dans le respect du franquisme et du capitalisme.Il n’ a jamis renié ça et aujourdh’ui il concrétise cette éducation.
    Pendant des dizaines d’années la culture sociale,laïque française,celle de la cgt, lui a échappé.
    Dans sa violence verbale,il est sincère comme les phalangiste l’étaient et le sont restés en Espagne arrivant même à marginaliser le juge Garzon.
    Valls se trompe ,il est illégitime mais il est persuadé qu’il l’est.Comme les franquistes sont restés toute leur vie persuadés qu’ils avaient raison.
    Chaque camp a son Dieu,qui sert à se faire la guerre depuis la nuit des temps.C’est pour éviter ça que le socialisme a été élaboré.Mais pour Valls,non!
    Son Dieu,l’Argent,ne doit avoir aucun frein,même pas social,même pas les branches.
    Toutes les règles seront violées,avec la loi travail, y compris la laïcité…..D’ailleurs,il suffit d’écouter ce que le PS dit ,comment il diabolise la cgt pour comprendre que toutes les règles de l’honnêteté ont été abattues par Valls/Hollande.
    Entre Martinez issu de la mouvance républicaine espagnole et Valls issu de la mouvance franquiste ,la différence de comportement est significative…
    Ce qui se passe aujourd’hui est une ressassée des années trente,quarante,cinquante,soixante et aussi de 1983,non?
    C’est un épisode de la guerre sociale immémoriale,où les attitudes et comportements se répètent,comme entre Valls,franquistoïde et Martinez,plus républicain,n’est ce pas?

    • Descartes dit :

      @ maurice

      [Mais cette affaire d’ostracisme de la cgt par le PS est excessivement grave.]

      Rien de bien nouveau. On avait vécu la même chose dans les années 1980.

      [Il a été élevé par des parents libéraux dans le respect du franquisme et du capitalisme. Il n’ a jamais renié ça et aujourd’hui il concrétise cette éducation.]

      Mais… pourquoi faut-il que vous exagériez toujours ? Rien dans la trajectoire de Valls ne permet de l’associer au franquisme. Valls a suffisamment de défauts réels pour aller lui chercher de nouveaux.

  25. danièlle dit :

    L’arrogance de Valls qui frise l’irresponsabilité maniaque intégrale est effrayante… Comment faire porter sur la majorité des Français, le poids de la réprobation d’un gouvernement et d’un président non seulement incapables de répondre au programme sur lequel il a été élu, mais la violence qui est le résultat de choix politiques bellicistes, inégalitaires dans lequel il s’enfonce, nous enfonce? … L’extrême-droite se glisse dans cette folie et amplifie l’absence d’issue… La provocation permanente devient la logique d’un pouvoir aux abois et des médias qui semblent avoir renoncé à toute information des citoyens…La gauche qui se situera dans le sillage d’un tel pouvoir est condamnée… Alors que cherchent-ils, il y a bien sûr les diktats de l’Europe sur le cade du travail, mais il y a aussi le jeu politicien pour tenter de s’approprier les effets les plus négatifs de leur politique. Le tout sécuritaire alors même que l’on multiplie les raisons de l’insécurité la plus fondamentale, celle des frontières, celle de notre politique internationale, celle du refus de négocier… C’est la démission du peuple qui est cherchée alors même qu’on lui substitue la répression… Le cas de la loi travail qui n’a de majorité nulle part, ni dans le pays, ni dans la rue, ni même à l’Assemblée nationale, illustre ce recours à l’autoritarisme et à la violence sociale qui provoque l’insurrection…Déjà le PS et son gouvernement n’espère son salut que dans la montée du FN, un doublon de ce recours au tout sécuritaire et à la violence intérieure. Ce FN aujourd’hui totalement dépassé par l’ampleur de la contestation populaires sur la loi travail… Et à qui il est pour le PS urgent de faire reprendre la main, comme il est urgent de faire accroire l’idée que la droite c’est pire que le PS. C’est parce que le combat contre la loi Khomri met à mal les lignes forces de ce schéma qu’il faut la faire voter vite et passer à autre chose…A quoi? Ce qui se passe aux Etats-Unis où les deux candidats sélectionnés par le système, les deux seuls en capacité d’être élus se disputent les records d’impopularité et il ne reste plus à la vénale et belliciste Clinton à faire peur avec l’outrancier Trump. Le tout grâce au filtre des primaires avec leur pseudo démocratie étayée par un système de propagande aux mains de « l’établissement ». Il y a même eu cerise sur le gâteau un candidat gauchiste, vaguement trotskiste pour porter dans le système la colère de ceux qui n’en veulent pas mais ne savent pas quoi construire à la place… Pas de parti, mais une foule d’individus qui se croient libres derrière un leader qui de fait les envoie dans le mur. Et les oblige à se ranger derrière le moins pire, qui ressemble totalement au pire…
    C’est à ce scénario qu’aspirent les dirigeants du PS, une droite qui fait de la surenchère sociale, à gauche pas de parti, un candidat que les médias s’emploient à faire monter et le FN en position de faire peur… On sous-estime la prégnance des Etats-Unis, le choix de cette civilisation sur nos élites…
    C’est dans un tel contexte que Cambadelis est en train de concocter des primaires taillées exprès pour Hollande. Non seulement le calendrier, mais les concurrents : imaginez le choc de titans entre Placé et Hollande…
    Mais le truc, c’est comme le 49.3, l’art et la manière de clouer les « frondeurs » derrière Hollande et Valls, finis les espoirs de Pierre Laurent d’une primaire avec eux… Si l’on me permet une remarque, il y a eu un Congrès pour rien: le candidat communiste devrait être désigné depuis belle lurette… Mais toujours dans sa vision du « bon socialiste » derrière lequel se ranger le PCF s’est fait prendre de vitesse par Mélenchon et maintenant Cambadelis malgré la position exemplaire des parlementaires communistes.

    • Descartes dit :

      @ danièlle

      [Le cas de la loi travail qui n’a de majorité nulle part, ni dans le pays, ni dans la rue, ni même à l’Assemblée nationale, illustre ce recours à l’autoritarisme et à la violence sociale qui provoque l’insurrection…]

      Il faut raison garder. Quelques centaines de jeunes bobos qui se donnent le frisson en cassant des abribus et en jetant des pierres sur la police ne constituent pas une « insurrection ». Il n’y a pas « d’insurrection » en vue pour la simple raison qu’il n’y a pas sur la table d’alternative crédible. Et du coup, alors que la loi El Khomri n’a de majorité ni dans le pays, ni dans les assemblées, ni même chez les militants socialistes, ce rejet ne trouve pas d’exutoire. Dans le temps, quand on n’était pas content de la gauche on pouvait voter à droite, et quand on n’était pas content de la droite on pouvait voter à gauche. Aujourd’hui, gauche et droite paraissent mener les mêmes politiques et se sont habitués à une logique d’alternance, chacun ayant les postes et les fromages cinq ans sur dix. Quant à la « gauche radicale », elle persiste en construire des châteaux dans l’air au lieu de s’attaquer aux problèmes sur terre. C’est pourquoi le mouvement n’arrive pas à trouver une issue.

      [Ce FN aujourd’hui totalement dépassé par l’ampleur de la contestation populaires sur la loi travail…]

      Pas si « dépassé » que ça. Si vous observez son évolution, vous verrez que la contestation contribue à renforcer la « ligne Philippot » contre la vieille garde OAS-Pétain-Catho. Alors que certains sénateurs frontistes avaient déposé des amendements à la loi El Khomri allant dans le sens patronal, ils ont été fermement priés de les retirer par leur parti. Alors que Marine Le Pen penchait plutôt vers le discours d’interdiction des manifestations, suivant en cela les partisans de Marion Maréchal-Le Pen, aujourd’hui elle proteste contre l’interdiction de manifester, accordant son discours avec celui de Philippot. Plus les jours passent, et plus le FN semble s’aligner avec l’opinion populaire, dans la logique d’un parti tribunicien.

      [Si l’on me permet une remarque, il y a eu un Congrès pour rien: le candidat communiste devrait être désigné depuis belle lurette… Mais toujours dans sa vision du « bon socialiste » derrière lequel se ranger le PCF s’est fait prendre de vitesse par Mélenchon et maintenant Cambadelis malgré la position exemplaire des parlementaires communistes.]

      On peut reprocher beaucoup de choses à la direction du PCF, mais pas de ne pas avoir fixé ses priorités et s’y tenir. La priorité, c’est de protéger autant que faire se peu le réseau d’élus locaux et nationaux, maires, conseillers départementaux et régionaux, députés, sénateurs. La direction du PCF reste persuadée que les élus sont le meilleur relai et le meilleur soutien des combats du Parti, et que les moyens qu’ils apportent sont indispensables pour que l’appareil du PCF continue à fonctionner. Et à partir de là, la direction du PCF est à la recherche de la meilleure solution lui permettant d’atteindre cet objectif.

      Cet objectif est-il le bon ? J’ai tendance à le croire. Le PCF a fortement dérivé vers le gauchisme. Sans ses élus locaux et nationaux qui, ayant les pieds dans la merde, sont obligés de tenir compte du réel, le PCF serait depuis longtemps devenu un groupuscule gauchiste de plus. Pour moi, le problème n’est pas tant le choix des objectifs, c’est le fait que la direction du PCF n’assume pas son choix. Si la direction du PCF allait devant les électeurs en insistant sur l’intérêt d’avoir des élus communistes et admettait que la stratégie d’alliances est subordonnée à cet objectif, on s’éviterait beaucoup de déconvenues. Expliquer qu’on veut sauver le groupe parlementaire, et qu’à cette fin on est prêt à se désister pour quiconque nous assure cette possibilité serait plus honnête que d’expliquer qu’on fait voter Hollande « pour battre la droite et l’extrême droite », pour ensuite se trouver avec une « gauche » au pouvoir qui fait largement pire que ce que la droite aurait fait à sa place.

    • BolchoKek dit :

      @Descartes

      >Alors que Marine Le Pen penchait plutôt vers le discours d’interdiction des manifestations, suivant en cela les partisans de Marion Maréchal-Le Pen, aujourd’hui elle proteste contre l’interdiction de manifester, accordant son discours avec celui de Philippot. Plus les jours passent, et plus le FN semble s’aligner avec l’opinion populaire, dans la logique d’un parti tribunicien. < J’ai comme l’impression que si la base électorale du FN est franchement composée d’anciens électeurs de gauche en majorité – ou alors d’un électorat auparavant acquis à la gauche – les cadres tout autant que la base militante sont notablement plus sur une ligne “tradi”. A mon avis les discours de MLP au début du mouvement sur “la CGT toute seule qui ne représente plus personne”, ce qui est tout de même le disque rayé de la bien-pensance ces temps-ci, ça a franchement dû passer à côté de beaucoup de salariés mobilisés ou partisans du mouvement, qui justement semblent faire confiance à la CGT comme organisation “proche des gens”… On comprend que le FN a une sorte de détestation réflexe de la CGT pour des raisons historiques, et que ces raisons historiques ont toujours beaucoup de poids dans le discours.

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [J’ai comme l’impression que si la base électorale du FN est franchement composée d’anciens électeurs de gauche en majorité – ou alors d’un électorat auparavant acquis à la gauche – les cadres tout autant que la base militante sont notablement plus sur une ligne “tradi”.]

      C’est moins évident que ça. Il est incontestable que certains cadres – et parmi eux pas mal d’élus – sont sur la ligne « tradi », ou bien ont trop peur de leurs électeurs « tradi » pour tenir un autre discours. En même temps, il est clair que le groupe derrière Philippot est sur une autre ligne. Et aussi longtemps que la stratégie Philippot sera perçue comme gagnante, beaucoup de cadres intermédiaires s’y rallieront. Quant à Marine Le Pen, difficile de dire si son ralliement à cette ligne reflète une véritable conviction ou un pur opportunisme. On le verra si un jour la stratégie Philippot essuie des revers…

      En tout cas, le groupe qui soutien Philippot semble avoir suffisamment de poids pour obliger les sénateurs FN a manger leur chapeau en retirant leurs amendements, ou pour infléchir le discours public du parti dans des limites impensables il y a seulement quelques années. Ce matin sur France Inter Philippot a défendu le droit de manifester comme droit constitutionnel, et a refusé de qualifier la CGT estimant que les syndicats « font ce qu’ils ont à faire » et lui adressant pour seul reproche de ne pas être assez explicite dans sa condamnation de l’UE ! Imagine-t-on un dirigeant « tradi » tenir ce langage ?

      [A mon avis les discours de MLP au début du mouvement sur “la CGT toute seule qui ne représente plus personne”, ce qui est tout de même le disque rayé de la bien-pensance ces temps-ci, ça a franchement dû passer à côté de beaucoup de salariés mobilisés ou partisans du mouvement, qui justement semblent faire confiance à la CGT comme organisation “proche des gens”…]

      C’est ce discours initial qui rend encore plus visible son changement de cap. Clairement, elle a compris que le « sens de l’histoire » n’était pas dans la reprise du traditionnel discours antisyndical qu’on peut entendre à droite – et maintenant aussi au PS. Et si elle l’a compris, c’est probablement parce qu’il y a eu des remontées de la « base ». En ce sens, je ne pense pas m’être trompé en disant que le FN est en train de devenir un « parti populaire ». Ses dirigeants semblent bien plus réactifs aux réactions de la base que ceux du PS, par exemple.

      [On comprend que le FN a une sorte de détestation réflexe de la CGT pour des raisons historiques, et que ces raisons historiques ont toujours beaucoup de poids dans le discours.]

      Sans aucun doute. Mais il semblerait que le changement dans sa base électorale commence à s’imposer aux « réflexes » venus d’une autre époque. Clairement, le FN n’est pas encore à l’aise dans ses rapports avec les syndicats, et n’a toujours pas tiré les conséquences de son nouveau discours économique et social, qui devrait le conduire logiquement à les voir sous un jour plus favorable. D’autant plus que le FN vise à attirer de plus en plus de syndicalistes, et qu’il aura donc de plus en plus de mal à cracher sur eux…

  26. JMP dit :

    Bonjour
    vous écrivez : »Le président de la République n’a pas jugé nécessaire de se déplacer ou de faire un discours, et il n’y a pas eu de jogging entre les tombes ou de concert de Black M. Les fêtards ont été peu nombreux. Même à l’intérieur de d’EDF, les célébrations ont été fort discrètes. Ailleurs, elles ont été inexistantes.

    A ma connaissance( mais peut-être certains m’on echappé…), le seul mouvement politique qui ait rappelé et salué cet anniversaire et rendu hommage a ceux qui , en leur temps, ont construit cette réussite en phase de démolition , est l’UPR, par la voix de Fr Asselineau

    à la 46è minute :

    http://www.upr.fr/entretiens-actualite-upr/actualite-attentats-orlando-meurtre-de-policier-syndicats-et-casseurs

    Je vous rassure tout de suite : cette déclaration, comme toutes les positions prises par l’UPR, a subit l’omerta totale de tout les médias

    • Descartes dit :

      @ JLP

      [A ma connaissance (mais peut-être certains m’on échappé…), le seul mouvement politique qui ait rappelé et salué cet anniversaire et rendu hommage a ceux qui , en leur temps, ont construit cette réussite en phase de démolition , est l’UPR, par la voix de Fr Asselineau]

      Cela ne m’étonne pas. Asselineau a une véritable culture administrative et a toujours été sur la position de valoriser les réalisations de la Libération.

      [Je vous rassure tout de suite : cette déclaration, comme toutes les positions prises par l’UPR, a subit l’omerta totale de tout les médias]

      Il faut dire qu’Asselineau s’y prend assez mal dans sa communication. Il a tendance à être trop professoral et trop brusque lorsqu’il est contredit. Un peu plus de « rondeur » lui ferait du bien…

  27. Alucard dit :

    Bonjour Descartes,

    2016 est aussi un autre anniversaire, celui des 40 ans de la création de la Cogema, devenue Areva.
    Si les choses ne sont pas passées exactement comme à EDF, Lauvergeon a bien mis à mal cette entreprise et compromis l’avenir du nucléaire français. Il se dit que les chinois seront meilleurs que nous d’ici 5 ans.

    Pour une fois je suis d’accord avec Hollande : il faut beaucoup de temps pour faire, mais peu pour défaire…

    • Descartes dit :

      @ Alucard

      [Pour une fois je suis d’accord avec Hollande : il faut beaucoup de temps pour faire, mais peu pour défaire…]

      Moi aussi. Dommage que Hollande n’ait pas tiré les conséquences…

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