L’Oncle Sam est une ordure

“Heaven has no rage like love to hatred turned, Nor Hell a Fury like a woman scorned” (William Congreve)

Je voudrais commencer ce papier par une minute de silence. Il me semble en effet indispensable d’exprimer notre solidarité morale avec une population en détresse. Je parle, bien entendu, de tous ceux – hommes et femmes politiques, commentateurs, intellectuels médiatiques, enseignants – souffrant de cette terrible maladie qu’est l’americanolâtrie. Certains rêvaient d’américaniser la France en faisant d’elle une « start-up nation ». D’autres ont bénéficié dans leur jeunesse des programmes destinés à former les dirigeants européens en herbe aux délices de « l’american way of life », ou plutôt de « l’american way of thinking » et ne s’en sont jamais remis. Il y en a même qui sont devenus des agents d’influence, conseillant des chefs d’Etat « amis » et couvrant derrière leur passeport français la nature de leur véritable employeur. Mais tous ont – ou ont eu, car il faut maintenant parler au passé – en commun la confiance absolue dans l’Oncle Sam, cet oncle tout-puissant, éclairé et bienveillant, tout dévoué à la défense de la liberté, de la démocratie, bref, de tout ce qui est bon et juste.

On a presque de la peine – entre deux moments de Schadenfreude – à les voir, tout déconfits, allant de sommet en sommet, d’écran en écran, brûlant aujourd’hui ce qu’ils ont adoré hier. Où sont passés ceux qui nous expliquaient que les institutions américaines étaient un exemple à suivre pour le monde entier, que leur système de « checks and balances » conduisait à un gouvernement éclairé et modéré, à un équilibre harmonieux et un gouvernement bien plus démocratique et rationnel que celui de nos contrées françaises ? Où sont passés ceux qui expliquaient doctement que les Etats-Unis seraient toujours du côté du bien, de la justice et de la liberté ? Tous ces beaux discours sont oubliés, remplacés par le langage de l’incompréhension quand ce n’est pas de l’amour trahi. On en trouve même qui poussent le vice jusqu’à se soucier des intérêts des Américains comme si c’était leur problème, telle une Christine Lagarde qui explique doctement que la politique de Donald Trump « n’est pas dans l’intérêt des Américains ». Depuis quand « l’intérêt des Américains » est un paramètre qui intéresse la présidente de la BCE ?

Le plus amusant dans cette affaire, c’est que sur le fond, la politique américaine n’a pas véritablement changé. Avec un style qui est certes différent de celui de ses prédécesseurs, Trump s’inscrit dans une remarquable continuité. Car lorsqu’on laisse de côté les discours publicitaires et qu’on regarde l’histoire, on arrive vite à la conclusion que l’Oncle Sam n’a jamais été cet oncle bienveillant dont ses thuriféraires nous parlent. En 1914-18 comme en 1939-45, il a laissé les européens s’épuiser dans les combats avant de venir sur le tard rafler la mise (1). Quant à l’attention accordée à ses « alliés », ce n’est pas une constante de la politique américaine que de les consulter avant de prendre les décisions critiques. Lorsque Nixon trouve en 1971 que son économie se portera mieux en mettant fin à la convertibilité du dollar en or, elle est supprimée sans consulter personne. Et tant pis pour le système de Bretton Woods, dont la convertibilité était l’un des piliers. Le secrétaire au Trésor, John Connally, résumera parfaitement le caractère unilatéral de la décision en déclarant à l’égard du reste du monde : « le dollar est notre monnaie, mais votre problème ». Et on pourrait donner bien d’autres exemples, de l’invasion de l’Irak au retrait d’Afghanistan. En matière économique, on pousse des grands cris aujourd’hui sur les mesures protectionnistes décidées par l’administration américaine, mais on oublie que l’Oncle Sam n’a jamais été un grand partisan de la « concurrence libre et non faussée » quand celle-ci menace les entreprises américaines : la « buy american act » de 1933, qui réserve les marchés publics aux biens produits aux Etats-Unis est toujours en vigueur, et en 2008 Barack Obama instaure la « buy american provision » qui réserve le programme de relance américain aux infrastructures bâties avec des matériels américains. L’Oncle Sam est par ailleurs coutumier des aventures impériales – souvenez-vous de l’Irak – et adhère depuis plus d’un siècle à la politique « du gros bâton » (Théodore Roosevelt dixit). L’Oncle Sam n’hésite pas à espionner ses alliés, à rançonner leurs banques ou utiliser son système judiciaire pour faire pression sur leurs entreprises. Pas plus qu’il n’a hésité à saboter les gouvernements, même des pays « alliés », lorsque ceux-ci ne lui convenaient pas – le cas de De Gaulle est un bon exemple. Et finalement, l’Oncle Sam n’a jamais hésité, lorsque ses intérêts le commandaient, à abandonner ses alliés en rase campagne – pensez aux Afghans qui ont soutenu l’occupation américaine, et qui ont du jour au lendemain été abandonnés à leur sort. C’est Henry Kissinger qui a le mieux résumé l’affaire : « être l’ennemi des Etats-Unis peut être dangereux, être leur ami peut être fatal ».

N’en déplaise aux « amis de l’Amérique », lorsqu’on examine cette longue suite d’exemples, on voit que sur le fond, loin de constituer une rupture, la politique trumpienne est parfaitement alignée avec l’histoire des Etats-Unis. Quoi que les americanolâtres qui pullulent dans les institutions européennes et nationales puissent penser, pendant que l’Union européenne s’égosillait à défendre le bien, la vérité et la justice, de l’autre côté de l’Atlantique cela a toujours été « America first ». La seule différence entre Trump et ses prédécesseurs est le style. Obama, Clinton ou Biden avaient la politesse – ou la ruse – de déguiser leurs positions derrière un discours lénifiant permettant à ses « alliés » de sauver la face. Alors que sous Trump – comme sous Bush, d’ailleurs, dont on a oublié la campagne antifrançaise lors du conflit irakien : « today Bagdad, tomorrow Paris » – les rapports de force apparaissent nus, dans toute leur violence. Donald Trump a déchiré le voile derrière lequel nos dirigeants se berçaient – et nous berçaient – de douces illusions quant à nos rapports avec la puissance dominante. Ce qui oblige nos dirigeants, nos journalistes, nos intellectuels, à se livrer à un exercice tout à fait nouveau pour eux : regarder la réalité. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que cela ne leur vient pas naturellement.

Il y a cependant un étrange paradoxe dans la situation que nous vivons aujourd’hui. Personne je pense ne me contredira si je dis que Donald Trump se classe plutôt à droite. Dans son entourage, on trouve une belle brochette de milliardaires, d’entrepreneurs à succès venus autant de l’industrie que des services. On peut difficilement dire que cette administration ne soit « pro-business ». Elle montre d’ailleurs par des actes concrets d’une incroyable brutalité son engagement à réduire la taille de l’Etat et de faire disparaître des pans entiers de la réglementation qui limite la marge d’action des entreprises. Partout, on nous a expliqué que Trump était le candidat des riches. Mais les riches sont-ils bien servis par leur candidat ? Ce serait plutôt le contraire : la politique trumpienne provoque la panique dans les marchés financiers. Si je crois « Le Monde », les annonces protectionnistes de l’administration américaine ont effacé sur les marchés financiers américains 6.000 milliards de dollars de capitalisation boursière en deux jours – et cela ne compte pas les pertes de valeur des sociétés américaines cotées sur d’autres marchés, qui ont eux aussi lourdement chuté. Par ailleurs, nos économistes médiatiques promettent aux Etats-Unis l’enfer de la récession. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le protectionnisme trumpien ne fait pas vraiment les affaires d’un Thiel, d’un Musk ou d’un Bezos…

Ce qui est encore plus paradoxal est que des commentateurs qui se situent plutôt à gauche trouvent dans cet effondrement des bourses le signe que l’économie américaine va mal, et se réjouissent de ce que la pression de Wall Street puisse infléchir la politique économique trumpienne, autrement dit, que la politique américaine « se fasse à la corbeille », selon la formule gaullienne.  Il est vrai que depuis que la gauche s’est reconvertie au social-libéralisme, on tend à confondre l’économie réelle avec le monde immatériel de la finance, et à supposer que parce que les petits papiers échangés dans les bourses montrent des chiffres de plus en plus gros, l’économie réelle, celle qui produit des voitures et des machines à laver, des poireaux et des ordinateurs, se porte bien. Mais c’est là une illusion. On peut parfaitement voir les bourses monter alors que le chômage atteint des sommets, que le pouvoir d’achat des ménages populaires recule, et que les services publics se dégradent. Et à l’inverse, on peut voir l’économie réelle décoller alors que les bourses stagnent ou reculent. Ce que l’évolution de la bourse révèle, c’est les anticipations de l’évolution de la rémunération du capital. Regarder l’économie par l’évolution des indices boursiers, c’est la regarder par le petit bout de la lorgnette.

Il n’est pas clair si Trump réussira à gagner son pari. Est-ce que la relocalisation des emplois aux Etats-Unis réussira à compenser les effets récessifs du protectionnisme ? On le verra dans quelques années, si l’administration américaine tient bon sur cette ligne, ce qui n’est guère acquis compte tenu de la pression que les milieux financiers mettront sans aucun doute sur elle. Il est aussi intéressant de noter qu’un président qu’on classe volontiers dans l’extrême droite populiste a fait le choix clair de donner la priorité absolue à une revendication des travailleurs – celle de la relocalisation des emplois – quitte à sacrifier les intérêts des financiers. Qu’est-ce que ce choix nous dit, à nous Français ?

J’ai tendance à voir dans ce choix la confirmation d’une théorie que j’ai exposée maintes fois dans ces colonnes, celle qui veut que tout dirigeant politique, quelles que soient ses opinions personnelles, est l’otage de l’électorat sur lequel il a bâti son pouvoir. Pour arriver à la Maison blanche, Donald Trump est allé chercher le vote de l’électorat populaire américain. Pas celui des gratte-ciel de New York, mais de l’Amérique d’un étage de Milwaukee ou de Detroit, celui des cols bleus plutôt que celui des cols blancs. Un électorat plus sensible à la question de l’emploi et du pouvoir d’achat dans sa banlieue qu’aux états d’âme des européens. Et on peut noter que la pression contre la politique économique de Trump ne vient pas des usines ou des bureaux, mais de Wall Street, comme le signalent d’ailleurs de manière fort complaisante nos commentateurs télévisuels.

Peut-on projeter ce raisonnement sur la France ? Si demain le RN entrait au gouvernement, pourrait-il se permettre de faire une politique qui ferait fi des préoccupations de la France d’Hénin-Beaumont, de Thionville ou de Tourcoing ? Si LFI arrivait au pouvoir, pourrait-il aller contre les préjugés des « communautés » qui auront assuré son élection ? Imagine-t-on les socialistes au pouvoir faire autre chose que la politique des classes intermédiaires, qui constituent l’essentiel de son électorat ? Dis-moi qui vote structurellement pour toi, et je te dirai qui tu es…

Descartes

(1) Rappelons que, pour ce qui concerne la première guerre mondiale, les Etats-Unis déclarent la guerre à l’Allemagne le 6 avril 1917, et que les premières troupes arrivent à partir de la fin juin. Pour la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis restent neutres et c’est l’Allemagne qui leur déclare la guerre, en décembre 1941. Les premiers soldats américains arriveront sur le continent européen… en septembre 1943.

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67 réponses à L’Oncle Sam est une ordure

  1. Vincent dit :

    “Les premiers soldats américains arriveront sur le continent européen… en juin 1944.”

    Vous semblez oublier les débarquements en Italie…
     
    Sinon, parfaitement en ligne avec vous. Comme d’habitude. Je me désespère de ne pas réussir à faire comprendre à mes proches que Trump n’est aucunement une rupture avec ses prédécesseurs du point de vue du fond de la politique internationale…

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Vous semblez oublier les débarquements en Italie…]

      Vous avez parfaitement raison. Les premiers soldats américains débarquent en Italie en septembre 1943. Cela ne change pas significativement l’argument: en janvier 1943, les allemands ont subi une défaite majeure à Stalingrad, en juillet de la même année ils ont échoué à casser la contre-offensive soviétique à Koursk. Lorsque les Américains débarquent en Italie en septembre 1943, l’issue de la guerre ne fait plus de doute.

      [Je me désespère de ne pas réussir à faire comprendre à mes proches que Trump n’est aucunement une rupture avec ses prédécesseurs du point de vue du fond de la politique internationale…]

      C’est très difficile, compte tenu du poids de la mythologie soigneusement cultivée par les americanolâtres européens après la guerre et alimentée par Hollywood auprès des générations qui n’ont pas connu les événements. Tout le monde n’a pas la clairvoyance d’un De Gaulle, qui refusait de payer de sa personne lors des célébrations du débarquement en Normandie, parce qu’il y voyait non pas un geste de générosité désintéressé mais un choix guidé par les intérêts des Etats-Unis d’abord. Combien d’européens savent aujourd’hui qu’en 1914-18 comme en 1939-45 les matériels fournis par les Etats-Unis n’étaient nullement des dons, mais ont été fournies contre rémunération, payées par des emprunts qu’il a fallu rembourser après la guerre ?

      • delendaesteu dit :

        @descartes
        « Je voudrais commencer ce papier par une minute de silence……………………souffrant de cette terrible maladie qu’est l’americanolâtrie »

        J’ai peur qu’une minute de silence pour ceux qui souffrent de germanolâtrie ne soit pas pour tout de suite .
        Quand j’essaie de faire comprendre à mes proches que le réarmement de l’Europe compte tenu de l’état de nos finances, ce sera avant tout le réarmement des allemands et que cela m’inquiète beaucoup plus que la pseudo menace russe (la Russie est à 6000 km de la France , l’Allemagne de l’autre coté du Rhin) .
        Je me fais traiter de germanophobe (tu n’y penses pas l’Allemagne est notre amie).
        Le jour où les gens comprendront qu’un pays n’a pas d’amis mais seulement des intérêts.

        • Descartes dit :

          @ delendaesteu

          [J’ai peur qu’une minute de silence pour ceux qui souffrent de germanolâtrie ne soit pas pour tout de suite.]

          Que voulez-vous, si l’Oncle Sam a failli, il faut bien qu’on se trouve un autre oncle de substitution pour combattre la terreur de se retrouver à devoir prendre ses décisions tout seuls et à en prendre la responsabilité. De Gaulle notait déjà la tendance des Français à penser que l’herbe était plus verte de l’autre côté de la frontière, et à croire que les solutions à leurs problèmes viendraient de l’extérieur. Même en 1940 il n’y a pas manqué de gens pour se réjouir que les Allemands viennent « mettre de l’ordre » chez nous…

          [Quand j’essaie de faire comprendre à mes proches que le réarmement de l’Europe compte tenu de l’état de nos finances, ce sera avant tout le réarmement des allemands et que cela m’inquiète beaucoup plus que la pseudo-menace russe (la Russie est à 6000 km de la France, l’Allemagne de l’autre côté du Rhin).]

          Tout à fait. Il faut penser notre défense « tous azimuts », pour utiliser l’expression gaullienne. Parce que si nos « amis américains » peuvent se retourner contre nous, nos « amis allemands » pourraient faire de même. Comme disait Cromwell, il faut prier Dieu et garder la poudre sèche. Et c’est particulièrement vrai pour l’arme nucléaire, qui est la garantie de nos intérêts vitaux.

          [Je me fais traiter de germanophobe (tu n’y penses pas l’Allemagne est notre amie).]

          Faudrait peut-être leur rappeler que jusqu’à hier, les Etats-Unis étaient eux aussi « nos amis »…

          • Bob dit :

            @ Descartes
             
            [Comme disait Cromwell, il faut prier Dieu et garder la poudre sèche.]
             
            J’espère qu’un jour vous nous ferez une synthèse de vos différentes “maximes” favorites.
             

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [J’espère qu’un jour vous nous ferez une synthèse de vos différentes “maximes” favorites.]

              C’est vrai que j’aime beaucoup citer. C’est une façon de rattacher ce qu’on peut dire à l’histoire… vous trouvez que j’en fais trop ?

            • Bob dit :

              @ Descartes
               
              [vous trouvez que j’en fais trop ?]
               
              Pas du tout ! Ne voyez aucune ironie dans ma demande. Au contraire, je trouve vos références toujours à-propos et de qualité, c’est pourquoi je serais ravi d’un florilège. 

            • Descartes dit :

              @ Bob

              J’y penserai…

            • Vincent dit :

              Je me permets d’appuyer la suggestion de Bob… Je serais également preneur d’un tel recueil !
               
              Et, non, vous n’en faites pas trop. Un peu plus ne ferait même pas de mal !

      • Vincent dit :

        @Descartes
        Si on considère la Sicile comme faisant partie de l’Italie, c’est même en Juillet 1943 que les américains y ont débarqué…
        Certains attribuent une partie de l’abandon allemand devant Koursk à ce qui s’est passé en Italie ; mais de toute manière, les dés étaient déjà jetés, le début de l’offensive n’ayant pas été concluant.
        Ce qui ne change rien à l’affaire : Stalingrad et Midway ont été les points de bascules des fronts européens et pacifiques, ça avait bien été compris à l’époque. Soit effectivement avant le débarquement américain en Europe.
         
        J’en profite pour une autre petite précision historique :
         

        [Combien d’européens savent aujourd’hui qu’en 1914-18 comme en 1939-45 les matériels fournis par les Etats-Unis n’étaient nullement des dons, mais ont été fournies contre rémunération, payées par des emprunts qu’il a fallu rembourser après la guerre]

        C’est vrai en 39-45. C’est d’ailleurs la même loi prêt-bail qui a été réactivée par Biden pour l’Ukraine.
        En 14-18, les fournitures de matériels de guerre aux américains ont été gratuites. Attention, il faut bien lire : les fournitures AUX américains : ils sont arrivé en France les mains dans les poches, quasiment sans armes, sans munitions, et non formé. Il a fallu les former et les armer, et c’est l’industrie de l’armement français qui a équipé le contingent américain.
        Après, il est vrai que cette industrie était approvisionnée en matières premières par l’industrie américaine, qui, elle, se faisait payer rubis sur l’ongle… (y compris quand c’était pour fabriquer du matériel qui serait reversé gratuitement aux troupes US).

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [Si on considère la Sicile comme faisant partie de l’Italie, c’est même en Juillet 1943 que les américains y ont débarqué…]

          Et si on considère que l’Algérie c’était la France, on peut ramener la date à 1942. Mais je vous rappelle que ma remarque concernait « le continent européen ».

          [C’est vrai en 39-45. C’est d’ailleurs la même loi prêt-bail qui a été réactivée par Biden pour l’Ukraine.
          En 14-18, les fournitures de matériels de guerre aux américains ont été gratuites. Attention, il faut bien lire : les fournitures AUX américains : ils sont arrivés en France les mains dans les poches, quasiment sans armes, sans munitions, et non formé. Il a fallu les former et les armer, et c’est l’industrie de l’armement français qui a équipé le contingent américain.]

          Peut-être, mais pour financer l’effort de guerre, la France avait du emprunter massivement aux Etats-Unis, et finira la guerre avec une dette considérable. L’importance de ces dettes est telle qu’elle imprègne la culture populaire américaine. Ainsi, la comédie musicale de 1933 « let’s the eat cake » de George et Ira Gershwin en fait une référence appuyée, soulignant la mauvaise foi des européens qui refusent de payer ce qu’ils doivent.

        • Jean-Claude dit :

           

          [Combien d’européens savent aujourd’hui qu’en 1914-18 comme en 1939-45 les matériels fournis par les Etats-Unis n’étaient nullement des dons, mais ont été fournies contre rémunération, payées par des emprunts qu’il a fallu rembourser après la guerre]

          @ Vincent , Par DIEU ! Monsieur comme vous avez raison , d’ailleurs De Gaulle le savait et l’avait bien compris depuis longtemps .C’est pour cela qu’il profita de l’occasion pour quitter l’OTAN ( organisme ordonnateur , dictatorial et guerrier de l’État très très très  profond US ) Pour l’anecdote , JAMAIS CHURCHILL n’aurait donné l’autorisation de débarquement de troupe US n’importe ou en Europe si NOS AMIS RUSSES n’aveint sacrifié 25 millions de vieillards , femmes , enfants , soldats pour mettre a ZERO l’armée NAZIE ..Qu’ils en soient éternellement remerciés .
          Et un des pire traitre anti-francais  qui lui et son épouse d’ailleurs nous haïssant , nous a fait réintégrer cette organisation néfaste et guerrière sans le consentement du peuple FRANCAIS .Nous n’oublierons pas non plus les 600 tonnes d’or que nous A VOLE ce triste personnage pour les offrir a l’État très très très profond US-USURIER et son intégration forcée a Maastricht grâce aux députés traitres et corrompus pseudo français par interets , alors qu’une seconde foi 55 % du peuple FRANCAIS AVAIT REFUSE ..

          • Descartes dit :

            @ Jean-Claude

            [Pour l’anecdote , JAMAIS CHURCHILL n’aurait donné l’autorisation de débarquement de troupe US n’importe ou en Europe si NOS AMIS RUSSES n’aveint sacrifié 25 millions de vieillards , femmes , enfants , soldats pour mettre a ZERO l’armée NAZIE… Qu’ils en soient éternellement remerciés.]

            Que la contribution soviétique à la victoire des alliés soit systématiquement minimisée, c’est un fait. Mais il ne faut pas non plus tomber dans la schématisation inverse. Ce n’est pas le sacrifice des vieillards, des femmes ou des enfants qui ont « mis à zéro l’armée nazie ». Et les soviétiques ne les ont pas « sacrifiés ». L’URSS a sacrifié des millions de soldats à la victoire, mais les femmes, les enfants et les vieillards n’ont pas été « sacrifiés ». Ils ont été affamés, déportés, massacrés par les Allemands. Vous noterez par ailleurs qu’il n’y avait pas et il n’y a jamais eu « d’armée nazie ». Il s’agissait de l’armée ALLEMANDE, dont le commandement était issu en grande majorité de la tradition militaire prussienne, et non du parti nazi pour lequel elle professait d’ailleurs le plus grand mépris. Cette utilisation du terme « nazi » pour qualifier les armées du IIIème Reich vise en particulier a exonérer l’Allemagne de toute responsabilité dans l’affaire…

            {Et un des pire traitre anti-francais qui lui et son épouse d’ailleurs nous haïssant, nous a fait réintégrer cette organisation néfaste et guerrière sans le consentement du peuple FRANCAIS.]

            Je ne vois pas très bien de qui vous voulez parler – il est vrai qu’en matière de « traîtres anti-français », on a l’embarras du choix. D’abord, et contrairement à votre affirmation, De Gaulle n’a pas « quitté l’OTAN ». Il s’est contenté de quitter le commandement intégré de l’organisation, et – et c’est peut-être là le plus important – a pris la décision de fermer l’ensemble des bases militaires américaines sur notre territoire. Ce qui fait que la France, contrairement à d’autres pays de l’OTAN, n’a pas de troupes étrangères stationnées chez elle…

            Ensuite, après la fin des années 1970 tous les présidents ont cherché à se rapprocher de l’OTAN, même s’ils n’ont pas tout de suite osé revenir sur la décision de quitter le commandement intégré. Mitterrand accorde à l’OTAN le survol du territoire français, Chirac et Juppé ouvrent en 1995 les négociations pour la réintégration de la France au commandement intégré en échange d’un commandement important accordé à un officier français. Ces négociations aboutiront sous Sarkozy.

            [Nous n’oublierons pas non plus les 600 tonnes d’or que nous A VOLE ce triste personnage pour les offrir a l’État très très très profond US-USURIER et son intégration forcée a Maastricht grâce aux députés traitres et corrompus pseudo français par interets , alors qu’une seconde foi 55 % du peuple FRANCAIS AVAIT REFUSE ..]

            Vous faites là une confusion. Le traité de Maastricht fut ratifié avec une majorité de voix par référendum en 1992.

            • Jean-Claude dit :

              Descartes , alorts la non Monsieur mille regrets  le traité de Lisbonnea été refusé PAR le peuple FRANCAIS en 2005  il me semble a 55 % et constitutionnellement ne pouvait ETRE uniquement voté que parle peuple francais et strictement personne d’autre .le triste sire mondialiste Sarkozi l’a fait voter traitreusement et illegalement en force un soir de 2007 vers 1 heure du matin .Les veaux francais ce jour la aurait du descendre dans la rue et n’ont pas bronché comme a l”habitude …
              En 39/45 mon pere se battit 3 mois et fut fait prisonnier dans un stalag NAZI pendant 5 ans en allemagne .Nous pouvons donc parler d’armée NAZIE en 39/45 puisque 90 % des allemands et pas sous la contrainte faisait volontairement le salut nazi avec la main droite ( alors que c’etait un regime Nazional Zozialiste qui lui est de gauche.) Quand au 25 miollions de sacrifiés , il ne faut pas confondre avec les 80 a 100 millions de martyres de la révolution d’octobre ( a votre service sur le sujet .)
              Non Monsieur en 39 /45 la population RUSSE comportant tous les gens décrits ont aidé leur armée a vaincre les Nazis , transport de munitions , soins aux bléssés etc  etc  etc   et mille aides et mille sacrifices civils et militaire  = 25 millions de morts

              Supposons que la capitulation Allemande ne soit qu’une armistice. le III Reich aurait donc signé un traité de paix le laissant comme autorité (toujours) légitime sur l’Allemagne, la Pologne et l’Autriche. La Cour constitutionnelle de Karlsruhe a, le 31 juillet 1973, précisé que le III Reich a survécu à la guerre de 45. C’est ce qui transparaît du préambule des articles 16, 23, 116 et 146 de la loi fondamentale (Allemande). Selon la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle, le Reich allemand a toujours une capacité légale (BVerfGE 2, 266(277) ; 3, 288(319f); 5, 85(126); 3, 309, 336, 363), mais pas de capacité juridique, par manque d’organes légaux et institutionnels. Les gouvernements actuels ne sont que transitoires.

              Secondo , j’avais 6 ans et vers 9 heures du matin avec mes parents , ici dans le SUD-OUEST , frontiere espagnole , nous regardions les convois americains chargés de tanks , camions , canons et autres materiels se diriger vers l’espagne franquiste qui les accueillait et je peux vous affirmer que les gens ne parlaient que de la France qui se liberait de l’OTAN , a regrets pour certains , avec soulagements pour d’autres .Monsieur j’ai vécu TOUT cela , j’ai même fait mon service en FFA … et a 500 kms d’ou je me trouvais se trouvaient les troupes communistes ,dont j’ai pu m’approcher a l’époque très très prés alors le sujet , JE CONNAIS PARFAITEMENT , j’y étais ….

              Et mon second propos s’adresse a ce pitoyable bonhomme , au sujet de Masstrich/Lisbonne , de notre or volé a la banque de France complice = 3000 tonnes a vous et a moi – les 600 ou 700 tonnes volées par Sarko (     https://www.midilibre.fr/2012/02/08/quand-nicolas-sarkozy-vendait-l-or-francais-pour-une-poignee-de-cacahuetes,455169.php  )        et de la réintegration sans notre autorisation dans l’Otan .
              J’ai 76 ans …. alors vous savez , je suis apte a juger une partie de l’histoire , les mots changent s’imaginant changer  l’histoire , mais un corrompu reste un corrompu , un mondialiste corrompu reste un traitre a son pays en voulant se faire passer pour un saint en faisant écrire ses livres mensongers par des n……gres  …non !! non!! des copistes arrangeurs , le mot est plus actuel disons ….
              Cordialement

            • Descartes dit :

              @ Jean-Claude

              [Descartes , alorts la non Monsieur mille regrets le traité de Lisbonnea été refusé PAR le peuple FRANCAIS en 2005 il me semble a 55 %]

              Certes, mais votre commentaire ne concernait pas le traité de Lisbonne. Je vous cite « intégration forcée a Maastricht grâce aux députés traitres et corrompus pseudo français par interets , alors qu’une seconde foi 55 % du peuple FRANCAIS AVAIT REFUSE ». Vous faisiez donc référence à « l’intégration forcée à Maastricht », et non au traité de Lisbonne. Et le traité de Maastricht a, lui, été ratifié par une majorité des Français. Grâce, entre autres choses, au militantisme d’un certain Jean Luc Mélenchon et à l’appel à l’abstention de Lutte Ouvrière. Honneur à qui honneur est dû…

              [En 39/45 mon pere se battit 3 mois et fut fait prisonnier dans un stalag NAZI pendant 5 ans en allemagne .Nous pouvons donc parler d’armée NAZIE en 39/45 puisque 90 % des allemands et pas sous la contrainte faisait volontairement le salut nazi avec la main droite ( alors que c’etait un regime Nazional Zozialiste qui lui est de gauche.)]

              Je ne suis pas d’accord. Je ne sais pas si « 90% des Allemands faisaient le salut nazi », mais cela ne change rien à l’affaire. Le fait est que le parti national-socialiste n’a jamais eu que quelques millions de membres, et que les armées qui ont déferlé sur l’Europe étaient largement composées et surtout commandées par des Allemands qui n’avaient rien de « nazi », mais qui partageaient très largement le discours de la « grande Allemagne » et de son droit à gouverner l’Europe – discours qui reste assez largement partagé en Allemagne aujourd’hui, même si pour des raisons faciles à comprendre il s’exprime très discrètement. Parler de « stalag Nazi » ou de « armée Nazi » c’est laver à bon compte les péchés de l’impérialisme allemand. Pensez à la place qu’on fait à l’attentat organisé contre Hitler par une partie du commandement allemand – dont Stauffenberg fut l’organisateur – en oubliant que la motivation principale de l’attentat n’était pas les crimes nazis, mais la conviction que Hitler conduisait l’Allemagne à la défaite. Tant que les armées allemandes avançaient, les militaires – même ceux qui méprisaient les nazis – n’avaient pas grande chose à redire…

              [Non Monsieur en 39 /45 la population RUSSE comportant tous les gens décrits ont aidé leur armée a vaincre les Nazis, transport de munitions, soins aux bléssés etc etc etc et mille aides et mille sacrifices civils et militaire = 25 millions de morts]

              Possible. Mais l’utilisation du mot « sacrifier » – surtout sans le sens transitif – exige quand même quelques précautions. Que les civils russes se soient sacrifiés pour défendre la patrie, c’est possible. Que le régime soviétique les ait « sactrifiés »… non, mille fois non.

              [Supposons que la capitulation Allemande ne soit qu’un armistice. Le III Reich aurait donc signé un traité de paix le laissant comme autorité (toujours) légitime sur l’Allemagne, la Pologne et l’Autriche.]

              Je ne comprends rien à ce commentaire. Si au lieu d’une capitulation les Alliés avaient conclu un armistice avec le III Reich, l’histoire serait certainement très différente. Mais les Alliés ont refusé toute forme d’armistice, et exigé du III Reich une capitulation sans conditions. On peut toujours se demander ce qui se serait passé si le nez de Cléopâtre avait été plus long, mais ce genre de spéculation n’a qu’un intérêt limité. Le fait, c’est que le IIIème Reich a capitulé sans conditions.

              [La Cour constitutionnelle de Karlsruhe a, le 31 juillet 1973, précisé que le III Reich a survécu à la guerre de 45. C’est ce qui transparaît du préambule des articles 16, 23, 116 et 146 de la loi fondamentale (Allemande). Selon la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle, le Reich allemand a toujours une capacité légale (BVerfGE 2, 266(277) ; 3, 288(319f); 5, 85(126); 3, 309, 336, 363), mais pas de capacité juridique, par manque d’organes légaux et institutionnels. Les gouvernements actuels ne sont que transitoires.]

              C’est un petit peu plus compliqué que ça. La Cour constitutionnelle n’a pas précisé que « le III Reich a survécu à la guerre de 45 ». La décision en question établit une continuité entre la République fédérale établie en 1949 et le « Reich allemand » qui, contrairement à ce que vous semblez penser, ne commence pas avec le IIIème Reich. En France, on pourrait se poser à la même question, à savoir, est-ce que la IVème République s’est éteinte en 1958, ou bien est-ce qu’elle a « survécu » sous une forme ou une autre dans la Vème. En France, la réponse est assez évidente parce que les constituants de 1958 ont explicitement établi le maintien de la législation précédente. Cela avait été plus compliqué en 1945 : au départ, la position idéologique était de nier toute légitimité au gouvernement de Vichy, mais on s’est vite aperçu qu’il était difficile de tenir pour nuls et non avenus les actes juridiques accomplis pendant toute cette période. On a donc tenu pour nuls les actes les plus exorbitants – le statut des juifs, par exemple – et on a discrètement validé les autres, dont certains sont toujours en vigueur d’ailleurs.

              En Allemagne, la question était beaucoup plus complexe du fait de la division de l’Allemagne en deux. La décision que vous évoquez concerne d’ailleurs le traité inter-allemand du 21 décembre 1972. La question posée était celle de la reconnaissance juridique de cette division, alors que la constitution de 1949 fait de l’Allemagne une entité unique et de la réunification un objectif constitutionnel. Mais il ne s’agit nullement de faire « survivre le IIIème Reich ». D’ailleurs, la continuité entre les différents régimes qui ont gouverné l’Allemagne – nazisme inclus – a toujours été admise, puisque la RFA a payé ponctuellement les pensions des fonctionnaires et des militaires qui ont servi l’Empire allemand, la République de Weimar et le IIIème Reich…

              [Secondo , j’avais 6 ans et vers 9 heures du matin avec mes parents , ici dans le SUD-OUEST , frontiere espagnole , nous regardions les convois americains chargés de tanks , camions , canons et autres materiels se diriger vers l’espagne franquiste qui les accueillait et je peux vous affirmer que les gens ne parlaient que de la France qui se liberait de l’OTAN , a regrets pour certains , avec soulagements pour d’autres .Monsieur j’ai vécu TOUT cela , j’ai même fait mon service en FFA … et a 500 kms d’ou je me trouvais se trouvaient les troupes communistes ,dont j’ai pu m’approcher a l’époque très très prés alors le sujet , JE CONNAIS PARFAITEMENT , j’y étais ….]

              Je ne vois pas le rapport. Que les gens aient « parlé que la France se libérait de l’OTAN » n’implique nullement que la France soit sorti de l’OTAN. Vous savez, quelquefois les gens se trompent. Quant au fait d’avoir fait son service en Allemagne, cela vous fait « connaître parfaitement » les conditions des soldats qui faisaient leur service en Allemagne, mais guère plus…

              [J’ai 76 ans …. alors vous savez , je suis apte a juger une partie de l’histoire,]

              Comme disait Brassens, « le temps ne fait rien à l’affaire »… pour « juger une partie de l’histoire », il faut connaître l’histoire. L’âge n’y fait rien…

  2. François dit :

    Bonsoir Descartes,
    [La seule différence entre Trump et ses prédécesseurs est le style.]
    Mais justement, à partir d’un moment, ne peut-on pas dire que la forme constitue aussi le fond ? Les États-Unis à l’issue de la SGM, on construit le fameux « multilatéralisme », dans lequel chaque nation (officiellement) est censée être traitée avec la même considération, les USA étant le « primum inter pares » chargé de lutter contre les brebis galeuses. Bien entendu, je ne suis pas dupe de tout ceci, mais le fait qu’ils décident de détruire les institutions qu’ils ont bâti, fussent-elles seulement cosmétiques, me semble significatif, qu’ils ne fassent plus semblant un tant soit peu de ménager leurs alliés, considérant qu’ils sont suffisament puissants pour faire comme bon leur semble. L’avenir nous dira si Trump n’est qu’un feu de paille ou si son approche de la diplomatie sera poursuivie par ses successeurs. Voici en attendant un article intéressant à lire :
    https://legrandcontinent.eu/fr/2025/03/20/mercantilisme-et-capitalisme-de-la-finitude-aux-origines-de-lempire-trump/
     
    [(…) – comme sous Bush, d’ailleurs, dont on a oublié la campagne antifrançaise lors du conflit irakien : « today Bagdad, tomorrow Paris »]
    Cette campagne anti-française tenait au fait que le veto français constituait un sérieux camouflet à la prétention des États-Unis de faire le Bien au nom de l’Humanité. Alors certes, la voix de la France ne porte plus autant que par le passé, mais en admettant qu’elle porte toujours autant, pensez vous que Trump en aurait quelque chose à faire à ce qu’elle dise que l’Oncle Sam n’agit pas pour le Bien commun ?
     
    Bref, user de la ruse, ou user de la force pour parvenir à ses fins, ça ne veut pas tout à fait dire la même chose.

    • Descartes dit :

      @ François

      [Mais justement, à partir d’un moment, ne peut-on pas dire que la forme constitue aussi le fond ?]

      Il y a, bien entendu, une dialectique entre les deux. Ici, le « fond » est probablement le déséquilibre croissant entre la puissance militaire américaine et sa puissance économique. La puissance militaire américaine reste prédominante, mais elle ne suffit plus à assurer aux Etats-Unis la domination économique du monde. D’où un raidissement sous une forme de plus en plus agressive.

      [Les États-Unis à l’issue de la SGM, on construit le fameux « multilatéralisme », dans lequel chaque nation (officiellement) est censée être traitée avec la même considération, les USA étant le « primum inter pares » chargé de lutter contre les brebis galeuses. Bien entendu, je ne suis pas dupe de tout ceci, mais le fait qu’ils décident de détruire les institutions qu’ils ont bâti, fussent-elles seulement cosmétiques, me semble significatif, qu’ils ne fassent plus semblant un tant soit peu de ménager leurs alliés, considérant qu’ils sont suffisamment puissants pour faire comme bon leur semble.]

      Le « multilatéralisme » était utile aux américains en 1945 parce qu’il s’agissait pour eux de gérer la fin des empires coloniaux européens et leur remplacement par le néocolonialisme américain. Ce processus reposait en grande partie sur l’accession des anciennes colonies au statut d’Etat souverain. Le « multilatéralisme » permettait aussi de maintenir la fiction d’un « monde libre » fait d’Etats adhérant formellement à un certain nombre de « valeurs » contre le totalitarisme soviétique dans la perspective de la guerre froide.

      Aujourd’hui, les problèmes ne sont plus tout à fait les mêmes. La « peur du communisme », permettait aux Américains de compter sur un appui inconditionnel des bourgeoisies locales effrayées à l’idée que les revendications ouvrières puissent remettre en cause leurs intérêts avec l’appui ou du moins la bienveillance des soviétiques. Cette « peur » n’est plus, et du coup, les vassaux ne sont plus aussi fiables. Hier, il suffisait de faire les gros yeux pour qu’ils passent à la caisse. Maintenant, il faut aller bien plus loin…

      [L’avenir nous dira si Trump n’est qu’un feu de paille ou si son approche de la diplomatie sera poursuivie par ses successeurs.]

      Sous des formes différentes, possiblement, mais le fil conducteur sera le même, parce qu’il reflète une transformation structurelle du capitalisme, et non le simple caprice d’un homme.

      [Voici en attendant un article intéressant à lire : (…)]

      Je ne l’ai pas trouvé si intéressant que ça. J’y retrouve un vieux discours, celui qui oppose le « bon » capitalisme (ici qualifié de « libéral », et dont « l’horizon eschatologique » serait « la croissance économique et la paix mondiale »), et un « mauvais » capitalisme (« prédateur, violent, rentier »). En fait, c’est la vision idéaliste qui transforme le capitalisme en une entité, oubliant que la prédation, la violence ou la rente existent au bénéfice non pas du « capitalisme », mais d’une classe bien particulière. Vous noterez d’ailleurs que l’auteur arrive à parler du capitalisme et de ses transformations sans utiliser pas une seule fois le mot « classe »… or, comment voulez-vous comprendre l’évolution d’un système alors que le « moteur » de cette évolution, la lutte des classes, est évacué ?

      Et c’est ainsi qu’on découvre que « lors de la première période du capitalisme de la finitude, entre le XVIe et le XVIIIe siècle, les Européens se sont battus sur terre et sur mer pour s’approprier avant les autres des espaces transformés en colonies avec leurs mines, leurs comptoirs, leurs ports et leurs plantations ». Ah bon ? Qui étaient ces « Européens » qui ont fait tout ça ? Les paysans européens ? Les ouvriers européens ? Ou bien les bourgeois européens ?

      [Cette campagne anti-française tenait au fait que le veto français constituait un sérieux camouflet à la prétention des États-Unis de faire le Bien au nom de l’Humanité. Alors certes, la voix de la France ne porte plus autant que par le passé, mais en admettant qu’elle porte toujours autant, pensez vous que Trump en aurait quelque chose à faire à ce qu’elle dise que l’Oncle Sam n’agit pas pour le Bien commun ?]

      Pardon, mais si la voix de la France a porté lors de la guerre d’Irak, ce n’est pas parce qu’on s’est contenté de DIRE que les Etats-Unis n’agissaient pas pour le bien commun. Si on s’était contenté de déclarations, on n’aurait pas eu autant d’ennuis. La France a fait alors bien plus que dire, elle a usé de son droit de véto, privant du même coup les Américains d’une légitimité juridique dont ils avaient bien besoin, et a refusé de participer à la croisade, ce qui revenait à leur refuser un certain nombre de facilités.

      • Vincent dit :

        [La France a fait alors bien plus que dire, elle a usé de son droit de véto, privant du même coup les Américains d’une légitimité juridique dont ils avaient bien besoin, et a refusé de participer à la croisade, ce qui revenait à leur refuser un certain nombre de facilités.]

        La France n’a pas utilisé son droit de véto. Elle a usé d’ambiguïté stratégique pour éviter de dire si elle l’utiliserait ou non.
        Et en parallèle, elle a essayé de rallier suffisamment de membres du conseil de sécurité pour qu’il n’y ait pas suffisamment de oui pour que la question de voter contre se pose ou non. De mémoire, ça a été réussi à une voix près.
        Ce qui a beaucoup énervé les USA contre la France, et pas contre l’Allemagne, qui était également contre, c’était justement cet activisme politique visant à mettre les USA en minorité.

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [La France n’a pas utilisé son droit de véto. Elle a usé d’ambiguïté stratégique pour éviter de dire si elle l’utiliserait ou non.]

          Vous avez raison sur le fait que la France n’a pas formellement utilisé son droit de véto, puisqu’il n’y a pas eu finalement de vote. Mais il n’y avait pas la moindre ambiguïté : la France avait annoncé qu’elle voterait contre l’intervention, ce qui de facto aurait constitué un véto.

  3. Cording1 dit :

    La classe dirigeante française a toujours besoin d’un modèle politique, économique et social de préférence étranger. En effet il n’y a pas que la fascination des États-Unis par elle. Il y a aussi le modèle allemand au nom duquel l’Europe est faite avec une monnaie clone dirigeante Deutsche Mark par le sérieux et la rigueur germanique et non la frivolité et l’amateurisme français. Le prétendu modèle économique allemand a pris un sérieux coup avec la guerre en Ukraine qui a mis en évidence le talon d’Achille de cette prospérité économique à base d’énergie russe à bon marché et d’une monnaie sous-évaluée qui lui a permis d’engranger des bénéfices records au détriment de ses présumés partenaires européens.

    • Descartes dit :

      @ Cording1

      [La classe dirigeante française a toujours besoin d’un modèle politique, économique et social de préférence étranger. En effet il n’y a pas que la fascination des États-Unis par elle. Il y a aussi le modèle allemand au nom duquel l’Europe est faite avec une monnaie clone dirigeante Deutsche Mark par le sérieux et la rigueur germanique et non la frivolité et l’amateurisme français.]

      J’aurais tendance à dire que c’est la face sombre de ce qui fait la grandeur de notre pays, à savoir, son ouverture sur le monde. Les Britanniques, les Allemands, les Américains sont beaucoup plus « provinciaux » que nous. Quand on travaille avec eux on découvre qu’ils ont beaucoup de mal à concevoir que l’on puisse faire les choses autrement que leur manière de faire. Pour eux, il y a une bonne façon de faire, et c’est la leur, et il n’y a rien à apprendre des autres. Chez nous, on tombe facilement dans l’excès inverse : il n’y a de bonne manière pour faire les choses que chez les autres…

      [Le prétendu modèle économique allemand a pris un sérieux coup avec la guerre en Ukraine qui a mis en évidence le talon d’Achille de cette prospérité économique à base d’énergie russe à bon marché et d’une monnaie sous-évaluée qui lui a permis d’engranger des bénéfices records au détriment de ses présumés partenaires européens.]

      Un modèle fondé sur l’exportation et l’excédent de la balance des échanges ne peut de toute façon être universalisable. Pour pouvoir faire des excédents, faut bien avoir des partenaires qui acceptent de faire du déficit. Et tôt ou tard, ils seront trop endettés pour pouvoir continuer à le faire.

      • Cording1 dit :

        Les pays ayant un modèle économique de type allemand sont très souvent les plus touchés en cas de crise mondiale comme actuellement. 
        Tout pays a tendance à se prendre pour le centre du monde en considérant qu’il est le meilleur. Du fait de notre plus grande ouverture au monde les Français ont tendance à voir ailleurs que “l’herbe est plus verte. Quant aux Américains dont le pays est un continent en soi  nous ne voyons, et cela est d’autant plus vrai pour nos journalistes, que celles de la côte est et ouest plus ouvertes et influencées par le reste du monde. D’où la stupéfaction en raison de cette ignorance, l’incompréhension et l’hostilité envers l’Amérique de Trump. 

        • Descartes dit :

          @ Cording1

          [Tout pays a tendance à se prendre pour le centre du monde en considérant qu’il est le meilleur.]

          Vous trouvez qu’aujourd’hui nos médias, nos élites, nos gouvernants « considèrent que nous sommes les meilleurs » ? On ne doit pas lire les mêmes choses, ou regarder les mêmes médias. Il suffit d’ouvrir un journal (au hasard, « Le Monde », qui reste le journal des élites) ou d’allumer la radio (au hasard, « France Inter », la première matinale de France) pour entendre des doctes commentateurs expliquer que nous sommes en retard sur presque tout, que notre histoire est émaillée des pires crimes, que nous sommes mal gouvernés, que nos institutions sont archaïques et poussiéreuses, que notre école devrait copier les finlandais, nos entreprises se mettre à l’heure allemande, qu’en matière de diversité et inclusion les Américains, les Britanniques ou les Suédois font mieux que nous. Même devant des réussites incontestables que le reste du monde nous reconnaît – le programme nucléaire, l’organisation des jeux olympiques – il se trouvera des gens pour en faire des défaites.

          • Cording1 dit :

            Évidemment que ce n’est pas du tout la tendance actuelle des dirigeants de notre pays à se croire le meilleur. C’est même tout le contraire. Là est le problème. Et nous nous sommes bien d’accord sur la situation actuelle. 

  4. Togurvoi dit :

    Très bel article pour remettre les pendules à l’heure! “Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts” disait parait-il de Gaulle. On pourrait dire de même des classes sociales. Voilà pourquoi Trump a été élu. Le malheur pour la France, c’est que l’idée de vassalisation de la France aux Etats-Unis mais aussi de l’Allemagne est promue au rang de l’hégémonie culturelle générale donc tant dans l’oligarchie française, dans l’extrême droite, dans l’extrême centre que dans la gauche actuelle. Cette idée remplace le débat argumenté sur le réel vécu de la France et des Français. Et cela perdurera tant que l’on ne remettra pas entre autres, le primat de la question sociale au poste de commande de la politique.
    Ch. Togurvoi
     
     Les États n’ont pas d’amis, seulement des intérêts.
     Les États n’ont pas d’amis, seulement des intérêts.

    • Descartes dit :

      @ Togurvoi

      [Cette idée remplace le débat argumenté sur le réel vécu de la France et des Français. Et cela perdurera tant que l’on ne remettra pas entre autres, le primat de la question sociale au poste de commande de la politique.]

      Je ne comprends pas très bien ce que vous entendez par “la question sociale” dans ce contexte.

  5. Goupil dit :

    @Descartes
     
    [J’ai tendance à voir dans ce choix la confirmation d’une théorie que j’ai exposé maintes fois dans ces colonnes, celle qui veut que tout dirigeant politique, quelque soient ses opinions personnelles, est l’otage de l’électorat sur lequel il a bâti son pouvoir.]
     
    Je suis globalement d’accord avec cette thèse.
     
    J’aurais peut-être mes propres hypothèses pour répondre à cette question mais je vous la pose par curiosité et parce qu’elle me semble de nature à nuancer votre théorie : quid de Mitterrand en 1981 ?
     
    Si j’en crois ce que j’ai pu trouver 72% des ouvriers et 62% des employés auraient voté pour lui au second tour de la présidentielle de 1981, et il aurait bénéficié du report des voix de 98% des électeurs communistes (désolé, mais il semble que vous étiez très minoritaire parmi les communistes – du moins chez leurs électeurs – à refuser de voter pour un socialiste…). Logiquement, suivant votre théorie (certes, il faudrait prendre en compte les effets de composition de l’électorat, mais vous ne les évoquez pas dans votre papier, d’où j’ai considéré que nous pourrions laisser ça de côté pour le moment), Mitterrand aurait dû être l’otage du vote des classes populaires, or il ne me semble pas que cela ait été le cas.
     
    On pourrait presque dire la même chose de Sarkozy en 2007. Il a eu beau capter une partie de l’électorat lepéniste, dès le premier tour qui plus est, sans que cela ne le rendre véritablement captif de ce dernier – du moins, il ne me semble pas.
     
    Comment expliqueriez-vous ces cas ?
     
    Dans la réponse @delendaesteu
    [De Gaulle notait déjà la tendance des Français à penser que l’herbe était plus verte de l’autre côté de la frontière, et à croire que les solutions à leurs problèmes viendraient de l’extérieur. Même en 1940 il n’y a pas manqué de gens pour se réjouir que les Allemands viennent « mettre de l’ordre » chez nous…]
     
    Mais ce sont là deux choses différentes.
     
    Qu’une nation aille chercher l’inspiration ailleurs, où est le problème ? En effet, la France l’a largement fait (souvent en Allemagne) mais pas toujours pour le pire : c’est le modèle de l’université humboldtienne que les jeunes universitaires républicains des années 1880 ont été cherché, c’est le marxisme du Parti social-démocrate que Guesde y a été cherché aussi…et même De Gaulle : la comparaison entre les deux textes montre que la Constitution de Weimar a inspiré largement les constituants de 1958.
     
    Et la France n’est pas la seule à suivre un modèle étranger. Engels disait que tout le monde devrait prendre comme modèle le système d’école primaire français. Et c’est ce qu’a fait le Japon en 1945, quand il a explicitement choisi de réformer son organisation scolaire sur le modèle français.
     
    Ensuite, il n’y a pas que les bourgeois français qui se réjouissent que leurs voisins viennent « mettre de l’ordre » dans leurs affaires…
     
    Rien que pour prendre l’exemple de l’Allemagne, quand la Rhénanie a été occupée par la France et la Belgique en 1923 et que des grèves ont été organisées dans les régions occupées, il s’est trouvé nombre de patrons allemands qui sont allé pleurer dans les jupes des occupants pour qu’ils les aident à réprimer les méchants ouvriers nationalistes. Et c’est à la même époque qu’un certain Konrad Adenauer, entre autres, a cherché à négocier l’indépendance de la Rhénanie avec les Franco-Belges…

    • Descartes dit :

      @Descartes

      [J’aurais peut-être mes propres hypothèses pour répondre à cette question mais je vous la pose par curiosité et parce qu’elle me semble de nature à nuancer votre théorie : quid de Mitterrand en 1981 ?]

      Je pense qu’il faut faire une distinction entre l’électorat « structurel » d’un parti – c’est-à-dire, celui qui constitue la base du fonctionnement et du recrutement du parti lui-même et qui influence fortement son idéologie – et les électorats « conjoncturels », sur lesquels le parti peut compter dans une situation particulière mais qui reste mobile. Pour le dire autrement, il y a un électorat « en CDI » et un autre « en CDD ».

      En 1981, Mitterrand est élu par une coalition des classes intermédiaires et des couches populaires. Mais l’électorat « structurel » de Mitterrand est celui des classes intermédiaires. Les électeurs des couches populaires ne sont qu’un électorat « conjoncturel », qu’on utilise à un moment et qu’on peut jeter impunément par la suite. Mitterrand le dira d’ailleurs lui-même, lorsqu’il déclare « je veux prouver que trois millions d’électeurs communistes peuvent voter socialiste ». Les électeurs en question sont qualifiés de « électeurs communistes », marquant leur appartenance « structurelle ». Ils peuvent à l’occasion « voter socialiste », mais ils ne deviennent pas « électeurs socialistes » pour autant. Et ce n’est pas d’ailleurs le but déclaré de Mitterrand. Autrement, il aurait déclaré « je veux montrer que trois millions d’électeurs communistes peuvent devenir des électeurs socialistes »…

      [On pourrait presque dire la même chose de Sarkozy en 2007. Il a eu beau capter une partie de l’électorat lepéniste, dès le premier tour qui plus est, sans que cela ne le rendre véritablement captif de ce dernier – du moins, il ne me semble pas.]

      C’est un peu rapide comme conclusion. Sarkozy est resté assez proche pendant tout son mandat des préoccupations de cet électorat, notamment sur des questions touchant à l’identité nationale, à la sécurité, aux services publics. Quand on voit ce qu’est le discours habituel de la droite française – sur le travail, sur la fiscalité, sur l’Etat – on peut difficilement lui faire le reproche d’y avoir adhéré. Vous noterez d’ailleurs que lorsque Sarkozy a été battu et que LR est revenu au discours traditionnel Juppé-Fillon, cet électorat est revenu vers le RN.

      [Qu’une nation aille chercher l’inspiration ailleurs, où est le problème ?]

      Il y a une grosse différence entre « chercher l’inspiration » et « chercher des solutions ». Le problème est justement qu’on ne va pas chercher « l’inspiration », ce qui suppose qu’on prenne des éléments ici ou là pour bâtir une solution originale et qui nous corresponde. On va chercher une solution clé en main, c’est-à-dire, qu’on copie ce qu’on voit ailleurs.

      [En effet, la France l’a largement fait (souvent en Allemagne) mais pas toujours pour le pire : c’est le modèle de l’université humboldtienne que les jeunes universitaires républicains des années 1880 ont été chercher,]

      Oui, mais ce n’est pas ce modèle qu’on a adopté en France. Le système des grandes écoles et des organismes de recherche extra-universitaires est resté très puissant, et c’est fort heureux !

      [c’est le marxisme du Parti social-démocrate que Guesde y a été cherché aussi…]

      On peut difficilement s’en féliciter !

      [et même De Gaulle : la comparaison entre les deux textes montre que la Constitution de Weimar a inspiré largement les constituants de 1958.]

      C’est la première fois que je lis cela. Pourriez-vous indiquer quelles sont les « inspirations » de la constitution de 1958 tirées de la Constitution de Weimar ?

      [Ensuite, il n’y a pas que les bourgeois français qui se réjouissent que leurs voisins viennent « mettre de l’ordre » dans leurs affaires… Rien que pour prendre l’exemple de l’Allemagne, quand la Rhénanie a été occupée par la France et la Belgique en 1923 et que des grèves ont été organisées dans les régions occupées, il s’est trouvé nombre de patrons allemands qui sont allé pleurer dans les jupes des occupants pour qu’ils les aident à réprimer les méchants ouvriers nationalistes.]

      Certes. Mais ils n’ont jamais demandé à l’occupant de refaire leurs réglementations, ou d’abolir leurs institutions… il ne faut pas confondre. Demander à un occupant de protéger vos intérêts, c’est une chose. Applaudir au fait qu’ils imposent leurs institutions et leurs règles, c’en est une autre.

      • Goupil dit :

        @Descartes
         
        [En 1981, Mitterrand est élu par une coalition des classes intermédiaires et des couches populaires. Mais l’électorat « structurel » de Mitterrand est celui des classes intermédiaires.]
         
        Soit, mais tous les ouvriers n’ont pas voté communiste au premier tour. Sur les 72% d’ouvriers et 62% d’employés qui ont voté Mitterrand, combien ont voté pour lui au premier tour ? Même si 40% d’ouvriers ont voté PCF au premier tour, ça en fait tout de même 32% pour le PS, donc une base non négligeable. Vous me direz que c’était là aussi un vote conjoncturel mais cette réponse me paraît évacuer trop facilement le fait que le PS a hérité de la SFIO une réelle base ouvrière : dans les communes ouvrières du Nord et du Pas-de-Calais, le PS obtient encore des scores conséquents à cette époque (68% en 1978, 55% en 1981 à Hénin-Beaumont – ville qui, soit dit en passant, a toujours été un bastion socialiste plus que communiste), en héritage d’une hégémonie construite souvent dès avant 1914. Donc, pourquoi Mitterrand n’a-t-il pas été l’otage des ouvriers socialistes (à défaut d’être celui des ouvriers communistes) ?
         
        [Vous noterez d’ailleurs que lorsque Sarkozy a été battu et que LR est revenu au discours traditionnel Juppé-Fillon, cet électorat est revenu vers le RN.]
         
        Oui, mais vous passez un peu vite sur ce qu’il y a eu entretemps… Vous dites qu’il est resté proche des préoccupations de cet électorat mais ledit électorat n’a pas été d’accord avec vous : Sarkozy ne remporte pas le même succès en 2012 qu’en 2007, principalement parce que Marine Le Pen a su récupérer les pertes de son père en 2007 (ce qui me semble indiquer que l’électorat concerné a été déçu par Sarkozy a minima). Et d’ailleurs, Le Pen a pu appeler à voter blanc au second tour de 2012 : d’après les sondages de sortie des urnes, si 56% des électeurs RN ont voté Sarkozy, il y en a tout de même 28% qui ont voté Hollande…Je ne dirais donc pas que Sarkozy a été plébiscité par l’électorat RN (et, a fortiori, sont-ce les électeurs ouvriers de Le Pen qui ont le plus voté Sarkozy ?). Il semble donc que cet électorat se soit détourné de l’UMP avant la défaite de Sarkozy et que c’est justement parce que cet électorat s’en est détourné que Sarkozy a perdu.
         
        [Oui, mais ce n’est pas ce modèle qu’on a adopté en France.]
         
        Si. Les réformes de Louis Liard sont clairement inspirées du modèle allemand, que l’on cherche à adapter à la France. Avant même la République, c’est en s’inspirant de ce modèle que Victor Duruy crée l’EPHE. A partir des années 1890, les universitaires (Bouglé, Compayré, Brunetière…) se détournent effectivement de l’Allemagne en critiquant les évolutions du modèle humboldtien mais pour prendre de nouvelles références aux Etats-Unis.
         
        Voir par exemple cet article de Christophe Charle : https://shs.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2003-3-page-8?lang=fr#s1n2
         
        [On peut difficilement s’en féliciter !]
         
        Pourquoi ?
        Pardon, mais qu’est-ce que vous reprochez au marxisme allemand ?
         
        Guesde et Lafargue ont opéré en relation directe avec Marx qui les avait choisis comme représentants de son courant en France (même s’il a pu parfois les critiquer), puis sous le patronage d’Engels dans la Seconde Internationale. Les dirigeants du SPD sont pour la plupart des fidèles de Marx, qui ont travaillé politiquement sous sa direction.
         
        D’ailleurs les Français n’étaient pas les seuls…Ce n’est pas pour rien que Kautsky était le « pape du marxisme » avant 1914 : tous les socialistes sérieux (dont, au premier chef, les bolcheviks russes) étaient alignés autant que possible sur les sociaux-démocrates allemands. Lars Lih a montré que, si Lénine rompt avec la Seconde Internationale après la guerre, c’est au nom de l’orthodoxie kautskyste et en arguant que Kautsky a trahi ses propres idées (et Staline ainsi que de nombreux staliniens reprennent la même orientation).
         
        [Pourriez-vous indiquer quelles sont les « inspirations » de la constitution de 1958 tirées de la Constitution de Weimar ?]
         
        L’idée me vient de Johann Chapoutot, l’historien du nazisme. Dans un article de 1989, le constitutionnaliste Paul Avril parlait de Weimar comme « la grand-mère indigne » de la Constitution de 1958. Apparemment, il y aurait eu des liens forts (et une admiration commune pour Prévost-Paradol) entre Robert Redslob (l’un des rédacteurs de Weimar) et Carré de Malberg dont les analyses des défauts du régime parlementaire étaient publiquement défendues par Debré et Capitant.
         
        Sur le fond, les deux constitutions créent des régimes républicains présidentiels dualistes (Weimar en est le premier modèle, 1958 le deuxième) : le président est élu pour sept ans au suffrage universel direct en deux tours et dispose de pouvoirs étendus (pleins pouvoirs en cas d’urgence = article 48 pour Weimar, article 16 pour 1958 ; possibilité d’organiser un referendum ; droit de dissolution de son propre chef). Ce sont des dispositions originales que l’on ne retrouve pas, à ma connaissance, dans les autres démocraties parlementaires à l’époque.
         
        [Certes. Mais ils n’ont jamais demandé à l’occupant de refaire leurs réglementations, ou d’abolir leurs institutions… il ne faut pas confondre.]
         
        A voir. Il y a eu des « collaborationnistes » allemands (dont Adenauer) qui étaient prêts à coopérer avec les Belges et les Français pour obtenir l’indépendance de la Rhénanie, donc à créer un nouvel Etat (et donc à abolir les institutions existantes). Et, après 1945, je n’affirmerais pas sans prendre beaucoup de pincettes qu’Allemands et Japonais n’ont pas « demandé à l’occupant de refaire leurs règlementations, ou d’abolir leurs institutions… ».
         
        De plus, le régime de Vichy n’a demandé aux Allemands ni de refaire ses règlementations, ni d’abolir ses institutions. L’abolition de la Troisième République est le fait des parlementaires eux-mêmes qui ont volontairement sabordé le régime, ce ne sont pas les Allemands qui leur ont demandé de le faire. Pas plus que les Allemands ne leur ont demandé de mettre en place la « Révolution nationale »…

        • Descartes dit :

          @ Goupil

          [Donc, pourquoi Mitterrand n’a-t-il pas été l’otage des ouvriers socialistes (à défaut d’être celui des ouvriers communistes) ?]

          Parce que, comme je vous l’ai expliqué, pour Mitterrand et le PS qu’il avait créé, le vote ouvrier était un vote « conjoncturel ». Que Mitterrand ait usé de ce vote pour se hisser au pouvoir est une chose, que son projet politique ait été construit sur cet électorat c’en est un autre. La SFIO comme le PCF avaient une véritable base ouvrière et un projet politique construit sur cette base, et s’ils étaient arrivés au pouvoir ils auraient sans doute été les otages de leur électorat ouvrier. Mais ni la SFIO, ni le PCF ne sont arrivés au pouvoir. Mitterrand n’était ni un homme de la SFIO, ni un homme du PCF. C’est un coucou, qui a profité de l’électorat « structurel » des autres, et qui d’ailleurs l’a perdu rapidement.

          [Oui, mais vous passez un peu vite sur ce qu’il y a eu entretemps… Vous dites qu’il est resté proche des préoccupations de cet électorat mais ledit électorat n’a pas été d’accord avec vous : Sarkozy ne remporte pas le même succès en 2012 qu’en 2007, principalement parce que Marine Le Pen a su récupérer les pertes de son père en 2007 (ce qui me semble indiquer que l’électorat concerné a été déçu par Sarkozy a minima).]

          En fait, Sarkozy ne perd pas tant de voix que ça entre 2007 et 2012 : il passe de 31 à 27%, ce qui, compte tenu de l’usure du pouvoir, peut être considéré comme une bonne performance. Et c’est surtout la gauche qui se renforce : elle passe de 33% à 42%. Le FN passe de 11 à 17%, mais une partie correspond aux voix qui s’étaient reportées sur de Villiers ou Nihous, qui ne se sont pas représentés.

          [Oui, mais ce n’est pas ce modèle qu’on a adopté en France.]

          [Si. Les réformes de Louis Liard sont clairement inspirées du modèle allemand, que l’on cherche à adapter à la France. Avant même la République, c’est en s’inspirant de ce modèle que Victor Duruy crée l’EPHE.]

          Mais si Liard réforme l’université, il ne réforme mas l’enseignement supérieur. Le système français reste dual, avec d’un côté l’université, de l’autre les grandes écoles, avec des organismes de recherche séparés de l’université, tous éléments qui sont la négation du modèle humboldtien…

          [Voir par exemple cet article de Christophe Charle : (…)]

          Merci, l’article est très intéressant. Mais comme moi, il note combien l’inspiration germanique n’a pas profondément modifié notre système d’enseignement supérieur : « Toutefois, les arguments internationaux inspirés de l’Allemagne ne parviennent pas à remplacer la clé de voûte du système napoléonien : les études supérieures restent soumises à l’hégémonie des concours, en lettres et en sciences (Écoles normales supérieures, agrégations), mais aussi, sous d’autres formes, dans le haut enseignement technique (grandes écoles), en médecine (internat, concours hospitaliers, agrégation) et en droit (agrégation). Avant d’obtenir leurs grades universitaires et de se lancer dans la recherche, les meilleurs étudiants continuent d’être sélectionnés, au début, par les classes préparatoires et, à la fin de leurs études supérieures, ils doivent se soumettre, dans les disciplines canoniques, à la préparation de l’agrégation de l’enseignement secondaire caractérisée par des programmes fixés par l’autorité centrale ».

          [On peut difficilement s’en féliciter !]

          [Pourquoi ? Pardon, mais qu’est-ce que vous reprochez au marxisme allemand ?]

          Son idéalisme, qui l’a conduit à une position impossible lorsqu’il s’est agi de participer au gouvernement d’union nationale en 1914.

          [« Pourriez-vous indiquer quelles sont les « inspirations » de la constitution de 1958 tirées de la Constitution de Weimar ? » (…) Sur le fond, les deux constitutions créent des régimes républicains présidentiels dualistes (Weimar en est le premier modèle, 1958 le deuxième) : le président est élu pour sept ans au suffrage universel direct en deux tours et dispose de pouvoirs étendus (pleins pouvoirs en cas d’urgence = article 48 pour Weimar, article 16 pour 1958 ; possibilité d’organiser un referendum ; droit de dissolution de son propre chef). Ce sont des dispositions originales que l’on ne retrouve pas, à ma connaissance, dans les autres démocraties parlementaires à l’époque.]

          Ces éléments ne sont pas en fait très originaux. Le dualisme se retrouve déjà dans le système parlementaire britannique, avec un chef de l’Etat représentant le temps long et ayant le pouvoir de dissolution et de pouvoirs étendus en cas d’urgence, et un premier ministre responsable devant les chambres. Vous le retrouvez d’ailleurs dans la constitution de la IIIème République…

          Pour ce qui concerne le référendum, le dispositif des deux constitutions est foncièrement différent. Dans le cas de Weimar, le président ne peut soumettre à référendum que les lois déjà approuvées par le parlement dans le mois qui suit leur vote (art 73) quelque soit le sujet et sur sa propre initiative. C’est donc une forme de « véto référendaire ». Dans la constitution de 1958, le président peut proposer n’importe quel texte législatif portant sur une liste limitative de sujets, sur proposition du gouvernement. C’est donc un acte législatif plein.

          Pour ce qui concerne l’article 48 de la constitution de Weimar, il n’a guère de rapport avec l’article 16 de la constitution de 1958. En effet, le premier ne permet au président du Reich que de prendre « les mesures nécessaires au rétablissement de la sûreté et de l’ordre public » lorsque ceux-ci sont compromis, et pour cela de suspendre les droits fondamentaux. Autrement dit, il peut prendre ces mesures alors même que les pouvoirs publics constitutionnels fonctionnent. L’article 16 est plus restrictif sur les conditions, et plus large dans les pouvoirs accordés. Il s’applique, lui, au cas où « les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu », et autorise le président à « prendre les mesures exigées par ces circonstances ». On notera d’ailleurs la différence de rédaction des deux articles : pour l’article 48, il est écrit que le président « peut » prendre les mesures, dans l’article 16 est écrit que le président « prend » les mesures. Dans un cas il s’agit d’une faculté, dans le deuxième d’une obligation.

          Je doute que les constitutionnalistes français se soient « inspirés » dans la constitution de Weimar – « inspiration » d’autant plus improbable qu’on sait à quoi la constitution de Weimar a abouti. Le dualisme était déjà dans le système français depuis 1870, et l’idée des « pouvoirs exceptionnels » était certainement lié à la genèse même du régime et à la situation créée par le conflit algérien. Quant à la logique référendaire, elle est fondamentalement différente dans les deux constitutions.

          [« Certes. Mais ils n’ont jamais demandé à l’occupant de refaire leurs réglementations, ou d’abolir leurs institutions… il ne faut pas confondre. » A voir. Il y a eu des « collaborationnistes » allemands (dont Adenauer) qui étaient prêts à coopérer avec les Belges et les Français pour obtenir l’indépendance de la Rhénanie, donc à créer un nouvel Etat (et donc à abolir les institutions existantes).]

          Oui. Mais je doute que dans l’esprit d’Adenauer les institutions de ce « nouvel état » seraient imposées par la Belgique ou la France…

          [Et, après 1945, je n’affirmerais pas sans prendre beaucoup de pincettes qu’Allemands et Japonais n’ont pas « demandé à l’occupant de refaire leurs règlementations, ou d’abolir leurs institutions… ».]

          Pourtant, c’est assez évident. Dans le cas allemand, la « loi fondamentale » a été rédigée par le « conseil parlementaire » élu, par les allemands – même s’il était tenu de respecter les lignes directrices du « document de Francfort » imposé par les alliés occidentaux, qui étaient fort générales : caractère démocratique et fédéral de l’Etat allemand, ratification par référendum dans les Länder, droit de regard des alliés sur la politique étrangère, les réparations de guerre et le statut juridique des troupes d’occupation. Le texte à été ratifié par référendum dans chaque Länd, seule la Bavière le refusera, tout en acceptant qu’elle rentre en vigueur. On peut difficilement dire que les Allemands ont demandé aux alliés de refaire leurs règles ou leurs institutions.

          Quant aux japonais, on ne leur a pas demandé leur avis.

          [De plus, le régime de Vichy n’a demandé aux Allemands ni de refaire ses règlementations, ni d’abolir ses institutions.]

          Je ne parlais pas du régime de Vichy, qui au contraire, a tout fait pour conserver la fiction d’une pleine souveraineté. Je parlais d’une bonne partie des milieux collaborationnistes parisiens, et en particulier des milieux patronaux.

          • Glarrious dit :

             @Descartes
            [En fait, Sarkozy ne perd pas tant de voix que ça entre 2007 et 2012 : il passe de 31 à 27%, ce qui, compte tenu de l’usure du pouvoir, peut être considéré comme une bonne performance.]
             
            Il manque d’autres éléments pour analyser la défaite de Sarkozy en 2012 notamment les autres élections. Quand Hollande arrive au pouvoir, la gauche avait tout dans leurs mains, le Parlement, la majorité des régions et des départements, les grandes villes. Donc sa défaite est quand même totale.

            • Descartes dit :

              @ Glarrious

              [Quand Hollande arrive au pouvoir, la gauche avait tout dans leurs mains, le Parlement, la majorité des régions et des départements, les grandes villes. Donc sa défaite est quand même totale.]

              Loin de démontrer une “défaite totale”, c’est là une grande tradition en France: c’est l’opposition qui remporte les élections locales. La seule spécificité de 2012 est la conquête par la gauche d’une majorité au Sénat. Conquête fort fragile, puisque la droite reprend la majorité deux ans plus tard.

  6. xc dit :

    Je voudrais revenir sur un point évoqué à la suite du premier commentaire.
    N’aurait-il pas été trop risqué pour les Américains et les Britanniques d’intervenir en Europe de l’Ouest alors que les Allemands n’avaient pas encore subi de revers majeur face aux Soviétiques et auraient été encore, du moins, je suppose, en capacité de se retourner contre eux et de les repousser ?
    Américains et Britanniques auraient alors dû rééditer Dunkerque multiplié par cent ou mille, je ne sais pas. Et les Soviétiques seraient probablement restés définitivement seuls face aux Allemands.
    J’ai peut-être mal cherché, mais je n’ai pas trouvé d’avis d’historien sur ce point.
    Au moins, attendre juin 1944 a laissé plus de temps pour la formation des troupes et à l’industrie US de l’armement pour tourner à plein régime.
     

    • Descartes dit :

      @ xc

      [N’aurait-il pas été trop risqué pour les Américains et les Britanniques d’intervenir en Europe de l’Ouest alors que les Allemands n’avaient pas encore subi de revers majeur face aux Soviétiques et auraient été encore, du moins, je suppose, en capacité de se retourner contre eux et de les repousser ?]

      Sans doute. La guerre, c’est un truc risqué. Il arrive même qu’on se fasse tuer. Il était aussi très risqué pour les soviétiques de résister à Stalingrad. Il y avait toujours la possibilité que les Allemands arrivent à les encercler. Et pourtant, ils l’ont fait. Et ils auraient peut-être eu plus de facilité à le faire si une attaque occidentale avait obligé les Allemands à déplacer des forces vers le front Ouest.

      Le fait est que les alliés occidentaux ont préféré laisser les Soviétiques prendre tous les risques et toutes les pertes, et que ce n’est qu’une fois qu’ils ont usé les Allemands – à un prix humain et matériel effroyable – que les occidentaux sont intervenus sur le sol européen.

      [Au moins, attendre juin 1944 a laissé plus de temps pour la formation des troupes et à l’industrie US de l’armement pour tourner à plein régime.]

      Et aussi, pourquoi pas, de laisser le temps pour que Allemands et Soviétiques s’usent mutuellement, et de pouvoir ensuite vaincre les uns et contrôler les autres plus facilement. Pourquoi exclure cette hypothèse ?

  7. Capitaine Felix dit :

    Bonjour.
    Merci pour votre papier. En revanche, j’ai un peu de mal à vous suivre sur cette position. Peut-être parce ce que je suis en train de lire “Histoire du roman américain” de Marc SAPORTA ?
    Faut-il tout rejeter en bloc des Etats-Unis ? L’anti-américanisme français a aussi une histoire très structurelle dans notre pays (Cf. les essais de Jean-François REVEL). J’ai l’impression que cela part parfois d’un chauvinisme très franco-français. Mais à part la démocratie libérale, vous souhaitez-vous rattacher à quoi exactement ? Le bureaucratisme soviétique et son bilan “globalement positif” ? Est-ce cela que l’on enseignait à l’Ecole des cadres du PCF ? D’ailleurs ne pourrait-on pas qualifier cette structure à une certaine époque comme une équivalent pro-URSS de la fameuse “french american foundation young leader” ?
    Quand à votre thèse gaullienne d’un “équilibre international”, pardon, mais c’etait aussi un des arguments de d2fense de Georges Pâques lors de son procès devant la Cour de sureté de l’Etat en 1964. Et ce Monsieur normalien a pourtant trahi la France….
    Voilà, désolé pour ce commentaire fort subjectif. Mais là avec votre article et corrélativement vos précédentes positions sur la guerre en Ukraine, vous m’avez perdu…

    • Descartes dit :

      @ Capitaine Felix

      [Faut-il tout rejeter en bloc des Etats-Unis ?]

      Je ne crois pas avoir dit pareille chose. Ce que j’ai dit, c’est que les Etats-Unis, au cours de leur histoire, ont toujours défendu leurs propres intérêts d’abord, comme devrait le faire n’importe quelle nation dans ce bas monde. Je pensais avoir été clair, mais comme ce n’est apparemment pas le cas, je vais clarifier encore ma position. Je ne fais pas reproche aux dirigeants des Etats-Unis d’agir en fonction de leurs intérêts. C’est pour moi la logique même d’une politique nationale, et j’aimerais bien que les dirigeants de mon pays fassent de même. Ce que je critique, c’est la naïveté de ceux qui s’imaginent que les Etats-Unis sont une « puissance morale ».

      [L’anti-américanisme français a aussi une histoire très structurelle dans notre pays (Cf. les essais de Jean-François REVEL). J’ai l’impression que cela part parfois d’un chauvinisme très franco-français.]

      Je ne vois pas où est le « chauvinisme ». Les Etats-Unis sont une puissance impériale, qui n’a eu de cesse que de chercher à nous asservir à ses intérêts. Dans ces conditions, il n’est pas illogique qu’en réaction une partie de la société française, celle qui n’avait pas intérêt à cet asservissement, ait développé une idéologie qui s’opposait à cet asservissement.

      [Mais à part la démocratie libérale, vous souhaitez-vous rattacher à quoi exactement ? Le bureaucratisme soviétique et son bilan “globalement positif” ? Est-ce cela que l’on enseignait à l’Ecole des cadres du PCF ?]

      Je ne saisis pas le rapport entre la « démocratie libérale » la question en discussion ici. Pourriez-vous développer votre pensée ? Je vous rappelle que la « démocratie libérale » américaine a ségrégué les noirs jusqu’aux années 1960. Il faudrait peut-être se demander si pour ses victimes la ségrégation et le racisme institutionnel étaient plus problématiques que le « bureaucratisme soviétique ». Mais bon, là aussi, c’est le « bilan global » qui compte, non ?

      [D’ailleurs ne pourrait-on pas qualifier cette structure à une certaine époque comme une équivalent pro-URSS de la fameuse “french american foundation young leader” ?]

      Je ne le crois pas. Il suffit pour cela de regarder combien parmi ceux qui sont passés par « l’Ecole des cadres du PCF » ont accédé aux postes de direction dans l’Etat ou dans les grandes entreprises, et comparer avec ceux qui sont passés par la « french american foundation ». Je pense que la comparaison me dispense de tout autre commentaire.

      [Quant à votre thèse gaullienne d’un “équilibre international”, pardon, mais c’était aussi un des arguments de défense de Georges Pâques lors de son procès devant la Cour de sureté de l’Etat en 1964. Et ce Monsieur normalien a pourtant trahi la France….]

      Je ne vois pas le rapport. Qu’un gouvernement élu par le peuple souverain décide d’une politique d’équilibre international – y compris en passant des informations à un côté ou à l’autre – c’est parfaitement régulier. Qu’un fonctionnaire décide de son propre chef de le faire, c’est une toute autre affaire. J’ajouterais que si l’on avait réservé le même traitement qu’à Georges Pâques à tous les fonctionnaires français qui ont passé des informations sensibles aux services américains, la cour de sûreté de l’Etat aurait été singulièrement encombrée…

      [Voilà, désolé pour ce commentaire fort subjectif.]

      Vous n’avez pas à vous excuser, chacun a sa propre subjectivité, et ce n’est pas grave aussi longtemps qu’on en est conscient.

      [Mais là avec votre article et corrélativement vos précédentes positions sur la guerre en Ukraine, vous m’avez perdu…]

      Je ne vois pas pourquoi. Je pense avoir été parfaitement cohérent…

  8. Capitaine Felix dit :

    Je précise par rapport à mon précédent commentaire que je n’attaque pas le PCF sur le plan institutionnel. Je veux bien sauver Barel, mais pas Georges Pâcques.
    Je vous souhaite bonne continuation et bon courage.
     

    • Descartes dit :

      @ Capitaine Felix

      [Je précise par rapport à mon précédent commentaire que je n’attaque pas le PCF sur le plan institutionnel. Je veux bien sauver Barel, mais pas Georges Pâcques.]

      Je ne suis pas sûr de comprendre. Pâcques n’était nullement un proche du PCF – il est fort improbable que, s’il l’avait été, il aurait pu faire carrière dans les cabinets ministériels ou dans les services de renseignement français, compte tenu du maccarthysme persistant jusqu’aux années 1960, et dont Barel, celui que vous voudriez sauver, fut une victime. Pâques était un catholique fervent, antimarxiste et partisan de l’Algérie française… pas vraiment le profil qu’on formait au PCF!

  9. maleyss dit :

    Dans le fond, Trump fait-il autre chose que ce que vous avez toujours préconisé, à savoir redonner la priorité au producteur sur le consommateur. Certes, cela risque d’être douloureux pour ce dernier, mais il n’en a pas fait mystère. J’ai souri en entendant quelques analystes probablement de gauche plaindre les consommateurs américains qui n’allaient  plus pouvoir s’offrir, via je ne sais quelle plateforme chinoise, des “pattes” de dernière qualité. Les mêmes nous ont prévenu que nous risquions de payer beaucoup plus cher les volailles que nous importons des Etats-Unis (ah, bon ? On ne sait plus élever de volailles, chez nous ?)
    NB : American, A majuscule, s’il vous plait. 

    • Descartes dit :

      @ maleyss

      [Dans le fond, Trump fait-il autre chose que ce que vous avez toujours préconisé, à savoir redonner la priorité au producteur sur le consommateur.]

      Certainement. Mais il ne le fait pas à mon sens d’une manière très rationnelle. On est quand même loin du « protectionnisme intelligent » que j’ai toujours défendu.

      [Certes, cela risque d’être douloureux pour ce dernier, mais il n’en a pas fait mystère. J’ai souri en entendant quelques analystes probablement de gauche plaindre les consommateurs américains qui n’allaient plus pouvoir s’offrir, via je ne sais quelle plateforme chinoise, des “pattes” de dernière qualité. Les mêmes nous ont prévenu que nous risquions de payer beaucoup plus cher les volailles que nous importons des Etats-Unis (ah, bon ? On ne sait plus élever de volailles, chez nous ?)]

      Ce discours montre combien nos commentateurs agissent par réflexe. Parce que l’idée des tarifs douaniers n’est pas de « payer plus cher les volailles que nous importons », mais de « payer plus cher les volailles que nous produisons ». Le but du protectionnisme n’est pas de payer plus cher ce qu’on importe, mais d’importer moins. Rendre plus chères les volailles américaines, c’est rendre rentable de les produire chez nous.

      Mais à l’heure de rapatrier des productions chez nous, il faut garder en tête la théorie des avantages comparatifs. Nous avons tout intérêt à rapatrier en priorité ces productions pour lesquelles nous sommes les plus efficients. Cela a un sens de relocaliser chez nous la production de fraises ou de betterave sucrière, cela n’a aucun sens de relocaliser la production des ananas. Cela a donc un sens d’imposer des barrières à l’importation des choses qu’on peut produire efficacement chez nous, mais aucune raison de le faire pour les autres. Exception bien entendu des biens que nous avons un intérêt stratégique à produire quand bien même on perdrait de l’efficience en relocalisant. C’est ce que j’appelais le « protectionnisme intelligent ».

  10. cdg dit :

    Les USA comme tous les pays privilegient leurs interets a celui des pays tiers. Meme s il y a de temps en temps des tentatives altruistes (par ex les USA en somalie et ca c est ermine par un fiasco) le gros de leurs actions doivent etre conforme a leurs interets. Mais c est vrai aussi pour la France (les USA ont abandonne les afghans les ayant aides comme vous avons livrés au FLN les harkis)
    Sur l intervention dans la seconde guerre mondiale, vous etes quand même un peu de mauvaise foi. Les USA sont intervenu car Hitler leur avait déclaré la guerre mais avant ils avaient tout fait pour soutenir la GB (pensez au pret bail) et mettre des bâtons dans les roues des nazis. Et une fois en guerre ils ont priorisé la victoire en europe sur le Japon (alors que c est le Japon qui les avait attaque)
     
    Quant a votre argument sur le politicien qui suit ceux qui vote pour lui contre ceux qui le finance, il n est pas forcement toujours juste. Pour rester dans la periode 39/45 Hitler avait choisit le grand capital contre le classes populaires qui votaient pour lui quand il a eliminé Röhm.
     
    PS: je suis meme pas sur que Trump réussisse à faire revenir des usines aux USA. Par ex TSMC a énormément de problèmes avec ses usines US car ils ne trouvent pas de personnel motivé et qualifié. L avantage de la chine c est pas simplement d avoir du personnel pas cher mais il est aussi compétant et motivé et il y a tout un ecosysteme qui permet par ex a Apple d y fabriquer ces iphones. Ils essaient depuis des années de produire en inde mais n y arrivent pas
     

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Les USA comme tous les pays privilégient leurs intérêts à celui des pays tiers. Même s il y a de temps en temps des tentatives altruistes (par ex les USA en Somalie et ça c’est terminé par un fiasco) le gros de leurs actions doivent être conforme à leurs intérêts. Mais c’est vrai aussi pour la France (les USA ont abandonné les afghans les ayant aidés comme vous avons livrés au FLN les harkis)]

      Oui, en théorie les nations pensent d’abord à leurs intérêts, et c’est logique. Mais en pratique, à l’intérêt général de la collectivité nationale se superposent des intérêts particuliers de tel ou tel groupe social. Et il peut arriver que l’intérêt de la classe dominante ne soit pas tout à fait aligné avec l’intérêt général. Dans ce cas, la politique poursuivie par les dirigeants du pays peut ne pas être celle qui servirait l’intérêt national. L’intégration européenne est un bon exemple de cette contradiction. Depuis un demi-siècle nos élites poursuivent une politique d’intégration désastreuses pour la nation, mais qui sert très bien leurs intérêts… L’explication des choix politiques des nations est à chercher dans cette dialectique entre l’intérêt national et celui de la classe dominante.

      Quant à « l’altruisme » de l’intervention en Somalie… je trouve très singulier que « l’altruisme » américain se manifeste exclusivement à l’égard de pays qui occupent des positions stratégiques dans le contrôle de ressources rares ou de voies commerciales critiques. Une coïncidence, sans doute.

      [Sur l’intervention dans la seconde guerre mondiale, vous êtes quand même un peu de mauvaise foi. Les USA sont intervenus car Hitler leur avait déclaré la guerre mais avant ils avaient tout fait pour soutenir la GB (pensez au pret bail) et mettre des bâtons dans les roues des nazis.]

      On ne doit pas avoir la même vision de ce que signifie la locution « tout faire ». Par exemple, je trouve que les Américains auraient pu donner le matériel militaire au lieu d’obliger les britanniques à emprunter pour le financer. Ils auraient aussi pu soumettre l’Allemagne à un blocus économique – les américains continueront à commercer avec l’Allemagne jusqu’à la déclaration de guerre, et élevèrent des protestations véhémentes contre le blocus naval imposé par la Grande Bretagne. Quant à « mettre des bâtons dans les roues des nazis », j’aimerais connaître quelques exemples antérieurs à la déclaration de guerre allemande.

      [Et une fois en guerre ils ont priorisé la victoire en Europe sur le Japon (alors que c’est le Japon qui les avait attaqués)]

      Pourriez-vous donner quelques éléments sur cette « priorisation » ?

      [Quant à votre argument sur le politicien qui suit ceux qui vote pour lui contre ceux qui le finance, il n’est pas forcement toujours juste. Pour rester dans la période 39/45 Hitler avait choisi le grand capital contre le classes populaires qui votaient pour lui quand il a éliminé Röhm.]

      D’abord, l’élimination de Röhm date de 1934, et il est donc difficile de l’inscrire dans la période 39/45. Ensuite, l’élimination de Röhm est un conflit interne au Parti, et ne représente pas un infléchissement de la politique « populaire » du parti nazi, qui a l’époque multiplie les décisions qui améliorent la vie quotidienne des ouvriers allemands après les années noires. L’inflexion antipopulaire viendra bien plus tard, à un moment où Hitler n’avait plus à se soucier de sa réélection.

      [PS: je suis meme pas sur que Trump réussisse à faire revenir des usines aux USA. Par ex TSMC a énormément de problèmes avec ses usines US car ils ne trouvent pas de personnel motivé et qualifié. L’avantage de la chine c’est pas simplement d’avoir du personnel pas cher mais il est aussi compétant et motivé]

      Croyez-moi, si vous payez suffisamment vous trouverez du personnel « motivé et qualifié » aux US aussi. L’avantage de la Chine, c’est d’avoir du personnel « compétent et motivé » pas cher…

      • cdg dit :

        [Quant à « l’altruisme » de l’intervention en Somalie… je trouve très singulier que « l’altruisme » américain se manifeste exclusivement à l’égard de pays qui occupent des positions stratégiques dans le contrôle de ressources rares ou de voies commerciales critiques. Une coïncidence, sans doute.]
        Pour la somalie a ma connaissance il n y a aucune ressource rare. Pour le cote strategique, c est vrai pour l europe (pas loin de la mer rouge et donc du canal de suez). Pour les USA, le canal suez et la mer rouge c est pas franchement important, aucune importation/exportation americaine ne passe par la
        [Par exemple, je trouve que les Américains auraient pu donner le matériel militaire au lieu d’obliger les britanniques à emprunter pour le financer.]
        Complique electoralement d aller donner du materiel (vrai aussi pour l Ukraine, on leur donne nos chars des années 70 en mettant leur valeur de leur remplaçant. On ne donne ni Rafale ni Griffon (https://fr.wikipedia.org/wiki/V%C3%A9hicule_blind%C3%A9_multi-r%C3%B4les)). Mais les USA n ont jamais recupere le cout du prêt bail (qui d ailleurs n equipait pas uniquement la GB mais aussi l URSS)
        [Quant à « mettre des bâtons dans les roues des nazis », j’aimerais connaître quelques exemples antérieurs à la déclaration de guerre allemande.]
        Prêt bail date de mars 1941, avant la declaration de guerre. Les USA ne vendaient plus rien aux allemands (ca a déjà commence avant guerre, le Hindenburg était gonfle a l hydrogene car les USA ont refusé de vendre l helium necessaire). La marine US escortait les convois destinés a la GB jusqu en Icelande contre les sous-marins allemands alors que les USA n étaient pas en guerre (https://fr.wikipedia.org/wiki/USS_Greer_(DD-145))
         
        [[Et une fois en guerre ils ont priorisé la victoire en Europe sur le Japon (alors que c’est le Japon qui les avait attaqués)]
        Pourriez-vous donner quelques éléments sur cette « priorisation » ? ]
        https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Allemagne_d%27abord
         
        [Croyez-moi, si vous payez suffisamment vous trouverez du personnel « motivé et qualifié » aux US aussi. L’avantage de la Chine, c’est d’avoir du personnel « compétent et motivé » pas cher…]
        On parle ici de TSMC, donc taiwan. Les salaires d après ce que j en ai vu (https://www.jobandsalaryabroad.com/fr/taiwan/french-engineer-taiwan.html) sont meme superieur a la France (au moins pour les ingénieurs exprimentes et milieu de carrière : > 4000)  
        J ai jamais travaille avec des taiwanais mais s ils ont la meme mentalite que les japonais, il doit y avoir un clash culturel avec les US ou a 17 :30 tout le monde rentre chez lui
        Et pour finir, non, payer ne suffit pas. Pour avoir du personnel qualifié il faut le former et ca prend des années. C est le meme probleme si demain on a besoin de milliers d ingenieurs nucléaires en France. Une fois recuperé ceux qui sont parti dans d autres branches ou a la retraite vous devrez former des gens qui ont certes une formation scientifique mais qui ont etudié la biologie ou l informatique. Et ca ca va vous prendre des annees
         

        • Descartes dit :

          @ cdg

          [Pour la somalie a ma connaissance il n y a aucune ressource rare. Pour le cote strategique, c est vrai pour l’Europe (pas loin de la mer rouge et donc du canal de suez). Pour les USA, le canal suez et la mer rouge ce n’est pas franchement important, aucune importation/exportation américaine ne passe par la]

          Comme disent les joueurs de Go, le point stratégique de mon adversaire est mon point stratégique. Le détroit de Bab-el-Mandeb est, avec le détroit d’Ormuz, les points de sortie du pétrole à destination de la Chine, pour ne donner qu’un exemple… c’est aussi le point de passage des exportations chinoises vers l’Europe. Pensez-vous que le contrôle de ces flux n’est pas important pour les Américains ? Si c’est le cas, il faudra m’expliquer pourquoi ils mettent autant de moyens pour y assurer la liberté de navigation.

          [« Par exemple, je trouve que les Américains auraient pu donner le matériel militaire au lieu d’obliger les britanniques à emprunter pour le financer. » Complique électoralement d’aller donner du matériel]

          Peut-être. Mais « compliqué » n’est pas synonyme de « impossible ». Et je vous rappelle que je répondais à votre affirmation selon laquelle les Américains avaient « tout fait » pour aider les britanniques après 1940. J’ajoute que quand il s’est agi d’aider les « contras » au Nicaragua, le gouvernement des Etats-Unis a « donné du matériel » sans encombre, y compris en violant la loi américaine.

          [Mais les USA n ont jamais récupéré le cout du prêt bail (qui d ailleurs n equipait pas uniquement la GB mais aussi l URSS)]

          Si j’en crois Wikipédia, les USA ont bien récupéré le coût du prêt-bail. Pour ce qui concerne la Grande Bretagne, outre une dette monétaire de 1.075 milliards de £, une liste impressionnante de brevets concernant entre autres le radar, le sonar, les moteurs d’avions, etc. furent transféré, ainsi que 600 tonnes d’or. Pour l’URSS, les Américains ont demandé 1.3 Md$, l’URSS proposa 170 M$, et in fine l’accord fut trouvé à 780 M$.

          [« Quant à « mettre des bâtons dans les roues des nazis », j’aimerais connaître quelques exemples antérieurs à la déclaration de guerre allemande. » Prêt bail date de mars 1941, avant la déclaration de guerre.]

          Le prêt-bail ne « mettait pas des bâtons dans les roues » des allemands.

          [Les USA ne vendaient plus rien aux allemands (ca a déjà commencé avant-guerre, le Hindenburg était gonfle a l’hydrogène car les USA ont refusé de vendre l’hélium nécessaire).]

          Ce n’est pas exact. L’interdiction de vendre de l’hélium américain à l’étranger était une interdiction générale, résultat de l’Hélium Act de 1925, et n’avait rien d’une mesure anti-allemande. Et les entreprises américaines ont continué à vendre aux Allemands sans que le gouvernement US prenne des mesures pour les en empêcher. Ainsi, Deutsche Hollerith Maschinen GmbH (« DEHOMAG »). L’administration des camps de concentration allemands était équipée de machines IBM utilisant les cartes perforées. Cette collaboration se poursuit, selon certains auteurs, jusqu’à la déclaration de guerre, selon d’autres jusqu’à la chute du IIIème Reich. Et IBM n’est pas la seule. ITT aussi…

          [« Et une fois en guerre ils ont priorisé la victoire en Europe sur le Japon (alors que c’est le Japon qui les avait attaqués » Pourriez-vous donner quelques éléments sur cette « priorisation » ? (…)]

          La référence que vous donnez ne dit absolument pas que les Américains aient fait de l’Europe leur priorité. Au contraire, elle montre que la « priorité » en question résulte non pas d’une volonté américaine, mais d’une négociation entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, qui avaient sur la question des vues divergentes.

          [« Croyez-moi, si vous payez suffisamment vous trouverez du personnel « motivé et qualifié » aux US aussi. L’avantage de la Chine, c’est d’avoir du personnel « compétent et motivé » pas cher… » On parle ici de TSMC, donc Taiwan. Les salaires d’après ce que j’en ai vu (…) sont même supérieurs a la France (au moins pour les ingénieurs expérimentés et milieu de carrière : > 4000]

          Par curiosité j’ai regardé sur le même site combien gagne un ingénieur en France, pour avoir un pied de comparaison. S’agissant de TSMC, ce qui ressemble le plus c’est un ingénieur télécom ou logiciel. Et que je vois ? pour un ingénieur en milieu de carrière, le site me propose… 9500 $. Plus du double qu’à Taiwan… et encore, il faudrait comparer la protection sociale, les conditions de retraite…

          [Et pour finir, non, payer ne suffit pas. Pour avoir du personnel qualifié il faut le former et ça prend des années.]

          Moins qu’on ne le croit, quand les moyens sont là… comme le montre l’exemple que vous proposez :

          [C’est le même problème si demain on a besoin de milliers d’ingénieurs nucléaires en France.]

          Regardez l’histoire. En 1974, Messmer lance un plan nucléaire absolument gigantesque. Le premier réacteur REP – technologie pour laquelle il n’y avait pas de précédent en France. Une vingtaine de réacteurs est construit en parallèle, le premier démarre en 1979, et ensuite on démarrera quatre à cinq réacteurs par an. Il a fallu « des milliers d’ingénieurs » pour cela. Où les a-t-on trouvés ? Et bien, on a pris des ingénieurs ailleurs, et on les a formés au nucléaire sur le tas. Et il n’a pas fallu des décennies pour le faire. Mais, et c’est le point crucial, on y a mis les moyens.

  11. kaiser hans dit :

    Bonjour Maître Descartes.
     
    Excellent article sur lequel je suis d’accord à 99%. 
    mon point d’achoppement c’est 1917. 
     
    Autant en 1944, le cynisme est clair et l’impact est réellement uniquement d’utiliser l’effort russe pour piquer l’Europe de l’Ouest.
    Autant en 1917-1918, l’Allemagne a gagné toute l’Europe de l’est, la Scandinavie et les pays baltes basculent lentement mais sûrement. Deux tiers de leur armée nous inflige des pertes ahurissantes intenables sur le long terme, surtout que tactiquement, la France a du mal à s’adapter et la Grande Bretagne a du mal à s’adapter stratégiquement. L’Italie est bloquée par la pire moitié de l’armée autrichienne…bref la tendance est négative.Je fais donc partie des gens qui pensent que clairement leur arrivée est un game changer, 1 million d’hommes, le double à venir, des ressources illimitées, ça a dû pousser les Allemands à refaire leurs calculs d’où l’offensive de printemps et on peut dire ce qu’on veut, ils ont eu un rôle décisif dans les dernières batailles d’arrêt et les offensives qui ont suivi..
     
    qu’en pensez-vous de votre côté?

    • Descartes dit :

      @ kaiser hans

      [Autant en 1917-1918, l’Allemagne a gagné toute l’Europe de l’est, la Scandinavie et les pays baltes basculent lentement mais sûrement. Deux tiers de leur armée nous inflige des pertes ahurissantes intenables sur le long terme, surtout que tactiquement, la France a du mal à s’adapter et la Grande Bretagne a du mal à s’adapter stratégiquement. L’Italie est bloquée par la pire moitié de l’armée autrichienne…bref la tendance est négative. Je fais donc partie des gens qui pensent que clairement leur arrivée est un game changer,]

      Admettons. Mais si l’arrivée des Américains était un « game changer » en 1917, elle l’aurait été à plus forte raison en 1914. Alors, pourquoi avoir attendu trois ans ? L’Allemagne avait certes emporté pas mal de victoires, mais elles lui avaient couté cher en hommes et en matériel. Idem pour la France et la Grande Bretagne. En arrivant le plus tard possible, avec ses forces intactes, les Américains prenaient le contrôle de la situation à un coût très raisonnable face à des alliés et des adversaires affaiblis.

    • Louis dit :

      Pardon de m’immiscer, mais j’ai du mal à comprendre. En 1917, les pertes que nous inflige l’armée allemande sont sans commune mesure avec ce qu’elle nous faisait subir en 1914. Les renforts venus de l’est, dont l’Etat-major allemand espérait qu’il enfoncerait nos lignes, n’ont réussi qu’à faire de menues percées sans lendemain. Entre autre parce que, contrairement à ce que vous écrivez, l’armée française s’est GRANDEMENT adaptée tout au long de la guerre, notamment d’un point de vue tactique. Je lisais chez un historien qu’on n’avait jamais vu tant de conceptions se renouveler, de modèles êtres testés, puis rejetés ou adoptés, en si peu de temps. C’est l’une des raisons de la baisse tendancielle de nos pertes tout au long de la guerre, et de la tenue du front malgré les diverses stratégies allemandes.
       
      Quant au matériel américain, pardon, mais il n’est pas illimité. On a dû payer très cher ce qu’ils nous ont envoyé, et ils n’auraient pas envoyé un paquet de savon en plus si nous n’avions pas eu de quoi l’acheter. D’ailleurs, c’est l’une des raisons de l’engagement des Etats-Unis dans la guerre : en 1915, les financiers de Wall Street assiègent le bureau ovale pour représenter à saint-Wilson que si les puissances centrales l’emportaient, la France et la Grande-Bretagne seraient hors d’état d’honorer leurs dettes, ce qui entraînerait une crise économique désastreuse ; alors que jusqu’ici, la manière qu’on avait eu de nous rançonner tout en se gardant bien d’intervenir dans la guerre, avait relancé l’industrie américaine tout en la libérant de l’emprise européenne sur son économie. Je ne reproche pas aux financiers de s’inquiéter, et de se faire l’écho des industriels ; je ne reproche pas à Wilson de les avoir écoutés puis suivis ; mais je n’admets pas – en dehors du sincère fanatisme de Wilson – qu’on y voit autre chose qu’une défense parfaitement cynique des intérêts américains. Lafayette nous voilà, pour encaisser l’argent.
       
      D’autre part, si les soldats américains, mal équipés, mal formés, finissent par avoir un poids dans le sort de la guerre, c’est surtout aux yeux de l’Etat-major allemand. Il y voyait (à juste titre) l’impossibilité à terme d’égaler en hommes les armées alliées, quand bien même on rapatrierait tous les soldats laissés à l’est pour faire front contre le communisme. Sur le terrain, l’action des Américains n’a pas été négligeable, mais, à ma connaissance, pas décisive non plus.
       
      J’espère ne pas vous avoir ennuyé, mais les mythes ont la vie dure.

      • Carloman dit :

        @ Louis,
        Bonjour,
         
        Ce que j’ai lu ici ou là, ou ce que j’ai entendu dans la bouche de spécialistes va dans le sens de ce que vous dites. La “contribution” américaine à la victoire alliée de 1918 doit être relativisée. J’ai même lu que le général américain – un certain Pershing – avait fait preuve d’une arrogance assez détestable, refusant d’engager ses soldats dans la guerre de position pour n’intervenir que lors de grandes offensives. Quant aux combats en eux-mêmes… En dehors du fait que les Américains n’étaient pas usés par trois ans et demi de conflit, ils ne semblent pas avoir brillé plus que cela.
         
        Bref, leur contribution principale – et elle n’est pas complètement négligeable – a été surtout d’ordre psychologique en achevant de démoraliser une Allemagne qui, pardon de le dire, était déjà engagée sur la pente de la défaite.

        • Descartes dit :

          @ Carloman

          [Bref, leur contribution principale (…)]

          C’est moins leur contribution que leurs motivations qui étaient le sujet ici. La vulgate veut qu’on doive manifester une reconnaissance sans bornes aux Américains qui sont venus nous sauver généreusement en 1917 et en 1944. En fait, les Américains n’ont fait que servir leurs intérêts, arrivant sur la scène alors que les deux camps s’étaient usés mutuellement pour recueillir à un prix fort raisonnable les fruits de la victoire…

          • kaiser hans dit :

            Bonjour Descartes, Carloman, CVT, Clément et Louis.
             
            Pour mettre tout le monde d’accord, je ne nie pas que la motivation des USA était cynique. J’espère ne pas avoir mal été compris sur ça.Pour 1917, je suis désolé, mais l’armée française était exsangue et il y a consensus que de plus en plus c’étaient les britanniques qui prenaient le lead. de la seconde bataille de Champagne en septembre 1915 au chemin des dames, les Français n’accomplissent aucune attaque en tant que force principale, ils encaissent Verdun pour une des rares batailles de la guerre où la défense a perdu plus que l’attaque.parler d’adaptation stratégique quand justement en Juin 1917 les soldats se mutinent car ils en ont marre d’être envoyés à l’abattoir est assez savoureux.là où par exemple, les Britanniques font d’énormes progrès entre la Somme et la crète de Vimy (avril 1917). La France continue la stratégie du 100m sous feu de mitrailleuse.Pour les menues percées sans lendemain, je dois rappeler que nous stoppons les Allemands lors de la deuxième bataille de la Marne au bout d’une percée de 45km. et quand je dis nous, ce sont les américains à bois belleau et les italiens à Bligny…et lors de  la contre offensive les américains ont un rôle loin d’être négligeable.
            Bref, pour la seconde guerre mondiale, je valorise plus la France, y compris en 1870 où j’accuse juste Bazaine et Napoléon III mais en 1914-1918 désolé, nos ancêtres se sont fait saigner par des généraux arrogants et incompétents qui ont détruit cette génération et heureusement que nos alliés étaient là (même si les deux étaient cyniques entre les british qui ont déclaré la guerre pour la Belgique uniquement, et les USA qui l’ont fait pour pouvoir nous piller)  parce que sinon,…on parlerait un autre langage…

            • Descartes dit :

              @ kaiser hans

              [et heureusement que nos alliés étaient là (même si les deux étaient cyniques entre les british qui ont déclaré la guerre pour la Belgique uniquement, et les USA qui l’ont fait pour pouvoir nous piller) parce que sinon,…on parlerait un autre langage…]

              C’est le genre de politique fiction qui ne s’appuie sur rien. Que je sache, les Polonais ont continué à parler polonais, les Roumains à parler roumain, les Tchèques à parer tchèque… et cela malgré leur incorporation au Pacte de Varsovie. La politique soviétique en 1945 n’était pas d’annexer à l’URSS des territoires – en dehors des limites historiques de l’empire russe – mais de se créer un glacis pour isoler ses propres frontières des alliés occidentaux.

            • Kaiser Hans dit :

              Bonjour Descartes…je parlais de 1917…en 1944 je vous rejoins entièrement…
               
              je ne parle vraiment que de 1917 et des conséquences, je suis d’accord sur 1944 et sur les motivations de 1917…voilà c’était dit…après peut être que les Allemands en 1917 auraient eu la même logique que l’URSS en 1945…j’avoue??

            • Descartes dit :

              @ Kaiser Hans

              [après peut être que les Allemands en 1917 auraient eu la même logique que l’URSS en 1945…j’avoue??]

              Je n’ai pas très bien compris ce commentaire. L’Allemagne n’a jamais cherché à se créer un “glacis” autour d’elle, au contraire: sa politique a consisté historiquement a annexer les territoires qu’elle pouvait occuper sur ses voisins. Ainsi, par exemple, elle aurait pu en 1870 exploiter l’indépendantisme alsacien pour créer un état tampon. Je ne doute pas que les indépendantistes auraient été éternellement reconnaissants, et que la France aurait eu beaucoup plus de mal à réintégrer un Etat indépendant une fois constitué.

            • Kaiser Hans dit :

              Bonjour Descartes…Je voulais juste dire que si je pensais comme vous, je n’avais aucune certitude sur le what if la France perdait la guerre de 14 18…peut être que l’Allemagne aurait juste annexé certains territoires ou aurait annexé la France en entier…je n’en sais rienmon point était de préciser que j’étais d’accord avec votre article voilà…

            • Lingons dit :

              Vous nous sortez là un joli ramassis de révisions historiques qui crache aux visages de nos ancêtres, qui en 1918 ont mis une sévère déculottée aux casques à pointes qui vous plaisent tant.
              Non les anglais ne reprenaient pas “le lead” en 1918 car leur armée à eux qui était exsangue sur le terrain au point que c’est sur leur dispositif jugé comme le plus faible que Luddendorff jettera son offensive de printemps de la dernière chance. Je suis curieux de voir de quel “consensus” vous parlez, mais je suis sûr que l’un des plus grand spécialiste de la période, Laurent Henninger, vous rigolerai au nez.
               
              Non, les soldats français de 17 ne se sont pas “mutinés” (et pour votre information, les armées anglaises et allemandes, que vous admirez tant, ont également connues des révoltes et même des désertions de masse en 17) ils se sont mis en grève, refusant les offensives stupides de Nivelle, tout en garantissant au commandement qu’ils tiendront en cas d’attaque allemande. Lisez donc les travaux du Général Andre Back sur le sujet au lieu de sortir des lieux communs suranés.
              Non, ce ne sont pas les italiens de Bligny ou les quelques amerloques de bois belleau qui ont arrêté la grande offensive des boches en 18, mais bien en premier lieu la machine de guerre française qui ne lance pas ses hommes devant les mitrailleuses depuis un moment (ça, ce sont les anglais sur la Somme qui grâce à leur incapacité à s’adapter aux nouvelles tactiques, subissent des pertes bien plus lourdes que les français sur des secteurs comparables). Mettez donc le nez dans les œuvres du Colonel Goya sur le sujet, plutôt que d’insulter la mémoire des centaines de milliers de soldats français qui ont donné leur vie pour la victoire, avec vos propos nauséabonds…      
               

            • Descartes dit :

              @ Lingons

              [(…) plutôt que d’insulter la mémoire des centaines de milliers de soldats français qui ont donné leur vie pour la victoire, avec vos propos nauséabonds…]

              Je ne commenterai pas sur le fond votre commentaire, n’étant pas un connaisseur du sujet. Mais sur la forme, permettez-moi de vous rappeler que c’est ici un blog de débat, et non un lieu où l’on échange des noms d’oiseau. Vous avez le droit d’être en désaccord avec les commentateurs et de le dire, mais qualifier leurs propos de “nauséabonds”, là, vous mordez la ligne blanche. Je me permets donc de vous rappeler les règles de ce blog: on a le droit d’exprimer des désaccords, on tolère même que dans la chaleur du débat des mots dépassent les limites de la courtoisie, mais dans l’ensemble les règles de courtoisie s’appliquent.

            • Carloman dit :

              @ kaiser hans,
               
              Bonsoir,
               
              Je pense que vos propos, s’ils contiennent quelques éléments de vérité, méritent tout de même d’être nuancés. Pour ce qui suit, je m’appuie sur ce qu’écrit Nicolas Beaupré, spécialiste de la Grande Guerre, et auteur du tome “1914-1945” dans l’Histoire de France paru chez Belin en 2013. Même si la recherche a pu se renouveler depuis, je pense que ce qu’il écrit n’est pas complètement obsolète.
               
              [Pour 1917, je suis désolé, mais l’armée française était exsangue et il y a consensus que de plus en plus c’étaient les britanniques qui prenaient le lead. de la seconde bataille de Champagne en septembre 1915 au chemin des dames, les Français n’accomplissent aucune attaque en tant que force principale,]
              L’armée française en 1917 n’est pas seulement épuisée, elle est démoralisée et cette démoralisation gagne aussi largement l’arrière. MAIS, et le mais est d’importance, l’arrivée de Clemenceau au pouvoir (le 16 novembre 1917) va galvaniser l’énergie des Français, civils et militaires, et permettre une remobilisation de la population et de l’armée. Si vous me dites que l’entrée en guerre des Etats-Unis a participé à cette remontée du moral des Français, je veux bien l’entendre… Sauf que les Etats-Unis entrent en guerre le 6 avril 1917, et le moral des Français est au plus bas au printemps et à l’automne de cette même année. Il y a là un paradoxe qui s’explique si on considère que l’élément déterminant pour le moral de la nation est l’arrivée au pouvoir de Clemenceau plus que l’entrée en guerre des Etats-Unis.
               
              Ensuite, vous avez l’air d’oublier que les Allemands, bien qu’ayant (encore pour quelques temps) l’avantage numérique, un appareil militaire certainement remarquable, et des officiers peut-être plus compétents, souffrent eux aussi. Ils ont essuyé des pertes très importantes depuis 1914, et ils ont enregistré quelques sérieux revers, eux aussi. Mais surtout, du fait du blocus, la situation des civils allemands est bien pire que celle des civils français ou anglais: Beaupré parle de 500 000 à 700 000 civils allemands morts à cause des privations. C’est énorme. Vous vous focalisez, il me semble, sur la France mais vous oubliez que l’Allemagne, malgré le Traité de Brest-Litovsk et l’apparente victoire à l’est, est elle aussi au bout du rouleau.
               
              Ensuite, j’avoue que je ne saisis pas bien votre remarque sur les Anglais: les Français conçoivent et mènent l’offensive au Chemin des Dames (avril-octobre 1917) sous le commandement du général Nivelle, un partisan de l’offensive, contrairement à Pétain qui s’est illustré à Verdun dans une stratégie défensive. Le plan est français, et les troupes qui l’exécutent sont françaises. Cette offensive commence alors que les Etats-Unis viennent tout juste d’entrer en guerre, mais pas un seul soldat US n’a encore posé le pied sur le sol français! Il est vrai que Pétain dira: “j’attends les Américains et les chars“, mais ce n’était pas l’avis de Nivelle. L’offensive française, pourtant soigneusement préparée, est un échec et provoque des pertes effroyables, ce qui plombe le moral des soldats et des civils et entraîne les fameuses mutineries, qu’il convient de ne pas exagérer cependant (et qui ont concerné aussi les Allemands et les Anglais). Mais dire que les Français ont attendu les bras croisés l’arrivée des Américains, pardon, c’est faux.
               
              [là où par exemple, les Britanniques font d’énormes progrès entre la Somme et la crète de Vimy (avril 1917).]
              Oui… Mais durant la bataille de Passchendaele qui suit (juillet-novembre 1917), les Britanniques et les Canadiens perdent 400 000 hommes – le double des pertes françaises au Chemin des Dames! – pour une progression de 8 km. Vous m’accorderez qu’on fait mieux comme réussite, et par conséquent cela relativise l’idée que les Anglais obtiennent des résultats alors que les Français piétinent…
               
              [Pour les menues percées sans lendemain, je dois rappeler que nous stoppons les Allemands lors de la deuxième bataille de la Marne au bout d’une percée de 45km. et quand je dis nous, ce sont les américains à bois belleau et les italiens à Bligny…]
              Oui, enfin quand on regarde les forces en présence, voici ce qu’indique Wikipédia: 44 divisions françaises, 8 divisions américaines, 4 divisions britanniques, 2 divisions italiennes. Et le tout placé sous le commandement français. Il est assez évident d’établir qui fournit l’effort militaire principal, même si les autres se battent bien.
               
              Bien qu’entrés en guerre en avril 1917, rappelons que les Américains vont mettre beaucoup de temps à arriver et à se déployer. Et les Allemands en profitent: les offensives du printemps 1918 sont ordonnées par Ludendorf précisément pour l’emporter avant que les troupes américaines ne soient assez nombreuses et opérationnelles pour peser réellement dans le conflit. Ce qui fait que ces offensives ont été pour l’essentiel bloquées par l’armée française. Et pour information, les Portugais engagent plus d’hommes que les Américains dans un premier temps… Les Américains ne constituent une force d’appoint – certes précieuse – que dans la dernière phase des opérations (mai-juin 1918 dans l’Aisne et en Champagne). Pour l’essentiel, ce sont bien les Français qui ont colmaté les brèches, et infligé des pertes très lourdes aux Allemands, brisant ainsi leur élan offensif. Le soutien américain, s’il ne doit pas être sous-estimé, n’a pas été partout décisif, loin de là. Il n’est pas non plus inutile de rappeler que le commandement unique est confié au généralissime Foch, qui est Français.
               
              Enfin, je trouve injuste de limiter l’engagement français au seul front occidental: l’Armée française d’Orient (plus de 200 000 hommes) forme le plus gros contingent allié engagé dans les Balkans. Le général Franchet d’Espèrey, un peu oublié aujourd’hui, prend le commandement de l’ensemble des forces alliées (des Britanniques, des Grecs, des Serbes et des Italiens en plus des Français) stationnées près de Salonique en juin 1918. Il remporte une brillante victoire en septembre, obligeant la Bulgarie, alliée de l’Allemagne, à capituler. Pas un seul soldat américain n’a pris part à ces opérations…
               
              Bref, on peut conclure que les Français, jusqu’à un certain point, ont en effet “joué la montre” pour attendre les Américains – ce qui est d’ailleurs un calcul rationnel – on peut noter une attitude globalement défensive sur le front de l’Ouest après l’échec de l’offensive au Chemin des Dames, on peut soutenir que l’entrée en guerre des Etats-Unis a revigoré le moral des Français (avec les réserves que j’ai indiquées ci-dessus). Mais prétendre qu’une armée française exsangue, presque vaincue, aurait été miraculeusement “sauvée” par l’arrivée des “boys”, non, je suis désolé, ce n’est pas conforme à la réalité.

            • kaiser hans dit :

              Bonjour à tous…merci Carloman de votre réponse, je vais de ce pas lire ce livre, j’avoue m’appuyer plutôt sur les historiens allemands…les allemands confirment que le blocus les épuisait mais paradoxalement l’occupation de l’europe de l’est ouvrait des opportunités.Pour l’attaque sur le point anglais; j’apporte une précision, les allemands ont attaqué sur le point du front qui venait de passer aux anglais parce qu’on manquait d’effectifs et qui faisait la jonction avec le front français”Il n’est pas non plus inutile de rappeler que le commandement unique est confié au généralissime Foch, qui est Français.” voilà ce que je lis
              Mais la percée ne réussit pas, parce que le général Ludendorff, qui ne subit pourtant que peu d’opposition sur sa gauche, continue à concentrer ses réserves devant Arras, où la résistance britannique devient de plus en plus forte. Malgré les appels désespérés du général HaigFoch refuse d’engager ses réserves restreintes. Haig doit faire venir d’urgence des renforts du Royaume-Uni et le QG britannique doit retirer des divisions d’autres théâtres d’opérations.
              Ce n’est que le 28 mars que Ludendorff songe brusquement aux possibilités qui se présentent du côté de la Somme, pour effectuer une percée rapide et décisive en direction de Paris, mais il est alors trop tard. Deux jours auparavant, les Alliés se sont mis d’accord pour confier au général Foch le commandement unique sur le front occidental. Un de ses premiers actes de commandement est d’employer une partie de ses maigres réserves pour boucher la dangereuse brèche sur la Somme. Le 9 avril, l’offensive Michael est arrêtée dans la région de Montdidier.
              Pour l’absence d’initiative entre 1915 et le chemin des Dames, ce n’est pas tant que les Français attendaient les américains c’est juste qu’ils étaient épuisés.J’avoue avoir sous-estimé l’impact moral de Clémenceau
               
              Pour la deuxième bataille de la Marne, on a donc les français qui fournissent 3/4 de l’effort mais 1/4 quand la clé tactique reste une certaine concentration de forces implique quand même que les troupes manquent non…J’avais oublié l’armée française d’orient mais du côté anglais, il ne faut pas oublier qu’ils se battaient en Afrique, en Asie, au Moyen Orient et que c’est eux qui faisaient le blocus (et eux aussi combattaient à l’ouest)toujours ce satané théâtre oublié 🙂 210 000 Français, 138 000 Britanniques, 119 000 Serbes, 157 000 Grecs, et 43 000 Italiens opposés à 550 000 Bulgares (appuyés par quelques forces austro-hongroises), 18 000 Allemands, et 25 000 Turcs[1
              après c’est vrai que je surestime peut-être l’impact américain mais ce qui est sûr c’est que voilà ce qu’on peut lire”Au nord d’Ypres, les Belges tiennent leur front sans désemparer malgré plusieurs assauts allemands. Pour les Britanniques et les Français, c’est au mont Kemmel que la lutte est la plus rude. La possession de cette hauteur donnerait aux Allemands un avantage considérable. Mais les Alliés tiennent et, finalement, le 2 mai, la quatrième bataille d’Ypres s’achève sans que l’armée allemande puisse espérer atteindre son objectif. Plus au sud, le général Foch, commandant en chef des armées alliées, qui prépare ce qu’il veut être l’offensive décisive sur la Somme, n’a pas voulu distraire de troupes pour aider les Anglo-franco-belges à Ypres. C’est qu’il considère que c’est sur la Somme, où les Américains viennent renforcer les Franco-Anglais, que va se produire, croit-il, l’action décisive qui doit obliger l’état-major allemand à renoncer à conquérir le dernier morceau du territoire belge encore inviolé. De fait, ils n’y arriveront pas. Cependant, la grande offensive alliée qui doit vaincre l’Allemagne n’est pas encore pour tout de suite. Il est manifeste qu’après Ypres, l’Allemagne veut utiliser les forces libérées par la paix avec la Russie pour un effort suprême plus au sud.”
              “L’offensive est dirigée par la VIIe armée du général général von Böhm-Ermolli et la Ire armée du général Bruno von Mudra, totalisant 44 divisions. L’objectif de leur offensive, du nom de code Blücher-Yorck, est de frapper la 6e armée française du général Duchêne qui regroupe douze divisions dont trois britanniques.
              L’assaut allemand débute par un tir de barrage de 4 600 pièces d’artillerie, suivi d’une attaque de sept divisions sur un front de 15 km. Les Allemands s’emparent immédiatement du Chemin des Dames et avancent sur l’Aisne, prenant plusieurs ponts intacts. En fin de journée, les Allemands ont avancé d’une quinzaine de kilomètres.
              Bien que l’offensive ait un objectif limité, ses premiers succès persuadent le haut commandement allemand de poursuivre vers Paris, qui n’est qu’à 130 km. Cependant, le commandant du corps expéditionnaire américain, le général Pershing, a envoyé des renforts aux Français : la 2e division du général Omar Bundy (en) et la 3e division du général Joseph Dickman. Elles passeront à l’action le 30 mars, quand les Allemands menaceront la Marne.”
               
              Pour résumer, ce n’est pas eux qui font le choc principal sauf à Belleau, mais ils apportent quand même 15% des troupes en moyenne et ce n’est que le début, mon opinion est que c’est quand même décisif dans le contexte..en tout cas je vais lire votre livre conseillé de ce pas, j’adore changer d’avis et si les éléments sont concluants j’en changerai 🙂
               

  12. CVT dit :

    @Descartes,

    [Admettons. Mais si l’arrivée des Américains était un « game changer » en 1917, elle l’aurait été à plus forte raison en 1914.]

    Je dirais surtout que le traité de Brest-Litovsk, qui consacrait le retrait des Russes de la Triple Entente, avait rendu indispensable l’alliance de revers avec les Ricains. Mais c’était déjà fort tard dans la guerre…
    Et surtout je vous suis sur ce point: les Américains sont bien venus au secours de la victoire en 1918, étant donné que ce sont bien les char Renault qui ont permis aux troupes franco-britannique de briser les tranchées, ceci venant s’ajouter à l’épuisement des forces de la Triple Alliance.

  13. clement dit :

    @ Descartes,
    Il me semble que la Suisse pratique ce genre de protectionnisme intelligent que vous semblez appeler  de vos vœux ( et moi aussi…), mais je ne saurais vous en dire plus.
    J ‘ ai lu il y a quelques temps, qu’une commission composé d’élus, de citoyens, de chefs d’entreprises et d’associations de consommateurs se réunissaient chaque année pour déterminer les taxes douanieres de l’année a venir en fonction des niveaux de production de l’économie suisse et des besoins de ces citoyens.
    Avez vous quelques informations a ce sujet ?
    PS : prétendre que la victoire en 1918 serait du a l’intervention des américains me parait participer de la plus grossière des propagande US.
     
     
     
     
     

    • Descartes dit :

      @ clement

      [Il me semble que la Suisse pratique ce genre de protectionnisme intelligent que vous semblez appeler de vos vœux]

      Je ne connais pas très bien l’organisation économique de la Suisse, notre ami CDG pourra vous répondre ici bien plus précisément que moi. Mais de ce que je sais, la Suisse pratique un protectionnisme relativement intelligent: les taxes aux frontières sont fixées de telle manière à permettre l’écoulement de la production locale en priorité. Si la production locale couvre les besoins, les barrières remontent, elles s’abaissent dans le cas contraire. Ce n’est pas tout à fait le “protectionnisme intelligent” que je propose: mon idée au contraire est celle d’une taxe aux frontières uniforme, de manière à profiter du principe Ricardien des avantages comparatifs (car avec une taxe uniforme, une production locale sera d’autant plus “compétitive” que l’avantage comparatif la privilégie) tout en équilibrant globalement les échanges. Ce qui n’exclut pas des taxes ciblées pour maintenir localement les productions jugées stratégiques.

  14. Glarrious dit :

    @Descartes
     
    Depuis les années 90 il y a renouveau de l’histoire militaire soviétique. Grâce aux travaux de Jacques Sapir et de Jean Lopez. Je ne sais pas si vous vous êtes intéressé ? 

    • Descartes dit :

      @ Glarrious

      Je ne peux pas dire que je sois un passionné d’histoire militaire. J’ai un peu suivi les travaux de Sapir, mais pas plus que ça.

  15. @Descartes
    “Est-ce que la relocalisation des emplois aux Etats-Unis réussira à compenser les effets récessifs du protectionnisme ? On le verra dans quelques années, si l’administration américaine tient bon sur cette ligne, ce qui n’est guère acquis compte tenu de la pression que les milieux financiers mettront sans aucun doute sur elle. ”
    => n’était-ce pas déjà la politique de son premier mandat ? Quel bilan a-t-il eu sur l’emploi (industriel) ? Je n’ai vu aucun média français s’intéresser à ce sujet, ni pendant la dernière présidentielle, ni depuis…
    Il y avait bien eu cette étude économique de mi-mandat mais c’est insuffisant pour bien juger : Le protectionnisme de Trump augmente le chômage – Médias – UNIGE

    • Descartes dit :

      @ Johnathan Razorback

      [=> n’était-ce pas déjà la politique de son premier mandat ? Quel bilan a-t-il eu sur l’emploi (industriel) ? Je n’ai vu aucun média français s’intéresser à ce sujet, ni pendant la dernière présidentielle, ni depuis… Il y avait bien eu cette étude économique de mi-mandat mais c’est insuffisant pour bien juger (…)]

      Le problème est que le premier mandat de Trump s’étend de 2017 à 2021. Et il ne vous aura pas échappé qu’entre ces deux dates, il y a eu une perturbation majeure de l’économie mondiale, à savoir le COVID. Comment séparer, dans la statistique économique, les effets de la crise COVID de ceux de la politique protectionniste de Trump ? Bien entendu, on peut faire tourner des modèles sur ordinateur – c’est ce que fait l’article que vous citez – mais tout modèle contient des hypothèses idéologiques plus ou moins assumées.

      Vous noterez par ailleurs que l’article en question ne parle que marginalement du chômage, mais se concentre sur la question de la « prospérité ». De ce point de vue, le résultat est prévisible : aller contre la division du travail ricardienne entraîne fatalement une « désoptimisation », et donc une réduction de la prospérité GLOBALE. La question est de savoir comment cette réduction est repartie. Si elle se traduit par une réduction de la part du capital et une augmentation corrélative de la part du travail, ce n’est pas forcément une mauvaise chose…

  16. La visite du cimetière américain de Meuse-Argonne (qui est un territoire américain, quelle odieuse atteinte à l’indépendance nationale!) tempère mon américanophobie atavique…
     https://www.landofmemory.eu/en/sites-historiques/romagne-sous-montfaucon-american-cemetery/

    • Descartes dit :

      @ Pierre-Yves Lochet

      [La visite du cimetière américain de Meuse-Argonne (qui est un territoire américain, quelle odieuse atteinte à l’indépendance nationale!) tempère mon américanophobie atavique…]

      J’ai du mal à comprendre pourquoi. D’abord, le fait que les cimetières militaires bénéficient de l’extraterritorialité n’est en rien une « odieuse atteinte à l’indépendance nationale », puisqu’il s’agit d’une disposition symbolique dont le but est de permettre aux soldats de reposer nominalement sur le sol de leur mère patrie. Ensuite, je ne vois pas pourquoi cela vient « tempérer votre américanophobie ». Pourriez-vous détailler ?

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