Macron doit partir !

« Lorsque vous faites usage de la force, il est une chose à ne jamais faire : perdre. » (Dwight Eisenhower)

Rien à faire, même lorsqu’on essaye de prendre de la hauteur, le chroniqueur est un peu l’esclave de l’actualité. Et l’actualité va vite, très vite. Mais elle tourne en rond, ce qui fait qu’on avance très lentement, si tant est qu’on avance vraiment dans ce qui ressemble plutôt à du mouvement brownien – pour ceux qui ont des lettres – ou au comportement d’un poulet sans tête – pour les autres.

Mes lecteurs se souviendront que j’avais accueilli la nomination de Sébastien Lecornu avec un certain optimisme. Après la morgue aristocratique de Barnier et l’imbécilité retorse de Bayrou, on avait finalement un premier ministre conscient du besoin d’une « rupture » et disposé à entendre les forces politiques et sociales. Et ses premiers pas m’ont semblé justifier cet optimisme : rompant avec ses prédécesseurs, il a beaucoup écouté et très peu parlé, ce qui est toujours un bon signe. Il a reçu l’ensemble des partis politiques sans exclusives, l’ensemble des acteurs sociaux sans proscriptions. Il n’a rien annoncé et rien exclu.

Et puis, patatras, le naturel macroniste, chassé un instant, est revenu au galop. Ce fut d’abord le « recadrage » maladroit par lequel le premier ministre, après deux semaines de dialogue, a annoncé que finalement on continuait comme avant. Pas de remise en cause de la réforme des retraites, pas de taxe Zucman, et un budget qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celui que s’apprêtait à déposer Bayrou. Même si le premier ministre laissait la porte ouverte à la discussion parlementaire, même s’il s’engageait à ne pas utiliser l’article 49.3 et de laisser donc le débat aller au bout, cela avait un fort parfum de déjà-vu.

Et puis, il y a eu la « feuille de route », cette lettre que Sébastien Lecornu, que le premier ministre a fait parvenir aux partis du « bloc central » et aux Républicains. Lorsque j’ai vu le texte, mon optimisme a totalement disparu. Pourquoi ? Prenez par exemple le cinquième paragraphe : « Le président de la République a nommé Sébastien Lecornu, Premier ministre, dans ce moment important pour, entre autres priorités, doter la France d’un budget pour l’année 2026 ». Ou bien le huitième : « Partant des échanges que le Premier ministre a eus avec les forces syndicales, territoriales et politiques (….) ». Ou bien encore l’avant-avant-dernier paragraphe : « Il reviendra au gouvernement d’être fidèle à ses engagements vis-à-vis de vous, députés et sénateurs du socle commun (…). Le Premier ministre s’en portera garant ».

Rien ne vous frappe dans ces formules ? Je vous rappelle qu’il s’agit d’un texte en théorie écrit par – ou du moins sous la direction – du Premier ministre. Et pourtant, il dit « le président a nommé Sebastien Lecornu », et non pas « le président m’a nommé ». Il parle « des échanges que le Premier ministre a eus » et non pas « des échanges que j’ai eus ». Il écrit « le Premier ministre s’en portera garant » et non pas « je m’en porte garant ». Autrement dit, l’auteur de ce texte parle du Premier ministre à la troisième personne. La question se pose donc de savoir qui est le vrai auteur de ce texte. D’un texte  qui apparaît plus comme des instructions données publiquement au Premier ministre qu’un engagement de celui-ci. Et poser la question, c’est y répondre.

Emmanuel Macron a encore frappé. C’est l’Elysée qui a réduit la « rupture » annoncée par son premier ministre à néant. Petit à petit, Lecornu a compris que le président n’accepterait aucun changement de trajectoire. Qu’il n’était en fait mandaté que pour « empapaouter » les socialistes – le mot est de l’un de leurs dirigeants – comme l’avait fait Bayrou pour faire passer un budget de continuité. La goutte qui a fait déborder le vase fut la composition du gouvernement. Il suffit de passer en revue ce musée des horreurs pour constater que rien n’allait changer. Entre les revenants et les maintenus, pas de place pour la moindre nouveauté. Qui pouvait imaginer qu’Amélie de Montchalin au budget, Lescure à l’économie, Darmanin à l’intérieur pouvaient incarner une forme de « rupture » ? Même les centristes ont trouvé que les fidèles du président trustaient les places. Sans compter avec les nominations confinant à la provocation, comme celle de Bruno Le Maire, symbole s’il en est de mauvaise gestion et du « recasage » des copains.

Que pouvait-on supputer à la lecture de la « feuille de route » ? Qu’est ce qui apparaissait comme une évidence à l’annonce de la composition du gouvernement ? Que Sébastien Lecornu n’avait pas pu, ou n’avait pas voulu, rompre avec Macron et le macronisme. L’eût il fait, qu’il aurait peut-être réussi à tirer son épingle du jeu, avec le soutien d’une Assemblée dans laquelle le seul élément qui pourrait constituer une majorité est la détestation du Président. Et s’il avait échoué, il aurait au moins emporté au paradis la fierté d’avoir essayé. Mais en restant jusqu’au bout un « homme du président » il a été pris, malgré toute sa bonne volonté, malgré ses qualités personnelles, dans la contradiction qui paralyse nos institutions de 2022 :  celle créée par un président dont le projet a été rejeté par la nation mais qui se refuse d’en tirer les conséquences, soutenu par un « bloc central » convaincu qu’il peut s’appuyer sur l’atomisation du spectre politique et sur les ficelles institutionnelles pour continuer à gouverner le pays comme si de rien n’était. Un « bloc central » qui appelle le reste du spectre politique au « compromis » et à la « responsabilité », étant entendu que le seul « compromis » acceptable est le soutien à ses politiques et que la « responsabilité » consiste à ne pas y faire obstacle. Tant qu’Emmanuel Macron sera là, tant qu’il n’y aura pas un Brutus pour le poignarder – symboliquement, s’entend – la paralysie demeurera (1).

Ceux de mes lecteurs qui suivent régulièrement ce blog savent qu’on peut difficilement m’accuser d’être un va-t’en guerre en matière institutionnelle. Ce serait plutôt le contraire : je suis au fond de moi un conservateur en la matière. J’ai toujours pensé que les institutions sont les « masses de granit » qui permettent à une société de fonctionner sans tomber dans une guerre de tous contre tous. C’est pourquoi, paraphrasant un grand juriste français, j’hésite à toucher aux institutions autrement qu’avec les mains tremblantes.

Mes lecteurs seront donc peut-être étonnés de me voir joindre ma voix à celles qui demandent le départ d’Emmanuel Macron. Car pour beaucoup de commentateurs la démission d’un président de la République en cours de mandat ne peut qu’affaiblir l’institution présidentielle, clé de voute de notre système politique. Il y en a même pour qui un tel départ sonnerait le glas de la Vème République et ouvrirait la voie à une VIème dont on devine mal les contours.

Personnellement, je ne partage pas ce diagnostic. Je reprends ici la distinction que j’ai faite dans un papier précédent entre l’institution et l’homme qui l’incarne. Lorsque l’homme en question n’est pas à la hauteur de ses fonctions, lorsque sa présence empêche à l’institution de fonctionner, c’est sa permanence qui affaiblit l’institution, et c’est son départ qui la renforce. On peut ici convoquer sans crainte l’histoire. Est-ce que la démission de De Gaulle en 1969, alors que l’impulsion qui lui avait permis de gouverner la France depuis 1958 s’était tarie, a affaibli l’institution présidentielle, ou plus largement les institutions de la Vème ? Non, pas vraiment. Au contraire. Ces institutions, que certains pensaient faites par et pour De Gaulle, ont pu montrer leur capacité à fonctionner sans lui. La démission de mongénéral n’a pas provoqué une crise institutionnelle : conformément à la Constitution, le président du Sénat a exercé l’intérim, les Français ont été appelés aux urnes, des candidats ont pu présenter leurs projets, le vote a tranché et un nouveau président a été élu, dont la légitimité n’a d’ailleurs jamais été contestée.

Nous sommes aujourd’hui dans une situation de blocage institutionnel. Nous avons un président qui porte une vision, qui veut une politique que le pays a rejetée sans ambigüité. Ce rejet a été occulté en partie par le recours tactique de transformer chaque élection en un plébiscite pour ou contre le Rassemblement national. C’est avec ce recours que Macron a pu se faire réélire en 2022, et que le « bloc central » a évité une débâcle en 2024. A chacune de ces élections, on a pu voir le rejet de la vision macronienne être de plus en plus large. Et pourtant, le président refuse catégoriquement d’en tirer les conséquences : malgré ce rejet clairement exprimé, ce sont toujours les mêmes hommes qui sont en place. Et ils prétendent continuer avec les mêmes politiques.

On peut difficilement faire ici abstraction de la psychologie de notre président. Il ne faut pas oublier que c’est un homme qui n’a jamais connu une défaite. Il lui a fallu attendre d’être installé à l’Elysée pour se prendre sa première grande baffe. Il appartient par ailleurs à une génération qui a du mal à gérer la frustration. Il est par ailleurs un séducteur, qui a besoin presque pathologiquement d’être aimé. Est-il capable de se résigner, comme Mitterrand ou Chirac, au fait que le pays ne veut pas de lui ? Il semble que non. Rejeté par le peuple, il arrive à se convaincre qu’il a raison contre lui.

Ce faisant, Emmanuel Macron trahit le rôle que la Constitution confère au président. Parce qu’il faut rappeler que la mission du président n’est pas de « déterminer et conduire la politique de la nation ». Ça, c’est la compétence du Premier ministre. Non, comme le précise l’article 5 de la Constitution, « Le président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État ». C’est pour cette raison que la Constitution limite en temps normal ses pouvoirs purement aux questions institutionnelles : il nomme le Premier ministre et les membres du gouvernement, ainsi que les emplois supérieurs de l’Etat, il peut dissoudre l’Assemblée, il signe les ordonnances… et c’est à peu près tout. Lorsqu’il s’agit de faire un choix de politique publique, la Constitution ne lui donne pas voix au chapitre.

Mais Macron est depuis longtemps sorti du rôle d’arbitre pour endosser en permanence celui du chef de parti. Pire, dans la logique égo-politique, il EST le parti. Depuis 2017 il a couvert de son autorité des actes qui, s’ils respectent la lettre de la Constitution, en trahissent clairement son esprit. En désignant des premiers ministres mandatés pour continuer la même politique sachant qu’ils seraient confrontés à une Assemblée qui veut du changement, il a sacrifié le « fonctionnement régulier des pouvoirs publics ». Cette attitude a détruit la confiance des citoyens et crispé les oppositions à un point tel qu’il n’est plus crédible dans le rôle d’arbitre. Et cette perte de crédibilité de l’homme finira tôt ou tard par corroder la crédibilité de l’institution qu’il incarne.

Nos institutions sont construites sur l’idée que lorsque le peuple a parlé, il ne reste au président qu’à se soumettre ou se démettre, sans quoi le système serait paralysé. De Gaulle avait préféré se démettre, Mitterrand et Chirac de se soumettre en acceptant plus ou moins loyalement de cohabiter avec un gouvernement en rupture avec leurs propres convictions. Macron refuse cette option, comme si le peuple ne s’était pas exprimé. Ce faisant, il menace tout l’équilibre institutionnel.

Les résultats des législatives de 2024, transformées de facto en plébiscite, nous disent qu’il n’y a pas de majorité pour mettre en œuvre le projet du RN. Mais elles ne nous donnent aucune indication sur le sens dans lequel les citoyens voudraient voir le pays s’engager. Et sans un mandat clair des citoyens, difficile de trancher les grandes questions qui se posent au pays. Il nous faut collectivement décider ce que nous voulons pour notre industrie, nos infrastructures, notre système éducatif, notre appareil de protection sociale, notre sécurité, notre défense. Et ces décisions nécessitent un véritable débat. Or, ce débat est impossible dans une Assemblée qui n’a reçu du peuple d’autre mandat que d’empêcher l’arrivée au pouvoir du RN, et encore plus chez des citoyens qui ont perdu confiance dans les élites politiques pour mettre en œuvre ce qu’ils auront décidé.

Ce débat, tous les commentateurs sont d’accord, ne peut avoir lieu aujourd’hui. Il ne peut pas avoir lieu parce que les gouvernements sont trop occupés à survivre, et que dans une Assemblée sans mandat sa survie est liée à sa capacité à acheter des voix à gauche et à droite en cherchant à satisfaire les marottes des uns sans perdre les autres. Les déclarations de Sébastien Lecornu renonçant à l’utilisation de l’article 49.3 de la constitution pour faire passer les textes législatifs en général et la loi de finances en particulier reflètent cette situation. Avec une telle logique, impossible d’aboutir à un programme budgétaire cohérent sans une majorité de projet. Dans une Assemblée morcelée, on aurait abouti à un budget qui aurait été le fruit de l’empilement des revendications des uns et des autres, votées par des majorités changeantes au gré des négociations de couloir. Les lobbyistes de tout poil se frottent déjà les mains : comme le montre le précédent de la IVème République, le retrait du pouvoir du gouvernement de discipliner les débats leur ouvre toutes les possibilités (2).

Le débat sur les options que doit prendre notre pays ne peut avoir lieu aujourd’hui parce que les citoyens n’ont plus confiance dans celui qui doit créer les conditions pour qu’il puisse avoir lieu. Ils n’ont pas confiance parce que, quelles que soient ses protestations d’écoute aujourd’hui, ils ont pu constater combien le personnage en question a pu ignorer la parole du peuple quand elle ne va pas dans son sens. Le véritable débat, nous dit-on, attendra l’élection présidentielle. Ce qui suppose, dans le calendrier d’aujourd’hui, de traîner la patte jusqu’en 2027. Deux longues années de paralysie, c’est beaucoup.

Le président doit tirer les conséquences de cette situation. Il doit constater qu’il lui est impossible aujourd’hui d’assurer ses responsabilités constitutionnelles, qu’il constitue lui-même un obstacle au « fonctionnement régulier des pouvoirs publics ». Rester à l’Elysée, c’est prolonger une situation de paralysie, c’est retarder un débat que tout le monde ou presque estime nécessaire, c’est laisser le pays démuni face à un monde qui change vite. De Gaulle s’était grandi en partant lorsqu’il a constaté – en 1947 comme en 1969 – qu’il n’avait plus la confiance des Français pour faire ce qu’il estimait nécessaire. Mac Mahon s’est ridiculisé avec son « j’y suis, j’y reste ».

Descartes

(1) Le fait que ce Brutus n’apparaisse pas, qu’il n’y ait pas dans le « bloc central » de politicien qui ait les organes que le politiquement correct m’interdit de nommer ici pour se lever contre le Chef donne d’ailleurs une idée de la déliquescence de notre classe politique. Où sont les beaux complots, les belles conjurations d’antan ? Tous ces Attal, ces Philippe, ces Lecornu qui voient que le macronisme est mort mais n’osent même pas prendre leur indépendance…

(1) On n’insistera pas assez sur le caractère profondément démocratique de l’article 49.3. C’est par ce moyen que le gouvernement peut, devant l’assemblée, défendre la cohérence du texte qu’il propose en prenant la pleine et entière responsabilité. Car il ne faut pas se voiler la face : si le Parlement vote une loi dont les effets sont désastreux, ce ne seront pas les députés qui en porteront la responsabilité politique devant le peuple souverain, ce sera le pouvoir exécutif. Il n’est donc pas déraisonnable de donner à l’exécutif un moyen de mettre l’Assemblée devant ses responsabilités.

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77 réponses à Macron doit partir !

  1. cdg dit :

    Au point ou nous en sommes, je crois que de nouvelles elections s imposent. 
    Mais est ce que ca suffira ? La france est divisé en 3 blocs incompatibles et aucun des 3 ne peut avoir une majorite.
    Supposons que Macron demissionne demain. On a des elections presidentielles avec:
    RN : Badella
    Macroniste : E Philippe 
    LFI Melanchon
    Il y aura peut etre un candidat PS ou LR mais ils n ont aucune chance d arriver au second tour. Ils peuvent juste empecher les macroniste (avec un cnadidat LR) ou LFI (pour PS) d atteindre le second tour
    Au second tour Bardella est elu mais c est par defaut (Melanchon ou Phillipe etant plus rejete que lui). Les legislatives ne lui donneront pas de majorite. Donc on se retrouve comme maintenant. Un gouvernement RN a la merci d une coalition LR-PS-LFI
    Le fond du probleme c est que la France a besoin d un profond changement de cap (qu il soit vers une taxation massive comme vous le preconisez ou au contraire vers une refonte en profondeur de notre modele social comme je le pense). Qui porte ce changement ? personne
    Au contraire, chaque candidat promet la lune et une fois elu se retrouve avec un navire qui fait eau de toute part et il n a aucune legitimite pour ordonner un changement de cap

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Au point ou nous en sommes, je crois que de nouvelles élections s’imposent. Mais est ce que ça suffira ?

      Non. L’élection doit servir à trancher un débat sur les questions de fond. C’est ce débat, plus que l’élection, qui est important. Il faut que les options soient mises sur la table et expliquées aux citoyens, avant que l’élection puisse valablement les trancher.

      [La France est divisée en 3 blocs incompatibles et aucun des 3 ne peut avoir une majorité.]

      Je ne crois pas. Que le petit monde politique soit divisé en trois blocs n’implique nullement que la France le soit. Personnellement, je pense que la France est divisée en deux bocs : les couches populaires d’un côté, le « bloc dominant » de l’autre…

      [Supposons que Macron démissionne demain. On a des élections présidentielles avec:
      RN : Badella
      Macroniste : E Philippe
      LFI Mélenchon]

      Et quels programmes ? Quels projets ? C’est cela qui m’intéresse. Les personnes – et les partis – sont secondaires.

      [Au second tour Bardella est élu mais c’est par défaut (Mélenchon ou Phillipe étant plus rejetés que lui). Les législatives ne lui donneront pas de majorité. Donc on se retrouve comme maintenant. Un gouvernement RN à la merci d’une coalition LR-PS-LFI]

      Vous allez un peu vite. D’abord, il est loin d’être évident qu’un président RN n’aurait pas une majorité à l’Assemblée nationale. Historiquement, le cas ne s’est jamais présenté : TOUS les présidents nouvellement élus – y compris ceux qui l’ont été de justesse, y compris ceux qui n’avaient pas derrière lui une coalition homogène – ont eu une majorité après leur élection. C’est d’ailleurs une question de cohérence : on n’élit pas quelqu’un pour ensuite lui refuser les moyens de gouverner. Ensuite, quand bien même le nouveau président n’aurait une majorité relative, il aurait une légitimité renouvelée pour faire prévaloir ses options, puisque celles-ci auraient été validées par le suffrage universel. Enfin, n’oubliez pas le mot de Malet, conspirateur malheureux contre Napoléon, à ses juges : « le président : quels sont vos complices ? Malet : la France, et vous-même, si j’avais réussi ». Si Bardella entre à l’Elysée, il se trouvera pas mal d’alliés inattendus…

      [Le fond du problème c’est que la France a besoin d’un profond changement de cap (qu’il soit vers une taxation massive comme vous le préconisez ou au contraire vers une refonte en profondeur de notre modèle social comme je le pense).]

      Je ne sais pas pourquoi vous voulez faire de moi un partisan de la « taxation massive ». Après tout, je ne veux « taxer massivement » que les riches…

      [Qui porte ce changement ? personne]

      De quel « changement » vous parlez ? Dans votre précédent paragraphe vous notiez qu’il fallait un changement que ce soit vers ma proposition ou vers les vôtres. Mais ici, vous parlez de « ce changement » comme s’il n’y avait qu’un seul changement possible.

      [Au contraire, chaque candidat promet la lune et une fois élu se retrouve avec un navire qui fait eau de toute part et il n’a aucune légitimité pour ordonner un changement de cap]

      Au risque de me répéter, je pense qu’il ne faut pas accorder trop d’importance aux promesses électorales. Cela fait partie de la parade nuptiale des candidats. Un candidat qui ne promettrait pas la lune ne serait pas élu, et donc ils le font tous. Mais au fond, personne – ni le candidat, ni l’électeur – n’y croit. Ce n’est donc pas là l’obstacle pour « ordonner un changement de cap ».

      Le problème n’est pas dans le processus électoral. Le problème, c’est que « changer de cap » implique ouvrir un conflit. Vous pouvez « changer de cap » pour bénéficier au « bloc dominant » – comme l’a fait Macron – et tôt ou tard il vous faudra affronter la colère de l’électorat populaire. Vous pouvez « changer le cap » pour servir les intérêts des couches populaires, et vous aurez le patronat et les classes intermédiaires sur le dos. Et comme les intérêts de ces deux groupes sont antagonistes – contrairement à ce qui se passait pendant les « trente glorieuses » – vous ne pouvez pas gagner. Alors, les politiciens choisissent la voie médiane, donnant un coup à droite pour plaire aux patrons, un coup à gauche pour plaire au populo… le tout financé à crédit.

      • Vincent dit :

        Je ne sais pas pourquoi vous voulez faire de moi un partisan de la « taxation massive ». Après tout, je ne veux « taxer massivement » que les riches…

        Qu’appelle-t-on les riches ?
        Le problème est que si vous vous concentrez sur les “ultra riches”, comme la taxe Zucman, cela ne représentera presque rien, en montant d’impôts. Avec des risques de fuite d’activité, et de perte d’activité économique pour le pays.
        Si ce sont les “moyens riches”, le problème est que l’on est très rapidement limité par la progressivité qui est déjà extrêmement faible du revenu après distribution. Il sera difficile d’aplatir plus la courbe, surtout si on veut éviter d’accentuer le (réel) problème actuel de fuite des cerveaux.
        En réalité, je vois difficilement comment on pourra redresser les finances publiques, sans effet grave sur l’économie du pays, autrement qu’en allant chercher, d’une manière ou d’une autre (niches fiscale, désindexation, CSG…) chez les retraités.

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [« Je ne sais pas pourquoi vous voulez faire de moi un partisan de la « taxation massive ». Après tout, je ne veux « taxer massivement » que les riches… » Qu’appelle-t-on les riches ?]

          Pour moi, tous ceux dont le revenu est pour l’essentiel constitué de valeur prélevée sur le travail des autres, vulgairement appelé, plus-value. Mais je vous accorde que c’est une vision un poil extremiste. Prenons la limite fixée par Zucman : ceux dont le patrimoine dépasse 100 M€

          [Le problème est que si vous vous concentrez sur les “ultra riches”, comme la taxe Zucman, cela ne représentera presque rien, en montant d’impôts.]

          Si ma mémoire ne me trompe pas, il y a plus d’un millier de contribuables de ce type. En leur demandant à chacun de payer 1 M€ d’impôts (soit moins de 1% de leur patrimoine), on en est déjà à plus d’un milliard. Ce n’est pas « presque rien ».

          [Avec des risques de fuite d’activité, et de perte d’activité économique pour le pays.]

          Pas du tout. C’est là une confusion savamment entretenue par le MEDEF. La taxe Zucman est une taxe sur les PERSONNES, et non pas sur les ENTREPRISES. On pourrait assister à une fuite d’actionnaires, mais certainement pas une fuite d’activités.

          [Si ce sont les “moyens riches”, le problème est que l’on est très rapidement limité par la progressivité qui est déjà extrêmement faible du revenu après distribution. Il sera difficile d’aplatir plus la courbe, surtout si on veut éviter d’accentuer le (réel) problème actuel de fuite des cerveaux.]

          Là encore, il ne faudrait pas trop exagérer. Il est vrai que le bas de la courbe est plat, mais ce n’est pas le cas du haut. Quant à la « fuite de cerveaux »… il faudrait relativiser. La plupart des gens qui ont de forts revenus les tirent du capital, pas de leur « cerveau ».

          [En réalité, je vois difficilement comment on pourra redresser les finances publiques, sans effet grave sur l’économie du pays, autrement qu’en allant chercher, d’une manière ou d’une autre (niches fiscale, désindexation, CSG…) chez les retraités.]

          Autrement dit, chez les salariés. Parce qu’il faut bien voir que la retraite est une forme de salaire différé. Si vous réduisez les retraites, que se passera-t-il ? Les jeunes salariés devront économiser plus pour avoir une retraite équivalente. Si vous retardez l’âge de départ, qui pénalisez vous le plus ? Les ouvriers et les employés, qui ont l’espérance de vie la plus courte. Alphonse Allais avait raison, il faut aller chercher l’argent là où il est : chez les pauvres.

          • Bob dit :

            @ Descartes
             
            [Alphonse Allais avait raison, il faut aller chercher l’argent là où il est : chez les pauvres.]
             
            Je crois qu’il complétait par : “ils n’en ont pas beaucoup, mais qu’est-ce qu’ils sont nombreux.”

  2. Benjamin dit :

    “Mac Mahon s’est ridiculisé avec son « j’y suis, j’y reste ».”
    Vous vous méprenez ici. Mac-Mahon aurait prononcé cette phrase au temps de la guerre de Crimée alors qu’il participait a la prise de la tour de Malakoff. Bien avant le début de sa vie politique laquelle s’est achevé par sa démission en 1879. Le Maréchal-président a fini par se demettre lui aussi.

    • Descartes dit :

      @ Benjamin

      [“Mac Mahon s’est ridiculisé avec son « j’y suis, j’y reste ».” Vous vous méprenez ici. Mac-Mahon aurait prononcé cette phrase au temps de la guerre de Crimée alors qu’il participait a la prise de la tour de Malakoff.]

      Tout à fait. Mais je ne faisait pas tant référence à la phrase qu’à l’attitude. Mac Mahon a prononcé la célèbre phrase pendant la guerre de Crimée, mais il l’a mise en application lors de son conflit avec la chambre républicaine en 1877. Sa tentative d’y “rester” sera d’ailleurs vaine: il sera obligé à démissionner quelques semaines plus tard.

  3. Bruno dit :

    Bonjour et merci pour votre message.
    La situation n’est pas simple car comme vous l’indiquez justement, chaque élection ou presque devient un référendum pour ou contre le RN, ce qui ne facilite en rien, ni les débats, ni la constitution d’une majorité parlementaire claire. Aujourd’hui, quand bien même le PR voudrait jouer le jeu en nommant quelqu’un qui n’est pas de son camp, qui serait en mesure de recueillir une majorité? Et aussi, qui voyez vous à  “gauche” ou chez les LR faire des compromis et tendre la main aux autres groupes?
    On assisterait, et là encore vous le dites bien, à des marchandages politiques assez pitoyables… La démission du PR, du jour au lendemain, ne résoudrait pas cette difficulté. Nous n’aurions pas en 30/40 jours la possibilité d’avoir les débats pourtant essentiels, et, très certainement, un candidat “central” type Philippe, Bayrou, ect, serait élu contre le candidat RN, enfin, celui autorisé à se présenter… Et après? Imaginons que ce PR par défaut ne dispose, comme Macron après 2022, que d’une majorité relative? Ce serait la bordélisation… Elle ne ferait le bonheur que des politiques et le malheur de la France.
    Un jour vous avez écrit sur ce blog, au sujet de la réforme des retraites, que celle-ci jouissait d’une majorité “de cœur” au sein de l’Assemblée nationale, mais que pour des raisons politiques, une partie de l’opposition (je pense notamment au PS), prétendait aller contre… Ce qui est vrai pour la réforme des retraites l’est également pour 90% des politiques menées par Macron depuis 2017 : rôle croissant de l’UE, renforcement des collectivités au détriment de l’État, aides massives aux entreprises, précarisation du monde du travail….
    La difficulté est qu’aujourd’hui une bonne partie du spectre politique avance masqué, affirmant qu’il mènera une politique alternative. Or, nous savons que ce ne sera pas le cas. Les Français, de plus en plus nombreux, l’ont bien compris, mais de là à donner le pouvoir au RN… Je reste sceptique.
    Enfin, je sais bien que le mode de scrutin ne fait pas tout, mais ne pensez-vous pas que son changement, pour les élections législatives, permettrait d’accélérer la “clarification”. Un mode me semble intéressant, celui pratiqué au Royaume-Uni. Le bloc dominant, menacé de mort en cas de dispersion, serait obligé de se regrouper sous une très large bannière pour contrer le RN. Cela aurait peut-être le mérite de clarifier les choses?!
     
     
     

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [La situation n’est pas simple car comme vous l’indiquez justement, chaque élection ou presque devient un référendum pour ou contre le RN, ce qui ne facilite en rien, ni les débats, ni la constitution d’une majorité parlementaire claire.]

      C’est un peu ce que je disais dans ma réponse à cdg. Le champ politique aujourd’hui ne reflète que très imparfaitement la société. En 1960, les ouvriers avaient leur parti, les enseignants avaient leur parti, les boutiquiers avaient leur parti, les patrons avaient leur parti. Les divisions du spectre politique reflétaient assez largement les divisions socio-économiques. Aujourd’hui, vous avez d’un côté les partis qui répondent aux intérêts du « bloc dominant », dont le langage est essentiellement celui des classes intermédiaires. La diversité de cet ensemble cache en fait une grande unité dans les intérêts qu’ils défendent, et leurs dirigeants se battent pour occuper les postes plus que pour infléchir les politiques. Arrivés aux manettes, on le sait par expérience, ils servent les mêmes intérêts, avec des nuances « sociétales ». De l’autre côté, il y a le RN qui, ayant capté une bonne partie de l’électorat populaire, se trouve nolens volens obligé de le représenter, sous peine de le perdre.

      La volonté du « bloc dominant » de marginaliser les couches populaires rend nécessaire un accord de l’ensemble de ses représentants pour gouverner ensemble. C’est cette synthèse qu’avait réussi Macron en 2017, réunissant dans son mouvement des gens qui allaient de la gauche socialiste à la droite LR. Pourquoi cela ne marche plus ? Parce que le modèle fondé sur l’achat de la paix sociale par l’endettement est en train de se déliter, et avec lui l’alliance entre les classes intermédiaires et la bourgeoisie. Il va falloir se serrer la ceinture, et les classes intermédiaires ont compris que cette fois-ci il ne suffira pas de serrer celle des couches populaires.

      Je me demande si nous n’assistons pas à la fin de l’alliance de classe initiée à la fin des « trente glorieuses » et qui a rendu possible la révolution néolibérale. Peut-être verra-t-on dans les années qui viennent les classes intermédiaires redevenir un acteur autonome, capable de tendre des ponts avec les couches populaires. En tout cas, la rupture du « bloc dominant » ne peut que provoquer une crise politique majeure.

      [Aujourd’hui, quand bien même le PR voudrait jouer le jeu en nommant quelqu’un qui n’est pas de son camp, qui serait en mesure de recueillir une majorité ?]

      Ce président-là, pour moi, est fini. Toute personnalité qu’il pourrait nommer serait immédiatement suspecte. C’est ce que j’ai voulu dire dans mon article : Emmanuel Macron n’a plus aucun crédit dans l’opinion. Personne de censé ne peut lui faire confiance pour jouer loyalement le jeu de l’arbitre au-dessus des partis. Personne qui ait en mémoire ces huit dernières années ne peut croire qu’il est capable de s’incliner avec grâce et accepter le verdict populaire. Même s’il nommait une personnalité incontestable, on le suspecterait de vouloir son échec et de tout faire pour que son vœu se réalise. A supposer même qu’il ait abjuré ses erreurs et veuille bien faire, il lui faudrait des années pour rétablir la confiance. C’est pour cette raison que le meilleur service qu’il puisse rendre à la République, c’est de partir.

      Après, si l’on parle d’un autre président, par exemple quelqu’un de fraîchement élu, la question change. Lui pourrait rechercher une personnalité capable de défendre devant les citoyens un compromis raisonnable, qui distribue l’effort avec justice entre les différents groupes sociaux. Parce que c’est les citoyens qu’il faut gagner, et non pas les partis. Une fois que vous avez les citoyens avec vous, l’arme de la dissolution a une tout autre portée. Mais comment un président qui depuis un an s’obstine à contourner le vote des citoyens pourrait créer ce rapport de confiance ?

      [Et aussi, qui voyez-vous à “gauche” ou chez les LR faire des compromis et tendre la main aux autres groupes ?]

      Les hommes ne sont pas si importants que ça. Lecornu aurait je pense pu parfaitement tendre la main aux autres groupes, s’il n’y avait pas eu la volonté évidente venue de l’Elysée de refuser toute concession sur les « totems » macronistes. Prenez par exemple les socialistes. Que demandent-ils ? Une ouverture sur la réforme des retraites (une suspension, qui laissera l’âge à 63 ans, leur aurait suffi, et par la grâce de la réforme Touraine l’effet sur les finances publiques aurait été minime), une discussion sur la taxe Zucman (qu’on aurait aisément pu ramener à 1%, ce qui là aussi limite singulièrement son effet). Mais le problème, c’est qu’ils ne pouvaient pas se contenter de vagues promesses : après s’être fait « empapaouter » par Bayrou, la confiance n’est plus là.

      Les Français comprennent parfaitement qu’il faudra faire des efforts. Mais ils n’accepteront d’en faire que si leur voisin est logé à la même enseigne. C’est ça le paradoxe : alors qu’on cherche désespérément des personnes prêtes à faire des concessions à tout le monde, il faudrait au contraire un personnage qui ne fasse de concessions à personne. Qui proclame un objectif, et n’accepte aucun « compromis » qui puisse le remettre en question. Qui soit prêt à claquer le beignet aux patrons avec la même force qu’il le claque aux syndicats ou aux retraités. Ce personnage-là aurait peut-être une chance.

      Qui pourrait être cette personnalité ? Il n’y a plus personne à Colombey, alors il faudra faire avec ce qu’on a. Il faudrait aller chercher parmi les reprouvés, parce qu’en général les gens qui ont ce type de rectitude ne sont pas très populaires. A gauche, on a envie de dire Montebourg. A droite, quelqu’un comme Aubert ou Tanguy ?

      [On assisterait, et là encore vous le dites bien, à des marchandages politiques assez pitoyables…]

      Pour les éviter, il faut quelqu’un qui soit sur la logique « qui m’aime me suive ». Mais pour pouvoir faire ce coup-là, il faut avoir le peuple avec soi, ce qui implique d’une part présenter un projet équilibré, et d’autre part être crédible quant à sa volonté de le mettre en œuvre.

      [La démission du PR, du jour au lendemain, ne résoudrait pas cette difficulté. Nous n’aurions pas en 30/40 jours la possibilité d’avoir les débats pourtant essentiels, et, très certainement, un candidat “central” type Philippe, Bayrou, etc, serait élu contre le candidat RN, enfin, celui autorisé à se présenter…]

      Je ne pense pas qu’une démission « sèche » serait une bonne idée, parce que la Constitution laisse un délai très court pour l’élection anticipée. Par contre, le président pourrait s’engager à démissionner formellement par exemple le 1er janvier prochain, ce qui permettrait d’amorcer tout de suite le débat et la campagne en vue d’une élection mi-février.

      [Et après ? Imaginons que ce PR par défaut ne dispose, comme Macron après 2022, que d’une majorité relative ? Ce serait la bordélisation…]

      Au moins aurait-il une autorité et une confiance intacte. Même avec une assemblée sans majorité, cela lui simplifierait la tâche parce qu’il pourrait appeler au peuple par-dessus la tête des dirigeants politiques, ce que Macron ne peut certainement pas faire aujourd’hui.

      Je crois qu’on sous-estime la valeur de la confiance en politique. Le fait de savoir que la personne qu’on a devant soi fera ce à quoi elle s’engage, qu’elle respectera les règles et l’esprit des institutions – y compris quand elles lui sont défavorables – a une valeur certaine. Macron a largement dilapidé ce capital.

      [Un jour vous avez écrit sur ce blog, au sujet de la réforme des retraites, que celle-ci jouissait d’une majorité “de cœur” au sein de l’Assemblée nationale, mais que pour des raisons politiques, une partie de l’opposition (je pense notamment au PS), prétendait aller contre… Ce qui est vrai pour la réforme des retraites l’est également pour 90% des politiques menées par Macron depuis 2017 : rôle croissant de l’UE, renforcement des collectivités au détriment de l’État, aides massives aux entreprises, précarisation du monde du travail…]

      Tout à fait. D’ailleurs, lorsque le PS ou LR ont été au pouvoir, leurs politiques n’ont pas été si différentes de celles mises en œuvre par Emmanuel Macron depuis 2017. Après tout, c’est Jospin qui engage l’ouverture au marché de l’électricité et du gaz, c’est Hollande qui fait la réforme Touraine, et ne parlons même pas des « vagues de décentralisation ». Et c’est logique : tous ces gens font les mêmes politiques parce qu’ils servent les intérêts des couches sociales qui forment le bloc dominant. C’est pourquoi les combats pour savoir quelle personne, quel groupe aura droit aux prébendes et aux postes prennent le pas sur les débats idéologiques.

      [La difficulté est qu’aujourd’hui une bonne partie du spectre politique avance masqué, affirmant qu’il mènera une politique alternative. Or, nous savons que ce ne sera pas le cas. Les Français, de plus en plus nombreux, l’ont bien compris, mais de là à donner le pouvoir au RN…]

      C’est bien la question. Les Français savent qu’avec les partis du « front républicain », rien ne changera. Mais ils savent aussi que donner le pouvoir au RN, c’est plonger dans l’inconnu. Voilà le dilemme aujourd’hui…

      [Enfin, je sais bien que le mode de scrutin ne fait pas tout, mais ne pensez-vous pas que son changement, pour les élections législatives, permettrait d’accélérer la “clarification”. Un mode me semble intéressant, celui pratiqué au Royaume-Uni. Le bloc dominant, menacé de mort en cas de dispersion, serait obligé de se regrouper sous une très large bannière pour contrer le RN. Cela aurait peut-être le mérite de clarifier les choses ?!]

      Je n’en suis pas persuadé. On observe d’ailleurs que la crise institutionnelle qui se manifeste chez nous apparaît sous différentes formes dans l’ensemble des pays européens, avec des systèmes électoraux différents. En fait, ce qu’on peut observer est que les partis politiques s’adaptent au système électoral, et que cette adaptation fait qu’on se trouve à la fin avec des problèmes similaires.

      • Bob dit :

        @ Descartes
         
        [Emmanuel Macron n’a plus aucun crédit dans l’opinion. C’est pour cette raison que le meilleur service qu’il puisse rendre à la République, c’est de partir.]
         
        Entendu à la radio hier : 73% des Français se disent favorables à sa démission.
        Ce qui m’étonne, c’est que ce ne soit “que” 73%.

        • Descartes dit :

          @ Bob

          [Ce qui m’étonne, c’est que ce ne soit “que” 73%.]

          Pourquoi cela vous étonne ? Il y a bien 30% des Français dont Macron défend très efficacement les intérêts…

  4. Pseudo dit :

    Gabriel Attal dit ne « plus comprendre » Emmanuel Macron.
    Édouard Philippe souhaite qu’Emmanuel Macron organise “une élection présidentielle anticipée”.

    • Descartes dit :

      @ Pseudo

      [Gabriel Attal dit ne « plus comprendre » Emmanuel Macron. Édouard Philippe souhaite qu’Emmanuel Macron organise “une élection présidentielle anticipée”.]

      C’est plutôt timide, comme critique. Les considérations d’Attal ou de Philippe concernent les décisions tactiques du président. Sur le fond, c’est silence dans les rangs.

  5. Vincent dit :

    Assez d’accord avec vous :
    – Il n’y a pas de solution par une dissolution,
    – Il n’y a pas de solution en continuant comme cela.
    La seule chose qu’il lui reste s’il veut continuer à mener sa politique, c’est l’article 16. Mais je pense qu’il n’osera pas.
    Et il faut donc que le Président s’en aille. Je ne souscris pas non plus à la voix de ceux qui disent que la fonction en sortirait abimée. S’il est vrai que la fonction en sortirait abimée, elle sort surtout abimée d’avoir un Président en place qui se moque absolument de tous les usages et détourne l’esprit des institutions.
     
    En revanche, ce qui m’inquiète, c’est qu’il faudra que le prochain Président ait une légitimité incontestable. Comme Chirac en 1995, Sarkozy en 2007, Hollande en 2012, ou même d’une certaine manière Macron en 2017. On ne peut pas recommencer avec une campagne escamotée ou une élection faussée, comme en 2002 ou en 2022.
    Or avec une démission, le délai ne permettra pas d’avoir une élection avec une vraie campagne. Et avec MLP inéligible, la candidate favorite serait dans l’impossibilité de se présenter. Tout ceci fait qu’en cas de démission, la légitimité du futur président ne serait pas totale, l’empêchant de pouvoir mener pleinement sa politique.
    Je ne vois donc aucune issue idéale. Sans doute la moins mauvaise solution serait que le Président annonce sa démission pour dans 6 mois, afin qu’une vraie campagne puisse avoir lieu d’ici là ? Mais j’imagine mal une personnalité comme la sienne faire cela. Un “après moi le déluge” serait bien son genre.

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [En revanche, ce qui m’inquiète, c’est qu’il faudra que le prochain Président ait une légitimité incontestable. (…) Or avec une démission, le délai ne permettra pas d’avoir une élection avec une vraie campagne.]

      Pour cela, on peut faire une démission « différée ». Autrement dit, le président annonce son intention irrévocable de démissionner à la date du 1er janvier prochain. Cela veut dire que l’élection aurait lieu mi-février. Cela donne tout le temps nécessaire pour une « vraie campagne ».

      [Et avec MLP inéligible, la candidate favorite serait dans l’impossibilité de se présenter. Tout ceci fait qu’en cas de démission, la légitimité du futur président ne serait pas totale, l’empêchant de pouvoir mener pleinement sa politique.]

      Le président pourrait, dans le cadre de ce débat, accorder une grâce partielle concernant la peine d’inéligibilité.

      [Je ne vois donc aucune issue idéale. Sans doute la moins mauvaise solution serait que le Président annonce sa démission pour dans 6 mois, afin qu’une vraie campagne puisse avoir lieu d’ici là ? Mais j’imagine mal une personnalité comme la sienne faire cela. Un “après moi le déluge” serait bien son genre.]

      Malheureusement, oui.

  6. Vincent dit :

    (1) Le fait que ce Brutus n’apparaisse pas, qu’il n’y ait pas dans le « bloc central » de politicien qui ait les organes que le politiquement correcte m’interdit de nommer ici pour se lever contre le Chef donne d’ailleurs une idée de la déliquescence de notre classe politique. Où sont les beaux complots, les belles conjurations d’antan ? Tous ces Attal, ces Philippe, ces Lecornu qui voient que le macronisme est mort mais n’osent même pas prendre leur indépendance…

    Attal et Philippe font ce qu’ils peuvent. Ils ne sont pas tendres avec le Président. Mais il faut admettre que ça n’imprime pas.
    Attal est trop une copie conforme de Macron. De même que Copé était trop une copie conforme de Sarkozy. La détestation du modèle se transfère immédiatement sur la copie, sans qu’il n’y puisse rien.
    Philippe, lui, a trop de casseroles et d’ennemis. Mais, à deux deux, ils ont les positions de pouvoir qui leur permettent de “flinguer” n’importe quel autre rival qui se manifesterait. Ils stérilisent donc toute succession possible de Macron.
    Accessoirement, Macron lui même de cherche-t-il pas à supprimer toute succession possible ?

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Attal et Philippe font ce qu’ils peuvent. Ils ne sont pas tendres avec le Président. Mais il faut admettre que ça n’imprime pas.]

      Franchement, ils sont d’une timidité de violette. Attal dit « ne pas comprendre », mais son incompréhension ne s’étend qu’aux choix tactiques de Macron. Il n’y a là aucune critique sur le fond. Même chose pour Philippe, qui n’exprime même pas une critique. Mais peut-être que ce qui retient leur main à l’heure de prendre l’arme est le célèbre adage « celui qui porte le poignard ne porte pas la couronne ». Brutus a beau assassiner César, ce n’est pas lui, mais Octave, qui ceindra la couronne impériale… Je ne sais pas si Philippe ou Attal ont cet exemple en tête, mais savent très bien que le premier qui attaquera macron risque de laisser l’autre prendre l’héritage…

      [Accessoirement, Macron lui même de cherche-t-il pas à supprimer toute succession possible ?]

      Il est très difficile de pénétrer la psychologie de Macron. On ne peut pas dire qu’au cours de sa carrière publique la question de la succession l’ait taraudé. Aucun des personnages de son « premier cercle » (Emmélien, Kohler…) n’était un possible successeur. Parmi les hommes dont il s’est entouré dans sa marche triomphale vers le pouvoir, la plupart étaient plus vieux que lui, et donc pas des successeurs potentiels. Quant aux jeunes, on ne peut pas dire qu’il ait été très « paternel » envers eux.

    • Cording1 dit :

      Vous  êtes indulgent avec Lecornu, moi qui pense depuis 2014 qu’il n’y a rien de bon à attendre de Macron et des macroniens. Ils ont été et sont encore les continuateurs des démolisseurs de l’état, de la nation et de son organisation issue du programme du CNR. Il n’y en a pas un de bon pour racheter l’autre. Comme chez les écologistes démolisseur de notre électro-nucléaire. 
      D’autre part le discrédit de Macron touche tous les macroniens quoiqu’ils disent ou fassent c’est bien dire la profondeur de la crise politique. Il semble dès plus probable qu’en cas d’élections législatives anticipées le bloc bourgeois ou central ne s’effondre et que même le front républicain aussi. Tout cela au profit du RN. 
      Une dissolution de l’assemblée ne résoudrait rien sinon à porter si près du pouvoir le RN qui ferait la même politique ou presque. Une des portes de sortie est donc bel et bien la démission de Macron à laquelle il ne consentira que forcé par la plus grande des forces soit une destitution soit par la rue. Le jeune et immature président est le pire président de la Vè dont il faut sauvegarder les institutions qui ne sont pas responsables de leur mauvais usage par tel ou tel homme politique. Ladite Vè a déjà été bien dénaturée par le quinquennat de l’irresponsable duo Chirac-Jospin.  
      Comme vous le faites remarquer que dans tous les pays européens connaissent une crise politique profonde les formations populistes sont aux portes du pouvoir parce que les partis de gouvernement ne veulent pas tenir compte des volontés populaires notamment en matière d’immigration. En fin de compte il est permis de se demander s’il n’y a pas un “moment” populiste en Europe ou dans l’UE dont les dirigeants s’efforcent par des ingérences à y faire obstacle  

      • Descartes dit :

        @ Cording1

        [Vous êtes indulgent avec Lecornu,]

        J’ai eu l’opportunité de le côtoyer quelque temps, et l’ai trouvé humainement très estimable. J’ai eu des échos par des amis de sa gestion à la tête du ministère des Armées, et il semble unanimement apprécié. J’ai trouvé aussi courageuse la manière dont il a insisté devant Bayrou sur le besoin d’une « rupture tant sur la forme que sur le fonds ». Ces éléments, et mon optimisme naturel, m’ont fait regarder sa nomination avec intérêt, surtout succédant à François Bayrou, qui reste pour moi le concentré de ce que le système politique français peut produire de pire, à l’image d’un Pierre Laval. Et je dois dire que je ne pense pas m’être trompé sur le personnage : sa décision de démissionner plutôt que de partir dans un exercice bancal me confirme dans la considération que je lui porte. Par contre, je suis conscient d’avoir surestimé sa capacité à tenir tête à Macron. Avoir accepté la composition du gouvernement telle qu’elle a été annoncée fut à mon sens une grave erreur. Je me suis même demandé s’il n’y avait pas là une opération de l’Elysée, si la composition égrenée par le secrétaire général de la présidence était bien celle proposée par le Premier ministre…

        [moi qui pense depuis 2014 qu’il n’y a rien de bon à attendre de Macron et des macroniens. Ils ont été et sont encore les continuateurs des démolisseurs de l’état, de la nation et de son organisation issue du programme du CNR. Il n’y en a pas un de bon pour racheter l’autre. Comme chez les écologistes démolisseurs de notre électro-nucléaire.]

        Cela peut être dit de l’essentiel de notre personnel politique. D’abord, pace que la plupart des macroniens, Macron inclus, viennent d’autres partis qui, lors de leur passage au pouvoir, ont participé aux forfaits que vous citez. Je n’attendais rien de « bon » de Lecornu, mais je me serais contenté d’un peu de « moins mauvais »…

        [D’autre part le discrédit de Macron touche tous les macroniens quoiqu’ils disent ou fassent c’est bien dire la profondeur de la crise politique. Il semble dès plus probable qu’en cas d’élections législatives anticipées le bloc bourgeois ou central ne s’effondre et que même le front républicain aussi. Tout cela au profit du RN.]

        D’une certaine façon, Lecornu était la dernière chance des macroniens de se racheter en montrant une capacité à apprendre des erreurs passées. Le président aurait mieux fait de méditer la formule que di Lampedusa met dans la bouche du prince de Salina : « il faut tout changer pour que rien ne change ». En persistant dans l’immobilisme, ils ont à mon avis brûlé leurs dernières cartouches. Il est d’ailleurs révélateur que les journaux anglosaxons, et tout particulièrement ceux liés au monde économique, tirent sur lui a boulets rouges…

        [Une dissolution de l’assemblée ne résoudrait rien sinon à porter si près du pouvoir le RN qui ferait la même politique ou presque.]

        Vous pouvez noter comme moi que lors des dernières échéances le patronat et les milieux financiers ont toujours soutenu les candidats opposés au RN. Pourquoi, à votre avis ? Après tout, s’il est aussi évident que le RN « ferait la même politique ou presque », pourquoi devraient-ils s’inquiéter de voir à l’Elysée Marine Le Pen plutôt qu’Emmanuel Macron ?

        Le fait est que ni eux, ni vous, ni moi ne savons ce que le RN ferait une fois au pouvoir. Mais on sait bien que tout parti arrivé au pouvoir est obligé de satisfaire les revendications de sa base électorale, sans quoi il risque de se retrouver très vite sans moyens d’agir. Et qu’il y a donc une chance non négligeable que le RN ne fasse pas tout à fait la même politique… Je ne vous dis pas qu’ils feront la révolution socialiste. Mais ils seront obligés de donner quelques gages à leur électorat populaire.

        [Comme vous le faites remarquer que dans tous les pays européens connaissent une crise politique profonde les formations populistes sont aux portes du pouvoir parce que les partis de gouvernement ne veulent pas tenir compte des volontés populaires notamment en matière d’immigration. En fin de compte il est permis de se demander s’il n’y a pas un “moment” populiste en Europe ou dans l’UE dont les dirigeants s’efforcent par des ingérences à y faire obstacle]

        Je ne pense pas que ce soit un « moment ». Les démocraties européennes ont bien fonctionné après 1945 parce que le verdict des urnes n’était pas trop éloigné des rapports de force réels. Le capital sortait de la guerre affaibli, l’URSS apparaissait pour beaucoup comme l’exemple qu’une alternative au capitalisme était possible, les patrons avaient besoin d’une main d’œuvre pacifiée et disciplinée pour faire tourner des machines de plus en plus complexes, et la forte croissance dégageait des marges qu’on pouvait distribuer aux uns sans nécessairement pénaliser les autres. Dans ces conditions, on a pu forger des consensus sociaux qui ont permis aux institutions démocratiques de fonctionner.

        Le ralentissement de la croissance, la mobilité des marchandises et des capitaux ont eu raison de cet équilibre, faisant diverger les résultats de la délibération démocratique et le rapport de forces réel. Le décalage fut particulièrement fort en France en 1981 : l’arrivée au pouvoir politique d’une gauche qui voulait « changer la vie » coïncide avec le moment où le capital prend un ascendant tel sur le travail qu’on ne peut plus rien lui imposer… on connaît le résultat : les gens qui avaient voté pour une politique « de gauche » se sont retrouvés avec une politique « de droite ». Et on a vu un peu la même chose partout en Europe, au fur et à mesure que les sociaux-démocrates se sont convertis au néolibéralisme. Et cela empire à chaque élection : quoi qu’on vote, on se retrouve à la fin avec la politique du « cercle de la raison ». En quoi Blair fut plus « social » que Thatcher ?

        Les couches populaires ont donc perdu toute confiance dans le vote. Cela s’est d’abord traduit par une forte abstention. Et les populistes ont vite compris qu’il y avait là un électorat à la fois mécontent et disponible…

  7. Bob dit :

    @ Descartes
     
    [Rejeté par le peuple, il arrive à se convaincre qu’il a raison contre lui.]
     
    C’est pire. Sa condescendance n’a pas de limite. Il se pense le meilleur, survolant la plèbe par son intelligence. Souvenez-vous de la sortie récente de Brigitte Macron qui disait que les Français ne méritaient pas son mari. Toute leur morgue y est.
    Pourtant, quand on voit l’état dans lequel il a très grandement contribué à mettre la France, il y a plutôt de quoi pleurer. Son (leur, à lui et à elle) déni du réel est sidérant.
    Le fléau Macron pour le pays a déjà été bien trop long. Deux ans de plus ? misère.

    • Descartes dit :

      @ Bob

      [C’est pire. Sa condescendance n’a pas de limite. Il se pense le meilleur, survolant la plèbe par son intelligence. Souvenez-vous de la sortie récente de Brigitte Macron qui disait que les Français ne méritaient pas son mari. Toute leur morgue y est.]

      Oui. Mais ça, on le savait même au moment où Macron a été élu. C’est d’ailleurs cette « condescendance » qui avait séduit nombre de commentateurs : on y voyait un indicateur de sa capacité de s’affranchir de l’opinion publique, de se détacher de toute vision « sentimentale » du pays, et donc de faire des « vraies réformes ». A les entendre, il nous fallait à la tête de l’Etat un « transgressif », un « cost killer », quelqu’un qui trancherait dans le vif sans états d’âme. Et cela suppose nécessairement de se placer en « surplomb » par rapport à la société.

      Ce qui serait drôle dans l’affaire si elle n’était pas tragique, c’est qu’on reproche aujourd’hui à Macron exactement ce qui faisait qu’on le portait aux nues hier : son détachement par rapport au pays et son histoire, sa capacité à s’affranchir des règles et des convenances, son mépris des partis et des corps intermédiaires. Il est vrai qu’en huit ans, on a pu constater les effets. Mais la critique doit aller plus loin. Il faut bien comprendre qu’on ne peut réformer ce qu’on ne connaît pas, ce qu’on ne comprend pas, et plus fondamentalement, ce qu’on n’aime pas.

      [Le fléau Macron pour le pays a déjà été bien trop long. Deux ans de plus ? misère.]

      Ce fléau n’est pas arrivé par hasard. Il correspond à la volonté d’une partie des classes dominantes de transformer le pays pour l’adapter à ses intérêts et ses conceptions. Si on ne le comprend pas, on risque de refaire la même chose avec son successeur.

  8. P2R dit :

    Et l’actualité va vite, très vite. Mais elle tourne en rond

    L’Opinion titrait “Ministère Hamster”. C’est bête, mais j’ai ri quand même 😉
     

    Tant qu’Emmanuel Macron sera là, tant qu’il n’y aura pas un Brutus pour le poignarder – symboliquement, s’entend, la paralysie demeurera

    Bon, là, avec le retour sur la réforme des retraites, si ça se confirme, l’occasion de tuer le père est en or massif pour ceux qui seraient tentés, Philippe en tête… si Horizon lâche le bloc central sur ce coup, Macron n’aura plus le choix…

    Nous sommes aujourd’hui dans une situation de blocage institutionnel. Nous avons un président qui porte une vision, qui veut une politique que le pays a rejeté sans ambigüité. Ce rejet a été occulté en partie par le recours tactique de transformer chaque élection en un plébiscite pour ou contre le Rassemblement national.

    Je  ne suis pas, comme vous, un supporter de la proportionnelle, néanmoins on peut se demander si dans un paysage politique éclaté, la proportionnelle n’aurait pas le mérite au moins d’éviter les phénomènes de type “front républicain”, qui en réalité, outre sa fonction cachée de sauvetage de sièges pour des partis en grande difficulté, est le phénomène qui est à l’origine de la déconnexion entre les citoyens et les élus: la proportionnelle a peut-être des défauts mais au moins, quand un député est élu, il sait qu’il l’est par ses partisans. Je pense que la démocratie crève (entre autre) d’avoir des députés de droite élus par des électeurs de gauche et vice-versa.
     

    Nos institutions sont construites sur l’idée que lorsque le peuple a parlé, il ne reste au président qu’à se soumettre ou se démettre, (…). Macron refuse cette option, comme si le peuple ne s’était pas exprimé. Ce faisant, il menace tout l’équilibre institutionnel.

    Peut-être une inflexion vers la gauche ce soir… faut dire qu’il n’a plus vraiment d’option. Personnellement je ne vois pas comment ça peut passer. La bête est blessée, les rivaux ont l’odeur du sang, je ne vois pas qui va faire la fleur à Macron de lui permettre de se maintenir… à part peut être les socialistes qui doivent être pétés de trouille à l’idée de revenir devant les électeurs..

    ce débat est impossible dans une Assemblée qui n’a reçu du peuple d’autre mandat que d’empêcher l’arrivée au pouvoir du RN

    Tout est là.  Enfin peut être pas tout, mais beaucoup. On a pas saisi en 2002 que le vrai drame de l’accession du FN au second tour, ce n’était pas le risque de la peste brune, mais l’affaissement intellectuel des partis de gouvernement face à ce diable de confort. Pourquoi s’emmerder à travailler un programme alors qu’il suffit de se retrouver au 2e tour face au RN ?

    Le président doit tirer les conséquences de cette situation.

    Espérons, mais je crains fort qu’il ne s’entête et dissolve l’assemblée, ce qui serait terrible, et potentiellement un coup de grâce pour la 5ème si on a une reconduciton de l’assemblée en l’état…

    • Descartes dit :

      @ P2R

      [« Et l’actualité va vite, très vite. Mais elle tourne en rond » L’Opinion titrait “Ministère Hamster”. C’est bête, mais j’ai ri quand même]

      Faut profiter, on n’a pas souvent l’occasion de rire, ces temps-ci…

      [Bon, là, avec le retour sur la réforme des retraites, si ça se confirme, l’occasion de tuer le père est en or massif pour ceux qui seraient tentés, Philippe en tête… si Horizon lâche le bloc central sur ce coup, Macron n’aura plus le choix…]

      Le problème, c’est que comme le dit l’adage « celui qui brandit le poignard ne portera pas la couronne ». Imaginez que Philippe attaque vraiment Macron bille en tête. Attal aura tout le loisir de l’accuser de déloyauté, de tirer sur les ambulances… et il pourra réunir autour de lui l’ensemble des restes de la macronie. Tous ces gens ont donc intérêt à ce que quelqu’un joue les Brutus pour être ensuite Octave… mais personne n’a intérêt à commettre le forfait lui-même. Et c’est pourquoi personne ne brandit le poignard.

      J’ajoute que sur la réforme des retraites, on fait dans le surréalisme. Après avoir provoqué la chute du gouvernement Bayrou pour avoir refusé toute concession à ce sujet, on a une ouverture… à travers d’une déclaration du ministre de l’éducation nationale, certes ancien premier ministre, mais dont on se demande à quel titre il pourrait prendre un engagement dans ce sens. Soit Borne fait cela de sa propre initiative, et on se demande dans quel pays on vit, soit elle le fait en service commandé, et il faut se demander par qui.

      [Je ne suis pas, comme vous, un supporter de la proportionnelle, néanmoins on peut se demander si dans un paysage politique éclaté, la proportionnelle n’aurait pas le mérite au moins d’éviter les phénomènes de type “front républicain”, qui en réalité, outre sa fonction cachée de sauvetage de sièges pour des partis en grande difficulté, est le phénomène qui est à l’origine de la déconnexion entre les citoyens et les élus: la proportionnelle a peut-être des défauts mais au moins, quand un député est élu, il sait qu’il l’est par ses partisans.]

      Pas tout à fait. Dans le système proportionnel, on sait que lorsqu’un député est élu, il est élu par les dirigeants de son parti, qui sont ceux qui confectionnent les listes. L’électeur ne décide pas qui sera son député, il décide seulement combien de députés aura la liste qu’il soutient.

      C’est vrai qu’avec la proportionnelle on n’aurait pas le « front républicain » (ou plutôt, le front républicain apparaîtrait dans les votes dans l’Assemblée, et non au niveau du vote des électeurs). Mas si vous supprimez ce vice, vous en créez d’autres. Par exemple, la prise en otage des majorités par les petites formations – on voir cela très bien dans le cabinet israélien, avec un Netanyahu devenu l’otage des extrémistes. Mais pour moi le vice essentiel de la proportionnelle est qu’elle détruit tout lien entre l’électeur et les politiques mises en œuvre. La proportionnelle à l’allemande, c’est un système où l’électeur vote non pas pour un programme, mais pour donner à un parti les meilleures positions de négociation dans une future coalition.

      [Je pense que la démocratie crève (entre autre) d’avoir des députés de droite élus par des électeurs de gauche et vice-versa.]

      Je ne pense pas. Je trouve que le meilleur système électoral est celui qui fait apparaître clairement les intérêts des uns et des autres. Le fait que « des députés de droite soient élus par des électeurs de gauche et vice-versa » nous montre qu’au-delà des intérêts claniques de leurs cadres et des questions cosmétiques, les différences entre « la gauche » et « la droite » quant aux grands choix structurants sont minimes. Tellement minimes qu’un Macron, ancien ministre de François Hollande, a pu réunir derrière lui des cadres socialistes et des anciens de l’UMP. Et que certains de ces cadres ont pu d’ailleurs, déçus par le macronisme, revenir se faire élire dans leur camp d’origine…

      La « crise démocratique » à laquelle nous assistons a des racines très profondes, et la meilleure preuve en est qu’elle se présente de manière plus ou moins marquée dans l’ensemble des pays développés. Le développement du capitalisme mondialisé provoque une scission entre le « bloc dominant » et les couches populaires. Et plus le gouffre entre le « bloc dominant » et le reste de la société s’élargit, et plus les décisions issues du processus démocratique entrent en contradiction avec le rapport de forces réel, et plus elles donc des chances de rester lettre morte. Et cela se traduit logiquement par une perte de confiance des couches populaires, qui ouvre la voie à tous les populismes. La taxation fournit un exemple flagrant : on explique au peuple qu’il peut voter tout ce qu’il veut, il sera toujours impossible de taxer les riches, parce que leur puissance leur permettra de s’y soustraire – par exemple, en déménageant. Dans ces conditions, à quoi cela sert de voter ?

      Cette crise prend des formes exacerbées en France, parce que notre peuple est un peuple politique et notre histoire l’a abondamment montré. Mais il suffit de regarder autour de nous pour voir que c’est un phénomène global. Imaginer qu’on peut la résoudre par la simple modification du système électoral, c’est se bercer de douces illusions.

      [Peut-être une inflexion vers la gauche ce soir… faut dire qu’il n’a plus vraiment d’option. Personnellement je ne vois pas comment ça peut passer. La bête est blessée, les rivaux ont l’odeur du sang, je ne vois pas qui va faire la fleur à Macron de lui permettre de se maintenir… à part peut être les socialistes qui doivent être pétés de trouille à l’idée de revenir devant les électeurs…]

      Mais aussi le syndrome de Brutus, dont j’ai parlé plus haut. Celui qui abattra Macron aura peu de chances de prendre sa place… alors tout le monde attend que quelqu’un d’autre le fasse.

      [Espérons, mais je crains fort qu’il ne s’entête et dissolve l’assemblée, ce qui serait terrible, et potentiellement un coup de grâce pour la 5ème si on a une reconduction de l’assemblée en l’état…]

      C’est à craindre, en effet. Je donnerais cher pour avoir un tête à tête avec le président en ce moment…

      • Bob dit :

        @ Descartes
         
        [Je donnerais cher pour avoir un tête à tête avec le président en ce moment…]
         
        Pour lui dire des choses ou seulement pour avoir le sien ?

        • Descartes dit :

          @ Bob

          [Pour lui dire des choses ou seulement pour avoir le sien ?]

          Pour avoir son avis. Je ne me fais guère d’illusions sur ma capacité à me faire entendre de lui…

      • P2R dit :

        @ Descartes
         
        [Imaginez que Philippe attaque vraiment Macron bille en tête. Attal aura tout le loisir de l’accuser de déloyauté]
         
        Je ne sais pas s’il reste quelq’un de loyal à Macron… Ce qui pourrait jour en faveur du “Brutus”, c’est qu’à peu près tous les “cadors” (avec plein de guillements) de la macronie ont déjà renié publiquement le président. Coton après ça de faire la blanche colombe. Mieux, en tuant Macron sur un motif tel que le retour sur la réforme des retraites (Horizon vient d’ailleurs d’annoncer que c’était une ligne rouge pour eux), l’aile droite de la macronie assassine le père au motif de préserver son héritage !
         
         
        [J’ajoute que sur la réforme des retraites, on fait dans le surréalisme. Après avoir provoqué la chute du gouvernement Bayrou pour avoir refusé toute concession à ce sujet, on a une ouverture… à travers d’une déclaration du ministre de l’éducation nationale, certes ancien premier ministre, mais dont on se demande à quel titre il pourrait prendre un engagement dans ce sens. Soit Borne fait cela de sa propre initiative, et on se demande dans quel pays on vit, soit elle le fait en service commandé, et il faut se demander par qui.]
         
        Oui, là c’est carrément le chaos.il y a deux heures, vous entendiez Faure à la radio, c’était quasi fait, Lecornu parle, il ne mentionne pas le sujet mais dit qu’on s’approche d’une solution, ce qu sous entends que le principe de concessions s’est imposé, et là patatras, article dans le figaro qui explique que le bloc central se déchire sur le sujet, n’a pas été mis au courant, horizon qui rejoint une ligne dure avec LR, et la gauche qui dit qu’elle n’acceptera pas de participer à un gouvernement qui incluerait des macronistes.. 
         
        ça sent la panique… Guaino hier s’est montré carrément catastrophiste. Pour lui, même avec une démission de Macron, c’est le chaos qui nous attends.
         
         
        [C’est vrai qu’avec la proportionnelle on n’aurait pas le « front républicain » (ou plutôt, le front républicain apparaîtrait dans les votes dans l’Assemblée, et non au niveau du vote des électeurs]
         
        C’est quand même une grosse différence. Parce que le “front républicain” à l’assemblée entraine des conséquences concrètes sur la vie des gens, et force les élus à se découvrir. Alors que le front républicain avant élection n’engage strictement à rien.
         
        [Mas si vous supprimez ce vice, vous en créez d’autres.]
         
        Tout à fait. Reste à savoir lequeldes deux maux est le miondre.
         
        [Je ne pense pas. Je trouve que le meilleur système électoral est celui qui fait apparaître clairement les intérêts des uns et des autres. ]
         
        Vu comme ça, ça s’entends.
         
         
        [Cette crise prend des formes exacerbées en France, parce que notre peuple est un peuple politique et notre histoire l’a abondamment montré. Mais il suffit de regarder autour de nous pour voir que c’est un phénomène global. Imaginer qu’on peut la résoudre par la simple modification du système électoral, c’est se bercer de douces illusions.]
         
        Il faut je pense séparer la crise institutionnelle de la “crise populiste” mondialisée. AL crise institutionnelle française est tout de même assez unique en son genre, il me semble. D’autres pays ont connu des troubles et des périodes d’incertitudes liées à la montée du populisme, mais pas au point de mettre en danger leur constitution et les institutions.
         
        [C’est à craindre, en effet. Je donnerais cher pour avoir un tête à tête avec le président en ce moment…]
         
        Pour lui dire quoi ?
        Que c’est trop tard pour avoir un geste Gaullien en quittant le pouvoir, mais qu’il peut encore avoir un geste de décence minimale en s’en allant, alors que sinon il sera contraint de partir couvert de honte ?

        • Descartes dit :

          @ P2R

          [« Imaginez que Philippe attaque vraiment Macron bille en tête. Attal aura tout le loisir de l’accuser de déloyauté » Je ne sais pas s’il reste quelqu’un de loyal à Macron…]

          Peut-être pas – quoique l’incapacité de Lecornu à lui tenir tête semble indiquer le contraire. Mais dans tous les cas, l’accusation de déloyauté, de traîtrise, de frapper un homme à terre restera infamante et dangereuse. Souvenez-vous que cette accusation a longtemps poursuivi Macron, alors que celui-ci n’avait rien fait pour empêcher Hollande de se présenter, se contentant simplement de tirer les conclusions de son incapacité à le faire.

          [Ce qui pourrait jour en faveur du “Brutus”, c’est qu’à peu près tous les “cadors” (avec plein de guillements) de la macronie ont déjà renié publiquement le président.]

          Je ne vois pas où vous voyez un « reniement ». Si certains ont critiqué – ou dit ne pas comprendre – sa tactique actuelle, aucun jusqu’ici n’a remis en cause ses choix stratégiques sur le fond. Est-ce que quelqu’un a critiqué la « politique de l’offre » ? La réforme de la haute fonction publique ? Les hésitations de la politique énergétique ? L’engagement européen ? La politique vis-à-vis de la Russie ? Pas que je sache.

          [Oui, là c’est carrément le chaos. Il y a deux heures, vous entendiez Faure à la radio, c’était quasi fait, Lecornu parle, il ne mentionne pas le sujet mais dit qu’on s’approche d’une solution, ce qui sous entends que le principe de concessions s’est imposé, et là patatras, article dans le figaro qui explique que le bloc central se déchire sur le sujet, n’a pas été mis au courant, horizon qui rejoint une ligne dure avec LR, et la gauche qui dit qu’elle n’acceptera pas de participer à un gouvernement qui inclurait des macronistes…]

          Il est clair pour moi qu’il faut un gouvernement dont seraient exclus l’ensemble sinon tous les ministres qui, à un titre ou un autre, auront participé aux gouvernements macronistes. C’est la seule manière de rendre la possibilité d’une « rupture » crédible. L’échec de Lecornu tient à mon avis en grande partie au fait qu’il n’a pas pu ou pas voulu imposer ce choix au président. Mais au-delà des hommes, j’ai l’impression que l’ensemble du spectre politique s’est résigné à une dissolution et joue la politique du pire, en s’imaginant que de l’autre côté on bluffe.

          [ça sent la panique… Guaino hier s’est montré carrément catastrophiste. Pour lui, même avec une démission de Macron, c’est le chaos qui nous attend.]

          Guaino s’incline généralement vers le pessimisme, mais dans ce cas je suis un peu d’accord avec lui. Mon pessimisme ne vient pas seulement de la médiocrité des élites politiques. Après tout, on avait un peu les mêmes sous la IVème, et le pays n’a pas coulé pour autant – enfin, si, mais ça a pris onze ans et un choc externe. Le problème, c’est qu’à l’époque c’était la haute administration qui gérait le pays pendant que les gouvernements tombaient. Aujourd’hui, notre haute administration n’est pas en mesure de faire ce travail.

          [Il faut je pense séparer la crise institutionnelle de la “crise populiste” mondialisée. AL crise institutionnelle française est tout de même assez unique en son genre, il me semble. D’autres pays ont connu des troubles et des périodes d’incertitudes liées à la montée du populisme, mais pas au point de mettre en danger leur constitution et les institutions.]

          N’exagérons rien. Ni la constitution, ni les institutions ne sont en danger. Les Français ne sont pas dans la rue pour exiger une VIème République, que je sache. Les impôts sont payés, les lois respectées, les généraux obéissent aux ordres. Les Français comprennent très bien que ceux qui ont failli aujourd’hui sont les hommes, et non les institutions.

          [« C’est à craindre, en effet. Je donnerais cher pour avoir un tête à tête avec le président en ce moment… » Pour lui dire quoi ?]

          Rien. Pour l’écouter.

    • Claustaire dit :

      [la proportionnelle a peut-être des défauts mais au moins, quand un député est élu, il sait qu’il l’est par ses partisans. Je pense que la démocratie crève (entre autre) d’avoir des députés de droite élus par des électeurs de gauche et vice-versa.]
       
      [(Tout vrai) débat est impossible dans une Assemblée qui n’a reçu du peuple d’autre mandat que d’empêcher l’arrivée au pouvoir du RN ]
      Voilà deux assertions qui me semblent des plus pertinentes.

      • Descartes dit :

        @ Claustaire

        [« la proportionnelle a peut-être des défauts mais au moins, quand un député est élu, il sait qu’il l’est par ses partisans. Je pense que la démocratie crève (entre autre) d’avoir des députés de droite élus par des électeurs de gauche et vice-versa. »]

        Mais cela n’a rien de nouveau. On est allés même plus loin : en 1981, les électeurs de gauche ont unanimement élu un président de droite…

        Je pense que vous mettez beaucoup trop l’accent sur ce partage « droite/gauche ». Si l’expérience macroniste nous enseigne quelque chose, c’est à relativiser cette division. Quand les « députés de gauche » et les « députés de droite » soutiennent les mêmes politiques – en quoi le Macron ministre de François Hollande était si différent du Macron président ? – quelle importance de savoir avec quelles voix ils ont été élus ?

        • P2R dit :

          @ Claustaire et Descartes
           
          [Mais cela n’a rien de nouveau. On est allés même plus loin : en 1981, les électeurs de gauche ont unanimement élu un président de droite…]
           
          Je pense qu’une des questions sous-tendue par cet échange, c’est celle de l’éducation politiques (et même de l’éducatin tout court) des citoyens au sein de la république. L’idéal de la république se fonde sur le fait que tous les citoyens soient suffisemment instruits des choses de la politique pour pouvoir exercer un choix éclairé. Pensez-vous que ce soit le cas ? Je crois qu’on peut difficilement faire le procès aux personnes qui avaient la vingtaine en 1981 d’avoir voté pour “un président de droite” en conscience. Pour vous Descartes qui veniez d’une famille communiste, le personnage de Mitterand n’avait aucun secret, mais je ne crois pas qu’on puisse généraliser et ainsi considérer que Mitterand a été élu par un électorat de cyniques.
           
          Je constate tous les jours combien les gens ont les plus grandes difficultés à mettre en rapport la politique et la question des luttes d’intérêt. On (en tant que société) en est à un tel niveau d’impuissance des politiques que l’on vote désormais pour des idéaux sans aucunement se soucier du “comment”, de savoir quelles seraient les conditions de mise en oeuvre de ces mesures  et leurs répercussions. Et je vous garantis que la plupart de nos concitoyens joue ce jeu en toute innocence. Le bulletin de vote est devenu un manifeste de bonne conscience auquel on peut même se payer le luxe de croire, sans que ça n’ait le moindre impact sur le réel. Cette situation est très dangereuse. C’est comme ça qu’on peut se retrouver avec un cinglé dangereux type Mélenchon aux manettes.
           
          Je suis d’accord que faire en sorte que les électeurs “de gauche” votent pour des candidats “de gauche” dans un système proportionnel ne changera probablement pas le fait que ces candidats mèneront la même politique. Mais ils seront contraints de le faire à découvert, et surtout ils seront contraint de le faire sur des projets concrets, et non pas face à un diable de confort. En d’autres termes, lorsque la gauche appellera a voter pour la rigueur budgétaire plutôt que pour des solutions contraires à l’esprit de l’UE, l’électeur ne pourra pas se réfugier dans le déni, en tout cas beaucoup moins qu’en appelant à voter pour le bloc centriste pour éviter la “peste brune”.
           
          Vous me direz que Hollande, après Jospin et Mitterand, a montré à l’ensemble des citoyens que la gauche n’avait pas de leçons à recevoir de la droite en matière de libéralisme et de soumission au capital, mais la situation n’est pas si simple: la politique de Hollande a fracturé son groupe à l’assemblée au point qu’il n’a pas pû se représenter. Cet exemple apporte de l’eau à mon moulin: sous Hollande, la gauche a été contrainte de se découvrir, entre ceux qui se sont alignés de bon coeur sur les positions du bloc central et ceux qui ont refusé. Autrement dit, lorsque la gauche est contrainte de voter à découvert des mesures libérales, la trahison ouverte des promesses a une vertu, celle de mettre leurs électeurs devant leurs responsabilités pour les prochaines scrutins.

          • Descartes dit :

            @ P2R

            [Je pense qu’une des questions sous-tendue par cet échange, c’est celle de l’éducation politiques (et même de l’éducatin tout court) des citoyens au sein de la république. L’idéal de la république se fonde sur le fait que tous les citoyens soient suffisemment instruits des choses de la politique pour pouvoir exercer un choix éclairé. Pensez-vous que ce soit le cas ? Je crois qu’on peut difficilement faire le procès aux personnes qui avaient la vingtaine en 1981 d’avoir voté pour “un président de droite” en conscience.]

            L’exemple que vous donnez est particulièrement intéressant parce que ceux qui ont voté Mitterrand en 1981 avaient toutes les cartes en main. La participation de Mitterrand à la guerre d’Algérie, ses liens avec les ultras de l’Algérie française étaient bien connus et documentés dans la presse, tout comme son parcours à Vichy, parcours suffisamment notable pour être recompensé par une Francisque. L’attentat de l’Observatoire était encore dans toutes les mémoires. L’éléphant était au milieu de la pièce, seulement, personne ne voulait le voir. Pour moi, cela reste un exemple tragique de la force monstrueuse de l’envie de croire.

            Après, on peut se demander pourquoi une telle envie de croire. De ce point de vue, je ne peux que rejeter l’idée d’un Mitterrand élu par « un électorat de cyniques ». Non, il a été élu par un électorat de gens trompés, mais trompés par eux-mêmes.

            [Je constate tous les jours combien les gens ont les plus grandes difficultés à mettre en rapport la politique et la question des luttes d’intérêt. On (en tant que société) en est à un tel niveau d’impuissance des politiques que l’on vote désormais pour des idéaux sans aucunement se soucier du “comment”, de savoir quelles seraient les conditions de mise en oeuvre de ces mesures et leurs répercussions.]

            Je ne le pense pas. Le vote est un acte de délégation, mais c’est aussi et surtout une question de division du travail. Moi, citoyen, je n’ai pas envie de faire l’effort d’étudier le droit, l’histoire, l’économie, la philosophie politique. Je n’ai pas envie non plus de passer des heures dans des réunions, de lire des rapports indigestes, de participer à des séances interminables, de négocier des compromis dans lesquels je laisse une partie de moi-même. Alors, j’élis quelqu’un pour faire tout ce travail à ma place. Et je l’élis non seulement parce qu’il me fait de belles promesses – auxquelles je ne crois pas – mais parce que je lui fais confiance pour analyser les situations et faire des choix en tenant compte de mes intérêts.

            Les gens n’ont pas à se soucier du « comment ». Ca, c’est l’affaire des politiciens et des militants. Et je ne pense pas un instant que les gens votent pour des « idéaux ». Ou plutôt si, mais ils choisissent curieusement les « idéaux » qui vont dans le sens de leurs intérêts…

            [Et je vous garantis que la plupart de nos concitoyens joue ce jeu en toute innocence. Le bulletin de vote est devenu un manifeste de bonne conscience auquel on peut même se payer le luxe de croire, sans que ça n’ait le moindre impact sur le réel. Cette situation est très dangereuse. C’est comme ça qu’on peut se retrouver avec un cinglé dangereux type Mélenchon aux manettes.]

            Je n’y crois pas. Oui, le vote est devenu EN APPARENCE un manifeste de bonne conscience. Mais on aurait tort de penser que ce vote n’a pas d’effet sur le réel, ou qu’il soit détaché des intérêts de ceux qui le formulent. Et croyez-moi, si Mélenchon arrivait aux manettes il servirait ponctuellement les intérêts des gens qui ont voté pour lui. Mélenchon n’est pas plus « révolutionnaire » que ne l’était Mitterrand quand il prononçait du haut de la tribune des discours qui feraient passer le NPA pour des modérés. On sait comment cela s’est terminé.

            [Je suis d’accord que faire en sorte que les électeurs “de gauche” votent pour des candidats “de gauche” dans un système proportionnel ne changera probablement pas le fait que ces candidats mèneront la même politique. Mais ils seront contraints de le faire à découvert, et surtout ils seront contraint de le faire sur des projets concrets, et non pas face à un diable de confort.]

            Au contraire. Le système proportionnel implique que chacun va devant les électeurs avec son projet, mais qu’ensuite la politique mise en œuvre résulte d’un compromis entre les partis. Ceux-ci ont donc toute liberté pour jeter par-dessus bord leur programme, en expliquant à leurs électeurs que « vous savez, on voulait changer le monde, mais il faut bien faire des compromis »… Le système majoritaire, qui oblige à faire des accord AVANT l’élection, donne à l’électeur beaucoup plus de prise sur la politique qui sera effectivement mise en œuvre.

            [En d’autres termes, lorsque la gauche appellera a voter pour la rigueur budgétaire plutôt que pour des solutions contraires à l’esprit de l’UE, l’électeur ne pourra pas se réfugier dans le déni, en tout cas beaucoup moins qu’en appelant à voter pour le bloc centriste pour éviter la “peste brune”.]

            Mais bien sur que si. Il pourra voter pour ses principes sachant que son parti laissera prudemment tomber la chose au moment de la négociation des coalitions.

  9. CZ dit :

    [Il faut bien comprendre qu’on ne peut réformer ce qu’on ne connaît pas, ce qu’on ne comprend pas, et plus fondamentalement, ce qu’on n’aime pas.]
    Pouvez-vous préciser quels sont les éléments qui vous donnent à penser que Macron n’aime pas la France ? 

    • Descartes dit :

      @ CZ

      [Pouvez-vous préciser quels sont les éléments qui vous donnent à penser que Macron n’aime pas la France ?]

      Il faudrait un long commentaire pour regrouper toutes les remarques, piques et saillies de notre président et qui montrent un mépris souverain de ce qui fait la France, de son histoire, de sa culture, de ses spécificités, de sa singularité.

      Prenons la culture. En 2017, dans un discours à Lyon, Macron déclare « Il n’y a pas une culture française, il y a une culture en France et elle est diverse. ». Il précisera sa pensée quelques semaines plus tard, dans un entretien donné à Londres: “L’art français, je ne l’ai jamais vu”.

      Prenons maintenant ce qu’il dit de ses concitoyens. Dans un discours prononcé à Athènes, il déclare que “la France n’est pas réformable” parce que devant la réforme “on se cabre, on résiste, on contourne. Nous sommes ainsi faits”. Mais il continue: pour faire ces réformes “Je serai d’une détermination absolue et je ne céderai rien, ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes”… C’est plus du mépris que de l’amour, qu’on voit dans ces termes-là.

      Prenons la langue française. Rompant avec la tradition qui fait qu’un chef d’Etat ne parle jamais officiellement une autre langue que celle de son pays, Macron profite de chaque opportunité pour démontrer publiquement son impeccable “globish”. Même en interne, il n’hésite pas à utiliser la langue impériale – souvenez-vous de la “start-up nation”.

      Tout dans l’expression macronienne transpire le mépris pour la France TELLE QU’ELLE EST. Quand il parle de la France qu’il apprécie, c’est une France qui lui ressemble, celle des “premiers de cordée” et des “start-up”. Napoléon disait que « De Clovis au Comité de salut public, j’assume tout ». Macron, lui, n’assume rien. L’histoire coloniale ? Un “crime contre l’humanité”. Les grands corps de l’Etat ? A supprimer. La France , Une vieillerie qui doit se diluer dans l’Europe.

      • CVT dit :

        @Descartes,

        [L’histoire coloniale ? Un “crime contre l’humanité”. Les grands corps de l’Etat ? A supprimer. La France , Une vieillerie qui doit se diluer dans l’Europe.]
         

        encore deux exemples récents de haine de soi du P’tit Cron (petit nom donné en raison de l’effronterie du personnage…):
        – Le SCAF, que Dassault aurait les moyens fabriquer et concevoir tout seul et notre Méprisant de la République voudrait livrer pieds et poings liés aux Boches, après leur avoir concédé la fabrication de nos chars…
        – L’aboulie face à l’Algérie, qui n’a de cesse de rabrouer les Français à tout propos.
        – Le ridicule de “l’affaire Brigitte” : quoiqu’on pense de la vérité, je suis persuadé que cette affaire n’est qu’un contrefeu pour nous distraire de sujet plus important, mais elle ridiculise l’image de la France à l’étranger; or le père Ubu de l’Elysée éprouve une véritable jouissance à se comporter comme un garnement à l’étranger… Est-ce bien le comportement d’un homme qui respecte son pays et ses concitoyens?
        Et le pire, c’est que la liste des forfaitures et autres coups bas portés aux intérêts de la Nation par le forcené de l’Elysée (il se bunkerise…), n’est pas close: est sur le point d’abandonner notre défense nucléaire pour complaire aux Fridolins et aux Polaks, trop contents de pouvoir souffler sur les braises du conflit russo-ukrainien.
        Citez-moi une seule décision qui, en huit ans de mandat présidentiel, aura été favorable aux intérêts français? Or comme le disait Cocteau, il n’existe pas d’amour, seulement des preuves d’amour… 

      • Bob dit :

        @ CZ
        Souvenez-vous aussi des illettrées de Gad en Bretagne, des Gaulois réfractaires au changement, des gens qui ne sont rien, …
        Macron n’aime ni la France, ni les Français.

        • CZ dit :

          Merci à vous trois pour vos illustrations.
          Effectivement, quand on compare les preuves de mépris aux preuves d’amour comme le suggère CVT, la balance n’est clairement pas à l’équilibre.

  10. Lhaa Francis dit :

         A Bretton Woods, en 1944, l’impérialisme US a impose le dollar comme étalon à 35 dollars l’once. Actuellement, on est à un peu plus de 4 000 dollars l’once. A mon avis, un gros ” clash ” se prépare, et nos réputées ” classes moyennes ” vont morfler. Vont-elles opter pour l’alliance avec la classe ouvrière, ( si, si, ça se fait toujours, ça ), ou bien  vont-elles chercher à conserver leur ” qualité de vie “,  ( défense de rire ) à tout prix, en fait au détriment du prolo, et dans ce cas, c est le fascisme. Perso, j’insupporte ces ” gens ” depuis plus de la moitié d’un dixième de millénaire, et pour en faire des ” humains ” , avec un petit ” h ” pour commencer, y aura du boulot.

    • Descartes dit :

      @ Lhaa Francis

      [A Bretton Woods, en 1944, l’impérialisme US a imposé le dollar comme étalon à 35 dollars l’once.]

      Ce serait plutôt l’inverse : c’est l’or qui est retenu comme étalon à Bretton Woods. Les accords de Bretton Woods supposent que les Etats-Unis doivent par ailleurs garantir la conversion de leurs billets en or sur simple demande. Cette convertibilité est maintenue jusqu’à la décision de Nixon, en 1971, d’y mettre fin. En effet, le déficit croissant des Etats-Unis avait multiplié la masse de dollars en circulation, et celle-ci dépassait par trop les stocks d’or de la Réserve fédérale.

      [Actuellement, on est à un peu plus de 4 000 dollars l’once. A mon avis, un gros ” clash ” se prépare, et nos réputées ” classes moyennes ” vont morfler.]

      J’ai du mal à saisir le rapport entre la valeur de l’or exprimée en dollars et la préparation d’un gros « clash ». Pouvez-vous développer ?

      [Vont-elles opter pour l’alliance avec la classe ouvrière, ( si, si, ça se fait toujours, ça ), ou bien vont-elles chercher à conserver leur ” qualité de vie “, ( défense de rire ) à tout prix, en fait au détriment du prolo, et dans ce cas, c’est le fascisme.]

      Depuis les années 1970, nous vivons sous une alliance des classes intermédiaires et de la bourgeoisie, et pour le moment le « fascisme » ne s’est pas matérialisé. On ne voit d’ailleurs aucun mouvement de cette nature se profiler à l’horizon. La question n’est pas tant de savoir si les classes intermédiaires chercheront à « préserver leur qualité de vie ». Cela paraît une évidence – la classe ouvrière cherchera certainement la même chose, tout comme la bourgeoisie. La question est de savoir quelle est l’alliance politique qui leur permettra le mieux de le faire. Ces dernières années, c’est en faisant bloc avec la bourgeoisie que les classes intermédiaires ont réussi à préserver leurs intérêts. Est-ce que cela pourrait changer ? Les paris sont ouverts…

      • Lhaa Francis dit :

             J’ai vérifié  sur le Net, pour la parité/convertibilité or/dollar, et si je résume bien, en faisant tourner la planche à billets, les U.S.A ont  ” cassé le thermomètre “. Ils auraient du écouter Monsieur Triffin ( les Belges aussi peuvent avoir des bonnes idées ).  Le ” clash auquel je pense, c’est le Reichmark après la guerre de 14/18 : il en fallait des  brouettes pour s’acheter une miche de pain, ou la crise de 29, mais ce coup-ci, ça pourrait bien etre un peu plus ” balèze “. Et comme ” le chef passe en premier “, ça va forcément se pointer ici aussi. Et donc, solution ” autoritaire ” pour en sortir. Pas forcément un régime à la Hitler, Mussolini ou Franco, en passant par toutes les variantes, mais un neo-fascisme ” tranquille “, ( je ne nomme personne, suivez mon regard ). Encore que …… Quant à savoir si le capitalisme en France a encore les moyens, entre autres financiers, de deshabiller Pierre-le prolo pour habiller Paul-le-faux-bourge…..                                                                                                                                      P.S.  ” L’arsouille “,  comme le qualifiait Mongeneral, meme avec les voix communistes, était minoritaire au premier tour des présidentielles en 81. Il a été poussé à l’Elysée, non pas par des ” naifs “, mais par  une fausse gauche consciente et organisee.

        • Descartes dit :

          @ Lhaa Francis

          [Le ” clash auquel je pense, c’est le Reichmark après la guerre de 14/18 : il en fallait des brouettes pour s’acheter une miche de pain, ou la crise de 29, mais ce coup-ci, ça pourrait bien etre un peu plus ” balèze “.]

          C’est très improbable. La crise du Reichmark est une crise de sous-production (autrement dit, trop de monnaie en circulation par rapport aux capacités de l’appareil productif à fournir). Une telle crise est peu vraisemblable aujourd’hui, compte tenu de la structure du capitalisme et de l’excès de capital qui tendrait plutôt au phénomène inverse : trop de biens à acheter, pas assez de monnaie pour le faire. Vous noterez d’ailleurs que les épisodes inflationnistes sont devenus très rares, et seulement sous l’effet d’un choc externe (Covid, par exemple…).

          Une crise type 1929 (crise de sur-production) est déjà plus probable, parce qu’on constate un peu le même phénomène : déflation salariale, envolée des actifs. Mais les leçons de 1929 ont été apprises, et aucun état moderne ne laisse les marchés s’équilibrer d’eux-mêmes. L’endettement public traduit au contraire un mécanisme de maintien artificiel de la consommation, sans quoi, effectivement, l’économie s’effondrerait.

          Non, la prochaine crise ne viendra probablement pas de la sur- ou sous-production, mais de la dette. La logique keynésienne pour éviter les crises cycliques reposait sur un Etat qui s’endettait pour soutenir la consommation pendant les périodes de récession et remboursait la dette pendant les périodes fastes. Seulement, des périodes fastes, il n’y en a plus tellement, du moins dans les pays développés, puisque le capital réclame des aides quand les choses vont mal et refuse de payer des impôts quand les choses vont bien…

          [Et comme ” le chef passe en premier “, ça va forcément se pointer ici aussi. Et donc, solution ” autoritaire ” pour en sortir. Pas forcément un régime à la Hitler, Mussolini ou Franco, en passant par toutes les variantes, mais un neo-fascisme ” tranquille “, ( je ne nomme personne, suivez mon regard ).]

          La plupart des pays sont sortis de la crise de 1929 sans recours à des régimes autoritaires. L’Allemagne et l’Italie constituent l’exception et non la règle. Et encore, si les classes dominantes ont favorisé les régimes autoritaires, c’est parce que le spectre du bolchévisme – venu de la main de la défaite militaire – les hantait. Aujourd’hui, on ne voit aucun bolchévisme a l’horizon, pour menacer les classes dominantes…

          Ce qui nous attends – en fait, on y est déjà – est une forme d’autoritarisme « soft ». Non pas celui d’un dictateur qui concentrerait le pouvoir dans un Etat fort, mais au contraire une dilution du pouvoir d’Etat, laissant libre cours au pouvoir de l’argent. Pour discipliner la société, Google et TikTok sont bien plus efficaces que n’importe quel ministère de la propagande…

          [P.S. ” L’arsouille “, comme le qualifiait Mongeneral, même avec les voix communistes, était minoritaire au premier tour des présidentielles en 81. Il a été poussé à l’Elysée, non pas par des ” naifs “, mais par une fausse gauche consciente et organisée.]

          Mais si vous additionnez toutes les voies de la gauche (extrême gauche, radicaux de gauche, écologistes) vous arrivez à 50,7%. En quoi Arlette Laguillier ou Michel Crépeau étaient plus « faux » en termes de « gauche » que François Mitterrand ? Que cela vous plaise ou non, c’est ça, « la gauche ». Essayer de distinguer la « vraie » de la « fausse » est un travail inutile.

          • Lhaa Francis dit :

                 La vraie gauche socialise ( et non pas nationalise ) les usines et les banques. ( Suis content, j’ai fait court ).

            • Descartes dit :

              @ Lhaa Francis

              [La vraie gauche socialise ( et non pas nationalise ) les usines et les banques. ( Suis content, j’ai fait court ).]

              Je crains qu’avec votre définition, la “vraie gauche” soit un ensemble vide. Connaissez-vous un seul exemple ?

  11. MJJB dit :

    J’ignore si cela a quelque chose à voir avec la situation actuelle, mais les langues semblent se délier : https://x.com/TribunePop23/status/1975671253676794178
     
    Il est trop tôt, bien sûr, pour savoir s’il s’agit là d’une saillie sans lendemain, ou l’amorce d’un véritable changement de fond dans le débat public. J’essaie d’être optimiste, mais c’est difficile.

    • Descartes dit :

      @ MJJB

      [J’ignore si cela a quelque chose à voir avec la situation actuelle, mais les langues semblent se délier :]

      Rien de nouveau sous le soleil: les positions de Girard et de Guaino sont bien connues, et ni l’un ni l’autre ne perdent une opportunité pour les exprimer. Quant aux journalistes, ils sont toujours sur la même ligne: “si nous n’avions pas l’Euro, dans la situation catastrophique où nous sommes, nous aurions dévaluation sur dévaluation”, sans se demander si l’Euro n’a pas sa part dans la “situation catastrophique où nous sommes”…

  12. Anon dit :

    Bonjour descartes,
    Desole pour le hors-sujet mais je n’arrive pas a saisir ce qui me semble une contradiction dans l ideologie europeenne donc je viens vers vous.
    Pourquoi est il possible d avoir des societes portefeuilles au Luxembourg et de ne pas payer l impot francaise mais est il impossible pour un particulier d acheter en grande quantite dans un autre pays europeen sans que la dpuane nous retienne la marchandise ? Pourquoi la douane n est pas vue comme une entrave au commerce, ou inversement pourquoi n’y a t il pas de controle des capitaux avec une douane des capitaux qui verifie et limite?
    Je ne comprend pas cette difference de traitement, est ce due a l histoire du projet europeen ou a une difference de nature entre transit de biens et celui de capitaux ?

    • Descartes dit :

      @ anon

      [Pourquoi est-il possible d’avoir des sociétés portefeuilles au Luxembourg et de ne pas payer l’impôt français mais est-il impossible pour un particulier d’acheter en grande quantité dans un autre pays européen sans que la douane nous retienne la marchandise ?]

      Je pense que vous faites erreur. Vous pouvez parfaitement acheter des biens dans un autre pays européen et les déplacer à travers l’Union européenne sans passer par les douanes : c’est le principe de « libre circulation des marchandises » consacrés par les traités européens.

      [Pourquoi la douane n’est pas vue comme une entrave au commerce, ou inversement pourquoi n’y a-t-il pas de contrôle des capitaux avec une douane des capitaux qui vérifie et limite?]

      Dans l’Union européenne, le principe de « libre circulation » et de « libre concurrence » font que les capitaux, les personnes, les biens et les services circulent librement. Dans le commerce international, ce n’est pas nécessairement le cas, et beaucoup de pays introduisent des contrôles tant sur la circulation des biens (contrôle douaniers) que les personnes (contrôles d’immigration) ou des capitaux (contrôle des changes). Certains pays vont même jusqu’à rendre leur monnaie inconvertible…

  13. Claustaire dit :

    Ayant perdu les législatives de 1986, le Président de l’époque (élu en 81 pour 7 ans) ne s’est pas retiré : il a, conformément à la Constitution (plus à sa lettre qu’à son esprit, certes), laissé le gouvernement à la majorité parlementaire qui est sortie de ces élections.
    Il suffirait encore de nos jours qu’une majorité parlementaire se dégage des divers partis et mouvements qui y siègent pour que le pays soit gouverné, indépendamment de ce qui conviendrait ou non au Président.
    Ce sont les députés que le peuple devrait pouvoir interpeller… soit dès maintenant dans leur permanence, soit après une dissolution.
    Bref, est-il vraiment besoin d’en appeler à la démission du Président de la R.F., en rajoutant une crise institutionnelle à l’actuelle crise parlementaire ?

    • Descartes dit :

      @ Claustaire

      [Il suffirait encore de nos jours qu’une majorité parlementaire se dégage des divers partis et mouvements qui y siègent pour que le pays soit gouverné, indépendamment de ce qui conviendrait ou non au Président.]

      Encore faudrait-il que le président tire les conclusions du résultat de l’élection, comme l’ont fait Mitterrand ou Chirac, et accepte de s’y plier. En 1986, en 1993, en 1997 le président a accepté de nommer au gouvernement le dirigeant qui lui était proposé par le groupe parlementaire le plus nombreux, quitte à lui de composer une majorité. Pensez-vous qu’on puisse faire confiance à Macron pour agir de même ?

      Même s’il ne gouverne pas, le président a une responsabilité : celle de garantir le fonctionnement normal des institutions. Peut-on faire confiance à Macron pour faire ça ? La situation où nous sommes montre que la réponse est négative. C’est pourquoi il doit partir.

      [Ce sont les députés que le peuple devrait pouvoir interpeller… soit dès maintenant dans leur permanence, soit après une dissolution.]

      Mais les interpeller pour quoi, exactement ?

      • Bob dit :

        @ Descartes
         
        Pour la réunion qui a lieu en ce moment, “l’Elysée espère “un moment de responsabilité collective””. Sous-entendu, de la part des invités.
        Il est remarquable, encore une fois, que Macron ne s’inclut jamais parmi ceux qui doivent prendre leurs responsabilités.

        • Descartes dit :

          @ Bob

          [Pour la réunion qui a lieu en ce moment, “l’Elysée espère “un moment de responsabilité collective””.]

          Macron nous refait toujours la même chose. Comme tous les séducteurs, il est persuadé de la puissance de son verbe, de sa capacité par la parole à faire tomber toutes les résistances. Il s’imagine qu’en enfermant ses opposants dans une salle pour écouter sa parole il arrivera miraculeusement à faire accepter sa vision des choses. A la fin, on arrive toujours au même résultat: la “responsabilité collective” consiste à faire ce que dit Macron. Au niveau d’exaspération ou l’on est aujourd’hui, je vois mal comment cela pourrait marcher.

          • Claustaire dit :

            Comme exemple de “responsabilité collective” et ‘révolutionnaire’ quoique parfaitement constitutionnelle offerte à nos députés, il suffirait que trois cent députés de l’actuelle A.N. conviennent de se constituer en groupe convergent convenant de proposer les grandes lignes d’un budget ainsi que quelques projets de loi pour se dire “majorité parlementaire” et exiger que soit nommé le 1er ministre de leurs voeux. Dans ce cas, le Président serait obligé de nommer celui qu’ l’A.N. lui imposerait. Voir ce qui s’est passé en 86, en 93, en 97. Cela s’appelait la Cohabitation.

            • Descartes dit :

              @ Claustaire

              [Comme exemple de “responsabilité collective” et ‘révolutionnaire’ quoique parfaitement constitutionnelle offerte à nos députés, il suffirait que trois cent députés de l’actuelle A.N. conviennent de se constituer en groupe convergent convenant de proposer les grandes lignes d’un budget ainsi que quelques projets de loi pour se dire “majorité parlementaire” et exiger que soit nommé le 1er ministre de leurs voeux.]

              Admettons. Mais dans ce cas, pourquoi ne le font-ils pas ? Est-ce la constitution qui les en empêche ? Non, vous le dites vous-même, ce serait parfaitement conforme à la Constitution. Est-ce le système électoral ? Non, puisque tous les commentateurs s’accordent aujourd’hui à penser que la composition de l’Assemblée ne serait pas fondamentalement différente si on avait un système proportionnel. Alors, quel est le problème ?

              Le problème, c’est que les partis politiques ne sont rien sans des citoyens qui votent pour eux. Les trois cents députés dont vous parlez devraient ensuite rentrer dans leurs circonscriptions et expliquer à leurs électeurs pourquoi ils ont accepté telle ou telle concession. Vous imaginez Barnier expliquant à ses électeurs du 7ème arrondissement qu’il a accepté la taxe Zucman ? Ou bien Panot expliquant aux électeurs d’Ivry qu’elle a accepté que la réforme des retraites s’applique comme prévu ? C’est pour cela qu’il faut parler de « crise politique », et non de « crise institutionnelle ». Les institutions ne font que refléter fidèlement la position des citoyens. Et les citoyens des couches populaires en ont marre : pendant trente ans, on leur a expliqué qu’il fallait « faire des compromis », et à chaque « compromis » ce sont les mêmes qui se sont fait avoir. Ceux-là n’ont plus confiance que le « compromis » qu’on leur propose, quel qu’il soit, soit dans l’intérêt général et non dans l’intérêt particulier de toujours les mêmes. Quant aux citoyens du bloc dominant, ils ne sont prêts à aucun « compromis » qui mettrait en cause leurs intérêts. Le système leur a permis de s’enrichir, il durera bien encore quelques années…

              La réalité, c’est que le “bloc dominant” se sent assez fort pour ne faire aucun compromis. La meilleure preuve en est qu’il est prêt à resservir le même plat encore et encore, malgré le fait que le citoyen l’a renvoyé en cuisine. C’est pourquoi la seule manière d’avoir vos 300 députés, c’est de trouver suffisamment d’imbéciles pour se suicider en allant devant leurs électeurs défendre la position du bloc dominant. Et ce genre de kamikaze est de plus en plus difficile à trouver, d’autant plus que des échéances électorales se profilent à l’horizon.

  14. Claustaire dit :

    Dans le même champ de réflexion que ce que je viens de vous envoyer (sur la nécessité ou non de demander la démission du Président de la R.F. plutôt que la responsabilisation des parlementaires), voici un article d’un site centriste social-démocrate qui aborde les mêmes questions. On pourra, à mon avis, le lire avec intérêt.
     
    https://www.telos-eu.com/fr/la-crise-politique-tous-coupables.html
     
     
     

    • Descartes dit :

      @ Claustaire

      [Dans le même champ de réflexion que ce que je viens de vous envoyer (sur la nécessité ou non de demander la démission du Président de la R.F. plutôt que la responsabilisation des parlementaires), voici un article d’un site centriste social-démocrate qui aborde les mêmes questions. On pourra, à mon avis, le lire avec intérêt.]

      Malheureusement, comme beaucoup d’articles du même genre, il falsifie l’histoire pour la mettre au service d’une conclusion préconçue. Ici, par exemple, l’article affirme que jusqu’à une époque récente le président a pu disposer d’une majorité absolue de députés à son service. Mais c’est faux : sur 18 élections législatives depuis 1958, 7 seulement ont donné la majorité absolue à un parti. Dans les 11 cas restants, il en est résulté des majorités composites, plus ou moins remuantes. Certains présidents ont du composer avec des majorités où leur parti n’était même pas le plus important : c’était le cas de Giscard, par exemple, dont le parti centriste devait composer avec un RPR dominant. C’est pourquoi Raymond Barre avait du utiliser systématiquement l’article 49.3 pour discipliner sa majorité.

      Cet article évoque les évolutions de la carte politique comme si les politiciens, une fois élus, étaient en roue libre et n’avaient pas de comptes à rendre à personne. Mais ce n’est pas le cas : les élus fonctionnent sous l’œil attentif des électeurs. C’est tout le problème des partis : ils sont à la fois Dr Jekyll et Mr Hide. D’un côté, ils sont au service des intérêts de leurs électeurs, de l’autre, ils sont au service des intérêts de leurs dirigeants. Lorsqu’on donne le pouvoir aux partis, comme ce fut le cas sous la IVème, c’est le deuxième aspect qui domine. La dualité instituée par De Gaulle visait à atténuer cet inconvénient, en créant une institution qui soit au-dessus des partis, et ayant suffisamment d’autorité pour créer un rapport de forces avec eux. C’est un système imparfait, mais qui a bien fonctionné. Son principal défaut est qu’il demande pour ce rôle des hommes exceptionnels…

  15. Bob dit :

    @ Descartes
     
    Un ancien président de la République française a été condamné par la Justice pour des faits “d”une gravité exceptionnelle”. Le président actuel reçoit ce dernier à l’Elysée avant son incarcération ; le ministre de la Justice en poste dit qu’il ira rendre visite au détenu en prison.
    ça donne vraiment l’impression d’un panier de crabes.
    Comment voyez-vous cela ?

    • Descartes dit :

      @ Bob

      [Un ancien président de la République française a été condamné par la Justice pour des faits “d”une gravité exceptionnelle”. Le président actuel reçoit ce dernier à l’Elysée avant son incarcération ; le ministre de la Justice en poste dit qu’il ira rendre visite au détenu en prison. Ca donne vraiment l’impression d’un panier de crabes.]

      Au contraire. Cela ne vous est pas arrivé d’avoir un ami très cher condamné « pour des faits d’une gravité exceptionnelle » à la prison ? Moi, si. Et bien, je l’ai visité régulièrement en prison, j’ai essayé de soutenir sa famille. Si je lui avais tourné le dos, j’aurais pas pu me regarder dans un miroir. C’est, il me semble, une attitude humaine. On pourrait parler de « panier de crabes » si, au contraire, ces gens qui pendant des années ont fréquenté Sarkozy ou lui ont demandé des conseils – et qui probablement savaient mieux que quiconque la vérité sur l’affaire – lui tournaient tout à coup le dos sous prétexte qu’il est condamné par les juges, qu’il est devenu médiatiquement infréquentable. Vous ne trouvez pas ?

      Quant aux « faits d’une gravité exceptionnelle », je vous ai dit ce que je pense. Sarkozy n’est ni le premier ni le dernier à financer sa campagne avec des « valises de billets » généreusement accordées par des intérêts divers en échange de promesses plus ou moins tenues. Croyez-vous vraiment que lorsque Rousselet ou Bergé ont financé la campagne de Mitterrand ils ne comptaient pas obtenir quelque chose en échange ? Que les patrons qui ont financé le raid de Macron sur l’Elysée l’ont fait par pure générosité ? Bien sûr, dans ces cas la promesse était implicite, mais elle n’était pas moins réelle. Quant aux subventions accordées en son temps par le CNPF aux candidats gaullistes ou centristes, elles sont trop connues pour que j’aie besoin d’insister. On peut d’ailleurs se demander si l’attitude des juges aurait été différente si l’argent, au lieu de venir de Kadhafi, procédait de Bernard Arnault ou François Pinault…

      Personnellement, cette affaire me fatigue. Je constate qu’elle rentre dans le cadre de ce que j’écris dans mon papier : toute la volaille politico-médiatique se passionne pour cette histoire, pendant qu’on laisse le renard s’occuper des vraies questions. La question de savoir si Sarkozy doit ou non être gardé par deux policiers occupe la « une » des gazettes, pendant que notre ministre de l’éducation déclare que l’école est dans une situation « critique » sans que personne ou presque s’en émeuve. Les symboles prennent le pas sur les réalités.

      • Bob dit :

        @ Descartes
         
        [ Cela ne vous est pas arrivé d’avoir un ami très cher condamné « pour des faits d’une gravité exceptionnelle » à la prison ?]
         
        Non
         
        [On pourrait parler de « panier de crabes » si, au contraire, ces gens qui pendant des années ont fréquenté Sarkozy ou lui ont demandé des conseils – et qui probablement savaient mieux que quiconque la vérité sur l’affaire – lui tournaient tout à coup le dos sous prétexte qu’il est condamné par les juges, qu’il est devenu médiatiquement infréquentable. Vous ne trouvez pas ?]
         
        Oui. Mais il y a une petite différence entre le soutien que vous avez témoigné à votre ami et eux : ni vous ni moi ne sommes présidents de la République ou Ministre de la Justice. Certains symboles comptent.
        Quoi qu’on en pense, le jugement, étayé par 400 pages, a jugé Sarkozy coupable de faits d’une gravité exceptionnelle. 

        [Personnellement, cette affaire me fatigue]
         
        Désolé, je ne voulais pas “remettre une pièce dans la machine”.
         
        [La question de savoir si Sarkozy doit ou non être gardé par deux policiers occupe la « une » des gazettes, pendant que notre ministre de l’éducation déclare que l’école est dans une situation « critique » sans que personne ou presque s’en émeuve.]
         
        Ce point-là est fondamental, je suis d’accord. Et c’est affligeant.

        • Descartes dit :

          @ Bob

          [« Cela ne vous est pas arrivé d’avoir un ami très cher condamné « pour des faits d’une gravité exceptionnelle » à la prison ? » Non]

          Eh bien, vous devriez. C’est une expérience qui vous manque…

          [Oui. Mais il y a une petite différence entre le soutien que vous avez témoigné à votre ami et eux : ni vous ni moi ne sommes présidents de la République ou Ministre de la Justice. Certains symboles comptent.]

          Vous avez raison. C’est encore plus important, lorsqu’on est ministre de la justice, de montrer qu’on ne tourne pas le dos à un ami parce que cela peut vous nuire politiquement. Je reprocherais à Mitterrand ses affinités avec Bousquet, mais je ne lui reprocherait pas de ne pas lui avoir tourné le dos lorsqu’il est devenu président de la République.

          [Quoi qu’on en pense, le jugement, étayé par 400 pages, a jugé Sarkozy coupable de faits d’une gravité exceptionnelle.]

          Et bien, je ne sais pas si les faits en question sont « graves », mais je pense que les juges sont bien naïfs s’ils pensent vraiment qu’ils sont « exceptionnels ». Que celui qui est arrivé à l’Elysée sans avoir rien promis – explicite ou implicitement – à personne en échange d’une valise de billets d’origine douteuse lui jette la première pierre.

          [« La question de savoir si Sarkozy doit ou non être gardé par deux policiers occupe la « une » des gazettes, pendant que notre ministre de l’éducation déclare que l’école est dans une situation « critique » sans que personne ou presque s’en émeuve. » Ce point-là est fondamental, je suis d’accord. Et c’est affligeant.]

          Oui, mais il faut comprendre pourquoi ce contraste. Pendant des siècles les Français ont établi une forme de hiérarchie dans laquelle la compétence dans la gestion des affaires publiques rendait un certain nombre d’écarts acceptables. On admettait que nos dirigeants soient libertins, qu’ils aient une vie personnelle dissolue, qu’ils s’octroient un certain nombre d’avantages sur les deniers publics, ou qu’ils soient raisonnablement malhonnêtes dans le financement de leurs campagnes à condition qu’ils fassent correctement leur boulot. Alors que dans le monde anglosaxon, c’était l’inverse : il était plus important pour le Président des Etats-Unis d’être un bon père ou un bon mari que d’être un bon gestionnaire. Personnellement, je trouve dans la tradition française une forme de maturité politique : les électeurs français savent que les saints, ça n’existe pas, et qu’on élit des êtres humains avec leurs qualités et leurs défauts. Malheureusement, je vois cette tradition s’affaiblir… et c’est pourquoi je pense que la condamnation de Sarkozy ne nous dit rien de la dégradation morale du personnel politique: ce que Sarkozy a fait, tout le monde l’a fait avant lui. Par contre, sa condamnation nous dit beaucoup de la maturité politique du pays, qui préfère le symbole à la réalité.

          • Bob dit :

            @ Descartes
             
            [Par contre, sa condamnation nous dit beaucoup de la maturité politique du pays, qui préfère le symbole à la réalité.]
             
            Cet angle de vue permet d’appréhender la condamnation de Sarkozy au-delà de l’écume médiatique, c’est très intéressant.
             

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [Cet angle de vue permet d’appréhender la condamnation de Sarkozy au-delà de l’écume médiatique, c’est très intéressant.]

              C’est chez moi une démarche intellectuelle systématique. Chaque fois que je regarde un évènement, je me pose la question « pourquoi maintenant ». Pourquoi, alors que les « valises de billets » circulent au moins depuis le XIXème siècle pour financer les campagnes électorales au vu et au su de tout le monde, tout à coup on juge ce genre de procédés d’une « exceptionnelle gravité » ? Qu’est ce qui a changé dans notre société, qui fait que ce qui était parfaitement acceptable hier devient punissable de prison aujourd’hui ?

              A cela, je pense, il y a plusieurs explications. La première tient à la perte du sens du sacré et du tragique chez nos élites. Personne n’aurait songé à mettre dans une prison commune De Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand ou même Chirac. Le dernier chef d’Etat à être emprisonné, Philippe Pétain, l’a été dans une enceinte particulière. On n’aurait pas compris je pense qu’un ancien chef de l’Etat finisse à la Santé, parce qu’un chef de l’Etat est par essence un « grand homme », et si les « grands » peuvent être punis, ils ne peuvent l’être que par des punitions singulières.

              L’establishment – parce que ce n’est pas le peuple qui a condamné Sarkozy, c’est un système judiciaire qui reflète les valeurs de ce dernier – a perdu le respect pour le sacré en général, et celui du suffrage universel en particulier. Il faut se souvenir du récit de Roland Dumas sur la validation des comptes – pourtant irréguliers – du candidat Chirac par le Conseil constitutionnel. Pour un homme de sa génération, entre le résultat du suffrage universel et la pureté du droit, il était clair que ce dernier devait s’incliner. Même si Chirac a été poursuivi après la fin de sa présidence (pour des faits antérieurs à celle-ci) on a fait preuve de mansuétude à son égard. La condamnation de Sarkozy inaugure une séquence dans laquelle l’homme politique, même couronné par le suffrage universel, une fois son mandat terminé, ne mérite pas plus d’égards que n’importe qui – et le débat sur les privilèges des anciens présidents le montrent bien.

            • Bob dit :

              @ Descartes
               
              [le débat sur les privilèges des anciens présidents le montrent bien]
               
              Etes-vous d’accord avec le maintien ad vitam aeternam des  privilèges des anciens présidents (secrétaire, chauffeur, garde du corps, appartement, etc.) ? Et par extension, aussi ceux des anciens ministres ?
              Je crois savoir qu’aux Etats-Unis, après quelques mois, aucun privilège lié à l’ancienne fonction ne subsiste.
               

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [Etes-vous d’accord avec le maintien ad vitam aeternam des privilèges des anciens présidents (secrétaire, chauffeur, garde du corps, appartement, etc.) ? Et par extension, aussi ceux des anciens ministres ?]

              A ma connaissance, les anciens ministres n’ont d’autre privilège que celui d’être appelés protocolairement « monsieur le ministre » à vie. Pour ce qui concerne les anciens présidents, oui, je suis favorable à ce qu’ils gardent à vie des privilèges. On peut discuter leur contenu – d’autant plus que ces privilèges ont été conçus à une époque où les besoins n’étaient pas les mêmes – mais oui, je pense qu’il faut distinguer ceux qui préfèrent se consacrer à la chose publique plutôt qu’à gagner de l’argent.

              [Je crois savoir qu’aux Etats-Unis, après quelques mois, aucun privilège lié à l’ancienne fonction ne subsiste.]

              Comme d’habitude, on voit toujours l’herbe plus verte de l’autre côté de la barrière… eh bien, non, vous faites erreur. Les anciens présidents bénéficient d’une protection à vie du « secret service », ainsi que leurs enfants jusqu’à l’âge de 16 ans. Ils bénéficient aussi d’une pension (montant actuel, 220.000$ par an, soit plus que le salaire du président français en exercice). On lui finance aussi du personnel de secrétariat à hauteur de 100.000 $ par an, et ils ont le droit d’être soignés dans les hôpitaux militaires, ce qui constitue un avantage non négligeable dans un pays ou l’assurance santé est privée…

            • Bob dit :

              @ Descartes
               
              [A ma connaissance, les anciens ministres n’ont d’autre privilège que celui d’être appelés protocolairement « monsieur le ministre » à vie.]
               
              Les anciens premiers ministres gardent un chauffeur (secrétariat ?) sans limite de temps, pour preuve E. Cresson y a encore droit.
              On pouvait lire lors de la récente polémique sur les “privilèges” tout ce que coûtait à la République ces anciens premiers minisitres : tout en bas de la liste, Casteix qui renonçait à ce à quoi il avait droit et qui coûtait quelques milliers d’euros, aux champions Cazeneuve et de Villepin, proches de 200 000 € / an.
               
              [vous faites erreur. Les anciens présidents bénéficient d’une protection à vie du « secret service », ainsi que leurs enfants jusqu’à l’âge de 16 ans.]
               
              J’avais lu ou entendu (je ne sais plus) qu’au bout de 6 mois, tout s’arrêtait pour les  anciens présidents américains. 
              Merci de la correction.

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [« A ma connaissance, les anciens ministres n’ont d’autre privilège que celui d’être appelés protocolairement « monsieur le ministre » à vie. » Les anciens premiers ministres (…)]

              On parlait des « ministres », pas du « premier ministre ».

              [(…) gardent un chauffeur (secrétariat ?) sans limite de temps, pour preuve E. Cresson y a encore droit.]

              Pour le premier ministre, cela me paraît plus discutable. Le président de la République reçoit l’onction du suffrage universel, et à ce titre mérite à mon sens quelques égards. Ce n’est pas le cas d’un premier ministre, qui n’est en poste que par la grâce du choix présidentiel. Qu’on lui paye un secrétariat pour mettre ses papiers en ordre et quelques mois de salaire le temps de se trouver un emploi, pourquoi pas. Qu’on leur assure une protection policière s’ils sont menacés, c’est normal. Mais pas la peine de faire plus.

          • Lhaa Francis dit :

                 Si votre pratique et votre sens de l’amitié vous honorent, vous semblez confondre solidarité et complicité. Parce que, chez  ”  ces gens-là, Monsieur, on n’aime pas, on compte  “.  ( cf la chanson de Brel  :  ces gans-là ). Rien à voir avec l’apotre Paul sur le chemin de Damas. Et puis, un peu de taquinerie : j’ai débuté dans le  ”  monde du travail  ” comme enfant de choeur,  et  on ne se privait pas de  ”  taster  ” un peu de vin de messe à l’occasion, notre brave curé faisant semblant de rien voir. Et il ne nous est jamais venu à l’idée de le mentionner quand on allait  ”  à confesse  “.

          • Carloman dit :

            @ Descartes,
             
            [et c’est pourquoi je pense que la condamnation de Sarkozy ne nous dit rien de la dégradation morale du personnel politique: ce que Sarkozy a fait, tout le monde l’a fait avant lui.]
            Que faut-il en conclure? Que si les autres l’ont fait et n’ont pas été condamnés, Sarkozy ne devrait pas l’être? Ai-je bien compris? Je suppose que non…
             
            Vous avez raison: autrefois, on fermait les yeux quand les dirigeants étaient compétents… et qu’ils ne passaient pas leur temps à traiter les Français d’imbéciles privilégiés. Depuis vingt ans, les dirigeants sont médiocres et se permettent en permanence de mettre les autres en accusation – et Sarkozy l’a fait, je me souviens de propos peu amènes sur les fonctionnaires en général et sur les enseignants en particulier. Eh bien qu’ils aillent en taule quand il y a matière à les y envoyer, et qu’ils arrêtent de chouiner. 
             
            Quelques temps en prison, ce n’est pas cher payé pour avoir contribué à plonger ce pays dans l’abîme. On risque bien pire en temps de révolution, vous ne croyez pas? 

            • Descartes dit :

              @ Carloman

              [Que faut-il en conclure ? Que si les autres l’ont fait et n’ont pas été condamnés, Sarkozy ne devrait pas l’être ? Ai-je bien compris ? Je suppose que non…]

              Je vais essayer de clarifier ma position : dans un monde parfait, les citoyens accepteraient rationnellement que la démocratie a un coût, et mettraient en place un système de financement de l’activité politique permettant à chaque parti, à chaque citoyen de participer à la vie politique, d’organiser des campagnes et des meetings, de coller des affiches et d’accéder aux médias dans des conditions de parfaite égalité. Dans un monde parfait, les hommes et femmes qui consacrent leur vie à la gestion de la cité seraient dignement rémunérés à hauteur de leurs efforts, leurs vertus et leurs talents, et leur dévouement reconnu par leurs concitoyens. Dans ce monde parfait, personne n’aurait de justification pour accepter des valises de billets, pour s’offrir un voyage ou un logement aux frais de la princesse, et ceux qui le feraient devraient être sévèrement punis, quelque soit leur statut et leur orientation politique.

              Seulement, il ne vous aura pas échappé que nous ne vivons pas dans ce monde parfait. Et que dans le monde réel le financement des activités politiques est des plus injustes, que les candidats ne bénéficient nullement de l’égalité des armes, que la rémunération des serviteurs publics est ridicule lorsqu’on la compare à celle des gens qui assument des responsabilités équivalentes dans le privé, et la sévérité des juges est à géométrie variable – il n’y a qu’à comparer les réquisitions dans l’affaire des attachés parlementaires du Modem et celle, similaire, des attachés parlementaires du RN. Dans ces conditions, vous me permettrez d’être très sceptique lorsqu’on me parle de morale publique.

              Que voulez-vous, je suis un contractualiste. Nous sommes en droit d’exiger du fonctionnaire un comportement irréprochable – que nous n’exigeons pas d’un agent privé – parce que nous lui avons accordé un statut protecteur et des avantages dont l’agent privé ne bénéficie pas. Si vous supprimez ce statut, ces avantages, vous perdez le droit d’exiger de lui un comportement spécifique. Et la chose s’applique aussi au personnel politique. Si je soumets le maire à des contraintes particulières, je me dois de lui procurer des avantages particuliers. Alors, s’il utilise un bâtiment municipal à l’œil pour marier sa fille, je ne dis pas non, dès lors qu’il fait correctement son boulot.

              [Vous avez raison: autrefois, on fermait les yeux quand les dirigeants étaient compétents… et qu’ils ne passaient pas leur temps à traiter les Français d’imbéciles privilégiés.]

              Pas seulement « compétents ». J’ajouterais à terme celui de « dévoués ». Eh oui, qu’un homme qui consacre sa vie à me servir, et qui sacrifie à ses fonctions non seulement tout son temps mais aussi sa vie de famille et sa fortune, utilise sa voiture de fonction à des fins privées ou s’offre quelquefois du homard aux frais du contribuable, cela ne me gêne pas. Le problème se pose quand le personnel politique cesse de me servir et ne songe qu’à se servir, qu’il se consacre non pas à ses fonctions, mais à sa carrière. Là, le homard me reste en travers de la gorge. Et vous avez raison : le fait que le personnel politique se permette de nous donner des leçons ne fait qu’empirer les choses.

              [Depuis vingt ans, les dirigeants sont médiocres et se permettent en permanence de mettre les autres en accusation – et Sarkozy l’a fait, je me souviens de propos peu amènes sur les fonctionnaires en général et sur les enseignants en particulier. Eh bien qu’ils aillent en taule quand il y a matière à les y envoyer, et qu’ils arrêtent de chouiner.]

              Sauf qu’ils ne vont pas tous en taule même quand il y a matière à les envoyer. Vous verrez, Macron n’est pas près d’ailler à la Santé, et pourtant le financement de sa campagne de 2017 pose toutes sortes de questions… seulement voilà, un juge ne risque rien à mettre en cause Kadhafi et son entourage, alors que mettre en cause certains grands noms du MEDEF, cela peut vous coûter votre carrière. Pensez à Alexis Kohler, qui est mis en examen pour corruption passive, trafic d’influence et prise illégale d’intérêt, et jouit d’une remarquable mansuétude… malgré des actes d’une « exceptionnelle gravité ». Et dans son cas, on ne peut même pas invoquer la circonstance attenuante de financement de la vie politique.

              Ce qui me met en colère dans cette affaire, c’est le « deux poids deux mesures ». Les mêmes qui aujourd’hui se drapent de vertu offensée et applaudissent au fait qu’on jette Sarkozy dans un cul de basse fosse tressaient des couronnes il n’y a pas si longtemps à un certain Bernard Tapie, qui tout au long de sa vie avait pratiqué la corruption et d’escroquerie aux deniers publics sans le moindre complexe. Alors, il faut s’interroger sur ce que la condamnation de Sarkozy représente. Autrement dit, qu’est ce que l’establishment, qui pardonne si facilement les péchés d’un Tapie, ne peut pardonner à Sarkozy.

              [Quelques temps en prison, ce n’est pas cher payé pour avoir contribué à plonger ce pays dans l’abîme. On risque bien pire en temps de révolution, vous ne croyez pas ?]

              L’acharnement sur Sarkozy ressemble plus à une restauration qu’à une révolution, vous ne trouvez-pas ? Au demeurant, je pense que Sarkozy gère la situation avec une grande dignité. A sa place, j’aurais pris exemple sur le « cocu magnifique »…

            • Carloman dit :

              @ Descartes,
               
              [dans un monde parfait, les citoyens accepteraient rationnellement que la démocratie a un coût, et mettraient en place un système de financement de l’activité politique permettant à chaque parti, à chaque citoyen de participer à la vie politique, d’organiser des campagnes et des meetings, de coller des affiches et d’accéder aux médias dans des conditions de parfaite égalité.]
              Je suis d’accord. Mais il faut dire aux gens qu’ils ne peuvent pas avoir le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière en sus. Les citoyens français ne veulent pas payer le prix de la démocratie et de l’application des valeurs de la République ? Très bien, dans ce cas, qu’ils acceptent la mise en place d’une dictature…
               
              Vous savez, je ne demande au fond qu’une chose toute simple : la cohérence. Que les gens assument, individuellement et collectivement, les conséquences de leurs choix, y compris lorsque ceux-ci sont vils et mesquins. La maxime « faut aimer les gens comme ils sont », ça va cinq minutes. Si la démocratie est trop chère, alors adoptons un autre mode de fonctionnement, moins coûteux.
               
              [Et que dans le monde réel le financement des activités politiques est des plus injustes, que les candidats ne bénéficient nullement de l’égalité des armes, que la rémunération des serviteurs publics est ridicule lorsqu’on la compare à celle des gens qui assument des responsabilités équivalentes dans le privé]
              Vous ne me ferez pas croire que, de tous les candidats à la présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy, issu de l’UMP, le parti alors au pouvoir, a été celui qui a eu le plus de peine à trouver des fonds… A vous lire, j’ai l’impression que cet aspect ne compte pas du tout à vos yeux. Soyons sérieux : Nicolas Sarkozy avait largement les moyens de ses ambitions sans aller chercher l’argent sale libyen. Ce que vous m’avez expliqué sur le financement du PCF à l’époque de la Guerre froide, je le comprends, parce qu’il y avait une réelle volonté de faire obstacle à l’activité politique des communistes. Mais l’UMP en 2007 ?
               
              [Ce qui me met en colère dans cette affaire, c’est le « deux poids deux mesures ».]
              Compte tenu du fait que « nous ne vivons pas dans ce monde parfait » ainsi que vous l’avez mentionné, je vous pose la question : pour les faits reprochés à M. Sarkozy et qui pourraient être reprochés à beaucoup d’autres si je vous suis, êtes-vous favorable à la condamnation ou à l’indulgence plénière pour tous ?
               
              [et applaudissent au fait qu’on jette Sarkozy dans un cul de basse fosse]
              Un « cul de basse fosse » ? Diantre ! Et pourquoi pas l’arène avec les lions, tant qu’on y est ? N’exagérons rien. Nicolas Sarkozy bénéficiera de conditions de détention spéciales, ce qui n’est pas anormal. La peine est infamante, je n’en disconviens pas, mais son intégrité et sa santé ne sont pas en danger. Qui plus est on le découvre entouré d’une famille et d’un cercle d’amis aimants et admiratifs. Tout le monde ne peut pas en dire autant.
               
              [Alors, il faut s’interroger sur ce que la condamnation de Sarkozy représente. Autrement dit, qu’est ce que l’establishment, qui pardonne si facilement les péchés d’un Tapie, ne peut pardonner à Sarkozy.]
              Eh bien interrogeons-nous : quels intérêts occultes Sarkozy a-t-il menacé durant sa présidence ? Les intérêts du patronat français ? J’ai quelques doutes. Il a mené peu ou prou une politique plutôt favorable au bloc dominant, il n’a guère renforcé l’État au-delà des discours musclés. C’est lui qui a lancé la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques) dont les objectifs affichés étaient louables mais qui a débouché sur des « coups de rabot » préjudiciables à l’action publique (et c’est Henri Guaino qui le reconnaît!).
               
              Par ailleurs, je trouve étrange de faire des magistrats qui ont condamné Sarkozy les serviteurs de l’« establishment ». J’entends qu’un individu appartient à une classe sociale et que cette appartenance influe sur sa vision du monde et sur ses actes mais tout de même. Y a-t-il des preuves que ces juges ont agi au mépris des principes de la justice ? Ou bien – pire – qu’ils ont reçu des instructions de quelque officine ? Les juges sont des hommes, mais ce sont aussi des professionnels. J’ai un peu de mal à croire qu’ils en arrivent naturellement à condamner Nicolas Sarkozy parce qu’ils ne l’aiment pas, ou pour lui faire payer… Pour lui faire payer quoi au juste ? D’avoir reproché à la justice d’être trop laxiste ? Ce serait un peu l’arroseur arrosé, tout de même.
               
              [Au demeurant, je pense que Sarkozy gère la situation avec une grande dignité.]
              Je ne suis pas tout à fait de cet avis, et je pense notamment que Nicolas Sarkozy aurait dû appeler son fils pour lui dire de la fermer, et expliquer à son entourage que faire de lui un martyr, c’est quand même pousser mémé dans les orties. N’est pas Mandela qui veut.

            • Descartes dit :

              @ Carloman

              [Je suis d’accord. Mais il faut dire aux gens qu’ils ne peuvent pas avoir le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière en sus. Les citoyens français ne veulent pas payer le prix de la démocratie et de l’application des valeurs de la République ? Très bien, dans ce cas, qu’ils acceptent la mise en place d’une dictature…]

              Les gens optent pour une voie moyenne. Au lieu de payer ce qu’il vaut pour financer la vie démocratique, ils laissent leurs politiciens se débrouiller avec des expédients, quitte à en punir un de temps en temps pour maintenir la fiction. Ce n’est pas très sain, je vous l’accorde, mais c’est comme ça que nos concitoyens fonctionnent. Et ce n’est pas le seul domaine. Prenez les salaires de certains fonctionnaires : les grilles indiciaires, celles qui sont publiques, sont misérables. Alors, on empile dessus des primes qui, elles, ne sont pas affichées. C’est l’hypocrisie à tous les étages.

              [« Et que dans le monde réel le financement des activités politiques est des plus injustes, que les candidats ne bénéficient nullement de l’égalité des armes, que la rémunération des serviteurs publics est ridicule lorsqu’on la compare à celle des gens qui assument des responsabilités équivalentes dans le privé » Vous ne me ferez pas croire que, de tous les candidats à la présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy, issu de l’UMP, le parti alors au pouvoir, a été celui qui a eu le plus de peine à trouver des fonds…]

              Je ne doute pas que Sarkozy n’aurait pas eu de difficulté à trouver de riches et généreux donateurs disposés à l’aider. Seulement, ces donateurs auraient pu difficilement financer sa campagne légalement. Je vous rappelle que les dons par les personnes morales sont interdits, et que ceux consentis par les personnes physiques sont limités à 7500 €. Ca limite sérieusement la chose…

              [A vous lire, j’ai l’impression que cet aspect ne compte pas du tout à vos yeux. Soyons sérieux : Nicolas Sarkozy avait largement les moyens de ses ambitions sans aller chercher l’argent sale libyen.]

              Soyez logique. S’il avait largement les moyens, pourquoi est-il allé chercher l’argent libyen, avec tous les risques politiques et juridiques que cela comporte ? Pensez-vous qu’il soit idiot ? Non, bien sur que non. Seulement, avec les limitations mises aujourd’hui au financement des campagnes, si vous voulez trouver des donateurs capables de financer une campagne de grande ampleur, vous n’avez pas trop le choix : il faut contourner la loi.

              [« Ce qui me met en colère dans cette affaire, c’est le « deux poids deux mesures ». » Compte tenu du fait que « nous ne vivons pas dans ce monde parfait » ainsi que vous l’avez mentionné, je vous pose la question : pour les faits reprochés à M. Sarkozy et qui pourraient être reprochés à beaucoup d’autres si je vous suis, êtes-vous favorable à la condamnation ou à l’indulgence plénière pour tous ?]

              Tant qu’il n’y a pas d’égalité des armes, je pencherais pour l’indulgence. La sévérité aboutirait à ce que les candidats n’aient que des moyens très modestes pour faire campagne, ce qui en fait conduirait à privilégier ceux qui contrôlent les médias.

              [« Alors, il faut s’interroger sur ce que la condamnation de Sarkozy représente. Autrement dit, qu’est ce que l’establishment, qui pardonne si facilement les péchés d’un Tapie, ne peut pardonner à Sarkozy. » Eh bien interrogeons-nous : quels intérêts occultes Sarkozy a-t-il menacé durant sa présidence ? Les intérêts du patronat français ? J’ai quelques doutes. Il a mené peu ou prou une politique plutôt favorable au bloc dominant, il n’a guère renforcé l’État au-delà des discours musclés. C’est lui qui a lancé la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques) dont les objectifs affichés étaient louables mais qui a débouché sur des « coups de rabot » préjudiciables à l’action publique (et c’est Henri Guaino qui le reconnaît!).]

              Alors, pourquoi ? Pourquoi les juges, qui montrent la plus grande mansuétude dans d’autres affaires, tiennent à infliger à Sarkozy une humiliation par le biais de l’exécution provisoire qui, dans le cas d’espèce, ne se justifie guère par le risque de fuite, de pression sur les témoins ou de réitération des faits ? Je pense que ce que l’establishment ne lui pardonne pas ne tient pas à des questions d’intérêt, mais plutôt au symbole. Sarkozy, contrairement à Hollande ou à Macron, est un plébéien, un parvenu. Son langage, ses réactions sont plus proches de celles d’un caïd de banlieue que de celles d’un ambitieux sortie de l’ENA.

              [Par ailleurs, je trouve étrange de faire des magistrats qui ont condamné Sarkozy les serviteurs de l’« establishment ».]

              Ce n’est pas ce que j’ai écrit. Les magistrats ne « servent » pas l’establishment, ils en font partie. Ils défendent les valeurs « établies » non parce qu’ils « servent », mais parce qu’ils les partagent. Et que, contrairement aux autres fonctionnaires, ils ne sont pas tenus par le principe d’obéissance hiérarchique et peuvent donc laisser libre cours à leurs conceptions.

              [J’entends qu’un individu appartient à une classe sociale et que cette appartenance influe sur sa vision du monde et sur ses actes mais tout de même. Y a-t-il des preuves que ces juges ont agi au mépris des principes de la justice ? Ou bien – pire – qu’ils ont reçu des instructions de quelque officine ?]

              Des « instructions de quelque officine » ? Non, je ne le pense pas. Les juges dans notre pays sont raisonnablement indépendants de toute autorité hiérarchique. Mais je pense, oui, qu’en décidant de l’exécution immédiate sans véritable justification ils ont bien agi « au mépris des principes de la justice ».

              [Les juges sont des hommes, mais ce sont aussi des professionnels.]

              L’affaire du « mur des cons » illustre parfaitement le professionnalisme de certains magistrats.

              [J’ai un peu de mal à croire qu’ils en arrivent naturellement à condamner Nicolas Sarkozy parce qu’ils ne l’aiment pas, ou pour lui faire payer… Pour lui faire payer quoi au juste ?]

              C’est l’un des grands mystères de ce monde. Sarkozy, pour des raisons que je n’ai jamais très bien compris, excite chez beaucoup de gens à gauche une sorte de haine irrationnelle qui va très au-delà
              de la réalité du personnage. J’ai entendu chez des gens parfaitement rationnels des discours qui défient le bon sens, faisant de Sarkozy une sorte de croisement entre Hitler et Néron. Ayant entendu ces discours, je peux parfaitement concevoir qu’un juge ait pu se laisser porter par cette haine à tous les excès. Au demeurant, vous noterez que je ne mets pas en cause la condamnation, mais la peine.

              [« Au demeurant, je pense que Sarkozy gère la situation avec une grande dignité. » Je ne suis pas tout à fait de cet avis, et je pense notamment que Nicolas Sarkozy aurait dû appeler son fils pour lui dire de la fermer, et expliquer à son entourage que faire de lui un martyr, c’est quand même pousser mémé dans les orties. N’est pas Mandela qui veut.]

              J’ignorais que Mandela était intervenu pour modérer son entourage…

            • Bob dit :

              @ Descartes
               
              [Alors, pourquoi ? Pourquoi les juges, qui montrent la plus grande mansuétude dans d’autres affaires, tiennent à infliger à Sarkozy une humiliation par le biais de l’exécution provisoire qui, dans le cas d’espèce, ne se justifie guère par le risque de fuite, de pression sur les témoins ou de réitération des faits ?]
               
              Le jugement y répond : à cause de la gravité jugée “exceptionnelle” des faits.
              Les juges savaient qu’avec l’appel et la cassation, Sarkozy, surtout étant donné son âge, n’aurait sans doute jamais mis un orteil en prison, et la “gravité” (selon le jugement) des faits commis fait mériter au coupable un réel détour par la case prison. 
               
              [Sarkozy, contrairement à Hollande ou à Macron, est un plébéien, un parvenu.]
               
              Macron n’en est-il pas un aussi ?

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [« Alors, pourquoi ? Pourquoi les juges, qui montrent la plus grande mansuétude dans d’autres affaires, tiennent à infliger à Sarkozy une humiliation par le biais de l’exécution provisoire qui, dans le cas d’espèce, ne se justifie guère par le risque de fuite, de pression sur les témoins ou de réitération des faits ? » Le jugement y répond : à cause de la gravité jugée “exceptionnelle” des faits.]

              Et bien, c’est une réponse très insatisfaisante. Je dirais même qu’elle contient une erreur indigne d’un juge sur la nature même du principe de double degré de juridiction. Il faut rappeler que tant qu’un mis en cause n’a été condamné définitivement, il est présumé innocent. Autrement dit, l’exécution provisoire revient à faire exécuter sa peine à quelqu’un présumé innocent. Que se passerait-il, par exemple, si la Cour d’Appel prononçait un non-lieu ?

              L’exécution provisoire ne se justifie que dans le cas où mettre le mis en cause en liberté serait de nature soit de perturber le cours de la justice (risque de fuite ou de pression sur les témoins), soit d’exposer la société à un danger grave (réitération de l’infraction). Ce n’est pas le cas dans cette affaire.

              [Les juges savaient qu’avec l’appel et la cassation, Sarkozy, surtout étant donné son âge, n’aurait sans doute jamais mis un orteil en prison, et la “gravité” (selon le jugement) des faits commis fait mériter au coupable un réel détour par la case prison.]

              Autrement dit, les juges s’estiment en droit de faire exécuter une peine qui n’est pas devenue définitive, ce qui en pratique retire à l’appel tout effet, au nom de la « gravité » de faits non définitivement établis. Curieuse conception de la justice…

              [« Sarkozy, contrairement à Hollande ou à Macron, est un plébéien, un parvenu. » Macron n’en est-il pas un aussi ?]

              Certainement pas. Macron est un fils de la bonne bourgeoisie catholique et provinciale, passé par des études brillantes. Sarkozy est petit fils d’un juif levantin et le fils d’un immigré. Ecoutez-les parler : l’un parle le langage des élites, l’autre le langage populaire. Vous imaginez Macron disant « casse toi, pov’con » ?

            • Bob dit :

              @ Descartes
               
              [Sauf qu’ils ne vont pas tous en taule même quand il y a matière à les envoyer. Vous verrez, Macron n’est pas près d’ailler à la Santé, et pourtant le financement de sa campagne de 2017 pose toutes sortes de questions…]
               
              Lesquelles ?
              Et pourquoi Macron, lui, ne serait pas prêt d’aller en prison ?

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [Et pourquoi Macron, lui, ne serait pas prêt d’aller en prison ?]

              J’ai écrit “près” et non “prêt”. Les subtilités de la langue française…

            • Bob dit :

              @ Descartes
               
              [Vous imaginez Macron disant « casse toi, pov’con » ?]
               
              S’il est poussé dans ses retranchements, oui, très bien. Avec les allocations sociales qui nous coûtent “un pognon de dingue”, on est dans le même registre.
              Rappelons-nous Benalla, un très proche de Macron, qui, par ses actes et son attitude, a tout d’un “caïd de banlieue”.

            • Descartes dit :

              @ Bob

              [« Vous imaginez Macron disant « casse toi, pov’con » ? » S’il est poussé dans ses retranchements, oui, très bien.]

              Jamais. Si quelque chose distingue notre haute fonction publique, c’est une parfaite maîtrise de soi et de son langage. Vous aurez beaucoup de mal à trouver un exemple d’inspecteur des finances, de conseiller d’Etat, de conseiller maître à la Cour des Comptes se laissant aller en public à un tel langage.

              [Avec les allocations sociales qui nous coûtent “un pognon de dingue”, on est dans le même registre.]

              Pas du tout. Le « casse-toi, pov’con » était une réaction spontanée en réponse à un passant qui l’agressait verbalement. Le « pognon de dingue » est une expression utilisée dans une réunion dans le bureau présidentiel, et qu’on a fait fuiter dans une opération de communication planifiée. Autrement dit, dans un cas on est dans le spontané, dans l’autre dans une mise en scène.

              [Rappelons-nous Benalla, un très proche de Macron, qui, par ses actes et son attitude, a tout d’un “caïd de banlieue”.]

              Certes. Ca lui permettait de s’encanailler, de se donner l’illusion de fréquenter “le peuple”. Et c’est probablement ce qui attirait Macron : c’était son contraire. C’est très courant, d’ailleurs. C’est aussi l’explication de l’admiration qu’avait Sarkozy pour Guaino, c’est l’admiration que nous avons pour les gens qui sont capables de faire des choses que nous sommes incapables de faire…

  16. bernard dit :

    Bonjour 
    Sur la condamnation de Sarkozy et bien que les preuves ne semblent pas exister , c’est cette relation avec le clan du sulfureux Kadafi dictateur accusé d’attentat , qui a fait d’une condamnation morale la decision du ou des juges 
    J’ai une expérience  du délibéré des tribunaux et je pense que la condamnation ressemble avec une vengeance morale du chef de l’état qui a reçu en grande pompe Kadafi    

    • Descartes dit :

      @ bernard

      [Sur la condamnation de Sarkozy et bien que les preuves ne semblent pas exister, c’est cette relation avec le clan du sulfureux Kadafi dictateur accusé d’attentat, qui a fait d’une condamnation morale la decision du ou des juges]

      Si c’était le cas, les juges auraient commis une forfaiture. Ils ne sont pas là pour prononcer des « condamnations morales », mais pour appliquer la loi. Et à ma connaissance, la loi ne punit pas plus gravement le fait d’accepter de l’argent d’un sulfureux dictateur que de le prendre chez un dirigeant du MEDEF.

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