Censure: les élus au pied du mur

Dans quelques heures, nous saurons la fin de l’histoire. Ou du moins, la fin d’une histoire, celle du vote de la loi réformant notre système de retraites – réforme finalement restreinte pratiquement à une simple mesure d’âge, avec quelques petites sucreries pour essayer de faire passer la pilule. On est loin de la réforme radicale de l’organisation du système proposée en 2019 avec un système « à points », une réforme à la base beaucoup plus intelligente, et dont l’échec est en grande partie à l’impéritie de notre président, qui a mis au débat une réforme inachevée, mal préparée, laissant dans l’ombre les arbitrages les plus importants, et qui par une réaction bien naturelle a inquiété les Français, qui savent bien que, comme disait une certaine Martine Aubry, « quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ». Le débat est finalement réduit à sa plus simple expression : faut-il imposer de manière uniforme à tous les Français de travailler deux ans de plus ? Le reste n’est que littérature.

Le déroulement de la procédure est significatif parce qu’il montre à quel point notre démocratie est malade, non pas d’une constitution qui serait trop « verticale » et pas assez « participative », mais d’une classe politique qui a perdu toute cohérence idéologique et ne fonctionne qu’à la tactique.

On aurait tort de penser que l’égo-politique s’est imposée par hasard. Non, cette forme d’organisation traduit une remise en cause fondamentale de l’élément qui fonde la pratique démocratique, à savoir, l’idée de souveraineté populaire. L’idée que le politique est là pour sauver le peuple de lui-même, et qu’il est donc légitime à imposer sa vision même contre la volonté populaire, au nom d’une vision du « bien » qui ne supporte aucune contestation, est devenue dominante. Elle est évidente chez nos égo-politiciens, Macron et Mélenchon, mais elle traverse l’ensemble des organisations politiques. L’exemple le plus extrême est peut-être la volonté d’inscrire le « droit à l’avortement » dans la Constitution, proposition dont la justification est de protéger ce droit d’un éventuel retournement des citoyens. Autrement dit, on perçoit la Constitution non comme un instrument pour protéger les citoyens des excès du pouvoir, mais comme un moyen de limiter la possibilité du souverain de prendre les « mauvaises » décisions, de faire les « mauvais » choix. On voit d’ailleurs les partisans de cette inscription préférer la voie parlementaire plutôt qu’un référendum… il est vrai qu’on ne peut confier ce genre de choix au peuple souverain, mieux vaut les faire entre soi.

Dès le départ donc la position du gouvernement était connue. Elle est constante depuis le début du premier quinquennat Macron : « nous savons ce qui est bon pour le pays, et nous allons le mettre en œuvre par tous les moyens à notre disposition, sans perdre notre temps avec des discussions inutiles ». L’utilisation de l’article 47.1 de la Constitution, théoriquement réservé au vote des lois de financement, instruments qui doivent impérativement être adoptés dans des délais contraints sous peine de désorganiser l’administration du pays, alors que le vote n’avait aucun caractère d’urgence, était un choix purement tactique qui s’apparente – on verra ce qu’en dira le Conseil constitutionnel – à un détournement de procédure. Ce choix signifiait clairement que du côté du gouvernement on voyait la procédure parlementaire comme une perte de temps, une gêne plutôt qu’un moyen d’expliquer le texte, de l’améliorer, de le faire accepter par l’opinion. On est en plein dans la logique pseudo-aristocratique du « cercle de la raison » : à quoi bon perdre du temps à consulter les péquenots, puisque nous savons ce qui est bon pour eux beaucoup mieux qu’eux-mêmes ? Et lorsque les péquenots se rebellent et occupent les ronds-points, c’est qu’ils ont « mal compris », et on monte un « grand débat » qui est en fait le monologue du pouvoir expliquant aux citoyens pourquoi il a raison et pourquoi ils ont tort.

Il y a dans ce comportement une forme de violence qui n’est pas moins réelle pour être symbolique. Une violence qui rompt le consensus démocratique, qui veut que le pouvoir des gouvernants repose sur le consentement populaire. Non, le peuple n’a pas toujours raison, mais quand même bien il se tromperait, ce sont ses vues qui doivent prévaloir. La politique, disait Richelieu, est « l’art de rendre possible ce qui est nécessaire ». Et dans une logique démocratique, « rendre possible » revient à susciter l’adhésion du peuple à la politique proposée, et non de lui imposer par des arguties de procédure des politiques dont il ne veut pas. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que sur ce point le gouvernement, et surtout le président de la République, ont échoué lamentablement. Il est d’ailleurs paradoxal qu’un président qui se prétend le héraut de politiques rationnelles et se sent investi d’une force de conviction largement au-dessus de la norme échoue systématiquement à obtenir une véritable adhésion sur ses différentes réformes. Quoi qu’il en soit, il est clair aujourd’hui qu’une large majorité des Français rejette la réforme qui est proposée pour des raisons de fond. Dans une démocratie, un gouvernement – eut-il la majorité parlementaire nécessaire – peut-il aller contre la position majoritaire des citoyens ? C’est tout le débat entre légalité et légitimité, débat qu’il n’est pas simple de trancher. Je suis prêt à admettre que dans une situation très particulière les dirigeants du pays puissent prendre des mesures indispensables sans avoir le temps ou les moyens de consulter et de convaincre. L’électeur qui met son bulletin dans l’urne manifeste une certaine confiance dans celui qu’il élit pour faire cela. Mais ces situations doivent rester exceptionnelles. Quand s’asseoir sur l’avis des citoyens devient non pas une exception mais une règle, quand cela devient systématique y compris dans des situations où le débat et la consultation sont possibles, les citoyens finissent par tirer la conclusion qu’en votant ils se dépossèdent eux-mêmes de tout pouvoir sur leurs propres affaires. Conséquence : on ne vote pas, ou on vote pour ceux qui sont « contre tout », seul moyen d’éviter qu’on vous impose ce dont vous ne voulez pas.

Le problème n’est pas le 49.3. Au contraire : je pense que c’est là un mécanisme institutionnel magnifique, qu’il faut absolument préserver. Parce qu’il permet de mettre les élus publiquement devant leurs responsabilités. La pratique de la IVème République avait montré comment les gouvernements, pourtant soutenus par une majorité lors de leur investiture, étaient réduits à l’impuissance par les coalitions de rencontre, souvent actionnées par des intérêts particuliers ou tactiques. La possibilité pour un gouvernement, sur une mesure qu’il estime essentielle à l’exécution de son programme, d’exiger des députés qu’ils se positionnent clairement en mettant son départ dans la balance va dans le sens d’une responsabilisation des élus, et cela est une bonne chose. On voit d’ailleurs pourquoi cela pose problème aujourd’hui aux élus LR, qui étaient confortablement installés dans une logique « un pied dehors, un pied dedans ». Une position dictée d’abord par la tactique : apparaître trop proche des macronistes, c’est risquer de se faire voler son électorat populaire par le RN au compas de « blanc bonnet et bonnet blanc ». Se différentier trop, c’est risquer de mécontenter un électorat bourgeois finalement assez proche des orientations macroniennes. Cela a donné toutes les palinodies du genre menacer de voter contre la loi (ça fait plaisir aux couches populaires) mais en se fondant d’abord sur des arguments secondaires sur lesquels des concessions gouvernementales étaient possibles, sans jamais contester le point essentiel, le rallongement de la vie active (ça fait plaisir aux bourgeois). Un opérateur plus « politique » que le couple Borne/Macron aurait probablement réussi à acheter suffisamment de voix par des concessions intelligentes, évitant aux élus LR l’agonie de devoir choisir. L’utilisation du 49.3 va les obliger à se positionner clairement et sans ambiguïté. Ceux qui voteront la motion de censure auront fait échouer dramatiquement l’ensemble de la loi, ceux qui s’y refuseront auront laissé la loi passer. Tous deux auront à répondre devant leurs électeurs (1).

Il n’en reste pas moins que cette affaire laissera des traces profondes, à mon avis comparables à celles laissées par la ratification du traité de Lisbonne, qui vit des élus socialistes faire corps avec une majorité de droite pour ratifier un texte qui reprenait un grand nombre de dispositions rejetées par référendum deux ans plus tôt. Même si le texte voté n’avait pas du tout la même valeur que le traité constitutionnel rejeté en 2005, le message a été bien compris : on peut voter ce qu’on veut, à la fin c’est le « cercle de la raison » qui impose ses vues grâce aux apports des voix des partis « raisonnables ». A l’époque, ce fut dévastateur pour le Parti socialiste. Aujourd’hui, l’histoire semble se répéter pour LR.

Il laissera aussi des traces parce que la violence appelle la violence. Dans une société qui tend à devenir plus violente, celle du gouvernement semble justifier par avance celle de la rue. L’argument selon lequel ceux qui ont cassé l’Arc de Triomphe et de la porte d’un ministère ont obtenu en une nuit plus que des millions de manifestants pacifiques en un mois, que le pouvoir n’écoute que lorsqu’il a physiquement peur, est un argument qu’on peut difficilement balayer d’un revers de manche.

Le problème, je le répète, n’est pas de refaire la constitution. Aucune constitution ne peut obliger le pouvoir à écouter le peuple. Le problème se situe dans la dégradation dans tous les sens du terme de notre classe politique, avec une prédominance chaque fois plus grande de l’égo-politique. La politique est d’abord une question d’écoute, de « partir de ce que les gens ont dans la tête », comme disait l’un de mes maîtres. L’art du politique n’est pas tant d’élaborer un projet – c’est un terrain sur lequel les experts et les techniciens sont beaucoup mieux armés – que de gagner la confiance et l’adhésion à celui-ci. Le grand politique est celui qui est capable de faire accepter sa réforme, et non celui qui l’impose par la force des institutions et les arguties juridiques, quitte à faire des dégâts irréparables dans le tissu social. Le Chirac qui soumet le traité constitutionnel au référendum et le perd a fait bien plus pour la démocratie que le Sarkozy qui préfère passer par un congrès où élus socialistes et UMP joindront leurs voix pour faire approuver un texte qu’un référendum aurait certainement rejeté.

Mais la chose peut être rattrapée. Si la motion de censure était votée, cela montrerait que la constitution fonctionne, que le président peut faire beaucoup de choses mais ne peut pas faire n’importe quoi, et que nos institutions empêchent efficacement le pouvoir de tenir pour quantité négligeable l’opinion du peuple. Ce serait déjà un pas important. Les élus seront-ils à la hauteur ? Fin du suspense ce soir.

Descartes

(1) Accessoirement, on notera la différence de positionnement entre la NUPES et le RN. Le RN annonce qu’il votera toute motion de censure, quelque soit son auteur. Les partis formant la NUPES, eux, refusent de voter une motion présentée par le RN. Imaginons une situation théorique, dans laquelle une motion de censure déposée par le RN aurait une chance d’être effectivement votée si seulement les partis formant la NUPES la soutenait. Ils auraient alors le choix de voter cette motion et renverser le gouvernement, ou refuser leur vote et laisser le projet de devenir loi. Quel serait leur choix ?

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102 réponses à Censure: les élus au pied du mur

  1. COUVERT Jean-Louis dit :

    En même temps, et quoi qu’il en coûte, c’est moi le chef… Ce passage en force, en utilisant des outils démocratiques montre que les pouvoirs publics veulent décider sans (ou malgré) l’avis populaire. Les historiens pourront dire que la France était devenue une dictature démocratique ! En tout cas, messieurs (et mesdames, bien sûr) les politiques, cette réforme est-elle judicieuse ? Est-elle juste ? Est-elle nécessaire ? N’y a-t-il pas d’autres pistes à explorer ? N’avons-nous pas des problèmes plus urgents à résoudre ?
    Quel qu’en soit leur résultat, les motions de censure auront l’avantage de prouver (si besoin en était) que NUPES et LR roulent pour l’actuel pouvoir.

    • Descartes dit :

      @ COUVERT Jean-Louis

      [Ce passage en force, en utilisant des outils démocratiques montre que les pouvoirs publics veulent décider sans (ou malgré) l’avis populaire.]

      « Sans » serait à mon avis le terme exact. Dès le départ, le gouvernement a considéré le peuple – et ses représentants – comme quantité négligeable. Aucun effort sérieux n’a été fait pour clarifier le sens de la réforme et ses modalités. On a vu d’ailleurs se succéder des arguments – complémentaires ou contradictoires : un jour c’était la « justice », l’autre c’était les équilibres budgétaires, le troisième l’image de la France vis-à-vis des marchés financiers. L’étude d’impact était incomplète, les chiffres donnés à l’Assemblée étaient faux et ont dû être rectifiées. Tout s’est passé comme si finalement argumenter et convaincre le peuple – et ses représentants – n’avait aucun intérêt, comme si le débat public n’était qu’un mauvais moment à passer, sans effet sur le contenu du texte.

      [Les historiens pourront dire que la France était devenue une dictature démocratique !]

      J’en doute. Que l’attitude de Macron ait conduit à une crise politique montre que les institutions ne fonctionnent pas si mal. Le gouvernement va payer très cher le passage en force.

      [En tout cas, messieurs (et mesdames, bien sûr) les politiques, cette réforme est-elle judicieuse ? Est-elle juste ? Est-elle nécessaire ? N’y a-t-il pas d’autres pistes à explorer ? N’avons-nous pas des problèmes plus urgents à résoudre ?]

      En tout cas, le gouvernement a fait le choix de ne répondre sérieusement à aucune de ces questions. Avait-il des réponses convaincantes ? Nous ne le saurons pas, puisqu’il n’a même pas cherché à les faire valoir…

      [Quel qu’en soit leur résultat, les motions de censure auront l’avantage de prouver (si besoin en était) que NUPES et LR roulent pour l’actuel pouvoir.]

      Pour LR, c’est certain. Pour la NUPES, j’ai plus de mal à comprendre votre raisonnement.

      • Guy dit :

        Bonjour,
        Je réagit spécifiquement sur cette phrase :
        [Le gouvernement va payer très cher le passage en force.]
        Franchement, je ne vois pas en quoi il y aurait une quelconque sanction dans les jours ou les semaines qui viennent. Ni en quoi elle pourrait consister. Car point de motion de censure il n’y a eu (et il n’y aura). Oh, certes, Macron peut remanier mais qu’est-ce que cela changera au fond  ? Ou alors vous pensez à plus long terme, sur des échéances électorales ? 

        • Descartes dit :

          @ Guy

          [« Le gouvernement va payer très cher le passage en force. » Franchement, je ne vois pas en quoi il y aurait une quelconque sanction dans les jours ou les semaines qui viennent. Ni en quoi elle pourrait consister.]

          La sanction est la paralysie. Avec ce passage en force, le gouvernement a cassé le seul allié qui aurait pu lui permettre de passer ses textes à l’Assemblée. Le groupe LR est fracturé, et les députés LR qui n’ont pas voté la censure auront un besoin pressant de montrer qu’ils ne sont pas les toutous du gouvernement, en redoublant d’exigences. On sent déjà que la loi Darmanin est mort-née… mais vous avez en partie raison : le principal coût sera supporté non pas par le gouvernement, mais par le pays, avec un affaiblissement de ses institutions et de leur capacité de décision.

  2. Jean-Marc Laborde dit :

    mon brave monsieur , arrêtez de jouer les pompiers , en défendant becs et ongles une constitution ,celle de la 5ème République , qui est désormais usée jusqu’à la corde anti-démocratique , et qui est désormais devenue dangereuse , bien que moribonde . C’est macron qui vient de lui asséner son coup fatal , et qui sera emporté avec elle ….

    • Descartes dit :

      @ Jean-Marc Laborde

      [Mon brave monsieur, arrêtez de jouer les pompiers, en défendant becs et ongles une constitution, celle de la 5ème République, qui est désormais usée jusqu’à la corde anti-démocratique, et qui est désormais devenue dangereuse, bien que moribonde.]

      Permettez-moi de m’étonner de l’utilisation du mot « désormais », qui plus est par deux fois. Dois-je comprendre que pour vous la constitution de la Vème République était au départ tout à fait démocratique et pas du tout dangereuse, et qu’elle est « devenue » dangereuse et anti-démocratique « désormais » ? Et si c’est le cas, qu’est ce qui a évolué en soixante-dix ans pour provoquer un tel changement ?

      Pour moi, la constitution de la Vème est un monument au génie français. Je vous conseille de lire, si vous avez l’opportunité, les comptes rendus de la commission de la constitution, publiés à la Documentation Française. On y trouve les débats entre les juristes éminents qui ont travaillé en 1958 à son élaboration. Et ces gens-là ne se sont pas contentés de recopier ce qui se faisait hier, ou de reprendre les éléments des différentes constitutions françaises. Ces gens-là ont innové : le « parlementarisme rationnalisé » pour éviter que le parlement s’occupe de tout et le recentrer sur sa véritable fonction, celle de poser les règles générales d’une part, celle d’intervenir dans les domaines où l’on touche aux libertés publiques, d’autre part ; la diarchie au sommet de l’exécutif, qui permet d’établir une forme d’équilibre entre un régime présidentiel et un régime parlementaire ; l’article 49.3 qui permet de mettre les députés devant leurs responsabilités… et je pourrais continuer longuement. Mais le principal mérite de la constitution de 1958, c’est sa flexibilité. Là où les constitutions précédentes ont craqué lorsque le contexte politique s’est éloigné de celui qui les avait vu naître, la constitution de la Vème a pu s’adapter aux évolutions du contexte. Le pays est resté gouvernable avec des majorités homogènes, avec des majorités hétérogènes, avec des majorités relatives. Le problème aujourd’hui, j’insiste, ce n’est pas la constitution, mais la configuration du monde politique. Lorsque le pouvoir politique n’écoute pas le peuple, le système craque. Et aucune constitution ne vous garantira contre ce phénomène. Vous croyez vraiment qu’on serait mieux gouvernés dans un régime d’assemblée, façon IIIème ou IVème Républiques ?

      J’aimerais bien d’ailleurs que vous m’indiquiez en quoi la constitution de la Vème serait « anti-démocratique ». Ce genre d’affirmation me fait penser à la formule d’Adlaï Stevenson : « si le pouvoir corrompt, l’impuissance corrompt absolument ». Organiser l’impuissance du politique, corseter les élus dans des institutions qui ne leur permettent de rien faire, organiser l’irresponsabilité en diluant les pouvoirs, ce n’est pas l’idée que je me fais de la démocratie.

      [C’est macron qui vient de lui asséner son coup fatal, et qui sera emporté avec elle …]

      Vous savez, on a tellement de fois donné pour morte la Vème République… Et pourtant elle tient encore. Une stabilité qui confirme d’ailleurs mon appréciation sur la qualité du texte. J’aurais tendance d’ailleurs à dire qu’on aurait intérêt à revenir à la lettre et l’esprit original de la Vème, qui est d’écouter le peuple et de lui faire confiance, au lieu de chercher à lui lier les mains.

      • Gugus69 dit :

        Vous avez raison, ami et camarade, la constitution a tenu contre vents et marées, elle a encaissé les cohabitations. Et pourtant, depuis quelques décennies, on s’est évertué à la dénaturer, notamment avec l’instauration du quinquennat, qui obère la conduite de politiques sur le long terme.
        Mais plus grave encore, j’ai le sentiment que les tenants de la VIe République sont bien infoutus de se mettre d’accord sur son texte fondateur. D’ailleurs, à ma connaissance, aucun d’entre eux ne s’est lancé dans l’exercice…
        N’est pas Michel Debré qui veut.

        • Descartes dit :

          @ Gugus69

          [Vous avez raison, ami et camarade, la constitution a tenu contre vents et marées, elle a encaissé les cohabitations. Et pourtant, depuis quelques décennies, on s’est évertué à la dénaturer, notamment avec l’instauration du quinquennat, qui obère la conduite de politiques sur le long terme.]

          Tout à fait. L’alignement du calendrier parlementaire et présidentiel, additionné au raccourcissement du mandat présidentiel a déséquilibré le dispositif constitutionnel. A cela s’ajoute la QPS, qui institue sans le dire le gouvernement des juges…

          [Mais plus grave encore, j’ai le sentiment que les tenants de la VIe République sont bien infoutus de se mettre d’accord sur son texte fondateur. D’ailleurs, à ma connaissance, aucun d’entre eux ne s’est lancé dans l’exercice… N’est pas Michel Debré qui veut.]

          Tout à fait. Les tenants de la VIème consacrent le plus clair de leur temps à expliquer que la Vème est dépassée… mais pour le moment aucun n’est sorti du bois avec un projet constitutionnel ou même une esquisse de ce que pourraient être les nouvelles institutions. Certains comme Mélenchon se cachent derrière la « constituante », censée par miracle fabriquer une solution. D’autres reparlent d’un « retour à la république parlementaire », sans expliquer comment ils évitent les écueils sur lesquels s’est fracassée la IIIème et la IVème…

  3. François dit :

    Bonjour Descartes,
    [Quel serait leur choix ?]
    On l’a bien vu avec la motion référendaire déposée par le RN qu’ils ont refusé de voter. Les mêmes qui par la suite viennent exiger de Macron la tenue d’un référendum…
    De toutes façons, entre voter une motion du RN ou l’Apocalypse, ces gens là opteraient sans hésiter l’Apocalypse (déjà qu’ils étaient mal à l’aise à ce que le RN vote une des leurs).
    Bref : « Vous comprenez bien ma p’tite dame, à cause de nous, oui on va vous la mettre bien profonde, mais l’important, c’est de ne pas s’être compromis avec la Haine ».

    • Descartes dit :

      @ François

      [« Quel serait leur choix ? » On l’a bien vu avec la motion référendaire déposée par le RN qu’ils ont refusé de voter.]

      Ce n’est pas la même chose. Leur choix aurait-il été le même si la motion en question avait eu la moindre chance d’être votée ? Affronter son électorat pour un résultat nul n’est pas la même chose que de l’affronter pour un résultat important…

      [De toutes façons, entre voter une motion du RN ou l’Apocalypse, ces gens-là opteraient sans hésiter l’Apocalypse (déjà qu’ils étaient mal à l’aise à ce que le RN vote une des leurs).]

      Je ne suis pas persuadé. Oui, il y a une majorité de députés LFI qui sont des fanatiques. Mais des hommes comme Ruffin ou Roussel sont suffisamment pragmatiques pour comprendre qu’à certains moments qui veut la fin veut les moyens. En son temps, le PCF a joint ses voix au FN pour rejeter le traité constitutionnel européen, même si pour cela il a inventé la théorie baroque du « non de gauche »…

      • François dit :

        @Descartes
        [Ce n’est pas la même chose. Leur choix aurait-il été le même si la motion en question avait eu la moindre chance d’être votée ? Affronter son électorat pour un résultat nul n’est pas la même chose que de l’affronter pour un résultat important…]

        « Oublie que tu n’as aucune chance, vas-y, fonce ! On sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher. »

        Disait Jean-Claude Dusse dans les Bronzés font du ski.
         
        [Mais des hommes comme Ruffin ou Roussel sont suffisamment pragmatiques pour comprendre qu’à certains moments qui veut la fin veut les moyens.]
        Bah à part dire que le ciel est vert quand le RN dit que le ciel est bleu, puis se raviser dès qu’il a le dos tourné, ça ne transpire pas particulièrement le pragmatisme.
         
        [En son temps, le PCF a joint ses voix au FN pour rejeter le traité constitutionnel européen, même si pour cela il a inventé la théorie baroque du « non de gauche »…]
        Admettons que le référendum ait été à la seule initiative du FN avec pour consigne donnée de voter NON, auraient-il également appelé à voter NON ?

        • Descartes dit :

          @ dsk

          [« Mais des hommes comme Ruffin ou Roussel sont suffisamment pragmatiques pour comprendre qu’à certains moments qui veut la fin veut les moyens. » Bah à part dire que le ciel est vert quand le RN dit que le ciel est bleu, puis se raviser dès qu’il a le dos tourné, ça ne transpire pas particulièrement le pragmatisme.]

          Vous noterez que tous deux s’opposent à la vulgate de gauche qui exclut toute légitimité au RN, tous deux tiennent des propos (pensez à l’histoire de « la France des allocations » qui contrastent agréablement avec l’idéalisme du reste de la gauche…

          [« En son temps, le PCF a joint ses voix au FN pour rejeter le traité constitutionnel européen, même si pour cela il a inventé la théorie baroque du « non de gauche »… » Admettons que le référendum ait été à la seule initiative du FN avec pour consigne donnée de voter NON, auraient-il également appelé à voter NON ?]

          Je ne sais pas, mais je pense que oui. En inventant quelque chose du genre du « non de gauche »…

          • François dit :

            @Descartes,
            [Vous noterez que tous deux s’opposent à la vulgate de gauche qui exclut toute légitimité au RN]
            Oui et c’est pour cela qu’ils fuient toutes initiatives du RN, qui pourtant vont parfois dans leur sens, comme s’il s’agissait de lépreux.
             
            [ tous deux tiennent des propos (pensez à l’histoire de « la France des allocations » qui contrastent agréablement avec l’idéalisme du reste de la gauche…]
            Bref, ce sont des paternalistes condescendants. Les électeurs du RN ont raison dans le fond, mais bon les pauvres se fourvoient en votant la lèpre.
             
            [Je ne sais pas, mais je pense que oui. En inventant quelque chose du genre du « non de gauche »…]
            Et maintenant rajoutons une hypothèse supplémentaire : pour que le NON l’emporte, ils auraient du faire campagne avec le FN. Non pas se renier, en pouvant continuant d’affirmer qu’il existera toujours des différences irréductibles avec le FN, mais juste accepter de faire des meetings communs, et d’y serrer publiquement la main de cadres du FN…

            • Descartes dit :

              @ François

              [« Vous noterez que tous deux s’opposent à la vulgate de gauche qui exclut toute légitimité au RN » Oui et c’est pour cela qu’ils fuient toutes initiatives du RN, qui pourtant vont parfois dans leur sens, comme s’il s’agissait de lépreux.]

              Ne sous-estimez pas le poids des cultures politiques. Au RN aussi, on a du mal à se joindre aux initiatives du PCF ou de la CGT, même quand cela va « dans leur sens ». Il n’y a qu’à voir la difficulté qu’ont les militants RN lorsqu’il s’agit de se joindre à des manifestations syndicales…

              [Et maintenant rajoutons une hypothèse supplémentaire : pour que le NON l’emporte, ils auraient du faire campagne avec le FN. Non pas se renier, en pouvant continuant d’affirmer qu’il existera toujours des différences irréductibles avec le FN, mais juste accepter de faire des meetings communs, et d’y serrer publiquement la main de cadres du FN…]

              Posez-vous la question inverse. Vous voyez Louis Alliot ou Marine Le Pen acceptant de parler à la même tribune que Fabien Roussel ? Ne demandez pas trop : même en plein « gaullo-communisme », il était impensable de voir un gaulliste et un communiste partager la même tribune… même sur des sujets sur lesquels ils étaient d’accord.

            • François dit :

              @Descartes
              [Ne sous-estimez pas le poids des cultures politiques.]
              Rien à battre des «cultures politiques». Le fait est que depuis le début de cette histoire, il y en a un qui se comporte de façon odieusement sectaire, et que ça n’est pas le RN. Le reste, c’est de la mandoline.
               
              [Au RN aussi, on a du mal à se joindre aux initiatives du PCF ou de la CGT, même quand cela va « dans leur sens ».]
              Encore une fois, le FN a voté une motion de censure de la NUPES, alors que la réciproque est fausse.
               
              [Il n’y a qu’à voir la difficulté qu’ont les militants RN lorsqu’il s’agit de se joindre à des manifestations syndicales…]
              Bah sachant qu’ils ont été d’emblée déclarés persnona non grata, ils ne vont effectivement pas prendre le risque de se taper l’incruste…
               
               
              [Posez-vous la question inverse. Vous voyez Louis Alliot ou Marine Le Pen acceptant de parler à la même tribune que Fabien Roussel ?]
              Si ce genre de scène aurait été impensable du temps de Le Pen père, oui je le verais en effet parler à la même tribune que Roussel. Ou tout du moins que la probabilité de ce cas de figure est plus élevée que la réciproque.

            • Descartes dit :

              @ François

              [« Ne sous-estimez pas le poids des cultures politiques. » Rien à battre des «cultures politiques».]

              Oh ! Quelle expression dans la bouche d’un jeune homme si bien élevé… !
              Les cultures politiques sont là, et il est difficile de les ignorer. Malgré son œcuménisme récent, les militants du RN se signent encore à la mention du « communisme », alors même que leur parti reprenait l’essentiel des repères du PCF marchaisien pour bâtir sa ligne « social-souverainiste ». Chaque culture politique a ses héros et ses vilains, ses injonctions et ses tabous. Le problème est que chacun voit surtout ceux des autres…

              [Le fait est que depuis le début de cette histoire, il y en a un qui se comporte de façon odieusement sectaire, et que ça n’est pas le RN. Le reste, c’est de la mandoline.]

              Tout le monde ou presque se comporte d’une façon « odieusement sectaire ». L’ennui, c’est que chacun ne perçoit le sectarisme que chez les autres. Quand vous entendez un dirigeant de gauche assimiler le RN au nazisme, vous voyez du sectarisme. Quand vous entendez un dirigeant du RN rendre les communistes français responsables du Goulag, vous trouvez cela parfaitement factuel et normal. Je vous invite à prendre du recul, et à regarder les discours des uns et des autres comme si vous étiez venu d’une autre planète. Vous verrez que le poids de la culture politique reste partout très fort.

              [« Au RN aussi, on a du mal à se joindre aux initiatives du PCF ou de la CGT, même quand cela va « dans leur sens ». » Encore une fois, le FN a voté une motion de censure de la NUPES, alors que la réciproque est fausse.]

              Oui, mais je ne les ai pas vu dans les manifestations. Comme je n’ai pas vu les élus RN visiter les usines en grève pour soutenir les grévistes. Là encore, c’est une question de culture politique. Et dans chaque culture politique, il y a des choses qui se font, et d’autres qui ne se font pas. A gauche, on ne vote pas avec la droite, à droite on ne manifeste pas avec la gauche. Qui est le plus sectaire ? Je laisse cette réponse à votre sagesse…

              [« Posez-vous la question inverse. Vous voyez Louis Alliot ou Marine Le Pen acceptant de parler à la même tribune que Fabien Roussel ? » Si ce genre de scène aurait été impensable du temps de Le Pen père, oui je le verais en effet parler à la même tribune que Roussel. Ou tout du moins que la probabilité de ce cas de figure est plus élevée que la réciproque.]

              Je ne le pense pas. Là encore, le poids du passé est écrasant…

            • Patriote Albert dit :

              Je me permets de m’immiscer dans le débat. En effet, j’ai pu assister à la présence d’un député et d’un candidat aux législatives RN (acccompagnés de leur garde rapprochée) en manifestation contre la réforme des retraites au mois de février. Résultat: une militante de gauche a demandé au mégaphone qu’on les sorte de la manif. Ils se sont fait huer et insulter jusqu’à ce qu’ils fichent le camp. Je précise qu’aucun des membres présents n’arborait d’emblème du RN, et qu’il s’agissait d’une ville moyenne où l’on ne croise pas de groupuscules antifa violents comme dans les grandes métropoles. Je n’ose donc imaginer ce qui se produirait si le RN tentait de manifester à Lyon ou Paris…
              De manière générale, il faut reconnaître au RN actuel un sens tactique qui fait défaut à gauche où l’on se drape dans les postures morales. Le fait de voter toutes les motions de censure quand la gauche refuse de renverser le gouvernement si c’est le RN qui le propose, mais aussi le fait de s’engager à ne pas présenter de candidat contre les députés LR qui voteraient la censure en cas de dissolution, lui permet de montrer une cohérence dans l’opposition à laquelle les partis de la NUPES ne peuvent prétendre. Il faut donc en conclure que l’outrance du langage masque en réalité une radicalité dans l’opposition au macronisme inférieure à gauche par rapport à l’extrême-droite. Et cela se traduit logiquement dans les intentions de vote, où les sondages récents donnent une prime au vote RN par rapport à l’an dernier, quand la NUPES stagne. La question reste celle de la sincérité de cette opposition : simple mouvement tactique pour capitaliser sur la détestation d’E. Macron, ou sincère volonté de représenter les intérêts des classes populaires ?
               
              A part ça, compte tenu des manifestations de ce week-end, avez vous prévu de ressortir votre article sur la mort tragique de Rémi Fraisse ? La situation vis-à-vis des mégabassines semble très similaire à celle du barrage de Sivens, si ce n’est que certains de ces ouvrages ont été déclaré illégaux en et que leur légitimité semble davantage débattue. Mais du côté du comportement des oppositions, aucun changement : toujours cette morale de religieux persuadés que tout les moyens de lutte sont bons quand on lutte pour la cause. Et toujours aussi peu de compassion vis-à-vis des forces de l’ordre agressées…

            • Descartes dit :

              @ Patriote Albert

              [Je me permets de m’immiscer dans le débat. En effet, j’ai pu assister à la présence d’un député et d’un candidat aux législatives RN (acccompagnés de leur garde rapprochée) en manifestation contre la réforme des retraites au mois de février. Résultat : une militante de gauche a demandé au mégaphone qu’on les sorte de la manif. Ils se sont fait huer et insulter jusqu’à ce qu’ils fichent le camp. Je précise qu’aucun des membres présents n’arborait d’emblème du RN, et qu’il s’agissait d’une ville moyenne où l’on ne croise pas de groupuscules antifa violents comme dans les grandes métropoles. Je n’ose donc imaginer ce qui se produirait si le RN tentait de manifester à Lyon ou Paris…]

              Il serait intéressant de voir comment un député et un candidat LFI serait accueilli dans un rassemblement organisé par le RN… je ne crois pas qu’il serait très différent. Les cultures politiques ont un poids important, et certains réflexes ont la vie dure. Même si sur un domaine on peut être d’accord, même si sous certaines conditions on peu voter ensemble, on ne se mélange pas.

              [De manière générale, il faut reconnaître au RN actuel un sens tactique qui fait défaut à gauche où l’on se drape dans les postures morales. Le fait de voter toutes les motions de censure quand la gauche refuse de renverser le gouvernement si c’est le RN qui le propose, mais aussi le fait de s’engager à ne pas présenter de candidat contre les députés LR qui voteraient la censure en cas de dissolution, lui permet de montrer une cohérence dans l’opposition à laquelle les partis de la NUPES ne peuvent prétendre.]

              Tout à fait. Et ce n’est pas seulement une question « tactique ». Le RN a l’avantage sur la NUPES d’avoir des objectifs relativement clairs. L’objectif de MLP et des siens est d’être reconnus comme un parti « normal », capable de participer au jeu institutionnel et de jouer le rôle d’une véritable opposition. La NUPES oscille toujours entre des objectifs contradictoires, tantôt se plaçant comme un parti de gouvernement, tantôt prétendant au rôle tribunitien. Un jour Mélenchon fait peur aux modérés en se faisant l’exemple même « du bruit et de la fureur », le suivant il prétend pouvoir accéder au poste de premier ministre. Un jour il crache sur tous ceux qui ne pensent comme lui, le suivant comme le meilleur rassembleur d’une gauche diverse…

              [Il faut donc en conclure que l’outrance du langage masque en réalité une radicalité dans l’opposition au macronisme inférieure à gauche par rapport à l’extrême-droite.]

              Bien entendu. C’est une question de classe : les classes qui crachent sur Macron mais qui au fond bénéficient de ses politiques sont beaucoup mieux représentées chez la NUPES qu’au RN. D’où certaines ambiguïtés…

              [La question reste celle de la sincérité de cette opposition : simple mouvement tactique pour capitaliser sur la détestation d’E. Macron, ou sincère volonté de représenter les intérêts des classes populaires ?]

              Pour moi, c’est une question secondaire. Un parti politique est largement prisonnier de son électorat. Et une fois arrivé au pouvoir, il ne peut y rester qu’en veillant à le satisfaire. La formule « je suis leur leader, je dois les suivre » paraît comique, mais renferme une vérité. Si le RN arrive au pouvoir grâce au vote des couches populaires, il lui faudra les contenter pour s’y maintenir. Et ils seront donc obligés de faire certaines politiques, qu’ils soient « sincères » ou pas.

              [A part ça, compte tenu des manifestations de ce week-end, avez-vous prévu de ressortir votre article sur la mort tragique de Rémi Fraisse ? La situation vis-à-vis des mégabassines semble très similaire à celle du barrage de Sivens, si ce n’est que certains de ces ouvrages ont été déclaré illégaux en et que leur légitimité semble davantage débattue. Mais du côté du comportement des oppositions, aucun changement : toujours cette morale de religieux persuadés que tout les moyens de lutte sont bons quand on lutte pour la cause. Et toujours aussi peu de compassion vis-à-vis des forces de l’ordre agressées…]

              Tout à fait ! Malheureusement je suis terriblement en retard par rapport à l’actualité. J’avais commencé un article après l’échec de la motion de censure, et je ne l’ai toujours pas terminé !

  4. Cherrytree dit :

    @Descartes
    C’est que Roussel et quelques autres savent où a mené “Plutôt Hitler que Blum”. Les protagonistes ont changé, l’Histoire a changé, mais les réflexes sont les mêmes : le repli sur les intérêts privés qui sont les intérêts de sa caste, c’est tout un, et aucun sens de l’intérêt général. 

    • rey dit :

      Cela m’ étonnerait fort que Roussel, incarnation parfaite du traître social-démocrate, sache quoi que ce soit de l’ histoire de son pays face à la montée du fascisme avant-guerre. De tels individus nous font mieux comprendre certaines duretés du camarade Staline, à l’ époque où l’ URSS se préparait seule à l’ assaut nazi.

      • Descartes dit :

        @ rey

        [Cela m’ étonnerait fort que Roussel, incarnation parfaite du traître social-démocrate,]

        Je ne vois pas très bien en quoi Roussel serait “l’incarnation parfaite du traitre social-démocrate”. D’une part, parce que la perfection n’est pas de ce monde, et d’autre part parce que je ne vois pas très bien quoi dans son histoire personnelle ferait de lui un “traitre social-démocrate”. Et pourquoi pas “hyène à stylographe”, puisqu’on y est ? Il faut raison garder: voir des traîtres partout ne permet pas de faire avancer le schmilblick…

        [sache quoi que ce soit de l’ histoire de son pays face à la montée du fascisme avant-guerre.]

        Là encore, j’aimerais bien savoir sur quoi vous vous fondez pour tirer pareille conclusion. Son père était un journaliste communiste qui a fait une longue carrière à l’Humanité, son meilleur ami était le fils de Georges Marchais. A mon avis, ils ont du lui en parler…

        [De tels individus nous font mieux comprendre certaines duretés du camarade Staline, à l’époque où l’URSS se préparait seule à l’assaut nazi.]

        Là encore, une explication s’impose, non ?

  5. dsk dit :

    @ Descartes
     
    [“L’utilisation de l’article 47.1 de la Constitution, théoriquement réservé au vote des lois de financement, instruments qui doivent impérativement être adoptés dans des délais contraints sous peine de désorganiser l’administration du pays, alors que le vote n’avait aucun caractère d’urgence, était un choix purement tactique qui s’apparente – on verra ce qu’en dira le Conseil constitutionnel – à un détournement de procédure.”]
     
    Qu’est-ce qui vous fait penser cela ? Avez-vous entendu un avertissement solennel en ce sens de Laurent Fabius ? Je pense, pour ma part, qu’il nous en aurait certainement déjà averti, de la même façon que durant la campagne présidentielle, il n’avait pas hésité à nous expliquer que les candidats qui comptaient se fonder sur l’article 11 et le referendum pour réviser la constitution avaient “tout faux” pour la raison juridiquement imparable que “n’est pas le Général De Gaulle qui veut”. 
     
    La leçon de droit de Laurent Fabius aux candidats pour 2022 : «N’est pas le général De Gaulle qui veut !» – Le Parisien

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Qu’est-ce qui vous fait penser cela ? Avez-vous entendu un avertissement solennel en ce sens de Laurent Fabius ?]

      Non, mais j’ai vu passer un avertissement plus discret mais pas moins explicite du Conseil d’Etat. Je pense que Fabius peut difficilement parler d’une loi en cours d’élaboration, compte tenu qu’il aura à se prononcer comme juge constitutionnel sur ce même texte.

      [Je pense, pour ma part, qu’il nous en aurait certainement déjà averti, de la même façon que durant la campagne présidentielle, il n’avait pas hésité à nous expliquer que les candidats qui comptaient se fonder sur l’article 11 et le referendum pour réviser la constitution avaient “tout faux” pour la raison juridiquement imparable que “n’est pas le Général De Gaulle qui veut”.]

      Ce qui, vous me l’accorderez, est presque une vérité d’évidence. Mais la question de l’article 11 est une question générale, alors qu’ici il s’agit d’un texte précis, que le Conseil va devoir analyser. Dans ces conditions, difficile d’avoir une expression publique sur la question…

      • dsk dit :

        @ Descartes
         
        [“Je pense, pour ma part, qu’il nous en aurait certainement déjà averti, de la même façon que durant la campagne présidentielle, il n’avait pas hésité à nous expliquer que les candidats qui comptaient se fonder sur l’article 11 et le referendum pour réviser la constitution avaient “tout faux” pour la raison juridiquement imparable que “n’est pas le Général De Gaulle qui veut”.] [“Ce qui, vous me l’accorderez, est presque une vérité d’évidence.”]
         
        Certes, surtout dans le cas de Fabius lui-même. Mais est-ce un argument juridiquement valable ?
         
        [“Mais la question de l’article 11 est une question générale, alors qu’ici il s’agit d’un texte précis, que le Conseil va devoir analyser. Dans ces conditions, difficile d’avoir une expression publique sur la question…”]
         
        Je ne vois pas très bien en quoi la question de savoir si l’article 11 pourrait être utilisé pour réviser la constitution serait plus “générale” que celle de savoir si l’article 47-1 peut servir à “réformer” les retraites. C’est pourquoi je pense que si Fabius, cette fois-ci, ne se prononce pas, c’est qu’il se réserve d’annoncer lui-même la bonne surprise du rejet du recours à Macron. 

        • Descartes dit :

          @ dsk

          [« Mais la question de l’article 11 est une question générale, alors qu’ici il s’agit d’un texte précis, que le Conseil va devoir analyser. Dans ces conditions, difficile d’avoir une expression publique sur la question… » Je ne vois pas très bien en quoi la question de savoir si l’article 11 pourrait être utilisé pour réviser la constitution serait plus “générale” que celle de savoir si l’article 47-1 peut servir à “réformer” les retraites.]

          Dans un cas, il s’agit d’un candidat qui « pourrait » être élu et qui « pourrait » proposer une réforme constitutionnelle dont on ne connait pas la rédaction exacte. Dans l’autre, il s’agit de se prononcer sur un texte concret, en cours de vote, et sur lequel le Conseil devra se prononcer dans les semaines qui viennent. Vous ne trouvez pas que cela fait une différence ?

          La question qui est posée au Conseil n’est pas de savoir « si l’article 47-1 peut servir à réformer les retraites » en général. C’est de savoir si le texte précis voté par le Parlement s’ajuste ou non aux dispositions relatives aux lois de financement de la sécurité sociale. Et si le président du Conseil constitutionnel peut s’exprimer sur des questions générales, il est clair qu’il ne peut sans violer son devoir de réserve s’exprimer sur un texte précis, surtout si c’est un texte qu’il devra examiner es-qualités.

          • dsk dit :

            @ Descartes
             
            [“Dans un cas, il s’agit d’un candidat qui « pourrait » être élu et qui « pourrait » proposer une réforme constitutionnelle dont on ne connait pas la rédaction exacte. Dans l’autre, il s’agit de se prononcer sur un texte concret, en cours de vote, et sur lequel le Conseil devra se prononcer dans les semaines qui viennent. Vous ne trouvez pas que cela fait une différence ?”]
             
            Tout à fait. Je dirais que dans le premier cas, se permettre de donner un avis définitif sur une hypothétique “réforme constitutionnelle dont on ne connait pas la rédaction exacte” constituait une violation flagrante, si ce n’est de son devoir de réserve, en tout cas de celui d’impartialité. Du reste, s’il avait jugé que le candidat était un nouveau De Gaulle, lui aurait-il alors reconnu le droit de se servir de l’article 11 pour réviser la constitution ?
             
            [“Et si le président du Conseil constitutionnel peut s’exprimer sur des questions générales, il est clair qu’il ne peut sans violer son devoir de réserve s’exprimer sur un texte précis, surtout si c’est un texte qu’il devra examiner es-qualités.”]
             
            Je ne vois pas en quoi il serait d’avantage fondé à s’exprimer sur des questions générales que sur des textes précis. Dans les deux cas, il appartient au conseil constitutionnel d’en juger, et non à son seul président. 

            • Descartes dit :

              @ dsk

              [Tout à fait. Je dirais que dans le premier cas, se permettre de donner un avis définitif sur une hypothétique “réforme constitutionnelle dont on ne connait pas la rédaction exacte” constituait une violation flagrante, si ce n’est de son devoir de réserve, en tout cas de celui d’impartialité.]

              On admet que les juges puissent exprimer une opinion générale sur un principe juridique, on n’admet pas qu’ils s’expriment sur un dossier en cours. Que le président de la Cour de cassation dise que la présomption irréfragable de paternité prévue par le code civil est un principe archaïque et devrait être révisé ne pose de problème à personne. Qu’il dise que dans tel dossier qui a des chances d’aboutir sur son bureau il s’apprête à le rejeter serait inadmissible.

              [Du reste, s’il avait jugé que le candidat était un nouveau De Gaulle, lui aurait-il alors reconnu le droit de se servir de l’article 11 pour réviser la constitution ?]

              La question de la reconnaissance de l’article 11, vous le savez bien, est politique et non juridique. Du point de vue du juriste, le Conseil a toujours jugé que l’utilisation de l’article 11 pour porter une réforme constitutionnelle est contraire à la Constitution. Seulement, à cette considération juridique le Conseil a ajouté une considération politique : les lois référendaires étant l’expression du souverain, le Conseil s’interdit d’en juger la constitutionnalité. C’est par cette pirouette que le juriste s’en sort. L’expression de Fabius sur l’article 11 ne fait que rappeler la position du juriste. Si MLP avait été élue et convoqué un référendum, le Conseil se serait probablement incliné devant le fait politique.

              [Je ne vois pas en quoi il serait d’avantage fondé à s’exprimer sur des questions générales que sur des textes précis. Dans les deux cas, il appartient au conseil constitutionnel d’en juger, et non à son seul président.]

              La question qui se pose est celle de l’impartialité du juge. S’exprimer sur une question générale vous donne une idée de la façon dont le juge réfléchit, mais n’implique pas que sa position soit établie dans un dossier qu’il à juger. Rien ne l’oblige à appliquer son idée générale à un cas particulier, et il a parfaitement la possibilité de prendre en compte les circonstances d’espèce. Par contre, s’exprimer sur un dossier précis implique que son opinion est faite AVANT que le dossier soit plaidé, ce qui pose quand même un sérieux problème.

            • dsk dit :

              @ Descartes
               
              [“Que le président de la Cour de cassation dise que la présomption irréfragable de paternité prévue par le code civil est un principe archaïque et devrait être révisé ne pose de problème à personne. “]
               
              A ma connaissance, les suggestions de modification législative figurant dans le rapport annuel de la Cour de cassation ne sont pas celles du premier président, mais celles des différentes chambres. Je n’ai jamais entendu, d’autre part, le premier président s’adresser publiquement à un futur justiciable en expliquant qu’il avait “tout faux” s’il pensait pouvoir se fonder sur une jurisprudence de la Cour. C’est là toute la différence, sans doute, entre un véritable juge et un ex-politicien comme Fabius.
               
              [“L’expression de Fabius sur l’article 11 ne fait que rappeler la position du juriste. Si MLP avait été élue et convoqué un référendum, le Conseil se serait probablement incliné devant le fait politique.”]
               
              Ah bon ? Donc Fabius aurait volontairement induit les électeurs en erreur en leur donnant à penser que MLP, Zemmour et Mélenchon avaient “tout faux” sur ce point de leur programme ? Je n’ose le croire… 

            • Descartes dit :

              @ dsk

              [A ma connaissance, les suggestions de modification législative figurant dans le rapport annuel de la Cour de cassation ne sont pas celles du premier président, mais celles des différentes chambres.]

              Tout à fait. Mais le président peut avoir un avis, et rien ne l’empêche de l’exprimer, à condition que cet avis porte sur une question générale sans rapport avec un dossier en cours.

              [Je n’ai jamais entendu, d’autre part, le premier président s’adresser publiquement à un futur justiciable en expliquant qu’il avait “tout faux” s’il pensait pouvoir se fonder sur une jurisprudence de la Cour.]

              Je ne me souviens pas que Laurent Fabius se soit « adressé publiquement à un futur justiciable ». Il a exprimé sa position sur un point de droit général dans un entretien télévisé.

              [« L’expression de Fabius sur l’article 11 ne fait que rappeler la position du juriste. Si MLP avait été élue et convoqué un référendum, le Conseil se serait probablement incliné devant le fait politique. » Ah bon ? Donc Fabius aurait volontairement induit les électeurs en erreur en leur donnant à penser que MLP, Zemmour et Mélenchon avaient “tout faux” sur ce point de leur programme ? Je n’ose le croire…]

              Pas du tout : lorsque Fabius dit que MLP, Zemmour et Mélenchon ont « tout faux » DU POINT DE VUE DU JURISTE, il a parfaitement raison. Et si les susnommés veulent garder leur pureté juridique, ils ne pourraient que s’abstenir de modifier la Constitution par l’utilisation de l’article 11. Seulement voilà, la question juridique est une chose, la question politique en est une autre. C’est un peu comme la question de la sortie des traités européens : lorsque les juristes vous disent qu’il est impossible de quitter l’Euro, ils ont JURIDIQUEMENT raison. Dès lors qu’aucun texte ne permet cette sortie, l’adhésion est JURIDIQUEMENT irrévocable. Il n’en reste pas moins que si un gouvernement, avec l’appui de son peuple, manifestait sa volonté de ne pas appliquer les traités instituant l’union monétaire, battait sa propre monnaie et donnait à celle-ci cours légal sur son territoire, les juristes seraient obligés de s’incliner. Quand il y a conflit entre le juriste et le politique, c’est le peuple souverain qui est appelé à trancher. Le Conseil constitutionnel admet d’ailleurs ce principe dans sa jurisprudence, lorsqu’il se refuse à contrôler la constitutionnalité d’un texte voté par référendum, argument utilisé d’ailleurs… lors de la modification de la Constitution par le biais de l’article 11 !

            • François dit :

              @Descartes
              [On admet que les juges puissent exprimer une opinion générale sur un principe juridique, on n’admet pas qu’ils s’expriment sur un dossier en cours.]
              Personnellement si l”opinion sur le principe juridique porte sur une question de « technique », ou de politique.
              [Que le président de la Cour de cassation dise que la présomption irréfragable de paternité prévue par le code civil est un principe archaïque et devrait être révisé ne pose de problème à personne.]
              Parlait-il de la faisabilité juridique de l’application du principe de présomption irréfragable de paternité, ou bien de la moralité d’un tel principe ? Car s’il s’agit du second cas de figure, il aurait du sauter sur le champ.
              J’attends du juge qu’il ne soit que la bouche de la loi. Si je suis prêt à tolérer un « droit d’alerte » quant aux moyens matériels mis à sa disposition, ou bien la praticité de la loi qu’il a à mettre en œuvre, il n’en reste pas moins que les juges devraient être astreint à la même obligation de réserve que les militaires.

            • Descartes dit :

              @ François

              [« On admet que les juges puissent exprimer une opinion générale sur un principe juridique, on n’admet pas qu’ils s’expriment sur un dossier en cours. » Personnellement si l”opinion sur le principe juridique porte sur une question de « technique », ou de politique.]

              Le fait de savoir si l’article 11 permet ou non de modifier la Constitution est une question éminemment technique. Sur cette question, tous les juristes sont d’ailleurs d’accord sur une réponse négative. C’est pourquoi le Conseil constitutionnel s’en est sorti en 1962 par une pirouette, en admettant que dans la mesure où le référendum exprime la volonté du souverain, celle-ci n’est pas contrainte par les règles constitutionnelles.

              [Parlait-il de la faisabilité juridique de l’application du principe de présomption irréfragable de paternité, ou bien de la moralité d’un tel principe ? Car s’il s’agit du second cas de figure, il aurait du sauter sur le champ.]

              Moins que de la « moralité » du principe, il s’exprimait sur son adaptation à une société moderne. Il s’agissait d’une analyse rationnelle, et non d’une pure opinion personnelle.

              [J’attends du juge qu’il ne soit que la bouche de la loi.]

              Lorsqu’il juge une affaire, certainement – même si l’on constate que le pouvoir d’interprétation est inévitable. Mais le juge peut-il s’exprimer en dehors de l’acte de juger ?

              [Si je suis prêt à tolérer un « droit d’alerte » quant aux moyens matériels mis à sa disposition, ou bien la praticité de la loi qu’il a à mettre en œuvre, il n’en reste pas moins que les juges devraient être astreint à la même obligation de réserve que les militaires.]

              Mais les militaires peuvent parfaitement s’exprimer sur des questions techniques. Vous trouverez de très nombreux livres et articles écrits par des militaires sur des questions de stratégie, sur l’intérêt de privilégier la conscription ou au contraire l’armée de métier, sur l’utilité ou non de la dissuasion nucléaire… Leur « devoir de réserve » s’apparente à celui de tout fonctionnaire. Il leur est plus ou moins interdit selon leur grade d’exprimer une position politique, de critiquer le gouvernement…

  6. maleyss dit :

    Je ne suis pas tout à fait d’accord avec la théorie que vous exposez dans votre article. Ne pensez-vous pas qu’il existe des circonstances dans lesquelles le pouvoir, au nom d’un intérêt supérieur bien compris, doive “brusquer”, en quelque sorte, l’opinion publique ? Tenez, pour ne parler que d’un sujet qui vous est cher, si, il y a quelques années, on avait demandé son avis au peuple sur la poursuite du programme nucléaire, ne pensez-vous pas que celui-ci, sous l’effet de la propagande habilement menée par les verdâtres, l’auraient rejetée ? De même, si un démagogue quelconque, grâce à des arguments spécieux commeon en entend assez souvent, proposait de rétablir la retraite à 60 ans, ne pensez-vous pas qu’un grand nombre d’électeurs seraient séduits ? Après tout, c’est déjà arrivé, non ?
    Evidemment, pour agir contre l’opinion publique, il  faudrait de véritables hommes d’état, ayant pour seule boussole l’intérêt supérieur de la nation.

    • Descartes dit :

      @ maleyss

      [Je ne suis pas tout à fait d’accord avec la théorie que vous exposez dans votre article. Ne pensez-vous pas qu’il existe des circonstances dans lesquelles le pouvoir, au nom d’un intérêt supérieur bien compris, doive “brusquer”, en quelque sorte, l’opinion publique ?]

      Non seulement je le pense, mais je le dis. Vous ne m’avez pas bien lu : « Je suis prêt à admettre que dans une situation très particulière les dirigeants du pays puissent prendre des mesures indispensables sans avoir le temps ou les moyens de consulter et de convaincre. L’électeur qui met son bulletin dans l’urne manifeste une certaine confiance dans celui qu’il élit pour faire cela. Mais ces situations doivent rester exceptionnelles. Quand s’asseoir sur l’avis des citoyens devient non pas une exception mais une règle, quand cela devient systématique y compris dans des situations ou le débat et la consultation sont possibles, les citoyens finissent par tirer la conclusion qu’en votant ils se dépossèdent eux-mêmes de tout pouvoir sur leurs propres affaires. »

      [Tenez, pour ne parler que d’un sujet qui vous est cher, si, il y a quelques années, on avait demandé son avis au peuple sur la poursuite du programme nucléaire, ne pensez-vous pas que celui-ci, sous l’effet de la propagande habilement menée par les verdâtres, l’auraient rejetée ?]

      Non, je ne le pense pas. L’exemple est mal choisi à mon avis parce que le nucléaire a toujours bénéficié d’un consensus majoritaire dans l’opinion. Les écologistes ont de l’influence sur les classes bavardantes, mais guère plus.

      [De même, si un démagogue quelconque, grâce à des arguments spécieux comme on en entend assez souvent, proposait de rétablir la retraite à 60 ans, ne pensez-vous pas qu’un grand nombre d’électeurs seraient séduits ? Après tout, c’est déjà arrivé, non ?]

      Oui, mais pas souvent. Notre peuple est un peuple éduqué, avec une longue expérience historique, et c’est pourquoi j’ai une certaine confiance en lui pour voir à travers la démagogie. De toute façon, si l’on croit que le peuple peut être facilement manipulé par les démagogues, alors la démocratie est condamnée.

      [Evidemment, pour agir contre l’opinion publique, il faudrait de véritables hommes d’état, ayant pour seule boussole l’intérêt supérieur de la nation.]

      L’avenir de la démocratie est pour moi étroitement lié à la capacité d’une société à produire ce genre de profil. Et on retourne à Castoriadis, et à son scepticisme sur la capacité du capitalisme de reproduire ce type de “structure anthropologique”…

      • maleyss dit :

        [le nucléaire a toujours bénéficié d’un consensus majoritaire dans l’opinion. Les écologistes ont de l’influence sur les classes bavardantes, mais guère plus.]
        En êtes-vous si sûr ? N’oubliez pas que, depuis une bonne cinquantaine d’années, le nucléaire a souffert d’une contre-propagande intensive jouant sur les peurs irrationnelles. Mon fils m’a récemment dit qu’il craindrait d’habiter à proximité d’une centrale. J’ai dû lui expliquer qu’il recevrait une irradiation bien plus importante en allant passer deux semaines en Bretagne, ou en altitude.
        Notre actuelle Premier Ministre n’aurait sais doute pas annoncé à grand sons de trompe la fermeture de Fessenheim si elle pensait que cette mesure était impopulaire.

        • Descartes dit :

          @ maleyss

          [« le nucléaire a toujours bénéficié d’un consensus majoritaire dans l’opinion. Les écologistes ont de l’influence sur les classes bavardantes, mais guère plus. » En êtes-vous si sûr ? N’oubliez pas que, depuis une bonne cinquantaine d’années, le nucléaire a souffert d’une contre-propagande intensive jouant sur les peurs irrationnelles. Mon fils m’a récemment dit qu’il craindrait d’habiter à proximité d’une centrale. J’ai dû lui expliquer qu’il recevrait une irradiation bien plus importante en allant passer deux semaines en Bretagne, ou en altitude.]

          On ne peut jamais être « sur ». Mais il y a une enquête qui est réalisée tous les trimestres depuis bientôt quarante ans, et qui montre que ceux qui trouvent que le nucléaire « a plus d’avantages que d’inconvénients » dépassent toujours les 50% (si l’on excepte les points pris juste après l’accident de Tchernobyl et celui de Fukushima). J’ajoute qu’il y a des éléments plus indirects : ainsi, par exemple, si l’opinion partageait les peurs de votre fils, le prix de l’immobilier devrait baisser au fur et à mesure qu’on s’approche d’une installation nucléaire. Or, si un effet existe sur les prix de l’immobilier, ce serait plutôt l’effet contraire : souvent les prix sont plus élevés au voisinage de l’installation…

          Le risque dans une société médiatisée comme la nôtre est de croire que l’image renvoyée par les médias correspond à la réalité. En fait, elle répond à la réalité telle qu’elle est vue par une certaine classe, celle qui domine l’espace médiatique. C’est pourquoi la question de la discrimination des femmes dans les conseils d’administration des entreprises du CAC40 reçoit une couverture bien plus importante que la discrimination des femmes de ménage…

          [Notre actuelle Premier Ministre n’aurait sans doute pas annoncé à grand sons de trompe la fermeture de Fessenheim si elle pensait que cette mesure était impopulaire.]

          Ce n’est pas du tout évident. D’abord, les « grands sons de trompe » sont assez relatifs, et l’annonce a été plutôt discrète. Ensuite, tout est une question de clientèles. Avoir fermé Fessenheim vous permet de gagner des voix chez les classes intermédiaires, et en perdre dans les couches populaires. Or, le macronisme repose plutôt chez les unes que chez les autres…

  7. Cording1 dit :

    Comme je le pensais il n’y a pas eu de miracle en cette fin d’après-midi : la motion de censure a été rejeté à 9 voix près. La crise politique continue et s’aggrave. Ne sommes-nous pas entrain de sortir de la démocratie ? Le cratos sans le demos. Un processus qui a été clairement analysé par Philippe Seguin lors de son discours de mai 1992 contre le traité de Maastricht “Maastricht ou l’anti-1789”. Après il y a eu le déni du vote populaire du 29 mai 2005. Le vrai pouvoir se trouve à Bruxelles, Berlin et Francfort.
    Comme vous le rappelez les Français comprendront que comme les Gilets jaunes ils obtiendront plus du pouvoir quand il a et aura peur. Alors il fait et fera les concessions nécessaires pour se maintenir en place. Nous en resterons là tant qu’il n’y aura pas une véritable alternative et alternance politique aux pouvoirs successifs depuis 30 ans.

    • Descartes dit :

      @ Cording1

      [Comme je le pensais il n’y a pas eu de miracle en cette fin d’après-midi : la motion de censure a été rejeté à 9 voix près.]

      En soi, c’est presque un miracle. Aucun commentateur ou presque ne donnait un tel score à la motion de censure. Comme vous, je suis déçu que la censure n’ait pas été votée, mais il faut regarder les faits : avant, beaucoup croyaient qu’une motion de censure n’avait aucune chance de passer, que les différentes oppositions n’étaient pas capables de joindre leurs voix pour renverser un gouvernement. Même si le grand miracle ne s’est pas produit, un petit miracle a eu lieu : on sait maintenant que c’est possible. On voit mal comment le gouvernement pourrait se relever d’un tel score.

      [La crise politique continue et s’aggrave. Ne sommes-nous pas en train de sortir de la démocratie ? Le cratos sans le demos.]

      J’ai tendance à penser que la difficulté du gouvernement à faire passer ce projet de loi montre au contraire que le « demos » est toujours vivant, et que les gouvernants l’ignorent à leurs risques et périls. Le véritable problème est plutôt qu’il n’y a personne pour incarner une alternative. Aurore Berge n’a pas tout à fait tort lorsqu’elle se demande ce qui se passerait après un vote de censure. Quelle majorité alternative ? Pour quelle politique ? A cette question, il n’y a pas vraiment de réponse. C’est là la principale force de Macron et les siens: il n’y a personne pour les remplacer…

  8. François dit :

    (Re)bonsoir Descartes
    [On est en plein dans la logique pseudo-aristocratique du « cercle de la raison » : à quoi bon perdre du temps à consulter les péquenots, puisque nous savons ce qui est bon pour eux beaucoup mieux qu’eux-mêmes ?]
    À partir d’un moment, rien n’oblige les Français de voter puis de revoter pour ledit « cercle de la raison », qui passe son temps à les mépriser. L’offre politique étant vaste dans ce pays, je suis obligé d’en arriver à la conclusion que les Français y trouvent leur compte.
    « Mais les alternatives souverainistes ne sont pas assez crédibles » me répondrez vous. À cela, je répondrais que faute de grives, on mange des merles. Et puis peut-être même que, le succès appelant le succès, des gens « crédibles », estimant que le jeu en valant la chandelle, rejoindraient les souverainistes.
    Au fond de Gaulle, s’il n’avait pas obtenu de conséquents ralliements dès l’été 1940, ne serait resté/devenu qu’un vulgaire illuminé du même acabit qu’un Asselineau…

    • Descartes dit :

      @ François

      [À partir d’un moment, rien n’oblige les Français de voter puis de revoter pour ledit « cercle de la raison », qui passe son temps à les mépriser. L’offre politique étant vaste dans ce pays, je suis obligé d’en arriver à la conclusion que les Français y trouvent leur compte.]

      L’offre n’est en fait pas si vaste que ça. Bien entendu, le paquet est de couleur différente, mais lorsque vous l’ouvrez, vous trouvez toujours la même chose. Les Français en ont fait l’expérience : ils ont voté pour « changer la vie », et se sont trouvés avec un gouvernement qui a déroulé le tapis rouge au néolibéralisme. Ils ont voté des pseudo-gaullistes, et ils ont eu la même chose. Ils ont voté la « gauche plurielle », et se sont trouvés avec un ministre communiste qui embrasse avec enthousiasme la privatisation d’Air France. Et si le mitterrandien Mélenchon était élu demain, il y a fort à parier qu’il ferait la même chose que son illustre mentor. Où est la variété dont vous me parlez ?

      Le problème, c’est que ce sont les classes intermédiaires qui dominent le champ des idées, qui se sont réservés les instruments d’élaboration intellectuelle. Et vous vous trouvez alors que tous les partis, avec un langage différent, défendent les mêmes intérêts. Et ceux qui courageusement s’en écartent sont ostracisés.

      [« Mais les alternatives souverainistes ne sont pas assez crédibles » me répondrez vous. À cela, je répondrais que faute de grives, on mange des merles. Et puis peut-être même que, le succès appelant le succès, des gens « crédibles », estimant que le jeu en valant la chandelle, rejoindraient les souverainistes.]

      Quand les merles se mettent à défendre les positions les plus irrationnelles, les plus réactionnaires, je refuse de les manger.

      [Au fond de Gaulle, s’il n’avait pas obtenu de conséquents ralliements dès l’été 1940, ne serait resté/devenu qu’un vulgaire illuminé du même acabit qu’un Asselineau…]

      J’ai du mal à imaginer De Gaulle monter sur le char des antivax. Contrairement à une légende bien établie, De Gaulle n’est pas tombé du ciel en 1940. Non seulement il avait des idées très élaborées avant la guerre, mais il avait aussi une stratégie pour les « vendre » à l’élite politique de l’époque. Il ne faudrait pas oublier que c’était le protégé de Pétain, puis de Reynaud… De Gaulle n’a jamais été un “illuminé”…

    • François dit :

      @Descartes
      [L’offre n’est en fait pas si vaste que ça. (…) Ils ont voté des pseudo-gaullistes, et ils ont eu la même chose. Ils ont voté la « gauche plurielle », et se sont trouvés avec un ministre communiste qui embrasse avec enthousiasme la privatisation d’Air France. (…)]
      Ils ont voté les candidats en tête de gondole, nuance. Car au fond des rayons se trouvaient des candidats comme Chevènement, de Villier, Dupont-Aignan et Asselineau (avant qu’ils finissent par complètement délirer en 2020), ou Le Pen fille (avant qu’elle finisse par se renier en 2017).
       
      [Le problème, c’est que ce sont les classes intermédiaires qui dominent le champ des idées, qui se sont réservés les instruments d’élaboration intellectuelle.]
      Seulement les « classes intermédiaires » ne constituent pas un tout strictement uniforme. Je crois que ce blog, en particulier son rédacteur que vous en êtes, en sont la preuve parlante. Si je vous concède que la gaussienne idéologique des « classes intermédiaires » est centrée sur l’européisme, il n’en reste pas moins que sa dispersion n’est pas nulle, et donc qu’il existe des intellectuels souverainistes, avec leurs instruments. Marginaux, oui, mais inexistants non. Le débat sur le bienfondé de l’appartenance aux institutions européennes a donc bien eu lieu.
       
      [Quand les merles se mettent à défendre les positions les plus irrationnelles, les plus réactionnaires, je refuse de les manger.]
      Mais il fut un temps, où, à défaut d’être goûtus, ils restaient comestibles. S’ils sont devenus vénéneux, c’est parce-que ce fut le seul moyen pour eux de continuer d’exister. Même le parti eurosceptique transalpin « Italexit » a adopté de telles positions délirantes. Face à de telles récurrences, je suis obligé d’en arriver à la conclusion que cela n’a rien à voir avec les personnalités desdits partis, mais est imposé par des circonstances extérieures.
       
      [J’ai du mal à imaginer De Gaulle monter sur le char des antivax.]
      Je pensais à l’Asselineau pré-2020. Le fait est qu’à force de diriger un groupuscule, on finit par se comporter en dirigeant groupusculaire.
       
      [Il ne faudrait pas oublier que c’était le protégé de Pétain, puis de Reynaud… De Gaulle n’a jamais été un “illuminé]
      Sans finir sous-secrétaire d’état à la guerre et la défense nationale, et nommé général à titre provisoire, Dupont-Aignan et Asselineau avaient des positions relativement enviables au sein de l’UMP (député-maire pour l’un, DirCab de Charles Pasqua pour l’autre). Positions qu’ils ne pouvaient obtenir qu’en étant un minium rationnels.
      Les circonstances font également les hommes. Imaginez vous le choc que ça doit être de finir, voix cumulées (Philippot + Asselineau) derrière un parti qui a eu pour affiche électorale, une photo de chat. Quand irrésistiblement les défaites cuisantes s’enchaînent, ou bien on finit par céder, ou bien on fini par croire en la venue du Messi.
       
      Il y a donc bien eu un fenêtre souverainiste qui était ouverte, mais les Français ne l’ont pas saisie. Trop tard maintenant.
      Et en croisant les doigts pour que la prochaine réforme des retraites ne nous soit directement imposée par le FMI.

      • Descartes dit :

        @ François

        [Ils ont voté les candidats en tête de gondole, nuance. Car au fond des rayons se trouvaient des candidats comme Chevènement, de Villiers, Dupont-Aignan et Asselineau (avant qu’ils finissent par complètement délirer en 2020), ou Le Pen fille (avant qu’elle finisse par se renier en 2017).]

        Oui, mais les candidats de fond de rayon – avec la possible exception de Chevènement en 2002, et de Marine Le Pen à partir de 2017 – n’ont jamais donné l’impression d’être capables de gouverner, ni même de vouloir gouverner. Les Français sont un peuple adulte : on ne va pas mettre à l’Elysée quelqu’un qui ne paraît pas capable de diriger le pays, avec les contraintes que cela suppose.

        Encore une fois, aux élections, on choisit un homme, pas un programme. Et les hommes qui viennent « du fond des rayons » ont rarement eu l’opportunité de montrer leur capacité à gouverner. MLP a réussi à remonter la pente – et encore, elle n’a pas tout à fait gagné la bataille de la crédibilité – grâce à un travail de fond de vingt ans. Chevènement, qui avait l’expérience et l’aura, a perdu trop de temps et est arrivé trop vieux au point où il aurait pu faire la différence. Franchement, si c’était à vous seul de choisir, confieriez-vous les leviers de l’Etat à Asselineau ?

        [« Le problème, c’est que ce sont les classes intermédiaires qui dominent le champ des idées, qui se sont réservés les instruments d’élaboration intellectuelle. » Seulement les « classes intermédiaires » ne constituent pas un tout strictement uniforme. Je crois que ce blog, en particulier son rédacteur que vous en êtes, en sont la preuve parlante.]

        Il y a toujours des « traîtres à leur classe ». Hier il y avait des bourgeois communistes, aujourd’hui vous trouverez des membres des classes intermédiaires qui luttent contre le pouvoir du « bloc dominant » dont ces classes font partie… mais si ces traitres peuvent aider les couches populaires dans leur combat en apportant leurs compétences, ils ne peuvent pas par eux-mêmes transformer le rapport de forces. Vous noterez d’ailleurs que lorsque le rapport de force était plus favorable aux classes populaires, les intellectuels étaient bien plus nombreux à se ranger de leur coté…

        [« Quand les merles se mettent à défendre les positions les plus irrationnelles, les plus réactionnaires, je refuse de les manger. » Mais il fut un temps, où, à défaut d’être goûtus, ils restaient comestibles. S’ils sont devenus vénéneux, c’est parce-que ce fut le seul moyen pour eux de continuer d’exister.]

        C’est là toute la différence avec un De Gaulle. Désolé de radoter, mais j’aime beaucoup la formule de mongénéral : « nous sommes trop faibles pour pouvoir accepter des compromis ». L’idée qu’on peut « exister » en se trahissant est une vision de tacticien qui oublie la vision du stratège. Je peux accepter – difficilement, mais je l’accepte – que Chevènement accorde à Macron un soutien électoral pour conserver une petite influence. Mais je ne pourrais pas accepter que Chevènement fasse sienne l’idée de la « start-up nation ». On peut faire des concessions tactiques, il ne faut jamais en faire en matière d’idéologie.

        [Le fait est qu’à force de diriger un groupuscule, on finit par se comporter en dirigeant groupusculaire.]

        Pas forcément. On peut diriger un groupuscule sans se concevoir en dirigeant d’un groupuscule. L’exemple de la France Libre est de ce point de vue éclairants. En 1940, De Gaulle dirigeait objectivement un « groupuscule ». Mais dès le départ, il écrit et parle en affirmant une vocation indiscutable à diriger l’Etat. Cela lui a provoqué l’incrédulité ou l’agacement de ses interlocuteurs, et rendu même son personnage ridicule aux yeux de certains. Mitterrand aussi s’est conduit en président bien avant de l’être. Et de Lénine à Fidel Castro, vous trouverez pas mal d’autres exemples. Si vous ne croyez pas vous-même à votre grandeur au point de l’affirmer, vous aurez beaucoup de mal à en persuader les autres.

        Le problème d’Asselineau ou de Dupont-Aignan, c’est que ce sont des gagne-petit, qui se contentent de peu. Mélenchon est l’un des rares aujourd’hui à croire en lui-même, à affirmer sans peur du ridicule qu’il s’attend à être élu président ou à être le prochain premier ministre, au risque de paraître ridicule. Et cela lui réussit plutôt bien : il a réussi à faire d’un groupuscule gauchiste un mouvement de masse, là où le NPA avait échoué. Paradoxalement, ce qui manque au camp souverainiste est un illuminé, quelqu’un de suffisamment fou pour croire en lui.

        [Sans finir sous-secrétaire d’état à la guerre et la défense nationale, et nommé général à titre provisoire, Dupont-Aignan et Asselineau avaient des positions relativement enviables au sein de l’UMP (député-maire pour l’un, DirCab de Charles Pasqua pour l’autre). Positions qu’ils ne pouvaient obtenir qu’en étant un minium rationnels.]

        Mais un minimum seulement. J’ai connu pas mal de députés-maire et de directeurs de cabinet de présidents de conseils généraux qui avaient une araignée au plafond. Et puis, les gens changent avec l’âge et les coups…

        [Les circonstances font également les hommes. Imaginez-vous le choc que ça doit être de finir, voix cumulées (Philippot + Asselineau) derrière un parti qui a eu pour affiche électorale, une photo de chat. Quand irrésistiblement les défaites cuisantes s’enchaînent, ou bien on finit par céder, ou bien on finit par croire en la venue du Messie.]

        Mais il y a céder et céder. Chevènement a fini par soutenir Macron, mais n’est pas allé jusqu’à faire l’éloge de l’idéologie macroniste. La politique, comme disait un premier ministre britannique, fait d’étranges compagnons de lit. Je suis assez indulgent lorsqu’il s’agit de concessions tactiques, mais inflexible lorsqu’il s’agit de concessions idéologiques. Je peux comprendre que Mélenchon vote « oui » à Maastricht avec l’espoir de devenir ministre. Mais lorsqu’il m’explique qu’il a voté « oui » parce que c’était un « compromis de gauche », je ne peux lui pardonner.

        • François dit :

          @Descartes
          [Oui, mais les candidats de fond de rayon – avec la possible exception de Chevènement en 2002, et de Marine Le Pen à partir de 2017 – n’ont jamais donné l’impression d’être capables de gouverner, ni même de vouloir gouverner.]
          D’où mon commentaire initial, faute de grives, on mange des merles.
           
          [Encore une fois, aux élections, on choisit un homme, pas un programme. Et les hommes qui viennent « du fond des rayons » ont rarement eu l’opportunité de montrer leur capacité à gouverner. (…)]
          En somme les Français seraient disposés à une alternance politique, une vraie, à condition que les souverainistes aient une expérience gouvernementale. C’est le serpent qui se mord la queue… Je suis donc obligé d’en arriver à la conclusion que les Français préfèrent le statut quo.
           
          [Franchement, si c’était à vous seul de choisir, confieriez-vous les leviers de l’Etat à Asselineau ?]
          Je les confierais même à Jean Lassalle si l’autre choix porte sur quelqu’un comme Macron.
           
          [mais si ces traitres peuvent aider les couches populaires dans leur combat en apportant leurs compétences, ils ne peuvent pas par eux-mêmes transformer le rapport de forces.]
          Quel « rapport de forces » ? Avant de l’évaluer, aurait-il fallu que les Français entament, sur la base de l’offre politique souverainiste « potable » ayant existé, le combat.
           
          [Pas forcément. On peut diriger un groupuscule sans se concevoir en dirigeant d’un groupuscule. L’exemple de la France Libre est de ce point de vue éclairants. En 1940, De Gaulle dirigeait objectivement un « groupuscule »]
          La phase « groupusculaire » n’a pas duré très longtemps :

          « Formées à l’été 1940, les forces militaires terrestres de la France Libre regroupent alors près de 3 000 hommes : ce sont des soldats rapatriés de Norvège ou déjà présents au Royaume-Uni et des volontaires venus rejoindre l’Homme du 18 Juin. Dès février 1941, l’Ecole des Cadets de la France Libre permet de former de nouveaux officiers. Ces troupes, équipées par les Britanniques, se renforcent considérablement (pour atteindre environ 17 000 hommes après le ralliement successif de territoires de l’Empire colonial français(le Pacifique et l’Afrique Equatoriale française, dès août-septembre 1940).
          La formation de forces navales de la France Libre (FNFL) et de forces aériennes (FAFL constituées en juin 1941) s’avère beaucoup plus difficile à cause du manque de volontaires et de matériel.
          Au total, on estime entre 50 et 55 000 le nombre de soldats, marins et pilotes ayant rejoint les FFL avant le 31 juillet 1943 (date de leur fusion avec l’armée d’Afrique du Nord). 30 nationalités y sont représentées, les femmes y sont rares et les volontaires sont plutôt de jeunes urbains issus de milieux aisés. »

          https://www.charles-de-gaulle.org/lhomme/dossiers-thematiques/forces-francaises-libres/
           
          [Paradoxalement, ce qui manque au camp souverainiste est un illuminé, quelqu’un de suffisamment fou pour croire en lui.]
          Je doute qu’Asselineau ne soit pas un illuminé. Mais à partir d’un moment, même en étant fou, ça devient difficile de croire en soi quand on finit derrière une photo de chat. D’où l’alliance de circonstance avec tout et n’importe quoi pour se donner l’impression de continuer d’exister.

          • Descartes dit :

            @ François

            [« Encore une fois, aux élections, on choisit un homme, pas un programme. Et les hommes qui viennent « du fond des rayons » ont rarement eu l’opportunité de montrer leur capacité à gouverner. (…) » En somme les Français seraient disposés à une alternance politique, une vraie, à condition que les souverainistes aient une expérience gouvernementale. C’est le serpent qui se mord la queue…]

            Pas tout à fait. Une « expérience gouvernementale » n’est pas la seule manière de développer et de montrer une « capacité à gouverner ». Ainsi, par exemple, Mitterrand était entouré en 1981 par des gens qui pour la plupart n’avaient pas d’expérience gouvernementale (et pour cause, la droite était au pouvoir depuis plus de vingt ans…). Pourtant, c’était des gens qui avaient exercé des responsabilités à la tête de départements ou de municipalités, un parcours parlementaire distingué, une carrière de haut-fonctionnaire. A minima, ils avaient une longue expérience de direction politique. Personne ne doutait de la capacité des socialistes ou des communistes de 1981 à gouverner.

            Le RN a d’ailleurs bien compris le problème. Son implantation municipale sur le long terme sera probablement le meilleur vivier de cadres formés de demain.

            [« Franchement, si c’était à vous seul de choisir, confieriez-vous les leviers de l’Etat à Asselineau ? » Je les confierais même à Jean Lassalle si l’autre choix porte sur quelqu’un comme Macron.]

            J’avais une autre opinion, mais j’avoue qu’après avoir vu l’entretien lunaire de notre président ce mercredi, je commence à me dire que même Asselineau ferait mieux.

            [« mais si ces traitres peuvent aider les couches populaires dans leur combat en apportant leurs compétences, ils ne peuvent pas par eux-mêmes transformer le rapport de forces » Quel « rapport de forces » ? Avant de l’évaluer, aurait-il fallu que les Français entament, sur la base de l’offre politique souverainiste « potable » ayant existé, le combat.]

            Je vais allusion au rapport de forces structurel, bien entendu. Autrement dit, celui qui résulte des rapports de production. Dans un capitalisme ou le capital est mobile et peut migrer quand il veut pour rechercher la plus grande rentabilité, le rapport de force lui est extraordinairement favorable.

            [La phase « groupusculaire » n’a pas duré très longtemps :]

            Un peu plus d’un an, c’est pourquoi j’ai précisé l’année 1940. Il ne faut pas oublier que si beaucoup de militaires français ont rejoint la France Libre, l’autorité de De Gaulle sur cette masse n’était pas totale : les britanniques tenaient à garder un contrôle étroit sur les menées du général « à titre provisoire », et donc sur ses troupes.

            [« Paradoxalement, ce qui manque au camp souverainiste est un illuminé, quelqu’un de suffisamment fou pour croire en lui. » Je doute qu’Asselineau ne soit pas un illuminé. Mais à partir d’un moment, même en étant fou, ça devient difficile de croire en soi quand on finit derrière une photo de chat.]

            Un vrai « illuminé » ne s’arrête pas à ce genre de détail. Illuminé n’est pas synonyme de « fou ». Un illuminé est quelqu’un qui est éclairé par une vision intérieure, vision qui peut être plus ou moins délirante. Asselineau est peut-être fou, mais ce n’est pas un « illuminé ».

  9. antoine dit :

    Bonjour Descartes, pouvez-vous expliquer ou réexpliquer en quoi pour vous cette réforme des retraites illustre le poids des classes intermédiaires dans l’élaboration des idées ? Je ne sais pas si j’ai mal compris votre définition des classes intermédiaires ou les enjeux de la réforme mais il me manque un maillon. Je voyais cette fois-ci davantage un confit générationnel (actifs vs retraités ) qu’un confit de classe. Merci bien, 

    • Descartes dit :

      @ antoine

      [Bonjour Descartes, pouvez-vous expliquer ou réexpliquer en quoi pour vous cette réforme des retraites illustre le poids des classes intermédiaires dans l’élaboration des idées ?]

      Pour ne donner qu’un exemple: l’espérance de vie des classes moyennes est de l’ordre de dix ans supérieure à celle d’un ouvrier. Autrement dit, retarder le départ à la retraite de 62 à 64 ans réduit donc dramatiquement le coût des retraites ouvrières, alors qu’il n’écorne que partiellement les retraites des classes intermédiaires. Cette mesure aboutit donc à un transfert des classes populaires vers les classes intermédiaires.

      • Antoine dit :

        J’ai bien conscience de cela mais en regardant la situation politique  au palais bourbon comme dans l’opinion, on observe que  les classes intermédiaires se trouvent des deux côtés du manche. Il y a ceux qui  ont soutenu la réforme et ceux qui s’y opposent. Et je ne crois pas qu’on puisse balayer cette observation en disant qu’ils s’opposent parce qu’ils sont dans l’opposition et auraient fait différemment s’ils avaient été au pouvoir. 

        • Descartes dit :

          @ Antoine

          [J’ai bien conscience de cela mais en regardant la situation politique au palais bourbon comme dans l’opinion, on observe que les classes intermédiaires se trouvent des deux côtés du manche. Il y a ceux qui ont soutenu la réforme et ceux qui s’y opposent. Et je ne crois pas qu’on puisse balayer cette observation en disant qu’ils s’opposent parce qu’ils sont dans l’opposition et auraient fait différemment s’ils avaient été au pouvoir.]

          Je ne sais pas si l’on peut dire – en dehors des cas individuels, qui existent toujours – que les classes intermédiaires soient « des deux côtés du manche ». Pourquoi s’y opposeraient-elles, d’ailleurs ? Les membres des classes intermédiaires font généralement des études longues, et n’auront donc pas leurs trimestres à 62 ans. Ils font par ailleurs souvent des métiers peu pénibles, qu’on peut exercer jusqu’à un âge avancé. Par beaucoup de côtés, la réforme Touraine était paradoxalement beaucoup plus pénalisante pour elles que la réforme Macron.

          Après, il y a des intérêts individuels qui expliquent certaines réactions. Chez les politiques, il est évident qu’on trouve aujourd’hui à gauche des gens qui ont applaudi des deux mains des réformes similaires et qui aujourd’hui jouent les vierges effarouchées….

          • antoine dit :

            Ne croyez-vous vraiment pas qu’une partie non négligeable (c’est-à-dire en quantité suffisante pour que les intérêts individuels ne suffisent pas à l’expliquer) des opposants soit issue des classes intermédiaires ?

            • Descartes dit :

              @ antoine

              [Ne croyez-vous vraiment pas qu’une partie non négligeable (c’est-à-dire en quantité suffisante pour que les intérêts individuels ne suffisent pas à l’expliquer) des opposants soit issue des classes intermédiaires ?]

              Non, je ne le crois pas. Quand vous regardez chez les salariés, vous trouvez que grosso modo 75% sont contre la réforme, 25% sont pour. Je doute qu’on trouve parmi ces 25% beaucoup d’ouvriers…

  10. democ-soc dit :

    J’ai beaucoup de mal à ne pas comparer l’actualité à celle de 2010, année de la réforme des retraites par le gouvernement UMP et Sarkozy.
    A l’époque, et si j’en crois wikipédia, la contestation s’est étalée sur 8 mois, de mars à novembre.https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_social_contre_la_r%C3%A9forme_des_retraites_en_France_de_2010
    Et effectivement, j’ai le souvenir d’avoir eu le temps de beaucoup manifester à l’époque!
    Ce qui tendrait à prouver que la droite de 2010 a pris son temps, alors que sa majorité dans les 2 chambres lui permettait d’aller vite. Drole de constat, surtout que dans la catégorie des grands démocrates, on fait quand meme largement mieux que Sarkozy.
    Il fut meme un temps encore plus lointain où on ajournait une loi votée (2006, le CPE), ou bien où on retirait un projet malgré une majorité pour le voter (retraites, 1995), pour conserver ou retrouver la paix sociale.
    Les temps changent ; comme si la démocratie sociale se dégradait d’un cran supplémentaire chaque décennie…
    Et il y a quelque chose de troublant à voir cette évolution accélérée par des centristes : on a pas l’habitude de voir en eux des fanatiques et des courageux “jusqu’aux boutistes”, surtout sur un projet qui n’a aucun sens autre que symbolique avec la régle des 43 annuités!
    Si je compte bien, il faudra avoir travaillé à temps plein et sans interruption depuis l’age de 19 ou 20 ans pour etre concerné, donc pas d’études et pas de chomage. J’aimerais bien savoir quelle proportion de la population est visée in fine.
     
    Guaino parlait recemment d’un “parti de l’ordre” qui était le 1er à demander au pouvoir politique de ne pas ceder, puis le 1er à revenir quelques mois plus tard apres des violences pour lui demander de reculer. C’était quelque part une forme indirecte d’écoute du corps social par le politique… Mais meme là la magie n’agit plus.
    L'”égopolitisme”… C’est peut etre une partie de l’explication… Mais, sans vouloir faire mon complotiste, est ce qu’il n’y a pas aussi le résultat de pressions externes au pays? La pilule d’un age officiel pour partir en retraite encore fixé a 62 ans serait-elle trop dure à avaler pour Bruxelles et la BCE? Est ce qu’on en serait pas arrivé au stade où le gouvernement français, privé de sa souveraineté, ne serait plus qu’un garde chiourme qui travaille pour le compte de l’oligarchie qui dirige l’UE?
     
    Et une derniere question sur laquelle tu as peut etre réfléchi : je n’arrive pas a me faire un avis sur le sujet du RIP.L’article suivant m’avait donné pas mal d’espoirs :https://www.marianne.net/agora/humeurs/retraites-le-rip-une-reponse-citoyenne-et-maline-aux-brutalites-constitutionnelles-de-macron
    Qu’en penses tu?

    • Descartes dit :

      @democ-soc

      [J’ai beaucoup de mal à ne pas comparer l’actualité à celle de 2010, année de la réforme des retraites par le gouvernement UMP et Sarkozy.]

      La comparaison est pertinente…

      |Et effectivement, j’ai le souvenir d’avoir eu le temps de beaucoup manifester à l’époque!
      Ce qui tendrait à prouver que la droite de 2010 a pris son temps, alors que sa majorité dans les 2 chambres lui permettait d’aller vite. Drole de constat, surtout que dans la catégorie des grands démocrates, on fait quand meme largement mieux que Sarkozy.]

      Il faut aussi noter que la réforme de 2010 était plus équilibrée : elle pénalisait les ouvriers en passant l’âge de départ de 60 à 62 ans, mais touchait aussi les classes intermédiaires en retardant l’âge d’annulation de la décote de 65 à 67 ans. A l’époque, le gouvernement avait aussi fait quelques efforts pour équilibrer son projet : institution d’un prélèvement sur les stock-options et retraites-chapeau, fin du crédit d’impôt sur les dividendes, prélèvement additionnel de 1% sur la tranche d’impôt sur le revenu la plus haute, dispositif de pénibilité… il faut aussi dire qu’on sortait de la crise financière de 2008, et que la question des équilibres financiers était plus présente à l’esprit. Rappelons que le texte a eu un parcours législatif normal, avec relativement peu d’amendements (600).

      [Et il y a quelque chose de troublant à voir cette évolution accélérée par des centristes : on a pas l’habitude de voir en eux des fanatiques et des courageux “jusqu’aux boutistes”, surtout sur un projet qui n’a aucun sens autre que symbolique avec la régle des 43 annuités!]

      Pour les ouvriers qui ont commencé à travailler après le bac, la question n’est pas purement symbolique ! Mais oui, on oublie souvent qu’en France les soi-disant « centristes » sont souvent beaucoup plus suffisants, plus fanatiques, moins perméables au compromis, plus idéologues et susceptibles de passer en force que les prétendus « extrêmes ». On en a eu la parfaite illustration avec la campagne du référendum de 2005 et le vote du traité de Lisbonne.

      [Si je compte bien, il faudra avoir travaillé à temps plein et sans interruption depuis l’âge de 19 ou 20 ans pour être concerné, donc pas d’études et pas de chômage. J’aimerais bien savoir quelle proportion de la population est visée in fine.]

      Pourquoi « pas de chômage » ? Les périodes de chômage indemnisé comptent pour la retraite, tout comme certaines périodes de chômage non indemnisé. Une personne qui ferait des études courtes (CAP, BEP) et qui commencerait à travailler à l’issue de ses études aura ses 43 trimestres à 62 ans. Pour la France métropolitaine, 270.000 jeunes ont reçu l’un de ces diplômes en 2020. Sur une classe d’âge de quelque 800.000 jeunes, c’est loin d’être négligéable.

      [« L’égopolitisme »… C’est peut-être une partie de l’explication…]

      Pour moi, le développement de l’égo-politique n’est pas une explication, mais un symptôme d’un phénomène plus profond, celui de l’affaiblissement des institutions politiques.

      [Mais, sans vouloir faire mon complotiste, est ce qu’il n’y a pas aussi le résultat de pressions externes au pays? La pilule d’un age officiel pour partir en retraite encore fixé a 62 ans serait-elle trop dure à avaler pour Bruxelles et la BCE?]

      Je ne crois pas qu’on puisse parler de « pressions ». Le carcan bruxellois ou celui de la BCE ont certainement créé les conditions d’une dégradation des comptes publics dans tous les domaines, qui se traduisent par un creusement de la dette, la réduction des investissements et donc la dégradation des services publics. Et cela a un effet sur l’équilibre des régimes de prévision ou ceux de sécurité sociale. Que la dégradation de ces équilibres pousse les gouvernements à chercher des solutions dans la diminution des prestations ou le recul de l’âge, c’est logique. Mais il s’agit d’une conséquence indirecte, plutôt qu’une pression directe.

      [Et une dernière question sur laquelle tu as peut-être réfléchi : je n’arrive pas a me faire un avis sur le sujet du RIP. L’article suivant m’avait donné pas mal d’espoirs]

      D’une façon générale, je suis très sceptique quant aux référendums d’initiative populaire, et d’une façon plus générale sur l’utilisation du référendum en dehors de sujets institutionnels. Je crois profondément dans la fonction de médiation de l’élu-représentant. Mais dans le contexte actuel, vu la manière dont Macron violente la Constitution, tous les moyens sont bons pour le mettre en échec. La difficulté du RIP, ce sera de réunir et faire valider les quatre millions de signatures…

  11. Bruno dit :

    Bonsoir Descartes, 
    Merci pour ce papier. Etant encore relativement jeune, je dois reconnaître que je m’intéresse (trop) peu à ces questions de retraite… Aussi, sur le principe et indépendamment du fond, je trouve dramatique qu’on vote une loi qui apparaît manifestement rejetée par la majorité des Français… Ce n’est pas malheureusement ni la première, ni la dernière fois…
    Parlons retraites et excusez d’avance ma question naïve : quel est l’intérêt de fixer un âge minimum de départ à la retraite? J’entends par là qu’il existe d’ores et déjà un premier “critère” et qui me semble assez juste : le nombre de trimestre à cotiser. Pourquoi ne pas simplement définir un nombre de trimestres à effectuer, avec des variations en fonction des métiers, et supprimer le critère de l’âge de départ? 
    Un ouvrier qui commencerait à travailler vers 18 ans, s’il atteint les X trimestres requis vers 62 ans, on va quand même lui demander de travailler deux ans de plus? 
    J’écoutais Henri Guaino l’autre jour, toujours aussi brillant et clair, il prônait la suppression de l’âge de départ indiquant que ça pénalisait uniquement les plus pauvres, qui prennent déjà l’inflation en pleine g****…

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [Merci pour ce papier. Etant encore relativement jeune, je dois reconnaître que je m’intéresse (trop) peu à ces questions de retraite…]

      Je ne peux que vous encourager. Un pays dont les jeunes sont obsédés par la retraite est bien mal barré.

      [Aussi, sur le principe et indépendamment du fond, je trouve dramatique qu’on vote une loi qui apparaît manifestement rejetée par la majorité des Français… Ce n’est pas malheureusement ni la première, ni la dernière fois…]

      Il n’est pas si courant de faire voter une loi qui rencontre un tel rejet. Bien sûr, il y a des lois dont personne ne veut in abstracto, mais dont on est prêt à accepter qu’elles sont plus ou moins nécessaires. Ce qui est particulier dans notre cas est que non seulement les gens s’opposent aux mesures contenues dans la loi, mais surtout ils n’admettent même pas qu’elle soit nécessaire.

      [Parlons retraites et excusez d’avance ma question naïve : quel est l’intérêt de fixer un âge minimum de départ à la retraite? J’entends par là qu’il existe d’ores et déjà un premier “critère” et qui me semble assez juste : le nombre de trimestre à cotiser. Pourquoi ne pas simplement définir un nombre de trimestres à effectuer, avec des variations en fonction des métiers, et supprimer le critère de l’âge de départ?]

      L’âge légal a été créé à une époque où très souvent les gens avaient tous leurs trimestres avant l’âge légal de la retraite. Autrement dit, il s’agissait d’empêcher les gens de prendre leur retraite alors qu’ils étaient encore capables de travailler. Avec l’augmentation continue du nombre d’annuités de cotisation requises, l’âge légal perd de plus en plus son intérêt, le véritable point est l’âge d’annulation de la décote.

      [J’écoutais Henri Guaino l’autre jour, toujours aussi brillant et clair, il prônait la suppression de l’âge de départ indiquant que ça pénalisait uniquement les plus pauvres, qui prennent déjà l’inflation en pleine g****…]

      Je suis un peu d’accord avec lui : avec l’exigence des 43 annuités, l’âge légal ne sert plus qu’à pénaliser ceux qui ont commencé à travailler très tôt…

  12. Erwan dit :

    Superbe article Descartes !
     
    Je voudrais rebondir sur le « cercle de la raison ». Tel que je le vois, un groupe dominant considère qu’il n’y a pas à consulter qui que soit puisqu’il détient la Vérité ; et je vois la science et la démocratie comme deux outils permettant de limiter les dérives vers ce comportement naturel. La science force à utiliser une méthode permettant de mettre à l’épreuve ses croyances, et la démocratie force à la recherche d’un consensus, d’un compromis ou d’une majorité. Les gouvernements de la Vème ont eu de plus en plus tendance à s’affranchir des deux, par exemple avec le déclin du nucléaire au profit du renouvelable, ou l’épisode récent de la réforme des retraites.
     
    J’en conclus que la Vème République ne permet pas d’éviter cela, et qu’il faudrait au moins essayer de trouver comment l’améliorer, car même en supposant que nous finissions par redevenir adultes et que le pays renaisse une fois de plus de ses cendres, ce comportement naturel finira probablement par reprendre le dessus tôt ou tard.
     
    Je t’avais exposé une fois une idée pour améliorer l’articulation entre démocratie et technocratie, que tu avais démontée avec de très bons arguments. La proposition était de tirer au sort des sous-groupes de même taille, l’un étant composé de Français favorables à une mesure, et l’autre de Français défavorables à la même mesure, de les fusionner, de les rendre aussi experts que possible sur le sujet, et de les faire voter. Mon hypothèse est que la décision la plus rationnelle aurait le plus souvent la majorité (on pourrait utiliser cette méthode en parallèle sur plusieurs groupes constitués de la même manière, et même utiliser des méthodes statistiques pour estimer dans quelle mesure les résultats sont liés au hasard). Les deux arguments que tu avais exposés étaient que cela empêcherait la possibilité de recherche de compromis, et qu’en général les opinions favorables et défavorables sont liées aux classes sociales.
     
    Cela a suffi à me convaincre que ma proposition ne serait probablement pas suffisante telle quelle, mais je continue de penser que c’est une idée à creuser (en tout cas, je n’ai pas trouvé mieux). Par exemple, je pense qu’on peut résoudre dans une certaine mesure le problème du compromis en utilisant la démarche habituelle quand ma méthode ne permet pas de changer suffisamment les votes. Quand une décision est trop fortement liée à la subjectivité et trop faiblement liée à la rationalité, mieux vaut se contenter de démocratie pure. Un intérêt est que cela forcerait le « cercle de la raison » à admettre que son opinion n’est pas la Vérité et qu’un processus démocratique s’impose. Quant à celui des classes sociales, je pense qu’on pourrait prendre en compte les caractéristiques socio-démographiques des Français lors du tirage au sort et constituer des sous-groupes homogènes. Beaucoup de membres de la classe moyenne ont des opinions qui ne correspondent pas à leur intérêt de classe.
     
    Sinon, dans un tout autre registre, j’aimerais bien avoir ton opinion sur ce livre : L’urgence du nucléaire durable ! Je ne l’ai pas encore terminé, et je suis partagé. D’un côté, la démarche et le fond du propos me paraissent excellents, de l’autre, je trouve que l’auteur bascule trop dans le catastrophisme (peut-être volontairement).

    • Descartes dit :

      @ Erwan

      [Je voudrais rebondir sur le « cercle de la raison ». Tel que je le vois, un groupe dominant considère qu’il n’y a pas à consulter qui que soit puisqu’il détient la Vérité ; et je vois la science et la démocratie comme deux outils permettant de limiter les dérives vers ce comportement naturel.]

      Il y a là une petite contradiction. La science travaille sur le vrai et le faux, alors que la politique est une confrontation d’intérêts. L’idée du « cercle de la raison » – mais cela vient de très loin – est l’idée justement d’un « gouvernement scientifique », qui déterminerait de manière tout à fait rigoureuse quelle est la « meilleure » solution à chaque problème. La science peut bien entendu éclairer la décision politique, mais rien de plus.

      Si le groupe dominant considère aujourd’hui qu’il n’a pas à consulter ou à écouter, c’est qu’il pense que le rapport de force lui est totalement favorable, et qu’il n’a besoin de personne. C’est l’aboutissement du processus que j’ai plusieurs fois décrit dans mes textes : quand la bourgeoisie avait besoin des ouvriers pour travailler dans leurs usines et les défendre en allant dans les tranchées, elle avait besoin d’un certain consensus national. Aujourd’hui, le bloc dominant fait travailler des usines « délocalisées ». En quoi a-t-il besoin de l’ouvrier français ?

      La démocratie, c’est un équilibre issu du fait que dominants et dominés avaient besoin l’un de l’autre. Aujourd’hui, ce besoin réciproque n’existe plus. C’est la que se trouve la racine du processus de dégradation de la démocratie.

      [J’en conclus que la Vème République ne permet pas d’éviter cela,]

      Comme disait un éminent constitutionnaliste, une constitution est une partition, qui sonne faux s’il n’y a pas de bons instrumentistes. Aucune constitution ne peut vous protéger d’une dégradation de la communauté civique…

      [Je t’avais exposé une fois une idée pour améliorer l’articulation entre démocratie et technocratie, (…) Mon hypothèse est que la décision la plus rationnelle aurait le plus souvent la majorité]

      Je crains que vous ne partagiez finalement l’illusion saint-simonienne d’une « décision la plus rationnelle ». Le problème est qu’en politique la « décision la plus rationnelle » n’est pas forcément celle qui va dans l’intérêt général, parce que, comme disait le personnage de Jean Renoir, « le plus effrayant dans ce monde, c’est que chacun a ses raisons ». L’idée d’un « gouvernement scientifique » butte sur le fait que chacun a ses intérêts, et donc sa rationalité propre.

      [Beaucoup de membres de la classe moyenne ont des opinions qui ne correspondent pas à leur intérêt de classe.]

      Ah bon ? Vous trouvez ?

      [Sinon, dans un tout autre registre, j’aimerais bien avoir ton opinion sur ce livre : L’urgence du nucléaire durable ! Je ne l’ai pas encore terminé, et je suis partagé. D’un côté, la démarche et le fond du propos me paraissent excellents, de l’autre, je trouve que l’auteur bascule trop dans le catastrophisme (peut-être volontairement).]

      Je ne l’ai pas dans mon radar. Si je passe dans une librairie, je jetterai un coup d’œil.

      • Erwan dit :

        [« Je voudrais rebondir sur le « cercle de la raison ». Tel que je le vois, un groupe dominant considère qu’il n’y a pas à consulter qui que soit puisqu’il détient la Vérité ; et je vois la science et la démocratie comme deux outils permettant de limiter les dérives vers ce comportement naturel. » Il y a là une petite contradiction. La science travaille sur le vrai et le faux, alors que la politique est une confrontation d’intérêts.]

        La politique, je ne sais pas, mais la démocratie peut être vue comme une méthode de remise en question des croyances, tout comme la science peut, elle aussi, être vue comme une méthode de remise en question des croyances. Ceux qui sont affectés positivement par une mesure ont plus tendance à croire que cette mesure est bonne, et c’est le contraire pour ceux qui sont affectés négativement. Dit autrement, je vois les dispositifs démocratiques comme autant d’outils de remise en question de ces croyances, tout comme la méthode scientifique est un outil de remise en question de croyances (d’hypothèses).

        [La science peut bien entendu éclairer la décision politique, mais rien de plus.]

        Je n’ai pas dit le contraire. Mon propos est justement que certaines décisions sont plus sujettes à de la subjectivité que d’autres. Dans le cadre d’un vote, des votants plus experts fonderont leur vote sur des considérations qui sont moins souvent contradictoires avec les faits, la science et les raisonnements logiques qui en découlent.

        [Si le groupe dominant considère aujourd’hui qu’il n’a pas à consulter ou à écouter, c’est qu’il pense que le rapport de force lui est totalement favorable, et qu’il n’a besoin de personne. C’est l’aboutissement du processus que j’ai plusieurs fois décrit dans mes textes : quand la bourgeoisie avait besoin des ouvriers pour travailler dans leurs usines et les défendre en allant dans les tranchées, elle avait besoin d’un certain consensus national. Aujourd’hui, le bloc dominant fait travailler des usines « délocalisées ». En quoi a-t-il besoin de l’ouvrier français ? La démocratie, c’est un équilibre issu du fait que dominants et dominés avaient besoin l’un de l’autre. Aujourd’hui, ce besoin réciproque n’existe plus. C’est la que se trouve la racine du processus de dégradation de la démocratie.]

        Je pense aussi que c’est probablement l’une des explications, mais il n’en reste pas moins que la dérive s’est produite : les décisions politiques sont de plus en plus déconnectées de la démocratie et de la science.

        [Comme disait un éminent constitutionnaliste, une constitution est une partition, qui sonne faux s’il n’y a pas de bons instrumentistes. Aucune constitution ne peut vous protéger d’une dégradation de la communauté civique…]

        Cette logique me paraît contradictoire avec le passage de la IVème à la Vème République : la Vème République me semble justement venir apporter une protection contre une forme de dégradation de la communauté civique. Il me semble donc qu’il n’est pas inutile d’étudier la question : si une constitution pouvait éviter autant que possible la dérive actuelle, quelle que soit la racine de cette dégradation, ce serait bien.

        [Je crains que vous ne partagiez finalement l’illusion saint-simonienne d’une « décision la plus rationnelle ». Le problème est qu’en politique la « décision la plus rationnelle » n’est pas forcément celle qui va dans l’intérêt général, parce que, comme disait le personnage de Jean Renoir, « le plus effrayant dans ce monde, c’est que chacun a ses raisons ». L’idée d’un « gouvernement scientifique » butte sur le fait que chacun a ses intérêts, et donc sa rationalité propre.]

        Justement, je ne parle pas d’un gouvernement scientifique, dans ma méthode, le groupe est composé à part égale de Français favorables et de Français défavorables à la mesure à voter. L’idée est de faire en sorte que la différence de vote qui apparaît ne soit due autant que possible qu’à la part éventuelle de rationalité.

        [« Beaucoup de membres de la classe moyenne ont des opinions qui ne correspondent pas à leur intérêt de classe. » Ah bon ? Vous trouvez ?]

        J’en ai trouvé au MRC et à République Souveraine. Mais « beaucoup » est sans doute exagéré.

        • Descartes dit :

          @ Erwan

          [La politique, je ne sais pas, mais la démocratie peut être vue comme une méthode de remise en question des croyances,]

          Je ne suis pas d’accord. La démocratie repose elle-même sur un ensemble de croyances (dont certaines sont des « fictions nécessaires »). Je dirais même plus : la démocratie implique le droit de chacun de se déterminer pour les raisons de son choix et d’agir en conséquence sans avoir à rendre des comptes à personne. L’électeur n’a pas à justifier rationnellement son choix, pas plus que l’adhérent à un syndicat ou à un parti politique. On peut penser que la démocratie fonctionne mieux quand les citoyens sont rationnels, mais c’est là une opinion et rien de plus.

          [Mon propos est justement que certaines décisions sont plus sujettes à de la subjectivité que d’autres. Dans le cadre d’un vote, des votants plus experts fonderont leur vote sur des considérations qui sont moins souvent contradictoires avec les faits, la science et les raisonnements logiques qui en découlent.]

          Je vous trouve bien irénique… les votants se déterminent d’abord et avant tout en fonction de leurs intérêts (ou plutôt de la perception qu’ils ont de leurs intérêts). Les « faits » sont ensuite organisés de manière à justifier et supporter ces intérêts. Pour le dire autrement, il ne faut pas confondre le discours qu’un individu tient pour justifier une position et les raisons profondes qui amènent un individu à la soutenir. Un « expert » utilisera toutes les ressources de son expertise pour créer un discours en apparence rationnel, mais dont les prémisses cachées auront été choisies pour aboutir à un résultat donné. C’est pourquoi des experts peuvent démontrer « rationnellement » que telle ou telle politique conduit au paradis, alors que d’autres experts, tout aussi rationnellement, aboutissent à la conclusion inverse.

          [Cette logique me paraît contradictoire avec le passage de la IVème à la Vème République : la Vème République me semble justement venir apporter une protection contre une forme de dégradation de la communauté civique.]

          Mon commentaire n’était pas assez précis. Bien évidemment, une constitution peut encourager des mécanismes pervers qui dégradent la communauté civique (par exemple, en réduisant l’exécutif à l’impuissance) ou au contraire mettre en place des institutions qui enrichissent cette communauté. Le passage des gouvernements impuissants et irresponsables de la IVème aux gouvernements puissants mais responsables de la Vème est une bonne illustration de cette possibilité. Ce que je voulais dire, c’est que lorsque la communauté civique se dégrade pour des raisons structurelles – par exemple, parce que la classe dominante n’a plus vraiment besoin de la classe dominée – la capacité des institutions politiques à arrêter cette dégradation est relativement limitée. Autrement dit, la structure – c’est-à-dire les rapports de production – prend toujours la main sur la superstructure.

          [Justement, je ne parle pas d’un gouvernement scientifique, dans ma méthode, le groupe est composé à part égale de Français favorables et de Français défavorables à la mesure à voter. L’idée est de faire en sorte que la différence de vote qui apparaît ne soit due autant que possible qu’à la part éventuelle de rationalité.]

          Votre méthode ne teste pas la rationalité d’une position, mais son caractère plus ou moins convaincant. Car dans la confrontation que vous proposez, c’est la position la plus susceptible de convaincre ses adversaires, de les faire changer d’avis, qui l’emportera. Or, une proposition convaincante n’est pas forcément rationnelle !

          • Erwan dit :

            [« La politique, je ne sais pas, mais la démocratie peut être vue comme une méthode de remise en question des croyances, » Je ne suis pas d’accord. La démocratie repose elle-même sur un ensemble de croyances (dont certaines sont des « fictions nécessaires »). Je dirais même plus : la démocratie implique le droit de chacun de se déterminer pour les raisons de son choix et d’agir en conséquence sans avoir à rendre des comptes à personne. L’électeur n’a pas à justifier rationnellement son choix, pas plus que l’adhérent à un syndicat ou à un parti politique. On peut penser que la démocratie fonctionne mieux quand les citoyens sont rationnels, mais c’est là une opinion et rien de plus.]

            Je ne dis pas que la démocratie se limite à une méthode de remise en question des croyances. Mon propos est plutôt que, contrairement à l’oligarchie ou à la dictature, elle contraint les différentes classes sociales et les groupes ayant différentes valeurs à se confronter aux autres positions.

            [Je vous trouve bien irénique… les votants se déterminent d’abord et avant tout en fonction de leurs intérêts (ou plutôt de la perception qu’ils ont de leurs intérêts). Les « faits » sont ensuite organisés de manière à justifier et supporter ces intérêts. Pour le dire autrement, il ne faut pas confondre le discours qu’un individu tient pour justifier une position et les raisons profondes qui amènent un individu à la soutenir. Un « expert » utilisera toutes les ressources de son expertise pour créer un discours en apparence rationnel, mais dont les prémisses cachées auront été choisies pour aboutir à un résultat donné. C’est pourquoi des experts peuvent démontrer « rationnellement » que telle ou telle politique conduit au paradis, alors que d’autres experts, tout aussi rationnellement, aboutissent à la conclusion inverse.]

            Je pense aussi que l’Homme rationalise a posteriori plus qu’il ne construit ses opinions sur les faits, la science et des raisonnements logiques qui en découlent. Mais je sais aussi que ce n’est pas toujours le cas. J’ai d’ailleurs un très bon exemple : quand tu m’as amené à confronter ce que dit la Cour des Comptes et Greenpeace sur le coût du nucléaire il y a maintenant quelques années. J’ai quitté Greenpeace quelques jours après, alors que cela faisait 10 ans que j’étais membre. Je reconnais volontiers que cela n’arrive pas tous les jours, et c’est d’ailleurs pour cela que j’ai parlé de votes moins souvent fondés sur des considérations contradictoires avec les faits, la science et les raisonnements logiques qui en découlent. Mais je pense aussi que la difficulté est de se confronter activement et honnêtement aux faits et aux chiffres qui contredisent nos opinons. C’est en partie pour cela que je pense que cela se produirait beaucoup moins rarement dans le cadre d’un protocole qui contraindrait les participants à se confronter aux faits et aux chiffres. Bien sûr, une part non négligeable des participants ne joueraient pas le jeu, mais cela serait vrai dans les deux camps. Il me semble donc que le « toute chose égale par ailleurs » annulerait suffisamment le reste pour rendre possible une prise de décision plus rationnelle.

            [Ce que je voulais dire, c’est que lorsque la communauté civique se dégrade pour des raisons structurelles – par exemple, parce que la classe dominante n’a plus vraiment besoin de la classe dominée – la capacité des institutions politiques à arrêter cette dégradation est relativement limitée. Autrement dit, la structure – c’est-à-dire les rapports de production – prend toujours la main sur la superstructure.]

            Toujours, c’est exagéré. Je pense qu’il y a tout de même une certaine marge de manœuvre, et que dans l’absolu, il n’est probablement pas impossible de mieux l’exploiter par le biais d’une meilleure constitution. Si on peut limiter les décisions les plus irrationnelles, comme la fermeture de Fessenheim, ce serait déjà ça.

            [une proposition convaincante n’est pas forcément rationnelle !]

            C’est vrai, et c’est justement pour cela que j’essaie de gommer autant que possible les biais sous-jacents, d’une part en rendant les participants aussi experts que possible pour limiter la possibilité qu’ils ne se laissent convaincre par de faux faits et de faux chiffres, et d’autre part en exploitant le « toute chose égale par ailleurs » par la confrontation de deux groupes homogènes en termes de caractéristiques socio-démographiques.

            • Descartes dit :

              @ Erwan

              [Je ne dis pas que la démocratie se limite à une méthode de remise en question des croyances. Mon propos est plutôt que, contrairement à l’oligarchie ou à la dictature, elle contraint les différentes classes sociales et les groupes ayant différentes valeurs à se confronter aux autres positions.]

              Oui, mais cette confrontation est-elle « rationnelle » – au sens qu’elle se fait à coups d’arguments rationnels ? Lorsqu’on regarde l’histoire, cela ne paraît pas évident. Les Lumières, mouvement rationaliste s’il en est, a fleuri alors que la monarchie absolue connaissait son apogée, alors qu’une démocratie ancienne comme les Etats-Unis avec toutes sortes de libertés est constamment la proie de mouvements totalement irrationnels. Peut-on dire qu’aux Etats-Unis les anticommunistes sont contraints à se « confronter » aux communistes ?

              [Je pense aussi que l’Homme rationalise a posteriori plus qu’il ne construit ses opinions sur les faits, la science et des raisonnements logiques qui en découlent. Mais je sais aussi que ce n’est pas toujours le cas. J’ai d’ailleurs un très bon exemple : quand tu m’as amené à confronter ce que dit la Cour des Comptes et Greenpeace sur le coût du nucléaire il y a maintenant quelques années. J’ai quitté Greenpeace quelques jours après, alors que cela faisait 10 ans que j’étais membre.]

              J’aurais au moins la satisfaction d’avoir convaincu un membre de Greenpeace… mais pour un qui entend l’argument rationnel, il y en a quelques dizaines de milliers qui refusent obstinément de se confronter aux faits…

              [« une proposition convaincante n’est pas forcément rationnelle ! » C’est vrai, et c’est justement pour cela que j’essaie de gommer autant que possible les biais sous-jacents, d’une part en rendant les participants aussi experts que possible pour limiter la possibilité qu’ils ne se laissent convaincre par de faux faits et de faux chiffres,]

              Malheureusement, l’expertise n’est pas une garantie. Combien d’énarques connaissant intimement les mécanismes de l’Union européenne est les lois économiques se sont laissés berner par l’Euro… parce qu’ils avaient envie de croire. Je vous l’assure : quand on a envie de croire – parce que croire nous lave de la culpabilité, parce que la croyance nous permet de justifier nos intérêts – il n’y a pas d’argumentation rationnelle qui compte…

          • Erwan dit :

            [Oui, mais cette confrontation est-elle « rationnelle » – au sens qu’elle se fait à coups d’arguments rationnels ? Lorsqu’on regarde l’histoire, cela ne paraît pas évident. Les Lumières, mouvement rationaliste s’il en est, a fleuri alors que la monarchie absolue connaissait son apogée, alors qu’une démocratie ancienne comme les Etats-Unis avec toutes sortes de libertés est constamment la proie de mouvements totalement irrationnels. Peut-on dire qu’aux Etats-Unis les anticommunistes sont contraints à se « confronter » aux communistes ?]

            Je ne dis pas non plus que cette confrontation est rationnelle. Mon propos est plutôt que la démocratie limite la possibilité qu’un groupe dominant considère qu’il n’y a pas à consulter qui que soit puisqu’il détient la Vérité. La démocratie ne rend pas forcément plus rationnel, elle limite simplement l’enfermement dans une croyance.

            [J’aurais au moins la satisfaction d’avoir convaincu un membre de Greenpeace… mais pour un qui entend l’argument rationnel, il y en a quelques dizaines de milliers qui refusent obstinément de se confronter aux faits…]

            Justement, avec ma méthode, ils ne pourraient pas autant refuser : la confrontation aux faits serait relativement forcée.

            [Malheureusement, l’expertise n’est pas une garantie.]

            Je n’ai pas dit que l’expertise était une garantie, l’idée est que sur un nombre suffisant de participants, une partie changerait d’opinion en se confrontant aux faits et aux chiffres. Le reste ne changerait pas d’opinion, ou bien se laisserait convaincre par des arguments fallacieux par exemple, mais leur importance dans le vote final serait limitée par le « toutes choses égales par ailleurs ».

            [Combien d’énarques connaissant intimement les mécanismes de l’Union européenne est les lois économiques se sont laissés berner par l’Euro… parce qu’ils avaient envie de croire. Je vous l’assure : quand on a envie de croire – parce que croire nous lave de la culpabilité, parce que la croyance nous permet de justifier nos intérêts – il n’y a pas d’argumentation rationnelle qui compte…]

            Combien, je ne sais pas. Ce que je sais, de source sûre, c’est qu’il existe au moins un énarque qui connait intimement les mécanismes de l’UE et les lois économiques et qui ne s’est pas laissé berner par l’euro 😉

            Pour que ma méthode fonctionne, il faut juste qu’une différence significative de votes apparaisse. Si par exemple on répétait l’expérience 100 fois avec chaque fois 10 + 10 participants, qu’en moyenne l’une des options du vote final avait 12 votes et qu’un test statistique montrait que cette valeur n’est pas liée au hasard, je prétends que cette option serait la plus rationnelle des deux. Par exemple, avec ma méthode, j’imagine mal la fermeture de Fessenheim avoir plus de votes que son maintien…

            • Descartes dit :

              @ Erwan

              [Je ne dis pas non plus que cette confrontation est rationnelle. Mon propos est plutôt que la démocratie limite la possibilité qu’un groupe dominant considère qu’il n’y a pas à consulter qui que soit puisqu’il détient la Vérité. La démocratie ne rend pas forcément plus rationnel, elle limite simplement l’enfermement dans une croyance.]

              Mais vous voyez bien que cela ne marche pas comme ça. La France est une démocratie – du moins au sens procédural du terme – et pourtant vous avez un groupe dominant qui ne consulte et qui n’écoute personne.

              [Justement, avec ma méthode, ils ne pourraient pas autant refuser : la confrontation aux faits serait relativement forcée.]

              Mais comment allez-vous les forcer ?

              [Par exemple, avec ma méthode, j’imagine mal la fermeture de Fessenheim avoir plus de votes que son maintien…]

              Je vous trouve très optimiste. Votre confiance dans la raison humaine me touche…

          • Erwan dit :

            [Mais vous voyez bien que cela ne marche pas comme ça. La France est une démocratie – du moins au sens procédural du terme – et pourtant vous avez un groupe dominant qui ne consulte et qui n’écoute personne.]

            Je ne sais pas si on peut simplement parler de démocratie pour « la France ». Je vois plutôt notre système politique comme un mélange de démocratie et d’oligarchie, dont la part d’oligarchie contient elle-même une part de technocratie. De ce point de vue, la part de démocratie ne fait que limiter l’enfermement dans une bulle et l’imposition de sa Vérité par le groupe dominant. La science fournit quant à elle une sorte de noyau de croyances qui ont passé l’épreuve d’une méthode particulière permettant de leur donner un certain gage de fiabilité. Et c’est pour cela que je pense qu’il faut optimiser l’articulation entre la démocratie et la technocratie.

            [Mais comment allez-vous les forcer ?]

            « Forcer » n’est sans doute pas le bon mot, « contraindre » est peut-être un peu mieux. Comme le dit Fatiha Agag-Boudjahlat à propos des contraintes communautaires, « la contrainte ne se réduit pas au recours à la violence ». Je pense que le simple fait d’être convoqué par l’Etat à participer à une procédure officielle est une forme de contrainte assez forte. La présence aux séances pourrait être obligatoire avec une sanction à la clé. Je pense que ce n’est pas très important, car là encore le « toutes choses égales par ailleurs » annulerait les biais que cela introduirait. Il faut juste qu’un nombre suffisant de participants soient amenés, de la meilleure manière possible, à considérer honnêtement les faits et les chiffres.

            [Je vous trouve très optimiste. Votre confiance dans la raison humaine me touche…]

            Je ne suis pas sûr de comment je dois le prendre. Mais je n’ai pas l’impression d’être optimiste : si la seule variable influente est la confrontation aux faits et aux chiffres, au pire les votes resteront à 50-50, au mieux ils passeront à 100-0 en faveur du vote le plus rationnel. Je ne vois pas ce qui pourrait influencer négativement la rationalité qui ne serait annulé par le « toutes choses égales par ailleurs ».

            • Descartes dit :

              @ Erwan

              [Je ne sais pas si on peut simplement parler de démocratie pour « la France ». Je vois plutôt notre système politique comme un mélange de démocratie et d’oligarchie, dont la part d’oligarchie contient elle-même une part de technocratie.]

              Le mot « démocratie » a beaucoup de sens différents. Il y a un sens « procédural », et dans ce sens la France est certainement une démocratie, puisque le peuple élit ses gouvernants périodiquement, que les conditions pour être candidat sont raisonnables, que le débat électoral est libre et équilibré, et que la sincérité de la procédure n’est contestée par personne, et qu’entre deux élections le peuple peut exprimer sa volonté par le référendum, mais aussi par l’utilisation des droits de manifestation et de pétition.

              Après, on peut s’interroger si cette « procédure » aboutit à une démocratie « substantielle », autrement dit, si les politiques mises en œuvre correspondent à la volonté du peuple. Dans un grand nombre de domaines, on peut raisonnablement dire que c’est le cas. La révolte sur les retraites ne doit pas occulter le fait que l’immense majorité des politiques publiques sont librement acceptées par les citoyens. On ne voit pas des millions de personnes se mobiliser contre le sous-financement des services publics, la fermeture de Fessenheim ou la suppression de l’ENA. Est-ce qu’on peut ici appliquer l’adage « qui ne dit mot consent » ?

              Si beaucoup de politiques publiques restent « démocratiques », ce n’est pas par hasard. Nos élites gouvernantes ne sont pas totalement sourdes à la voix du peuple. Au contraire, on peut leur reprocher de trop souvent suivre l’opinion publique sans chercher à l’éduquer. Et si certaines affaires – la réforme des retraites est un exemple éclatant – que cette écoute est de plus en plus lointaine, le cas général reste quand même celui d’une écoute réelle.

              Ce qui introduit une deuxième question, celle que G.B. Shaw évoquait quand il disait que « la démocratie est un système qui assure que nous ne sommes pas mieux gouvernés que nous ne le méritons ». Quand les élus suivent le peuple et que cela les conduit à faire des politiques désastreuses, qui est responsable ? Les élus sont-ils les simples porte-voix du peuple, ou doivent-ils le guider ? La première option conduit à une logique de mandat impératif défendue aujourd’hui par LFI. Mais la seconde conduit à des questions complexes : si l’élu doit « guider » le peuple, cela implique qu’il cherche à imposer au peuple sa vision des problèmes, ce qui semble contredire l’idée du peuple comme souverain. Je préfère personnellement cette deuxième solution, à condition de remplacer « guider » par « éduquer et conseiller ». La fonction de l’homme politique est de faire ce que le peuple veut… mais seulement après avoir cherché à le conseiller et le convaincre qu’il faut vouloir certaines choses. Et c’est le travail concurrent d’hommes politiques qui cherchent à convaincre chacun de suivre son projet qui constitue une véritable démocratie.

              [De ce point de vue, la part de démocratie ne fait que limiter l’enfermement dans une bulle et l’imposition de sa Vérité par le groupe dominant. La science fournit quant à elle une sorte de noyau de croyances qui ont passé l’épreuve d’une méthode particulière permettant de leur donner un certain gage de fiabilité. Et c’est pour cela que je pense qu’il faut optimiser l’articulation entre la démocratie et la technocratie.]

              Bien sûr, je suis d’accord sur ce dernier objectif. Mais à mon avis, cela passe par une séparation des sphères. Le technocrate agit dans la sphère de la technique, qui est celle des moyens, le politique agit dans la sphère de la politique, qui est la sphère des buts. Et chacun doit rester dans son domaine. Le politique ne peut dire aux ingénieurs comment construire une centrale nucléaire, les ingénieurs ne peuvent décider à la place du politique combien de centrales on construit. Oui, il peut y avoir une certaine « zone grise » entre les deux domaines. Oui, il faut des « technocrates honnêtes » à l’heure de dire au politique ce qui est possible, et des « politiques raisonnables » à l’heure de passer une commande aux techniciens. Mais au-dessus de tout, il faut créer une logique du respect de la connaissance, autrement dit, de hiérarchiser les discours entre celui qui sait et celui qui ne sait pas. Rien que ça, c’est un vaste programme !

              [Je pense que le simple fait d’être convoqué par l’Etat à participer à une procédure officielle est une forme de contrainte assez forte. La présence aux séances pourrait être obligatoire avec une sanction à la clé. Je pense que ce n’est pas très important, car là encore le « toutes choses égales par ailleurs » annulerait les biais que cela introduirait. Il faut juste qu’un nombre suffisant de participants soient amenés, de la meilleure manière possible, à considérer honnêtement les faits et les chiffres.]

              L’expérience des jurys populaires n’est pas très encourageante. Leur composition est affectée de nombreux biais, par exemple en termes de classe, les classes supérieures et les actifs étant sous-représentés. Mais il est vrai qu’une fois constitués, les jurés ont tendance à prendre leur rôle très au sérieux.

              [Je ne suis pas sûr de comment je dois le prendre.]

              Avec bienveillance, bien entendu…

              [Mais je n’ai pas l’impression d’être optimiste : si la seule variable influente est la confrontation aux faits et aux chiffres, au pire les votes resteront à 50-50, au mieux ils passeront à 100-0 en faveur du vote le plus rationnel. Je ne vois pas ce qui pourrait influencer négativement la rationalité qui ne serait annulé par le « toutes choses égales par ailleurs ».]

              Le problème est que la confrontation aux faits et aux chiffres n’est pas la seule variable influente. Il faut compter sur la force de conviction des uns et des autres, force de conviction qui est liée autant à l’habileté rhétorique et à l’absence de scrupules qu’à la connaissance des « faits et chiffres ». Un Mélenchon est capable de convaincre une assemblée que le noir est blanc…

          • Erwan dit :

            [Après, on peut s’interroger si cette « procédure » aboutit à une démocratie « substantielle », autrement dit, si les politiques mises en œuvre correspondent à la volonté du peuple. Dans un grand nombre de domaines, on peut raisonnablement dire que c’est le cas. La révolte sur les retraites ne doit pas occulter le fait que l’immense majorité des politiques publiques sont librement acceptées par les citoyens. On ne voit pas des millions de personnes se mobiliser contre le sous-financement des services publics, la fermeture de Fessenheim ou la suppression de l’ENA. Est-ce qu’on peut ici appliquer l’adage « qui ne dit mot consent » ?]
             
            C’est bien mon point. Avec vos mots, notre système politique a une part de « démocratie substantielle », mais également une part « d’oligarchie substantielle ».
             
            [Ce qui introduit une deuxième question, celle que G.B. Shaw évoquait quand il disait que « la démocratie est un système qui assure que nous ne sommes pas mieux gouvernés que nous ne le méritons ». Quand les élus suivent le peuple et que cela les conduit à faire des politiques désastreuses, qui est responsable ? Les élus sont-ils les simples porte-voix du peuple, ou doivent-ils le guider ? La première option conduit à une logique de mandat impératif défendue aujourd’hui par LFI. Mais la seconde conduit à des questions complexes : si l’élu doit « guider » le peuple, cela implique qu’il cherche à imposer au peuple sa vision des problèmes, ce qui semble contredire l’idée du peuple comme souverain. Je préfère personnellement cette deuxième solution, à condition de remplacer « guider » par « éduquer et conseiller ». La fonction de l’homme politique est de faire ce que le peuple veut… mais seulement après avoir cherché à le conseiller et le convaincre qu’il faut vouloir certaines choses. Et c’est le travail concurrent d’hommes politiques qui cherchent à convaincre chacun de suivre son projet qui constitue une véritable démocratie.]
             
            Je pense que la deuxième solution que vous décrivez correspond plus ou moins au régime actuel. Des élus représentent le peuple et le niveau de « démocratie substantielle » et d’articulation de cette démocratie avec la « technocratie substantielle » dépend de la qualité des élus. Or, je pense que ce n’est pas forcément le meilleur système politique.
             
            [« Et c’est pour cela que je pense qu’il faut optimiser l’articulation entre la démocratie et la technocratie. » Bien sûr, je suis d’accord sur ce dernier objectif. Mais à mon avis, cela passe par une séparation des sphères. Le technocrate agit dans la sphère de la technique, qui est celle des moyens, le politique agit dans la sphère de la politique, qui est la sphère des buts. Et chacun doit rester dans son domaine. Le politique ne peut dire aux ingénieurs comment construire une centrale nucléaire, les ingénieurs ne peuvent décider à la place du politique combien de centrales on construit. Oui, il peut y avoir une certaine « zone grise » entre les deux domaines. Oui, il faut des « technocrates honnêtes » à l’heure de dire au politique ce qui est possible, et des « politiques raisonnables » à l’heure de passer une commande aux techniciens. Mais au-dessus de tout, il faut créer une logique du respect de la connaissance, autrement dit, de hiérarchiser les discours entre celui qui sait et celui qui ne sait pas. Rien que ça, c’est un vaste programme !]
             
            Comment feriez-vous ? Par exemple, les écologistes sont presque complètement dans l’obscurantisme et obtiennent succès après succès. Ils ont carrément 22 sièges à l’assemblée. C’est-à-dire que 22 Hommes politiques obscurantistes ont été élus. Trois ministres qui se sont succédés à différentes variantes du Ministère de l’écologie, Nicolas Hulot, François de Rugy et Barbara Pompili, étaient des obscurantistes. Que feriez-vous pour qu’ils ne puissent plus être pris au sérieux ? Un système politique qui permet cela me semble hautement défaillant.
             
            [« Je pense que le simple fait d’être convoqué par l’Etat à participer à une procédure officielle est une forme de contrainte assez forte. La présence aux séances pourrait être obligatoire avec une sanction à la clé. Je pense que ce n’est pas très important, car là encore le « toutes choses égales par ailleurs » annulerait les biais que cela introduirait. Il faut juste qu’un nombre suffisant de participants soient amenés, de la meilleure manière possible, à considérer honnêtement les faits et les chiffres. » L’expérience des jurys populaires n’est pas très encourageante. Leur composition est affectée de nombreux biais, par exemple en termes de classe, les classes supérieures et les actifs étant sous-représentés. Mais il est vrai qu’une fois constitués, les jurés ont tendance à prendre leur rôle très au sérieux.]
             
            En fait, mon idée est inspirée des jurys populaires, et cherche justement à corriger les nombreux biais que vous mentionnez.
             
            [« Mais je n’ai pas l’impression d’être optimiste : si la seule variable influente est la confrontation aux faits et aux chiffres, au pire les votes resteront à 50-50, au mieux ils passeront à 100-0 en faveur du vote le plus rationnel. Je ne vois pas ce qui pourrait influencer négativement la rationalité qui ne serait annulé par le « toutes choses égales par ailleurs ». » Le problème est que la confrontation aux faits et aux chiffres n’est pas la seule variable influente. Il faut compter sur la force de conviction des uns et des autres, force de conviction qui est liée autant à l’habileté rhétorique et à l’absence de scrupules qu’à la connaissance des « faits et chiffres ». Un Mélenchon est capable de convaincre une assemblée que le noir est blanc…]
             
            Justement, avec ma méthode, il y aurait en quelque sorte un Mélenchon dans chaque camp, et son parasitage serait annulé.

            • Descartes dit :

              @ Erwan

              [C’est bien mon point. Avec vos mots, notre système politique a une part de « démocratie substantielle », mais également une part « d’oligarchie substantielle ».]

              Je ne vois pas très bien ce que vous entendez par une « oligarchie substantielle ». Pour la démocratie cela a un sens de faire la distinction entre « démocratie procédurale » et « démocratie substantielle », parce que les textes fondamentaux proclament que la France est une démocratie. Dans la mesure où aucun texte ne proclame un régime oligarchique, la question de savoir si ce que disent les textes est ou non la réalité ne se pose pas.

              [Je pense que la deuxième solution que vous décrivez correspond plus ou moins au régime actuel. Des élus représentent le peuple et le niveau de « démocratie substantielle » et d’articulation de cette démocratie avec la « technocratie substantielle » dépend de la qualité des élus. Or, je pense que ce n’est pas forcément le meilleur système politique.]

              En toute franchise, je n’en vois pas de meilleur. J’ai du mal à concevoir un système qui ne dépendrait pas de la qualité des élus. La question pour moi est plutôt comment on fait pour avoir un personnel politique de qualité, comment on encourage les meilleurs d’entre nous à s’engager au service de la chose publique.

              [« Mais au-dessus de tout, il faut créer une logique du respect de la connaissance, autrement dit, de hiérarchiser les discours entre celui qui sait et celui qui ne sait pas. Rien que ça, c’est un vaste programme ! » Comment feriez-vous ?]

              Comme disait un personnage d’une série politique, « si je le savais, je ne serais pas dans l’opposition »… Je ne sais pas si ce combat peut être gagné aujourd’hui. Si l’obscurantisme avance, c’est parce qu’il est fonctionnel au type de société que le capitalisme façonne au fur et à mesure qu’il s’approfondit. Parce que l’intelligence émancipe, l’intelligence est dangereuse. Et le bloc dominant a très bien compris l’intérêt qu’elle a à se réserver non seulement le savoir, mais la possibilité d’avoir une pensée rationnelle. Orwell avait très bien vu les choses lorsqu’il fait dire à l’un de ces personnages : « ne voyez-vous pas que le véritable but du novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? À la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer. Tous les concepts nécessaires seront exprimés chacun exactement par un seul mot dont le sens sera délimité. Toutes les significations subsidiaires seront supprimées et oubliées. (…) Vous est-il jamais arrivé de penser, Winston, qu’en l’année 2050, au plus tard, il n’y aura pas un seul être humain vivant capable de comprendre une conversation comme celle que nous tenons maintenant ? ».

              Et l’une des méthodes les plus efficaces pour les classes dominantes de se réserver le savoir, la culture, la pensée rationnelle, c’est d’alimenter dans la société un mépris de ces éléments. Et vous voyez ce mépris affirmé en permanence. Dans l’enseignement, on a fait campagne contre les mathématiques – et notamment les mathématiques dites « modernes » – et d’une façon plus générale contre les sciences « dures » accusées par les soixante-huitards de « brider la créativité » et « d’occulter les réalités sociales ». Dans les établissements culturels on voit l’injonction de « dépoussiérer les classiques » – autrement dit, de leur enlever ce qui en fait précisément des universels pour les mettre au gout de l’époque. A la télévision, on peut tous les jours voir des émissions complotistes ou obscurantistes – en général américaines – qui dévalorisent le raisonnement scientifique au profit du « pourquoi pas ». Et je ne vous fait pas la liste de toutes les institutions qui valorisent la « nature » et tirent à boulets rouges sur la « culture »…

              [Par exemple, les écologistes sont presque complètement dans l’obscurantisme et obtiennent succès après succès. Ils ont carrément 22 sièges à l’assemblée. C’est-à-dire que 22 Hommes politiques obscurantistes ont été élus. Trois ministres qui se sont succédés à différentes variantes du Ministère de l’écologie, Nicolas Hulot, François de Rugy et Barbara Pompili, étaient des obscurantistes. Que feriez-vous pour qu’ils ne puissent plus être pris au sérieux ? Un système politique qui permet cela me semble hautement défaillant.]

              Faut savoir : vous voulez que le système politique reflète ce que le peuple veut, ou ce que vous pensez qu’il devrait vouloir ? Vous me rappelez Cromwell : « not what they want, but what is good for them » (« non pas ce qu’ils veulent, mais ce qui est bon pour eux »).

              [Justement, avec ma méthode, il y aurait en quelque sorte un Mélenchon dans chaque camp, et son parasitage serait annulé.]

              Mais qu’est ce qui vous garantit que chaque camp aura son Mélenchon ?

          • Erwan dit :

            [Je ne vois pas très bien ce que vous entendez par une « oligarchie substantielle ». Pour la démocratie cela a un sens de faire la distinction entre « démocratie procédurale » et « démocratie substantielle », parce que les textes fondamentaux proclament que la France est une démocratie. Dans la mesure où aucun texte ne proclame un régime oligarchique, la question de savoir si ce que disent les textes est ou non la réalité ne se pose pas.]
             
            Je n’ai utilisé l’expression que pour mettre plus clairement en parallèle l’oligarchie avec ce que tu appelais « démocratie substantielle ». Il n’y a bien évidemment pas d’oligarchie procédurale – quoique, avec l’UE on pourrait probablement défendre ce point de vue.
             
            [Comme disait un personnage d’une série politique, « si je le savais, je ne serais pas dans l’opposition »…]
             
            C’est dans Baron noir ?
             
            [Je ne sais pas si ce combat peut être gagné aujourd’hui. (…)]
             
            Dis-donc… mais où est passé ton optimisme méthodologique ? Ne nous encombrons pas de ce genre de considérations, partons de l’hypothèse qu’il n’est pas impossible que ce combat puisse être gagné, s’il te plaît !
             
            [Faut savoir : vous voulez que le système politique reflète ce que le peuple veut, ou ce que vous pensez qu’il devrait vouloir ? Vous me rappelez Cromwell : « not what they want, but what is good for them » (« non pas ce qu’ils veulent, mais ce qui est bon pour eux »).]
             
            Ni l’un ni l’autre : je veux optimiser l’articulation entre démocratie et technocratie, c’est-à-dire que je veux au moins viser un système avec à la fois le moins d’excès de démocratie possible et le moins d’excès de technocratie possible, tout en réduisant au maximum toute l’oligarchie qui n’est pas de la technocratie.
             
            [Mais qu’est ce qui vous garantit que chaque camp aura son Mélenchon ?]
             
            La réponse me paraît évidente : c’est la statistique. Si je constitue n groupes de taille m selon ma méthode, c’est-à-dire en prenant soin de chaque fois fusionner deux sous-groupes de taille m/2 aléatoires et homogènes en termes socio-démographiques, il est peu probable qu’un grand nombre de Mélenchon apparaissent qui correspondraient tous à la même opinion et qu’aucun Mélenchon n’apparaisse qui aurait l’opinion contraire. Bien sûr j’appelle des « Mélenchon » quiconque serait capable de « convaincre une assemblée que le noir est blanc ».

            • Descartes dit :

              @ Erwan

              [« Comme disait un personnage d’une série politique, « si je le savais, je ne serais pas dans l’opposition »… » C’est dans Baron noir ?]

              Pas du tout. C’est extrait d’une série britannique des années 1980 que je ne peux que vous conseiller : « Yes, Minister » (et sa suite, « Yes, Prime Minister »). La BBC a d’ailleurs édité les deux séries sous forme de bouquin (imitant ces « journaux » que les ministres britanniques aiment bien publier une fois leur carrière finie) qui devraient être dans la bibliothèque de toute personne qui s’intéresse aux rapports entre le politique et l’administratif… La série est désopilante, mais sous un aspect comique elle touche des questions sérieuses avec un cynisme et une noirceur qu’on ne retrouve jamais dans les séries politiques françaises.

              Dans le chapitre en question, le ministre (James Hacker) essaye d’imposer à son administration un dossier dont elle ne veut pas. Il dialogue avec son prédécesseur au ministère (et maintenant dans l’opposition) qui lui explique toutes les tactiques d’obstruction que l’administration peut utiliser lorsqu’elle ne veut pas obéir au ministre. A la fin du dialogue, Hacker demande à son prédécesseur « mais comment on fait pour les obliger de faire quelque chose qu’ils ne veulent pas faire ? ». Et le prédécesseur lui répond : « mon pauvre, si je savais cela, je ne serais pas dans l’opposition »…

              [« Je ne sais pas si ce combat peut être gagné aujourd’hui. (…) » Dis-donc… mais où est passé ton optimisme méthodologique ?]

              Vous noterez que j’ai dit « je ne sais pas » et non « je suis sûr que ». Par ailleurs, j’ai qualifié avec le terme « aujourd’hui », ce qui suppose que demain pourrait être différent. Pour tout vous dire, je trouve ma phrase excessivement optimiste…

              Mais j’avoue que je connais un moment de découragement. Non parce que le combat est dur, mais parce que la situation est molle. On sent quand même le pays – et peut-être même le monde – se défaire. On m’aurait dit il y a vingt ans qu’un président dialoguerait d’égal à égal avec McFly et Carlito, qu’un ministre ferait la première de Playboy et j’aurais eu du mal à le croire… et si vous aviez ajouté qu’après ces exploits ils resteraient à leur poste, je vous aurais pris pour un fou. Aujourd’hui, cela ne choque que quelques indécrottables, et demain cela ne choquera plus personne. Quelque chose est en train de disparaître qui était, pour reprendre la formule de Finkielkraut, « précieux, fragile et périssable ». Il y a des moments où je me sens comme quelqu’un qui vient d’un autre monde, où les valeurs, les règles, les rapports sont différents, et qui serait projeté dans une autre planète. C’est peut-être cela, vieillir ?

              [« Mais qu’est ce qui vous garantit que chaque camp aura son Mélenchon ? » La réponse me paraît évidente : c’est la statistique. Si je constitue n groupes de taille m selon ma méthode, c’est-à-dire en prenant soin de chaque fois fusionner deux sous-groupes de taille m/2 aléatoires et homogènes en termes socio-démographiques, il est peu probable qu’un grand nombre de Mélenchon apparaissent qui correspondraient tous à la même opinion et qu’aucun Mélenchon n’apparaisse qui aurait l’opinion contraire. Bien sûr j’appelle des « Mélenchon » quiconque serait capable de « convaincre une assemblée que le noir est blanc ».]

              Notez trois faiblesses de votre argument : d’une part, « peu probable » ne veut pas dire « impossible ». Autrement dit, il y a une possibilité non nulle que dans un groupe constitué pour traiter d’un problème particulier, un Mélenchon apparaisse d’un côté et pas de l’autre. La seconde est que vous supposez que la distribution des mélenchons est aléatoire. Mais ce n’est de toute évidence pas le cas : ils sont bien plus courants dans les classes intermédiaires que dans les couches populaires, parce que les classes intermédiaires ont un bien meilleur accès aux instruments intellectuels et rhétoriques. Le côté qui défend l’intérêt des classes intermédiaires sera certainement bien mieux pourvu en personnalités « convaincantes » que l’autre. Et enfin, la statistique ne devient fiable que si les échantillons sont très importants…

          • Erwan dit :

            [Pas du tout. C’est extrait d’une série britannique des années 1980 que je ne peux que vous conseiller : « Yes, Minister » (et sa suite, « Yes, Prime Minister »). (…)]
             
            C’est la deuxième fois que tu me le recommandes, je vais m’y mettre, promis !
             
            [Vous noterez que j’ai dit « je ne sais pas » et non « je suis sûr que ». Par ailleurs, j’ai qualifié avec le terme « aujourd’hui », ce qui suppose que demain pourrait être différent. Pour tout vous dire, je trouve ma phrase excessivement optimiste…]
             
            Dans ce cas, je propose de supposer que ce n’est pas impossible, ni aujourd’hui, ni demain.
             
            [Mais j’avoue que je connais un moment de découragement. Non parce que le combat est dur, mais parce que la situation est molle. On sent quand même le pays – et peut-être même le monde – se défaire. On m’aurait dit il y a vingt ans qu’un président dialoguerait d’égal à égal avec McFly et Carlito, qu’un ministre ferait la première de Playboy et j’aurais eu du mal à le croire… et si vous aviez ajouté qu’après ces exploits ils resteraient à leur poste, je vous aurais pris pour un fou. Aujourd’hui, cela ne choque que quelques indécrottables, et demain cela ne choquera plus personne. Quelque chose est en train de disparaître qui était, pour reprendre la formule de Finkielkraut, « précieux, fragile et périssable ». Il y a des moments où je me sens comme quelqu’un qui vient d’un autre monde, où les valeurs, les règles, les rapports sont différents, et qui serait projeté dans une autre planète. C’est peut-être cela, vieillir ?]
             
            Je n’ai que 41 ans, et j’ai aussi l’impression que le pays se défait dans des proportions gravissimes. Soit le problème n’est pas de vieillir, soit je suis déjà vieux. Quoi qu’il en soit, j’essaie pour ma part de m’en remettre à Romain Gary : « nous autres, Français, nous nous ressaisissons toujours au dernier moment, c’est bien connu. » A son instar, je pense que nous devrions essayer de nous exalter de la gravité de la situation en y voyant une occasion à la mesure de notre pays. Tout au moins, nous devrions faire semblant, du mieux que l’on peut.
             
            [il y a une possibilité non nulle que dans un groupe constitué pour traiter d’un problème particulier, un Mélenchon apparaisse d’un côté et pas de l’autre.]
             
            Tout à fait, et il y a la même probabilité qu’un autre Mélenchon apparaisse de l’autre côté dans un autre groupe. Plus on répète l’opération, plus ce phénomène sera annulé.
             
            [La seconde est que vous supposez que la distribution des mélenchons est aléatoire. Mais ce n’est de toute évidence pas le cas : ils sont bien plus courants dans les classes intermédiaires que dans les couches populaires, parce que les classes intermédiaires ont un bien meilleur accès aux instruments intellectuels et rhétoriques. Le côté qui défend l’intérêt des classes intermédiaires sera certainement bien mieux pourvu en personnalités « convaincantes » que l’autre.]
             
            Comme je l’ai dit plus haut, une condition pour que ma méthode puisse fonctionner est que les deux sous-groupes puissent être également distribués en termes socio-démographiques. Dit autrement, pour chaque membre de la classe moyenne favorable à la mesure considérée, il faut un membre de la classe moyenne défavorable à cette mesure. Pour chaque chirurgien du premier sous-groupe, il faut un chirurgien dans le second sous-groupe, pour chaque ouvrier dans le second sous-groupe il faut un ouvrier dans le premier sous-groupe. S’il est impossible de constituer deux sous-groupes homogènes, cela signifie que la question est trop fortement liée à la lutte des classes, et ne peut être résolue que par une recherche de compromis. On pourrait aussi envisager de ne pas couvrir tout le spectre des classes sociales : du moment que le « toutes choses égales par ailleurs » est respecté et que la seule variable influente est l’acquisition d’une expertise, la méthode reste valide même sans la participation des chirurgiens et des Mélenchon.
             
            [Et enfin, la statistique ne devient fiable que si les échantillons sont très importants…]
             
            Si on crée 50 groupes de 10 + 10 personnes, on ne mobilise que 1000 Français, et à mon sens, on a une puissance statistique largement suffisante.

            • Descartes dit :

              @ Erwan

              [« Pas du tout. C’est extrait d’une série britannique des années 1980 que je ne peux que vous conseiller : « Yes, Minister » (et sa suite, « Yes, Prime Minister »). (…) » C’est la deuxième fois que tu me le recommandes, je vais m’y mettre, promis !]

              Il le faut absolument ! Ce devrait être une lecture obligatoire pour tous ceux qui s’intéressent à la vie politique. Je te conseille d’ailleurs de lire les bouquins. La série télé est très intéressante, mais les bouquins sont beaucoup plus riches…

              [Quoi qu’il en soit, j’essaie pour ma part de m’en remettre à Romain Gary : « nous autres, Français, nous nous ressaisissons toujours au dernier moment, c’est bien connu. » A son instar, je pense que nous devrions essayer de nous exalter de la gravité de la situation en y voyant une occasion à la mesure de notre pays. Tout au moins, nous devrions faire semblant, du mieux que l’on peut.]

              Je partage votre point de vue. C’est un peu le sens de l’optimisme méthodologique. Mais quelquefois, dans les soirées d’hiver…

              [Comme je l’ai dit plus haut, une condition pour que ma méthode puisse fonctionner est que les deux sous-groupes puissent être également distribués en termes socio-démographiques. Dit autrement, pour chaque membre de la classe moyenne favorable à la mesure considérée, il faut un membre de la classe moyenne défavorable à cette mesure.]

              Vous aurez beaucoup de mal à en trouver sur certaines questions…

              [Et enfin, la statistique ne devient fiable que si les échantillons sont très importants…]

              Si on crée 50 groupes de 10 + 10 personnes, on ne mobilise que 1000 Français, et à mon sens, on a une puissance statistique largement suffisante.

              Ca me paraît très petit. Avec des groupes de vingt personnes, vous n’aurez déjà pas la représentativité sociologique…

          • Erwan dit :

            [Il le faut absolument ! Ce devrait être une lecture obligatoire pour tous ceux qui s’intéressent à la vie politique. Je te conseille d’ailleurs de lire les bouquins. La série télé est très intéressante, mais les bouquins sont beaucoup plus riches…]
             
            J’ai regardé le premier épisode de « Yes, Minister ». J’ai beau avoir un bon niveau en anglais, j’avoue que j’ai beaucoup de mal à suivre, il faut que je trouve des sous-titres ! Je vais aussi essayer de trouver les livres.
             
            [« Dit autrement, pour chaque membre de la classe moyenne favorable à la mesure considérée, il faut un membre de la classe moyenne défavorable à cette mesure. » Vous aurez beaucoup de mal à en trouver sur certaines questions…]
             
            Si ma méthode marchait sur certaines questions et pas d’autres, ce serait déjà magnifique ! En outre, comme je vous l’ai dit, je pense que ne pas couvrir parfaitement toutes les catégories sociales n’est pas forcément problématique. Du point de vue de la détermination de la décision la plus rationnelle, il suffit que les deux groupes soient homogènes et que la seule variable influente soit l’acquisition de l’expertise.
             
            [« Si on crée 50 groupes de 10 + 10 personnes, on ne mobilise que 1000 Français, et à mon sens, on a une puissance statistique largement suffisante. » Ca me paraît très petit. Avec des groupes de vingt personnes, vous n’aurez déjà pas la représentativité sociologique…]
             
            Un seul groupe de vingt personnes, ce serait effectivement trop petit. Mais 50 groupes de vingt personnes, c’est clairement suffisant. On pourrait directement faire un groupe de 500 + 500 personnes, mais cela ne permettrait pas d’estimer dans quelle mesure le vote majoritaire est lié au hasard.

            • Descartes dit :

              @ Erwan

              [J’ai regardé le premier épisode de « Yes, Minister ». J’ai beau avoir un bon niveau en anglais, j’avoue que j’ai beaucoup de mal à suivre, il faut que je trouve des sous-titres ! Je vais aussi essayer de trouver les livres.]

              Effectivement, le vocabulaire est riche et parsemé d’expressions. J’ai les sous-titres quelque part… mais c’est pour cela que je vous conseillais de commencer par les livres…

              [« Si on crée 50 groupes de 10 + 10 personnes, on ne mobilise que 1000 Français, et à mon sens, on a une puissance statistique largement suffisante. » Ca me paraît très petit. Avec des groupes de vingt personnes, vous n’aurez déjà pas la représentativité sociologique…]

              [Un seul groupe de vingt personnes, ce serait effectivement trop petit. Mais 50 groupes de vingt personnes, c’est clairement suffisant. On pourrait directement faire un groupe de 500 + 500 personnes, mais cela ne permettrait pas d’estimer dans quelle mesure le vote majoritaire est lié au hasard.]

              Mais comment prenez-vous la décision avec 50 groupes de 20 personnes ? A la majorité des groupes ? A la majorité du total des voix ?

          • Erwan dit :

            [« Un seul groupe de vingt personnes, ce serait effectivement trop petit. Mais 50 groupes de vingt personnes, c’est clairement suffisant. On pourrait directement faire un groupe de 500 + 500 personnes, mais cela ne permettrait pas d’estimer dans quelle mesure le vote majoritaire est lié au hasard. » Mais comment prenez-vous la décision avec 50 groupes de 20 personnes ? A la majorité des groupes ? A la majorité du total des voix ?]
             
            L’idée est de rendre experts les 50 groupes indépendamment les uns des autres, et de les faire voter indépendamment les uns des autres. On se retrouve alors avec un tableau de 50 lignes et 2 colonnes, qui correspondent aux résultats des votes de ces 50 groupes. On calcule ensuite la moyenne des votes pour et la moyenne des votes contre, et on utilise un test statistique indiquant la probabilité que le vote majoritaire soit lié au hasard. Si cette probabilité est suffisamment faible, on adopte la mesure qui a la majorité. Sinon, on considère qu’il s’agit d’une décision suffisamment subjective pour passer par un processus purement démocratique, et nullement technocratique.

            • Descartes dit :

              @ Erwan

              [L’idée est de rendre experts les 50 groupes indépendamment les uns des autres, et de les faire voter indépendamment les uns des autres (…)]

              Ton idée marcherait probablement… en théorie. Mais elle me rappelle cette proposition formulée par un éminent statisticien qui consistait à supprimer les élections générales. Il suffirait de tirer au hasard un échantillon de quelque 100.000 citoyens qui seuls auraient le droit de vote. On peut montrer mathématiquement que l’écart entre le vote de cet échantillon et celui du corps électoral serait minime. Pensez-vous que les citoyens seraient prêts à accepter un tel système ?

          • Erwan dit :

            [Ton idée marcherait probablement… en théorie. Mais elle me rappelle cette proposition formulée par un éminent statisticien qui consistait à supprimer les élections générales. Il suffirait de tirer au hasard un échantillon de quelque 100.000 citoyens qui seuls auraient le droit de vote. On peut montrer mathématiquement que l’écart entre le vote de cet échantillon et celui du corps électoral serait minime. Pensez-vous que les citoyens seraient prêts à accepter un tel système ?]
             
            Je crois que la question ne se pose pas vraiment : pour que ma méthode soit appliquée, il faudrait changer la constitution, et donc passer par un référendum. Si elle était appliquée, alors elle aurait été acceptée au préalable.
             
            Si cela se produisait, je ne pense pas qu’elle serait remise en question par la suite : il ne s’agirait pas d’un remplacement du processus démocratique habituel, mais plutôt d’une méthode pour mieux articuler technocratie et démocratie. La technocratie prendrait le pas sur la démocratie quand ma méthode mènerait à un vote majoritaire statistiquement significatif, et la démocratie prendrait le pas sur la technocratie sinon.
             

            • Descartes dit :

              @ Erwan

              [Je crois que la question ne se pose pas vraiment : pour que ma méthode soit appliquée, il faudrait changer la constitution, et donc passer par un référendum. Si elle était appliquée, alors elle aurait été acceptée au préalable.]

              Oui, mais a-t-elle une quelconque chance d’être acceptée ? Les processus décisionnaires dans une démocratie n’ont pas seulement pour fonction d’aboutir à la “meilleure” décision, ils ont aussi la fonction de légitimer cette décision, de la faire apparaître comme dérivant de la souveraineté populaire. Le mode de vote proposé par mon éminent statisticien dans mon exemple est certainement très rationnel: il économiserait beaucoup d’argent et d’efforts dans l’organisation des élections, pour aboutir finalement à une décision équivalente à celle du système actuel. Et pourtant, ce système n’est utilisé dans aucun pays du monde. Pourquoi ? Parce que, même si l’on “sait” rationnellement que la statistique fonctionne, on n’y “croit” pas vraiment – sans quoi, la Française des Jeux aurait fait faillite depuis longtemps.

              C’est ce qu’oublient souvent les gens qui réfléchissent à des modes d’élection plus ou moins sioux, mêlant proportionnelle et majoritaire… on aboutit souvent à des modes d’élection que seuls les initiés comprennent, et qui favorisent des tactiques que l’électeur ne comprend pas. Il est rare qu’il en résulte une plus grande légitimité des institutions…

          • Erwan dit :

            [« Je crois que la question ne se pose pas vraiment : pour que ma méthode soit appliquée, il faudrait changer la constitution, et donc passer par un référendum. Si elle était appliquée, alors elle aurait été acceptée au préalable. » Oui, mais a-t-elle une quelconque chance d’être acceptée ?]
             
            C’est toute la question. Je pense que les conséquences à venir de l’obscurantisme écologiste pourrait par exemple rendre acceptable ce genre de méthode, mais en l’état actuel des choses, je t’accorde que c’est hors de portée.
             
            [Les processus décisionnaires dans une démocratie n’ont pas seulement pour fonction d’aboutir à la “meilleure” décision, ils ont aussi la fonction de légitimer cette décision, de la faire apparaître comme dérivant de la souveraineté populaire. Le mode de vote proposé par mon éminent statisticien dans mon exemple est certainement très rationnel: il économiserait beaucoup d’argent et d’efforts dans l’organisation des élections, pour aboutir finalement à une décision équivalente à celle du système actuel. Et pourtant, ce système n’est utilisé dans aucun pays du monde. Pourquoi ? Parce que, même si l’on “sait” rationnellement que la statistique fonctionne, on n’y “croit” pas vraiment – sans quoi, la Française des Jeux aurait fait faillite depuis longtemps.
             
            C’est ce qu’oublient souvent les gens qui réfléchissent à des modes d’élection plus ou moins sioux, mêlant proportionnelle et majoritaire… on aboutit souvent à des modes d’élection que seuls les initiés comprennent, et qui favorisent des tactiques que l’électeur ne comprend pas. Il est rare qu’il en résulte une plus grande légitimité des institutions…]
             
            Je pense que ma méthode ne correspond pas bien à ce que tu décris. Le processus démocratique actuel serait conservé, ma méthode ne servirait qu’à privilégier la technocratie pour les décisions les moins subjectives. Dit autrement, ce serait plutôt un outil de mesure de rationalité d’une décision par rapport à une autre, ce ne serait pas une modification de notre mode d’élection.

            • Descartes dit :

              @ Erwan

              [Je pense que ma méthode ne correspond pas bien à ce que tu décris. Le processus démocratique actuel serait conservé, ma méthode ne servirait qu’à privilégier la technocratie pour les décisions les moins subjectives.]

              Je ne comprends pas très bien. Le “processus démocratique” ne se réduit pas au “processus électoral”, il inclut l’ensemble des procédures de prise de décision publiques. Si j’ai bien compris, les groupes que tu proposes aboutissent à une décision. Dans ces conditions, on ne peut dire que “le processus démocratique actuel serait conservé”. D’ailleurs, je ne suis pas sûr de comprendre: le mode de débat que tu proposes est un mode de PREPARATION des décisions (qui resteraient prises par les canaux habituels) ou un mode de DECISION ?

  13. Erwan dit :

    A propos de l’utilisation de l’article 49.3, il me semble qu’il a souvent été utilisé, depuis longtemps, notamment sous Mitterrand, et pas forcément pour faire passer des réformes urgentes. Je n’ai pas forcément l’impression qu’il y ait de la nouveauté dans la démarche de Macron.

    • Descartes dit :

      @ Erwan

      [A propos de l’utilisation de l’article 49.3, il me semble qu’il a souvent été utilisé, depuis longtemps, notamment sous Mitterrand, et pas forcément pour faire passer des réformes urgentes. Je n’ai pas forcément l’impression qu’il y ait de la nouveauté dans la démarche de Macron.]

      Oui et non. L’article 49.3 a été inventé non pas pour réduire au silence l’opposition, mais pour discipliner la majorité. En effet, lorsque les majorités étaient hétérogènes, il y avait des groupes politiques qui pouvaient avoir la tentation de voter contre une réforme impopulaire ou de défigurer un texte du gouvernement tout en restant au pouvoir. Autrement dit la tactique du “un pied dehors, un pied dedans”. C’est pour éviter ces dérives qu’on a introduit dans la Constitution une disposition permettant de mettre ces groupes devant leurs responsabilités. Ainsi, Raymond Barre l’a utilisé pour contrer l’hostilité du RPR, Rocard pour obliger les communistes. Ce qui est nouveau avec la situation actuelle, c’est qu’on utilise le 49.3 dans une position où il n’y a pas de majorité, en exploitant la difficulté des oppositions à voter ensemble.

      • Erwan dit :

        Rocard n’avait pas de majorité, si ?

        • Descartes dit :

          @ Erwan

          [Rocard n’avait pas de majorité, si ?]

          Rocard n’avait pas de majorité homogène (au sens que les socialistes avaient raté la majorité de quelques sièges) mais “la gauche” avait une majorité, et dans la logique de l’époque il était absolument hors de question d’imaginer même que le PCF pouvait censurer un gouvernement socialiste. C’était un peu la même géométrie que celle de la droite avant 1981: ni le RPR ni l’UDF n’avaient de majorité, mais on considérait pourtant qu’ensemble ils constituaient la “majorité présidentielle”, parce que dans la même logique il était impensable que la droite censure son propre gouvernement!

  14. Luc dit :

     Le président Emmanuel Macron vient inde détruire délibérément son autorité constitutionnelle? Depuis qu’il est président il n’a jamais eu autant de manifestants contre lui.’
    Ça c’est de l’infox , non?
    Des news TV à l’odieux sévice public, le bourrage de crâne continu.Il s’agit d’étaler ‘la chienlit ‘
    pour provoquer une réaction légitimiste chez les seuls qui votent en masse,les retraités , n’est-ce pas ?
    Loin d’être un pistoléro désespéré,Macron manœuvre très bien.Car ceux qui dénoncent le 49.3,sont les mêmes qui s’abstiennent.
    Pourtant,il ne s’agit pas d’un suicide politique,ce 49.3 ,au contraire.
    N’est il pas probable que dès demain les gens  retournent à leur occupation quotidienne ?
    Laissant le pavé aux lycéens printaniers et autres black blocks petits bourgeois oublieux du quoi qu’il en coûte et ses 400 milliards,tandis que les 20 millions de retraités remercieront Macron d’avoir un peu pérennisé leurs retraites ,.
    Ce faisant , Macron ne montre t il pas qu’il voit plus loin que le bout de son nez ?
    Gouverner,n’est ce pas prévoir qu’avec 1,7 actif pour un retraité,l’avenir est précaire à moins,mais c’est regrettable qu’il soit préférable de ne pas réfléchir ?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Le président Emmanuel Macron vient inde détruire délibérément son autorité constitutionnelle? Depuis qu’il est président il n’a jamais eu autant de manifestants contre lui.’ Ça c’est de l’infox, non?
      Des news TV à l’odieux sévice public, le bourrage de crâne continu. Il s’agit d’étaler ‘la chienlit ‘
      pour provoquer une réaction légitimiste chez les seuls qui votent en masse, les retraités , n’est-ce pas ?]

      Si c’est cela le but, ça n’a pas l’air de très bien marcher. C’est probablement un mauvais calcul : si l’on peut parler d’un réflexe légitimiste qui conduirait à soutenir le gouvernement contre la rue, il y a aussi le réflexe inverse qui conduit à se méfier d’un gouvernement incapable de maintenir un semblant d’ordre. Souvenez-vous de De Gaulle : ce fut le raz de marée en juin 1968, mais un an plus tard…

      Je ne vois pas très bien en quoi Macron aurait « détruit son autorité constitutionnelle ». L’autorité que lui donne la Constitution est, à ma connaissance, pleine et entière. Personne ne conteste sa capacité à promulguer les lois, à nommer les hauts emplois civils et militaires de l’Etat, à désigner le premier ministre et à dissoudre l’Assemblée nationale. Et c’est là tous les pouvoirs que la Constitution lui accorde. Ce n’est pas l’autorité CONSTITUTIONNELLE de Macron qui est en cause, mais son autorité POLITIQUE.

      [Loin d’être un pistoléro désespéré, Macron manœuvre très bien. Car ceux qui dénoncent le 49.3 sont les mêmes qui s’abstiennent.]

      Pas tous : il a manqué seulement neuf voix à la censure, ce qui suppose tout de même que 279 députés aient voté pour. Si c’est ça « bien manœuvrer »… Je veux bien qu’il ne faille pas sous-estimer l’adversaire. Mais il ne faudrait pas le surestimer non plus. La position de Macron est extrêmement précaire : on ne sait quel sera l’avenir de cette réforme, mais quelle qu’en soit l’issue elle laissera derrière elle un exécutif affaibli et un climat pré-insurrectionnel.

      [N’est-il pas probable que dès demain les gens retournent à leurs occupations quotidiennes ?]

      Possible. Mais les gens ont de la mémoire. Les échos de l’affaire du traité de Lisbonne sont encore aujourd’hui visibles dans les chiffres de l’abstention.

      [Gouverner, n’est ce pas prévoir qu’avec 1,7 actif pour un retraité, l’avenir est précaire]

      Parler du rapport entre actifs et retraités n’a pas de sens si l’on n’inclut pas dans le calcul la question de la productivité. Il y a certes de moins en moins d’actifs en proportion, mais ils sont de plus en plus productifs…

      • luc dit :

        Une fois de plus,votre texte est au dessus du niveau des médias mainstream.Pour vous,si je vous comprends bien,Macron a perdu puisqu’il a réuni la totalité des syndicats et ce qui compte de partis politiques populaires contre lui. Seuls des parlementaires membres de son parti, Renaissance (ex-La République en marche), l’ont soutenu, ainsi que quelques autres se réclamant de l’ex-parti gaulliste, Les Républicains. 8 à 9 Français sur 10 sont opposés à ce texte et ont désormais la conviction que l’Exécutif n’a que faire d’eux.La République, au sens authentique du terme, est un régime qui fait passer l’intérêt général avant tout. En divisant à ce point le pays, le président l’a trahie. La Démocratie est une forme d’institution qui donne la parole au peuple. Il l’a aussi trahie. La situation est désormais bloquée et le pays est devenu ingouvernable. Plus aucune décision importante ne pourra être prise dans les mois, voire les années à venir.Mais,comment interprétez vous que Madame Ménard se soit trés intelligemment comme à son habitude abstenue.Elle est une future présidentiable puisque le parti de Marine,soutient dorénavant les néos nazis de Zélinsky.Chacun se doutait bien qu’un jour les nazillons du RN retrouveraient l’expression de leur tropisme constitutif,voilà qui est fait. Par ce fait ,la dédiabolisation est anéantie et ouvre un boulevard pour les présidentielles à la tendance ‘Ménard’,non ?

        • Descartes dit :

          @ luc

          [Pour vous, si je vous comprends bien, Macron a perdu puisqu’il a réuni la totalité des syndicats et ce qui compte de partis politiques populaires contre lui.]

          Je ne formulerais pas les choses en termes de « perdre » ou de « gagner ». Plutôt en termes de coût politique. Macron a réussi à faire aboutir la procédure parlementaire, mais le coût politique de ce qu’on peut voir comme une « victoire » est très important – et ce n’est pas fini – au point qu’on peut se demander si, globalement, le jeu en valait la chandelle.

          [Seuls des parlementaires membres de son parti, Renaissance (ex-La République en marche), l’ont soutenu, ainsi que quelques autres se réclamant de l’ex-parti gaulliste, Les Républicains. 8 à 9 Français sur 10 sont opposés à ce texte et ont désormais la conviction que l’Exécutif n’a que faire d’eux.]

          C’est ce dernier point qui représente, à mon avis, l’essentiel du problème. Les palinodies et tactiques de tel ou tel groupe parlementaire ne sont finalement que des péripéties. Le véritable échec du gouvernement est de ne pas avoir pu convaincre le peuple. Et quand je dis « convaincre », il ne s’agit pas de le convaincre que la réforme est bonne, mais au moins qu’elle était nécessaire. C’est là à mon avis que les députés LR qui n’ont pas voté la censure ont commis une erreur : ils ont pensé qu’il s’agissait d’un vote pour ou contre la loi, alors qu’il s’agissait d’un vote pour ou contre une méthode. On peut être favorable aux 64 ans, et ne pas admettre pour autant qu’une réforme de cette importance passe sans concertation, sans étude d’impact, en usant d’une procédure détournée.

          [La République, au sens authentique du terme, est un régime qui fait passer l’intérêt général avant tout. En divisant à ce point le pays, le président l’a trahie. La Démocratie est une forme d’institution qui donne la parole au peuple. Il l’a aussi trahie. La situation est désormais bloquée et le pays est devenu ingouvernable.]

          Oui. Ce qui souligne d’ailleurs la solidité de nos institutions, puisque malgré ce blocage le pays continue à fonctionner, les supermarchés sont approvisionnés, les étudiants passent leurs examens, les pensions et salaires sont versés.

          [Plus aucune décision importante ne pourra être prise dans les mois, voire les années à venir.]

          Pas sans changer de méthode, en tout cas…

          [Mais, comment interprétez-vous que Madame Ménard se soit très intelligemment comme à son habitude abstenue. Elle est une future présidentiable puisque le parti de Marine, soutient dorénavant les néos nazis de Zélinsky.]

          Je n’ai rien compris. En quoi « Madame Ménard » serait-elle devenue « présidentiable » ? A ma connaissance, Emmanuelle Ménard n’est pas membre du RN et siège avec les députés non-inscrits. Elle doit sa carrière au poids local de son mari, dans une région ou le « clanisme » est fort. Mais elle n’a aucune dimension nationale qui lui permettrait de rêver d’être une « future présidentiable ». Et je vois mal en quoi les « néo-nazis de Zélinski » et la position du RN à leur égard changeraient quelque chose…

          [Chacun se doutait bien qu’un jour les nazillons du RN retrouveraient l’expression de leur tropisme constitutif, voilà qui est fait.]

          Je ne vois pas très bien de quoi vous parlez. Pour des raisons tactiques, le soutien aux « néo-nazis de Zelinski » est généralisé dans l’ensemble du spectre politique. Ce n’est pas vraiment une spécificité du RN, sinon plutôt le contraire.

          [Par ce fait, la dédiabolisation est anéantie et ouvre un boulevard pour les présidentielles à la tendance ‘Ménard’, non ?]

          Non. De nos jours, le soutien à Zelinski est rentré dans la « vulgate ». Du Nouvel Obs au Monde, de l’Express au Figaro, on trouve page sur page faisant l’éloge du « bataillon Azov », avec des photos ou l’on a quelquefois gommé quelques tatouages explicites et quelques emblèmes qui ne le sont pas moins à grands coups de « photoshop ». Chanter les louanges de Zelinski, ce n’est pas « anéantir » la dédiabolisation, mais la poursuivre…

  15. Luc dit :

    Ce matin sur Europe1 considére que nous vivons un rejet massif de la décision publique.
    Cette réforme proposée par Macron candidat a été validée puisque Macron a été élu,hors les jeunes n’y adhérent pas.Pour Bourlange ,ex membre de la commission Balladur 2008, le fait que Macron ne puisse pas se représenter est funeste.
    Quant à la décision du Conseil Constitutionnel,tous les français doivent s’y conformer selon Bourlange. Une construction de coalition ne peut se faire que si la 1ère ministre réunit pendant plusieurs semaines les partenaires pour un programme de coalition précis,à l’allemande.
    Une interrogation me vient, pourquoi Bourlange n’évoque t il pas le taux actuel inégalé d’ abstentions en France comme à l’origine du blocage actuel en France?
     

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Ce matin sur Europe1 considère que nous vivons un rejet massif de la décision publique.]

      On dit beaucoup de bêtises, dans les médias… Pour autant que je sache, le journal officiel publie chaque jour quelques dizaines de décrets et d’arrêtés. Et la quasi-totalité sont mis en œuvre et obéis sans protestation. Les gens rejettent une décision publique particulière et non « la décision publique » en général.

      [Cette réforme proposée par Macron candidat a été validée puisque Macron a été élu,]

      Pas du tout. Macron avait proposé de mettre l’âge légal à 65 ans. La réforme proposée le fixe à 64 ans. Une telle proposition n’a jamais été soumise aux électeurs… Vous le voyez-bien, la théorie selon laquelle les éléments programmatiques avancés par le candidat lors de l’élection sont « validés » impliquent qu’il n’a aucune liberté pour les modifier une fois l’élection passée. Autrement dit, qu’il y a un « mandat impératif ». Ce que la Constitution interdit explicitement…

      [Pour Bourlanges, ex membre de la commission Balladur 2008, le fait que Macron ne puisse pas se représenter est funeste.]

      J’avoue que je vois mal ce que cela pourrait changer. Ce n’est pas parce qu’il est possible juridiquement de se représenter qu’on a les moyens politiques de le faire. Quand bien même la Constitution le permettrait, l’idée qu’un président puisse se représenter pour un troisième mandat paraît absurde. Aucun président d’ailleurs n’y a songé, même lorsque c’était possible.

      [Quant à la décision du Conseil Constitutionnel, tous les français doivent s’y conformer selon Bourlange.]

      Je ne vois pas très bien le sens de cette remarque. Les décisions du Conseil ne se dirigent pas « aux Français », mais aux institutions politiques. Si le Conseil annule la loi, le président ne peut pas la promulguer. Si au contraire il la valide, le président peut le faire. Mais c’est le président qui se conforme à la décision. Elle est transparente pour les Français.

      [Une construction de coalition ne peut se faire que si la 1ère ministre réunit pendant plusieurs semaines les partenaires pour un programme de coalition précis, à l’allemande.]

      Ah… toujours ce rêve de transformer les Français pour en faire des Allemands… je me demande pourquoi tous les eurolâtres abritent ce fantasme…

      Les gens qui abritent ce genre d’idées oublient que la tradition de souveraineté populaire est beaucoup plus forte en France, pays unitaire, qu’en Allemagne, pays fédéral. En Allemagne, on trouve normal d’élire des délégués qui iront ensuite négocier entre eux un programme de gouvernement et qui le mettront en œuvre sans demander au peuple son avis, alors qu’en France le peuple exige de juger directement le programme en question. C’est pourquoi en France les « coalitions » se font AVANT l’élection, de manière que le peuple puisse s’exprimer dessus, alors qu’en Allemagne elles se font APRES.

      [Une interrogation me vient, pourquoi Bourlanges n’évoque t il pas le taux actuel inégalé d’ abstentions en France comme à l’origine du blocage actuel en France?]

      Peut-être parce qu’il fut un partisan acharné du « péché originel » que fut la ratification parlementaire du traité de Lisbonne, qui alimenta et continue d’alimenter considérablement l’abstention…

  16. Raphaël Demangeat dit :

    Bonjour Descartes,
     
    Cette notion d’égo-politique que vous développez au fil de vos articles me semble intéressante. J’aimerais en tracer les contours.
     
    Pourrait-on la définir ainsi ?
    L’égo-politique est la situation où le personnage politique n’est plus l’incarnation d’un parti – construction collective porteuse d’idéologie – mais celle d’une simple communauté d’intérêt, beaucoup plus proche de la clientèle romaine. L’idéologie n’est plus un carcan commun que l’on s’est collectivement donné, elle n’est qu’une affaire personnelle mécaniquement plus variable. Elle existe donc toujours, mais sans structure pour la porter, ramenée à un rapport personnel entre le personnage politique et son suiveur. De ce fait, là où l’homme n’était que le prolongement du parti, désormais l’éventuel parti n’est plus que le prolongement de l’homme. En somme, cette prééminence du personnage sur la structure est une conséquence de l’atomisation des collectifs en particules individuelles.
     
    Cette définition vous semble-t-elle juste ? Laquelle feriez-vous à la place ?
     

    • Descartes dit :

      @ Raphaël Demangeat

      [L’égo-politique est la situation où le personnage politique n’est plus l’incarnation d’un parti – construction collective porteuse d’idéologie – mais celle d’une simple communauté d’intérêt, beaucoup plus proche de la clientèle romaine.]

      Pas tout à fait. Pour moi, l’égo-politique est cette logique dans laquelle ce n’est pas l’organisation politique qui « fait » le dirigeant – qui le forme, qui le promeut, qui lui procure sa légitimité, qui le fait élire – mais l’inverse. Et cela se traduit par un rapport « patrimonial » entre le dirigeant et l’organisation. Le dirigeant est « propriétaire » de l’organisation, et par conséquence il a une autorité absolue pour décider de son organisation, de ses positions, de ses alliances. Mélenchon a résumé cela très bien : lorsqu’on lui reprochait de contrôler totalement son organisation, il avait répondu « après tout, c’est moi qui l’ai faite ».

      Ce type de structure n’est pas tout à fait nouveau. Le trotskysme lambertiste a fonctionné un peu sur cette épure. Mais cela paraissait réservé aux groupuscules, car dès que l’organisation dépassait une certaine taille un besoin d’institutionnalisation se faisait sentir, et cette institutionnalisation créait des contre-pouvoirs. Les réseaux sociaux ont rendu possible le fonctionnement d’organisations de taille importante où chaque militant est directement connecté au « centre », sans qu’il y ait besoin de la médiation des structures intermédiaires et donc d’une institutionnalisation. Apparaissaient ainsi des organisations « gazeuses » comme LFI ou LREM sans instances de direction, chaque militant recevant directement la « ligne » du dirigeant unique.

      [L’idéologie n’est plus un carcan commun que l’on s’est collectivement donné, elle n’est qu’une affaire personnelle mécaniquement plus variable. Elle existe donc toujours, mais sans structure pour la porter, ramenée à un rapport personnel entre le personnage politique et son suiveur.]

      Exactement.

      [De ce fait, là où l’homme n’était que le prolongement du parti, désormais l’éventuel parti n’est plus que le prolongement de l’homme.]

      J’irais plus loin : le « parti » n’existe plus en tant qu’entité séparée. Il existe le « dirigeant », et puis une foule de « dirigés » en rapport direct avec lui. Le « parti », en tant qu’entité porteuse d’une tradition, d’une vision du monde, d’un langage, d’une éthique, d’une idéologie, a disparu.

      • Phael dit :

        Merci. Le contour étant tracé, j’en arrive aux questions. J’en ai deux.
         
        Sauf à ce que j’ai mal compris, vous liez l’égo-politique à la prééminence de la tactique sur la stratégie. Nous n’aurions plus que des personnages politiques tacticiens, et plus du tout stratèges. En quoi l’égo-politique serait-elle la cause de ce phénomène ?
         
        Pourquoi l’égo politique triomphe-t-elle à ce point en notre époque ?
         
         

        • Descartes dit :

          @ Phael

          [Sauf à ce que j’ai mal compris, vous liez l’égo-politique à la prééminence de la tactique sur la stratégie. Nous n’aurions plus que des personnages politiques tacticiens, et plus du tout stratèges. En quoi l’égo-politique serait-elle la cause de ce phénomène ?]

          Je le pense, oui. Et cela pour deux raisons. La première, c’est que pour réussir à arriver au premier plan sans avoir une organisation collective qui vous porte, il faut être un tacticien hors pair. L’égo-politique a donc un effet de sélection, qui tend à privilégier les esprits tacticiens plutôt que les stratèges. L’égo-politicien réfléchit nécessairement sur le court terme, parce que contrairement au politicien traditionnel, il est comme une bicyclette: faute d’avancer – c’est à dire, de faire des “coups” – il tombe. Un politicien traditionnel peut construire sa carrière petit à petit, reculer pour mieux avancer, faire un travail de fond. Un égo-politicien ne peut se le permettre.

          La seconde raison tient au fait que la stratégie est une affaire de long terme, et cela suppose de la part de l’homme politique une forme de transcendance, de dépassement de ses petits intérêts personnels au nom de l’intérêt de son parti. Or, l’égo-politicien ne voit dans l’organisation qu’un prolongement de lui-même, un outil entre ses mains, et non un organisme autonome à qui on doit quoi que ce soit.

          Pourquoi l’égo-politique triomphe ? Parce que c’est une structure particulièrement adaptée à une société individualiste, mais dont l’individualisme même angoisse les gens au point d’avoir besoin de quelqu’un qui leur dise ce qu’il faut faire. C’est là le grand paradoxe: l’individualisme nous a libérés des chaines de la famille, de l’institution, de la tradition, de la religion… mais en nous rendant libres, il nous a rendu responsables, et cette responsabilité pèse très lourdement. En constituant une figure paternelle, l’égo-politicien calme ces angoisses…

          • Vinz dit :

            je ne peut m’empêcher de sourire et de relever la référence au Ché surtout que, en ce qui me concerne ça me ramène immanquablement à “Rabbi Jacob”. On a les références qu’on mérite. Pardon pour le bruit et merci pour le papier.

            • Descartes dit :

              @ Vinz

              [je ne peut m’empêcher de sourire et de relever la référence au Ché]

              La référence au Ché ? Je ne suis pas sûr de comprendre…

          • Phael dit :

            Merci pour cette réponse, qui clarifie un certain nombre de choses pour moi.

  17. Paul dit :

    Bonjour Descartes.
    Peux-tu m’expliquer en quoi les gains de productivité impactent le financement des retraites ? C’est un point essentiel, mais je ne saisis pas le mécanisme.
    J’ai eu l’occasion de remarquer que ton analyse sur les classes intermédiaires est reprise par République Souveraine. Ce n’est peut-être qu’un groupuscule, mais leur Université d’hiver prouve leur recherche de réflexion et de tolérance. 

    • Descartes dit :

      @ Paul

      [Peux-tu m’expliquer en quoi les gains de productivité impactent le financement des retraites ? C’est un point essentiel, mais je ne saisis pas le mécanisme.]

      C’est très simple. Il faut rappeler que seul le travail produit de la valeur. Autrement dit, retraités et actifs se partagent un gâteau que seuls les actifs produisent. Et la taille du gâteau dépend du nombre d’actifs et de leur productivité. Autrement dit, si avec le temps le nombre d’actifs est divisé par deux mais que la productivité est multipliée par quatre, alors le gâteau à distribuer sera deux fois plus important, et si je garde la même clé de répartition, on verra le niveau de vie des retraites et des actifs s’améliorer, et cela malgré le fait que le ratio entre actifs et retraités soit divisé par deux !

      Pour donner un exemple : imaginons qu’un travailleur produise en moyenne 3.000 € par mois, et que le ratio soit de deux actifs pour un retraité. Dans ces conditions, vous pourriez par exemple fixer la retraite moyenne à 2.000 € et le revenu moyen des actifs à 2000 €, et le système serait équilibré. Maintenant, imaginons que l’on passe à un ratio d’un retraité pour un actif. A productivité constante, j’aurais maintenant 3000 € à distribuer entre un actif et un retraité, et je serai obligé de réduire le niveau de vie de l’un, de l’autre ou des deux. Mais si dans le même temps la productivité double, j’aurai cette fois 6000 € à distribuer, et en donnant la moitié à chacun j’aurai augmenté le niveau de vie des deux.

      Cet exemple vous montre que la réduction du ratio actifs/retraités n’est pas un problème en soi, et que ceux qui utilisent cet argument soit ne comprennent pas ce qu’ils disent, soit cherchent à nous enfumer. La réduction de ce ratio ne pose problème que si la productivité augmente trop lentement pour compenser ses effets. Autrement dit, il faudrait peut être se demander pourquoi la productivité stagne, au lieu de chercher les solutions du côté de la réduction des pensions ou du recul de l’âge de la retraite…

  18. Luc dit :

    La productivité est relative.Elle n’a pas 
    d’augmentation exponentielle infinie.
    Elle rencontre nécessairement une limite ,humaine ou technique.
    Au final, le gâteau est limitée .
    Un conflit de générations apparaît si le conflit principal Kapital/Travail est essuivé ce qui au vu de tendance actuelle est quasi certain.
    Sur le long terme les retraites par répartition ne sont elles pas en danger?
     

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [La productivité est relative.]

      “Relative” à quoi ?

      [Elle n’a pas d’augmentation exponentielle infinie. Elle rencontre nécessairement une limite ,humaine ou technique.]

      Votre commentaire contient deux erreurs. La première est que vous semblez confondre “productivité” et “production”. Si la PRODUCTION MATERIELLE a certainement une limite dans une planète finie, la PRODUCTIVITE (c’est à dire, la quantité qu’on peut produire ramené à un facteur de production donné) n’a aucune raison d’être limitée. Et pour ce qui concerne la production, il est important de faire une différence entre la production matérielle et la production immatérielle. On voit bien que dans une planète finie, la production matérielle ne saurait dépasser une certaine limite. Mais il n’y a aucune raison que la production immatérielle soit limitée. Qu’est ce qui limiterait la production d’idées, de soins ou de chansons ?

      [Au final, le gâteau est limitée.]

      Si vous pensez au gâteau MATERIEL, oui. Mais de plus en plus notre gâteau est fait d’éléments immatériels…

      [Sur le long terme les retraites par répartition ne sont elles pas en danger?]

      Le “conflit de générations” ne se résout pas en passant d’un système par répartition à un système par capitalisation. Du point de vue économique, les deux systèmes sont équivalents. La seule différence est que dans un système par répartition on prélève les pensions sous forme de cotisations, et dans le système par capitalisation on prélève sous forme d’intérêts ou de dividendes du capital investi. Mais dans les deux cas il s’agit d’un prélèvement sur le travail des actifs – puisque seul le travail produit de la valeur – au bénéfice des retraités.

  19. Luc dit :

    Pardon mais  il y a une différence majeure.
    La retraite par répartition implique que les actifs soient suffisamment nombreux pour assurer les revenus des retraités.Pas la retraite par capitalisation.Par conséquent, l’arrivée de plus en plus nombreux de’immigrés est nécessaire pour abonder les retraites par répartition puisque les nouvelles générations françaises ne font plus suffisamment d’enfants,non ?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Pardon mais il y a une différence majeure. La retraite par répartition implique que les actifs soient suffisamment nombreux pour assurer les revenus des retraités. Pas la retraite par capitalisation.]

      Bien sûr que si. Vous avez l’air de croire que dans la retraite par capitalisation le retraité ne fait que récupérer son capital sous forme de rente. Si tel était le cas, il vivrait dans la misère. D’abord, parce que les versements que vous avez pu faire il y a dix, vingt, trente, quarante ans ont été rognés par l’inflation, et ensuite parce que le niveau de vie – et donc de salaire – d’il y a vingt, trente ou quarante ans était bien inférieur à celui d’aujourd’hui.

      Non, le système de capitalisation repose sur le fait que le retraité récupère non seulement le capital versé, mais les revenus que ce capital investi produit. Et ce revenu est bien plus important en fait que le capital de départ : ainsi, si vous versez 100 € avec un rendement de 3% hors inflation, vous vous retrouvez au bout de 40 ans avec 330 €. Ce n’est donc pas tant le capital accumulé qui paye la retraite dans un système par capitalisation que le revenu accumulé de ce capital. Or, ce revenu vient d’où ? Et bien, d’un prélèvement sur le travail des actifs – puisqu’il faut le rappeler, seul le travail produit de la valeur. Autrement dit, si vous n’avez pas d’actifs suffisamment nombreux pour travailler et faire fructifier les investissements, votre système de retraite par capitalisation ne fonctionne plus.

      La question de la retraite par capitalisation ou par répartition est une question de tuyauterie, mais le liquide vient toujours de la même source : le travail.

      [Par conséquent, l’arrivée de plus en plus nombreux d’immigrés est nécessaire pour abonder les retraites par répartition puisque les nouvelles générations françaises ne font plus suffisamment d’enfants, non ?]

      Non. Au risque de me répéter : on doit compenser la diminution du ratio actifs/retraités par l’augmentation de la productivité du travail. Amener des immigrés pour équilibrer le système s’apparente à une pyramide de Ponzi : les immigrés que vous amenez pour équilibrer les retraites partiront eux-mêmes à la retraite un jour, et il vous faudra alors importer encore plus d’immigrés pour payer les retraites de ces immigrés, et ainsi de suite… jusqu’à effondrement du système, parce qu’un jour vous ne trouverez pas assez d’immigrés pour arriver à l’équilibre.

  20. Luc dit :

    Le président Emmanuel Macron peut parvenir à imposer une réformette des retraites. Son texte ne règle aucun problème et crée de nombreuses injustices. Par exemple, les personnes ayant commencé à travailler à 16 ans ne pourront accéder à la retraite qu’avec un nombre d’annuités de travail supérieures à celles concédées aux personnes qui ont débuté à 18 ans. Dans un pays épris d’égalité en Droit, ce texte n’aurait pas dû passer.Le président Macron a délibérément créé une situation de blocage dans laquelle nul n’a de sortie possible.Il fait cela pour contenter son électorat retraité ou proche de la retraite comme moi.Cependant cette réforme qui conforte la retraite par répartition se fait avec un coût zéro pour le Kapital.
    Les jeunes trentenaires en% conséquent considérent que les ‘vieux’ leur vole de l’argent à cause des prélèvements induits par la répartition.
    Les déportations (au sens Otanessque..)vers la France de migrants musulmans s’en trouvent renforcé,avec de + en + de conséquences comme les perturbations ramadamesques dans le foot..Au final,la grande bataille qui s’annonce n’est elle pas la bataille pour la fin de la retraite par répartition que le RN finira bien par proposé maintenant qu’il soutient le régime néo nazi pourri de Zélensky dont J.M lepen est un fervent soutien,comme l’Otan qui soutiennent aussi la retraite par capitalisation ?

    • Descartes dit :

      @ Luc

      [Les déportations (au sens Otanessque..) vers la France de migrants musulmans s’en trouvent renforcé, avec de + en + de conséquences comme les perturbations ramadamesques dans le foot..]

      Encore la bouteille ? Franchement, ce genre de jérémiade ne contribue pas à un débat rationnel de ces questions. Vous noterez par ailleurs que le régime par répartition tend à favoriser l’immigration bien plus qu’un régime par capitalisation, puisque ce dernier permet d’équilibrer le système grâce au prélèvement du travail des étrangers sans que ceux-ci aient à quitter leur pays, alors que le système par répartition financé sur cotisations ne peut mettre à contribution que ceux qui travaillent chez nous…

      [Au final, la grande bataille qui s’annonce n’est-elle pas la bataille pour la fin de la retraite par répartition que le RN finira bien par proposé maintenant qu’il soutient le régime néo nazi pourri de Zélensky dont J.M lepen est un fervent soutien, comme l’Otan qui soutiennent aussi la retraite par capitalisation ?]

      L’OTAN soutien la retraite par capitalisation ? Quel rapport entre les retraites et Zelenski ? Vous mélangez tout… et ça donne un brouet infâme. Quant à l’idée que le RN « finira bien par proposer la fin de la retraite par répartition »… je me demande d’où vous sortez ça.

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