Qu’on lui coupe la tête !

Le monde est devenu complètement fou. Je ne parle pas des aventures de notre président ou de notre premier ministre, pas plus que je ne fais mention de la conduite suicidaire d’une gauche qui, en refusant tout compromis fait du RN l’arbitre de la vie ou de la mort des gouvernements. Non, je veux évoquer l’affaire de cette institutrice qui suspendue, trainée dans la boue, mise au ban de sa profession et de la société pour le terrible crime d’avoir donné une tape à un enfant de trois ans dans sa classe et, last but not least, d’avoir été filmée en le faisant.

Soyons sérieux : combien d’entre nous, parmi ceux qui ont élevé des enfants, ne s’est jamais énervé devant un enfant qui fait une crise ? Combien d’entre nous n’a jamais marqué sa colère par une tape bien sentie sur les fesses ? On peut discuter longtemps pour savoir si c’est là un acte légitime du point de vue pédagogique, si un tel geste peut remettre l’enfant sur le droit chemin ou au contraire le traumatiser à vie. Mais ce qui est incontestable, c’est que c’est là un geste humain. Nous l’avons tous fait, et celui qui dira le contraire est soit un saint, soit un menteur.

Mais alors, pourquoi défenestrer un enseignant au motif qu’il aura fait ce que nous voyons des parents faire quotidiennement dans la rue, dans le supermarché ? Et surtout, pourquoi cet acharnement sur cette pauvre femme ? Parce qu’il faut bien parler d’acharnement, lorsque sur nos étranges lucarnes on voit défiler des témoins de tout poil qui font de la surenchère, de celui qui propose de lui interdire à vie de travailler avec des enfants, à celui qui réclame pour elle une lourde peine de prison. Et cela sans compter sur l’avocate de la famille de la gamine expliquant que cette simple tape aurait traumatisé l’enfant à vie, qu’il était inenvisageable qu’elle retourne à l’école, et toutes sortes de bêtises du même style. Parce que, là aussi, il faut être sérieux. On ne traumatise pas un enfant aussi facilement que cela. Autrement, que dire des générations entières qui ont reçu des coups de règle sur les doigts de leur instituteur, à qui des institutrices tiraient les oreilles, et je vous parle d’expérience. Je ne me souviens pas d’avoir été particulièrement « traumatisé » par ce qu’aujourd’hui on qualifierait de terribles abus de pouvoir, pas plus que par l’apparente indifférence de mes parents. Ma mère, d’ailleurs, en usait elle-même, et je me souviens de quelques gifles mémorables. Ces gifles étaient exceptionnelles, et parce qu’elles étaient exceptionnelles elles étaient efficaces. Quand la gifle partait, moi et mes frères comprenions que notre mère était VRAIMENT fâchée, que nous avions fait quelque chose de VRAIMENT grave.

Je ne parle pas bien entendu des enseignants qui fouetteraient les enfants, ou même qui useraient systématiquement des châtiments corporels. Mais ce n’est pas le cas ici : on parle d’une enseignante dont le dossier administratif est vide de toute sanction, qui ne s’est jamais vue reprocher la moindre violence envers les enfants. Une enseignante qui a eu un geste qu’on peut juger malheureux – je précise que ce n’est pas mon jugement – et qui est interdit par le règlement, mais qui reste une réaction humaine que chacun de nous peut comprendre. Et qui pourtant déclenche une tempête médiatique, une surenchère d’appels à la condamnation et la punition, sans que personne, ni l’institution, ni les experts, ni les politiques osent s’opposer à  la vindicte générale.

Ce cas n’est pas isolé. Prenez l’affaire du motard imprudent qui tue une enfant dans un passage à niveau. C’est certes une tragédie, et on ne peut même pas imaginer si on ne l’a pas vécu ce que doit être la douleur des parents. Mais faut-il pour autant exiger des juges qu’ils laissent de côté le code de procédure pénale pour satisfaire le besoin des victimes de faire leur deuil ? Là encore, il faut nous regarder dans le miroir. Combien d’entre nous n’ont jamais commis une imprudence qui aurait pu avoir des conséquences tout aussi graves ? Lequel d’entre nous n’a jamais, de toute sa vie, pris le volant sous l’effet de l’alcool ou de stupéfiants, n’a jamais conduit un véhicule qu’il savait être dangereux, n’a jamais dépassé les vitesses limitées ? Oui, nous aurions pu tuer une fillette, et nous alors porté toute notre vie la culpabilité d’avoir pris ce risque. Mais avant de demander que le jeune qui a tué par imprudence la fillette soit décapité en place de Grève, il faut se souvenir que ce jeune pourrait être notre enfant, ou plus banalement, nous-mêmes.

« Méfiez-vous de ceux chez qui le réflexe de punir est puissant », disait Goethe. Or, nous sommes dans une société qui connaît de moins en moins le pardon devant les fautes d’autrui – tout en réclamant la plus grande bienveillance pour les fautes qu’on commet soi-même. Tout le monde revendique le « droit à l’erreur », mais devient intraitable lorsqu’il s’agir de reconnaître ce droit aux autres. Là encore, c’est quelque chose qui nous vient du monde anglosaxon, de cette logique où la communauté s’octroie le droit de discipliner ceux dont l’attitude ne lui convient pas. Je me souviens avoir vu un épisode de la série « Desperate Housewives », où le voisinage exige l’expulsion d’un habitant accusé de pédophilie. Et lorsqu’il apparaît que l’accusation est fausse, les organisateurs de la protestation s’excusent faiblement en se justifiant avec l’argument de « protéger nos enfants ». Autrement dit, ce qui vous arrive A VOUS justifie votre droit tout infliger AUX AUTRES.

C’est la responsabilité de chacun de nous, comme citoyen mais surtout comme être rationnel, de militer pour que le registre de l’émotion s’efface devant le registre de la raison. Notre droit prescrit que la prison préventive n’est là que pour assurer la comparution de l’accusé devant les juges, pour protéger les preuves et les témoins, pour éviter toute atteinte à l’ordre public. Dès lors que la représentation est assurée, qu’il n’y a aucun risque de pression sur les témoins et que les preuves ont été recueillies, que l’ordre public n’est pas menacé, la liberté sous contrôle judiciaire est la règle, et doit être appliquée. Utiliser l’émotion pour attaquer les institutions, alors que celles-ci ne font qu’appliquer une loi que personne finalement ne critique, est un abus qui devrait être dénoncé. Et de la même manière, l’acte d’une institutrice qui donne exceptionnellement une tape à un élève doit être ramené à sa juste proportion, celle d’un acte certes blâmable, mais somme toute compréhensible et banal. Et l’institution devrait avoir le courage de le dire quitte à contredire ceux qui manipulent les émotions du peuple pour vendre du papier, ou plutôt des « heures de cerveau disponible ».

Il faut revenir au précepte qui veut qu’on ne fasse aux autres que ce que nous aimerions qu’on nous fasse. Nous aurions pu être ce chauffard, nous aurions pu être cette institutrice. Comment aurions-nous aimé être traités si le sort nous avait mis dans une telle situation ? Hypocrite lecteur, je te laisse répondre…

Descartes

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14 réponses à Qu’on lui coupe la tête !

  1. cdg dit :

    Dans desperate Hausewife si ma memoire est bonne le gars est au final un pedophile…
    Pour le reste, vous avez raison qu un moment d egarement ou un accident devrait avoir des conséquences (sinon c est carte blanche a n importe quoi) mais pas au point de detruire la vie de la personne
    Sur les chatiments corporels, je me rappelle de mon pere me disant que si je me plaignait que l instituteur m avait mit un claque il m en mettrai une seconde (attitude typique dans les annees 70, je suis sur que tous mes condisciples ont eut la meme remarque de leurs peres). On est maintenant dans le stade de l interdiction de la fessee et je suis pret a parier que cette brave institutrice soutenait ce type de loi anti fessée. autrement dit c est l arroseur arrosée
    PS: on est quand meme sur une enfant de 3 ans. j ai pas regardé la video pour savoir si c est juste une poussée ou plus mais c est quand meme jeune
     

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Dans desperate Hausewife si ma memoire est bonne le gars est au final un pedophile…]

      Oui, mais les personnages n’en savent rien. C’est sur une simple supposition qu’ils veulent l’expulser. Et lorsqu’il semble prouvé qu’il ne l’est pas, les animateurs de la curée se justifient en prétendant qu’ils ne font que défendre leurs enfants. Mais vous avez raison : après bien des péripéties il s’avère que le personnage est effectivement un pédophile… et je vous avoue qu’en le voyant je me suis demandé si les créateurs de la série n’en avaient fait un justement pour justifier à postériori les actions des personnages principaux. En effet, sans cette conclusion, l’affaire devenait tragique.

      [Sur les châtiments corporels, je me rappelle de mon père me disant que si je me plaignait que l’instituteur m’avait mis un claque il m’en mettrai une seconde (attitude typique dans les annees 70, je suis sûr que tous mes condisciples ont eu la même remarque de leurs pères).]

      Il est clair qu’à l’époque les parents prenaient le parti de l’instituteur ou du professeur contre leurs enfants tant que ceux-ci restaient raisonnablement dans leur rôle. On n’était pas encore tombés dans la logique de l’identification automatique avec la victime.

      [PS: on est quand meme sur une enfant de 3 ans. j ai pas regardé la video pour savoir si c est juste une poussée ou plus mais c est quand meme jeune]

      J’ai vu la vidéo: l’enfant est en pleine crise d’hystérie, et l’institutrice lui donne une tape sur les fesses, puis lui jette un peu d’eau froide sur le visage (méthode classique pour calmer un enfant qui fait une crise). Ce n’est pas une correction au fouet, tout de même…

  2. Bob dit :

    @ Descartes
     
    Je me suis fait les mêmes réflexions que vous devant ce déferlement médiatique.
    Le site de France Info publiait un article à ce sujet, j’étais très curieux de voir les commentaires des lecteurs. Je n’ai pas été déçu : dans leur écrasante majorité, ceux-ci condamnaient sans la moindre once d’hésitation cette institutrice. Des gens sans enfants sans doute, ou bien – les chanceux – dont les enfants ne font jamais la moindre bêtise…
    Une anecdote personnelle. Il y a une vingtaine d’années, ma sœur me rendit visite à Stockholm. Sa fille de huit ans s’approcha très près du bord du quai du métro alors que celui-ci arrivait. Apeurée (et craignant sans doute une chute), ma sœur saisit sa fille avec force et lui asséna une gifle en lui expliquant qu’elle ne devait jamais faire ça. Je considère qu’elle lui avait peut-être sauvé la vie. Que croyez-vous qu’il advint ? Une Suédoise, témoin de la scène, s’approcha de nous et hurla sur ma sœur pour lui dire que frapper des enfants était interdit en Suède, que c’était “sauvage” (le fait cocasse est que cette femme s’exprima en suédois dont ma sœur ignore tout). La Suède était plus “progressiste” que la France, il semble qu’aujourd’hui nous ayons acquis ce progrès-ci…
     

    • Descartes dit :

      @ Bob

      [Le site de France Info publiait un article à ce sujet, j’étais très curieux de voir les commentaires des lecteurs. Je n’ai pas été déçu : dans leur écrasante majorité, ceux-ci condamnaient sans la moindre once d’hésitation cette institutrice. Des gens sans enfants sans doute, ou bien – les chanceux – dont les enfants ne font jamais la moindre bêtise…]

      Mais surtout, des gens qui s’identifient naturellement à la victime. Parce que pour moi, c’est là où se trouve le mécanisme de ce déferlement. La figure de la victime s’est dilatée jusqu’à occuper tout l’espace. De plus en plus, le procès pénal lui est consacré : de plus en plus, on demande aux juges d’être au service de la victime plutôt que celui de la société. C’est flagrant dans le cas de la fillette tuée par un chauffard.

      [Une Suédoise, témoin de la scène, s’approcha de nous et hurla sur ma sœur pour lui dire que frapper des enfants était interdit en Suède, que c’était “sauvage” (le fait cocasse est que cette femme s’exprima en suédois dont ma sœur ignore tout). La Suède était plus “progressiste” que la France, il semble qu’aujourd’hui nous ayons acquis ce progrès-ci…]

      Je n’ai pas l’impression pourtant que les enfants suédois soient plus heureux ou moins traumatisés que les notres… il faudrait traduire au suédois “la guerre des boutons”!

      • Bob dit :

        @ Descartes
         
        En effet, ni plus ni moins je dirais.
        L’enseignante en question vient d’être placée en garde à vue… d’ici à ce qu’elle soit placée en détention provisoire…

        • Descartes dit :

          @ Bob

          [L’enseignante en question vient d’être placée en garde à vue… d’ici à ce qu’elle soit placée en détention provisoire…]

          Il paraît qu’une autre famille a porté plainte pour une gifle… administrée en 2012. On croit rêver: douze ans ont passé, et ils en sont toujours là ? Qu’attendent-ils d’un éventuel procès ? De pouvoir croire que si leur enfant chéri est devenu un adolescent insupportable, que s’il se drogue et rentre et sort de prison ce n’est pas leur faute, mais celle du “traumatisme” d’une gifle reçue il y a douze ans ?

          • Bob dit :

            @ Descartes
             
            C’est tellement délirant que je ne peux y voir qu’une rancune ancienne – et donc tenace – de cette autre famille pour une quelconque raison (gifle ou pas) vis-à-vis de l’institutrice. Des comptes à régler en somme.
             
            Si on prend du recul et qu’on constate que le commissariat accepte de prendre ce genre de plaintes tandis que tellement de territoires du pays sont laissés à l’abandon des pouvoirs publics et laissés aux mains de voyous depuis bien trop longtemps, je ne sais pas si “le monde” est devenu fou, mais la France oui.

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [C’est tellement délirant que je ne peux y voir qu’une rancune ancienne – et donc tenace – de cette autre famille pour une quelconque raison (gifle ou pas) vis-à-vis de l’institutrice. Des comptes à régler en somme.]

              Je ne le pense pas. Je vais faire une hypothèse, au risque de me tromper. Appelons X l’enfant qui a soi-disant reçu cette gifle il y a douze ans – à l’époque, les parents avaient dénoncé le fait et l’enfant s’était finalement retracté. Rappelons que l’enfant peut mentir, souvenez-vous de Samuel Paty.

              Si X était aujourd’hui un adolescent épanoui et sans problèmes, cette affaire ne serait qu’un mauvais souvenir, et ses parents seraient passés à autre chose. A quoi bon réveiller une vieille histoire ? Je veux bien que les gens soient rancuniers, mais à ce point ? Par contre, imaginons que X est un adolescent plein de problèmes, qu’il est échec scolaire, qu’il se drogue, qu’il crache sur ses parents. La tentation de ces derniers de se chercher un coupable – par exemple, une gifle reçue quand il était tout petit – qui les exonère de toute responsabilité serait très grande…

              [Si on prend du recul et qu’on constate que le commissariat accepte de prendre ce genre de plaintes tandis que tellement de territoires du pays sont laissés à l’abandon des pouvoirs publics et laissés aux mains de voyous depuis bien trop longtemps, je ne sais pas si “le monde” est devenu fou, mais la France oui.]

              Est-ce « folie » que d’ajuster les priorités de la société sur les priorités des classes intermédiaires ?

  3. Geo dit :

     
    À Descartes:
     
    [Non, je veux évoquer l’affaire de cette institutrice qui suspendue, trainée dans la boue, mise au ban de sa profession et de la société pour le terrible crime d’avoir donné une tape à un enfant de trois ans dans sa classe et, last but not least, d’avoir été filmée en le faisant.]
     
    Il y a quelques années une enseignante américaine dans une classe dotée de caméras avait trouvé la solution face à une enfant en crise: ne pouvant la gifler, elle a appelé la police. On a donc vu dans une vidéo qui a du faire le tour du monde pour parvenir jusqu’à nous un flic en casquette entrer dans une classe de petits pour embarquer une gamine de peut-être six ans. Les français étaient encore capables d’être estomaqués par de telles performances.

    • Descartes dit :

      @ Geo

      [Il y a quelques années une enseignante américaine dans une classe dotée de caméras avait trouvé la solution face à une enfant en crise: ne pouvant la gifler, elle a appelé la police. On a donc vu dans une vidéo qui a du faire le tour du monde pour parvenir jusqu’à nous un flic en casquette entrer dans une classe de petits pour embarquer une gamine de peut-être six ans.]

      La question posée est au fond celle de la violence légitime en matière d’éducation. La vulgate post-soixante huitarde est que la contrainte est par essence mauvaise et doit être bannie des rapports humains. Derrière cette proposition, il y a une vision de l’être humain qui serait naturellement bon, sociable et généreux, et qu’une société injuste conduirait sur les voies de l’égoïsme et de la délinquance. Une vision qu’on retrouve chez de très nombreux pédagogues, mais aussi chez pas mal de juges… Personnellement, je m’incline vers une perception plus hobbesienne : l’être humain est « naturellement » égoïste et asocial. S’il constitue des sociétés, c’est sous la contrainte de la nécessité de mettre sous contrôle ces instincts. La contrainte est donc inséparable des sociétés humaines, puisque la socialisation consiste à forcer des gens à faire ce qu’ils ne feraient pas s’ils étaient livrés à eux-mêmes.

      Cette contrainte implique un certain niveau de violence. Bien sûr, il ne s’agit pas nécessairement de violence physique. Nos sociétés évoluées tendent à remplacer chaque fois que c’est possible la violence physique par la violence psychologique. Et le niveau de violence doit être proportionnée dans le contexte. Mais il faut être bien conscient que toute éducation implique une forme de violence, et que cette violence est NECESSAIRE. S’il est interdit à l’enseignant d’en user, alors il faudra la transférer à une autre institution, la police dans l’exemple que vous proposez.

      Ce transfert, on le voit de plus en plus fréquemment. On voit ainsi des parents faire appel à la police pour prendre en charge des enfants qu’ils ne contrôlent plus, des enseignants exigeant la présence de la police dans les enceintes scolaires pour faire face à des comportements qui, autrefois, auraient été traités par l’institution éducative. A force de refuser la violence dans toutes les institutions, elle se trouve finalement concentrée dans la seule institution qui ne peut pas la transférer vers quelqu’un d’autre…

  4. Benjamin dit :

    Bonjour Descartes,
    Ce que je trouve surprenant dans cette histoire est le fait qu’une vidéo a été prise. Que faisait donc la personne qui filmait dans une salle de classe? Je crois avoir lu qu’il s’agissait d’une parent d’élève. Je n’ai pas souvenir d’avoir vu jamais des parents en classe lors de mon passage dans le primaire. Accompagnateurs de sortie, oui mais en classe, non.

    • Descartes dit :

      @ Benjamin

      [Ce que je trouve surprenant dans cette histoire est le fait qu’une vidéo a été prise. Que faisait donc la personne qui filmait dans une salle de classe? Je crois avoir lu qu’il s’agissait d’une parent d’élève. Je n’ai pas souvenir d’avoir vu jamais des parents en classe lors de mon passage dans le primaire. Accompagnateurs de sortie, oui mais en classe, non.]

      Moi non plus. De mon temps, la porte de l’école marquait la rupture entre l’univers de la famille et celui de l’institution. Et cette séparation était bien marquée : d’un côté de la ligne de démarcation, les parents et les règles de la famille, de l’autre, l’instituteur et les règles de l’école. Mais maintenant, tout est mélangé, et lors de la rentrée les parents « installent » leurs enfants dans la salle de classe – transformant celle-ci en une extension de l’espace familier. Au lieu d’insister sur la rupture entre les différents espaces, indispensable pour que l’instituteur ait son autonomie, on prétend au contraire à une continuité, qui permet aux parents de s’immiscer dans l’espace scolaire.

      Cette affaire illustre parfaitement le rétrécissement de la sphère publique menacée par l’expansion de la sphère privée. De plus en plus, les instituteurs travaillent non pas sous le contrôle de leur institution, mais sous celui des parents. Ce n’est plus l’institution qui dicte ce que les instituteurs peuvent ou ne peuvent pas faire, et qui sanctionne leurs manquements, ce sont les parents. Ce sont les parents qui décident ce qu’on a le droit ou pas d’enseigner – là encore, l’affaire Paty est une bonne illustration. Ce sont les parents qui décident qui mérite d’être sanctionné – avec la complicité des juges.

  5. François dit :

    Bonjour Descartes,
     
    Je n’ai pas suffisamment potassé ces deux affaires pour me faire une idée précise. Cependant, concernant l’accident mortel de Vallauris (le mis en cause a t’il involontairement cabré comme il le dit, faisait-il le kéké ?), je sais en revanche que pas très loin et pas très longtemps avant, un gendarme a été mortellement renversé, et que cet homicide ne peut être mis sur le compte d’une imprudence pardonnable (par une personne qui ne devrait pas exister sur le territoire national qui plus est). Les esprits étaient chauffés à blanc par ce meurtre, les homicides causés par des « rodéos urbains » font régulièrement les pages de la PQR, ainsi les gens ne sont pas trop disposés à faire des nuances du moment qu’ils entendent que quelqu’un qui faisait du mono-roue avec sa moto commet un homicide.

    • Descartes dit :

      @ François

      [Je n’ai pas suffisamment potassé ces deux affaires pour me faire une idée précise. Cependant, concernant l’accident mortel de Vallauris (le mis en cause a t’il involontairement cabré comme il le dit, faisait-il le kéké ?), je sais en revanche que pas très loin et pas très longtemps avant, un gendarme a été mortellement renversé, et que cet homicide ne peut être mis sur le compte d’une imprudence pardonnable (par une personne qui ne devrait pas exister sur le territoire national qui plus est).]

      Mais justement, il y a une hiérarchie entre ces deux actes. Celui qui fait le kéké sur une moto est certainement blâmable, mais pas au même niveau que celui qui ignore sciemment l’injonction de la force publique et roule sur un gendarme. En exigeant à chaque fois le châtiment le plus sévère, on fait disparaître cette hiérarchie, et on finit par mettre sur le même plan une institutrice qui file une tape à un enfant et un chauffard qui roule sur un gendarme. C’est là un symptôme d’une société sans nuances, sans hiérarchies – ou plutôt avec des hiérarchies qui sont fixées par la victime avec laquelle chacun s’identifie. Or, la tendance naturelle de la victime est de penser que ce qui lui arrive A LUI est plus grave que tout le reste.

      [Les esprits étaient chauffés à blanc par ce meurtre, les homicides causés par des « rodéos urbains » font régulièrement les pages de la PQR, ainsi les gens ne sont pas trop disposés à faire des nuances du moment qu’ils entendent que quelqu’un qui faisait du mono-roue avec sa moto commet un homicide.]

      Que « les gens » soient dans cet état d’esprit, on peut le comprendre. Mais la fonction des élites est justement d’aller plus loin que les « gens », de leur fournir un discours plus rationnel, plus nuancé. Quand les commentateurs sur les étranges lucarnes deviennent plus poujadistes que les « gens », ça commence à sentir le roussi.

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