« Aucun pays, aucun peuple ne peut envisager l’âge du loisir et de l’abondance sans effroi. » (John Maynard Keynes)
Samedi, j’étais à la manif. Pour protester contre une réforme des retraites qui à mon sens est inique et injuste, bien sûr. Pour retrouver des amis et tâter un peu le pouls de la foule aussi. Mais une manifestation, c’est aussi un puissant aliment à la réflexion. Dans les pancartes, dans les discussions, dans les tracts et les slogans, on voit se dessiner une forme de pensée sociale, une idéologie.
Et le moins que je puisse dire, c’est que je ne suis pas emballé. Dans un papier précédent, je m’insurgeais contre cette idée qui veut faire du monde du travail une sorte de purgatoire par lequel on devrait passer pour, soixante ans sonnés, entrer au paradis du loisir. Et bien, cette idée semblait aux manifestants tellement évidente, qu’elle ne supporte pas de discussion. Témoin, la multiplication des pancartes du genre « je ne veux pas perdre ma vie à la gagner » ou « Macron veut me voler deux années de vie ». Comme si les années au travail ne comptaient pas dans la « vie », comme si l’on ne commençait à « vivre » qu’une fois la porte du travail franchie.
Bien entendu, la faute n’incombe pas aux manifestants. Ils ne font que refléter l’idéologie dominante, qui depuis plus de quarante ans dévalorise le travail et promeut le loisir à tout prix. Le plus amusant, cependant, est que cette idéologie n’a pas totalement remplacé la logique antérieure qui valorisait au contraire le travail : on n’assume pas totalement l’idée d’une équivalence entre loisir et retraite. Au contraire, on voit se multiplier les argumentations sur « l’utilité » des retraités : de la garde des petits enfants au travail de son potager, du bricolage aux activités associatives, tout y passe. Le discours d’un Ruffin faisant de la retraite l’occasion de pêcher à la ligne ou de prendre des cours de zumba, ou ceux d’une Rousseau vantant à la tribune de l’Assemblée « le droit à la paresse » ne semblent pas avoir beaucoup de prise sur une manifestation essentiellement syndicale. L’image proposée samedi est plutôt celle du retraité « actif » qui continue à sa façon à « travailler ».
Une image qui coexiste paradoxalement avec un discours sur les travailleurs « cassés » par des années de labeur et donc incapables de faire quoi que ce soit. Car il faudrait m’expliquer en quoi celui qui est trop « cassé » pour garder les enfants des autres serait en forme à l’heure de garder ses petits-enfants, pourquoi celui qui peut soigner son potager ne pourrait pas continuer à travailler dans l’agriculture, pourquoi celui qui préside une association serait trop usé pour continuer à faire un travail de cadre. Pourquoi ces tâches, qui sont perçues comme agréables et attractives alors qu’on est retraité, sont au contraire considérées comme infernales lorsqu’elles font partie de la vie active ?
Il y a, à mon sens, deux différences qui au fond pointent vers le même mécanisme : la première tient à l’intensité du travail. L’augmentation continue de celle-ci sous la pression de la sacrosainte « concurrence libre et non faussée » a rendu le lieu de travail beaucoup moins intéressant, moins accueillant, moins social. On garde ses petits-enfants, on soigne son potager ou on bricole à son rythme, un rythme compatible avec son épanouissement. Ce n’est pas le cas dans le monde du travail. Paradoxalement, la recherche du loisir et donc la pression à la baisse du temps de travail contribue à concentrer le travail sur un temps chaque fois plus court, et donc à le rendre plus intense.
Et cela amène à la deuxième différence, qui est le rapport aux autres. Il ne vous aura pas échappé que dans la revendication « m’occuper de mes petits-enfants », « soigner mon potager » ou « bricoler ma maison », le possessif est omniprésent. Pourquoi s’occuper de « mes » petits enfants serait-il plus gratifiant que de s’occuper des petits-enfants des autres ? Pourquoi réparer « mon » toit ou « ma » chaudière serait plus intéressant que d’aller le faire chez quelqu’un d’autre ? C’est que le rapport à « l’autre » a changé. Hier, « l’autre » était un usager qui vous était reconnaissant de votre travail. De plus en plus, « l’autre » est devenu un client, qui entend être servi au niveau de ce qu’il paye, sans qu’il y ait avec le prestataire du service un rapport de reconnaissance, ni même un rapport humain. Pour ne donner qu’un exemple de cette transformation, il suffit de regarder le mal-être des équipes hospitalières, confrontés de plus en plus à des gens agressifs et méfiants, qui se placent dans une logique client-fournisseur, et d’un management qui cherche à satisfaire cette logique.
Il faut d’ailleurs remarquer combien l’air du temps témoigne d’un retour à une vision immobiliste de la société. Imagine-t-on les soixante-huitards parler de la retraite ? Non, bien entendu : puisque la vie allait changer, que la révolution était à nos portes et qu’une société plus juste devait advenir, à quoi bon s’inquiéter ? On voit que la position de la jeunesse aujourd’hui est tout à fait différent : elle pense à sa retraite, ce qui tend à prouver qu’elle ne croit pas vraiment à un changement radical dans le prochain demi-siècle (1). Et lorsqu’elle s’en désintéresse, ce n’est pas parce qu’elle anticipe le « grand soir », mais plutôt par fatalisme, sur le mode « de toute façon, nous n’aurons pas de retraite ». Cette perception rejoint l’impression que l’avenir est bouché, qu’il n’y a pas de changement en perspective si ce n’est pour le pire.
L’approfondissement du capitalisme nous a amené à une situation où l’intensification du travail et sa perte de sens d’une part, le manque de perspective progressiste d’autre part, fait de la retraite une aspiration presque mystique. On investit dans un imaginaire de la retraite tout ce que la société capitaliste avancée dans laquelle nous vivons nous refuse pendant la vie active. Le christianisme obtenait l’acceptation des privations et des malheurs sur terre avec la promesse d’un au-delà paradisiaque. Dans un monde désenchanté, on obtient la même acceptation en faisant miroiter un paradis – largement imaginaire – à 62 ans. Et on le voit bien dans la pratique : quand les syndicats cherchent à mobiliser sur les conditions de travail, l’emploi ou les salaires, les mobilisations font peine à voir. Mais touchez aux retraites, et vous aurez des centaines de milliers, voire des millions dans la rue. Cela donne bien une idée de la vision dominante de la société : nous acceptons une dégradation permanente de notre vie active – qui occupe quand même l’essentiel de notre passage sur terre – mais nous ne supportons pas qu’on touche à cet « au-delà du travail » que nous nous représentons comme un paradis sur terre. En fait – et cela apparaît clairement dans le discours politique aujourd’hui – c’est l’espoir de cet « au-delà » qui nous fait tenir, et qui permet de faire accepter la dégradation du reste.
Oui, je suis d’accord, « il ne faut pas perdre sa vie à la gagner ». Mais ce n’est pas la retraite qui peut résoudre ce problème. La clé du progrès social se trouve dans la vie active. La promesse d’un « après » a toujours servi pour alimenter la résignation au présent. Plus que penser à « vivre » après et en dehors du travail, il faut tout faire pour qu’on puisse « vivre » tout en travaillant. Que le travail ne soit pas une « perte de vie ». Ce qui suppose d’investir les gains de productivité non pas dans la rémunération du capital ou dans la réduction du temps de travail, mais dans sa des-intensification. « Travailler mieux », moins intensément, au lieu de « travailler moins ». Ce qui suppose d’en finir avec la division de la vie entre loisir et travail, entre « vie personnelle » et « vie professionnelle ». Nous n’avons qu’une vie, et elle doit intégrer tous les aspects en un seul paquet. Et accessoirement – mais cela reste une utopie tant que le capitalisme est le mode de production dominant – redonner du sens au travail en rétablissant le rapport d’usage et non de clientèle. Garder ou instruire les enfants des autres doit pouvoir procurer autant de plaisir, autant de sentiment d’utilité, que de garder ou instruire les siens.
Descartes
(1) On remarquera que même chez la « gauche radicale », qui affirme à chaque opportunité que la révolution citoyenne – ou écologique, ou féministe – est en marche, les jeunes se mobilisent pour les retraites bien plus que sur d’autres sujets. Ce qui est fondamentalement contradictoire : si « le monde va changer de base », alors la question de la vieillesse se posera nécessairement en des termes très différents…
Lorsque les révolutionnaires de 1789 ont chamboulé l’ordre ancien aristocratique ils ont aboli aussi l’idée du paradis post mortem pour en faire une idée actuelle.Le bonheur est une idée neuve ,ici et maintenant,ont proclamé ces matérialistes.Depuis,la France a maintenu cette orientation vaille que vaille, malgré les écueils théologiques nationaliste-ethniciste et capitalistes..Aujourd’hui ces métaphysiques ont refait surface surtout depuis 1983.Cette contradiction est peut-être consubstantielle au tragique de l’être social qui est face aux abîmés de l’angoisse générée de part sa condition de mortel..Alors,devenu,consommateur à 100%,le français a tendance a considéré que sa période d’activité professionnelle est du temps perdu,’une torture’dont il faut s’accommoder jusqu’à 60ans pour arriver au ‘paradis’du loisir à 100%..
N’est ce pas de la pure illusion,de la pure nouvelle mythologie,comme Roland Barthes l’a défini ?
Mais vous même,cher Descartes n’y avez vous pas succombé car vous avez manifesté samedi comme moi ? Ou alors avez vous montré comme moi votre mécontentement pour d’autres sujets comme la politique de l’OTAN dans le Donbass ou face au sabotage de Nordstream,d’EDF et de la paix en Ukraine ?
@ Luc
[N’est ce pas de la pure illusion,de la pure nouvelle mythologie,comme Roland Barthes l’a défini ? Mais vous même,cher Descartes n’y avez vous pas succombé car vous avez manifesté samedi comme moi ?]
Le mot d’ordre de la manifestation était le retrait de la réforme. Un mot d’ordre avec lequel je suis à 100% d’accord, puisque je trouve cette réforme injuste et inefficace. Si le mot d’ordre avait été “la retraite à 60 ans pour tous”, je n’aurais probablement pas été manifester, parce que je ne suis pas d’accord.
Si le mot d’ordre avait été “la retraite à 60 ans pour tous”, je n’aurais probablement pas été manifester, parce que je ne suis pas d’accord.
Pourquoi ? “La retraite à 60 ans pour tous” revendique un droit, pas une obligation.
Personnellement, si je ne vais plus aux manifs à Lyon, c’est parce que j’en ai plus que marre de défiler derrière les “black blocks” et autre “antifas”, qui prennent systématiquement la tête du cortège dans l’indifférence totale des organisations syndicales, quasiment complices.
Je ne veux plus servir de masse de manœuvre à ces connards décérébrés !
@ Gugus69
[« Si le mot d’ordre avait été “la retraite à 60 ans pour tous”, je n’aurais probablement pas été manifester, parce que je ne suis pas d’accord. » Pourquoi ? “La retraite à 60 ans pour tous” revendique un droit, pas une obligation.]
Et alors ? Je ne suis pas d’accord pour qu’un médecin ou un ingénieur, auxquels l’ensemble de la collectivité nationale a payé des études très longues, et qui peuvent parfaitement continuer à travailler jusqu’à un âge relativement avancé, aient le « droit » de partir à 60 ans. Il est juste que ceux qui ont bénéficié d’études longues gratuites payées en partie par ceux qui n’ont pas pu les faire travaillent plus longtemps pour permettre à ces derniers de partir plus tôt…
Par ailleurs, ce « droit » tend à devenir une « obligation ». En effet, si on a le « droit » de partir à 60 ans, votre patron cessera d’investir en vous à partir du milieu de la cinquantaine. A quoi bon vous payer une formation ou vous confier un poste de responsabilité si vous pouvez claquer la porte à n’importe quel moment ?
[Personnellement, si je ne vais plus aux manifs à Lyon, c’est parce que j’en ai plus que marre de défiler derrière les “black blocks” et autre “antifas”, qui prennent systématiquement la tête du cortège dans l’indifférence totale des organisations syndicales, quasiment complices.]
Je partage votre sentiment, d’autant plus que dans ma jeunesse j’ai fait partie du service d’ordre de la CGT… à l’époque, je peux vous dire, les gauchistes étaient rangés en fin de manif, tous ensemble, pour que les CRS puissent s’en occuper une fois les autres manifestants partis. Mais je dois noter que lors des manifestations de ces dernières semaines, les syndicats ont repris l’affaire en main. Je pense qu’ils ont finalement compris que gauchisme et classe ouvrière ne font pas bon ménage.
Je ne suis pas d’accord pour qu’un médecin ou un ingénieur, auxquels l’ensemble de la collectivité nationale a payé des études très longues, et qui peuvent parfaitement continuer à travailler jusqu’à un âge relativement avancé, aient le « droit » de partir à 60 ans.
Allons, ami et camarade, vous savez bien que ce problème se règle par la durée de cotisation. Un médecin qui commence à travailler à 28 ans ne pourra pas partir à 60 ans si on exige 42 ans de cotisation…
@ Gugus69
[Allons, ami et camarade, vous savez bien que ce problème se règle par la durée de cotisation. Un médecin qui commence à travailler à 28 ans ne pourra pas partir à 60 ans si on exige 42 ans de cotisation…]
Bien sur que si. On fait semblant de croire qu’on ne peut partir qu’avec tous ses trimestres. Mais c’est faux: vous pouvez partir avant, à condition d’accepter les pénalités, qui sont de 0,625% par trimestre manquant (2,5% par an) plafonné à 12%. Autrement dit, votre médecin partant à 60 ans et cotisant depuis les 28 ans partira avec une décote de 12%, parfaitement tolérables pour ceux qui ont eu un bon salaire, surtout si celui-ci leur a permis de se former un patrimoine.
votre médecin partant à 60 ans et cotisant depuis les 28 ans partira avec une décote de 12%, parfaitement tolérables pour ceux qui ont eu un bon salaire, surtout si celui-ci leur a permis de se former un patrimoine.
Ce que vous objectez est vrai.
Mais alors, pourquoi ne pas jouer justement sur la décote pour la rendre rédhibitoire ?
Cela permettrait de maintenir la retraite à 60 ans pour les ouvriers qui sont aux manettes depuis l’âge de 16 ou 18 ans…
@ Gugus69
[Mais alors, pourquoi ne pas jouer justement sur la décote pour la rendre rédhibitoire ?]
Parce que vous risqueriez de pénaliser les carrières hachées, par exemple les ouvriers ayant connu de longues périodes de chômage.
Non, plus je le pense, et plus mon idée de “plafond glissant” me semble la bonne…
L’exemple n’est pas bon du tout. Le médecin, certes n’aura son diplôme qu’assez tard.
Mais il est externe pensant ses 4ème, 5ème, et 6ème années de médecine ; interne ensuite. Si bien qu’il commence à acquérir des trimestre dès sa 4ème année. Vers 21 ans. Voire moins s’il a été recruté pour donner des cours en 1ère année quand il était lui même en 3ème année.
[Cette perception rejoint l’impression que l’avenir est bouché, qu’il n’y a pas de changement en perspective si ce n’est pour le pire.]
Ce que, pour ma part, je traduis par : “Si on dit si souvent que c’était mieux avant, c’est surtout parce qu’avant, on pensait que ce serait mieux après”.
[ le manque de perspective progressiste ]
N’est-ce pas plutôt que le mot “progressisme” a subi un fameux glissement sémantique ? Aujourd’hui, les bien-pensants rangent sous la bannière du “progressisme” des évolutions dont j’ai beaucoup de mal à me convaincre qu’elles constituent un “progrès” pour l’espèce humaine.
Enfin, lorsque vous parlez d’intensification du travail, ne pensez-vous pas que celle-ci est également due à l’élévation du niveau de vie (entendu dans son sens purement matériel) ? Nos anciens travaillaient peut-être de façon moins “intense” (quoique…) mais se contentaient d’une vie beaucoup plus dépouillée, et nombre d’éléments qui aujourd’hui, semblent aller de soi, leur seraient apparus comme le comble du luxe. Par ailleurs, j’avoue ne pas être vraiment convaincu par votre notion d'”intensification du travail”. Nombre de gens, y compris dans un secteur que je connais un tout petit peu, celui de la santé, se disent assez facilement “débordés” alors que leur rythme de travail ne me semble pas exagéré. Voyez donc les médecins libéraux, en grève aujourd’hui, et qui proclament ne pas vouloir travailler 70 heures par semaine comme leurs devanciers, dont votre serviteur, mais qui ne semblent pas pour autant consentir à une baisse de leur revenu. Sans vouloir jouer les vieux cons, ne sagirait-il pas d’un changement du rapport au travail, plutôt que de son “intensification” ?
@ maleyss
[« Cette perception rejoint l’impression que l’avenir est bouché, qu’il n’y a pas de changement en perspective si ce n’est pour le pire. » Ce que, pour ma part, je traduis par : “Si on dit si souvent que c’était mieux avant, c’est surtout parce qu’avant, on pensait que ce serait mieux après”.]
Il y a de ça, certainement. L’existence d’une perspective future rend le présent plus acceptable. Au moyen-âge, l’espérance chrétienne d’une vie au paradis après la mort permettait aux paysans de supporter la misère, la maladie, les guerres. Au XIXème et XXème siècle, la religion du progrès a joué le même rôle. Aujourd’hui, c’est une retraite qu’on investit de toutes les plaisirs de la société des loisirs qui s’y substitue. Au « ce sera mieux après » collectif du « grand soir », on a substitué le « ce sera mieux après… la vie active ».
[« le manque de perspective progressiste » N’est-ce pas plutôt que le mot “progressisme” a subi un fameux glissement sémantique ? Aujourd’hui, les bien-pensants rangent sous la bannière du “progressisme” des évolutions dont j’ai beaucoup de mal à me convaincre qu’elles constituent un “progrès” pour l’espèce humaine.]
Plus que « glissement sémantique », il faut parler de « récupération ». Mais je ne vois aucune raison d’abandonner le terme juste parce que le « cercle de la raison » prétend se l’approprier. L’idée de progrès – qui au fond implique une confiance dans la capacité humaine à rendre le monde meilleur – me paraît essentielle. Et il faut dénoncer avec constance ceux qui veulent nous convaincre qu’on « progresse » parce qu’on « fait du nouveau ».
[Enfin, lorsque vous parlez d’intensification du travail, ne pensez-vous pas que celle-ci est également due à l’élévation du niveau de vie (entendu dans son sens purement matériel) ? Nos anciens travaillaient peut-être de façon moins “intense” (quoique…) mais se contentaient d’une vie beaucoup plus dépouillée, et nombre d’éléments qui aujourd’hui, semblent aller de soi, leur seraient apparus comme le comble du luxe.]
Il n’y a pas de lien mécanique. En une génération, les gains de productivité sont considérables. Autrement dit, avec la même intensité de travail on produit aujourd’hui beaucoup plus qu’il y a trente ans. La question est comment on partage ce surplus : on peut choisir de gagner plus, de travailler moins, de travailler moins intensément ou une combinaison des trois. Il y a aussi le partage entre les couches sociales : si l’on veut augmenter massivement la part du capital, il est clair qu’il y aura moins à distribuer ailleurs…
Ces partages ont beaucoup varié dans le temps : au début de la révolution industrielle, quand il fallait constituer le capital, on assiste à une intensification massive alors que le niveau de vie progresse peu par rapport à la productivité. Dans les années 1930, on assiste au contraire à une hausse du niveau de vie et une dés-intensification…
[Par ailleurs, j’avoue ne pas être vraiment convaincu par votre notion d’”intensification du travail”. Nombre de gens, y compris dans un secteur que je connais un tout petit peu, celui de la santé, se disent assez facilement “débordés” alors que leur rythme de travail ne me semble pas exagéré.]
La perception subjective ne dit pas grande chose. La question est de comparer ce rythme de travail à ce qu’il était il y a vingt ou trente ans, en tenant compte de l’ensemble des éléments qui fait la pression du travail.
[Voyez donc les médecins libéraux, en grève aujourd’hui, et qui proclament ne pas vouloir travailler 70 heures par semaine comme leurs devanciers, dont votre serviteur, mais qui ne semblent pas pour autant consentir à une baisse de leur revenu. Sans vouloir jouer les vieux cons, ne sagirait-il pas d’un changement du rapport au travail, plutôt que de son “intensification” ?]
Les deux mon général. Parce que le rapport au travail a changé, on est prêt à aller dans le sens d’une intensification – quitte à enlever au travail son sens et son intérêt – pour augmenter son revenu, là où les générations précédentes étaient plutôt prêtes à sacrifier le revenu à l’intérêt du métier.
Non,un médecin ne peut partir qu’à 62
ans actuellement..Vous n’avez pas intégré ce qu’est l’âge minimum de départ à la retraite..Signé de fatigue,il faut y remédier.. Bien à vous ,cher Descartes 👍🙂🌈
@Descartes
Si les manifs pour les salaires ou les conditions de travail sont parfois pitoyables, c’est pour une bonne raison. Toutes les catégories de salariés ne sont pas également concernées par les conditions de travail, ou la pénibilité, ou les salaires. Voyez par exemple les manifs de fonctionnaires: ce sont des salauds de privilégiés. Les enseignants ? Des faignasses qui ont quatre mois de vacances. Sauf que plus personne ne veut faire ce métier usant, a responsabilité, et fort mal reconnu. Aussi commence-t-on à couiner sur le faible niveau des enseignants, ou le manque de candidats. Voyez les manifestations de cheminots: salauds de profiteurs, toujours en grève. Sauf que l’on découvre que le manque de maintenance, dénoncé depuis longtemps par les cheminots, commencé à faire des dégâts. Les personnels de santé suscitent la sympathie, mais on ne voit pas les foules manifester massivement et durablement pour eux, sauf dans le cas de la suppression d’un service d’urgences ou d’une maternité, et c’est localement. De fait, chaque protestation est parcellaire et isolée, quand on n’a pas en haut lieu joué la division entre les manifestants grévistes et les usagers “pris en otages”. Résultat ? un service public en perdition, plus de chauffeurs de bus, plus d’infirmiers, plus de profs. Et à chaque fois, après les grèves, après les manifestations maigrelettes, on pleure sur le lait renversé, et puis on s’accommode…
La différence avec la réforme des retraites, c’est qu’elle touche tout le monde. Nous sommes, nous serons, à plus ou moins longue échéance, retraités. Pour ma part c’est fait, et je jure bien que je n’aurais jamais fait un jour de plus, bien que j’aie adoré mon métier, tant les conditions étaient devenues éprouvantes. Mais désormais,cet sans doute à la lumière d’autres éléments ( une pandémie qui nous a fait réfléchir sur la valeur de l’existence, une inflation et une baisse du pouvoir d’achat qui fait s’interroger sur pourquoi travailler tant pour être économiquement sur le fil à chaque fin de moi, un manque de reconnaissance ?…), que la question de l’âge se pose avec tant d’acuité, et constitue le point fort de la contestation.
J’entends bien que l’on soupire d’aise à l’idée de “profiter” de ses loisirs, de ses petits-enfants, surtout si les enfants ont été élevés en galopant… J’enfonce là une porte ouverte.
Mais je suis de celles et ceux qui défendent l’engagement du bénévolat. Je suis engagée associativement dans plusieurs associations, certaines depuis l’âge de 17 ans. Alors, animations culturelles, mémorielles, aide aux devoirs, reposent sur les retraités dynamiques. Si on valorisait le bénévolat, je veux dire pas les bénévoles, mais leur fonction et leur rôle, si on soutenait et mettait en valeur le rôle des associations, peut-être que le fait de vouloir profiter de sa retraite sonnerait mieux que la possibilité de prendre des cours de zumba. Dommage que Ruffin n’ait pas dit dans sa prise de parole que les retraites sont le sel de la Terre associative, et un élément indispensable de notre société qui manque de plus en plus d’humanité, il est le premier à le dénoncer
@ Cherrytree
[Si les manifs pour les salaires ou les conditions de travail sont parfois pitoyables, c’est pour une bonne raison. Toutes les catégories de salariés ne sont pas également concernées par les conditions de travail, ou la pénibilité, ou les salaires.]
Pardon : l’augmentation du SMIC, par exemple, touche une très large population, puisque le SMIC sert d’indicateur pour les grilles de beaucoup de conventions collectives. Les conditions d’emploi – par exemple, les indemnisations pour rupture du contrat de travail – concernent elles-aussi l’ensemble du secteur privé.
[Voyez par exemple les manifs de fonctionnaires: ce sont des salauds de privilégiés. Les enseignants ? Des feignasses qui ont quatre mois de vacances. Sauf que plus personne ne veut faire ce métier usant, a responsabilité, et fort mal reconnu.]
C’est là d’ailleurs un angle mort de la réflexion libérale. Si les fonctionnaires, les cheminots, les électriciens-gaziers ou les conducteurs de bus de la RATP sont « privilégiés », si leurs salaires et leurs avantages sont sans commune mesure avec ceux des autres salariés, comment se fait-il qu’on ait autant de mal à recruter dans tous ces métiers, alors qu’on n’a aucune difficulté pour trouver des juristes, des psychologues, des chauffeurs UBER ou des porteurs de plats à domicile ?
[La différence avec la réforme des retraites, c’est qu’elle touche tout le monde.]
L’ouverture du marché de l’électricité touche aussi tout le monde – on l’a bien vu ces jours-ci – et personne ou presque n’est sortie dans la rue pour s’y opposer. Je pense que cette explication est un peu courte.
[Mais je suis de celles et ceux qui défendent l’engagement du bénévolat. Je suis engagée associativement dans plusieurs associations, certaines depuis l’âge de 17 ans.]
Moi aussi, je défend le bénévolat. Mais je ne vois pas pourquoi il faudrait associer bénévolat et retraite. Comme vous le remarquez justement, on peut s’engager dans une association à n’importe quel âge !
[Alors, animations culturelles, mémorielles, aide aux devoirs, reposent sur les retraités dynamiques. Si on valorisait le bénévolat, je veux dire pas les bénévoles, mais leur fonction et leur rôle, si on soutenait et mettait en valeur le rôle des associations, peut-être que le fait de vouloir profiter de sa retraite sonnerait mieux que la possibilité de prendre des cours de zumba. Dommage que Ruffin n’ait pas dit dans sa prise de parole que les retraites sont le sel de la Terre associative, et un élément indispensable de notre société qui manque de plus en plus d’humanité, il est le premier à le dénoncer]
Certes. Mais ne trouvez-vous pas révélateur qu’à l’heure de chercher des exemples, Ruffin n’en trouve que dans le « pour soi » ? Qu’est ce que cela nous dit de sa pensée, de sa vision de la société ?
@Descartes
Je suis d’accord avec vous. C’est pourquoi je trouve la référence à la zumba aussi navrante que “le droit à la paresse”. C’est à l’image de LFI.
Bonjour Descartes,
Vous trouverez ci-dessous un papier en lien avec un échange récent sur l’Ukraine et cie.
Je ne dis pas que c’est l’Evangile, mais ça va dans le sens de ce que nous pressentions. Par ailleurs, Todd abondait dans ce sens lors de son débat avec Guaino en janvier dernier.
@ Bruno
[Je ne dis pas que c’est l’Evangile, mais ça va dans le sens de ce que nous pressentions.]
Il faut se méfier: vraisemblable et vrai, ce n’est pas la même chose. Il est clair que la théorie selon laquelle les Russes aurait saboté leur propre gazoduc est absurde: s’ils ne voulaient pas livrer du gaz, il suffisait de fermer les vannes. Les Américains restent les premiers suspects: ils ont les moyens, ils ont le mobile. Mais d’autres pouvaient avoir intérêt: les polonais, par exemple, pour en finir avec les velléités russophiles de l’Allemagne…
Nous saurons la vérité un jour. Mais pas tout de suite. Tant que la guerre continue, peu de chances…
[Et cela amène à la deuxième différence, qui est le rapport aux autres. Il ne vous aura pas échappé que dans la revendication « m’occuper de mes petits-enfants », « soigner mon potager » ou « bricoler ma maison », le possessif est omniprésent.]
Ce possessif, très présent aussi dans les slogans des pancartes comme tu le montres, est également un marqueur du degré d’atomisation de la société. On ne se mobilise pas pour sa classe sociale ou son pays, mais pour soi. D’où également le fatalisme des jeunes, qui ne voient pas ce qu’ils pourraient changer individuellement, tout en ayant du mal à rejoindre des formes d’organisation véritablement collectives. Ce sujet me pousse véritablement à la réflexion, car l’atomisation génère des réactions tout à fait imprévisibles, qui peuvent nourrir une apathie générale comme la recherche de solutions autoritaires et le retour d’une forme de transcendance.
[L’approfondissement du capitalisme nous a amené à une situation où l’intensification du travail et sa perte de sens d’une part, le manque de perspective progressiste d’autre part, fait de la retraite une aspiration presque mystique.]
On assiste aussi à une réhabilitation spectaculaire du statut de rentier. Je ne compte pas les jeunes qui, à tout niveau scolaire, espèrent dans le futur pouvoir vivre avec un confort maximal tout en travaillant le moins possible. On voit également fleurir sur Internet et dans les magazines les “astuces” pour parvenir à vivre sans travailler dès 35 ou 40 ans. Le paradoxe, c’est que la richesse patrimoniale dépend de plus en plus de l’héritage, et donc que ces situations avantageuses sont de moins en moins accessibles par choix!
[Ce qui suppose d’investir les gains de productivité non pas dans la rémunération du capital ou dans la réduction du temps de travail, mais dans sa des-intensification. « Travailler mieux », moins intensément, au lieu de « travailler moins ».]
On mesure ici à quel point la gauche, qui est traditionnellement le camp du travail, a déserté ce terrain de luttes. Fabien Roussel, en critiquant la gauche des allocs, pointait le renoncement de la gauche à fournir du travail à tout le monde. De la même façon, nous avons une gauche qui a renoncé à agir sur les conditions de travail pour se concentrer sur sa quantité (semaine de 4 jours ou de 32h, retraite précoce…).
Cela dit, n’est-il pas dans la logique même du capitalisme de tenter d’intensifier sans cesse le travail pour accroitre les profits, tout en valorisant les activités de loisir pour stimuler la consommation sans laquelle il n’y a pas de débouchés? Autrement dit, militer pour la désintensification du travail, n’est-ce pas militer contre la logique même du capital?
Maintenant, du côté des solutions, ne pourrait-on pas imaginer un système où l’on maintient un âge auquel n’importe qui a droit à une retraite à taux plein (exemple 68 ans), en faisant diminuer cet âge en fonction de la pénibilité du métier exercé (par exemple une baisse d’un trimestre tous les ans ou tous les deux ans pour les métiers éprouvants)? Cela permettrait d’assurer une certaine équité, tout en prenant en compte les changements professionnels au cours de la vie active. Le système serait peut-être aussi plus simple car on n’aurait plus besoin d’une durée impérative de cotisation. Enfin, ceux ayant commencé à travailler tôt feraient diminuer leur âge de départ plus vite que ceux ayant fait des études. Qu’en penses-tu?
@ Patriote Albert
[Ce possessif, très présent aussi dans les slogans des pancartes comme tu le montres, est également un marqueur du degré d’atomisation de la société. On ne se mobilise pas pour sa classe sociale ou son pays, mais pour soi.]
Tout à fait. Il est d’ailleurs remarquable de voir dans la manifestation combien les pancartes « individuelles », dans lesquelles on écrit un texte reflétant la vision personnelle de celui qui la porte, ont remplacé les banderoles « collectives », résumant la position d’une organisation. De plus en plus les actes collectifs sont remplacés par une addition simple d’actes personnels. Car lorsqu’on voit une foule défiler sous des pancartes toutes différentes et certaines même contradictoires, peut-on dire qu’il y a dans cette foule un projet commun ?
[D’où également le fatalisme des jeunes, qui ne voient pas ce qu’ils pourraient changer individuellement, tout en ayant du mal à rejoindre des formes d’organisation véritablement collectives. Ce sujet me pousse véritablement à la réflexion, car l’atomisation génère des réactions tout à fait imprévisibles, qui peuvent nourrir une apathie générale comme la recherche de solutions autoritaires et le retour d’une forme de transcendance.]
Cette atomisation traduit l’incapacité justement de toute transcendance. Plus le capitalisme s’approfondit, et plus les rapports humains se trouvent réduit à des rapports de marché. Or, le propre du marché, c’est justement l’atomisation, l’absence d’entente, le fait que les acteurs sont motivés par un intérêt individuel, en dehors de toute coordination, l’organisation étant fournie non pas par une entente consciente, mais par un mécanisme aveugle, celui de la « main invisible ».
Et dans la mesure où chacun ne voit que son intérêt individuel, il est difficile d’aboutir à un projet collectif. On le voit bien dans le débat sur la réforme des retraites : tous les groupes politiques sont fractionnés, le son de cloche variant d’un député à un autre. Même à l’intérieur des partis, on n’arrive pas à mettre tout le monde derrière un projet collectif.
[On mesure ici à quel point la gauche, qui est traditionnellement le camp du travail, a déserté ce terrain de luttes. Fabien Roussel, en critiquant la gauche des allocs, pointait le renoncement de la gauche à fournir du travail à tout le monde. De la même façon, nous avons une gauche qui a renoncé à agir sur les conditions de travail pour se concentrer sur sa quantité (semaine de 4 jours ou de 32h, retraite précoce…).]
Tout à fait. C’est significatif du poids des classes intermédiaires dans les organisations dites « de gauche ». Non seulement ces couches ont du travail une vision négative, mais elles bénéficient de conditions de travail généralement enviables…
[Cela dit, n’est-il pas dans la logique même du capitalisme de tenter d’intensifier sans cesse le travail pour accroitre les profits, tout en valorisant les activités de loisir pour stimuler la consommation sans laquelle il n’y a pas de débouchés? Autrement dit, militer pour la désintensification du travail, n’est-ce pas militer contre la logique même du capital?]
Oui, tout à fait. Comme je l’ai dit à un autre commentateur, même si des conquêtes conjoncturelles sont possibles, le capitalisme tend structurellement dans cette direction.
[Maintenant, du côté des solutions, ne pourrait-on pas imaginer un système où l’on maintient un âge auquel n’importe qui a droit à une retraite à taux plein (exemple 68 ans), en faisant diminuer cet âge en fonction de la pénibilité du métier exercé (par exemple une baisse d’un trimestre tous les ans ou tous les deux ans pour les métiers éprouvants)?]
La grande difficulté de ce système est que si on veut coller à la réalité, on se trouve tout de suite devant une usine à gaz. Comment évaluer la pénibilité comparée des métiers en tenant compte des éléments matériels mais aussi psychologiques ? Comment tenir compte de leurs évolutions dans le temps ? Comment contrôler pour éviter les abus ? C’est à mon sens une tâche titanesque.
C’est pourquoi personnellement j’ai une autre idée, qui a l’avantage de la simplicité. Ce que je proposerais, c’est de garder un système de calcul des pensions par trimestres ou par points, mais superposer à ce système un système de plafond glissant. Ainsi, votre pension serait calculée selon la méthode habituelle puis plafonnée. Ainsi, on fixerait par exemple l’âge légal à 60 ans, avec un plafond équivalent à la retraite moyenne d’un ouvrier. Ce plafond monterait avec l’âge, pour atteindre par exemple la pension moyenne d’un cadre à 67 ans.
Ainsi, si vous êtes un ouvrier, vous n’auriez beaucoup moins d’intérêt à rester au travail après 60 ans que si vous étiez cadre, puisque le plafond cessera rapidement d’avoir un effet sur vous. Et comme les métiers les plus pénibles sont souvent les moins bien payés, ce système conduirait à prendre en compte indirectement la pénibilité, sans le dire. Inutile de vous dire que ce système ne risque pas d’obtenir un franc succès auprès des classes intermédiaires…
“Ainsi, on fixerait par exemple l’âge légal à 60 ans, avec un plafond équivalent à la retraite moyenne d’un ouvrier. Ce plafond monterait avec l’âge, pour atteindre par exemple la pension moyenne d’un cadre à 67 ans.Ainsi, si vous êtes un ouvrier, vous n’auriez beaucoup moins d’intérêt à rester au travail après 60 ans que si vous étiez cadre, puisque le plafond cessera rapidement d’avoir un effet sur vous. Et comme les métiers les plus pénibles sont souvent les moins bien payés, ce système conduirait à prendre en compte indirectement la pénibilité, sans le dire. Inutile de vous dire que ce système ne risque pas d’obtenir un franc succès auprès des classes intermédiaires…”
Est ce que vous appliqueriez votre calcul aux retraités actuels ?
Personnellement je trouve l idee plutot bonne mais si j irai plus loin
retraite a 60 ans avec smic -10 % (comme ca le travail paie quand meme plus que l oisivete). Si vous voulez plus, vous devez capitaliser comme en Suisse (2eme ou 3eme pilier )
L avantage de mon systeme c est que c est simple a comprendre.
Second avantage, ca evite la tentation de nos dirigeants de privilegier leurs electeurs en faisant porter le fardeau d autres qui votent mal (c est pas un hasard si le rafistolage actuel epargne les retraités et les CSP+)
@ cdg
[Est ce que vous appliqueriez votre calcul aux retraités actuels ?]
Il est très difficile d’appliquer une telle mesure rétroactivement. Mais je l’appliquerais assez vite, oui.
[Personnellement je trouve l’idee plutôt bonne mais si j’irai plus loin. Retraite a 60 ans avec smic -10 % (comme ça le travail paie quand même plus que l’oisivete). Si vous voulez plus, vous devez capitaliser comme en Suisse (2eme ou 3eme pilier ). L’avantage de mon système c’est que c’est simple a comprendre.]
Il est assez facile à démontrer que du point de vue économique, capitalisation et répartition sont équivalentes. La difficulté se trouve à l’amorçage. Imaginons qu’on instaure demain le système que vous proposez. Que fait-on de ceux qui prennent leur retraite en 2023 ? Eux n’ont pas eu la possibilité de se constituer une capitalisation… alors ou bien on les met tous au SMIC-10%, ou bien on instaure une “clause de grand père”, et on oblige la génération suivante à payer leurs retraites ET EN PLUS à se constituer une capitalisation…
[Second avantage, ca evite la tentation de nos dirigeants de privilégier leurs électeurs en faisant porter le fardeau d autres qui votent mal (c est pas un hasard si le rafistolage actuel epargne les retraités et les CSP+)]
En rien. La seule différence c’est que les dirigeants qui veulent “privilégier leurs électeurs” réduiront la fiscalité des fonds de pension pour faire plaisir aux retraités…
@Descartes
[Il y a, à mon sens, deux différences qui au fond pointent vers le même mécanisme : la première tient à l’intensité du travail. L’augmentation continue de celle-ci sous la pression de la sacrosainte « concurrence libre et non faussée » a rendu le lieu de travail beaucoup moins intéressant, moins accueillant, moins social. On garde ses petits-enfants, on soigne son potager ou on bricole à son rythme, un rythme compatible avec son épanouissement. Ce n’est pas le cas dans le monde du travail. Paradoxalement, la recherche du loisir et donc la pression à la baisse du temps de travail contribue à concentrer le travail sur un temps chaque fois plus court, et donc à le rendre plus intense.]
Qu’appelez-vous “intensité” du travail? Comment pourrait-on la mesurer? Votre dernière phrase me fait penser aux projets de semaines de 4 jours, qui laisseraient du coup plus de temps pour les loisirs. D’ailleurs, cette glorification du loisir au détriment du travail pourrait très bien nous amener lentement vers le salaire universel et la paresse continue. En admettant que l’intensité du travail, si je vous suis, devienne inhumaine, on appellera alors des robots pour remplacer peu à peu tout travail humain, et tout le monde flânera et bénéficiera de loisirs permanents. Avez-vous d’ailleurs entendu parler de ChatGPT?
[On voit que la position de la jeunesse aujourd’hui est tout à fait différent : elle pense à sa retraite, ce qui tend à prouver qu’elle ne croit pas vraiment à un changement radical dans le prochain demi-siècle (1). Et lorsqu’elle s’en désintéresse, ce n’est pas parce qu’elle anticipe le « grand soir », mais plutôt par fatalisme, sur le mode « de toute façon, nous n’aurons pas de retraite ». Cette perception rejoint l’impression que l’avenir est bouché, qu’il n’y a pas de changement en perspective si ce n’est pour le pire.]
J’ai lu plus haut un commentaire mentionnant l’atomisation de la société. Si il y a bien une catégorie d’âge qui représente cette atomisation, c’est la mienne (les “jeunes”), en tout cas dans mon entourage. Je reformulerai donc votre citation en “de toute façon, JE n’aurai pas de retraite”. Décemment, la seule raison de sortir dans la rue pour un jeune des classes intermédiaires qui ne croit plus en son avenir c’est de se battre pour ceux qui toucheront leur retraites avant lui, ou ceux qui sont dans une situation bien plus critique. Or, comme les projets collectifs sont morts, à quoi bon? Je m’autorise un parallèle avec Camus et sa révolte: celle-ci est amenée à montrer une barrière à ne pas franchir, et à poser un “nous”. Si ce “nous” n’existe pas ou est inconcevable (car l’hyper-individualisation nous fait penser que nous sommes “uniques”), la révolte est inconcevable également. Camus disait aussi que le nihilisme pouvait être conservateur. Ne croire en aucune valeur morale, aucune transcendance, pousse à l’immobilisme.
Du coup, je me demande comment une manifestation de ce calibre a pu se former sans une forme de conscience collective. Sinon elle n’est pas révolte mais simplement démonstration (“je suis là, j’existe”). Votre moteur, si je l’ai compris, était une sorte d’appel à la solidarité contre une réforme injuste. Avez-vous croisé d’autres personnes partageant cet appel?
@ Magpoul
[Qu’appelez-vous “intensité” du travail? Comment pourrait-on la mesurer?]
Très bonne question. Pour le moment, j’en reste à une vision un peu intuitive : « l’intensité » est la mesure de l’asservissement du corps et de l’esprit à la tâche. C’est l’ensemble des éléments de contrainte physique et psychologique qui font que vous vous concentrez sur la tâche à l’exclusion de toute autre activité. Supprimer les « pauses café », c’est augmenter l’intensité du travail. Imposer une rotation du personnel qui fait que personne ne connaît ses collègues et ne peut échanger avec eux, c’est augmenter l’intensité du travail.
[Votre dernière phrase me fait penser aux projets de semaines de 4 jours, qui laisseraient du coup plus de temps pour les loisirs. D’ailleurs, cette glorification du loisir au détriment du travail pourrait très bien nous amener lentement vers le salaire universel et la paresse continue. En admettant que l’intensité du travail, si je vous suis, devienne inhumaine, on appellera alors des robots pour remplacer peu à peu tout travail humain, et tout le monde flânera et bénéficiera de loisirs permanents.]
Difficile d’imaginer ce que serait une société sans travail, ou toute contrainte serait reportée sur des machines. Ce serait une société dans laquelle personne n’aurait besoin de personne… puisque tous vos besoins et vos désirs seraient satisfaits par des machines. Et vous savez qu’entre « ne plus avoir besoin de l’autre » et le supprimer, il n’y a qu’un pas…
[Avez-vous d’ailleurs entendu parler de ChatGPT?]
Oui. C’est un truc qui fait la même chose que « Le Monde » – c’est-à-dire, exprimer l’opinion la plus couramment répandue – mais par des moyens automatiques… à la place de nos soi-disant journalistes, je me méfierais.
[Du coup, je me demande comment une manifestation de ce calibre a pu se former sans une forme de conscience collective. Sinon elle n’est pas révolte mais simplement démonstration (“je suis là, j’existe”).]
C’est peut-être l’explication au développement de mouvements plus « expressifs » que « revendicatifs », comme l’était celui des « Gilets Jaunes ». Je pense que l’ampleur des manifestations tient aussi à un mécontentement diffus. C’est une opportunité de dire au gouvernement « je ne suis pas content », sans pour autant qu’il y ait un projet derrière.
[Votre moteur, si je l’ai compris, était une sorte d’appel à la solidarité contre une réforme injuste. Avez-vous croisé d’autres personnes partageant cet appel?]
Presque toutes… ce que je n’ai pas croisé, ce sont des personnes capables de proposer quoi mettre à la place.
@Descartes
Cette définition me semble bonne, bien qu’elle reste subjective car les “contraintes” et la “concentration” peuvent être jugées différemment selon chacun. Cette augmentation de l’intensité semble coïncider avec les “burn-out”. Je ne rend pas compte si ce phénomène existait auparavant. Pour le reste, ce qui est “amusant” c’est qu’on trouve dans certaines entreprises des “chief happpiness manager” qui ont pour mission, si je le comprend, de faire passer cette augmentation de l’intensité en la camouflant par une ambiance rose bonbon suintante. Même dans mon entourage ces postes sont raillés et ne font pas illusion. Je me demande jusqu’à où cette intensité pourra réellement augmenter sans que cela craque. Aussi, cette augmentation de l’intensité que vous soulignez, s’est-elle faite sur l’ensemble des métiers, ou sur certains types de métiers? Il y a t’il des classes sociales plus touchées?
En biologie, certains de mes collègues veulent s’en servir pour écrire des papiers ou autres demande de financement. J’ai été un peu désespéré de constater l’absence de critique envers ce type de programme. Dans un autre commentaire, vous ventiez le “système D” et la capacité d’adaptation. Ce genre de programme pourrait contribuer à retirer de la science des compétences essentielles comme la capacité d’écrire un papier et, au final, de parler de sa propre recherche, voir d’enseigner. Je suis peut-être un peu négatif, mais j’ai beaucoup de mal avec ces “innovations”.
Je me permet de vous fournir ce lien: https://www.nature.com/articles/d41586-023-00056-7
C’est déjà ça ! D’où viendrait cette incapacité à proposer?
@ Magpoul
[Cette définition me semble bonne, bien qu’elle reste subjective car les “contraintes” et la “concentration” peuvent être jugées différemment selon chacun.]
Bien entendu. Dès qu’on intègre des éléments psychologiques, cela ne peut être que « subjectif », dans la mesure où une même « contrainte » n’a pas le même effet sur tous les individus. Dès choses que mes collègues trouvent « insupportables » chez mon chef ne me font ni chaud ni froid, et à l’inverse certains de ses comportements tout à fait acceptables pour les autres me hérissent. Mais lorsqu’on sort de l’individuel pour rentrer dans le collectif, on peut définir quelques constantes : un chef qui crie ou vous lance les classeurs à la tête « met la pression », même s’il existe des gens qui y sont insensibles.
[Cette augmentation de l’intensité semble coïncider avec les “burn-out”. Je ne rend pas compte si ce phénomène existait auparavant.]
Cela a toujours existé, mais sous une forme différente. Vous noterez que le « burn-out » ne concerne que les métiers « de conception ». Un cadre, un ingénieur, un chef d’établissement peuvent faire un « burn-out », mais il est rare de voir ce genre de pathologie dans les métiers d’exécution. Non que ces derniers soient plus légers, mais ils sont soumis à d’autres types de contrainte. Le travail de l’ouvrier à la chaine ou de la caissière de supermarché sont durs, harassants. Mais la frontière entre le travail et le non travail sont nettes. Une fois qu’on a quitté sa caisse ou sa chaîne, le travail est fini. Or, dans le passé les exécutants étaient beaucoup plus nombreux, et les travaux de conception étaient réservés à une petite élite, qui avait souvent les moyens de se protéger. Et même ainsi, on parlait de gens « se tuant à la tâche »…
[Pour le reste, ce qui est “amusant” c’est qu’on trouve dans certaines entreprises des “chief happiness manager” qui ont pour mission, si je le comprend, de faire passer cette augmentation de l’intensité en la camouflant par une ambiance rose bonbon suintante.]
N’oubliez pas que nous vivons dans une société de plus en plus totalitaire – au sens strict du terme, c’est-à-dire, une société ou la sphère publique et la sphère privée se confondent. Et la première chose que fait une société totalitaire, c’est de chercher à effacer tout conflit. L’idée que le lieu de travail est aussi le lieu de confrontation entre des intérêts antagoniques – ceux du travail et ceux du capital, pour faire court – est insupportable. Il faut persuader – et se persuader – que l’entreprise est une grande famille où tous les acteurs ont le même objectif et le même intérêt. Le tutoiement systématique, la fin de la cravate, la multiplication d’activités « ludiques » servent à cela. Les « happiness manager » s’inscrivent dans cette logique : c’est une façon d’affirmer que l’entreprise s’intéresse au « bonheur » de ses employés.
[Même dans mon entourage ces postes sont raillés et ne font pas illusion.]
Normal : le décalage entre la réalité et la fiction est trop grand. En plus, nous avons en France une histoire sociale qui est beaucoup plus « politique » que dans d’autres contrées, notamment anglosaxonnes…
[Je me demande jusqu’à où cette intensité pourra réellement augmenter sans que cela craque. Aussi, cette augmentation de l’intensité que vous soulignez, s’est-elle faite sur l’ensemble des métiers, ou sur certains types de métiers? Il y a t’il des classes sociales plus touchées?]
C’est je pense un mouvement général, une pression qui touche tous les métiers. Mais ses effets sont beaucoup plus sensibles socialement dans les métiers dits « qualifiés » que dans les autres. Pourquoi ? Parce que ceux qui font ces métiers se croyaient protégés. La précarité, la pression, « l’organisation scientifique du travail », c’était traditionnellement pour les autres. Enseignants, soignants, cadres supérieurs étaient protégés par leurs statuts et le respect social qui entourait leur métier. Mais le processus évoqué par Marx dans le « manifeste » arrive maintenant jusqu’à eux : « La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les activités qui passaient jusque-là pour vénérables et qu’on considérait avec un saint respect. Le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, le savant, elle en a fait des salariés à ses gages. »
En fait, on assiste à une révolte silencieuse – et d’autant plus dangereuse qu’elle est peu visible – du monde du travail. Une révolte qui prend la forme d’un nihilisme. On étudie chaque fois moins, on se forme chaque fois moins, on met chaque fois moins d’ardeur au travail. Chez les classes intermédiaires, cela prend la forme de la « grande démission », mais cela se manifeste un peu partout. C’est de là que vient le paradoxe qui fait qu’avec un chômage structurel relativement élevé, on n’arrive pas à trouver de la main d’œuvre de qualité, même pour des métiers peu qualifiés.
[« Oui. C’est un truc qui fait la même chose que « Le Monde » – c’est-à-dire, exprimer l’opinion la plus couramment répandue – mais par des moyens automatiques… à la place de nos soi-disant journalistes, je me méfierais. » En biologie, certains de mes collègues veulent s’en servir pour écrire des papiers ou autres demande de financement.]
Et pourquoi pas ? chatGPT est un outil qui fonctionne sur un principe simple : à partir d’un corpus énorme d’écrits humains, il anticipe ce qu’un humain pourrait répondre à n’importe quelle question. Autrement dit, c’est une sorte de sondage permanent de l’opinion acceptée. Rappelez-vous du canular organisé par Sokal : il avait écrit un article délirant, dans lequel il avait mis tous les sujets à la mode, cité les auteurs qu’il fallait, et les conclusions qui correspondaient au biais idéologique de la revue à laquelle il l’avait adressé. L’article, un tissu d’incohérences et d’affirmations absurdes, avait passé tous les comités de lecture et avait été publié. chatGPT fait le même type de travail, mais il le fait automatiquement.
Maintenant, si les papiers dits scientifiques qu’il faut publier pour être bien noté ou les demandes de financement sont devenus des exercices imposés, où il s’agit d’écrire ce que votre lecteur a envie d’entendre, et que vous avez un instrument automatique qui fait précisément cela, pourquoi ne pas l’utiliser ? Vous libérez ainsi du temps qui peut être utilisé à des choses plus intéressantes… par exemple, à faire de la vraie science !
[Dans un autre commentaire, vous ventiez le “système D” et la capacité d’adaptation. Ce genre de programme pourrait contribuer à retirer de la science des compétences essentielles comme la capacité d’écrire un papier et, au final, de parler de sa propre recherche, voir d’enseigner.]
Si un devoir pompé sur Wikipédia peut passer pour un travail personnel devant un professeur, alors le problème n’est pas chez wikipédia, mais chez le professeur. Les programmes comme chatGPT ne créent pas le problème, ils le mettent en évidence : Si le fait d’écrire ce qu’est l’opinion acceptée, ce que tout le monde croit savoir, vous permet de briller dans le monde universitaire, alors il y a quelque chose de pourri dans ce monde-là. Et cela indépendamment de chatGPT ou de n’importe quel autre outil. La tentation de mettre le problème sur le dos de l’outil me fait penser à ceux qui cassent le thermomètre pour ne pas voir la température monter. Si le scientifique, le savant, le professeur ne peuvent rien apporter de plus que chatGPT, ils devraient s’interroger sur leur métier…
[Je me permet de vous fournir ce lien: (…)]
Un lien vers un article très révélateur. Rien que la première phrase illustre parfaitement mon propos ci-dessus : « An artificial-intelligence (AI) chatbot can write such convincing fake research-paper abstracts that scientists are often unable to spot them » (« un programme d’intelligence artificielle peut écrire un faux abstract tellement convaincant que les scientifiques sont incapables de les détecter »). Réfléchissons un instant : d’abord, si un programme peut écrire un faux abstract, il partage cette capacité avec les êtres humains. En quoi le fait de publier un abstract faux écrit par un programme serait plus grave que d’en publier un écrit par un être humain, chose qui arrive depuis que la science existe ? Mais surtout, comment se fait-il qu’un scientifique ne puisse détecter un faux abstract ? Le principe même du travail scientifique est celui de la vérification indépendante des résultats publiés. C’est comme cela que la science avance. Si maintenant un scientifique n’est pas capable de distinguer un « fake », de voir les biais méthodologiques, les erreurs expérimentales, alors le problème n’est pas l’intelligence artificielle…
L’ingénuité des auteurs du papier est d’ailleurs confondante : « If we’re now in a situation where the experts are not able to determine what’s true or not, we lose the middleman that we desperately need to guide us through complicated topics » (« Si nous sommes dans une situation dans laquelle les experts ne sont pas capables déterminer ce qui est vrai ou non, nous perdons l’intermédiaire dont nous avons besoin pour nous guider sur les problèmes complexes »). Mais si « les experts ne sont plus capables de déterminer ce qui est vrai de ce qui est faux », ce n’est pas la faute de chatGPT. Cela resterait vrai si le papier était écrit par un être humain. Le problème ici n’est pas l’intelligence artificielle, mais celle des « experts » académiques, qui ces dernières années ont perdu l’habitude du doute systématique cartésien, comme l’expérience de Sokal l’avait démontré.
[« Presque toutes… ce que je n’ai pas croisé, ce sont des personnes capables de proposer quoi mettre à la place. » C’est déjà ça ! D’où viendrait cette incapacité à proposer?]
Probablement du fait que les classes intermédiaires, qui dominent le champ des idées, ont très bien compris qu’une réforme juste ne serait pas à leur avantage… et c’est un euphémisme.
[Mais surtout, comment se fait-il qu’un scientifique ne puisse détecter un faux abstract ? Le principe même du travail scientifique est celui de la vérification indépendante des résultats publiés. C’est comme cela que la science avance. Si maintenant un scientifique n’est pas capable de distinguer un « fake », de voir les biais méthodologiques, les erreurs expérimentales, alors le problème n’est pas l’intelligence artificielle…]
On ne peut pas vraiment voir les biais méthodologiques et les erreurs expérimentales dans un résumé, on ne peut vraiment le voir que dans l’article lui-même. Et parfois, cela nécessite de prendre le temps de creuser, de reconstituer soi-même une partie de l’expérimentation, etc. En fait, écrire un algorithme qui écrit des résumés convaincants d’articles scientifiques n’est pas si difficile que ça, surtout si l’on peut se contenter d’une fraction des résumés générés qui seraient convaincants.
@ Erwan
[On ne peut pas vraiment voir les biais méthodologiques et les erreurs expérimentales dans un résumé, on ne peut vraiment le voir que dans l’article lui-même.]
Soit. Mais cela vaut autant pour un résumé rédigé par chatGPT ou n’importe quel autre intelligence artificielle que pour un résumé rédigé par un être humain en chair et en os.
@Descartes
[Or, dans le passé les exécutants étaient beaucoup plus nombreux, et les travaux de conception étaient réservés à une petite élite, qui avait souvent les moyens de se protéger. Et même ainsi, on parlait de gens « se tuant à la tâche »…]
Si je vous suis, le “burn-out” concerne surtout les travailleurs de conception, qui sont plus des métiers attribués aux classes intermédiaires. Un parti qui en fait son cheval de bataille (comme le PS d’Hamon en 2017) annonce donc clairement la couleur de son électorat.
Vous faites référence aux moyens de protections contre le “burn-out”, qu’entendez-vous par là?
[Rappelez-vous du canular organisé par Sokal : il avait écrit un article délirant, dans lequel il avait mis tous les sujets à la mode, cité les auteurs qu’il fallait, et les conclusions qui correspondaient au biais idéologique de la revue à laquelle il l’avait adressé. L’article, un tissu d’incohérences et d’affirmations absurdes, avait passé tous les comités de lecture et avait été publié. chatGPT fait le même type de travail, mais il le fait automatiquement.]
Je ne connaissais pas cette affaire, j’avoue…la biologie pourrait-elle être aussi victime de biais idéologiques que la sociologie, cela dit? Mon superviseur souhaite à tout pris publier des papiers avec une “histoire”, pour rendre la recherche plus agréable à lire, quitte à mettre dans le désordre des expériences dans le papier et créer des transitions entre elles qui ne sont apparues que sur la fin de l’étude (généralement on essaye beaucoup, ça rate, on essaye autre chose, on revient en arrière…). Est-ce là un biais idéologique?
[Mais si « les experts ne sont plus capables de déterminer ce qui est vrai de ce qui est faux », ce n’est pas la faute de chatGPT. Cela resterait vrai si le papier était écrit par un être humain. Le problème ici n’est pas l’intelligence artificielle, mais celle des « experts » académiques, qui ces dernières années ont perdu l’habitude du doute systématique cartésien, comme l’expérience de Sokal l’avait démontré.]
Je suis d’accord. D’ailleurs, il existe des laboratoires fortunés qui disposent de personnes dont la profession est uniquement d’écrire des papiers. Les uns font les expériences, les autres analysent, les autres écrivent….mais je suis critique de ces démarches tout autant que de ChatGPT. Pour moi, un scientifique qui n’est pas capable d’analyser ses propres données et d’écrire un papier dessus est incomplet. Ce qui me désole, c’est plus le fait que mes collègues se réjouissent de ces outils sans avoir de reculs.
Néanmoins vous avez aussi raison: il y a du pourri dans notre système. Les journaux à comité de lecture tendent à favoriser les “grands noms” pour les publications, la revue par les paires est encadrée par l’éditeur…mais soumise à d’autres chercheurs qui le font gratuitement pour le journal. Pour ce qui est des agences qui donnent des bourses, comme l’ERC ou l’ANR, je ne sais pas du tout comment les projets sont évalués. Je peux comprendre que dans ce contexte un chercheur se dise qu’il est inutile de se donner la peine d’écrire quelque chose de convenable alors qu’un bot peut le faire aussi bien…
@ Magpoul
[Si je vous suis, le “burn-out” concerne surtout les travailleurs de conception, qui sont plus des métiers attribués aux classes intermédiaires. Un parti qui en fait son cheval de bataille (comme le PS d’Hamon en 2017) annonce donc clairement la couleur de son électorat.]
Certainement. Le cerveau est un « muscle » comme un autre. De la même manière que le travailleur qui porte toute la journée des charges excessives risque les troubles musculosquelettiques, le travailleur intellectuel qui porte une charge mentale excessive risque le « burn-out ». Le « burn-out » est rarement observé chez les caissières de supermarché ou sur les ouvriers à la chaine. Et le fait qu’un parti politique fasse du « burn-out » un problème est assez révélateur de la composition de son corps militant et/ou de son électorat.
Vous faites référence aux moyens de protections contre le “burn-out”, qu’entendez-vous par là ?]
J’entendais la capacité à peser sur l’organisation de son propre travail, de résister à des demandes disproportionnées et à la pression de sa hiérarchie.
[« Rappelez-vous du canular organisé par Sokal : il avait écrit un article délirant, dans lequel il avait mis tous les sujets à la mode, cité les auteurs qu’il fallait, et les conclusions qui correspondaient au biais idéologique de la revue à laquelle il l’avait adressé. L’article, un tissu d’incohérences et d’affirmations absurdes, avait passé tous les comités de lecture et avait été publié. chatGPT fait le même type de travail, mais il le fait automatiquement. » Je ne connaissais pas cette affaire, j’avoue…]
Alors, il vous faut toute affaire cessante vous illustrer. Pour un scientifique, la lecture du papier de Sokal et de son explication devrait être obligatoire ! Vous pouvez le trouver (en anglais) à l’adresse :
https://physics.nyu.edu/faculty/sokal/transgress_v2/transgress_v2_singlefile.html
L’explication de Sokal sur son propre canular : http://linguafranca.mirror.theinfo.org/9605/sokal.html
[la biologie pourrait-elle être aussi victime de biais idéologiques que la sociologie, cela dit?]
Sans aucun doute. Aucune pratique scientifique n’est vraiment à l’abri. Même la physique : pensez à l’affaire de la « fusion froide », découverte annoncée par Fleishman et Pons au début des années 1990, et qui a fait couler beaucoup d’encre. L’idée qu’il était inutile de construire des grandes machines comme JET ou ITER puisqu’il était possible de produire de l’énergie par fusion thermonucléaire dans un électrolyseur que chacun pouvait construire dans son garage était absurde, et pourtant elle a eu un retentissement considérable parce qu’elle disait ce que les Américains voulaient entendre : que la « big science » était inutile, et qu’un bricoleur pouvait lui damer le pion. La différence est qu’en physique, en chimie, dans les sciences dites « dures », l’expérience a le dernier mot. Toutes les tentatives de répéter l’expérience de Flishman et Pons ont été infructueuses, les auteurs ont refusé de publier l’intégralité des données, et l’affaire est tombé dans l’oubli. En sociologie, en psychologie, il est impossible de penser une expérience qui pourrait falsifier une théorie…
[Mon superviseur souhaite à tout prix publier des papiers avec une “histoire”, pour rendre la recherche plus agréable à lire, quitte à mettre dans le désordre des expériences dans le papier et créer des transitions entre elles qui ne sont apparues que sur la fin de l’étude (généralement on essaye beaucoup, ça rate, on essaye autre chose, on revient en arrière…). Est-ce là un biais idéologique?]
Non. Tout au plus un biais de présentation. On ne modifie pas les résultats sur le fond, on présente le processus qui à conduit jusqu’à eux d’une manière plus élégante ou plus attractive. Cela a d’ailleurs toujours existé : quand on présente les résultats d’une expérience classique, on raconte rarement aux élèves toutes les expériences qui ont échoué avant celle qui a réussi…
[Je suis d’accord. D’ailleurs, il existe des laboratoires fortunés qui disposent de personnes dont la profession est uniquement d’écrire des papiers. Les uns font les expériences, les autres analysent, les autres écrivent….mais je suis critique de ces démarches tout autant que de ChatGPT. Pour moi, un scientifique qui n’est pas capable d’analyser ses propres données et d’écrire un papier dessus est incomplet. Ce qui me désole, c’est plus le fait que mes collègues se réjouissent de ces outils sans avoir de reculs.]
La division du travail est inhérente à la complexité. Il fut un temps ou les scientifiques fabriquaient leurs instruments. Aujourd’hui, ceux-ci sont tellement complexes que des ingénieurs spécialisés s’en occupent. Et de la même manière, il y a des gens qui ont le talent pour présenter les idées des autres sans avoir nécessairement des idées eux-mêmes… pensez à Platon : était-il un grand philosophe ? Probablement pas. Mais sans lui, nous ne connaîtrions pas Socrate. Et à l’inverse, Socrate était peut-être incapable d’écrire…
[Néanmoins vous avez aussi raison: il y a du pourri dans notre système. Les journaux à comité de lecture tendent à favoriser les “grands noms” pour les publications,]
Oui. J’ai toujours été partisan des processus de revue anonymes. Il serait d’ailleurs intéressant de voir combien de papier écrits par des « grands noms » se feraient retoquer…
« on soigne son potager ou on bricole à son rythme»
Mais aussi à sa manière, ce qui est de moins en moins possible dans un travail où les processus remplacent très souvent l’expérience (voir emploi des séniors).
@ Thierry
[« on soigne son potager ou on bricole à son rythme» Mais aussi à sa manière, ce qui est de moins en moins possible dans un travail où les processus remplacent très souvent l’expérience (voir emploi des séniors).]
C’est tout à fait vrai. Dans beaucoup d’activités, la procéduralisation avance à grands pas. Là où il y a quelques années les procédures se contentaient de la formule « le travail sera exécuté dans les règles de l’art », elles contiennent aujourd’hui un détail précis des opérations à effectuer et même des outillages à utiliser. Le problème de cette tendance, c’est que les gens s’arrêtent de réfléchir. A quoi bon se demander quel est le bon outil pour faire telle ou telle opération, si le bureau méthodes a réfléchi pour vous ? A quoi bon s’interroger sur le fait de savoir si telle ou telle étape est vraiment utile ? Et à force de ne pas réfléchir, les gens finissent par travailler mécaniquement, en oubliant le sens des opérations qu’ils sont en train d’accomplir. Et le jour où ils se trouvent dans une situation que la procédure n’a pas prévue… on fait n’importe quoi.
J’ai travaillé quelques années dans le monde anglosaxon, et là j’ai compris pourquoi nous sommes – nous étions ? – le pays du « système D ». Parce qu’en France le niveau de formation d’un ouvrier est -était ? – incomparablement plus élevé qu’en Angleterre ou aux Etats-Unis, notamment pour ce qui concerne les capacités d’abstraction. Et du coup, il est capable d’analyser et de trouver des solutions là où ailleurs on se contente d’appliquer une procédure.
“Parce qu’en France le niveau de formation d’un ouvrier est -était ? – incomparablement plus élevé qu’en Angleterre ou aux Etats-Unis, notamment pour ce qui concerne les capacités d’abstraction.”
Pour les USA je sais pas. mais pour la RFA ou la suisse, je pense qu ils sont mieux formés que nous (apprentissage)
Quant a la France, etes vous si sur du niveau ?
Meme si le niveau scolaire a baissé (aka le bac de 2023 vaut le BEPC de 1980) en 1965 vous aviez 25 % de la population qui n avaient pas leur certificat d etude (https://archives-statistiques-depp.education.gouv.fr/Default/doc/SYRACUSE/6222/resultats-du-certificat-d-etudes-primaires-en-1965-et-1966?_lg=fr-FR) et je parle meme pas des illettrés immigrés qui etaient nombreux dans certaines industries.
Ca me parait quand meme hasardeux de dire qu un ouvrier francais avait un niveau d abstraction plus eleve qu un anglais
@ cdg
[“Parce qu’en France le niveau de formation d’un ouvrier est -était ? – incomparablement plus élevé qu’en Angleterre ou aux Etats-Unis, notamment pour ce qui concerne les capacités d’abstraction.” Pour les USA je sais pas. mais pour la RFA ou la suisse, je pense qu ils sont mieux formés que nous (apprentissage)]
Je ne pense pas que l’apprentissage forme les “capacités d’abstraction”. Les ouvriers suisses ou allemands sont peut-être mieux formés aux gestes professionnels. Mais dès qu’il faut résoudre un problème nouveau, ils sont perdus.
[Quant a la France, êtes vous si sur du niveau ?]
C’est ma constatation personnelle: j’ai travaillé dans plusieurs pays, et j’ai pu comparer un peu les niveaux des techniciens et ouvriers qui travaillaient dans mon service. Je n’ai pas d’éléments statistiques pour appuyer ou infirmer mes observations.
[Il faut d’ailleurs remarquer combien l’air du temps témoigne d’un retour à une vision immobiliste de la société. Imagine-t-on les soixante-huitards parler de la retraite ? Non, bien entendu : puisque la vie allait changer, que la révolution était à nos portes et qu’une société plus juste devait advenir, à quoi bon s’inquiéter ? On voit que la position de la jeunesse aujourd’hui est tout à fait différent : elle pense à sa retraite, ce qui tend à prouver qu’elle ne croit pas vraiment à un changement radical dans le prochain demi-siècle.]
Mais c’est peut-être pour cette jeunesse la seule utopie disponible: une catastrophe limitée, qui maintiendrait du moins une retraite. Il suffit de penser au potentiel de dérapage du conflit Ukraino-Russe pour avoir une idée des dystopies qu’il faut écarter de son horizon ces temps-ci.
D’où un immobilisme utopique?
@ Geo
[Mais c’est peut-être pour cette jeunesse la seule utopie disponible : une catastrophe limitée, qui maintiendrait du moins une retraite.]
C’est un bon sujet de réflexion… ou de devoir de bac : « de quoi rêve la jeunesse ? ». Et d’abord, rêve-t-elle ?
Bonjour
Je suis un de vos lecteurs régulier.
*
La critique globale que vous formulez à l’égard de la gauche, souvent pertinente, vous amène sensiblement à perdre de vue toute analyse de classe.
La gauche politique et syndicale est globalement décevante, ne produit pas de concepts ou d’analyses pertinente pour comprendre le monde, baigne dans le consensus mou et l’idéologie dominante. OK.
Pour autant, vous semblez déconnecté des réalités du monde du travail (je pense aux retraites notamment). Tout le monde n’est pas cadre, ingénieur ou intellectuel. La décote est un mécanisme extrèmement brutal, dont vous minorez l’impact (quitte à en faire un outil de justice sociale.) Contrairement à votre affirmation, la décote c’est 5% par an et jusqu’à 25% dans le public. Ce système amène les travailleurs à choisir entre des retraites de misère ou l’invalidité.
Vous semblez faire de votre situation une généralité. Personne ne vous oblige à vous arrêter à 60 ou 62 ans.
**
La gauche évacue une des questions que posent la droite et le MEDEF : celle de la natalité. Ils crient au facho. Cela implique finalement de valider l’importation massive de salariés esclaves venus du tiers monde pour remplacer la main d’oeuvre manquante en France.
***
Un autre tabou : dans une économie capitaliste de libre échange intégral, on ne peut pas financer les acquis sociaux bâtis à l’échelle nationale. La plus value des capitalistes français est extraite en grande partie à l’étranger. Pour aller jusqu’au bout de la contestation de la contre réforme, il faudrait poser la question de la production en France, remettre en cause l’UE et l’euro. Ne pas le faire, c’est revendiquer pour les travailleurs français le “partage du gâteau” de l’impérialisme français. La gauche politique et syndicale ne remet pas en cause le système capitaliste, sinon dans les mots (et encore), et s’accomode très bien de l’UE, de l’OTAN et de l’impérialisme français.
Les travailleurs ont raison de lutter contre cette retraite pour les morts, contre cette régression sociale. Je suis convaincu que c’est dans l’intensification des luttes et leur politisation que pourra (dans 10 ans, dans 50 ans) se dégager une alternative politique.
Bien à vous.
@ YLH
[La critique globale que vous formulez à l’égard de la gauche, souvent pertinente, vous amène sensiblement à perdre de vue toute analyse de classe.]
J’aimerais bien savoir en quoi je perdrais de vue toute « analyse de classe ». Dans ce qui suit, je ne trouve pas de justification de ce reproche. Pour commencer, il ne faut pas confondre une analyse en termes de niveau de vie avec une « analyse de classe ». Les pauvres ne constituent pas une « classe », pas plus que les riches. Ce qui caractérise une classe, c’est sa position dans le mode de production, et non son état de fortune. Un bourgeois en faillite n’est pas moins bourgeois…
[Pour autant, vous semblez déconnecté des réalités du monde du travail (je pense aux retraites notamment). Tout le monde n’est pas cadre, ingénieur ou intellectuel. La décote est un mécanisme extrêmement brutal, dont vous minorez l’impact (quitte à en faire un outil de justice sociale.)]
Je ne vois pas très bien en quoi je ferais de la décote un « outil de justice sociale ». Et je ne conteste pas le caractère « brutal » de la chose : j’ai même souligné que la décote était beaucoup plus facile à accepter pour les hauts salaires que pour les autres.
[Contrairement à votre affirmation, la décote c’est 5% par an et jusqu’à 25% dans le public.]
Vous avez raison, je me suis emmêlé les pinceaux dans mes calculs.
[Ce système amène les travailleurs à choisir entre des retraites de misère ou l’invalidité.]
Enfin, il ne faudrait pas exagérer. S’il y a des métiers où il est impossible de travailler dans la soixantaine, et pour lesquels une reconversion est impossible, ce n’est pas tout de même la majorité des cas. Parler dans ce contexte des « travailleurs » en général comme si tout le monde avait à faire ce choix me paraît très exagéré.
[Vous semblez faire de votre situation une généralité. Personne ne vous oblige à vous arrêter à 60 ou 62 ans.]
Là, vous faites erreur. Dès lors que l’âge de la retraite est fixé à 62 ans, aucun employeur n’investira pour former un employé, ne lui confiera pas un poste intéressant à partir de cet âge, avec le risque qu’il parte à n’importe quel moment. Vous vous trouvez donc à cet âge à choisir entre le départ et le placard, à moins que vous ne soyez pure et simplement licencié. Et le processus n’attend souvent pas 62 ans : à partir de 58, vous n’êtes plus vraiment intéressant…
Par ailleurs, pour les fonctionnaires ou les agents des IEG on vous oblige bien à partir à la limite d’âge, aujourd’hui fixée à 67 ans diminué éventuellement des bonifications pour services actifs.
[La gauche évacue une des questions que posent la droite et le MEDEF : celle de la natalité. Ils crient au facho. Cela implique finalement de valider l’importation massive de salariés esclaves venus du tiers monde pour remplacer la main d’œuvre manquante en France.]
Tout à fait. Sur cette question, tout le monde a tort : que ce soit par la natalité ou par l’immigration, on bâtit une pyramide de Ponzi. Car si on fait des enfants ou importe des immigrés pour payer nos retraites, il faudra bien avoir encore plus d’enfants et importer encore plus d’immigrés pour payer les retraites à la génération suivante…
[Un autre tabou : dans une économie capitaliste de libre échange intégral, on ne peut pas financer les acquis sociaux bâtis à l’échelle nationale. La plus-value des capitalistes français est extraite en grande partie à l’étranger. Pour aller jusqu’au bout de la contestation de la contre-réforme, il faudrait poser la question de la production en France, remettre en cause l’UE et l’euro. Ne pas le faire, c’est revendiquer pour les travailleurs français le “partage du gâteau” de l’impérialisme français.]
Votre raisonnement serait juste si « la plus-value des capitalistes français » finançait les acquis sociaux. Mais est-ce le cas ? Par quel mécanisme la plus-value extraite par Renaut du travailleur brésilien se retrouverait dans nos comptes sociaux ?
[La gauche politique et syndicale ne remet pas en cause le système capitaliste, sinon dans les mots (et encore),]
Mais ça voudrait dire quoi, aujourd’hui, « remettre en cause le système capitaliste » autrement que « dans les mots » ? Pensez-vous que les conditions objectives du dépassement du capitalisme soient aujourd’hui réunies ? Si la réponse est négative…
[et s’accommode très bien de l’UE, de l’OTAN et de l’impérialisme français.]
Pour le coup, je vous trouve un peu sévère. Oui, la gauche politique et syndicale s’accommode assez bien de l’UE. Pour l’OTAN ou « l’impérialisme français », cela me paraît bien moins évident.
[Les travailleurs ont raison de lutter contre cette retraite pour les morts, contre cette régression sociale. Je suis convaincu que c’est dans l’intensification des luttes et leur politisation que pourra (dans 10 ans, dans 50 ans) se dégager une alternative politique.]
C’est Marx je crois qui notait qu’il y a eu des jacqueries pendant des siècles, et qu’elles n’ont jamais abouti à une « alternative » au système féodal. L’alternative, quand elle est venue, est venue d’ailleurs, d’une révolution économique qui a mis en mouvement des forces productives nouvelles pour lesquelles le système féodal était un obstacle. Ce sont ces nouvelles forces productives qui ont engendré une classe « révolutionnaire » (c’est Marx qui l’a dit) : la bourgeoisie.
C’est pourquoi la vision gauchiste des « luttes » comme matrice d’une alternative politique m’a toujours paru très discutable.
‘la syndicaliste ‘ est un film qui m’a fasciné cet après midi.
Le rôle de Djoury est exposé,dans ce film dont vous maîtrisez le thème probablement.
Alors ‘chef d’oeuvre’ , ou pas , avec une Huppert nous laissant pantois , non ?
@ Luc
[Alors ‘chef d’œuvre’ , ou pas , avec une Huppert nous laissant pantois , non ?]
Je n’ai pas vu le film, alors j’aurais beaucoup de mal à commenter…