#scienceporc

Certains me reprocheront de revenir encore sur ce sujet, mais je dois dire que les derniers développements sont dignes d’un film satirique. Où es-tu, Jean-Pierre Mocky, quand on a besoin de toi ? Quel magnifique « A mort l’arbitre » pourrait-on refaire aujourd’hui…

Sciences Po, celle que le journal dit de référence appelle « l’école du pouvoir », est ébranlée sur ses fondations. La cause ? La multiplication sur les réseaux sociaux de dénonciations d’abus sexuels de toutes sortes, commis lors de soirées arrosées, de « bizutages » plus ou moins déguisés ou tout simplement au cours des interactions entre étudiants ou entre ceux-ci et le corps professoral. L’affaire Duhamel – qui était président de la fondation des sciences politiques, la « holding » qui contrôle Sciences Po, lorsque le scandale éclata – avait déjà mis la vénérable institution sous le feu des projecteurs. Aujourd’hui, son directeur, Frédéric Miot, a été obligé de démissionner. Pourtant, il n’avait abusé personne, il n’avait agressé personne. Tout ce qu’on lui reproche est d’avoir nié avoir eu connaissance des accusations pesant sur Olivier Duhamel, alors qu’il en avait été informé en 2018 par Aurelie Filippeti, qui le tenait elle-même de Janine Mossuz-Lavau, professeure émérite à Sciences Po. De nos jours, le simple fait d’avoir entendu un ragot vieux de trente ans et de ne pas l’avoir colporté est une cause de révocation. Curieusement, personne ne demande des sanctions contre Filippeti ou Mossuz-Lavau, qui pourtant savaient tout et n’ont pas cru nécessaire, elles non plus, d’informer le procureur. Est-ce la nature particulière de leurs gonades qui leur assure la mansuétude de l’opinion publique ?

Quoi qu’il en soit, comme disait Pompidou, « passées les bornes il n’y a plus de limite ». Sur des mots-dièse aussi évocateurs que « #sciencesporc » se multiplient les déclarations de demoiselles et damoiseaux se déclarant victimes d’actes qui vont du simple attentat à la pudeur au viol aggravé en passant par l’agression sexuelle, et dont se seraient rendus coupables leurs condisciples ou les membres – sans jeu de mots – du corps enseignant.

C’est que Sciences-Po n’est pas n’importe quelle école. C’est « le saint des saints de la fabrication des élites à la française », nous explique le journal qui n’est pas de référence mais qui aimerait l’être (« Libération », pour les intimes et pour les amateurs d’oxymores) qui en rajoute : Sciences-Po serait « l’une des institutions les plus prestigieuses du système d’enseignement supérieur français ». Et on découvre aujourd’hui que la vénérable institution n’était qu’un lupanar… Le lecteur imprudent pourrait se dire que si tel est le paysage dans une des institutions aussi prestigieuses, dont le public a largement les moyens personnels et familiaux de repousser les assauts du vieux – ou jeune – mâle en rut ou de le faire punir par la maréchaussée, on tremble d’imaginer ce qui doit arriver au sein des entreprises, où le niveau de formation, la pauvreté des ressources familiales et la dépendance économique rendent la résistance bien plus difficile. Curieusement, aucun « #balancetonpatron » n’est apparu dans le paysage. Une coïncidence, sans doute.

En fait, il faut raison garder. D’abord, Sciences-Po est-elle vraiment le « saint des saints de la formation des élites » ? Oui, si par le mot « élites » on entend les gens qui parlent à titre professionnel dans les fenestrons. Non, si par « élite » on entend une aristocratie du mérite, du savoir, de l’intelligence, de la compétence. Le « prestige » de l’institution de la rue Saint-Guillaume tient plus aux positions de pouvoir occupés par certains enseignants et anciens élèves de l’institution que par la qualité de l’enseignement qui y est dispensé. Et je suis bien placé pour le savoir, j’y ai donné des cours !

Science-Po est d’abord un club, ou des petits jeunes aux dents longues apprennent le réseautage – mot élégant qui désigne le répérage des bottes qu’il est utile de lécher, et la technique de le faire dans les meilleures conditions – et rêvent de se faire repérer par les « parrains » qui y enseignent et qui, de par les postes qu’ils occupent et les réseaux amicaux qu’ils peuvent actionner, ont le pouvoir de faire et de défaire des carrières. Combien de jeunes ont fait des « brillantes carrières » – au sens « pouvoir et argent » du terme – dans le journalisme, la communication ou l’administration grâce au soutien des « anciens » qui leur ont mis le pied à l’étrier ?

Il y a ici une constatation qui s’impose. Les gens qui ont des parents « normaux », une vie familiale « normale », une scolarité « normale », font un métier « normal », ont une épouse « normale » et élèvent « normalement » leurs enfants sont terriblement, horriblement ennuyeux. Et dans la société du « fun » et du « cool », être ennuyeux est la seule, l’unique chose réellement impardonnable. Pour épater les copains, pour qu’à votre passage les étudiants se disent « c’est lui, c’est elle », il faut être intéressant. Or, il y a deux types d’intéressants : ceux qui font des choses intéressantes, et ceux à qui des choses intéressantes arrivent. On peut devenir intéressant en trouvant la théorie de la relativité, en chantant comme la Callas ou en se faisant élire président de la République. Mais ça demande beaucoup de boulot. L’autre option, plus économique, c’est d’être celui à qui l’exceptionnel arrive. Pas besoin pour cela de trop bosser, il suffit d’un peu de chance ou, plus banalement, de trouver un créneau porteur. Et dans notre société « victimiste », ce n’est pas ce qui manque. Il suffit de suivre la mode.

Ce n’est pas la « libération de la parole » qui génère ces déferlantes médiatiques, mais les effets de mode. On se souvient de cette caricature de la série « Les Frustrés » de Claire Bretecher où une femme essaye de tripoter son amie, et lorsque celle-ci lui administre une baffe, se met à pleurer parce qu’elle « est en train d’écrire le chapitre de ses mémoires ou elle parle de ses rapports homosexuels, et n’a aucun rapport homosexuel à raconter ». Bretécher avait vu juste : la mode est performative. Ainsi, par exemple, on a vu ces dernières années se multiplier les enfants « trans », avec à la clé des traitements hormonaux et même chirurgicaux que les individus en question, devenus plus matures, regrettent. Mais sur le fond, y a-t-il plus d’enfants ayant des difficultés avec leur sexe biologique qu’avant ? Rien ne l’indique. Seulement, dans le discours médiatique le « trans » est valorisé. Pour l’enfant, devenir « trans » c’est avant tout devenir intéressant. Pour ses parents aussi, d’ailleurs. C’est bien plus valorisant qu’être simplement homosexuel. De même, on qualifie aujourd’hui « d’autiste » n’importe quel trouble de l’apprentissage ou de la sociabilité de l’enfant tout simplement parce qu’on se rend bien plus intéressant en société en ayant un enfant autiste qu’en ayant un enfant oligophrène.

Ce n’est donc pas un hasard si l’explosion a lieu dans cette foire aux vanités qu’est Sciences Po plutôt qu’à l’Ecole normale supérieure, à l’Ecole polytechnique ou à l’Ecole des Chartes, ou les gens s’occupent moins des modes intellectuelles et plus de leurs études. Et au royaume des apparences, avoir été victime d’une agression sexuelle ou mieux encore d’un viol, c’est non seulement devenir intéressant aux yeux de tous, c’est conquérir une position morale incontestable, d’où l’on peut critiquer n’importe quoi, dénoncer n’importe qui sans la moindre crainte de représailles. Et par les temps qui courent, une dénonciation suffit à faire démissionner un directeur, à faire exclure un condisciple, à pousser un enseignant à s’humilier en présentant des excuses y compris pour ce qu’il n’a pas fait. Qui dans ce milieu veut apparaître contestant la parole de la victime au risque d’être trainé dans la boue ? Qui a le courage de dire « non » sachant ce qui est arrivé aux rares téméraires qui ont osé ?

Il y a vingt-cinq ans, on avait assisté à la déferlante hystérique du « date rape » (« viol lors d’un rendez-vous ») dans les campus américains. Pas mal de gens à l’époque ont prédit qu’on aurait bientôt la même chez nous. Et bien, c’est fait.

Descartes

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141 réponses à #scienceporc

  1. Vincent dit :

     
    Il y a 2/3 ans, il y avait eu un haro similaire sur les études de médecine (comme en ce moment avec les IEP), avec une avalanche de “scandales” qui touchaient successivement la plupart des CHU de France, et des témoignages venus d’un peu partout… La cause était différente, puisque l’indignation était venue de l’extérieur, et pas de l’intérieur.Vous posez la question : pourquoi dans ce milieu ?
    Alice Coffin nous apporte la réponse : “La concentration d’hommes dans un même lieu de pouvoir induit un climat propice aux agressions (…) Il ne faut pas favoriser les climats où il n’y a que des hommes”
     
    Je laisse chacun analyser la pertinence de l’explication [à titre indicatif : études de médecine: environ 80% de femmes ; IEP : 60% de femmes ; grandes écoles d’ingénieurs : 20% ; écoles d’informatique : généralement moins de 10%]
    A voir ces chiffres, on pourrait être tenté de croire que ce sont au contraire les milieux fortement féminisés qui sont à risque…
    Fontenelle : “Assurons-nous bien du fait avant que de nous inquiéter de la cause. Il est vrai que cette méthode est bien lente pour la plupart des gens qui courent naturellement à la cause, et passent par-dessus la vérité du fait ; mais enfin nous éviterons le ridicule d’avoir trouvé la cause de ce qui n’est point.”

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Vous posez la question : pourquoi dans ce milieu ? Alice Coffin nous apporte la réponse : “La concentration d’hommes dans un même lieu de pouvoir induit un climat propice aux agressions (…) Il ne faut pas favoriser les climats où il n’y a que des hommes”]

      Alice Coffin fait partie de ces gens qui ont une explication unique pour tous les maux de la terre. Chez l’extrême droite tout le mal vient de l’immigration, chez Coffin ce sont les hommes de sexe masculin qui sont responsables de la chute de l’humanité. Et donner des chiffres ne sert à rien, puisque pour les gens comme Coffin c’est un article de dogme, qui précède toute étude sérieuse.

      [Fontenelle : “Assurons-nous bien du fait avant que de nous inquiéter de la cause. Il est vrai que cette méthode est bien lente pour la plupart des gens qui courent naturellement à la cause, et passent par-dessus la vérité du fait ; mais enfin nous éviterons le ridicule d’avoir trouvé la cause de ce qui n’est point.”]

      Très belle citation, et tout à fait d’actualité ! Malheureusement, le ridicule ne tue plus…

  2. Simon dit :

    Cher Descartes, 
    Merci pour ce billet, drôle, bien écrit, sévère mais juste sur le fond, fielleux à souhait sur la forme. Je l’envoie à quelques amis, cela fait un bon point d’entrée pour votre blog. 
    Je serai curieux de savoir combien de ces “viols” correspondent à des regrets suite à une soirée trop arrosée, et relèvent donc plus de la culture de la libération sexuelle que de la soi-disant culture du viol. 
    Sur les enfants trans, on verra comment cette tendance sera jugée dans une ou deux générations, j’ose espérer avec les mêmes réactions que celles que suscitent aujourd’hui l’excision. 
     
     

    • Descartes dit :

      @ Simon

      [Je serai curieux de savoir combien de ces “viols” correspondent à des regrets suite à une soirée trop arrosée, et relèvent donc plus de la culture de la libération sexuelle que de la soi-disant culture du viol.]

      Katie Roiphe traite très bien cette problématique dans un essai devenu célèbre: “The morning after: sex, fear and feminism on campus”. Elle montre combien dans un climat puritain la tentation de transformer toute expérience sexuelle vécue négativement en “viol” (ce qui revient à rejeter toutes les fautes sur le partenaire et à recouvrer la pureté originelle) est grande…

  3. Sami dit :

    Beaucoup de diagnostics – dont les vôtres ici-même – ont été faits. Arrive maintenant le temps du questionnement : Pourquoi tout ça ? Sans entrer dans d’absurdes arguments “complotistes”, y a-t-il un système directeur, derrière cette déferlante “sociétale” (qui n’épargne aucun recoin de ce qui fait société), ou bien est-ce juste un déterminisme historique qui nous dépasse, un hasard en quelque sorte, du à l’épuisement de “l’ancienne société” ? Tout cela n’est-il qu’un phénomène de mode, qui passera, ou bien est ce un changement radical irréversible ? Ce changement n’est-il qu’un énième changement, ou bien est-il un symptôme (parmi d’autres) d’une décadence civilisationnelle irrésistible qui sape peu à peu cette civilisation Occidentale si puissante, si déterminante dans l’histoire de l’humanité ? (les montées de certains radicalismes religieux sont aussi quelque part – pas que – une réaction, certes “pathologique”, à ces changements de paradigme, une manière de “refuge” en position fœtale contre un monde qui “va trop vite”, qui fait “peur”…).Assistons-nous, en ce monde en pleine convulsion, à la fin des anciens schémas structurant, tels que la structure familiale universelle ?…Y a-t-il encore une “chance” (pour ce qui n’aiment pas ces changements) d’inverser la vapeur ? J’ai bien conscience que ces phénomènes concernent surtout, encore, que des franges relativement minoritaires des sociétés (que les sociétés Occidentales ?… On peut en douter, sachant la force de frappe de la mondialisation tous azimuts : internet, réseaux sociaux, économie, culture, etc.). Mais comment ne pas constater la puissance de cette déferlante… (je suis un auditeur régulier de France Inter, et je suis effaré par le rôle de haut parleur de ces nouveaux paradigmes, de la part de ce puissant média , censé pourtant représenter d’abord la majorité).etc etc etc….Je n’ai pas la prétention d’avoir une réponse, mais comment ne pas se poser de telles questions…

    • Descartes dit :

      @ Sami

      [Beaucoup de diagnostics – dont les vôtres ici-même – ont été faits. Arrive maintenant le temps du questionnement : Pourquoi tout ça ? Sans entrer dans d’absurdes arguments “complotistes”, y a-t-il un système directeur, derrière cette déferlante “sociétale” (qui n’épargne aucun recoin de ce qui fait société), ou bien est-ce juste un déterminisme historique qui nous dépasse, un hasard en quelque sorte, du à l’épuisement de “l’ancienne société” ?]

      Il n’y a pas de « système directeur » au sens d’une volonté machiavélique, mais il y a une combinaison entre les logiques d’intérêts et de classe et les déséquilibres psychologiques que cette situation engendre.

      Les logiques d’intérêt et de classe d’abord : l’évolution du capitalisme conduit à une mise en concurrence de plus en plus étendue, de plus en plus approfondie. Cette mise en concurrence exacerbée nécessite la destruction des institutions, dont la finalité est justement d’établir des hiérarchies et des règles qui échappent à la concurrence pure. C’est pourquoi nous assistons depuis quarante ans à une attaque en règle, générale, contre les institutions. Non seulement contre des institutions précises, identifiées, mais contre l’idée même d’institution. L’idéal présenté par l’idéologie dominante, c’est l’homme qui s’affranchit de toutes les règles, et donc de toutes les institutions.

      Or, il n’est pas difficile de découvrir derrière ces campagnes « moralisatrices » une attaque frontale contre des institutions. Pourquoi ces scandales éclatent à Sciences-Po, plutôt que dans telle ou telle entreprise de nettoyage où le contremaitre ne se gêne pas pour faire des avances grossières aux femmes de ménage ? Parce que Sciences-Po est une « institution prestigieuse ». Pourquoi s’attaquer à l’inceste ? Parce que derrière l’inceste, il y a la famille hétérosexuelle, encore une institution à abattre.

      Mais ces logiques anti-institutionnelles provoquent à leur tour une profonde angoisse sociale. Car si les hommes ont créé des institutions, c’est précisément comme l’a si bien expliqué Hobbes pour mettre fin à la « guerre de tous contre tous ». Ils ont sacrifié leur « capacité à nuire » en échange de la sécurité. Or, c’est justement cette sécurité qui est menacée par le retrait des institutions. C’est pourquoi notre société verse dans les logiques paranoïaques du « date rape » ou des « complotismes » divers…

      [Tout cela n’est-il qu’un phénomène de mode, qui passera, ou bien est-ce un changement radical irréversible ? Ce changement n’est-il qu’un énième changement, ou bien est-il un symptôme (parmi d’autres) d’une décadence civilisationnelle irrésistible qui sape peu à peu cette civilisation Occidentale si puissante, si déterminante dans l’histoire de l’humanité ?]

      J’hésite à utiliser le terme « décadence », parce que je n’ai pas une boule de cristal. Mais c’est certainement une transformation en profondeur des sociétés – et pas seulement occidentales. On peut imaginer que la concurrence ira en s’accentuant et finira dans une « guerre de tous contre tous » totale, et alors effectivement la civilisation y perdra. Ou bien qu’à un certain moment il y aura une réaction contre ce délitement qui ouvrira la porte à une nouvelle organisation de la société. Qui sait ?

      [(les montées de certains radicalismes religieux sont aussi quelque part – pas que – une réaction, certes “pathologique”, à ces changements de paradigme, une manière de “refuge” en position fœtale contre un monde qui “va trop vite”, qui fait “peur”…).]

      J’en suis personnellement convaincu. Le radicalisme religieux tient à un repli sur une institution que l’on sent menacée.

      [Mais comment ne pas constater la puissance de cette déferlante… (je suis un auditeur régulier de France Inter, et je suis effaré par le rôle de haut parleur de ces nouveaux paradigmes, de la part de ce puissant média , censé pourtant représenter d’abord la majorité).etc etc etc….Je n’ai pas la prétention d’avoir une réponse, mais comment ne pas se poser de telles questions…]

      Il FAUT se les poser. Et prendre conscience que ce que nous vivons n’est pas une “crise” d’où l’on sortira dès qu’on pourra élire un “bon” gouvernement, mais une transformation profonde de la société.

  4. Luc dit :

    Cher Descartes ce papier comme à l’habitude,est brillant.Il semble ‘écrit manifestement au pic d’un agacement compréhensible Sachez que je ne suis pas indigné par’sciencesporcs’ car ces crimes de viol sont plus fréquents que vous semblez le penser.Cela m’amène à vous soumettre donc quelques désaccords. Pour avoir eu une amie qui a été violée ,il me faut vous écrire qu’elle n’avait pas cherché à se rendre intéressante ni n’en a fait ‘florès’ après.Elle a été victime , de façon atroce.L’agresseur fut condamné et elle a continué sa vie sans faire de publicité de ses blessures intimes.Ma femme aussi, petite ,à 5 ans,comme de nombreuses fille ou jeune garçon dans les campagnes reculées aux vieux garçons détraquése a été victime de viol .Elle aussi continue sa vie.L’agresseur est mort très âgé,sans jamais avoir été condamné malgrè les dizaines de viols qu’il a du commettre.Concernant,Sciencesporc,que pensez vous de cette partie du dernier éditorial de N.Polony dans Marianne:’F.Miot est comme Marc Guillaume qu’il aurait en l’occurence cherhé à couvrir,comme Richard Descoings,à qui il a succédé,conseiller d’état.Ce n’est pas anecdotique tant ce corps,sans doute davantage que l’inspection des finances,agit aujourd’hui comme un pouvoir non élu dont la fonction serait de résister à toute tentative par des politiques de répondre aux aspirations de leurs électeurs..Ce serait oublier que si ‘école Science Po est devenue le poste avancé du fifférentialisme anglo-saxon dans l’enseignement ,c’est par l’action d’un homme,Richard Descoing qui incarne la jonction entre cette idéologie ‘minoritariste’ et l’omniprésence des réseaux de pouvoir.’?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Cher Descartes ce papier comme à l’habitude, est brillant. Il semble ‘écrit manifestement au pic d’un agacement compréhensible.]

      Je suis toujours agacé lorsque des gens intelligents se comportent comme des imbéciles. Mais dans le cas présent, plus qu’agacé je suis attristé par ce genre de tempête dans un verre d’eau. Attristé de voir une jeunesse qui semble incapable d’établir des priorités dans ses combats. Qu’un homme fasse et défasse les carrières des fonctionnaires et influence les politiques grâce à son réseau d’influences et de copinage est parfaitement acceptable – et même digne d’éloge. Qu’il ait fait pendant des années partie de différents « cabinets noirs » ne posait de problème à personne. Mais du jour où l’on apprend que cet homme a peut-être touché le zizi de son beau-fils il y a trente ans – ou même qu’il a simplement appris que quelqu’un l’a fait mais n’a pas colporté le ragot – il doit démissionner.

      Cette curieuse sélectivité montre toute l’hypocrisie de la chose. On poursuit les petits vices pour se donner une contenance alors qu’on a laissé passer les grands vices inaperçus.

      [Sachez que je ne suis pas indigné par ’sciencesporcs’ car ces crimes de viol sont plus fréquents que vous semblez le penser.]

      S’ils sont très fréquents, alors ce ne sont plus de crimes. Je vous invite à réfléchir sur cette question. L’idée même de « crime » fait référence à un comportement rare, exceptionnel. Une société ne peut pas, pour des raisons évidentes, criminaliser ce qui est une pratique courante. Et on le voit d’ailleurs tous les jours : dès lors qu’une proportion importante de Français fume plus ou moins régulièrement du cannabis, l’acte est progressivement décriminalisé : le délit est passé en contravention, et il sera probablement dépénalisé dans un avenir plus ou moins proche.

      Le « viol » est un crime subjectif parce que c’est un crime social. Ce n’est pas tant l’acte matériel lui-même que le sens que la société choisit de lui donner. J’ai noté plusieurs fois sur ce blog que le fait de ficher un couteau dans le ventre de quelqu’un est puni bien plus légèrement que le fait d’introduire son pénis dans la bouche de quelqu’un. Pourtant, du point de vue des faits matériels, en termes de « pénétration » le premier cas est bien plus grave – tant par les conséquences que par les troubles potentiels – que le second. Alors, pourquoi cette différence ? Parce que la société a choisi à donner au « viol » une charge symbolique lourde – et à mon avis tout à fait exagérée.

      Il est d’ailleurs très difficile de déterminer exactement la fréquence du viol. Le problème est que le viol est un délit subjectif, autrement dit, le fait qu’une pénétration soit ou non un viol dépend de l’élément subjectif qui est le consentement. On discute beaucoup de la capacité d’un mineur à consentir librement à un rapport sexuel. Mais quid par exemple du consentement d’une prostituée, dont le sexe est le gagne-pain ? Et celui de l’ouvrière qui craint – à tort ou à raison – de perdre son travail s’il refuse les avances – peut-être parfaitement innocentes – de son chef ? Et celui de l’étudiant qui peut craindre une sanction s’il ne cède pas aux avances de sa professeure ?

      Vous voyez que ces simples questions conduisent à la conclusion que le consentement ne peut être parfaitement libre que si les personnes en question ne sont liés par aucun autre rapport. Seule la drague occasionnelle entre deux inconnus peut conduire à un rapport parfaitement libre. Dès lors qu’il existe entre eux des liens de quelque nature que ce soit (familiaux, professionnels, économiques, spirituels…) la possibilité existe d’un vice du consentement quand bien même il aurait été donné dans les formes.

      Et puis, il faut s’interroger sur ces « formes ». Comment se matérialise le consentement à un rapport sexuel ? Par acte notarié ? Par contrat écrit ? Certains avocats américains conseillent d’enregistrer la totalité de l’acte sexuel pour permettre ensuite aux participants d’établir devant un tribunal la réalité du consentement… mais même ainsi, le rapport sexuel est quelque chose de bien plus compliqué qu’un simple « oui ou non ».

      [Cela m’amène à vous soumettre donc quelques désaccords. Pour avoir eu une amie qui a été violée, il me faut vous écrire qu’elle n’avait pas cherché à se rendre intéressante ni n’en a fait ‘florès’ après.]

      Comment le savez-vous ? Vous étiez présent ?

      [Elle a été victime, de façon atroce. L’agresseur fut condamné et elle a continué sa vie sans faire de publicité de ses blessures intimes. Ma femme aussi, petite, à 5 ans, comme de nombreuses filles ou jeune garçon dans les campagnes reculées aux vieux garçons détraqué a été victime de viol. Elle aussi continue sa vie.]

      J’ai pour règle de ne jamais discuter d’affaires personnelles, car il est difficile pour l’autre de prendre de la distance par rapport à son propre exemple, et on risque donc de blesser l’interlocuteurs sans le vouloir. Je ne commenterai donc pas. Je me permettrai tout de même de vous poser une question : si au lieu de subir une pénétration non consentie, on lui avait fiché un couteau dans le corps, aurait-elle été moins traumatisée ?

      [Concernant Sciencesporc, que pensez-vous de cette partie du dernier éditorial de N.Polony dans Marianne: « F.Miot est comme Marc Guillaume qu’il aurait en l’occurrence cherché à couvrir, comme Richard Descoings, à qui il a succédé, conseiller d’état. Ce n’est pas anecdotique tant ce corps, sans doute davantage que l’inspection des finances, agit aujourd’hui comme un pouvoir non élu dont la fonction serait de résister à toute tentative par des politiques de répondre aux aspirations de leurs électeurs. Ce serait oublier que si ‘école Science Po est devenue le poste avancé du différentialisme anglo-saxon dans l’enseignement, c’est par l’action d’un homme, Richard Descoing qui incarne la jonction entre cette idéologie ‘minoritariste’ et l’omniprésence des réseaux de pouvoir. » ?]

      J’aime beaucoup Natasha Polony, mais dans ce cas particulier je pense qu’elle a tort. On revient ici au problème du mélange entre la sphère privée et la sphère publique. Quel est le crime de Miot ou de Guillaume ? Ils ont été avisés du fait qu’Olivier Duhamel avait peut-être (et le « peut-être » s’impose aussi longtemps qu’il n’est pas condamné) abusé sexuellement son petit-fils trente ans plus tôt et ils n’ont rien fait. Où est leur crime ? En quoi cela affecte le bon ou mauvais travail qu’ils ont pu faire au Conseil d’Etat ? Est-on tombés au niveau des Américains, qui pensent qu’un homme ne peut pas être un bon président parce qu’il trompe sa femme ?

      Que les membres d’un corps se soutiennent entre eux vis-à-vis de l’extérieur, c’est la logique même des choses. Et ce n’est pas gênant tant que le corps assure une police interne vis-à-vis de ses membres. D’ailleurs, on voit cela dans tous les métiers. Que penserait-on d’un ouvrier métallurgiste qui, apprenant qu’un collègue a commis un menu larcin, irait le raconter au contremaître ? D’un professeur qui irait raconter aux parents d’élève qu’un collègue a des problèmes psychiatriques ? D’un médecin qui dénoncerait par voie de presse un confrère ?

      Dénoncer les vices publics du Conseil d’Etat ou de Sciences-Po, c’est bien. Mais le faire au prétexte des vices privés de ses membres, non. Cette voie conduit à un système de suspicion généralisée et d’effacement de la frontière entre la sphère publique et la sphère privée. C’est la fin de la République.

      • Maxime dit :

        Votre discours odieux fait partie de ceux qui permettent à la culture du viole d’exister, et aux viols d’être perpétrés. La remise en cause systématique de la victime, les recherche d’excuses pour dédouaner le criminel.. tout est là. Que dire de votre argument sur la qualification de « crime » ? Donc selon vous, le fait qu’un acte réprimé pénalement sois « commun » permettrait – et devrait – amener à réduire les sanctions pour celui-ci ? Je doute que vous vouliez appliquer cette logique insensée à l’homicide.. s’il était si courant, devrait-on ranger l’assassinat au simple rend de délit ? Évidemment, cette question ne se poserait pas pour vous, qui risquez peu d’être violé du fait de votre genre. Vous n’avez visiblement pas rencontré assez de victimes pour comprendre la réalité du problème, ses conséquences dramatiques pour la victime Oui, le coup de couteau est moins douloureux. Ou du moins, il ne dure qu’un instant. Le viol est un acte à la fois physique et psychologique, qui affecte durablement les victimes qui le subissent ; finalement, elles ne s’en remettent jamais complètement. Mais je doute que vous puissiez prendre la mesure de ces conséquences, comment une personne ayant un tel discours pourrait-elle inciter aux confidences de viols de ses amis, famille ? 
        Ce discours de dénis, ça suffit. Ce discours dangereux qui remet en cause les victimes, ça suffit. Votre parole fait partie de celles qui rendent ces actes ignobles possibles, passés sous silence et excusés. C’est un discours qui a justement permis aux gens de penser que le viol était rare, perpétré dans l’ombre, et ainsi de relever comme suspicieux le fait les  faits reprochés submergent à la surface le jour où l’omerta prend fin.

        • Descartes dit :

          @ Maxime

          [Votre discours odieux fait partie de ceux qui permettent à la culture du viole d’exister,]

          Comment voulez-vous qu’il y ait un débat possible si vous commencez tout de suite à lancer des anathèmes ? Mais peut-être que justement, vous ne souhaitez pas qu’il y ait de véritable débat sur ces questions.

          [(…) et aux viols d’être perpétrés.]

          Soyons sérieux. Croyez-vous vraiment que ce soit un « discours » qui « permet aux viols d’être perpétrés » ?

          [La remise en cause systématique de la victime, les recherche d’excuses pour dédouaner le criminel… tout est là.]

          Ça s’appelle « droit pénal ». Si quelqu’un accuse son voisin d’avoir volé son portefeuille, on exige qu’il apporte des preuves. Et tant que les preuves n’ont pas été jugées suffisantes par un tribunal pour le condamner, l’accusé est considéré innocent et n’a pas besoin d’excuses pour être « dédouané ». L’alternative, c’est une société où n’importe qui peut ruiner la vie de son voisin par une simple accusation. Car comment pouvez-vous éviter que l’accusation vaille condamnation sans remettre en cause la parole de la victime ?

          [Que dire de votre argument sur la qualification de « crime » ? Donc selon vous, le fait qu’un acte réprimé pénalement sois « commun » permettrait – et devrait – amener à réduire les sanctions pour celui-ci ?]

          C’est la logique même. Si vous découvrez que 80% des êtres humains sont des violeurs, la seule façon d’en faire un crime est de mettre en prison 80% de la population. Pensez-vous que ce soit réaliste ? Les juristes ont une formule pour cela : « error comunis facit jus » (« l’erreur commune fait le droit »). Cela vous déplait peut-être, mais c’est la réalité. Plus une pratique est commune, plus il est difficile de la criminaliser. Imaginez qu’on décide demain de mettre en prison tous ceux qui fument du cannabis. Il faudrait en construire, des prisons…

          [Je doute que vous vouliez appliquer cette logique insensée à l’homicide…]

          Ce que je veux n’a aucune importance dans le cas d’espèce. Si nous vivions dans une société ou la majorité de la population tue son prochain pour un oui ou pour un non, il serait difficile d’appliquer des peines sévères pour cette infraction. Réfléchissez un peu : si l’on qualifie un acte de « crime », c’est parce que cet acte horrifie la quasi-totalité des citoyens. Comment un acte que tout le monde peut commettre pourrait nous « horrifier » ?

          [s’il était si courant, devrait-on ranger l’assassinat au simple rend de délit ?]

          Cela se ferait très naturellement. Dans les civilisations ou l’assassinat était courant, celui-ci recevait des peines bien plus légères qu’aujourd’hui. Dans beaucoup de civilisations le meurtre peut se racheter avec une simple réparation pécuniaire offerte à son clan… une simple amende, en quelque sorte.

          [Évidemment, cette question ne se poserait pas pour vous, qui risquez peu d’être violé du fait de votre genre.]

          Vraiment ? Vous savez, le viol homosexuel existe aussi… faut-il que je vous donne des exemples ?

          [Vous n’avez visiblement pas rencontré assez de victimes pour comprendre la réalité du problème,]

          Faudrait savoir. Si le viol est aussi fréquent que certains le disent, j’ai FORCEMENT rencontré pas mal de victimes de viol…

          [(…) ses conséquences dramatiques pour la victime.]

          Mon arrière-grand-mère avait été violée quand elle était une jeune femme. Cela s’était produit en Russie, pendant les pogroms antisémites de la fin du XIXème. Enfant, je me souviens encore l’avoir entendu raconter la chose. Ce n’était pas un souvenir heureux, mais cela ne l’avait pas non plus traumatisée outre mesure. Cela faisait partie des malheurs de sa vie, comme la faim, le froid ou la mort de son père très jeune. Et puis, justement, cela arrivait souvent. Beaucoup plus souvent que maintenant.

          [Oui, le coup de couteau est moins douloureux. Ou du moins, il ne dure qu’un instant. Le viol est un acte à la fois physique et psychologique, qui affecte durablement les victimes qui le subissent ; finalement, elles ne s’en remettent jamais complètement.]

          Vous répétez un catéchisme. Avez-vous reçu un coup de couteau ? Avez-vous lu quelque chose sur les séquelles psychologiques – et ne parlons même pas des séquelles physiques, comme la perte d’un rein ou d’un poumon – d’une attaque à l’arme blanche ? Alors, qu’est ce qui vous permet de dire que « cela ne dure qu’un instant » ? Je le répète : j’attend que quelqu’un m’explique pourquoi il serait plus difficile de « se remettre complètement » de l’introduction d’un pénis dans la bouche que d’un couteau dans le rein.

          [Mais je doute que vous puissiez prendre la mesure de ces conséquences, comment une personne ayant un tel discours pourrait-elle inciter aux confidences de viols de ses amis, famille ?]

          Je vous retourne le compliment. Comment quelqu’un qui aurait subi un coup de couteau pourrait avoir envie de se confier à quelqu’un qui déclare que « ça ne dure qu’un instant » ?

          J’attends avec impatience que vous apportiez un argument à ce débat. Pour le moment, vous vous êtes contenté d’attaques ad hominem…

          [Ce discours de dénis, ça suffit. Ce discours dangereux qui remet en cause les victimes, ça suffit.]

          Sans vouloir vous offenser, je ne pense pas que vous soyez investi du pouvoir de censurer les discours. Va falloir vous résigner : tant que nous vivrons dans une société libre, il vous faudra supporter les discours des autres.

          [Votre parole fait partie de celles qui rendent ces actes ignobles possibles, passés sous silence et excusés.]

          Vous vous répétez. Et vous n’avez toujours pas apporté le moindre argument. A part répéter le crédo et m’insulter, pas grande chose a tirer de votre message.

          [C’est un discours qui a justement permis aux gens de penser que le viol était rare, perpétré dans l’ombre, et ainsi de relever comme suspicieux le fait les faits reprochés submergent à la surface le jour où l’omerta prend fin.]

          Vous savez, ce n’est pas parce que vous m’avez traité d’ignoble que vous avez prouvé votre point. Vous ne partagez pas l’idée que le viol est rare ? Et bien, on attend avec impatience de connaître les éléments qui vous conduisent à cette position.

          J’ose espérer en tout cas que le jour ou vous serez accusé d’être le violeur, vous aurez le bon goût d’appeler le juge à « croire la victime »… vous savez, cela n’arrive pas qu’aux autres.

          • Ian Brossage dit :

            @Descartes

            Vous répétez un catéchisme. Avez-vous reçu un coup de couteau ? Avez-vous lu quelque chose sur les séquelles psychologiques – et ne parlons même pas des séquelles physiques, comme la perte d’un rein ou d’un poumon – d’une attaque à l’arme blanche ? Alors, qu’est ce qui vous permet de dire que « cela ne dure qu’un instant » ? Je le répète : j’attend que quelqu’un m’explique pourquoi il serait plus difficile de « se remettre complètement » de l’introduction d’un pénis dans la bouche que d’un couteau dans le rein.

            Soit dit en passant, cette forte relativisation des violences non-sexuelles (« un coup de couteau, ce n’est pas grand’chose, ça passe vite ») semble assez symptomatique de l’incapacité de la « gauche » à comprendre pourquoi les classes populaires peuvent être attirées par un discours dur sur la délinquance et la sécurité.
            Je me suis un jour fait casser la gueule de façon totalement gratuite dans la rue. J’étais jeune et mes agresseurs encore plus. L’épisode m’a marqué plusieurs années, et je ne me suis longtemps pas senti très à l’aise dans la rue. Et pourtant il n’y avait même pas de couteau…
             

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [Je me suis un jour fait casser la gueule de façon totalement gratuite dans la rue. J’étais jeune et mes agresseurs encore plus. L’épisode m’a marqué plusieurs années, et je ne me suis longtemps pas senti très à l’aise dans la rue. Et pourtant il n’y avait même pas de couteau…]

              J’ai une expérience semblable, je m’étais fait voler mon argent de poche en prenant le bus. Pendant plusieurs semaines, je n’ai pas osé me rendre à cet arrêt. Par contre, on voyait quelquefois à la sortie du club sportif ou j’allais un « pervers pépère » qui de temps en temps profitait de notre passage pour nous caresser les fesses. Et franchement, il ne m’a jamais fait vraiment peur. Comme quoi, les « traumatismes » ne sont souvent pas ceux auxquels on pense.

      • @ Descartes,
         
        [mais même ainsi, le rapport sexuel est quelque chose de bien plus compliqué qu’un simple « oui ou non ».]
        Je ne me souviens plus qui est l’auteur de ce trait d’humour:
        “Lorsqu’une dame dit “non”, ça veut dire “peut-être”.
        Lorsqu’une dame dit “peut-être”, ça veut dire “oui”.
        Lorsqu’une dame dit “oui”… Mais une vraie dame ne dit jamais “oui”.”
        Je trouve que cela exprime admirablement toute l’ambiguïté des paroles échangées dans ce cadre très complexe qu’est le jeu de la séduction. Il y a des “non”, des “il ne faudrait pas”, des “nous ne devrions pas” prononcés avec une intonation, un regard, un sourire qui disent le contraire (il suffit de regarder les films du cinéma classique américain ou français). Le langage ne se limite pas aux mots qu’on prononce, et heureusement. Derrière le foin que font les néoféministes, il y a une conception de l’homme-machine qui personnellement me fait frémir. Il y a également la volonté d’établir une forme de contrôle de la sexualité avec une rigueur dont même l’Eglise catholique à sa grande époque n’aurait osé rêver. Il y a enfin une tendance, paradoxalement, à faire du rapport sexuel un acte banal, “notarié” comme vous dites, comme l’achat d’une voiture ou la location d’un gîte de vacances. C’est d’une infinie tristesse…
         
        Cela étant dit, je ne vous cache pas que je suis très inquiet. Maintenant que toutes les femmes sont victimes d’agressions sexuelles, d’inceste et de viol, il va être difficile pour Clémentine Autain de poursuivre sa carrière (bâtie, rappelons-le, sur un viol présumé qui n’a jamais fait l’objet d’une procédure judiciaire). Parce que, pour que quelque chose d’intéressant vous soit arrivé, il faut que ce soit rare. Si tout le monde a subi la même chose, ça devient mécaniquement moins original, et donc beaucoup moins intéressant… 

        • Descartes dit :

          @ nationaliste-ethniciste

          [Je ne me souviens plus qui est l’auteur de ce trait d’humour:
          “Lorsqu’une dame dit “non”, ça veut dire “peut-être”.
          Lorsqu’une dame dit “peut-être”, ça veut dire “oui”.
          Lorsqu’une dame dit “oui”… Mais une vraie dame ne dit jamais “oui”.”]

          Je la connaissais sous une autre forme.
          « Quelle est la différence entre une dame et un diplomate ? »
          Lorsqu’une dame dit « non », ça veut dire « peut-être ».
          Lorsqu’une dame dit « peut-être », ça veut dire « oui ».
          Lorsqu’une dame dit « oui », c’est qu’elle n’est pas une dame.
          Pour le diplomate, c’est l’inverse :
          Quand il dit « oui », ça veut dire « peut-être »
          Quand il dit « peut-être », ça veut dire « non »
          Et quand il dit « non », c’est que ce n’est pas un diplomate »

          [Je trouve que cela exprime admirablement toute l’ambiguïté des paroles échangées dans ce cadre très complexe qu’est le jeu de la séduction. Il y a des “non”, des “il ne faudrait pas”, des “nous ne devrions pas” prononcés avec une intonation, un regard, un sourire qui disent le contraire (il suffit de regarder les films du cinéma classique américain ou français).]

          Bien entendu. C’est l’infinie complexité des rapports humains. Le problème des américains c’est leur difficulté – je dirais même leur terreur – à vivre avec cette complexité. D’où leur besoin de simplification, de réduction de tout rapport à un simple « oui » ou « non ». Tout est réduit à des dichotomies simples : le Bien et le Mal, l’Amour ou le Viol. Et comme la mode est de copier ce qui vient d’outre atlantique, on se retrouve dans le pays de Voltaire avec cette vague de puritanisme manichéen.

          Le malheur, c’est que cette théorie tue lentement tout ce qui fait le charme de la vie, les infinies nuances de la séduction, de l’amour, de la haine aussi. Il ne reste plus que le narcissisme absolu des victimes dont le droit à se « reconstruire » prime tout, y compris les principes du droit pénal. Cette hystérie nous laisse deux alternatives : celle ou chaque individu vit sur son île déserte – ou de façon plus réaliste, dans son cubicule, sans aucun contact avec ses semblables – et celle où au contraire tous les rapports – y compris les rapports sexuels – sont publics. Car il n’y a que deux façons d’éviter toute agression : l’isolement, ou la surveillance constante.

          Vous trouvez que j’exagère ? Et bien, on voit les premiers signes. Pensez à ces professeurs américains qui refusent de recevoir un étudiant en tête à tête, ou exigent que les conversations soient enregistrées pour couper court à toute accusation malveillante.

          [Le langage ne se limite pas aux mots qu’on prononce, et heureusement.]

          Pour le moment. Paraît ces jours-ci un livre sur les « micro-agressions ». La nouvelle théorie veut que dans nos paroles nous exprimions en permanence nos préjugés – même sans intention – et que cette expression constitue pour les minorités (les majorités, on s’en fout) une « micro-agression » permanente. Ainsi, par exemple, lorsque vous dites à une femme « t’est très belle ce soir », vous insinuez qu’elle n’est pas toujours belle, et pan !, micro agression. Lorsque vous dites à quelqu’un « votre prénom est curieux, il est de quelle origine ? » vous agressez la personne en mettant en doute son appartenance. Et ainsi de suite. Et comme toute expression ou presque peut être interprétée négativement (l’imagination victimaire est infinie), bientôt nous n’aurons pas le droit à utiliser le langage. Il nous sera chaudement conseillé d’utiliser un langage formalisé, comme le langage mathématique, excluant toute expression non-formalisée.

          [Derrière le foin que font les néoféministes, il y a une conception de l’homme-machine qui personnellement me fait frémir.]

          Vous sous-estimez je pense la vision différentialiste des néoféministes : le mâle est pour lui un animal, la femelle un être humain. L’homme est gouverné par ses pulsions et ses instincts, la femme par le sentiment, l’émotion, l’intelligence. C’est d’ailleurs pourquoi la femme peut être « traumatisée » ou avoir besoin de « se reconstruire », pas l’homme. Vous noterez d’ailleurs dans l’affaire Duhamel la déclaration de Camille Kouchner à son frère – qui est la véritable victime de l’affaire – qui ne souhaitait pas révéler ses malheurs au grand public : « ou bien tu le fais, ou bien je le fais » (je cite de mémoire). Ce qui, si l’on regarde bien les choses, n’est autre chose qu’un chantage affectif et un viol de sa vie privée. Et pourtant, personne n’a trouvé cette expression scandaleuse. Je me demande quelle aurait été la réaction de l’opinion féministe si un frère avait proféré la même menace à l’encontre de sa sœur…

          Je vous accorde par contre qu’il y a chez les néoféministes une volonté de simplifier les rapports humains jusqu’à la caricature. On le voit dans le débat sur le viol, on le voit aussi dans le débat sur les nouvelles formes de paternité – avec la logique « tant qu’il y de l’amour, il n’y a pas de problème »…

          [Il y a également la volonté d’établir une forme de contrôle de la sexualité avec une rigueur dont même l’Eglise catholique à sa grande époque n’aurait osé rêver. Il y a enfin une tendance, paradoxalement, à faire du rapport sexuel un acte banal, “notarié” comme vous dites, comme l’achat d’une voiture ou la location d’un gîte de vacances. C’est d’une infinie tristesse…]

          On ne cherche à contrôler que ce dont on a peur. Et la sexualité, fait peur. Elle fait peur aux Américains, et donc, le monde étant ce qu’il est, au reste de l’humanité. Le puritanisme qui sévit aujourd’hui est à mon sens une réaction justement à la banalisation du sexe, une forme de le resacraliser. A la génération qui « jouissait sans entraves » succède la génération qui en a payé les pots cassés. Les parents décomplexés qui se baignaient nus avec leurs enfants et n’hésitaient pas à avoir des rapports devant eux – voire avec eux – semblent avoir laissé à leurs rejetons un très mauvais souvenir…

          Ceux qui voient comme « naturel » que des enfants soient élevés par des couples homosexuels ou conçus par PMA ou GPA devraient en prendre de la graine : l’amour ne suffit pas. Et ce qui pour les parents est l’expression de leur liberté n’a pas la même signification vu par l’enfant. De la même façon qu’une Camille Kouchner jette l’opprobre sur ses parents « libérés » à la mode 68, la génération qui vient pourrait le jeter sur ceux qui ont « libéré » les rapports de filiation dans les années 2000…

          [Cela étant dit, je ne vous cache pas que je suis très inquiet. Maintenant que toutes les femmes sont victimes d’agressions sexuelles, d’inceste et de viol, il va être difficile pour Clémentine Autain de poursuivre sa carrière (bâtie, rappelons-le, sur un viol présumé qui n’a jamais fait l’objet d’une procédure judiciaire).]

          Il est vrai que la compétition sur le marché des sévices sexuelles risque de devenir rude dans les mois qui viennent. Tiens, cela me rappelle que notre président eut, lorsqu’il était encore mineur, des rapports avec l’une des ses professeures. Peut-être une occasion de redorer son blason ?

          [Parce que, pour que quelque chose d’intéressant vous soit arrivé, il faut que ce soit rare. Si tout le monde a subi la même chose, ça devient mécaniquement moins original, et donc beaucoup moins intéressant…]

          Tout à fait. Il faudra donc trouver autre chose qui vous rende « singulier ». Quelle sera la nouvelle trouvaille ? Il suffit de regarder de l’autre côté de l’Atlantique pour le savoir…

          • Simon dit :

            [Vous trouvez que j’exagère ? Et bien, on voit les premiers signes. Pensez à ces professeurs américains qui refusent de recevoir un étudiant en tête à tête, ou exigent que les conversations soient enregistrées pour couper court à toute accusation malveillante.]
            Un prêtre de ma connaissance, qui gérait un foyer pour garçon (d’environ 18 ans), craignait des fausses accusations et a trouvé une solution simple : la porte de son bureau était toujours ouverte, et en enfilade sur le couloir. Aucun pensionnaire de son institut n’avait le droit d’entrer dans son appartement de fonction, dont la porte était toujours fermée. Quand il y a eu une fausse accusation, il a pu la démonter très facilement :
            -où avaient eu lieu les faits supposés? l’accusateur a dit l’appartement
            -pourriez-vous décrire les lieux ?
            Ces précautions ont été rentables, et lui ont évité des déboires judiciaires. Mais ces précautions ne peuvent être prises que dans des cas particuliers.Une affaire qui me fait très peur est l’affaire Kavanaugh : une accusation imprécise et face à laquelle il est impossible d’avoir un alibi (tentative de viol en état d’ébriété lors d’une soirée sans lieu ni date), quand des détails émergent arriver à produire des témoins à décharges (une dizaine de mémoire) et des témoins de moralité (une soixantaine)… et le tout balayé d’un revers de main. Une demande de preuve d’innocence particulièrement perverse : “je ne me souviens d’aucun des faits” “oui mais vous étiez ivre à ce moment là! avez-vous déjà été ivre lors de vos études” “oui comme tout le monde” “bon vous voyez que ça peut être vous”. Et un récit défiant la logique (la tentative de viol bloquée par une impuissance temporaire… jamais tenté de viol, mais j’imagine que la capacité à l’acte précède la tentative). Finalement, l’accusation étant allé trop loin, en l’accusant d’organiser des tournantes, l’affaire s’est effondrée.
            Comment se défendre dans une telle affaire? Si l’on est accusé de la sorte, que répondre à part “c’est faux, je n’en ai aucun souvenir, personne ne m’en a jamais parlé”?

            • Descartes dit :

              @ Simon

              [Un prêtre de ma connaissance, qui gérait un foyer pour garçon (d’environ 18 ans), craignait des fausses accusations et a trouvé une solution simple : la porte de son bureau était toujours ouverte, et en enfilade sur le couloir. Aucun pensionnaire de son institut n’avait le droit d’entrer dans son appartement de fonction, dont la porte était toujours fermée. Quand il y a eu une fausse accusation, il a pu la démonter très facilement :]

              Certes. Mais a-t-on envie de vivre dans une société de suspicion, où chacun doit en permanence « prendre des précautions » et s’assurer d’avoir des alibis pour se protéger d’une fausse accusation ? Quelle est la valeur des libertés que nous sacrifions dans cette logique ? Faut-il priver des milliers de jeunes thésards de la possibilité de travailler en tête à tête avec leurs patrons de thèse pour les protéger d’une agression qui touche un cas sur dix mille ?

              Faut-il enseigner aux enfants qu’il faut se méfier de l’adulte ? Cela les protège des prédateurs sexuels et autres pervers pépères. Mais cela les prive aussi d’interactions positives avec les adultes, infiniment plus nombreux, qui ne sont PAS des prédateurs ou des pervers. Y gagne-t-on au change ? Je peux en tout cas dire que mes parents m’ont éduqué dans la confiance à priori, et je ne l’ai jamais regretté.

              [Comment se défendre dans une telle affaire ? Si l’on est accusé de la sorte, que répondre à part “c’est faux, je n’en ai aucun souvenir, personne ne m’en a jamais parlé” ?]

              De toute façon le raisonnement des néoféministes est qu’il faut croire la victime, MEME lorsqu’on a prouvé qu’elle ment. Parce que remettre en cause la parole d’UNE victime, c’est laisser sans défense les autres, celles qui disent vrai. On accepte donc de sacrifier quelques innocents pour pouvoir mieux punir les coupables. C’est un peu le raisonnement des staliniens lors des grandes purges: “il y a un traître dans cette salle, tuez les tous et vous tuerez le traître”.

        • CVT dit :

          @Descartes
          [Vous sous-estimez je pense la vision différentialiste des néoféministes : le mâle est pour lui un animal, la femelle un être humain. L’homme est gouverné par ses pulsions et ses instincts, la femme par le sentiment, l’émotion, l’intelligence.]
           
          A croire que, dans le fond, l’idéal des féministes (pas de néo chez moi…) est celui de la mante religieuse😬🥶:  la femelle dévore la tête du mâle pour que l’accouplement puisse se produire! En clair, en matière de séduction, l’homme est désormais jetable, comme réduit à un sex-toy: “si tu n’es pas à la hauteur, ou si j’ai honte de m’être laissée aller, je peux me débarrasser de toi, non en t’oubliant mais en te détruisant grâce à de fausses accusations de viol et/ou d’agression!”
          Si ça n’est pas une volonté totalitaire d’inverser la “domination symbolique” des homme, je ne sais vraiment pas ce que c’est! Et ce néo-puritanisme se répand en France comme une traînée de poudre🥶…

          • Descartes dit :

            @ CVT

            [A croire que, dans le fond, l’idéal des féministes (pas de néo chez moi…) (…)]

            Pourtant, le « néo » s’impose ici, pour distinguer ce féminisme différentialiste d’un féminisme plus ancien qui est, lui, universaliste. Celui d’une Marie Curie ou d’une Marie-Claude Vaillant-Couturier, dont l’argument était qu’hommes et femmes étant également doués de raison, ils devaient être juridiquement égaux et traités indifféremment.

            [En clair, en matière de séduction, l’homme est désormais jetable, comme réduit à un sex-toy: “si tu n’es pas à la hauteur, ou si j’ai honte de m’être laissée aller, je peux me débarrasser de toi, non en t’oubliant mais en te détruisant grâce à de fausses accusations de viol et/ou d’agression!”]

            Il y a de ça. Mais ce n’est pas aussi simple. L’incapacité de l’homme moderne – et la femme est de ce point de vue un homme comme les autres – a supporter la frustration implique qu’on trouve un coupable extérieur à tout ce qui ne va pas chez nous. Si un rapport sexuel ne satisfait pas nos aspirations – et grâce au cinéma, les aspirations sont souvent irréalistes – il faut l’évacuer en fantasmant sur le fait qu’il nous a été imposé. Le « je ne voulais pas mais… » permet de se laver la conscience à bon compte.

        • BolchoKek dit :

          @ Descartes et nationaliste-ethniciste
           
          [Je trouve que cela exprime admirablement toute l’ambiguïté des paroles échangées dans ce cadre très complexe qu’est le jeu de la séduction.]
           
          Ce que je trouve frappant, c’est à quel point il semble répandu de considérer la séduction, et par extension, l’attirance, comme quelque chose d’intégralement rationnel, un choix conscient fait de façon purement intellectuel. Rien n’est laissé au sensuel, à l’émotion, au sous-entendu… Depuis que l’humanité se raconte des histoires, les récits sont remplis de personnages que tout oppose mais doivent lutter contre leur attirance mutuelle, déchirés entre ce qu’ils veulent et ce qu’ils désirent. Très franchement, qui peut dire ici avec un minimum d’expérience de la vie que l’attirance – ou aussi la répulsion – pour un individu particulier est quelque chose qui a une origine rationnelle ? Qui ne s’est jamais senti puissamment envoûté sans pouvoir expliquer la raison ? Qui n’a jamais fui la présence d’un autre, sans non plus de raison évidente ? Je me demande si cette confusion ambiante entre vouloir et désirer n’est pas à l’origine de la frustration d’un certain nombre de jeunes gens, y compris au sein de ma génération, notamment de jeunes hommes qui ne percevant pas la part de subtilité et d’irrationalité inhérente au mécanisme de séduction, concluent que “les femmes aiment les salauds” ou quelque autre excuse du genre…
           
          [Il ne reste plus que le narcissisme absolu des victimes dont le droit à se « reconstruire » prime tout, y compris les principes du droit pénal.]
           
          Je dirais plutôt des victimes militantes. Comme tu le mentionnes plus loin avec l’affaire Duhamel, certaines victimes voient leur volonté tout bonnement ignorées. D’ailleurs, je trouve que la société envoie un message particulièrement contradictoire aux victimes d’agressions sexuelles et de viols : d’un côté, on leur dit que les aspects particuliers de ce genre de traumatisme, à savoir la honte, l’impression d’être souillée, utilisée comme un objet, la haine envers soi, sont des atavismes hérités d’époques moins civilisées qui pratiquaient le crime d’honneur et concevaient la sexualité des femmes comme ne leur appartenant pas, et qu’elles n’ont pas en tant que victimes à ressentir de honte ou de culpabilité – pas plus que les victimes d’agressions à l’arme blanche, pour reprendre ton parallèle. Et à côté de ce message classiquement progressiste, on fait du viol un crime d’une gravité extrême, impardonnable, symboliquement presque pire que le meurtre, et que les victimes sont nécessairement détruites à vie. Il y a un conflit dans les deux visions.
           
          [Je vous accorde par contre qu’il y a chez les néoféministes une volonté de simplifier les rapports humains jusqu’à la caricature.]
           
          Je me demande parfois comment vivent ces gens. Vraiment, comment peut-on, tout en ayant l’expérience de la vie en société, avoir une vision aussi déconnectée de la réalité des rapports humains ?
           
          [On ne cherche à contrôler que ce dont on a peur. Et la sexualité, fait peur. Elle fait peur aux Américains, et donc, le monde étant ce qu’il est, au reste de l’humanité.]
           
          Ça me rappelle un peu ce que Pascal Quignard disait dans Le sexe et l’effroi concernant la sexualité des Romains, qui à la sexualité joyeuse et ludique des Grecs ont substitué la leur, faite de honte et de terreur, et celle-ci s’est plus tard trouvée très à l’aise dans le moule chrétien…

          • Descartes dit :

            @BolchoKek

            [Je me demande si cette confusion ambiante entre vouloir et désirer n’est pas à l’origine de la frustration d’un certain nombre de jeunes gens, y compris au sein de ma génération, notamment de jeunes hommes qui ne percevant pas la part de subtilité et d’irrationalité inhérente au mécanisme de séduction, concluent que “les femmes aiment les salauds” ou quelque autre excuse du genre…]

            Au contraire. La formule que vous citez résume peut-être mieux que toute autre « l’irrationnalité » que vous soulignez vous-même. Dire qu’on peut aimer celui qui vous maltraite est une façon de s’interroger sur la possibilité de comprendre rationnellement ce que fait le désir et l’attirance…

            Un scientifique vous dirait en fait que la seule façon de rationnaliser l’attirance – qui est un mécanisme instinctif – est la théorie de l’évolution. Nous sommes « attirés » vers le partenaire qui nous permettra le mieux de propager notre patrimoine génétique. Et si les femmes sont « attirées par des salauds », c’est peut-être parce que ces « salauds » là ont en eux des atouts à l’heure de se reproduire et de protéger leur progéniture…

            Pour ce qui concerne les « fustrations », j’aurais tendance à proposer une autre explication : on rêvait que la libération sexuelle allait permettre de « jouir sans entraves », on découvre que l’amour est quelque chose qui se fait à deux, et qu’il faut donc compter avec le désir de l’autre.

            [Il ne reste plus que le narcissisme absolu des victimes dont le droit à se « reconstruire » prime tout, y compris les principes du droit pénal.]

            [D’ailleurs, je trouve que la société envoie un message particulièrement contradictoire aux victimes d’agressions sexuelles et de viols : d’un côté, on leur dit que les aspects particuliers de ce genre de traumatisme, à savoir la honte, l’impression d’être souillée, utilisée comme un objet, la haine envers soi, sont des atavismes hérités d’époques moins civilisées qui pratiquaient le crime d’honneur et concevaient la sexualité des femmes comme ne leur appartenant pas, et qu’elles n’ont pas en tant que victimes à ressentir de honte ou de culpabilité – pas plus que les victimes d’agressions à l’arme blanche, pour reprendre ton parallèle. Et à côté de ce message classiquement progressiste, on fait du viol un crime d’une gravité extrême, impardonnable, symboliquement presque pire que le meurtre, et que les victimes sont nécessairement détruites à vie. Il y a un conflit dans les deux visions.]

            Très bonne analyse, 100% d’accord. C’est un peu la caractéristique du néoféminisme : il mélange une vision « progressiste » de femmes égales – au moins ! – aux hommes, avec une vision victorienne qui fait des femmes des petits êtres fragiles incapable de se défendre – que ce soit physiquement ou psychologiquement.

            [« Je vous accorde par contre qu’il y a chez les néoféministes une volonté de simplifier les rapports humains jusqu’à la caricature. » Je me demande parfois comment vivent ces gens. Vraiment, comment peut-on, tout en ayant l’expérience de la vie en société, avoir une vision aussi déconnectée de la réalité des rapports humains ?]

            Vous sous-estimez la capacité de l’idéologie. Nous ne percevons pas la réalité directement, mais seulement à travers d’un prisme idéologique. Par certains côtés, les néoféministes ne vivent pas dans la même « réalité » que vous et moi. Des gestes qui pour nous sont innocents apparaissent pour eux comme des insupportables agressions.

            • BolchoKek dit :

              @ Descartes
               
              [Au contraire. La formule que vous citez résume peut-être mieux que toute autre « l’irrationnalité » que vous soulignez vous-même. Dire qu’on peut aimer celui qui vous maltraite est une façon de s’interroger sur la possibilité de comprendre rationnellement ce que fait le désir et l’attirance…]
               
              De s’interroger, ou de trouver une explication accommodante pour son propre égo ? Les jeunes hommes qui plaisent aux femmes peuvent être des “salauds” parce qu’ils ont l’occasion de l’être, contrairement à ceux qui ne sont intimes qu’avec leurs mères… Mais rien ne permet d’affirmer que la qualité morale est proportionnelle à la timidité. On s’imagine d’autant plus facilement jouer comme Djokovic si l’on n’a jamais joué au tennis…
               
              [Pour ce qui concerne les « fustrations », j’aurais tendance à proposer une autre explication : on rêvait que la libération sexuelle allait permettre de « jouir sans entraves », on découvre que l’amour est quelque chose qui se fait à deux, et qu’il faut donc compter avec le désir de l’autre.]
               
              Je crois que c’est Houellebecq qui a expliqué la frustration sexuelle moderne comme la conséquence de la mise en concurrence selon un schéma capitaliste des rapports de séduction…
               
              [Vous sous-estimez la capacité de l’idéologie. Nous ne percevons pas la réalité directement, mais seulement à travers d’un prisme idéologique.]
               
              Bien entendu, mais mon interrogation était plutôt en termes pratiques. Quand Mme Androphobie a des problèmes de canalisations, fait-elle l’effort de faire venir une “plombière”, ou tolère-t-elle un plombier qui va l’opprimer en démontrant sa maîtrise supérieure d’une discipline machiste qu’est la réparation de canalisations ? Elle qui veut à tout prix ôter les hommes de son esprit, est-elle condamnée à subir une invasion de virilisme de la part d’un travailleur manuel aux bras épais au milieu de son espace intime ? Un mâle spécialiste des gros tuyaux, symbole ambulant de la phallocratie dominatrice ? Ça doit être fatigant à la longue d’être opprimable à ce point…

            • Descartes dit :

              @ BolchoKek

              [Je crois que c’est Houellebecq qui a expliqué la frustration sexuelle moderne comme la conséquence de la mise en concurrence selon un schéma capitaliste des rapports de séduction…]

              Sa théorie est littérairement séduisante, mais elle présente des failles logiques. La « concurrence capitaliste dans les rapports de séduction » existe depuis très, très longtemps. Non, la frustration vient de l’impossibilité d’atteindre ce qu’on croyait possible. Personne n’est « frustré » de ne pas voler comme un oiseau ou de ne pas pouvoir être à deux endroits différents à la fois, simplement parce que nous savons que ce sont des choses impossibles. La libération sexuelle a fait entrer le « jouir sans entraves » dans le domaine de ce qu’on croit possible, alors que l’amour, parce qu’il se fait à deux, est toujours soumis au désir de l’autre…

              [Bien entendu, mais mon interrogation était plutôt en termes pratiques. Quand Mme Androphobie a des problèmes de canalisations, fait-elle l’effort de faire venir une “plombière”, ou tolère-t-elle un plombier qui va l’opprimer en démontrant sa maîtrise supérieure d’une discipline machiste qu’est la réparation de canalisations ?]

              Elle appelle une plombière. Vous noterez qu’il existe aux Etats-Unis des sociétés de service qui permettent au client de choisir le « genre » de la personne qui est envoyée chez eux, justement pour éviter à Mme Androphobie de voir son espace envahi par un mâle de l’espèce. En France, il est maintenant possible aux femmes d’appeler un taxi « féminin » leur permettant de rentrer chez elles en toute sécurité. Ne sous-estimez pas les tendances de notre société au séparatisme : demain il y aura des services, des cafés, des entreprises, des espaces « réservés aux femmes », « réservés aux musulmans », « réservés aux obèses » (pardon, aux « pondéralement dysfonctionnels », c’est plus chic) ou chacun sera assuré de se retrouver avec des gens comme lui, et d’échapper donc aux « micro-offenses » venues de gens différents. Mon dieu, qu’est ce qu’on va s’emmerder…

      • Simon dit :

        Cher Descartes,
        Sur la différence entre le coup de couteau avec lperte d’un poumon ou d’un rein et un viol, pénalement je n’en vois pas :

        Article 222-23 du code pénal :
        “Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.
        Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle.”

        Article 222-10 alinéa 10 du code pénal :
        L’infraction définie à l’article 222-9 (Les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sont punies de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.) est punie de quinze ans de réclusion criminelle lorsqu’elle est commise : 10° Avec usage ou menace d’une arme.
        Si vous avez simplement mal au ventre après le coup de couteau et pouvez retourner travailler la semaine d’après, la peine encourue est de 3 ans, mais je doute qu’une blessure légère traumatise vraiment. Et le législateur étant manifestement inoccupé et bavard, on doit pouvoir trouver quelques circonstances aggravantes (pour les juristes, il n’y a plus de circonstances aggravantes, cela change la qualification de l’acte, mais l’idée est la même), tel que gars bourré, dans le bus, en se disant que vous avez une tête de …
         
        La définition du viol ne fait pas appel au consentement, il n’est pas écrit “tout acte de pénétration sexuelle réalisé en l’absence de consentement est un viol”. Il faut qu’il y ait eu menace, contrainte, violence ou surprise, i.e. des manières de passer outre un non-consentement manifeste. Cela constitue un excellent garde-fou. Les “j’ai dit oui mais je pensais non”, “j’ai pas dit non mais j’en pensais pas moins”, “j’ai dit non et il a insisté” ne valent rien devant un juge, le droit pénal étant d’interprétation stricte.
        Le droit français étant à la base bien écrit, il y a des infractions parapluie pour ce que l’on veut condamner mais hors définition (coucher avec une adolescente de 14 ans, agression sexuelle sans pénétration, etc) tout en évitant la foire à l’échalote sur les accusations.
         
        Sur le caractère plus ou moins traumatisant, je n’en sais rien, je conçois que le viol puisse l’être plus qu’un coup de couteau avec de graves conséquences, comme l’inverse.
         
        Vous dîtes qu’un crime ne peut être un comportement répandu, je n’en suis pas sûr. Qu’un comportement objectivement (ou intersubjectivement, ou jugé comme tel à un moment à un endroit) grave et portant atteinte à la société puisse être répandu, oui. Que de ce fait une répression sérieuse de ce “crime” (au sens des faits) soit impossible (avec des peines proportionnées aux faits et touchants une bonne part des auteurs), oui (si vous commandez des soldats sur le front de l’est, vous n’allez pas fusiller tous les violeurs, à peine de décimer l’unité). Cependant, vous pouvez l’inscrire pénalement comme un crime, et faire une répression sévère mais partielle (faire un exemple de temps en temps, typiquement fusiller un des soldats pour viol, e qui devrait tomber sur un mauvais soldat qui a commis un viol particulièrement abject). L’avortement était puni de mort sous Vichy, la loi n’a jamais été vraiment appliquée, une seule avorteuse, multi-récidiviste, dont une des clientes est morte des suites, a été exécutée. La corruption en Chine ou Russie (je parle en ignorance de cause) semble faire partie de cette catégorie : répandue, considérée légalement comme crime, fait l’objet d’un exemple de temps en temps avec une exécution.
         
        Sur le viol dans notre société, j’ai l’impression d’un discours contradictoire, avec à la fois un analogue de la théorie du verre d’eau et considérer que tout viol au sens large  est un acte très grave. Des affaires comme celle des touristes israéliens à Chypre avec un anglaise est caricaturale mais permet d’illustrer. Selon les dires de la demoiselle, elle rencontre un groupe de damoiseaux, est d’accord pour coucher avec trois d’entre eux, un quatrième arrive et elle se déclare victime de viol, ce qui serait très grave (épilogue : en fait, elle était d’accord pour tout le groupe, mais certains ont filmé, et elle a dit que c’était un viol… ce qui est particulièrement stupide quand il y a une preuve filmée du contraire). La “culture du viol” sur les campus me semble relever de la même chose (conseillez vous de lire la référence que vous m’aviez indiqué, ou trouver un résumé suffit?). Je me souviens, étant étudiant, des féministes qui expliquaient à la terre entière (enfin, non, juste au journal de référence) que l’école protégeait les violeurs, alors que les faits étaient, de notoriété publique, un gars bourré avec une fille bourrée. Le droit islamique apporte une réponse (39 coups de fouet pour ivresse, 99 pour fornication, pour l’homme comme la femme), le droit anglo-saxon peut-être, si l’on veut essayer de faire rentrer cela en droit français, il faudra regarder l’impact de l’article 121-6 “Sera puni comme l’auteur le complice de l’infraction”, pas sûr que cela corresponde aux souhaits des féministes.
        Le qualificatif de “violeur” appliqué à Darmanin est étonnant vu les faits, alors que “porc” semble tout indiqué. L’ancienne escort déjà poursuivie pour fausse dénonciation, explique avoir été violée à l’hôtel en revenant du club échangiste, alors qu’elle demandait un service à Darmanin. Un juge avec de l’humour pourrait y voir une tentative de corruption de la part de la fille. Mon côté réactionnaire y voit de la dépravation, mais pas matière à sanction pénale. Étant partisan de la distinction, et non de la séparation, des sphères publiques et privées, j’estime que ces faits de dépravation, connus de tous, devraient lui barrer l’accès aux ministères (comme ministre, qu’un haut fonctionnaire soit dépravé tant qu’il n’en fait pas étalage, peut me chaut). Si l’on veut le chasser pour cela en gardant la séparation des deux sphères, on doit pouvoir plaider qu’il a commis ces faits non pas étant maire mais en tant que maire, car l’escort est venue lui demander un service en tant que maire. Avez-vous déjà fait un billet sur cette séparation entre les sphères et son histoire et intérêt? si oui je le lirai avec plaisir,
        Désolé pour le caractère un peu confus de mon commentaire,
         
        PS : auriez vous un conseil dans le cas où, au travail, on a un chef incompétent et agaçant? comme c’est une situation temporaire, je pensais faire le dos rond, et surtout noter ses erreurs pour ne pas refaire les mêmes quand je passerai chef, vu qu’il est plus facile de constater les erreurs d’autrui que les siennes
         
         

        • Descartes dit :

          @ Simon

          [Cher Descartes, Sur la différence entre le coup de couteau avec lperte d’un poumon ou d’un rein et un viol, pénalement je n’en vois pas : (…)]

          La différence est assez évidente : dans le cas du viol, il s’agit d’un crime alors même qu’il n’entraine aucune « mutilation ou infirmité permanente ». Dans le cas des violences volontaires, elles ne sont criminelles qu’a la condition d’entrainer des conséquences permanentes et irréversibles, et encore, à condition qu’elles soient commises avec une arme (en d’autres termes, si vous perdez un rein après une agression à coups de pied, on reste dans une peine correctionnelle.

          [La définition du viol ne fait pas appel au consentement, il n’est pas écrit “tout acte de pénétration sexuelle réalisé en l’absence de consentement est un viol”.]

          Elle y fait allusion de manière négative : le consentement a en effet le pouvoir d’effacer – et même d’effacer rétroactivement – les quatre éléments susceptibles de constituer le viol. D’ailleurs, vous voyez bien qu’il est difficile d’imaginer un exemple dans lequel il y aurait pénétration non-consentie qui ne ferait appel ni à la surprise, ni à la contrainte, ni à la violence, ni à la menace. La condition posée par le Code pénal est donc équivalente au consentement, même si celui-ci n’est pas mentionné explicitement.

          [Cela constitue un excellent garde-fou. Les “j’ai dit oui mais je pensais non”, “je n’ai pas dit non mais j’en pensais pas moins”, “j’ai dit non et il a insisté” ne valent rien devant un juge, le droit pénal étant d’interprétation stricte.]

          Je ne vois pas quel « fou » cela garde. Même si le code pénal faisait référence au consentement, les deux premiers cas seraient exclus (les personnes n’étant pas censés lire dans les pensées, c’est ce que l’accusé pouvait savoir qui est pris en compte). Quant au troisième, s’il a « insisté », alors cela peut compter comme « contrainte » selon l’interprétation du juge.

          [Vous dîtes qu’un crime ne peut être un comportement répandu, je n’en suis pas sûr.]

          Cherchez un exemple, et vous verrez…

          [Cependant, vous pouvez l’inscrire pénalement comme un crime, et faire une répression sévère mais partielle (faire un exemple de temps en temps, typiquement fusiller un des soldats pour viol, e qui devrait tomber sur un mauvais soldat qui a commis un viol particulièrement abject).]

          Vous voyez tout de suite le problème de ce raisonnement : vous rompez le lien certain entre l’acte et le châtiment, qui est le fondement du droit pénal. La punition devient aléatoire, puisqu’elle est liée non pas à l’acte, mais au fait de se faire prendre au moment ou l’on a besoin d’un « exemple ». C’est tout le problème des peines « pour l’exemple ».

          [L’avortement était puni de mort sous Vichy, la loi n’a jamais été vraiment appliquée, une seule avorteuse, multi-récidiviste, dont une des clientes est morte des suites, a été exécutée.]

          Ca, c’est autre chose. On peut effectivement inscrire dans les textes des infractions à titre symbolique (ou les y conserver) sans jamais les appliquer. Ainsi, le blasphème est toujours inscrit comme infraction pénale dans le droit anglais, sans avoir été appliqué depuis près de deux siècles. Mais dans ce cas, on ne peut pas parler d’une vraie « criminalisation ».

          [La corruption en Chine ou Russie (je parle en ignorance de cause) semble faire partie de cette catégorie : répandue, considérée légalement comme crime, fait l’objet d’un exemple de temps en temps avec une exécution.]

          Effectivement, un dictateur absolu peut se permettre de criminaliser ce qu’il veut. Mais mon commentaire supposait qu’on reste dans le cadre d’un état de droit démocratique.

          [La “culture du viol” sur les campus me semble relever de la même chose (conseillez vous de lire la référence que vous m’aviez indiqué, ou trouver un résumé suffit?).]

          Je vous conseille la lecture. C’est d’ailleurs écrit avec beaucoup d’humour. Malheureusement, je ne suis pas sûr que ce soit traduit.

          [Étant partisan de la distinction, et non de la séparation, des sphères publiques et privées, j’estime que ces faits de dépravation, connus de tous, devraient lui barrer l’accès aux ministères (comme ministre, qu’un haut fonctionnaire soit dépravé tant qu’il n’en fait pas étalage, peut me chaut).]

          Comme ministre, il encourt la sanction politique. Si les citoyens estiment qu’un dépravé fait un mauvais ministre, ils ont le droit de demander son renvoi. Mais cela n’a rien à voir avec la « gravité » de l’acte qui lui est reproché. Les citoyens ont le droit de renvoyer leurs représentants sans avoir à motiver leur décision. Ils peuvent le faire parce que leur ministre a violé la bonne, ou parce qu’il n’aime pas le ris de veau. Mais cette sanction n’aurait aucun fondement rationnel, parce qu’il n’y a aucune preuve qu’un « dépravé » fasse un mauvais ministre – les faits tendent plutôt à montrer le contraire.

          Franchement, cette affaire est plus comique qu’autre chose. Si notre société n’avait pas encore complètement perdu le sens de l’humour, c’est sous cette angle qu’elle l’aborderait. Un peu comme la mort de Félix Faure…

          [Si l’on veut le chasser pour cela en gardant la séparation des deux sphères, on doit pouvoir plaider qu’il a commis ces faits non pas étant maire mais en tant que maire, car l’escort est venue lui demander un service en tant que maire. Avez-vous déjà fait un billet sur cette séparation entre les sphères et son histoire et intérêt? si oui je le lirai avec plaisir,]

          Je ne crois pas avoir écrit un billet sur ce point précis, mais je l’ai évoqué souvent dans mes écrits parce que c’est pour moi le fondement même de la République, et la grande conquête des Lumières.

          [PS : auriez vous un conseil dans le cas où, au travail, on a un chef incompétent et agaçant? comme c’est une situation temporaire, je pensais faire le dos rond, et surtout noter ses erreurs pour ne pas refaire les mêmes quand je passerai chef, vu qu’il est plus facile de constater les erreurs d’autrui que les siennes]

          Si c’est une situation temporaire, le mieux est d’attendre. Et de prendre de la distance. C’est d’ailleurs un bon exercice de chercher à comprendre comment la personne en question fonctionne psychologiquement. Parce qu’une fois qu’on a compris, on sait anticiper ses réactions et donc déterminer quels sont les boutons qu’il faut obtenir la réaction souhaitée.

          • xc dit :

            Certes, violence, contrainte, menace ou surprise, sont incompatibles avec un consentement. Mais elles constituent des éléments matériels dont on peut tenter d’établir l’existence. Leur défaut revient à établir le consentement. Cela évite de se perdre dans des considérations à l’infini pour distinguer les peut-être qui peuvent être aussi bien des oui que des non, ou leur contraire, ou l’inverse…

            • Descartes dit :

              @ xc

              [Certes, violence, contrainte, menace ou surprise, sont incompatibles avec un consentement. Mais elles constituent des éléments matériels dont on peut tenter d’établir l’existence.]

              La violence, oui, jusqu’à un certain point. La contrainte, c’est déjà plus difficile de trouver un élément “matériel” vu que la contrainte psychologique est prise en compte. Même chose pour la menace, qui peut être ambigüe et même implicite. Quant à la surprise, je vois mal quel élément matériel pourrait la caractériser!

              [Cela évite de se perdre dans des considérations à l’infini pour distinguer les peut-être qui peuvent être aussi bien des oui que des non, ou leur contraire, ou l’inverse…]

              Ce n’est pas si évident que cela. Prenons par exemple le cas suivant: un père qui ordonne à son enfant d’avoir des rapports sexuels avec lui (même raisonnement entre un chef d’entreprise et son employé). Il n’y a là dedans ni violence, ni surprise, ni menace, ni contrainte. Imaginons que le commandé s’exécute. S’agit-il d’un viol ?

            • Un Belge dit :

              @Descartes 

              Ce n’est pas si évident que cela. Prenons par exemple le cas suivant: un père qui ordonne à son enfant d’avoir des rapports sexuels avec lui (même raisonnement entre un chef d’entreprise et son employé). Il n’y a là dedans ni violence, ni surprise, ni menace, ni contrainte. Imaginons que le commandé s’exécute. S’agit-il d’un viol ?

              Pas de contrainte ??

            • Descartes dit :

              @ Un Belge ?

              Pourriez-vous détailler en quoi consiste la contrainte ? Avant que vous ne répondiez, je vous rappelle que le fait de disposer des moyens de vous contraindre ne constitue pas en lui même une contrainte. Ce n’est pas parce que le policier porte une arme à la ceinture qu’il vous “contraint” lorsqu’il vous donne un ordre.

            • Un Belge dit :

              @Descartes :

              Pourriez-vous détailler en quoi consiste la contrainte ? Avant que vous ne répondiez, je vous rappelle que le fait de disposer des moyens de vous contraindre ne constitue pas en lui même une contrainte. Ce n’est pas parce que le policier porte une arme à la ceinture qu’il vous “contraint” lorsqu’il vous donne un ordre.

              A première vue, je compterais comme contrainte tout ordre. L’autorité parentale est donc pour moi une contrainte en toute circonstance. Si mes parents me demandent de faire la vaisselle, je me considère contraint même si ils ne me menacent pas de sanction.

            • Descartes dit :

              @ Un Belge

              [A première vue, je compterais comme contrainte tout ordre. L’autorité parentale est donc pour moi une contrainte en toute circonstance. Si mes parents me demandent de faire la vaisselle, je me considère contraint même si ils ne me menacent pas de sanction.]

              En d’autres termes, pour vous TOUT contrat entre un père et son fils est nul, puisque la contrainte vicie le consentement, et le consentement vicié est la première cause de nullité des contrats ? Parce que de la même façon que votre père peut vous demander de faire la vaisselle, ils peuvent vous demander d’acheter leur voiture ou leur maison, de leur passer une pension… même votre mariage est nul, puisque qu’il se fait sous contrainte dès lors que vos parents vous encouragent à vous marier à telle ou telle femme…

            • Un Belge dit :

              @Descartes :

              En d’autres termes, pour vous TOUT contrat entre un père et son fils est nul, puisque la contrainte vicie le consentement, et le consentement vicié est la première cause de nullité des contrats ? Parce que de la même façon que votre père peut vous demander de faire la vaisselle, ils peuvent vous demander d’acheter leur voiture ou leur maison, de leur passer une pension… même votre mariage est nul, puisque qu’il se fait sous contrainte dès lors que vos parents vous encouragent à vous marier à telle ou telle femme…

              Je n’avais jamais réfléchi à la chose sous cette angle, mais la plupart de vos exemples ne sont d’application que pour un adulte (mariage, pension, …)
              Quid d’un enfant de 10 ans ? A cet âge là on ne peut pas vraiment parler d’un contrat “cohabitation en échange de l’autorité parentale” (qui me parait raisonnable pour un jeune majeur qui vit chez ses parents).

            • Descartes dit :

              @ Un Belge

              [Je n’avais jamais réfléchi à la chose sous cette angle, mais la plupart de vos exemples ne sont d’application que pour un adulte (mariage, pension, …)]

              En matière contractuelle, difficile de trouver un exemple s’appliquant à un mineur, puisque les mineurs n’ont pas la possibilité de contracter valablement.

              La « crainte révérencielle » qu’on a pour ses parents est considérée en droit non pas comme une « contrainte », mais comme une « violence légitime », et ne suffit donc pas par elle-même à vicier le consentement (sauf dans le cas très particulier du mariage depuis une loi de 2006, dans le cadre de la lutte contre les mariages forcés).

      • Yoann dit :

        [’ai noté plusieurs fois sur ce blog que le fait de ficher un couteau dans le ventre de quelqu’un est puni bien plus légèrement que le fait d’introduire son pénis dans la bouche de quelqu’un. Pourtant, du point de vue des faits matériels, en termes de « pénétration » le premier cas est bien plus grave]
         
        Et psychologiquement le pénis dans la bouche traumatise a vie. Alors que le trou laissé par le couteau cicatrisera, et pourra être atténué par laser.
         
        A la lecture de ce que vous dites on a envi de dire “Ok boomer”. Le viol c’est pas si grave, le viol conjugal ça n’existe sans doute pas, les trans c’est un effet de mode (non, il n’y a pas d’épidémie, c’est juste possible de faire sa transition aujourd’hui sans risquer de se prendre des couts de couteau, ou des pénis dans la bouche, et les gens sont pris au sérieux et accompagné – surprise quand c’est possible de faire une transition les gens le font, au lieu de penser qu’ils sont une erreur de Dieu sur terre), l’autisme progresse a mesure qu’on le diagnostique (si on ne fait pas de statistique et de dépistage alors ça n’existe pas).
        Oui il y a une question relative à la preuve. C’est un sujet complexe et passionnant, que vous devriez mieux aborder…
         

        • Descartes dit :

          @ Yoann

          [Et psychologiquement le pénis dans la bouche traumatise a vie.]

          Admettons un instant que ce soit effectivement le cas. Vous êtes vous demandé POURQUOI un acte qui ne provoque aucun dommage physique, qui ne laisse aucune trace, qui n’a aucune conséquence matérielle durable peut « traumatiser à vie » ?

          La réponse est assez simple à comprendre : l’acte est traumatisant parce que la société le consacre comme tel. En d’autres termes, ce n’est pas la nature même de l’acte, mais la vision subjective que la société en a qui en fait quelque chose de traumatisant. C’est là toute la différence avec le coup de couteau – ou d’une façon plus générale, avec toute forme de violence. L’acte violent est traumatisant en soi, les autres ne le sont que par le sens que la société leur donne. Même un animal peut être traumatisé par un acte violent : un chien qui aura été battu aura peur du bâton. Mais le fait que votre chien lèche votre pénis plutôt que votre main ne le traumatisera pas le moins du monde.

          Après, est-ce qu’une fellation forcée « traumatise à vie » plus qu’une agression au couteau ? Franchement, je ne vois aucune raison pour qu’il en soit ainsi. Personnellement j’en doute. Pourriez-vous argumenter le point ?

          [A la lecture de ce que vous dites on a envie de dire “Ok boomer”. Le viol c’est pas si grave, le viol conjugal ça n’existe sans doute pas, les trans c’est un effet de mode (…)]

          C’est peut-être ce que vous avez envie de conclure, mais ce n’est pas ce que j’ai écrit. Pour dire « le viol n’est pas si grave », il faudrait savoir à quoi on le compare. Je suis convaincu qu’il ne mérite pas d’être qualifié de « crime » (sauf bien entendu lorsqu’il est commis avec violence) mais je ne dis pas pour autant qu’il ne doive pas être puni sévèrement. Les peines délictuelles, cela va jusqu’à dix ans.

          Pour ce qui concerne le « viol conjugal », le problème est qu’il est très difficile dans un couple marié parler de consentement libre. Etant donnés les liens complexes d’interdépendance qui réunissent les époux, il n’est pas aisé de savoir quand l’un des époux « consent » tout à fait librement et sans contrainte aux avances de l’autre.

          Enfin, je n’ai jamais écrit que les « trans » fussent un « effet de mode ». J’ai écrit que la MULTIPLICATION des « trans », et notamment des « trans » mineurs, est un effet de la mode, ce qui n’est pas la même chose.

          [(non, il n’y a pas d’épidémie, c’est juste possible de faire sa transition aujourd’hui sans risquer de se prendre des coups de couteau, ou des pénis dans la bouche, et les gens sont pris au sérieux et accompagné – surprise quand c’est possible de faire une transition les gens le font, au lieu de penser qu’ils sont une erreur de Dieu sur terre)]

          Mais que faites vous de ceux qui, ayant fait cette transition, se rendent compte que ce n’était pas ce qu’ils voulaient, qu’ils ont été manipulés par des institutions qui prétendument « prennent au sérieux et accompagnent » mais qui en fait tendent au contraire à encourager et à pousser vers un changement de sexe des mineurs qui ne comprennent pas forcément ce qui leur arrive ? Avez-vous suivi par exemple l’affaire « Keira Bell vs. Tavistock and Portman NHS Trust » ?

          [l’autisme progresse à mesure qu’on le diagnostic (si on ne fait pas de statistique et de dépistage alors ça n’existe pas).]

          Ce serait vrai si on commençait par DEFINIR ce qu’est l’autisme et qu’on faisait la statistique et le dépistage ensuite. Mais dans le cas présent, c’est l’inverse : on postule qu’il y a un trouble, et on fait évoluer la définition de façon que le trouble « progresse ». Il y a trente ans, l’autisme avait une définition stricte et du coup son incidence était très faible. Aujourd’hui, avec le concept de « troubles du spectre autiste », on arrive à classer là-dedans à peu près qui on veut.

          [Oui il y a une question relative à la preuve. C’est un sujet complexe et passionnant, que vous devriez mieux aborder…]

          Pourriez-vous préciser la question ? A mon sens, la question de la preuve est aujourd’hui totalement évacuée parce que la victime est reine. Il est hors de question de lui faire de la peine en insinuant qu’elle pourrait ne pas dire la vérité. Ca pourrait l’offenser ou pire, la « traumatiser ». Or, une fois que vous avez posé comme postulat que la victime dit vrai, à quoi bon chercher les preuves ? La preuve est parfaitement inutile, et même dangereuse. Si elle confirme les dires de la victime, elle est inutile puisqu’on croyait ses dires par avance. Si elle les contredit, elle est dangereuse puisqu’elle pourrait faire croire au bon peuple que la victime ne dit pas toujours la vérité, et du coup jeter le doute sur les dires d’autres victimes.

          • Yoann dit :

            [Admettons un instant que ce soit effectivement le cas. Vous êtes vous demandé POURQUOI un acte qui ne provoque aucun dommage physique, qui ne laisse aucune trace, qui n’a aucune conséquence matérielle durable peut « traumatiser à vie » ?]
             
            Pourquoi dans des couples ou le mari est violent physiquement et psychologiquement (par les mots) les victimes trouvent le second pire que le premier ? Pourtant ce n’est pas ça qui cause des hématomes ou pire.
            Les gens qui passent leur temps à regarder le pire du contenu d’internet (qui travaillent pour les réseaux sociaux et qui doivent regarder les vidéos et photos en entier avant de décider s’il faut la supprimer du réseau social) souffrent tous de syndrome post traumatique (si ce côté la d’internet vous échappe, dite vous qu’il n’y a aucune différence entre les narco trafiquant d’Amérique centrale et du sud et Daech en terme d’horreur, et les deux sont très imaginatif quand ils filment des actes de tortures). Pourtant il n’y a eu aucune violence physique. 
            Le viol + inceste on le sait entraine littéralement la perte de la mémoire de l’acte. Tellement il est traumatisant. Je ne connais pas beaucoup de personne qui oublie le coup de couteau qu’ils ont reçu. 
             
            [ Je suis convaincu qu’il ne mérite pas d’être qualifié de « crime » (sauf bien entendu lorsqu’il est commis avec violence)]
             
            Il est toujours violent, sinon on appelle ça un acte consenti. 
            [Pour ce qui concerne le « viol conjugal », le problème est qu’il est très difficile dans un couple marié parler de consentement libre. Etant donnés les liens complexes d’interdépendance qui réunissent les époux, il n’est pas aisé de savoir quand l’un des époux « consent » tout à fait librement et sans contrainte aux avances de l’autre.]
             
            Tout à fait, et c’est ce qui rend la question très difficile.
             
            [J’ai écrit que la MULTIPLICATION des « trans », et notamment des « trans » mineurs, est un effet de la mode, ce qui n’est pas la même chose.]
             
            L’argument honnête sera de dire que c’est impossible a prouver. Les enfants trans ne sont plus soumis aux contraintes qui existaient il y a encore 10 ans, ils peuvent parler librement, trouver une oreille attentive, mettre des mots sur ce qu’ils vivent (et les parents sont plus attentif au sujet). Evidement qu’ils peuvent se déclarer plus tôt trans. 
            On révèle simplement ce qui existe depuis toujours. 
            Après qu’il y ait des gens qui regrettent, sans doute. Ca reste nouveau, on doit encore trouver un équilibre sur la question.
             
            [ A mon sens, la question de la preuve est aujourd’hui totalement évacuée parce que la victime est reine]
             
            Très peu de victime se sentent reine devant la police. Plutôt l’inverse : on pose encore la question des vêtements  portées par les victimes, on remet en cause leur parole tous le temps (quand je suis allé porter plainte pour une agression physique et une tentative de vol, j’ai déposé ma plainte, on m’a demandé d’éclaircir des points, mais on ne m’a jamais dit que c’était de ma faute car j’étais pas au bon endroit au bon moment)
            On ne demande pas de croire les gens sans preuves, mais qu’on puisse agir au plus tôt afin d’avoir justement des preuves (s’il y en a) et d’éviter les tribunaux populaires en lignes (qui sont un problèmes).

            • Descartes dit :

              @ Yoann

              [« Admettons un instant que ce soit effectivement le cas. Vous êtes vous demandé POURQUOI un acte qui ne provoque aucun dommage physique, qui ne laisse aucune trace, qui n’a aucune conséquence matérielle durable peut « traumatiser à vie » ? » Pourquoi dans des couples ou le mari est violent physiquement et psychologiquement (par les mots) les victimes trouvent le second pire que le premier ? Pourtant ce n’est pas ça qui cause des hématomes ou pire.]

              Il ne vous aura pas échappé que l’acte d’introduire son pénis dans la bouche est un acte PHYSIQUE et non PSYCHOLOGIQUE. J’ajoute que si l’on suit votre raisonnement, on fait fausse route en punissant gravement dans le Code pénal les violences physiques, alors que les violences psychologiques sont infiniment plus graves… ne faudrait-il donc pas décriminaliser le viol « physique » et criminaliser plutôt le viol « psychologique » ? D’ailleurs cela rendrait la question des violences familiales bien plus équilibrée : si les hommes tendent à être physiquement plus violents, la violence psychologique est beaucoup plus courante chez les femmes…

              Redevenons sérieux. J’ignore sur quoi vous vous appuyez pour affirmer que les victimes de violences physiques et psychologiques « trouvent le second pire que le premier ». Je me demande comment on pourrait arriver à objectiver pareille affirmation…

              [Les gens qui passent leur temps à regarder le pire du contenu d’internet (qui travaillent pour les réseaux sociaux et qui doivent regarder les vidéos et photos en entier avant de décider s’il faut la supprimer du réseau social) souffrent tous de syndrome post traumatique (si ce côté la d’internet vous échappe, dite vous qu’il n’y a aucune différence entre les narco trafiquant d’Amérique centrale et du sud et Daech en terme d’horreur, et les deux sont très imaginatif quand ils filment des actes de tortures). Pourtant il n’y a eu aucune violence physique.]

              Là encore, j’aimerais connaître vos sources. D’où tirez-vous que les gens qui regardent ces choses souffrent de « syndrome post traumatique » ?

              [Le viol + inceste on le sait entraine littéralement la perte de la mémoire de l’acte. Tellement il est traumatisant. Je ne connais pas beaucoup de personne qui oublie le coup de couteau qu’ils ont reçu.]

              Connaissez-vous beaucoup de gens qui aient « oublié » le viol ou l’inceste ? J’ai l’impression que vous oubliez un point fondamental : le viol est un crime SUBJECTIF, en d’autres termes, il est lié autant à des faits matériels qu’à des éléments immatériels (le consentement, pour faire vite). Autrement dit, si un coup de couteau est un coup de couteau, un rapport sexuel peut être interprété ou non comme un « viol » en fonction d’éléments subjectifs. Et le propre des éléments subjectifs est de changer avec le temps : je n’ai pas la même interprétation subjective d’un fait aujourd’hui que je ne l’avais il y a vingt ou trente ans. En d’autres termes, je peux interpréter comme « viol » ce qu’à une autre époque j’interprétais comme un rapport sexuel consenti ou bien comme une corvée « normale », simplement parce que j’ai reconstruit mon était d’esprit au moment des faits. C’est souvent par ce mécanisme qu’on « découvre » trente ans plus tard qu’on a été « violé ». On n’oublie pas les faits, c’est leur qualification dans notre mémoire qui change.

              Les déportés qui sont revenus d’Auschwitz ont pu raconter avec une précision extrême leur déportation et leur vie dans le camp. Y compris les viols qu’ils ont quelquefois subi aux mains des gardiens ou de leurs co-detenus. Même les – très rares – survivants des équipes qui faisaient tourner les chambres à gaz ou les fours crématoires ont pu raconter avec un grand luxe de détails leur calvaire. Et il ne leur a pas fallu une longue période pour se souvenir : leurs souvenirs ont toujours été là. Qui viendra me dire que cette expérience aurait été moins « traumatique » qu’un viol ou un inceste ? Cela jette un très sérieux doute sur les théories de « l’amnésie traumatique »…

              [« Je suis convaincu qu’il ne mérite pas d’être qualifié de « crime » (sauf bien entendu lorsqu’il est commis avec violence) » Il est toujours violent, sinon on appelle ça un acte consenti.]

              Non. Le Code pénal définit le viol comme l’acte de pénétration « commis par violence, contrainte, menace ou surprise ». Si tout viol était « violent », les trois dernières catégories seraient superflues.

              [« J’ai écrit que la MULTIPLICATION des « trans », et notamment des « trans » mineurs, est un effet de la mode, ce qui n’est pas la même chose. » L’argument honnête sera de dire que c’est impossible a prouver. Les enfants trans ne sont plus soumis aux contraintes qui existaient il y a encore 10 ans, ils peuvent parler librement, trouver une oreille attentive, mettre des mots sur ce qu’ils vivent (et les parents sont plus attentif au sujet). Evidement qu’ils peuvent se déclarer plus tôt trans. On révèle simplement ce qui existe depuis toujours.]

              Au contraire, c’est très simple à prouver. Comme disait Coco Chanel, « la mode, c’est ce qui se démode ». Si mon hypothèse est exacte, on devrait les « trans mineurs » arriver à un pic, puis diminuer au fur et à mesure que la « mode » passera. Prenez le mariage homosexuel : lors de sa création en 2013, il y eu 7400 mariages, puis 10.522 l’année suivante. Mais depuis, le chiffre décroit tous les ans (8000 en 2015, 7500 en 2016, 7000 en 2017, 6500 en 2018, 6000 en 2019). Et pourtant, on peut difficilement dire que les « contraintes » qui empêcheraient les homosexuels de se marier soient aujourd’hui plus fortes qu’en 2014. On voit simplement le jeu de l’effet de mode.

              [« A mon sens, la question de la preuve est aujourd’hui totalement évacuée parce que la victime est reine » Très peu de victime se sentent reine devant la police.]

              En tout cas, on a l’impression qu’elles sont reines devant le monde de l’édition, ou dans les réseaux sociaux.

              [Plutôt l’inverse : on pose encore la question des vêtements portées par les victimes, on remet en cause leur parole tous le temps (quand je suis allé porter plainte pour une agression physique et une tentative de vol, j’ai déposé ma plainte, on m’a demandé d’éclaircir des points, mais on ne m’a jamais dit que c’était de ma faute car j’étais pas au bon endroit au bon moment)]

              Ça dépend. Si vous allez au commissariat porter plainte pour vol à l’arrachée d’une rivière de diamants alors que vous vous baladiez dans une cité de banlieue, je pense que la réaction de la police serait la même. Quand vous allez porter plainte pour un cambriolage, on vous pose la question de savoir si vous aviez bien fermé la porte ou si les voleurs sont entrés par effraction. Si vous allez porter plainte pour utilisation frauduleuse de votre carte bleue, on vous demandera si vous avez confié la carte ou le code à quelqu’un. Si je porte plainte pour utilisation frauduleuse d’un chèque, on me demandera si j’ai signé le chèque en question. La question de savoir si la victime a contribué au délit ou même consenti à l’acte se pose dans tous les cas. Ce n’est pas exclusif au viol.

              [On ne demande pas de croire les gens sans preuves,]

              Qui ça, « on » ? Il y a au contraire beaucoup de gens qui demandent qu’on croie les victimes sans preuves. Vous les avez vues, vous, les « preuves » derrière l’affaire Duhamel ? On donne pourtant pour acquis qu’il a abusé de son beau-fils alors qu’on n’a pour le moment rien d’autre que la parole de l’accusatrice. Et malheur à celui qui oserait mettre en doute ses paroles.

              J’irai même plus loin. Il y a des gens qui pensent – et l’écrivent dans de longues tribunes dans « Le Monde » – que la parole de la victime doit être irréfragable, c’est-à-dire, qu’elle doit être prise pour vraie MEME LORSQU’ON PEUT PROUVER QU’ELLE EST FAUSSE. Leur théorie est que la possibilité de mettre en cause la parole de la victime ne peut que décourager cette dernière de dénoncer les faits devant la justice, et que la possibilité que quelques innocents soient condamnées suite à des faux témoignages est un faible prix à payer pour permettre aux vraies victimes de se « reconstruire ».

              [mais qu’on puisse agir au plus tôt afin d’avoir justement des preuves (s’il y en a) et d’éviter les tribunaux populaires en lignes (qui sont un problèmes).]

              Faudrait savoir. Vous me dites plus haut que le traumatisme est tel que les victimes « oublient » le viol et l’inceste. Comment pourrait-on « agir plus vite » si les victimes elles-mêmes ne se souviennent pas de ce qu’elles ont subi ?

            • CVT dit :

              @Descartes,
              petit hors-sujet (quoiqu’en rapport avec l’actualité…), 

              [Au contraire, c’est très simple à prouver. Comme disait Coco Chanel, « la mode, c’est ce qui se démode ». Si mon hypothèse est exacte, on devrait les « trans mineurs » arriver à un pic, puis diminuer au fur et à mesure que la « mode » passera. Prenez le mariage homosexuel : lors de sa création en 2013, il y eu 7400 mariages, puis 10.522 l’année suivante. Mais depuis, le chiffre décroit tous les ans (8000 en 2015, 7500 en 2016, 7000 en 2017, 6500 en 2018, 6000 en 2019). Et pourtant, on peut difficilement dire que les « contraintes » qui empêcheraient les homosexuels de se marier soient aujourd’hui plus fortes qu’en 2014. On voit simplement le jeu de l’effet de mode.]

              Tout cela confirme ce que beaucoup d’opposants au mariage dit “pour tous” avaient pressenti à l’époque: la question était moins celle du mariage que celle de la légalisation de l’adoption par des couples homosexuels, impossible avant ce texte de loi (sachant qu’il y avait une façon détournée de procéder, en adoptant en tant que parent célibataire…).
              Bien que Christiane Taubira nous avait averti en déclarant que cette “extension” du mariage civil était une véritable révolution, le débat sur la filiation a été largement occulté, alors que celle-ci est l’une des bases anthropologiques de notre société.
              D’ailleurs, les députés macronards persistent dans cette occultation, tous occupés qu’ils sont à vouloir légaliser, en urgence et pendant le confinement, la PMA non thérapeutique; or, cette loi consacre non seulement la suppression juridique du père, mais surtout sa suppression symbolique (“un père n’est pas forcément un mâle”, dixit le Président…). Qu’on soit d’accord ou non avec cette idée d’abolition de la filiation, le sujet mériterait qu’on en discute ouvertement et que ce ne soit pas un effet de mode, comme vous le rappelez avec la citation de Coco Chanel.
               
              Parce qu’on voit tout de suite les limites de cette façon de faire: la France a signé maintes conventions internationales protégeant les droits des enfants, l’un des droits clé étant l’accès à leurs origines; et c’est précisément en raison de cette convention que nous avons aboli l’une de nos spécialités bien française et bien pratique, la naissance sous X! Or le plus grave, c’est que personne chez LREM ne voit de contradiction entre cette dernière disposition et le future texte de loi “PMA pour toutes”,  qui empêchera les enfants conçus dans ce cadre d’accéder à leurs VERITABLES origines…
               
              Dans votre post sur Olivier Duhamel, vous aviez conclu que les enfants nés de la PMA, et n’en doutons pas, de la GPA, finiront un jour par demander des comptes à leurs parents, comme les enfants des 68-ards le font en ce moment avec les leurs. Pour ma part, j’espère simplement qu’on n’attendra pas cinquante ans pour cela arrive, car une société qui fait primer le droit A l’enfant sur le droit DES enfants ne mérite pas qu’on se batte pour elle…

            • Descartes dit :

              @ CVT

              [Tout cela confirme ce que beaucoup d’opposants au mariage dit “pour tous” avaient pressenti à l’époque: la question était moins celle du mariage que celle de la légalisation de l’adoption par des couples homosexuels, impossible avant ce texte de loi (sachant qu’il y avait une façon détournée de procéder, en adoptant en tant que parent célibataire…).]

              Je ne partage pas cette interprétation. Je pense surtout que le « mariage pour tous » s’inscrit dans une quête impossible de « normalité ». C’est peut-être là le plus grand paradoxe de notre société : elle se proclame à la fois tolérante des « différences », mais cette tolérance s’accompagne d’une recherche permanente de conformité. Il faut que les homosexuels puissent se marier « comme les autres », adopter « comme les autres », et bientôt enfanter « comme les autres ». Même chose avec le néoféminisme : l’égalité juridique ne suffit pas. Pour conquérir le graal, il faut que les femmes soient gendarme, soldat ou pilote de chasse « comme les autres ». Autrement dit, on respecte la différence mais on l’efface…

              Cette quête ne peut conduire qu’à une frustration croissante, parce que c’est à chaque étape une négation du réel. Le réel est que les enfants ont une filiation biologique – et la « demande de connaître ses origines » montre qu’on ne l’efface pas comme ça. Le réel est que le couple homosexuel ne fonctionne pas de la même façon que le couple hétérosexuel – ne serait-ce que parce que dans le couple hétéro chaque partenaire a un monde secret et intime qui est inaccessible à l’autre, ce qui n’est pas le cas dans le couple homo.

              [Bien que Christiane Taubira nous avait averti en déclarant que cette “extension” du mariage civil était une véritable révolution, le débat sur la filiation a été largement occulté, alors que celle-ci est l’une des bases anthropologiques de notre société.]

              Bien entendu. Alors que l’adoption est entrée dans les mœurs depuis des siècles, qu’elle a cessé depuis bien longtemps d’être stigmatisante, l’enfant adopté présente toujours des problèmes psychologiques spécifiques, ce qui prouve que la question de la filiation n’est pas tout à fait banale. Il est d’ailleurs très drôle de constater que les mêmes qui parlent de PMA et de GPA en affirmant que le parent est celui qui éduque, élève et aime soient ceux qui soutiennent la demande d’accès aux origines des enfants nés sous X.

              [Pour ma part, j’espère simplement qu’on n’attendra pas cinquante ans pour cela arrive, car une société qui fait primer le droit A l’enfant sur le droit DES enfants ne mérite pas qu’on se batte pour elle…]

              Ne dramatisons pas. La société est dieu merci beaucoup plus résiliente que vous ne le pensez. Tous ces débats ne touchent en fait qu’une toute petite couche des classes intermédiaires – tout comme la jouissance sans entraves des soixante-huitards à touché la petite caste des Duhamel, Matzneff ou Cohn-Bendit. Pour l’immense majorité des Français, le changement de sexe reste dans le domaine du fantasme et la famille reste fondée sur le couple hétérosexuel.

            • Un Belge dit :

              @Descartes 

              Au contraire, c’est très simple à prouver. Comme disait Coco Chanel, « la mode, c’est ce qui se démode ». Si mon hypothèse est exacte, on devrait les « trans mineurs » arriver à un pic, puis diminuer au fur et à mesure que la « mode » passera. Prenez le mariage homosexuel : lors de sa création en 2013, il y eu 7400 mariages, puis 10.522 l’année suivante. Mais depuis, le chiffre décroit tous les ans (8000 en 2015, 7500 en 2016, 7000 en 2017, 6500 en 2018, 6000 en 2019). Et pourtant, on peut difficilement dire que les « contraintes » qui empêcheraient les homosexuels de se marier soient aujourd’hui plus fortes qu’en 2014. On voit simplement le jeu de l’effet de mode.

              Ma première interprétation est plutôt que tous les couples qui ont attendu longtemps le droit l’ont fait dès que possible, et que plus le temps passe, plus on se rapproche d’un régime stationnaire. Pas vraiment un effet de mode. Si les coiffeurs ont un pic de fréquentation lors des déconfinements, est-ce du à un effet de mode, ou juste parce que tout le monde attendait impatiemment la réouverture des salons de coiffure ?
              A moins que le nombre ne tende vers 0, c’est invérifiable.

            • Descartes dit :

              @ Un Belge

              [Ma première interprétation est plutôt que tous les couples qui ont attendu longtemps le droit l’ont fait dès que possible, et que plus le temps passe, plus on se rapproche d’un régime stationnaire.]

              Sauf que dans cette hypothèse on aurait du voir un pic la première année ou le mariage était possible, et ensuite une baisse régulière. Or, ce n’est pas ça qu’on voit. Le nombre a augmenté les premières années, diminué ensuite.

              [Pas vraiment un effet de mode. Si les coiffeurs ont un pic de fréquentation lors des déconfinements, est-ce du à un effet de mode, ou juste parce que tout le monde attendait impatiemment la réouverture des salons de coiffure ?]

              Si lors du déconfinement on doit attendre deux ans pour atteindre le pic, on devrait se poser la question.

            • Un Belge dit :

              @ Descartes du 19 février 23h10 

              Sauf que dans cette hypothèse on aurait du voir un pic la première année ou le mariage était possible, et ensuite une baisse régulière. Or, ce n’est pas ça qu’on voit. Le nombre a augmenté les premières années, diminué ensuite.

              Si j’en crois vos chiffres, ca ne fait que deux ans d’augmentation. Ne faut-il pas un an pour préparer un mariage ? Il ne me parait pas déraisonnable que certains aient attendu un peu avant de se lancer histoire de voir comment cela se déroulait etc.

            • Descartes dit :

              @ Un Belge

              [Ne faut-il pas un an pour préparer un mariage ?]

              Quand on est dans les starting blocks, non. La légalisation du mariage homosexuel n’est pas arrivée par surprise.

          • BJ dit :

            @ Descartes
            [ Vous les avez vues, vous, les « preuves » derrière l’affaire Duhamel ?]
            Inutile : la dernière sortie d’Audrey Pulvar à propos de son père qui est accusé par ses cousines de pédophilie.
            «Je les ai crues parce que je suis toujours du côté des victimes, de celles et ceux qui dénoncent ce type de crimes.»
            Au moins, c’est clair, “toujours du côté des victimes”. Victimes avérées ou pas.

  5. Guy dit :

    Bon, étant entièrement d’accord sur le fond de ce billet mon commentaire n’est donc que confirmatif. J’ai juste une question. Je ne sais pas si le fait que vous parliez des personnes trans puis des autistes dans le même paragraphe prenait en compte un élément que j’ai appris incidemment. Au cours de ma brève fréquentation des réseaux sociaux, j’ai pu constater de nombreuses personnes trans se définissaient également comme autistes (Asperger, bien sûr !) Trans ET autiste. Que peut-on trouver de mieux pour attirer l’attention…?

  6. Sami dit :

    Merci pour votre réponse, toujours passionnante.

  7. CVT dit :

    @Descartes,
    hors-sujet (quoique, désormais, nous sommes tous Américains et puritains😬…)
    Que pensez-vous de ce doigt d’honneur des démocrates US?
    Moi, l’effronterie du camp du Bien me fait vraiment peur 🥶…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [Moi, l’effronterie du camp du Bien me fait vraiment peur 🥶…]

      C’est une l’histoire américaine comme les américains aiment la lire. La Démocratie Américaine sauvée par l’homme de la rue – et surtout pas des politiciens ! – travaillant ensemble pour construire cette grande et belle nation et pour éloigner les Forces du Mal. Vous pouvez voir ce schéma répété ad nauseam dans toutes sortes de blockbusters hollywoodiens.

      Pourquoi les PDG des grandes entreprises américaines se sont détournés de Trump dans la droite finale, après l’avoir soutenu pendant quatre longues années ? Par souci de la démocratie, nous dit l’auteur de l’article. C’est drôle d’imaginer qu’il a fallu à ces gens si intelligents quatre longues années pour réaliser que Trump menaçait la démocratie américaine. Curieusement, l’auteur de l’article ne fait aucune référence à l’explication la plus simple (ah, le rasoir d’Occam…) : qu’une fois qu’on a vu dans les sondages que Trump avait une chance minime de gagner, le capital s’est rangé du bon côté, c’est-à-dire, de celui du vainqueur. Pendant quatre longues années, Trump a pu publier n’importe quoi sur Facebook et Tweeter sans que cela déride le moins du monde ces entreprises… mais du jour où il a perdu, les choses ont changé. Vae victis…

      • CVT dit :

        @Descartes,
        [qu’une fois qu’on a vu dans les sondages que Trump avait une chance minime de gagner, le capital s’est rangé du bon côté, c’est-à-dire, de celui du vainqueur]
         
        Après les Primaires démocrates, Biden devant bien Trump dans les sondages, mais tout laissait à penser que Trump devait encore faire mentir ces derniers comme en 2016, donc dire que le vainqueur était désigné d’avance me paraît un peu osé avec le recul…
         
        [Pendant quatre longues années, Trump a pu publier n’importe quoi sur Facebook et Tweeter sans que cela déride le moins du monde ces entreprises]
        Ah bon? Trump a été voué aux gémonies par ces mêmes GAFAM durant tout son mandat: certaines de ces interventions étaient carrément cataloguées comme fèque-niouzes! Mais c’était de bonne guerre, si je puis dire… Par contre, jusqu’à l’élection présidentielle, la censure pure et simple n’était pas de mise,  du moins pas tant que Trump ne s’avise de contester le résultat des urnes…
         
        L’article ne rentre pas dans les détails du décompte des voix, mais selon moi, affirmer que Biden a gagné de façon REGULIERE par urnes est pour le moins osé: on est à peu de chose près dans la même situation que celle qui avait permis à J.F.K de vaincre Richard Nixon en 1960, ou encore G.W Bush d’éliminer Albert Gore en 2000, où les fraudes ont été prouvées ex-post… Trop d’irrégularités ont été relevées, mais l’article explique bien que tous les recours légaux ont sciemment été bloqués, au nom même de la sauvegarde de la démocratie👿!
        Mais selon moi, le plus grave, c’est l’absence de sincérité du scrutin, particulièrement pendant les quatre années du mandat de Trump: on a souvent souligné les limites propres au personnage (égo-politicien, versatile, grossier, manque d’épaisseur intellectuelle, etc… ) mais les divers procédures lancées contre lui l’ont empêché de préparer tranquillement sa réélection, notamment d’empêcher le vote par correspondance qui lui aura été fatal…

        • Descartes dit :

          @ CVT

          [Après les Primaires démocrates, Biden devant bien Trump dans les sondages, mais tout laissait à penser que Trump devait encore faire mentir ces derniers comme en 2016, donc dire que le vainqueur était désigné d’avance me paraît un peu osé avec le recul…]

          Pas tant que ça. Les modèles de prédiction donnaient Bidden gagnant à dix contre un. Ainsi, par exemple, le modèle de « The Economist » donnait entre cinq et dix pour cent de chances à Trump de gagner l’élection à partir du moment ou il est devenu le candidat unique du parti démocrate après le retrait de Sanders. Et même alors, vous noterez que pas mal d’entreprises ont gardé un pied dans chaque sabot : FOX est resté modérément trumpiste, et ni Facebook ni Tweeter n’ont censuré Trump. Ce n’est que lorsque sa défaite était pratiquement acquise qu’on a vu les retournements les plus impressionnants.

          [L’article ne rentre pas dans les détails du décompte des voix, mais selon moi, affirmer que Biden a gagné de façon REGULIERE par urnes est pour le moins osé: on est à peu de chose près dans la même situation que celle qui avait permis à J.F.K de vaincre Richard Nixon en 1960, ou encore G.W Bush d’éliminer Albert Gore en 2000, où les fraudes ont été prouvées ex-post… Trop d’irrégularités ont été relevées, mais l’article explique bien que tous les recours légaux ont sciemment été bloqués, au nom même de la sauvegarde de la démocratie👿!]

          C’est toujours le même dilemme : doit-on remettre en cause une élection au risque de mettre en danger les institutions ? Cela s’est posé en France lors de la campagne de 1995, alors que les candidats Balladur et Chirac avaient tous deux dépassé largement les plafonds de dépenses de campagne. En bon droit, l’élection aurait dû être annulée. Le Conseil constitutionnel a pris peur, et l’a validée. Dans un pays profondément polarisé comme les Etats-Unis ou les institutions fédérales sont toujours fragiles, l’incertitude est dangereuse et tout le monde – démocrates comme républicains – en sont conscients. C’est pourquoi Gore ou Nixon ont préféré admettre une défaite plutôt que de risquer de provoquer une guerre civile.

          [Mais selon moi, le plus grave, c’est l’absence de sincérité du scrutin, particulièrement pendant les quatre années du mandat de Trump: on a souvent souligné les limites propres au personnage (égo-politicien, versatile, grossier, manque d’épaisseur intellectuelle, etc… ) mais les divers procédures lancées contre lui l’ont empêché de préparer tranquillement sa réélection, notamment d’empêcher le vote par correspondance qui lui aura été fatal…]

          Ca fait partie du combat politique… que diriez-vous si Macron expliquait que la médiatisation de l’affaire Benalla lui a empêché de préparer sa réélection ?

  8. Geo dit :

    [Dans les civilisations ou l’assassinat était courant, celui-ci recevait des peines bien plus légères qu’aujourd’hui. Dans beaucoup de civilisations le meurtre peut se racheter avec une simple réparation pécuniaire offerte à son clan… une simple amende, en quelque sorte.]
    Cela s’appelle “le prix de l’homme”, ou “le prix du sang”. Très banal naguère dans des pays comme la Bosnie. Le niveau de violence de la Corse ancienne conduisait même à honorer l’assassinat, selon la manière et le motif.
    Et songez à l’histoire du duel, ou a celle, plus choquante encore pour nous de la roulette russe, et vous verrez que, suffisamment banalisés dans les faits, le meurtre et le suicide ont parfois été sanctifiés même hors des guerres.
    (Et bien entendu, aujourd’hui les féministes héroïseraient instantanément tout meurtre d’un supposé violeur s’il était le fait d’une tueuse plutôt que d’un tueur.)

    • Descartes dit :

      @ Geo

      [Cela s’appelle “le prix de l’homme”, ou “le prix du sang”. Très banal naguère dans des pays comme la Bosnie. Le niveau de violence de la Corse ancienne conduisait même à honorer l’assassinat, selon la manière et le motif.]

      Bien entendu. La pénalisation d’un acte donné implique un consensus social pour considérer cet acte inacceptable. Et la criminalisation étant la dernière marche de la pénalisation, elle exige que l’acte soit consensuellement jugé particulièrement aberrant. Or, comment on pourrait considérer aberrant ou même inacceptable un acte qu’une partie importante de la population pratique couramment ?

      En fait, on assiste à une surenchère pénale par des petites minorités qui prétendent imposer leur vision du monde au reste de la société par un recours assidu au terrorisme intellectuel. On l’a vu même dans les commentaires de ce papier : si vous n’êtes pas pour la criminalisation, vous serez tout de suite accusé de « permettre le viol », voire de l’encourager. Comme si dix ans de prison n’étaient pas une dissuasion suffisante pour empêcher quelqu’un d’introduire son pénis dans la bouche de son prochain. Est-il vraiment nécessaire de prévoir pour un tel acte la possibilité d’une peine de réclusion a perpétuité avec une période de sûreté de vingt ans devant une cour d’assises ? Sans compter sur l’imprescriptibilité, aujourd’hui réservée aux seuls crimes contre l’humanité…

      [(Et bien entendu, aujourd’hui les féministes héroïseraient instantanément tout meurtre d’un supposé violeur s’il était le fait d’une tueuse plutôt que d’un tueur.)]

      Tout à fait. Souvenez-vous de l’affaire Sauvage…

  9. François dit :

    Bonsoir Descartes,
    Vu que vous semblez faire de toutes ces histoires mœurs une question de principe (concernant la présomption d’innocence, l’interdiction de se faire justice soi-même, etc), que même si vous n’appréciez guère les personnes qui en sont victimes et auriez souhaité les voir disparaître de la vie politique, vous condamnez tout de même le sort qui leur est réservé (« il n’est pire trahison que de faire une bonne action pour une mauvaise raison »), je me permets de vous poser cette question :
    Un certain peintre recalé de l’académie des beaux-arts de Vienne est en pleine ascension politique. Un jour vous apprenez que celui-ci est sous la menace d’une coterie de walkyries pour de supposées histoires de mœurs. Vous seul avez le pouvoir d’empêcher cette cabale d’être exécutée et ainsi préserver sa carrière. Que faites vous ?
     
    Personnellement, ce qui me gêne dans ces histoires, c’est particulièrement flagrant pour l’IEP de Paris, c’est qu’il s’agit de la liquidation de la gauche caviar, qui malgré tous ses défauts restait un minimum comestible, pour être remplacée par les indigestes « indigénistes ».

    • Descartes dit :

      @ François

      [Vu que vous semblez faire de toutes ces histoires mœurs une question de principe (…)]

      Je voudrais clarifier ce point. Je ne m’intéresse guère aux « histoires de mœurs ». Pour moi, ce que les gens font dans leur chambre à coucher est entre eux et leur conscience – ou entre eux et le juge, s’ils ont commis un délit. Ce dont je fais une « question de principe » n’est pas tant l’histoire de mœurs en elle-même, mais ce que les médias et l’opinion publique en fait.

      [Un certain peintre recalé de l’académie des beaux-arts de Vienne est en pleine ascension politique. Un jour vous apprenez que celui-ci est sous la menace d’une coterie de walkyries pour de supposées histoires de mœurs. Vous seul avez le pouvoir d’empêcher cette cabale d’être exécutée et ainsi préserver sa carrière. Que faites-vous ?]

      Je l’empêche, bien entendu. Vous noterez qu’au moment ou la question se pose, je n’ai aucun moyen de déterminer si le peintre recalé en question deviendra un dictateur monstrueux, ou au contraire un leader apportant cent ans de paix à son pays. En fait, votre question contient une prémisse cachée : que je peux lire dans l’avenir et déterminer ce que deviendra le peintre en question.

      J’ajoute que votre question suppose que le peintre en question est le pivot de l’histoire, autrement dit, que s’il avait été emporté par la variole dans son enfance, le destin du monde aurait été très différent. Malheureusement, rien ne permet de confirmer cette hypothèse. Les forces qui ont conduit à la deuxième guerre mondiale dépassaient de très loin les hommes qui l’ont faite. Si Hitler était passé sous un camion, un autre leader aurait surgi, peut-être plus intelligent et moins fou que lui, et donc plus dangereux… Imaginez par exemple un leader capable de négocier avec les anglo-saxons un modus vivendi qui lui arait laissé les mains libres sur le continent pour bâtir un empire européen (toute ressemblance avec une situation réelle n’est que pure coïncidence…).

      [Personnellement, ce qui me gêne dans ces histoires, c’est particulièrement flagrant pour l’IEP de Paris, c’est qu’il s’agit de la liquidation de la gauche caviar, qui malgré tous ses défauts restait un minimum comestible, pour être remplacée par les indigestes « indigénistes ».]

      Vous me rappelez le personnage du « Dictateur », qui a la remarque « ça pourrait être pire » répond « vous êtes un optimiste ». Ne me dites pas que vous regrettez la « gauche caviar »…

      • François dit :

        @Descartes,

        [Vu que vous semblez faire de toutes ces histoires mœurs une question de principe (…)]
        Je voudrais clarifier ce point. Je ne m’intéresse guère aux « histoires de mœurs ». Pour moi, ce que les gens font dans leur chambre à coucher est entre eux et leur conscience – ou entre eux et le juge, s’ils ont commis un délit. Ce dont je fais une « question de principe » n’est pas tant l’histoire de mœurs en elle-même, mais ce que les médias et l’opinion publique en fait.

        Je me suis mal exprimé. Ce que je voulais dire, c’est tout le traitement politico-médiatique de ces affaires qui vous importe.
         

        Je l’empêche, bien entendu. Vous noterez qu’au moment ou la question se pose, je n’ai aucun moyen de déterminer si le peintre recalé en question deviendra un dictateur monstrueux, ou au contraire un leader apportant cent ans de paix à son pays. En fait, votre question contient une prémisse cachée : que je peux lire dans l’avenir et déterminer ce que deviendra le peintre en question.

        Reformulons l’expérience de pensée pour la rendre plus générale : vous êtes doué d’un don de prédiction particulièrement développé. Un jour, vous découvrez qu’un individu en pleine ascension et que son accession au pouvoir implique des maux très importants pour l’humanité, de façon perpétuelle, tandis que dans le cas contraire, l’humanité coulera des jours heureux, également de façon perpétuelle. Vous apprenez que cet individu est sous la menace d’une cabale comme mentionnée précédemment. Vous seul avez le pouvoir de l’arrêter. Que faites vous ?
         

        Vous me rappelez le personnage du « Dictateur », qui a la remarque « ça pourrait être pire » répond « vous êtes un optimiste ». Ne me dites pas que vous regrettez la « gauche caviar »…

        « Quand les dieux veulent nous punir, ils réalisent nos rêves ». Je ne sais pas si je « regrette » la disparition de la gauche caviar, en revanche ce que je sais, c’est que si elle est particulièrement haute dans l’échelle de mes ennemis, les allogénistes le sont bien plus. Comme ils aiment le rappeler « le PIR est avenir »…

        • Descartes dit :

          @ François

          [Reformulons l’expérience de pensée pour la rendre plus générale : vous êtes doué d’un don de prédiction particulièrement développé. Un jour, vous découvrez qu’un individu en pleine ascension et que son accession au pouvoir implique des maux très importants pour l’humanité, de façon perpétuelle, tandis que dans le cas contraire, l’humanité coulera des jours heureux, également de façon perpétuelle. Vous apprenez que cet individu est sous la menace d’une cabale comme mentionnée précédemment. Vous seul avez le pouvoir de l’arrêter. Que faites-vous ?]

          Vous me rappelez une nouvelle de science fiction de Domingo Santos, « Le professeur Charlie Brown et les paradoxes de l’espace-temps ». Dans la nouvelle, le professeur explique à ses étudiants que le passé ne peut être modifié, et qu’un voyageur dans le temps ne pourrait rien modifier sans violer les lois de la physique. Disposant d’une machine à voyager dans le temps, il se propose de le montrer par l’expérience : il ira dans le passé et tuera le président Roosevelt. Il revient donc en 1938, se rend dans un banquet ou le président doit intervenir, et tire sur lui. A la dernière seconde, le président se penche et la balle le rate. Le professeur retourne dans le présent en pensant avoir montré sa théorie… mais lorsqu’il est de retour, il voit sa ville pavoisée de drapeaux à croix gammée. On lui apprend que dans un banquet, alors que Roosevelt était présent, un fou avait tiré sur lui, et qu’en se penchant il avait été sauvé… mais la balle avait tué son plus proche conseiller, l’âme de son camp. Les Etats-Unis avaient donc perdu la guerre. Le professeur se dit alors qu’il faut tuer Hitler pour rétablir les choses, voyage en 1933 et tue Hitler. Lorsqu’il revient, sa ville est pavoisée de drapeaux rouges et il apprend que Staline a gagné la guerre et domine le monde. Le professeur décide alors de tuer Staline… et se retrouve avec un régime encore pire à son retour. Et de proche en proche, il tue différents leaders… jusqu’à réaliser que la seule façon de réparer le monde, c’est de tuer Adam et Eve !

          En d’autres termes, votre question est qu’est-ce que je ferais si j’étais Yahvé. Votre question me met dans la situation non seulement d’être omniscient (puisque je connais les conséquences de tous mes actes) mais aussi tout puissant (puisque je peux changer le cours de l’histoire). J’attire votre attention sur un autre problème. Comme vous le dites, dans un cas nous avons des « maux très importants », dans l’autre « des jours heureux ». Maintenant, cela pose la question de savoir qui est juge de ce qui est un « mal » et de ce qui est « heureux ». Ais-je le droit d’imposer MA conception du « bien » et du « bonheur » au reste de l’humanité ?

          Comme vous le voyez, la question que vous posez n’a pas de réponse simple.

          • François dit :

            @Descartes

            Vous me rappelez une nouvelle de science fiction de Domingo Santos, « Le professeur Charlie Brown et les paradoxes de l’espace-temps (…) »

            C’est pour cela que j’ai choisi un individu doté de facultés d’omniscience et d’omnipotence afin d’évacuer les paradoxes temporels.
             

            Maintenant, cela pose la question de savoir qui est juge de ce qui est un « mal » et de ce qui est « heureux ». Ais-je le droit d’imposer MA conception du « bien » et du « bonheur » au reste de l’humanité ?

            Je pensais tout simplement à une vision du bonheur dans lequel l’intégralité de l’humanité (à part notre personne dont vous avez le sort entre les mains) serait libérée de la guerre, de la famine, ne vivrait pas dans la misère matérielle et intellectuelle, mourrait de vieillesse à une age avancé, etc, là où le mal consisterait en tout le contraire (guerre, famine, misère, mort violente et précoce, etc, au quotidien).
            Mais bon, puisque vous avez décidé d’être particulièrement méticuleux sur les hypothèses de base de mon expérience de pensée, rajoutons qu’il s’agit de votre conception du bonheur/malheur qui est prise en compte et que cette vision est partagée par l’intégralité de l’humanité.
            L’idée étant de savoir quelles sont les limites de votre impératif catégorique (si elles existent).

            • Descartes dit :

              @ François

              [C’est pour cela que j’ai choisi un individu doté de facultés d’omniscience et d’omnipotence afin d’évacuer les paradoxes temporels.]

              Oui, mais du coup le dilemme que vous vouliez poser disparaît. Si je connais l’acte qui fera le bonheur de l’humanité et à l’inverse l’acte qui condamnerait cette dernière au malheur, le choix est facile.

              [L’idée étant de savoir quelles sont les limites de votre impératif catégorique (si elles existent).]

              Suffisait de poser la question dans ces termes… Comme vous le savez, je suis d’abord un pragmatique et un matérialiste. A partir de là, « salus populi suprema lex esto » est ma devise. Et si le « salus populi » demande des actes contraires à la loi ou à la morale… tant pis.

              Le dilemme apparaît précisément parce que je n’ai aucun moyen fiable de déterminer ce qui est le « salus populi ». Et la véritable question est de savoir si j’ai le droit disons de tuer quelqu’un en fonction de ce que MOI je pense être le « salus populi ». Si vous me donnez intellectuellement ce moyen sous forme de l’omniscience, le problème disparait.

      • @ Descartes,
         
        [Malheureusement, rien ne permet de confirmer cette hypothèse. Les forces qui ont conduit à la deuxième guerre mondiale dépassaient de très loin les hommes qui l’ont faite.]
        Dans son ouvrage sur Bohémond d’Antioche (une figure importante de la première Croisade, mais ce n’est pas ce qui nous intéresse ici), l’historien médiéviste Jean Flori explique que l’apport de l’école des Annales (prise en compte du temps long, importance accordée aux phénomènes sociaux et économiques), s’il est fondamental, ne doit pas pour autant minorer l’action d’individus particuliers qui jouent le rôle de “catalyseur” à un moment donné. Pour le dire autrement, l’histoire met en place comme des composants chimiques, mais le catalyseur, selon sa nature, produit des résultats qui peuvent être différents. Je reprends la métaphore de Flori, qui me semble pertinente. Sans Hitler, une guerre aurait sans doute éclaté, mais elle aurait sans doute été bien différente de celle que nous avons connue. 
         
        [Si Hitler était passé sous un camion, un autre leader aurait surgi, peut-être plus intelligent et moins fou que lui, et donc plus dangereux…]
        Je suis un peu surpris de ce que vous écrivez là. Hitler n’était à ma connaissance ni stupide, ni fou. C’est même un génie de la propagande et de la manipulation des masses. Son programme, pour irrationnel et monstrueux qu’il nous apparaisse, correspondait selon toute vraisemblance aux aspirations d’une partie de la société allemande. Quant à trouver un leader plus dangereux… Faut quand même se lever de bonne heure pour trouver un dirigeant plus dangereux qu’Adolf Hitler!
         
        [Imaginez par exemple un leader capable de négocier avec les anglo-saxons un modus vivendi qui lui arait laissé les mains libres sur le continent pour bâtir un empire européen (toute ressemblance avec une situation réelle n’est que pure coïncidence…).]
        Mais ça, ça n’aurait pas pu arriver: comme je le dis à mes élèves, “n’oubliez jamais cette constance de la politique britannique en Europe, ne jamais accepter la constitution d’une puissance hégémonique sur le continent”. C’était vrai en 1700 sous Louis XIV, c’était vrai en 1815 au temps de Napoléon, c’était vrai en 1914 avec l’empire allemand, c’était vrai en 1920 (on l’a oublié, mais les Anglais se sont inquiétés de la puissance retrouvée de la France au lendemain de la Grande Guerre, quand notre pays jouait les arbitres en Europe centrale et balkanique et se constituait un réseau de pays-clients), c’était tout aussi vrai en 1940 avec le III° Reich.

        • Descartes dit :

          @nationaliste-ethniciste

          [Sans Hitler, une guerre aurait sans doute éclaté, mais elle aurait sans doute été bien différente de celle que nous avons connue.]

          Différente, certainement. Moins terrible… je ne sais pas.

          [« Si Hitler était passé sous un camion, un autre leader aurait surgi, peut-être plus intelligent et moins fou que lui, et donc plus dangereux… » Je suis un peu surpris de ce que vous écrivez là. Hitler n’était à ma connaissance ni stupide, ni fou. C’est même un génie de la propagande et de la manipulation des masses.]

          Avez-vous lu la biographie de Hitler par Ian Kershaw ? Je vous la conseille. Il montre bien que Hitler n’était peut-être pas stupide, mais n’était pas particulièrement intelligent – d’une façon générale, l’activité intellectuelle lui était étrangère. Ce qui a fait sa force, c’était son charisme, son intuition psychologique qui lui permettait d’exploiter les faiblesses de ses adversaires, et son talent de parieur. Quant à savoir s’il était « fou » ou pas, cela dépend de ce qu’on appelle « folie ». Sa haine des juifs, par exemple, a été décrite comme « pathologique » par plusieurs personnes qui l’ont fréquenté…

          [Son programme, pour irrationnel et monstrueux qu’il nous apparaisse, correspondait selon toute vraisemblance aux aspirations d’une partie de la société allemande. Quant à trouver un leader plus dangereux… Faut quand même se lever de bonne heure pour trouver un dirigeant plus dangereux qu’Adolf Hitler!]

          Pas vraiment. Un leader qui aurait été moins obsédé par la revanche sur la France et qui aurait orienté tous ses efforts sur la conquête de l’URSS aurait pu gagner la guerre… avec le soutien des puissances occidentales. Là encore, lisez Kershaw.

          [« Imaginez par exemple un leader capable de négocier avec les anglo-saxons un modus vivendi qui lui arait laissé les mains libres sur le continent pour bâtir un empire européen (toute ressemblance avec une situation réelle n’est que pure coïncidence…). » Mais ça, ça n’aurait pas pu arriver: comme je le dis à mes élèves, “n’oubliez jamais cette constance de la politique britannique en Europe, ne jamais accepter la constitution d’une puissance hégémonique sur le continent”.]

          Oui. Mais les « anglo-saxons » ne se réduisent pas aux Britanniques. Il y a aussi les Américains qui, eux, n’ont pas ce type de problème. Un dirigeant plus flexible que Hitler et moins obsédé par la revanche aurait pu compter sur le soutien des Américains.

          • @ Descartes,
             
            [Différente, certainement. Moins terrible… je ne sais pas.]
            Je ne dis pas moins terrible. Je dis simplement différente.
             
            [Avez-vous lu la biographie de Hitler par Ian Kershaw ? Je vous la conseille. Il montre bien que Hitler n’était peut-être pas stupide, mais n’était pas particulièrement intelligent – d’une façon générale, l’activité intellectuelle lui était étrangère. Ce qui a fait sa force, c’était son charisme, son intuition psychologique qui lui permettait d’exploiter les faiblesses de ses adversaires, et son talent de parieur.]
            Non, je ne l’ai pas lue. Et je ne pense pas qu’il soit possible d’écrire une biographie valable d’Hitler à ce jour. Les événements sont trop proches. Il faudra plusieurs décennies avant que l’on puisse aborder ce personnage d’une manière, non pas neutre, mais du moins dépassionnée.
             
            Ensuite faut pas tout confondre: on peut être très intelligent et détester l’activité intellectuelle… On ne devient pas seigneur et maître de l’Allemagne par hasard, surtout quand on est fils d’un garde-frontière autrichien, autant dire le fils de personne, et à demi-étranger de surcroît. Hitler avait de très grands talents d’organisateur et de propagandiste. Il faut quand même se souvenir de ce qu’était le NSDAP lorsqu’il en a pris les commandes à l’aube des années 20: un groupuscule insignifiant. Une dizaine d’années après, Hitler était chancelier du Reich. Il a su, avec une habileté consommée et une absence totale de scrupule, éliminer certains concurrents, se rallier le grand patronat allemand et rassurer l’armée pour s’ouvrir le chemin du pouvoir. En tant que politicien, ce qu’a fait Hitler relève du génie. Je ne dis pas qu’il faut admirer l’homme, mais il faut lui reconnaître certains talents et, plus important, une compétence à s’en servir. C’est déjà pas mal.
             
            [Sa haine des juifs, par exemple, a été décrite comme « pathologique » par plusieurs personnes qui l’ont fréquenté…]
            Bof. Charles Maurras et Louis-Ferdinand Céline étaient des antisémites compulsifs, voire obsessionnels. Cela ne suffit pas à en faire des malades. Je vous mets en garde contre cette tendance à “médicaliser” les comportements qui nous semblent irrationnels. N’oublions pas qu’au début des années 20, Hitler évoluait dans un milieu, celui de l’extrême droite du sud de l’Allemagne, où un très fort antisémitisme relevait pour ainsi dire de la norme. 
             
            [Un leader qui aurait été moins obsédé par la revanche sur la France et qui aurait orienté tous ses efforts sur la conquête de l’URSS aurait pu gagner la guerre…]
            Mais un leader nationaliste allemand n’aurait pas pu être “moins obsédé par la revanche sur la France”: c’est bel et bien la France qui a contribué le plus à la défaite de l’Allemagne en 1918, c’est la France qui a cherché à écraser durablement l’Allemagne, à lui faire payer des dommages de guerre, voire à l’humilier (occupation de la Rhénanie) et à rejeter sur elle l’entière responsabilité du conflit. Si Kershaw s’imagine qu’un leader nationaliste allemand des années 30 pouvait faire l’économie d’une remise en cause du “diktat de Versailles”, il est bien naïf. Par ailleurs, la France des années 20 et 30 apparaît encore comme une très grande puissance, et on voit mal l’Allemagne reprendre ses rêves d’hégémonie sans marcher sur le cadavre de notre pays.
             
            [Oui. Mais les « anglo-saxons » ne se réduisent pas aux Britanniques.]
            Certes. Mais je vous rappelle que les Britanniques de 1940, ce ne sont pas les Britanniques d’aujourd’hui: c’est encore un empire sur lequel le soleil ne se couche jamais… L’empire britannique pouvait encore parler d’égal à égal avec l’Oncle Sam. Donc les “Anglo-saxons”, c’étaient pour moitié les Britanniques et leurs colonies…

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [« Avez-vous lu la biographie de Hitler par Ian Kershaw ? Je vous la conseille. Il montre bien que Hitler n’était peut-être pas stupide, mais n’était pas particulièrement intelligent – d’une façon générale, l’activité intellectuelle lui était étrangère. Ce qui a fait sa force, c’était son charisme, son intuition psychologique qui lui permettait d’exploiter les faiblesses de ses adversaires, et son talent de parieur. » Non, je ne l’ai pas lue. Et je ne pense pas qu’il soit possible d’écrire une biographie valable d’Hitler à ce jour. Les événements sont trop proches. Il faudra plusieurs décennies avant que l’on puisse aborder ce personnage d’une manière, non pas neutre, mais du moins dépassionnée.]

              Lisez le livre de Kershaw, il devrait vous plaire. Il est parfaitement « dépassionné » et aborde Hitler et son temps d’une manière tout à fait « valable ». En particulier, il montre comment l’image du régime nazi comme d’une machine bureaucratique parfaitement organisée est une illusion rétrospective.

              [Ensuite faut pas tout confondre : on peut être très intelligent et détester l’activité intellectuelle…]

              Pourriez-vous donner un exemple ?

              [On ne devient pas seigneur et maître de l’Allemagne par hasard, surtout quand on est fils d’un garde-frontière autrichien, autant dire le fils de personne, et à demi-étranger de surcroît. Hitler avait de très grands talents d’organisateur et de propagandiste.]

              De propagandiste, oui. D’organisateur, non. Le NSDAP n’a pas été organisé par lui, mais par d’autres (notamment Drexler, Eckart, et plus tard Strasser et Streicher). Les principaux talents qui permirent à Hitler de prendre le pouvoir était celui d’orateur, ainsi que sa capacité à « sentir » intuitivement les rapports de force et ce que Kershaw appelle son « instinct de parieur ». Ainsi, en 1936 il avait « parié » que la France n’irait pas à la guerre en cas de réarmement de la Rhénanie, 1938 il avait « parié » que les puissances n’iraient pas à la guerre pour la Tchecoslovaquie, en 1939 que la France ne traverserait pas le Rhin une fois la Pologne envahie. Mais il a aussi « parié » que la Grande Bretagne accepterait de négocier après la défaite de la France, puis que l’URSS s’effondrerait au premier coup de boutoir…

              [Il faut quand même se souvenir de ce qu’était le NSDAP lorsqu’il en a pris les commandes à l’aube des années 20: un groupuscule insignifiant. Une dizaine d’années après, Hitler était chancelier du Reich.]

              C’est une vision un peu réductrice. Le NSDAP était peut-être un groupuscule insignifiant, mais porté par un mouvement puissant – le mouvement völkisch – composé d’un grand nombre de groupuscules insignifiants. Hitler n’a fait que coaliser tous ces groupuscules. Pour cela, pas besoin d’une grande intelligence. Du charisme, de l’intuition et un talent d’orateur étaient largement suffisants. La peur du communisme a fait le reste.

              [Il a su, avec une habileté consommée et une absence totale de scrupule, éliminer certains concurrents, se rallier le grand patronat allemand et rassurer l’armée pour s’ouvrir le chemin du pouvoir.]

              Absence de scrupules, certainement. Habilité consommée… pas vraiment. Il a simplement suivi ses penchants. Il a eu de la chance que ses penchants étaient adaptés aux courants de l’époque. Rien ne montre que Hitler ait fait une analyse puissante de la situation – il n’avait d’ailleurs guère les instruments intellectuels d’une telle analyse – qui l’ait amené à une stratégie « habilement » pensée. Non, Hitler n’avait aucune capacité théorique. A chaque fois, il a suivi ses penchants. Il a eu de la chance dans les années 1930, c’est tout, et cette chance peut laisser penser à de l’habileté. Mais vous noterez que quand le vent a tourné, un homme « habile » aurait compris qu’il fallait changer de ligne. Pas Hitler, qui a continué sur la même logique.

              [En tant que politicien, ce qu’a fait Hitler relève du génie.]

              Non. Cela relève de la chance. Et la meilleure preuve en est que quand la chance a tourné, il s’est fait battre à pleines coutures et que rien de ce qu’il a construit n’est resté.

              [« Sa haine des juifs, par exemple, a été décrite comme « pathologique » par plusieurs personnes qui l’ont fréquenté… » Bof. Charles Maurras et Louis-Ferdinand Céline étaient des antisémites compulsifs, voire obsessionnels. Cela ne suffit pas à en faire des malades.]

              Dans le cas de Céline, oui. Maurras était antisémite, mais certainement pas « compulsif ». La preuve en est que lorsqu’il a eu à choisir entre son antisémitisme et son antigermanisme, il était bien embêté.

              [N’oublions pas qu’au début des années 20, Hitler évoluait dans un milieu, celui de l’extrême droite du sud de l’Allemagne, où un très fort antisémitisme relevait pour ainsi dire de la norme.]

              Je ne parle pas de l’antisémitisme des années 1920, mais de l’antisémitisme des années 1940. Quand on voit la priorité que Hitler donne en 1942 à l’extermination des juifs alors que cela l’amène à détruire ou détourner des ressources indispensables à la poursuite de la guerre, il est difficile de ne pas voir un comportement psychotique.

              [« Un leader qui aurait été moins obsédé par la revanche sur la France et qui aurait orienté tous ses efforts sur la conquête de l’URSS aurait pu gagner la guerre… » Mais un leader nationaliste allemand n’aurait pas pu être “moins obsédé par la revanche sur la France”: c’est bel et bien la France qui a contribué le plus à la défaite de l’Allemagne en 1918, c’est la France qui a cherché à écraser durablement l’Allemagne, à lui faire payer des dommages de guerre, voire à l’humilier (occupation de la Rhénanie) et à rejeter sur elle l’entière responsabilité du conflit.]

              Je n’ai pas dit « un leader qui n’aurait pas été obsédé », mais « un leader qui aurait été MOINS obsédé ».

              [Si Kershaw s’imagine qu’un leader nationaliste allemand des années 30 pouvait faire l’économie d’une remise en cause du “diktat de Versailles”, il est bien naïf.]

              Bien sur que non. Mais on trouvait en France suffisamment des voix « compréhensives » envers la volonté allemande de déchirer le traité de Versailles. Un leader plus intelligent et moins conduit par ses obsessions aurait pu trouver une façon plus intelligente de dominer la France. Après tout, si Kohl a réussi…

              [« Oui. Mais les « anglo-saxons » ne se réduisent pas aux Britanniques. » Certes. Mais je vous rappelle que les Britanniques de 1940, ce ne sont pas les Britanniques d’aujourd’hui : c’est encore un empire sur lequel le soleil ne se couche jamais… L’empire britannique pouvait encore parler d’égal à égal avec l’Oncle Sam.]

              Certes, les Britanniques de 1940 ne sont pas ceux d’aujourd’hui, mais ils ne sont pas non plus ce qu’ils étaient du temps de Victoria. Après 1914-18, ni la France ni la Grande Bretagne ne parlent plus « d’égal à égal » avec les Américains. Si Hitler avait réussi à négocier un accord avec les Américains assurant le respect des intérêts américains et britanniques dans le monde en échange des mains libres en Europe, les Américains auraient peut-être accepté et dans ce cas les britanniques auraient été obligés jusqu’à un certain point de suivre. Et n’oubliez pas que les Américains ont très longtemps gardé deux feux au feu… c’est l’Allemagne qui a déclaré la guerre aux Etats-Unis, et non l’inverse.

            • @ Descartes,
               
              [Pourriez-vous donner un exemple ?]
              Des trafiquants de drogue mènent très intelligemment leur business sans avoir lu Aristote ou la Princesse de Clèves… Mais pour donner un exemple précis, j’ai connu un enfant de la “communauté des gens du voyage” qui avait beaucoup d’esprit, un sens inné de la répartie et de la provocation, et qui savait à peine lire.
               
              [Du charisme, de l’intuition et un talent d’orateur étaient largement suffisants.]
              Je ne comprends pas pourquoi l’ “intuition” ne rentrerait pas dans le champ de l’intelligence… Quant au charisme et au talent d’orateur, ça se travaille.
               
              [Non. Cela relève de la chance.]
              Sans vouloir vous offenser, expliquer le parcours d’Hitler par la “chance”, c’est la méthode de ceux qui n’ont pas d’explication à proposer. Bien sûr, la chance existe, mais enfin mettre une telle ascension politique sur le compte de la chance me paraît quelque peu osé.
               
              [Et la meilleure preuve en est que quand la chance a tourné, il s’est fait battre à pleines coutures et que rien de ce qu’il a construit n’est resté]
              Je pense que vous confondez deux choses: l’intelligence politique de Hitler n’exclut pas son incompétence dans la conduite des opérations militaires.

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [Des trafiquants de drogue mènent très intelligemment leur business sans avoir lu Aristote ou la Princesse de Clèves…]

              Je crois que vous confondez « activité culturelle » et « activité intellectuelle ». Je connais des grands joueurs de poker qui n’ont pas lu Aristote ou la Princesse de Clèves, mais qui sont capables de calculer un risque ou de se souvenir de toutes les cartes qui sont sorties. Diriez-vous qu’ils n’ont pas d’activité intellectuelle ?

              [« Du charisme, de l’intuition et un talent d’orateur étaient largement suffisants. » Je ne comprends pas pourquoi l’ “intuition” ne rentrerait pas dans le champ de l’intelligence… Quant au charisme et au talent d’orateur, ça se travaille.]

              Ca peut se travailler, mais chez certains cela vient naturellement. Pour ce qui concerne l’intuition – qu’il ne faut pas confondre avec l’induction – on ne la classe en général pas parmi les mécanismes qui constituent l’intelligence.

              [« Non. Cela relève de la chance. » Sans vouloir vous offenser, expliquer le parcours d’Hitler par la “chance”, c’est la méthode de ceux qui n’ont pas d’explication à proposer. Bien sûr, la chance existe, mais enfin mettre une telle ascension politique sur le compte de la chance me paraît quelque peu osé.]

              Je pense que vous avez une pensée trop téléologique. Imaginez-vous que vous avez dix candidats à une élection, et que dans un chapeau vous mettez dix propositions. Chaque candidat tire une proposition du chapeau, et proclame ensuite qu’elle constitue son programme. L’un des candidats est élu, parce qu’il se trouve que sa proposition coïncide avec ce que les électeurs veulent entendre. Il semble évident que son élection est due au hazard.

              Je soutien que la carrière de Hitler s’explique par un mécanisme semblable. Il n’a pas été élu parce qu’il a fait une analyse approfondie de l’état de la société allemande et qu’il a choisi un discours et une stratégie en conséquence. Il a plutôt choisi un discours et une stratégie en fonction de ses marottes et de ses obsessions, et il se trouve que par chance il est tombé juste. Par certains côtés, on peut dire que tous les politiques « idéologues » qui arrivent au pouvoir le font « par chance ». S’il leur arrive de vivre une période dans laquelle leurs idées ne sont pas adaptées au besoin du moment, ils resteront à la marge. Seuls les politiciens « flexibles », capables d’adapter leurs idées aux circonstances, arrivent au pouvoir par leurs qualités…

              [« Et la meilleure preuve en est que quand la chance a tourné, il s’est fait battre à pleines coutures et que rien de ce qu’il a construit n’est resté » Je pense que vous confondez deux choses: l’intelligence politique de Hitler n’exclut pas son incompétence dans la conduite des opérations militaires.]

              Certes. Mais l’intelligence politique n’aurait pas dû lui permettre de comprendre ses limites, et donc de confier les opérations militaires à des gens plus compétents que lui ?

            • @ Descartes,
               
              [Par certains côtés, on peut dire que tous les politiques « idéologues » qui arrivent au pouvoir le font « par chance ». S’il leur arrive de vivre une période dans laquelle leurs idées ne sont pas adaptées au besoin du moment, ils resteront à la marge. Seuls les politiciens « flexibles », capables d’adapter leurs idées aux circonstances, arrivent au pouvoir par leurs qualités…]
              Admettons. Donc de Gaulle, dont les marottes étaient la grandeur de la France et un rééquilibrage des pouvoirs en faveur de l’exécutif, est arrivé au pouvoir “par chance” en 1958, nous sommes d’accord?
              Votre thèse, pour séduisante qu’elle paraisse, me semble sous-estimer un point: certains politiques parviennent quand même à faire partager “leurs marottes et leurs obsessions” (moi je dirais plutôt “convictions”, mais bon) à une partie de leurs contemporains.
               
              [Mais l’intelligence politique n’aurait pas dû lui permettre de comprendre ses limites, et donc de confier les opérations militaires à des gens plus compétents que lui ?]
              Bonne remarque. Mais on peut être intelligent et être jaloux de son pouvoir, ou se méfier de ses subordonnés. On peut également être intelligent et se laisser griser par le succès au point d’oublier toute sagesse. Assurément, Hitler a manqué de sagesse, car “l’homme sage est celui qui connaît ses limites”. On ne s’en plaindra pas, puisque cela a permis de le vaincre.

            • Descartes dit :

              @ nationaliste-ethniciste

              [Admettons. Donc de Gaulle, dont les marottes étaient la grandeur de la France et un rééquilibrage des pouvoirs en faveur de l’exécutif, est arrivé au pouvoir “par chance” en 1958, nous sommes d’accord ?]

              Oui. Cette « chance » ne retire en rien à son mérite ou à la qualité de sa réflexion. Cela ne retire rien non plus à son habileté à exploiter la « chance » qui lui était offerte. Mais il est clair que si les circonstances avaient été autres, tout son génie ne l’aurait pas empêché de finir sa vie à Colombey, oublié de tous sauf de ses plus fidèles partisans.

              Pour amender peut-être mon propos un peu trop simplificateur, je dirais qu’il y a certes la « chance », mais qu’il y a aussi la capacité de l’homme politique à saisir la chance, à exploiter au mieux la situation. L’habileté du surfeur ne peut remplacer la vague, mais lorsque la vague est là tous les surfeurs ne sont pas égaux devant elle…

              [Votre thèse, pour séduisante qu’elle paraisse, me semble sous-estimer un point: certains politiques parviennent quand même à faire partager “leurs marottes et leurs obsessions” (moi je dirais plutôt “convictions”, mais bon) à une partie de leurs contemporains.]

              Seulement si les circonstances s’y prêtent. En 1958 De Gaulle a « fait partager ses convictions » à une très large majorité des Français. En 1969, ce n’était plus le cas. Et ce n’est pas seulement parce que mongénéral avait vieilli, c’est parce que les circonstances avaient changé et que les contemporains n’étaient plus était – je dirais même qu’ils n’avaient plus d’intérêt – à partager ces convictions.

              [« Mais l’intelligence politique n’aurait pas dû lui permettre de comprendre ses limites, et donc de confier les opérations militaires à des gens plus compétents que lui ? » Bonne remarque. Mais on peut être intelligent et être jaloux de son pouvoir, ou se méfier de ses subordonnés.]

              L’intelligence, c’est la capacité à traiter et systématiser de l’information. Un dirigeant « intelligent » sait quels sont les combats qu’il peut gagner tout seul, et ceux qu’il ne peut gagner qu’en faisant appel à d’autres. Lorsque l’homme politique choisit finalement de perdre la guerre tout seul plutôt que de la gagner avec d’autres, peut-on parler encore d’intelligence ?

              Prenez Staline, lui aussi jaloux de son pouvoir et – si l’on croit ses adversaires, mais j’avoue que je n’y crois guère – parfaitement paranoïaque. Son attitude fut l’inverse de celle d’Hitler. Conscient de ses propres insuffisances comme commandant militaire, il confia la question à des professionnels – quitte à aller les chercher parmi ses adversaires politiques – et laissa ses commandants faire leur travail avec une très large autonomie sans se mêler des affaires de stratégie militaire.

              [On peut également être intelligent et se laisser griser par le succès au point d’oublier toute sagesse.]

              Pas si on est « intelligent », justement… ou alors nous n’avons pas la même idée de ce qu’est l’intelligence.

        • Ian Brossage dit :

          @n-e

          Hitler n’était à ma connaissance ni stupide, ni fou. C’est même un génie de la propagande et de la manipulation des masses. Son programme, pour irrationnel et monstrueux qu’il nous apparaisse, correspondait selon toute vraisemblance aux aspirations d’une partie de la société allemande.

          Est-ce qu’on peut vraiment dire que l’extermination des juifs correspondait aux « aspirations d’une partie de la société allemande » ? La preuve que non, a priori, c’est que les nazis eux-mêmes étaient loin de se vanter de cette politique. La persécution et la marginalisation des juifs étaient une chose, mais consacrer de précieuses ressources militaires à leur élimination totale n’était probablement une aspiration de la société allemande (et n’était objectivement pas en son intérêt, encore moins en temps de guerre).
           

          • @ Ian Brossage,
             
            [La preuve que non, a priori, c’est que les nazis eux-mêmes étaient loin de se vanter de cette politique. La persécution et la marginalisation des juifs étaient une chose,]
            Ne prenons pas les Allemands pour des naïfs. Après la Nuit de Cristal, les violences, les meurtres commis ouvertement, parfois en pleine rue, on ne me fera pas croire que les Allemands ignoraient ce qui adviendraient de leurs voisins juifs emmenés par la police du régime. Que les Allemands n’aient pas eu envie d’en savoir plus n’exclut pas qu’ils se doutaient de la réalité. “Il n’est de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir”…
             
            Ceux qui passent leur temps à couvrir d’opprobre “les blancs”, à dénoncer le “privilège blanc”, à voir du “racisme systémique” partout devraient y réfléchir à deux fois: on commence par diaboliser, on finit par exterminer…

    • Ian Brossage dit :

      @François

      Personnellement, ce qui me gêne dans ces histoires, c’est particulièrement flagrant pour l’IEP de Paris, c’est qu’il s’agit de la liquidation de la gauche caviar, qui malgré tous ses défauts restait un minimum comestible, pour être remplacée par les indigestes « indigénistes ».

      Personnellement, je vois aux indigénistes une vertu par rapport à la gauche caviar : c’est qu’ils sont et resteront très minoritaires dans l’opinion française, et n’ont donc quasiment aucune chance d’exercer le pouvoir.
       

      • Descartes dit :

        @ Ian Brossage

        [Personnellement, je vois aux indigénistes une vertu par rapport à la gauche caviar : c’est qu’ils sont et resteront très minoritaires dans l’opinion française, et n’ont donc quasiment aucune chance d’exercer le pouvoir.]

        C’est un peu ce qu’on disait de l’extrême droite à une époque, et la voilà aux portes du pouvoir…

        Je crains que vous ne péchiez par un optimisme invétéré.

        • Ian Brossage dit :

          @Descartes

          C’est un peu ce qu’on disait de l’extrême droite à une époque, et la voilà aux portes du pouvoir…

          Mais l’extrême-droite a beaucoup changé depuis cette époque. À quoi ressembleraient les indigénistes s’ils changeaient autant que l’extrême-droite a changé ? Je n’en sais rien.

          Je crains que vous ne péchiez par un optimisme invétéré.

          Ah… Je ne vois pas trop ce que cet optimisme (très relatif) a d’« invétéré ».
           

      • François dit :

        @Ian Brossage

        Personnellement, je vois aux indigénistes une vertu par rapport à la gauche caviar : c’est qu’ils sont et resteront très minoritaires dans l’opinion française, et n’ont donc quasiment aucune chance d’exercer le pouvoir.

        Sans même parler d’exercice du pouvoir politique, cette engeance est en train de s’accaparer tous les lieux du pouvoir métapolitique : université, institutions culturelles, médias, etc. Et quand on sait que le métapolitique a une importante influence sur le politique tout court…

  10. Vincent dit :

    @Descartes
     
    [la mode est performative. Ainsi, par exemple, on a vu ces dernières années se multiplier les enfants « trans », avec à la clé des traitements hormonaux et même chirurgicaux que les individus en question, devenus plus matures, regrettent. Mais sur le fond, y a-t-il plus d’enfants ayant des difficultés avec leur sexe biologique qu’avant ? Rien ne l’indique. Seulement, dans le discours médiatique le « trans » est valorisé.]
    Je fais le même constat que vous, qu’il y a une “épidémie” de trans (naturellement, je n’assimile pas cela à une maladie, pas la peine de m’insulter, pour ceux qui seraient outrés par le terme).
    Mais je ne pense pas qu’on puisse faire de lien direct entre le fait que cette spécificité permette de se rendre intéressant, et la multiplication des cas. Je m’explique :
     
    On voit fleurir partout depuis quelques décennies des livres de développement personnel, des “coachs” en développement personnel, des pratiques de méditation, d’introspection, etc. qui ont toutes en commun de conduire chacun à se recentrer sur lui même pour découvrir ce qu’il est vraiment, comme s’il y avait réellement quelque chose à découvrir. Et à force de chercher et de se poser des questions, on finit par trouver des réponses (quitte à créer des faux souvenirs, et il est démontré que ce type de pratiques peut conduire à créer des faux souvenirs).
    Dès lors, faut-il s’étonner qu’à force de se poser des questions, certains se disent qu’ils auraient été plus heureux s’ils avaient été de l’autre sexe, puis que, de là, ils se disent qu’ils auraient dû être de l’autre sexe, puis se fabriquent des souvenirs pour étayer qu’ils ont toujours su inconsciemment qu’ils étaient de l’autre sexe…
    Et voilà selon moi la cause de l’épidémie (chez les adultes). Essentiellement des personnes qui se posent trop de questions existentielles.
     
    Là où cela rejoint un peu votre analyse, c’est que ce qui est à l’origine de cette vague de développement personnel est (selon moi) le besoin, dans une société libérale et individualiste, de se trouver une identité qui ne soit pas comme tout le monde. En gros, soit on a un moyen de se distinguer… soit on se retrouve “mal dans sa peau”, et on va vers le développement personnel pour être moins mal dans sa peau…
     
    Est ce que le développement personnel n’est pas au final le moyen pour chacun de trouver le truc qui va lui permettre de se distinguer des autres ?
     
    S’agissant de la vague de trans chez les enfants, voici mon interprétation :
     
    Je n’ai aucun mal à croire que des parents hyper versés dans l’introspection puissent pousser, sans doute par maladresse, leurs enfants à devenir trans : pour parler d’un cas très personnel (même si Descartes n’aime pas ça), j’ai des garçons, qui en age de maternelle m’ont fait des jeux comme : prendre un drap et se le mettre sdessus pour dire que c’était sa robe ; jouer à la maîtresse ; ou jouer à deux ou au papa et à la maman, ou au roi et à la reine. Quand ils étaient dans leur jeu, ils étaient tout à fait capable de me dire qu’ils sont des filles ou qu’il fallait les appeler “Madame”.
     
    Il est probable que certains parents, face à ce type de jeu, surinterprètent la parole de leurs enfants (se disent que leur enfant est décu de son sexe), et finissent par se mettre dans la tête, puis à leur mettre dans la tête, que leur genre ne correspond pas à leur sexe.
     
    Naturellement, pour moi comme pour vous, la responsabilité des parents est totale !
     
    [De même, on qualifie aujourd’hui « d’autiste » n’importe quel trouble de l’apprentissage ou de la sociabilité de l’enfant tout simplement parce qu’on se rend bien plus intéressant en société en ayant un enfant autiste qu’en ayant un enfant oligophrène.]
     
    Sur la question du diagnostic d’autisme…
    Il y a eu une explosion des diagnostics chez les enfants comme chez les adultes, mais il faut à mon sens distinguer les deux situations.
    Chez les enfants, je me demande si vous ne mélangez pas un peu l’autisme et les “troubles dys”.
    Il y a effectivement une grosse augmentation de la prévalence de l’autisme, qui est couplée avec un baisse de la prévalence, presque du même ordre, du retard mental. En gros, beaucoup d’enfants avec retard mental ont été diagnostiqués comme autistes avec retard mental. Ce qui correspond assez bien à ce que vous écrivez… Sauf que quand on parle de retard mental, ça n’est pas un simple “trouble de l’apprentissage”. Je ne suis pas certain que ça fasse mieux en société d’avoir un enfant autiste avec retard mental qu’un enfant avec un simple retard mental. Dans les deux cas, on attire plus de la compassion qu’autre chose.
    Les troubles de l’apprentissage, non associés à un réel retard mental, sont beaucoup plus souvent catégorisés dans ce qu’on appelle les “troubles dys”. Qui sont effectivement une catégorie relativement récente, et dont les diagnostics explosent également…
     
    Chez les adultes, il y a aussi une augmentation des diagnostics / autodiagnostics d’autisme, de la part de personnes qui le plus souvent n’en sont pas du tout. Grâce à l’action de certains “influenceurs” très versés dans le développement personnels, et qui se sont tardivement autodiagnosticés autistes. Ils expliquent à ceux qui les écoutent (et qui achètent leurs bouquins) tous les traits de caractères qui les rendent autistes.Naturellement, il s’agit de traits de caractère assez communs (*) et des personnes en quête identitaire (adeptes de développement personnel) pourront s’y reconnaître…
     
    [Ce n’est donc pas un hasard si l’explosion a lieu dans cette foire aux vanités qu’est Sciences Po plutôt qu’à l’Ecole normale supérieure]
    Même s’ils sont été moins médiatisés, il y a eu des mouvements / scandales similaires à l’ENS Lyon, dans les filières littéraires.
    Outre la caractéristique d’accueillir des “dents longues”, Sciences Po a aussi la caractéristique d’accueillir beaucoup de profils littéraires. Et les profils littéraires, par nature, sont moins dans le tangible et rationnel, et davantage dans l’introspection, les jeux de séduction, etc. Et il me semble assez logique, de ce point de vue, que ce type de problèmes touche surtout les milieux littéraires… Même si ce sont paradoxalement les plus féminisés !
    Sans qu’il n’y ait de contradiction, je me demande si cette explication ne vient pas compléter utilement la vôtre…Vincent
    (*) Pour donner quelques exemples de troubles pouvant -d’après certains qui n’ont pas tout compris- conduire à un autodiagnostic d’autisme (je vous garantis l’authenticité) :
    – exemple de “trouble de la sociabilité” : quand je suis à une soirée où je ne connais personne, je ne me sens pas à l’aise,
    – exemple de “trouble de la communication” : ça m’arrive parfois de faire des gaffes en parlant avec quelqu’un,
    – exemple de “comportements répétitifs et stéréotypés” : tous les matins, en me levant, je me fais un café, puis j’allume la télé, et je bois mon café devant la télé
    – exemples d’ “intérêts restreints” : les soirées bière & foot avec les copains…

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Mais je ne pense pas qu’on puisse faire de lien direct entre le fait que cette spécificité permette de se rendre intéressant, et la multiplication des cas.]

      Le lien est même fait par les principaux intéressés. Ainsi, dans un article du « Economist », on trouve un petit garçon qui déclare sans ambiguïté « to be heterosexual is boring ». Et le verbe « boring » en anglais est transitif !

      [On voit fleurir partout depuis quelques décennies des livres de développement personnel, des “coachs” en développement personnel, des pratiques de méditation, d’introspection, etc. qui ont toutes en commun de conduire chacun à se recentrer sur lui-même pour découvrir ce qu’il est vraiment, comme s’il y avait réellement quelque chose à découvrir. Et à force de chercher et de se poser des questions, on finit par trouver des réponses (quitte à créer des faux souvenirs, et il est démontré que ce type de pratiques peut conduire à créer des faux souvenirs).]

      Certes. Mais lorsque vous voulez « découvrir ce que vous êtes vraiment », vous avez envie de découvrir quelque chose d’intéressant. Et pas comme ce personnage de film qui, ayant échappé à la mort, déclare « j’ai vu ma vie défiler devant mes yeux ; c’était d’un ennui mortel ». Si toute cette « quête de soi » aboutit au fait que vous êtes dans la moyenne – et c’est logique qu’il en soit ainsi dans la majorité des cas, puisque l’exceptionnel est, comme son nom l’indique, exceptionnel – c’est quand même embêtant. Les faux souvenirs – ou plus banalement la réinterprétation de vrais souvenirs pour leur donner un sens différent – est une manière d’échapper à ce dilemme. La recherche de coupables permettant d’expliquer pourquoi l’être exceptionnel qui est en vous n’a pas pu déployer ses ailes en est une autre.

      A l’appui de cette thèse, j’attire votre attention sur le fait que les dénonciations d’abus de mineurs viennent souvent de personnes proches de la cinquantaine, c’est-à-dire, de l’âge ou l’on commence à faire le bilan de sa vie et on réalise qu’on ne réalisera pas ses rêves…

      [Dès lors, faut-il s’étonner qu’à force de se poser des questions, certains se disent qu’ils auraient été plus heureux s’ils avaient été de l’autre sexe, puis que, de là, ils se disent qu’ils auraient dû être de l’autre sexe, puis se fabriquent des souvenirs pour étayer qu’ils ont toujours su inconsciemment qu’ils étaient de l’autre sexe… Et voilà selon moi la cause de l’épidémie (chez les adultes). Essentiellement des personnes qui se posent trop de questions existentielles.]

      Mais vous voyez bien que cela ne répond pas à la question de la multiplication des enfants « trans »… Et votre théorie ne me convainc pas non plus pour les adultes, parce qu’elle n’explique pas l’effet de mode auquel on assiste.

      [Est ce que le développement personnel n’est pas au final le moyen pour chacun de trouver le truc qui va lui permettre de se distinguer des autres ?]

      Les gourous du « développement personnel » gagnent – fort bien – leur vie en alimentant la croyance que dans chacun d’entre nous il y a un être exceptionnel qui n’attend qu’à s’exprimer. Que si les conditions avaient été différentes – nous aurions pu être Mozart, Einstein ou Picasso. Et qu’en appliquant les recettes des livres – disponibles dans tous les bons aéroports – on peut rattraper le temps perdu. La question n’est pas tant de se « distinguer des autres » en étant différent. Il faut plus, il faut être exceptionnel. Peu importe où réside l’exception : un grand scientifique, une grande victime ou un grand escroc auront tous trois leur quart d’heure à la télévision et leur page sur Wikipédia.

      [Il est probable que certains parents, face à ce type de jeu, surinterprètent la parole de leurs enfants (se disent que leur enfant est décu de son sexe), et finissent par se mettre dans la tête, puis à leur mettre dans la tête, que leur genre ne correspond pas à leur sexe.]

      Votre explication ne me satisfait pas, parce qu’elle n’explique pas l’effet de mode. L’ambiguité sexuelle des enfants en bas âge n’est pas une nouveauté, au point que jusqu’à une époque relativement récente on habillait les petits garçons et les petites filles de la même façon. Comment expliquer qu’on n’observe que maintenant cette explosion d’enfants « trans » ? Qu’est ce qui pousse les parents aujourd’hui, mais aussi l’école et la société, à encourager l’enfant à se concevoir comme « trans » alors qu’hier la pression était dans l’autre sens ?

      [De même, on qualifie aujourd’hui « d’autiste » n’importe quel trouble de l’apprentissage ou de la sociabilité de l’enfant tout simplement parce qu’on se rend bien plus intéressant en société en ayant un enfant autiste qu’en ayant un enfant oligophrène.]

      [Sur la question du diagnostic d’autisme… Il y a eu une explosion des diagnostics chez les enfants comme chez les adultes, mais il faut à mon sens distinguer les deux situations. Chez les enfants, je me demande si vous ne mélangez pas un peu l’autisme et les “troubles dys”. Il y a effectivement une grosse augmentation de la prévalence de l’autisme, qui est couplée avec un baisse de la prévalence, presque du même ordre, du retard mental.]

      Si confusion il y a, elle n’est pas de mon fait, mais de ceux qui posent le diagnostic !

      [Sauf que quand on parle de retard mental, ça n’est pas un simple “trouble de l’apprentissage”. Je ne suis pas certain que ça fasse mieux en société d’avoir un enfant autiste avec retard mental qu’un enfant avec un simple retard mental. Dans les deux cas, on attire plus de la compassion qu’autre chose.]

      Je ne connais pas beaucoup de parents qui explicitent l’autisme de leur enfant en ajoutant « avec un retard mental ». Et oui, l’autisme attire la compassion, alors que le retard mental, lui, attire des sentiments bien plus ambigus – car l’opinion est convaincue à tort ou à raison que le retard mental est au moins en partie héréditaire, ou lié à une mauvaise éducation. C’est d’ailleurs pourquoi lorsque certains psychologues ont insinué que l’autisme pouvait être lié au comportement de la mère, cela a suscité une levée massive de boucliers…

      [Les troubles de l’apprentissage, non associés à un réel retard mental, sont beaucoup plus souvent catégorisés dans ce qu’on appelle les “troubles dys”. Qui sont effectivement une catégorie relativement récente, et dont les diagnostics explosent également…]

      Je persiste : il y a des troubles de l’apprentissage non associés à un réel retard mental et qui sont diagnostiques comme des « troubles du spectre autiste » (ce qui peut vouloir dire à peu près n’importe quoi). C’est en particulier le cas des troubles du langage ou de la concentration. Mais d’un autre côté, on voit effectivement se multiplier les « dys », un peu pour la même raison : c’est plus sympa pour les parents de s’entendre dire par l’enseignant ou le psychologue « votre enfant a un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité » que de l’entendre dire « votre enfant est dissipé et insupportable ». Ce qui revient exactement au même, mais dès lors que c’est classifié comme maladie – et non comme un trait de caractère – c’est la fatalité et donc la faute à personne. Et en plus, avoir un « trouble » cela vous rend intéressant, vous donne quelque chose à raconter lors des longues soirées d’hiver, alors que dire « mon enfant est normal », ça ne fait pas une conversation, et personne ne vous plaint.

      [Chez les adultes, il y a aussi une augmentation des diagnostics / autodiagnostics d’autisme, de la part de personnes qui le plus souvent n’en sont pas du tout. Grâce à l’action de certains “influenceurs” très versés dans le développement personnels, et qui se sont tardivement autodiagnosticés autistes. Ils expliquent à ceux qui les écoutent (et qui achètent leurs bouquins) tous les traits de caractères qui les rendent autistes.Naturellement, il s’agit de traits de caractère assez communs (*) et des personnes en quête identitaire (adeptes de développement personnel) pourront s’y reconnaître…]

      Certes. Mais encore une fois, pourquoi cela marche ? Parce qu’il y a un besoin fort dans notre société pour les gens de se rendre intéressants. Ce n’est pas une question d’identité, mais d’avoir une identité « exceptionnelle », qui fasse parler d’elle. C’est là la racine de tout : dans une société où, comme le dit ce sage du temps présent qu’est Homer Simpson, l’essentiel c’est d’être populaire, tout le monde recherche non seulement une exceptionnalité, mais une exceptionnalité consensuelle. Et quoi de plus consensuel qu’une exceptionnalité victimiste ?

      [« Ce n’est donc pas un hasard si l’explosion a lieu dans cette foire aux vanités qu’est Sciences Po plutôt qu’à l’Ecole normale supérieure » Même s’ils sont été moins médiatisés, il y a eu des mouvements / scandales similaires à l’ENS Lyon, dans les filières littéraires.]

      Je ne me souviens pas que le directeur de l’ENS ait démissionné, ou que cela ait fait la « une » de Libération ou Le Monde…

      • @ Descartes,
         
        [c’est plus sympa pour les parents de s’entendre dire par l’enseignant ou le psychologue « votre enfant a un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité » que de l’entendre dire « votre enfant est dissipé et insupportable ». Ce qui revient exactement au même, mais dès lors que c’est classifié comme maladie – et non comme un trait de caractère – c’est la fatalité et donc la faute à personne.]
        Ce que vous dites là me fait penser à un passage du film “le Morfalous”: Belmondo, sergent de la Légion, trouve Jacques Villeret, soldat d’artillerie, planqué dans les chiottes après une attaque allemande (l’action se passe en Afrique du Nord pendant la seconde guerre mondiale).
        Villeret explique qu’il devait être évacué parce qu’il souffre de dysentrie, et Belmondo, goguenard, lui répond (je cite de mémoire): “La dysenterie? Oui, ça sonne mieux que “la chiasse” ou “la trouille”. La dysenterie, ça fait sérieux, c’est dans les manuels…”.
         
        Je donne cette référence parce que je trouve que ça illustre bien le travers que vous signalez: médicaliser, “pathologiser” le moindre problème, la moindre difficulté. Aujourd’hui, tout est devenu un handicap donnant droit à des aménagements, des allègements. Dans l’Education Nationale, c’est devenu un vrai problème. Attention, les vrais dyslexiques existent, mais il y a certains élèves diagnostiqués “dyslexiques” pour lesquels j’ai quelques doutes… Un trouble “dys” devient aisément un prétexte pour ne surtout pas se fatiguer. Mais bon, il y a un papier officiel, signé d’un orthophoniste ou d’un médecin, donc “ça fait sérieux”.
         
        Il faut dire à vos enfants de faire orthophoniste, ils feront fortune.

        • Descartes dit :

          @ nationaliste-ethniciste

          [Je donne cette référence parce que je trouve que ça illustre bien le travers que vous signalez: médicaliser, “pathologiser” le moindre problème, la moindre difficulté. Aujourd’hui, tout est devenu un handicap donnant droit à des aménagements, des allègements. Dans l’Education Nationale, c’est devenu un vrai problème.]

          Oui, comme disait mon chef, le syndrome capillaire de la main semble terriblement contagieux.

          [Attention, les vrais dyslexiques existent, mais il y a certains élèves diagnostiqués “dyslexiques” pour lesquels j’ai quelques doutes… Un trouble “dys” devient aisément un prétexte pour ne surtout pas se fatiguer. Mais bon, il y a un papier officiel, signé d’un orthophoniste ou d’un médecin, donc “ça fait sérieux”.]

          Et surtout, tout le monde sait ce qu’il faut faire. Pas la peine donc de se creuser le ciboulot, suffit de suivre l’indication du médecin.

          [Il faut dire à vos enfants de faire orthophoniste, ils feront fortune.]

          Difficile à dire. Comme disait Coco Chanel, « la mode, c’est ce qui se démode »…

      • Vincent dit :

        @Descartes
         

        [Le lien est même fait par les principaux intéressés. Ainsi, dans un article du « Economist », on trouve un petit garçon qui déclare sans ambiguïté « to be heterosexual is boring ». Et le verbe « boring » en anglais est transitif !]

        Je n’avais pas entendu parler… Quand on dit que la vérité sort de la bouche des enfants !
        Mais je n’ai pas voulu, sur ce point, dire que vous avez tort ; je dirais que mon point de vue est un complément, pas une alternative.
         

        [lorsque vous voulez « découvrir ce que vous êtes vraiment », vous avez envie de découvrir quelque chose d’intéressant.]

        Bien sûr ! Le cerveau est malléable, et en cherchant bien, il trouvera toujours quelque chose.
        Il y a eu un cas d’une personne qui a réussi à se retrouver à la tête d’une association de victimes des attentats du Bataclan, et à se faire reconnaître comme victime, alors même qu’il a été par la suite montré qu’elle n’était même pas dans les environs du Bataclan ce soir là !
         
        Quand le cerveau est capable de se convaincre de trucs comme celui là, rien d’étonnant à ce qu’il puisse se convaincre qu’il a pu y avoir un geste déplacé dans l’enfance, à ce qu’il puisse réinterpréter une nuit avec un partenaire, etc.
         
        Et pour trouver une idée de qui on est vraiment, il n’est pas interdit de s’inspirer de ce qu’on a vu ailleurs : une vidéo de quelqu’un qui se dit autiste ; une description des symptômes de la maladie de Lyme / hypersensibilité aux ondes / fibromyalgie ; ou la théorie du genre, qui permet toutes les subtilités pour ne vraiment pas être comme tout le monde ; ou aussi, effectivement, avoir été victime !
         
        Ainsi, il est à mon sens tout à fait normal qu’il y ait des effets de mode (il y a quelques années la fibromyalgie, puis on a eu Lyme et les ondes ; la mode de l’autisme prend un peu). Je ne dirais pas que ça fait “ringard” aujourd’hui d’être fibromyalgique, mais se découvrir le genre de pathologie que plein de monde avait il y a 10 / 15 ans, c’est tout de même moins épanouissant.
         

        [Mais vous voyez bien que cela ne répond pas à la question de la multiplication des enfants « trans »… Et votre théorie ne me convainc pas non plus pour les adultes, parce qu’elle n’explique pas l’effet de mode auquel on assiste.]

         
        A mon sens, ça explique parfaitement l’effet de mode pour les adultes, comme je le décrivais plus haut.
        Pour les enfants, je pense qu’il s’agit de parents qui projettent leurs doutes et interrogations sur leurs enfants, et leur inculquent leurs propres doutes. Si être trans est une mode pour les adultes, il n’y a rien d’illogique à ce que des parents bien intentionnés le projettent sur leurs enfants.
        Un film largement autobiographique, que je vous conseille : “guillaume et les garçons à table” traite de ce sujet.
         

        [Comment expliquer qu’on n’observe que maintenant cette explosion d’enfants « trans » ? Qu’est ce qui pousse les parents aujourd’hui, mais aussi l’école et la société, à encourager l’enfant à se concevoir comme « trans » alors qu’hier la pression était dans l’autre sens ?]

         
        J’y vois 2 explications :
        – un discours ambiant LGBTQ+ qui explique qu’être trans est aussi normal que n’importe quoi ; des parents progressistes fermement convaincus par ce discours auront à coeur de ne pas contrarier l’identité profonde de leurs enfants ; un tel discours n’existait pas il y a 20 ans,
        – les mêmes parents, un peu orientés vers l’introspection, qui projettent sur leur enfant leur propre désir d’introspection, et qui, face à un jeu anodin d’un garcon qui joue à être une fille, surinterprêtent ce qui, il y a 20 ans, aurait été juste considéré comme un jeu mignon.
         

        [[Il y a effectivement une grosse augmentation de la prévalence de l’autisme, qui est couplée avec un baisse de la prévalence, presque du même ordre, du retard mental.]
        Si confusion il y a, elle n’est pas de mon fait, mais de ceux qui posent le diagnostic !]

         
        Ca n’est pas si simple. Il y avait un réel sous-diagnostic des autistes avec déficience, qui est aujourd’hui en cours de correction. Et en parallèle, on arrive aujourd’hui à un réel surdiagnostic d’autistes sans déficience.
         

        [Je ne connais pas beaucoup de parents qui explicitent l’autisme de leur enfant en ajoutant « avec un retard mental ». Et oui, l’autisme attire la compassion, alors que le retard mental, lui, attire des sentiments bien plus ambigus – car l’opinion est convaincue à tort ou à raison que le retard mental est au moins en partie héréditaire, ou lié à une mauvaise éducation.]

         
        Peut-être avez vous raison sur l’opinion qu’en a le citoyen moyen ; mais je n’ai pas le même ressenti. Sur l’aspect héréditaire : il y a le cas particulier de la trisomie 21, pour lequel l’anomalie génétique est simple et claire. Mais sinon, l’autisme est au moins autant d’origine génétique que le retard mental, même s’il n’y a pas aussi clairement un gène ou un chromosome à l’origine de la pathologie.
         

        [C’est d’ailleurs pourquoi lorsque certains psychologues ont insinué que l’autisme pouvait être lié au comportement de la mère, cela a suscité une levée massive de boucliers…]

         
        Ils ont plus qu’insinué. Ils ont affirmé, avec une culpabilisation forte des mères. Et ils ont continué à le faire alors même qu’il avait été montré que l’autisme était identifiable dès la naissance par imagerie cérébrale. Le rôle du comportement de la mère n’est pour rien dans les formes de vraie autisme… Même s’il est vrai que des traits de comportement pouvant s’en rapprocher à l’adolescence ou après peuvent être liés à des carences éducatives.
         

        [il y a des troubles de l’apprentissage non associés à un réel retard mental et qui sont diagnostiques comme des « troubles du spectre autiste » (ce qui peut vouloir dire à peu près n’importe quoi)]

         
        Cette expression récente (TSA en abrégé) fait référence au DSM 5. Voici la définition du DSM 5, vous verrez qu’on ne peut pas y mettre n’importe quoi :

        Le DSM-5


         

        [C’est en particulier le cas des troubles du langage ou de la concentration]

         
        Quelqu’un qui bégaye ne sera jamais reconnu comme autiste pour autant. Mais effectivement, les troubles du langage peuvent rentrer dans un tableau de TSA.
        En revanche, les troubles de la concentration qui se multiplient, surtout aux USA, ne sont pas en lien avec les TSA ; le diagnostic courant, quand il y en a un, est le TDAH. Les TSA et les TDAH sont les deux principales pathologies appartenant aux “troubles du neurodéveloppement”.
         

        [Mais d’un autre côté, on voit effectivement se multiplier les « dys », un peu pour la même raison : c’est plus sympa pour les parents de s’entendre dire par l’enseignant ou le psychologue « votre enfant a un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité » que de l’entendre dire « votre enfant est dissipé et insupportable ».]

         
        Là encore, petit détail, mais le trouve du déficit de l’attention est justement le TDAH ; je ne suis pas certain qu’il soit catégorisé dans les “dys” ; même si ils vont souvent ensemble.
         

        [Ce qui revient exactement au même, mais dès lors que c’est classifié comme maladie – et non comme un trait de caractère – c’est la fatalité et donc la faute à personne. Et en plus, avoir un « trouble » cela vous rend intéressant, vous donne quelque chose à raconter lors des longues soirées d’hiver, alors que dire « mon enfant est normal », ça ne fait pas une conversation, et personne ne vous plaint.]

         
        Je vous trouve très sévère. Il ne faut pas voir seulement ce côté sombre.Exemple dont j’ai entendu parler récemment : un garçon avec une dysgraphie (trouble de l’écriture) sévère. Qui était assez brillant par ailleurs, comprenait tout. Mais avait à chaque fois de très mauvaises notes aux examens (et pour cause : il n’arrive pas à écrire correctement à la main). Il s’est retrouvé, alors qu’il avait un QI pas loin de le classer dans les surdoués, avec 3 ans dans une filière où ses camarades étaient, eux, plus proches du retard mental. Naturellement, il avait du mal à s’intégrer dans sa classe, et le vivait très mal.
        Il a fini par avoir de grosses difficultés personnelles après 20 ans, allant d’échecs en échecs. Alors que sans doute, si le problème avait été bien identifié plus jeune, et qu’on avait pu lui trouver une Solution (je ne sais pas… par exemple l’autoriser à avoir un clavier), on aurait sans doute pu lui éviter tout ça…
         
        Bref, l’objectif de ces diagnostics est tout de même de proposer des prises en charges, des aménagements, qui sont tant dans l’intérêt du jeune que dans celui de la société.

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [Peut-être avez vous raison sur l’opinion qu’en a le citoyen moyen ; mais je n’ai pas le même ressenti. Sur l’aspect héréditaire : il y a le cas particulier de la trisomie 21, pour lequel l’anomalie génétique est simple et claire. Mais sinon, l’autisme est au moins autant d’origine génétique que le retard mental, même s’il n’y a pas aussi clairement un gène ou un chromosome à l’origine de la pathologie.]

          Quand je parlais d’héréditaire, je ne me limitais pas seulement à l’aspect génétique, mais aussi à l’éducation donnée par les parents.

          [« il y a des troubles de l’apprentissage non associés à un réel retard mental et qui sont diagnostiques comme des « troubles du spectre autiste » (ce qui peut vouloir dire à peu près n’importe quoi) » Cette expression récente (TSA en abrégé) fait référence au DSM 5. Voici la définition du DSM 5, vous verrez qu’on ne peut pas y mettre n’importe quoi :]

          Vous ne m’avez pas convaincu. Pour les critères liés à l’interaction sociale, on parle de « déficit ». Très bien. On peut faire entrer dans cette catégorie tous ceux qui sont en dessous de la moyenne… autrement dit, la moitié de l’échantillon (en supposant une distribution normale). Pour les critères liés au « caractère restreint et répétitif des intérêts », c’est encore mieux : on parle de « hypo ou hypersensibilité aux stimuli sensoriels ». Ce qui, selon l’interprétation qu’on en fait, permet d’inclure l’ensemble de l’échantillon à l’exception de ceux qui sont pile sur la moyenne. Sans compter sur les handicapés sensoriels : peut-on dire qu’un sourd ou un aveugle sont « hypo-sensibles » aux stimuli sonores ou visuels ?

          [Quelqu’un qui bégaye ne sera jamais reconnu comme autiste pour autant. Mais effectivement, les troubles du langage peuvent rentrer dans un tableau de TSA.]

          Cela dépend. Si son bégaiement conduit – compréhensiblement – à un « déficit des interactions sociales », il peut parfaitement satisfaire au premier critère. Quant au second, pour peu qu’il soit un peu obsessionnel, ça passe.

          [« Ce qui revient exactement au même, mais dès lors que c’est classifié comme maladie – et non comme un trait de caractère – c’est la fatalité et donc la faute à personne. Et en plus, avoir un « trouble » cela vous rend intéressant, vous donne quelque chose à raconter lors des longues soirées d’hiver, alors que dire « mon enfant est normal », ça ne fait pas une conversation, et personne ne vous plaint. » Je vous trouve très sévère.]

          Sévère, mais juste. Outre les problèmes que cela pose aux enseignants – ais-je le droit de mettre une mauvaise note ou de renvoyer un enfant victime d’une pathologie reconnue par la Faculté ? – il y a l’effet sur les parents, que la caution de la médecine dispense de s’interroger sur les problèmes d’éducation.

          [Il ne faut pas voir seulement ce côté sombre. Exemple dont j’ai entendu parler récemment : un garçon avec une dysgraphie (trouble de l’écriture) sévère. Qui était assez brillant par ailleurs, comprenait tout. Mais avait à chaque fois de très mauvaises notes aux examens (et pour cause : il n’arrive pas à écrire correctement à la main). Il s’est retrouvé, alors qu’il avait un QI pas loin de le classer dans les surdoués, avec 3 ans dans une filière où ses camarades étaient, eux, plus proches du retard mental. Naturellement, il avait du mal à s’intégrer dans sa classe, et le vivait très mal.
          Il a fini par avoir de grosses difficultés personnelles après 20 ans, allant d’échecs en échecs. Alors que sans doute, si le problème avait été bien identifié plus jeune, et qu’on avait pu lui trouver une Solution (je ne sais pas… par exemple l’autoriser à avoir un clavier), on aurait sans doute pu lui éviter tout ça…]

          Je n’ai pas dit qu’il n’y ait pas de VRAIS cas pathologiques, pour lesquels un diagnostic peut aider. Mais il faut raison garder : si pour en sauver un on sacrifie dix mille, quelque chose ne va pas. Si l’éducation nationale donne un clavier à chaque dysgraphique, alors les dysgraphiques vont se multiplier à l’infini. Et à la fin, on regardera ceux qui continuent à écrire bêtement à la main comme des imbéciles qui ne sont « même pas » disgraphiques. Si l’on veut apprendre aux enfants à écrire à la main, alors écrire à la pain doit être une valeur, et le fait de ne pas pouvoir le faire doit être une tare, et non un motif de fierté ou de privilège.

          [Bref, l’objectif de ces diagnostics est tout de même de proposer des prises en charges, des aménagements, qui sont tant dans l’intérêt du jeune que dans celui de la société.]

          C’est une vision. Une autre, plus cynique, est que cela sert à faire vivre toute une écologie de psychologues, de médecins, de conseillers, d’orthophonistes…

          • Vincent dit :

            [Pour les critères liés à l’interaction sociale, on parle de « déficit ». Très bien. On peut faire entrer dans cette catégorie tous ceux qui sont en dessous de la moyenne… autrement dit, la moitié de l’échantillon (en supposant une distribution normale). (…) Sans compter sur les handicapés sensoriels : peut-on dire qu’un sourd ou un aveugle sont « hypo-sensibles » aux stimuli sonores ou visuels ?]

             
            Je pense que vous n’avez pas suffisamment bien lu le lien que j’avais envoyé :
            1°) Comme nous en avions discuté il y a quelques mois à propos des addictions, il y a un symptôme à partir du moment où celui ci est suffisamment marqué pour avoir des répercussions dans la vie quotidienne. Le lien que j’avais proposé indique pour chaque dimension des niveaux de sévérité : 1, 2, et 3. Pour être au niveau 1 (le plus faible), il faut quand même, si vous regardez la description, être très éloigné de la “normale”.
            Indépendamment de cette classification en niveaux de sévérité, il est explicitement indiqué : “Les symptômes occasionnent un retentissement cliniquement significatif en termes de fonctionnement actuel, social, scolaire (professionnels ou dans d’autres domaines importants).”
             
            2°) Il faut aussi que le handicap ne puisse pas être expliqué autrement. Sans prendre les médecins pour des imbéciles, en confondant un sourd avec un autiste, il est explicitement écrit : “Ces troubles ne sont pas mieux expliqués par un handicap intellectuel ou un retard global du développement.”. 
             

            [Cela dépend. Si son bégaiement conduit – compréhensiblement – à un « déficit des interactions sociales », il peut parfaitement satisfaire au premier critère. Quant au second, pour peu qu’il soit un peu obsessionnel, ça passe.]

             
            Il ne faut pas prendre les psy pour des imbéciles. Sur le déficit des interactions sociales, il faut répondre aux 3 critères suivants :
            “- Déficits de la réciprocité sociale ou émotionnelle,
            – Déficits des comportements de communication non verbaux utilisés au cours des interactions sociales,
            – Déficits du développement, du maintien et de la compréhension des relations.”
             
            Il faudrait vraiment être crétin pour mettre le bégaiement dedans !
             

            [Bref, l’objectif de ces diagnostics est tout de même de proposer des prises en charges, des aménagements, qui sont tant dans l’intérêt du jeune que dans celui de la société.]
            C’est une vision. Une autre, plus cynique, est que cela sert à faire vivre toute une écologie de psychologues, de médecins, de conseillers, d’orthophonistes…

             
            Je ne sais pas tellement qui vous visez pas les “conseillers”.
            Mais sinon, je ne suis pas totalement en désaccord avec vous. Beaucoup de psychologues pour enfants font leur beurre sur l’inquiétude des parents. Dès qu’il y a un aspect sur lequel il est un tout petit peu en retard ou en difficulté par rapport à ses camarades, il y a une tentation de tout de suite chercher une “prise en charge”. Alors que dans certains cas, il faut admettre que les enfants ont chacun leur rythme. Certains commencent à parler à 15 mois. D’autres ne parlent pas du tout à 24 mois. Sans que ce soit un problème. Mais si un enfant ne prononce toujours pas ses premiers mots à 3 ans, il devient légitime de s’inquiéter…
             
            On m’a raconté il y a quelques semaines l’anecdote de parents qui ne juraient que par l’ostéopathie pour leur enfant. Celui ci, à l’âge de 9 mois, ne se mettait pas tout seul debout, alors que plusieurs de ses camarades de crèche du même âge le faisaient, et commençaient même à faire leurs premiers pas en se tenant. Très inquiets, ils ont fait appel à un ostéopathe, qui a suivi l’enfant, tous les mois. Et grâce à son intervention, au bout de quelques mois, un peu après ses 15 mois, l’enfant réussissait à marcher !
            [A titre informatif, pour ceux qui ne sont pas trop au courant des étapes normales du développement, les premiers pas autonomes surviennent généralement entre 10 et 18 mois. Autrement dit, l’enfant a marché à un âge tout à fait normal, et aurait certainement marché au même âge en absence d’ostéopathe]
             
            Quand on voit ce type d’exemple, naturellement, on se dit qu’il y a des prises en charges qui relèvent purement de la réassurance psychologique des parents !
             
            Mais quand un enfant de 7 ans qui a été scolarisé comme tout le monde n’arrive pas à dessiner un cercle à la main, on peut se douter que sa scolarité va être très, très douloureuse… Et il me semble normal de le prendre en charge pour lui proposer des mesures d’accompagnement.

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              Je pense que vous n’avez pas suffisamment bien lu le lien que j’avais envoyé :
              1°) Comme nous en avions discuté il y a quelques mois à propos des addictions, il y a un symptôme à partir du moment où celui-ci est suffisamment marqué pour avoir des répercussions dans la vie quotidienne. Le lien que j’avais proposé indique pour chaque dimension des niveaux de sévérité : 1, 2, et 3. Pour être au niveau 1 (le plus faible), il faut quand même, si vous regardez la description, être très éloigné de la “normale”.

              Vraiment ? Voici les critères pour le niveau 1 : « Sans soutien en place, déficits au niveau de la communication sociale provoquant des déficiences notables. Difficulté à initier des interactions sociales, exemples clairs de réponse atypique ou échec aux ouvertures sociales des autres. Semblance d’un intérêt diminué pour les interactions sociales. ».

              Vous pouvez constater qu’une large marge est laissée à la subjectivité de l’observateur. C’est quoi une « déficience notable » ? C’est une déficience que l’observateur juge « notable ». Qu’est ce que c’est qu’un « exemple clair » ? Un exemple que l’observateur trouve clair. C’est quoi une « semblance » ? C’est quelque chose qui « semble » à l’observateur.

              Personnellement, j’ai un neveu qui adorait lire et détestait qu’on le dérange en pleine lecture. Quand il trouvait un bouquin intéressant, il s’isolait pour lire. On pouvait donc observer que lorsque l’adulte n’était pas là (« sans soutien sur place ») il tendait à s’isoler de ses petits camarades pour lire. Il tendait alors à ignorer les « ouvertures sociales des autres », quitte à donner des réponses « atypiques » pour qu’on lui foute la paix. Il avait sans doute un « intérêt diminué pour les interactions sociales ». Quelle conclusion tirez-vous, docteur ?

              Je dois dire que dans cette définition, je détecte la vision américaine qui fait de la sociabilité une sorte d’obligation permanente. On peut parfaitement être solitaire sans pour autant être autiste.

              [Indépendamment de cette classification en niveaux de sévérité, il est explicitement indiqué : “Les symptômes occasionnent un retentissement cliniquement significatif en termes de fonctionnement actuel, social, scolaire (professionnels ou dans d’autres domaines importants).”]

              Certes. Quel est le critère pour juger « cliniquement significatif » un retentissement ? On retombe toujours sur la même chose : une large marge d’appréciation est laissée à celui qui porte le diagnostic, puisqu’il est seul juge de ce qui est « significatif ».

              [2°) Il faut aussi que le handicap ne puisse pas être expliqué autrement. Sans prendre les médecins pour des imbéciles, en confondant un sourd avec un autiste, il est explicitement écrit : “Ces troubles ne sont pas mieux expliqués par un handicap intellectuel ou un retard global du développement.”.]

              Certes. Mais quid d’un « trait de caractère » ? Comme je l’ai dit plus haut, il y a des gens qui sont solitaires ou avares en paroles sans pour autant être « autistes ».

              [« Cela dépend. Si son bégaiement conduit – compréhensiblement – à un « déficit des interactions sociales », il peut parfaitement satisfaire au premier critère. Quant au second, pour peu qu’il soit un peu obsessionnel, ça passe. » Il ne faut pas prendre les psy pour des imbéciles.]

              Au contraire, je pense qu’ils sont très intelligents. Particulièrement lorsqu’il s’agit de protéger leurs intérêts. Comme disait le Knock de Jules Romains, « tout homme sain est un malade qui s’ignore ».

              [« Sur le déficit des interactions sociales, il faut répondre aux 3 critères suivants :
              “- Déficits de la réciprocité sociale ou émotionnelle, (…) » Il faudrait vraiment être crétin pour mettre le bégaiement dedans !]

              Pas vraiment. Le bégaiement peut facilement entrainer un « déficit de la réciprocité sociale » (s’abstenir de répondre de peur d’être « bloqué »). Et les trois critères semblent être alternatifs, et non cumulatifs…

              [Mais quand un enfant de 7 ans qui a été scolarisé comme tout le monde n’arrive pas à dessiner un cercle à la main, on peut se douter que sa scolarité va être très, très douloureuse… Et il me semble normal de le prendre en charge pour lui proposer des mesures d’accompagnement.]

              Je ne dis pas le contraire. Ce que je dis, c’est que l’institution, tout en prenant en charge les véritables pathologies, doit s’abstenir de les encourager ! Ce qui implique éviter d’embellir un peu trop la situation pathologique. Ca me rappelle une anecdote que me racontait ma mère, lorsque jeune professionnelle elle avait commencé à travailler dans un hôpital. Elle avait alors proposé à son chef de service d’embellir le service avec des tableaux et des plantes vertes pour que les malades se sentent bien accueillis. Refus de son chef en ces termes: “vous n’y pensez pas, mademoiselle. Si l’on rend le service accueillant, les malades ne vont plus vouloir partir!”. Si la maladie est un état désirable, alors personne ne voudra guérir…

            • BolchoKek dit :

              @ Ian Brossage et Descartes
               
              Je me permets de m’immiscer dans cette partie de la discussion…
               
              [[Parce que même si le calcul manuel, le calcul mental ou la règle à calcul peuvent être sur le plan pratique remplacés par la calculatrice, leur pratique développe des mécanismes intellectuels dont on a besoin pour d’autres choses, et que la calculatrice ne développe pas.]
              [Mais quel mécanisme intellectuel est-il développé par la pratique de l’écriture manuscrite ?]]
               
              J’ai trouvé il n’y a pas longtemps dans la maison familiale un petit livret édité par Larousse qui est une compilation des problèmes à l’examen du certificat d’étude de 1923, et ce petit recueil m’a fait pas mal réfléchir. Le contenu est à peu près ce à quoi on s’attend : en maths notamment, beaucoup d’arithmétique élémentaire. Quand on dit que “les élèves de CM2 d’antan avaient un niveau d’une quatrième d’aujourd’hui”, ce n’est en fait pas vraiment opérant : les sujets au programme sont sensiblement les mêmes à chaque niveau. Non, ce qui a changé est surtout la rigueur et la profondeur du niveau de connaissances attendus chez chaque classe d’âge – et là c’est en effet la dégringolade si on compare un CM2 d’antan à celui d’aujourd’hui. On apprend toujours l’arithmétique, mais de façon beaucoup plus superficielle. En 1923, on demandait des choses assez pénibles à faire à la main, comme des divisions de chiffres à décimales, des multiplications de fractions… Pour en revenir à une comparaison avec aujourd’hui, il est assez clair que l’enjeu pour l’élève était assez pratique : il n’y avait pas de calculatrice et dans la vie courante, il fallait calculer à la main. Je pense qu’il serait absurde de ne pas prendre en compte les innovations technologiques lorsque l’on décide des programmes, toutefois il y a un certain mérite à savoir faire les choses. Peu de statisticiens calculent la déviation standard d’une distribution normale à la main de nos jours, pour autant on attend d’eux qu’ils sachent le faire, car cela mène à une compréhension intime de ce qu’est la déviation standard – on ôte une grande part de la “magie” d’un concept et on le replace dans une logique globale bien plus facilement. Je pense que c’est un peu la même approche qu’il faudrait adopter : contrairement à 1923, on n’attend pas des enfants qu’ils soient menés à diviser des nombres à décimales dans la vie courante de nos jours, mais il est important qu’ils sachent comment on fait, et construire un enseignement à partir de ce constat. Ce n’est pas parce que certaines choses ne sont pas directement pratiques qu’elles ne sont pas bonnes à savoir, mais il est il me semble important de distinguer les deux catégories lorsque l’on choisit comment enseigner lesdites choses.
               
              En corollaire, ce petit livret est aussi intéressant si on le place dans une perspective historique : les enfants des classes populaires qui avaient eu leur certif’ en 1923 et ont commencé à travailler juste après auraient été en 1936 la “relève”, dans leur vingtaine, des meneurs syndicalistes de l’industrie. Quand on voit la qualité de l’enseignement élémentaire qu’ils avaient reçu, on se dit que le degré d’organisation du mouvement ouvrier à sa base lors du front populaire n’est guère surprenant…

            • Descartes dit :

              @ BolchoKek

              [Peu de statisticiens calculent la déviation standard d’une distribution normale à la main de nos jours, pour autant on attend d’eux qu’ils sachent le faire, car cela mène à une compréhension intime de ce qu’est la déviation standard – on ôte une grande part de la “magie” d’un concept et on le replace dans une logique globale bien plus facilement. Je pense que c’est un peu la même approche qu’il faudrait adopter : contrairement à 1923, on n’attend pas des enfants qu’ils soient menés à diviser des nombres à décimales dans la vie courante de nos jours, mais il est important qu’ils sachent comment on fait, et construire un enseignement à partir de ce constat. Ce n’est pas parce que certaines choses ne sont pas directement pratiques qu’elles ne sont pas bonnes à savoir, mais il est il me semble important de distinguer les deux catégories lorsque l’on choisit comment enseigner lesdites choses.]

              Je suis d’accord sur le fonds, mais je dirai les choses un peu différemment. Savoir « comment on fait » est important non seulement pour votre culture générale, mais parce que cela développe certains mécanismes intellectuels qui vous seront utiles pour d’autres choses. Apprendre des poèmes par cœur n’est peut-être pas très utile, mais l’apprentissage par cœur développe des mécanismes de mémorisation et de gestion de la mémoire qui sont ensuite très utiles pour d’autres apprentissages.

              J’ajoute que bien enseigné le calcul est parfaitement ludique. Je me souviens lorsque j’ai appris à l’école l’algorithme pour extraire manuellement la racine carrée. Pendant des semaines on s’était amusés en classe à savoir qui arrivait à sortir le plus grand nombre de décimales exactes à la racine carrée de 2… et l’émerveillement de découvrir que les décimales ne se répétaient jamais !

              [En corollaire, ce petit livret est aussi intéressant si on le place dans une perspective historique : les enfants des classes populaires qui avaient eu leur certif’ en 1923 et ont commencé à travailler juste après auraient été en 1936 la “relève”, dans leur vingtaine, des meneurs syndicalistes de l’industrie. Quand on voit la qualité de l’enseignement élémentaire qu’ils avaient reçu, on se dit que le degré d’organisation du mouvement ouvrier à sa base lors du front populaire n’est guère surprenant…]

              Tout à fait ! On trouve parmi les dirigeants politiques de l’époque pas mal de gens qui ne sont pas allés au-delà du certificat d’études. Et au niveau de la qualité de la réflexion, de l’expression et même des habitudes culturelles ils ne cédaient en rien aux dirigeants politiques d’aujourd’hui, dont l’immense majorité est passée par l’enseignement supérieur.

            • BJ dit :

              @ Descartes
              [Pendant des semaines on s’était amusés en classe à savoir qui arrivait à sortir le plus grand nombre de décimales exactes à la racine carrée de 2… et l’émerveillement de découvrir que les décimales ne se répétaient jamais !]
              Y’a pas, vous aimiez vraiment les maths ! Moi, 1,414 me suffisait.
              Y a-t-il d’autres lecteurs de ce blog que “sortir le plus grand nombre de décimales exactes à la racine carrée de 2” amusait et qui s’émerveillaient du résultat ? Comme ça, juste pour voir…

          • Ian Brossage dit :

            @Descartes

            Et à la fin, on regardera ceux qui continuent à écrire bêtement à la main comme des imbéciles qui ne sont « même pas » disgraphiques. Si l’on veut apprendre aux enfants à écrire à la main, alors écrire à la pain doit être une valeur, et le fait de ne pas pouvoir le faire doit être une tare, et non un motif de fierté ou de privilège.

            Mais pour élargir la discussion, on peut se demander à quoi sert de continuer à insister sur l’écriture manuscrite dans une société où la communication se fait très massivement de façon tapuscrite. Personnellement, je ne vois pas pourquoi écrire à la main devrait être « une valeur », pas plus que de se battre en duel, d’aller tirer de l’eau au puits, ou de vivre sans réfrigérateur.
            Tout au plus, on peut considérer que c’est un exercice utile pour la coordination motrice… mais un exercice comme un autre, qui n’a pas lieu d’être disqualifiant.

            C’est une vision. Une autre, plus cynique, est que cela sert à faire vivre toute une écologie de psychologues, de médecins, de conseillers, d’orthophonistes…

            Peut-être que c’est tout bêtement les deux à la fois ? Vous semblez adopter la vision de Pagnol dans Knock, qui livre une vision très sombre de la médecine moderne et scientifique, l’accusant de fabriquer des malades en puissance là où il y avait de braves individus solides, naïfs et bien portants.
            Qu’un développement des capacités et de la finesse des diagnostics puisse entraîner ce genre d’effets indésirables, c’est sans nul doute vrai. Mais je ne vois pas l’intérêt de jeter le bébé avec l’eau du bain. S’imaginer que, sous prétexte qu’on ne diagnostiquait auparavant pas les problèmes (ou pas correctement), ils n’existaient pas, me paraît obscurantiste.
             

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [Mais pour élargir la discussion, on peut se demander à quoi sert de continuer à insister sur l’écriture manuscrite dans une société où la communication se fait très massivement de façon tapuscrite. Personnellement, je ne vois pas pourquoi écrire à la main devrait être « une valeur », pas plus que de se battre en duel, d’aller tirer de l’eau au puits, ou de vivre sans réfrigérateur.]

              Ce débat me rappelle celui d’il y a vingt ans sur la calculatrice. Fallait-il continuer à enseigner le calcul manuel, le calcul mental, l’utilisation de la règle à calcul alors que des machines très économiques et accessibles permettaient d’effectuer les mêmes opérations rapidement et sans effort ?

              La réponse, pour moi, reste positive. Parce que même si le calcul manuel, le calcul mental ou la règle à calcul peuvent être sur le plan pratique remplacés par la calculatrice, leur pratique développe des mécanismes intellectuels dont on a besoin pour d’autres choses, et que la calculatrice ne développe pas. Pour ne vous donner qu’un exemple, le calcul à la règle fait prendre conscience des idées d’approximation et d’ordre de grandeur. Combien d’étudiants j’ai vu proposer le résultat d’un calcul en électronique avec neuf décimales après la virgule, soit une précision d’un pour un milliard, alors que les meilleures mesures en électronique se font avec une précision rarement supérieure à un pour mille… Personne ayant travaillé à la règle à calcul ne peut faire cette erreur.

              Tout au plus, on peut considérer que c’est un exercice utile pour la coordination motrice… mais un exercice comme un autre, qui n’a pas lieu d’être disqualifiant.]

              Si vous estimez que l’exercice est utile, alors le fait d’être incapable de le faire ne peut être que disqualifiant. Car comment la capacité à faire un exercice que la société estime utile pourrait ne pas établir une hiérarchie entre ceux qui sont capables de le faire, et ceux qui n’en sont pas capables ?

              P[eut-être que c’est tout bêtement les deux à la fois ? Vous semblez adopter la vision de Pagnol dans Knock, qui livre une vision très sombre de la médecine moderne et scientifique, l’accusant de fabriquer des malades en puissance là où il y avait de braves individus solides, naïfs et bien portants.]

              Juste un détail, Knock est une pièce de Jules Romains, et non de Pagnol. Et Romains n’attaque pas la « médecine moderne et scientifique », mais la profession médicale en général. Mais oui, je crains devoir partager le cynisme de Romains dans cette affaire.

              [Qu’un développement des capacités et de la finesse des diagnostics puisse entraîner ce genre d’effets indésirables, c’est sans nul doute vrai.]

              La question ici n’est pas tant la « finesse des diagnostics » comme la définition des maladies. Si l’on trouve une explosion dans le nombre d’autistes, c’est moins à mon avis parce que la « finesse des diagnostics » s’améliore, mais parce qu’on a étendu la définition de ce qu’est un trouble autistique au-delà de toute raison. Et ce n’est pas un hasard si cela nous vient des Etats-Unis, pays ou les gens sont obsédés par la conformité à la norme. Et du coup, tout ce qui s’écarte de cette norme est immédiatement transformé en pathologie. Un enfant peut être sociable ou solitaire, il peut aimer être avec des amis, ou au contraire s’isoler pour jouer du piano ou lire. Laquelle de ces conduites est « normale » ? Laquelle pathologique ? Pour les américains, la sociabilité est obligatoire, et l’enfant qui s’y refuse est nécessairement « weird » (« bizarre »). Et une pathologie en bonne et due forme est toujours socialement moins stigmatisante que ce qualificatif.

              Si vous avez l’opportunité, regardez la série américaine « The Middle », et tout particulièrement la peinture qui est faite du personnage de Brick, l’enfant cadet de la famille.

            • Ian Brossage dit :

              @Descartes

              Parce que même si le calcul manuel, le calcul mental ou la règle à calcul peuvent être sur le plan pratique remplacés par la calculatrice, leur pratique développe des mécanismes intellectuels dont on a besoin pour d’autres choses, et que la calculatrice ne développe pas.

              Mais quel mécanisme intellectuel est-il développé par la pratique de l’écriture manuscrite ? S’il n’y en a pas, alors le parallèle avec le calcul mental n’a aucun fondement.

              Si vous estimez que l’exercice est utile, alors le fait d’être incapable de le faire ne peut être que disqualifiant.

              Je ne vois pas pourquoi pas, désolé. Énormément d’exercices peuvent être considérés comme utiles (faire des pompes, sauter à la corde, réciter Virgile par coeur…), et pourtant on ne base pas les hiérarchies scolaires sur eux. Établir une hiérarchie implique de faire un choix, de privilégier un nombre réduit de facteurs de classement, de distinguer l’important et le secondaire.

              Juste un détail, Knock est une pièce de Jules Romains, et non de Pagnol.

              Honte à moi. J’ai dû lire Knock et Topaze à peu près à la même période de mon enfance, et ma mémoire s’est emmêlé les pinceaux…

              Et Romains n’attaque pas la « médecine moderne et scientifique », mais la profession médicale en général. Mais oui, je crains devoir partager le cynisme de Romains dans cette affaire.

              Et pourtant je pense que vous n’allez pas jusqu’à nier le bien-fondé de la médecine et l’utilité des professions médicales, même si certains de leurs membres peuvent vous inspirer de la méfiance.

              Si l’on trouve une explosion dans le nombre d’autistes, c’est moins à mon avis parce que la « finesse des diagnostics » s’améliore, mais parce qu’on a étendu la définition de ce qu’est un trouble autistique au-delà de toute raison.

              À votre avis. Mais que vaut votre avis sur le sujet, si vous êtes aussi peu spécialiste que moi, par exemple ?
              L’humilité intellectuelle devrait, à mon avis, vous conduire au minimum à suspendre votre jugement.

              Et ce n’est pas un hasard si cela nous vient des Etats-Unis, pays ou les gens sont obsédés par la conformité à la norme.

              Ah, si « ce n’est pas un hasard »… Mais, hasard ou pas, la seule question qui vaille devrait être : ces changements sont-ils judicieux et motivés par des données scientifiques, ou non ?
               

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [Mais quel mécanisme intellectuel est-il développé par la pratique de l’écriture manuscrite ? S’il n’y en a pas, alors le parallèle avec le calcul mental n’a aucun fondement.]

              Je ne suis pas un expert, mais si je crois ce que m’ont expliqué des amis qui le sont, il y a plein d’automatismes que l’écriture manuscrite développe et qui ont beaucoup plus de mal à se développer lorsqu’on tape sur clavier. D’abord, l’écriture manuscrite est irréversible. Vous ne pouvez pas, comme on le fait sur clavier, effacer l’écrit et le remplacer sans dommage. Cela vous oblige à penser la phrase que vous allez écrire comme un tout avant de commencer à écrire la première lettre. Et de même, comme vous n’avez pas à votre disposition le copier-coller, vous êtes obligé de penser le plan de votre texte avant de l’écrire. Autre exemple : l’écriture manuelle exige un effort, et pousse donc à l’économie de l’expression. Vous prenez une circulaire des années 1960, et vous trouvez un texte ramassé, synthétique, clair. En dix pages, tout est dit. Prenez une circulaire aujourd’hui, et vous vous trouvez devant un verbiage vide de cinquante pages…

              [« Si vous estimez que l’exercice est utile, alors le fait d’être incapable de le faire ne peut être que disqualifiant. » Je ne vois pas pourquoi pas, désolé. Énormément d’exercices peuvent être considérés comme utiles (faire des pompes, sauter à la corde, réciter Virgile par coeur…), et pourtant on ne base pas les hiérarchies scolaires sur eux.]

              Dans les milieux ou ces exercices sont « utiles », ils établissent sans aucun doute une hiérarchie (souvenez-vous des pompes à l’armée…). On ne voit pas très bien en quoi faire des pompes ou sauter à la corde pourraient être considérés « utiles » dans un contexte scolaire. Quant à réciter Virgile par cœur… du temps ou la mémoire était considérée « utile », l’exercice de récitation était valorisé.

              [Établir une hiérarchie implique de faire un choix, de privilégier un nombre réduit de facteurs de classement, de distinguer l’important et le secondaire.]

              Si vous voulez remplacer « utile » par « important », je ne vois pas d’objection.

              [« Et Romains n’attaque pas la « médecine moderne et scientifique », mais la profession médicale en général. Mais oui, je crains devoir partager le cynisme de Romains dans cette affaire. » Et pourtant je pense que vous n’allez pas jusqu’à nier le bien-fondé de la médecine et l’utilité des professions médicales, même si certains de leurs membres peuvent vous inspirer de la méfiance.]

              Non, bien sûr. Mais je pense que, comme disait Clemenceau, la médecine est quelque chose de trop sérieux pour la laisser aux médecins. Et ce n’est pas seulement la médecine qui est en cause. Chaque profession a tendance à se fabriquer du travail : Donnez le pouvoir aux ingénieurs, et ils couvriront le territoire de routes et de ponts parfaitement inutiles. Donnez le pouvoir aux médecins, et nous serons vite tous malades.

              [« Si l’on trouve une explosion dans le nombre d’autistes, c’est moins à mon avis parce que la « finesse des diagnostics » s’améliore, mais parce qu’on a étendu la définition de ce qu’est un trouble autistique au-delà de toute raison. » À votre avis. Mais que vaut votre avis sur le sujet, si vous êtes aussi peu spécialiste que moi, par exemple ?]

              Disons qu’il vaut autant que le vôtre… Si un expert du sujet venait me contredire en apportant des arguments de poids, je n’hésiterais pas à lui donner raison. Mais tant que cet expert n’est pas apparu, je suis obligé de faire avec ce que j’ai. Je constate quand même qu’un grand nombre de spécialistes partagent l’idée que les définitions plus ou moins vagues des maladies mentales permettent des « effets de mode » importants.

              [L’humilité intellectuelle devrait, à mon avis, vous conduire au minimum à suspendre votre jugement.]

              C’est votre avis. Mais que vaut votre avis sur le sujet, si vous êtes aussi fautif que moi, par exemple ?

            • Vincent dit :

              @Descartes

              Et Romains n’attaque pas la « médecine moderne et scientifique », mais la profession médicale en général. Mais oui, je crains devoir partager le cynisme de Romains dans cette affaire.

              Cela vous étonnera peut être, mais je ne suis pas frontalement en désaccord avec ce que vous dites. Même si je pense que vous avez tendance à trop généraliser.
              1°) Il existe des psychiatres ou psychologues qui savent faire leur marketing et s’intronisent grand spécialiste de tel ou tel trouble (généralement un peu tous ceux dont on parle), qui ont des consultations assez rapides et très chères, et qui trouvent un diagnostic à tous ceux qui en veulent. Je caricature peut être un peu, mais pas tant que cela.
              Mais ils demeurent peu nombreux et marginaux. S’agissant des médecins des hôpitaux, qui font quand même le gros de l’activité, ils n’ont pas d’intérêt à mettre des diagnostics bidons, ni à recueillir davantage de patients, puisqu’ils n’auront ni augmentation de salaire, ni augmentation de moyens avec l’augmentation de la demande.
              2°) Ce qui n’est pas du tout marginal, et qui est moralement assez discutable, sont les pratiques qui sont à la limite entre le développement personnel et la médecine. Des ostéopathes et psychologues sont nombreux sur le créneau. Et plutôt que de faire des faux diagnostics sur des patients, ils ont tendance à faire des “diagnostics” qui n’ont aucune réalité scientifique, qui n’ont jamais été étudiés, sans aucun test calibré et statistiquement validé (vous semblez l’ignorer, mais il en existe pour l’autisme, le TDAH, les troubles dys). Je parle de “diagnostics” comme les “zèbres”, “hauts potentiels”, etc.
              Il y en a une prolifération, avec des enfants (le plus souvent), qui n’ont pas franchement de pathologie pouvant être sérieusement diagnostiquée par des médecins, mais avec lesquels les parents on du mal. Allez regarder un peu sur internet toutes les associations, conseils, livres, etc. sur les zèbres et hauts potentiels (mais il doit exister plein d’autres catégories foireuses de ce type). Et effectivement, il y a des psychologues, très nombreux, qui ne vivent presque que sur la base de ces diagnostics mal définis, non calibrés, non étudiés scientifiquement.
               
              Je pense que vous partez d’une intuition (ou de témoignages) qui sont corrects, sur ces dérives ; et que vous voulez calquer la même grille d’analyse sur les pathologies réellement reconnues médicalement. C’est à mon sens une erreur.
               

              La question ici n’est pas tant la « finesse des diagnostics » comme la définition des maladies. Si l’on trouve une explosion dans le nombre d’autistes, c’est moins à mon avis parce que la « finesse des diagnostics » s’améliore, mais parce qu’on a étendu la définition de ce qu’est un trouble autistique au-delà de toute raison.

              Cela vient que la psychiatrie française était massivement psychanalytique jusqu’à récemment. Et que l’autisme était considéré comme une psychose infantile (“psychose” n’est d’ailleurs pas non plus un terme bien défini scientifiquement).
              Les pédopsy étaient hyper mal formés, et il y avait un sous-diagnostic considérable. Il y a un rattrapage actuellement, mais les taux d’autistes en France restent inférieurs à 1%, ce qui est la valeur constatée un peu partout dans le monde, hors USA.

              Et ce n’est pas un hasard si cela nous vient des Etats-Unis, pays ou les gens sont obsédés par la conformité à la norme. Et du coup, tout ce qui s’écarte de cette norme est immédiatement transformé en pathologie.

              Les taux d’autistes anormalement élevés ne se retrouvent que en Amérique du Nord.
              La mode qui a traversé l’Atlantique pour l’autisme ne concerne pas vraiment l’autisme infantile, mais les soit disant autistes adultes, qui n’en sont bien souvent absolument pas.

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Cela vous étonnera peut être, mais je ne suis pas frontalement en désaccord avec ce que vous dites.]

              Pourquoi ça devrait m’étonner ? Après tout, je ne dis que des choses raisonnables, et vous êtes quelqu’un de raisonnable… la plupart du temps. 😉

              [Mais ils demeurent peu nombreux et marginaux. S’agissant des médecins des hôpitaux, qui font quand même le gros de l’activité, ils n’ont pas d’intérêt à mettre des diagnostics bidons, ni à recueillir davantage de patients, puisqu’ils n’auront ni augmentation de salaire, ni augmentation de moyens avec l’augmentation de la demande.]

              Je ne sais pas quel est le poids dans la profession des psychiatres hospitaliers qui n’ont jamais eu de pratique privée.

              [Et plutôt que de faire des faux diagnostics sur des patients, ils ont tendance à faire des “diagnostics” qui n’ont aucune réalité scientifique, qui n’ont jamais été étudiés, sans aucun test calibré et statistiquement validé]

              C’est bien ça un « faux diagnostic », non ?

              [(vous semblez l’ignorer, mais il en existe pour l’autisme, le TDAH, les troubles dys)]

              En effet, j’ignorais qu’il y avait pour ces pathologies des « tests calibrés et statistiquement validés ». Et je suis très surpris de l’apprendre : compte tenu du flou de la définition même de ces pathologies, on voit mal comment on fait pour « valider statistiquement » un test. Mais le sujet m’intéresse : c’est quoi le test « calibré et statistiquement validé » pour l’autisme, par exemple ?

              [Il y en a une prolifération, avec des enfants (le plus souvent), qui n’ont pas franchement de pathologie pouvant être sérieusement diagnostiquée par des médecins, mais avec lesquels les parents on du mal. Allez regarder un peu sur internet toutes les associations, conseils, livres, etc. sur les zèbres et hauts potentiels (mais il doit exister plein d’autres catégories foireuses de ce type).]

              Je ne connaissais pas cette histoire de « zèbres » (comme quoi, il faut suivre la mode…). Mais la logique de la situation est facile à comprendre : il y a un marché parce que les parents veulent une explication aux difficultés de leur enfant, et le discours des « surdoués » et « hauts potentiels » fournit une explication valorisante – tout comme les théories de « l’intelligence émotionnelle ». Et dès lors qu’il y a une demande, l’offre s’organise pour la satisfaire…

              [Je pense que vous partez d’une intuition (ou de témoignages) qui sont corrects, sur ces dérives ; et que vous voulez calquer la même grille d’analyse sur les pathologies réellement reconnues médicalement. C’est à mon sens une erreur.]

              Ce n’est pas tant la question de la reconnaissance de la pathologie, que de son extension. Je ne conteste nullement qu’il existe des autistes ou des dyslexiques dans un sens clinique du terme. Ce qui me gêne, c’est l’extension dans la définition de ces pathologiques permettant d’associer aux « vrais » autistes, aux « vrais » dyslexiques toute un ensemble de comportements ou de troubles qui n’ont avec eux qu’une vague ressemblance.

              [« La question ici n’est pas tant la « finesse des diagnostics » comme la définition des maladies. Si l’on trouve une explosion dans le nombre d’autistes, c’est moins à mon avis parce que la « finesse des diagnostics » s’améliore, mais parce qu’on a étendu la définition de ce qu’est un trouble autistique au-delà de toute raison. » Cela vient que la psychiatrie française était massivement psychanalytique jusqu’à récemment. Et que l’autisme était considéré comme une psychose infantile (“psychose” n’est d’ailleurs pas non plus un terme bien défini scientifiquement).]

              Je ne vois pas très bien le rapport. Pourquoi l’influence de la psychanalyse aurait-elle du conduire à un sous-diagnostic des autismes ? Si l’autisme est bien défini en termes de symptômes observables, le fait qu’on la considère une maladie génétique, une maladie neurologique ou une psychose ne change rien au nombre de malades détectés.

              [Les pédopsy étaient hyper mal formés, et il y avait un sous-diagnostic considérable.]

              Dire qu’il y a un « sous-diagnostic considérable » implique qu’on connaisse la « vraie » incidence… comment donc parler de « sous-diagnostic » alors qu’on n’a aucune mesure indépendante du phénomène ? Vous pouvez considérer la hausse de la prévalence mesurée comme un « rattrapage » d’un sous diagnostic, mais vous pouvez aussi la considérer comme la preuve d’une course au sur-diagnostic…

              [« Et ce n’est pas un hasard si cela nous vient des Etats-Unis, pays ou les gens sont obsédés par la conformité à la norme. Et du coup, tout ce qui s’écarte de cette norme est immédiatement transformé en pathologie. » Les taux d’autistes anormalement élevés ne se retrouvent que en Amérique du Nord.]

              Certes. Mais avec quelques années de « rattrapage » comme vous dites, nous serons bientôt à leur niveau… comme disait je ne sais plus qui, il faut regarder avec attention les conneries des Américains, car ce sont celles que nous ferons dans vingt ans.

            • Vincent dit :

              @Descartes
               

              En effet, j’ignorais qu’il y avait pour ces pathologies des « tests calibrés et statistiquement validés ». Et je suis très surpris de l’apprendre : compte tenu du flou de la définition même de ces pathologies, on voit mal comment on fait pour « valider statistiquement » un test. Mais le sujet m’intéresse : c’est quoi le test « calibré et statistiquement validé » pour l’autisme, par exemple ?

              Pour ne pas vous dire trop de bêtises, je vais vous renvoyer à de la biblio.
              1°)  L’argumentaire scientifique des recommandations de la HAS
              https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2018-02/trouble_du_spectre_de_lautisme_de_lenfant_et_ladolescent_-_argumentaire.pdf
              Le paragraphe 4 : Évaluation du TSA – Diagnostic et compétences décrit les outils diagnostics, et présente les principaux résultats des études de validation (spécificité et sensibilité globale, analyses en composantes principales internes pour vérifier la bonne prise en compte des différentes composantes, etc.)
              On trouve au passage dans ce document, dans le paragraphe épidémiologie, la phrase suivante :
              “Rappelons que, bien que l’origine génétique de l’autisme soit largement avérée, il n’existe pas de marqueurs biologiques de l’autisme et il reste donc nécessaire de s’appuyer sur des signes comportementaux pour établir un diagnostic”
               
              2°) Pour aller un peu dans votre sens, un article critique de l’ADI et l’ADOS, qui sont les 2 tests habituellement utilisés en combinaison pour l’établissement des diagnostics :
              https://hal.univ-lorraine.fr/hal-02280366/document
              Là où cet article pourrait aller dans votre sens, c’est qu’il semble y avoir un continuum entre les TSA et d’autres troubles, qu’il s’agisse de retard mental, de troubles psychiatriques, ou, même si ça n’est pas le sujet ici, de troubles de personnalité. Et qu’il y a des discussions scientifiques qui ne sont pas closes sur le sujet.
              Même si c’est hors sujet, voici une phrase extraite de la conclusion :
              “Rappelons que, bien que l’origine génétique de l’autisme soit largement avérée, il n’existe pas de marqueurs biologiques de l’autisme et il reste donc nécessaire de s’appuyer sur des signes comportementaux pour établir un diagnostic”.
              Ce qui renvoie à la discussion sur les origines génétiques, mais sur l’incapacité à identifier clairement de gène responsable.
               
              Bref, avec tout cela, j’espère au moins vous avoir convaincu :
              – que le diagnostic d’autisme quand il est fait dans les règles de l’art n’est pas n’importe quoi, et que l’ensemble des formes, même légères, ne dépasse pas 1% de la population, quoi que puissent en dire des association militantes (avec parfois des militants soit disant autistes, qui ne le sont pas réellement),
              – qu’il y a des vraies études qui sont réalisées pour avoir des vrais tests, et une vraie harmonisation des pratiques. Même si, quand on travaille sur de l’humain pur, on ne peut pas ne pas introduire un tout petit peu de “jugement d’expert” par moment (pour la validation initiale, il faut bien comparer les résultats des tests par rapport à des diagnostics apportés par des experts, en mélangeant les diagnostics de plusieurs experts, chacun travaillant en aveugle par rapport aux autres),
              – qu’il y a des vrais médecins, psychologues, chercheurs, qui font un vrai travail de fond avec de vraies méthodes scientifiques, pour approcher et cerner du mieux qu’ils le peuvent ces réalités à priori subjectives.
              – qu’il est légitime que des gens soient scandalisé quand un psy dit à la mère d’un enfant autiste que s’il est autiste, c’est de sa faute, parcequ’elle est une mère toxique (c’est l’expression qu’ils utilisaient).

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [On trouve au passage dans ce document, dans le paragraphe épidémiologie, la phrase suivante :
              “Rappelons que, bien que l’origine génétique de l’autisme soit largement avérée, il n’existe pas de marqueurs biologiques de l’autisme et il reste donc nécessaire de s’appuyer sur des signes comportementaux pour établir un diagnostic”]

              Mais un diagnostic de quoi exactement ? C’est là tout mon problème. La démarche dont vous parlez consiste à dire « il a tel ou tel symptôme, c’est donc un autiste ». Mais ceci n’est un « diagnostic » que si l’autisme est une pathologie bien définie, dont on connaît les causes et qui peut donc faire l’objet d’un traitement. Dire de quelqu’un « il a de la fièvre » ne constitue pas un diagnostic.

              [Bref, avec tout cela, j’espère au moins vous avoir convaincu :
              – que le diagnostic d’autisme quand il est fait dans les règles de l’art n’est pas n’importe quoi, et que l’ensemble des formes, même légères, ne dépasse pas 1% de la population, quoi que puissent en dire des association militantes (avec parfois des militants soit disant autistes, qui ne le sont pas réellement),]

              Vous n’avez que très partiellement réussi à me convaincre que le diagnostic de l’autisme « n’est pas n’importe quoi ». En effet, même lorsqu’il est fait « dans les règles de l’art », il s’agit d’une collection de symtômes dont on ne sait pas vraiment s’ils caractérisent une ou plusieurs maladies différentes, avec des origines différentes et donc des thérapeutiques différentes. Ce n’est donc pas un véritable « diagnostic », mais plutôt une classification.

              La conséquence évidente est que dire « untel est autiste » équivaut à dire « untel a un problème » sans qu’on sache vraiment lequel. Deux « diagnostiqués » présentent une même famille de symptômes, mais cela ne permet pas de conclure qu’ils évolueront d’une manière semblable, ou qu’on peut leur appliquer les mêmes instruments thérapeutiques. Dans ces conditions, quelle est l’utilité du diagnostic, sauf de médicaliser les symptômes ?

              [– qu’il y a des vrais médecins, psychologues, chercheurs, qui font un vrai travail de fond avec de vraies méthodes scientifiques, pour approcher et cerner du mieux qu’ils le peuvent ces réalités à priori subjectives.]

              Ca, je ne l’ai jamais contesté. Mais ce sont eux qu’on entend le moins, simplement parce que le débat scientifique se déroule par nature entre scientifiques, alors que les charlatans utilisent les haut-parleurs offerts complaisamment par les médias.

              [– qu’il est légitime que des gens soient scandalisé quand un psy dit à la mère d’un enfant autiste que s’il est autiste, c’est de sa faute, parce qu’elle est une mère toxique (c’est l’expression qu’ils utilisaient).]

              C’est certainement un manque de tact. Mais pour le moment rien ne démontre que ce ne soit pas vrai…

            • Vincent dit :

              @Descartes

              Je ne sais pas quel est le poids dans la profession des psychiatres hospitaliers qui n’ont jamais eu de pratique privée.

              Le plus souvent, les psychiatres libéraux orientent vers les centres experts pour les diagnostics, et ceux ci sont tenus par des praticiens fonctionnaires, qui n’ont qu’exceptionnellement une activité libérale en parallèle.
               
              Après, tout dépend ce que vous appelez des médecins n’ayant jamais eu d’activité privée : beaucoup d’étudiants, et notamment ceux qui font de la recherche (M2 / thèse de sciences) ont besoin, pour financer leurs études, de travailler ; et ceux qui font de la recherche à temps plein font donc couramment des gardes en clinique privée (nuit / WE) pour financer leur M2 ou leur thèse.
              Je ne pense pas que ce type d’activités soit de nature à corrompre leur jugement une fois qu’ils ont obtenu leur poste à l’hôpital…
               

              [Et plutôt que de faire des faux diagnostics sur des patients, ils ont tendance à faire des “diagnostics” qui n’ont aucune réalité scientifique, qui n’ont jamais été étudiés, sans aucun test calibré et statistiquement validé]
              C’est bien ça un « faux diagnostic », non ?

              Pour moi, non. Si je vous dis que vous avez le paludisme alors que c’est n’importe quoi, c’est un faux diagnostic. En effet, le paludisme est une vraie maladie.
              Si je vous dit que vous avez le “poumon possédé par le Diable”, que vous avez une “malédiction de sorcellerie”, que vous avez une “hypersensibilité aux ondes”, ou que vous avez une “maladie de Lyme chronique” (*)… ce sont des “diagnostics” qui n’ont aucune valeur scientifique, de maladies qui n’existent pas.
              On ne peut donc à mon sens pas parler de “faux diagnostic”, mais plutôt de charlatanerie. Mais il ne me semble pas que la charlatanerie soit interdite pour le quidam moyen
               
              (*) Il est possible que certains lecteurs adeptes des professeurs Belpomme et Peronne apprécient peu que ces quatre “diagnostics” soient mis sur le même plan. C’était intentionnel.
              Je reconnais volontiers que les gourous qui diagnostiquent les deux derniers ont plus de diplômes que ceux qui diagnostiquent habituellement les 2 premiers. Mais d’un autre coté, ils sont censés ne pas pratiquer la charlatanerie, ce qui est donc au final plus grave.
               

              Je ne connaissais pas cette histoire de « zèbres » (comme quoi, il faut suivre la mode…). Mais la logique de la situation est facile à comprendre : il y a un marché parce que les parents veulent une explication aux difficultés de leur enfant, et le discours des « surdoués » et « hauts potentiels » fournit une explication valorisante – tout comme les théories de « l’intelligence émotionnelle ». Et dès lors qu’il y a une demande, l’offre s’organise pour la satisfaire…

              C’est exactement cela.
              Concernant le haut potentiel, de base, c’était bien défini : QI>130.
              Et certains ont remarqué que DES personnes avec un QI élevé étaient malgré cela mal adaptées et échouaient à l’école, et ont voulu y attribuer un type de personnalité associée. Puis le nom “haut potentiel” a été utilisé pour décrire ce type de personnes avec de difficulté. Avant qu’on se rende compte que plein de gens qui n’avaient pas un QI élevé avaient des difficultés similaires. Et le critère de QI n’est donc plus considéré comme pertinent par les associations de “haut potentiel”. Bref, ça ne veut plus rien dire.
              Lors de la conférence que j’avais mis en lien, M. Ramus expliquait très bien qu’il y avait un biais énorme dans les chiffres de ces associations : on ne fait passer de test de QI qu’aux enfants qui ont des difficultés, et il n’est pas pas étonnant qu’une forte proportion des personnes ayant un résultat de QI élevé soient en difficulté. Mais dès qu’on passe en population générale, la corrélation “logique” revient : plus le QI est élevé, moins les enfants ont de difficultés scolaires. En moyenne.
               
              Et concernant l’intelligence émotionnelle, c’était à la mode, de magazines de gare. Mais il y a des chercheurs en sciences cognitives qui ont essayé de voir s’il était possible d’objectiver une mesure qui correspondait à peu près à cela. Et ils ont réussi à trouver une mesure de QE. Mais qui ne semble pas correspondre pile aux descriptions (très floues) des magazines de psychologie vendus en gare…

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Après, tout dépend ce que vous appelez des médecins n’ayant jamais eu d’activité privée : beaucoup d’étudiants, et notamment ceux qui font de la recherche (M2 / thèse de sciences) ont besoin, pour financer leurs études, de travailler ; et ceux qui font de la recherche à temps plein font donc couramment des gardes en clinique privée (nuit / WE) pour financer leur M2 ou leur thèse.
              Je ne pense pas que ce type d’activités soit de nature à corrompre leur jugement une fois qu’ils ont obtenu leur poste à l’hôpital…]

              Non, bien sur que non. Je parle des médecins diplômés, pas des « petits boulots » qu’on a pu faire pendant sa formation.

              [Pour moi, non. Si je vous dis que vous avez le paludisme alors que c’est n’importe quoi, c’est un faux diagnostic. En effet, le paludisme est une vraie maladie. Si je vous dit que vous avez le “poumon possédé par le Diable”, que vous avez une “malédiction de sorcellerie”, que vous avez une “hypersensibilité aux ondes”, ou que vous avez une “maladie de Lyme chronique” (*)… ce sont des “diagnostics” qui n’ont aucune valeur scientifique, de maladies qui n’existent pas.]

              En effet, la nuance m’avait échappé entre l’erreur de diagnostic et le diagnostic fantaisiste.

              [On ne peut donc à mon sens pas parler de “faux diagnostic”, mais plutôt de charlatanerie. Mais il ne me semble pas que la charlatanerie soit interdite pour le quidam moyen]

              Cela dépend : le quidam moyen peut bien entendu dire ce qu’il veut, mais ne peut pas se prétendre médecin.

            • Vincent dit :

              @Descartes

              Pourquoi l’influence de la psychanalyse aurait-elle du conduire à un sous-diagnostic des autismes ? Si l’autisme est bien défini en termes de symptômes observables, (…)

              Le problème de la pratique psychanalytique est qu’elle s’intéresse avant tout à la cause, en partant du principe que des causes venant de l’inconscient sont responsables de tout, et que les manifestations peuvent être très différentes.
              La description psychanalytique des maladies mentales ne se base pas sur les symptômes observables, mais sur les causes supposées (oedipe, abus durant l’enfance, mère trop possessive, etc.)
              Ce qui posait de gros problèmes, car 3 praticiens examinant le même patient avaient 3 interprétations différentes.
              C’est pour faire face à ces problèmes que le DSM III a introduit une classification des maladies sur la base des symptomes observables. Il s’agit d’une classification “athéorique”, c’est à dire indépendante des théories que l’on peut émettre sur les causes de la maladie.
              Voici un lien qui vous éclairera. Un lien fourni par des psychanalystes qui expliquent pourquoi ils sont opposés à cette approche :

              La lutte des psychanalystes contre le D.S.M.


              Voici comment des psychanalystes opposés à l’approche DSM III / DSM IV / DSM V  décrivent l’introduction du DSM III :
               
              “Le DSM III : le pragmatisme, l’athéorisme
               
              A partir des années soixante-dix (…) devant le constat que les psychiatres étaient dans l’incapacité de donner des diagnostics fiables, l’American Psychiatric Association (APA) qui regroupe l’ensemble des psychiatres US a décidé de moderniser la nosographie psychiatrique avec des critères opérationnels et en prenant le parti de l’athéorisme. (…) on a privilégié l’utilité et surtout la fidélité inter-juges (probabilité que deux praticiens donnent le même diagnostic devant le même tableau clinique) sur la validité. On s’est inspiré de la recherche pharmacologique où on inclut pour les études de médicaments des patients les plus homogènes possible, c’est à dire présentant le même type de symptômes afin de pouvoir opérer des comparaisons d’efficacité avec des outils statistiques.
               
              (…) les adversaires de la psychanalyse s’en sont emparés pour faire valoir les avantages d’une psychiatrie fondée sur des symptômes observables par tous, donc limitant le plus possible le biais de la subjectivité de l’observateur. Par ailleurs ils ont dénoncé les concepts psychanalytiques considérés comme trop abstraits, non consensuels et peu discriminants auxquels on oppose l’intérêt pragmatique d’un manuel athéorique.”
               
              Sachant que la pédopsychiatrie était encore massivement psychanalytique en France il y a moins de 10 ans, vous comprenez sans doute pourquoi il a pu y avoir des errances diagnostiques.

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [La description psychanalytique des maladies mentales ne se base pas sur les symptômes observables, mais sur les causes supposées (oedipe, abus durant l’enfance, mère trop possessive, etc.)]

              En d’autres termes, l’approche française cherchait les causes là où l’approche américaine s’intéresse seulement aux symptômes. Franchement, je trouve un certain charme à l’approche française. Après tout, quel est l’intérêt de regrouper dans une même catégorie des pathologies très différentes au motif qu’elles exhibent les mêmes symptômes ?

              [Ce qui posait de gros problèmes, car 3 praticiens examinant le même patient avaient 3 interprétations différentes.]

              Ca posait des gros problèmes A QUI ? Je pense qu’on est ici sur le cœur de la question. Que vaut-il mieux, trois montres qui fonctionnent mais qui du fait de petits décalages donnent trois heures différentes qui approchent l’heure vraie, ou trois montres arrêtées sur la même heure ? La réponse dépend de l’objectif qu’on veut atteindre. Si l’objectif est la crédibilité du praticien, alors il est évident que les trois montres arrêtées sur la même heure sont la perfection. Trois praticiens qui ne s’accordent pas sur un diagnostic, ça fait désordre. Alors que l’uniformité sur le diagnostic (fut il erroné ou faux) crée de la confiance. Par contre, s’il s’agit de l’utilité du diagnostic, alors les trois montres décalées sont nettement plus opérationnelles.

              [C’est pour faire face à ces problèmes que le DSM III a introduit une classification des maladies sur la base des symptomes observables. Il s’agit d’une classification “athéorique”, c’est à dire indépendante des théories que l’on peut émettre sur les causes de la maladie.]

              Je reviens au fond toujours à la même question : dès lors qu’on ne s’intéresse qu’aux symptômes sans remonter aux causes, on ne peut plus parler de « diagnostic », seulement de « classification ». Pour donner un exemple, imaginez que je crée la catégorie « malvoyant » à partir du fait que la personne ait une acuité visuelle inférieure à un standard donné. A quoi servirait une telle classification ? J’aurai dans le pot des gens qui ont besoin de lunettes de correction et des gens qui sont aveugles de naissance. Je ne peux dégager de ce « diagnostic » aucune conduite thérapeutique.

              [Sachant que la pédopsychiatrie était encore massivement psychanalytique en France il y a moins de 10 ans, vous comprenez sans doute pourquoi il a pu y avoir des errances diagnostiques.]

              Mais ce que vous appelez « errances », moi je les appelle au contraire un véritable travail de « diagnostic » à l’opposé d’une simple « catégorisation ».

            • Ian Brossage dit :

              @Descartes

              Autre exemple : l’écriture manuelle exige un effort, et pousse donc à l’économie de l’expression. Vous prenez une circulaire des années 1960, et vous trouvez un texte ramassé, synthétique, clair.

              Déjà, les circulaires étaient-elles vraiment écrites « à la main » ? Il n’est pas improbable qu’elles aient été tapées à la machine.
              Surtout, votre raisonnement ne devrait pas valoir que pour les circulaires. S’il est juste, il devrait aussi pointer vers une plus grande brièveté des productions littéraires d’antan, par exemple. Or, au contraire, le passé a été riche en oeuvres fort longues, voire en véritables sommes, qui au contraire n’existent plus guère de nos jours (quel écrivain se lance dans une Comédie Humaine ?). L’écriture littéraire contemporaine se distingue souvent par une certaine sécheresse.
              Bref, il me paraît plus plausible que les raisons de ces changements (en littérature et en production administrative) soient culturelles et non techniques.

              On ne voit pas très bien en quoi faire des pompes ou sauter à la corde pourraient être considérés « utiles » dans un contexte scolaire.

              Dans la mesure où à l’école on enseigne l’EPS, c’est que l’Éducation Nationale considère que l’exercice physique est utile aux élèves (notez que je ne donne pas d’opinion personnelle sur le sujet).

              Chaque profession a tendance à se fabriquer du travail : Donnez le pouvoir aux ingénieurs, et ils couvriront le territoire de routes et de ponts parfaitement inutiles. Donnez le pouvoir aux médecins, et nous serons vite tous malades.

              J’entends bien. Ceci dit, si la plus grande médicalisation de certains « troubles » permet aussi d’améliorer les choses, jusqu’éventuellement à faire disparaître les dits problèmes (ce qui est, après tout, le but de la médecine), je ne vois pas de raison a priori de refuser un tel processus.

              C’est votre avis. Mais que vaut votre avis sur le sujet, si vous êtes aussi fautif que moi, par exemple ?

              J’essaie plutôt d’éviter de développer, sur un sujet que je ne maîtrise pas, une opinion profane qui irait à l’encontre de ce que disent les spécialistes.
               

            • Descartes dit :

              @ Ian Brossage

              [« Autre exemple : l’écriture manuelle exige un effort, et pousse donc à l’économie de l’expression. Vous prenez une circulaire des années 1960, et vous trouvez un texte ramassé, synthétique, clair. » Déjà, les circulaires étaient-elles vraiment écrites « à la main » ? Il n’est pas improbable qu’elles aient été tapées à la machine.]

              Toujours, mais rarement par leurs auteurs. A l’époque, on écrivait à la main le texte puis on le donnait à une dactylo pour qu’il soit tapé. Et comme une fois tapé la correction était très difficile, il fallait que le manuscrit soit déjà pratiquement sous sa forme définitive.

              [Surtout, votre raisonnement ne devrait pas valoir que pour les circulaires. S’il est juste, il devrait aussi pointer vers une plus grande brièveté des productions littéraires d’antan, par exemple.]

              Bien sûr. Si j’ai donné l’exemple des circulaires, c’est parce que c’est un texte écrit par des gens soucieux d’abord de résoudre un problème pratique et sans aucune prétention littéraire.

              [Or, au contraire, le passé a été riche en œuvres fort longues, voire en véritables sommes, qui au contraire n’existent plus guère de nos jours (quel écrivain se lance dans une Comédie Humaine ?). L’écriture littéraire contemporaine se distingue souvent par une certaine sécheresse. Bref, il me paraît plus plausible que les raisons de ces changements (en littérature et en production administrative) soient culturelles et non techniques.]

              Mais justement, une circulaire n’est pas, contrairement à un livre, une œuvre à visée littéraire. Elle vise à résoudre un problème pratique. Si elles étaient hier ramassées, synthétiques et claires, et sont devenues aujourd’hui verbeuses, obscures et pleines de redites, ce n’est pas une question de style ou de mode.

              [Dans la mesure où à l’école on enseigne l’EPS, c’est que l’Éducation Nationale considère que l’exercice physique est utile aux élèves (notez que je ne donne pas d’opinion personnelle sur le sujet).]

              L’éducation nationale considère que l’EPS est utile au même titre que la vaccination – ou autrefois l’examen pulmonaire – étaient utiles. Ce n’est pas à titre pédagogique, mais à titre sanitaire. Le but n’est pas de développer un mécanisme intellectuel quelconque, mais d’avoir des élèves en bonne santé.

              [J’entends bien. Ceci dit, si la plus grande médicalisation de certains « troubles » permet aussi d’améliorer les choses, jusqu’éventuellement à faire disparaître les dits problèmes (ce qui est, après tout, le but de la médecine), je ne vois pas de raison a priori de refuser un tel processus.]

              Sauf que la médicalisation des troubles ne semble pas avoir fait disparaître les problèmes, au contraire !

              [J’essaie plutôt d’éviter de développer, sur un sujet que je ne maîtrise pas, une opinion profane qui irait à l’encontre de ce que disent les spécialistes.]

              Et bien, je ne suis pas d’accord sur la démarche. Personnellement, je me réserve le droit de remettre en question ce que disent les spécialistes lorsque je ne comprends pas la logique de leurs conclusions. Ce qui ne m’empêche pas d’être conscient des limites de cette « remise en question ». Le spécialiste a bien plus de chances d’être dans le vrai que moi. Mais tant que j’aurais pas compris pourquoi, je me réserve le droit de douter.

      • Vincent dit :

        @Descartes

        [’est plus sympa pour les parents de s’entendre dire par l’enseignant ou le psychologue « votre enfant a un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité » que de l’entendre dire « votre enfant est dissipé et insupportable ». Ce qui revient exactement au même, mais dès lors que c’est classifié comme maladie – et non comme un trait de caractère – c’est la fatalité et donc la faute à personne.]

         
        Je viens compléter et amender mon précédemment commentaire.
        Je pense comprendre pour quelle raison vous le faites : dans les classes moyennes/ supérieures, la réussite scolaire des enfants est considérée comme une priorité absolue, sur laquelle les parents investissent beaucoup. Dès lors, un échec scolaire signifie un échec éducatif… Sauf s’il y a un diagnostic qui permet aux parents de se disculper d’un échec de leur part.
        Et il y a donc une réelle demande de la part de familles CSP+ pour des “reconnaissances” de diagnostics. Cela semble vous énerver, ce que je peux comprendre. Bien que je comprenne aussi tout à fait les parents qui se comportent ainsi.
        Le point que je voulais avancer est qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, et qu’il existe de réels enfants avec des problèmes dys / TSA / TDAH, dont une prise en charge adaptée durant l’enfance peut être tout à fait utile à tous.
        Il faut garder aussi à l’esprit que :
        – ça n’est pas parceque des parents disent que leur enfant est dys-XXX qu’il a réellement été diagnostiqué comme tel ; il peut leur suffire souvent qu’un psychologue ou un parent ait évoqué cette hypothèse pour qu’ils s’en satisfassent…
        – on part réellement d’une situation où, il y a quelques décennies (et sans doute aujourd’hui en dehors des milieux CSP+), il y a un déficit de dépistage et de prise en charge de ce type de troubles.
         

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [Le point que je voulais avancer est qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, et qu’il existe de réels enfants avec des problèmes dys / TSA / TDAH, dont une prise en charge adaptée durant l’enfance peut être tout à fait utile à tous.]

          Combien ?

          • Vincent dit :

            @Descartes
            Voilà ce que me donne une rapide recherche :
             
            Déficience intellectuelle :
            – légère : 1% -> 2%
            – sévère : 0,3% – > 0,4%
             
            Autisme / TSA : on est de l’ordre de 0,5% à 1%. Même si, aux USA, ils arrivent dans certaines études à des 3% ou 4%. Mais c’est en raison d’un fort surdiagnostic de soit-disant autistes de haut niveau. Il y a même des associations qui proposent des  autodiagnostics sur internet, qui trouvent encore beaucoup plus. Mais naturellement, il ne faut pas y prêter attention.
             
            TDAH… C’est le grand écart. Il y a 2 phénomènes qui coexistent : une demande de parents de médicaliser leur enfant, qui pousse les chiffres à la hausse, et (surtout il y a plus de 10 ans) une méconnaissance du diagnostic par le corps médical, qui poussait à une sous évaluation. On arrive à des chiffre comme :
            – avec le DSM IV : 0,4% –> 16,6%
            – avec le CIM-10 : 0,4 –> 4,2%
            La définition du DSM V devrait permettre d’avoir des chiffres plus cohérents que le DSM IV.
            Il semblerait que la prévalence réelle soit plutôt de l’ordre de 3 / 4%, en augmentation, dont beaucoup supposent qu’elle est liée à l’évolution des modes de vie (hyperconnectivité).
             
            Troubles dys : c’est en dessous du TDAH ; il semblerait de l’ordre de 1%.

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Voilà ce que me donne une rapide recherche :]

              Je vous rappelle ma question : combien de « réels enfants avec des problèmes dys / TSA / TDAH, dont une prise en charge adaptée durant l’enfance peut être tout à fait utile à tous ». J’insiste sur le fait qu’on était d’accord qu’à côté de ces « réels enfants avec des problèmes… dont une prise en charge adaptée, etc. » il y avait des enfants diagnostiqués suite à des pressions diverses (des parents, de la société, des professionnels de la profession pour qui c’est leur gagne-pain). Les chiffres que vous me donnez correspondent-ils aux « réels enfants avec des problèmes », ou aux « faux » ? Et comment faites-vous pour séparer les uns et les autres ?

              Pour la déficience intellectuelle, la question est relativement simple puisqu’il y a plus d’un demi-siècle qu’on caractérise les mécanismes de l’intelligence et qu’on développe des tests permettant d’objectiver les choses. Mais pour les autres, vous voyez bien que les marges sont énormes – allant de 0,5% à 4%, soit un rapport 8 pour les TSA, de 0,4% à 4% pour les TDAH, soit un rapport 10 ! Combien sont « vrais » et combien sont « faux » là-dedans ?

      • BolchoKek dit :

        @ Descartes
         
        [Mais d’un autre côté, on voit effectivement se multiplier les « dys », un peu pour la même raison : c’est plus sympa pour les parents de s’entendre dire par l’enseignant ou le psychologue « votre enfant a un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité » que de l’entendre dire « votre enfant est dissipé et insupportable ». Ce qui revient exactement au même, mais dès lors que c’est classifié comme maladie – et non comme un trait de caractère – c’est la fatalité et donc la faute à personne.]
         
        Ce qui est un “trait de caractère” dans certaines circonstances peut être un “trouble” nécessitant un suivi dans d’autres… Par exemple on a vu une explosion du nombre de diagnostics de dyslexie en URSS dans les trente premières années de son existence. Ce n’est pas que les enfants soviétiques sont d’un coup devenus dyslexiques, c’est juste que l’alphabétisation a également explosé, concurremment à l’accès à la pédopsychiatrie… Pour un illettré, être dyslexique n’a pas beaucoup d’importance. Pour un fermier, être TDAH, la belle affaire. Ça devient un problème quand le travail intellectuel devient la norme, et il est légitime que la société s’assure de former des citoyens productifs.
         
        Maintenant, en ce qui concerne les “diagnostics d’excuse”, il faut noter que l’attitude de l’individu diagnostiqué avec un trouble ne dit rien sur la validité du diagnostic lui-même – on peut être dyslexique et paresseux – et le phénomène est d’ailleurs loin d’être cantonné à des parents en recherche d’excuse. Il y a pas mal de dépressifs par exemple qui font de leur dépression le centre de leur individualité et ne parlent que de ça, qui se trouvent toutes les excuses à partir de leur dépression…
         
        A ce propos, j’ai une amie psychiatre qui m’a dit une chose intéressante : dans le temps, jusqu’aux années 1970-1980 à peu près, les enseignants et médecins avaient un mal fou à venir en aide aux enfants dyslexiques, puisqu’il était fréquent que les parents considèrent que cela reviendrait à ce que leur enfant fût “anormal”, et étaient récalcitrants à un suivi quelconque, préférant la pédagogie des claques derrière la tête quand l’enfant n’arrivait pas à faire ses devoirs. La tendance s’est clairement inversée dans les deux dernières décennies, même s’il y a quelques restes de cette attitude chez certains parents plus “tradi”, et bien au-delà de la pédopsychiatrie. J’ai un ami d’enfance myope comme une taupe, et sa mère avait mis un temps fou à accepter que non, ce n’est pas qu’il ne “veut pas faire d’effort”, c’est qu’il avait besoin d’une visite chez l’ophtalmo… Il avait dû attendre la quatrième pour enfin pouvoir lire sans coller son visage à la feuille.

        • Descartes dit :

          @ BolchoKek

          [Ce qui est un “trait de caractère” dans certaines circonstances peut être un “trouble” nécessitant un suivi dans d’autres… Par exemple on a vu une explosion du nombre de diagnostics de dyslexie en URSS dans les trente premières années de son existence. Ce n’est pas que les enfants soviétiques sont d’un coup devenus dyslexiques, c’est juste que l’alphabétisation a également explosé, concurremment à l’accès à la pédopsychiatrie…]

          Mais la dyslexie n’a jamais été un « trait de caractère ». Qu’une maladie soit considérée bénigne dans certains cas et maligne dans d’autres n’implique pas qu’on ne la considère pas comme une maladie.

          [Il y a pas mal de dépressifs par exemple qui font de leur dépression le centre de leur individualité et ne parlent que de ça, qui se trouvent toutes les excuses à partir de leur dépression…]

          Certains vous diront que c’est une façon d’élaborer la dépression. Mais il faut aussi prendre en compte les cas des « faux déprimés » dont la dépression supposée est d’abord un argument pour ne pas travailler. Et plus la société accepte ce genre de justifications, plus ces cas se multiplient… c’est tout le problème : si vous êtes bienveillant avec les « vrais » malades, vous verrez se multiplier les « faux »… et si vous êtres trop sévère, c’est injuste pour les « vrais »… c’est pourquoi il importe de bien caractériser ce qui relève du pathologique.

          [A ce propos, j’ai une amie psychiatre qui m’a dit une chose intéressante : dans le temps, jusqu’aux années 1970-1980 à peu près, les enseignants et médecins avaient un mal fou à venir en aide aux enfants dyslexiques, puisqu’il était fréquent que les parents considèrent que cela reviendrait à ce que leur enfant fût “anormal”, et étaient récalcitrants à un suivi quelconque, préférant la pédagogie des claques derrière la tête quand l’enfant n’arrivait pas à faire ses devoirs.]

          Oui. Mais de la logique « tous des simulateurs », on est passé à « tous des malades ». Mais je ne peux m’empêcher de constater que la qualité d’expression écrite s’est considérablement dégradée dans l’intervalle, et cela dans TOUTES les classes sociales. Doit-on conclure que les claques fonctionnaient mieux que les traitements d’aujourd’hui ? Ou peut-être que le nombre de « vrais » dyslexiques est bien moindre que ce que l’on estime aujourd’hui.

          • BolchoKek dit :

            @ Descartes
             
            [Mais la dyslexie n’a jamais été un « trait de caractère ».]
             
            Bien sûr que si, nous en avons justement parlé dans ce fil : les enfants dyslexiques étaient assignés le trait de caractère “paresseux” voire “idiot”… Il n’y a pas de frontière stricte entre ce qui est “pathologique” et ce qui relève du “trait de caractère” dans ce genre de cas. Jadis, une jeune fille montrant de sévères symptômes psychotiques a bien reçu l’adulation des masses et l’approbation du pouvoir politique pour bouter les anglois hors de France…
             
            [Mais je ne peux m’empêcher de constater que la qualité d’expression écrite s’est considérablement dégradée dans l’intervalle, et cela dans TOUTES les classes sociales. Doit-on conclure que les claques fonctionnaient mieux que les traitements d’aujourd’hui ?]
             
            Au-delà du trait d’humour, il faut noter que d’une certaine façon, la prise en charge des enfants TDAH repose en grande partie sur un encadrement strict de leurs études et une méthode pédagogique assez rigide… Ce qui était la norme avant que les pédagos ne commencent à vouloir que les enfants ne “construisent leur propre savoir”, ce qui est incroyablement préjudiciable aux TDAH en particulier, qui ont besoin d’instructions claires pour des tâches précises. Il est possible que l’école à l’ancienne ait presque par inadvertance largement rendu le suivi thérapeutique non pertinent. Et dire que les critiques à l’époque fustigeaient son caractère inégalitaire…

            • Descartes dit :

              @ BolchoKek

              [« Mais la dyslexie n’a jamais été un « trait de caractère » » Bien sûr que si, nous en avons justement parlé dans ce fil : les enfants dyslexiques étaient assignés le trait de caractère “paresseux” voire “idiot”…]

              Mais pas à cause de la dyslexie. On attribuait le retard dans les apprentissages que la dyslexie à d’autres causes, dont certaines étaient des traits de caractère. Mais la dyslexie ELLE-MEME n’était pas considérée un « trait de caractère », essentiellement parce qu’elle ne se voyait pas.

              [Il n’y a pas de frontière stricte entre ce qui est “pathologique” et ce qui relève du “trait de caractère” dans ce genre de cas. Jadis, une jeune fille montrant de sévères symptômes psychotiques a bien reçu l’adulation des masses et l’approbation du pouvoir politique pour bouter les anglois hors de France…]

              Je ne pense pas que les contemporains de la Jeanne aient considéré le fait d’entendre des voix comme un « trait de caractère ». Je pense que vous mélangez pas mal de choses : le fait qu’une personne exhibe des traits « pathologiques » n’implique nullement qu’elle ne puisse recevoir l’adulation des masses et l’approbation du pouvoir politique. On trouve pas mal de psychopathes qui ont fait de belles carrières…

              [Il est possible que l’école à l’ancienne ait presque par inadvertance largement rendu le suivi thérapeutique non pertinent.]

              On peut le voir d’une autre façon. On pourrait penser que les TDAH n’ont rien de « pathologique », mais que c’est un comportement parfaitement normal et prévisible pour l’enfant qui reçoit une éducation « moderne »…

      • Badau dit :

        Je profite tout d’abord d’écrire sur votre site pour vous remercier une fois de plus pour vos articles dont la qualité est toujours au rendez-vous, ou plutôt à un angle mort de votre réflexion.
         
        Je me permets d’intervenir car vous abordez un sujet que j’ai dû apprendre à contre cœur. Ça me permettra d’élargir mon propos à un des rares points de désaccord que j’ai avec vous.
        La prévalence des troubles dys et TDAH est très sous estimées en France, en grande partie à cause de l’influence délétère de la secte psychanalyste qui fait que la France accuse un énorme retard par rapport à ses voisins européens dans le traitement de ces maladies. De même que pour l’autisme, il s’agit d’un spectre de symptômes dont les parents s’inquiète uniquement quand l’enfant est peu intelligent. La levée de bouclier contre l’interprétation psychologique de l’autisme est due au fait qu’elle n’est pas opérante au sens scientifique du terme. D’ailleurs je ne crois pas qu’elle soit encore considérée sérieusement en dehors de la secte susmentionnée. Alors il y a peut être des parents qui utilisent ces troubles dans le sens que vous utilisez, c’est à dire pour se dédouaner d’une mauvaise éducation, mais en France cela semble peu probable au vue des efforts que cela leur demande. S’ils existent, je doute fort qu’ils représentent une part significative des parents de malades.
        Concernant le TDAH, plus qu’un trouble du comportement, il recouvre d’autres problèmes encore plus pénalisant qu’une simple incapacité se tenir en classe. D’ailleurs il existe d’autres types de TDAH sans cette fameuse hyperactivité qui a fait connaître la maladie. Je vois mal les parents utiliser ces cas là comme excuse pour une quelconque erreur d’éducation vu que ces enfants là sont particulièrement ‘sages’, et beaucoup plus difficiles à repérer.
         
        Là où la question s’élargie, et où j’arrive enfin au point de désaccord que j’ai avec vos analyses par ailleurs excellentes, c’est quand on aborde l’origine de ces maladies : autisme, dys, TDAH, schizophrénie, etc. Avec nos connaissances actuelles, il fait très peu de doute que ces maladies sont génétiques.
        Par ailleurs la même chose peut être conclue pour l’intelligence.
        Donc il semble très vraisemblable qu’au moins l’intelligence, la maladresse, la fainéantise, la nervosité, l’autodiscipline sont à minima en partie génétique. La question du mérite individuel doit se poser à l’aune de cet éclairage. Or je ne vois rien à ce sujet dans vos articles. 
        Alors certes cela ne change rien mais au besoin de pousser les gens à faire le maximum d’efforts, et à donner le meilleur d’eux-mêmes par le travail et la discipline.
        Néanmoins, au moins pour les TDAH, prendre en charge médicalement les patients correctement permettrait de les rendre plus productif pour un coût relativement faible. Ce ne sera pas possible si l’on se cache derrière des explications psychologisantes. Celle-ci ne règleront pas non plus le problème des individus génétiquement les moins adaptés à notre société. Alors que faire pour limiter le problème qu’ils posent à notre société, ainsi que leurs souffrances et celles de leur parents?
        Je veux dire en dehors de culpabiliser des parents, qui présentent d’ailleurs probablement eux même une partie des symptômes de leurs rejetons.

        • Descartes dit :

          @ Badau

          [Je me permets d’intervenir car vous abordez un sujet que j’ai dû apprendre à contre cœur. Ça me permettra d’élargir mon propos à un des rares points de désaccord que j’ai avec vous.
          La prévalence des troubles dys et TDAH est très sous estimées en France, en grande partie à cause de l’influence délétère de la secte psychanalyste qui fait que la France accuse un énorme retard par rapport à ses voisins européens dans le traitement de ces maladies.]

          Désolé d’insister, mais avant de savoir si la prévalence d’un trouble est surestimée ou sous-estimée, il faut se mettre d’accord sur la définition exacte de ce trouble. Car on ne peut mesurer que ce qu’on peut caractériser. Si la définition est tellement vague que finalement la qualification du trouble dépend de la subjectivité du qualificateur, il est aventureux d’imaginer qu’il puisse exister une « évaluation » exacte du nombre de cas. Et sans possibilité d’une évaluation exacte, quel sens cela peut avoir de parler de « sur-évaluation » ou « sous-évaluation » ?

          [La levée de bouclier contre l’interprétation psychologique de l’autisme est due au fait qu’elle n’est pas opérante au sens scientifique du terme.]

          De grâce… vous croyez vraiment que la levée de boucliers vienne du manque de « scientificité » de la démarche ? Allons… si les boucliers se sont levés, c’est parce que l’interprétation psychologique touche des sensibilités et des intérêts.

          [Alors il y a peut-être des parents qui utilisent ces troubles dans le sens que vous utilisez, c’est à dire pour se dédouaner d’une mauvaise éducation, mais en France cela semble peu probable au vue des efforts que cela leur demande.]

          Pardon, mais quels sont les « efforts que cela leur demande » ? Comment se comparent ces efforts avec les avantages qu’ils en tirent ?

          J’ajoute que ce n’est pas seulement une question de « mauvaise éducation ». Avoir un enfant difficile ou ayant des difficultés d’apprentissage est pour les parents une source d’angoisse. Savoir que le trouble de leur enfant entre dans une « case » bénie par la faculté, et qu’il y a des professionnels censés résoudre le problème, cela permet de calmer cette angoisse, de transférer le problème sur l’institution.

          C’est là qu’on voit les effets du sur-investissement sur le parcours scolaire des enfants. A la fin du XIXème, quand la majorité de la population se destinait aux travaux des champs, avoir un enfant peu intelligent ou ayan des difficultés de concentration n’était pas vraiment angoissant pour les parents. On pouvait être bête tout en étant un bon paysan et un bon père de famille. Dans la société d’aujourd’hui, et dans les « classes intermédiaires » dont la place sociale dépend d’un capital immatériel qui est pour une large part intellectuel, avoir un enfant bête, ou simplement ayant des problèmes d’apprentissage, c’est un problème.

          [Là où la question s’élargie, et où j’arrive enfin au point de désaccord que j’ai avec vos analyses par ailleurs excellentes, c’est quand on aborde l’origine de ces maladies : autisme, dys, TDAH, schizophrénie, etc. Avec nos connaissances actuelles, il fait très peu de doute que ces maladies sont génétiques.]

          Je vois mal à quelles « connaissances » vous faites référence. Avec mes connaissances actuelles, j’aurais tendance à arriver à la conclusion inverse.

          [Par ailleurs la même chose peut être conclue pour l’intelligence.]

          Là encore, j’aimerais connaître vos références.

          [Donc il semble très vraisemblable qu’au moins l’intelligence, la maladresse, la fainéantise, la nervosité, l’autodiscipline sont à minima en partie génétique. La question du mérite individuel doit se poser à l’aune de cet éclairage. Or je ne vois rien à ce sujet dans vos articles.]

          Vous ne voyez rien pour la simple raison que je n’accepte pas votre prémisse de départ. Je ne vois pas ce qui vous permet de dire que l’intelligence, la maladresse, la fainéantise, la nervosité ou l’autodiscipline soient « en partie génétiques ».

          [Néanmoins, au moins pour les TDAH, prendre en charge médicalement les patients correctement permettrait de les rendre plus productif pour un coût relativement faible.]

          Je vais me répéter, mais tant pis. Avant de « prendre en charge médicalement » il faut se mettre d’accord sur le fait qu’il y a quelque chose à prendre en charge. J’attire votre attention sur le fait que votre démarche consiste schématiquement à définir un comportement « conforme » et qualifier de pathologique tout ce qui s’en écarte. On peut être solitaire et même asocial sans pour autant être « malade ». Et de quel droit on se permettrait de « prendre en charge médicalement » des gens au seul prétexte qu’ils ne sont pas « conformes » ?

          [Alors que faire pour limiter le problème qu’ils posent à notre société, ainsi que leurs souffrances et celles de leur parents? Je veux dire en dehors de culpabiliser des parents, qui présentent d’ailleurs probablement eux même une partie des symptômes de leurs rejetons.]

          Si vous pensez que « la maladresse, la fainéantise, la nervosité, l’autodiscipline » sont héréditaires, alors comment les parents ne se sentiraient pas coupables de ce qui arrive à leur enfant, puisque ce sont eux qui l’ont transmis ?

          • Vincent dit :

            [Là où la question s’élargie, et où j’arrive enfin au point de désaccord que j’ai avec vos analyses par ailleurs excellentes, c’est quand on aborde l’origine de ces maladies : autisme, dys, TDAH, schizophrénie, etc. Avec nos connaissances actuelles, il fait très peu de doute que ces maladies sont génétiques.]
            Je vois mal à quelles « connaissances » vous faites référence. Avec mes connaissances actuelles, j’aurais tendance à arriver à la conclusion inverse.

             
            Je pense qu’il faisait référence à ce genre de choses :
            Sur les origines partiellement génétiques des troubles dys :
            http://ipubli-inserm.inist.fr/bitstream/handle/10608/110/?sequence=30
             
            Sur les origines génétiques du TDAH :
            https://www.revmed.ch/RMS/2010/RMS-266/Les-origines-genetiques-du-syndrome-d-hyperactivite
            https://www.chusj.org/fr/soins-services/T/Trouble-de-l-attention/Causes-(1) [extrait : “Si un parent est atteint de TDAH, il est probable qu’un ou plusieurs de ses enfants développent aussi un TDAH. Si un enfant est atteint de TDAH, il est probable qu’un de ses frères ou sœurs développe aussi un TDAH. La transmissibilité héréditaire ou l’influence génétique du TDAH est d’environ 75 %. Cela signifie que le TDAH se transmet quasiment comme la couleur des yeux ou la taille.”]
             
            Sur les origines de l’autisme, on est encore beaucoup plus avancés, vu qu’il commence à y avoir un débat éthique sur le diagnostic prénatal, de manière analogue à la trisomie 21 :https://fr.wikipedia.org/wiki/Dépistage_prénatal_de_l'autisme
            Par ailleurs, même si ça ne répond pas directement à la question génétique, on sait que l’autisme peut être diagnostiqué dès la naissance par des IRM structurales, qui mesurent des anomalies des stuctures cérébrales)
            https://sante.lefigaro.fr/article/une-irm-pour-diagnostiquer-l-autisme-avant-l-age-d-un-an/ (il s’agit d’un article récent, qui confirme des études antérieures ; les premiers résultats similaires en France remontent à plus de 10 ans).
            Et voici un lien de l’Académie de médecine qui explique les apports de l’imagerie cérébrale pour comprendre les anomalies structurales des autistes :
            https://www.academie-medecine.fr/autisme-et-imagerie-cerebrale/
            On est bien au delà de simples hypothèses…
             

            [Par ailleurs la même chose peut être conclue pour l’intelligence.]
            Là encore, j’aimerais connaître vos références.

             
            Je ne peux pas répondre à sa place ; je vais vous donner les miennes :
             
            J’essaye d’aller quand je peux aux conférences de l’AFIS.
            Il se trouve que j’avais été à une sur le sujet de l’intelligence. Elle a été enregistrée ici ; il y a une des rubriques qui traite exactement de cette question.
            Comme vous le verrez, la réponse n’est pas univoque, mais il est certain qu’il y a une part génétique :
            http://www.scilogs.fr/ramus-meninges/infos-et-intox-sur-lintelligence/

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [« Je vois mal à quelles « connaissances » vous faites référence. Avec mes connaissances actuelles, j’aurais tendance à arriver à la conclusion inverse. » Je pense qu’il faisait référence à ce genre de choses : Sur les origines partiellement génétiques des troubles dys : (…)]

              Vous faites de l’ironie, j’imagine. Parce que l’article justement parle « d’origines familiales » et non « d’origines génétiques ». Et il met un bémol important sur cette confusion : « Cependant, l’agrégation familiale suggère, mais ne prouve pas l’origine génétique. En effet, les familles partagent non seulement une partie de leurs gènes, mais également un certain environnement. On peut imaginer que des parents qui ne lisent pas constituent, pour leurs enfants, un environnement peu favorable à l’apprentissage de la lecture ».

              (Sur les origines génétiques du TDAH : (…) “Si un parent est atteint de TDAH, il est probable qu’un ou plusieurs de ses enfants développent aussi un TDAH. Si un enfant est atteint de TDAH, il est probable qu’un de ses frères ou sœurs développe aussi un TDAH. La transmissibilité héréditaire ou l’influence génétique du TDAH est d’environ 75 %. Cela signifie que le TDAH se transmet quasiment comme la couleur des yeux ou la taille.”]

              Vraiment ? Si un parent est victime de malnutrition, quelle est la chance que l’un ou plusieurs de ses enfants soient victimes du même problème ? Si un enfant est victime de malnutrition, quelle est la probabilité que l’un de ses frères et sœurs en soit lui aussi victime ? Je viens donc de prouver, selon l’étrange raisonnement de ce papier, que la malnutrition est d’origine génétique…

              [Sur les origines de l’autisme, on est encore beaucoup plus avancés, vu qu’il commence à y avoir un débat éthique sur le diagnostic prénatal, de manière analogue à la trisomie 21 (…)]

              Je cite l’article que vous proposez en référence : « Ces tests restent cependant limités dans leur précision et leur pertinence. L’une des raisons est que les causes des troubles du spectre de l’autisme (TSA) soient multifactorielles. Une autre réside dans l’impossibilité de prédire la trajectoire évolutive d’une personne autiste, certaines restant très lourdement handicapées à l’âge adulte, d’autres menant une vie relativement autonome, voire, devenant surdouées : « même si deux personnes sont porteuses de la même variante génétique, l’une peut avoir un syndrome très sévère et l’autre un syndrome beaucoup plus léger – ou sans aucun syndrome »

              En d’autres termes, les TSA sont « multifactorielles » et on ne peut nullement les prédire à partir de tests génétiques. CQFD

              [Par ailleurs, même si ça ne répond pas directement à la question génétique, on sait que l’autisme peut être diagnostiqué dès la naissance par des IRM structurales, qui mesurent des anomalies des structures cérébrales) (…)]

              Non, « on » ne le sait pas. En tout cas, pas les rédacteurs de l’article que vous proposez. S’ils le savaient, ils n’utiliseraient pas le mode conditionnel : « La surface et le volume du cerveau des bébés autistes AURAIENT une taille supérieure par rapport aux enfants ayant un développement normal. Grâce à des examens par Imagerie par résonance magnétique (IRM, une technique non irradiante ), cette différence POURRAIT permettre de diagnostiquer l’autisme avant l’apparition des symptômes comportementaux, qui commencent à être visibles aux alentours de deux ans ».

              Mais comme vous le dites, à supposer que ce diagnostic soit pertinent, il n’assure en rien que la maladie ait une origine génétique. Le développement du cerveau de l’enfant pendant la grossesse dépend de beaucoup de facteurs, dont une bonne partie n’ont rien de génétique : alimentation de la mère, consommation d’alcool, de drogues ou de médicaments…

              [Et voici un lien de l’Académie de médecine qui explique les apports de l’imagerie cérébrale pour comprendre les anomalies structurales des autistes : (…) On est bien au delà de simples hypothèses…]

              Certes, mais cet article ne parle pas de génétique. L’autisme pourrait parfaitement être une maladie neurologique sans avoir une origine génétique. J’ajoute que l’article en question reprend la critique quant à la fiabilité du diagnostic de l’autisme lui-même, même s’il le fait à mots couverts : « Notre équipe utilise un outil diagnostic standardisé reconnu sur le plan international, l’ADI. Il est important ici de souligner la nécessité d’utiliser un outil diagnostic identique pour tous les enfants afin d’éviter une hétérogénéité clinique dans un syndrome probablement lui-même hétérogène ».

              [J’essaye d’aller quand je peux aux conférences de l’AFIS. Il se trouve que j’avais été à une sur le sujet de l’intelligence. Elle a été enregistrée ici ; il y a une des rubriques qui traite exactement de cette question. Comme vous le verrez, la réponse n’est pas univoque, mais il est certain qu’il y a une part génétique :]

              Ce que j’ai lu ne me convainc pas, parce que personne n’explique comment on établit cette « part génétique ». Cela supposerait non seulement une possibilité de mesurer l’intelligence – ce qui est un gros problème en soi – mais surtout de séparer dans cette mesure ce qui est lié à la génétique et ce qui est lié à l’environnement. Or, les individus qui partagent un même patrimoine génétique partagent généralement un même environnement… les cas de jumeaux séparés à la naissance et élevés dans des familles de niveau culturel et social très différent sont très rares !

            • Dell Conagher dit :

              Bonjour Descartes,
              [Je ne vois pas ce qui vous permet de dire que l’intelligence, la maladresse, la fainéantise, la nervosité ou l’autodiscipline soient « en partie génétiques »]
              En ce qui concerne l’intelligence, il me paraît difficile de considérer que la génétique ne joue *aucun* rôle dans le niveau d’intelligence d’un être humain : le cerveau existe, c’est un organe réel, dont la taille, la complexité, le nombre de neurones, etc. , sont définis d’abord par des gènes. Bien sûr, le cerveau a ensuite une certaine plasticité, mais celle-ci a ses limites, et tout le monde n’est pas doté d’un cerveau identique, de même que tous les humains ne sont pas dotés des mêmes yeux, jambes ou autres organes. Le fait qu’on ne puisse pas distinguer précisément ce qui dans l’intelligence relève de l’environnement et ce qui relève de la génétique, ni encore définir précisément ce qu’est l’intelligence, n’invalide pas ce fait, sauf à supposer que le siège de l’intelligence n’est pas dans le cerveau.
              [les cas de jumeaux séparés à la naissance et élevés dans des familles de niveau culturel et social très différent sont très rares !]
              Il existe un certain nombre de “twin studies” qui portent sur ce sujet. Je n’ai pas d’avis sur leur valeur parce que je ne m’y connais pas du tout en la matière et que je sais qu’elles ont été largement discutées, y compris sur le plan méthodologique, mais je sais qu’elles existent et qu’il continue à en paraître régulièrement.

            • Descartes dit :

              @ Dell Conagher

              [En ce qui concerne l’intelligence, il me paraît difficile de considérer que la génétique ne joue *aucun* rôle dans le niveau d’intelligence d’un être humain : le cerveau existe, c’est un organe réel, dont la taille, la complexité, le nombre de neurones, etc. , sont définis d’abord par des gènes.]

              Ainsi considéré, on peut dire que la génétique joue un rôle aussi dans le fait qu’on aime ou non la tarte aux fraises : après tout, nous percevons la tarte en question à travers des papilles gustatives, des nerfs, un cerveau dont la configuration est définie en partie par les gènes…

              Comme toujours, il s’agit d’une question de degré. Il est impossible d’affirmer qu’en ce qui concerne l’intelligence la génétique ne joue AUCUN rôle, tout simplement parce que mesurer son influence implique une étude statistique, et que quand même bien on ferait une étude faisant intervenir les 8 milliards d’êtres humains que nous sommes, cela laisserait quand même une marge d’incertitude. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que si cette influence existe, elle est très faible. Par ailleurs, les rares études qui arrivent à établir une corrélation entre facteurs génétiques et intelligence n’établissent nullement une causalité.

              [Bien sûr, le cerveau a ensuite une certaine plasticité, mais celle-ci a ses limites, et tout le monde n’est pas doté d’un cerveau identique, de même que tous les humains ne sont pas dotés des mêmes yeux, jambes ou autres organes.]

              La plasticité du cerveau, surtout dans les premiers mois de vie, est énorme. Il est donc très difficile de séparer ce qui est déterminé par la génétique est ce qui est déterminé par l’environnement. Alors que, vous le remarquerez, on peut établir des corrélations extrêmement fortes dans la couleur des yeux ou la taille, par exemple.

              [Il existe un certain nombre de “twin studies” qui portent sur ce sujet. Je n’ai pas d’avis sur leur valeur parce que je ne m’y connais pas du tout en la matière et que je sais qu’elles ont été largement discutées, y compris sur le plan méthodologique, mais je sais qu’elles existent et qu’il continue à en paraître régulièrement.]

              Bien sur, les américains adorent ça. Mais les cas de jumeaux homozygotes ayant été séparés à la naissance et élevés dans des milieux très différents sont extrêmement rares.

          • Vincent dit :

            [Néanmoins, au moins pour les TDAH, prendre en charge médicalement les patients correctement permettrait de les rendre plus productif pour un coût relativement faible.]
            Je vais me répéter, mais tant pis. Avant de « prendre en charge médicalement » il faut se mettre d’accord sur le fait qu’il y a quelque chose à prendre en charge. J’attire votre attention sur le fait que votre démarche consiste schématiquement à définir un comportement « conforme » et qualifier de pathologique tout ce qui s’en écarte. On peut être solitaire et même asocial sans pour autant être « malade ». Et de quel droit on se permettrait de « prendre en charge médicalement » des gens au seul prétexte qu’ils ne sont pas « conformes » ?

             
            1°) On pourrait vous répondre que depuis que l’humanité existe, celle ci est basée sur le fait que l’homme est un animal collaboratif, et qu’il est censé être inné chez lui d’avoir la capacité à développer des interactions sociales. Comme les dauphins, et d’autres. A l’état de nature, un individu qui ne socialise pas n’a que peu de chances de survie. Alors qu’un individu qui n’a pas de jambe peut survivre en comptant sur la solidarité tribale. Naturellement, on peut s’écarter de la norme sans avoir besoin d’être pris en charge. Mais dans une certaine mesure.
            2°) Une autre réponse peut être obtenue en interrogeant les personnes concernées, pour leur demander s’ils en sont conscients et s’ils en souffrent. Et s’ils aimeraient bien qu’on les aide. Quand on s’adresse à des adultes, capables de répondre, en gros, ils sont demandeurs. Et ceux qui ont été pris en charge de manière adaptée sont contents de l’avoir été. Naturellement, un Alceste de Molière qu’on obligerait à aller à la cour n’en serait pas particulièrement heureux. Mais entre ne pas avoir envie d’interactions sociales, et en être incapable, il y a une nuance que vous ne semblez pas saisir. Un misanthrope qui veut qu’on lui foute la paix sera capable d’expliquer à un médecin qu’il est très bien comme ça, et qu’il n’a besoin de personne ; un autiste avec de vraies difficultés ne sera pas capable d’avoir une discussion normale avec le médecin.
            3°) Vous ne semblez pas avoir bien lu les critères du DSM V. Notamment, les 3 conditions citées sont bel et bien cumulatives, c’est clairement indiqué dans le document.
             
             

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [« On peut être solitaire et même asocial sans pour autant être « malade ». Et de quel droit on se permettrait de « prendre en charge médicalement » des gens au seul prétexte qu’ils ne sont pas « conformes » ? » 1°) On pourrait vous répondre que depuis que l’humanité existe, celle ci est basée sur le fait que l’homme est un animal collaboratif, et qu’il est censé être inné chez lui d’avoir la capacité à développer des interactions sociales.]

              L’appel à la nature est un argument dangereux. Il ne fait pas question que « depuis que l’humanité existe » la reproduction humaine est hétérosexuelle, et que l’individu qui n’est sexuellement attiré que par les personnes du même sexe a peu de chances de se reproduire. Doit-on pour autant « prendre en charge médicalement » les homosexuels ?

              [2°) Une autre réponse peut être obtenue en interrogeant les personnes concernées, pour leur demander s’ils en sont conscients et s’ils en souffrent. Et s’ils aimeraient bien qu’on les aide. Quand on s’adresse à des adultes, capables de répondre, en gros, ils sont demandeurs.]

              Je ne sais pas si les adultes autistes sont « demandeurs » de quoi que ce soit. J’avais cru comprendre au contraire que les autistes, dans leur grande majorité, ne sont pas conscients de leur condition et ne demandent rien. Ce sont en général les proches qui s’en inquiètent ou demandent une aide thérapeutique.

              [Mais entre ne pas avoir envie d’interactions sociales, et en être incapable, il y a une nuance que vous ne semblez pas saisir.]

              Oh, mais je saisis tout à fait. Tout ce que je dis, c’est que la « nuance » comme vous la qualifiez vous-même est souvent assez floue, et que selon la personne qui porte le diagnostic la pièce peut tomber d’un côté ou de l’autre…

              [3°) Vous ne semblez pas avoir bien lu les critères du DSM V. Notamment, les 3 conditions citées sont bel et bien cumulatives, c’est clairement indiqué dans le document.]

              J’avoue humblement que je ne fais pas du DSM V mon livre de chevet. Je l’ai parcouru il y a quelque temps, mais je m’appuie surtout sur l’article que vous aviez cité en référence, et qui n’indique nulle part que les trois conditions soient « bel et bien cumulatives ».

            • Vincent dit :

              @Descartes
               
              Si, ils décrivent les catégories de symptômes A, B, C, D, et E. Dans les C, D, et E, il n’y a qu’un seul critère diagnostic, qui doit être rempli. Pour les deux premiers, il est indiqué :
              “La personne doit présenter trois symptômes sur trois dans la catégorie A et deux symptômes sur quatre dans la catégorie B pour répondre aux critères de l’autisme.”
              La liste des 3 symptômes de la catégorie A dont nous parlions est donc bien cumulative (remplir 3 critères sur 3, ça revient bien à cela…).
               
              En complément, la raison pour laquelle le diagnostic d’autisme a été justement modifié en TSA avec toute une palettes de nuances possibles est que la détermination binaire d’un diagnostic “autiste” ou “pas autiste” conduisait à des problèmes de stabilité du diagnostic selon les praticiens.

  11. democ-soc dit :

    Il faudrait quand meme faire un distinguo entre ce qui se passe au fond d’un parking souterrain ou dans une rue sombre et deserte, sous la menace d’un couteau ou autre arme, et ce qui se passe dans une famille, ou à la fin d’une soirée où tout le monde a un peu trop bu.
    Amalgamer l’un a l’autre, que cela soit pour tout banaliser ou au contraire tout criminaliser, c’est amalgamer 2 choses qui n’ont rien a voir.
    Personnellement, qu”on risque 20 ans de prison dans le 1er cas me parait amplement mérité. Mais à l’inverse, le terme moderne de “viol conjugal” me semble relever de l’oxymore…

  12. Geo dit :

    @Descartes
    [On voit fleurir partout depuis quelques décennies des livres de développement personnel, des “coachs” en développement personnel, des pratiques de méditation, d’introspection, etc. qui ont toutes en commun de conduire chacun à se recentrer sur lui même pour découvrir ce qu’il est vraiment, comme s’il y avait réellement quelque chose à découvrir.]
    ” Aime-toi toi-même, répètent les coaches en développement personnel. Grave méprise, car alors nous ne cesserons de nous affliger du mauvais sort qui s’acharne injustement sur la si aimable personne que nous sommes. En revanche, le sage qui parvient à se détester suffisamment accueille avec une hargneuse satisfaction les épreuves et les avanies qui s’abattent sur lui. L’apparition d’un ganglion suspect dans sa gorge le réjouit au-delà de toute mesure et, si malencontreusement la fortune lui sourit, il est toujours bien facile de lui tirer la langue (mais essayez donc de tirer la langue à un ganglion suspect logé dans votre gorge).”
     
    Éric Chevillard

  13. Lingons dit :

    Cher Descartes
     
    Je m’écarte quelque peu du sujet initial, Science Po Paris n’en est pas à sa première marotte de ce type (rappelez vous les conférenciers « empêchés » d’entrer)
     
    Mais revenons sur le point qui prétend que cette école est « le saint des saints de la fabrication des élites à la française ». Pour être issue de du milieu des sciences politiques, je peux vous dire que science po Paris (aimablement rebaptisée « Science pipo » par les pratiquants de la discipline venant du milieu universitaire ou des IEP de régions ) n’est plus considérée comme une fabrique à élite depuis longtemps.
     
    Les professionnels issues de cette école sont au contraire majoritairement considérés par leur pairs comme des gens dont l’arrogance n’a d’égal que l’incompétence une fois en poste (bien qu’il existe toujours quelques exceptions).
     
    On constate le même phénomène dans le secteur du commerce, avec nos « prestigieuses » écoles parisiennes (HEC, ESCP, ect) dont les diplômés ont exactement la même réputation dans leur milieu que ceux de science po paris.
     
    D’une façon générale, ces « élites » ne sont considérées comme telles que par les membres de ces dernières (et les DRH qdont l’unique source d’apréciation est leurs sacro-saintes grilles).
     
    Pour vous donner une idée, beaucoup de cabinets, de taille petite ou moyenne, de mon secteur professionnel décident de ne plus engager de gens issus de ces formations, ne supportant plus leur incompétence (j’avais même eu connaissance d’une ancienne DRH du Sénat ayant cette logique pour vous dire).
     
    Idem à l’international, ou la mention HEC ou Science po Paris ne fait pas particulièrement réagir positivement les professionnels.
     
    Tout cela pour dire que nos fabriques à élites ne sont même plus considérés comme telles par beaucoup, que ce soit en France ou à l’étranger.
     
    Situation qui me navre, car en républicain convaincu je suis persuadé que notre nation à besoin d’organismes de formation créant des personnels compétents (que ce soit pour le public ou le privé) mais force est de constater que les établissements actuels ne font que de l’élite « sociale ».

    • Descartes dit :

      @ Lingons

      [Je m’écarte quelque peu du sujet initial, Science Po Paris n’en est pas à sa première marotte de ce type (rappelez-vous les conférenciers « empêchés » d’entrer)]

      Comme aurait dit l’un de mes maîtres, cela prouve que les étudiants ont trop de temps libre. Sciences-Po n’est pas l’école de l’élite, mais de la pseudo-élite. De ces classes intermédiaires qui s’imagine que parce que ses rejetons se frottent à quelques célébrités de la politique ou des médias ils accèdent à la Cour et pourront, un jour, peut-être, approcher le Roi.

      [Mais revenons sur le point qui prétend que cette école est « le saint des saints de la fabrication des élites à la française ». Pour être issue de du milieu des sciences politiques, je peux vous dire que science po Paris (aimablement rebaptisée « Science pipo » par les pratiquants de la discipline venant du milieu universitaire ou des IEP de régions ) n’est plus considérée comme une fabrique à élite depuis longtemps.]

      Je me méfie. C’est un peu comme lorsque ceux qui ont été recalés au concours de l’ENA tirent à boulets rouges sur cette vénérable école. Cela étant dit, pour avoir accueilli pas mal de jeunes Sciencies-Politicards comme stagiaires et y avoir moi-même fait quelques interventions (on ne m’a pas réinvité…) je dois dire que cette réputation est probablement justifiée. En termes académiques, la formation ne me semble pas meilleure que celle des IEP de province, et sur beaucoup de points elle est moins bonne. Par contre, on y connait du monde et on s’y fait des amitiés fort utiles pour la suite…

      [Les professionnels issues de cette école sont au contraire majoritairement considérés par leur pairs comme des gens dont l’arrogance n’a d’égal que l’incompétence une fois en poste (bien qu’il existe toujours quelques exceptions).]

      Là encore, je me méfie. Il est de bon ton de trouver « arrogant » ceux qui ont eu le concours que vous n’avez pas eu. Les centraliens trouvent les polytechniciens arrogants, les polytechniciens trouvent les normaliens arrogants, les normaliens trouvent les énarques arrogants, et ainsi de suite. Franchement, « l’arrogance » n’est pas pour moi le bon indicateur. La question de la compétence me paraît bien plus intéressante.

      [On constate le même phénomène dans le secteur du commerce, avec nos « prestigieuses » écoles parisiennes (HEC, ESCP, etc.) dont les diplômés ont exactement la même réputation dans leur milieu que ceux de science po paris.]

      Je vous trouve sévère. Les jeunes HEC que j’ai pu connaître étaient des têtes à la fois bien faites et bien pleines.

      [D’une façon générale, ces « élites » ne sont considérées comme telles que par les membres de ces dernières (et les DRH dont l’unique source d’appréciation est leurs sacro-saintes grilles).]

      Faut pas trop exagérer. Si les entreprises préfèrent embaucher un HEC plutôt qu’un diplômé d’une obscure école de commerce de province ou un universitaire, et le payer bien plus, il doit bien y avoir une raison. S’ils étaient incompétents, ça finirait par se savoir.

      [Pour vous donner une idée, beaucoup de cabinets, de taille petite ou moyenne, de mon secteur professionnel décident de ne plus engager de gens issus de ces formations, ne supportant plus leur incompétence (j’avais même eu connaissance d’une ancienne DRH du Sénat ayant cette logique pour vous dire).]

      De toute façon, ce son les employeurs qui dans notre système disent la vérité des prix.

      [Tout cela pour dire que nos fabriques à élites ne sont même plus considérés comme telles par beaucoup, que ce soit en France ou à l’étranger.]

      Là encore, il faut nuancer. L’ENS, Polytechnique, Centrale et d’une façon générale les grandes écoles scientifiques continuent à être considérés comme des fabriques d’élites, en France et à l’étranger. C’est aussi le cas de l’ENA, du moins si l’on tient compte du nombre de pays qui envoient leurs hauts fonctionnaires suivre une formation dans cette institution.

  14. Henri dit :

    Dans la série #balancetonpatron , il y a eu il y a un peu plus de six mois le scandale Ubisoft qui a conduit à plusieurs démissions. Il s’agit d’une série d’agressions sexuelles, attentats à la pudeur, propos suggestifs,  commis par des membres haut placés de l’entreprise sur des employées, affaire étouffée par les DRH puis sortie dans la presse. J’ignore où en sont les accusations portées devant la justice car la presse n’en parle plus, mais cela a poussé l’entreprise a faire une enquête interne et à prendre des mesures.Comme vous le dites, il y a fort à parier qu’ils s’agisse de la pointe émergée d’un bien plus large iceberg.

    • Descartes dit :

      @ Henri

      [Comme vous le dites, il y a fort à parier qu’ils s’agisse de la pointe émergée d’un bien plus large iceberg.]

      Mais curieusement, la partie émergée de l’iceberg en question est toujours celle qui concerne les classes intermédiaires. Car je me demande combien d’ouvriers étaient concernés dans l’affaire Ubisoft. Pourtant, je peux vous dire que les abus sont bien plus importants dans des entreprises de nettoyage, par exemple…

  15. Lingons dit :

    Descarte
     
    Merci pour votre réponse
     
     
    « Là encore, je me méfie. Il est de bon ton de trouver « arrogant » ceux qui ont eu le concours que vous n’avez pas eu. Les centraliens trouvent les polytechniciens arrogants, les polytechniciens trouvent les normaliens arrogants, les normaliens trouvent les énarques arrogants, et ainsi de suite. Franchement, « l’arrogance » n’est pas pour moi le bon indicateur. La question de la compétence me paraît bien plus intéressante. »
     
    Pardonnez moi mais je trouve très étonnant de voir l’argument de la « jalousie » dans votre argumentaire. En effet, c’est typiquement l’esquive utilisée pour contrer à peu de frais la moindre critique ou réserve énoncées contre quelqu’un ou une institution censés être « au dessus » des autres.
     
    Vous remettez en cause la qualité de l’enseignement d’HEC ? Vous êtes jaloux de ne pas avoir le salaire de ses élèves…
    Vous vous plaigniez de l’incompétence du haut fonctionnaire issue de l’ENA qui dirige votre service ? Vous êtes jaloux de ne pas avoir eu le concours…
    Vous critiquez la gestion d’une politique par un ministre ? Vous êtes jaloux de la carrière de ce dernier…
     
    Si on suit cette logique, personne ne peut critiquer une institution ou un groupe social s’il n’est pas issue de ces derniers, car tout son argumentaire ne serait motivé que par sa jalousie et serait donc « malhonnête »
     
    A ce compte là, n’importe qui sur ce blog pourrait balayer toutes vos critiques sur Science po Paris d’un revers de la main car ces dernières ne seraient motivées que par le fait que cette école n’a pas jugée bon de faire à nouveau appel à vos services
     
    De même, beaucoup de vos papiers où vous émettez des réserves sur l’action gouvernementale actuelle, pourraient être réfutés en deux lignes sous prétexte que vous êtes amer que ce ne soit pas votre propre sensibilité politique qui soit aux manettes ou que vous n’avez pas eu la carrière politique dont vous rêviez.
     
    Donc je vous pris de m’excuser, mais l’argument de la jalousie ne relève que du procès d’attention
     
    Pour ce qui est de l’arrogance je vous suis, quelqu’un de brillant dans son secteur à la « légitimité » d’être arrogant (j’insiste sur les guillemets). Mais dans mes exemples je relève, que ce qui insupporte une grand part de la profession n’est pas tant l’arrogance en elle même (qui il faut bien l’admettre est assez répandue dans l’ensemble de mon secteur, science po Paris ou non) mais qu’elle rime bien souvent chez ces gens avec incompétence .
     
    « Faut pas trop exagérer. Si les entreprises préfèrent embaucher un HEC plutôt qu’un diplômé d’une obscure école de commerce de province ou un universitaire, et le payer bien plus, il doit bien y avoir une raison. S’ils étaient incompétents, ça finirait par se savoir. »
     
    Vous qualifiez dans votre papier Science po Paris de « club » ou la cooptation est recherchée et mise en avant, et bien sachez que c’est exactement la même chose pour les grandes écoles de commerce parisiennes, cooptation qui se retrouve dans le monde du travail. On dit souvent que la France est le « pays du diplôme », il serait plus juste de dire « pays de l’école » (moi même j’avoue avoir bénéficier un fois ou deux de cette logique dans mon travail, une porte m’a été ouverte car j’étais « de la maison »)
     
    « Là encore, il faut nuancer. L’ENS, Polytechnique, Centrale et d’une façon générale les grandes écoles scientifiques continuent à être considérés comme des fabriques d’élites, en France et à l’étranger. C’est aussi le cas de l’ENA, du moins si l’on tient compte du nombre de pays qui envoient leurs hauts fonctionnaires suivre une formation dans cette institution. »
     
    Vous avez tout à fait raison sur ce point et j’aurais du nuancer mon propos précédent. Je n’ai en effet jamais eu à me plaindre des compétences des gens issues des écoles que vous citez, mise à part l’ENA, (bien qu’ayant moins eu l’occasion de travailler avec ce genre de profils que les science po Paris ou les ESCP, tous simplement car ils sont moins présents dans mon secteur d’activité). De même, je ne me souviens pas avoir entendu des critiques récurrentes sur la compétence des personnes issues de ces écoles de la part de professionnels de ma connaissance collaborant avec eux.
     
     
    Mais dans ce cas posez vous la question :
     
    Pourquoi des « fabriques à élites » comme Science po Paris, HEC, l’ENA ou l’ESSEC semblent être autant sous le feu des critiques, quant à la compétence de leurs rejetons, alors que l’ENS, Centrale ou Polytech sont globalement épargnées ; seraient elles immunisées à la jalousie ?
     
    Étant donné la nature humaine j’en doute, peut être alors il y a t’il vraiment quelque chose de pourri aux royaumes de la rue de la Libération et de Saint Guillaume ?

    • Descartes dit :

      @ Lingons

      [« Là encore, je me méfie. Il est de bon ton de trouver « arrogant » ceux qui ont eu le concours que vous n’avez pas eu. Les centraliens trouvent les polytechniciens arrogants, les polytechniciens trouvent les normaliens arrogants, les normaliens trouvent les énarques arrogants, et ainsi de suite. Franchement, « l’arrogance » n’est pas pour moi le bon indicateur. La question de la compétence me paraît bien plus intéressante. » Pardonnez-moi mais je trouve très étonnant de voir l’argument de la « jalousie » dans votre argumentaire.]

      Je n’ai pas parlé de « jalousie ». Je pensais plutôt à la fable « le renard et les raisins » :

      Certain Renard Gascon, d’autres disent Normand,
      Mourant presque de faim, vit au haut d’une treille
      Des Raisins mûrs apparemment,
      Et couverts d’une peau vermeille.
      Le galand en eût fait volontiers un repas ;
      Mais comme il n’y pouvait atteindre :
      “Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats. ”
      Fit-il pas mieux que de se plaindre ?

      [Vous vous plaigniez de l’incompétence du haut fonctionnaire issue de l’ENA qui dirige votre service ? Vous êtes jaloux de ne pas avoir eu le concours…]

      Pardon, pardon. Il y a une différence entre critiquer « l’arrogance » d’UN énarque bien déterminé, et de critiquer « l’arrogance » DES énarques en général. Dans le premier cas, il s’agit d’évaluer le caractère d’un individu particulier, qui accessoirement est un énarque, dans le deuxième la critique porte sur l’ensemble des individus sortis de l’institution, et donc sur l’institution elle-même. C’est toute la différence entre dire « je connais un énarque qui est un con » (ce qui après tout est banal, dans tout groupe on trouvera des cons) et « tous les énarques sont des cons », ce qui équivaut à un appel à fermer la vénérable école.

      J’ajouterais que, oui, quand j’entends quelqu’un qui a raté le concours de l’ENA (ou n’importe quelle autre institution, d’ailleurs) agonir d’injures l’institution qu’il a cherché à rejoindre, je me pose des questions. Pourquoi, si c’est une institution aussi détestable, a-t-il cherché à s’y faire admettre ?

      [Si on suit cette logique, personne ne peut critiquer une institution ou un groupe social s’il n’est pas issue de ces derniers, car tout son argumentaire ne serait motivé que par sa jalousie et serait donc « malhonnête »]

      La critique d’une institution ou d’un groupe social par ceux qui ont fait des pieds et des mains pour s’y faire admettre et n’y ont pas réussi est toujours suspecte, oui. Mais suspect ne veut pas forcément dire coupable. Et la critique doit être jugée à ses propres mérites, indépendamment de son auteur.

      [A ce compte-là, n’importe qui sur ce blog pourrait balayer toutes vos critiques sur Science po Paris d’un revers de la main car ces dernières ne seraient motivées que par le fait que cette école n’a pas jugé bon de faire à nouveau appel à vos services.]

      Je crois que vous n’avez mas bien lu mon commentaire. Je n’ai jamais rejeté la critique « d’un revers de main ». Si vous reliez mon paragraphe, vous noterez que j’ai commencé par la locution « je suis méfiant ». Et la méfiance implique non pas le rejet, mais la vigilance. C’est pourquoi j’ai d’ailleurs ajouté que pour moi la question de « l’arrogance » était secondaire, et qu’il valait mieux se concentrer sur la question de la compétence.

      [De même, beaucoup de vos papiers où vous émettez des réserves sur l’action gouvernementale actuelle, pourraient être réfutés en deux lignes sous prétexte que vous êtes amer que ce ne soit pas votre propre sensibilité politique qui soit aux manettes ou que vous n’avez pas eu la carrière politique dont vous rêviez.]

      Réfutées non… mais je trouverais légitime que vous fassiez preuve de « méfiance » envers ces critiques au motif que ce gouvernement n’est pas saint de ma dévotion, et que vous vérifiez donc mes affirmations avec attention.

      [« Faut pas trop exagérer. Si les entreprises préfèrent embaucher un HEC plutôt qu’un diplômé d’une obscure école de commerce de province ou un universitaire, et le payer bien plus, il doit bien y avoir une raison. S’ils étaient incompétents, ça finirait par se savoir. » Vous qualifiez dans votre papier Science po Paris de « club » ou la cooptation est recherchée et mise en avant, et bien sachez que c’est exactement la même chose pour les grandes écoles de commerce parisiennes, cooptation qui se retrouve dans le monde du travail.]

      Mais pour que la cooptation fonctionne, encore faut-il que tant le cooptateur que le coopté y trouvent leur intérêt. Or, quel est l’intérêt d’un HEC déjà installé et en poste d’embaucher un diplômé de la même école incompétent, qui fera bourde sur bourde et jettera donc le discrédit sur sa réputation comme recruteur et comme manager ?

      La cooptation est peut-être l’ennemie de la justice, mais pas nécessairement de la compétence. La plupart des « corps » coopte avec des stricts critères de qualité, et assure une police interne souvent très sévère. Un conseiller d’Etat, un ingénieur des Mines peuvent compter sur le soutien des autres membres de leur corps dans une mauvaise passe. Mais s’il font une grosse connerie, ils seront mis au placard parce que les autres savent bien que cette connerie risque de les mettre tous en danger.

      [On dit souvent que la France est le « pays du diplôme », il serait plus juste de dire « pays de l’école » (moi même j’avoue avoir bénéficier un fois ou deux de cette logique dans mon travail, une porte m’a été ouverte car j’étais « de la maison »)]

      Sans doute. Mais ce privilège a une contrepartie. Si par votre comportement vous mettez en danger la réputation de la « maison », vous aurez de très sérieux ennuis.

      [Mais dans ce cas posez vous la question : Pourquoi des « fabriques à élites » comme Science po Paris, HEC, l’ENA ou l’ESSEC semblent être autant sous le feu des critiques, quant à la compétence de leurs rejetons, alors que l’ENS, Centrale ou Polytech sont globalement épargnées ; seraient elles immunisées à la jalousie ?]

      Laissons de côté l’ENA, qui de par sa fonction de creuset de la haute fonction publique est devenue le bouc émissaire de tous les politiques – y compris ceux qui y sont issus. L’ENA est devenu pour les uns un moyen facile de critiquer les élites politiques, et pour les politiques l’alibi commode de leur impuissance (voir le discours sur « l’Etat profond »…). En fait, l’immense majorité des gens qui écoutent ces critiques savent fort peu de chose sur la vénérable école fondée par Thorez et Debré. Ils s’imaginent par exemple que les anciens de l’ENA deviennent tous politiciens ou ministres, alors que l’immense majorité d’entre eux font carrière dans les préfectures, dans les tribunaux administratifs, comme cadres des administrations centrales et des établissements publics. On voit d’ailleurs un paradoxe intéressant : dans notre pays, autant l’image de l’ENA est mauvaise, autant la compétence et la qualité professionnelle des préfets ou des directeurs d’administration est reconnue… alors qu’il s’agit pour une grande part d’énarques !

      • Guy dit :

        [Mais pour que la cooptation fonctionne, encore faut-il que tant le cooptateur que le coopté y trouvent leur intérêt. Or, quel est l’intérêt d’un HEC déjà installé et en poste d’embaucher un diplômé de la même école incompétent, qui fera bourde sur bourde et jettera donc le discrédit sur sa réputation comme recruteur et comme manager ?]
        La solidarité de classe. Si on commence à dire que l’institution en question peut produire un incompétent, alors ça veut dire que la formation correspondante, si excellente, si au dessus du vulgus pecum qu’elle se prétende n’est pas à l’abri de produire des médiocres. C’est tout simplement inacceptable.

        • Descartes dit :

          @ Guy

          [La solidarité de classe. Si on commence à dire que l’institution en question peut produire un incompétent, alors ça veut dire que la formation correspondante, si excellente, si au dessus du vulgus pecum qu’elle se prétende n’est pas à l’abri de produire des médiocres. C’est tout simplement inacceptable.]

          Mais justement. Un vieil HEC qui recrute un jeune “incompétent” prend le risque que cette incompétence apparaisse aux yeux de tous, et donc menace sa propre position. Il a donc tout intérêt à recruter quelqu’un qui sorte d’une autre école… en d’autres termes, vous n’avez intérêt à recruter des gens de voter “corps” que si vous êtes personnellement convaincu qu’ils sont compétents…

  16. Lingons dit :

    Descarte
     
    « J’ajouterais que, oui, quand j’entends quelqu’un qui a raté le concours de l’ENA (ou n’importe quelle autre institution, d’ailleurs) agonir d’injures l’institution qu’il a cherché à rejoindre, je me pose des questions. Pourquoi, si c’est une institution aussi détestable, a-t-il cherché à s’y faire admettre ? La critique d’une institution ou d’un groupe social par ceux qui ont fait des pieds et des mains pour s’y faire admettre et n’y ont pas réussi est toujours suspecte, oui. Mais suspect ne veut pas forcément dire coupable. Et la critique doit être jugée à ses propres mérites, indépendamment de son auteur. »
     
    J’avoue ne pas bien comprendre pourquoi vous semblez vous obstiner à partir du présupposé que quelqu’un critiquant la compétence, ou le fonctionnement d’une institutions cherche ou à cherché à en faire partie ?
     
    Je suis d’accord que cela existe, mais comprenez également que beaucoup de critiques provienne également de personnes travaillant au contact des gens issue de ces institutions et qui constate, dans le cadre professionnel, l’incompétence des personnels issue de ces « fabriques à élite ».
     
    J’ajouterai que certaines personnes cherchent à intégrer certaines écoles, alors même qu’ils sont critiques sur la qualité de l’enseignement de ces dernières, pour une raison très simple : La ligne sur le CV.
     
    Si on prend l’exemple d’HEC , un nombre conséquent de professionnels ayant déjà 10 ans de carrière dans le secteur « business » décident de payer (très cher) un des trois « MBA program » destinés à des pro ayant déjà l’expertise pour être senior ou directeur.
     
    Mais pourquoi payer très cher une formation dont vous n’aurez ni le temps de suivre les cours (car vous continuez à travailler) ni le besoin en terme d’apprentissage, étant déjà chevronné dans votre secteur, me diriez vous ? Tout simplement car cette petite mention sur votre CV vous fera en moyenne prendre 40 % sur votre rémunération.
     
    Voyez ça comme un permis moto alors que vous êtes sur deux 2 roues depuis 10 ans : vous en avez besoin pour être mieux valoriser, pas pour être meilleur.
     
    « Mais pour que la cooptation fonctionne, encore faut-il que tant le cooptateur que le coopté y trouvent leur intérêt. Or, quel est l’intérêt d’un HEC déjà installé et en poste d’embaucher un diplômé de la même école incompétent, qui fera bourde sur bourde et jettera donc le discrédit sur sa réputation comme recruteur et comme manager ? »
     
    Vous oubliez l’objectif premier de la cooptation non pas pour un individu mais un groupe socio-professionnel : rester aux manettes
     
    Ce n’est pas nouveaux, et bon pour toutes les élites de l’histoire de notre pays, à un moment ces dernière perdent, pour diverses raisons, les compétences qui les ont amenés à cette position. Mais si pour palier à cette perte on fait entrer dans notre secteur d’activité des gens n’étant pas issue de chez nous et que d’aventure ils sont meilleurs que nous ; cela nous fera perdre notre position. La cooptation est donc, dans ce cas de figure, autant un moyen d’inclusion que de verrouillage des positions stratégiques pour le groupe social l’exerçant afin de garder « l’accès à la soupe ».
     
    Je reste sur l’exemple d’HEC, étant le seul que je connais de « l’intérieur », mais dont le modèle est repris par l’ensemble des grandes business school parisiennes. L’objectif de ces écoles est de créer des managers pour les entreprises, pas des techniciens, des managers. Dans cette optique, les écoles inculquent aux élèves non pas un « savoir faire » comme le font polytech ou l’ENS par exemple, mais un « savoir être » ou pour barbariser Bourdieu un « habitus managérial). Concrètement, cela se traduit pas des programme scolaire très léger, compenser par une vie étudiante très active (club, associations, événement…). Cela ne fournit pas vraiment de compétence mais développe un fort « sentiment de corps » impliquant déjà une forme de hiérarchisation semblable à celui d’une entreprise et qui vous fournira de nouveau employé rentrant déjà dans les logique corporate de l’entreprise le recrutant par la suite.
     
    « La cooptation est peut-être l’ennemie de la justice, mais pas nécessairement de la compétence. La plupart des « corps » coopte avec des stricts critères de qualité, et assure une police interne souvent très sévère. Un conseiller d’Etat, un ingénieur des Mines peuvent compter sur le soutien des autres membres de leur corps dans une mauvaise passe. Mais s’il font une grosse connerie, ils seront mis au placard parce que les autres savent bien que cette connerie risque de les mettre tous en danger. »
     
    Vous avez raison pour les corps que vous citez mais les membres des écoles de commerces ont trouvé d’autre moyens pour se couvrir en tant que groupe :
    -En cas de connerie, refiler la patate chaude à l’échelon inférieur (les techniciens la plupart du temps)
    – Pour palier à leur manque de compétence sur les dossiers nécessitant une forte technicité (M&A, Compliance, ect…), piocher dans le monde magique des consultants. Des techniciens extérieurs qui pourvoiront au besoin de savoir faire et dont vous pourrez faire votre la réussite opérationnelle en tant que manager du projet auprès de votre hiérarchie.
     
    Non pas que je me plaigne de ce dernier point en soit, c’est ce qui fait bouillir ma marmite, cela ne m’empêche cependant pas d’être conscient de ce fonctionnement qui actuellement n’est pas des plus brillants dans un strict objectif de résultats financiers pour les entreprises.
     
    «   L’ENA est devenu pour les uns un moyen facile de critiquer les élites politiques, et pour les politiques l’alibi commode de leur impuissance (voir le discours sur « l’Etat profond »…). En fait, l’immense majorité des gens qui écoutent ces critiques savent fort peu de chose sur la vénérable école fondée par Thorez et Debré. Ils s’imaginent par exemple que les anciens de l’ENA deviennent tous politiciens ou ministres, alors que l’immense majorité d’entre eux font carrière dans les préfectures, dans les tribunaux administratifs, comme cadres des administrations centrales et des établissements publics. »
     
    Sur le cas de l’ENA c’est très différent. Effectivement je n’ai pas eu de retour négatif sur les compétences des énarques exerçant comme haut administrateurs dans les services publics, ce qui est précisément ce pourquoi ils ont été formé. Par contre je trouve qu’il y a un véritable problème dans notre pays à retrouver des énarques à des postes dans lesquelles ils n’ont rien à faire.
     
    Dans mon secteur, cela se caractérise en premier lieu au sein du personnel diplomatique. De (très) nombreux ambassadeurs sont en effet sortie de l’ENA, et force est de constater que lors d’une mission à l’étranger, où vous êtes un acteur économique privé, il est extrêmement rare de pouvoir vous appuyer sur le personnel diplomatique français en place (et en premier lieu l’ambassadeur) pour faciliter les contacts avec les keymakers locaux et bénéficier d’une meilleur vision du terrain. Cela est du au fait que, souvent, ces gens ne font tout simplement pas leur travail de pousser nos pions dans les pays où ils sont, où simplement développé une bonne connaissance des équilibres politiques et économiques locaux.

    • Descartes dit :

      @ Lingons

      [J’avoue ne pas bien comprendre pourquoi vous semblez vous obstiner à partir du présupposé que quelqu’un critiquant la compétence, ou le fonctionnement d’une institutions cherche ou à cherché à en faire partie ?]

      Je ne dis pas que ce soit le cas général. Mais je constate que bien des critiques viennent de gens qui « auraient bien voulu, mais n’ont pas pu ».

      [J’ajouterai que certaines personnes cherchent à intégrer certaines écoles, alors même qu’ils sont critiques sur la qualité de l’enseignement de ces dernières, pour une raison très simple : La ligne sur le CV.]

      En d’autres termes, s’ils avaient pu rejoindre l’école en question, ils tairaient leurs critiques – ce serait très contradictoire de descendre publiquement ce qui fait l’intérêt de votre CV – mais comme ils se sont fait recaler, ils expriment librement leur pensée ? Un comportement aussi cynique rend assez suspecte leur démarche…

      [« Mais pour que la cooptation fonctionne, encore faut-il que tant le cooptateur que le coopté y trouvent leur intérêt. Or, quel est l’intérêt d’un HEC déjà installé et en poste d’embaucher un diplômé de la même école incompétent, qui fera bourde sur bourde et jettera donc le discrédit sur sa réputation comme recruteur et comme manager ? » Vous oubliez l’objectif premier de la cooptation non pas pour un individu mais un groupe socio-professionnel : rester aux manettes]

      Oui, mais sauf à croire à la gratuité, on voit mal pourquoi un membre du groupe se dévouerait en sacrifiant sa réputation et en s’attirant des problèmes juste pour faire la courte échelle à un autre membre du groupe – qui d’ailleurs n’hésitera pas plus tard à l’évincer pour prendre sa place, si les histoires que j’entends sont correctes.

      [Ce n’est pas nouveaux, et bon pour toutes les élites de l’histoire de notre pays, à un moment ces dernière perdent, pour diverses raisons, les compétences qui les ont amenés à cette position. Mais si pour palier à cette perte on fait entrer dans notre secteur d’activité des gens n’étant pas issue de chez nous et que d’aventure ils sont meilleurs que nous ; cela nous fera perdre notre position.]

      Beh non. Un HEC de 55 ans qui embauche un centralien de 25 plutôt qu’un HEC du même âge sait qu’il n’a rien à craindre pour sa position. Lorsque celui-ci arrivera à être en état de lui disputer, il sera depuis longtemps parti à la retraite.

      [Sur le cas de l’ENA c’est très différent. Effectivement je n’ai pas eu de retour négatif sur les compétences des énarques exerçant comme haut administrateurs dans les services publics, ce qui est précisément ce pourquoi ils ont été formé. Par contre je trouve qu’il y a un véritable problème dans notre pays à retrouver des énarques à des postes dans lesquelles ils n’ont rien à faire.]

      Je suis d’accord. Si demain quelqu’un proposait d’interdire aux énarques de faire de la politique ou de monnayer leur carnet d’adresses en allant au privé, je serai le premier à voter pour. On pourrait commencer par les obliger à démissionner de la fonction publique s’ils veulent travailler en dehors du service de l’Etat…

      [Dans mon secteur, cela se caractérise en premier lieu au sein du personnel diplomatique. De (très) nombreux ambassadeurs sont en effet sortie de l’ENA, et force est de constater que lors d’une mission à l’étranger, où vous êtes un acteur économique privé, il est extrêmement rare de pouvoir vous appuyer sur le personnel diplomatique français en place (et en premier lieu l’ambassadeur) pour faciliter les contacts avec les keymakers locaux et bénéficier d’une meilleur vision du terrain.]

      Malheureusement, notre ministère des Affaires Etrangères a une vision beaucoup trop « politique » de la diplomatie, et néglige souvent les problématiques économiques. N’oubliez pas d’ailleurs que la représentation économique française à l’étranger est depuis toujours contrôlée par Bercy, et non par le Quai d’Orsay…

  17. Trouve un chemin dit :

    Cher Descartes,  
    Je n’y connais rien au monde des vanités que vous décrivez,  je me garderai donc bien d’avoir un avis sur le sujet. Je me permets cependant un questionnement : la fragilité des services de l’état n’oblige-t-elle pas les acteurs politiques à apprendre à se débrouiller par eux-mêmes, en ne pouvant compter que sur leurs réseaux relationnel ou sur la magie (leadership) ? Si oui, ce contexte ne favorise-t-il pas les comportements à Science Po que vous décrivez ?
    Concernant l’augmentation des cas de trans ou d’autisme, votre explication sociologique est intéressante, mais je ne partage pas votre généralisation : On peut rester parent en toute discrétion et humilité 

    • Descartes dit :

      @ Trouve un chemin

      [Je me permets cependant un questionnement : la fragilité des services de l’état n’oblige-t-elle pas les acteurs politiques à apprendre à se débrouiller par eux-mêmes, en ne pouvant compter que sur leurs réseaux relationnels ou sur la magie (leadership) ? Si oui, ce contexte ne favorise-t-il pas les comportements à Science Po que vous décrivez ?]

      Non, je ne le crois pas. Tout fragilisés qu’ils sont, les services de l’Etat ont encore pas mal de ressources à mettre à disposition du politique. Le problème n’est pas là, à mon avis, mais plutôt dans le fait que l’appareil d’Etat, précisément parce qu’il est compétent, fonctionne dans le monde réel. Et tend donc à expliquer aux politiques pourquoi leurs rêves ne sont que des rêves, irréalisables dans la réalité. Les politiques, qui n’ont pas envie qu’on leur rappelle les limites posés par la réalité, préfèrent donc s’entourer de gens qui vivent dans le même monde de rêves qu’eux. D’où la multiplication de ces réseaux qui fonctionnent souvent sur le principe de l’admiration réciproque.

      [Concernant l’augmentation des cas de trans ou d’autisme, votre explication sociologique est intéressante, mais je ne partage pas votre généralisation : On peut rester parent en toute discrétion et humilité]

      Je ne reproche rien aux parents individuellement. Ce n’est pas facile d’être parent dans une société aussi intolérante que la nôtre, ou les individus sont censés être totalement libres et totalement responsables. Avoir un enfant « difficile », c’est un stress énorme, un reproche permanent. Comment ne pas comprendre que les parents se cherchent des moyens de réduire cette tension ?

  18. Vincent dit :

    @Descartes
     
    Je vais me permettre de reprendre un extrait d’une de vos réponses pour relancer sur un nouveau sujet, qui me laisse un peu ambivalent :
     

    je pense que, comme disait Clemenceau, la médecine est quelque chose de trop sérieux pour la laisser aux médecins. Et ce n’est pas seulement la médecine qui est en cause. Chaque profession a tendance à se fabriquer du travail : Donnez le pouvoir aux ingénieurs, et ils couvriront le territoire de routes et de ponts parfaitement inutiles. Donnez le pouvoir aux médecins, et nous serons vite tous malades.

     
    Je souhaite parler ici des bisbilles entre le gouvernement et le CNRS / les universités à propos de certaines recherches en sociologie : islamophobie, mais sans doute plus encore les domaines de recherche sur le racisme, les LGBTQ+, l’intersectionnalité, etc.
    Le CNRS et les universités revendiquent à grands cris l’indépendance totale des chercheurs, et la nécessité absolue d’une absence totale de contrôle…
    La réaction officielle du CNRS est une réaction militante, qui m’a étonnée (extrait : “Le CNRS condamne, en particulier, les tentatives de délégitimation de différents champs de la recherche, comme les études postcoloniales, les études intersectionnelles ou les travaux sur le terme de « race », ou tout autre champ de la connaissance.”)
     
    «Islamo-gauchisme» n’est pas un terme scientifique, peut être… Mais en lisant le communiqué, vu qu’ils travaillent sur le terme de race, doit on en déduire que, d’après le CNRS, celui ci correspond à une réalité scientifique ?
    Ou même que le décolonialisme, l’intersectionnalité et le racialisme sont scientifiquement définis ?
     
    Je me demande quelle est la solution à cette situation, où manifestement des militants qui n’en ont rien à faire de la recherche d’une compréhension objective de la société, ont investi les champs de certaines disciplines, et s’en servent pour décréter ce qui est vrai et ce qui est faux sur la base de concepts foireux importé de l’étranger…

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Le CNRS et les universités revendiquent à grands cris l’indépendance totale des chercheurs, et la nécessité absolue d’une absence totale de contrôle…]

      Ils ont à la fois tort et raison. Il y a un intérêt social à ce que le chercheur ou l’enseignant disposent d’une certaine indépendance, si l’on veut éviter une politisation totale du travail scientifique ou de l’enseignement. Mais il y a une contrepartie à cette « indépendance », qui est le contrôle par les pairs. Si le pouvoir politique renonce à une partie de son contrôle sur les thématiques de recherche ou d’enseignement, c’est parce que l’institution elle-même exerce une police interne, notamment sur la méthodologie utilisée dans les recherches, et sur le caractère scientifique des contenus des enseignements. Autrement dit, l’indépendance du chercheur ou de l’enseignant n’est pas totale, c’est une indépendance cadrée.

      Dès lors que l’institution universitaire ou de recherche abdiquent de cette responsabilité – et c’est largement le cas aujourd’hui – et qu’on assiste à une dérive militante dans l’enseignement ou dans la recherche, le pouvoir politique est légitime à intervenir. Il ne faudrait pas oublier qu’il représente tout de même les citoyens qui paient avec leurs impôts chercheurs et enseignants…

      [La réaction officielle du CNRS est une réaction militante, qui m’a étonnée (extrait : “Le CNRS condamne, en particulier, les tentatives de délégitimation de différents champs de la recherche, comme les études postcoloniales, les études intersectionnelles ou les travaux sur le terme de « race », ou tout autre champ de la connaissance.”)]

      Je vais faire un papier sur la question, alors je n’approfondirais pas. Je dirai que la réaction du CNRS est à la fois inacceptable et comique. Inacceptable, parce que le CNRS n’a compétence pour « condamner » quelque opinion que ce soit. Si la liberté de recherche permet à un chercheur d’estimer que les « études intersectionnelles » sont un champ de connaissance légitime, un autre chercheur peut, en usant de sa liberté, d’arriver à l’opinion contraire. Qui a investi le CNRS du droit de « condamner » ce dernier ?

      Mais la réaction du CNRS est surtout comique parce qu’elle est contradictoire : après avoir « condamné » les recherches sur le terme « l’islamogauchisme » en soulignant le caractère non-scientifique de la notion, il qualifie de légitime « les travaux sur le terme de « race » », alors que ce dernier terme recouvre une réalité aussi peu « scientifique » que celui d’islamogauchisme. Dans sa protestation, le CNRS montre bien à quel point il prend une position militante : on n’a pas le droit de disqualifier un « champ de la connaissance » dès lors que ce « champ » est idéologiquement acceptable.

      [Je me demande quelle est la solution à cette situation, où manifestement des militants qui n’en ont rien à faire de la recherche d’une compréhension objective de la société, ont investi les champs de certaines disciplines, et s’en servent pour décréter ce qui est vrai et ce qui est faux sur la base de concepts foireux importé de l’étranger…]

      Ce n’est pas nouveau. La Révolution puis l’Empire ont créé les « grandes écoles » en grande partie devant l’impossibilité de réformer l’Université. Peut-être la « solution », comme vous dites, est de se résigner à ce que l’université devienne de plus en plus une garderie pour les classes intermédiaires et un jouet pour les idéologues des « études intersectionnelles » et autres balivernes, et créer des institutions d’enseignement et de recherche à côté ou l’on puisse vraiment enseigner, rechercher et débattre scientifiquement. Quand vous regardez l’âge d’or de l’université et la recherche française, combien de professeurs ou de grands scientifiques issus d’un cursus purement universitaire trouvez-vous ? Très peu : Bourdieu, Foucault étaient normaliens, tout comme Laurent Schwartz. Abragam a fait Supelec, Charpak était mineur, Horowitz polytechnicien. Langevin est normalien et Joliot sort de l’EPCP.

      Cela suppose de renverser la politique désastreuse poursuivie ces dernières années d’intégration des « grandes écoles » dans le tissu universitaire. C’est exactement le contraire qu’il faut faire.

  19. Vincent dit :

    @Descartes
    Je réponds à la racine à la discussion sur la psychanalyse, qui s’est vraiment écartée du sujet…

    [La description psychanalytique des maladies mentales ne se base pas sur les symptômes observables, mais sur les causes supposées (oedipe, abus durant l’enfance, mère trop possessive, etc.)]
    En d’autres termes, l’approche française cherchait les causes là où l’approche américaine s’intéresse seulement aux symptômes. Franchement, je trouve un certain charme à l’approche française. Après tout, quel est l’intérêt de regrouper dans une même catégorie des pathologies très différentes au motif qu’elles exhibent les mêmes symptômes ?

     
    1°) L’intérêt de l’approche “américaine” (mais qui n’est pas que américaine, puisque toute la planète a évolué simultanément sur ce sujet, à part la France et l’Argentine).
    – L’objet de la catégorisation statistique DSM est d’essayer de regrouper dans une même catégorie des personnes ayant des faisceaux de symptômes similaires. Il y a toujours des cas particuliers de personnes n’ayant les symptômes similaires à une même catégorie, mais il se trouve qu’on voit souvent des associations entre symptômes qui vont souvent ensemble. Dès lors, il n’est pas illégitime, quand on a un faisceau de symptômes simultané, de considérer que la pathologie est – à priori- similaire.
    – Si on veut pouvoir proposer des prises en charge (médicament, psychothérapie, n’importe quoi), et les évaluer, il faut pouvoir “objectiver” l’intérêt de la prise en charge, ce qui amène à regarder l’évolution des symptômes. D’où la pertinence de donner la priorité à la classification par les symptômes.
    – De la même manière, si on veut faire de la recherche pour comprendre la cause des symptômes, il faut pouvoir travailler sur des “cohortes” en regroupant des patients similaires, pour les comparer à d’autres.
     
    2°) Pourquoi c’est la bonne approche si on adopte un point de vue scientifique / rationnel :
     
    De manière générale, en médecine, il existe des traitements symptomatiques et des traitements de fond. Qui cohabitent un peu partout.
    Une catégorisation sur la cause a un intérêt, notamment dans les domaines où on privilégie le traitement de la cause sur le traitement du symptôme.
    Mais il existe des pratiques qui se basent plus sur les symptômes que sur la cause, comme la psychiatrie ou la médecine de la douleur.
     
    Mais même dans ces deux domaines, face à des symptômes, on se pose (en principe) quand même la question se savoir si on ne peut pas identifier une cause bien définissable, (voire une cause sur laquelle il serait possible d’agir). Ainsi, certains cas, des douleurs inexpliquées, ou des pathologies psychiatriques inhabituelles, peuvent nécessiter des examens complémentaires, afin de tenter de déterminer une cause (il est tout à fait normal de voir un psychiatre prescrire une IRM ou une analyse sanguine, si les symptômes observés peuvent correspondre à une cause identifiable ; typiquement, si l’IRM révèle une ischémie locale dans la zone suspecte, cela permet d’avoir un autre type de diagnostic).
    Dans le cas de la psychiatrie, il se trouve que, si les symptômes observés peuvent s’expliquer par des causes physiologiques précises, on bascule sur des catégories diagnostiques par la cause, et ces catégorisations ne sont plus des catégories psychiatriques, mais, par exemple neurologiques.
     
    Quand il n’est pas possible de déterminer clairement une cause, on se limite à une catégorisation par les symptômes. Et on peut espérer que, les progrès de la recherche médicale aidant, de plus en plus de pathologies aujourd’hui classifiées seulement sur la base de leurs symptômes, basculeront sur une classification par la cause… Mais pour ce faire, encore faut il que la cause puisse être déterminée, autrement que par de pures hypothèses et de la spéculation intellectuelle !
     

    [Ce qui posait de gros problèmes, car 3 praticiens examinant le même patient avaient 3 interprétations différentes.]
    Ca posait des gros problèmes A QUI ? Je pense qu’on est ici sur le cœur de la question. Que vaut-il mieux, trois montres qui fonctionnent mais qui du fait de petits décalages donnent trois heures différentes qui approchent l’heure vraie, ou trois montres arrêtées sur la même heure ?

     
    Je poserai la question dans l’autre sens : 
    Quel est l’intérêt d’une classification dans laquelle le résultat en dit plus sur celui qui fait le classement que sur le patient ? Est ce que ça peut avoir un intérêt pour la recherche ? Est ce que ça peut avoir un intérêt pour définir l’efficacité des prises en charge ?
    Non, ça n’a simplement aucun intérêt, si ce n’est le plaisir de la masturbation intellectuelle des soignants qui se lancent dans des discussions et des débats métaphysiques sur les causes des pathologies, sans avoir l’ombre d’un indice tangible dans un sens ou dans un autre.
     
    On en est exactement au niveau des débats dans le malade imaginaire sur la cause des pathologies, où chacun donne son ressenti (le foie, la rate, le poumon…). Sans se baser sur autre chose que :
    – son intuition, son ressenti,
    – les textes des grands anciens (les grecs dans le malade imaginaire et chez les médecins de l’époque, Freud chez nos psychanalystes).
     
    Je vous avoue -sans animosité- que je suis très étonné par votre défense de la catégorisation psychanalytique, vous qui êtes habituellement intransigeant sur les objectifs et la méthodologie de la science…
     

    [Par contre, s’il s’agit de l’utilité du diagnostic, alors les trois montres décalées sont nettement plus opérationnelles.]

     
    C’est là que je ne vous suis pas du tout. Je ne vois absolument pas l’intérêt de discussion entre untel qui pense qu’il devait avoir une mère trop possessive, l’autre qui pense qu’il a du être traumatisé dans l’enfance en voyant un sexe d’adulte, et un 3ème qui se demandera s’il n’est pas en train de décompenser un traumatisme subi par un de ses parents avant sa naissance… Aucune de ces 3 causes n’est vérifiable. Aucun lien ne peut être fait entre l’une de ces 3 causes et la pathologie… Ce sont de pures spéculations ! Que peut on faire de cela ?
     
    Et surtout, allez mettre en place un protocole de recherche clinique pour tenter différentes prises en charges de symptômes qui n’ont strictement rien à avoir les uns avec les autres, sur la base de telles classifications !
     
    Pour reprendre l’analogie du malade imaginaire… Qu’est ce qu’il vaut mieux, avoir 3 médecins, dont un qui dit que c’est le poumon, un la rate, et un le foie, sans qu’aucun d’eux n’ait la moindre notion d’un quelconque moyen d’arranger quelque chose si on hypothèse est correcte. Ou se contenter de décrire les symptômes, et de regarder, pragmatiquement, par des études, quels sont les remèdes qui permettent d’améliorer ces symptômes ?
    C’est de cette dernière manière que se sont faits beaucoup de progrès de la médecine, avec une avancée en parallèle de traitements dont on comprenait plus ou moins bien le mode d’action, et de la compréhension des mécanismes. Avec parfois une compréhension des mécanismes qui permet de trouver des médicaments, et parfois, dans l’autre sens, l’observation de l’efficacité d’un médicament, qui en essayant de comprendre comment il était efficace, a permis de mieux comprendre le mécanisme de la maladie.
     
    En fait, il y a eu une évolution de la médecine : avant l’époque de Molière, on se basait uniquement sur les textes des grands anciens, qui possédaient la légitimité de l’ancienneté, et dont il était inconcevable de remettre en question une seule ligne (un peu comme une religion) ; et la discipline médicale était une variante de la métaphysique, où la qualité d’un médecin consistait à sa force de persuasion pour convaincre son auditoire de son hypothèse sur les causes d’une maladie ; des débats étaient organisés, sans autre juge de paix que l’applaudimètre.
    Puis, à l’époque de Molière, on a vu les premières tentatives de dissection, pour essayer de comprendre un peu comment ça fonctionnait. Puis il y a eu de plus en plus de personnes qui ont essayé de faire progresser, avec des démarches inspirées du cartésianisme. Jusqu’à Claude Bernard, au milieu du XIXème, qui a à peu près formalisé ce que devait être la méthode scientifique en médecine. Dès lors, l’objectif n’était plus de remporter un débat avec toutes les méthodes possibles et imaginables, mais de définir le vrai.
    Progressivement, à partir de cette époque, la pratique de la médecine a basculé, domaine par domaine, du champ de la métaphysique au champ de la médecine fondée sur les preuves. Le dernier bastion de la médecine à l’ancienne, basée sur l’argumentation philosophique et les arguments d’autorité, est la psychanalyse en France et en Argentine, qui est en train de disparaitre. Et vous ne me ferez pas jeter des larmes à cause de cette disparition.
     
    Après, avec les phénomènes comme Raoult, Peronne, etc. on voir apparaitre une résurgence de la médecine fondée sur l’applaudimètre plus que sur les preuves, mais c’est un autre débat…
     

    Je reviens au fond toujours à la même question : dès lors qu’on ne s’intéresse qu’aux symptômes sans remonter aux causes, on ne peut plus parler de « diagnostic », seulement de « classification ». Pour donner un exemple, imaginez que je crée la catégorie « malvoyant » à partir du fait que la personne ait une acuité visuelle inférieure à un standard donné. A quoi servirait une telle classification ? J’aurai dans le pot des gens qui ont besoin de lunettes de correction et des gens qui sont aveugles de naissance. Je ne peux dégager de ce « diagnostic » aucune conduite thérapeutique.

     
    Pourquoi pas. Votre exemple ne montre pas grand chose. Surtout si on note que le DSM V classifie justement les diagnostics entre léger, moyen, et sévère.
    Une classification entre un peu mal-voyant, très mal-voyant, et aveugle, a un intérêt. On ne prendra pas en charge de la même manière des aveugles et des mal-voyants. Mais au final, entre deux aveugles, quelle que soit la cause de la non voyance, la prise en charge sera la même : apprendre à lire le braille, se déplacer avec une canne / un chien, etc.
     
    Certes, ça ne permettra pas de les guérir, mais au moins de les prendre en charge de manière adaptée.

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [1°) L’intérêt de l’approche “américaine” (mais qui n’est pas que américaine, puisque toute la planète a évolué simultanément sur ce sujet, à part la France et l’Argentine).]

      Elle reste « américaine » au sens qu’elle a été pensée aux Etats-Unis et pour les besoins américains, et adoptée servilement partout ailleurs. Argentine et France comprises, hélas…

      [– L’objet de la catégorisation statistique DSM est d’essayer de regrouper dans une même catégorie des personnes ayant des faisceaux de symptômes similaires. Il y a toujours des cas particuliers de personnes n’ayant les symptômes similaires à une même catégorie, mais il se trouve qu’on voit souvent des associations entre symptômes qui vont souvent ensemble. Dès lors, il n’est pas illégitime, quand on a un faisceau de symptômes simultané, de considérer que la pathologie est – à priori- similaire.]

      Etant donné le nombre de contre-exemples, la « légitimité » de la démarche apparaît franchement très contestable. Si vous regroupez les gens dont le « faisceau de symptômes » consiste en une fièvre élevée, des maux de tête et une fatigue générale, vous regroupez des pathologies très diverses, certaines microbiennes, d’autres virales, d’autres encore sans agent pathogène. Vous trouverez là-dedans des pathologies respiratoires, mais aussi digestives…

      [– Si on veut pouvoir proposer des prises en charge (médicament, psychothérapie, n’importe quoi), et les évaluer, il faut pouvoir “objectiver” l’intérêt de la prise en charge, ce qui amène à regarder l’évolution des symptômes. D’où la pertinence de donner la priorité à la classification par les symptômes.]

      Si vous réglez la prise en charge en fonction des symptômes alors que les pathologies sous-jacentes sont différentes, vous avez de grandes chances d’aboutir à des résultats aléatoires. On ne donne pas la même médication pour une méningite et pour une grippe. Et pourtant les symptômes sont très semblables.

      [– De la même manière, si on veut faire de la recherche pour comprendre la cause des symptômes, il faut pouvoir travailler sur des “cohortes” en regroupant des patients similaires, pour les comparer à d’autres.]

      Ça dépend du type de « recherche » que vous voulez faire. Si l’on regarde l’histoire, la médecine a progressé en constituant des cohortes par symptôme, et ensuite en affinant l’analyse pour épurer la cohorte jusqu’à n’en retenir que ceux qui ont la même pathologie. Or, ce qui se passe dans la psychiatrie américaine est l’effet inverse : on élargit les catégories. Les critères pour définir l’autisme étaient plus étroits il y a trente ans qu’aujourd’hui.

      [De manière générale, en médecine, il existe des traitements symptomatiques et des traitements de fond. Qui cohabitent un peu partout. Une catégorisation sur la cause a un intérêt, notamment dans les domaines où on privilégie le traitement de la cause sur le traitement du symptôme.]

      Je ne suis pas d’accord. Même pour traiter le symptôme, vous avez besoin de connaître la cause – du moins si vous voulez éviter d’agir par essai et erreur, ce qui peut prendre très longtemps et faire beaucoup de dégâts.

      [Mais il existe des pratiques qui se basent plus sur les symptômes que sur la cause, comme la psychiatrie ou la médecine de la douleur.]

      La psychiatrie cherche les causes – qu’elle ne les trouve pas, c’est une autre histoire. Elle ne se contente pas d’essayer tous les médicaments ou toutes les procédures pour voir si il y en a une qui marche. Quant à la « médecine de la douleur », je ne vois pas ce que c’est.

      [Mais même dans ces deux domaines, face à des symptômes, on se pose (en principe) quand même la question se savoir si on ne peut pas identifier une cause bien définissable, (voire une cause sur laquelle il serait possible d’agir).]

      C’est le propre de la médecine scientifique. Si vous n’essayez pas de trouver une cause, alors il ne vous reste plus qu’à essayer des remèdes au hasard avec l’espoir de trouver un qui fonctionne. Et de recommencer avec chaque patient…

      [Quel est l’intérêt d’une classification dans laquelle le résultat en dit plus sur celui qui fait le classement que sur le patient ? Est-ce que ça peut avoir un intérêt pour la recherche ? Est-ce que ça peut avoir un intérêt pour définir l’efficacité des prises en charge ?]

      Oui, cela a un intérêt : celui de mettre en évidence les défaillances et les limites de la théorie, et empêche les spécialistes d’invoquer un savoir qu’ils ne possèdent pas. Le problème de la classification uniforme, c’est qu’elle donne l’illusion – aux patients et aux praticiens – qu’ils est possible de faire un VRAI diagnostic, alors que tout ce que le spécialiste fait est de ranger le patient dans un tiroir avec d’autres qui présentent les mêmes symptômes mais qui ont possiblement une autre maladie.

      Quand mon médecin me dit « votre fils a un cancer », il fait un diagnostic. Lorsqu’il me dit « votre fils a mal ici, il a une anémie, il perd du poids, etc. », il fait un catalogue de symptômes. Quand un médecin me dit « votre fils a un TSA », est-ce un diagnostic ? Non, puisque le DSM V n’est qu’un catalogue de symptômes, et que ces symptômes peuvent se rattacher à des pathologies différentes. Dire « votre enfant a un TSA », c’est simplement dire « votre enfant a tel et tel symptôme », ce dont le parent peut s’apercevoir tout seul. Mais cela lui donne l’ILLUSION d’un diagnostic.

      [Je vous avoue -sans animosité- que je suis très étonné par votre défense de la catégorisation psychanalytique, vous qui êtes habituellement intransigeant sur les objectifs et la méthodologie de la science…]

      Je ne « défends » pas la catégorisation psychanalytique. Je lui reconnais au moins le mérite de rechercher une « cause » là où les autres se contentent de cataloguer les symptômes. On peut bien entendu discuter la capacité de la psychanalyse à trouver les « causes » en question, et de ce point de vue je suis d’accord avec vous : la méthodologie de la psychanalyse n’a rien de scientifique.

      [« Par contre, s’il s’agit de l’utilité du diagnostic, alors les trois montres décalées sont nettement plus opérationnelles. » C’est là que je ne vous suis pas du tout. Je ne vois absolument pas l’intérêt de discussion entre untel qui pense qu’il devait avoir une mère trop possessive, l’autre qui pense qu’il a du être traumatisé dans l’enfance en voyant un sexe d’adulte, et un 3ème qui se demandera s’il n’est pas en train de décompenser un traumatisme subi par un de ses parents avant sa naissance… Aucune de ces 3 causes n’est vérifiable. Aucun lien ne peut être fait entre l’une de ces 3 causes et la pathologie… Ce sont de pures spéculations ! Que peut on faire de cela ?]

      Imaginez maintenant qu’à l’inverse vous ayez un « catalogue » type DSM V qui établit l’une de ces trois interprétations comme canonique (peu importe laquelle). Etes-vous plus avancé ? Pas vraiment. Je pense même que vous avez reculé : là où trois interprétations s’affrontent, le patient comprend que finalement aucun des trois n’est vraiment sûr de quoi il parle. L’existence d’une interprétation « canonique » donne l’illusion d’un diagnostic.

      Vous me direz qu’un catalogue de symptômes comme le DSM V ne prend pas parti quant à la « bonne » cause du trouble. Mais dès lors que vous proposez une thérapeutique, implicitement vous êtes en train de choisir…

      [Pour reprendre l’analogie du malade imaginaire… Qu’est ce qu’il vaut mieux, avoir 3 médecins, dont un qui dit que c’est le poumon, un la rate, et un le foie, sans qu’aucun d’eux n’ait la moindre notion d’un quelconque moyen d’arranger quelque chose si on hypothèse est correcte. Ou se contenter de décrire les symptômes, et de regarder, pragmatiquement, par des études, quels sont les remèdes qui permettent d’améliorer ces symptômes ?]

      Je ne vois pas très bien en quoi décréter que tous ceux qui exhibent un certain nombre de symptômes sont atteints du syndrome PRF (« poumon, rate, foie ») fait avancer la prise en charge, « pragmatiquement » ou autrement. Bien sûr, au lieu d’avoir vos trois médecins déclarant à tour de rôle « c’est la rate », « c’est le poumon », « c’est le foie », vous les aurez déclamant tous en cœur « c’est le syndrome PRF ». Quel progrès…

      [C’est de cette dernière manière que se sont faits beaucoup de progrès de la médecine, avec une avancée en parallèle de traitements dont on comprenait plus ou moins bien le mode d’action, et de la compréhension des mécanismes. Avec parfois une compréhension des mécanismes qui permet de trouver des médicaments, et parfois, dans l’autre sens, l’observation de l’efficacité d’un médicament, qui en essayant de comprendre comment il était efficace, a permis de mieux comprendre le mécanisme de la maladie.]

      Oui, mais rarement à partir d’un catalogue de symptômes. La médecine scientifique a progressé dans un cadre hypothético déductif. On observait un ensemble de symptômes, on cherchait à les relier à un désordre unique – en éliminant progressivement les cas résultant d’autres pathologies – puis on cherchait à agir sur ce désordre.

      [Progressivement, à partir de cette époque, la pratique de la médecine a basculé, domaine par domaine, du champ de la métaphysique au champ de la médecine fondée sur les preuves. Le dernier bastion de la médecine à l’ancienne, basée sur l’argumentation philosophique et les arguments d’autorité, est la psychanalyse en France et en Argentine, qui est en train de disparaitre. Et vous ne me ferez pas jeter des larmes à cause de cette disparition.]

      Le problème, c’est que cette disparition laisse un grand vide. La psychiatrie à l’américaine a peut-être réussi à abattre le dieu-inconscient, mais elle a du mal à mettre quelque chose à sa place. Dans l’évolution des sciences, il y a souvent une première étape ou l’on classifie les objets, une seconde ou l’on cherche des relations entre eux, une troisième ou l’on peut énoncer des lois de comportement. Dans le domaine de la psychiatrie, on a l’impression qu’on est revenu de la deuxième étape à la première. La psychanalyse au moins cherchait des relations, alors que la vague actuelle se contente de classifier les symptômes…

      [Certes, ça ne permettra pas de les guérir, mais au moins de les prendre en charge de manière adaptée.]

      Je me rends compte qu’on s’est mal compris dès le départ. Pour vous, la « prise en charge » n’a rien à voir avec la guérison, alors que pour moi les deux sont étroitement liés. Effectivement, si l’on limite la « prise en charge » à la façon de vivre avec le symptôme, la classification par symptômes a un sens. Mais dans ce cas, il faut arrêter d’appeler cela un « diagnostic ».

      • Vincent dit :

        Vous me direz qu’un catalogue de symptômes comme le DSM V ne prend pas parti quant à la « bonne » cause du trouble. Mais dès lors que vous proposez une thérapeutique, implicitement vous êtes en train de choisir…
        Je me rends compte qu’on s’est mal compris dès le départ. Pour vous, la « prise en charge » n’a rien à voir avec la guérison, alors que pour moi les deux sont étroitement liés. Effectivement, si l’on limite la « prise en charge » à la façon de vivre avec le symptôme, la classification par symptômes a un sens. Mais dans ce cas, il faut arrêter d’appeler cela un « diagnostic ».

         
        Vous avez parfaitement bien identifié le point d’incompréhension : nous n’acceptez comme prise en charge que le traitement de la cause de la maladie, en supposant qu’une fois la cause résolue, le patient ira automatiquement mieux. Mais ça n’est pas comme cela que ça fonctionne. Du moins pas toujours.
        Le traitement symptomatique, pour commencer, existe. Quand vous avez une fièvre importante, on vous dira de prendre du paracétamol sans attendre de savoir quelle est la cause de la fièvre. Et si, comme souvent, vous avez une maladie virale, le bon traitement est simplement de laisser la fièvre passer en accompagnant avec du paracétamol. S’il y a un problème bactérien ou je ne sais pas quoi, il peut être nécessaire d’aller vers autre chose en complément.
         
        Je vais vous donner quelques autres exemples, plus proches du domaine psy, pour illustrer la pertinence.
        Quand un enfant qui présente des traits autistiques, avec une incapacité à communiqué, est pris en charge par une méthode comportementale, qui lui apprend progressivement à communiquer, d’abord avec des petits cartons à échanger avec son entourage, puis en essayant de faire des signes, puis de dire des mots. Et que finalement il réussit à développer un langage construit, là où les enfants dans sont état ne développaient jamais de langage construit, on peut se dire qu’on l’a pris en charge, et qu’il y a eu une amélioration de son état. Peu importe quelle était la cause de l’autisme : on a essayé d’agir sur les symptômes, ceux ci ont diminué, et c’est déjà pas mal.
         
        Prenons un autre cas, d’un adulte qui a été amputé du petit doigt. Il est super marqué par l’accident qui a causé la perte de son petit doigt, au point qu’il focalise son attention dessus, et sur ses douleurs de membre fantôme. Avec le temps, au lieu que les douleurs s’estompent, elles persistent et même augmentent. Le patient, à cause de ces douleurs et du traumatisme, se désocialise totalement, et commence à avoir des problème de santé en raison d’un manque d’activité physique, à force de ne plus se sentir capable de sortir chez lui.
        La cause initiale de cette situation est bel et bien la perte d’un doigt dans un accident. Ici, pour le coup, la cause est simple à trouver. Mais s’il est impossible de faire une greffe, que lui diriez vous : “c’est bien dommage, mais la médecine ne peut rien pour vous, puisqu’on ne peut pas recoller votre doigt” ? Ou est ce que vous essayeriez de lui proposer un accompagnement pour qu’il réussisse à défocaliser sa vie de son doigt perdu et à refaire progressivement de l’exercice (soit une prise en charge des symptômes, et pas de la cause) ?
         
        Encore un exemple, très classique : un adulte, suite à un deuil, est déprimé. C’est normal, vous me direz. Sauf que normalement, au bout de quelques semaines / mois, on commence à remonter la pente. Mais dans certains cas, au bout de quelques mois, la situation se détériore toujours. Et on a observé que dans ces cas, souvent, l’administration de molécules qui interviennent dans la neurotransmissions permettaient d’aider à surmonter le deuil. Et au bout de quelques mois, quand tout va mieux, il est possible de supprimer le traitement. La cause initiale du problème est un deuil, mais comme on ne peut pas ressusciter les morts, au lieu d’agir sur la cause, on agit sur les conséquences : les neurotransmetteurs. Et ça fonctionne. C’est déjà pas mal, même si on ne comprend pas tout au fonctionnement interne du cerveau.
         
        La médecine de la douleur, pour votre information, et comme son nom l’indique, est une spécialité qui s’occupe de prendre en charge la douleur chez les patients pour lesquels il est impossible de supprimer la cause de la douleur. Et Dieu sait s’ils sont nombreux. Elle est souvent pratiquée dans un cadre hospitalier. Il ne s’agit pas (sauf évolution récente) d’une spécialité à part entière, au sens où il existe un internat de cette spécialité, mais plutôt d’une pratique spécialisée par des médecins diplômés d’une autre spécialité (notamment anesthésie).

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [Vous avez parfaitement bien identifié le point d’incompréhension : nous n’acceptez comme prise en charge que le traitement de la cause de la maladie,]

          Ce n’est pas une question « d’accepter » ou pas, c’est de comprendre le sens qu’on donne à la formule. Moi, je m’intéressais à l’acte thérapeutique, et non à la « prise en charge ». Donner une chaise roulante à un paralysé est – au sens où vous l’entendez – une « prise en charge ». Mais ce n’est pas un acte thérapeutique.

          [Le traitement symptomatique, pour commencer, existe. Quand vous avez une fièvre importante, on vous dira de prendre du paracétamol sans attendre de savoir quelle est la cause de la fièvre.]

          On vous dira toujours de prendre du paracétamol, parce que si cela ne fait pas de bien cela ne fait pas de mal. Mais je n’appelle pas ça un « diagnostic ». D’ailleurs, si fièvre=paracétamol, je n’ai pas besoin d’un médecin pour me dire d’en prendre…

          [Et si, comme souvent, vous avez une maladie virale, le bon traitement est simplement de laisser la fièvre passer en accompagnant avec du paracétamol. S’il y a un problème bactérien ou je ne sais pas quoi, il peut être nécessaire d’aller vers autre chose en complément.]

          Mais comment savoir s’il faut « laisser la fièvre passer » ou s’il faut « quelque chose en complément » si vous ne vous intéressez qu’au symptôme et pas à la cause ? Le médecin qui ne s’intéresse qu’au traitement du symptôme pourrait parfaitement passer à côté d’une méningite.

          [Je vais vous donner quelques autres exemples, plus proches du domaine psy, pour illustrer la pertinence. Quand un enfant qui présente des traits autistiques, avec une incapacité à communiqué, est pris en charge par une méthode comportementale, qui lui apprend progressivement à communiquer, d’abord avec des petits cartons à échanger avec son entourage, puis en essayant de faire des signes, puis de dire des mots. Et que finalement il réussit à développer un langage construit, là où les enfants dans son état ne développaient jamais de langage construit, on peut se dire qu’on l’a pris en charge, et qu’il y a eu une amélioration de son état. Peu importe quelle était la cause de l’autisme : on a essayé d’agir sur les symptômes, ceux-ci ont diminué, et ce n’est déjà pas si mal.]

          Mais supposons que malgré ce traitement il n’ait pas développé un langage construit, alors qu’un autre traitement lui aurait permis de le faire ? Comme tombez ici dans le paradoxe du « bon tortionnaire » qu’on trouve couramment dans les séries policières. Le policier exerce un chantage sur un suspect ou use de violence sur lui, mais il s’avère ensuite qu’il était bien coupable. Ce qui a rebours justifie l’utilisation de méthodes qui autrement apparaîtraient condamnables. Et cela marche parce qu’on ne vous montre jamais une situation ou le policier utilise de telles méthodes sur un innocent.

          Ici, vous supposez qu’on essaye un traitement en fonction des symptômes, et que ce traitement marche (ce qui suppose implicitement qu’il touchait bien la cause du trouble). Mais que se passe-t-il si, en fonction des symptômes, vous essayez un traitement qui ne marche pas (parce qu’il n’est pas adapté à la cause du trouble) ? Un peu comme si, vous fiant à la fièvre, vous donniez simplement du paracétamol à un cas de méningite… les résultats peuvent être désastreux !

          Seule la recherche des causes permet de se prémunir contre ce genre d’erreurs. C’est d’ailleurs ce qu’on observe : parce que les TSA sont un « catalogue de symptômes » qui peuvent venir de causes très différentes, le traitement qui fonctionne sur le patient A ne fonctionne pas sur le patient B, et vice-versa. Le problème, c’est que comme on n’a qu’une chance, si on a choisi le mauvais traitement… tant pis pour le patient.

          [La cause initiale de cette situation est bel et bien la perte d’un doigt dans un accident. Ici, pour le coup, la cause est simple à trouver.]

          Bien sûr que non. La meilleure preuve est qu’un autre patient, qui aura perdu le doigt dans les mêmes circonstances, n’aura pas la même réaction. Je vous rappelle que le principe fondamental de toute recherche scientifique est le principe de causalité : les mêmes causes doivent provoquer les mêmes effets. Si la même « cause » provoque deux effets différents, c’est qu’elle n’est pas la véritable cause.

          Si la perte d’un doigt provoque chez le patient cette réaction, c’est qu’il y a autre chose chez le patient qui en est la cause, la perte du doigt n’étant qu’un élément déclencheur, voire une partie de la cause.

          [Encore un exemple, très classique : un adulte, suite à un deuil, est déprimé. C’est normal, vous me direz. Sauf que normalement, au bout de quelques semaines / mois, on commence à remonter la pente. Mais dans certains cas, au bout de quelques mois, la situation se détériore toujours. Et on a observé que dans ces cas, souvent, l’administration de molécules qui interviennent dans la neurotransmissions permettaient d’aider à surmonter le deuil. Et au bout de quelques mois, quand tout va mieux, il est possible de supprimer le traitement. La cause initiale du problème est un deuil, mais comme on ne peut pas ressusciter les morts, au lieu d’agir sur la cause, on agit sur les conséquences : les neurotransmetteurs. Et ça fonctionne. C’est déjà pas mal, même si on ne comprend pas tout au fonctionnement interne du cerveau.]

          Comme dans l’exemple précédent, je pense que vous avez un petit problème avec la notion de « cause ». Si le patient est déprimé suite à un deuil, vous me dites, c’est normal. Cette « normalité » traduit une causalité : l’immense majorité des gens réagissent de cette façon, et vous en déduisez donc un rapport de cause à effet. Mais si au bout de quelques mois la situation continue à se dégrader, vous considérez vous-même que la situation est anormale, que seule une petite partie des patients réagissent ainsi. Et là, la « cause » ne peut être le deuil original. Il doit y avoir autre chose qui existe chez certains patients mais pas chez d’autres. Et c’est là que se trouve l’origine du comportement « anormal » du patient de votre exemple. En lui donnant certains médicaments, vous n’agissez pas sur le deuil – qui n’est qu’un élément déclencheur – mais sur cette « cause »… sans quoi le traitement ne serait pas efficace.

          [La médecine de la douleur, pour votre information, et comme son nom l’indique, est une spécialité qui s’occupe de prendre en charge la douleur chez les patients pour lesquels il est impossible de supprimer la cause de la douleur. Et Dieu sait s’ils sont nombreux.]

          Si je comprends bien, cela fait partie des « soins palliatifs » ?

          Je m’interroge sur le fait que l’acte relevant de ces pratiques soit un acte thérapeutique. Je reprends l’exemple plus haut : donner une chaise roulante à un paralytique ou apprendre le Braille à un aveugle aide certainement ces personnes à vivre avec une maladie que nous ne pouvons pas guérir. Mais s’agit-il d’un acte thérapeutique, dès lors que leur but est non pas de guérir la maladie, mais d’aider le patient à vivre avec elle ?

          • Vincent dit :

            @Descartes
             

            [Moi, je m’intéressais à l’acte thérapeutique, et non à la « prise en charge ». Donner une chaise roulante à un paralysé est – au sens où vous l’entendez – une « prise en charge ». Mais ce n’est pas un acte thérapeutique.]

             
            Certes. Mais dans certains cas la frontière entre les deux est floue.
            Typiquement dans le cas de problèmes neuro-développementaux.
            Compte tenu de la plasticité cérébrale, si une activité n’est plus du tout pratiquée, le cerveau perd la capacité à l’exercer.
            A l’inverse, une prise en charge conduisant à entrainer le patient à exercer cette activité qu’il ne sait pas (ou pas suffisamment) faire peut le conduire à redévelopper les connections neuronales lui permettant de développer cette capacité qui était initialement manquante. Et dans ce cas, la prise en charge constitue également un réel acte thérapeutique.
            Par exemple, chez les enfants qui ne se servent que d’un seul oeuil, et n’utilisent pas leur second oeuil, la prise en charge consiste à masquer l’oeuil qu’ils utilisent, pour les forcer à utiliser l’autre. Et après un certain temps, le cerveau s’est réhabituer à s’intéresser à l’oeuil qu’il avait abandonné, et on peut enlever le masque, et l’enfant se servira des deux yeux.
             
            Une psychothérapie, par exemple pour quelqu’un qui a des phobies, pour l’aider à dépasser ces phobies. Pour vous, est ce que c’est une prise en charge ou une thérapie ?
            Si vous pensez que c’est une simple prise en charge et pas une thérapie, apprenez qu’on peut observer les effets des prises en charges psychothérapeutiques au moyen d’imagerie cérébrale (les zones du cerveau que le patient n’arrive pas à faire fonctionner correctement, et qui sont responsable du trouble, changent de forme sous l’effet de la psychothérapie). Dès lors qu’il y a des effets sur les symptômes, et qu’on peut vérifier que ces effets sont dus à une évolution des structures cérébrales qui étaient responsables des symptômes, il ne me semble pas abusif de parler d’une thérapie. Et ce même si on ne sait pas expliquer la raison pour laquelle la zone concernée du cerveau dysfonctionnait un peu.
             

            [Et si, comme souvent, vous avez une maladie virale, le bon traitement est simplement de laisser la fièvre passer en accompagnant avec du paracétamol. S’il y a un problème bactérien ou je ne sais pas quoi, il peut être nécessaire d’aller vers autre chose en complément.]
            Mais comment savoir s’il faut « laisser la fièvre passer » ou s’il faut « quelque chose en complément » si vous ne vous intéressez qu’au symptôme et pas à la cause ? Le médecin qui ne s’intéresse qu’au traitement du symptôme pourrait parfaitement passer à côté d’une méningite.

             
             
            Ce que le médecin fera est qu’il vous posera quelques questions sur les symptômes. Ca s’appelle l’examen clinique. Et il ne vous fera pas à chaque fois une ponction lombaire pour vérifier si vous avez une méningite. Le médecin regardera l’ensemble des symptômes, et sur cette base, donnera un diagnostic correspondant à l’ensemble des symptômes que vous présentez. Ce qui ne préjuge pas systématiquement de la cause. Si vous avez de la fièvre, mal au sinus et à la gorge, et pas de signe bactérien, il vous dira “c’est un virus”, sans avoir la moindre idée de savoir de quel famille de virus il s’agit.
            Et ça ne l’intéresse pas, puisque ça suffit à la prise en charge.
             

            [Mais supposons que malgré ce traitement il n’ait pas développé un langage construit, alors qu’un autre traitement lui aurait permis de le faire ?]

             
            Vous supposez ici qu’il existe 2 traitements possibles, qui fonctionnent, certains, chez certaines personnes, et d’autres, chez d’autres personnes.
             
            Premièrement, ça n’est pas le cas. Il y a une seule famille de méthodes qui fonctionnent, et qui sont à peu près équivalentes sur leur principe et sur leur méthode.
             
            Deuxièmement, si on avait 2 méthodes, on pourrait toujours faires des analyses sur des cohortes, en prenant d’un côté les symptômes décrits finement (c’est à dire pas en binaire, mais avec plusieurs scores décrivant les dimensions de la pathologie, plus toutes les autres informations médicales sur les patients), et, sur la base de ces données, regarder quelles sont les différences observables (symptômes, ou autres éléments cliniques mesurables) entre ceux pour qui la méthode 1 fonctionne mieux, et ceux pour qui la méthode 2 fonctionne mieux. Et cela permettrait dès lors de diviser le diagnostic en 2 sous-familles.
             
            C’est d’ailleurs pour pouvoir faire ce type d’études qu’il est intéressant d’avoir une description fine, multidimensionnelle, des symptômes, plutôt qu’un résultat binaire. En fait, votre argument plaide justement, pour pouvoir faire la différence entre plusieurs traitements, pour la mise en place d’une description détaillée de l’état clinique observable ; et donc pour le DSM V.
             
            Voici un paragraphe dans lequel la HAS explique pourquoi, alors que les recommandations sont d’habitude d’utiliser les classifications CIM, en attendant que celles ci soient mises à jour, il est plus pertinent, pour l’autisme, de prendre le DSM V. C’est justement pour pouvoir décrire les cas de la manière la plus individualisée possible. Et s’il y a une distinction à faire entre plusieurs pathologies qui sont aujourd’hui mises dans la même case, c’est avec ce type de classification qu’on pourra le mieux le mettre en évidence :
             
            [https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2018-02/trouble_du_spectre_de_lautisme_de_lenfant_et_ladolescent__recommandations.pdf]
            “Les caractéristiques de l’autisme varient énormément d’une personne à l’autre et couvrent un large spectre. La classification et le diagnostic de l’autisme sont par ailleurs en constante évolution et ont été l’objet de beaucoup de discussions. Le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux communément appelé DSM (disponible en français depuis 2015 dans sa cinquième version : DSM-5) et la classification internationale des maladies sont les deux classifications médicales les plus communes. La classification médicale recommandée en France a été depuis 2005 la CIM-10, dans l’attente de la CIM-11. La classification la mieux actualisée est aujourd’hui le DSM-5, dans lequel l’appellation « trouble du spectre de l’autisme (TSA) » remplace désormais celle de « troubles envahissants du développement (TED) » qui dans le DSM-IV recouvrait plusieurs catégories (trouble autistique, syndrome d’Asperger, trouble envahissant du développement non spécifié ([TED-NS], trouble désintégratif de l’enfance et syndrome de Rett). Il n’existe plus maintenant dans le DSM-5 qu’une seule catégorie diagnostique caractérisée par deux dimensions symptomatiques : A. « Déficit persistant de la communication et des interactions sociales observés dans les contextes variés » et B. « Caractère restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités » (Annexe 1).
            Le TSA est positionné dans le DSM-5 parmi les troubles neurodéveloppementaux, au même titre que les troubles de l’attention, du développement intellectuel, de la motricité, de la communication et des apprentissages. Les critères du DSM-5 permettent de préciser d’une part l’intensité du TSA au travers de trois niveaux d’aide requis au fonctionnement de la personne, et d’autre part de spécifier si les conditions suivantes sont associées : « déficit intellectuel, altération du langage, pathologie médicale ou génétique connue ou facteur environnemental, autre trouble développemental, mental ou comportemental, ou catatonie ». Les critères du DSM-5 ne se substituent pas à l’évaluation du fonctionnement de l’enfant.”
             

            [Comme tombez ici dans le paradoxe du « bon tortionnaire » qu’on trouve couramment dans les séries policières. Le policier exerce un chantage sur un suspect ou use de violence sur lui, mais il s’avère ensuite qu’il était bien coupable. Ce qui a rebours justifie l’utilisation de méthodes qui autrement apparaîtraient condamnables. Et cela marche parce qu’on ne vous montre jamais une situation ou le policier utilise de telles méthodes sur un innocent.]

             
            Je ne vois pas trop le rapport. Si les traitements en question étaient douloureux ou handicapants, je comprendrais vos soucis. Mais ça n’est pas le cas.
            Au contraire, soit dit en passant, des méthodes jadis pratiquées par des psychanalystes (packing), qui, pour le coup, n’ont jamais montré d’efficacité.
             
            Ici, il s’agit juste de faire ce que tous les parents font avec tous les enfants, c’est à dire chercher à interagir avec eux. Sauf qu’avec les enfants normaux, les interactions se font naturellement, par le regard, les sourires, la parole, etc. Avec les autistes, ce mode d’interaction ne se déclenche pas spontanément, et il faut donc trouver des subterfuges pour permettre de créer les conditions d’une interaction. Et une fois que le mécanisme est enclenché, il devient possibles, dans certains cas, de faire des progrès dans les interactions au point que celles ci deviennent presque normales.
             
            Voilà tout simplement le principe de la prise en charge des enfants autistes. C’est le même principe que d’apprendre à un enfant qui ne se sert pas de son oeuil gauche à l’utiliser. Sauf que ce que les autistes n’utilisent pas, ce sont leurs capacités d’interaction. Est ce qu’il s’agit d’une prise en charge ? Est ce qu’il s’agit d’une thérapeutique ? Je vous laisse le choix de vos mots, mais ce qui est certain c’est qu’il s’agit de prises en charge qui permettent d’agir sur les symptômes, et dans bien des cas de les faire régresser. Et d’une prise en charge qui n’a rien d’une torture, puisque ça consiste à s’occuper des autistes comme on s’occupe de tous les enfants : en cherchant à interagir avec eux. Mais en adaptant les méthodes.
             

            [Si la perte d’un doigt provoque chez le patient cette réaction, c’est qu’il y a autre chose chez le patient qui en est la cause, la perte du doigt n’étant qu’un élément déclencheur, voire une partie de la cause.]

             
            Oui, bien sûr. Et ce “quelque chose” est que la personne se focalise sur la perte de son doigt.
            Normalement, les signaux reçus des terminaisons nerveuses provenant de ce doigt devraient progressivement être négligées par le système nerveux central ; mais en concentrant son attention dessus, il empêche ce mécanisme naturel de fonctionner correctement, et les douleurs s’accroissent, au lieu de s’atténuer et de disparaitre.
            Une prise en charge intelligente est une psychothérapie pour apprendre au patient à ne plus focaliser sur son doigt, pour que, progressivement, les terminaisons nerveuses provenant de ce doigt soient négligées par le système nerveux central, et qu’il revienne sur un schéma normal. Et éventuellement, une prise en charge médicamenteuse de son état psy peut aider à défocaliser, toujours dans le même objectif.
            Et cela fonctionne.
             
            Les 2 causes sont identifiées : la perte du doigt, et la focalisation du patient sur la perte de son doigt. On ne peut pas agir sur la première, alors on agit sur la seconde.
             
            On peut toujours vouloir remonter l’arbre des causes : pourquoi a-t-il perdu son doigt ? Pourquoi a-t-il focalisé dessus ? C’est peut être intéressant, mais pas nécessaire pour une prise en charge, qui conduira à une “guérison” (dans le sens où il acceptera la perte de son doigt et ne ressentira plus de douleurs).
             

            [La médecine de la douleur, pour votre information, et comme son nom l’indique, est une spécialité qui s’occupe de prendre en charge la douleur chez les patients pour lesquels il est impossible de supprimer la cause de la douleur. Et Dieu sait s’ils sont nombreux.]
            Si je comprends bien, cela fait partie des « soins palliatifs » ? Je m’interroge sur le fait que l’acte relevant de ces pratiques soit un acte thérapeutique.

             
            Non, ce ne sont pas des soins palliatifs, dans la mesure où ça s’adresse à des personnes qui ne sont pas en fin de vie, et qui, pour certains, pourront reprendre une vie normale après la sortie de l’hôpital ; pour d’autres, mènent une vie normale en dehors de douleurs chroniques qu’il convient justement de prendre en charge.
             
            Est-ce un acte thérapeutique ? Je n’en sais rien. Si on considère la douleur comme un problème en soit, oui.
             
            Dans tous les cas, seuls des médecins peuvent le faire, dans la mesure où les produits utilisés ne sont pas sans risques ni effets secondaires, et nécessitent de prendre en compte correctement les problèmes du patient pour savoir, d’une part, quelle sera la stratégie de prise en charge la plus efficace, et d’autre part, quelles peuvent être les risques de certains produits compte tenu de l’état du patient.

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              Certes. Mais dans certains cas la frontière entre les deux est floue. (…) A l’inverse, une prise en charge conduisant à entrainer le patient à exercer cette activité qu’il ne sait pas (ou pas suffisamment) faire peut le conduire à redévelopper les connections neuronales lui permettant de développer cette capacité qui était initialement manquante. Et dans ce cas, la prise en charge constitue également un réel acte thérapeutique.]

              Oui, mais dans ce cas je ne parlerais pas de « prise en charge ». Il ne s’agit pas d’un acte permettant de vivre avec la maladie plus ou moins bien, mais un acte visant à la guérir. C’est toute la différence qu’il y aurait entre donner une béquille et greffer une jambe…

              Je vous accorde que dans certains cas la différence entre « prise en charge » et « acte thérapeutique » est subtile. Mais votre exemple n’est pas très bien choisi…

              [Une psychothérapie, par exemple pour quelqu’un qui a des phobies, pour l’aider à dépasser ces phobies. Pour vous, est ce que c’est une prise en charge ou une thérapie ?]

              Ca dépend. Si l’objectif du thérapeute est comprendre l’origine de la phobie pour pouvoir mieux s’y attaquer, c’est une thérapie. Si c’est simplement de donner au malade des moyens de vivre avec sa phobie, c’est une prise en charge.

              [Dès lors qu’il y a des effets sur les symptômes, et qu’on peut vérifier que ces effets sont dus à une évolution des structures cérébrales qui étaient responsables des symptômes, il ne me semble pas abusif de parler d’une thérapie. Et ce même si on ne sait pas expliquer la raison pour laquelle la zone concernée du cerveau dysfonctionnait un peu.]

              Tout à fait d’accord. Le fait qu’on ne comprenne pas très bien le mécanisme qui relie la cause à l’effet n’empêche de s’y attaquer. On a fait des trépanations « thérapeutiques » bien avant d’avoir compris POURQUOI l’accumulation de liquide ou de sang dans la cavité crânienne avait des effets négatifs. Mais on avait compris où était la cause, et où était l’effet.

              [Ce que le médecin fera est qu’il vous posera quelques questions sur les symptômes. Ca s’appelle l’examen clinique. Et il ne vous fera pas à chaque fois une ponction lombaire pour vérifier si vous avez une méningite. Le médecin regardera l’ensemble des symptômes, et sur cette base, donnera un diagnostic correspondant à l’ensemble des symptômes que vous présentez. Ce qui ne préjuge pas systématiquement de la cause.]

              Mais si. Si le médecin, après l’analyse clinique, ne me donne pas un traitement contre la méningite, c’est qu’il a bien éliminé une « cause » de ma fièvre. Que dans ce cas particulier le médecin puisse raisonnablement se tenir à un groupe de « causes » possibles sans déterminer une « cause » précise, du fait que toutes ces « causes » sont sensibles au même traitement ou ne présentent pas de danger, c’est une question d’économie. Mais il ne peut faire cela que s’il a réussi à éliminer toutes les « causes » qui nécessiteraient impérativement un traitement différent. On a bien un raisonnement sur les « causes »… même s’il s’agit d’un raisonnement par élimination.

              [Si vous avez de la fièvre, mal au sinus et à la gorge, et pas de signe bactérien, il vous dira “c’est un virus”, sans avoir la moindre idée de savoir de quel famille de virus il s’agit.]

              En d’autres termes, on détermine bien la cause, mais par élimination.

              [« Mais supposons que malgré ce traitement il n’ait pas développé un langage construit, alors qu’un autre traitement lui aurait permis de le faire ? » Vous supposez ici qu’il existe 2 traitements possibles, qui fonctionnent, certains, chez certaines personnes, et d’autres, chez d’autres personnes.]

              Non. Je fais l’hypothèse qu’il y a (au moins !) deux pathologies différentes qui rentrent dans le « diagnostic » TSA, et qu’un traitement efficace pour l’une n’est pas efficace pour l’autre, et vice-versa. La question ici n’est pas les « personnes », mais les pathologies.

              [Premièrement, ça n’est pas le cas. Il y a une seule famille de méthodes qui fonctionnent, et qui sont à peu près équivalentes sur leur principe et sur leur méthode.]

              Une simple recherche sur Internet permet d’identifier un grand nombre de « familles » de méthodes, prétendant chacune « fonctionner » dans un certain nombre de situations.

              [Deuxièmement, si on avait 2 méthodes, on pourrait toujours faires des analyses sur des cohortes, en prenant d’un côté les symptômes décrits finement (c’est à dire pas en binaire, mais avec plusieurs scores décrivant les dimensions de la pathologie, plus toutes les autres informations médicales sur les patients), et, sur la base de ces données, regarder quelles sont les différences observables (symptômes, ou autres éléments cliniques mesurables) entre ceux pour qui la méthode 1 fonctionne mieux, et ceux pour qui la méthode 2 fonctionne mieux. Et cela permettrait dès lors de diviser le diagnostic en 2 sous-familles.]

              Seulement si on arrivait à établir une corrélation entre le fait que la méthode fonctionne et les « informations » que vous avez sur les patients. Or, les informations dont vous disposez sont relativement limitées et les facteurs pouvant conduire à un TSA extrêmement nombreux. Si l’on croit l’association « Vaincre l’autisme », une personne sur 50 nait avec un TSA. Cela fait bon an mal an 1,5 millions de Français qui doivent être considérés comme « autistes ». Et malgré la taille de l’échantillon, on n’a toujours pas trouvé une corrélation qui ait le moindre caractère prédictif…

              [“Les caractéristiques de l’autisme varient énormément d’une personne à l’autre et couvrent un large spectre.]

              En d’autres termes, c’est la même maladie mais ses caractéristiques « varient énormément d’une personne à l’autre et couvrent un large spectre ». A partir de là, peut-on dire qu’il s’agit de la même pathologie ? Finalement, la HAS reconnait sous une forme certes diplomatique qu’on parle d’une liste à la Prévert de symptômes dont on ne sait s’ils ont une origine commune…

              [« Comme tombez ici dans le paradoxe du « bon tortionnaire » qu’on trouve couramment dans les séries policières. Le policier exerce un chantage sur un suspect ou use de violence sur lui, mais il s’avère ensuite qu’il était bien coupable. Ce qui a rebours justifie l’utilisation de méthodes qui autrement apparaîtraient condamnables. Et cela marche parce qu’on ne vous montre jamais une situation ou le policier utilise de telles méthodes sur un innocent. » Je ne vois pas trop le rapport. Si les traitements en question étaient douloureux ou handicapants, je comprendrais vos soucis. Mais ça n’est pas le cas.]

              Mais si, c’est le cas. Le fait d’appliquer un traitement – rappelons que nous parlons d’enfants, donc d’individus en plein développement – exclut tous les autres. Si le traitement échoue, vous ne pouvez pas revenir en arrière et en essayer un autre. L’opportunité est passée. C’est pourquoi lorsque vous parlez du cas où « on applique un traitement et il marche », il faut aussi considérer le cas où « on applique un traitement, et il ne marche pas ».

              [« Si la perte d’un doigt provoque chez le patient cette réaction, c’est qu’il y a autre chose chez le patient qui en est la cause, la perte du doigt n’étant qu’un élément déclencheur, voire une partie de la cause. » Oui, bien sûr. Et ce “quelque chose” est que la personne se focalise sur la perte de son doigt.]

              Non. Ce « quelque chose » est ce qui FAIT que la personne se focalise sur la perte de son doigt, alors que la plupart des personnes élabore le deuil et passe à autre chose. Et c’est sur cette cause là que vous agissez…

              Je pense qu’il faut distinguer la « cause » et la « condition ». Bien entendu, pour me coincer le doigt dans une porte il faut que je sois né. Mais ma naissance n’est pas une « cause » de l’accident, tout au plus une « condition » pour que celui-ci se produise. Dans l’exemple du doigt, ce n’est pas le fait de me couper le doigt qui provoque la maladie, puisque beaucoup de gens se coupent un doigt et n’ont pas ce problème. C’est plus une « condition » qu’une cause.

            • Vincent dit :

              @Descartes
               

              [Une psychothérapie, par exemple pour quelqu’un qui a des phobies, pour l’aider à dépasser ces phobies. Pour vous, est ce que c’est une prise en charge ou une thérapie ?]
              Ca dépend. Si l’objectif du thérapeute est comprendre l’origine de la phobie pour pouvoir mieux s’y attaquer, c’est une thérapie. Si c’est simplement de donner au malade des moyens de vivre avec sa phobie, c’est une prise en charge.

               
              Si l’objectif du thérapeute est simplement de lui apprendre à vivre avec dans un premier temps, pour que progressivement il s’y habitue, et que la phobie disparaisse. Sans chercher à se poser la question du “pourquoi” cette phobie ?
               
              Accessoirement la démarche consistant à essayer de chercher la cause des phobies me semble totalement inappropriée : soit le patient sait quelle est la cause (comme un traumatisme dont il se souvient), soit il ne le sait pas. Et si on cherche la cause d’un traumatisme que le patient ne connait pas à priori, on va être obligé de passer beaucoup de temps avec lui jusqu’à ce qu’il réussisse à se construire des souvenirs correspondant à sa phobie. Il sera convaincu que ces souvenirs sont réels, et aura -au mieux- la satisfaction de savoir (ou de croire savoir) pourquoi il a cette phobie.
               
              Mais dans les deux cas, qu’il sache ou non dès l’origine quelle est la cause de la phobie, ce n’est pas le fait de retrouver un évènement déclencheur réel ou fantasmé qui va lui retirer sa phobie.
               

              Le fait qu’on ne comprenne pas très bien le mécanisme qui relie la cause à l’effet n’empêche de s’y attaquer. On a fait des trépanations « thérapeutiques » bien avant d’avoir compris POURQUOI l’accumulation de liquide ou de sang dans la cavité crânienne avait des effets négatifs. Mais on avait compris où était la cause, et où était l’effet.

               
              Effectivement, pour de la chirurgie, il est nettement préférable de savoir identifier précisément où se trouve le problème.
              Vous l’ignorez peut-être, mais votre exemple est bien choisi : la neurochirurgie permet dans certains cas (par exemple de dépressions résistant à tous les traitements, psychothérapies, TMS, etc.) des résultats quasi miraculeux (ça s’appelle stimulation cérébrale profonde). Ce qui montre bien qu’on sait localiser le problème aujourd’hui.
               
              Mais le fait de localiser le problème en vue d’une intervention chirurgicale ne permet pas de trouver nécessairement le soin le mieux approprié quand on exclut à priori une chirurgie… Peu importe pour traiter une phobie de savoir localiser la zone exacte du cerveau qui est concernée.
               

              Si le médecin, après l’analyse clinique, ne me donne pas un traitement contre la méningite, c’est qu’il a bien éliminé une « cause » de ma fièvre. Que dans ce cas particulier le médecin puisse raisonnablement se tenir à un groupe de « causes » possibles sans déterminer une « cause » précise, du fait que toutes ces « causes » sont sensibles au même traitement ou ne présentent pas de danger, c’est une question d’économie. Mais il ne peut faire cela que s’il a réussi à éliminer toutes les « causes » qui nécessiteraient impérativement un traitement différent. On a bien un raisonnement sur les « causes »… même s’il s’agit d’un raisonnement par élimination.

               
              Le raisonnement suivi par les médecins n’est pas exactement celui là : face à des symptômes, il pense, normalement, à toutes les pathologies graves ou risquant de le devenir, qui correspondent aux symptômes. Et il essaye de rechercher les signes spécifiques de ces maladies pour pouvoir les exclure, au besoin en prescrivant des analyses. C’est la première étape.
               
              Et ensuite, le plus souvent, il regardera quel est la pathologie qui ressemblera le plus, et il traitera pour celle là, avec un diagnostic plus ou moins bayésien (autrement dit si il y a 2 diagnostics possibles, tous les 2 relativement bénins, qui correspondent aussi bien, il traitera pour celui dont la prévalence est la plus importante).
               
              N’avez vous jamais entendu un médecin vous prescrire quelque chose en vous demandant de revenir consulter si les symptômes ne disparaissaient pas dans les 2 jours ?
              Pensez vous que le médecin qui vous a dit ça savait très exactement quel était le diagnostic au moment de la prescription ?  Non, il avait une approche pragmatique, de traiter pour la pathologie qui correspond la plus probable, en vous disant que si ça ne fonctionne pas en 48h, c’est sans doute autre chose, et il faudra alors aviser…
               

              [Si vous avez de la fièvre, mal au sinus et à la gorge, et pas de signe bactérien, il vous dira “c’est un virus”, sans avoir la moindre idée de savoir de quel famille de virus il s’agit.]
              En d’autres termes, on détermine bien la cause, mais par élimination.

               
              On ne cherche pas à déterminer s’il s’agit d’un virus à ADN, virus à ARN, etc. Ni encore moins de quel virus précis il s’agit. Peu importe, puisque la bonne solution est dans tous les cas de laisser l’organisme s’en charger…
              Et quand il vous dit que c’est un “rhume”, qu’est ce qu’un rhume si ça n’est pas une collection de symptômes non associés à une cause identifiée ?
               

              [Premièrement, ça n’est pas le cas. Il y a une seule famille de méthodes qui fonctionnent, et qui sont à peu près équivalentes sur leur principe et sur leur méthode.]
              Une simple recherche sur Internet permet d’identifier un grand nombre de « familles » de méthodes, prétendant chacune « fonctionner » dans un certain nombre de situations.

               
              De même qu’une simple recherche sur internet vous donnera un grand nombre de traitements qui prétendent chacun fonctionner dans le traitement du COVID 19. Mais ça n’est pas moi qui vous expliquerai la subtilité qu’il y a entre “prétendre fonctionner”, et “avoir fait la preuve de son efficacité”.
               
              Ceci dit, je vous dois quelques “mea culpa”.
              1°) Dans mon esprit, quand je parlais de la seule famille de méthodes qui fonctionnent, je parlais des prises en charge basées sur les méthodes ABA, TEACCH, et assimilé. Mais une consultation de la bibliographie m’indique que ces deux méthodes se sont pas toujours considérées comme de la même famille.
              2°) Une consultation des recommandations de 2012 de la HAS pour la prise en charge des enfants de plus de 4 ans ne préconise pas une approche unique, mais distingue justement suivant les profils présentés par les personnes autistes (on ne parlait pas encore de TSA en 2012), entre plusieurs types de prises en charges recommandées :
              https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2012-07/autisme_enfant_reco2clics_vd.pdf [p 26 / 27]
               

              [Seulement si on arrivait à établir une corrélation entre le fait que la méthode fonctionne et les « informations » que vous avez sur les patients. Or, les informations dont vous disposez sont relativement limitées et les facteurs pouvant conduire à un TSA extrêmement nombreux.]

               
              S’agissant des informations limitées… Entre les questionnaires, test psychomoteurs, psychotechniques, etc. et toutes les autres données qu’ils peuvent recueillir, croyez bien que les chercheurs cherchent à connaitre toutes les informations qui pourraient leur être utiles.
              Et même, pour anticiper sur les informations qu’ils n’auraient pas pensé à regarder, par exemple, sur des études de cohortes, il se pratique couramment des prises de sang qui sont congelées pour que, si une hypothèse scientifique surgit 5 ou 10 ans plus tard, nécessitant d’investiguer sur la biochimie des personnes de la cohorte, il soit possible de faire l’analyse grâce aux flacons préservés.
              Je crois qu’ils ne s’interdisent pas grand chose d’autre que ce que leur interdit la réglementation…
               

              [Si l’on croit l’association « Vaincre l’autisme », une personne sur 50 nait avec un TSA. Cela fait bon an mal an 1,5 millions de Français qui doivent être considérés comme « autistes ». Et malgré la taille de l’échantillon, on n’a toujours pas trouvé une corrélation qui ait le moindre caractère prédictif…]

               
              Première observation, je ne suis pas certain que vous sources soient les plus fiables et les moins liées à des conflits d’intérêt sur ce sujet. Comme je l’écrivais, avec les nouveaux critères élargis du TSA, on reste en dessous des 1%. Par ailleurs, il y a, surtout chez les adultes, un sous-diagnostic considérable.
              Deuxième observation : pour faire des corrélations, il faut faire des corrélations entre plusieurs choses. Entre quoi et quoi voudriez vous que des corrélations soient recherchées ? Entre l’autisme et des spécificités physiologiques ? Des recherches sont menées dans ce domaines, qui trouvent pour l’instant des différences, mais pas suffisantes pour être aisément discriminées par rapport à d’autres causes de variabilité inter-individus.
              Et même s’il n’y avait pas de spécificité ou de marqueur physiologique, qu’est ce que ça changerait, au fond ?
              Est ce que pour vous le trouble bipolaire ou la schizophrénie sont de vrais diagnostics ? Parceque de ce point de vue, je crois qu’il y a encore moins de différences physiologiques qu’avec l’autisme.
               

              [Finalement, la HAS reconnait sous une forme certes diplomatique qu’on parle d’une liste à la Prévert de symptômes dont on ne sait s’ils ont une origine commune…]

               
              Vous remarquerez que personne n’a jamais dit l’inverse.
              Mais je comprends mal cet acharnement à vouloir remonter à la cause, à l’origine. Si on peut la connaitre, c’est intéressant. Si on peut la connaitre et agir dessus, c’est encore mieux. Mais même si on ne connait pas la cause, à la rigueur, en quoi est ce que ça empêche de prendre en charge, de traiter, de soigner, ou d’accompagner ?
               

              Le fait d’appliquer un traitement – rappelons que nous parlons d’enfants, donc d’individus en plein développement – exclut tous les autres. Si le traitement échoue, vous ne pouvez pas revenir en arrière et en essayer un autre. L’opportunité est passée. C’est pourquoi lorsque vous parlez du cas où « on applique un traitement et il marche », il faut aussi considérer le cas où « on applique un traitement, et il ne marche pas ».

               
              Dans un monde idéal, on pourrait entendre cet argument, et il pourrait y avoir des querelles de chapelles entre les partisans de 2 méthodes légèrement différentes pour savoir laquelle est la meilleure, laquelle est la mieux adaptée pour quel profil, etc. Et sans doute qu’il y aura à terme de type de débat, peut être intéressant conceptuellement.
              A modérer toutefois, car en pratique les soignants peuvent faire à leur sauce, et faire un mélange des deux, ou l’un, ou l’autre, en fonction de la manière dont l’enfant réagit.
               
              Mais le problème de la prise en charge de l’autisme en France n’est pas celui de choisir entre l’une ou l’autre de ces méthodes, qui consistent toutes les deux à essayer d’établir une communication par un moyen adapté, pour progressivement développer les capacités d’interaction.
              Le problème est qu’on part d’une situation où les capacités de prise en charge, par l’une ou l’autre méthode, étaient, il y a moins de 10 ans, de quelques dizaines d’enfants seulement sur l’ensemble du pays. Les familles qui voulaient une prise en charge correcte de leur enfant étaient obligées d’aller à l’étranger (Belgique notamment) pour qu’ils puissent bénéficier d’autre chose que… “laisser faire”, et regarder comment l’enfant évolue si on ne cherche pas à le stimuler ni à interagir avec lui.
              Et encore aujourd’hui, je crois savoir qu’il y a une forte sous capacité de prise en charge.
               

              [« Si la perte d’un doigt provoque chez le patient cette réaction, c’est qu’il y a autre chose chez le patient qui en est la cause, la perte du doigt n’étant qu’un élément déclencheur, voire une partie de la cause. » Oui, bien sûr. Et ce “quelque chose” est que la personne se focalise sur la perte de son doigt.]
              Non. Ce « quelque chose » est ce qui FAIT que la personne se focalise sur la perte de son doigt, alors que la plupart des personnes élabore le deuil et passe à autre chose. Et c’est sur cette cause là que vous agissez…

               
              Vous êtes en train de faire ce que j’appelle “remonter l’arbre des causes”.
              Pourquoi est ce qu’il est dans cet état ? Parceque :
              A : il a perdu un doigt
              B : il focalise sur son doigt perdu.
               
              Est ce qu’on est capable d’agir sur le A ? Non. Est ce que remonter à la cause du A permettra de remédier à la situation ? Non
              Est ce qu’on est capable d’agir sur la cause B ? Oui. Est ce qu’on a besoin de remonter à la cause du B pour agir ? Non
               
              Après, on peut essayer de chercher les causes de A pour mettre en place une démarche de prévention des accidents. C’est même recommandé.
              On peut aussi se demander pourquoi il a focalisé dessus ?
              Peut être car c’est quelqu’un d’hyper angoissé et perfectionniste, et qui ne supporte pas une imperfection ? Peut être parcequ’il avait perdu sa mère 1 semaine plus tôt et que focaliser sur son doigt lui permettait de défocaliser de son deuil ?  Peut être parcequ’il était au bord du burnout et que, là encore, le doigt lui a fourni un échappatoire.
               
              Dans ce dernier cas, celui du burnout, il peut effectivement être intéressant de chercher à remonter à la cause. Mais si la personne est au bord du burnout et ne voulait pas se l’avouer ou en parler, il est probablement préférable de lui apprendre à gérer ses problèmes en partant du cas du doigt perdu, plutôt qu’en parlant des difficultés professionnelles, alors même qu’elle n’est pas réceptive aux questions de travail.
               
              Vous imaginez bien que les psy, qui ont quand même tous lu du Freud, ne laisseraient pas passer une occasion de chercher si ce type de problème n’aurait pas une cause externe comme celle que je décris ci dessus. C’est leur boulot, en principe. Mais la meilleure solution dans de telles circonstances est en l’occurrence encore d’agir sur les symptômes visibles, pour aider le patient à remonter lui même à la cause, s’il en ressent le besoin.

            • Descartes dit :

              @ Vincent

              [Si l’objectif du thérapeute est simplement de lui apprendre à vivre avec dans un premier temps, pour que progressivement il s’y habitue, et que la phobie disparaisse. Sans chercher à se poser la question du “pourquoi” cette phobie ?]

              Dans ce cas, c’est comme celui qui donne un fauteuil roulant à un paralysé. Cela lui permet de vivre avec son handicap, mais ne s’attaque pas à la cause du handicap lui-même. Est-ce pour vous une prise en charge ou une thérapie ? Pour moi, une prise en charge. Par contre, si l’on pense que le traitement non seulement permettra au patient de vivre avec sa phobie, mais que « sa phobie disparaîtra », alors on s’est interrogé sur la cause – même si ce n’est pas explicitement. Et dans ce cas, l’objectif est thérapeutique.

              [Accessoirement la démarche consistant à essayer de chercher la cause des phobies me semble totalement inappropriée : soit le patient sait quelle est la cause (comme un traumatisme dont il se souvient), soit il ne le sait pas. Et si on cherche la cause d’un traumatisme que le patient ne connait pas à priori, on va être obligé de passer beaucoup de temps avec lui jusqu’à ce qu’il réussisse à se construire des souvenirs correspondant à sa phobie. Il sera convaincu que ces souvenirs sont réels, et aura -au mieux- la satisfaction de savoir (ou de croire savoir) pourquoi il a cette phobie.]

              Certains vous diront que dès lors que le patient sait quelle est l’origine de sa phobie, celle-ci a tendance à disparaître. Je sais que vous ne croyez pas à la psychanalyse, mais d’autres y croient…

              [Mais dans les deux cas, qu’il sache ou non dès l’origine quelle est la cause de la phobie, ce n’est pas le fait de retrouver un évènement déclencheur réel ou fantasmé qui va lui retirer sa phobie.]

              Et pourquoi pas ?

              [« Mais il ne peut faire cela que s’il a réussi à éliminer toutes les « causes » qui nécessiteraient impérativement un traitement différent. On a bien un raisonnement sur les « causes »… même s’il s’agit d’un raisonnement par élimination. » Le raisonnement suivi par les médecins n’est pas exactement celui là : face à des symptômes, il pense, normalement, à toutes les pathologies graves ou risquant de le devenir, qui correspondent aux symptômes. Et il essaye de rechercher les signes spécifiques de ces maladies pour pouvoir les exclure, au besoin en prescrivant des analyses. C’est la première étape.]

              C’est bien le mécanisme que j’ai décrit. Pourquoi dites vous que « le raisonnement des médecins n’est pas celui-là ?

              [N’avez vous jamais entendu un médecin vous prescrire quelque chose en vous demandant de revenir consulter si les symptômes ne disparaissaient pas dans les 2 jours ? Pensez vous que le médecin qui vous a dit ça savait très exactement quel était le diagnostic au moment de la prescription ? Non, il avait une approche pragmatique, de traiter pour la pathologie qui correspond la plus probable, en vous disant que si ça ne fonctionne pas en 48h, c’est sans doute autre chose, et il faudra alors aviser…]

              Mais seulement une fois qu’on a éliminé les pathologies les plus graves, celles pour qui une attente de 48 heures pourrait s’avérer fatale, par exemple. Ce n’est qu’une fois que celles-ci ont été éliminées qu’on peut se permettre de travailler par essai et erreur. Bien sur, c’est une question d’économie. Une fois qu’on a éliminé les pathologies graves, l’intérêt économique de chercher parmi les pathologies possibles celle qui est à l’œuvre ne paraît pas utile.

              [« Premièrement, ça n’est pas le cas. Il y a une seule famille de méthodes qui fonctionnent, et qui sont à peu près équivalentes sur leur principe et sur leur méthode. » Une simple recherche sur Internet permet d’identifier un grand nombre de « familles » de méthodes, prétendant chacune « fonctionner » dans un certain nombre de situations.]

              Et certains fonctionnent certainement sur des patients qui ont des symptômes semblables à ceux du covid-19. Si vous fonctionnez avec un « catalogue de symptômes » pour le TSA, pourquoi pas faire de même avec le covid ? Vous trouverez là aussi qu’il y a des méthodes qui marchent sur certains patients et d’autres pas. Un peu comme pour les TSA…

              [De même qu’une simple recherche sur internet vous donnera un grand nombre de traitements qui prétendent chacun fonctionner dans le traitement du COVID 19. Mais ça n’est pas moi qui vous expliquerai la subtilité qu’il y a entre “prétendre fonctionner”, et “avoir fait la preuve de son efficacité”.]

              J’attire votre attention sur un problème dans votre analogie. Quand vous parlez de « traitement du Covid-19 », vous parlez d’un traitement pour une pathologie caractérisée par sa CAUSE et non pas par un catalogue de symptômes. Il est donc possible de déterminer ce qui marche et ce qui ne marche pas contre le Covid-19 a partir d’essais scientifiques. Par contre, lorsque vous parlez de traiter les TSA, vous n’avez pas la CAUSE, mais seulement un catalogue de symptômes. Vous ne pouvez donc pas valider un traitement tout simplement parce que ce catalogue de symptômes recouvrant des pathologies diverses, votre traitement – même s’il est efficace pour l’une de ces pathologies – fonctionnera avec certains patients et pas avec les autres.

              Prenons un exemple. Imaginons qu’un catalogue de symptômes regroupe deux pathologies différentes A et B, l’une représentant 90% des cas, l’autre 10%, mais que vous n’êtes pas capable de caractériser séparément. Imaginons que vous trouvez un traitement qui est efficace à 10% sur l’ensemble de l’échantillon. Que pouvez-vous conclure ? Peut-être est-ce une thérapie efficace à 100% mais seulement sur la pathologie B ? Ou alors elle agit sur la pathologie A seulement mais avec une efficacité très médiocre de 12% ?

              [S’agissant des informations limitées… Entre les questionnaires, test psychomoteurs, psychotechniques, etc. et toutes les autres données qu’ils peuvent recueillir, croyez bien que les chercheurs cherchent à connaitre toutes les informations qui pourraient leur être utiles.]

              Imaginons un instant, pour la beauté de l’argument, que les psychanalystes aient raison et que le trouble trouve ses racines dans l’inconscient. Pensez-vous que les informations qui sont recueillies dans les questionnaires, tests psychomoteurs, psychotechniques, etc. permettraient de sonder cette « cause » ? Je crains, malheureusement, que les informations réunies préjugent d’avance de la cause du trouble…

              [« Si l’on croit l’association « Vaincre l’autisme », une personne sur 50 nait avec un TSA. Cela fait bon an mal an 1,5 millions de Français qui doivent être considérés comme « autistes ». Et malgré la taille de l’échantillon, on n’a toujours pas trouvé une corrélation qui ait le moindre caractère prédictif… »
              Première observation, je ne suis pas certain que vous sources soient les plus fiables et les moins liées à des conflits d’intérêt sur ce sujet. Comme je l’écrivais, avec les nouveaux critères élargis du TSA, on reste en dessous des 1%.]

              Il est clair que l’association en question a tout intérêt à gonfler les chiffres. Mais cela étant dit, étant donné le côté subjectif de la définition, 1/50 ou 1/100 ça doit être dans la barre d’erreur. Il ne reste pas moins que c’est une incidence énorme.

              [Deuxième observation : pour faire des corrélations, il faut faire des corrélations entre plusieurs choses. Entre quoi et quoi voudriez-vous que des corrélations soient recherchées ? Entre l’autisme et des spécificités physiologiques ?]

              Non. Il s’agissant dans mon commentaire d’établir une corrélation entre le fait qu’un traitement donné fonctionne et les différentes spécificités du patient. En d’autres termes, une corrélation de nature prédictive sur le succès ou non d’un traitement. C’est la première étape pour établir le mécanisme qui fait que le traitement est efficace, et donc la pathologie.

              [Est ce que pour vous le trouble bipolaire ou la schizophrénie sont de vrais diagnostics ? Parce que de ce point de vue, je crois qu’il y a encore moins de différences physiologiques qu’avec l’autisme.]

              Je ne suis pas un fanatique de l’explication des maladies mentales par la physiologie. Dans le cas des troubles bipolaires, il y a une corrélation forte entre les symptômes, les caractéristiques du patient, et l’efficacité ou non des traitements. Cette corrélation forte montre d’abord qu’il s’agit d’une pathologie bien définie, et dont les causes – même si elles restent inconnues – sont délimitées.

              [« Finalement, la HAS reconnait sous une forme certes diplomatique qu’on parle d’une liste à la Prévert de symptômes dont on ne sait s’ils ont une origine commune… » Vous remarquerez que personne n’a jamais dit l’inverse.]

              Pardon, mais beacoup de gens disent l’inverse, vous y compris. Quand on parle de « diagnostic », c’est qu’il y a une pathologie définie, et non un simple catalogue de symptômes.

              [Mais je comprends mal cet acharnement à vouloir remonter à la cause, à l’origine. Si on peut la connaitre, c’est intéressant. Si on peut la connaitre et agir dessus, c’est encore mieux. Mais même si on ne connait pas la cause, à la rigueur, en quoi est-ce que ça empêche de prendre en charge, de traiter, de soigner, ou d’accompagner ?]

              Je n’ai pas été clair. La question pour moi est moins de déterminer la cause, que de savoir qu’il y en a une. Parce que l’efficacité d’un traitement est liée au fait qu’il y ait une cause unique ou un groupe de causes bien déterminé. Si vous avez un « catalogue de symptômes » qui regroupe des pathologies ayant des causes différentes, un remède qui soignera l’une ne soignera pas l’autre, et vous n’aurez aucun moyen de prédire son efficacité.

              Prenons un exemple : Jenner a déterminé, à partir d’une observation statistique, qu’il y avait quelque chose dans le pis des vaches qui immunisait contre la variole. Jenner ne connaissait bien entendu pas la cause de la variole, mais si son vaccin a été efficace, c’est parce qu’il y en avait une cause unique. Imaginons maintenant que la variole n’ait pas été une maladie avec une cause unique, mais un catalogue de symptômes provoqués par plusieurs microorganismes différents. Et que le « vaccin » produit naturellement ne fut efficace que contre l’un d’entre eux. Qu’aurait observé Jenner ? Que le « vaccin » immunisait certains individus et pas d’autres, pour des raisons inexplicables. La force de son argument aurait été bien moindre, vous ne trouvez pas ?

              [Vous êtes en train de faire ce que j’appelle “remonter l’arbre des causes”.
              Pourquoi est-ce qu’il est dans cet état ? Parce que :
              A : il a perdu un doigt
              B : il focalise sur son doigt perdu.]

              Oui, mais lorsque vous faites un arbre des causes, vous n’incluez pas TOUS les éléments qui rendent possible la conséquence. Ainsi, si vous examines les causes d’un incendie dans une usine, vous n’incluez que très rarement l’existence de l’usine – alors qu’il est évident que si l’usine n’existait pas, l’incendie n’aurait pas eu lieu. Lorsque vous examinez les causes de la mort d’une personne, vous n’incluez jamais sa naissance, et pourtant il me semble que c’est la cause ultime : s’il n’était pas né, il ne serait pas mort.

              [On peut aussi se demander pourquoi il a focalisé dessus ? Peut-être car c’est quelqu’un d’hyper angoissé et perfectionniste, et qui ne supporte pas une imperfection ? Peut-être parce qu’il avait perdu sa mère 1 semaine plus tôt et que focaliser sur son doigt lui permettait de défocaliser de son deuil ? Peut-être parce qu’il était au bord du burnout et que, là encore, le doigt lui a fourni un échappatoire.]

              Exactement. Et les causes du problème sont là. La perte du doigt n’est qu’un « élément déclencheur », de la même manière que notre naissance est l’élément déclencheur de notre mort, mais pas sa cause…

              [Vous imaginez bien que les psy, qui ont quand même tous lu du Freud,]

              Je crains que vous ne soyez très optimiste. De plus en plus, vous trouvez des psy qui plutôt que de lire Freud ont lit quelqu’un qui a écrit sur Freud. Et ce n’est pas que chez les psy qu’on trouve ce problème. Combien d’avocats ont lu Portalis ?

              [ne laisseraient pas passer une occasion de chercher si ce type de problème n’aurait pas une cause externe comme celle que je décris ci dessus. C’est leur boulot, en principe. Mais la meilleure solution dans de telles circonstances est en l’occurrence encore d’agir sur les symptômes visibles, pour aider le patient à remonter lui-même à la cause, s’il en ressent le besoin.]

              C’est là un choix thérapeutique – et idéologique ! – qui dépasse mes maigres compétences.

  20. Vincent dit :

    Si l’on regarde l’histoire, la médecine a progressé en constituant des cohortes par symptôme, et ensuite en affinant l’analyse pour épurer la cohorte jusqu’à n’en retenir que ceux qui ont la même pathologie. Or, ce qui se passe dans la psychiatrie américaine est l’effet inverse : on élargit les catégories. Les critères pour définir l’autisme étaient plus étroits il y a trente ans qu’aujourd’hui.

    Ce qui se passe est exactement ce que vous décrivez. Certes, on élargit les critères. Mais en même temps, on les affine, en distinguant un degré léger, moyen, et sévère. Et avec les tests standardisés, il y a des scores pour chacune des dimensions, qui permettent de décrire la pathologie de manière beaucoup plus fine qu’un simple diagnostic binaire.
    Et avec des diagnostics qui ne sont plus binaires, mais sur une échelle, cela permet de faire des analyses beaucoup plus intéressantes d’un point de vue statistique. Est ce que ceux qui ont un autisme léger ont la même pathologie que ceux qui ont un autisme sévère, mais simplement sous une forme atténuée. Ou est ce qu’en fait il s’agit de 2 symptômes radicalement différents, qui présentent des similitudes du point de vue de l’expression ? Et dans ce dernier cas, y a-t-il des tests qui sont plus pertinents pour délimiter la frontière entre ces deux pathologies ?
     
    Voilà le type de questions auxquelles il devient possible de répondre si on a des scores par dimension, et des diagnostics affinés. A ma connaissance, les questions que je viens de poser plus haut n’ont pas reçu de réponses définitives. Mais je ne serais pas étonné qu’elles en aient dans les 15/20 prochaines années, notamment grâce aux progrès de la génétique et de l’imagerie cérébrale.
    Mais là, nous parlons de recherche, pas de prise en charge d’un praticien confronté à un patient ; et il n’est pas certain que ces recherches déboucheront dans un avenir pas trop lointain à une avancée concrète pour des patients.
    Le praticien face à un patient, ne pourra rien faire de mieux que dire : face à ce type de symptômes, voilà ce qui a été testé, et voilà ce qui a donné des résultats. Et donc je vous conseille telle ou telle méthode de psychothérapie, qui ont donné les meilleurs résultats sur les symptômes. Ca n’est pas un traitement magique, comme vous l’espéreriez. Mais ça demeure une prise en charge, ce qui est mieux que rien.

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Ce qui se passe est exactement ce que vous décrivez. Certes, on élargit les critères. Mais en même temps, on les affine, en distinguant un degré léger, moyen, et sévère. Et avec les tests standardisés, il y a des scores pour chacune des dimensions, qui permettent de décrire la pathologie de manière beaucoup plus fine qu’un simple diagnostic binaire.]

      Sans vouloir pinailler, dès lors qu’on distingue des « dégrés », on postule que les différences sont quantitatives, et non qualitatives. Et donc qu’il s’agit d’une même pathologie avec des degrés d’intensité différents. Je note d’ailleurs dans votre formule le glissement : vous parlez de « décrire la pathologie », ce qui suppose là encore qu’il s’agit d’une pathologie UNIQUE. Or, justement, le problème lorsqu’on travaille sur un catalogue de symptômes, c’est qu’on groupe des pathologies DIFFERENTES. Le progrès de la médecine s’est fait en affinant le diagnostic de façon à séparer ces différentes pathologies de manière à pouvoir dans l’idéal établir une bijection entre un catalogue de symptômes et de signes et une pathologie donnée et unique. Hiérarchiser les symptômes par « degrés » ne contribue en rien à ce processus.

      [Le praticien face à un patient, ne pourra rien faire de mieux que dire : face à ce type de symptômes, voilà ce qui a été testé, et voilà ce qui a donné des résultats.]

      Mais avec la logique du DSM V, le praticien va beaucoup plus loin : il énonce un DIAGNOSTIC – ou du moins c’est ainsi que les parents l’interprèteront sauf à avoir une formation scientifique et vouloir approfondir le sujet. Il ne dit pas « votre enfant à ces symptômes ». Il dit « votre enfant est autiste », autrement dit, il rattache les symptômes à une pathologie qui semble précise et déterminée. C’est cela qui me semble pour le moins discutable.

      • Vincent dit :

        Mais avec la logique du DSM V, le praticien va beaucoup plus loin : il énonce un DIAGNOSTIC – ou du moins c’est ainsi que les parents l’interprèteront sauf à avoir une formation scientifique et vouloir approfondir le sujet. Il ne dit pas « votre enfant à ces symptômes ». Il dit « votre enfant est autiste », autrement dit, il rattache les symptômes à une pathologie qui semble précise et déterminée. C’est cela qui me semble pour le moins discutable.

         
        Justement, ça n’est plus vraiment le cas. Avec le DSM V, il dit : “votre enfant a un trouble du spectre autistique”. A moins que les parents ne comprennent pas bien le français, avec cette appellation, il est clair que le diagnostic regroupe plein de nuances différentes, et que les parents sont invités à regarder plus en détail le diagnostic…
         
         

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [ustement, ça n’est plus vraiment le cas. Avec le DSM V, il dit : “votre enfant a un trouble du spectre autistique”. A moins que les parents ne comprennent pas bien le français, avec cette appellation, il est clair que le diagnostic regroupe plein de nuances différentes,]

          Vous illustrez vous-même le problème, lorsque vous appelez cela un “diagnostic”. C’est bien ça le problème: on fait passer pour un “diagnostic” ce qui n’est en fait que la constatation d’un symptôme. Un médecin qui vous dirait “vous avez de la fièvre” fait-il un “diagnostic” ? Un diagnostic implique une hypothèse sur la cause du mal, et non simplement la constatation d’un symptôme. “votre fille n’entend pas parce qu’elle est sourde” n’est pas un diagnostic.

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