Une affaire de mercenaires

Qu’est-ce que c’est qu’un mercenaire ? C’est un individu qui sert une cause, une institution, un pays non pas par conviction, non pas par devoir, mais parce qu’on le paye. Et si  une fois son contrat terminé une autre cause, une autre institution, un autre pays lui proposait une rémunération, cela ne lui posera aucun problème de changer de camp. Car le mercenaire – et ce n’est pas là un jugement moral, mais la constatation d’un fait – sert d’abord son propre intérêt, et seulement marginalement celui des autres.

Pendant des siècles, la figure du mercenaire domine non seulement le domaine militaire, mais aussi la politique. La notion de patriotisme et de service désintéressé n’a pas sa place au moyen-âge et à la Renaissance. On estime normal qu’un général combatte pour de l’argent ses propres compatriotes au service d’un roi étranger et touche les fruits du pillage d’une ville prise, quand bien même ce serait celle de sa naissance. Il est aussi parfaitement normal qu’un ministre s’enrichisse de sa charge. D’ailleurs, permettre à ses ministres de s’enrichir est le moyen le plus sûr pour un roi de s’attacher leur fidélité, de les prémunir contre les avances d’un souverain qui pourrait les payer encore mieux.

C’est avec l’avènement de l’Etat-nation que tout change. Même là où la monarchie subsiste, la notion de « res publica » – la « chose publique » – s’impose. On commence à partir du XVIIème siècle à servir l’Etat, entité qui transcende les individus, et non plus un monarque. Plus tard, on demandera aux citoyens de servir obligatoirement dans les armées pour une maigre solde et sans espérer de récompense autre que symbolique, sans pouvoir espérer les fruits du pillage. On exigera des gouvernants qu’ils prennent des décisions en fonction de l’intérêt général et sans se servir dans la caisse au passage.

Si la Nation peut exiger un service gratuit là où les rois étaient obligés de payer, c’est parce que contrairement au roi la Nation est un nous collectif qui a des devoirs envers chaque citoyen – c’est la fameuse « solidarité inconditionnelle et impersonnelle » qui pour moi fait en fait le fondement – et que par voie de conséquence elle est légitime à exiger un service en retour. Le rapport à la nation est un rapport contractuel : notre pays nous fait tels que nous sommes et nous lui devons par conséquence une dette de reconnaissance. C’est pour cette raison qu’au XIXème et XXème siècles les fonctions politiques et régaliennes étaient strictement réservées aux citoyens du pays. Un Italien doit tout à l’Italie, un Allemand doit tout à l’Allemagne. Comment imaginer qu’ils puissent, alors qu’ils ne doivent rien à la France, la servir de manière totalement désintéressée dans une position de pouvoir ? Il allait alors de soi que nommer un ministre étranger, c’était la garantie de le voir servir sa nation d’origine, à laquelle il doit tout. (1)

C’est à la lumière de ces réflexions qu’il me semble nécessaire d’examiner l’affaire récente qui a vu la démission de Sandro Gozi de son poste de conseiller au cabinet du Premier ministre. Pour ceux qui ne connaîtraient pas le personnage, un retour sur sa trajectoire est instructif. Sandro Gozi est un jeune politicien italien, dont le nomadisme politique l’a conduit du néofascisme jusqu’au centrisme. Il fut secrétaire d’Etat dans le gouvernement Renzi, poste dans lequel il était censé mettre tout son cœur et son intelligence pour défendre les intérêts de l’Italie. Mais après la chute du gouvernement Renzi, il faut bien beurrer les épinards, et Gozi devient alors « consultant » auprès du Premier ministre de Malte, poste dans lequel on suppose il aura eu à cœur de défendre les intérêts des Maltais. Ce qui ne l’empêche pas « en même temps » – comme dirait notre président – de devenir conseiller au cabinet d’Edouard Philippe et de se faire élire député – in partibus en attendant que le retrait des députés britanniques lui permette de siéger à Bruxelles – en France. Postes dans lesquels, sans aucun doute, il fait tout son possible pour défendre les intérêts de la France.

Voilà donc un homme qui a défendu successivement ou simultanément les intérêts de la France, de l’Italie et de Malte. Et dont on peut supposer qu’il a utilisé les informations glanées dans chacune de ses fonctions pour alimenter les autres. Qui nous garantit que les informations transmises au cabinet du Premier ministre de la France n’ont servi par cet intermédiaire à faire avancer les intérêts maltais ou italiens contre nos propres intérêts ? Rien, bien entendu.

C’est ce que l’intéressé, pour se défendre, appelle la « transnationalité ». Avouez que c’est mignon, mais tout de même un peu court. Renzi, Philippe ou Muscat ont été mandatés par des citoyens – qui en dernière instance paient les salaires des ministres et de leurs conseillers – pour défendre les intérêts de leur Nation. Gozi est un mercenaire qui n’a en tête que ses propres intérêts. Qu’un tel personnage puisse accéder à des postes de confiance dans l’appareil politique et administratif devrait nous interroger.

Et Gozi n’est pas seul. Le cas de Salomé Zourabichvilli est encore plus intéressant. Cette dame est née en France en 1952 de parents français. Ses grands-parents étaient des immigrés géorgiens installés en France dans les années 1920. Elle fera des études en France, et une brillante carrière administrative au ministère des Affaires Etrangères où elle occupera des postes de haut niveau et particulièrement sensibles, comme celui de directrice des affaires internationales et stratégiques au Secrétariat général à la défense nationale, poste dans lequel elle a eu accès aux informations les plus sensibles concernant notre politique extérieure et de défense. Elle sera aussi ambassadrice de France en Géorgie entre 2003 et 2005… et c’est là qu’elle est repérée par le président Saakachvili, qui veut en faire sa ministre des Affaires étrangères. Elle n’a pas la nationalité géorgienne ? Qu’à cela ne tienne : le parlement vote une loi ad-hoc pour réparer cette petite difficulté, et on se retrouve dans la situation ubuesque ou la même personne est censée soutenir les intérêts de la France devant le gouvernement géorgien, et les intérêts de la Géorgie devant le gouvernement français. Mais la saga ne s’arrête pas là : Salomé Zourabichvilli se fera élire députée en Géorgie… mais fait partie des soixante diplomates qui signeront une lettre de soutien à l’élection d’Emmanuel Macron. Et puis elle décide de se présenter à la présidence de la Géorgie. Malheureusement, la constitution de ce pays interdit aux double-nationaux de se présenter. Encore une fois, ce n’est pas un problème. Madame Zourabichvilli renonce à la citoyenneté française, reniant par la même le pays qui l’a soignée, éduquée, et donné les meilleures opportunités, comme on se débarrasse d’un vieux vêtement qui a fait son temps. Elle sera d’ailleurs élue et préside aujourd’hui la Georgie. (2)

Cette affaire pose la même question que l’affaire Gozi : quels sont exactement les intérêts que Mme Zourabichvilli a défendu dans les différents étages de son parcours ? Ceux de la Géorgie ? Ceux de la France ? Les siens personnels ? C’est à mon sens cette dernière réponse qui est la bonne. Car en matière de politique internationale, on ne peut bien servir deux maîtres. Maintenant qu’elle est présidente de la Géorgie, on peut imaginer que les informations ultraconfidentielles dont elle a eu connaissance au Quai d’Orsay seront utilisées au détriment de nos intérêts – elle serait d’ailleurs en faute par rapport au mandat qu’elle a reçu du peuple géorgien si elle ne le faisait pas.  Et de la même manière, les Géorgiens sont fondés à supposer que les informations dont elle dispose aujourd’hui pourraient être transmises aux anciens collègues de leur nouvelle présidente pour être utilisées au détriment de leur pays. On ne peut faire confiance à une personne qui change de trottoir en fonction de ses ambitions personnelles.

Et la même question se pose chez Sylvie Goulard qui, élue au Parlement européen et touchant une rémunération confortable de celui-ci, a accepté une deuxième rémunération bien supérieure par une institution de lobbying américaine, la fondation Berggruen. Et la question est toujours la même : quels sont les intérêts que Mme Goulard servait à Bruxelles ? Ceux de ses mandants français qui l’ont élue, ou ceux de la fondation Berggruen, qui l’ont grassement rémunérée ? Plus banalement, on peut conclure qu’elle n’a servi que ses propres intérêts, acceptant l’argent d’où il vient en échange de menus services.

La multiplication de ces affaires met à nu un changement fondamental. La fidélité à une idée, à une institution, au pays laisse progressivement la place à une course décomplexée à l’argent et aux postes – ce qui n’est pas la même chose que le pouvoir. D’où un nomadisme qui se manifeste dans tous les domaines : on change d’idée, de parti politique, de nationalité comme on change de chemise. Ceux qui juraient par les mânes de Jaurès sont prêts à servir un premier ministre de droite sans le moindre complexe, ceux qui juraient leur dévotion au drapeau italien peuvent conseiller le premier ministre français dans les négociations internationales. Il suffit que le chèque soit assez attractif. Et ce n’est pas seulement chez les grands que ce problème se pose : hier, des appelés sont allés mourir dans les tranchées sans une plainte dans des conditions qui sont pour nous difficilement imaginables. Aujourd’hui, des soldats devenus professionnels font des procès à l’Etat pour « mise en danger de la vie d’autrui ». Des personnes qui ont craché sur la France, brûlé publiquement leur passeport français, participé aux activités d’une organisation qui a massacré des Français exigent aujourd’hui par voie d’avocat ou de tribunes dans « Le Monde » d’être protégés par l’Etat français au prétexte qu’ils sont citoyens français. Comme si la citoyenneté n’accordait que des droits et n’imposait aucun devoir, pas même celui de loyauté.

Cette transformation traduit la mort de l’idée même de dette de reconnaissance, c’est-à-dire, l’idée que nous avons une dette envers ceux qui se sont battus avant nous pour construire ces institutions qui nous ont nourris, qui nous ont soignés, qui nous ont protégés, qui nous ont éduqués, bref, qui nous ont fait tels que nous sommes. A ceux qui essayaient d’utiliser dans les années 1970 ses désaccords sur la ligne pour mettre en difficulté le PCF, Marcel Paul avait répondu « le Parti m’a fait ce que je suis, jamais je ne le trahirai ». Par cette formule, il manifestait sa conscience d’une dette qu’il avait pourtant payé mille fois. Son discours était limpide : renier l’institution qui vous a formé, le pays qui vous a fait, c’est trahir une dette sacrée. Manifestement, cette reconnaissance n’est plus de saison dans la génération des Renzi et des Macron, persuadés de s’être faits eux-mêmes et de ne devoir rien à personne. Il ne reste pour toute fidélité que les fidélités personnelles et claniques qui ne sont en fait que des contrats de bénéfice mutuel entre gens du même monde. Pour le reste, dans une société ou l’argent est la mesure de toute chose, tout devient une affaire de mercenaires.

Descartes

(1) Ainsi, par exemple, l’étranger naturalisé français ne pouvait occuper de fonctions politiques ne France dans les dix années qui suivent sa naturalisation, période censée garantir l’établissement de liens solides avec la collectivité nationale et la distension des liens avec le pays d’origine.

(2) Quant au président Saakachvili, qui lui a mis le pied à l’étrier… il joue lui aussi les mercenaires : diverses affaires de corruption le poussant à quitter la Géorgie, il renonce à sa nationalité georgienne et reçoit du président Poroshenko la citoyenneté ukrainienne, pour être nommé immédiatement gouverneur de la province d’Odessa, l’une des plus riches – et les plus corrompues – de l’Ukraine.

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75 réponses à Une affaire de mercenaires

  1. CVT dit :

    @Descartes,
    et le prochain dans la liste des félons sera qui, d’après vous? Valls?
    https://www.courrierinternational.com/article/politique-valls-bientot-ministre-espagnol-des-affaires-etrangeres
    Alors, oui, il n’est pas encore passé à l’acte, mais lorsque la rumeur de son retour à Barcelone s’était répandue l’an dernier, personne n’y croyait non plus😬… Et pourtant, il a fini par militer chez le pendant catalan et pro-espagnol de LREM, Ciudadanos. Vous parliez de nomadisme? Manolo a encore la bougeotte : en effet, le poste de ministre évoqué plus haut lui a été proposé par le PSOE, qui n’est autre que le grand concurrent de Ciudadanos dans sa lutte pour conquérir les faveurs de la clientèle électorale bobo espagnole… Mieux vaut en rire avant d’avoir en pleurer! Car oui, ces Ganelon ne sont au pouvoir que pour les prébendes et non pour les charges et responsabilités qui vont de pair: le pouvoir, c’est trop difficile, il faut rendre des comptes.

    D’une façon générale, ils sont la parfaite incarnation du “jouir sans entrave” qui irrigue la mentalité de nos élites depuis maintenant 50 ans. Et tout est à l’avenant dans notre société de responsables irresponsables, qui veulent tous les avantages délesté du poids des inconvénients: ils veulent avoir sans posséder (cf la gigantesque arnaque immobilière WeWork, ou les vélos en libre service Uber); ils veulent également les droits sans les devoirs (vous évoquiez le comportement scandaleux des apologistes des ex-combattants de l’Etat Islamique…).
    Tout ceci correspond à une régression infantile caractéristique du narcissisme de la fameuse injonction soixante-huitarde, mais malheureusement, c’est le type de personne que produit notre société occidentale actuelle 😩… Continuons sur cette voie-là et c’est le retour à l’état de nature qui nous tend les bras 🥶.

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [et le prochain dans la liste des félons sera qui, d’après vous? Valls?]

      Pourquoi dites-vous « félon » ? Encore une fois, je pense qu’il ne faut pas analyser cette question avec une approche moralisante. La question essentielle n’est pas de savoir si Valls accepterait un ministère ou Gozi un siège de député français. La question est surtout de savoir pourquoi on offre à ces personnages ce type de postes. Pourquoi personne n’a dénoncé la présence de Gozi sur les listes LREM – pas même je crois le RN – et pourquoi les électeurs ne sont pas choqués qu’on leur propose un tel choix.

      Vous me direz que les électeurs sont un peu coincés par ce que les partis politiques proposent, et ce n’est pas faux. Mais alors, comment expliquer que les dirigeants LREM proposent à Gozi un poste, ou que les dirigeants du PSOE fassent de même avec Valls ? La réponse ici est plus claire : c’est dans le bloc dominant dont sont issus en général les candidats que l’idée de dette envers l’institution s’est le plus perdue. Pour les socialistes espagnols ou pour les LREM français, Gozi ou Valls sont « l’un d’eux » indépendamment de sa nationalité. S’ils n’estiment avoir aucun devoir envers leur pays, pourquoi exigeraient quelque chose des autres ?

  2. Ergocrate dit :

    Il me semble que la France s’est particulièrement illustrée dans cette quête, devenue banale, pour un poste politique quelconque, pourvu que la rémunération justifie le reniement de sa patrie. Vous l’avez sans doute deviné, je pointe notamment notre illustre ministre Manuel Vals… dont plus personne ne veut.

    Mais ne nous inquiétons pas pour ce genre d’énergumène. Ces gens savent s’asseoir dans les bons fauteuils. Comment leur en vouloir si des électeurs suffisamment naïfs estiment que leur bulletin permet encore de changer la situation sociale de notre pays ?

    Mais, n’est-ce pas le but recherché ? Dans une configuration politique européenne qui déteste la démocratie, ne s’agit-il pas justement de rendre obsolète le principe du vote ?

    • Descartes dit :

      @ Ergocrate

      [Il me semble que la France s’est particulièrement illustrée dans cette quête, devenue banale, pour un poste politique quelconque, pourvu que la rémunération justifie le reniement de sa patrie. Vous l’avez sans doute deviné, je pointe notamment notre illustre ministre Manuel Vals… dont plus personne ne veut.]

      Je ne pense pas que la France soit particulièrement mal placée dans cette matière. Ce serait plutôt le contraire : dans d’autres pays, l’argent joue un rôle bien plus fort dans les choix de carrière. C’est particulièrement vrai aux Etats-Unis, avec le système dit « des dépouilles »…

      Quant à Manuel Valls, parti chercher en Espagne la carrière qu’il ne trouvait pas en France, c’est encore un bon exemple des nouveaux mercenaires de la politique.

      [Ces gens savent s’asseoir dans les bons fauteuils. Comment leur en vouloir si des électeurs suffisamment naïfs estiment que leur bulletin permet encore de changer la situation sociale de notre pays ? Mais, n’est-ce pas le but recherché ? Dans une configuration politique européenne qui déteste la démocratie, ne s’agit-il pas justement de rendre obsolète le principe du vote ?]

      Je ne crois pas que cela rende obsolète le principe du vote. Si ce genre de mercenaire prospère, c’est parce que les électeurs eux-mêmes acceptent le principe. Si les électeurs avaient sanctionné la liste LREM parce qu’elle faisait figurer Gozi en position éligible, LREM se serait abstenu la prochaine fois de refaire le coup.

      Les mercenaires n’existent que parce qu’il y a des employeurs pour les payer. Si les citoyens-électeurs marquaient leur rejet de ce type de comportements, les mercenaires disparaîtraient. C’est là que se trouve le problème, et non dans le fait que des politiques cherchent “le bon fauteuil”.

      • Alain Brachet dit :

        Le cas Valls est un peu caricatural. Mais je crois qu’il faut ajouter quelque chose: cette indépendance entre nation et choix des dirigeants, a une autre signification, qu’on retrouve sous une autre forme avec l’UE. Elle signifie que ce qu’il faut désormais défendre, n’est plus au niveau national, mais international. C’est le système capitaliste dans sa forme actuelle, mondialisée et financiarisée. Toute compétence acquise dans ce contexte est bonne à prendre, l’origine nationale importe peu, sinon, accessoirement pour élire à une fonction utile pour le but suprême, l’impétrant…

        • Descartes dit :

          @ Alain Brachet

          [Elle signifie que ce qu’il faut désormais défendre, n’est plus au niveau national, mais international. C’est le système capitaliste dans sa forme actuelle, mondialisée et financiarisée.]

          Je partage en grande partie cette analyse. On assiste à la formation d’un « bloc dominant » dont les intérêts ne sont plus liés aux structures nationales, mais qui fait ses affaires dans un espace de plus en plus mondialisé.

  3. Tythan dit :

    Recensement des fautes de frappes :(…)

    Je regrette que tu n’ais pas trouvé une pirouette pour évoquer Mazarin, j’aurais aimé voir son nom dans ton billet très réussi par ailleurs!

    • Descartes dit :

      @ Tythan

      Merci des corrections, je les ai porté sur le papier. Je profite pour remercier d’autres lecteurs qui me font parvenir des corrections. Je ne publie pas leurs commentaires puisqu’ils n’ont pas d’intérêt pour le débat, mais je prends toujours en compte leurs corrections…

      [Je regrette que tu n’ais pas trouvé une pirouette pour évoquer Mazarin, j’aurais aimé voir son nom dans ton billet très réussi par ailleurs!]

      D’une certaine façon, je l’ai traité. Mazarin fait partie de ces ministres qui se sont considérablement enrichis grâce à leur ministère… mais on peut dire que l’argent n’était pas sa seule motivation. Mazarin – comme Richelieu ou plus tard Colbert – appartiennent à l’époque de transition entre la période féodale et la constitution de l’Etat-nation. Chez eux se mêle l’intérêt avec la fidélité personnelle puis à l’Etat.

  4. maleyss dit :

    Qu’attendre d’autre de gens pour qui la France ne signifie rien, tel celui qui, naguère, avouait se sentir plus chez lui à Berlin ou New York que dans la province française ?
    Pourquoi s’étonner de cette situation dans un pays où des bi-nationaux peuvent devenir ministres et une naturalisée de très fraîche date porte-parole du gouvernement, donc, en quelque sorte, « voix de la France ». Mais que connaît-elle donc de la France ?
    Incidemment, quelle est cette aberration connue sous le nom de bi-nationalité ? « En matière de politique internationale, dites-vous, on ne peut bien servir deux maîtres. » En de nombreuses autres affaires, non plus !

    • Descartes dit :

      @ maleyss

      [Incidemment, quelle est cette aberration connue sous le nom de bi-nationalité ? « En matière de politique internationale, dites-vous, on ne peut bien servir deux maîtres. » En de nombreuses autres affaires, non plus !]

      L’extension de la « bi-nationalité » est en fait le faux nez de « l’a-nationalité ». Tant que la nationalité était rattachée à la citoyenneté, il était de toute évidence aberrant d’imaginer la bi-nationalité simplement parce qu’on ne peut être loyal envers deux collectivités différentes dont les intérêts peuvent s’opposer. A l’époque, la bi-nationalité était rare, et souvent traumatique. Mais dès lors qu’on considère que la nationalité n’est qu’un statut administratif – voir par exemple les discours de Mélenchon faisant l’équivalence entre nationalité et carte d’identité – qui n’apporte que des droits et aucun devoir, il est parfaitement possible de les collectionner comme on collectionne les cartes de paiement de banques différentes.

      Personnellement, je pense qu’il faudrait interdire dans notre droit la double nationalité. Il faudrait exiger des personnes demandant la naturalisation de signer une déclaration demandant la déchéance de la nationalité d’origine et des personnes ayant la double nationalité à la naissance de choisir entre les deux sous peine de déchéance. Et pour les bi-nationaux dont la renonciation à l’autre nationalité est inopérante – par exemple, parce que le pays d’origine ne permet pas de renonciation – le fait de faire usage d’une autre nationalité – par exemple, voyager avec un passeport étranger, prétendre à un poste réservé dans un autre pays aux nationaux et ainsi de suite – devrait être réputé avoir demandé à être déchu de sa citoyenneté française.

      • Albert dit :

        [“Personnellement, je pense qu’il faudrait interdire dans notre droit la double nationalité. Il faudrait exiger des personnes demandant la naturalisation de signer une déclaration demandant la déchéance de la nationalité d’origine et des personnes ayant la double nationalité à la naissance de choisir entre les deux sous peine de déchéance.”]
        Tout à fait d’accord avec vous. Deux remarques :
        1°. Le fait qu’existe, et en si grand nombre (y compris au sein du gouvernement) au vu et au su de tout un chacun, une telle incongruité est en soi l’illustration de la “déconstruction” de notre pays depuis des décennies (De Gaulle était encore au pouvoir quand ça a commencé, c’est dire!). Et l’échec de la proposition de Hollande de déchéance pour les terroristes binationaux est bien significative à mon avis non de la déconstruction de la France , mais de sa…déchéance!
        2°. Quid de la “double nationalité” entre celle d’un pays et celle de l’Europe?

        • Descartes dit :

          @ Albert

          [2°. Quid de la “double nationalité” entre celle d’un pays et celle de l’Europe?]

          De quelle « double nationalité » parlez-vous ? S’il y a eu à un moment une velléité de créer une « citoyenneté européenne » (l’article 9 du traité de Maastricht parle de « citoyen de l’Union »). On avait à l’époque frappé nos passeports de la mention « Union européenne ». Cette inscription avait été attaquée devant les tribunaux par un avocat communiste, et les tribunaux avaient rejeté sa requête au motif que c’était une pure inscription symbolique qui n’avait aucun effet juridique.

          Dans le cadre du Brexit, l’interprétation admise des traités conduit à déclarer que du jour de la sortie de leur pays de l’Union les britanniques perdront tout droit à la citoyenneté européenne. Cette interprétation montre qu’il ne s’agit d’une véritable citoyenneté, puisqu’elle peut être perdue suite à un acte collectif et sans procédure de déchéance.

  5. Jopari dit :

    A l’heure où l’on veut ouvrir plus largement la haute fonction publique au secteur privé, il serait intéressant de (re)lire les chapitres consacrés au pantouflage dans Les Intouchables d’État, où on peut voir des hauts-fonctionnaires chargés de superviser et de réguler des secteurs où ils on travaillé ou prévoient de le faire.

    Les postes de chef d’état étant encore largement protégés de ces dérives, on ne risque pas de voir, à court terme, d’anciens présidents acceptant de hauts postes dans d’autres pays, Saakachvili restant encore l’exception, et le fait qu’il ait perdu sa nationalité ukrainienne pourrait en dissuader beaucoup de jouer ce jeu.

    Des personnes qui ont craché sur la France, brûlé publiquement leur passeport français, participé aux activités d’une organisation qui a massacré des Français exigent aujourd’hui par voie d’avocat ou de tribunes dans « Le Monde » d’être protégés par l’Etat français au prétexte qu’ils sont citoyens français.

    Organisation qui se revendiquait, et se comportait, comme un état à part entière, ce qui renforce d’autant le sentiment de malaise et de dégoût à l’égard de ces revendications.

    Il ne reste pour toute fidélité que les fidélités personnelles et claniques qui ne sont en fait que des contrats de bénéfice mutuel entre gens du même monde.

    C’est à dire des engagements inférieurs à ceux faits sous le régime féodal, où la fidélité personnelle ne pouvait se défaire qu’en cas de félonie.

    Ou de ceux plus récents, de ces magistrats qui démissionnaient après une révolution car ayant prêté des serments de fidélité au souverains déchus (Charles X, Louis-Philippe).

    • Descartes dit :

      @ Jopari

      [A l’heure où l’on veut ouvrir plus largement la haute fonction publique au secteur privé, il serait intéressant de (re)lire les chapitres consacrés au pantouflage dans Les Intouchables d’État, où on peut voir des hauts-fonctionnaires chargés de superviser et de réguler des secteurs où ils ont travaillé ou prévoient de le faire.]

      Faut savoir ce qu’on veut : si l’on veut permettre les passages entre le public et le privé, on se trouvera fatalement dans cette situation. On ne peut pas demander à quelqu’un qui est expert dans un domaine d’en changer en passant d’un côté vers l’autre. Personnellement, je suis pour une fonction publique de carrière, avec interdiction de passage dans le privé. Mais cela suppose qu’on offre aux fonctionnaires des carrières complètes sans la fonction publique…

      [Les postes de chef d’état étant encore largement protégés de ces dérives, on ne risque pas de voir, à court terme, d’anciens présidents acceptant de hauts postes dans d’autres pays,]

      Là encore, il faut savoir ce qu’on veut. Si on a donné aux anciens présidents un certain nombre de prébendes (salaire à vie, secrétariat, voiture de fonction) c’est précisément pour éviter qu’ils soient tentés de vendre leur carnet d’adresses. On ne peut pas d’un côté se scandaliser de ces « privilèges » et exiger leur suppression, d’exiger que les anciens présidents gagnent leur vie comme tout le monde, et d’un autre côté leur interdire de vendre leurs talents…

      [« Il ne reste pour toute fidélité que les fidélités personnelles et claniques qui ne sont en fait que des contrats de bénéfice mutuel entre gens du même monde. » C’est à dire des engagements inférieurs à ceux faits sous le régime féodal, où la fidélité personnelle ne pouvait se défaire qu’en cas de félonie.]

      Pourquoi dites-vous « inférieures » ? Non, ce sont des engagements de nature féodale, qui étaient bien des contrats à bénéfice mutuel – protection contre soutien militaire. Et vous noterez que ces liens sont très forts : pensez au lien entre Macron et Collomb… ou même entre Macron et Benalla.

      • Jopari dit :

        [Pourquoi dites-vous « inférieures » ? Non, ce sont des engagements de nature féodale, qui étaient bien des contrats à bénéfice mutuel – protection contre soutien militaire. Et vous noterez que ces liens sont très forts : pensez au lien entre Macron et Collomb… ou même entre Macron et Benalla.]

        Je voulais dire que, sous le féodalisme, de tels contrats étaient durables et sur l’échelle de plusieurs générations.

  6. marc.malesherbes dit :

    dans les commentaires, il est fait référence plusieurs fois aux français ayant servi sous Daech. A ce sujet, je ne sais que penser.
    Bien qu’ils aient fait sans doute pour certains d’entre eux de grands crimes, il me semble qu’ils sont quand même nos concitoyens, et que nous devrions les rapatrier et les juger, comme nous jugeons tous nos criminels.
    Certes nous pourrions déchoir de la nationalité tous nos criminels et les expulser, considérant qu’ils ne respectent pas la loi et les valeurs de la république. Mais cela met à mal mon sentiment de solidarité “inconditionnel” avec tous mes concitoyens.
    Reste le cas de ceux qui ont explicitement souhaité ne plus être Français. Si ils ont acquis une autre nationalité, très bien. Mais si c’était uniquement une déclaration verbale, je ne sais que penser. Beaucoup (dont moi) dans des moments d’exaspération peuvent tenir de tels propos.
    Moi même dans la période actuelle, je ne sais plus ce que signifie “être français”. Il n’y a pas longtemps, notre propre président (E Macron) déclarait qu’il n’y avait pas de “culture française”(1), dernière bouée à laquelle je m’accrochai.(2)

    (1)  “Il n’y a pas de culture française, il y a des cultures en France”
    https://polony.tv/focus/macron-et-la-culture-francaise
    (2) un autre Président (Hollande) disait que nous allions vers la partition, et un livre politiquement correct, largement relayé par les médias, parle de “l’archipellisation” de la France.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [Dans les commentaires, il est fait référence plusieurs fois aux français ayant servi sous Daech. A ce sujet, je ne sais que penser. Bien qu’ils aient fait sans doute pour certains d’entre eux de grands crimes, il me semble qu’ils sont quand même nos concitoyens, et que nous devrions les rapatrier et les juger, comme nous jugeons tous nos criminels.]

      Je pense que vous mélangez deux choses qu’il faut bien séparer : les « crimes » commis par les français qui ont servi sous Daech, et leur appartenance ou non à la collectivité nationale.

      Imaginons un instant que ces gens n’aient commis aucun « crime ». Il ne reste pas moins qu’ils ont brûlé le passeport français, qu’ils ont renié publiquement leur caractère de français et juré fidélité à un autre Etat, qu’ils ont manifesté clairement et sans équivoque leur soutien à une organisation qui a déclaré la guerre à la France. Devrait-on les considérer dans ces conditions comme des citoyens français ? Peut-on compter sur eux pour faire preuve de cette « solidarité inconditionnelle » qui fait une nation ? La réponse est à mon avis clairement négative.

      Le fait que ces gens-là aient commis des crimes et soient potentiellement dangereux pour l’ordre public met sous les projecteurs la question de la nationalité, mais n’en est pas à l’origine. A l’origine se trouve la question suivante : doit-on considérer comme française une personne qui, par le geste et la parole a manifesté sa volonté de ne pas l’être ? Pour moi, la réponse est « non » : répondre « oui » impliquerait que l’appartenance à la collectivité nationale cesse d’être contractuelle pour devenir une essence, indépendante de la volonté même de l’individu.

      [Certes nous pourrions déchoir de la nationalité tous nos criminels et les expulser, considérant qu’ils ne respectent pas la loi et les valeurs de la république. Mais cela met à mal mon sentiment de solidarité “inconditionnel” avec tous mes concitoyens.]

      Il y a une différence entre le crime de droit commun et le crime politique. Le fait qu’une personne vole une banque ou trafique de la drogue n’implique pas qu’il refuse les devoirs attachés à la « solidarité inconditionnelle » avec ses concitoyens. On connait des meurtriers qui payent des impôts, des « casseurs de coffres » qui pendant la guerre se sont engagés dans la Résistance. Très différent est la situation de celui qui brûle publiquement son passeport, renie tout aussi publiquement son pays, et s’engage dans une organisation en guerre avec notre pays. Pensez-vous que les Français partis chez Daesh se sentent des devoirs envers les citoyens français ?

      Et plus fondamentalement, pensez-vous que si l’expérience du Califat avait réussi, s’il avait réussi à installer un Etat durable au Moyen-Orient, ces gens s’empresseraient autant de faire reconnaître leur qualité de Français ? Non, bien sûr que non. Leur mouvement est fondamentalement opportuniste. On choisit sa nationalité sur le moment en fonction de ce qu’elle vous donne comme avantages.

      [Reste le cas de ceux qui ont explicitement souhaité ne plus être Français. S’ils ont acquis une autre nationalité, très bien. Mais si c’était uniquement une déclaration verbale, je ne sais que penser.]

      Moi je sais : « chacun est maître de ses silences, et esclave de ses paroles ». Il faut prendre les gens au sérieux, autrement on les encourage à ne pas se prendre au sérieux eux-mêmes. Je ne vois pas de quel droit je me permettrais de traiter les gens en enfant, en supposant que leurs déclarations ne sont que des plaisanteries sans lendemain. Je veux bien qu’on ignore les paroles d’un mineur. On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. Mais quand on en a vingt-cinq et qu’on brûle son passeport devant une caméra, on sait ce qu’on fait. Et si les gens le font sans réfléchir, il faut bien qu’ils en assument les conséquences.

      [Beaucoup (dont moi) dans des moments d’exaspération peuvent tenir de tels propos. Moi-même dans la période actuelle, je ne sais plus ce que signifie “être français”.]

      J’ai tout de même beaucoup de mal à vous imaginer brûlant votre passeport devant les caméras complaisantes d’une organisation qui a déclaré la guerre à notre pays.

      [Il n’y a pas longtemps, notre propre président (E Macron) déclarait qu’il n’y avait pas de “culture française”(1),]

      Je trouve tout à coup que vous donnez beaucoup de poids à la parole du président de la République. A ma connaissance, Macron n’est ni un passionné de culture, ni un expert du sujet. Sur ces questions, son opinion vaut celle de ma concierge. Tout ce que vous pouvez déduire, c’est qu’il y a une couche sociale qui se vautre dans le relativisme culturel. Ce qui, franchement, ne constitue pas une nouveauté.

      [(2) un autre Président (Hollande) disait que nous allions vers la partition, et un livre politiquement correct, largement relayé par les médias, parle de “l’archipellisation” de la France.]

      Le risque existe, certainement. Mais là encore, l’ancien président ne nous annonce rien de nouveau. Tout au plus, on peut en déduire qu’une certaine gauche, qui il y a quelques années ne jurait que par le « multiracial et multiculturel », commence à prendre peur.

      • marc.malesherbes dit :

        je suis désolé d’insister.
        Toute la première partie de votre réponse est entièrement convaincante.
        Reste le point suivant:
        “Je trouve tout à coup que vous donnez beaucoup de poids à la parole du président de la République. A ma connaissance, Macron n’est ni un passionné de culture, ni un expert du sujet. Sur ces questions, son opinion vaut celle de ma concierge. Tout ce que vous pouvez déduire, c’est qu’il y a une couche sociale qui se vautre dans le relativisme culturel.”
        E Macron n’est quand même pas n’importe qui. Il a fait des études classiques très brillantes, et il a eu contact avec de nombreux intellectuels via Ricoeur dont il a été secrétaire. Sur ce sujet il a un point de vue qu’on ne peut balayer d’un revers de main. De plus il s’exprimait comme candidat à la présidence de la République … et cela n’a choqué personne à ma connaissance (sauf sans doute quelques cas marginaux).
        Encore mieux il a persévéré étant élu, parlant de “start up nation”. A nouveau sans grande contestation.
        Il me semble donc que pour une bonne partie de nos élites la culture française est à ranger au musée, et ils défendent même qu’elle n’a jamais existé (voir Boucheron et consorts …).
        Alors que veut dire “être français”? … rien, ce n’est plus qu’une formule du passé.
        Comment donc moi, simple citoyen puis-je encore me considérer comme Français en dehors de ma carte d’identité, obligatoire de nos jours ? Pour moi, être Français n’est plus qu’une identité fantomatique.
        Verrons nous une évolution dans le futur ? Seul le RN tient un discours de ce type (nation, laicité …). Même JLM, comme vous le rappelez plus haut, a abandonné “être Français” à la carte d’identité. Mais le RN n’a guère d’avenir, il fait aussi partie du “passé”. La France sera progressivement entièrement métissé, et donc le RN s’évaporera.

        • Descartes dit :

          @ marc.malesherbes

          [E Macron n’est quand même pas n’importe qui. Il a fait des études classiques très brillantes, et il a eu contact avec de nombreux intellectuels via Ricoeur dont il a été secrétaire.]

          Des « études classiques très brillantes » ? Ouais… on notera quand même que, alors qu’il a bénéficié d’une khâgne et hypokhâgne à Henri-IV, il échoue par deux vois au concours de l’Ecole Normale, n’étant même pas admissible. Des « bonnes études » oui, des « études brillantes », à la rigueur, mais des « études très brillantes » ? Non. Quant à sa fréquentation des intellectuels, ce n’est pas une référence. Le savoir ne passe pas par osmose, et si l’on s’en tient aux discours de Macron mais aussi à sa manière de parler en privé, on ne peut pas dire que ce soit un amoureux de la culture classique. Trouvez-moi dans son discours – public ou privé – une référence littéraire classique, une citation latine ou grecque…

          Quand il prononce un discours politique ou quand il signe un décret, Macron n’est pas n’importe qui. Mais quand il donne son opinion sur la résistance des matériaux ou sur la culture française, son opinion ne vaut ni plus ni moins que celle de n’importe quel citoyen. Le fait d’avoir réussi à se faire élire président de la République ne vous donne pas magiquement la compétence universelle.

          [Sur ce sujet il a un point de vue qu’on ne peut balayer d’un revers de main.]

          Et pourquoi pas ? Ce qu’on ne peut pas – malheureusement – c’est balayer d’un revers de main les conséquences de ce « point de vue » sur notre système politique, administratif, éducatif. Mais en tant que « point de vue », il ne vaut pas mieux que le vôtre ou le mien.

          [De plus il s’exprimait comme candidat à la présidence de la République … et cela n’a choqué personne à ma connaissance (sauf sans doute quelques cas marginaux).]

          Si, ça a choqué plus d’un. Mais pas assez, il faut croire, pour ne pas voter pour lui au second tour. Et quand bien même ce serait le cas, cela ne nous dit rien quant à la pertinence de son point de vue. Ce n’est pas parce que l’ignorance est partagée qu’elle est moins ignorance.

          [Encore mieux il a persévéré étant élu, parlant de “start up nation”. A nouveau sans grande contestation.]

          Probablement parce que, contrairement à vous, une majorité de Français est sceptique quant aux effets pratiques des grandes déclarations de nos hommes politiques, et ne leur donnent pas beaucoup d’importance – ce en quoi ils n’ont pas toujours tort.

          [Il me semble donc que pour une bonne partie de nos élites la culture française est à ranger au musée, et ils défendent même qu’elle n’a jamais existé (voir Boucheron et consorts …).]

          Tout à fait. Mais de ce point de vue, ce n’est pas de Macron que vient le danger. Macron se contente de répéter un truc à la mode. Macron passera, mais cet establishment culturel et universitaire qui pratique assidûment la haine de soi, voilà le véritable problème ?

          [Alors que veut dire “être français”? … rien, ce n’est plus qu’une formule du passé. Comment donc moi, simple citoyen puis-je encore me considérer comme Français en dehors de ma carte d’identité, obligatoire de nos jours ? Pour moi, être Français n’est plus qu’une identité fantomatique.]

          Justement, POUR VOUS, c’est une identité vraie et non pas fantomatique. Vous êtes de ceux – corrigez-moi si je me trompe – qui vibrent encore au souvenir du sacre de Reims et de la Fête de la Fédération. Cette histoire, cette civilisation a un sens pour vous, et vous vous reconnaissez en elle. Elle est peut-être devenue fantomatique pour beaucoup de nos concitoyens, mais certainement pas pour vous. Le fait que Macron décrète qu’il n’y a pas de culture française n’est pas suffisant pour vous déchoir d’une identité qui reste d’abord un contrat personnel.

          Je ne peux que vous conseiller la lecture de « l’Identité malheureuse » de Finkielkraut, je pense qu’il traite ce sujet avec beaucoup de finesse.

          [Verrons-nous une évolution dans le futur ? Seul le RN tient un discours de ce type (nation, laicité …). Même JLM, comme vous le rappelez plus haut, a abandonné “être Français” à la carte d’identité. Mais le RN n’a guère d’avenir, il fait aussi partie du “passé”. La France sera progressivement entièrement métissée, et donc le RN s’évaporera.]

          Pour le moment, je ne vois pas beaucoup de « métissage », au contraire : on voit partout du séparatisme. Prenez le domaine de la culture, où il sera bientôt interdit à un « blanc » de reprendre des éléments de culture africaine dans son œuvre sous peine de se voir accuser de paternalisme et de pillage culturel. L’idéal multiculturaliste de la « société métissée » construit en fait son opposé : une société où l’on vit côté à côté mais on ne se mélange pas.

          Dans ce monde qui devient de plus en plus inquiétant, la solidarité inconditionnelle redevient une valeur désirable. Et une telle solidarité ne peut se construire que dans le cadre civilisateur d’une nation. Et si les autres groupes politiques ne se saisissent pas eux aussi de cette question, s’ils ne donnent pas une réponse, le RN non seulement ne s’évaporera pas, mais prospérera et un jour peut-être, dieu ne le veuille, accédera au pouvoir.

    • BolchoKek dit :

      @ Descartes et marc.malesherbes

      Je suis d’accord avec l’argumentaire de Descartes, que les djihadistes partis combattre pour daech ont exprimé ont ne peut plus clairement leur rejet de leur citoyenneté française. Mais ce qui me frappe le plus dans le discours des bonnes âmes demandant qu’ils soient jugés en France est l’arrogance d’une telle prétention. L’Irak et la Syrie ont été martyrisés par ces individus, et la diplomatie française devrait sommer des États de nous rendre nos pauvres choupinets, privant de fait leurs victimes de toute justice ? Est-ce de l’inconscience, ou une incapacité à se mettre à la place des Irakiens et des Syriens ? On voit bien là je pense la réalité de cette gauche caviar qui tout en se parant d’anticolonialisme – ça coute pas trop cher quand il n’y a plus de colonies – a des réflexes mentaux parfaitement impérialistes. Comme disait Enoch Powell, “When we shed our power, we omitted to shed our arrogance.”

      • Descartes dit :

        @ BolchoKek

        [Mais ce qui me frappe le plus dans le discours des bonnes âmes demandant qu’ils soient jugés en France est l’arrogance d’une telle prétention. L’Irak et la Syrie ont été martyrisés par ces individus, et la diplomatie française devrait sommer des États de nous rendre nos pauvres choupinets, privant de fait leurs victimes de toute justice ?]

        En effet, cette demande est curieuse à plusieurs titres. D’abord, parce que le principe de territorialité fait que les crimes et délits doivent être punis là où ils ont été commis, et pas dans une autre juridiction. Admettrions nous qu’un assassin ayant tué à Metz ou à Bordeaux soit jugé au Maroc au seul motif qu’il a la nationalité marocaine ? Certainement pas.

        Mais plus subtilement, on peut voir une autre contradiction. Ces gens sont partis de France pour vivre sous la loi et sous le droit islamique. La justice irakienne est certainement plus proche du droit islamique que la justice française. Si l’on se tenait à la logique culturelle, alors ces gens devraient exiger au contraire d’être jugés par des juges musulmans, bien mieux à même de comprendre leurs motivations, non ? Mais curieusement, ces musulmans intégristes préfèrent de toute évidence être jugés par des infidèles à Paris que par des bons musulmans à Bagdad. Etonnant, non ?

        • Jopari dit :

          [Mais plus subtilement, on peut voir une autre contradiction. Ces gens sont partis de France pour vivre sous la loi et sous le droit islamique. La justice irakienne est certainement plus proche du droit islamique que la justice française. Si l’on se tenait à la logique culturelle, alors ces gens devraient exiger au contraire d’être jugés par des juges musulmans, bien mieux à même de comprendre leurs motivations, non ? Mais curieusement, ces musulmans intégristes préfèrent de toute évidence être jugés par des infidèles à Paris que par des bons musulmans à Bagdad. Etonnant, non ?]

          On peut même se demander quelle était leur loyauté à Daesh. Au moins, al-Baghdadi est allé jusqu’au bout pour son organisation.

          • Descartes dit :

            @ Jopari

            [On peut même se demander quelle était leur loyauté à Daesh. Au moins, al-Baghdadi est allé jusqu’au bout pour son organisation.]

            Je pense qu’il faut en effet s’intéresser à cette question. Pourquoi des jeunes qui avaient chez nous une vie somme toute assez confortable sont allés se battre dans un pays qu’ils ne connaissent pas et avec lequel ils n’ont d’autre attache qu’une vague communauté de religion ? Pourquoi presque un tiers de ceux qui sont partis sont des convertis ?

            Je pense que c’est dans notre société qu’il faut trouver les causes. Le fait est qu’elle n’offre pas de rite de passage, de défi, d’aventure positive qui donne un sens à la vie. En dehors de « l’enrichissez-vous », qu’offrons nous à nos jeunes ? Les générations précédentes ont pu forger du sens dans les guerres, certes, mais aussi dans les grandes aventures technologiques : ceux qui vous racontent Concorde, le programme électronucléaire, le TGV, la conquête de l’espace, le construction des grands instruments scientifiques vous parlent d’aventure, de défi, de passion. Qu’est-ce qu’on offre aujourd’hui au jeune qui finit ses études ? Quels sont les grands projets, les grandes choses auxquelles il peut participer en tant que citoyen et en être fier ?

            Aux jeunes qui trainent avec devant eux un avenir qui est loin d’être radieux dans un pays qui passe son temps à se dénigrer, Daesh a offert une dimension tragique et l’opportunité d’être acteurs et non victimes. C’est là à mon sens que se trouve son pouvoir d’attraction sur les jeunes de notre pays.

            • Dell Conagher dit :

              @Descartes :

              Vous écrivez :

              [Je pense que c’est dans notre société qu’il faut trouver les causes. Le fait est qu’elle n’offre pas de rite de passage, de défi, d’aventure positive qui donne un sens à la vie. En dehors de « l’enrichissez-vous », qu’offrons nous à nos jeunes ? (…) Aux jeunes qui trainent avec devant eux un avenir qui est loin d’être radieux dans un pays qui passe son temps à se dénigrer, Daesh a offert une dimension tragique et l’opportunité d’être acteurs et non victimes.]

              George Orwell avait émis dans son commentaire sur Mein Kampf une remarque similaire à propos du succès du nazisme :

              “[Hitler] has grasped the falsity of the hedonistic attitude to life. Nearly all western thought since the last war, certainly all ‘progressive’ thought, has assumed tacitly that human beings desire nothing beyond ease, security and avoidance of pain. In such a view of life there is no room, for instance, for patriotism and the military virtues. The Socialist who finds his children playing with soldiers is usually upset, but he is never able to think of a substitute for the tin soldiers; tin pacifists somehow won’t do. Hitler, because in his own joyless mind he feels it with exceptional strength, knows that human beings don’t only want comfort, safety, short working-hours, hygiene, birth-control and, in general, common sense; they also, at least intermittently, want struggle and self-sacrifice, not to mention drums, flags and loyalty-parades. However they may be as economic theories, Fascism and Nazism are psychologically far sounder than any hedonistic conception of life. The same is probably true of Stalin’s militarised version of Socialism. All three of the great dictators have enhanced their power by imposing intolerable burdens on their peoples. Whereas Socialism, and even capitalism in a more grudging way, have said to people ‘I offer you a good time,’ Hitler has said to them ‘I offer you struggle, danger and death,’ and as a result a whole nation flings itself at his feet. Perhaps later on they will get sick of it and change their minds, as at the end of the last war. After a few years of slaughter and starvation ‘Greatest happiness of the greatest number’ is a good slogan, but at this moment ‘Better an end with horror than a horror without end’ is a winner. Now that we are fighting against the man who coined it, we ought not to underrate its emotional appeal.”

            • Descartes dit :

              @ Dell Conagher

              [George Orwell avait émis dans son commentaire sur Mein Kampf une remarque similaire à propos du succès du nazisme : (…)]

              Ce qui tend à prouver, outre le fait que les grands esprits se rencontrent, que les changements technologiques qui ont radicalement changé le monde qui nous entoure n’ont pas véritablement changé les ressorts de l’esprit humain. En tout cas, c’est un très beau texte.

      • VIO59 dit :

        @BolchoKek

        L’extraterritorialité des lois est une plaie. On peut être poursuivi dans le monde entier pour avoir violé une loi US sans jamais avoir posé le pied aux USA, on parle d’imposer une censure européenne dans le monde entier sous le nom de droit à l’oubli sur internet, et maintenant les crimes commis à l’étranger seront jugés en France ?

        On en revient à l’époque où les droits et devoirs de l’individu dépendaient d’un statut personnel et non du territoire sur lequel il séjournait. Si la démocratie a besoin d’un cadre territorial elle est échec et mat.

    • Vincent dit :

      [Bien qu’ils aient fait sans doute pour certains d’entre eux de grands crimes, il me semble qu’ils sont quand même nos concitoyens, et que nous devrions les rapatrier et les juger, comme nous jugeons tous nos criminels.]

      En l’occurrence, il me semble que Daesch, qui avait la prétention d’être un Etat, ne tolérait pas la double nationalité, et demandait à ceux qui les rejoignaient de ne manifester en brulant leur passeport.
      Il peut arriver à chacun de jeter un juron contre son pays, comme d’ailleurs il pourrait le faire contre ses parents.

      L’analogie est d’ailleurs assez pertinente, à mon sens : habituellement, on acquiert ses parents par la naissance, mais on peut aussi avoir des parents adoptifs, qui ont des devoirs vis à vis de nous, comme on en a vis à vis d’eux.
      Même si on dit du mal d’eux, ça ne nous enlève pas nos droits, dont celui d’hériter. Mais quand c’est trop grave (condamnation pour comportement indigne), on peut être totalement deshérité.

      [Certes nous pourrions déchoir de la nationalité tous nos criminels et les expulser, considérant qu’ils ne respectent pas la loi et les valeurs de la république. Mais cela met à mal mon sentiment de solidarité “inconditionnel” avec tous mes concitoyens.]

      Force est de constater que, par exemple, la 3ème République naissante ne s’est pas privée de faire cela avec des communards. Et la peine de bannissement existait à cette époque. Mais effectivement, bannir quelqu’un qui n’a jamais souhaité vivre ailleurs et sous d’autres lois, ça me met mal à l’aise.

      [Reste le cas de ceux qui ont explicitement souhaité ne plus être Français. Si ils ont acquis une autre nationalité, très bien. Mais si c’était uniquement une déclaration verbale, je ne sais que penser. Beaucoup (dont moi) dans des moments d’exaspération peuvent tenir de tels propos.]

      Cf. plus haut. Une simple insulte ou déclaration rapide et non réfléchie n’engage pas. L’adhésion à une organisation qui a la prétention d’être un Etat, avec qui la France est en guerre, et associée au geste de bruler le passeport, est pour moi d’une autre nature.
      Et à la rigueur, à chacun d’assumer les conséquences de ses décisions. Peu importe à la rigueur qu’ils soient binationaux ou pas.

      • Descartes dit :

        @ Vincent

        [En l’occurrence, il me semble que Daesch, qui avait la prétention d’être un Etat, ne tolérait pas la double nationalité, et demandait à ceux qui les rejoignaient de ne manifester en brulant leur passeport.]

        En effet. On pourrait donc se fonder sur ce fait pour estimer que ceux qui ont réjoint Daesh ont bien renoncé à la nationalité française pour prendre celle de l’Etat islamique.

        • Jopari dit :

          [En effet. On pourrait donc se fonder sur ce fait pour estimer que ceux qui ont réjoint Daesh ont bien renoncé à la nationalité française pour prendre celle de l’Etat islamique.]

          Pour cela il aurait fallu reconnaitre Daesh en tant qu’état, ce qui aurait permis l’application de l’article 23-8 du Code civil.

          Jean-Paul Alata a perdu la nationalité française pour des faits moins graves en comparaison.

          • Descartes dit :

            @ Jopari

            [Pour cela il aurait fallu reconnaitre Daesh en tant qu’état, ce qui aurait permis l’application de l’article 23-8 du Code civil]

            Pas une bonne idée. Reconnaître Daesh en tant qu’état aurait eu pour conséquence transformer ses combattants en soldats réguliers, bénéficiant de l’application des conventions de Genève.

  7. Albert dit :

    Si je ne craignais des poursuites judiciaires, je parlerais aussi (mais je n’en fais rien) du rôle d’une certaine Clara Gaymard, éminente membre de la Cour des Comptes, dans l’affaire Alsthom. Si j’ai bonne mémoire, elle aurait d’abord “servi” la France à la tête de l’organisme chargé des investissements étrangers en France, puis aurait “servi”…General Electric à la tête de GE France, avant de passer le relais à un successeur ami de notre président ( lequel n’a jamais été concerné par l’affaire Alsthom comme il l’a bien affirmé lors des présidentielles, mais c’est un autre sujet). Aux USA tout ce beau monde serait en prison, en France (presque) tout le monde semble s’en foutre éperdument. ô temporis, ô mores!

    • Descartes dit :

      @ Albert

      [Aux USA tout ce beau monde serait en prison, en France (presque) tout le monde semble s’en foutre éperdument. ô temporis, ô mores!]

      Parce qu’aux USA, on est conscient que la puissance est d’abord puissance industrielle. En France, on considère que le dépeçage et vente d’Alsthom à une entreprise étrangère est finalement une affaire sans importance. Si au lieu d’Alsthom il s’agissait du vignoble de Bordeaux, ce beau monde se trouverait probablement derrière les barreaux.

      • Vincent dit :

        [Si au lieu d’Alsthom il s’agissait du vignoble de Bordeaux, ce beau monde se trouverait probablement derrière les barreaux.]

        Je ne suis pas certain que l’exemple soit bien choisi : les chinois s’arrachent les domaines dans le bordelais actuellement. Plus d’une centaine de domaines (châteaux) du bordelais sont dans des mains chinoises, et ont parfois été débaptisés…

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [Je ne suis pas certain que l’exemple soit bien choisi : les chinois s’arrachent les domaines dans le bordelais actuellement. Plus d’une centaine de domaines (châteaux) du bordelais sont dans des mains chinoises, et ont parfois été débaptisés…]

          L’exemple est très bien choisi: les chinois achètent des domaines dans le bordelais, et on voit à la télévision des dizaines de reportages pour regretter ce fait. La CGE a été dépecée et vendue à l’étranger, et je ne me souviens pas d’avoir vu un seul reportage sur la question.

  8. cdg dit :

    Est ce que c etait mieux avant ?
    Bon il etait plus dur a un politicien/haut fontionnaire de faire carriere dans un autre pays car ceux ci etaient nuls en langue etrangere. Donc le choix se resumait a la belgique wallonne/la suisse romande. Mais sinon certains etaient quand meme des mercenaires qui mettaient leur interet personnel avant tout. Le pire a ete evidement ceux qui se sont mit au service de vichy/des nazis (genre Bousquet/Papon) mais sans aller jusque la combien sont allé a la soupe et ont trahis pour une circonscription ou un ministere ? Je pense par exemple aux ministres “d ouverture” de Mitterrand ou la reciproque faite par Sarkozy.

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Est ce que c etait mieux avant ?]

      Je ne sais pas si c’était mieux, mais c’était différent.

      [Bon il était plus dur a un politicien/haut fonctionnaire de faire carrière dans un autre pays car ceux ci étaient nuls en langues étrangères.]

      Il était surtout plus dur pour un politique ou un haut fonctionnaire de faire carrière dans un autre pays tout simplement parce qu’à l’époque il était impensable d’élire un président, de nommer un ministre ou un haut fonctionnaire qui n’ait pas la nationalité du pays qu’il était censé servir. Dans beaucoup de pays, une telle nomination était directement illégale. Ainsi les USA exigent que leur président soit non seulement citoyen des Etats-Unis, mais citoyen NATIF. Croyez bien que s’ils avaient eu des juteuses opportunités à l’étranger, nos politiques et nos hauts fonctionnaires auraient fait l’effort d’apprendre les langues étrangères.

      Ce qui a changé, c’est la nature du pacte politique. On est passé d’une classe dominante qui était essentiellement terrienne et industrielle à un bloc dominant dont les intérêts sont essentiellement financiers. Or, si la terre ou l’industrie se construit sur des bases essentiellement territoriales et nationales, la finance n’a par essence pas de patrie. La bourgeoisie “nationale” avait besoin du prolétariat “national” pour travailler dans ses usines et défendre le pays dans ses armées. La bourgeoisie financière n’a pas un tel besoin.

      [Mais sinon certains etaient quand meme des mercenaires qui mettaient leur intérêt personnel avant tout. Le pire a été évidement ceux qui se sont mit au service de vichy/des nazis (genre Bousquet/Papon)]

      Je pense que vous faites là une erreur. Les gens qui a Vichy se sont mis de manière assumée au service de l’Allemagne sont relativement rares. L’immense majorité étaient convaincus de servir la France – ou du moins l’idée qu’ils s’en faisaient d’elle. Les antisémites les plus radicaux comme Darquier de Pellepoix ont vu dans la politique nazi une opportunité de “purifier la France”. Mais ils étaient convaincus que cette “purification” était dans l’intérêt de la France. Rares étaient ceux qui avaient les intérêts de l’Allemagne comme guide. On ne peut donc pas parler à leur propos de “mercenariat”.

      [mais sans aller jusque la combien sont allé a la soupe et ont trahis pour une circonscription ou un ministère ? Je pense par exemple aux ministres “d ouverture” de Mitterrand ou la reciproque faite par Sarkozy.]

      Ca, ça fait partie du “nomadisme” dont j’ai parlé dans mon papier. Mais vous noterez que ce “nomadisme” était inexistant avant 1988.

      • cdg dit :

        Dans le cas des collabos je ne parlais pas des anti semites ou anti communistes qui en effet faisait ca par conviction. Mais je parle d arrivistes qui se sont dit qu il y avait des places a prendre et qui fermaient les yeux sur les exactions nazis. Par ex Papon.
        A un autre niveau on peut citer tous ceux qui ont fait du “business” avec l occupant. Il y avait certes un coté forcé mais certains ont franchement collaboré (ex L Renault)
        Vous noterez que des gens d extreme droite avant guerre ont eut eux le chemin inverse et sont alle dans la resistance alors qu ideologiquement ils etaient pas vraiment predestiné. Ex le chef des croix de feu : de la roque

        “Mais vous noterez que ce “nomadisme” était inexistant avant 1988”.
        Chirac trahissant Chaban pour Giscard et un poste de premier ministre en 74 ?
        Puis trahissant Giscard en appelant discretement a voter Mitterrand en 81 (la mauvais calcul, il pensait que Mitterrand resterait 1-2 ans. il s y est aggripé 14 ans au pouvoir)
        Il est clair qu avant 74 le nomadisme avait peu d interet: le pouvoir etait au main des gaullistes et ils avaient aucun besoin d alliés douteux

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [Dans le cas des collabos je ne parlais pas des anti semites ou anti communistes qui en effet faisait ca par conviction. Mais je parle d arrivistes qui se sont dit qu il y avait des places a prendre et qui fermaient les yeux sur les exactions nazis. Par ex Papon.]

          Je doute que dans la motivation de Papon les « places à prendre » aient joué un grand rôle. Papon était déjà haut fonctionnaire avant la guerre, il avait été membre de plusieurs cabinets ministériels, avait passé le concours de rédacteur au ministère de l’Intérieur et était affecté à l’administration territoriale (qui s’appelait à l’époque « administration départementale et communale »). Sa nomination comme secrétaire général de la préfecture de la Gironde (un poste de sous-préfet…) était assez logique à 32 ans. Le gouvernement de Vichy lui proposera par la suite trois postes de préfet : il les refusera tous les trois. On peut donc difficilement attribuer l’adhésion de Papon au régime de Vichy a de l’arrivisme.

          [A un autre niveau on peut citer tous ceux qui ont fait du “business” avec l occupant. Il y avait certes un coté forcé mais certains ont franchement collaboré (ex L Renault)]

          Mais là encore, on peut difficilement parler d’une adhésion – même tarifée – aux intérêts de l’Allemagne. Ceux qui ont fait des affaires avec les Allemands pensaient d’abord à leur propre intérêt, et non aux intérêts de l’Allemagne. Il y eut des hommes comme Doriot qui ont juré fidélité au Fuhrer et sont allés combattre en Russie pour l’Allemagne. Mais ils sont une toute petite minorité.

          [Vous noterez que des gens d’extrême droite avant-guerre ont fait eux le chemin inverse et sont allés dans la résistance alors qu’idéologiquement ils n’étaient pas vraiment prédestinés. Ex le chef des croix de feu : de la roque]

          C’est très discutable. Pour l’extrême droite nationaliste, la résistance à l’occupation – surtout lorsqu’il parut évident que la politique allemande ne visait pas une quelconque « régénération morale » de la France mais sa mise en coupe réglée – était un chemin idéologiquement très naturel, bien plus naturel en fait que celui d’une gauche pacifiste et internationaliste.

          N’oubliez pas que la droite et l’extrême droite française ont été victimes d’une illusion – une illusion qui n’est pas sans rappeler celle des « européistes » aujourd’hui. Cette droite a cru les discours hitlériens d’une Europe régénérée moralement et intellectuellement une fois débarrassée du « cancer » communiste. Elle s’est imaginé que la croisade hitlérienne était idéologique, et non une opération destinée à imposer la domination allemande sur le continent. Ils ont d’ailleurs été très surpris par l’indifférence avec laquelle les représentants allemands ont accueilli les projets idéologiques de Vichy et sa proposition d’une union européenne entre égaux…

          [“Mais vous noterez que ce “nomadisme” était inexistant avant 1988” Chirac trahissant Chaban pour Giscard et un poste de premier ministre en 74 ?]

          Où voyez-vous le « nomadisme » ? Je ne me souviens pas que Chirac ait quitté l’UDR, ou qu’il ait adhéré aux Républicains indépendants, le parti giscardien. La trahison de Chirac en 1974 est resté une manœuvre interne à l’UDR, une lutte entre deux clans. Mais le clan gagnant est resté dans le parti et en a pris finalement le contrôle. Chirac a été Premier ministre sous Giscard comme représentant de son parti d’origine, et non comme membre du parti de Giscard. Aujourd’hui, c’est tout à fait différent : combien de ministres de Macron sont toujours adhérents au PS ou à LR et représentent officiellement leur parti au gouvernement ?

          [Il est clair qu avant 74 le nomadisme avait peu d’intérêt: le pouvoir était au main des gaullistes et ils avaient aucun besoin d’alliés douteux]

          Et surtout, il était impensable. D’une part, parce que l’engagement des politiques était à la base idéologique et non carriériste, la politique n’étant pas à l’époque un « métier comme les autres ». Vous imaginez Pasqua au PS ? Fiterman au RPR ? Et d’autre part, parce que les partis avaient une discipline interne qui assurait aux « traîtres » un traitement proportionné à leur crime.

          • cdg dit :

            Papon refusera en effet 3 poste de prefet pour Vichy (d apres wikipedia ” trois promotions qui lui auraient valu le rang de préfet : adjoint au secrétaire général de la Police en zone sud en mai 1943, préfet du Lot en novembre 1943 et préfet des Landes en janvier 1944″).
            Vous remarquerez que c est a partir de mi 43. Une periode ou la victoire nazi etait plus que douteuse (les allemand ne faisait plus que reculer a l est. En afrique c etait la fin de l afrika korps et le debarquement en sicile arrivera en juillet 43)

            “Ceux qui ont fait des affaires avec les Allemands pensaient d’abord à leur propre intérêt, et non aux intérêts de l’Allemagne”
            C est donc bien des mercenaires

            En effet Chirac n a pas pris sa carte au parti de Giscard, il a juste transformé le parti gaulliste qui regnait depuis 1958 en suppletif de Giscard (quitte a le trahir ensuite). C est pas fondamentalement different a mon avis, c est juste une question d echelle. Si vous etes seul, vous faites comme De Rugy et vous vous ralliez au parti. Si vous etes plus nombreux vous faites secession ou carrement vous faites un putch au sein du parti.
            Dans tous les cas, la boussole c est votre interet personnel. Quand Chirac a planté Chaban, c etait pas pour sauver l interet de la france, ou car JC avait “une certaine idee de la France”. Il avait juste une ambition personnelle

            PS: Pasqua au PS aurait en effet ete amusant. Mais pas completement impossible. Le PS a bien accueillit Bernard Tapie donc ils avaient deja les ideees larges

            • Descartes dit :

              @ cdg

              [ Papon refusera en effet 3 poste de prefet pour Vichy (d apres wikipedia ” trois promotions qui lui auraient valu le rang de préfet : adjoint au secrétaire général de la Police en zone sud en mai 1943, préfet du Lot en novembre 1943 et préfet des Landes en janvier 1944″). Vous remarquerez que c est a partir de mai 43. Une periode ou la victoire nazi etait plus que douteuse]

              Vous allez un peu vite. En mai 1943, la victoire nazi n’était pas, pour les observateurs de l’époque, aussi « douteuse » que pour l’observateur moderne. La bataille de Stalingrad venait certes de s’achever, mais ce qui nous parait aujourd’hui comme le tournant de la guerre n’a pas été perçu comme tel à l’époque. Et même ceux qui étaient bien informés et considéraient la victoire de l’Allemagne nazi contre l’URSS impossible, l’issue jugée la plus probable était une issue négociée : un accord entre l’Angleterre, l’Allemagne et l’URSS découpant de nouvelles sphères d’influence en Europe. Je doute fort que pour les hauts fonctionnaires de Vichy en mai 1943 on ait refusé des promotions de peur de se compromettre.

              [“Ceux qui ont fait des affaires avec les Allemands pensaient d’abord à leur propre intérêt, et non aux intérêts de l’Allemagne” C’est donc bien des mercenaires]

              Pas tout à fait. Un mercenaire vend sa loyauté. Aussi longtemps qu’il est sous contrat, il prend ses ordres chez son employeur. Ceux qui ont fait des affaires avec les Allemands pendant la guerre n’avaient aucun devoir de loyauté envers eux – d’ailleurs certains ont participé en sous-main à la résistance quand ils ont vu le vent tourner.

              [En effet Chirac n a pas pris sa carte au parti de Giscard, il a juste transformé le parti gaulliste qui régnait depuis 1958 en supplétif de Giscard (quitte a le trahir ensuite). Ce n’est pas fondamentalement différent a mon avis, c’est juste une question d’échelle.]

              Non. Le but de Chirac n’était pas d’être « supplétif » de Giscard, mais de partager le pouvoir avec lui – et étant donné les poids relatifs des gaullistes et des centristes dans le pays, de prendre le contrôle de l’alliance. Il a sous-estimé le poids des institutions de la Vème République, qui font du président la clé de voute du système. Une fois à l’Elysée, même sans majorité parlementaire à lui, Giscard à pu gouverner seul en utilisant l’article 49.3 de la Constitution pour discipliner sa majorité. Mais encore une fois, Chirac ne s’est pas « vendu » à Giscard pour un poste.

              [Quand Chirac a planté Chaban, ce n’était pas pour sauver l’intérêt de la France, ou car JC avait “une certaine idée de la France”. Il avait juste une ambition personnelle.]

              Il ne faudrait pas oublier que dans l’affaire Chirac n’a été qu’un agent, les vrais inspirateurs de la manœuvre étant Pierre Juillet et Marie-France Garaud. Or, la motivation de Juillet et Garaud était bien de « sauver l’intérêt de la France » tel qu’ils l’entendaient. Ils étaient en effet persuadés que Chaban ne pouvait pas battre Mitterrand, et que la victoire de ce dernier serait un désastre pour la France. La manœuvre qui a dégommé Chaban n’était pas seulement liée à la lutte des places.

              [PS: Pasqua au PS aurait en effet ete amusant. Mais pas complètement impossible. Le PS a bien accueillit Bernard Tapie donc ils avaient déjà les idées larges]

              Je ne doute pas que le PS aurait pu accueillir Pasqua. Mais je n’imagine pas Pasqua acceptant d’être accueilli par le PS.

  9. La Gaule dit :

    Bonjour Descartes,

    Il me semble que le dépérissement des élites en place et leur dévalorisation aux yeux du peuple est aussi un grand classique de l’histoire nationale. Il s’est au moins produits à deux périodes charnières à ma connaissance.
    Aux quatorzième siècle lors de l’effondrement du « beau » Moyen-Age et de la féodalité, et au dix-huitième siècle -dépérissement qui devait conduire à la révolution française.
    Les deux époques sont très différentes puisque dans le premier il pouvait y avoir effectivement confusion réputée normale entre l’enrichissement personnel et le service à un état royal qui n’était pas encore celui de la monarchie absolue, laquelle triomphera sous Louis XIV.
    Mais je me demande si le seul critère de vénalité dans tous les cas de figure -y compris le nôtre- est celui qui arrive en tête dans l’ordre des reproches faits par le peuple à ses élites.
    L’abandon du « nous collectif » par ces élites dont vous parlez implique qu’elles ont abdiqué ce qui faisait leur obligation première aux yeux du peuple : le devoir de protéger celui-ci.
    Si cette obligation fait défaut, le contrat social est rompu et le devoir de servir le collectif en retour devient caduque.
    Tous les exemples absurdes que vous donnez -du militaire « mis en danger » par l’état qu’il est sensé servir au djihadiste parricide qui souhaite réintégrer les lieux de son crime- ne sont que des effets pervers odieux mais somme toute logiques à cet état de fait.
    Pour reprendre une image chère à notre président, lorsque les premiers de cordée coupent la corde qui les relie aux suivants, ceux-ci n’ont aucune raison de leur dire merci pour les avoir jetés dans le vide.
    (Je ne cherche pas à donner une excuse quelconque au djihadiste mais je crois au contraire que seul un état pourri par sa tête est capable de se poser la simple question de son retour au bercail).
    Le journaliste Philippe Cohen avait écrit un livre essentiel à ce propos : « protéger ou disparaître » dans lequel il expliquait que tout sentiment d’abandon social mène à une rupture en retour qui peut prendre les formes les plus radicales -ou les plus scabreuses dans les cas que vous citez.
    Cette disparition historique se fait mécaniquement par l’ascension brutale des couches sociales sous-jacentes alors ravies de l’aubaine, bourgeoisie marchande et petite noblesse provinciale (un Bonaparte en fut le meilleur exemple) dans le cas de la révolution française.
    Le problème et l’impasse de la France contemporaine est que ce sont ces couches sociales -celles que vous appelez les classes intermédiaires- qui ont largué le reste de la société en concluant une alliance objective avec ces couches supérieures dont elles sont les premières à dénoncer la vénalité.
    Situation périlleuse pour le pays.

    • Descartes dit :

      @ La Gaule

      [Il me semble que le dépérissement des élites en place et leur dévalorisation aux yeux du peuple est aussi un grand classique de l’histoire nationale. Il s’est au moins produits à deux périodes charnières à ma connaissance.]

      C’est une constante de tous les pays : une élite arrive en général au pouvoir sur les cendres de l’élite qui l’a précédée, et que la complaisance et la corruption rendent incapable de faire face à une crise. Et la nouvelle élite elle-même, après une période brillante, tombe dans la complaisance et la corruption, pour être balayée par la crise suivante.

      [Mais je me demande si le seul critère de vénalité dans tous les cas de figure -y compris le nôtre- est celui qui arrive en tête dans l’ordre des reproches faits par le peuple à ses élites.]

      En général, ce n’est pas le cas. On accepte parfaitement qu’une élite s’enrichisse si par son action elle enrichit le pays tout entier. Cela étant dit, il ne faut pas exagérer la vénalité des ministres de Louis XIII ou de Louis XIV. Oui, Richelieu, Mazarin, Colbert se sont enrichis de leurs ministères. Mais il ne faudrait pas oublier qu’à l’époque ils étaient censés payer de leurs propres deniers les salaires du personnel du ministère – qui était en fait considéré comme faisant partie de la domesticité du ministre – ou faire des prêts au trésor public qui étaient rarement remboursés…

      [L’abandon du « nous collectif » par ces élites dont vous parlez implique qu’elles ont abdiqué ce qui faisait leur obligation première aux yeux du peuple : le devoir de protéger celui-ci. Si cette obligation fait défaut, le contrat social est rompu et le devoir de servir le collectif en retour devient caduc.]

      Je suis tout à fait d’accord avec vous : ceux qui pensent naïvement qu’on va rétablir le prestige des politiques en publiant leur patrimoine ou en surveillant leurs dépenses de bouche se trompent. Si le public se tourne vers ce genre de détails, ce n’est pas parce que les politiques coûtent trop, mais parce que le peuple a l’impression qu’il n’en a pas pour son argent. Lorsque le peuple a confiance dans le fait que ses dirigeants consacrent toute son attention à les protéger et à les servir, il regarde avec une certaine bienveillance leurs frasques financières.

      [Le problème et l’impasse de la France contemporaine est que ce sont ces couches sociales -celles que vous appelez les classes intermédiaires- qui ont largué le reste de la société en concluant une alliance objective avec ces couches supérieures dont elles sont les premières à dénoncer la vénalité.
      Situation périlleuse pour le pays.]

      Tout çà fait !

      • Yoann Kerbrat dit :

        [ On accepte parfaitement qu’une élite s’enrichisse si par son action elle enrichit le pays tout entier.]

        Ce que je passe ma vie a expliquer aux communistes (Français) anti-PCC. Le pays et toute ses couches sociales s’enrichissent en même temps, donc c’est pas si grave s’il y a des millionnaires ou des milliardaires. La question est donc de savoir ce que fera le PCC quand cette dynamique sera rompu : redistribution des richesses et des pouvoirs que celles-ci confère dans l’intérêt de ceux d’en bas (via un contrôle accrus du PCC sur les “élites” économiques), ou comme chez nous pompage des richesses vers le haut sans que les producteurs n’en bénéficient.

        • Descartes dit :

          @ Yoann Kerbrat

          [Ce que je passe ma vie à expliquer aux communistes (Français) anti-PCC. Le pays et toutes ses couches sociales s’enrichissent en même temps, donc c’est pas si grave s’il y a des millionnaires ou des milliardaires.]

          Dire qu’en Chine toutes les couches sociales s’enrichissent « en même temps » me parait très exagéré. Elles s’enrichissent à des vitesses très différentes. C’est d’ailleurs le cas chez nous aussi : si vous regardez les chiffres de l’INSEE, vous pourrez constater que le revenu augmente dans toutes les couches sociales…

          • Yoann Kerbrat dit :

            Le taux de pauvreté chez nous augmente, chez eux il diminue (mais comme le taux est relatif il peut augmenter en même temps qu’il y a enrichissement).

            • Descartes dit :

              @ Yoann Kerbrat

              [Le taux de pauvreté chez nous augmente, chez eux il diminue (mais comme le taux est relatif il peut augmenter en même temps qu’il y a enrichissement).]

              Effectivement. Le taux de pauvreté donne une information sur la forme de la pyramide des revenus, mais non sur le niveau de vie dans l’absolu. Un pays ou tout le monde gagne 100€ par mois aura un taux de pauvreté de 0% (puisque tout le monde gagne le revenu médian, et que le seuil de pauvreté est à 60% de celui-ci) même si tout le monde est misérable. Une société ou les salaires s’échelonnent linéairement entre 10.000 € et 20.000 € aura un taux de pauvreté de 30%… et pourtant je préférerais vivre dans la seconde plutôt que dans la première!

      • Vincent dit :

        [Oui, Richelieu, Mazarin, Colbert se sont enrichis de leurs ministères. Mais il ne faudrait pas oublier qu’à l’époque ils étaient censés payer de leurs propres deniers les salaires du personnel du ministère – qui était en fait considéré comme faisant partie de la domesticité du ministre]

        Votre formulation m’aide à tracer une analogie assez rigolote : Si on essaye de résumer le fonctionnement des ministères sous l’ancien régime, en gros, les ministres recevaient une somme plus ou moins forfaitaire pour les services de leur ministère, et, en échange, devaient en assumer toutes les charges, notamment les traitements de leurs employés.
        Et ils gagnaient beaucoup d’argent dessus.
        Ne s’agit-il pas d’une situation analogue à nos fameuses délégations de service public, ou les non moins fameux PPP, pour lesquels l’Etat confie à une entreprise privée, en échange d’une somme convenue à l’avance, le soin de faire fonctionner quelque chose qu’il est de sa responsabilité de faire fonctionner ?

        Comme quoi, quand on dit que, souvent, le nouveau monde ressemble à l’ancien…

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [Ne s’agit-il pas d’une situation analogue à nos fameuses délégations de service public, ou les non moins fameux PPP, pour lesquels l’Etat confie à une entreprise privée, en échange d’une somme convenue à l’avance, le soin de faire fonctionner quelque chose qu’il est de sa responsabilité de faire fonctionner ?]

          Pas tout à fait : les délégations de service public et les PPP sont régis par un régime contractuel qui contient des obligations de moyens et de résultats. Dans les rapports entre le roi et ses ministres, il n’y avait pas d’obligation formalisée autre que la loyauté et le secret. Mais votre analogie est vraie sur un point : la différence entre la gestion privée et la gestion publique n’était pas encore clairement établie. Les rapports entre le roi et ses ministres hésitaient encore entre des rapports privés – ceux entre le maître et son serviteur – et les rapports institutionnels. C’est d’ailleurs sous Louis XIV que cette mutation commence à apparaître. Dans son livre « Règner et gouverner : Louis XIV et ses ministres » Mathieu Stohl signale un billet écrit par un ministre dans lequel il est écrit « c’est ce qu’il faut pour le service du roi ». Le mot « roi » est barré et remplacé par le mot « Etat »…

          D’une certaine manière, la privatisation des rapports institutionnels nous ramène en arrière.

  10. Bonjour,
    Aie ! Descartes vous avez un don magnifique -et sans doute travaillé- pour appuyer là où le monde amoral d’aujourd’hui pêche.
    Je vais en retour vous chatouiller un peu ; ainsi vous estimez normal qu’un communiste serve le parti qui le fit, soit, mais alors s’il ne sert pas son pays de concert, ne lui est-il pas infidèle ? Sauf à considérer que les intérêts du PCF aient été les mêmes que ceux de la France. Il y aurait donc des cercles d’appartenance se chevauchant plus ou moins, voire pas du tout … Madame Belkacem, marocaine voilée et baisant la main de Mohamed VI, qui servait-elle ? Ces quelques fonctionnaires devenant soudainement (?) terroristes ne cachent-ils pas une armée de l’ombre, encore inorganisée -ou peut être pas – ? Souvenons-nous de cette grève des années 40 dans une mine de l’est algérien, de ces travailleurs main dans la main, sans soucis de leur origine, quel bel exemple de fraternité ouvrière … qui se fracassa 20 ans plus tard dans un massacre des uns par les autres ! L’armée ne tait-elle pas quelques incidents avec des soldats refusant des ordres ou des missions au prétexte d’une solidarité plus forte que le devoir national ?
    Dans les Tontons Flingueurs, entre porte-flingues ritals, on appelle cela un “cas de conscience”, et seule la schizophrénie la plus aboutie permettrait de le masquer. En conscience, et c’est ce que disent tous les apostats, un musulman, infime, choisira l’oumma, et, comme les “diplômés catégorie A+” actuels, ils ne feraient qu’obéir à leur intérêt.

    • Descartes dit :

      @ Gérard Couvert

      [Je vais en retour vous chatouiller un peu ; ainsi vous estimez normal qu’un communiste serve le parti qui le fit, soit, mais alors s’il ne sert pas son pays de concert, ne lui est-il pas infidèle ? Sauf à considérer que les intérêts du PCF aient été les mêmes que ceux de la France.]

      Précisément. Si le PCF avait défendu des intérêts opposés à ceux de la collectivité nationale, il serait resté une secte groupusculaire, comme c’est arrivé à beaucoup d’organisations de la « gauche radical ». C’est « le mariage du drapeau rouge et du drapeau tricolore » qui a fait du PCF un parti de masse, capable de peser sur la politique française. Un homme comme Marcel Paul était profondément communiste, tout en étant profondément patriote. Il est l’un de ceux qui a commencé à organiser la Résistance communiste avant l’attaque nazi contre l’URSS. Et je peux imaginer que pour lui il n’y avait pas véritablement une différence entre « trahir le Parti » et « trahir la France ».

      [Il y aurait donc des cercles d’appartenance se chevauchant plus ou moins, voire pas du tout …]

      Bien entendu. La seule question à se poser est de savoir si ces cercles sont inclus les uns dans les autres, ou bien s’ils sont disjoints. Pour Marcel Paul, servir le Parti c’était servir la France, parce que le Parti portait l’avenir du pays. Je ne suis pas persuadé que pour Gozi servir Malte ce soit servir la France.

      [Madame Belkacem, marocaine voilée et baisant la main de Mohamed VI, qui servait-elle ?]

      Elle-même, probablement. Je doute fort que dans cette génération de politiciens socialistes il y a ait vraiment eu une vision de service, que ce soit envers le Parti, envers la France, ou d’une manière plus générale envers quelque institution que ce soit. C’est la génération du « moi, moi, moi », et ce n’est pas un hasard si l’on trouve dans ce groupe pas mal de nomadisme, qu’il soit politique ou national, au gré des carrières…

      [Ces quelques fonctionnaires devenant soudainement (?) terroristes ne cachent-ils pas une armée de l’ombre, encore inorganisée -ou peut être pas – ?]

      Oui, mais c’est une armée de mercenaires, chacun concentré sur ses propres intérêts et sa propre carrière.

      [L’armée ne tait-elle pas quelques incidents avec des soldats refusant des ordres ou des missions au prétexte d’une solidarité plus forte que le devoir national ?]

      Je doute qu’il y ait beaucoup de cas de désobéissance parmi les officiers. Pour les autres, je vous rappelle que nous avons aujourd’hui une armée de professionnels, et que par conséquent ce n’est pas par « devoir national » qu’ils combattent, mais dans le cadre d’un rapport purement contractuel.

      [En conscience, et c’est ce que disent tous les apostats, un musulman, infime, choisira l’oumma, et, comme les “diplômés catégorie A+” actuels, ils ne feraient qu’obéir à leur intérêt.]

      Je vous rappelle que « l’oumma » a eu son équivalent dans la théologie chrétienne, et que l’Eglise catholique a pendant très longtemps exigé de ses fidèles qu’ils désobéissent aux lois réputées contraires à l’esprit chrétien, ou qu’ils ne votent pas pour des candidats jugés “sans dieu” (dans les années 1960, l’église italienne menaçait d’excommunication ceux qui voteraient communiste)… et que ce n’est avec la séparation progressive du civil et du religieux qu’on a admis qu’un chrétien devait obéir aux lois de son pays quand bien même elles seraient contraires à la doctrine chrétienne.

  11. Ian Brossage dit :

    Bonsoir,

    Je signale le dernier billet de l’excellent Sylvestre Huet, à propos de l’impasse totale faite par la gauche française sur le problème de la production :

    Ruffin, le rouge et le vert

    • Descartes dit :

      @ Ian Brossage

      [Je signale le dernier billet de l’excellent Sylvestre Huet, à propos de l’impasse totale faite par la gauche française sur le problème de la production : (…)]

      Eh oui. La gauche a effacé de son horizon la question industrielle, et plus largement la question de la production matérielle. C’est vrai aussi à droite, remarquez. Mais c’est plus surprenant à gauche parce que, historiquement, la gauche telle que nous entendons le mot aujourd’hui est apparue à partir de l’analyse des processus de production matérielle et des gens qui y participent.

      Cela étant dit, je trouve intéressant l’entretien donné par Ruffin sur son livre, qui est à l’origine du commentaire de Huet. Son idée de lier l’avenir de la gauche à une nouvelle alliance entre « le prof et le prolo » semble coïncider avec le constat qui est à la base de ma propre analyse, à savoir, la rupture de l’alliance entre les classes intermédiaires et les couches populaires, qui fut le socle des victoires de la gauche. Le problème avec Ruffin, c’est qu’il propose de rééditer cette alliance sans se demander quelles sont les raisons de sa rupture. Je dirais même qu’il cherche à les occulter : « d’un côté, les ouvriers, victimes, qui rejettent la mondialisation et, de l’autre, les éduqués, pas directement frappés, qui ne la jugent pas forcément heureuse, mais qui la tolèrent, avec passivité ». On appréciera ce « pas directement frappés », qui nous laisse dans le doute de savoir s’ils sont quand même frappés « indirectement » par la mondialisation, ou bien s’ils en profitent. Or, c’est là que le véritable problème réside. Les « profs » ont-ils intérêt à s’allier avec les « prolos » plutôt qu’avec les bourgeois ? Si la réponse est négative – et la configuration actuelle de l’espace politique semble indiquer qu’elle l’est – alors vouloir reconstituer cette alliance est une perte de temps.

      Ruffin, comme beaucoup de penseurs « écologiques », se situe dans une logique post-matérielle, celle d’un monde ou la production des biens qui nous sont nécessaires ne poserait plus de difficulté. Nous sommes donc sortis du royaume de la nécessité et pouvons donc entrer dans le royaume de la liberté, pour utiliser la formule marxienne. Sa formule est d’ailleurs intéressante : « Quand on a un frigo, c’est un progrès. Quand on en a deux, ça ne sert plus à rien ». Certes, mais est-il si sûr que tous nos concitoyens en soient à s’acheter le deuxième frigo ? C’est probablement vrai dans la classe à laquelle appartient Ruffin, dont les besoins matériels sont largement satisfaits. Mais est-ce pour autant le cas de tous nos concitoyens ? Probablement pas.

      • Yoann Kerbrat dit :

        [Eh oui. La gauche a effacé de son horizon la question industrielle, et plus largement la question de la production matérielle]

        Allons allons, il y a la sublime revue Progressiste ! A laquelle participe un certain “Sylvestre Huet”.

        • Descartes dit :

          @ Yoann Kerbrat

          [Allons allons, il y a la sublime revue Progressiste ! A laquelle participe un certain “Sylvestre Huet”.]

          Sans ironie, je dois dire que la revue “Progressiste” reste la publication la plus sérieuse et la plus intelligente parmi celles du PCF. Est-ce pour cela que sa diffusion reste confidentielle ?

      • Ian Brossage dit :

        @Descartes

        > Certes, mais est-il si sûr que tous nos concitoyens en soient à s’acheter le deuxième frigo ? C’est probablement vrai dans la classe à laquelle appartient Ruffin, dont les besoins matériels sont largement satisfaits. Mais est-ce pour autant le cas de tous nos concitoyens ? Probablement pas.

        Le pire, c’est que Ruffin le sait bien, puisqu’au hasard de ses reportages en Picardie, il en a rencontrés, des gens qui n’en sont pas à se demander s’ils vont acheter un deuxième frigo (par exemple la famille Klur qu’il a suivie dans son film sur Bernard Arnaut). Il faut donc croire qu’il s’aveugle volontairement, parce qu’il veut continuer à croire à la « gauche radicale ».

        • Descartes dit :

          @ Ian Brossage

          [Le pire, c’est que Ruffin le sait bien, puisqu’au hasard de ses reportages en Picardie, il en a rencontrés, des gens qui n’en sont pas à se demander s’ils vont acheter un deuxième frigo (par exemple la famille Klur qu’il a suivie dans son film sur Bernard Arnaut). Il faut donc croire qu’il s’aveugle volontairement, parce qu’il veut continuer à croire à la « gauche radicale ».]

          Excellente remarque!

  12. Cherrytree dit :

    On s’est ému du cas de Sylvie Goulard, on s’est ému du cas de Thierry Breton…
    On s’émeut beaucoup moins d’une pratique bien plus courante et qui ne scandalise personne: le pantouflage, qui représente un pourcentage impression de fuite de fonctionnaires (hauts, de préférence) plantant là leur engagement envers l’État qui a assuré leur coûteuse formation, et qui, une fois leur carnet d’adresses constitué, vont bien mieux gagner leur vie dans le privé. Dans ce cas il n’y a pas d’enrichissement personnel, mais quand même, si on considère tout bien, d’une petite trahison en considération de l’intérêt personnel.
    Il y a certes le prix du pantouflage, mais souvent pris en charge par l’entreprise ravie d’avoir récupéré un haut cadre fort bien formé, qui a ses petites entrées (camaraderies de promotion, par exemple), ou quelques renseignements utiles. Le pourcentage de”fuites”, en particulier vers la finance, est considérable.
    L’inverse existe aussi, mais dans ce cas, c’est l’attrait du pouvoir qui attire, plus que l’argent, voir par exemple notre Président de la République. Il est vrai que les ex Présidents gagnent confortablement leur vie grâce aux conférences et autres conseils.
    En payant mieux ses grands serviteurs et en leur offrant plus de possibilité d’évolution de carrière, l’État ferait une belle économie, paradoxalement, mais à condition de rendre la pratique du pantouflage beaucoup plus difficile, en tout cas encadrée drastiquement?

    • Descartes dit :

      @ Cherrytree

      [On s’émeut beaucoup moins d’une pratique bien plus courante et qui ne scandalise personne: le pantouflage, qui représente un pourcentage impression de fuite de fonctionnaires (hauts, de préférence) plantant là leur engagement envers l’État qui a assuré leur coûteuse formation, et qui, une fois leur carnet d’adresses constitué, vont bien mieux gagner leur vie dans le privé.]

      Je pense que vous êtes mal informée. Les fonctionnaires qui sont payés pendant leur formation souscrivent une obligation de travailler dix ans pour l’Etat. Pour échapper à cette obligation, ils doivent rembourser l’argent qu’ils ont touché pendant leur formation – ce qu’on appelle la « pantoufle ». Et si par le passé on pardonnait souvent cette obligation, cela fait bien longtemps que c’est fini, et qu’on exige le remboursement de la « pantoufle » jusqu’au dernier centime.

      [Dans ce cas il n’y a pas d’enrichissement personnel, mais quand même, si on considère tout bien, d’une petite trahison en considération de l’intérêt personnel.]

      Ce n’est pas très juste. La réalité est que la réduction permanente du périmètre de l’Etat fait qu’il n’y a pas de places pour tous les hauts fonctionnaires qui ont été recrutés dans les années fastes. Après un certain âge, les hauts-fonctionnaires ont souvent le choix entre végéter dans des fonctions secondaires en attendant la retraite, ou bien aller chercher meilleure fortune dans le privé. Ce sont souvent les DRH des ministères qui les encouragent dans cette voie, d’ailleurs, pour alléger les effectifs.

      [Il y a certes le prix du pantouflage, mais souvent pris en charge par l’entreprise ravie d’avoir récupéré un haut cadre fort bien formé, qui a ses petites entrées (camaraderies de promotion, par exemple), ou quelques renseignements utiles.]

      Quelle différence avec les élèves des grandes écoles qui vont directement vers le privé ? Eux aussi ont leurs « camaraderies de promotion »… Je pense que vous exagérez l’importance du phénomène. Bien entendu, certains « pantouflages » posent des questions de déontologie, et il serait préférable que l’Etat offre à tous les hauts fonctionnaires des carrières équilibrées qui leur permettent de rester dans le public jusqu’à la retraite – ce qui suppose d’en finir avec le « jeunisme » ambiant (si on nomme directeur général ou préfet des gens de 40 ans, que fait-on d’eux quand ils ont 55 ?). Peut-être faudrait-il interdire le « pantouflage » des membres des « grands corps » : cela découragerait les candidats qui souhaitent dès le départ aller dans le privé, et ouvrirait des opportunités pour ceux qui ont le service de l’Etat chevillé au corps.

  13. Trublion dit :

    Bonjour Descartes,
    Petit apparté,
    Que dire de ce tweet de Dénis Gouaux, que je trouve débile pour rester poli :

    • Descartes dit :

      @ Trublion

      [@ Trublion

      [Petit aparté, que dire de ce tweet de Dénis Gouaux, que je trouve débile pour rester poli : « Une politique relativement immigrationniste oblige l’Etat à mettre en place de la redistribution et de la croissance. A l’inverse, une ligne antisociale pousse à restreindre l’immigration car la main d’œuvre locale corvéable remplace les immigrés (cf Brexit) »]

      Je ne sais pas qui est ce « Denis Gouaux », tout ce que je sais est qui se dit « social-démocrate et blogueur éco ». Bien entendu, son tweet n’a ni queue ni tête, mais il est très intéressant en ce qu’il révèle une conception curieuse de l’économie. L’idée que la main d’œuvre locale est plus facilement « corvéable » que les immigrés, c’est quand même un grand moment… tout comme l’idée que l’Etat « mettrait en place la croissance » en réponse à l’immigration…

      • Trublion dit :

        Merci pour votre réponse !

        Je trouve le tweet inquiétant, car pour une personne qui a été universitaire, prof d’éco, et qui passe son temps à jouer les chiens de garde, je trouve qu’on a un problème de formation des élites.

        Cette même personne s’est fendue d’un tweet expliquant que la France était islamophobe parce que l’assimilation des immigrés était trop rapide. J’avoue avoir failli m’étouffer. Le trotskisme semble produire des intellectuels à la pensée fumeuse.

        Peut-être sous-entend-il que la main d’oeuvre locale ne met pas le feu à son habitat obligeant ainsi les pouvoirs publics à arroser les grands frères et les associations pour acheter la paix sociale ???

        • Descartes dit :

          @ Trublion

          [Je trouve le tweet inquiétant, car pour une personne qui a été universitaire, prof d’éco, et qui passe son temps à jouer les chiens de garde, je trouve qu’on a un problème de formation des élites.]

          Je ne connais pas le pedigree de la personne en question. S’il est prof d’éco, je plains ses élèves…

          [Peut-être sous-entend-il que la main d’oeuvre locale ne met pas le feu à son habitat obligeant ainsi les pouvoirs publics à arroser les grands frères et les associations pour acheter la paix sociale ???]

          Non, je ne crois pas. Je pense plutôt que cela tient à un mécanisme bien connu de fabrication de justification : je voudrais défendre A, B est populaire, alors je rattache A à B, même si pour cela il faut travestir la réalité. C’est la logique de l’amalgame, qu’on utilise aussi dans le sens négatif : je veux descendre A, B est impopulaire, donc je rattache A à B.

      • Vincent dit :

        J’ai pour ma part tendance à systématiquement appliquer le principe de charité, et je cherche à interpréter de manière rationnelle et cohérente les propos des mes interlocuteurs, quitte à les modifier pour essayer d’y comprendre quelque chose d’intelligent.

        Je vous propose donc une reformulation de ses propos :

        [une politique relativement immigrationniste oblige l’Etat à mettre en place de la redistribution et de la croissance.]

        Une politique immigrationniste crée une augmentation de la population, et donc une augmentation des besoins primaires à satisfaire (logement, nourriture, soins, etc.). Ce qui entraine une augmentation de la demande, et donc de la croissance, puisque nous sommes dans une économie de croissance atone, et que c’est la demande qui crée la croissance.
        Cette incrément de demande provenant de personnes à faible revenu, il y aura nécessairement, d’une manière ou d’une autre, une redistribution des classes moyennes ou supérieures pour financer cet incrément de demande.

        [A l’inverse, une ligne antisociale pousse à restreindre l’immigration car la main d’œuvre locale corvéable remplace les immigrés (cf Brexit)]

        Si on décide de mettre en place des politiques hostiles aux chômeurs, pauvres, etc. Ils seront incités à accepter n’importe quel boulot pour pouvoir survivre. Et deviendront donc plus facilement corvéables. Et du coup, des boulots qui étaient occupés par des immigrés (car personne d’autre ne voulait les faire) pourront être pourvus par des locaux, ce qui réduira le besoin de recourir à des immigrés.

        Jusque là, tout est assez logique. Ce qui ne l’est pas vraiment, c’est :
        – d’opposer ces deux alternatives. Il n’y a en réalité aucune contradiction : on peut restreindre l’immigration sans mener de politique anti chômeurs, ce qui aura pour conséquence de faire monter les revenus des boulots les moins attrayants. On peut augmenter l’immigration et mener des politiques anti chômeurs, car plus les salaires de la main d’œuvre corvéable baissent, plus il y aura de volontaires pour avoir des “domestiques” (je mets dedans tous les petits boulots de service pas indispensables, comme les uber eats, chargeurs de trottinettes électriques…)
        – de sembler souhaiter une augmentation de l’immigration _car ça crée de la croissance_ alors que le raisonnement sous-jacent est que cette croissance est créée par un ponctionnement sur le reste de la population, soit une baisse de pouvoir d’achat des autres. Qu’il présente comme quelque chose de souhaitable avec ses raccourcis, alors que ça ne l’est pas.

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [J’ai pour ma part tendance à systématiquement appliquer le principe de charité, et je cherche à interpréter de manière rationnelle et cohérente les propos des mes interlocuteurs, quitte à les modifier pour essayer d’y comprendre quelque chose d’intelligent.]

          Une conduite très dangereuse. Vous risquez de faire passer pour des gens intelligents des gens qui sont idiots. Et de manquer le vrais sens de leurs commentaires.

          [Je vous propose donc une reformulation de ses propos : (…) Une politique immigrationniste crée une augmentation de la population, et donc une augmentation des besoins primaires à satisfaire (logement, nourriture, soins, etc.). Ce qui entraine une augmentation de la demande, et donc de la croissance, puisque nous sommes dans une économie de croissance atone, et que c’est la demande qui crée la croissance.]

          Ce propos n’est ni cohérent, ni rationnel. En effet, ce n’est pas la « demande » qui importe en termes économiques, mais la « demande SOLVABLE ». Des centaines de milliers de français ont besoin de meilleurs logements, de transports, de santé, d’éducation qu’ils ne peuvent pas satisfaire parce qu’ils n’ont pas d’argent. Et le fait que ces besoins augmentent ou diminuent n’aura aucun effet économique. Or, sauf dans une situation de plein emploi, une politique immigrationniste ne crée pas de demande solvable : les nouveaux arrivants ne peuvent trouver un travail productif qu’en prenant ce travail aux gens déjà installés , et ne font donc que se partager une partie de la valeur ajoutée déjà existante.

          [Cette incrément de demande provenant de personnes à faible revenu, il y aura nécessairement, d’une manière ou d’une autre, une redistribution des classes moyennes ou supérieures pour financer cet incrément de demande.]

          Seulement si les « classes moyennes ou supérieures » acceptent de payer. Trouvez-vous que ce soit le cas ? Non, bien sûr que non. Dans le contexte actuel, le revenu des nouveaux immigrés est pris sur celui des populations les plus modestes, appelées à partager leur travail et leurs aides avec les nouveaux arrivants.

          [« A l’inverse, une ligne antisociale pousse à restreindre l’immigration car la main d’œuvre locale corvéable remplace les immigrés (cf Brexit) » Si on décide de mettre en place des politiques hostiles aux chômeurs, pauvres, etc. Ils seront incités à accepter n’importe quel boulot pour pouvoir survivre. Et deviendront donc plus facilement corvéables. Et du coup, des boulots qui étaient occupés par des immigrés (car personne d’autre ne voulait les faire) pourront être pourvus par des locaux, ce qui réduira le besoin de recourir à des immigrés.]

          Si le tweet disait que « une ligne antisociale provoque une réduction de l’immigration », votre raisonnement se tiendrait. Mais ce n’est pas ce qui est écrit. Si je suis votre raisonnement, une politique « antisociale » fera que l’immigration se réduira d’elle-même, puisque les conditions sociales et la possibilité d’obtenir un travail pour les immigrés seront dégradées. Et il n’est donc pas nécessaire de la « restreindre » par des moyens législatifs (référence au Brexit).

          [Jusque-là, tout est assez logique. Ce qui ne l’est pas vraiment, c’est : (…) d’opposer ces deux alternatives. Il n’y a en réalité aucune contradiction :]

          Justement, appliquez votre principe de rationnalité. Si l’auteur voit une contradiction entre ces deux alternatives et vous pas, alors le plus probable est que votre interprétation de ses propos ne soit pas la bonne. En réécrivant ses propos pour faire disparaître le caractère mécanique de son raisonnement, vous faites en effet disparaître la « contradiction ».

          [On peut augmenter l’immigration et mener des politiques anti chômeurs, car plus les salaires de la main d’œuvre corvéable baissent, plus il y aura de volontaires pour avoir des “domestiques” (je mets dedans tous les petits boulots de service pas indispensables, comme les uber eats, chargeurs de trottinettes électriques…)]

          Non, on ne peut pas, justement. Vous confondez « demande » et « demande solvable ». Si vous augmentez le nombre de « domestiques » en réduisant leur salaire, la « demande solvable » n’augmente pas. Simplement, vous avez la même demande solvable distribuée sur un nombre plus grand de demandeurs.

          La seule manière historiquement d’augmenter le niveau de vie d’une population, est globalement d’augmenter la productivité parce que in fine le niveau de vie est le résultat de la distribution de la richesse produite par le travail. Or, l’effet pervers de l’immigration est qu’en faisant baisser les salaires, elle empêche la modernisation de l’outil de production, puisqu’il est plus économique d’embaucher des gens que d’installer des machines. De la même manière qu’il y a une spirale de développement « hausse de salaires -> plus de demande solvable -> plus d’investissement productif -> plus de productivité -> plus de salaires » il y a la spirale de sous-développement « moins de salaires -> moins de demande -> moins d’investissement -> moins de productivité -> baisse des salaires ».

  14. Luc dit :

    L’ensemble des débats médiatiques actuels ne semblent ils pas exprimer une inflexion du Landerneau de l’établissement gouvernemental ?
    Plus que les quotas, l’installation d’un délai de carence de trois mois pour les migrants avant de bénéficier de la sécu , marque t elle un début de changement ?
    Évidemment le medef a vigoureusement protesté ..
    Quant à Mélenchon , qui organise une marche contre cette liberté de pensée qu’est l’islamophobie , n’est il pas dans son rôle de premier opposant au parti gouvernemental , en coupant l’herbe sous les pieds des macronistes amateurs des suffrages des islamophobes ?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [L’ensemble des débats médiatiques actuels ne semblent-ils pas exprimer une inflexion du Landerneau de l’établissement gouvernemental ? Plus que les quotas, l’installation d’un délai de carence de trois mois pour les migrants avant de bénéficier de la sécu, marque-t-elle un début de changement ?]

      Il est clair que le gouvernement veut montrer qu’il fait quelque chose dans le domaine. C’est l’application de la doctrine bien connue des joueurs de Go : mon point vital est le point vital de l’adversaire. Si l’immigration est le point fort du RN, alors il faut être présent sur ce terrain.

      Je pense que Macron comptait sur l’impulsion des « réformes » et sur des succès au niveau européen pour gagner l’adhésion des Français et « ringardiser » le RN. Le problème est que les réformes tant vantées ne semblent pas produire des résultats tangibles, et que l’Europe s’est montrée bien moins positive à son égard que prévu. L’affaire Benalla et la crise des Gilets Jaunes a non seulement mis en évidence l’amateurisme et le manque de cohésion de l’équipe gouvernementale, mais elle a fait perdre à Macron l’initiative et la maîtrise des horloges. C’est pourquoi Macron cherche désespérément un sujet qui lui permette de se remettre en selle, et il a choisi les sujets régaliens, qui sont ceux où habituellement le président de la République est le plus légitime.

      Le problème, c’est que si les sujets régaliens intéressent les classes populaires, ils sont profondément clivants dans l’électorat macronien. Pour essayer d’attirer quelques électeurs du RN, Macron risque de diviser sa majorité et de perdre des voix sur sa gauche…

      [Évidemment le medef a vigoureusement protesté…]

      Il y a au moins une institution qui reste cohérente avec elle-même…

      [Quant à Mélenchon, qui organise une marche contre cette liberté de pensée qu’est l’islamophobie,]

      Mélenchon a assez de péchés en propre pour qu’il ne soit pas besoin de lui en inventer. JLM « n’organise » aucune marche contre l’islamophobie. Il figure certes parmi les signataires de la tribune appelant à cette manifestation, mais pas plus. D’ailleurs il ne participera pas, étant retenu providentiellement à Marseille pour une opération municipale.

      [n’est il pas dans son rôle de premier opposant au parti gouvernemental , en coupant l’herbe sous les pieds des macronistes amateurs des suffrages des islamophobes ?]

      Je ne crois pas, non. Pourquoi aller chercher on ne sait quel obscur calcul, quand il existe une explication bien plus simple ? Ce qu’on appelait à une époque « le camp progressiste », réagit aujourd’hui de manière réflexe en suivant un schéma manichéen. Puisque Julien Odoul est au RN et que la « marche » est en réaction à ses propos, la « marche » en question doit être du côté du Bien. Et donc tout le monde signe sans regarder. Et ce n’est qu’après qu’on réfléchit – pas trop, mais un peu – et on se rend compte qu’on est en train de signer un texte rédigé des proches des frères musulmans qui considère la laïcité comme « liberticide ». Alors commencent les problèmes, les contorsions, les « je retire ma signature mais je viendrai quand même » (de Haas) et les « je garde ma signature mais je ne viendrai pas car j’ai mieux à faire » (Mélenchon, Jadot, Ruffin…).

      • Ian Brossage dit :

        @Descartes

        > Mélenchon a assez de péchés en propre pour qu’il ne soit pas besoin de lui en inventer. JLM « n’organise » aucune marche contre l’islamophobie. Il figure certes parmi les signataires de la tribune appelant à cette manifestation, mais pas plus. D’ailleurs il ne participera pas, étant retenu providentiellement à Marseille pour une opération municipale.

        C’est étonnant tous ces responsables « de gauche » qui se sont soudain vus appelés ailleurs et dans l’incapacité de participer à la marche qu’ils soutiennent. C’est quand même pas de chance.
        https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/11/07/marche-contre-l-islamophobie-la-gauche-se-divise-philippe-denonce-le-communautarisme_6018291_823448.html

        Par contre Mélenchon a bel et bien participé à la manifestation. Une manifestation où « Allah Akbar » a été scandé dans un mégaphone…
        https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/11/10/la-gauche-presque-au-complet-a-la-manifestation-contre-l-islamophobie_6018705_823448.html

        Corbière, lui, n’a entendu « que des chants républicains comme “Laïcité, on t’aime”, “La Marseillaise” ».

        • Descartes dit :

          @ Ian Brossage

          [Par contre Mélenchon a bel et bien participé à la manifestation. Une manifestation où « Allah Akbar » a été scandé dans un mégaphone… (…) Corbière, lui, n’a entendu « que des chants républicains comme “Laïcité, on t’aime”, “La Marseillaise” ».]

          Une surdité sélective, probablement…

          Effectivement, j’ai appris que Mélenchon a fait faux bond à la grande marche marseillaise pour commémorer l’anniversaire de l’effondrement de trois immeubles vétustes pour être présent à la manifestation parisienne contre l’Islamophobie, accompagné par une partie du groupe parlementaire LFI. Il semblerait aussi que Alain Quatennens et François Ruffin aient exprimé en interne leurs états d’âme, et n’aient pas participé à la manifestation.

          J’avoue que tout ça m’a foutu un coup dans le moral. Pour le passionné d’histoire que je suis cela rappelle un autre épisode de notre histoire, celui du pacifisme français de l’entre-deux guerres, dont la contribution au désastre de 1940 est loin d’avoir été négligeable. Ce pacifisme qui disait « il faut comprendre les Allemands », « il faut chercher à s’entendre avec Hitler », « mieux vaut être allemand que mort » et ainsi de suite. Ces pacifistes qui ont cru – parce qu’ils voulaient désespérément croire – que Hitler n’avait d’autre ambition que de remettre l’Allemagne sur les rails et qu’il ne voulait que ce que tous les anciens combattants de 1914-18 voulaient, c’est-à-dire la paix perpétuelle. Ces pacifistes enfin qui ont trainé dans la boue ceux qui voulaient prendre l’initiative contre l’Allemagne nazi, les accusant de « bellicistes » ou d’idiots utiles du communisme.

          Il semblerait que la gauche française ait tout oublié et rien appris. Qu’elle vit toujours dans le monde des bisonours, et s’imagine qu’en défilant avec les islamistes politiques du CCIF aux cris « d’Allah Akhbar », on avance vers la concorde universelle. Churchill avait raison : « la France avait à choisir entre la honte et la guerre, elle a choisi la honte, elle a eu la guerre ». Et le pire, c’est qu’une partie de la gauche – ma famille, après tout – est prête à remettre ça.

          • Ian Brossage dit :

            @Descartes

            > Effectivement, j’ai appris que Mélenchon a fait faux bond à la grande marche marseillaise pour commémorer l’anniversaire de l’effondrement de trois immeubles vétustes pour être présent à la manifestation parisienne contre l’Islamophobie, accompagné par une partie du groupe parlementaire LFI.

            Soit dit en passant, cela semble régler la question des ambitions municipales de Mélenchon. Ou alors Mélenchon pense qu’il est politiquement plus porteur, pour la municipale marseillaise, d’aller se montrer avec des islamistes à Paris que dans une commémoration d’un accident gravissime dû à la vétusté et à l’état d’abandon de certains immeubles des vieux quartiers populaires…

            > Il semblerait que la gauche française ait tout oublié et rien appris.

            L’oubli est le sport national de la gauche française depuis des décennies, j’ai l’impression. Le comportement d’un Mélenchon, encore souvent décrit comme fervent républicain il y a une dizaine d’années, est effectivement répugnant.

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [Soit dit en passant, cela semble régler la question des ambitions municipales de Mélenchon. Ou alors Mélenchon pense qu’il est politiquement plus porteur, pour la municipale marseillaise, d’aller se montrer avec des islamistes à Paris que dans une commémoration d’un accident gravissime dû à la vétusté et à l’état d’abandon de certains immeubles des vieux quartiers populaires…]

              Je pense que si Mélenchon avait abrité des ambitions municipales marseillaises en 2017, il les a depuis totalement abandonnées. Les résultats de la ronde de discussions avec les différentes forces en présence organisée par l’un de ses plus fidèles lieutenants n’a rien donné, sinon la conviction que la politique marseillaise est très complexe, que les risques de guet-apens et de coup de poignard dans le dos sont nombreux, qu’il est difficile de faire quoi que ce soit à Marseille sans acheter les clientèles des uns et des autres, avec les risques médiatiques et judiciaires que cela comporte.

              L’objectif de Mélenchon est maintenant la présidentielle de 2022. C’est son seul horizon. C’est peut-être pour cela qu’il a finalement choisi d’être à Paris plutôt qu’à Marseille. Mais il y a une autre explication, bien plus sioux : il y a depuis maintenant des mois une guerre fratricide qui divise LFI entre les tenants de la ligne « gauchiste » et les « modérés ». Or, les « gauchistes » se sont engagés à fond dans cette manifestation, alors que les « modérés » ont des positions critiques. Le choix entre Marseille et Paris était donc aussi un choix entre deux fractions de son mouvement. Et l’expérience des européennes montre que Mélenchon s’aligne plutôt avec les « gauchistes ».

              [« Il semblerait que la gauche française ait tout oublié et rien appris ». éL’oubli est le sport national de la gauche française depuis des décennies, j’ai l’impression. Le comportement d’un Mélenchon, encore souvent décrit comme fervent républicain il y a une dizaine d’années, est effectivement répugnant.]

              Il n’est pas rare qu’à la fin de la vie les hommes retrouvent les réflexes de leur jeunesse. Le jeune gauchiste Mélenchon devenu socialiste et mitterrandien à l’âge adulte revient à ses premiers amours. Personnellement, j’ai toujours trouvé le républicanisme de Mélenchon trop caricatural pour être sincère. Et je n’ai pas oublié le discours qu’il a tenu lors de la ratification du traité de Maastricht, et pour lequel il ne s’est jamais excusé.

  15. Cherrytree dit :

    @Descartes
    Quelle différence entre le pantouflage à l’ENA et celui des grandes écoles?
    Eh bien nous y venons.
    Dans le cadre de la réforme de l’ENA, il est quand même prévu d’astreindre minards et polytechniciens à un service de l’État, comme les énarques, au lieu de pouvoir filer directement dans le privé comme ils en ont la possibilité moyennant le paiement de la fameuse “pantoufle”.
    Ceci dit, l’entreprise qui embauche quelqu’un de parfaitement formé n’hésite pas à s’acquitter tout ou partie du remboursement, environ 80 000€ par année d’études, et si certains de ceux qui ont choisi de quitter avant le temps requis le service de l’État doivent s’acquitter du remboursement, les salaires bien plus attractifs qu’ils perçoivent dans le privé les laissent au bout de quelques années largement bénéficiaires.
    Comme l’État a fini par s’émouvoir du taux de fuites des énarques vers le privé, de 40 à 60 % selon les branches, le secteur de la finance attirant tout particulièrement, la réforme porte à 4 ans au lieu de 10 le temps de service de l’État, ce qui à mon sens n’arrange pas grand chose et que je ne comprends pas vraiment.
    En tout cas, si ce n’est pas du mercenariat, celà…
    Mais tant de choses s’échappent, je reconnais humblement que je ne suis pas une spécialiste.

    Prenons d’ autres exemples: la fuite vers le secteur libéral du personnel infirmier public à la fois pour des salaires meilleurs et des conditions de travail moins pires.

    Ou les enseignants, qui doivent aussi rembourser le coût de leur formation s’ils démissionnent avant la fin de leur contrat avec l’État: non seulement on a une crise du recrutement sans précédent, mais des reconversions et des démissions en nombre, et ceci dès les premières années d’enseignement. Et que dire du niveau de recrutement, toujours plus bas, et qui ne contribue pas à améliorer le niveau des élèves.

    On pourra trouver moins immoral ce désengagement envers la fonction publique de l’État ces deux derniers exemples, il n’empêche, en traitant parfois fort mal ses serviteurs grands ou petits, l’État se prive d services stables.

    PS, à propos de revues de réflexion politique intéressantes, connaissez-vous Étincelles, et si oui, qu’en pensez-vous?

    • Descartes dit :

      @ Cherrytree

      [Quelle différence entre le pantouflage à l’ENA et celui des grandes écoles? Eh bien nous y venons.
      Dans le cadre de la réforme de l’ENA, il est quand même prévu d’astreindre minards et polytechniciens à un service de l’État, comme les énarques, au lieu de pouvoir filer directement dans le privé comme ils en ont la possibilité moyennant le paiement de la fameuse “pantoufle”.]

      Vous confondez beaucoup de choses. Il y a d’un côté les écoles qui ouvrent des carrières dans la fonction publique (ENA, Polytechnique mais aussi d’autres moins connues : Ecole nationale de la magistrature, Ecole des Travaux Publics de l’Etat, Ecole nationale de la santé publique, etc.). Les élèves de ces écoles sont des fonctionnaires stagiaires, reçoivent un traitement – c’était un moyen de permettre aux étudiants méritants issus des classes modestes d’y accéder – et doivent à leur sortie une période de services à l’Etat (en général dix ans). S’ils veulent s’en affranchir, ils doivent rembourser l’intégralité des traitements –la « pantoufle » – qui leur aura été versé.

      De l’autre côté, il y a les grandes écoles qui n’ouvrent pas d’accès aux corps de l’Etat. Ce sont d’ailleurs les plus nombreuses. Les élèves sortant de ces écoles peuvent rejoindre le privé sans avoir rien à rembourser, comme n’importe quel étudiant diplômé d’une université.

      [Ceci dit, l’entreprise qui embauche quelqu’un de parfaitement formé n’hésite pas à s’acquitter tout ou partie du remboursement, environ 80 000€ par année d’études, et si certains de ceux qui ont choisi de quitter avant le temps requis le service de l’État doivent s’acquitter du remboursement, les salaires bien plus attractifs qu’ils perçoivent dans le privé les laissent au bout de quelques années largement bénéficiaires.]

      Oui, mais où est le scandale ? Dans notre pays, la formation supérieure – qu’elle se fasse en grande école ou dans l’université publiques – est quasi-gratuite. On admet donc que les entreprises recrutent des cadres dont la formation a été payée par l’ensemble de la collectivité à travers des impôts. La « pantoufle » n’est pas censée rembourser la formation, mais les traitements versés aux élèves-fonctionnaires.

      [Comme l’État a fini par s’émouvoir du taux de fuites des énarques vers le privé, de 40 à 60 % selon les branches, le secteur de la finance attirant tout particulièrement, la réforme porte à 4 ans au lieu de 10 le temps de service de l’État, ce qui à mon sens n’arrange pas grand-chose et que je ne comprends pas vraiment.]

      Il faut bien comprendre qu’il y a deux types de « pantouflages ». D’un côté, il y a celui – condamnable – du haut fonctionnaire qui dès le départ prévoit de faire un passage dans la fonction publique, préférablement dans un « grand corps » pour se faire des contacts et un carnet d’adresses, pour ensuite le revendre dans le privé. De l’autre côté, il y a un « pantouflage » qui tient à la gestion de la pyramide des âges : la réduction permanente du périmètre d’action de l’Etat fait qu’un certain nombre de hauts fonctionnaires après vingt ou trente ans de services se trouvent sans affectation, tout simplement parce que les postes de leur niveau, nombreux au moment où ils ont été recrutés, sont devenus rares. Dans ce cas, l’Etat lui-même les pousse à aller voir ailleurs, dans le privé…

      S’il faut combattre le premier type de « pantouflage » – personnellement, j’aurais tendance à interdire aux membres des « grands corps » tout passage dans le privé, noblesse oblige – on voit mal comment on pourrait combattre le second, sauf à payer des gens de haut niveau à faire des photocopies.

      [On pourra trouver moins immoral ce désengagement envers la fonction publique de l’État ces deux derniers exemples, il n’empêche, en traitant parfois fort mal ses serviteurs grands ou petits, l’État se prive de services stables.]

      C’est un peu le but, je pense. La fonction publique de carrière à la française ne plait pas à nos élites, qui lui préfèrent largement les système américain qui permet de placer les copains et les coquins…

      [PS, à propos de revues de réflexion politique intéressantes, connaissez-vous Étincelles, et si oui, qu’en pensez-vous?]

      Non, je ne connais pas de revue de ce nom. Je connais une fraction trotskyste qui s’appelle « L’étincelle » et qui travaille sur l’éducation populaire, mais je ne sais pas si c’est à cela que vous faites référence…

      • Vincent dit :

        [Il faut bien comprendre qu’il y a deux types de « pantouflages ».]

        En réponse au commentaire précédent, vous oubliez le 3ème type : l’infirmier, le médecin hospitalier, l’enseignant, etc. qui en a marre de ses conditions de travail, et qui, malgré sa vocation de vouloir travailler dans le service publique, finit par jetter l’éponge.

        Un infirmier dans l’hopital public qui part travailler dans le privé ne le fait ni à cause d’un problème de pyramide des ages, ni afin de revendre un carnet d’adresse et sa connaissance de l’intérieur de l’hopital public. Mais juste pour faire le même travail dans de meilleures conditions et pour un meilleur salaire…

        Je peux tout à fait comprendre ce type de “pantouflage”. Et d’ailleurs, le mot me semble peu approprié, en fait.

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [En réponse au commentaire précédent, vous oubliez le 3ème type : l’infirmier, le médecin hospitalier, l’enseignant, etc. qui en a marre de ses conditions de travail, et qui, malgré sa vocation de vouloir travailler dans le service publique, finit par jetter l’éponge.]

          Le processus existe, on est bien d’accord. Mais pourquoi l’appeler “pantouflage” ? Le “pantouflage” est le fait pour un agent public de partir dans le privé en dépit de son engagement de servir l’Etat pendant une certaine période. Par extension, il s’applique aux fonctionnaires des “grands corps” qui vont travailler dans le privé tout en conservant la possibilité de retourner dans la fonction publique. Il est rare que l’infirmier, le médecin ou l’enseignant qui va dans le privé garde cette possibilité de retour…

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