Retour vers la IVème…

Dimanche 19 juin la France a fait un grand pas… en arrière. Plus de soixante ans en arrière, pour être précis. Pour la première fois depuis 1958, nous avons un président sans projet et sans majorité parlementaire.

Certains y voient avec gourmandise une « normalisation » de la France. Comme le note le journal de l’establishment, « hormis dans cinq pays [européens] où existe une majorité absolue, ailleurs, les formations politiques doivent chercher des compromis ». Il ne manquera pas non plus les éternels germanolâtres qui ne manqueront pas de nous vanter le « compromis » tel qu’on le pratique outre-Rhin. A croire tous ces gens-là, le résultat de dimanche dernier marque une avancée de notre système politique, une chance qu’il devienne moins « vertical », moins « jacobin », bref, pour parler la langue du moment, plus « inclusif ».

La réalité est un peu différente, et beaucoup plus inquiétante. D’abord, et c’est un élément essentiel à prendre en compte, l’abstention a battu tous les records. Avec 46 % de participation, l’abstention est la plus élevée pour un scrutin législatif depuis l’institution du suffrage universel en 1848. Sous la seconde République, la participation n’est jamais tombée en dessous de 63 % (1852), sous le second empire en dessous de 64 % (1857), sous la troisième République en dessous de 70% (1919), sous la quatrième en dessous de 78% (1945). Sous la cinquième « gaullienne », la participation fut toujours supérieure à 80 %. C’est à partir de la fin des années 1980 que la dégringolade commence, avec une baisse continue depuis 1993 de 3 à 4 points en moyenne à chaque scrutin.

Sur le pourquoi de cette baisse, les commentateurs qui hantent nos étranges lucarnes sont unanimes. Notre système serait trop « vertical », il ne permettrait pas « l’intervention des citoyens dans les décisions », il serait trop fermé à la « société civile ». Le problème est que cette baisse de participation n’est pas une exclusivité française. Dans des systèmes bien plus « horizontaux », la participation tend aussi à baisser : c’est le cas en Allemagne, où l’on est passé de 89 % dans les années 1970 à 75 % aujourd’hui, chiffres comparables d’ailleurs à ceux de notre élection présidentielle. Un autre fait qui vient contredire cette thèse est que les élections qui sont chez nous le moins touchées par l’abstention sont celles… qui privilégient la verticalité : l’élection présidentielle et l’élection municipale qui, toutes deux, visent à établir un exécutif stable. A mon avis, tous ces gens font fausse route. L’abstention tient à une question bien plus fondamentale. Une question qui est au cœur de toute réflexion démocratique. Et cette question est : « une autre politique est-elle possible ? »

Le mot « possible » a ici deux sens, et les deux sont importants. Car la « possibilité » d’une autre politique implique deux conditions : qu’elle soit « possible » au sens qu’il existe une autre politique dont la cohérence avec le réel permette sa mise en œuvre, et qu’elle soit « possible » au sens qu’une fois formulée le rapport de forces et le système de contraintes permette de traduire ce projet en actes.

Or, la triste conclusion, c’est qu’il n’y a pas aujourd’hui d’autre politique possible. D’une part, parce que les classes intermédiaires, qui sont les seules avec la bourgeoisie à avoir les instruments intellectuels qui permettraient de formuler un projet politique alternatif crédible refusent catégoriquement de le faire, et ne proposent que des utopies irréalisables qui bloquent toute réflexion sur une alternative réelle. Et d’autre part, parce que le bloc dominant a construit un ensemble de contraintes (juridiques, techniques, politiques) qui rendent impossible la mise en œuvre de tout projet alternatif quand bien même il serait formulé. Quand Juncker prononça la formule célèbre « il n’y a pas de décision démocratique contre les traités européens », il ne faisait qu’énoncer un fait. Un fait que l’expérience a confirmé à plusieurs reprises.

Chez nous, le désintérêt pour le vote est le résultat d’expériences traumatiques dont deux sont particulièrement parlantes. Celle du « tournant de la rigueur », où l’on vit un président et une majorité parlementaire élus sur le projet de « changer la vie » qui finalement préfèrent « changer d’avis » et embrasser une politique néolibérale sans le moindre retour critique et sans même s’excuser d’avoir trahi ses électeurs. Celle ensuite du référendum de 2005, qui vit le texte rejeté par le peuple resurgir sous la forme du traité de Lisbonne, et dont la ratification n’aurait pas pu être acquise sans le vote d’un certain nombre d’élus de l’opposition de l’époque. A ces expériences s’ajoute celle d’un Chirac faisant campagne sur la « fracture sociale » pour, une fois élu, s’attaquer aux régimes de protection sociale, ou celle d’une « gauche plurielle » battant le record des privatisations après avoir été élu sur la promesse d’en finir avec elles. Le macronisme n’est finalement que la conclusion logique de cette évolution : puisque gauche et droite font finalement les mêmes politiques, pourquoi pas gouverner ensemble ? En fait, c’est une constante depuis 1981 : on peut voter à droite, on peut voter à gauche, à la fin on aboutit aux mêmes politiques, aux détails cosmétiques près. Et peu importe de savoir si l’homme politique que nous avons élu fait cette politique de gaîté de cœur (à droite), ou bien s’il le fait contraint et forcé par les directives européennes (à gauche). Le fait est qu’il le fait sans que cela semble provoquer beaucoup de cas de conscience.

Que l’abstention augmente dans les couches populaires, ce n’est pas un signe de dépolitisation, loin de là. Au contraire, c’est le signe que les Français, ce peuple politique, comprennent parfaitement les rapports de force institutionnels. Puisque la seule politique possible – avec ses nuances – sera faite par les classes intermédiaires pour leur propre bénéfice quel que soit le résultat des élections, à quoi bon aller voter ? Pourquoi gâcher un bel dimanche de printemps alors qu’on a le choix entre le conformiste néolibéral et l’audacieux révolutionnaire qui – il l’a montré par le passé (1) – une fois élu, deviendra aussi conformiste et néolibéral que l’autre ? Et puis, quitte à voter, autant voter pour ceux qui n’ont jamais exercé le pouvoir, et à ce titre peuvent encore prétendre qu’ils feraient autrement si l’occasion leur était donnée. Qui plus est, si ces gens-là font peur à la galaxie dominante, c’est du bonus : en votant pour eux, on a une chance de se faire entendre.

Mais bon, qui s’intéresse à l’abstention, de nos jours ? Qui s’intéresse à la marginalisation politique des couches populaires ? A part quelques larmes qui rendraient n’importe quel crocodile jaloux versées lors de la soirée électorale, la question est vite passée aux oubliettes. Non, ce qui intéresse notre petit microcosme politico-médiatique, c’est de savoir comment on gouvernera maintenant que le président ne peut plus compter avec une majorité à l’Assemblée. Et certains appétits s’aiguisent déjà. Car qui dit gouvernement faible, dit multiplication des maitres chanteurs prêts à vendre leur vote en échange de quelque chose. Relisez la triste histoire de la IVème République…

On pourrait se dire qu’il n’y aura pas de difficulté, puisque nos hommes politiques ont déjà beaucoup réfléchi à la question. Après tout, à l’exception des gaullistes, tous les autres groupes politiques sont partisans d’un système électoral fondé sur la proportionnelle. Et la proportionnelle, fatalement, conduit à des majorités hétérogènes – et souvent instables. On imagine que tous ces doctes politologues, tous ces savants politiciens ont, avant de proposer le passage à la proportionnelle, réfléchi à ses conséquences et trouvé une méthode pour gouverner en absence de majorité stable, non ? Je ne sais pourquoi, mais je vous sens sceptique, cher lecteur…

Pour moi, le problème est moins l’absence de majorité que l’absence de projet. La Vème République gaullienne était bâtie sur l’idée d’un homme qui proposait un projet au pays. A charge ensuite au gouvernement de mettre ce projet en musique, et au parlement d’apporter sa contribution et de contrôler sa mise en œuvre. Et dès lors que le parlement se refusait à accompagner ce projet, s’ouvrait une crise que seul le peuple pouvait trancher par la voie de la dissolution ou celle du référendum. Ce modèle aura bien fonctionné jusqu’au milieu des années 1980. Le « tournant de la rigueur », qui vit une majorité changer de projet au milieu de la législature, puis la cohabitation ont brouillé le message. Depuis, c’est la lente dégringolade pour aboutir aux présidences de François Hollande (dont le seul « projet » était de ne pas être Sarkozy) puis d’Emmanuel Macron, qui fit illusion en 2017 en piquant quelques slogans ici ou là, mais dont l’absence de projet est apparue dans toute sa plénitude lors de l’élection présidentielle de 2022. La suite est la conséquence logique : comment un président sans projet peut demander au pays de lui donner une majorité pour mettre en œuvre ce projet qui n’existe pas ?

Il est intéressant d’ailleurs de regarder comment chaque parti gère la situation. Au RN, la priorité est à l’encadrement des élus. Les « nationalistes » – comme les appelle maintenant « Le Monde » – ont bien compris le potentiel de désastre que représente un groupe de 89 députés qui, pour beaucoup d’entre eux, manquent de formation politique et qui risquent donc d’être la proie facile pour toutes les provocations médiatiques. La priorité est donc donnée à leur encadrement. LFI ferait bien de prendre exemple : elle aussi a un groupe hétérogène où l’on trouve des gens de formation et d’origine très différent. Sans encadrement, sans cadre commun, cela promet bien des couacs. Mais à LFI, la priorité n’est pas celle-là : il faut d’essayer de prolonger la tentative d’OPA de Mélenchon sur l’ensemble de la gauche. D’où la proposition de constituer un groupe commun – proposition qui avait été exclue au moment des négociations qui ont constitué la NUPES, et que tous les partis membres de l’alliance ont rejeté sans ambiguïté. Chez Les Républicains, la priorité est de résister au chant des sirènes macronistes qui essayent de débaucher des supplétifs pour constituer une majorité. Quant au parti majoritaire, sa priorité est d’empêcher les forces centrifuges de diviser le groupe majoritaire en groupes destinés à porter les ambitions présidentielles de tel ou tel ancien ministre… Bref, nos députés pensent à tout, sauf à gouverner le pays.

Tout ce qui les intéresse, ce sont les combinaisons, les compromis, le partage du pouvoir et de ses avantages. L’élection de juin 2022 a réalisé le rêve de la classe politico-médiatique, le retour à la IVème République. La cinquième avait pour eux une tare irréparable : un président faisant corps avec un gouvernement ayant les moyens d’agir ne peut fuir sa responsabilité, pas plus que ne le peut son gouvernement. Avec le retour de la IVème et des « compromis », personne ne sera responsable de rien puisque tout le monde pourra se laver les mains en prétendant que la politique conduite, résultat du « compromis », n’est pas la sienne. Plus que la « verticalité » ou le prétendu refus d’associer le citoyen aux décisions, c’est là le véritable cancer de la démocratie représentative : l’irresponsabilité, qui vient de la main de l’impuissance. Adlai Stevenson avait dit que si le pouvoir corrompt, l’impuissance corrompt absolument. Le régime du « compromis », c’est celui de l’impuissance organisée : tout le monde peut parler, mais personne ne peut décider – et n’est obligé de prendre la responsabilité des conséquences de ses décisions.

Et puis, dans un paysage politique sans idées, tout est possible. LREM va se rebaptiser en « Ensemble ! », qui fut en son temps le nom du groupuscule gaucho-écolo-féministe dirigé – si l’on peut dire – par Clémentine Autain et qui fut le troisième partenaire du « front de gauche ». N’est ce pas extraordinaire qu’un même nom puisse désigner un mouvement néolibéral et un rassemblement gauchiste ? Dans la même veine, Macron peut proclamer qu’il a des points communs avec Mélenchon lorsqu’il s’agit de récupérer les voix de LFI lors du deuxième tour de la présidentielle, puis faire des « insoumis » – qui ne méritent ni cet excès d’honneur, ni cette indignité – des ennemis de la démocratie et de la République. La « planification écologique », qui figure au programme de Mélenchon, peut être un des leitmotivs dans la formation du gouvernement Borne sans que cela n’étonne personne. Plus frappant encore est le nomadisme politique : quatre députés (Cédric Villani, Aurélien Taché, Delphine Bagarry et Hubert Julien-Laferrière) élus sous la bannière LREM en 2017 étaient candidats de la NUPES en 2022. Le cas de Taché est emblématique : ancien du PS et de l’UNEF – comme Méluche, quelle coïncidence – il était en 2017 dans la garde rapprochée de Macron, vous savez, celle qui agitait à tout propos et hors de propos les petits drapeaux européens et promettaient la « start-up néishon ». En 2018 il fut le rapporteur de la réforme du code du travail, et l’auteur d’un amendement protégeant les plateformes de livraison à domicile de la requalification de leurs travailleurs en salariés. En 2019, il soutint sans faille la réforme des retraites conduites par le gouvernement Philippe… on l’imagine déjà, dans les rangs de la NUPES, désobéissant à l’Europe et défendant la retraite à 60 ans. Remarquez, il s’était fait remarquer en insultant les policiers qui sont intervenus alors que, passablement alcoolisé, il faisait du tapage dans un bar. Peut-être est-ce cette posture anti-flic qui a poussé la NUPES à l’adopter ?

Ce nomadisme suggère que trouver une majorité ne sera pas aussi difficile que cela pourrait paraître. Si un Taché peut migrer de LREM à la NUPES, pourquoi ne pourrait-il pas faire le chemin inverse si l’offre est suffisamment alléchante ? Et il n’est pas le seul. D’autant plus que, comme on a pu faire l’expérience avant 1958, les « compromis » comportent souvent une contrepartie publique, qu’on affiche, et une contrepartie privée, que le vulgum pecus est condamné à ignorer…

Descartes

(1) Rappelons que Jean-Luc Mélenchon a soutenu mordicus l’expérience mitterrandienne, et cela bien après que le « tournant de la rigueur » ait vidé de tout contenu le projet sur lequel il avait été élu en 1981, qu’il soutint tout aussi activement la ratification du traité de Maastricht, et qu’il fut ministre du gouvernement de la « gauche plurielle », celle-là même qui privatisa France Télécom, Air France, et qui prépara l’ouverture à la concurrence sur le marché de l’électricité et du gaz…

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51 réponses à Retour vers la IVème…

  1. Jopari dit :

    Et, contrairement à la situation de Rocard en 1988, les outils utiles pour un parlementarisme rationalisé tels que le “49.3” ont été affaiblis en 2009.
    Une chambre impuissante élue à l’issue de campagnes aussi vides que celles de cette année ne pourra que nous conduire au désastre au premier coup dur tel que remontée des taux d’intérêts, crise de l’énergie ou aggravation de la situation internationale (Iran, Ukraine).
    On ne pourra voir que des coup d’éclat à but de communication (cf. la récente proposition de révision constitutionnelle).

    • Descartes dit :

      @ Jopari

      [Et, contrairement à la situation de Rocard en 1988, les outils utiles pour un parlementarisme rationalisé tels que le “49.3” ont été affaiblis en 2009.]

      Dans le cas d’espèce, je ne sais pas si ça change grande chose. En 1988 les socialistes avaient une majorité relative, mais avec le soutien des communistes ils avaient une majorité absolue, et il était clair que dans leur état d’esprit de l’époque les élus communistes ne voteraient jamais une motion de censure contre un gouvernement “de gauche”. L’article 49.3 est efficace pour discipliner une majorité remuante, mais encore faut-il avoir une majorité. Ce n’est pas le cas de Macron: non seulement son groupe est minoritaire, mais il existe en face une majorité tout à fait prête à voter la censure. Dans ces conditions, le 49.3 est beaucoup moins efficace.

      [Une chambre impuissante élue à l’issue de campagnes aussi vides que celles de cette année ne pourra que nous conduire au désastre au premier coup dur]

      Le problème, ce ne sont pas les “coups durs”: en France, on n’est pas mauvais pour gérer l’urgence. Le problème c’est au contraire les politiques de long terme, c’est à dire, les désastres qu’on ne voit que bien plus tard. Des décisions deviennent critiques dans les domaines comme l’énergie ou l’éducation. Or, comment conduire des politiques de long terme avec une chambre introuvable et un président hors jeu ? On y est arrivé pendant la quatrième République parce qu’en face des politiques l’appareil de l’Etat était puissant et compétent. Est-ce le cas aujourd’hui ? Je crains que ce ne soit pas le cas, après quarante ans qui ont vu le démantèlement de la haute fonction publique et l’abandon de la plupart des leviers d’action…

  2. Vincent dit :

    Pourquoi le titre “Retour vers la IVème”, et pas “en avant vers la VIème”, telle que la préconise Mélenchon. Car c’est bien de cela qu’il s’agissait : d’un parlement élu à la proportionnelle, comme sous la IVème ?

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Pourquoi le titre “Retour vers la IVème”, et pas “en avant vers la VIème”, telle que la préconise Mélenchon. Car c’est bien de cela qu’il s’agissait : d’un parlement élu à la proportionnelle, comme sous la IVème ?]

      Pas tout à fait. La VIème de Mélenchon, c’est bien plus que ça. Pour ne donner qu’un exemple, c’est aussi la fin du pouvoir de dissolution (qui existait sous la IVème, même si les conditions à remplir rendaient son utilisation difficile).

  3. Glarrious dit :

    Je voudrai connaître votre avis sur la percée du RN, vous expliquez cela comment ?

    • Descartes dit :

      @ Glarrious

      [Je voudrai connaître votre avis sur la percée du RN, vous expliquez cela comment ?]

      Je pense qu’il y a la conjugaison de deux phénomènes:

      1) Il y a un travail de longue haleine commencée pour implanter le FN (devenu le RN) chez les couches populaires et notamment dans les anciens bastions ouvriers du nord et de l’est de la France (ce qu’on a appelé le “FN du nord”) par opposition à l’implantation ancienne du FN dans le sud-est de la France grâce aux rapatriés d’Algérie et leurs descendants. L’abandon du libéralisme cher en matière économique à Jean-Marie Le Pen, l’aggiornamento en matière sociétale, l’orientation “social-souveraniste” ont contribué d’une part à dédiaboliser le RN et à l’implanter solidement dans les couches populaires. Il a été aidé par le mépris de classe affiché par Macron et les siens…

      2) L’effondrement du “front républicain”. A force d’utiliser le “danger fasciste” comme technique pour obliger les gens à voter contre leurs convictions, l’outil s’est usé. En 2002, il s’agissait de répondre à une urgence, à un accident. En 2017, Macron c’était déjà moins net, Macron ayant fait tout son possible pour faire du RN son adversaire. En 2022, la manipulation était tellement évidente qu’elle a fini par provoquer le rejet. Vous noterez que si le “front républicain” avait fonctionné, LFI aurait eu une vingtaine de députés de plus, et LREM la quarantaine qui lui manquent pour la majorité absolue. Pensez-vous que Macron aurait tenu compte du sacrifice des autres ?

      A cela il faut ajouter l’effet de seuil inhérent au scrutin majoritaire: pendant des décennies, il a pénalisé le RN. Mais passé un certain seuil, l’effet s’inverse. Le RN a maintenant franchi ce seuil, et cela lui permet d’approcher la centaine de députés et de dépasser LFI en nombre d’élus, performance d’autant plus remarquable que LFI pouvait compter sur les voix de la NUPES dans la très grande majorité des circonscriptions, alors que le RN est allé au scrutin seul.

  4. democ-soc dit :

    Sur cette histoire, je te trouve bien négatif…Tout d’abord, je n’ai rien contre le fait que le pays soit difficile à gouverner :depuis 40 ans, des gouvernements “forts” ont utilisé leurs majorités absolues pour avancer à marche forcée vers un fédéralisme européen et la déconstruction des avancés sociales, des services publics, de l’Etat providence et de l’industrie du pays.Une pause ou au moins une baisse de rythme n’est pas pour m’effrayer!
    Ensuite, j’ai du mal à voir cette absence de majorité comme autre chose qu’une transition. Un conseiller de Cameron dont j’ai oublié le nom avait analysé le brexit comme un symptome du passage d’un monde où la mondialisation faisait 2/3 de gagnants à un monde où elle n’en fait plus qu’1/3. Pour cette raison, je ne vois pas pourquoi le recul des partis “centristes” s’inverserait dans l’avenir.Ce qui nous ramene d’ailleurs a la prophétie de Melenchon : “A la fin, cela se jouera entre eux (il parlait alors du FN) et nous”.
    Comme j’ai infiniment plus de sympathie pour la gauche radicale et la droite populiste/souverainiste que pour le macronisme et ses apparentés, là non plus, ça ne m’empechera pas de dormir.
    Alors oui, peut etre qu’il y aura un dernier replatrage avec des transfuges de la gauche et de LR, peut etre qu’on aura droit dans les années qui viennent à des combinaisons peu glorieuses et des manipulations honteuses tels que les centristes ont su les faire chaque fois qu’ils ont eu le pouvoir (je pense a la periode du directoire avec des elections manipulées et des députés invalidés, aux turpitudes des radicaux passés du front populaire à une alliance à droite en 1938, et à l’alliance SFIO-MRP apres guerre avec tripatouillage du mode de scrutin pour défavoriser communistes et gaullistes), mais bon, ca n’aura qu’un temps.
    Pour la 1ere fois depuis 2005, je suis vraiment optimiste!

    • Descartes dit :

      @ democ-soc

      [Sur cette histoire, je te trouve bien négatif…Tout d’abord, je n’ai rien contre le fait que le pays soit difficile à gouverner: depuis 40 ans, des gouvernements “forts” ont utilisé leurs majorités absolues pour avancer à marche forcée vers un fédéralisme européen et la déconstruction des avancés sociales, des services publics, de l’Etat providence et de l’industrie du pays. Une pause ou au moins une baisse de rythme n’est pas pour m’effrayer!]

      Cela dépend de ce que vous appelez « difficile à gouverner ». La France est historiquement un pays difficile à gouverner, du fait du rapport particulier entre les citoyens et l’Etat. Un rapport que mongénéral avait bien résumé : « les Français attendent tout de l’Etat mais le détestent ; ils ne se comportent pas en adultes ». Les français oscillent en permanence entre une discipline sociale assez remarquable (quand l’Etat joue son rôle d’épine dorsale) et une sorte d’anarchisme communautaire qui reflète l’imaginaire paysan. Nous sommes un peuple « qui adore les révolutions mais déteste les changements ». Ce sont ces contradictions qui font le charme de notre pays, mais rendent la tâche de ceux qui ont à gouverner à la fois ingrate et difficile.

      Mais une chose est la situation d’un gouvernement qui doit compter avec une opposition forte dans la rue, comme ce fut le cas de tous les gouvernements de la Vème jusqu’à la fin du XXème siècle, et une autre la situation d’un pays aboulique : abstention massive, syndicats affaiblis, vastes secteurs des couches populaires pure et simplement marginalisés politiquement. Autrement dit, il y a une différence entre un pays difficile à gouverner parce que les citoyens participent activement à la confrontation entre projets, et un pays difficile à gouverner parce que les citoyens se désintéressent de la question et n’ont ni l’envie ni les moyens de trancher la confrontation.

      Je serais ravi si le pays était « difficilement gouvernable » dans la première hypothèse. Mais on est dans la seconde, et dans ce cas le danger est grand. Parce que, contrairement à ce que vous pensez, l’ingouvernabilité ne favorisera pas une « pause » dans les politiques que vous denoncez, au contraire. Lorsque le pouvoir est incapable de prendre des décisions, c’est la continuité qui s’impose. Lorsque le pouvoir est fort, il est POSSIBLE de le pousser vers des ruptures, ou à tenir tête aux intérêts du bloc dominant. Lorsqu’il est impuissant, il sera naturellement poussé à suivre la ligne de moindre résistance.

      [Ensuite, j’ai du mal à voir cette absence de majorité comme autre chose qu’une transition. Un conseiller de Cameron dont j’ai oublié le nom avait analysé le brexit comme un symptome du passage d’un monde où la mondialisation faisait 2/3 de gagnants à un monde où elle n’en fait plus qu’1/3. Pour cette raison, je ne vois pas pourquoi le recul des partis “centristes” s’inverserait dans l’avenir. Ce qui nous ramène d’ailleurs a la prophétie de Mélenchon : “A la fin, cela se jouera entre eux (il parlait alors du FN) et nous”.]

      Je ne le crois pas. Les partis « centristes » représentent le « bloc dominant » – bourgeoisie et classes intermédiaires. Pour que cela « se joue entre le FN et LFI », il faudrait que le bloc dominant migre du centre vers l’une et/ou l’autre de ces formations. Et cela suppose que l’une et/ou l’autre de ces formations abandonne sa radicalité et se « centralise ». Côté RN, cela lui aliénerait le vote des couches populaires, qui est le moteur de son développement. Côté LFI, la chose est plus vraisemblable – ce serait une réédition de la conversion du PS « anticapitaliste » d’Epinay au néolibéralisme…

      [Comme j’ai infiniment plus de sympathie pour la gauche radicale et la droite populiste/souverainiste que pour le macronisme et ses apparentés, là non plus, ça ne m’empechera pas de dormir.]

      Moi si, parce que ce que je crains plus que tout pour notre pays, c’est la médiocrité. Si je devais être opéré, je préfèrerais que ce soit fait avec un bistouri bien aiguisé, avec lequel on peut certes faire beaucoup de mal mais aussi beaucoup de bien, plutôt qu’un bistouri qui ne coupe pas, avec lequel on ne peut rien faire. Je pense que le Macron « jupitérien » qui savait où il allait de 2017 était infiniment moins dangereux que le Macron d’aujourd’hui qui, parce qu’il ne sait pas où il va, est prêt à toutes les démissions, à toutes les compromissions. Rien ne corrompt aussi complètement que l’impuissance.

      [Alors oui, peut-être qu’il y aura un dernier replâtrage avec des transfuges de la gauche et de LR, peut être qu’on aura droit dans les années qui viennent à des combinaisons peu glorieuses et des manipulations honteuses tels que les centristes ont su les faire chaque fois qu’ils ont eu le pouvoir (je pense à la période du directoire avec des élections manipulées et des députés invalidés, aux turpitudes des radicaux passés du front populaire à une alliance à droite en 1938, et à l’alliance SFIO-MRP apres guerre avec tripatouillage du mode de scrutin pour défavoriser communistes et gaullistes), mais bon, ca n’aura qu’un temps.]

      Un temps qui peut être long, et faire beaucoup de dégâts. Il est vrai que dans notre histoire ces périodes ont abouti à des crises de régime d’où sont sorties les grandes réformes et les grandes réalisations… mais le coût fut souvent considérable !

      [Pour la 1ere fois depuis 2005, je suis vraiment optimiste!]

      Vous avez tort… « l’optimiste et le pessimiste arrivent au même point, mais le pessimiste est toujours agréablement surpris ».

  5. cherrytree dit :

    @Descartes
    Votre analyse des raisons de la percée du FN est incomplète. 
    Et je ne partage pas tout à fait votre explication par l’influence d’une implantation ancienne du FN via les rapatriés d’Algérie. Du moins elle était exacte jusque dans les années 80, et encore cela n’empêchait pas les départements du Midi d’être massivement socialistes. Une cinquantaine d’années plus tard, ce n’est plus du tout par cette implantation ancienne du FN qu’il faut expliquer la montée en force du RN.
    Il y a une troisième raison, dans ce qui était encore il y a peu le “Midi Rouge”. J’ai déjà eu l’occasion de  l’écrire il y a quelques mois, c’est le délaissement total de certains territoires qui n’étaient pas non plus d’anciens bastions ouvriers. Ainsi, le département de l’Aude, où j’habite, fief socialiste s’il en fut, glissant vers le macronisme faute de mieux, et ayant soudain ses trois circonscriptions tombées aux mains du FN. L’explication ? Eh bien tout simplement une quasi monoculture de la vigne, et aucune autre industrie que le tourisme, où les emplois sont essentiellement saisonniers. Même si le littoral méditerranéen semble attrayant (c’est ce que l’on appelle un “bronze -cul” pour faire simple), même si Carcassonne attire les foules, il n’en demeure pas moins vrai que ce département est le troisième plus pauvre de la France métropolitaine, après le 93 et les P. orientales, avec un taux de chômage impressionnant, et une misère noire y compris chez les aînés. Et ce n’est pas explicable ici par un phénomène de nostalgie pied-noir. Arrière pays sans moyens de transport, déserts médicaux, zones rurales complètement à l’abandon, manque de perspectives, sentiment d’impuissance et au final une colère qui s’est exprimée dans les urnes. Et pire, qui a été bien peu commentée, parce que là, vous comprenez, aucun des gouvernements successifs depuis les années 70 ne s’est montré à la hauteur, et tous ont quelque chose à se reprocher. Souvenez-vous de la fusillade de Montredon des Corbières,  qu’est-ce qui a changé depuis, même si on n’importe plus massivement du vin italien ou espagnol ?
    La pandémie a fait grimper le prix de l’immobilier sur le littoral en particulier, et je peux vous dire qu’il est impossible à des jeunes ou moins jeunes locaux d’y accéder à la propriété. (145 000 € à peu près pour un pavillon mitoyen ou un appartement de 40m2, en gros). Ceux qui avaient les moyens ont acheté il y a quelques années et louent à prix d’or en saison, le reste du temps ces maisons sont vides, le littoral est désert, et comme à part la vigne et les services il n’y a absolument rien dans l’arrière pays, on peut concevoir le désarroi.
    Ceux qui travaillent là, dans les supermarchés ou divers emplois de service, se tapent une quarantaine de km par jour dans les indispensables autos, ce qui est devenu intenable financièrement. Quant aux “quartiers” comme on dit, bien qu’ils fassent moins de bruit qu’à Marseille, Lyon ou l’Ile de France, ils n’en sont pas moins sinistrement misérables, à Narbonne par exemple. Là encore cela ne fait guère l’actualité, pourtant la délinquance due aux trafic de drogue pourrit absolument le quotidien. Mais voilà, le ras-le-bol s’est exprimé, département entièrement RN, et je crains que ce ne sera pas uniquement dans les urnes d’ici peu que la colère se manifestera.
    Et je souligne que le coup de semonce du vote RN dans le Tarn, département rural à part le petit bassin minier de Carmaux, aurait dû attirer davantage l’attention. Eh oui, à la présidentielle, le Tarn a voté pour M le Pen, y compris Carmaux, ville de Jaurès et première mairie socialiste de France. Là, pour les législatives, nous avons le panachage parfait : la NUPES, le RN, et la REM, ce qui montre encore un sursaut d’espoir, mais pas pour longtemps.
    Pour conclure, il manque à votre analyse la prise et compte de tous les territoires ruraux délaissés, et dont les habitants,s’ils sont moins explosifs que dans les grandes banlieues, n’en ressentent pas moins l’injustice qui leur est faite. Regardez la carte du Midi Rouge au fur et à mesure des élections depuis 1980, cela se passe de commentaires. C’est tout bonnement parce qu’on y a laissé la situation pourrir que le RN s’y est si bien implanté. 

    • Descartes dit :

      @ cherrytree

      [Et je ne partage pas tout à fait votre explication par l’influence d’une implantation ancienne du FN via les rapatriés d’Algérie.]

      Je vous invite à lire le discours d’ouverture de la session parlementaire par le doyen d’âge de l’Assemblée. Vous pourrez constater combien cette question reste vivace. Pour ceux qui ont vécu cette expérience et leurs descendants, la question et loin d’avoir été réglée.

      [Il y a une troisième raison, dans ce qui était encore il y a peu le “Midi Rouge”. J’ai déjà eu l’occasion de l’écrire il y a quelques mois, c’est le délaissement total de certains territoires qui n’étaient pas non plus d’anciens bastions ouvriers. Ainsi, le département de l’Aude, (…)]

      Bien sûr, le retrait de l’Etat de certains territoires est un élément explicatif important et je l’ai bien dit dans mon analyse. Mais cet abandon est bien plus évident dans le nord et l’est de la France que dans le sud, même s’il y a des exceptions, comme l’Aude ou l’Ariège. Par ailleurs, vous noterez que le RN fait d’excellents résultats dans des bastions anciens et qui sont de départements plutôt riches (comme les Alpes Maritimes).

      [Pour conclure, il manque à votre analyse la prise et compte de tous les territoires ruraux délaissés, et dont les habitants, s’ils sont moins explosifs que dans les grandes banlieues, n’en ressentent pas moins l’injustice qui leur est faite. Regardez la carte du Midi Rouge au fur et à mesure des élections depuis 1980, cela se passe de commentaires. C’est tout bonnement parce qu’on y a laissé la situation pourrir que le RN s’y est si bien implanté.]

      Je suis d’accord avec vous.

  6. luc dit :

    En apparence…Oui,peut être avez vous rasion,mais ce n’est que transitoire.
    Au retour de l’été,ça va changer.
    Macron entamera son bras de fer avec les classes populaires et là avec une situation internationale du niveau des années 1939,la Vième version autocrate sera de retour,vraissemblablement , non ?
    L’Ego-autoritarisme gouvernera légalement à coups de 49.3 en rafales à la François Hollande qui apparait aujourd’hui comme l’exemple type d’incapable autocrate que la Vième rend possible,n’est ce pas ?
    Violences,provocations policières grâce aux black blocks infiltrés par des flics en civil,gilets jaunes,ralliements des RI , tout va changer,ce sera le retour à 2015,plutôt qu’à la IVième ,probablement ?
    Hollande a fondé une dynastie de président dont l’arrivée au pouvoir ne relève pas de la filiation biologique mais de la filiation idéologique,non?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Macron entamera son bras de fer avec les classes populaires et là avec une situation internationale du niveau des années 1939,]

      Où voyez-vous une « situation internationale du niveau des années 1939 ». En 1939, vous aviez des bourgeoisies terrorisées par le fantôme du communisme, et prêts à soutenir des régimes totalitaires perçus comme le seul « vaccin » efficace contre le bolchévisme. Où voyez-vous une telle situation aujourd’hui ?

      [ la Vième version autocrate sera de retour, vraissemblablement , non ?]

      Je ne sais pas très bien ce que vous appelez « la Vème version autocrate ». Pourriez-vous être un peu plus précis ?

      [L’Ego-autoritarisme gouvernera légalement à coups de 49.3 en rafales à la François Hollande qui apparait aujourd’hui comme l’exemple type d’incapable autocrate que la Vième rend possible, n’est ce pas ?]

      Non, ce n’est pas. D’abord, on ne peut plus utiliser le 49.3 « en rafales », puisque depuis la réforme constitutionnelle conduite par Sarkozy, le 49.3 ne peut être utilisé qu’une seule fois par session, en dehors des lois de finances. Qui plus est, le 49.3 est un outil efficace pour discipliner une majorité qui, même si elle se révolte, hésitera a renverser le gouvernement. Il est inefficace dans un parlement où il y a une majorité prête à voter la censure.

      [Violences, provocations policières grâce aux black blocks infiltrés par des flics en civil, gilets jaunes, ralliements des RI, tout va changer, ce sera le retour à 2015, plutôt qu’à la IVième, probablement ?]

      Vous savez, la IVème était largement aussi répressive que la Vème. C’est sous la IVème qu’on a tiré pour la dernière fois à balles réelles sur les ouvriers en grève…

  7. Vincent dit :

    Je me permets un petit hors sujet, qui anticipe sur ce qui (je suppose) sera le prochain papier de ce blog…
    Voici ci dessous un lien un peu surréaliste.
     
    Pour rappel, nous avons un marché européen de l’électricité, avec des acteurs privés qui vendent de l’électricité en fonction de leur coût de revient et du prix de marché. Les acteurs privés ne sont pas censés, à titre individuel, s’occuper de la question de la sécurité d’approvisionnement ; c’est le marché et le régulateur qui s’en occupent. Leur intérêt est au contraire de créer une pénurie, pour faire augmenter les prix.
    Mais il se trouve que ce marché dysfonctionne. Des producteurs d’électricité s’en rendent compte, et avertissent qu’il faut essayer de limiter la consommation pour éviter les pénuries (ce qui ne va pas dans leur intérêt).
    En réponse, le Commissaire européen en charge (qui a la tutelle de la régulation et doit essayer de prévoir les besoins à long-terme et de faire en sorte d’avoir des équilibres…), au lieu de se dire que ça a foiré de son côté, sermonne les industriels en leur intimant l’ordre de développer leurs capacités de production.
    Ce qui est doublement ridicule, puisque d’une part c’est techniquement impossible à si brève échéance, et d’autre part les industriels n’ont pas de relation de sujétion à la Commission Européenne, et n’ont pas à lui obéir…
    https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/crise-du-gaz-quand-thierry-breton-recadre-engie-edf-et-totalenergies-923508.html
     
    Un article qui marche un peu sur la tête. A moins que vous n’ayez une autre vision ?

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Pour rappel, nous avons un marché européen de l’électricité, avec des acteurs privés qui vendent de l’électricité en fonction de leur coût de revient et du prix de marché. Les acteurs privés ne sont pas censés, à titre individuel, s’occuper de la question de la sécurité d’approvisionnement ; c’est le marché et le régulateur qui s’en occupent.

      Effectivement : si le marché est « pur et parfait », c’est la « main invisible » qui se charge d’assurer l’approvisionnement. Après tout, personne ne s’occupe de la « sécurité d’approvisionnement » en pain, et vous ne manquez jamais d’un boulanger près de chez vous pour vous le fournir. Le problème, c’est que pour plusieurs raisons le marché de l’électricité ne peut pas être « pur et parfait ». Et ce sont ces imperfections qui font que le marché ne régule pas correctement : le « signal prix » n’encourage pas à investir pour faire face à une pénurie, par exemple.

      [Leur intérêt est au contraire de créer une pénurie, pour faire augmenter les prix.]

      C’est vrai pour n’importe quel marché. Mais sur un marché « pur et parfait », aucun acteur ne peut individuellement créer la pénurie. Si votre boulanger réduit sa production, cela profite aux autres boulangers mais le prix n’augmente pas. Cela tient au fait que le marche « pur et parfait » est « atomique », c’est-à-dire, aucun acteur n’est suffisamment gros pour pouvoir peser sur les prix, et qu’il n’y a pas de « barrière à l’entrée », ce qui veut dire que s’il y a du profit à se faire on verra des nouveaux entrants qui pousseront les prix vers le bas.

      Le problème du marché de l’électricité, c’est d’abord que les rendements sont croissants avec la taille, ce qui conduit les acteurs à fusionner pour constituer des acteurs peu nombreux et de grande taille. Ensuite, le « signal prix » est inefficace : un investissement ne produira que cinq à dix ans plus tard, et ne fois construite l’installation s’amortit sur vingt ou trente années. Autrement dit, ce n’est pas parce que les prix aujourd’hui sont élevés qu’un investissement sera rentable. Il faut anticiper les prix sur une très longue période, ce qui est particulièrement difficile. D’autant plus que l’impossibilité de stockage et le caractère de bien essentiel fait que les prix varient très fortement en fonction du déséquilibre offre-demande.

      [Mais il se trouve que ce marché dysfonctionne. Des producteurs d’électricité s’en rendent compte, et avertissent qu’il faut essayer de limiter la consommation pour éviter les pénuries (ce qui ne va pas dans leur intérêt).]

      Oui et non. D’abord, l’avertissement leur procure un avantage d’image. Ensuite, ce serait leur intérêt s’ils pouvaient vendre à prix libre. Mais ce n’est pas le cas pour l’électricité, qui est vendue à prix régulé. Pour EDF, un prix élevé sur les marchés de gros n’implique pas qu’elle vend sa production plus cher. Une partie est vendue à ses clients au tarif régulé, une autre au prix de l’ARENH aux autres fournisseurs…

      [En réponse, le Commissaire européen en charge (qui a la tutelle de la régulation et doit essayer de prévoir les besoins à long-terme et de faire en sorte d’avoir des équilibres…), au lieu de se dire que ça a foiré de son côté, sermonne les industriels en leur intimant l’ordre de développer leurs capacités de production.]

      C’est là le plus ridicule : la Commission, qui ne jure que par le « marché libre et non faussé » appelle les producteurs à « fausser le marché » en prenant une décision sur des critères de « bien public ». Autrement dit, elle prétend que des entrepreneurs privés se comportent comme des services publics…

      Pourquoi la commission fait cela ? Est-ce le signe d’une prise de conscience ? Non. C’est juste une manière de reporter la faute sur quelqu’un d’autre. Si les prix montent, s’il n’y a pas assez d’électricité, ce n’est pas parce que la régulation de marché ne fonctionne pas, mais parce que les méchants fournisseurs – et les Etats – ne jouent aps le jeu…

  8. dsk dit :

    @ Descartes
     
    [“Comme j’ai infiniment plus de sympathie pour la gauche radicale et la droite populiste/souverainiste que pour le macronisme et ses apparentés, là non plus, ça ne m’empechera pas de dormir.”]
    [“Moi si, parce que ce que je crains plus que tout pour notre pays, c’est la médiocrité. Si je devais être opéré, je préfèrerais que ce soit fait avec un bistouri bien aiguisé, avec lequel on peut certes faire beaucoup de mal mais aussi beaucoup de bien, plutôt qu’un bistouri qui ne coupe pas, avec lequel on ne peut rien faire. Je pense que le Macron « jupitérien » qui savait où il allait de 2017 était infiniment moins dangereux que le Macron d’aujourd’hui qui, parce qu’il ne sait pas où il va, est prêt à toutes les démissions, à toutes les compromissions. Rien ne corrompt aussi complètement que l’impuissance.”]
     
    Je ne vois pas en quoi cet opportuniste-né qu’est Macron serait plus prêt maintenant à “toutes les démissions et compromissions” qu’en 2017. Certes, il n’a plus la majorité à lui tout seul, mais je pense qu’il trouvera aisément chez LR un appui pour ses “réformes de droite”, telle la retraite à 65 ans, et chez la NUPES pour ses “réformes de gauche”, telle l’inscription de l’IVG dans la constitution. D’autre part, ne pouvant de toute façon se représenter en 2027, il aura justement, de ce point de vue, moins besoin de “se compromettre”…avec quoi, d’ailleurs ? Je ne crois pas, personnellement, qu’il n’ait d’autre conviction que celle de la nécessité d’épouser la pensée dominante sur tous les sujets afin de mieux promouvoir ses ambitions.  
     

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Je ne vois pas en quoi cet opportuniste-né qu’est Macron serait plus prêt maintenant à “toutes les démissions et compromissions” qu’en 2017.]

      Parce que le pouvoir vous change. Je le pense moins cynique qu’on le croit généralement. Je pense qu’en 2017 il croyait vraiment à ce qu’il disait. Après avoir vu Hollande à l’œuvre, il croyait vraiment qu’un président décidé, transgressif, jupitérien, pouvait changer le pays, faire de la France une « startup néishon », européen et sans passé. On peut partager ou pas ce projet, mais en 2017 je ne pense pas que Macron aurait été prêt à un compromis sur n’importe quel élément de son programme. Il était « droit dans ses bottes ». Aujourd’hui, je pense qu’il ne se fait plus aucune illusion.

      [Certes, il n’a plus la majorité à lui tout seul, mais je pense qu’il trouvera aisément chez LR un appui pour ses “réformes de droite”, telle la retraite à 65 ans, et chez la NUPES pour ses “réformes de gauche”, telle l’inscription de l’IVG dans la constitution.]

      Sauf que chacun de ces alliés lui passera la facture. La droite soutiendra peut-être la retraite à 65 ans, mais à ses conditions. Même chose pour la NUPES…

      • dsk dit :

        @ Descartes
         
        [” Je le pense moins cynique qu’on le croit généralement. Je pense qu’en 2017 il croyait vraiment à ce qu’il disait.”]
         
        Je ne sais pas. Peut-être a-t-il certaines convictions qui recoupent, heureux hasard, l’idéologie dominante. Comme vous le dîtes souvent, rares sont les cyniques absolus. Toutefois, je note que je ne l’ai jamais entendu, sur aucun sujet, exprimer une opinion contraire à la pensée dominante. A ce point là, il me semble que cela ne peut procéder que d’une démarche consciente. 
         
        [“Après avoir vu Hollande à l’œuvre, il croyait vraiment qu’un président décidé, transgressif, jupitérien, pouvait changer le pays, faire de la France une « startup néishon », européen et sans passé.”]
         
        Ah bon ? Vous voulez dire qu’il serait peut-être tout simplement bête ?
         
        [“Certes, il n’a plus la majorité à lui tout seul, mais je pense qu’il trouvera aisément chez LR un appui pour ses “réformes de droite”, telle la retraite à 65 ans, et chez la NUPES pour ses “réformes de gauche”, telle l’inscription de l’IVG dans la constitution.”][“Sauf que chacun de ces alliés lui passera la facture. La droite soutiendra peut-être la retraite à 65 ans, mais à ses conditions.”]
         
        Sans doute. Mais est-ce un mal ? Son projet n’en sera peut-être que mieux ficelé.
         
        [“Même chose pour la NUPES…”]
         
        Certes. Nous risquons donc de ne pas échapper au droit fondamental et imprescriptible à l’IVG jusqu’à 9 mois, intégralement remboursée par la sécu, y compris pour les sans papiers.   

        • Descartes dit :

          @ dsk

          [” Je le pense moins cynique qu’on le croit généralement. Je pense qu’en 2017 il croyait vraiment à ce qu’il disait.” Je ne sais pas. Peut-être a-t-il certaines convictions qui recoupent, heureux hasard, l’idéologie dominante. Comme vous le dîtes souvent, rares sont les cyniques absolus. Toutefois, je note que je ne l’ai jamais entendu, sur aucun sujet, exprimer une opinion contraire à la pensée dominante. A ce point-là, il me semble que cela ne peut procéder que d’une démarche consciente.]

          Pas forcément. Je dirais qu’il épouse l’idéologie de sa classe, qui est aujourd’hui l’idéologie dominante. Contrairement à Hollande ou Jospin qui étaient des « dominants honteux », Macron est un homme de gauche qui assume pleinement ses intérêts de classe.

          [“Après avoir vu Hollande à l’œuvre, il croyait vraiment qu’un président décidé, transgressif, jupitérien, pouvait changer le pays, faire de la France une « startup néishon », européen et sans passé.” Ah bon ? Vous voulez dire qu’il serait peut-être tout simplement bête ?]

          Bête non. Plutôt ignorant. Par des manœuvres il a réussi à se hisser à un poste où il gouverne un pays qu’au fond il ne connait pas. Vous aurez remarqué combien les références historiques dans ses écrits ou ses discours sont minimalistes, combien ses références culturelles sont pauvres, alors que, en bon inspecteur des finances, il est incollable sur les chiffres ou sur les dossiers. Je pense que pour Macron le premier quinquennat a été la découverte de son pays. C’était particulièrement visible lors de la crise des Gilets Jaunes.

          [« Certes, il n’a plus la majorité à lui tout seul, mais je pense qu’il trouvera aisément chez LR un appui pour ses “réformes de droite”, telle la retraite à 65 ans, et chez la NUPES pour ses “réformes de gauche”, telle l’inscription de l’IVG dans la constitution.”][“Sauf que chacun de ces alliés lui passera la facture. La droite soutiendra peut-être la retraite à 65 ans, mais à ses conditions. » Sans doute. Mais est-ce un mal ? Son projet n’en sera peut-être que mieux ficelé.]

          Comme disent nos amis anglais, « un chameau est un cheval dont la conception s’est faite par compromis ». Les « compromis » conduisent souvent à des politiques incohérentes qu’on paye très cher plus tard. Pensez à la fin de la IIIème et IVème Républiques…

          • dsk dit :

            @ Descartes
             
            [“Ah bon ? Vous voulez dire qu’il serait peut-être tout simplement bête ?”] [“Bête non. Plutôt ignorant.”]
             
            L’ignorance, doublée de l’incapacité à faire jamais preuve du moindre recul critique vis-à-vis de la pensée dominante, voici qui me semblerait presque  la définition même de la bêtise.
            En ce sens, d’ailleurs, je ne sais pas ce que vous avez pensé des extraits sortis dans la presse de sa discussion avec Poutine, quelques jours à peine avant la début de la guerre : « On s’en fout des propositions des séparatistes ! »; « Je ne sais pas où ton juriste a appris le droit. Moi je regarde juste les textes et j’essaie de les appliquer ! » aurait dit Macron. Franchement, je ne trouve pas que de tels propos, au juridisme à mon avis déplacé, dénotent de sa part une grande intelligence, en tout cas quant à la manière de conduire ce type de négociations. A supposer, bien entendu, qu’il ait sincèrement cherché à négocier… 
             
             
             
             

            • Descartes dit :

              @ dsk

              [L’ignorance, doublée de l’incapacité à faire jamais preuve du moindre recul critique vis-à-vis de la pensée dominante, voici qui me semblerait presque la définition même de la bêtise.]

              Personnellement, j’en fais une différence. Macron est certainement très intelligent, au sens qu’il peut traiter une énorme quantité d’information, la mémoriser, établir les liens entre les différents articles. Mais il manque totalement de curiosité, et du coup il ne traite que des informations très partielles. En toute franchise, ce qui me frappe le plus chez Macron, c’est son manque de curiosité. On m’a rapporté que lorsqu’il visite une usine, il ne pose jamais de questions – là où Sarkozy, au contraire, voulait qu’on lui explique tout.

              [En ce sens, d’ailleurs, je ne sais pas ce que vous avez pensé des extraits sortis dans la presse de sa discussion avec Poutine, quelques jours à peine avant la début de la guerre : « On s’en fout des propositions des séparatistes ! »; « Je ne sais pas où ton juriste a appris le droit. Moi je regarde juste les textes et j’essaie de les appliquer ! » aurait dit Macron. Franchement, je ne trouve pas que de tels propos, au juridisme à mon avis déplacé, dénotent de sa part une grande intelligence, en tout cas quant à la manière de conduire ce type de négociations. A supposer, bien entendu, qu’il ait sincèrement cherché à négocier…]

              Franchement, j’ai trouvé cette séquence monstrueuse. Comment le président peut espérer pouvoir dialoguer franchement avec les grands de ce monde si ceux-ci ne peuvent compter sur l’absolue discrétion de leur interlocuteur ? On voit dans cette affaire ce que je dénonçais dans mon article : la primauté de la tactique sur la stratégie. Pour faire un « coup » médiatique et redorer son image d’un président tenant tête à l’affreux Poutine, Macron jette par-dessus bord la possibilité d’établir une relation de confiance dans la durée.

            • dsk dit :

              @ Descartes
               
              [“Franchement, j’ai trouvé cette séquence monstrueuse. Comment le président peut espérer pouvoir dialoguer franchement avec les grands de ce monde si ceux-ci ne peuvent compter sur l’absolue discrétion de leur interlocuteur ?”]
               
              Tout à fait. Je ne sais pas où son conseiller diplomatique a appris la diplomatie 😉 

          • dsk dit :

            @ Descartes
            [“Sauf que chacun de ces alliés lui passera la facture. La droite soutiendra peut-être la retraite à 65 ans, mais à ses conditions.”] [“Sans doute. Mais est-ce un mal ? Son projet n’en sera peut-être que mieux ficelé.] [“Comme disent nos amis anglais, « un chameau est un cheval dont la conception s’est faite par compromis ». Les « compromis » conduisent souvent à des politiques incohérentes qu’on paye très cher plus tard. Pensez à la fin de la IIIème et IVème Républiques…”]
             
            Je vous dirais que notre classe politique actuelle me semble de toute façon incapable de concevoir autre chose que des “chameaux”. Alors dans ces conditions, je pense que l’avantage que représente l’absence de majorité absolue donnée à Macron, en ce qu’elle l’empêchera de se “lâcher” complètement durant son dernier mandat, me semble l’emporter sur cet inconvénient. Tenez, d’ailleurs, voici un bel exemple de “chameau”, franco-américain en quelque sorte, qui ne doit rien à une absence de majorité absolue. Contrairement aux USA, en effet, où le président est sévèrement encadré par de puissants contre pouvoirs, la limitation, en France, de la présidence à deux mandats consécutifs présente le risque de laisser d’immenses pouvoirs à un individu qui n’aura désormais quasiment “plus rien à perdre”.  

            • Descartes dit :

              @ dsk

              [Je vous dirais que notre classe politique actuelle me semble de toute façon incapable de concevoir autre chose que des “chameaux”.]

              Sur ce point, je vous suis. La situation d’aujourd’hui n’est pas une rupture, mais une marche de plus dans une descente qui se poursuit depuis plus de trente ans. Les instruments qui avaient permis à la Vème « gaullienne » de conduire des politiques cohérentes ont été désarmés un à un, pour être remplacés par des logiques de « compromis » à tous les niveaux. L’UE est de ce point de vue un exemple quasi caricatural : la tant vantée « logique du compromis » des institutions européennes aboutissent à des politiques irrationnelles dont on découvre les effets désastreux lorsqu’il est trop tard pour agir – la politique de l’énergie est le dernier exemple en date. Le fait que LREM ait disposé d’une majorité absolue occultait le fait que dans la macronie le « compromis », déguisé sous la formule « en même temps » était déjà permanent. La manière dont la « retraite par points », au départ une bonne idée, est devenue un « chameau » parce qu’il fallait contenter un coup la gauche, un coup la droite, est là encore révélatrice…

              [Alors dans ces conditions, je pense que l’avantage que représente l’absence de majorité absolue donnée à Macron, en ce qu’elle l’empêchera de se “lâcher” complètement durant son dernier mandat, me semble l’emporter sur cet inconvénient.]

              Je ne sais pas. En cas de crise, ça peut être un grave problème. J’attends de voir ce que donnera le débat sur l’urgence sanitaire. Il semblerait que le gouvernement n’osera pas mettre des sujets controversés tels que le passe sanitaire ou la vaccination sur la table…

              [Tenez, d’ailleurs, voici un bel exemple de “chameau”, franco-américain en quelque sorte, qui ne doit rien à une absence de majorité absolue. Contrairement aux USA, en effet, où le président est sévèrement encadré par de puissants contre-pouvoirs, la limitation, en France, de la présidence à deux mandats consécutifs présente le risque de laisser d’immenses pouvoirs à un individu qui n’aura désormais quasiment “plus rien à perdre”.]

              Personnellement, je me méfie de ceux qui prétendent limiter le pouvoir de l’électeur de se faire représenter par la personne de son choix. Il faut être cohérent : soit on fait confiance au citoyen pour utiliser sa voix sagement, et alors il n’y a aucune raison d’interdire la réélection, ou bien on ne lui fait pas confiance et dans ce cas mieux vaut confier le pouvoir à un monarque héréditaire ou un despote qu’on espère éclairé…

              Comme vous le signalez, l’interdiction de la réélection a toutes sortes d’effets pervers. D’une part, elle augmente la solitude du gouvernant – après tout, qui va prendre des risques pour soutenir un président qui ne sera bientôt plus en mesure de vous renvoyer l’ascenseur ? – et d’autre part cela fait que le gouvernant « n’a plus rien à perdre ».

  9. Paul dit :

    Je me marre des premiers propos tenus par Eric Coquerel après son élection à la commission des finances, élu par une NUPES de circonstance.
    En substance, il ne fera pas comme le disait Thatcher: “there is no alternative”. Ignorant de  ce fait la structure juridique de l’UE ( qui obéit au néo-libéralisme) qui ne rend pas possible l’alternative supposée. Je précise: je ne pense pas qu’il soit ignorant, ni dupe, il ment.
    Ceux qui pensent avoir voté pour qu’il y ait une opposition à Macron par leurs suffrages à Mélenchon voont vite être déçus.

    • Descartes dit :

      @ Paul

      [Je me marre des premiers propos tenus par Eric Coquerel après son élection à la commission des finances, élu par une NUPES de circonstance.]

      Franchement, j’ai suivi d’assez loin la « lutte des places ». Tout ce que j’ai noté, c’est que dans la « conférence des présidents » il y aura six femmes et un seul homme… aucun des grands défenseurs de la parité n’a semblé remarquer la chose…

      Qu’est ce qu’il a dit exactement, le bel Eric ?

      [Ceux qui pensent avoir voté pour qu’il y ait une opposition à Macron par leurs suffrages à Mélenchon vont vite être déçus.]

      Vous me rappelez un très beau sketch ou Tierry Le Luron jouait Mitterrand en 1983 interrogé par un journaliste. Le journaliste lui posait une question : « monsieur le président, les Français qui ont voté pour vous sont aujourd’hui déçus par votre changement de ligne. Qu’est ce que vous avez à leur dire ? ». Et Le Luron–Mitterrand répondait, superbe : « je leur dirais… qu’ils n’avaient qu’à réfléchir avant ! »

  10. Luc dit :

    En 1985 j’ai connu Eric Coquerel à l’Ecole Normale supérieure de Fontenay.
    Il était coordinateur de la vente des pin’s ‘touche pas à mon pote’.
    Il n’y était pas étudiant car il a eu son baccalauréat à l’âge de 25 ans.
    Il se faisait passer pour un étudiant de l’UEC alors qu’il était un militant peu connu de la lcr. 
    Dans le lien ci-dessous une personne,agent d’influence des
    états unis, sous entend d’autres ‘cachoteries’ sur l’antenne de RTL

    Ne devons nous pas refuser aux hommes politiques le devoir de transparence et accepter qu’ils aient le
    droit à appliquer le très célèbre adage antique  ‘tout le monde a quelque chose à cacher’ ?
    Mélenchon n’a t il pas à craindre de cette montée en puissance de Coquerel qui fut co-organisateur de la 
    manifestation au côté des activistes djiadistes français en novembre 2019?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [En 1985 j’ai connu Eric Coquerel à l’Ecole Normale supérieure de Fontenay. Il était coordinateur de la vente des pin’s ‘touche pas à mon pote’. Il n’y était pas étudiant car il a eu son baccalauréat à l’âge de 25 ans. Il se faisait passer pour un étudiant de l’UEC alors qu’il était un militant peu connu de la lcr.]

      Encore un trotskyste dont le parcours est marqué par l’entrisme, tour à tour chez les communistes, chez les chevènementistes, chez les « antilibéraux »…

      [Ne devons-nous pas refuser aux hommes politiques le devoir de transparence et accepter qu’ils aient le droit à appliquer le très célèbre adage antique ‘tout le monde a quelque chose à cacher’ ?]

      Personnellement, je pense que le principe de séparation entre le public et le privé doit être strictement respecté. Nous avons le droit de tout savoir sur nos hommes politiques, à condition que ce « tout » concerne la manière dont ils exercent ou exerceront les responsabilités politiques qui leur sont confiées. Pour le dire autrement, un homme politique est mon employé. Je n’ai donc pas à savoir que ce qu’un employeur a le droit de savoir. S’il est zoophile ou collectionne des films porno, ce n’est pas mon problème. Si Coquerel a eu la main leste, cela concerne le juge, pas l’électeur.

      [Mélenchon n’a-t-il pas à craindre de cette montée en puissance de Coquerel qui fut co-organisateur de la manifestation au côté des activistes djihadistes français en novembre 2019?]

      C’est peut-être le côté le plus intéressant de l’affaire : qui l’a fait sortir, et pourquoi. Est-ce une initiative personnelle d’une Rokhaya Diallo, ou bien a-t-elle été manipulée ? Qui d’autre a fait courir les rumeurs ? Il semble que le coup vienne de la « gauche radicale » et cela ressemble drôlement à un « envoi de facture ». Est-ce que Mélenchon – dont on sait qu’il a toujours cherché à affaiblir quiconque menaçait son contrôle total de son mouvement – qui était à la manœuvre, ou s’agit-il au contraire de la première salve dans la guerre de succession à LFI ? L’avenir le dira…

      Je dois dire que je ne peux m’empêcher d’éprouver une certaine Schadenfreude. Ceux qui couchent avec les gens comme Rokhaya Diallo méritent tout ce qui peut leur arriver…

      • Bannette dit :

        Moi aussi, un gros bien fait pour leur gu****, je jubilerais de les voir se bouffer entre eux. J’avais plutôt pensé au cas classique d’un « Hell hath no fury like a woman scorned » comme disent nos voisins anglais, mais je pense que ton intuition d’un retour de facture est la bonne.
         
        Perso, je pense surtout que Coquerel est un simple coureur de jupons, mais comme son mouvement épouse les délires du féminisme postmoderne américain, et bien qu’il y goûte (surtout quand on voit leur hypocrisie d’indignation à géométrie variable -ouh le silence gêné d’une fusillade à la sortie d’un bar gay par un issu de la diversité mahométane, ou le fait de ne pas se gêner pour hurler avec la meute dans d’autres cas – cas récent du judoka totalement blanchi par la justice face à une fabulatrice qui a brisé sa réputation).
         
        Je me souviens que quand j’étais étudiante, les syndicats étudiants de gôche avaient la réputation d’être des baisodromes, et des terrains de chasse pour roquets imbûs d’eux-même et d’idiotes gauchistes. La crétinerie des filles qui pleurnichent d’être que des coups pour ces types aux si belles valeurs m’agaçait car alors que j’en n’ai jamais fait partie ni milité (j’étais au courant), on va pas me faire croire que les filles qui baignent dedans ne savent pas où elles mettent les pieds. Je ne supporte pas ce genre de femme adulte qui se la joue « séduite et abandonnée ». Le pire c’était leurs préjugés du genre que les hommes de droite ont plus tendance à maltraiter les femmes que ceux de gôche, alors que dans leur milieu, elles étaient avec de sacrés gougnafiers.
        Elles me traitaient de « machotte » quand je faisais le constat empirique et anthropologique que quelque soit la période ou la civilisation, la tendance générale des femmes est à recherche de la sécurité matérielle et affective, et qu’il n’y a rien d’anti-féministe à le dire. Ces types qui leur disaient que la liberté des femme passe par des comportements de libertine ne cherchent qu’à pécho.
        Il suffit de voir nos 2 précédents présidents : Sarkozy, le bling bling fier-à-bras, qui se comporte en tout bien tout honneur quand il a rencontré son épouse actuelle, et Hollande le goujat. Lequel respecte plus les femmes ? En fait les hommes comme Sarko qui respectent l’institution du mariage, respectent aussi les femmes, alors que ceux qui ont participé à l’abolition du « patriarcat » (au sens romain du terme) veulent surtout se débarrasser des responsabilités qui y sont associées.
         
        On doit à Legouvé ce fameux vers « (et si la voix du sang n’est point une chimère), Tombe aux pieds de ce sexe à qui tu dois ta mère » dans le « Mérite des femmes ». Je remercierai toujours le prof de français qui nous l’avait donné en explication de texte, car comme il nous l’avait indiqué, il ne faut pas lire dans ce mâle hommage au beau sexe un féminisme moderne, mais le replacer dans son contexte post-révolutionnaire où après l’effervescence et le chaos, c’était un hommage à toutes ces femmes qui se sont battues pour préserver leurs familles et ont ainsi fait en sorte que la société ne tombe pas dans l’anomie. 
        Franchement est-ce que les Ségolène et Killary vous donnent envie de tomber sous les pieds de leur sexe ?

        • Descartes dit :

          @ Bannette

          [Moi aussi, un gros bien fait pour leur gu****, je jubilerais de les voir se bouffer entre eux. J’avais plutôt pensé au cas classique d’un « Hell hath no fury like a woman scorned » comme disent nos voisins anglais, mais je pense que ton intuition d’un retour de facture est la bonne.]

          Je ne sais pas si l’on peut dire que Coquerel aurait « scorned » (méprisé, dédaigné) Sophie Tessier, et que cette dernière aurait attendu huit ans avant de faire éclater sa « furie ». Non, je persiste à croire qu’il faut chercher la racine de cette affaire dans les rapports complexes que les dirigeants de LFI en général et Coquerel en particulier entretiennent avec des illuminés marginaux comme Rokhaya Diallo ou Sophie Tissier…

          [Perso, je pense surtout que Coquerel est un simple coureur de jupons, mais comme son mouvement épouse les délires du féminisme postmoderne américain,]

          C’est un peu l’histoire de l’apprenti-sorcier. Les gauchistes ont joué du « féminisme postmoderne » quand ça leur permettait de compromettre leurs adversaires. Et ce faisant, ils ont donné un pouvoir exorbitant à des groupuscules qui maintenant s’en servent tous azimuts pour augmenter leur pouvoir. Les dernières affaires montrent qu’elles disposent d’ores et déjà d’une sorte de pouvoir de véto sur certaines nominations….

          [Je me souviens que quand j’étais étudiante, les syndicats étudiants de gôche avaient la réputation d’être des baisodromes, et des terrains de chasse pour roquets imbus d’eux-mêmes et d’idiotes gauchistes. La crétinerie des filles qui pleurnichent d’être que des coups pour ces types aux si belles valeurs m’agaçait car alors que j’en n’ai jamais fait partie ni milité (j’étais au courant), on ne va pas me faire croire que les filles qui baignent dedans ne savent pas où elles mettent les pieds.]

          Cela dépend. Au PCF de ma jeunesse régnait encore une forme de puritanisme stalinien. On couchait, bien entendu, mais il fallait garder les formes. Ailleurs, le mot d’ordre était plutôt celui de la libération sexuelle, d’autant plus que cela permettait de présenter les communistes comme des « bourgeois coincés ». Combien de bourgeoises allaient aux réunions de la LCR pour se payer le frisson de coucher avec un « révolutionnaire » ? Mais surtout, la chose se faisait sans drame. Le garçon qui était un peu « lourd » se prenait une bonne baffe – qu’il ne rendait pas, car on perdait des points en frappant une femme – et se le tenait pour dit. Personne n’était traumatisé pour autant. Je me suis pris quelques râteaux mémorables dans ma vie, et cela ne m’a pas empêché de vivre… et de conserver des rapports amicaux avec celles qui me les ont administré !

          [Je ne supporte pas ce genre de femme adulte qui se la joue « séduite et abandonnée ».]

          Je pense que ce comportement se généralise du fait de l’idéologie du « succès » caractéristique de notre société individualiste. On ne supporte tout simplement pas l’idée qu’un échec puisse être de notre faute, ou même le fruit de circonstances. Il faut nécessairement un coupable – dont la culpabilité nous exonère de toute responsabilité. C’est pourquoi il est aussi difficile d’accepter l’idée qu’une mauvaise expérience sexuelle – et ça arrive à tout le monde – ait été consentie, ce qui suppose que nous avons fait un mauvais choix. Non, si elle a été mauvaise, c’est forcément qu’elle nous a été imposée par quelqu’un d’autre…

          [Le pire c’était leurs préjugés du genre que les hommes de droite ont plus tendance à maltraiter les femmes que ceux de gôche, alors que dans leur milieu, elles étaient avec de sacrés gougnafiers.]

          C’est plutôt le contraire, en fait. Les conservateurs ont tendance à idéaliser la femme, à calquer leurs rapports avec la gent féminine sur un modèle chevaleresque. On imagine mal un victorien frappant une femme. Par contre, dès lors qu’on considère que la femme est l’égale de l’homme, il n’y a aucune raison pour ne pas la frapper à égalité…

          [Elles me traitaient de « machotte » quand je faisais le constat empirique et anthropologique que quelle que soit la période ou la civilisation, la tendance générale des femmes est à recherche de la sécurité matérielle et affective, et qu’il n’y a rien d’anti-féministe à le dire.]

          C’est une réalité anthropologique, qui tient à une division du travail qui nous accompagne depuis l’antiquité.

          [On doit à Legouvé ce fameux vers « (et si la voix du sang n’est point une chimère), Tombe aux pieds de ce sexe à qui tu dois ta mère » dans le « Mérite des femmes ». Je remercierai toujours le prof de français qui nous l’avait donné en explication de texte, car comme il nous l’avait indiqué, il ne faut pas lire dans ce mâle hommage au beau sexe un féminisme moderne, mais le replacer dans son contexte post-révolutionnaire où après l’effervescence et le chaos, c’était un hommage à toutes ces femmes qui se sont battues pour préserver leurs familles et ont ainsi fait en sorte que la société ne tombe pas dans l’anomie.]

          Vous trouverez des dizaines d’écrivains, de poètes, d’auteurs de sexe masculin qui, d’Homère à Aragon, ont idéalisé la femme. Vous aurez beaucoup de mal à trouver un auteur de sexe féminin qui ait été capable d’une telle idéalisation. Peut-être parce que chaque homme voit dans une femme un peu sa mère, alors qu’à l’inverse une femme voit dans chaque homme un peu son père…

        • BolchoKek dit :

          @ Bannette et Descartes
           
          En effet, j’ai l’impression que les milieux militants de gauche virent vers une sorte de pudeur victorienne déguisée en progressisme, et que certains militants un peu plus datés n’ont pas fait les mises à jour… Mais je ne sais pas s’il ne s’agit pas d’un cas particulier d’un mouvement plus général de la société dans le regard sur la sexualité, et sur les relations homme-femme en général… On voit en effet une sorte de “fétichisme du couple” même chez des gens qui ont à peine vingt ans, qui sont traumatisés par des ruptures, qui vont en thérapie de couple alors qu’il n’y a ni mariage, ni enfants, ni patrimoine, parfois même pas de logement partagé – “le couple”, sans le moindre questionnement, est une chose à sauver à tout prix… Jadis, se marier à vingt ans et endurer son conjoint par défaut toute sa vie se justifiait par la précarité de l’existence et l’importance des structures familiales ; les nuits étaient sombres, les CPAM n’existaient pas, le monde extérieur était rempli de loups, d’ours, d’Autrichiens, et de bien d’autres bestioles immondes… Mais voilà que des générations qui ont le privilège, avec la société moderne, la libération des moeurs, la contraception, les avancées du niveau de vie, de se former à la galanterie et de faire de vrais choix de partenaires, d’avoir un peu d’expérience amoureuse avant de s’engager, se retrouvent à traiter des amourettes d’université avec le sérieux de mariages bourgeois. Le mouvement vers plus d’ouverture et de liberté dans ce sens était engagé dès les années 1960, et on est en phase de ressac – sans même parler des manifestations dans le champ politique, cet état d’esprit s’observe d’ores et déjà dans le corps social.

          • Descartes dit :

            @ BolchoKek

            [Mais je ne sais pas s’il ne s’agit pas d’un cas particulier d’un mouvement plus général de la société dans le regard sur la sexualité, et sur les relations homme-femme en général…]

            Je pense qu’il y a une réaction. Pendant des siècles les rapports entre les sexes ont été codifiés socialement. Chacun savait, en fonction de son sexe, comment il fallait se comporter, quelles étaient les marges de manœuvre, ses droits et ses devoirs. Et c’est toujours rassurant de savoir quelles sont les règles du jeu. Mais avec l’indifférenciation de plus en plus envahissante, ces repères sont brouillés. Et du coup, tout le monde a peur.

            [On voit en effet une sorte de “fétichisme du couple” même chez des gens qui ont à peine vingt ans, qui sont traumatisés par des ruptures, qui vont en thérapie de couple alors qu’il n’y a ni mariage, ni enfants, ni patrimoine, parfois même pas de logement partagé – “le couple”, sans le moindre questionnement, est une chose à sauver à tout prix…]

            Comme dirait Lacan, quand on cherche à sauver quelque chose, c’est qu’elle a déjà disparu. Le couple était d’abord un accord économique, la traduction d’une nécessité réciproque. La femme avait besoin d’un homme pour ramener un salaire, l’homme avait besoin de la femme pour faire tourner l’économie domestique. C’est ce besoin réciproque qui faisait naguère la solidité des couples. Aujourd’hui, le couple n’est cimenté que par « l’amour », jamais garanti, toujours labile…

  11. P2R dit :

    @ Descartes
     
    Il me semble que ces législatives ont révélé un phénomène qui interfère avec votre théorie selon laquelle LFI serait perçu par les classe dominantes comme un phénomène de foire assez peu suspect de pouvoir provoquer de vraies modifications dans l’orientation néolibérale du pays, au contraire du RN dont l’électorat est majoritairement issu des classes prolétaires. En effet, dans plusieurs cironscriptions, on a manifestement vu la bourgeoisie choisir le RN plutôt que LFI lorsqu’elle était confrontée à ce choix cornélien. Quelle est votre interprétation de cette situation que les instituts de sondage ont échoué a prédire ?
     
    La mienne est que la convergence d’intérêts entre petite bourgeoisie provinciale (qui vivent “au contact” des classes défavorisées) et classes intermédiaires urbaines est de plus en plus discutable au fur et à mesure que l’idéologie d’icelles produit ses fruits, à savoir fragilisation du tissus social, baisse des compétences, libre-échangisme sans queue ni tête… Les plaies commencent à puer, et certains risquent de chercher des coupables pour épargner leur propre peau…
     

    • Descartes dit :

      @ P2R

      [En effet, dans plusieurs cironscriptions, on a manifestement vu la bourgeoisie choisir le RN plutôt que LFI lorsqu’elle était confrontée à ce choix cornélien. Quelle est votre interprétation de cette situation que les instituts de sondage ont échouée à prédire ?]

      A quelles circonscriptions pensez-vous ? Je n’ai pas pris la peine de balayer l’ensemble des circonscriptions, mais je vois mal d’où vous tirez cette conclusion. Il y a d’ailleurs fort peu de députés RN élus dans des circonscriptions « bourgeoises »…

      • BolchoKek dit :

        @ Descartes
         
        [Je n’ai pas pris la peine de balayer l’ensemble des circonscriptions, mais je vois mal d’où vous tirez cette conclusion.]
         
        Personnellement, j’ai surtout l’impression en regardant certaines circonscriptions plutôt populaires que le report des voix du RN dans le cas de duels LREM-NUPES n’est pas franchement allé vers LREM. Des parlementaires de gauche élus par les voix des strèmdroite, mazette ! Faut se ressaisir, vont finir par virer rouge-brun…

        • Descartes dit :

          @ BolchoKek

          [Personnellement, j’ai surtout l’impression en regardant certaines circonscriptions plutôt populaires que le report des voix du RN dans le cas de duels LREM-NUPES n’est pas franchement allé vers LREM. Des parlementaires de gauche élus par les voix des strèmdroite, mazette ! Faut se ressaisir, vont finir par virer rouge-brun…]

          Oui, enfin, dans un contexte de très forte abstention, il est toujours difficile de savoir si le résultat des duels LREM-NUPES sont dus à l’arbitrage des électeurs du RN votant contre LREM ou bien à une mobilisation des abstentionnistes proches de la NUPES dès lors que leur candidat avait une chance d’être élus. On peut supposer qu’un certain nombre d’électeurs « protestataires » ont voté contre le candidat LREM quelque fut leur vote au premier tour et le candidat qui lui était opposé au deuxième. Si cette supposition est exacte, un certain nombre de députés RN ont été élus avec la voix d’électeurs ayant voté NUPES au premier tour, et vice-versa. Il est en tout cas clair que si les électeurs RN avaient tout fait pour faire barrage à la NUPES et vice-versa, LREM aurait aujourd’hui la majorité. Ce qui devrait relativiser les discours indignés du genre « tout faire pour barrer la route au RN » à gauche. Si les électeurs avaient suivi leur conseil, Macron serait tranquille pour cinq ans…

      • P2R dit :

        @ Descartes. 
        Je me suis mal exprimé en parlant de la « bourgeoisie », terme par lequel je voulais évoquer les petits patrons de TPE voir PME, hôteliers/restaurateurs et surtout les retraités « confortables » voir aisés, les gens qui possèdent un petit patrimoine immobilier, etc. 
        Pour ces gens là, dans la circo que je connais (2e circo de l’Allier), et qui sont traditionnellement des électeurs de la droite « républicaine », On était clairement dans un « tout sauf LFI ». 

        • Descartes dit :

          @ P2R

          [Je me suis mal exprimé en parlant de la « bourgeoisie », terme par lequel je voulais évoquer les petits patrons de TPE voir PME, hôteliers/restaurateurs et surtout les retraités « confortables » voir aisés, les gens qui possèdent un petit patrimoine immobilier, etc.
          Pour ces gens là, dans la circo que je connais (2e circo de l’Allier), et qui sont traditionnellement des électeurs de la droite « républicaine », On était clairement dans un « tout sauf LFI ».]

          Oui, mais vous voyez que c’est un groupe hétérogène, et que le fait qu’ils aient voté RN plutôt que LFI ne remet nullement en cause mon analyse en termes de classe. En fait, ce groupe social vote RN plutôt que LFI pour une raison simple: leurs intérêts les poussent naturellement à se mettre du côté de l’ordre. De ce point de vue, leurs intérêts coïncident avec ceux des couches populaires: comme ces dernières ils sont très mal armés pour faire face à une situation de désordre.

          • delendaesteu dit :

            @descartes
            « Ils sont très mal armés pour faire face au désordre »
            Tout a fait d’accord avec vous, affirmer que la police tue, prôner son désarmement, manifester avec l’inénarrable famille d’Adama Traoré (ce délinquant multi récidiviste) permet de faire le plein des voix dans le 93,et chez les bobos des centre-ville ( végans, protecteurs des moustiques et autres pratiquants de la déconstruction de l’homme) mais pas dans la grande majorité des circonscriptions.
            LFI ne peut vouloir le beurre et l’argent du beurre.
             
             

  12. cherrytree dit :

    @Descartes
    Je maintiens mon analyse pour ce qui concerne l’implantation du RN dans les territoires laissés à l’abandon. Et non, l’Aude n’est pas une exception. Voyez ainsi les Pyrénées Orientales, l’Hérault, le Gard, les Bouches du Rhône. Tous dans le peloton de tête des départements les plus pauvres de la France métropolitaine. Tous ayant en commun que, sauf dans les villes principales (Perpignan, Montpellier, Marseille…) le tissu industriel est réduit, que les services prédominent, que sauf sur la frange littorale ce sont des départements ruraux et que l’agriculture c’est essentiellement la viticulture et l’arboriculture (bien fragile), que justement sur le littoral l’activité principale c’est le tourisme c’est à dire des emplois saisonniers et précaires par définition. J’oubliais : pour les Alpes maritimes, la “silver économie” (le business du troisième et quatrième âge) enrichit surtout les fonds de pension, pas le personnel des maisons de retraite. Et ne vous y trompez pas : à taille comparable, Nice, le saviez-vous, est la 4ème ville plus pauvre de France métropolitaine, avec un nombre impressionnant d’habitants sous le seuil de pauvreté. Je ne peux donc pas vous laisser écrire que les Alpes maritimes sont un département riche. Des riches vivent, et pas toute l’année, et pas partout, c’est très différent.. Je sais, ça surprend mais c’est ainsi.. Et tout ne s’explique pas par la nostalgie de l’Algérie française. Mélenchon et sa suite n’ont jamais vraiment  vraiment, sauf à Marseille et Toulouse, pris la peine de parcourir le terrain dans ces territoires que l’on pense à tort riches, parce qu’il y a le soleil et la mer, et parce que les habitants trimballent encore leur image pagnolesque . Le RN, si. Et voilà le résultat. 

    • Descartes dit :

      @ cherrytree

      [Je maintiens mon analyse pour ce qui concerne l’implantation du RN dans les territoires laissés à l’abandon. Et non, l’Aude n’est pas une exception. Voyez ainsi les Pyrénées Orientales, l’Hérault, le Gard, les Bouches du Rhône. Tous dans le peloton de tête des départements les plus pauvres de la France métropolitaine.]

      Ca dépend comment vous le calculez. Les départements que vous citez ont les taux de pauvreté les plus importants. Mais prenez les Bouches du Rhône : même s’il cumule une quantité importante de pauvres, il cumule aussi des riches. Et au total le niveau de vie médian se trouve dans la bonne moyenne. C’est encore plus net pour les Alpes-Maritimes, qui sont dans la très bonne moyenne de niveau de vie (https://www.insee.fr/fr/statistiques/5386551#figure1_radio2).

      [Je ne peux donc pas vous laisser écrire que les Alpes maritimes sont un département riche.]

      Je vous renvoie à la carte ci-dessus. Avec un niveau de vie médian de 22140 €, il se situe parmi les 20 départements les plus riches.

      [Et tout ne s’explique pas par la nostalgie de l’Algérie française.]

      Tout non, mais beaucoup de choses. La nostalgie de l’Algérie française, additionné aux rancœurs accumulées envers les gouvernements successifs qui, de gauche comme de droite, ont d’abord perdu l’Algérie et ensuite maltraité ceux qui ont du la quitter.

      [Mélenchon et sa suite n’ont jamais vraiment vraiment, sauf à Marseille et Toulouse, pris la peine de parcourir le terrain dans ces territoires que l’on pense à tort riches, parce qu’il y a le soleil et la mer, et parce que les habitants trimballent encore leur image pagnolesque. Le RN, si. Et voilà le résultat.]

      Mais vous m’accorderez que le résultat est moins impressionnant dans les départements du « sud », ou le FN a toujours été fort – et où il a eu des élus depuis le temps de JMLP, que dans les départements du « nord » où il était marginal et où il est maintenant bien implanté.

  13. cherrytree dit :

    @Descartes
    Et j’oubliais le Vaucluse dans ma démonstration…

  14. Timo dit :

    @Descartes
    [N’est ce pas extraordinaire qu’un même nom puisse désigner un mouvement néolibéral et un rassemblement gauchiste ?]
     
    Il faut d’ailleurs noter que “l’Union Populaire” de la dernière campagne de Mélenchon avait déjà été utilisée – à peu de chose près – par la droite chiraquienne… D’un côté on comprend bien que quand on crée un nouveau mouvement politique tous les cinq matins il faut être très créatif pour ne pas retomber sur des noms qui ont déjà été pris.
     
    [Plus frappant encore est le nomadisme politique : quatre députés (Cédric Villani, Aurélien Taché, Delphine Bagarry et Hubert Julien-Laferrière) élus sous la bannière LREM en 2017 étaient candidats de la NUPES en 2022. Le cas de Taché est emblématique]
     
    Le cas Villani me semble également emblématique de cette égo-politique de second-couteaux dont vous parliez dans un article récemment. J’ai suivi un peu sa campagne (je vis dans sa circonscription) et sur ses tracts j’ai trouvé que c’était assez révélateur de voir qu’il avait maintenant son propre logo, un petit dessin d’araignée. C’est bien sûr en référence à ses broches qui font partie de la panoplie du “personnage Villani”, avec notamment sa lavallière. J’en déduis qu’à l’ère de l’ego-politique il ne faut plus seulement travailler l’identité visuelle du parti mais aussi et surtout développer la marque du politicien. On avait déjà pu deviner à travers son parcours ces 5 dernières années qu’il s’était moins lancé dans la politique pour défendre des convictions mais plutôt parce qu’il trouvait ça plaisant d’être en haut de l’affiche. Le fait notamment qu’il s’entête à participer à la campagne pour la mairie de Paris, même après s’être vu refuser l’investiture, sans qu’on sache vraiment ce qu’il propose de différents de la pléthore de prétendants sur la même ligne et alors que ça faisait à peine deux ans qu’il découvrait le métier de parlementaire. Bref, ça me semble un gros gâchis pour la société que quelqu’un d’aussi brillant en sciences se convertisse à une activité aussi futile que celle de politicien mercenaire sans projet ni conviction.

    • Descartes dit :

      @ Timo

      [Il faut d’ailleurs noter que “l’Union Populaire” de la dernière campagne de Mélenchon avait déjà été utilisée – à peu de chose près – par la droite chiraquienne… D’un côté on comprend bien que quand on crée un nouveau mouvement politique tous les cinq matins il faut être très créatif pour ne pas retomber sur des noms qui ont déjà été pris.]

      Que les noms se répètent, ce n’est pas forcément étonnant. Mais il fut un temps où certains mots étaient des marqueurs idéologiques. On n’était pas « populaire » à droite…

      [J’en déduis qu’à l’ère de l’ego-politique il ne faut plus seulement travailler l’identité visuelle du parti mais aussi et surtout développer la marque du politicien.]

      Tout à fait. Et les « grands » égo-politiques, comme Macron ou Mélenchon, font des émules : on voit surgir dans tous les coins des « petits » égo-politiciens qui cherchent à se construire un « mouvement » à leurs couleurs à travers une « marque »… Villani est de ce point de vue presque une caricature, rendue possible par le fait que son électorat est pratiquement exclusivement constitué de classes intermédiaires.

      [Bref, ça me semble un gros gâchis pour la société que quelqu’un d’aussi brillant en sciences se convertisse à une activité aussi futile que celle de politicien mercenaire sans projet ni conviction.]

      Tout à fait. Les partis ont toujours cherché à s’attirer le soutien de figures prestigieuses des arts et de la littérature. Mais ces figures restaient dans dans leur rôle. Joliot-Curie était un « compagnon de route » du PCF, mais n’a jamais été député et toujours travaillé dans son domaine. Debré Aragon fut membre du Comité central, mais son rôle était surtout honorifique, et il restait pour l’essentiel dans le domaine de la littérature.

  15. Axelzzz dit :

    Bonjour Descartes,
     il me semble que les questions de l’absence de majorité de d’Ensemble! en 2022 (qui est le nom de la coalition Modem-Horizon-exLREM, LREM s’étant rebaptisée ‘Renaissance’ ce qui est plus ridicule encore) et la crise démocratique liée aux tendances de l’abstention sont deux sujets distincts. 
    A mon sens, l’absence de majorité est une sanction claire de la qualité de gouvernance de LREM bien plus que de ses options idéologiques et reflète la nouvelle structure de l’électorat dans l’hémicycle. La sanction pour que ces ‘bons élèves’ comprennent qu’ils ne valent pas mieux que les autres d’un point de vue politique. LREM restera comme une promesse d’efficacité déçue et un parti dont la principale force centripète était la déclinaison d’un complexe de supériorité à tous les étages de l’appareil – incompatible avec l’exercice politique en démocratie qui consiste à exercer le pouvoir au nom d’un projet, non d’une essence supérieure. Le centrisme est fondé sur le paradoxe des ‘bonnes intentions’: il port en son sein une logique anti-démocratique qui consiste à nier l’antagonisme des points de vue comme étant soluble dans l’harmonie de l’ensemble et l’intelligence des gouvernants. En cela il n’est pas très ‘durable’.
    La configuration du paysage politique en trois forces sociologiquement et idéologiquement distinctes est en réalité potentiellement assez stable: classes populaires hors des métropoles qui votent RN, classes populaires mondialisées /métropolisées qui votent LFI et classes intermédiaires et supérieures des métropoles ou retraitées qui votent donc ‘Ensemble!’. Notre parlement reflète cette nouvelle structure en trois blocs avec retard, mais celle-ci n’est apparue au fond qu’assez récemment lors du mandat Macron 1: il fallait que LR et le PS s’effondrent électoralement pour la révéler.
    La logique des scrutins de 2022 est finalement assez simple: un majorité de français refuse que MLP atteigne le pouvoir, pour autant le ‘projet’ de Macron est minoritaire. Il s’agit donc de l’empêcher de le mettre en œuvre tel quel sans risquer d’alternance radicale.
    Vous dites craindre la médiocrité plus que tout le reste – mais, cher Descartes, la majorité des députés LREM n’a-t-elle pas démontré son manque de brio pendant 5 ans? Réforme des re traites avortée, gilets jaunes rustinisée à coup de dépense publique, destruction d’institution sans alternative crédible (reforme du bac, de l’ENA par ex), européisme déclamatoire plus que suivi d’effet, coups de théâtre à répétition (grand débat, rapprochement avec Trump puis Poutine) sans effet concret sur la scène internationales comme intérieure… Regrettez vous vraiment messieurs Tasché, Castaner ou Ferrand? M’est avis que la médiocrité radical socialiste s’est rarement mieux portée que lors des 5 dernières années.
    Par ailleurs, vous même reconnaissez que les nouveaux députés RN doivent être formés et encadrés – ce qui sous entends que leur capacité à gouverner est encore loin des standards que vous attendez. Mais enfin dans ce cas pourquoi donc avez vous voté MLP au second tour? son élection n’eut-elle pas conduit à un gouvernement de pieds nickelés faisant face à une AN le plus probablement sans majorité – donc de la médiocrité au carré selon vos propres critères? 
    Si la conjoncture récente résonne avec des tendances plus longues comme la crise démocratique, il me semble réducteur de prétendre que celle-ci ne relève que de l’affaiblissement regretté de la puissance publique et du principe TINA (There Is No Alternative).
    Finalement nos sociétés qui n’ont pas plus renversé le pouvoir lorsque la participation au vote restait forte sont elles vraiment plus révolutionnaires ou maltraitées aujourd’hui? j’en doute – la quantité d’argent public consacré à anesthésier les prurits minoritaires n’a pas diminué. Par ailleurs, les projets alternatifs existent mais ne font pas recette – voire ils mobilisent contre eux très efficacement: la majorité se satisfait tout à fait du projet libéral semble-t-il.
    Cette faible participation va de pair avec un faible engagement de chacun dans la vie collective. à bien des niveaux. Et cela peut tout à fait correspondre à un idéal de vie, disons individualiste et centré sur une vie communautaire très locale. L’idéal de ce monde n’attends de la cité que la préservation du droit et d’un minimum de conditions de prospérité. La communauté helvétique ou la ‘société de porc’ proposée par Socrate comme citée idéale pourraient en être les modèles. En somme la baisse de la participation électorale est au moins autant un symptôme de la réussite du modèle libéral dans sa capacité à garantir prospérité et justice que d’une inadéquation de nos institutions. Un monde dans lequel seuls les enjeux politiques locaux et le ‘dégagisme’ comme antidote à la sclérose d’un système politique de rente motivent encore une majorité de citoyens.
    Pourtant ce monde libéral là s’affaiblit et il disparaîtra si le cycle de démondialisation amorcé depuis quelques années continue de s’approfondir. J’ai peu de doute quant au retour de l’engagement citoyen si paix et prospérité venaient à faire défaut.
    Axelzzz

    • Descartes dit :

      @ Axelzzz

      [il me semble que les questions de l’absence de majorité de d’Ensemble! en 2022 (qui est le nom de la coalition Modem-Horizon-exLREM, LREM s’étant rebaptisée ‘Renaissance’ ce qui est plus ridicule encore) et la crise démocratique liée aux tendances de l’abstention sont deux sujets distincts.]

      Oui et non. Quand des projets s’opposaient à travers de partis politiques représentant des couches sociales différentes, on aboutissait pratiquement toujours à une majorité, pas nécessairement homogène, mais au moins relativement cohérente une fois « disciplinée » par le 49.3. Avec la marginalisation des couches populaires qui résulte dans une abstention massive, le vote « protestataire » pèse d’un poids beaucoup plus lourd. Il est donc plus facile d’aboutir à une situation comme celle que nous voyons aujourd’hui.

      [A mon sens, l’absence de majorité est une sanction claire de la qualité de gouvernance de LREM bien plus que de ses options idéologiques et reflète la nouvelle structure de l’électorat dans l’hémicycle.]

      Pensez-vous que pour ceux parmi les Français qui se sont rendus aux urnes et qui ont voté LFI ou RN, la « qualité de gouvernance » ait été un élément déterminant de choix ? Franchement, j’ai beaucoup de mal à le croire.

      [Le centrisme est fondé sur le paradoxe des ‘bonnes intentions’: il port en son sein une logique anti-démocratique qui consiste à nier l’antagonisme des points de vue comme étant soluble dans l’harmonie de l’ensemble et l’intelligence des gouvernants. En cela il n’est pas très ‘durable’.]

      Oui. Le succès du centrisme révélait l’absence d’antagonisme de classe dans le champ politique, non parce que les antagonismes aient disparu, mais parce que la classe antagonique du bloc dominant a été chassée du champ politique. Si Macron avait été plus habile, il aurait pu faire durer la chose. Mais ses erreurs ont réveillé suffisamment les couches populaires pour aboutir à la situation actuelle.

      [La configuration du paysage politique en trois forces sociologiquement et idéologiquement distinctes est en réalité potentiellement assez stable: classes populaires hors des métropoles qui votent RN, classes populaires mondialisées /métropolisées qui votent LFI et classes intermédiaires et supérieures des métropoles ou retraitées qui votent donc ‘Ensemble!’. Notre parlement reflète cette nouvelle structure en trois blocs avec retard, mais celle-ci n’est apparue au fond qu’assez récemment lors du mandat Macron 1: il fallait que LR et le PS s’effondrent électoralement pour la révéler.]

      Oui. Sauf que, contrairement à ce qui pouvait se passer il y a quarante ans, le RN capte le vote des couches populaires et LFI celui de l’électorat métropolitain – moins populaire à mon avis que vous ne le croyez – sans nécessairement porter un projet crédible. S’il y a des alternatives électorales, en termes de projet on est à sec.

      [La logique des scrutins de 2022 est finalement assez simple: un majorité de français refuse que MLP atteigne le pouvoir, pour autant le ‘projet’ de Macron est minoritaire. Il s’agit donc de l’empêcher de le mettre en œuvre tel quel sans risquer d’alternance radicale.]

      Tout à fait. C’est un peu le paradoxe dont je parlais plus haut : une majorité ne veut pas du projet Macron, mais il n’y a pas de projet alternatif. Et c’est pourquoi on va continuer probablement avec la politique du chien crevé au fil de l’eau.

      [Vous dites craindre la médiocrité plus que tout le reste – mais, cher Descartes, la majorité des députés LREM n’a-t-elle pas démontré son manque de brio pendant 5 ans ? Réforme des retraites avortée, gilets jaunes rustinisée à coup de dépense publique, destruction d’institution sans alternative crédible (reforme du bac, de l’ENA par ex), européisme déclamatoire plus que suivi d’effet, coups de théâtre à répétition (grand débat, rapprochement avec Trump puis Poutine) sans effet concret sur la scène internationales comme intérieure… Regrettez vous vraiment messieurs Taché, Castaner ou Ferrand? M’est avis que la médiocrité radical socialiste s’est rarement mieux portée que lors des 5 dernières années.]

      Je ne regrette pas les Taché, Castaner ou Ferrand aujourd’hui. Il serait triste que dans deux ou trois ans on se dise que finalement ils n’étaient pas si mal que ça… Oui, je crains les combinaisons médiocres, et surtout l’impuissance. Parce que les Taché, Castaner ou Ferrand avaient au moins l’avantage d’être RESPONSABLES de ce qui se faisait. Tandis qu’avec un gouvernement impuissant, personne n’est responsable de rien puisque tout le monde peut dire « c’est la faute des autres ». Tenez, prenons un exemple : demain, le gouvernement proposera la prolongation de l’état d’urgence sanitaire. Imaginez que l’opposition refuse de la voter. Si après-demain nos hôpitaux sont saturés, ce sera la responsabilité de qui ? Du gouvernement qui n’a pas su proposer un compromis acceptable, ou de l’opposition qui aura refusé ce qu’on lui proposait ?

      [Par ailleurs, vous-même reconnaissez que les nouveaux députés RN doivent être formés et encadrés – ce qui sous-entend que leur capacité à gouverner est encore loin des standards que vous attendez. Mais enfin dans ce cas pourquoi donc avez-vous voté MLP au second tour ? son élection n’eut-elle pas conduit à un gouvernement de pieds nickelés faisant face à une AN le plus probablement sans majorité – donc de la médiocrité au carré selon vos propres critères ?]

      Les députés RN ne sont pas, comme vous le dites, au « standard que j’attends ». Mais ce n’est guère mieux chez les macronistes, et encore moins chez LFI. Lorsqu’on vote, on choisit parmi les possibles. Le RN n’aurait certainement pas gouverné « au standard que j’attends », mais il aurait certainement été plus sérieux – parce que moins persuadé de tout savoir, justement – que ses concurrents.

      [Si la conjoncture récente résonne avec des tendances plus longues comme la crise démocratique, il me semble réducteur de prétendre que celle-ci ne relève que de l’affaiblissement regretté de la puissance publique et du principe TINA (There Is No Alternative).]

      Je reste convaincu que c’est le cas. Le fonctionnement démocratique n’a de sens que si un choix entre plusieurs politiques différentes est possible. Pas étonnant que les gens se désintéressent de la politique si le choix se réduit à sélectionner le type qui aura à appliquer la dernière directive européenne. Et c’est pourquoi ceux qui ont organisé l’impuissance de l’Etat portent la responsabilité de l’affaissement démocratique. Comment le choix peut avoir une importance quelconque si le gouvernant choisi n’a aucun pouvoir ?

      [Finalement nos sociétés qui n’ont pas plus renversé le pouvoir lorsque la participation au vote restait forte sont-elles vraiment plus révolutionnaires ou maltraitées aujourd’hui ? j’en doute – la quantité d’argent public consacré à anesthésier les prurits minoritaires n’a pas diminué.]

      Je ne vois pas de quoi vous parlez ici. Nos sociétés ont bien « renversé le pouvoir lorsque la participation au vote était forte ». En 1958, le vote a donné une nouvelle constitution, en 1969 il a fait partir mongénéral, en 1981 il a mis en place un gouvernement qui parlait de rompre avec le capitalisme et qui pendant trois ans a bien fait une politique différente.

      Ensuite, cela n’a pas de sens de parler de « société maltraitée ». Une société n’est pas un tout homogène : elle est divisée en classes. Les classes populaires sont certainement bien plus « maltraitées », avec un retrait massif des services publics, l’arrêt de l’ascenseur culturel et social. Les classes intermédiaires, au contraire, ne sont certainement pas maltraitées… et continuent à voter !

      [Par ailleurs, les projets alternatifs existent mais ne font pas recette]

      [En somme la baisse de la participation électorale est au moins autant un symptôme de la réussite du modèle libéral dans sa capacité à garantir prospérité et justice]

      Parce que vous trouvez que le modèle libéral a montré sa capacité à garantir prospérité et justice ? Faites un petit tour par les quartiers nord de Marseille ou bien à Hénin-Beaumont, et vous pourrez constater combien leurs habitants sont impressionnés par la prospérité et la justice que garantit le modèle libéral. Et pourtant, ce sont eux qui votent le moins, alors que ceux qui, comme vous, sont persuadés – parce que c’est leur intérêt – que le modèle libéral garantit la prospérité et la justice gardent une participation électorale tout à fait convenable…

      • Axelzzz dit :

        Quelques éléments pour poursuivre cette discussion:
        [Oui, je crains les combinaisons médiocres, et surtout l’impuissance. […] Imaginez que l’opposition refuse de la voter. Si après-demain nos hôpitaux sont saturés, ce sera la responsabilité de qui ?]
        J’avoue ne pas être très convaincu par cet argument. Il me semble assez clair que l’exécutif porte toujours la responsabilité des crises de ce type. et sera tout à fait en mesure de dissoudre le parlement dans le cas où le dit blocage fait courir un risque inacceptable.  
        [Je ne vois pas de quoi vous parlez ici. Nos sociétés ont bien « renversé le pouvoir lorsque la participation au vote était forte ». En 1958, le vote a donné une nouvelle constitution, en 1969 il a fait partir mongénéral, en 1981 il a mis en place un gouvernement qui parlait de rompre avec le capitalisme et qui pendant trois ans a bien fait une politique différente.]
        Il est assez savoureux de comparer la présidence Pompidou à un changement de régime ou une révolution. C’est votre argument sur l’absence de projet alternatif qui que je ne comprends pas: par exemple, à l’heure où les deux forces d’oppositions sont anti-européennes, il est tout à fait possible de voter pour enrayer voir briser al construction européenne. Lorsque MLP mettait la sortie de l’euro dans son programme en 2017, c’est un projet bien plus alternatif que le programme commun de Mitterrand en 81. Or elle l’a abandonné, afin d’accroitre ses chances électorales. 
        Je crois surtout que la faible participation est le symptôme d’un désintérêt: l’offre politique est médiocre simplement car il n’y a pas de demande pour une offre de  plus grande qualité. 
        [Ensuite, cela n’a pas de sens de parler de « société maltraitée ». Une société n’est pas un tout homogène : elle est divisée en classes. Les classes populaires sont certainement bien plus « maltraitées », avec un retrait massif des services publics, l’arrêt de l’ascenseur culturel et social. Les classes intermédiaires, au contraire, ne sont certainement pas maltraitées… et continuent à voter !]
        La France est un des rates pays occidentaux dans lequel les inégalité sont stable sur les 20 dernières années du fait de la redistribution. Au surplus, l’accroissement des aides au classes populaires reste encore un segment très concurrentiel sur le plan politique. Les classes populaires sont maltraitées à coup de dépense publique, c’est cela votre argument? 
        [Parce que vous trouvez que le modèle libéral a montré sa capacité à garantir prospérité et justice ? Faites un petit tour par les quartiers nord de Marseille ou bien à Hénin-Beaumont, et vous pourrez constater combien leurs habitants sont impressionnés par la prospérité et la justice que garantit le modèle libéral. Et pourtant, ce sont eux qui votent le moins, alors que ceux qui, comme vous, sont persuadés – parce que c’est leur intérêt – que le modèle libéral garantit la prospérité et la justice gardent une participation électorale tout à fait convenable…]
        L’idéal libéral porte la promesse de la prospérité et d’une justice régulée par des principes de droit. Par ailleurs, le fait que les 40 dernières années comptent parmi les plus prospères que les sociétés occidentales aient connues historiquement ne fait pas vraiment débat – et elles n’en votent pas plus pour autant. Cette époque de prospérité se termine en effet, mais pas du tout en raison de la crise politique dont vous parlez. 
        On peut tout à fait expliquer le désintérêt pour la chose publique à partir d’un phénomène de désaffiliation à la communauté nationale – et la pregnance des appartenances plus locales. Ce serait là encore très compatible avec un idéal libéral. L’idéal libéral est une société ou la notion d’ordre central est dévaluée pour faire place aux capacités d’auto-organisation (d’où la recherche d’un équilibre entre corruption et respect des règles). 
        Pour clarifier, je crois que notre manque de vitalité démocratique est plutôt le symptôme d’une société libérale qui paradoxalement souhaite le rester malgré les difficultés croissantes. Bien plus que d’une offre politique audacieuse ou d’une construction européenne plus démocratique; c’est de volonté dont nous manquons.

        • Descartes dit :

          @ Axelzzz

          [J’avoue ne pas être très convaincu par cet argument. Il me semble assez clair que l’exécutif porte toujours la responsabilité des crises de ce type.]

          Est-ce raisonnable de faire reposer la « responsabilité » sur celui qui n’a pas le pouvoir d’agir ? Comment reprocher à un Premier ministre de n’avoir pas pris une mesure qui nécessitait une mesure législative, alors que le Parlement a refusé de voter ce qu’il proposait ? C’est bien un problème de responsabilité : si le gouvernement propose de rendre obligatoire le confinement, la vaccination ou le passe sanitaire – toutes mesures qui sont d’ordre législatif – et le Parlement refuse de les voter, qui portera la responsabilité des morts ?

          [et sera tout à fait en mesure de dissoudre le parlement dans le cas où le dit blocage fait courir un risque inacceptable.]

          Sauf qu’entre la dissolution et la réunion d’une nouvelle assemblée il se passera un mois. Pendant ce temps, qui est responsable ?

          [« Je ne vois pas de quoi vous parlez ici. Nos sociétés ont bien « renversé le pouvoir lorsque la participation au vote était forte ». En 1958, le vote a donné une nouvelle constitution, en 1969 il a fait partir mongénéral, en 1981 il a mis en place un gouvernement qui parlait de rompre avec le capitalisme et qui pendant trois ans a bien fait une politique différente. » Il est assez savoureux de comparer la présidence Pompidou à un changement de régime ou une révolution.]

          Je n’ai pas comparé la présidence de Pompidou à une révolution, j’ai comparé le départ de De Gaulle à une révolution. Et ce fut bien un changement de régime, même si la victoire de Pompidou sur Poher – nullement acquise au départ, d’autant plus que Poher était considéré comme le véritable vainqueur du référendum sur l’avenir du Sénat qui avait provoqué le départ de De Gaulle – à permis de prolonger encore quelques années la période « gaullienne ».

          [C’est votre argument sur l’absence de projet alternatif qui que je ne comprends pas: par exemple, à l’heure où les deux forces d’oppositions sont anti-européennes, il est tout à fait possible de voter pour enrayer voir briser la construction européenne. Lorsque MLP mettait la sortie de l’euro dans son programme en 2017, c’est un projet bien plus alternatif que le programme commun de Mitterrand en 81. Or elle l’a abandonné, afin d’accroitre ses chances électorales.]

          Nous ne donnons pas je pense au mot « projet » le même sens. Je fais une distinction entre le « programme » ou les « mesures » d’un côté, et le « projet » de l’autre. Avoir un « programme » c’est dire « je vais faire ceci ou cela », autrement dit, c’est penser en termes de moyens. Avoir un projet, c’est dire « quelle société je veux bâtir », c’est raisonner en termes d’objectifs. Sortir de l’Euro est indispensable pour récupérer les moyens de changer les choses. Mais les changer pour faire quoi ? Voilà la question à laquelle personne ne répond. Finalement, les différences entre les candidats sont purement quantitatives : l’un propose le SMIC à X € ou l’autre propose Y €. L’un veut reculer l’âge de la retraite à X années, là où l’autre propose de l’avancer à Y années.

          Maintenant, quel est le projet alternatif au capitalisme néolibéral ? En quoi consiste et comment fonctionne la société idéale telle que la conçoivent Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon ? Ni l’un ni l’autre n’ont la moindre idée – ou s’ils l’ont, ils ont omis de nous en faire part. Comment on fixe les prix dans le monde enchanté de Mélenchon ou de Le Pen ?

          [Je crois surtout que la faible participation est le symptôme d’un désintérêt : l’offre politique est médiocre simplement car il n’y a pas de demande pour une offre de plus grande qualité.]

          Mais pourquoi se contenter d’une « offre politique médiocre » si on pouvait avoir pour le même prix « une offre politique de grande qualité » ? Je vous accorde que les classes intermédiaires n’ont aucune envie d’une « offre de grande qualité » tout simplement parce qu’elles sont très satisfaites avec le monde tel qu’il est, et n’ont aucune envie que cela change. Des gouvernements médiocres capables de gérer l’Etat à l’économie satisfont parfaitement leur demande. Mais ce n’est pas ces couches sociales-là qui s’abstiennent le plus.

          [La France est un des rares pays occidentaux dans lequel les inégalités sont stable sur les 20 dernières années du fait de la redistribution.]

          Cela dépend de quelles inégalités vous parlez. C’est vrai pour les inégalités de revenu. C’est moins évident pour les inégalités en termes de promotion sociale, d’accès au savoir, de sécurité. Par ailleurs, nous avons une particularité en France : si le premier décile est relativement épargné – il voit même son revenu augmenter – ce n’est pas le cas des deux déciles suivants. Autrement dit, ce n’est pas la situation des plus pauvres qui se dégrade, mais celle des salariés modestes.

          [Au surplus, l’accroissement des aides au classes populaires reste encore un segment très concurrentiel sur le plan politique. Les classes populaires sont maltraitées à coup de dépense publique, c’est cela votre argument ?]

          A quelles « aides » pensez-vous ? La compétitivité de « l’accroissement des aides aux classes populaires » me semble un dogme contredit par l’expérience : ces années-ci on a vu une réforme des allocations chômage particulièrement défavorable aux couches populaires, une réduction des APL, des revalorisations de l’ensemble des allocations et du SMIC largement inférieures à l’inflation… les seules « aides » qui augmentent régulièrement sont celles accordées aux entreprises !

          [« Parce que vous trouvez que le modèle libéral a montré sa capacité à garantir prospérité et justice ? (…) » L’idéal libéral porte la promesse de la prospérité et d’une justice régulée par des principes de droit.]

          Si « porter la promesse » suffisait pour « montrer sa capacité à garantir », l’URSS serait encore là et serait le paradis sur terre.

          [Par ailleurs, le fait que les 40 dernières années comptent parmi les plus prospères que les sociétés occidentales aient connues historiquement ne fait pas vraiment débat]

          Pardon, mais vous évacuez un peu vite le débat. Si l’on se réfère à des indicateurs comme le PIB, on observe une hausse tendancielle de celui-ci au moins depuis la Renaissance. Quelque soit la période historique considérée depuis le XVIème siècle, il y a des grandes chances que les « 40 dernières années soient les plus prospères que les sociétés occidentales aient connu ». Cela ne nous dit donc rien sur l’aptitude du modèle libéral à tenir ses promesses de prospérité et de justice. Et si vous vous référez à d’autres indicateurs – la sécurité, les perspectives de promotion sociale, la part relative de la production allant au travail – les « 30 glorieuses » semblent bien plus « prospères » que les « 40 piteuses »…

          [On peut tout à fait expliquer le désintérêt pour la chose publique à partir d’un phénomène de désaffiliation à la communauté nationale – et la prégnance des appartenances plus locales.]

          On pourrait, mais alors on devrait observer une augmentation de la participation politique locale concomitante à la diminution de la participation aux élections nationales. Or, ce n’est pas ce qu’on observe. La participation aux municipales a été divisée par deux en quarante ans : elle était de 80% en 1983, contre 42% en 2020. Et ce n’est guère mieux pour les départementales (70% en 1982, 33% en 2021). A côté, les élections nationales se tiennent plutôt mieux…

          [Ce serait là encore très compatible avec un idéal libéral. L’idéal libéral est une société ou la notion d’ordre central est dévaluée pour faire place aux capacités d’auto-organisation (d’où la recherche d’un équilibre entre corruption et respect des règles).]

          Je ne sais pas ce que vous appelez « capacité d’auto-organisation ». Il est vrai que l’idéal libéral tend à confier la régulation de la société au marché, et donc réduire le rôle du politique à la préservation des conditions permettant au marché de fonctionner, c’est-à-dire, à la simple fonction de maintien de l’ordre interne et externe. Si vous ajoutez à cela l’idée néolibérale que cette fonction est purement technique et peut donc être assurée par des institutions « apolitques »… vous aboutissez en effet à l’idée que la politique ne sert plus à rien.

          Par contre, votre commentaire m’interroge. Vous, qui êtes un libéral, pensez-vous que la baisse de la participation marque le triomphe des idées libérales ?

          [Pour clarifier, je crois que notre manque de vitalité démocratique est plutôt le symptôme d’une société libérale qui paradoxalement souhaite le rester malgré les difficultés croissantes.]

          Pourquoi « paradoxalement » ? Vous m’expliquez plus haut que le libéralisme a « a montré sa capacité à garantir prospérité et justice ». Comment les gens pourraient-ils vouloir quitter un système aussi merveilleux ?

  16. François dit :

    Bonjour Descartes,
    [Dimanche 19 juin la France a fait un grand pas… en arrière. Plus de soixante ans en arrière, pour être précis. Pour la première fois depuis 1958, nous avons un président sans projet et sans majorité parlementaire.]
    Je le confesse, j’ai vendu mon âme au diable en votant « NUPES » dans ma circonscription au second tour des législatives, par pur plaisir infantile sadique de destruction, en privant Macron d’une majorité. Et tant pis si l’instabilité parlementaire débouche sur une grave crise institutionnelle, surtout combinée avec la crise économique qui point son nez à l’horizon. Et au fond c’est ce qu’il y a de mieux à souhaiter. Que les médiocres soient balayés par les évènements pour laisser place à des Hommes d’État, comme la France l’a vécu à de multiples reprises dans le passé.
     
    [Dans des systèmes bien plus « horizontaux », la participation tend aussi à baisser : c’est le cas en Allemagne, où l’on est passé de 89 % dans les années 1970 à 75 % aujourd’hui, chiffres comparables d’ailleurs à ceux de notre élection présidentielle.]
    L’accroissement de l’abstention est-elle le résultat d’une déception vis à vis du politique, ou dans un contexte d’individualisme de plus en plus important, une absence d’intérêt pour la chose publique dans le monde occidental ? Dans une société où l’on préfère devenir devenir « influenceur » ou footballeur plutôt que scientifique ou philosophe, j’opte pour la seconde option.
     
    [D’une part, parce que les classes intermédiaires, qui sont les seules avec la bourgeoisie à avoir les instruments intellectuels qui permettraient de formuler un projet politique alternatif crédible refusent catégoriquement de le faire, et ne proposent que des utopies irréalisables qui bloquent toute réflexion sur une alternative réelle.]
    Mais parmi vos « classes intermédiaires », il y a intellectuels comme journalistes politiques qui proposent un projet alternatif, même s’ils sont certes minoritaires, mais force est de constater que les Français ne les écoutent pas. Tant pis pour eux, car comme le dit le proverbe Shadok, on n’est jamais mieux frappé que par soi-même.
     
    [Et d’autre part, parce que le bloc dominant a construit un ensemble de contraintes (juridiques, techniques, politiques) qui rendent impossible la mise en œuvre de tout projet alternatif quand bien même il serait formulé.]
    Mais ces contraintes, juridiques en particulier, ne sont que des bouts de papiers, et la Kommission n’est pas mesure de faire rouler des chars sur Paris (la réciproque étant en revanche vraie) pour les faire respecter. Bien entendu, retrouver sa souveraineté ne serait pas une partie de plaisir, mais les bonzes de Bruxelles ne pourraient pas refuser un divorce à l’amiable, en particulier en ce qui concerne l’Euro, la France même affaiblie n’étant pas la Grèce, lui faire payer son « insoumission » reviendrait à créer à appuyer sur le bouton d’autodestruction de la zone Euro. Seulement pour que ce projet soit possible, il faudrait que les Français ne soient pas obsédés par leurs prochaines vacances à Palavas-les-Flots.
     
    [En fait, c’est une constante depuis 1981 : on peut voter à droite, on peut voter à gauche, à la fin on aboutit aux mêmes politiques, aux détails cosmétiques près.]
    Plus exactement, depuis 1981, les Français ne font que choisir les produits en tête de gondole. Il ne leur ai pas venu l’idée d’essayer le produit au fond du rayon qui ne paie pas de mine. Est-il besoin de rappeler le score de Chevènement en 2002 ? De de Villiers en 2007 ? De Nicolas Dupont-Aignan en 2012 ? D’Asselineau en 2017 ?
     
    [Puisque la seule politique possible – avec ses nuances – sera faite par les classes intermédiaires pour leur propre bénéfice quel que soit le résultat des élections, à quoi bon aller voter ?]
    Pensez vous que si MLP avait été élue en 2017 (et même cette année), qu’elle se serait soumise très rapidement pour mener une politique au seul bénéfice des « classes intermédiaires » ? Et qui ne tente rien n’a rien.
    La France est une démocratie, où les élections sont libres avec une offre politique variée. Ça n’est en aucun cas un pays du Cône Sud durant les années 70, où les miloufs avec la complicité d’une puissance étrangère n’hésitaient à sortir de leurs casernes si le verdict des urnes ne leur convenait pas. Donc j’en conclue que si l’on a droit aux mêmes politiques depuis quarante ans, c’est qu’au fond elles conviennent très bien à la majorité des Français. Et le fait que l’autoroute A7 devrait encore être bien chargée cet été va dans mon sens.

    • Descartes dit :

      @ François

      [Je le confesse, j’ai vendu mon âme au diable en votant « NUPES » dans ma circonscription au second tour des législatives, par pur plaisir infantile sadique de destruction, en privant Macron d’une majorité.]

      Vous me direz quarante « ave Lénine » et cinquante « notre petit père des peuples », ego te absolvo. Plus sérieusement : je ne vous blâme pas. On avait le choix entre Charybde et Scylla, entre l’arrogance d’un Macron ayant une majorité absolue et l’impuissance d’un Macron sans majorité. En toute honnêteté, je n’aurais pas su quoi recommander. Personnellement, je n’ai pas eu à faire ce choix, le candidat NUPES ayant été éliminé au premier tour.

      [Et tant pis si l’instabilité parlementaire débouche sur une grave crise institutionnelle, surtout combinée avec la crise économique qui pointe son nez à l’horizon. Et au fond c’est ce qu’il y a de mieux à souhaiter. Que les médiocres soient balayés par les évènements pour laisser place à des Hommes d’État, comme la France l’a vécu à de multiples reprises dans le passé.]

      Je me méfie de la politique du pire, mais elle est quelquefois féconde…

      [L’accroissement de l’abstention est-elle le résultat d’une déception vis à vis du politique, ou dans un contexte d’individualisme de plus en plus important, une absence d’intérêt pour la chose publique dans le monde occidental ? Dans une société où l’on préfère devenir devenir « influenceur » ou footballeur plutôt que scientifique ou philosophe, j’opte pour la seconde option.]

      Je ne suis pas convaincu. D’abord, un influenceur ou un footballeur sont autant tournés vers le « collectif » qu’un scientifique ou un philosophe. Mais surtout, je soumets à votre sagacité le fait suivant : alors que les couches populaires s’abstiennent massivement, les classes intermédiaires ont des participations qui restent raisonnables. Doit on conclure que l’individualisme est plus fort chez les ouvriers que chez les cadres supérieurs ? Ou plutôt que les ouvriers ont compris que leur vote n’a aucune chance de faire avancer leurs intérêts, alors que le cadre supérieur a le choix entre des candidas qui défendent les siens ?

      [Mais parmi vos « classes intermédiaires », il y a intellectuels comme journalistes politiques qui proposent un projet alternatif, même s’ils sont certes minoritaires, mais force est de constater que les Français ne les écoutent pas.]

      Vous pensez à qui ?

      [« Et d’autre part, parce que le bloc dominant a construit un ensemble de contraintes (juridiques, techniques, politiques) qui rendent impossible la mise en œuvre de tout projet alternatif quand bien même il serait formulé. » Mais ces contraintes, juridiques en particulier, ne sont que des bouts de papiers, et la Kommission n’est pas mesure de faire rouler des chars sur Paris (la réciproque étant en revanche vraie) pour les faire respecter. Bien entendu, retrouver sa souveraineté ne serait pas une partie de plaisir, mais les bonzes de Bruxelles ne pourraient pas refuser un divorce à l’amiable, en particulier en ce qui concerne l’Euro, la France même affaiblie n’étant pas la Grèce, lui faire payer son « insoumission » reviendrait à créer à appuyer sur le bouton d’autodestruction de la zone Euro.]

      Certes, les contraintes juridiques ne constituent nullement une impossibilité, mais tendent à faire augmenter le coût de la rupture. Le système de contraintes communautaire a cela de particulier qu’on ne peut changer quelque chose qu’en changeant tout, et cela fait peur. Il faut avoir une confiance totale dans sa propre capacité comme nation à surmonter les problèmes pour voter un Brexit… en France on est trop peureux pour cela. Il nous faut un homme providentiel capable de dire « impossible n’est pas français » et de nous en persuader…

      [« En fait, c’est une constante depuis 1981 : on peut voter à droite, on peut voter à gauche, à la fin on aboutit aux mêmes politiques, aux détails cosmétiques près. » Plus exactement, depuis 1981, les Français ne font que choisir les produits en tête de gondole. Il ne leur ai pas venu l’idée d’essayer le produit au fond du rayon qui ne paie pas de mine. Est-il besoin de rappeler le score de Chevènement en 2002 ? De de Villiers en 2007 ? De Nicolas Dupont-Aignan en 2012 ? D’Asselineau en 2017 ?]

      Sans vouloir vous offenser, ni de Villiers, ni Dupont-Aignan, ni Asselineau n’avaient de véritable contre-projet à proposer. Tout au plus une collection de mesures, assez incohérentes d’ailleurs. Même Chevènement, pour qui j’ai le plus grand respect, a eu du mal à sortir de l’ambiguïté et de dessiner autre chose qu’une vague bonne volonté.

      [« Puisque la seule politique possible – avec ses nuances – sera faite par les classes intermédiaires pour leur propre bénéfice quel que soit le résultat des élections, à quoi bon aller voter ? » Pensez-vous que si MLP avait été élue en 2017 (et même cette année), qu’elle se serait soumise très rapidement pour mener une politique au seul bénéfice des « classes intermédiaires » ? Et qui ne tente rien n’a rien.]

      C’est parce qu’il y a un doute sur cette question que MLP garde une partie du vote des couches populaires. Mais je ne mettrais pas mes mains au feu sur cette question, et j’imagine que mon scepticisme est partagé par une partie de l’électorat populaire.

      [La France est une démocratie, où les élections sont libres avec une offre politique variée.]

      Vous trouvez ? En 2022, quel était le candidat qui me proposait le Frexit ?

      [Donc j’en conclue que si l’on a droit aux mêmes politiques depuis quarante ans, c’est qu’au fond elles conviennent très bien à la majorité des Français. Et le fait que l’autoroute A7 devrait encore être bien chargée cet été va dans mon sens.]

      Avec certaines nuances : elles conviennent certes à beaucoup de français. Et les autres ne croient pas qu’une autre politique soit possible, et ne sont pas prêts à prendre le risque.

  17. dsk dit :

    @ Descartes
     
    [“Sur ce point, je vous suis. La situation d’aujourd’hui n’est pas une rupture, mais une marche de plus dans une descente qui se poursuit depuis plus de trente ans. Les instruments qui avaient permis à la Vème « gaullienne » de conduire des politiques cohérentes ont été désarmés un à un, pour être remplacés par des logiques de « compromis » à tous les niveaux.”]
     
    Tout à fait. De ce point de vue, le “jupitérisme” serait sans doute un mot qui, comme souvent, servirait à masquer l’absence de la chose. Ce serait plutôt, en fait, Jupiter ensemble avec Neptune, ainsi qu’avec Junon et Minerve pour respecter la parité.
     
    [” L’UE est de ce point de vue un exemple quasi caricatural : la tant vantée « logique du compromis » des institutions européennes aboutissent à des politiques irrationnelles dont on découvre les effets désastreux lorsqu’il est trop tard pour agir – la politique de l’énergie est le dernier exemple en date.”]
     
    Exactement. J’ai l’impression que ces gens sont tellement heureux lorsqu’il arrivent à un compromis, car cela signifie sans doute, dans leur esprit, que “l’Europe a avancé”, que le contenu même de ce compromis leur paraît finalement secondaire. J’ajouterais que dans le genre irrationnel et désastreux, la “guerre économique totale” de l’UE contre la Russie ne me semble pas mal non plus. 
     

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Tout à fait. De ce point de vue, le “jupitérisme” serait sans doute un mot qui, comme souvent, servirait à masquer l’absence de la chose.]

      Que voulez-vous, n’est pas Jupiter qui veut. Il manquait à Macron deux choses pour tenir le défi : d’abord, d’avoir « une certaine idée de la France » qui lui serve de boussole, et la fermeté intellectuelle pour la suivre. A cela s’ajoute son incapacité à s’entourer de gens compétents, de leur faire confiance et de les laisser travailler.

      [Exactement. J’ai l’impression que ces gens sont tellement heureux lorsqu’il arrivent à un compromis, car cela signifie sans doute, dans leur esprit, que “l’Europe a avancé”, que le contenu même de ce compromis leur paraît finalement secondaire.]

      Bonne observation. Ce qui conduit d’ailleurs à voir des politiques condamner a posteriori les textes qu’ils ont signé et défendu. Pensez à Mélenchon avec Maastricht ou des accords de Barcelone qui préparaient l’ouverture à la concurrence de l’électricité et du gaz…

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