NUPES: Que mañana ayunaremos…

Je pourrais dire à mes petits-enfants que j’ai vu s’écrire une page d’histoire. Si, si, j’étais à la convention de lancement de la « nouvelle union populaire écologique et sociale » à Aubervilliers. Et il paraît que cette union est « historique ». Si l’on croit Jean-Luc Mélenchon, « nous » – c’est-à-dire lui – avons réussi à faire ce que « ni le Cartel des gauches, ni le Front populaire, ni la Libération » n’étaient parvenus à atteindre, c’est-à-dire, partager entre les différentes tribus de la gauche toutes les circonscriptions électorales. Remarquez, le Cartel, la Libération et le Front Populaire ont quand même quelques petites réalisations à leur actif : la journée de huit heures, le statut du mineur, les congés payés, la création de la sécurité sociale, la fondation de la SNCF, d’EDF ou du CEA, le statut général de la fonction publique… et je doute que la NUPES puisse demain exhiber un bilan comparable.

Mais revenons à nos moutons. Aubervilliers, cela faisait chaud au cœur. Tous ces jeunes réunis dans une salle, convaincus que la construction d’un monde plus beau et plus fraternel est à portée de main, tous ces gens pourtant porteurs d’opinions différentes prêts à s’atteler à une tache commune, tous ces discours remplis des mots qu’il faut : paix, liberté, justice, dignité…

C’était coloré, c’était beau, c’était dynamique. C’était la fête d’une victoire pratiquement acquise. Il y avait dans la salle beaucoup de jeunes – et quelques moins jeunes – souriants. Certains, parce qu’ils voyaient dans ce rassemblement la fin de l’impuissance de la gauche à peser sur les évènements. Mais le public, trié sur le volet, était en majorité constitué d’apparatchiks pour qui il est moins question de « changer la vie » que de « changer leur vie ». Certains espèrent être candidats et bientôt élus, d’autres rêvent de postes et prébendes, et pourquoi pas, de cabinets ministériels. Mais la joie, même intéressée, n’est pas moins joyeuse.

Et pourtant, je n’ai pas pu en profiter comme je l’aurais peut-être fait quand j’avais vingt ans. C’est que, voyez-vous, comme dit le dicton espagnol, « el diablo sabe por diablo, pero mas sabe por viejo » (1). Ces quarante dernières années, j’en ai vu fêter, des victoires. La victoire de 1981, qui allait « changer la vie ». La victoire de 1988, qui allait empêcher la droite de revenir. La victoire de 1997, qui allait ouvrir une nouvelle manière de faire de la politique. La victoire de 2012 enfin, qui allait faire son affaire de la finance. A chaque fois, la victoire était le résultat de la convergence des voix des différentes tribus de la gauche. Et à chaque fois, après une période d’hésitation plus ou moins longue, elles ont abouti à l’approfondissement des logiques néolibérales. C’est la majorité de 1981 qui a pris le « tournant de la rigueur » et capitulé honteusement devant les marchés plutôt que de quitter le système monétaire européen. C’est la majorité de 1988 qui a livré la France pieds et poings liés par le traité de Maastricht. C’est la majorité de 1997 qui détient le record toutes catégories de privatisations et décide le démantèlement d’EDF et de GDF. Quant à l’œuvre de la majorité de 2012, elle est encore assez présente dans les mémoires pour qu’il faille insister (2).

Comme disait une célèbre dirigeante tombée aujourd’hui en disgrâce, on conclut quelquefois des contrats où l’on sabre le champagne pendant quinze jours et puis on pleure pendant quinze ans. La plupart des contrats d’union à gauche sont de cette nature. A chaque fois on a payé quelques semaines d’ivresse de quelques années de gueule de bois. Bien sûr, socialistes et anciens socialistes nous expliqueront que 1981 ce sont les 39 heures et l’abolition de la peine de mort, que 1997 c’est les 35 heures. C’est vrai. Mais c’est vrai aussi que dans l’œuvre de tout gouvernement, quel qu’il soit, on trouvera quelque chose de positif. Giscard a fait le TGV, Chirac s’est opposé à l’invasion à l’Irak… même à Hitler, l’archi-méchant de notre époque, on doit les premières grandes lois de protection de la nature et des animaux (3). La question n’est pas tant de savoir si les gouvernements de gauche on fait des choses qui méritaient d’être faites. C’est certainement le cas. Mais la vraie question est celle du bilan global. Est-ce que l’actif dépasse le passif ? Et de ce point de vue, le moins qu’on puisse dire c’est que la gauche conduite par Mitterrand et ses héritiers n’a pas de quoi être fière.

Et si cette fois-ci, c’était différent ? Il faut vraiment une envie de croire sans faille pour céder à cette tentation. La folie, disait Einstein, consiste à répéter la même expérience en attendant des résultats différents. La NUPES n’a rien, mais absolument rien, de révolutionnaire ou même de nouveau. C’est la réédition d’un schéma qui se répète cycliquement depuis trente ans, celui d’une galaxie politique dont le cœur penche vers les couches populaires, mais dont le portefeuille est solidement ancré du côté du bloc dominant.  Vous me direz que cette fois-ci le rassemblement se fait non pas autour de la gauche « centriste » mais de la gauche « radicale ». Là encore, ce n’est pas la première fois : n’est-ce pas Mitterrand qui en 1972 affirmait que « celui qui n’est pas pour la rupture avec le capitalisme n’a pas sa place au parti socialiste » ? N’est-ce pas le PSU rocardien qui reprochait au PCF son « conservatisme » et se faisait le porteur des « nouvelles radicalités » ? Le programme mitterrandien de 1974 était infiniment plus « radical » que ne l’est son héritier putatif pour qui la « rupture avec le capitalisme » ne se pose même pas. Et puis, la gauche bienpensante est toujours très « radicale » lorsqu’elle est loin du pouvoir, et le devient de moins en moins au fur et à mesure que le pouvoir se rapproche. Et Mélenchon en est la preuve vivante : à 11%, il quittait l’Union européenne ; à 19% c’était le « plan A/plan B » ; à 21% le « plan B » disparaît et on se contente de « désobéir dans le cadre de l’état de droit », autant dire, rien.

Une partie de la droite brandit l’épouvantail de Mélenchon-le-gauchiste, l’ami de Chavez et l’admirateur de Poutine. Ce serait oublier que Mélenchon est surtout et avant tout le fils spirituel de Mitterrand. Et de la même façon que le « vieux » avait radicalisé son discours pour « montrer que trois millions d’électeurs communistes peuvent voter socialiste », Mélenchon tient un discours « radical » en fonction du public qu’il veut séduire. Chez lui, c’est la tactique qui domine partout et toujours. S’il a rompu en 2007 avec les « social-libéraux » en quittant le Parti socialiste, ce n’est pas par conviction – ses convictions ne l’ont pas empêché d’endosser le « tournant de la rigueur », de militer pour la ratification de Maastricht ou d’être ministre de Lionel Jospin – mais parce que la défaite de Ségolène Royal l’a convaincu que le Parti socialiste n’avait pas d’avenir. Il s’est d’ailleurs trompé, du moins sur le court terme : les socialistes sont revenus au pouvoir avec François Hollande, victoire dont Mélenchon s’estimait – c’est lui-même qui l’a dit – « comptable ». Ce parcours montre combien la radicalité supposée de Mélenchon est une posture : chaque fois qu’il s’est rapproché du pouvoir, il a sagement remis la révolution à plus tard.

Le problème, c’est que Mélenchon n’est pas seul. Il est même très mal accompagné. A côté de sa garde rapprochée, qui lui est fidèle jusqu’à l’abjection – normal, tous ceux qui ont exprimé à un moment ou un autre des doutes ou des divergences ont été écartés, pensez à Charlotte Girard – les succès de la France Insoumise ont attiré toute une galaxie de personnages bizarres qui vont du grotesque au sinistre, de l’antispéciste (!) Ayméric Caron au communautariste Taha Bouhafs, celui-là même à qui ses frasques ont valu une condamnation pour injures raciales. Des personnages qui illustrent un phénomène parallèle à celui de l’égo-politicien, qu’on pourrait appeler l’égo-militant, n’ayant aucune affiliation durable mais papillonnant entre différentes organisations, différentes « causes », rejoignant aujourd’hui les gens avec qui il s’était fâché hier et vice-versa et menant une vie de militant professionnel multicarte médiatisé (4).

La mise en avant de ce genre de personnages – qui se taillent une part non négligeable dans la liste des candidatures « insoumises » – est un risque important. Pour la NUPES d’abord, parce que ces personnalités sont farouchement indépendantes et peu habituées à se soumettre à une discipline collective, d’où un risque de cacophonie ou de déclarations intempestives – on se souvient de l’effet de certaines déclarations de Danièle Obono, comme celle qualifiant de « racistes » les caricatures de Charlie Hebdo, ou celle qualifiant Houria Bouteldja de « militante antiraciste […], une camarade ». En les mettant en avant, LFI risque de faire la courte-échelle à ces personnages qui, une fois installés au premier rang médiatique, pèseront pour réduire le débat à gauche à leurs marottes.

C’est parce que j’ai tout cela en tête que j’ai eu du mal à rentrer dans le climat de kermesse joyeuse qui régnait dans cette convention d’Aubervilliers. Et au-delà, de partager la joie irrationnelle qui semble s’être emparée d’une partie des militants de gauche qui ont l’impression de toucher le ciel avec les doigts à la vue de cette « unité » qui semblait être la solution à tous les problèmes. J’ai presque des scrupules à afficher mon cynisme de vieux con alors que tant de gens rêvent et que ce rêve les remplit de bonheur… laissons leur en profiter, pendant que ça dure…

Honremos a tan buen santo
que mañana viene la muerte,
comamos, bebemos huerte
que mañana habra quebranto
comamos, bebamos tanto
hasta que nos reventemos,
pues mañana ayunaremos

Hoy comamos y bebamos
Y cantemos y holguemos
Que mañana ayunaremos (5)

Descartes

(1) « Le diable sait beaucoup de choses parce qu’il est diable, mais il en sait bien plus encore parce qu’il est vieux ».

(2) On peut ici citer la loi El Khomri, qui amorce la destruction du Code du travail poursuivie depuis par Emmanuel Macron. Il est d’ailleurs assez ironique que les socialistes, à qui on doit cette loi, soient maintenant partie à un accord dont le programme appelle à son abrogation. Remarquez, c’est une habitude dans cette gauche-là d’effacer avec le coude ce qu’on écrit avec la main. Mélenchon, sans aller plus loin, avait milité passionnément pour la ratification du traité de Maastricht et sa « concurrence libre et non faussée ». Aujourd’hui, il professe la « désobéissance » à ce même traité…

(3) Il s’agit de la loi de protection des animaux du 24 novembre 1933 et de la loi de protection de la nature ou « Reichsnaturschutzgesetz » du 1er juillet 1935. La particularité de ces lois est que l’animal ou la nature sont protégées en tant qu’entités propres, et non par référence à l’homme. En ce sens, ce sont les premières lois « écologistes » au sens moderne du terme, c’est-à-dire, non anthropocentriques.

(4) Taha Bouhafs est caractéristique de ce mouvement. Candidat LFI aux législatives de 2017 dans l’Isère, il s’était éloigné violemment de la France Insoumise, après un incident avec Benoît Schneckenburger aux AMPHIS de 2019 qui avait nécessité l’intervention du service d’ordre et que l’intéressé avait dénoncé comme « agression physique ». Après avoir papillonné entre le Comité Adama, le Collectif contre l’islamophobie (qui appellera à la marche de 2019), le NPA, etc. il revient comme candidat LFI dans le Rhône… enfin, serait revenu si le PCF n’avait pas sorti la Grosse Bertha…

(5) « Honorons un si bon saint/que demain vient la mort/mangeons et buvons très fort/que demain viendra le malheur/mangeons et buvons tant/jusqu’à ce que nous en crevions/car demain on jeûnera/Mangeons et buvons aujourd’hui/Chantons et prélassons nous/Car demain, on jeûnera ». « Villancico », Juan del Encina, 1495.

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34 réponses à NUPES: Que mañana ayunaremos…

  1. xc dit :

    Une petite précision: Bouhafs a été condamné pour “injure publique à raison de l’origine”. Ce qui permet à ses “supporters” de soutenir qu’il ne l’a pas été pour “injure raciste”, mais pour “injure publique”.

    • Descartes dit :

      @ xc

      [Une petite précision: Bouhafs a été condamné pour “injure publique à raison de l’origine”. Ce qui permet à ses “supporters” de soutenir qu’il ne l’a pas été pour “injure raciste”, mais pour “injure publique”.]

      C’est drôle: quand ça les arrange, tout est “racisme”. Mais quand ils sont sur le banc des prévenus, ils expliquent qu’il ne faut pas confondre, que les “origines” ce n’est pas la “race”… De toute façon, il semblerait qu’une plainte contre lui ait été déposée pour agression sexuelle par une “camarade” auprès de la commission de lutte contre les violences sexistes et sexuelles de LFI… une plainte opportune qui permet à LFI de le déplacer sans pour autant avoir l’air de céder aux communistes…

      D’ailleurs la liste des personnages troubles investis par LFI s’allonge: on apprend que Leïla Ivorra sera candidate dans le Val d’Oise. Pour ceux qui l’auraient oublié, Leïla Ivorra est connue pour avoir inventé chute mortelle d’un étudiant à la fac de Tolbiac pendant l’occupation de 2018, invention dont la finalité était de salir la police et de mobiliser les étudiants.

  2. Glarrious dit :

    [Et Mélenchon en est la preuve vivante : à 11%, il quittait l’Union européenne ]
    Vous avez des références ce point car je me souviens qu’il avait traité de “maréchalistes” ceux qui prônent la sortie de l’euro. 
     
    Aussi en lisant vos anciens billets je me demandais pourquoi vous avez cru en Mélenchon à une certaine période ? L’envie de croire ?
    Pourtant le parcours de Mélenchon parle pour lui dont vous le décrivez dans ce billet.

    • Descartes dit :

      @ Glarrious

      [Aussi en lisant vos anciens billets je me demandais pourquoi vous avez cru en Mélenchon à une certaine période ? L’envie de croire ?]

      Je ne sais pas si j’avais “cru en Mélenchon”. Je ne me suis jamais fait beaucoup d’illusions sur l’individu. J’avais surtout été séduit par son idée de l’époque, celle du “parti creuset”. Et ça n’a pas vraiment duré: tout au plus entre 2008 et 2011. Dès le début de la campagne présidentielle du Front de Gauche, la volonté d’OPA sur le PCF était évidente, et le “parti creuset” a disparu des registres.

  3. BolchoKek dit :

    Pour les lecteurs qui ne seraient pas au courant, ce que notre hôte exprime dans ce billet lui est particulièrement important : quand Descartes parle espagnol, c’est qu’il est pris aux sentiments 😉

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [quand Descartes parle espagnol, c’est qu’il est pris aux sentiments]

      “Je parle espagnol à Dieu, italien aux femmes, français aux hommes et allemand à mon cheval” (attribué à Charles V d’Autriche).

  4. azer dit :

    Trop lents, inintéressants !
    Juste une précision tes 20 ans c’était pendant le front pop ou 81 c’est pas précisé 🙂
     
     
     

    • Descartes dit :

      @ azer

      [Juste une précision tes 20 ans c’était pendant le front pop ou 81 c’est pas précisé]

      Pourtant certains soirs, certains soirs d’été
      Le Général s’asseyait sur la paille
      Et les yeux perdus dans l’immensité
      Il nous racontait ses batailles

      Il nous parlait des Dardanelles
      Quand il n’était que Colonel
      Et de la campagne d’Orient
      Quand il n’était que Commandant
      L’épopée napoléonienne
      Quand il n’était que Capitaine
      Et puis la Guerre de Cent Ans
      Quand il n’était que Lieutenant
      Les Croisades et Pépin le Bref
      Quand il n’était que Sergent-Chef
      Et les éléphants d’Annibal
      Quand il n’était que Caporal
      Les Thermopyles, Léonidas
      Quand il n’était que deuxième classe
      Et Ramsès II, la première guerre
      Quand sa mère était cantinière

      Et le Général jusqu’au p’tit matin
      Déroulait le fil de son immense histoire
      Puis il s’endormait sur sa botte de foin
      Et nous sans parler
      Nous rêvions de gloire

      Ca répond à votre question ?

      Pour ceux qui ne connaissent pas le texte, il s’agit de la chanson « Général à vendre », paroles de Francis Blanche, musique des Frères Jacques. Vous la trouverez sur Youtube, c’est un vrai régal !

  5. luc dit :

    Est il possible que le PS explose,je ne le pense pas..
    https://www.parismatch.com/Actu/Politique/L-heure-de-la-purge-au-PS-1805111
    Au pire les dissidents PS seront réintégrés dès le 18/06. Mais voudront ils revenir?Cazenave,Lefolle et d’autres pouraient être tentés par le centre et rejoindre le PRG ou créer un OPNI ?
    Pour le coup ,ce serait historique car ça signifierait que le clan Hollande quitte le PS même si lui Hollande y restera peut être?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Est il possible que le PS explose, je ne le pense pas…]

      Franchement, je m’en fous complètement. Le PS « centriste » est chez Macron, le PS « gauchiste » est chez Mélenchon. Seuls restent au PS les éléphants qui sont trop lourds pour bouger, et les « barons » locaux dont le poids personnel leur garantit l’élection sans avoir besoin d’aliéner leur liberté en allant chez l’un ou l’autre…

      [Pour le coup ,ce serait historique car ça signifierait que le clan Hollande quitte le PS même si lui Hollande y restera peut être?]

      Comme je vous l’ai dit plus haut, je n’ai vraiment absolument rien à cirer.

  6. Patriote Albert dit :

     
    En tous cas, l’accord NUPES donne l’occasion de mettre bas les masques de la FI sur l’Europe, et donc sur leur volonté réelle de changer quoi que ce soit au rapport de force capital / travail. Ainsi, on a vu Julien Bayou affirmer dans la convention de la NUPES et sous les applaudissements de tout le monde qu’il s’agissait de “désobéir pour sauver l’Europe”. Et Mélenchon de se féliciter l’autre jour que Macron veuille modifier les traités, car comme le dit son lieutenant Corbière, “Réviser les traités européens ou désobéir c’est peut être la même idée finalement.” Voilà pour tous les esprits avertis. Mais comme l’électorat de Mélenchon est, comme vous le dites, dans la croyance que cette fois-ci c’est différent, aucun obstacle rationnel ne semble en mesure de se mettre sur le chemin de leur vote.
    En réalité, il y a dans mon entourage LFIste une grande difficulté à penser le rapport de force. Et cela révèle bien la position de classe majoritaire de cet électorat, à savoir des gens qui font leur boulot dans des secteurs abrités : la fonction publique, l’encadrement, les grandes entreprises… Pour eux, il n’y a aucune raison que Mélenchon arrivé au pouvoir ne fasse pas ce qu’il dit. Le carcan de l’euro, la Troïka, la finance internationale, les Américains, aux oubliettes !
    Cette campagne législative s’annonce en tous cas bien morne. L’affaire Bouhafs déchaîne les passions – et c’est vrai que l’on peut se délecter de voir les messages de soutiens inconditionnels se transformer le lendemain en lâchages en bonne et due forme car « les victimes disent forcément la vérité » – mais toujours aucun débat de fond, aucune réponse claire à cette question qui fait pourtant le cœur du débat politique : quelle société voulons-nous ?

    • Descartes dit :

      @ Patriote Albert

      [En tous cas, l’accord NUPES donne l’occasion de mettre bas les masques de la FI sur l’Europe, et donc sur leur volonté réelle de changer quoi que ce soit au rapport de force capital / travail. Ainsi, on a vu Julien Bayou affirmer dans la convention de la NUPES et sous les applaudissements de tout le monde qu’il s’agissait de “désobéir pour sauver l’Europe”. Et Mélenchon de se féliciter l’autre jour que Macron veuille modifier les traités, car comme le dit son lieutenant Corbière, “Réviser les traités européens ou désobéir c’est peut-être la même idée finalement.”]

      Tout à fait. Pour des raisons mystérieuses, la presse range Mélenchon dans le camp « souverainiste » alors que tous ses discours, tous ses écrits montrent le contraire. Il faut relire son discours au Sénat dans le débat pour la ratification du traité de Maastricht en 1992. Tout y est, la défense d’une Europe supranationale, la décision à la majorité… et vous noterez que ce discours, il ne l’a jamais renié. S’il a reconnu avoir eu tort sur Maastricht, c’est pour dire que son erreur n’était pas dans l’objectif, mais dans la stratégie pour l’atteindre. Autrement dit, Maastricht n’était pas mauvais parce qu’il soumettait la France à une puissance supranationale, mais parce que ce n’était pas la « bonne » façon de le faire.

      Aujourd’hui, les choses sont plus claires. « Désobéir dans le cadre de l’Etat de droit », autrement dit, ne rien faire. Parce que toute « désobéissance » donnera lieu à une injonction du juge, à laquelle on ne pourra que se soumettre – sauf à violer les principes fondamentaux de l’Etat de droit. Loin de chercher à reprendre en main les instruments de la souveraineté, le projet de Mélenchon est de les laisser dans les mains de « l’autre Europe », tout aussi supranationale que celle que nous avons.

      [En réalité, il y a dans mon entourage LFIste une grande difficulté à penser le rapport de force. Et cela révèle bien la position de classe majoritaire de cet électorat, à savoir des gens qui font leur boulot dans des secteurs abrités : la fonction publique, l’encadrement, les grandes entreprises… Pour eux, il n’y a aucune raison que Mélenchon arrivé au pouvoir ne fasse pas ce qu’il dit. Le carcan de l’euro, la Troïka, la finance internationale, les Américains, aux oubliettes !]

      Mais si demain Mélenchon arrivait au pouvoir, ce n’est pas le carcan de l’Euro, la Troïka, la finance internationale ou les Américains qui l’empêcheront de mettre en œuvre le programme de LFI. C’EST SON PROPRE ELECTORAT, UNE FOIS QU’IL SERA AU PIED DU MUR, FORCE DE CHOISIR ENTRE PAYER LE COUT DU PROGRAMME, OU DE L’ABANDONNER. Exactement comme en 1983. Regardez ce qui est en train de se passer aux Etats-Unis : Trump avait mis des taxes sur les produits chinois pour protéger l’industrie américaine. Biden est sur le point de les réduire… pour lutter contre la hausse des prix. Eh oui, les classes moyennes américaines qui votent démocrate ne sont pas prêtes à supporter le coût de la « réindustrialisation ». Et ce serait la même chose en France.

      [Cette campagne législative s’annonce en tous cas bien morne.]

      Pourquoi voulez-vous qu’on se pose aujourd’hui les questions qu’on ne s’est pas posé à la présidentielle ? Le combat politique se réduit aujourd’hui à se lancer à la figure des mesurettes, comme si l’avenir du pays se jouait sur le fait de partir à la retraite deux ans plus tôt ou plus tard.

      [L’affaire Bouhafs déchaîne les passions – et c’est vrai que l’on peut se délecter de voir les messages de soutiens inconditionnels se transformer le lendemain en lâchages en bonne et due forme car « les victimes disent forcément la vérité » –]

      C’est très mal, je sais, de se réjouir des malheurs d’autrui. Mais pour une fois, je fais une exception…

  7. Vladimir dit :

    J’ai l’impression que votre première partie n’est pas une démonstration rigoureuse mais plus une comparaison: “Cela se passe ainsi depuis trente ans donc ce sera la même chose”. Pour la seconde partie, celle des personnages grotesques à sinistres, ne devrait-on pas s’interroger là-dessus? Ne reflètent-ils pas l’entrée en délire de la gauche girondine ou son déclin irréversible? 

    • Descartes dit :

      @ Vladimir

      [J’ai l’impression que votre première partie n’est pas une démonstration rigoureuse mais plus une comparaison : “Cela se passe ainsi depuis trente ans donc ce sera la même chose”.]

      Non. Je ne me suis pas limité à ça. J’ai essayé de dire POURQUOI cela ne peut que se répéter. D’abord, parce que le contexte sociologique est le même : en 1981, l’électorat de base du PS était composé essentiellement des classes intermédiaires qui ont le cœur à gauche et le portefeuille à droite. La « trahison » de 1983, le traité de Maastricht et autres « compromis de gauche » – pour parler comme Mélenchon – sont le résultat de cette dualité, celle d’une classe sociale qui veut améliorer la vie des pauvres… à condition que cela ne lui coûte rien. En 2022, nous sommes dans la même configuration. Ou pire, parce que les couches populaires n’ont plus de représentation politique à gauche. Il n’y a plus de PCF puissant pour peser sur les choix d’un gouvernement « de gauche ». Dès lors, pourquoi une gauche dominée par les « classes intermédiaires » en 2022 ferait autre chose que ce qu’elle a fait ces trente dernières années ?

      Il y a un deuxième argument qui plaide pour une répétition de l’histoire – cette fois-ci en mode farce. C’est que les personnages qui animent la comédie sont les mêmes. Mélenchon lui-même, pour commencer. Lorsqu’on entend son éloge acritique de Mitterrand à chaque anniversaire du 10 mai 1981, on ne voit aucune raison pour que son auteur agisse aujourd’hui autrement qu’il l’aurait fait il y a trente ans. Mélenchon a peut-être reconnu – du bout des lèvres, mais accordons lui ce point – que Maastricht était une erreur. Mais il n’a jamais expliqué ce qui l’avait amené à la commettre, et sur quel point il avait changé depuis. Au contraire : il ne perd pas d’occasion pour montrer qu’il est toujours aussi attaché à une Europe supranationale. Alors, là encore, pourquoi agirait-il aujourd’hui différemment, puisque l’objectif reste le même ?

      [Pour la seconde partie, celle des personnages grotesques à sinistres, ne devrait-on pas s’interroger là-dessus ? Ne reflètent-ils pas l’entrée en délire de la gauche girondine ou son déclin irréversible ?]

      L’entrée en délire, certainement. Le déclin… oui, si vous parlez du point de vue intellectuel. LFI est une secte de zombies, et si vous ne me croyez pas essayez de discuter avec l’un d’eux. Vous aurez tout de suite droit aux injures, aux amalgames, parsemées de recommandation de lire les livres du gourou « pour enfin comprendre quelque chose ». Des arguments ? Jamais. Ceux de mes lecteurs qui ont fréquenté les blogs mélenchonistes savent de quoi je parle.

      Par contre, si vous parlez de « déclin » au sens électoral ou politique… je crains que vous ne soyez trop optimiste. Le résultat des prochaines élections nous montrera dans quelle mesure les délirants arrivent à capter les voix de la « gauche ». Personnellement, je crains le pire: non pas Mélenchon premier ministre – souvenez vous du “quand les dieux veulent nous punir, ils réalisent nos rêves” – mais un groupe d’une centaine de délirants qui transformeront la vie parlementaire en une kermesse…

      • Vladimir dit :

        Concernant le déclin électoral de la gauche girondine: pour cette famille idéologique, ne pas être au second tour des présidentielles deux fois de suite est un évènement, signifie quelque chose. Ensuite, cette gauche girondine n’a plus d’ancrage territorial. Normalement, elle domine le sud-ouest. 
        Aucune région idéologique n’a voté massivement Mélenchon. Je me dis que l’ancrage territorial produit une idéologie terre à terre, correspondant à la mentalité des habitants de la région, et qui est par là, très solide et concrète. Un Mélenchon sans territoire nous donne-t’il la vision du monde des élites parisiennes ou des petits-bourgeois des grandes villes? Sans territoire, c-a-d, plusieurs régions, où il ferait 30% au premier tour, ses élus seront éparpillés dans toute la France et moins susceptibles de former un bloc. De plus, le sud-ouest qui porte normalement cette gauche-là est la région de métropole qui fait le moins d’enfants et est allergique à “l’immigration” comme le montre sans doute le vote le long de la Garonne.

        • Descartes dit :

          @ Vladimir

          [Concernant le déclin électoral de la gauche girondine: pour cette famille idéologique, ne pas être au second tour des présidentielles deux fois de suite est un évènement, signifie quelque chose.]

          Excusez-moi, mais la gauche girondine a été présente au deuxième tour en 2017 comme en 2022, en la personne d’Emmanuel Macron. Elle a même gagné deux fois de suite l’élection… Je pense que vous faites erreur en raisonnant en terme d’ETIQUETTES et non en terme de POLITIQUES. Avec Macron, c’est bien la gauche qui est aux manettes. En quoi la politique mise en œuvre par le gouvernement Macron diffère fondamentalement de celle mise en œuvre par Hollande, Jospin ou Mitterrand ? Il y a d’ailleurs une parfaite continuité : lorsque Macron ferme Fessenheim, il ne fait que mettre en œuvre une promesse de Hollande. Lorsqu’il prépare avec « Hercule » le démantèlement d’EDF, il ne fait que compléter un processus d’ouverture des marchés de l’électricité au sommet de Barcelone sous Jospin. Sa réforme du travail ne fait que continuer celle de la loi El Khomri. Et on pourrait continuer à empiler les exemples.

          D’ailleurs, vous noterez que les gouvernements successifs de Macron étaient peuplés – ministres et cabinets confondus – de personnalités venues de la « gauche girondine ». Même chose pour le groupe parlementaire LREM, dont un bon tiers est constitué d’anciens élus ou apparatchiks socialistes ou écologistes. Alors, trois possibilités : soit Macron est capable de laver le cerveau des gens au point de transformer des gens « de gauche » en gens « de droite », soit les partis de « la gauche » abritent depuis des décennies des gens qui en fait sont « de droite » sans que personne ne s’aperçoive, soit – et cela me paraît l’hypothèse la plus vraisemblable – ces gens-là trouvent chez Macron les conceptions de « la gauche » rocardo-delorienne qu’ils pratiquaient déjà au PS.

          [Ensuite, cette gauche girondine n’a plus d’ancrage territorial. Normalement, elle domine le sud-ouest.]

          Je ne vous suis pas. Que pensez-vous des victoires socialistes ou écologistes aux élections régionales et municipales ?

          [Aucune région idéologique n’a voté massivement Mélenchon. Je me dis que l’ancrage territorial produit une idéologie terre à terre, correspondant à la mentalité des habitants de la région, et qui est par là, très solide et concrète. Un Mélenchon sans territoire nous donne-t’il la vision du monde des élites parisiennes ou des petits-bourgeois des grandes villes?]

          Mais… les grandes villes et les banlieues sont aussi des « territoires ». L’ancrage territorial ne peut pas être défini de la même manière dans une France majoritairement paysanne, où l’essentiel de l’activité économique se faisait « au village », et dans une France ou l’essentiel de la valeur ajoutée est produite dans les métropoles. Mélenchon a bien un « territoire », et ce territoire est celui des métropoles – et plus précisément, les banlieues de ces métropoles, ou se croisent les phénomènes de boboisation et de communautarisation.

          Cet ancrage territorial produit, croyez-moi, une idéologie très « terre à terre » dont on voit les ravages aujourd’hui à Grenoble : celle des concessions aux revendications communautaires portées par des groupes activistes ayant une faible représentativité mais un pouvoir de nuisance considérable. Pour moi, le plus grand danger pour Mélenchon – et pour ceux qui prétendent hériter de son mouvement – est de se faire happer par leur électorat. Je persiste : tout dirigeant politique est d’abord prisonnier de son électorat, il le suit plus qu’il ne lui impose. Mais il est dangereux de bâtir son projet sur un électorat dont la revendication est de se séparer du reste de la société, parce que cette revendication risque d’éloigner tous ceux qui n’en sont pas. Quand vous vous appuyez sur les prédateurs, il ne faut pas s’étonner si les proies refusent de voter pour vous…

          [Sans territoire, c-a-d, plusieurs régions, où il ferait 30% au premier tour, ses élus seront éparpillés dans toute la France et moins susceptibles de former un bloc. De plus, le sud-ouest qui porte normalement cette gauche-là est la région de métropole qui fait le moins d’enfants et est allergique à “l’immigration” comme le montre sans doute le vote le long de la Garonne.]

          Je suis moins optimiste que vous : je pense que LFI réussira au contraire un « tir groupé » dans les métropoles, et notamment en banlieue parisienne…

          • CVT dit :

            @Descartes,
            Comme pour mieux illustrer vos propos, l’archéo-communiste André Gérin vient de déchirer sa vieille carte du PCF…
            Fabien Roussel vient de tomber le masque 😈…

            • Descartes dit :

              @ CVT

              [Comme pour mieux illustrer vos propos, l’archéo-communiste André Gérin vient de déchirer sa vieille carte du PCF…]

              Vous me rappelez cette belle interpellation: “quoi de neuf ? Molière!”. Je ne suis pas persuadé que les idées que défend Gérin soient moins “modernes” et moins progressistes que celles d’une Sandrine Rousseau ou d’un Mélenchon… Les vrais “archéos” ne sont pas ceux qu’on croit.

              Quant à Roussel… je ne lui envie pas le poste. Il me fait penser à un homme obligé de nager dans une mer infestée de requins: entre Pierre Laurent & Co, qui affutent leurs couteaux en espérant l’occasion de le poignarder dans le dos, les gens comme Faucillon ou Peu capables de déclarer publiquement leur soutien à un Taha Bouhauf, les Jumel ou Buffet qui appellent à voter pour un candidat autre que celui choisi par leur parti et qu’il faut quand même ménager parce que ce sont des “barons”…

          • Vladimir dit :

            J’explique les bons scores des socialistes aux régionales et municipales par le phénomène de baronnie et du fait que ce n’est que le tout début du déclin, les scores de LFI sont encore très bons. Les Verts ne font que 4,6% à la présidentielle, ils ont bénéficié d’une très forte abstention aux dernières municipales et, peut-être, d’une entrée en délire des bobos de grande ville.
            Le vote est territorial. Macron vient de faire de très bons scores dans les régions catholiques contre-révolutionnaires, pour Zemmour, c’est dans les deux plus grandes régions révolutionnaires qu’il a percé, Le Pen englobe les régions ayant porté Zemmour pour atteindre l’ensemble des régions précocement déchristianisées et le Nord-est. C’est pour cela que je considère l’affaiblissement de la gauche dans le sud-ouest si important.
            D’accord pour dire qu’en 2017, le PS a gagné. Macron avait fait ses bons scores dans le fameux sud-ouest, en Bretagne et chez les bobos. En 2022, nous sommes face à une victoire des régions centristes et des bobos. Sur l’UE et la financiarisation de la société, rien ne change mais nous pourrions avoir un regard différent de celui de la gauche sur les “Arabes” et les Noirs. 
            Etre élu dans les régions fortement protestantes au XVIe, comme c’était le cas pour le PS et la SFIO ou par les jeunes classes moyennes girondines obsédées par une certaine “immigration” comme l’est Mélenchon devrait donner des différences, au moins, un mépris plus fort à l’égard des classes populaires et une relation différente à cette immigration. Je vois Mélenchon comme élu par la partie jeune d’une classe sociale de l’espace girondin avant tout et c’est là que me paraît être le moteur de cette entrée en folie.
            Dans votre seconde réponse, vous parlez de “prédateurs” et de “proies”. Vous allez jusqu’à dire que “l’immigration” devient prédatrice?

            • Descartes dit :

              @ Vladimir

              [J’explique les bons scores des socialistes aux régionales et municipales par le phénomène de baronnie et du fait que ce n’est que le tout début du déclin, les scores de LFI sont encore très bons.]

              Comment ça « ce n’est que le tout début du déclin » ? Le PS décline régulièrement depuis au moins 2012 – personnellement, je pense que le déclin commence en 1986, quand la gauche cesse d’être porteuse d’un projet alternatif et n’arrive à se faire élire que grâce au rejet de la droite. 1997, c’est le rejet de Juppé, 2012 celui de Sarkozy. C’est surtout le phénomène de féodalisation et de clientélisme qui explique la pérennité des élus locaux socialistes. Je ne comprends pas très bien votre commentaire sur les « scores de LFI ». Aux élections régionales, LFI n’a même pas présenté de listes, si ma mémoire ne me trompe pas…

              [Les Verts ne font que 4,6% à la présidentielle, ils ont bénéficié d’une très forte abstention aux dernières municipales et, peut-être, d’une entrée en délire des bobos de grande ville.]

              Il y a aussi une question de crédibilité. Les Français font une différence assez nette entre la gestion municipale, qu’on voit presque comme une question domestique au jour le jour, et la gestion de l’Etat, qui implique une vision régalienne et de long terme. On fait confiance aux écologistes pour aménager les espaces verts, on ne leur confierait pas l’économie ou la défense.

              [Le vote est territorial. Macron vient de faire de très bons scores dans les régions catholiques contre-révolutionnaires, pour Zemmour, c’est dans les deux plus grandes régions révolutionnaires qu’il a percé, Le Pen englobe les régions ayant porté Zemmour pour atteindre l’ensemble des régions précocement déchristianisées et le Nord-est. C’est pour cela que je considère l’affaiblissement de la gauche dans le sud-ouest si important.]

              Je ne sais pas si les catégories telles que « régions révolutionnaires » et « régions déchristianisées » est pertinente. C’est surtout l’économie qui commande. Les régions en perte de vitesse dans le schéma de la « start-up nation » européenne, dont les activités économiques sont promises à la délocalisation ou à la disparition, celles qui voient le retrait progressif des services publics, la désintégration des infrastructures, le retrait de l’Etat, votent Le Pen. Les territoires dynamiques, ceux préférés par les classes intermédiaires qui bénéficient à plein de la mondialisation, votent Macron ou Mélenchon, selon leur composition sociologique.

              [Dans votre seconde réponse, vous parlez de “prédateurs” et de “proies”. Vous allez jusqu’à dire que “l’immigration” devient prédatrice ?]

              Dans ma réponse, je ne parlais pas de l’immigration, mais des « concessions aux revendications communautaires portées par des groupes activistes ayant une faible représentativité mais un pouvoir de nuisance considérable ». Ce sont ces groupes que je qualifierais de « prédateurs ». Et oui, je pense que ces groupes activistes représentent des intérêts « prédateurs », au sens qu’ils vivent sur la richesse extraite sur ceux qui la produisent. Pour vous donner un exemple, je ne pense pas que les activistes du « comité Adama » et autres « comités contre l’islamophobie » se recrutent parmi les immigrés – fort nombreux – qui par leur travail contribuent à enrichir notre pays, et que les revendications défendues par ces comités soient celles que ces immigrés jugent prioritaires…

  8. luc dit :

    QUELQUES JOURS AVANT le 24/02/2022,cet interview de Jean Louis Bourlange,président Macroniste des affaires étrangères à l’AN,a tenu les propos suivants:

    L’estime voire l’admiration est elle encore légitime pour les propos de Jean Louis Bourlange,non pour l’ affaire Ukrainienne mais au vu de son revirement total proUE lui qui fut président à la fin des années 60 de la branche jeune des gaullistes de gauche, l’UJP ? 

    • Descartes dit :

      @ luc

      [L’estime voire l’admiration est elle encore légitime pour les propos de Jean Louis Bourlange]

      Je ne sais jamais “admiré” les PROPOS de Jean-Louis Bourlanges. Ce que je lui reconnais, c’est une certaine clairvoyance (dont il fait preuve d’ailleurs dans cet entretien lorsqu’il explique pourquoi l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN n’est pas une bonne idée). Après, c’est un homme politique et quand il parle en public, il parle en tant qu’homme politique – qui plus est, un homme politique qui appartient à la majorité présidentielle et qui ne peut donc guère s’écarter de la ligne du gouvernement.

      Vous noterez d’ailleurs sa réponse lorsqu’il est interrogé sur les accusations d’emplois fictifs contre Fabien Roussel…

  9. luc dit :

    Le 23 mars 2022, l’information tombe : l’Ère du peuple, l’association de financement de Jean-Luc Mélenchon pour la présidentielle de 2017, a été mise en examen quelques semaines plus tôt pour « faux, usage de faux, escroquerie et tentative d’escroquerie aggravée ». Immédiatement, Bernard Pignerol, conseiller spécial du candidat et président de l’association, dénonce une « instruction à charge ». Les Insoumis crient à l’instrumentalisation politique du calendrier judiciaire. Ouverte depuis avril 2018, l’enquête a effectivement connu de longs temps morts.Aujourd’hui comme pendant la campagne qui en entend parler? Pourtant que ce soit pour le RN ou pour Roussel,les me(r)dias se sont déchainés sur le thème de financements louches..
    La partialité,les ruses des idéologues ou politiciens , la rudesse du combat politique dans de telles conditions permet elle de parler encore de démocratie en France en 2022 ?
    https://www.mediapart.fr/journal/france/dossier/les-soupcons-de-detournements-de-fonds-publics-europeens-visant-le-rn
    https://www.lefigaro.fr/elections/presidentielles/soupcons-d-emploi-fictif-fabien-roussel-s-attendait-a-une-telle-partie-de-ball-trap-20220313

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [La partialité, les ruses des idéologues ou politiciens, la rudesse du combat politique dans de telles conditions permet-elle de parler encore de démocratie en France en 2022 ?

      Bien sur que si. Croyez-vous vraiment que les électeurs soient très sensibles à ce type de dénonciations ? Connaissez-vous un seul électeur qui aurait voté pour Mélenchon ou pour Roussel et qui a changé d’avis après les dénonciations de Médiapart – qui d’ailleurs fait de plus en plus dans la presse de caniveau. Les Français sont bien plus intelligents que cela : ils savent que leurs élus et leurs responsables politiques ne sont pas des saints. Ils savent très bien que tous les partis politiques prennent quelques libertés avec la loi lorsqu’il s’agit de gérer l’argents des campagnes électorales. Et qu’il n’y a là pas de quoi fouetter un chat. Quand on voit les reproches que les électeurs font à leurs dirigeants, c’est leur déconnexion avec le réel et leur incompétence qui arrive en tête. Le fait d’employer des attachés parlementaires pour travailler pour leur parti arrive loin, loin derrière…

    • Descartes dit :

      @ Gugus69

      [Et voilà. Même lui n’y crois plus…]

      Oui. J’avais échangé avec lui il y a quelques années, et je sais qu’une partie de ceux qui le suivent lit ce blog. C’est une figure du PCF “à l’ancienne” – vous savez, ce PCF qui était actif dans les quartiers populaires en dehors des périodes électorales, qui faisait du porte-à-porte, qui faisait du savoir, de la culture et de la science des instruments d’émancipation, qui raisonnait en termes de classe, et non de “communauté”, qui préférait l’action de terrain aux magouilles autour d’un tapis vert – qui quitte le PCF. Et, last but not least, l’une des rares figures communistes ayant le courage d’aller contre le courant médiatique…

      Quant son diagnostic de l’action de Mélenchon, je le partage. Cela n’a rien de nouveau, d’ailleurs: depuis son départ du PS Mélenchon rêve d’une OPA sur le PCF. Dans ces conditions, faire passer la NUPES pour autre chose qu’une alliance de circonstance, un pur accord technique pour sauver des sièges, c’est une escroquerie.

  10. luc dit :

    En effet,quelle est étrange cette période d’attente ,floue,aux alliances ubuesques.. Mélenchon,joue une mise en scène somme toute logique pour la période mais surjouée à des fins électoralistes(n’est ce pas ma règle du jeu ?..).Macron,sans boussole,désorienté rebaptise maladroitement son mouvementr’Renaissance’.. avouant par là que durant son quinquenat précédent un ensauvagement moyen âgeux s’est installé en France ?
    En toile de fond les USA raflent la mise en s’imposant outrageusement mais avec le soutien de quasi toute l’Europe. N’EST CE PAS CETTE GUERRE EN UKRAINE,QUI Rebat les cartes politiques aussi en plus de la nécessaire recomposition qui aura lieu  après ces élections du 19/06.
    N’avait on pas assister aussi à des recompositions inattendues après 1918 et 1945 ? 

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Mélenchon joue une mise en scène somme toute logique pour la période mais surjouée à des fins électoralistes (n’est-ce pas la règle du jeu ?..).]

      Oui. Mais le problème avec Mélenchon, c’est que c’est un tacticien génial mais un piètre stratège. Et du coup, pour marquer quelques points aujourd’hui il crée des situations qui ensuite vont pourrir les choses pendant des années. Pensez-y : s’il n’avait pas exigé des communistes une soumission inconditionnelle en 2017, il n’y aurait pas eu de candidature Roussel, les communistes auraient fait sa campagne en 2022 et peut-être aurait-il été présent au deuxième tour… Pour marquer quelques petits points tout de suite, il a compromis son avenir…

      [N’avait on pas assister aussi à des recompositions inattendues après 1918 et 1945 ?]

      Après 1918, la « recomposition » est venue de la révolution russe, qui a fracturé le mouvement social-démocrate et donné naissance au mouvement communiste. Mais après 1945, il n’y a pas eu de véritable « recomposition »…

  11. Vincent dit :

    Petit hors sujets.
    Beaucoup critiquent la volonté de Macron d’imposer, via sa charte, une absence de liberté aux futurs députés élus sous l’étiquette “majorité présidentielle”.
    J’ai lu cette charte (https://pbs.twimg.com/media/FSi19KLX0AAP11Y?format=jpg&name=large). Et je trouve ces critiques largement infondées. Il n’y a rien qui me choque de ce point de vue.
    Mais j’y vois autre chose qui me semble bien plus choquant, et j’aimerais votre analyse dessus:
    Dans le 2ème paragraphe du §9, sur la laïcité, les candidats doivent s’engager sur le strict respect de la jurisprudence… C’est une inversion totale des pouvoirs, puisqu’on demande aux parlementaires de s’aligner sur les interprétations de lois antérieures qui ont été décidées par des magistrats !
    Autrement dit, ce paragraphe impose que ce soit aux députés de faire des lois conformes aux interprétations passées des magistrats, alors qu’en principe, c’est aux magistrats d’interpréter la loi conformément aux intentions du législateur…
    Tel que formulé, ce paragraphe me semble tout à fait aberrant… A moins de supposer que ce qui guide la jurisprudence des juges sont essentiellement des textes sur lesquels le législateur n’a pas la main ?

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Beaucoup critiquent la volonté de Macron d’imposer, via sa charte, une absence de liberté aux futurs députés élus sous l’étiquette “majorité présidentielle”.]

      C’est drôle, ces affaires de « charte ». Celle de Macron rappelle drôlement à celle que Mélenchon voulait imposer en 2017. C’est normal, dans la mesure où tous deux sont des égo-politiciens, et qu’ils ont donc tous deux le même problème : en absence d’un cadre idéologique commun et d’une organisation pour le faire observer, comment garder le contrôle sur les gens qu’on fait élire ?

      [J’ai lu cette charte (…). Et je trouve ces critiques largement infondées. Il n’y a rien qui me choque de ce point de vue.]

      Ce qu’il y a de choquant, c’est que par le biais d’une « charte » on institue un mandat impératif, pourtant interdit par la Constitution. C’est un principe fondamental de notre ordre politique : les élus sont censés réfléchir, et voter ensuite en leur âme et conscience. Ils peuvent donc changer d’avis, soit parce qu’ils pensent s’être trompés, soit parce que le contexte a changé, soit plus banalement parce que leurs électeurs ont changé.

      [Mais j’y vois autre chose qui me semble bien plus choquant, et j’aimerais votre analyse dessus:
      Dans le 2ème paragraphe du §9, sur la laïcité, les candidats doivent s’engager sur le strict respect de la jurisprudence… C’est une inversion totale des pouvoirs, puisqu’on demande aux parlementaires de s’aligner sur les interprétations de lois antérieures qui ont été décidées par des magistrats !]

      Non. Ce serait le cas si les élus s’engageaient à suivre la jurisprudence POSTERIEURE à leur élection, puisque dans ce cas ils lient leur décision aux décisions de l’autorité judiciaire. Mais l’article en question précise que les candidats s’engagent à suivre la jurisprudence « établie ». Autrement dit, ils font leur volontairement et en pleine connaissance de cause une interprétation particulière des textes, sans qu’il y ait subordination à l’autorité qui les a élaborée. Pour vous donner une idée, un président qui s’engagerait à appliquer toutes les décisions PASSEES de l’ONU fait un choix de politique. Un président qui s’engagerait à appliquer toutes les décisions FUTURES de l’ONU subordonnerait son pouvoir à celui de l’organisation internationale. Et c’est d’ailleurs pourquoi le premier engagement est valable constitutionnellement, alors que le second serait considéré par le juge nul et non avenu.

      [Autrement dit, ce paragraphe impose que ce soit aux députés de faire des lois conformes aux interprétations passées des magistrats, alors qu’en principe, c’est aux magistrats d’interpréter la loi conformément aux intentions du législateur…]

      Non. Ce paragraphe impose aux députés de faire des lois conformes à une certaine interprétation. Le fait que cette interprétation soit celle du magistrat n’a aucune importance. La charte aurait tout aussi pu écrire « conforme à l’interprétation suivante… » et recopier la jurisprudence en question, et cela ne changerait rien. Le législateur a le droit d’être d’accord avec une décision passée du juge, et de s’engager à y ajuster sa pratique législative. Ce qu’il ne pourrait pas faire, c’est de subordonner cette pratique à la volonté du juge, et donc à ses décisions futures.

      • Vincent dit :

        [Ce qu’il y a de choquant, c’est que par le biais d’une « charte » on institue un mandat impératif, pourtant interdit par la Constitution.]

         
        Justement. C’est ce que j’ai lu ici et là. Mais en lisant le texte réel de la charte, ça ne va pas beaucoup plus loin que “soutenir les engagements pris par le Président pendant sa campagne”. Ce qui est bien la moindre des choses quand on prétend concourir au titre de la majorité présidentielle.
        J’ai lu cette charte en recherchant justement les traces de quelque chose qui s’apparenterait à un mandat impératif. Mais je n’y ai rien vu de tel…

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [Justement. C’est ce que j’ai lu ici et là. Mais en lisant le texte réel de la charte, ça ne va pas beaucoup plus loin que “soutenir les engagements pris par le Président pendant sa campagne”. Ce qui est bien la moindre des choses quand on prétend concourir au titre de la majorité présidentielle.]

          Imaginons un instant que le député qui a signé la « charte » s’aperçoit, d’ici quelques mois, que tel ou tel « engagement pris par le Président pendant sa campagne » est néfaste pour ses électeurs et pour le pays en général. Quel est son devoir ? Pour l’exprimer autrement : est-ce qu’un député peut renoncer, en signant une « charte », à son droit à changer d’avis ? Est-ce qu’il peut se lier les mains pendant cinq ans ?

          Vous voyez bien qu’une telle situation n’est pas souhaitable. Nous avons besoin d’élus qui analysent les situations, qui écoutent les citoyens, qui réfléchissent et qui votent en conséquence. Et non des automates qui votent en fonction des engagements pris deux, trois ou quatre ans auparavant, dans une situation différente. C’est pourquoi les rédacteurs de la Constitution ont interdit le mandat impératif. Si les « engagements pris pendant les campagnes électorales » étaient considérés comme impératifs, alors le peuple ne s’exprimerait qu’une fois tous les cinq ans, et on pourrait confier le reste du temps le gouvernement à une machine qui se contenterait d’appliquer les engagements en question.

          [J’ai lu cette charte en recherchant justement les traces de quelque chose qui s’apparenterait à un mandat impératif. Mais je n’y ai rien vu de tel…]

          La formule que vous citez constitue un mandat impératif. Prenez par exemple la retraite. Le président a pris l’engagement d’une réforme qui conduirait à un âge légal de 65 ans. Votre député, s’il signait la charte, ne pourrait donc voter aucune loi qui aboutirait à un âge différent, quand bien même le président, en écoutant le peuple, aurait changé d’avis.

  12. bernrrd dit :

    Bonjour vous avez pu remarquer que Nupes n’est pas recensé en temps que tel dans les sondages et futurs résultats législatives , mais par famille séparément a gauche , le gourou semble avoir ignoré la procédure dans le dépôt des listes et il est furax d’après ce que j’ai pu lire , mais peut être que ça arrangera les autres !!

    • Descartes dit :

      @ bernrrd

      [Bonjour vous avez pu remarquer que Nupes n’est pas recensé en temps que tel dans les sondages et futurs résultats législatives , mais par famille séparément a gauche , le gourou semble avoir ignoré la procédure dans le dépôt des listes et il est furax d’après ce que j’ai pu lire , mais peut être que ça arrangera les autres !!]

      Le Gourou fait le même numéro à chaque élection. Il avait fait le coup avec le Front de Gauche (mais c’était plus facile, puisque le PCF fournissait 99% des moyens), il l’a refait avec LFI en 2017 et maintenant avec la NUPES. Et la raison est toujours la même: Mélenchon veut refaire le coup de Mitterrand en 1972, c’est à dire, effacer les “vieux” partis derrière une nouvelle organisation dont il serait, bien entendu, le leader non mas “maximo” mais “unique”. Et dans cette quête, la question symbolique n’est pas à négliger. En 2012, il avait exigé que le logo du PCF s’efface derrière celui du “front de gauche”. En 2017, il avait prétendu imposer une “charte” qui obligeait tous les candidats soutenus par LFI à utiliser la charte graphique du gourou. Et à chaque fois il a demandé que les voix soient décomptées ensemble, et non séparément, de façon à apparaître comme seul titulaire des voix recueillies par l’accord…

      Dans cette querelle, le ministère de l’Intérieur a pris la bonne position: dès lors que les différentes organisations ont manifesté sans équivoque leur volonté de garder leur spécificité, que chacune désigne librement les candidats dans les circonscriptions qui lui ont été réservées sans participation des autres, qu’elles gardent des systèmes de financement séparés, il faut conclure qu’elles veulent garder leur spécificité, et il n’y a donc pas de raison de les fondre dans un décompte unique. Pour le dire crûment, le ministère de l’Intérieur choisit la transparence là où le gourou veut occulter l’information.

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