Craignez le juge !

« Ne crains pas la justice, mais crains le juge » (proverbe russe)

Ainsi, Nicolas Sarkozy aura été condamné par un tribunal judiciaire. Déclaré coupable du délit « d’association de malfaiteurs », délit qui consiste à se concerter entre plusieurs personnes avec le but de commettre un acte criminel, sans que l’acte en question n’ait reçu un début d’exécution. L’acte criminel, en l’espèce était la corruption du président de la République. Curieusement, le tribunal le relaxe par contre des faits de corruption : il semblerait que notre ancien président ait beaucoup promis à Kadhafi, et qu’il n’ait pas tenu ses promesses. J’ignore ce qu’en a pensé le guide de la révolution libyenne, mais pour nous qui savons par expérience ce que valent les promesses de nos hommes politiques, cela ne constitue nullement une surprise. Ce n’est pas le moindre paradoxe de ce dossier : Kadhafi a fini sa vie sous les bombes envoyées par celui-là même à qui il avait donné de l’argent pour acheter la bienveillance.

Je n’ai pas envie de commenter ce verdict. Les juges ont pu consulter le dossier de l’instruction – ce que je n’ai pas les moyens de faire – et sont arrivés collégialement à une conclusion. Je n’ai aucun moyen de savoir si cette conclusion est juste ou non, comment elle s’ajuste aux faits et au droit. Je laisse à d’autres plus connaisseurs de ces matières que moi le soin d’analyser la question. Il me semble cependant intéressant de revenir sur les échanges et réactions auxquels ce verdict a donné lieu. Comme ce fut le cas pour la condamnation de Marine Le Pen – pour des faits très différents, puisqu’il s’agissait là d’un détournement de l’argent public, ou plutôt de l’argent du parlement européen, ce qui n’est pas tout à fait la même chose – on a pu assister à une réaction outrée des condamnés et de leurs amis critiquant la décision et accusant les juges qui en sont les auteurs de biais personnels ou politiques. Venant de l’autre côté de l’échiquier, on a entendu des réponses tout aussi outrées faisant du juge le pilier fondamental de la démocratie et rejetant la pertinence même d’une remise en cause de leurs décisions. À les entendre, contester une décision judiciaire reviendrait pratiquement à un acte séditieux.

Je pense qu’il y a dans ce débat une confusion fondamentale qu’il faut éviter. Celle qui consiste à mettre dans un même panier les institutions et les personnes qui les intègrent et/ou les incarnent. Un juge n’est pas la justice, un professeur n’est pas l’université, un président n’est pas la présidence. L’institution représente – ou du moins cherche à le faire – des valeurs de constance, de droiture, de probité, de primauté des intérêts publics sur les intérêts privés. Mais il ne faut pas perdre de vue que le fonctionnement de toute institution dépend d’êtres humains, trop humains. Admettons un instant, hypothèse optimiste, que ces hommes fassent leurs meilleurs efforts pour s’abstraire des vices et des biais qui sont le corollaire de notre humanité. Rien ne garantit qu’ils y parviennent. Si l’on peut dire que les institutions fonctionnent grâce aux hommes qui les intègrent, on peut dire aussi qu’elles fonctionnent souvent MALGRÉ eux. La justice cherche à être impartiale, équitable, équilibrée MALGRÉ les juges qui, quelles que soient leurs qualités et leur conscience professionnelle, ne sont après tout que des hommes.

Critiquer tel ou tel comportement, telle ou telle décision d’Emmanuel Macron n’implique pas attaquer l’institution présidentielle en tant que telle. Critiquer une loi n’implique pas remettre en cause l’institution qu’est l’Assemblée nationale. Critiquer le cours de tel ou tel professeur ne remet pas en cause l’institution universitaire. Et de la même manière, critiquer la manière dont un juge a instruit ou jugé une affaire ne revient nullement à remettre en cause l’autorité judiciaire en tant qu’institution.

Il est très important de faire cette distinction, que les citoyens font d’ailleurs quotidiennement. Les institutions bénéficient chez nous d’un grand respect. Dans leur immense majorité, nos concitoyens reconnaissent le médecin comme tel du moment où l’Université lui confère le diplôme. Personne ou presque ne conteste le fait que les lois faites par les députés ou les décrets faits par les ministres ou le président, les arrêtés des maires légitimement élus ou nommés doivent être obéis. Ce qui ne nous empêche pas de critiquer les professeurs, les ministres, le président ou le maire EN TANT QUE PERSONNES.

Autrement dit, nous reconnaissons l’autorité non de la personne, mais de l’institution qui est derrière. Et c’est la même chose pour les juges. Si Marine Le Pen, ou Nicolas Sarkozy et leurs amis ont critiqué l’action des juges en tant que personnes, ni l’un ni l’autre n’a manifesté la moindre volonté de se soustraire à leurs décisions. Nicolas Sarkozy, par exemple, a même précisé que si les juges voulaient le voir en prison, il irait en prison. Autrement dit, les condamnés ne contestent nullement l’autorité de l’INSTITUTION. Au contraire, ils font acte de soumission aux décisions couvertes par son autorité. Ce qu’ils critiquent, c’est le comportement des PERSONNES en chair et en os. Et c’est leur droit le plus légitime, parce que si les institutions sont respectables du seul fait d’être instituées, les personnes sont humaines et donc faillibles. Et il n’y a aucune raison de faire semblant de penser le contraire.

Mais pourquoi cherche-t-on à sacraliser le juge ? Pourquoi, alors qu’on soutient le droit de critiquer les actes de tout officier public, ceux du juge devraient être couverts par un voile sacré ? En fait, ce discours, qui monte depuis les années 1980, n’est pas le fruit du hasard. Il tient à une transformation du paysage démocratique. Le bloc dominant a toujours été très conscient que s’il dominait le rapport de forces économique, le rapport de forces numérique lui était défavorable. Ce qui est un problème lorsque l’on veut utiliser l’habillage démocratique pour déguiser et légitimer sa domination, puisqu’on ne peut garantir que le processus démocratique produise les résultats qu’on attend de lui. Pendant longtemps, le bloc dominant a résolu le problème par ce qu’il faut bien appeler l’achat de voix : il fallait offrir aux couches populaires un niveau de vie suffisant, faire des concessions suffisamment importantes à ses intérêts, pour éviter qu’elle ne conteste l’ordre établi une fois dans l’isoloir, danger d’autant plus présent qu’une alternative socialiste se présentait à l’horizon. Mais pourquoi partager le gâteau alors qu’on peut le garder entier pour soi ? La méthode était toute trouvée : en retirant le pouvoir aux institutions issues de l’élection pour les confier à des organismes échappant au contrôle démocratique, on pouvait se dispenser de l’aumône aux pauvres. D’où cette idéologie, qu’on a vue se répandre avec une charmante unanimité, qui dévalorise l’autorité élue devant l’autorité nommée, qui fait de l’autorité « indépendante » l’alpha et l’oméga de la démocratie. C’est ainsi qu’on arrive à cette étrange situation où un grand nombre de décisions de politique publique sont prises par des « autorités administratives indépendantes » en dehors de tout contrôle démocratique, que les pouvoirs nationaux élus sont soumis à la tutelle de la Commission européenne, organisme administratif, que la politique monétaire est faite par un conseil de gouverneurs irresponsable, et que la prééminence croissante du juge constitutionnel sur l’ensemble des pouvoirs élus est saluée par la plupart des chroniqueurs comme un grand progrès de la démocratie.

Nous dérivons doucement vers le gouvernement des « instances indépendantes », et parmi elles, des juges. De plus de plus de questions qui relèvent du débat civique sont tranchées dans les collèges des autorités indépendantes ou dans les prétoires. Les juges sont sollicités pour décider si l’État fait ou non assez pour lutter contre le réchauffement climatique, s’il a tort ou raison de vouloir construire une autoroute ou une ligne à grande vitesse, quel est le niveau de l’impôt admissible. De plus en plus, on inclut dans les textes constitutionnels et législatifs des grands principes qui sont autant d’ouvertures qui permettent au juge, par le biais de l’interprétation, d’accroitre son pouvoir. Et cette dérive est acceptée – pire, elle est voulue – par nos élites, qui y voient une manière efficace de se prémunir contre le verdict des urnes lorsque celui-ci leur est défavorable. Au point où les commentateurs évoquent très ouvertement l’idée que, si d’aventure un gouvernement « radical » venait à être élu, on pourrait compter sur le Conseil constitutionnel pour l’empêcher de gouverner.

Ceux qui portent atteinte aux institutions ne sont pas ceux qui critiquent les hommes, mais au contraire ceux qui les poussent à excéder leurs mandats ou qui admettent ces excès sans protester, souvent parce que dans une situation donnée cela les arrange. Car si la critique de l’institution doit être distinguée de la critique des hommes qui la composent, il faut noter que la critique des hommes peut remettre en cause l’institution lorsque cette dernière tolère des comportements inacceptables. L’institution universitaire se compromet lorsqu’elle tolère qu’un mauvais enseignant puisse continuer ses cours, l’Assemblée se trouve dégradée lorsque des députés se comportent d’une manière obscène sans que la sanction tombe. Et la réputation de la justice en souffre chaque fois qu’un juge excède son mandat ou sort de son rôle sans que l’institution ne corrige ces excès.

Les juges ne sont pas mandatés pour mettre en œuvre LEUR conception du droit, mais pour s’assurer que les règles faites par d’autres sont bien mises en œuvre. Leur travail d’interprétation consiste à rechercher derrière un texte plus ou moins bien rédigé quelle était l’intention du législateur, et non de compléter les trous avec leurs propres intentions. Lorsque le juge décide que telle ou telle règle « ne correspond plus à l’état de la société », ou qu’elle est contraire à l’équité, il excède son mandat et prend la place du législateur. Et le juge qui sort de son rôle non seulement fait mal son travail – et doit être critiqué pour cela – mais porte tort à l’institution qu’il représente. Car il faut toujours se souvenir que ce qui légitime les pouvoirs publics dans notre système politique est la délégation consentie par la nation, en qui la souveraineté réside. Et les compétences que la nation délègue aux juges sont clairement encadrées. Les juges ne sont pas élus, ils ne présentent pas un programme que le souverain est en mesure d’accepter ou de rejeter. Les juges sont des fonctionnaires, c’est-à-dire, des serviteurs des pouvoirs élus. Chaque fois qu’ils font primer leur conception du monde sur celle du législateur, ils contestent l’autorité du souverain. Et à force de tirer sur la corde, le souverain finira par se sentir trahi.

Au lieu de pousser des cris d’orfraie, les défenseurs de l’institution judiciaire devraient se demander pourquoi elle est aujourd’hui, et de plus en plus, frontalement contestée. Les magistrats doivent faire leur travail, qui est de s’assurer que la constitution, les lois, les décrets sont appliqués tels que leurs auteurs les ont voulus, et non d’y substituer leurs propres opinions et préjugés, quand ce n’est pas suivre la pression publique. Quand le Conseil constitutionnel réécrit la Constitution en inventant des principes qui ne s’y trouvent pas et que ses rédacteurs n’auraient certainement pas admis ; quand la politique pénale votée par l’Assemblée se trouve bloquée parce qu’elle ne convient pas aux juges ; quand les magistrats de la cour des comptes ne se contentent pas d’examiner la bonne gestion de l’argent public, mais évaluent l’opportunité de telle ou telle politique ; quand un juge décide qui a le droit de se présenter à une élection, on va dans le mur. On ne peut pas demander aux citoyens de respecter une institution qui ne les respecte pas.

Certains trouveront que la condamnation de Nicolas Sarkozy rappelle une maxime salutaire : « nul n’est au-dessus des lois », pas même un ancien président de la République. Ce serait très positif si c’était vrai. Mais ce n’est pas le cas : il y a bien quelqu’un qui est au-dessus des lois, et c’est le juge, puisque ses décisions ne peuvent être renversées… que par un autre juge. Et seulement aussi longtemps qu’elle n’est pas devenue définitive. C’est là une différence essentielle qui justifie que la justice soit une « autorité » et non un « pouvoir ». Les décisions de l’exécutif et du législatif sont soumises au peuple souverain, qui peut obtenir leur retrait ou leur modification par l’intermédiaire de ses représentants ou par le vote. Elles engagent la responsabilité politique – et dans certains cas pénale – de ceux qui les prennent. Ce n’est pas le cas de la décision judiciaire, qui ne saurait être ni rectifiée par le souverain, ni retomber en responsabilité sur celui qui l’a prise. Cette irresponsabilité, cette « force de la chose jugée » sont certainement indispensables à la fonction judiciaire, et je ne les conteste pas. Mais ce pouvoir considérable implique une grande responsabilité, et en particulier, de ne pas utiliser ce statut pour faire avancer sa propre vision sociale ou politique.

On attribue à Mitterrand cette phrase prophétique : « les juges ont eu la peau de la monarchie, ils auront la peau de la République ». Il avait parfaitement raison sur le premier terme de la formule : en bloquant, prétendument pour des raisons juridiques mais en fait pour des raisons politiques, toutes les réformes proposées par la monarchie, les Parlements de l’Ancien régime ont puissamment contribué à sa chute. Et on voit une stratégie semblable se dessiner aujourd’hui, lorsque les juges s’érigent en censeurs. Mais les juges devraient se méfier : en affaiblissant les institutions, ils scient la branche sur laquelle ils sont assis.

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21 réponses à Craignez le juge !

  1. Vincent dit :

    Ce que je ne comprends pas, dans l’attitude de, par exemple, la CEDH, ou le Conseil Constitutionnel, c’est la raison pour laquelle, alors même que leurs décisions sont très décriées, alors mêmes qu’ils savent que la majorité de la population [française / européenne] est ulcérée par leurs jurisprudences, non seulement ils ne se calment pas, mais ils accélèrent, avec des décisions choquantes de plus en plus fréquentes et de plus en plus grossières… Rien que depuis 3/4 mois, on a eu la censure de la loi Duplomb, celle de la durée de rétention administrative, et celle de la loi “Attal” sur la justice des mineurs !
    En principe, avec la colère contre ces décisions qui commence à se faire entendre, des partis “de gouvernement” de plus en plus minoritaires, ils devraient se dire qu’il est temps de mettre la pédale douce sur ce type de décisions, pour limiter les mécontentements, et éviter que leurs institutions entières se fassent délégitimer, et potentiellement, à terme, détruire.
    Mais ils font tout l’inverse : plus l’opinion publique se radicalise contre eux, plus ils se radicalisent dans leurs principes, et utilisent des arguments de plus en plus audacieux (sur la loi ‘Attal’, ils ont censuré la Loi car elle est contraire à l’ordonnance du 2 février 1945… Qu’une Loi puisse être censurée car jugée non conforme à l’esprit d’une ordonnance me pose quelques difficultés du point de vue de la hiérarchie des normes…).
    Je ne comprends pas cette sorte d’hubris…

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Ce que je ne comprends pas, dans l’attitude de, par exemple, la CEDH, ou le Conseil Constitutionnel, c’est la raison pour laquelle, alors même que leurs décisions sont très décriées, alors mêmes qu’ils savent que la majorité de la population [française / européenne] est ulcérée par leurs jurisprudences, non seulement ils ne se calment pas, mais ils accélèrent, avec des décisions choquantes de plus en plus fréquentes et de plus en plus grossières…]

      Il y a là plusieurs facteurs. D’abord, le droit est devenu un instrument politique. L’idée qu’on fait de la politique par le droit, tant citée par les idéologues de la construction européenne, est une croyance fermement ancrée dans les élites européennes. L’échange avec De Gaulle rapporté par Peyrefitte concernant l’impossibilité de sortir des Communautés européennes du moment où le traité ne le prévoyait pas est assez illustratif des débuts de cette tendance (1). On y voit le « jeune » Peyrefitte qui se place dans une position de prééminence du droit, devant le « vieux » De Gaulle pour qui le droit s’incline devant la nécessité politique.

      Et c’est encore plus fort dans les générations qui ont suivi celle de Peyrefitte. Là où hier on faisait une manifestation pour faire changer une politique, aujourd’hui on fait un procès. Vous voulez un autre exemple ? Prenez par exemple tous ces combats pour constitutionnaliser tel ou tel principe, telle ou telle politique, comme si cela vous permettait de garantir sa permanence. Est-ce que ces gens savent qu’il y a dans la constitution des principes écrits qui n’ont jamais été mis en œuvre ? « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi », vérifiez, c’est bien dans le préambule de la Constitution de 1946, aujourd’hui incorporé au « bloc de constitutionnalité ».

      Aujourd’hui, pour beaucoup d’acteurs politiques, inscrire quelque chose dans la loi est plus important que de l’inscrire dans les faits. Les jeunes énarques ont du mal à croire que pendant des années on a réalisé en France de gros programmes avec un support législatif et réglementaire minimal. Pour créer le Commissariat à l’Energie Atomique, il a suffi d’une ordonnance de 9 articles qui tient sur deux pages. Pour nationaliser le gaz et l’électricité et créer EDF et GDF, il a fallu 53 articles. Pour créer la sécurité sociale, 88 articles. Pour vous donner un pied de comparaison, la loi de relative à la transition énergétique pour une croissance verte – la « grande loi » de Ségolène Royal qui ne change rien de fondamental – fait 215 articles… On a du mal à expliquer aujourd’hui que jusqu’à 1961 la sûreté nucléaire en France n’a pas eu de base législative, qu’entre 1961 et 2006 elle a eu pour seule base… un article de la loi du 2 août 1961 relative à la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs. En 2006, il a fallu 86 articles pour faire le même travail…

      [En principe, avec la colère contre ces décisions qui commence à se faire entendre, des partis “de gouvernement” de plus en plus minoritaires, ils devraient se dire qu’il est temps de mettre la pédale douce sur ce type de décisions, pour limiter les mécontentements, et éviter que leurs institutions entières se fassent délégitimer, et potentiellement, à terme, détruire.]

      Curieusement, non. On a l’impression que les élites sont tellement coupées du peuple qu’elles ne se rendent pas compte que la marmite est en train de monter en pression. A l’Assemblée, beaucoup de députés croient avoir emporté une grande victoire lorsqu’ils arrivent, par une ruse, à faire écrire des choses qui finalement ne changent rien. Et beaucoup de politiciens s’imaginent qu’ils ont là aussi remporté un combat parce qu’ils arrivent à faire annuler une disposition législative, quand bien même cette annulation exaspère les Français. Je me demande si c’était comme ça chez les aristocrates dans les dernières années de l’Ancien régime…

      (1) « Alain Peyrefitte – Le traité de Rome n’a rien prévu pour qu’un de ses membres le quitte.
      De Gaulle : C’est de la rigolade ! Vous avez déjà vu un grand pays s’engager à rester couillonné, sous prétexte qu’un traité n’a rien prévu pour le cas où il serait couillonné ? Non ! Quand on est couillonné, on dit : “Je suis couillonné. Eh bien, voilà, je fous le camp !” Ce sont des histoires de juristes et de diplomates, tout ça. » (28 octobre 1964)

      • Lhaa Francis dit :

             Bah, la cour d’appel de Turin, en  2011, a bien ” jugé ” les portables ” cancérigènes “.       Télécom Italia condamné à verser des indemnités à un de ses anciens salariés atteint d’une tumeur au cerveau. Ils sont fous ces Romains.

        • Lhaa Francis dit :

               Et dans notre série  ”  Faut-t’il en rire ou en pleurer  ” , je viens de tomber,  sur le site de l’Assemble Nationale,  sur une   ”  pétition contre l’utilisation du monoxyde de dihydrogene permis par le loi Duplomb “.

          • Descartes dit :

            @ Lhaa Francis

            [je viens de tomber, sur le site de l’Assemble Nationale, sur une ” pétition contre l’utilisation du monoxyde de dihydrogene permis par le loi Duplomb “.]

            Sans compter que la loi en question permet aussi l’utilisation de l’hydrure d’hydrogène, produit chimique excessivement dangereux, qui provoque chaque année plusieurs centaines de morts – dont beaucoup de jeunes enfants – par son effet sur les voies respiratoires.

  2. Mals'Foeroad dit :

     
     Bonjour Descartes,
     
    Je finissais votre article et commençais à réfléchir à d’éventuelles nuances à proposer et voilà que je tombe sur cet article de BFM.
    (https://www.bfmtv.com/police-justice/info-bfmtv-un-collectif-d-avocats-depose-plainte-contre-nicolas-sarkozy-pour-outrage-a-magistrat-et-atteinte-a-l-autorite-de-la-justice_AN-202510010511.html)
     
    Apparemment un collectif d’avocats n’a pas aimé les déclarations de Sarkozy après le jugement et a décidé de porter plainte. Manquant d’idées propres je cherche dans l’article si ces avocats apportent un point de vue différent du votre. Je tombe ainsi sur le paragraphe suivant :
     
    « Déposée directement auprès du parquet de Paris ce 1er octobre, cette plainte, que BFMTV a pu consulter, attaque en particulier trois passages de l’interview de Nicolas Sarkozy: quand il estime que sa condamnation “violait toutes les limites de l’État de droit”; quand il associe les actes de justice le concernant à des “pratiques si contraires à l’État de droit” ; et quand il dit qu’il ne pliera pas “face au mensonge, au complot et à l’insulte” (DES JUGES, POUR LES SIGNATAIRES, NDLR). »
     
    J’ai mis en majuscule le passage intéressant. Visiblement ces avocats valident votre analyse. Pour les signataires les critiques de Sarkozy sont adressées aux juges et non à la justice en tant qu’institution.
     
    Je n’ai pas lu le dossier non plus, donc je préfère ne pas commenter le verdict. Mais je trouve incroyable cette hargne de ces gens qui continuent à remuer le couteau dans la plaie. Sarkozy a perdu, qu’il en soit ainsi. Mais pour eux ce n’est pas assez il faut en plus réduire toute critique au silence avec de la victimisation en prime.

    • Descartes dit :

      @ Mals’Foeroad

      Apparemment un collectif d’avocats n’a pas aimé les déclarations de Sarkozy après le jugement et a décidé de porter plainte. Manquant d’idées propres je cherche dans l’article si ces avocats apportent un point de vue différent du votre. Je tombe ainsi sur le paragraphe suivant :

      [« Déposée directement auprès du parquet de Paris ce 1er octobre, cette plainte, que BFMTV a pu consulter, attaque en particulier trois passages de l’interview de Nicolas Sarkozy: quand il estime que sa condamnation “violait toutes les limites de l’État de droit”; quand il associe les actes de justice le concernant à des “pratiques si contraires à l’État de droit” ; et quand il dit qu’il ne pliera pas “face au mensonge, au complot et à l’insulte” (DES JUGES, POUR LES SIGNATAIRES, NDLR). » J’ai mis en majuscule le passage intéressant. Visiblement ces avocats valident votre analyse. Pour les signataires les critiques de Sarkozy sont adressées aux juges et non à la justice en tant qu’institution.]

      Je ne partage pas votre analyse. Je trouve au contraire que ces plaintes confondent allègrement les hommes et l’institution. Les infractions sur lesquelles porte la plainte se trouvent dans le chapitre du code pénal intitulé « des atteintes à l’autorité de la justice ». Ce ne sont pas des infractions poursuivies du fait qu’elles porteraient atteinte aux PERSONNES, mais bien à l’autorité de l’INSTITUTION. Or, les propos de Sarkozy remettaient en cause le comportement des personnes, et non de l’institution. La question fondamentale demeure : est que le fait de critiquer le comportement d’un ou plusieurs juges explicitement désignés porte atteinte au crédit de la justice en général ?

      Il est d’ailleurs drôle de voir des avocats plutôt classés « à gauche » reprendre une procédure… qui avait été utilisée par les antidreyfusards pour chercher à faire taire Emile Zola. Il faut ici rappeler que l’article « j’accuse » donna lieu à un procès contre l’écrivain pour avoir remis en cause une décision de justice. Dans le long article, seuls sont retenus par l’accusation les paragraphes mettant en cause les décisions des conseils de guerre, tribunaux militaires… J’imagine déjà les avocats défenseurs de Sarkozy en faire l’exégèse devant un tribunal.

      [Je n’ai pas lu le dossier non plus, donc je préfère ne pas commenter le verdict. Mais je trouve incroyable cette hargne de ces gens qui continuent à remuer le couteau dans la plaie.]

      Curieux, n’est-ce pas ? J’avoue que j’ai du mal à comprendre cet acharnement. Sarkozy a quitté l’Elysée il y a maintenant plus de dix ans, et son retour aux affaires est totalement improbable. Il est rangé des voitures, et si beaucoup de gens lui demandent encore des conseils, ils ne les suivent pas – et c’est lui-même qui le dit. Alors pourquoi tant de gens le poursuivent de leur haine ? Mystère…

      • Mals'Foeroad dit :

        [Je ne partage pas votre analyse. Je trouve au contraire que ces plaintes confondent allègrement les hommes et l’institution. ]
         
        Oui c’est ce que je voulais exprimer avec mon message en disant que ces « avocats valident votre analyse ». Leur confusion entre hommes et institutions illustre bien ce que vous écrivez dans votre billet : « Je pense qu’il y a dans ce débat une confusion fondamentale qu’il faut éviter. Celle qui consiste à mettre dans un même panier les institutions et les personnes qui les intègrent et/ou les incarnent. »
        C’est pour cela que je soulignais le passage « quand il dit qu’il ne pliera pas “face au mensonge, au complot et à l’insulte” (DES JUGES, POUR LES SIGNATAIRES, NDLR). ». Les plaignants parlent d’une attaque contre la justice mais disent explicitement que, selon eux, les insultes dont parle Sarkozy vient des juges et non de la justice.
        Bref je n’ai pas été clair, je ne voulais pas dire que ces avocats sont en accords avec vos propos, mais qu’ils sont un bon exemple de vos propos.
         
        [Il est d’ailleurs drôle de voir des avocats plutôt classés « à gauche » reprendre une procédure… qui avait été utilisée par les antidreyfusards pour chercher à faire taire Emile Zola. Il faut ici rappeler que l’article « j’accuse » donna lieu à un procès contre l’écrivain pour avoir remis en cause une décision de justice. Dans le long article, seuls sont retenus par l’accusation les paragraphes mettant en cause les décisions des conseils de guerre, tribunaux militaires… J’imagine déjà les avocats défenseurs de Sarkozy en faire l’exégèse devant un tribunal. ]
         
        C’est drôle en effet, mais cette réaction antidreyfusarde n’est pas nouvelle à gauche. Je me souviens des propos de Marie-George Buffet et autres associations féministes lorsque les poursuites contre DSK furent abandonnées dans l’affaire du Sofitel. D’après ces gens il s’agissait d’un coup porté à la justice et à la parole des femmes, sous-entendu qu’il fallait sacrifier l’accusé pour la cause, et peu importe si le procureur ne pensait pas qu’il y ait de quoi le faire condamner. En son temps, Dreyfus a lui aussi eu affaire à des gens qui, tout en sachant qu’il était innocent, voulait le sacrifier pour l’honneur de l’armée.
         
        [Alors pourquoi tant de gens le poursuivent de leur haine ? Mystère…]
         
        Cela me donne l’impression d’une ferveur militante qui, ayant renoncé à agir sur le réel, s’échine à lutter pour des symboles. Un ancien Président en prison, ça ne changera rien à la vie, mais j’imagine que c’est un triomphe pour certains.
         

        • Descartes dit :

          @ Mals’Foeroad

          [« Je ne partage pas votre analyse. Je trouve au contraire que ces plaintes confondent allègrement les hommes et l’institution. » Oui c’est ce que je voulais exprimer avec mon message en disant que ces « avocats valident votre analyse ».]

          Pardon, j’avais mal compris votre propos.

          [C’est drôle en effet, mais cette réaction antidreyfusarde n’est pas nouvelle à gauche. Je me souviens des propos de Marie-George Buffet et autres associations féministes lorsque les poursuites contre DSK furent abandonnées dans l’affaire du Sofitel. D’après ces gens il s’agissait d’un coup porté à la justice et à la parole des femmes, sous-entendu qu’il fallait sacrifier l’accusé pour la cause, et peu importe si le procureur ne pensait pas qu’il y ait de quoi le faire condamner. En son temps, Dreyfus a lui aussi eu affaire à des gens qui, tout en sachant qu’il était innocent, voulait le sacrifier pour l’honneur de l’armée.]

          Oui, je me souviens de l’intervention de Marie-George Buffet, que j’avais trouvé surréaliste. Mais elle illustre assez bien la tendance à la sacralisation du juge – qui conduit fatalement à sa politisation. On voit se multiplier les situations où l’on cherche à gagner dans les prétoires les combats qu’on a perdu devant les citoyens.

          [« Alors pourquoi tant de gens le poursuivent de leur haine ? Mystère… » Cela me donne l’impression d’une ferveur militante qui, ayant renoncé à agir sur le réel, s’échine à lutter pour des symboles.]

          Je n’y avais pas pensé, mais je trouve votre remarque juste. Effectivement, on voit les combats se déplacer du terrain du réel vers le terrain symbolique. Ainsi, par exemple, la constitutionnalisation du droit à l’avortement présentée comme une « grande victoire » alors que ses effets sur le réel sont nuls. La gauche a renoncé à changer la vie, et se contente de changer les textes.

  3. MJJB dit :

    Difficile de ne pas voir, dans ce qui est décrit ici, une hostilité principielle des classes dirigeantes contre toute forme de démocratie réelle.
     
    Et je parle ici des classes dirigeantes dans leur ensemble. La prise de pouvoir des juges a été encouragée par le pouvoir politique, comme l’a très justement rappelé Arnaud Montebourg :
     

    La décision [il s’agit de “l’arrêt Nicolo“], largement relayée dans la presse, a été saluée par la majorité et par le Premier ministre en personne, Michel Rocard, qui écrit une lettre personnelle à Marceau Long [vice-président du Conseil d’État] le 13 novembre 1989 « l’importance pour l’Europe de votre décision historique, symbole le plus tangible de l’engagement de la France dans la construction de l’Europe, sentiments amicalement dévoués ».

     
    L’important, c’est de s’assurer que, d’une manière ou d’une autre, le populo n’aura plus son mot à dire. Il est remarquable de constater que les combinations juridico-européistes ont à ce point réussi, là où les tentatives totalitaires des années 1930 et 1940 d’en finir avec la démocratie (Italie, Allemagne) avaient échoué d’une manière pour le moins retentissante. Mais, comme disait mon grand-père, “Chauffe un marron, ça l’fait péter”…

    • Descartes dit :

      @ MJJB

      [« Difficile de ne pas voir, dans ce qui est décrit ici, une hostilité principielle des classes dirigeantes contre toute forme de démocratie réelle. » Et je parle ici des classes dirigeantes dans leur ensemble.]

      Tout part de là. La démocratie bourgeoise est un mécanisme de gestion du rapport de forces réel, de manière que celui-ci n’apparaisse pas à nu. Pour cela, les classes dominantes acceptent de se soumettre aux décisions issues d’un processus où, du moins formellement, le nombre pèse plus lourd que le poids économique. Cela leur permet de présenter l’ordre des choses comme légitime, et de s’éviter le coût très important d’un fonctionnement au rapport de forces, beaucoup moins efficace du point de vue économique.

      Mais les classes dominantes n’acceptent les résultats de ce processus que pour autant que ceux-ci ne s’éloignent pas trop de ceux qu’ils pourraient obtenir en jouant du rapport de forces. Dans le cas contraire, les classes dominantes évaluent le coût d’une rupture de l’ordre démocratique – ou de son affaiblissement – comparé à celui d’accepter des mesures décidées par la majorité contre leurs intérêts. Dans certains pays, ce calcul aboutit au renversement des gouvernements démocratiques et leur remplacement par une dictature. Chez nous, le coût d’une telle mesure serait trop important, et on préfère donc garder l’habillage démocratique en le vidant de tout pouvoir réel. Et c’est ce qui nous arrive aujourd’hui. On le voit bien d’ailleurs : les classes dominantes cherchent depuis quelques décennies à faire avaler aux citoyens des politiques dont ils ne veulent pas, et pour ce faire on a recours de plus en plus à des techniques de contournement de la volonté démocratique, soit en confiant la décision à des organismes non soumis au contrôle démocratique, soit en contournant directement le vote.

      • Bob dit :

        @ Descartes
         
        [les classes dominantes cherchent depuis quelques décennies à faire avaler aux citoyens des politiques dont ils ne veulent pas]
         
        Et malheureusement, elles y arrivent.
         
        [soit en contournant directement le vote.]
         
        Qu’avez-vous en tête ?

        • Descartes dit :

          @ Bob

          [“soit en contournant directement le vote.” Qu’avez-vous en tête ?]

          Je pensais à l’origine au traité de Lisbonne, mais les palinodies de notre président pour ne pas tenir compte du vote des Français en 2024 illustrent aussi ce propos…

  4. Carloman dit :

    @ Descartes,
     
    [Et la réputation de la justice en souffre chaque fois qu’un juge excède son mandat ou sort de son rôle sans que l’institution ne corrige ces excès.]
    Je suis d’accord. Mais dans l’affaire Sarkozy, le juge a-t-il excédé son mandat? Si c’est le cas, il faut expliquer pourquoi. Si ce n’est pas le cas, évitons d’en faire un exemple de l’hubris des juges…
     
    Ce qui me gêne – un peu – dans votre article, c’est que vous dites que vous ne vous prononcez pas sur le verdict qui a été énoncé contre Nicolas Sarkozy… mais, “en même temps”, toute la démonstration de votre papier tend à montrer qu’il y a au fond d’excellentes raisons de regarder ledit verdict avec une certaine suspicion. Le procédé me laisse perplexe. Pardon, mais, sans vouloir vous offenser, vous donnez l’impression d’avoir écouté avec une certaine complaisance les gens qui estiment que ce verdict est scandaleux. Et les gens qui dénoncent ce verdict ont-ils des intentions plus louables que celles qu’ils attribuent – un peu hâtivement je trouve – aux juges? 
     
    A titre personnel, j’ai écouté à plusieurs reprises Henri Guaino sur la question. C’est un homme que j’écoute toujours avec une très grande attention, avec la même attention que je lis, pèse et soupèse chaque mot que vous écrivez. Et je dois dire qu’il ne m’a pas convaincu. L’argument “condamner un ancien président donne une image désastreuse de la France” n’est tout simplement pas recevable, mais ce n’est pas l’argument principal de Guaino. La théorie selon laquelle “c’est la politique extérieure de Nicolas Sarkozy qui a été jugée” est aussi très discutable: peut-on reprocher aux juges d’avoir regardé les actes de Sarkozy président pour tenter d’y déceler une contrepartie à un éventuel financement libyen? Si on ne permet pas aux juges de faire ce travail, on s’interdit quand même d’aller au fond du dossier… L’argument selon lequel “les juges ont relaxé Nicolas Sarkozy pour les autres chefs d’accusation” est étrange: Sarkozy a été relaxé faute de preuve et d’éléments suffisants selon la règle qui est que “le doute doit bénéficier à l’accusé”, et s’il est condamné pour l’association de malfaiteurs, c’est que les juges ont estimé qu’il y avait assez d’éléments pour le faire. Quant à l’absence de preuve… oui, on n’a pas retrouvé un mot de ce type: “je soussigné Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa atteste avoir négocié un financement illégal de plusieurs millions d’euros avec M. Mouammar Khadafi, sanguinaire guide de la Révolution de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste”. Parce que c’est de ça dont parle Henri Guaino quand il parle de “preuve matérielle”. En revanche, il semble bien qu’il y ait un faisceau d’indices concordants sur l’association de malfaiteurs. Et Nicolas Sarkozy n’est pas le premier à être condamné sur la base d’un faisceau d’indices concordants. Alors ce faisceau d’indices était-il suffisant pour prononcer une condamnation? Je ne sais pas, mais laisser entendre que les juges auraient pu commettre un “excès” en le considérant me paraît très discutable.
     
    Le seul point sur lequel je suis d’accord avec Henri Guaino, c’est la peine de prison à exécution quasi-immédiate. Là, je pense en effet que les juges prennent un risque, et si Sarkozy est relaxé en appel, ils seront accusés de l’avoir envoyé en prison pour rien, ou plutôt pour avoir cherché à l’humilier gratuitement… J’ai pourtant l’impression qu’ils sont conscients du problème et ils ont tenu à motiver leur décision, il me semble.
     
    Ensuite, tout le monde dit “les juges, les juges”, mais il ne faudrait quand même pas oublier que les juges en question ont en fait suivi, de ce que je comprends, les conclusions des enquêteurs, qui eux n’étaient pas des juges, et qui ont travaillé sur ce dossier de longues années. Les gens qui disqualifient la décision judiciaire en quelques minutes oublient un peu vite le très gros travail mené par les enquêteurs. On ne saurait parler dans cette affaire de justice expéditive. 
     
    Je partage l’esprit de votre texte ainsi que l’inquiétude que vous exprimez envers une extension du pouvoir des juges, qui finit par empiéter sur la souveraineté du peuple. De même je suis d’accord avec vous pour dire qu’on peut respecter l’institution et critiquer une décision prise par les juges. Mais il ne faudrait pas non plus tomber dans l’excès inverse, et considérer que, parce que certains mauvais juges rendent de mauvais jugements, TOUS les juges sont a priori susceptibles d’outrepasser leurs fonctions. S’il est avéré que Nicolas Sarkozy a été condamné sans raison, c’est très grave. Mais, en soi, condamner Sarkozy ou n’importe quel autre ancien président n’est pas un crime de lèse-majesté. Je le dis parce que j’entends cet argument, “Ah, quand même, condamner un ancien président!”.
     
    [De Gaulle : C’est de la rigolade ! Vous avez déjà vu un grand pays s’engager à rester couillonné, sous prétexte qu’un traité n’a rien prévu pour le cas où il serait couillonné ? Non ! Quand on est couillonné, on dit : “Je suis couillonné. Eh bien, voilà, je fous le camp !”]
    Oui. Un “grand pays”… Mais la France de Macron est-elle un “grand pays”? Elle n’en donne pas l’impression.

    • Descartes dit :

      @ Carloman

      [« Et la réputation de la justice en souffre chaque fois qu’un juge excède son mandat ou sort de son rôle sans que l’institution ne corrige ces excès. » Je suis d’accord. Mais dans l’affaire Sarkozy, le juge a-t-il excédé son mandat ? Si c’est le cas, il faut expliquer pourquoi. Si ce n’est pas le cas, évitons d’en faire un exemple de l’hubris des juges…]

      Je suis désolé si je n’ai pas été clair. Comme je l’ai écrit, je ne sais pas si les juges se sont ou non excédés dans leur jugement à propos de Sarkozy. Le sujet de mon papier n’est pas le sort de Sarkozy, c’est la tendance d’une partie de l’opinion à sacraliser les juges. Que le juge ait ou non excédé ses fonctions est finalement secondaire. Ce que je dis, c’est que Sarkozy (ou n’importe quel autre condamné) a le droit de le soutenir sans se voir accusé de « séditieux ». Vous noterez par ailleurs que la sacralisation des juges est a géométrie variable : quand Jacqueline Sauvage a été condamnée, ceux là même qui vont les vierges effarouchées ne se sont pas privés de critiquer la décision de la cour.

      Je pense par contre que dans leur sentence, les juges ont excédé clairement leur mandat. Rien ne justifie l’exécution provisoire de la peine, compte tenu des garanties de représentation du condamné. Comme dans l’affaire Le Pen, cette exécution provisoire vide de son sens le principe de double juridiction.

      [Ce qui me gêne – un peu – dans votre article, c’est que vous dites que vous ne vous prononcez pas sur le verdict qui a été énoncé contre Nicolas Sarkozy… mais, “en même temps”, toute la démonstration de votre papier tend à montrer qu’il y a au fond d’excellentes raisons de regarder ledit verdict avec une certaine suspicion.]

      Absolument pas. Je pense que vous m’avez mal lu. Mon article critique les discours qui tendent à faire échapper les actes du juge à toute critique. Je ne prends pas position sur le fait de savoir si les critiques envers le tribunal qui a condamné Sarkozy sont ou non justifiées. Ce que je dis, c’est que même si elles ne le sont pas, il a le droit de mettre sur la place publique cette question.

      [A titre personnel, j’ai écouté à plusieurs reprises Henri Guaino sur la question. (…)]

      Dans cette affaire, je partage vos critiques. Comme je suis charitable, je dirai que je pense que Guaino s’est laissé aveugler par son amitié personnelle envers Sarkozy. Il a raison de dire que la condamnation d’un ancien président donne une image désastreuse de notre pays, mais cela ne justifie pas à mon avis qu’on accorde aux anciens présidents une immunité générale.

      [Le seul point sur lequel je suis d’accord avec Henri Guaino, c’est la peine de prison à exécution quasi-immédiate. Là, je pense en effet que les juges prennent un risque, et si Sarkozy est relaxé en appel, ils seront accusés de l’avoir envoyé en prison pour rien, ou plutôt pour avoir cherché à l’humilier gratuitement… J’ai pourtant l’impression qu’ils sont conscients du problème et ils ont tenu à motiver leur décision, il me semble.]

      Leur motivation me semble particulièrement faible. L’exécution provisoire a été pensée pour le cas des délinquants dont on peut penser qu’ils chercheront à se soustraire à l’exécution de leur peine, ou qu’ils pourraient profiter de l’intervalle entre le jugement et l’appel pour faire disparaître des preuves ou faire pression sur les témoins, ou encore qu’ils pourraient commettre la même infraction. Aucun de ces éléments n’est vraisemblable. Alors je tribunal justifie l’exécution provisoire par « la gravité du délit ». Ce n’est pas très sérieux…

      [Ensuite, tout le monde dit “les juges, les juges”, mais il ne faudrait quand même pas oublier que les juges en question ont en fait suivi, de ce que je comprends, les conclusions des enquêteurs, qui eux n’étaient pas des juges, et qui ont travaillé sur ce dossier de longues années. Les gens qui disqualifient la décision judiciaire en quelques minutes oublient un peu vite le très gros travail mené par les enquêteurs. On ne saurait parler dans cette affaire de justice expéditive.]

      Je ne dis pas le contraire. Ce que je dis, c’est que le magistrat est un fonctionnaire comme un autre, et que ses actes n’échappent donc pas à l’examen des citoyens. On doit pouvoir critiquer les agissements du juge sans pour autant être accusé de porter atteinte à la démocratie. Je vous vais noter que si l’on n’avait pas critiqué publiquement les juges, Dreyfus serait mort à l’Ile du Diable.

      [Je partage l’esprit de votre texte ainsi que l’inquiétude que vous exprimez envers une extension du pouvoir des juges, qui finit par empiéter sur la souveraineté du peuple. De même je suis d’accord avec vous pour dire qu’on peut respecter l’institution et critiquer une décision prise par les juges. Mais il ne faudrait pas non plus tomber dans l’excès inverse, et considérer que, parce que certains mauvais juges rendent de mauvais jugements, TOUS les juges sont a priori susceptibles d’outrepasser leurs fonctions.]

      Je suis d’accord. Mais ce principe devrait s’appliquer à tout agent public, ne trouvez-vous pas ? On a le droit de remettre en cause publiquement les actes d’un professeur, d’un préfet, d’un ministre, d’un maire. Pourquoi pas ceux du juge ? Pourquoi devraient-ils bénéficier d’une présomption de compétence et de probité supérieure aux autres ?

      Ce scrutin est d’autant plus nécessaire vis-à-vis des juges qu’ils sont le seul corps dont les décisions ne sont soumises à rectification par une autorité extérieure. Les actes d’un professeur, d’un préfet, d’un ministre, d’un maire sont soumis à un contrôle extérieur. Mais seul un juge peut réviser la décision d’un autre juge…

      [S’il est avéré que Nicolas Sarkozy a été condamné sans raison, c’est très grave.]

      Très grave, oui. Mais qui en prendra la responsabilité ? Si un professeur, un préfet, un ministre, un maire commettent une faute, leur responsabilité est mise en cause. Pas celle du juge. Cela pose quand même un sérieux problème.

      [Mais, en soi, condamner Sarkozy ou n’importe quel autre ancien président n’est pas un crime de lèse-majesté. Je le dis parce que j’entends cet argument, “Ah, quand même, condamner un ancien président!”.]

      Je suis d’accord.

      [Oui. Un “grand pays”… Mais la France de Macron est-elle un “grand pays”? Elle n’en donne pas l’impression.]

      Je ne sais pas ce que c’est que « la France de Macron ». Disons qu’elle est aussi « grande » que lorsque Lebrun ou McMahon étaient présidents… Pour moi, les dirigeants passent, la France demeure. Ce n’est pas le président de la République qui rend la France grande, c’est vous, c’est moi, ce sont tous ceux qui travaillent pour qu’elle le soit. La grandeur ne se donne qu’à ceux qui l’ont rêvée, comme disait l’autre…

      • Bob dit :

        @ Carloman 
         
        [Et je dois dire qu’il [Henri Guaino] ne m’a pas convaincu.]
         
        Tout pareil. C’est rare que je trouve les analyses de Guaino “à côté de la plaque”, ici, c’est le cas.
         
         
        @ Descartes
         
        [je dirai que je pense que Guaino s’est laissé aveugler par son amitié personnelle envers Sarkozy.]
         
        C’est exactement la réflexion qui m’est venue en l’écoutant.
         
        [Il a raison de dire que la condamnation d’un ancien président donne une image désastreuse de notre pays]
         
        Je ne suis pas d’accord, je ne vois pas en quoi cela nuit à l’image de la France. D’abord, cela montre que la justice peut sanctionner même d’anciens puissants. De même que l’Université n’est pas le professeur, la France n’est pas Sarkozy.
        Cela montre seulement qu’un ancien président a commis – si l’on retient le verdict – des actes répréhensibles. Qu’il soit condamné pour cela à mon sens ne nuit aucunement à “l’image de la France”, plutôt le contraire.
        Lorsque le président coréen est condamné pour actes séditieux, je ne trouve nullement que cela nuise à l’image de la Corée.
         
        [Si un professeur, un préfet, un ministre, un maire commettent une faute, leur responsabilité est mise en cause. Pas celle du juge. Cela pose quand même un sérieux problème.]
         
        Oui. Comment y remédier ? Avez-vous des pistes ?
         
         

        • Descartes dit :

          @ Bob

          [« Il a raison de dire que la condamnation d’un ancien président donne une image désastreuse de notre pays » Je ne suis pas d’accord, je ne vois pas en quoi cela nuit à l’image de la France. D’abord, cela montre que la justice peut sanctionner même d’anciens puissants. De même que l’Université n’est pas le professeur, la France n’est pas Sarkozy.]

          Oui et non. Le fait que dans notre système démocratique un homme entrant dans un pacte de corruption puisse accéder à la magistrature suprême et l’exercer pendant cinq ans sans que ce pacte soit révélé pose tout de même un sérieux problème d’image. On aimerait au contraire croire que nous vivons dans un pays où les procédures sont suffisamment sérieuses pour détecter ce genre de comportements à la racine.

          [Cela montre seulement qu’un ancien président a commis – si l’on retient le verdict – des actes répréhensibles. Qu’il soit condamné pour cela à mon sens ne nuit aucunement à “l’image de la France”, plutôt le contraire.]

          Cela met en lumière le fait qu’un individu potentiellement corrompu par une puissance étrangère a exercé pendant cinq ans la magistrature suprême sans que cela soit détecté. C’est quand même, du point de vue de l’image, un coup sérieux.

          [Lorsque le président coréen est condamné pour actes séditieux, je ne trouve nullement que cela nuise à l’image de la Corée.]

          C’est très différent. Là, le président commet l’acte repréhensible, il est écarté du pouvoir et condamné. L’homme est remis en cause, pas l’institution. Si l’acte séditieux n’avait pas été détecté, qu’il avait porté ses fruits, et que le président avait pu terminer son mandat, ce serait beaucoup plus grave.

          [« Si un professeur, un préfet, un ministre, un maire commettent une faute, leur responsabilité est mise en cause. Pas celle du juge. Cela pose quand même un sérieux problème. » Oui. Comment y remédier ? Avez-vous des pistes ?]

          Il n’y a pas de solution miracle. Certains proposent de rendre les juges responsables, soit en rendant plus simples les poursuites disciplinaires, soit en les soumettant à l’élection. Je pense que les deux solutions sont très mauvaises, parce que le remède risque d’être pire que le mal, en poussant les juges à l’obséquiosité soit envers l’autorité politique, soit envers l’opinion publique. Non, je pense que c’est là une faiblesse inhérente à la position du juge. Et le seul remède, à mon sens, c’est l’éducation des citoyens, pour mettre le juge – et l’autorité judiciaire en général – à sa juste place, ni trop haute, ni trop basse. Et cela inclue de la part des autres pouvoirs une défense de leurs prérogatives et d’arrêter de se tirer des balles dans le pied. Lorsqu’un législateur défère un texte au Conseil constitutionnel pour se procurer un avantage politique, il scie la branche sur laquelle il est assis.

          • Bob dit :

            @ Descartes
             
            [On aimerait au contraire croire que nous vivons dans un pays où les procédures sont suffisamment sérieuses pour détecter ce genre de comportements à la racine.]
             
            Je n’avais pas compris que pour vous “cela nuit à l’image de la France” parce que la culpabilité de Sarkozy a été detectée, et jugée, trop tard, des années après qu’il a quitté le pouvoir ; j’avais compris que condamner un ancien président est l’acte qui nuisait à l’image de la France.
            Je suis de votre avis, en fait. 

  5. P2R dit :

    @ Descartes
     
    Pas grand chose à ajouter sur ce billet. Merci pour cette analyse.
    Par ailleurs je viens de lire le discour de Lecornu, quelle horreur.. quel charabia, quelle approximation dans la langue.. ça me rends triste. dire que vous comptiez sur lui pour la rupture… eh bien, en un sens, il a rompu !
     
    Affaire à suivre, j’espère vraiment que Macron aura l’honneur de démissionner plutôt que de dissoudre. Les institutions sont trop abîmées pour qu’on puisse prendre le risque à la fois de retrouve une assemblée ingouvernable et d’hypothéquer la possibilité pour le prochain président de dissoudre…

    • Descartes dit :

      @ P2R

      [Par ailleurs je viens de lire le discour de Lecornu, quelle horreur.. quel charabia, quelle approximation dans la langue.. ça me rends triste.]

      C’est, en effet, attristant. Pas un politicien aujourd’hui n’essaye de parler pour l’histoire.

      [dire que vous comptiez sur lui pour la rupture… eh bien, en un sens, il a rompu !]

      Je dois dire que je suis un peu atterré par l’incapacité des politiciens issus de la macronie de “tuer le père”. Macron est une étoile morte, et on dirait qu’ils ont tous peur de devoir se passer de sa lumière.

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