« – C’était mieux avant !
– Quand avant ?
– Avant, quand je pensais que ce serait mieux après ! »
(Xavier Gorce, « les indégivrables »)
Nous vivons dans un monde fou. Dans une université, les autorités sont forcées de s’humilier devant des activistes étudiants dans une cérémonie qui ressemble drôlement aux reniements publics exigés par l’Inquisition espagnole. Un juge reconnaît qu’un hippopotame est une « personne » avec les droits qui y sont attachés. Et ne venez pas me dire que cela ne se passe que chez les autres. Chez nous, l’Education nationale établit dans nos écoles le droit pour chaque élève de choisir son « genre » et son prénom, étant entendu que l’ensemble de l’institution doit se plier à son choix, et un professeur d’université affirme préférer les sorcières aux ingénieurs, pendant que le directeur d’une institution de recherche financée sur fonds publics et associée à l’Université déclare que la méthode scientifique doit être jetée à la poubelle.
Nos élites sont en plein n’importe quoi. Mais ce n’importe quoi, contrairement à ce que nous disent les prophètes de la révolution « citoyenne », n’aboutit pas à changer les choses, au contraire. Peut-être parce que, comme disait Jacques Lacan, « là où tout est permis, rien n’est subversif ». Les citoyens que nous sommes regardent passer des lois, des circulaires, des textes et des déclarations de plus en plus délirantes comme les vaches regardent passer le train, convaincues que le monstre de fer qui traverse leurs champs ne sortira jamais de ses rails. Les discours et les actions de plus en plus radicales ne font que traduire l’impuissance pour s’attaquer aux vrais problèmes. L’école se concentre sur les problématiques de genre parce qu’elle a renoncé à son véritable défi, qui est la transmission de connaissances. On préfère les sorcières aux ingénieurs parce qu’on préfère l’incantation à l’action.
Cet état des choses a fabriqué un mouvement, celui des « gilets jaunes ». Un mouvement fort mal compris, et sur lequel chacun a cherché à plaquer ses propres priorités. Lorsqu’on revient aux faits, on s’aperçoit combien ce mouvement est paradoxal. Sous une apparence anarchique, ce mouvement demandait en fait de l’ordre, de la stabilité, de la prévisibilité. Ce n’était pas un mouvement politique, au sens qu’il portait un projet, mais un mouvement expressif, dont le but était de porter aux oreilles des élites une demande d’engagement. Les « gilets jaunes » ne demandaient pas le renversement du politique, au contraire : ils demandaient du politique qu’il s’occupe d’eux, qu’il écoute leurs problèmes et qu’il apporte des solutions. C’est d’ailleurs pourquoi le mouvement ne pouvait pas aller plus loin. Un mouvement dont le message est « écoutez-nous » s’épuise lorsque l’objectif est atteint, parce qu’une fois que le politique écoute, les gens qui le forment ont une multiplicité de choses à dire et aucune idée ne fait vraiment consensus. Un tel mouvement ne peut générer des dirigeants parce qu’un dirigeant porte un projet partagé, et les « gilets jaunes » ne partageaient aucun projet, à part celui d’exprimer leur ras-le-bol d’être ignorés.
Mais au-delà de la demande d’écoute, il y a un autre moteur au mouvement des « gilets jaunes », et c’est une demande de prévisibilité. Cette demande traverse l’histoire humaine, car l’histoire de l’humanité est l’histoire de la manière dont nous avons rendu le monde qui nous entoure de plus en plus prévisible. Le développement des connaissances et des méthodes scientifiques nous ont permis de comprendre les phénomènes physiques et de prévoir leurs conséquences, et a fait disparaître les terreurs médiévales devant une éclipse ou l’apparition d’une comète. Et sur le plan politique, nous avons créé des sociétés qui à la « guerre de tous contre tous » ont substitué l’arbitraire d’un seul, arbitraire qu’on a cherché à limiter par des règles et des lois. Au droit oral, soumis aux errements de la mémoire du juge, on a substitué progressivement un droit écrit qui permet à chacun de la consulter. Cette recherche de la prévisibilité traverse l’histoire humaine parce qu’elle contient un principe d’efficacité : il n’y a que dans un monde prévisible que nous pouvons prendre des décisions qui optimisent notre situation. Plus l’avenir est incertain, et plus nos décisions sont aléatoires et sous-optimales. Il est plus facile de gagner à la bourse qu’à la roulette.
C’est pourquoi cette exigence de prévisibilité – qu’on résume souvent à une demande d’ordre – est très puissante. Depuis la plus haute antiquité, on préfère un système injuste mais prévisible à un système aléatoire. C’est ce qui explique que la dénonciation d’un système injuste ne suffit pas à le faire tomber. Tout le monde est parfaitement convaincu que le capitalisme est un système injuste. Le répéter comme un mantra ne sert donc à rien. Aussi longtemps qu’une alternative crédible ne sera sur la table, il a de beaux jours devant lui. Parce que personne de censé ne choisira le chaos plutôt que le capitalisme, quand bien même celui-ci lui apparaîtrait condamnable.
Mais le développement du capitalisme – et c’est l’une de ses contradictions – vient contrer cette logique de recherche de la prévisibilité. Pour aboutir à la « concurrence libre et non faussée » de tous contre tous, il est obligé de détruire les institutions – quelquefois millénaires – qui assurent une forme de prévisibilité. Ainsi, la filiation avec la famille, la corporation avec le statut, la nation avec la citoyenneté doivent périr. Vous pensez que j’exagère ? Prenons donc un exemple. Vous connaissez certainement cette citation : « Je préfère ma famille à mes amis, mes amis à mes voisins, mes voisins à mes compatriotes, mes compatriotes aux Européens ». Au-delà du fait qu’on aime ou non son auteur, cette formule reflète assez fidèlement le comportement de chacun d’entre nous. A l’heure d’aider quelqu’un, de le protéger, nous appliquons consciemment ou inconsciemment cette hiérarchie. Mais si vous réfléchissez un instant, vous verrez que cette « préférence » est un obstacle à la libre concurrence. Si lorsque j’ai une petite réparation à faire à la maison j’appelle un plombier de mon voisinage au motif que je le connais plutôt que de faire un appel d’offres européen, je fausse la compétition. Si mes parents gardent mes enfants gratuitement au nom des liens de sang plutôt que d’exiger une rémunération – que je pourrais comparer à ce que me demanderait une nounou, et prendre cette dernière le cas échéant – je fausse la concurrence.
Souvenez-vous du débat européen sur l’étiquetage des huiles d’olive : il a abouti à interdire de mettre sur les emballages – sauf pour les produits bénéficiant d’une AOP – le pays d’origine du produit. Pourquoi ? Parce que dans une Europe ou les attaches nationales restent fortes, un tel étiquetage était considéré comme un frein à la concurrence, les consommateurs italiens, français ou espagnols préférant acheter « leurs » huiles plutôt que de laisser jouer la concurrence. C’est pourquoi toutes les huiles que vous trouverez dans votre marché ne marquent que « huiles d’origine européenne », sans autre précision.
Mais on voit bien que c’est un pis-aller. La véritable solution, c’est de fabriquer des consommateurs indifférenciés, sans attaches nationales, qui feront leurs choix en fonction des qualités du produit et de son prix, et non de son origine. Autrement dit, qui feront jouer une concurrence « non faussée » par des considérations autres que les caractéristiques intrinsèques du produit. Ce petit exemple met en évidence une logique : la « concurrence libre et non faussée », on ne le dira jamais assez, suppose des individus indifférenciés et libérés de toute attache. Pour qu’il y ait « concurrence libre et non faussée » sur le marché du travail, il faut en finir avec les statuts et autres conventions collectives qui sont des freins à la mobilité des travailleurs. Pour qu’il y ait « concurrence libre et non faussée » sur le marché des biens il faut en finir avec l’attachement des consommateurs à tel ou tel terroir, origine, filiation. Pour que la concurrence soit libre sur le marché matrimonial – si, si, cela existe – il faut faire tomber les barrières de « genre » et de filiation. La société capitaliste idéale, c’est une société sans histoire, sans filiation, sans attachements.
Or, une telle société est éminemment imprévisible. Si « je préfère ma famille à mes amis, mes amis à mes voisins, mes voisins à mes compatriotes, mes compatriotes aux Européens », alors ma famille, mes amis, mes voisins, mes compatriotes et les Européens savent ce qui arrivera le jour où j’aurai à choisir entre eux. Par contre, si je les mets tous au même niveau, si je n’ai pas plus d’attachement pour les uns que pour les autres, mon choix ce jour-là devient imprévisible. Les institutions comme la filiation, la famille, les statuts professionnels, servent à rendre le monde prévisible. Effacez-les, et la vie devient une loterie. Un statut professionnel me permet de prévoir un déroulement de carrière relativement indépendant de la conjoncture. Abolissez-le, et votre carrière dépend de la chance, de la conjoncture, des rencontres…
Et Zemmour dans tout ça ? Zemmour a réussi – largement à son insu d’ailleurs – à devenir l’incarnation d’un monde révolu. Un monde d’institutions fortes, puissantes et respectées. Un monde où l’on savait qui on était et ce qu’on voulait, et on ne passait pas son temps à se regarder le nombril en répétant « qui suis-je, où vais-je, dans quel état j’erre ». Un monde où les esprits étaient vaillants, les défis étaient importants, les hommes étaient des vrais hommes, les femmes étaient des vraies femmes, et les petites créatures poilues d’Alpha Centauri étaient des vraies petites créatures poilues d’Alpha Centauri (1). Un monde qui était fondamentalement prévisible.
Que ce monde n’ait jamais existé ou qu’il soit fantasmé, cela n’a aucune espèce d’importance. Le fait est que son récit sert de référence, d’idéal à une proportion importante de nos concitoyens (2). Non pas que ce monde-là fut le paradis sur terre, mais parce que ce monde était, fondamentalement, prévisible. Les lois étaient peut-être injustes, mais elles étaient appliquées. Le travail et l’effort n’étaient peut-être pas récompensés à leur juste valeur, mais l’étaient quand même. Et à l’inverse l’oisiveté et le crime n’étaient peut-être pas justement punis, mais ne restaient pas totalement impunies.
Le succès de Zemmour tient plus à ce qu’il représente qu’à ce qu’il est. Et ce n’est pas un phénomène nouveau. En 1981 la gauche française a élu puis réélu à la présidence de la République un ancien cagoulard qui fit carrière à Vichy et devint résistant quand il a senti le vent tourner, un ancien ministre qui avait déclaré « l’Algérie c’est la France, et ceux qui disent le contraire doivent être combattus par tous les moyens » avant de couvrir la torture et les « corvées de bois », un politicien qui organisa un pseudo-attentat pour se faire de la publicité et laver son passé « Algérie française », qui conserva parmi des amis des personnages comme René Bousquet et qui, une fois élu, fit fleurir la tombe de Pétain et gracia les « généraux félons » et les anciens de l’OAS – un précédent qui devrait conduire certains de ceux qui brodent sur le « pétainisme » supposé de Zemmour a un peu plus de retenue. Mais qui s’en souciait ? Mitterrand représentait la promesse d’un avenir radieux, et dans ces conditions personne ne songeait à lui demander des comptes sur son passé – passé qu’il n’a jamais, je dis bien jamais, renié.
Zemmour, c’est un peu la même situation, sauf que là où Mitterrand représentait un projet, Zemmour représente – du moins pour le moment – une nostalgie. L’avenir du zemmourisme est probablement conditionné à la capacité de bâtir à partir de cette nostalgie un projet crédible et mobilisateur, et c’est là à mon avis la limite que Zemmour n’arrivera pas à franchir. Mais ce dont je suis convaincu, c’est que de la même manière qu’on ne pouvait pas combattre Mitterrand en rappelant son passé, on se trompe de stratégie en combattant Zemmour par des dénonciations de ses prises de position sur l’histoire ou de son pétainisme supposé. Dès lors que la motivation de ses partisans ne tient pas à ce qu’il est mais à ce qu’il représente, ces attaques sont inopérantes en dehors de la tribu médiatique et des élites germanopratines.
Le débat pour savoir si Pétain fut un « bouclier » ou non, s’il sacrifia les juifs étrangers pour sauver les juifs français ou au contraire contribua à la déportation de tous est un débat historique passionnant. Mais son issue n’a absolument aucun effet sur le réel. Pétain est mort et enterré, comme presque tous les acteurs de ce drame. Ils ne vivent que par le récit. A un moment où nous ne savons plus quel pays nous voulons construire, où la solidarité inconditionnelle qui fonde la nation est elle-même remise en cause, nous avons besoin non pas de vérités historiques, mais d’un récit qui légitime un projet d’avenir, qui nous rappelle qu’une autre France est possible et que nous avons les ressources pour la (re)construire.
En rappelant inlassablement que l’histoire est tragique, et qu’elle appelle à des choix tranchés, Zemmour a entrouvert une porte, à un moment où pratiquement tous les candidats à la présidentielle entonnent – sous de clés différentes certes, mais la mélodie est la même – la chanson de la résignation, celle dont les paroles sont « il n’y a pas d’alternative ». On a beau proposer le doublement du salaire des professeurs ou la suppression de 150.000 fonctionnaires, mais à la fin c’est toujours pareil : on reste dans l’Euro, on reste dans l’UE – et on continue donc la même politique économique et sociale. Les plus « radicaux » – Montebourg, Roussel, Mélenchon – promettent tout au plus de ruer un peu dans les brancards avec une « désobéissance » théorique dont on voit très vite les limites. Le fait qu’avoir entrouvert la porte – car Zemmour n’a fait que l’entrouvrir, avec un diagnostic certes juste mais qu’il n’arrive pas à transformer en projet – suffise à le mettre au niveau d’atteindre le deuxième tour donne une idée des tensions qui traversent notre société, du niveau d’impuissance des « partis de pouvoir ».
C’est pourquoi il faut aussi dissiper le parallèle absurde qui est fait entre l’expérience présidentielle de Coluche en 1981 et celle de Zemmour aujourd’hui. En 1981, Coluche n’avait rien d’un franc-tireur, il était la coqueluche des élites politico-médiatiques post-soixante-huitardes qui se pressaient à ses spectacles. Et sa campagne avortée était fondamentalement anti-politique, dans la continuité du slogan anarchiste « élection = piège à cons ». L’objectif de Coluche et de ceux qui gravitaient autour de lui était de ridiculiser non pas un projet, une position politique en particulier, mais la politique en tant que fonction sociale. C’est pourquoi sa candidature potentielle a fait peur à la gauche non-communiste, qui comptait sur les voix gaucho-anarchistes pour amener son candidat au deuxième tour. La démarche de Zemmour n’est en rien anti-politique, au contraire. Son discours consiste basiquement à confronter la légèreté et l’amateurisme des élites politico-médiatiques d’aujourd’hui au sérieux et à la compétence – réelle ou supposée – des élites d’hier, pour aboutir à la conclusion qu’une autre manière de faire de la politique est possible.
Et c’est pourquoi, contrairement à la candidature Coluche, qui ne fut sérieusement attaquée que par les socialistes, la candidature Zemmour provoque une peur unanime chez tous les autres candidats, à gauche comme à droite. Là où Coluche voulait ridiculiser la politique, Zemmour appelle à sa réhabilitation. Coluche voulait la France « pliée en quatre », Zemmour la veut unie autour d’une vision dont on peut penser ce qu’on veut, mais qui reste fondamentalement politique.
Zemmour est-il dangereux pour la démocratie ? D’Hidalgo à Roussel, de Montebourg à Bertrand, on clame que c’est le cas. C’est aussi le cas chez pas mal de commentateurs intellectuels ou politiques. A mon sens, ils commettent une erreur fondamentale, celle qui consiste à faire du thermomètre la cause de la fièvre. Si nous avons un président de la République élu par défaut, des partis politiques moribonds, un monde intellectuel qui se regarde le nombril, des élites politiques boutiquières qui ont perdu tout sens de l’intérêt général, si notre industrie va à la dérive, si nos services publics rendent de moins en moins service au public sur une large partie du territoire, ce n’est pas la faute à Zemmour, mais à une capitulation qui ne date pas d’aujourd’hui.
Nous sommes assis sur une cocotte-minute qui monte en pression depuis quarante ans, et dont on a bouché la soupape de sécurité. Bien sûr, celui qui tapote la cocotte risque de la faire exploser. Mais il ne faut pas se faire d’illusion : si on ne la tapote pas, elle explosera quand même. Peut-être un peu plus tard, peut être autrement, mais elle explosera. Mais nos pseudo-élites ont tellement peur de l’explosion – et ont tellement intégré la logique du « après moi, le déluge » – qu’elles vont en répétant « dormez braves gens, tout est tranquille ». Et lorsque quelqu’un parle de l’explosion imminente, on tire sur lui à boulets rouges et on les accuse de tapoter la cocotte. Zemmour est de ceux-là.
Le danger ne vient pas de celui qui en parle, mais de la cocotte elle-même. Et aussi longtemps que nos élites politico-médiatiques n’auront rien à proposer pour faire tomber la pression, le risque subsistera. On aimerait que nos Hidalgo et nos Montebourg, nos Mélenchon et nos Roussel, nos Bertrand et nos Pécresse consacrent à leurs propositions pour réindustrialiser le pays, pour atteindre le plein-emploi, pour rétablir la loi républicaine sur tout le territoire, pour reconstruire l’école, pour assimiler les populations venues d’autres horizons la moitié du temps qu’ils consacrent à la candidature de Zemmour. Si l’objectif est de le combattre, c’est là qu’il faut frapper.
Descartes
(1) “In those days spirits were brave, the stakes were high, men were real men, women were real women and small furry creatures from Alpha Centauri were real small furry creatures from Alpha Centauri.” (Douglas Adams, “The Hitchickers guide to the galaxy”)
(2) Il est d’ailleurs fascinant de constater que dans notre pays un petit juif parisien issu de parents venus d’Afrique du Nord peut incarner l’identité de ce vieux pays catholique et le porte-étendard d’une extrême droite qu’on dit antisémite et terrienne. Ce qui fait un sort à ceux qui pensent que l’assimilation est un vain mot, ou ceux qui s’imaginent qu’on ne peut être représenté que par des gens qui vous ressemblent.
” mais qu’il n’arrive pas à transformer en projet” un peu tôt, non, pour une telle affirmation ? Et donc votre conclusion est au mieux hâtive, au pire presque malveillante.
Il existe un chemin qui conduirait Zemmour à l’Élysée, il est complexe et exigerait de sa part une mutation, de forme en premier, mais aussi sans doute de l’image qu’il a de lui. Le moment de la mue est sans doute le choix crucial de sa campagne.
Ensuite les éléments programmatiques ne seront pas si importants que cela s’il arrive à imposer l’idée que ce sont des principes figés et connus qui présideront à ses décisions.
Je ne crois pas qu’il ne serait pas le président des mots en “re”, la nostalgie et un moteur puissant parce qu’il parle à l’intime, mais Zemmour sait que le monde à venir, n’est, ni ne sera celui des années 60 (quelques peu enjolivées) son projet est de retisser les liens déchirés des français et de leur culture nationale, même au prix de soumissions économiques vues comme transitoires.
Bien que vous n’en soyez pas persuadé, le dynamisme démographique et la force de l’attachement à l’islam font qu’un peuple importé cherche à s’installer et qu’il est tellement nombreux et tellement éloigné de nos pratiques qu’il met en danger notre existence même ; Zemmour invente l’écologie de l’identité.
@ Gérard Couvert
[” mais qu’il n’arrive pas à transformer en projet” un peu tôt, non, pour une telle affirmation ?]
Non, je ne crois pas. La barrière qui l’empêche de transformer ne vient pas à mon avis d’un manque de temps, mais d’un problème bien plus profond. Lui laisser du temps ne changera à mon avis pas grande chose.
La difficulté est que transformer une vision en projet implique parler de son coût, désigner les perdants et les gagnants. Et une campagne électorale n’est pas le bon moment pour le faire. Une fois la dynamique électorale en marche, on est dans la logique de séduction. Et la séduction implique de dire ce que votre public veut entendre. Les projets s’élaborent collectivement, à froid, sur des temps longs. Quand De Gaulle arrive au pouvoir en 1958, il a eu onze ans de rumination et de consultation avec ses amis pour aboutir à un projet. Lorsque Mitterrand est élu en 1981, il porte un projet dont la construction avait commencé au congrès d’Epinay, en 1972.
[Il existe un chemin qui conduirait Zemmour à l’Élysée, il est complexe et exigerait de sa part une mutation, de forme en premier, mais aussi sans doute de l’image qu’il a de lui. Le moment de la mue est sans doute le choix crucial de sa campagne.]
Les accidents sont toujours possibles, et dans une élection ou le candidat qui sera finalement élu le sera vraisemblablement par défaut, tout est envisageable. Mais j’ai beaucoup de mal à y croire. Une nostalgie peut vous attirer la sympathie, mais pour attirer le vote il faut plus que ça. Et je ne vois pas d’où Zemmour tirerait les ressources pour élaborer un projet qui soit très différent de celui de la droite classique ou de celui de Marine Le Pen.
[Ensuite les éléments programmatiques ne seront pas si importants que cela s’il arrive à imposer l’idée que ce sont des principes figés et connus qui présideront à ses décisions.]
Le problème, c’est que les principes ne tombent pas du ciel, déconnectés les uns des autres. Ils correspondent à une vision de ce que la société doit être et comment elle doit fonctionner. C’est cette vision qui est dure à construire. Pour le moment, Zemmour se contente à la place d’une nostalgie : il se réfère non pas à une société « idéale » dans l’avenir, mais dans le passé. Mais cela ne suffit à mon avis pas.
[son projet est de retisser les liens déchirés des français et de leur culture nationale, même au prix de soumissions économiques vues comme transitoires.]
Oui, mais ces liens reposent largement sur une communauté de destin. Or, pour avoir une communauté de destin, il faut avoir un destin. Dire d’où on vient n’est utile que si on cherche à décider où l’on va. Et sur ce point, Zemmour est très faible.
[Bien que vous n’en soyez pas persuadé, le dynamisme démographique et la force de l’attachement à l’islam font qu’un peuple importé cherche à s’installer et qu’il est tellement nombreux et tellement éloigné de nos pratiques qu’il met en danger notre existence même ; Zemmour invente l’écologie de l’identité.]
Non, je ne suis pas persuadé. Mais quand même ce serait vrai, un diagnostic ne suffit pas. Il faut définir une politique, une perspective qui soit à la fois crédible et attractive. Dire « je prends une baguette magique et je les fais disparaître » ne va pas l’amenerau delà d’un succès d’estime.
ZEMMOUR A DU SUCCES COMME ,les Buisson,Devillers tous ceux qui décrivent ce qui se passeen France depos des décennies,oui le grand remplacement.Cela fait des décennies que nos rues sont le lieu où déambulent ceux qui nous ont ‘grandement remplacées’.Vendeurs de drogue,dragueurs agressifs,jeunes en quête de violences initiatiques,vis à vis des ‘jambons’,fêtes musulmanes nombreuses célébrées ostensiblement,mariages bruyants,prosélytes religieux jusque ches taxis VSL qui demandent au cancéreux qu’ils prennent en charge pourquoi ils ne croient pas en Allah ,ça m’est arrivé et à d’autres malades plusieurs fois, ,absence de militants politiques porteurs de projets dsiruptifs alimentant les débats vifs mais respectueux condition de leur existence,et qui n’existe plus aujourd’hui ,vu l’ensauvagement.
Tout ça est du au capitalisme qui transporte des peuples entiers d’un continent à l’autre. Bien sûr,ni Zemmour,ni Buisson,ni De Villiers n’expliquent que c’est le capitalisme le responsable de ça.Ce système veut des consommateurs et n’en a rien à faire des libres penseurs , de la laïcité,de la rechehrche du bonheur responsable qui est propre à l’esprit français.Zemmour,Buisson,Devillers font du fric avec la nostalgie légitime et compréhensive.
Mais comme toujours avec les infividus d’extrème droite,ça n’ira pas plus loin que le gain immédiat.Zemmour ne sera pas candidat.Il empochera les millions d’euros de droit d’auteur et retournera à son métier de polémiste.De Pétain à Laval,de LePen à Zemmour l’extrème droite a comme unique but de s’enricihir personnellement.
Contrairemeent au collectivisme,aucun idéal de bonheur responsable pour tous n’exite chez les leaders d’extrème droite.Cette loi historique d’Airin se vérifiera avec Zemmour. Ces leaders animent des ‘séquences’ leur permettant de s’enrichir puis retourne à leur occupation egotique. QUI PEUT ME CITER UN SEUL CONTRE EXEMPLE à CETTE LOI CARACTéRISTIQUE DES AVENTURIERS à LA ZEMMOUR , JEAN MARIE LE PEN,BUISSON,DEVILLIERS ?
La seule que j’admire (malgrès moi et ça me trouble beaucoup) c’est Marine Lepen,victime dans son adolescence d’une terrible explosion due à des assassins gauchistes,qui a grandi dans la haine de beaucoup d’élèves, et étudiants dans ses établissements scolaires,de la haine paternelle et familiale,de l’établishment idéologique après son soi disant débat manque avec le prédateur politique Macron.C’est sa résolution,sa foi,son abnégation et son courage qui m’impressionne mais il est vrai qu’elle ne fait plus parti de ces aventuriers de l’extrème droite depuis qu’elle dédiabolise avec succès le RN , non?
@ luc
[ZEMMOUR A DU SUCCES COMME les Buisson, Devillers tous ceux qui décrivent ce qui se passe en France depuis des décennies, oui le grand remplacement.]
Franchement, je ne vois pas où est le « succès » de Buisson ou de Devillers. Buisson est plutôt un homme de l’ombre, et ses ouvrages n’ont souvent qu’un succès d’estime. Devillers, après une toute petite célébrité dans les années 1990, est largement rangé des voitures aujourd’hui.
Quant au « grand remplacement », il faut savoir de quoi on parle. Qu’il y ait des communautés étrangères qui se sont installées sur notre territoire, qui conservent leur culture, leurs traditions, leurs cadres de référence et qui ont, dans certains territoires, devenus la communauté dominante et remplacé celles d’origine, c’est un fait incontestable. Mais les théoriciens du « grand remplacement » vont bien plus loin, et voient dans ce fait la traduction d’un Grand Komplot. C’est là où je ne suis plus d’accord.
[Cela fait des décennies que nos rues sont le lieu où déambulent ceux qui nous ont ‘grandement remplacées’. Vendeurs de drogue, dragueurs agressifs, jeunes en quête de violences initiatiques, vis à vis des ‘jambons’, fêtes musulmanes nombreuses célébrées ostensiblement, mariages bruyants, prosélytes religieux jusque chez taxis VSL qui demandent au cancéreux qu’ils prennent en charge pourquoi ils ne croient pas en Allah, ça m’est arrivé et à d’autres malades plusieurs fois, absence de militants politiques porteurs de projets disruptifs alimentant les débats vifs mais respectueux condition de leur existence, et qui n’existe plus aujourd’hui, vu l’ensauvagement. Tout ça est dû au capitalisme qui transporte des peuples entiers d’un continent à l’autre.]
Le capitalisme ne « transporte » personne. Le capitalisme est un mode de production, et rien de plus. Lui prêter une volonté n’aide pas à comprendre les problèmes. Quant au cadre apocalyptique que vous décrivez, il interroge moins sur le « transport » que sur ce que notre société fait une fois que les gens sont « transportés ». Je récuse personnellement l’idée que quiconque serait « inassimilable ». Seulement, il faut y mettre le prix. C’est parce que nos classes dominantes s’y refusent qu’on est dans cette situation.
[Bien sûr, ni Zemmour, ni Buisson, ni De Villiers n’expliquent que c’est le capitalisme le responsable de ça.]
Avec des nuances. Buisson dénonce sans complexe le capitalisme, non parce qu’il voudrait le dépasser, mais parce qu’il est nostalgique de ce qu’il y avait avant.
[Mais comme toujours avec les individus d’extrême droite, ça n’ira pas plus loin que le gain immédiat. Zemmour ne sera pas candidat. Il empochera les millions d’euros de droit d’auteur et retournera à son métier de polémiste. De Pétain à Laval, de Le Pen à Zemmour l’extrême droite a comme unique but de s’enrichir personnellement.]
D’abord, vous noterez que Laval est difficilement classable à « l’extrême droite » : dans les années 1930, il est plutôt classé au centre gauche. A la mairie d’Aubervilliers, il gouverne avec une majorité de transfuges de la SFIO et de la droite radicale. Aux élections de 1927, il conduit la liste du « cartel des gauches ». En 1931, il devient président du conseil avec une majorité formée par les radicaux indépendants et la droite modérée. Politiquement, c’est un homme du centre et un pacifiste. Même chose pour Pétain, qui toute sa vie est considéré un « général de gauche »… Par ailleurs, je n’ai pas l’impression que Pétain ou Laval se soient beaucoup « enrichis » avec la politique. Laval fit fortune comme avocat et homme d’affaires, et son engagement politique à l’extrême droite non seulement ne l’a pas enrichi, mais lui a coûté fort cher…
Vous avez cette théorie qui veut que les personnalités d’extrême droite ne soient engagées que pour de l’argent. Mais cette théorie n’a aucun support dans la réalité. Des hommes d’extrême droite on rejoint De Gaulle à Londres par nationalisme au risque de tout perdre.
[Contrairement au collectivisme, aucun idéal de bonheur responsable pour tous n’existe chez les leaders d’extrême droite. Cette loi historique d’Airain se vérifiera avec Zemmour. Ces leaders animent des ‘séquences’ leur permettant de s’enrichir puis retourne à leur occupation égotique. QUI PEUT ME CITER UN SEUL CONTRE EXEMPLE à CETTE LOI CARACTéRISTIQUE DES AVENTURIERS à LA ZEMMOUR, JEAN MARIE LE PEN, BUISSON, DEVILLIERS ?]
Comme je vous l’ai dit, vous pouvez trouver parmi les pionniers de la France Libre pas mal de personnes issues de l’extrême droite. Le mystique Thierry d’Argenlieu, les antisémites et royalistes Daniel Cordier et Hubert Germain… et à l’inverse, je n’aurais pas de difficulté à vous citer des personnalités de gauche qui, entre deux « idéaux de bonheur responsable » ont su faire d’excellentes affaires – et ont été condamnés par la justice de ce fait. Je pense que votre vision manichéenne est beaucoup trop simplificatrice…
[La seule que j’admire (malgrès moi et ça me trouble beaucoup) c’est Marine Lepen,]
Vous m’étonnez. Il n’y a pas si longtemps, vous souteniez qu’elle n’avait d’autre ambition que de faire tourner l’entreprise familiale. Auriez-vous changé d’avis ?
@ Descartes,
[Mais les théoriciens du « grand remplacement » vont bien plus loin, et voient dans ce fait la traduction d’un Grand Komplot.]
A quel théoricien précisément faites-vous allusion?
Lorsque la question lui est posée, Renaud Camus (puisqu’il est celui qui a popularisé l’expression “Grand Remplacement”) ne parle pas de complot, mais plutôt d’un engrenage qui dépasse ceux qui ont favorisé l’apparition de la situation dans laquelle nous nous trouvons.
C’est aussi ma position. Parler de complot, au fond, c’est à mon avis surestimer les gens (ceux qui seraient les “comploteurs”), s’exagérer tout à la fois leur pouvoir et leur intelligence. Car combien, parmi même les décideurs, prévoient véritablement les conséquences de leurs décisions? Peut-être pas tant qu’on croit. A titre personnel, je pense que le “Grand Remplacement” – et pour moi, au vu des chiffres et de leur évolution ces quarante dernières années, l’expression est pertinente – est le produit d’un mélange de bons sentiments, de naïveté, de lâcheté et de capitulations (à gauche), mais aussi d’intérêts économiques (à droite). A mon avis, personne ou presque n’a voulu ce qui arrive. Et j’imagine mal un “grand comité” décréter le remplacement du peuple français par des populations principalement originaires d’Afrique et d’Asie et majoritairement de culture musulmane.
Cela étant dit, le fait est que maintenant que lesdites populations constituent une masse non négligeable, il se trouve des mouvements politiques – suivez mon regard – qui tentent de se les concilier voire de les instrumentaliser. J’ai d’ailleurs noté une inflexion dans le discours dominant: le phénomène de “Grand Remplacement” est de moins en moins contesté en tant que tel, par contre, loin d’être la catastrophe que redoutent les vilains fachos, on nous explique que ça va être génial, et que de toute façon, “there is no alternative” comme on dit, donc autant faire contre mauvaise fortune bon coeur. Mélenchon l’avait déjà dit il y a quelques années lorsqu’il déclarait qu’il n’y avait pas d’avenir pour la France sans les Arabes et Berbères d’Afrique du nord. Maintenant, il développe le concept fumeux de “créolisation” pour nous vendre une France qui ne sera tout simplement plus la France.
@ nationaliste-ethniciste
[« Mais les théoriciens du « grand remplacement » vont bien plus loin, et voient dans ce fait la traduction d’un Grand Komplot » A quel théoricien précisément faites-vous allusion ?]
A Camus en premier lieu, même si depuis sont ouvrage séminal il a cherché à adoucir sa position. On retrouve sur cette question un double complotisme : certains parlent de complot au niveau des musulmans pour utiliser l’arme démographique contre l’occident, les autres d’un complot des gouvernements européens pour encourager le remplacement des populations autoctones par les immigrés.
[J’ai d’ailleurs noté une inflexion dans le discours dominant: le phénomène de “Grand Remplacement” est de moins en moins contesté en tant que tel, par contre, loin d’être la catastrophe que redoutent les vilains fachos, on nous explique que ça va être génial, et que de toute façon, “there is no alternative” comme on dit, donc autant faire contre mauvaise fortune bon coeur.]
Il y a une inflexion majeure du discours. Après avoir pendant quarante ans nié le problème, puis affirmé qu’il se résoudra tout seul avec un peu de bonne volonté, on en commence à admettre que le problème est bien là, et qu’il faut vivre avec puisque de toute façon on n’y peut rien. Mais je ne pense pas qu’on en soit encore au « ça va être génial ». On a dépassé ce stade…
[Mélenchon l’avait déjà dit il y a quelques années lorsqu’il déclarait qu’il n’y avait pas d’avenir pour la France sans les Arabes et Berbères d’Afrique du nord. Maintenant, il développe le concept fumeux de “créolisation” pour nous vendre une France qui ne sera tout simplement plus la France.]
Mélenchon – et d’une façon plus générale la « gauche radicale » réagissent en fonction de modes. Il y a quelques années, l’auteur à la mode était Laclau et la « révolution citoyenne » née chez Chavez et Morales qui allait déferler sur le reste du monde. Maintenant, c’est Glissant et sa « créolisation ». Comme disait je crois Coco Chanel, « la mode, c’est ce qui se démode »…
@ Descartes,
[Mais je ne pense pas qu’on en soit encore au « ça va être génial ».]
Faut écouter la Grande Table sur France Culture, mon cher, ou de braves gens comme Leonora Miano, sans parler de la pléthore d’universitaires “progressistes” (des sociologues mais aussi de plus en plus des historiens) qui se réjouissent sans complexe d’une société plus ouverte, plus “inclusive”, et toujours moins “blanche”…
Pour les tenants de l’intersectionnalité, les adeptes de la Croisade contre le patriarcat, le racisme systémique et le privilège blanc, le Grand Remplacement est une opportunité historique.
@ nationaliste-ethniciste
[Faut écouter la Grande Table sur France Culture, mon cher, ou de braves gens comme Leonora Miano, sans parler de la pléthore d’universitaires “progressistes” (des sociologues mais aussi de plus en plus des historiens) qui se réjouissent sans complexe d’une société plus ouverte, plus “inclusive”, et toujours moins “blanche”…]
J’en conviens. Mais si France-Cu exprimait “l’opinion dominante”, ça se saurait. Les émissions comme celle que vous évoquez représentent l’opinion “dominante” dans une toute petite bulle de gens qui partagent une tour d’ivoire, se lisent les uns les autres, se congratulent mutuellement et n’ont qu’un contact lointain – et généralement traumatisant – avec le monde réel. Ce genre d’émissions me fait penser aux curés qui prêchent la fidélité dans le couple : ils parlent par oui-dire.
[Pour les tenants de l’intersectionnalité, les adeptes de la Croisade contre le patriarcat, le racisme systémique et le privilège blanc, le Grand Remplacement est une opportunité historique.]
Certes. Mais “les adeptes” en question appartiennent à une secte qui a certes un pouvoir de nuisance important dans l’Université, mais dont les idées portent fort peu en dehors de ces enceintes…
@ Descartes,
[Mais “les adeptes” en question appartiennent à une secte qui a certes un pouvoir de nuisance important dans l’Université, mais dont les idées portent fort peu en dehors de ces enceintes…]
Je vous trouve très optimiste. Les universités forment des étudiants, en premier lieu ceux qui se destinent à l’enseignement. Et on commence à voir arriver l’idéologie “woke” parmi les enseignants du primaire et du secondaire. Et là, les ravages du wokisme peuvent toucher une partie non-négligeable de la prochaine génération…
@ nationaliste-ethniciste
[« Mais “les adeptes” en question appartiennent à une secte qui a certes un pouvoir de nuisance important dans l’Université, mais dont les idées portent fort peu en dehors de ces enceintes… » Je vous trouve très optimiste. Les universités forment des étudiants, en premier lieu ceux qui se destinent à l’enseignement. Et on commence à voir arriver l’idéologie “woke” parmi les enseignants du primaire et du secondaire.]
Vraiment ? Je ne fréquente pas comme vous tous les jours le milieu enseignant, mais mon impression est que les étudiants universitaires – en dehors bien entendu des cercles militants – prennent tout ce charabia avec une pincée de sel. Ils se taisent pour ne pas avoir d’ennuis, mais n’en pensent pas moins. Pensez-vous qu’une portion importante parmi les jeunes enseignants embrassent des idées comme « l’intersectionnalité, la Croisade contre le patriarcat, le racisme systémique et le privilège blanc » ?
[Et là, les ravages du wokisme peuvent toucher une partie non-négligeable de la prochaine génération…]
N’oubliez pas que ce sont les écoles de curés qui ont formé les anticléricaux les plus véhéments…
@ Descartes,
[Vraiment ?]
Vraiment. J’étais il y a peu à une réunion de tuteurs (puisque j’accompagne cette année un jeune collègue stagiaire qui débute dans le métier). Ce n’est pas la majorité, mais il y a quelques profils inquiétants dans la génération montante…
Par ailleurs, j’attire votre attention sur le fait que l’Education Nationale peine de plus en plus à recruter des personnels de valeur (et pas seulement dans les matières scientifiques dixit mon inspectrice). Il n’est pas impossible que, faute de mieux, les hurluberlus militants soient de plus en plus nombreux dans les rangs enseignants.
[Je ne fréquente pas comme vous tous les jours le milieu enseignant,]
Heureux homme…
[mais mon impression est que les étudiants universitaires – en dehors bien entendu des cercles militants – prennent tout ce charabia avec une pincée de sel. Ils se taisent pour ne pas avoir d’ennuis, mais n’en pensent pas moins. Pensez-vous qu’une portion importante parmi les jeunes enseignants embrassent des idées comme « l’intersectionnalité, la Croisade contre le patriarcat, le racisme systémique et le privilège blanc » ?]
Vous savez très bien que le problème ne se pose pas exactement dans ces termes.
Prenons un exemple si vous le voulez bien, au hasard: les musulmans 🙂 Partout on entend réciter le mantra suivant: “il y a une minorité de méchants islamistes et une majorité de braves musulmans modérés qui vivent paisiblement leur religion sans embêter leur monde”. Cette vision des choses est manichéenne, simpliste et évidemment erronée. Il y a une minorité d’activistes islamistes, c’est entendu. Mais à partir de ces noyaux de “purs et durs”, leur influence s’étend de manière concentrique, et la réalité est qu’une partie importante des musulmans adopte – parfois sans vraiment en avoir conscience – une pratique, un rapport à la religion et à ses prescriptions qui trahissent l’influence des discours islamistes. Mais si vous leur posez la question, ils vous diront, généralement de bonne foi: “Nous ne sommes pas islamistes, nous sommes contre la violence ou l’intolérance, nous ne voulons pas de mal aux non-musulmans”. Oui, mais les mêmes voilent leurs femmes, consomment du halal, refusent le mode de vie occidental… Bref, en cela ils suivent les injonctions des “purs et durs” et participent à la montée des tensions.
C’est un peu pareil pour le wokisme, qui a d’ailleurs cette particularité d’être lui aussi une forme de puritanisme. Tous les étudiants, tous les enseignants n’embrassent pas, bien sûr, des idées comme « l’intersectionnalité, la Croisade contre le patriarcat, le racisme systémique et le privilège blanc »… Mais ils finissent par adhérer à des degrés variables à une partie de cette idéologie, sans vraiment s’en rendre compte. Parce que cette idéologie infuse bien au-delà des cercles militants. Parce qu’elle est portée – dois-je vous le rappeler? – par des membres de la classe sociale qui a les instruments intellectuels et politiques pour élaborer et diffuser une idéologie. Parce que, quand vous vous dites “de gauche”, que vos amis sont écolos, que vous lisez Libération, le Nouvel Obs ou Télérama, vous baignez dans une atmosphère idéologique qui fait que le discours woke finit par vous influencer. D’ailleurs, un certain nombre de collègues de gauche ont avec le wokisme le même rapport ambigu que les musulmans “modérés” avec les islamistes: d’un côté, la radicalité des extrémistes les effraient, et de l’autre, ils se disent que leur combat n’est pas totalement injustifié même si la méthode est discutable.
J’observe ainsi que des gens qui ne sont pas des wokes, et qui même tiennent un discours critique contre ceux-ci, finissent pourtant par épouser certaines de leurs thématiques voire emprunter leurs éléments de langage.
Je vous donne un exemple: un collègue de la gauche “modérée” me disait récemment, lors d’une discussion sur la mode du déboulonnage de statues, qu’il serait peut-être en effet souhaitable de remplacer les statues de personnalités du passé par des statues représentant des gens plus en phase avec “les valeurs de notre époque”. Ce à quoi je lui ai répondu que dans cinquante ans les valeurs auront changé et que les statues de notre époque seront déboulonnées à leur tour… Et dans une telle logique, l’idée même de filiation, d’héritage ne peut que disparaître. Et le collègue en question a été professeur d’histoire, il sait parfaitement l’importance de la contextualisation des faits du passé. Et pourtant…
@ nationaliste-ethniciste
[Vraiment. J’étais il y a peu à une réunion de tuteurs (puisque j’accompagne cette année un jeune collègue stagiaire qui débute dans le métier). Ce n’est pas la majorité, mais il y a quelques profils inquiétants dans la génération montante…]
Inquiétants, je n’en doute pas. Notamment, si je crois ce que me disent d’autres amis enseignants, par un manque cruel non seulement de culture générale, mais de cette curiosité qui permet de l’acquérir. On me dit que beaucoup de jeunes enseignants arrivent à leur premier poste avec la conviction de tout savoir – ou du moins de savoir tout ce qui vaut la peine d’être su. Mais ces jeunes enseignants sont-ils vraiment d’une idéologie « woke » ? Ou se contentent-ils de se laisser porter par l’air du temps ? En tout cas, je suis très intéressé par votre vision sur le sujet.
[Par ailleurs, j’attire votre attention sur le fait que l’Education Nationale peine de plus en plus à recruter des personnels de valeur (et pas seulement dans les matières scientifiques dixit mon inspectrice). Il n’est pas impossible que, faute de mieux, les hurluberlus militants soient de plus en plus nombreux dans les rangs enseignants.]
C’est vrai. La profession enseignante offrant la sécurité de l’emploi, laissant des possibilités importants d’organiser son travail et beaucoup de temps libre – surtout si on fait le service minimum – je connais pas mal de militants qui choisissent l’enseignement pour pouvoir militer. Et je suis d’accord avec vous que la dévalorisation sociale du métier d’enseignant aboutit nécessairement à baisser la qualité du recrutement et amorce un cercle vicieux – de la même manière que la valorisation de l’enseignant au XIXème siècle avait amorcé un cercle vertueux.
[« Je ne fréquente pas comme vous tous les jours le milieu enseignant, » Heureux homme…]
Vous savez, il y a pire… Oui, je sais : c’est la consolation des imbéciles.
[Prenons un exemple si vous le voulez bien, au hasard: les musulmans 🙂 Partout on entend réciter le mantra suivant: “il y a une minorité de méchants islamistes et une majorité de braves musulmans modérés qui vivent paisiblement leur religion sans embêter leur monde”. Cette vision des choses est manichéenne, simpliste et évidemment erronée. Il y a une minorité d’activistes islamistes, c’est entendu. Mais à partir de ces noyaux de “purs et durs”, leur influence s’étend de manière concentrique, et la réalité est qu’une partie importante des musulmans adopte – parfois sans vraiment en avoir conscience – une pratique, un rapport à la religion et à ses prescriptions qui trahissent l’influence des discours islamistes.]
Je pense ici que vous mélangez deux choses très différentes : d’un côté la question religieuse, de l’autre la question communautaire. Le problème n’est pas tellement l’influence des « islamistes », mais l’influence des « communautaristes ». Or, ce sont deux choses très différentes. Prenez par exemple l’hidjab. Pourquoi est-ce un problème en France ? Parce qu’il est un symbole d’adhésion à une religion ? Non, bien sur que non. Les bonnes sœurs sortent dans la rue voilées, les juifs sortent dans la rue couverts, et cela n’a jamais posé de problème à personne. Le hidjab pose problème chez nous parce qu’il représente un enfermement communautaire. C’est une manière de dire « j’appartiens à une communauté séparée, qui refuse de se mélanger avec vous ».
C’est l’enfermement communautaire qui pose problème, et non « l’islamisme » – même si les islamistes utilisent chaque fois qu’ils le peuvent le sentiment communautaire pour conquérir des positions de pouvoir. Si les musulmans « paisibles » adoptent des conduites de plus en plus radicales, c’est moins sous l’effet des discours « islamistes » que des discours « communautaires ».
[C’est un peu pareil pour le wokisme, qui a d’ailleurs cette particularité d’être lui aussi une forme de puritanisme. Tous les étudiants, tous les enseignants n’embrassent pas, bien sûr, des idées comme « l’intersectionnalité, la Croisade contre le patriarcat, le racisme systémique et le privilège blanc »… Mais ils finissent par adhérer à des degrés variables à une partie de cette idéologie, sans vraiment s’en rendre compte.]
Là encore, j’aurais tendance à inverser les termes du débat. Dans un moment ou la vision universaliste recule devant les « communautés », ou la République n’offre plus une solution au besoin d’appartenance, beaucoup de gens sont séduits par l’idéologie « woke » non pas par son contenu, mais par son côté communautaire. Car il ne faut pas oublier qu’en adhérant à cette idéologie vous passez à faire partie de la « communauté des éveillés », de ceux qui ont vu la lumière. Le « woke » est une sorte de révélation, qui vous fait entrer dans la communauté des croyants…
[Parce que cette idéologie infuse bien au-delà des cercles militants. Parce qu’elle est portée – dois-je vous le rappeler ? – par des membres de la classe sociale qui a les instruments intellectuels et politiques pour élaborer et diffuser une idéologie. Parce que, quand vous vous dites “de gauche”, que vos amis sont écolos, que vous lisez Libération, le Nouvel Obs ou Télérama, vous baignez dans une atmosphère idéologique qui fait que le discours woke finit par vous influencer. D’ailleurs, un certain nombre de collègues de gauche ont avec le wokisme le même rapport ambigu que les musulmans “modérés” avec les islamistes: d’un côté, la radicalité des extrémistes les effraient, et de l’autre, ils se disent que leur combat n’est pas totalement injustifié même si la méthode est discutable.]
Je ne suis pas persuadé que l’idéologie « woke » ait une telle influence EN TANT QU’IDEOLOGIE. Elle a une influence qui n’est pas idéologique, mais matérielle, en tant qu’elle est portée par des groupes militants qui en font leur cheval de bataille et qui disposent d’un pouvoir de nuisance considérable. Dans un contexte d’institutions faibles dont les dirigeants veulent surtout éviter les ennuis, ces groupes acquièrent un pouvoir énorme, totalement disproportionné à leur poids réel. Mais en termes d’influence IDEOLOGIQUE, je pense qu’en France elle est négligeable. On n’est pas aux Etats-Unis, ou cette idéologie est connectée à un rapport différent à la religion.
[J’observe ainsi que des gens qui ne sont pas des wokes, et qui même tiennent un discours critique contre ceux-ci, finissent pourtant par épouser certaines de leurs thématiques voire emprunter leurs éléments de langage. Je vous donne un exemple: un collègue de la gauche “modérée” me disait récemment, lors d’une discussion sur la mode du déboulonnage de statues, qu’il serait peut-être en effet souhaitable de remplacer les statues de personnalités du passé par des statues représentant des gens plus en phase avec “les valeurs de notre époque”.]
Mais est-ce là vraiment du « woke » ? N’est ce pas plutôt une manifestation de ce « présentéisme » qui cherche à nous couper de toute référence au passé, de toute filiation historique ? Ce processus de dépossession du passé est, lui, une idéologie dominante parce qu’elle est fonctionnelle aux intérêts des classes dominantes, à l’approfondissement du capitalisme. C’est pourquoi, à mon sens, elle est infiniment plus efficace et plus dangereuse que le « woke »…
[Ce à quoi je lui ai répondu que dans cinquante ans les valeurs auront changé et que les statues de notre époque seront déboulonnées à leur tour… Et dans une telle logique, l’idée même de filiation, d’héritage ne peut que disparaître. Et le collègue en question a été professeur d’histoire, il sait parfaitement l’importance de la contextualisation des faits du passé. Et pourtant…]
Et quelle a été sa réaction ?
@Descartes et NSE
Pour avoir un aperçu de comment ça se passe dans une salle de classe :
https://drive.google.com/file/d/1JaavogYkXxEXVfH8DwmLXvzTSaFDeHjl/view
Personnellement je me demande quel serait l’impact sur la qualité (idéologique) des professeurs recrutés en rehaussant leurs conditions matérielles et morales. Sans oublier qu’en plus du flux à gérer, il ne faut pas oublier le stock qui a été accumulé entre-temps…
@ François
[Pour avoir un aperçu de comment ça se passe dans une salle de classe : (…)]
On put penser, vu la source du texte proposé, qu’ils chargent un peu la barque. Mais il est difficile de contester qu’il y a une dérive, dérive qui est d’ailleurs d’autant plus forte dans les institutions éducatives qui accueillent les populations les plus modestes. Je doute fort qu’on fasse perdre leur temps avec ce genre d’idioties aux élèves des lycées prestigieux comme Henri IV ou Louis Le Grand. Et ce n’est pas vraiment surprenant : les classes intermédiaires – dont une grande partie du corps enseignant est issu – n’ont aucune envie de voir les enfants des couches populaires concurrencer leurs propres enfants grâce à une école du mérite. C’est pourquoi ce discours qui fragmente les couches populaires et qui dévalorise les institutions qui faisaient fonctionner l’ascenseur social est devenu dominant.
Comment en retour ne pas comprendre que les parents perdent toute considération pour cette école qui, loin d’ouvrir des perspectives à leurs enfants les confine dans un rôle de victimes et leur fait perdre leur temps ?
[Personnellement je me demande quel serait l’impact sur la qualité (idéologique) des professeurs recrutés en rehaussant leurs conditions matérielles et morales. Sans oublier qu’en plus du flux à gérer, il ne faut pas oublier le stock qui a été accumulé entre-temps…]
Je ne pense pas que le problème soit seulement économique. Revaloriser le salaire des enseignants – mais aussi des policiers, des personnels hospitaliers, des fonctionnaires – permettrait certainement de faire des recrutements de meilleure qualité. On pourrait même se demander si un enseignant à 3000 €/mois ne peut faire le travail de deux enseignants à 1500 €/mois. Mais le véritable problème, c’est le fait qu’il n’y a depuis bien longtemps une véritable politique éducative, avec des objectifs et des règles claires et surtout uniformes. Parce qu’au nom de l’autonomie et autres bêtises on a crée une éducation à deux vitesses : une éducation « classique et conservatrice » pour les couches privilégiées, une éducation « moderne et intersectionnelle » pour les pauvres.
En dernière instance, on voit ci comme ailleurs s’exprimer la lutte des classes. Le « bloc dominant » n’a pas besoin d’un peuple éduqué, au contraire !
@ François,
Merci pour ce lien. La réponse d’un enseignant du primaire au Figaro vaut aussi son pesant de cacahuète:
https://blogs.mediapart.fr/alain-refalo/blog/131121/reponse-dun-enseignant-du-primaire-au-figaro-magazine
La bêtise n’ayant pas de limite, le gars se rend-il seulement compte qu’il donne raison au Figaro?
Une chose est sure: avec de tels serviteurs, la République n’a guère besoin d’ennemis…
@ nationaliste-ethniciste
[Merci pour ce lien. La réponse d’un enseignant du primaire au Figaro vaut aussi son pesant de cacahuètes : (…)]
J’avoue qu’en lisant ce papier – et les commentaires qui l’accompagnent, et qui sont finalement pires que le papier lui-même – une profonde tristesse m’envahit. Et je dis tristesse et non colère, parce que j’ai du mal à ressentir de la colère contre une personne assez lobotomisée pour tenir de tels propos, contre des commentateurs assez aliénés pour trouver ce discours digne d’attention.
Prenons un petit extrait : « Dans le cadre de l’Education Morale et Civique, nous travaillons sur la tolérance, sur l’égalité des droits à partir de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Nous louons la liberté d’expression en soulignant que les idées racistes et antisémites n’en font pas partie et qu’elles sont un délit punissable. Nous racontons les combats de Rosa Parks et de Martin Luther King contre la ségrégation raciale et pour l’égalité (…) ».
Les élèves de cet enseignant doivent sortir de ses cours légèrement désorientés. S’il « travaille à partir de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen », il peut difficilement conclure que « les idées racistes et antisémites (…) sont un délit punissable ». D’une part parce que les IDEES ne peuvent constituer un délit, seule leur expression publique peut l’être. Et d’autre part parce que l’article 10 de la déclaration est sans ambiguïté : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi ». Ce n’est donc pas les « idées » qui sont en cause, mais un éventuel trouble à l’ordre public. La loi n’interdit d’ailleurs nullement l’expression « d’idées racistes ou antisémites » dès lors qu’il n’y a pas d’incitation à haine ou à la discrimination.
Mais surtout, pourquoi diable enseigner dans nos écoles « les combats de Martin Luther King ou de Rosa Parks », qui ont lutté contre une « ségrégation raciale » qui n’a jamais existé chez nous ? N’avons-nous pas en France des gens qui ont eux aussi lutté contre la discrimination et pour l’égalité des droits ? Le fait qu’on se sente obligé d’importer les références montre combien cet enseignement est artificiel, combien il découle d’un effet de mode imposé chez nous par la puissance de la machine médiatique américaine.
[La bêtise n’ayant pas de limite, le gars se rend-il seulement compte qu’il donne raison au Figaro?]
Non, et ses commentateurs non plus. Ils ne voient même pas les contradictions du discours : d’un côté notre instituteur parle à ses élèves de « la Révolution qui assassine, qui organise la Terreur », d’un autre il affirme enseigner à ses élèves les paroles de la chanson « Ma France » de Jean Ferrat, ou l’on trouve le couplet suivant : « Cet air de liberté au-delà des frontières/aux peuples étrangers qui donnaient le vertige/et dont vous usurpez aujourd’hui le prestige/elle répond toujours du nom de Robespierre/ma France ». Faut-il s’étonner que ce soit la confusion dans la tête des élèves ?
[Une chose est sure: avec de tels serviteurs, la République n’a guère besoin d’ennemis…]
J’ose espérer que ce genre de personnage est très minoritaire. Vous voyez, il m’arrive d’être optimiste…
@ Descartes
[J’ose espérer que ce genre de personnage est très minoritaire. Vous voyez, il m’arrive d’être optimiste…]
Pour tempérer votre optimisme, tapez “figaro magazine école”sur google. Vous tomberez sur un puits sans fond…
@ BJ
[Pour tempérer votre optimisme, tapez “figaro magazine école”sur google. Vous tomberez sur un puits sans fond…]
Pas tant que ça, en fait. On trouve fort peu d’articles qui contestent sur le fonds les éléments du dossier du “Figaro”. La plupart des attaques concernent la forme ou les liens supposés des auteurs du dossier avec Blanquer ou avec l’extrême droite.
Un autre signe peut être de la non marginalité du phénomène : les audiences radio.
France Inter est en tête. Il suffit d’écouter la matinale pour comprendre ce qui fait son succès (part de marché de 17,2 %, record historique, parait-il) (1). Si vous n’écoutez pas France Inter (ce que j’ai abandonné de faire, tant ça m’est insupportable) vous pouvez lire cet article de Causeur
(1) Article du Point
@ BJ
[Un autre signe peut être de la non marginalité du phénomène : les audiences radio. France Inter est en tête. Il suffit d’écouter la matinale pour comprendre ce qui fait son succès (part de marché de 17,2 %, record historique, parait-il) (1).]
Je ne sais pas si c’est son idéologie qui fait son succès. J’aurais tendance à penser que non. Personnellement, j’écoute la matinale tous les matins en me rasant, non pas parce que son idéologie me motive, mais parce que j’aime bien avoir une voix dans la maison, qu’on peut suivre ce qui se dit sans trop solliciter les neurones, et que sur les autres radios la publicité est beaucoup plus agressive. Et puis, ils disent tellement de bêtises qu’on peut s’amuser à jouer au jeu des sept erreurs…
Vous noterez d’ailleurs que les auditeurs de France Inter ne partagent pas forcément l’idéologie des commentateurs. Souvenez-vous la bronca qui a marqué la campagne pour le référendum de 2005, et qui avait coûté son poste à Patrick Cohen.
@ Descartes,
[J’avoue qu’en lisant ce papier – et les commentaires qui l’accompagnent, et qui sont finalement pires que le papier lui-même – une profonde tristesse m’envahit.]
Je n’ai pas eu le courage de lire les commentaires au-delà des premiers, quand j’ai vu écrit que “le Figaro est un torchon d’extrême-droite“. Il faut être indulgent avec les imbéciles mais il y a des limites.
Moi je suis accablé à la lecture de cet article. Et en colère aussi, parce que je les connais, les enseignants de cet acabit: ce sont des prédicateurs, prompts à donner des leçons à la Terre entière et à jeter l’opprobre sur un collègue qui ne serait pas sur “la ligne”. Ces gens font parfois régner une vraie terreur intellectuelle au sein des équipes, et mettent une mauvaise ambiance, parce qu’ils confondent leurs obligations professionnelles avec leur militantisme.
[D’une part parce que les IDEES ne peuvent constituer un délit, seule leur expression publique peut l’être.]
Nous sommes d’accord. C’est ce que je dis à mes élèves. Du coup je m’interroge: comment un enseignant comme celui qui a rédigé cet article jugerait mon travail? Il estimerait probablement que je ne transmets pas les “valeurs républicaines” puisqu’effectivement je ne participe pas à une quelconque croisade contre le racisme (ou contre autre chose). Et je dis clairement aux élèves que le racisme en tant qu’opinion n’est pas interdit, et que si des gens ont envie, dans le secret de leur salon ou de leur cave, de tendre des drapeaux à croix gammée et de rendre un culte à Hitler, ils ont le droit de le faire. Bien sûr, on a le droit de trouver une telle attitude détestable ou stupide.
La seule croisade que je mène, c’est contre l’ignorance et la simplification. Mais je m’aperçois que tous les collègues ne sont pas sur cette longueur d’onde. Il a été question de ce dossier du Figaro Magazine dans mon établissement. Je me suis aperçu que la plupart des collègues n’avaient en fait pas lu le dossier en question, et qu’ils n’en parlaient que par ouï-dire, en citant évidemment des commentateurs offusqués par ledit dossier. J’ai lu le document mis en lien par François, et il n’y a vraiment pas de quoi fouetter un chat: ce sont des dérives extrêmes qui sont dénoncées.
Je suis en train d’écrire un article sur cette affaire et sur la “réponse” de l’enseignant dont je vous ai mis un lien. J’ai en effet été très marqué par la remarque d’un collègue qui reprochait à Blanquer de s’en prendre au “wokisme”. Ce collègue a dit: “Blanquer croit que la République est parfaite telle qu’elle est et qu’il n’y a rien à changer. Mais il y a des choses à améliorer. Nous, nous la faisons avancer la République”.
Je vous avoue que depuis quelques jours, cette phrase tourne en boucle dans mon esprit, parce qu’elle illustre une dérive que je qualifierais de gravissime. Il n’appartient pas en effet à un fonctionnaire de décider si la République doit “avancer” et dans quelle direction. Le fonctionnaire est et demeure un exécutant. Le fait que des enseignants se croient autorisés à définir ce que devrait être la République et à prêcher leur définition est à mes yeux une faute professionnelle. Mais le propos du collègue est passé comme une lettre à la poste, et n’a suscité aucune remarque critique (j’avoue, je me suis tu aussi).
[Ils ne voient même pas les contradictions du discours : d’un côté notre instituteur parle à ses élèves de « la Révolution qui assassine, qui organise la Terreur », d’un autre il affirme enseigner à ses élèves les paroles de la chanson « Ma France » de Jean Ferrat, ou l’on trouve le couplet suivant : « Cet air de liberté au-delà des frontières/aux peuples étrangers qui donnaient le vertige/et dont vous usurpez aujourd’hui le prestige/elle répond toujours du nom de Robespierre/ma France ».]
Je me suis fait la même réflexion. Tout le discours de cet enseignant est pétri de contradictions. Par exemple expliquer aux élèves que “la guerre est une connerie”, ce n’est certainement pas “éveiller leur sens critique”. Parce que cela revient à dire que si la guerre est un élément central de l’histoire des sociétés humaines, c’est simplement parce que les hommes sont cons et méchants…
Bon, je me dis que ce professeur des écoles ne doit pas être historien de formation, du moins je l’espère. Si sa connaissance de l’histoire de France se limite à ce qu’écrit Suzanne Citron…
@ nationaliste-ethniciste
[Je n’ai pas eu le courage de lire les commentaires au-delà des premiers, quand j’ai vu écrit que “le Figaro est un torchon d’extrême-droite“. Il faut être indulgent avec les imbéciles mais il y a des limites.]
Il ne faut surtout pas être indulgent avec les imbéciles, ça les encourage à continuer, et cela encourage les autres à le devenir. De toute façon, vous ne devriez pas être étonné de cette « logique des étiquettes » qui est l’alpha et l’oméga de la plupart des échanges – qu’on hésite à qualifier de « débats » – sur les réseaux sociaux. L’injonction permanente à dire « d’où on parle » – « choisis ton camp, camarade » – permet aux imbéciles, fort nombreux malheureusement, de savoir s’ils doivent louer votre papier ou au contraire le déchirer sans prendre la peine de le lire.
[Moi je suis accablé à la lecture de cet article. Et en colère aussi, parce que je les connais, les enseignants de cet acabit : ce sont des prédicateurs, prompts à donner des leçons à la Terre entière et à jeter l’opprobre sur un collègue qui ne serait pas sur “la ligne”. Ces gens font parfois régner une vraie terreur intellectuelle au sein des équipes, et mettent une mauvaise ambiance, parce qu’ils confondent leurs obligations professionnelles avec leur militantisme.]
Je suis d’accord. Malheureusement, il y a pas mal de fonctionnaires qui oublient – ou qui n’ont pas compris – le sens du concept de neutralité du service public. Et c’est particulièrement vrai pour les enseignants – mais aussi dans d’autres corps, comme les inspecteurs du travail – qui sont moins soumis que les autres fonctionnaires au contrôle hiérarchique. Et malheureusement, ils bénéficient de la complaisance de leurs collègues et d’une hiérarchie dont le principal souci est de ne pas faire des vagues et d’éviter les ennuis.
[Du coup je m’interroge: comment un enseignant comme celui qui a rédigé cet article jugerait mon travail? Il estimerait probablement que je ne transmets pas les “valeurs républicaines” puisqu’effectivement je ne participe pas à une quelconque croisade contre le racisme (ou contre autre chose).]
La République, c’est une façon de vivre ensemble malgré les différences d’opinion, et non une machine à les uniformiser. Elle repose sur la séparation entre la sphère publique, ou l’on est soumis aux règles collectives, et la sphère privée ou chacun est libre de faire ce qu’il veut. Et les pensées, les croyances sont sans ambiguïté dans la sphère privée. Il est tragique de voir que les soi-disant défenseurs des « valeurs républicaines » s’attaquent à la première de ces valeurs, la séparation des sphères publique et privée…
[J’ai lu le document mis en lien par François, et il n’y a vraiment pas de quoi fouetter un chat: ce sont des dérives extrêmes qui sont dénoncées.]
Ce qui pourrait être critiquable, c’est le travers journalistique qui consiste à bâtir un dossier sur des témoignages, sans contextualiser ces témoignages dans une vision statistique. Je ne doute pas qu’il y a dans l’éducation nationale des enseignants qui tiennent des discours délirants. Mais combien sont-ils ? Les faits rapportés par « Le Figaro » sont ils représentatifs d’un courant qui se développe, ou sont-ils plutôt des dérives individuelles qui font partie depuis toujours du folklore scolaire ?
Les hommages rendus aux victimes de « Charlie » ou celles du « Bataclan » ont mis en évidence un fait statistique : une majorité d’enseignants n’avaient pas suffisamment de culture historique et juridique pour parler à leurs élèves de laïcité. Certains confondent laïcité et liberté de cultes, d’autres pensent que la laïcité consiste en « respecter toutes les religions ». Alors que la laïcité est le confinement de la religion dans la sphère privée, et par conséquent une indifférence de l’Etat vis-à-vis des questions touchant à la foi. Mais je n’ai guère d’éléments statistiques comparables pour voir jusqu’à quel point l’idéologie « libérale-libertaire » ou postmoderne imprègne notre système éducatif. Je peux imaginer que le manichéisme « multiculturel » est assez répandu… mais au-delà ?
[Ce collègue a dit: “Blanquer croit que la République est parfaite telle qu’elle est et qu’il n’y a rien à changer. Mais il y a des choses à améliorer. Nous, nous la faisons avancer la République”. Je vous avoue que depuis quelques jours, cette phrase tourne en boucle dans mon esprit, parce qu’elle illustre une dérive que je qualifierais de gravissime. Il n’appartient pas en effet à un fonctionnaire de décider si la République doit “avancer” et dans quelle direction. Le fonctionnaire est et demeure un exécutant. Le fait que des enseignants se croient autorisés à définir ce que devrait être la République et à prêcher leur définition est à mes yeux une faute professionnelle.]
Il y a dans la remarque de votre collègue tellement de confusion qu’il est difficile de savoir par ou commencer. D’abord, la République est une IDEE, et non une REALITE. C’est un idéal vers lequel on peut tendre, pas une situation réelle. Blanquer a donc raison de croire que la République est « parfaite ». Ce qu’on pourrait lui reprocher – mais je ne crois pas que ce soit le cas – est de penser que la France aujourd’hui est une véritable République.
Sur le point que vous soulevez, je suis d’accord avec vous. Le principe qui garantit la légitimité de la fonction publique est le principe de neutralité. Un fonctionnaire, c’est d’abord un serviteur qui met en œuvre les politiques voulues par le souverain – qui s’exprime à travers de ses représentants. Le fonctionnaire peut avertir, il peut conseiller, il peut proposer, mais in fine la décision ne lui appartient pas. Et une fois la décision prise, il a le devoir de la mettre en œuvre au mieux de ses compétences. Le peuple ne paye pas des fonctionnaires pour que ceux-ci décident ce qu’il est bon pour eux à leur place.
[Mais le propos du collègue est passé comme une lettre à la poste, et n’a suscité aucune remarque critique (j’avoue, je me suis tu aussi).]
Si vous me le permettez, vous avez eu tort. Il ne faut pas se taire. Mais je comprends parfaitement qu’il soit difficile de ramer contre le courant.
[Je me suis fait la même réflexion. Tout le discours de cet enseignant est pétri de contradictions.]
Oui, mais celle-là est carabinée, et soulève pas mal de questions. Comment une personne qui considère que Robespierre a trahi les idéaux humanistes peut faire chanter à ses élèves une chanson qui identifie « ma France » à celle de Robespierre ? Soit il n’a pas lu le texte de la chanson – ce qui remet en doute son affirmation comme quoi il la fait chanter à ses élèves – soit il est bien plus modéré dans son enseignement de la Révolution qu’il ne veut bien le dire…
[Par exemple expliquer aux élèves que “la guerre est une connerie”, ce n’est certainement pas “éveiller leur sens critique”. Parce que cela revient à dire que si la guerre est un élément central de l’histoire des sociétés humaines, c’est simplement parce que les hommes sont cons et méchants…]
En effet. Qualifier de « connerie » un comportement qui traverse l’histoire de l’humanité, c’est non seulement renoncer à tout sens critique, mais surtout faire de l’intelligence ou la connerie des gens le déterminant des faits historiques. Mais je trouve que dans cette explication il y a un fait beaucoup plus intéressant : dire « la guerre est une connerie » c’est se mettre soi-même en position de surplomb par rapport à l’humanité. C’est dire : « ah, si seulement tous les hommes étaient aussi intelligents que moi, nous vivrions dans la paix parfaite ».
[Bon, je me dis que ce professeur des écoles ne doit pas être historien de formation, du moins je l’espère. Si sa connaissance de l’histoire de France se limite à ce qu’écrit Suzanne Citron…]
On ne demande pas à un instituteur d’être « historien de formation », mais d’avoir une certaine curiosité dans ce domaine et une culture minimale.
@ Descartes,
[Si vous me le permettez, vous avez eu tort. Il ne faut pas se taire. Mais je comprends parfaitement qu’il soit difficile de ramer contre le courant.]
Je vous le permets bien volontiers. Sur le fond, vous avez raison. Mais je dirais à ma décharge que je ne me tais pas systématiquement, et je me suis déjà “pris la tête” l’année dernière avec ce collègue justement, sur Napoléon.
Récemment encore, j’ai osé prendre la défense des gens qui aiment la corrida et la chasse à courre, devant un auditoire plutôt acquis au discours écolo-animaliste. J’ai dit aux collègues que le principe qui consiste à vouloir faire interdire tout ce qui nous déplaît nous entraîne sur une pente dangereuse…
J’ai aussi jeté un froid il n’y a pas très longtemps lorsque des collègues encensaient Christiane Taubira (“Ah, si seulement elle était candidate, c’est une vraie républicaine”). J’ai rappelé qu’elle avait commencé sa carrière dans un parti indépendantiste guyanais, avant d’inviter les collègues à aller lire sa loi portant reconnaissance comme crime contre l’humanité de la traite et de l’esclavage “à partir du XV° siècle, et pour les populations d’Afrique, d’Amérique et du pourtour de l’océan Indien”, autrement dit la traite et l’esclavage sont des crimes contre l’humanité… lorsqu’ils sont commis par les méchants blancs.
Je peux me permettre ce type de sortie parce que globalement je m’entends bien avec les collègues. Mais je sens confusément que, si j’interviens en permanence (et il y aurait matière à le faire, croyez-moi!), je vais finir par être catalogué comme, au mieux, le rabat-joie réac, au pire, l’ignoble facho. Vous comprendrez je pense que je souhaite conserver un climat assez apaisé avec les collègues. C’est quand même plus simple, quand on doit gérer une classe difficile en commun, ou mener un projet. Je ne peux pas me payer le luxe d’être mis à l’écart. Alors je fais des compromis, c’est-à-dire qu’il y a des moments où je la ferme, il y a aussi des moments où je suis saisi de découragement devant ce mur de certitudes auquel je me heurte. Oh, je ne dis pas que j’en suis fier. Mais ça fait partie des petits accommodements du quotidien. Puis, le soir, je viens faire un tour sur votre blog, et je dois dire que ça atténue quelque peu mon désespoir et mon désarroi 🙂
[Blanquer a donc raison de croire que la République est « parfaite ». Ce qu’on pourrait lui reprocher – mais je ne crois pas que ce soit le cas – est de penser que la France aujourd’hui est une véritable République.]
Je pense que la République reposait sur le mérite et une culture commune. La réforme du lycée voulue par le ministre, avec sa personnalisation à outrance des parcours, la mise en concurrence (tiens, tiens) des disciplines à travers le choix des spécialités et options, et un baccalauréat vidé de sa substance, ne me semble pas être conforme à l’ “esprit républicain”. Blanquer, malheureusement, tend lui aussi à considérer les élèves comme des consommateurs.
[On ne demande pas à un instituteur d’être « historien de formation », mais d’avoir une certaine curiosité dans ce domaine et une culture minimale.]
Je suis d’accord avec vous. A la décharge de cet enseignant, je dirais que malheureusement, le discours qu’il relaie dans son article se retrouve de plus en plus dans la bouche d’historiens universitaires bardés de diplômes et de thèses. Je peux vous faire la liste…
@ nationaliste-ethniciste
[Je peux me permettre ce type de sortie parce que globalement je m’entends bien avec les collègues. Mais je sens confusément que, si j’interviens en permanence (et il y aurait matière à le faire, croyez-moi!), je vais finir par être catalogué comme, au mieux, le rabat-joie réac, au pire, l’ignoble facho. Vous comprendrez je pense que je souhaite conserver un climat assez apaisé avec les collègues. C’est quand même plus simple, quand on doit gérer une classe difficile en commun, ou mener un projet. Je ne peux pas me payer le luxe d’être mis à l’écart. Alors je fais des compromis, c’est-à-dire qu’il y a des moments où je la ferme,]
Et vous avez raison. Ça ne vaut pas la peine de jouer les Jeanne d’Arc, et vous servez bien mieux votre cause en gardant une certaine crédibilité qui vous permet de temps en temps d’avoir un discours crédible, plutôt que d’insister trop et vous faire ostraciser. Croyez que je comprends votre dilemme, parce que j’ai un peu le même !
[il y a aussi des moments où je suis saisi de découragement devant ce mur de certitudes auquel je me heurte. Oh, je ne dis pas que j’en suis fier. Mais ça fait partie des petits accommodements du quotidien. Puis, le soir, je viens faire un tour sur votre blog, et je dois dire que ça atténue quelque peu mon désespoir et mon désarroi 🙂]
J’en suis vraiment flatté !
[Je pense que la République reposait sur le mérite et une culture commune. La réforme du lycée voulue par le ministre, avec sa personnalisation à outrance des parcours, la mise en concurrence (tiens, tiens) des disciplines à travers le choix des spécialités et options, et un baccalauréat vidé de sa substance, ne me semble pas être conforme à l’ “esprit républicain”. Blanquer, malheureusement, tend lui aussi à considérer les élèves comme des consommateurs.]
Oui. Ses positions sur des questions comme la laïcité ou l’idéologie « woke », son idée de mettre le paquet sur le primaire ou de maintenir à tout prix les écoles ouvertes sont « républicaines », autant sa réforme du secondaire et notamment du baccalauréat sont désastreuses. J’en arrive à me demander comment le même homme peut soutenir des choses aussi contradictoires.
Jusqu’à l’élection, je suis plutôt d’accord avec vous : il refera le RPR. Il ne s’en cache pas d’ailleurs, c’est très exactement ce qu’il dit explicitement. Avec les contradictions qui étaient celle du RPR : un parti libéral en matière économique, mais très étatiste tout de même.
Ceci dit, dans l’hypothèse où il serait élu, inévitablement, il devra aller à la confrontation avec Bruxelles. Il essaye de rassurer les électeurs dessus, car l’électorat, notamment de droite, ne veut pas rompre avec l’UE. Mais je pense que lui même doit très bien se rendre compte qu’il n’aura pas le choix. Et que, nécessairement, cela impliquera une sortie de l’euro.
Dès lors, cette sortie devra s’accompagner d’explications aux français, et d’une justification de son intérêt. Et il se fera le chantre de la réindustrialisation (ce qu’il est déjà dans ses discours), mais qui sera cette fois ci plutôt une version étatique de la réindustrialisation. Il n’aura plus d’autre choix que de mener une politique économique cohérente avec ces choix.
Dès lors, une partie de ceux qui l’ont soutenu se sentira (un peu) trahis, mais pas trop, la motivation principale de leur vote étant la lutte contre l’immigration. Et il pourra à l’inverse rallier les anciens “FN du Nord”, qui sont davantage motivés par les questions économiques.
Et, comme vous l’expliquez souvent, les responsables politiques doivent faire la politique de leur électorat (“il faut bien que je les suive puisque je suis leur chef”). Ce qui l’amènera nécessairement vers la gauche.
Et alors, il devrait avoir les ressources pour former un projet cohérent.
@ Vincent
[Ceci dit, dans l’hypothèse où il serait élu, inévitablement, il devra aller à la confrontation avec Bruxelles. Il essaye de rassurer les électeurs dessus, car l’électorat, notamment de droite, ne veut pas rompre avec l’UE. Mais je pense que lui-même doit très bien se rendre compte qu’il n’aura pas le choix. Et que, nécessairement, cela impliquera une sortie de l’euro.]
Ne rêvez pas. Quand bien même il serait lui-même convaincu, il n’aura jamais une majorité parlementaire pour sortir de l’Euro. Encore une fois, je trouve incompréhensible l’idée qu’un homme politique pourrait gouverner contre l’opinion. Mitterrand a pu trahir ses promesses parce qu’une majorité de l’électorat ne voulait surtout pas les voir mises en œuvre. Mais la réalité aujourd’hui est qu’il n’y a pas de majorité dans l’opinion pour sortir de l’Euro. Penser que les gens accepteraient gentiment qu’on en sorte simplement parce qu’ils ont élu un président de la République qui en a envie, c’est se bercer de douces illusions.
[Dès lors, cette sortie devra s’accompagner d’explications aux français, et d’une justification de son intérêt. Et il se fera le chantre de la réindustrialisation (ce qu’il est déjà dans ses discours), mais qui sera cette fois ci plutôt une version étatique de la réindustrialisation. Il n’aura plus d’autre choix que de mener une politique économique cohérente avec ces choix.]
Mais de son intérêt pour qui ? La sortie de l’Euro, c’est un peu « le sang, la sueur et les larmes » promises par Churchill. Pensez-vous qu’il se trouvera une majorité de Français pour soutenir un tel sacrifice ?
Personnellement, je suis intimement convaincu que la sortie de l’Euro n’aura lieu que si elle est imposée par les circonstances – par exemple, par une crise économique ou l’Allemagne refuserait de payer pour les autres. Mais j’ai du mal à imaginer comment on pourrait convaincre une opinion aussi frileuse que la nôtre.
[Ceci dit, dans l’hypothèse où il serait élu, inévitablement, il devra aller à la confrontation avec Bruxelles. Il essaye de rassurer les électeurs dessus, car l’électorat, notamment de droite, ne veut pas rompre avec l’UE. Mais je pense que lui-même doit très bien se rendre compte qu’il n’aura pas le choix. Et que, nécessairement, cela impliquera une sortie de l’euro.]
[Ne rêvez pas. Quand bien même il serait lui-même convaincu, il n’aura jamais une majorité parlementaire pour sortir de l’Euro. Encore une fois, je trouve incompréhensible l’idée qu’un homme politique pourrait gouverner contre l’opinion.]
C’est certain. Aussi il n’y aura jamais de décision française de sortir “à froid” de l’Euro. C’est là dessus (entre autres) que Asselineau, Philippot, et NDA se mettent le doigt dans l’œil. La stratégie de dire à l’opinion quelque chose qu’elle ne veut pas entendre (pour les deux premiers) a certainement des vertus pédagogiques, mais ne leur permettra jamais de mettre en œuvre leur programme.
La stratégie, dont je pense qu’elle est celle de NDA, d’avoir l’intention de le faire, mais sans le dire avant l’élection, est tout autant vouée à l’échec, pour les (bonnes) raisons que vous exposez.
[Personnellement, je suis intimement convaincu que la sortie de l’Euro n’aura lieu que si elle est imposée par les circonstances – par exemple, par une crise économique ou l’Allemagne refuserait de payer pour les autres.]
Mon avis est que si une crise majeure intervient entre Paris et Bruxelles, l’UE voudra user de l’arme monétaire pour contraindre la France. Et celle là aura le choix, comme jadis Tsípras, entre abdiquer et se soumettre en tout à l’UE, ou sortir de l’Euro.
Je vais faire un peu de politique fiction pour illustrer ce que je voulais dire, en supposant l’élection de Zemmour.
Il dit qu’il ne veut pas sortir de l’Euro, mais que si il faut un jour en sortir, ça ne serait pas un problème pour lui, et qu’il n’y tient pas particulièrement.
En revanche, il dit qu’il y a certaines lignes de son programme qui sont non négociables (sur l’immigration, sur la hiérarchie des normes, etc.), etc. Et ces lignes non négociables sont également non négociables pour l’UE. Inévitablement, ça ira au “clash” avec Bruxelles. Et alors, si il veut rester ferme sur le cœur de son programme, celui pour lequel il a un mandat, il n’aura pas d’autre choix que de rester ferme sur le chantage que lui fera Bruxelles, et donc accepter une sortie de l’Euro imposée, de fait, par Bruxelles.
C’est à mon avis le pari qu’il fait, même si je ne suis pas dans le secret des Dieux.
Et c’est à ce moment qu’il fera, comme je le disais, des explications aux français, et une justification de l’intérêt de la sortie de l’euro, en expliquant que ça sera au final un mal pour un bien, etc. Ce que j’appelais faire contre mauvaise fortune bon cœur.
Et alors, une fois sorti de l’Euro, il perdra le soutien d’une partie de ceux qui le poussent aujourd’hui, mais pourra compenser avec les classes populaires. Autrement dit, il y aura une bascule de ses soutiens vers la gauche, et il n’aura plus d’autre choix que de mener une politique économique correspondant à son électorat.
Voilà mes prévisions Nostradamus
@ Vincent
[Je vais faire un peu de politique fiction pour illustrer ce que je voulais dire, en supposant l’élection de Zemmour. Il dit qu’il ne veut pas sortir de l’Euro, mais que si il faut un jour en sortir, ça ne serait pas un problème pour lui, et qu’il n’y tient pas particulièrement.]
En fait, l’attachement quasi mystique à l’Euro en particulier et à l’UE en général a beaucoup reculé. On n’est plus dans la logique des années 1980, celle des discours lyriques d’un Mitterrand et ses séides – Delors sur l’aile « droite », Mélenchon sur l’aile « gauche » – parlant d’une Europe-nation fédérale et souveraine qui allait résoudre magiquement tous nos problèmes, et fustigeant les « passéistes » et les « nationalistes » qui n’avaient rien compris. Aujourd’hui, les discours sur l’Europe, même chez des eurolâtres comme Barnier et même chez Macron, sont fondamentalement défensifs, sur le mode « sans l’Europe ce serait pire » ou bien « il est trop tard, trop coûteux d’en sortir, mieux vaut se résigner et essayer de changer l’Europe de l’intérieur ». Aujourd’hui, les seuls qui « tiennent » à l’Euro sont ceux qui y ont intérêt – et ceux qui ont peur de sa chute. Les convaincus que l’Euro est une bonne idée sont finalement assez minoritaires.
[En revanche, il dit qu’il y a certaines lignes de son programme qui sont non négociables (sur l’immigration, sur la hiérarchie des normes, etc.), etc. Et ces lignes non négociables sont également non négociables pour l’UE. Inévitablement, ça ira au “clash” avec Bruxelles. Et alors, s’il veut rester ferme sur le cœur de son programme, celui pour lequel il a un mandat, il n’aura pas d’autre choix que de rester ferme sur le chantage que lui fera Bruxelles, et donc accepter une sortie de l’Euro imposée, de fait, par Bruxelles.]
Oui mais… aura-t-il un soutien populaire suffisant ? Ces lignes dont il dit qu’elles sont « non négociables » pour lui, sont-elles aussi « non-négociables » pour son électorat ? C’est là toute la question. Et à mon avis, ce n’est pas le cas. L’électorat de Zemmour a beau être nostalgique d’un certain projet, il n’est pas prêt à payer ce qu’il faut pour pouvoir le réaliser. C’est là tout le problème.
@Descartes
Merci pour cet article !
S’agit-il d’une allusion à l’université d’Evergreen ? Ou y a-t-il eu quelque chose de semblable en France ?
Je ne vois pas ce que vous évoquez ; pourriez vous SVP préciser ?
Là, je sais, il s’agit de Sandrine Rousseau, pour ceux qui n’auraient pas suivi.
Pourriez vous ici aussi préciser ?
Merci d’avance !
Sinon, j’aurais une question : qu’est ce qui vous fait penser que :
Vous l’aurez compris, mon interrogation porte sur le “n’arrivera pas à franchir”.
Pourtant, ce projet, vous l’avez vous même décrit un peu plus bas. Il s’agit de :
Qu’est ce qui vous fait penser que ça ne serait pas possible ?
@ Vincent
[« Dans une université, les autorités sont forcées de s’humilier devant des activistes étudiants dans une cérémonie qui ressemble drôlement aux reniements publics exigés par l’Inquisition espagnole. » S’agit-il d’une allusion à l’université d’Evergreen ? Ou y a-t-il eu quelque chose de semblable en France ?]
Evergreen College est peut-être l’exemple le plus extrême, mais il n’est pas le seul. On en trouve d’autres aux Etats-Unis, en Grande Bretagne, au Canada, et d’une manière plus générale dans le monde protestant. La tradition catholique semble être moins perméable à ce type d’humiliation publique. En France, on trouve des directions terrifiées à l’idée de se voir reprocher quelque chose par les minorités agissantes au point d’abdiquer tout jugement. Prenez par exemple l’affaire des agressions sexuelles supposées à CentraleSupélec. Suite à une enquête effectuée par une association militante du campus et sans aucune garantie sur la fiabilité des résultats, la direction de l’école s’est sentie obligée de s’excuser par avance de son aveuglement, et de faire tout un foin.
[« Un juge reconnaît qu’un hippopotame est une « personne » avec les droits qui y sont attachés. » Je ne vois pas ce que vous évoquez ; pourriez-vous SVP préciser ?]
Il s’agit des hippopotames importés par Pablo Esocbar en Colombie pour agrémenter sa propriété. Après son arrestation, les bestioles ont été laissées sur place. Elles se sont échappées dans le milieu naturel, elles se sont reproduites, au point de menacer l’équilibre écologique et provoquer des accidents graves. Les autorités ayant décidé de les abattre, une ONG a porté l’affaire devant un juge américain, qui a reconnu aux bestioles en question le statut de « personne », et donc de sujet de droits – et en particulier, celui de ne pas être abattu.
La décision n’est pas tout à fait isolée. Plusieurs tribunaux ont reconnu comme « personnes » des animaux, des paysages ou des fleuves, et la constitution bolivienne – celle que notre ami Mélenchon a pris plusieurs fois en exemple – reconnaît la personnalité juridique à la « terre-mère ».
[« le directeur d’une institution de recherche financée sur fonds publics et associée à l’Université déclare que la méthode scientifique doit être jetée à la poubelle. » Pourriez vous ici aussi préciser ?]
Vous me décevez… il s’agit bien évidement du professeur Raoult.
[Sinon, j’aurais une question : qu’est ce qui vous fait penser que : “L’avenir du zemmourisme est probablement conditionné à la capacité de bâtir à partir de cette nostalgie un projet crédible et mobilisateur, et c’est là à mon avis la limite que Zemmour n’arrivera pas à franchir.” Vous l’aurez compris, mon interrogation porte sur le “n’arrivera pas à franchir”.]
Un projet est fondamentalement un travail collectif, qui implique un arbitrage permanent entre des visions et des intérêts différents qui n’est possible que dans un cadre institutionnel. Comme Macron, comme Mélenchon, Zemmour est un « égo-politicien ». Tout son mouvement s’organise autour de lui. Or, l’expérience de LREM et de LFI est là pour nous éclairer : cinq ans après leur fondation, ni l’un ni l’autre n’a été capable de produire un projet, une vision de la France qu’ils voudraient construire. Tous deux fonctionnent par slogans, la « start-up nation » pour l’un, la « révolution citoyenne » et la « constituante » pour l’autre. Zemmour aura le même problème.
[Pourtant, ce projet, vous l’avez vous même décrit un peu plus bas. Il s’agit de : “propositions pour réindustrialiser le pays, pour atteindre le plein-emploi, pour rétablir la loi républicaine sur tout le territoire, pour reconstruire l’école, pour assimiler les populations venues d’autres horizons”]
Non. Ce que j’ai décrit, ce sont des objectifs. Mais on peut « réindustrialiser le pays » de plusieurs façons. On peut le faire réduisant les salaires et la protection sociale pour les mettre au niveau du Bangladesh, de façon à attirer les capitaux par des coûts de main d’œuvre compétitifs ; on peut le faire par un mélange de mesures protectionnistes et d’investissements publics dans la recherche, dans l’éducation, dans les infrastructures de façon à attirer les activités à forte valeur ajoutée.
Un « projet », c’est la description des moyens pour atteindre les objectifs, et plus largement, la description du type de société dans laquelle ces objectifs pourraient être atteints. « Immigration zéro », c’est un objectif, pas un projet. Un projet, c’est dire comment on fait pour aboutir à une immigration zéro, et comment fonctionne la société capable d’atteindre un tel objectif.
[On peut le faire réduisant les salaires et la protection sociale pour les mettre au niveau du Bangladesh]
Ah ! A ce propos, une question que je désirais vous poser depuis longtemps. Nous savons que le misérable salaire des ouvriers produisant certains biens (textile, chaussures, petit matériel), n’entre que pour une très faible partie dans le prix global de cet objet. C’est, si j’ai bien compris, ce qu’on appelle “la courbe en forme de sourire”. Dans ce cas, pensez-vous que relocaliser la production de ces objets ferait énormément augmenter leur prix de vente ? J’aimerais votre avis.
@ maleyss
[« On peut le faire réduisant les salaires et la protection sociale pour les mettre au niveau du Bangladesh » Ah ! A ce propos, une question que je désirais vous poser depuis longtemps. Nous savons que le misérable salaire des ouvriers produisant certains biens (textile, chaussures, petit matériel), n’entre que pour une très faible partie dans le prix global de cet objet.]
Le « nous savons » est ici excessif. Moi, je ne sais rien de tel. Ce que je sais, au contraire, c’est que le textile européen – sauf sur des créneaux bien précis, souvent liés à une haute technicité ou à un savoir-faire particulier – a pratiquement disparu pour être substitué par du textile importé de pays qui, curieuse coïncidence, ont des coûts de main d’œuvre parmi les plus bas de la planète. Et cela malgré les coûts induits par le transport des biens à l’autre bout de la planète.
Alors, je me dis, pourquoi cette coïncidence ? Si c’était une question d’infrastructures, de fiscalité, de stabilité, alors le déplacement devrait se faire vers les pays qui ont la plus faible fiscalité, les meilleures infrastructures ou les régimes les plus stables. Or, ce n’est pas le cas : le seul élément qui réunit les pays de délocalisation du textile… ce sont les faibles salaires. J’en conclus que, contrairement à ce que vous suggérez, la part des salaires dans le coût final du bien n’est pas « très faible », au contraire…
[C’est, si j’ai bien compris, ce qu’on appelle “la courbe en forme de sourire”.]
Oui, mais ici vous confondez la cause et l’effet. Si la production est moins bien rémunérée que la R&D, le marketing ou les services, c’est PRECISEMENT parce qu’on peut délocaliser la production vers des territoires à faible coût de main d’œuvre, alors que c’est beaucoup plus difficile de faire de même avec la R&D, le marketing ou les services. Autrement dit, la « courbe en forme de sourire » représente un état de l’économie, et non une loi de la nature. Si demain on relocalisait l’industrie textile, tout à coup les salaires payés dans la production seraient régis par les mêmes normes que ceux de la R&D ou du marketing… et le « sourire » serait nettement moins marqué !
[Dans ce cas, pensez-vous que relocaliser la production de ces objets ferait énormément augmenter leur prix de vente ? J’aimerais votre avis.]
En tout cas, le capital en est convaincu, puisqu’il prend le travail et le risque de délocaliser vers les pays à faible coût de main d’œuvre. Pensez-vous qu’il l’aurait fait si le gain sur les coûts était négligeable ?
@ Descartes
[La décision n’est pas tout à fait isolée. Plusieurs tribunaux ont reconnu comme « personnes » des animaux, des paysages ou des fleuves, et la constitution bolivienne – celle que notre ami Mélenchon a pris plusieurs fois en exemple – reconnaît la personnalité juridique à la « terre-mère ».]
C’est assez médiéval, tout cela… Au moyen-âge, on a à plusieurs reprises fait des procès à des animaux, notamment des porcs, pour leurs “crimes” supposés. Certaines communautés ont fait des procès à des essaims de sauterelles qui ravageaient les cultures, avec un magistrat envoyé dans les champs lire l’assignation à comparaître…
Après tous les échanges que nous avons eu dessus, je comprends votre déception. Je suis impardonnable !
Nous ne devons pas avoir la même définition.
Pour moi, un projet, c’est une vision de la direction dans laquelle on veut aller, de la société vers laquelle on veut aller. Une vision doit répondre à des questions comme :
– protectionnisme,
– garantie du niveau des salaires / compétitivité prix du “made in France”,
– garantie de protections sociales / lutte contre l’assistanat,
– sécurité sociale et retraites universelles / assurances maladies et fonds de pension,
– quelles filières économiques développer (industrie lourde, services, services à la personne, etc.),
– quels objectifs en matière migratoire (familiale, de travail, rien du tout, etc.)
– quelle vision des relations internationales,
etc.
Les moyens concrets à mettre en œuvre (par exemple comment atteindre l’immigration zéro) relèvent davantage du programme.
Je suis d’accord qu’on ne voit pas très bien aujourd’hui où se trouve son projet sur des sujets comme le salaire, la protection sociale, les retraites, ou le protectionnisme.
Mais très franchement, sur ces sujets, il faut bien reconnaitre que, depuis que je sais lire les journaux, tout le monde fait peu ou prou la même chose. Il y a eu les 35h, qui ont été compensées par une annualisation et un changement des méthodes de calcul, si bien que leur effet économique dans le privé a été très limité. Il y a eu la détaxation des heure supplémentaires. Bref, en 30 ans, rien d’autre n’a été changé qui ne soit de l’ordre du détail, et le plus probable est qu’il n’a pas l’intention de bouleverser quoi que ce soit dans ce domaine.
Personne ne lui demande de bouleverser quoi que ce soit, et on ne voit pas très bien quel intérêt il pourrait avoir dans ce domaine.
L’inconnue réelle est sur un éventuel protectionnisme… Mais je ne doute pas qu’il clarifiera s’il doit être candidat !
@ Vincent
[« Un « projet », c’est la description des moyens pour atteindre les objectifs, et plus largement, la description du type de société dans laquelle ces objectifs pourraient être atteints. « Immigration zéro », c’est un objectif, pas un projet. Un projet, c’est dire comment on fait pour aboutir à une immigration zéro, et comment fonctionne la société capable d’atteindre un tel objectif. » Nous ne devons pas avoir la même définition.]
Je suis un peu surpris, dans la mesure où ma définition devrait vous être familière : c’est celle qu’on enseigne dans les écoles d’ingénieur. Un « projet » contient non seulement des « objectifs », mais la description des moyens pour les atteindre, un calendrier d’exécution, et la description des interactions des travaux et du résultat final avec son environnement.
[Pour moi, un projet, c’est une vision de la direction dans laquelle on veut aller, de la société vers laquelle on veut aller.]
Mais alors, quelle est la différence pour vous entre un « projet » et un « objectif » ?
[Mais très franchement, sur ces sujets, il faut bien reconnaitre que, depuis que je sais lire les journaux, tout le monde fait peu ou prou la même chose. Il y a eu les 35h, qui ont été compensées par une annualisation et un changement des méthodes de calcul, si bien que leur effet économique dans le privé a été très limité. Il y a eu la détaxation des heure supplémentaires. Bref, en 30 ans, rien d’autre n’a été changé qui ne soit de l’ordre du détail, et le plus probable est qu’il n’a pas l’intention de bouleverser quoi que ce soit dans ce domaine.]
Pardon, on a changé des choses qui ne relèvent pas du « détail ». L’ouverture à la concurrence des télécom ou de l’électricité sont des changements profonds, qui vont bien au-delà du simple détail. Mais tous ces changements se sont faits sans « vision systémique ». L’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité a été conçue comme un objectif en soi, et non comme un « projet ». Personne n’a évalué son coût, ni les transformations économiques, sociales et politiques nécessaires à son succès.
[Un « projet » contient non seulement des « objectifs », mais la description des moyens pour les atteindre, un calendrier d’exécution, et la description des interactions des travaux et du résultat final avec son environnement.]
En matière politique, de ma compréhension, un “projet” était quelque chose de plus flou, moins précis, qu’un programme. Alors qu’avec cette définition, on est plus précis encore que dans un programme de gouvernement.
[Mais alors, quelle est la différence pour vous entre un « projet » et un « objectif » ?]
Un “projet” définit des principes, des orientations. Sans chercher à mettre de chiffre, de date d’atteinte. Un objectif est plus précis.
Vous avez raison. Ma liste des items auxquels une vision n’était pas du tout exhaustive.
On pourrait citer :
– Quels sont les secteurs sont on considère qu’ils relèvent de l’Etat ? Du paritarisme ? Du privé concurrentiel ?
Et dans le cas où ils relèvent de l’Etat ou du paritarisme, offre-t-on la possibilité d’une concurrence ?
Oui, cela devrait rentrer aussi dans un projet. Et, oui, il faudra que Z soit plus précis sur des points comme :
– quel système de santé ?
– faut il renationaliser EDF ?
– Y a-t-il des secteurs publics qui doivent être ouverts à la concurrence ?
Mais je n’imagine pas qu’il resterait muet sur ces sujets pendant les 6 prochains mois s’il devait confirmer sa candidature.
@ Vincent
[« Un « projet » contient non seulement des « objectifs », mais la description des moyens pour les atteindre, un calendrier d’exécution, et la description des interactions des travaux et du résultat final avec son environnement. » En matière politique, de ma compréhension, un “projet” était quelque chose de plus flou, moins précis, qu’un programme. Alors qu’avec cette définition, on est plus précis encore que dans un programme de gouvernement.]
Pas nécessairement. Un programme est une liste de mesures qu’on se propose de prendre. Celles-ci peuvent être floues, où au contraire être extrêmement précises, incluant leur mode de financement et même les textes rédigés qu’on proposera au Parlement de voter. Mais dans un programme, les mesures ne sont pas articulées entre elles. Le programme n’explique pas en quoi les différentes mesures s’articulent de façon cohérente pour construire une vision de société.
Un projet, c’est « plus » qu’un programme au sens qu’il contient cette cohérence.
[Mais alors, quelle est la différence pour vous entre un « projet » et un « objectif » ?]
Un “projet” définit des principes, des orientations. Sans chercher à mettre de chiffre, de date d’atteinte. Un objectif est plus précis.
Autrement, lorsqu’on précise un « projet », on aboutit à un « objectif » ?
[Vous avez raison. Ma liste des items auxquels une vision n’était pas du tout exhaustive.
On pourrait citer :
– Quels sont les secteurs sont on considère qu’ils relèvent de l’Etat ? Du paritarisme ? Du privé concurrentiel ?]
Mais vous voyez que la réponse à cette question ne peut être uniquement technique. Elle dépend de la nature même de la société que vous voulez construire. Autrement dit, de votre « projet » (de société).
@Descartes
Heureux de vous revoir.
Pourquoi votre blog a t’il été suspendu pendant trois jours ?
@ Delendaesteu
[Pourquoi votre blog a t’il été suspendu pendant trois jours ?]
Petit problème de l’hébergeur… et il ne bosse pas le week-end!
Diable …
Un bien long article pour nous décrire une société toujours plus féminisée, toujours plus matriarcale …
Enseignement, justice, fonction publique en général, état finalement féminisé aux trois quarts et nous en voyons tous les jours les conséquences … Les sociétés matriarcales stagnent, elles restent miséreuses et surtout le status quo devient indéboulonnable … bref la stase avant la mort …
@ bsadacheng
[Un bien long article pour nous décrire une société toujours plus féminisée, toujours plus matriarcale … Enseignement, justice, fonction publique en général, état finalement féminisé aux trois quarts et nous en voyons tous les jours les conséquences …]
Je ne pense pas qu’on “voie les conséquences” d’une féminisation. Ce n’est pas parce que deux phénomènes sont corrélés qu’il faut y voir une causalité. La mise en concurrence de tous contre tous, avec pour moyen l’abolition de toute hiérarchie, de tout statut, de toute institution n’est pas la conséquence d’une “féminisation de la société”, ce serait plutôt l’inverse…
Bonjour,C’est drôle parce que dans 99% des médias et des politiques il y a un (lamentable) préjugé “anti-Zemmour”, mais dans votre papier on ressent un préjugé favorable, c’est une impression ? Roussel a même proposé une loi de circonstances pour empêcher sa candidature, sur ce coup là il est décevant.Je ne connais pas bien Zemmour, mais je ne comprends pas en quoi il aurait “entrouvert la porte” sur quoi que ce soit concernant l’UE ou l’euro… j’ai raté quelque chose ? Si c’est d’avoir diagnostiqué les problèmes que posait l’UE, il ne va pas plus loin pour l’instant que Montebourg, Roussel ou Mélenchon, et même d’autres, quand on voit que même Barnier s’est senti obligé de pousser un petit couplet sur la souveraineté… (quelle hyprocrisie sans nom…) ! Zemmour ne risque-t’il pas avant tout de faire à la droite ce que Macron a fait au PS ? Et s’il gouverne de prendre quelques mesures symboliques sur l’immigration, et basta…
@ tmn
[Bonjour, c’est drôle parce que dans 99% des médias et des politiques il y a un (lamentable) préjugé “anti-Zemmour”, mais dans votre papier on ressent un préjugé favorable, c’est une impression ?]
C’est le retour du « choisis ton camp, camarade » ?
J’ai une certaine tendresse pour le personnage de Zemmour, de la même manière que j’avais une certaine tendresse pour le personnage de Sarkozy ou celui de Pasqua. Même si je n’ai avec eux aucune affinité idéologique, je suis attiré par une certaine forme d’intelligence, de qualité humaine, de liberté de ton qui ne cherche pas à plaire à tout le monde, d’intégrité.
Et que faudrait-il faire ?
Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s’en fait un tuteur en lui léchant l’écorce,
Grimper par ruse au lieu de s’élever par force ?
Non, merci ! Dédier, comme tous ils le font,
Des vers aux financiers ? se changer en bouffon
Dans l’espoir vil de voir, aux lèvres d’un ministre,
Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?
Non, merci ! Déjeuner, chaque jour, d’un crapaud ?
Avoir un ventre usé par la marche ? une peau
Qui plus vite, à l’endroit des genoux, devient sale ?
Exécuter des tours de souplesse dorsale ?…
Non, merci ! D’une main flatter la chèvre au cou
Cependant que, de l’autre, on arrose le chou,
Et donneur de séné par désir de rhubarbe,
Avoir son encensoir, toujours, dans quelque barbe ?
Non, merci ! Se pousser de giron en giron,
Devenir un petit grand homme dans un rond,
Et naviguer, avec des madrigaux pour rames,
Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ?
Non, merci ! Chez le bon éditeur de Sercy
Faire éditer ses vers en payant ? Non, merci !
S’aller faire nommer pape par les conciles
Que dans des cabarets tiennent des imbéciles ?
Non, merci ! Travailler à se construire un nom
Sur un sonnet, au lieu d’en faire d’autres ? Non, Merci !
Ne découvrir du talent qu’aux mazettes ?
Être terrorisé par de vagues gazettes,
Et se dire sans cesse : « Oh ! pourvu que je sois
Dans les petits papiers du Mercure François » ?…
Non, merci ! Calculer, avoir peur, être blême,
Préférer faire une visite qu’un poème,
Rédiger des placets, se faire présenter ?
Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais… chanter,
Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l’œil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre, – ou faire un vers !
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
À tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d’ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,
Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !
Qui plus est, je retrouve dans Zemmour une part de ma trajectoire personnelle. Comme Zemmour, je suis un venu d’ailleurs qui a beaucoup aimé la France, celle du « roman » républicain et celle que j’ai connu, et comme Zemmour je pleure la perte de l’une et de l’autre. Comme Zemmour, je crois à l’inspiration qu’on peut tirer de l’histoire et à la valeur exemplaire des grands hommes. Comment voulez-vous alors que le personnage ne me soit pas sympathique ?
Après, cette sympathie ne me rend pas aveugle à ses défauts. Au-delà d’un patriotisme sur lequel on peut coïncider, c’est un homme de droite, réactionnaire en matière économique et sociale, séduit par une forme de corporatisme qui fleure bon la « révolution nationale ». Cela étant dit, ce que Zemmour dit m’intéresse moins que ce qu’il représente. C’est cela qui à mon avis est intéressant à étudier.
[Roussel a même proposé une loi de circonstances pour empêcher sa candidature, sur ce coup-là il est décevant.]
Oui. Mais je ne suis que moyennement surpris. Roussel répond à un corps militant qui a beaucoup de mal à raisonner dans une perspective universelle. Ici, la liberté n’est un principe que lorsqu’elle est exercée par vos amis, et cesse de l’être lorsqu’elle bénéficie à vos ennemis. C’est ce qu’on appelle un principe ad hoc…
[Je ne connais pas bien Zemmour, mais je ne comprends pas en quoi il aurait “entrouvert la porte” sur quoi que ce soit concernant l’UE ou l’euro… j’ai raté quelque chose ? Si c’est d’avoir diagnostiqué les problèmes que posait l’UE, il ne va pas plus loin pour l’instant que Montebourg, Roussel ou Mélenchon, et même d’autres, quand on voit que même Barnier s’est senti obligé de pousser un petit couplet sur la souveraineté… (quelle hyprocrisie sans nom…) !]
Quand je parlais « d’entrouvrir la porte », je faisais référence à quelque chose de plus large que le sujet de l’Euro ou de l’UE. Dans un système politique ultra-conformiste, dans lequel aucun candidat n’offre vraiment une alternative qui soit très différente des autres – car au-delà des grandes déclarations, Montebourg reste le ministre d’Hollande et Mélenchon l’homme de Maastricht – Zemmour nous parle d’une France glorieuse qui savait surprendre par des choix non-orthodoxes. Dans un paysage où même Marine Le Pen s’est « normalisée », Zemmour propose « autre chose ».
[Zemmour ne risque-t’il pas avant tout de faire à la droite ce que Macron a fait au PS ? Et s’il gouverne de prendre quelques mesures symboliques sur l’immigration, et basta…]
Je ne pense pas que Zemmour ait la moindre chance d’être élu. Le phénomène qui est intéressant, mais in fine les lois de la politique s’imposeront.
@Descartes
[C’est le retour du « choisis ton camp, camarade » ?]
Non pas du tout mais j’avais envie que vous précisiez votre avis sur le personnage, merci pour votre réponse détaillée (et l’extrait de Cyrano !).
[Au-delà d’un patriotisme sur lequel on peut coïncider, c’est un homme de droite, réactionnaire en matière économique et sociale, séduit par une forme de corporatisme qui fleure bon la « révolution nationale ».]
D’ailleurs à propos de “révolution nationale”, il semble prendre plaisir à énerver son monde avec Pétain, en effet on est loin de la normalisation…
[au-delà des grandes déclarations, Montebourg reste le ministre d’Hollande et Mélenchon l’homme de Maastricht – Zemmour nous parle d’une France glorieuse qui savait surprendre par des choix non-orthodoxes. Dans un paysage où même Marine Le Pen s’est « normalisée », Zemmour propose « autre chose]
Franchement je vous trouve dur avec Montebourg, il s’est fait jeter par Hollande après avoir proposé de “autre chose”. Je n’attends pas énormément de lui mais on peut au moins lui reconnaître une certaine constance et un peu de courage.[Je ne pense pas que Zemmour ait la moindre chance d’être élu. Le phénomène qui est intéressant, mais in fine les lois de la politique s’imposeront.]Certes mais on disait exactement la même chose de Macron il y a cinq ans…
@ tmn
[Non pas du tout mais j’avais envie que vous précisiez votre avis sur le personnage, merci pour votre réponse détaillée (et l’extrait de Cyrano !).]
C’est beau, n’est-ce pas ?
[D’ailleurs à propos de “révolution nationale”, il semble prendre plaisir à énerver son monde avec Pétain, en effet on est loin de la normalisation…]
C’est son côté cyrano…
« Eh bien ! oui, c’est mon vice.
Déplaire est mon plaisir. J’aime qu’on me haïsse.
Mon cher, si tu savais comme l’on marche mieux
Sous la pistolétade excitante des yeux !
Comme, sur les pourpoints, font d’amusantes taches
Le fiel des envieux et la bave des lâches »
[« au-delà des grandes déclarations, Montebourg reste le ministre d’Hollande et Mélenchon l’homme de Maastricht – Zemmour nous parle d’une France glorieuse qui savait surprendre par des choix non-orthodoxes. Dans un paysage où même Marine Le Pen s’est « normalisée », Zemmour propose « autre chose » Franchement je vous trouve dur avec Montebourg, il s’est fait jeter par Hollande après avoir proposé de “autre chose”.]
Oui, je suis souvent plus dur avec les gens qui m’ont déçu qu’avec les gens de qui ne j’ai jamais rien attendu. Il a certes été viré par Hollande, mais c’est lui aussi qui a contribué à faire de Valls un premier ministre… franchement, j’aime bien le personnage de Montebourg, mais je ne lui donnerais pas mon poisson rouge à garder. Il n’y a rien à faire, on ne trahit pas sa jeunesse. Mélenchon fut trotskyste, et il sera intellectuellement un trotskyste malgré trente ans de mitterrandisme. Montebourg est un apparatchik socialiste, et jusqu’à sa mort sera un apparatchik socialiste. Ses ambiguïtés européennes – il votera « non » en 1992 et en 2005, mais sans faire campagne par « discipline de parti » – et politiques – il sera le porte parole de la campagne de Ségolène Royal et ministre de François Hollande – le montrent amplement.
[Je n’attends pas énormément de lui mais on peut au moins lui reconnaître une certaine constance et un peu de courage.]
Jusqu’à un certain point. En 2005, il n’eut pas le courage de faire campagne pour le « non », par exemple.
Je suis assez stupéfait (mais c’est aussi un peu jouissif) de voir la panique qui s’empare des élites politiques et médiatiques, ainsi que de toute la petite bourgeoisie intellectuelle à propos de la candidature de Zemmour. C’est le nouveau diable de confort, celui dont il est de bon ton de se gausser, qu’il est bien vu de mépriser, sans avoir rien lu ni écouté de ce qu’il a à dire. Je suis un peu jeune pour avoir des souvenirs de cette époque mais cela me fait penser au traitement dont faisait l’objet Le Pen père dans les années 90, avec le débat sur l’alternative débattre avec Belzébuth / se contenter de lui lancer des missiles à distance. On voit bien que pour beaucoup, le combat politique est devenu un combat moral où il ne s’agit plus de débattre des idées sans a priori, mais un jeu où il s’agit simplement de se rassurer en critiquant les méchants et les vilains qui font appel à d’autres valeurs (plus “rigides”) que les siennes.
Vous avez raison de souligner qu’il ne sert à rien de ne faire que critiquer Zemmour sur ses outrances, et que la réponse ne peut être qu’une analyse et un projet de fond. Le rejet qu’expriment les candidats de gauche ne servent à mon avis qu’à rassurer leurs soutiens, et ce n’est pas une stratégie à long terme. (D’ailleurs, vous demandiez la référence de l’attaque de Roussel sur l’antisémitisme de Zemmour, et j’ai trouvé ceci: https://www.dailymotion.com/video/x857c9d ) De toutes façons, si Zemmour attire, il fait l’objet également de beaucoup de rejet, bref d’opinions très polarisées, ce qui fait qu’il lui sera difficile de l’emporter s’il arrive au second tour.
Je souscris également à 100% à votre analyse sur la demande de prévisibilité de la population. Je crois voir des Français déboussolés et angoissés par un présent où tous les repères (familiaux, de culture nationale, de filiation historique…) s’effondrent, et un avenir qu’on ne cesse de nous dépeindre comme catastrophique. C’est pourquoi les postures de rebelles anti-tout qui proposent fondamentalement de détruire encore n’ont finalement qu’une prise limitée sur la population, alors qu’elles avaient plus de succès dans une société en croissance telle que la France de mai 68. Les politiques qui auront compris que les Français sont majoritairement en demande d’un cadre face à l’entreprise de démolition néolibérale pourront certainement tirer leur épingle du jeu dans les mois et années à venir.
Maintenant, je ne comprends pas bien votre paragraphe suivant:
[Le succès de Zemmour tient à ce qu’il a entrouvert cette porte-là, à un moment où pratiquement tous les candidats à la présidentielle entonnent – sous de clés différentes certes, mais la mélodie est la même – la mélodie de la résignation, celle dont les paroles sont « il n’y a pas d’alternative ». On a beau proposer le doublement du salaire des professeurs ou la suppression de 150.000 fonctionnaires, mais à la fin c’est toujours pareil : on reste dans l’Euro, on reste dans l’UE – et on continue donc la même politique économique et sociale.]
En effet, Zemmour lui non plus ne propose pas de sortir de l’UE ou de réellement changer la politique économique et sociale (sur ce dernier point, il reste vraiment à droite). Alors, comment croire qu’il pourrait changer les choses plus qu’un Roussel, un Montebourg ou un Mélenchon?
@ Patriote Albert
[Je suis assez stupéfait (mais c’est aussi un peu jouissif) de voir la panique qui s’empare des élites politiques et médiatiques, ainsi que de toute la petite bourgeoisie intellectuelle à propos de la candidature de Zemmour.]
C’est bien de profiter de temps en temps de la Schadenfreude, mais il ne faut pas trop en abuser…
[C’est le nouveau diable de confort, celui dont il est de bon ton de se gausser, qu’il est bien vu de mépriser, sans avoir rien lu ni écouté de ce qu’il a à dire. Je suis un peu jeune pour avoir des souvenirs de cette époque mais cela me fait penser au traitement dont faisait l’objet Le Pen père dans les années 90, avec le débat sur l’alternative débattre avec Belzébuth / se contenter de lui lancer des missiles à distance.]
Non, c’est très différent. N’oubliez pas que Le Pen fut d’abord un « missile » lancé par Mitterrand sur le territoire de la droite. Le refus de tout contact, débat ou complicité avec Le Pen faisait partie d’une stratégie de division de la droite : il s’agissait de diaboliser par avance tout rapprochement entre la droite classique et le FN, tout en permettant à Le Pen de lui piquer des électeurs. La position de la gauche était donc stratégique : en ostracisant Le Pen, on ostracisait ses électeurs – qui autrement auraient pu soutenir la droite. Et la droite n’a pas eu d’autre solution que de suivre, ayant compris le risque politique de tout contact avec Le Pen.
La situation aujourd’hui est totalement différente. Quand Mitterrand aide Le Pen à se faire une place, la gauche dort tranquille persuadée que jamais au grand jamais ses électeurs à elle ne seront séduits par le Grand Méchant Loup. Aujourd’hui, Zemmour ou Marine Le Pen gênent autant la gauche que la droite…
[On voit bien que pour beaucoup, le combat politique est devenu un combat moral où il ne s’agit plus de débattre des idées sans a priori, mais un jeu où il s’agit simplement de se rassurer en critiquant les méchants et les vilains qui font appel à d’autres valeurs (plus “rigides”) que les siennes.]
Je dirais plutôt que le « combat politique », pour l’essentiel des élites politico-médiatiques, n’a plus rien de « politique ». Il ne s’agit pas de trancher entre plusieurs projets différents, mais de choisir la personne qui aura l’insigne honneur d’appliquer le projet unique sur lequel tous coïncident. On cherche à nous faire croire qu’il existe un débat avec de véritables options, alors qu’on ne fait que la politique du chien crevé au fil de l’eau. Regardez sur l’énergie : tous ceux qui aujourd’hui prétendent à nos suffrages ont été, d’une façon ou d’une autre, proches du pouvoir. Et personne n’a rien fait. On s’est contenté de déclarations, de gestes symboliques, de faire plaisir à l’UE, c’est-à-dire à tel ou tel lobby. Aujourd’hui que la pénurie d’électricité devient une réalité et pousse les prix vers le haut, tout à coup tout le monde s’active et découvre qu’il faut renouveler les réacteurs nucléaires, sans quoi demain on est dans le noir.
Et l’illusion fonctionne de moins en moins bien. Selon les enquêtes, la participation à la présidentielle serait si l’on votait aujourd’hui entre 60% et 50%. Et les abstentionnistes ont raison : à quoi bon sacrifier une sortie avec les enfants pour choisir entre Pécresse et Macron, sachant qu’ils feront la même chose ?
[Vous avez raison de souligner qu’il ne sert à rien de ne faire que critiquer Zemmour sur ses outrances, et que la réponse ne peut être qu’une analyse et un projet de fond. Le rejet qu’expriment les candidats de gauche ne servent à mon avis qu’à rassurer leurs soutiens, et ce n’est pas une stratégie à long terme.]
La dénonciation des « fascistes » imaginaires fait partie des figures imposées de la « gauche radicale » française depuis 1968. Ça fait plaisir aux convaincus, mais cela ne fait pas avancer le schmilblick. Il est d’ailleurs très drôle de voir des commentateurs parler du « courage » d’Anne Hidalgo à propos de l’intervention où elle qualifie Zemmour de « guignol ». Il paraît que ce discours « marque une rupture » et « change la face de la campagne ». C’est d’autant plus drôle qu’on entend ces remarques de la bouche de ceux-là même qui, une semaine plus tard, reprochaient à Zemmour de « répondre par l’insulte » à Schiappa… qualifiée par lui – fort opportunément à mon avis – de « imbécile ».
(D’ailleurs, vous demandiez la référence de l’attaque de Roussel sur l’antisémitisme de Zemmour, et j’ai trouvé ceci…)]
Dans cet extrait, Roussel ne dit pas que « Zemmour est antisémite », mais qu’il porte des idées antisémites, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Par ailleurs, dans cet extrait il commente plutôt des propos de Jean-Luc Mélenchon qui, eux, peuvent être considérés comme antisémites…
[Je souscris également à 100% à votre analyse sur la demande de prévisibilité de la population.]
Je pense que la question de la prévisibilité est une question fondamentale. J’ai envie de la travailler un peu – peut-être dans un futur papier – mais pour le moment je n’ai pas trouvé beaucoup de bibliographie sur le sujet.
[Les politiques qui auront compris que les Français sont majoritairement en demande d’un cadre face à l’entreprise de démolition néolibérale pourront certainement tirer leur épingle du jeu dans les mois et années à venir.]
Je pense qu’ils l’ont tous plus ou moins compris. Mais comme j’ai essayé de le montrer, cette « démolition néolibérale » n’arrive pas par hasard. Elle vient parce qu’elle est fonctionnelle aux intérêts des classes dominantes, la bourgeoisie mais aussi les classes intermédiaires. C’est-à-dire, les classes qui ont les moyens de s’organiser leur « prévisibilité privée », de rendre leur « bulle » prévisible quitte à laisser tomber tout le reste.
[Maintenant, je ne comprends pas bien votre paragraphe suivant: (…) En effet, Zemmour lui non plus ne propose pas de sortir de l’UE ou de réellement changer la politique économique et sociale (sur ce dernier point, il reste vraiment à droite). Alors, comment croire qu’il pourrait changer les choses plus qu’un Roussel, un Montebourg ou un Mélenchon?]
Je vais réécrire ce paragraphe, parce qu’il est vrai qu’il est un peu obscur. Je ne crois pas que Zemmour « changera » quoi que ce soit en tant qu’homme politique. La « porte » qu’il « entrouvre » est celle du débat. La contribution à mon sens la plus intéressante de Zemmour est de s’être attaqué au discours bienpensant, d’avoir rappelé que l’histoire est tragique. C’est en ce sens qu’il a « entrouvert une porte ».
[C’est bien de profiter de temps en temps de la Schadenfreude, mais il ne faut pas trop en abuser…]
Que voulez-vous, il faut prendre le plaisir où l’on peut dans cette époque désespérante. Et puis voir des personnes reprendre un peu contact avec le réel, même si c’est par l’intermédiaire d’un polémiste avec lequel on est en désaccord sur bien des points, c’est toujours ça de gagné.
[Selon les enquêtes, la participation à la présidentielle serait si l’on votait aujourd’hui entre 60% et 50%. Et les abstentionnistes ont raison : à quoi bon sacrifier une sortie avec les enfants pour choisir entre Pécresse et Macron, sachant qu’ils feront la même chose ?]
Vous parlez là du pourcentage de gens qui sont sûrs d’aller voter. Mais il y a aussi ceux qui déclarent que ce sera très probablement le cas. Au final, la différence n’est pas si importante par rapport à 2017. Exemple sur le sondage Elabe: 53% sont sûrs d’aller voter aujourd’hui, ils étaient 59% en novembre 2016. Je pense que même si la plupart des Français ne se font pas d’illusions sur les conséquences de leurs choix, la présidentielle reste l’élection qu’on peut difficilement rater car au-delà du politique on choisit aussi le visage de celui ou celle qui va représenter symboliquement le pays tout entier. Toutefois, il est clair que nombreux sont ceux qui ne savent pas pour qui voter tant l’offre politique leur paraît peu alléchante.
Par ailleurs, il y a quelque chose qui me gêne dans votre raisonnement. D’un côté, vous dîtes que les gens ne vont pas voter car ils savent que tous les candidats vont faire la même chose une fois élus. Mais d’un autre côté, les candidats qui ont une ligne radicale et proposent une vraie rupture (Arthaud, Asselineau, ou même Roussel par exemple), sont très bas dans les sondages, et même parfois en baisse par rapport aux échéances antérieures. Ne pensez-vous pas qu’au-delà du fait que les Français n’ont plus confiance dans la capacité d’action du politique, il y a une vraie dépolitisation, un vrai éloignement de la chose publique? Car si les Français étaient vraiment politisés et insatisfaits de la classe politique actuelle, on verrait une offre alternative gagner en vigueur, non?
[C’est-à-dire, les classes qui ont les moyens de s’organiser leur « prévisibilité privée », de rendre leur « bulle » prévisible quitte à laisser tomber tout le reste.]
En même temps, on voit bien que l’angoisse qui saisit les classes dominantes est justement celle qui peut atteindre leur bulle privée, à savoir la question climatique (et “écologique” au sens large). Pour le reste, les effondrements industriel, culturel, éducatif peuvent bien attendre…
@ Patriote Albert
[Je pense que même si la plupart des Français ne se font pas d’illusions sur les conséquences de leurs choix, la présidentielle reste l’élection qu’on peut difficilement rater car au-delà du politique on choisit aussi le visage de celui ou celle qui va représenter symboliquement le pays tout entier.]
Jusqu’ici, cette particularité a protégé les élections présidentielles de l’abstention. Mais on disait la même chose des municipales, et on a vu quand même l’abstention monter d’élection en élection.
[Par ailleurs, il y a quelque chose qui me gêne dans votre raisonnement. D’un côté, vous dîtes que les gens ne vont pas voter car ils savent que tous les candidats vont faire la même chose une fois élus. Mais d’un autre côté, les candidats qui ont une ligne radicale et proposent une vraie rupture (Arthaud, Asselineau, ou même Roussel par exemple), sont très bas dans les sondages, et même parfois en baisse par rapport aux échéances antérieures.]
Il n’y a aucune contradiction là-dedans. A supposer même qu’Arthaud, Asselineau ou Roussel PROPOSENT une « vraie rupture », quelle confiance pouvez-vous avoir dans le fait qu’ils auraient la volonté et les moyens de mettre en œuvre cette « rupture » s’ils étaient élus ? Quand je dis que les électeurs savent que « tous les candidats vont faire la même chose une fois élus », cela inclut malheureusement les candidats « radicaux ».
Mais j’irais un pas plus loin : si les électeurs pensent que tous les hommes politiques feront pareil une fois au pouvoir, c’est parce qu’ils ne voient pas comment on pourrait faire autrement. En d’autres termes, il n’y a sur le marché aucune alternative crédible. Ce que les candidats « radicaux » proposent ne convainc personne parce qu’aucun d’eux ne présente de vision alternative de la société. Comment fonctionnerait la société « communiste » que Nathalie Arthaud appelle de ses vœux ? Comment serait-elle régulée ? Par quel mécanisme on décidera dans une telle société qui habite à côté de la Tour Eiffel et qui habitera à Montreuil (parce qu’on ne peut faire en sorte que TOUT LE MONDE puisse vivre où il veut) ? Comment seront fixés les prix et les salaires ? Quelles institutions politiques ? Comment serait organisée l’institution judiciaire ? Comment recrutera-t-on les fonctionnaires ?
[Ne pensez-vous pas qu’au-delà du fait que les Français n’ont plus confiance dans la capacité d’action du politique, il y a une vraie dépolitisation, un vrai éloignement de la chose publique?]
Oui. Mais ce n’est pas une simple question de confiance. Avant de se demander si on PEUT changer les choses, il faut se demander si on le VEUT. Dans la mesure où aucune alternative crédible et désirable ne se présente à l’horizon, quel sens cela aurait à changer ?
[Car si les Français étaient vraiment politisés et insatisfaits de la classe politique actuelle, on verrait une offre alternative gagner en vigueur, non?]
Pas nécessairement. Je pense que le peuple français reste remarquablement politisé, et que son insatisfaction avec la classe politique est évidente. Le mouvement des « Gilets Jaunes » a montré au-delà de tout doute raisonnable les deux choses. Mais cela n’implique pas qu’une « alternative » gagne en vigueur. Le problème, c’est que cette « alternative » ne peut tomber du ciel. Il faut qu’elle soit produite quelque part. Or, la classe qui contrôle le champ des idées, c’est-à-dire les classes intermédiaires, n’ont aucune envie de proposer une alternative crédible qui apparaisse désirable aux couches populaires. Dans ces conditions, où trouver « l’intellectuel collectif » capable de proposer une alternative ?
@descartes
[A supposer même qu’Arthaud, Asselineau ou Roussel PROPOSENT une « vraie rupture », quelle confiance pouvez-vous avoir dans le fait qu’ils auraient la volonté et les moyens de mettre en œuvre cette « rupture » s’ils étaient élus ?]
Prenons l’exemple d’Asselineau. La volonté il l’a surement. Les moyens étatiques oui mais est ce suffisant ? Cependant, comment voulez vous que l’électeur moyen le sache ? Vous pensez qu’il croit que la sortie de l’euro serait une catastrophe comme les médias le prêche ?
Car sortie de l’UE outre une montage d’emmerdes que la commission nous mettra dans les pattes, l’herbe sera toujours verte. A vrai dire, la “société” ne changera pas, on aura juste la possibilité de changer certaines choses.
Donc je ne sais pas si les gens veulent mais sans vouloir en payer le prix ou s’ils ne savent pas les causes de leur problème ?
[la classe qui contrôle le champ des idées, c’est-à-dire les classes intermédiaires, n’ont aucune envie de proposer une alternative crédible qui apparaisse désirable aux couches populaires. Dans ces conditions, où trouver « l’intellectuel collectif » capable de proposer une alternative ?]
Il y a quand même assez de personnes intelligentes et cultivées pour proposer une alternative crédible. La question ne se situe pas plus dans la diffusion de ces idées ?
Le woke n’est pas très crédible mais se diffuse merveilleusement bien.
@ Barbey
[« A supposer même qu’Arthaud, Asselineau ou Roussel PROPOSENT une « vraie rupture », quelle confiance pouvez-vous avoir dans le fait qu’ils auraient la volonté et les moyens de mettre en œuvre cette « rupture » s’ils étaient élus ? » Prenons l’exemple d’Asselineau. La volonté il l’a surement.]
Qui peut sonder les cœurs et les reins ? Je ne connais pas assez Asselineau pour savoir jusqu’où irait sa volonté, mais admettons un instant qu’il l’ait. Ce n’est pas là à mon sens le problème.
[Les moyens étatiques oui mais est ce suffisant ? Cependant, comment voulez vous que l’électeur moyen le sache ? Vous pensez qu’il croit que la sortie de l’euro serait une catastrophe comme les médias le prêche ?]
Admettons un instant qu’un homme comme Asselineau ait la volonté et que l’administration de l’Etat suivrait loyalement ses instructions (ce qui n’est pas absurde compte tenu des expériences passées). Il reste quand même un problème fondamental, qui est la capacité à concevoir un projet global. Parce qu’une sortie de l’Euro n’est pas une simple mesure technique. Elle s’inscrit dans un projet global de société, un projet qui doit être suffisamment attractif pour convaincre les citoyens que les sacrifices du présent – et la sortie de l’Euro impliquera dans le court terme des sacrifices, il ne faut pas se le cacher – sont justifiés par l’objectif futur.
Je ne vois pas où sont les équipes autour d’Asselineau qui seraient capables de bâtir un tel projet. C’est là la limite de l’égo-politicien : il est le seul à penser dans son organisation. Par définition il ne peut construire un véritable « intellectuel collectif » – entre autres choses, parce qu’il n’est pas prêt à prendre le risque de construire quelque chose qui puisse vivre sans lui.
On a beaucoup raillé les partis politiques d’autrefois, avec leurs comités et commissions thématiques dans tous les sens aux réunions interminables. Mais c’est là que prenaient forme les projets. Aujourd’hui, ce travail est fait par l’égo-politicien et sa petite équipe rapprochée. Et forcément, le résultat n’est pas le même, parce qu’il n’est pas alimenté par un corps militant qui a les pieds sur terre et qui discute quotidiennement avec les citoyens. Avant d’être soumis aux citoyens, il ne passe pas par l’épreuve à l’acide du regard militant.
[Donc je ne sais pas si les gens veulent mais sans vouloir en payer le prix ou s’ils ne savent pas les causes de leur problème ?]
Il y a des deux. Vous ne pouvez pas leur demander de « payer le prix » sans leur expliquer combien ce prix permettra d’aller vers un avenir radieux. On ne peut demander des sacrifices perpétuels s’il n’y a pas au bout du chemin quelque chose qui en vaut la peine.
[« la classe qui contrôle le champ des idées, c’est-à-dire les classes intermédiaires, n’ont aucune envie de proposer une alternative crédible qui apparaisse désirable aux couches populaires. Dans ces conditions, où trouver « l’intellectuel collectif » capable de proposer une alternative ? » Il y a quand même assez de personnes intelligentes et cultivées pour proposer une alternative crédible. La question ne se situe pas plus dans la diffusion de ces idées ?]
Je ne le crois pas. Il y a certes des personnes intelligentes, mais elles travaillent seules et chacune dans sa cohérence. Il n’y a pas d’institution pour les regrouper et les faire travailler avec une certaine cohérence, il n’y a pas de corps militant pour les nourrir des informations venues de la base. Il n’y a même pas d’enceinte où ils puissent se confronter.
[Le woke n’est pas très crédible mais se diffuse merveilleusement bien.]
Oui, parce qu’il répond au besoin des classes dominantes de remplir le vide idéologique avec quelque chose. Mais personne ne voit dans le woke un projet crédible, ni est prêt à lui sacrifier quoi que ce soit.
@ descartes
[On a beaucoup raillé les partis politiques d’autrefois, avec leurs comités et commissions thématiques dans tous les sens aux réunions interminables. Mais c’est là que prenaient forme les projets. Aujourd’hui, ce travail est fait par l’égo-politicien et sa petite équipe rapprochée. Et forcément, le résultat n’est pas le même, parce qu’il n’est pas alimenté par un corps militant qui a les pieds sur terre et qui discute quotidiennement avec les citoyens. Avant d’être soumis aux citoyens, il ne passe pas par l’épreuve à l’acide du regard militant.]
Si on admet qu’il faille un parti à l’ancienne pour construire un “véritable intellectuel collectif”, cela m’amène à deux questions.
1) Aucun mouvement ne semble vouloir construire un parti à l’ancienne. Pourquoi le ferait il ? ( Je crois que l’hypothèse pour regrouper les forces ne marche pas tant les divisions sont grandes tant pour “les souverainistes” que pour les listes à “l’extrême gauche”)
2) Si ce n’est pas par les partis politiques, est ce qu’on peut le faire émerger d’un autre endroit ? Si oui, par où sachant que les syndicats, l’église ou autres “institutions” sont en miettes?
@ Barbey
[1) Aucun mouvement ne semble vouloir construire un parti à l’ancienne. Pourquoi le ferait il ? ( Je crois que l’hypothèse pour regrouper les forces ne marche pas tant les divisions sont grandes tant pour “les souverainistes” que pour les listes à “l’extrême gauche”)]
Les « partis à l’ancienne » tenaient leur légitimité du fait qu’ils représentaient – ou se battaient pour représenter – des couches sociales dans un rapport de forces qui était relativement équilibré. Dès lors que celui-ci est devenu très déséquilibré en faveur du « bloc dominant », les couches populaires se sont retirées de l’arène politique – a quoi bon continuer un combat qui est perdu d’avance ? – et du coup les partis politiques « à l’ancienne » ont perdu leur sens. Quel intérêt d’écouter des militants qui transmettent les soucis de la « base » puisqu’il n’y a qu’une politique possible, celle des « classes intermédiaires » faite par les « classes intermédiaires » elles-mêmes ?
C’est de la que vient le « culte des petites différences » – je ne me souviens plus qui a inventé cette expression, mais elle me paraît très bien décrire les choses – qui fait que toute compromis devient impossible chez ceux qui professent – mais ne pratiquent pas lorsqu’ils sont au pouvoir – une alternative au « système ». Dès lors qu’on est d’accord sur l’essentiel – et qu’on n’ose le dire – il ne reste plus pour exister qu’à mettre en exergue l’accessoire à travers d’une surenchère continue.
[2) Si ce n’est pas par les partis politiques, est ce qu’on peut le faire émerger d’un autre endroit ? Si oui, par où sachant que les syndicats, l’église ou autres “institutions” sont en miettes ?]
Pour qu’un « intellectuel collectif » surgisse, il faut qu’il y ait une demande, qu’il serve à quelque chose. Autrement dit, qu’il y ait un rapport de forces qui permette à cette élaboration de se traduire en actes. C’est pourquoi vous trouvez des « intellectuels collectifs » chez les groupes néolibéraux, sous forme de « fondations ». Mais à quoi bon penser une société qui ferait sa juste place aux travailleurs si le rapport de forces condamne cette pensée à rester théorique ?
@ descartes
[Mais à quoi bon penser une société qui ferait sa juste place aux travailleurs si le rapport de forces condamne cette pensée à rester théorique ?]
Je répondrai comme vous. 1) Penser et poser les bases en attendant que le rapport de force s’inverse. 2) Penser cette société permet de regrouper des personnes et de les faire se parler. Avec toutes les divisions qu’il existe, penser à un projet sur la France sans penser aux places – ou au moins que ça ait une moindre envergure – ne peut avoir que du bon.
[Les « partis à l’ancienne » tenaient leur légitimité du fait qu’ils représentaient – ou se battaient pour représenter – des couches sociales dans un rapport de forces qui était relativement équilibré. Dès lors que celui-ci est devenu très déséquilibré en faveur du « bloc dominant », les couches populaires se sont retirées de l’arène politique – a quoi bon continuer un combat qui est perdu d’avance ? – et du coup les partis politiques « à l’ancienne » ont perdu leur sens. Quel intérêt d’écouter des militants qui transmettent les soucis de la « base » puisqu’il n’y a qu’une politique possible, celle des « classes intermédiaires » faite par les « classes intermédiaires » elles-mêmes ?]
Pour gagner une election, il faudra pour gagner regrouper les classes populaires avec une partie des classes intermédiaires. Donc dans tous les cas, il faudra recréer un parti à l’ancienne pour que ça marche non ?
Ou alors faire un parti pour les classes intermédiaires avec pour objectif de conserver ce qu’on peut via “les petites différences”.
@ Barbey
[Je répondrai comme vous. 1) Penser et poser les bases en attendant que le rapport de force s’inverse. 2) Penser cette société permet de regrouper des personnes et de les faire se parler. Avec toutes les divisions qu’il existe, penser à un projet sur la France sans penser aux places – ou au moins que ça ait une moindre envergure – ne peut avoir que du bon.]
Oui, mais n’oubliez pas que l’adhésion à un parti politique implique une renonciation. Militer dans un parti politique, c’est accepter de renoncer à une partie de vos désirs ou de vos rêves. Et si l’on accepte cette renonciation, c’est parce que c’est la condition pour se rassembler pour conquérir des positions de pouvoir ou peser sur le réel. Mais dès lors que le rapport de forces interdit toute victoire, fut-elle limitée, cette renonciation n’a plus aucun sens. Si vous pouvez avoir quelque chose, alors cela a un sens de limiter vos revendications. Mais si vous savez que vous n’aurez rien, autant ne pas se limiter. C’est ce mécanisme qui à mon avis explique la radicalisation et la fragmentation de la gauche. A partir du moment ou on ne peut gagner, autant demander l’impossible.
On peut donc s’organiser pour penser en attendant que le rapport de forces s’inverse. Mais je ne suis pas sûr que le parti politique au sens classique du terme soit la bonne structure pour organiser ce travail.
[Pour gagner une election, il faudra pour gagner regrouper les classes populaires avec une partie des classes intermédiaires. Donc dans tous les cas, il faudra recréer un parti à l’ancienne pour que ça marche non ?]
Non. L’élection de Macron en 2017 en est la preuve éclatante.
@ descartes
[Mais dès lors que le rapport de forces interdit toute victoire, fut-elle limitée, cette renonciation n’a plus aucun sens]
Oui et non. On sait bien que notre camp va se prendre une branlée aux présidentiels, ça nous empêche pas de nous y intéresser – certes avec plus de distance – alors que ce temps serait infiniment plus précieuse à d’autres choses.
Je ne sais pas si pour vous militer, c’est appliqué la devise “Tant qu’on a pas tout donné, on n’a rien donné”. Mais on peut viser un cran en dessous, et pour le moment, ça sera suffisant.
[Mais si vous savez que vous n’aurez rien, autant ne pas se limiter. C’est ce mécanisme qui à mon avis explique la radicalisation et la fragmentation de la gauche. A partir du moment ou on ne peut gagner, autant demander l’impossible.]
Je n’y avais pas pensé, ni lu certaines revendications sous ce prisme.
[Non. L’élection de Macron en 2017 en est la preuve éclatante.]
Macron n’a pas regroupé les classes populaires.
Je parlais de regrouper les classes populaires et une partie des classes intermédiaires pour gagner une élection avec un parti disons “souverainiste” ou “populaire” si je peux simplifier ainsi.
@ Barbey
[Oui et non. On sait bien que notre camp va se prendre une branlée aux présidentiels, ça nous empêche pas de nous y intéresser – certes avec plus de distance – alors que ce temps serait infiniment plus précieuse à d’autres choses.]
Pour vous dire franchement, ce que vous prenez pour une évidence est loin de l’être. Personnellement, je me désintéresse de plus en plus des présidentielles. Il y a vingt ans, je n’aurais pas manqué les débats, je me serais procuré les programmes et les écrits des différents élus et je les aurais lu en prenant des notes. Aujourd’hui, je m’amuse à regarder le petit théâtre des égos et des passions humaines comme je regarderais une pièce de théâtre ou une série à la télévision. Un peu comme si toute cette agitation n’avait aucune conséquence pour ma vie à moi.
[Je ne sais pas si pour vous militer, c’est appliqué la devise “Tant qu’on a pas tout donné, on n’a rien donné”. Mais on peut viser un cran en dessous, et pour le moment, ça sera suffisant.]
Pas vraiment. Je suis trop jeune pour avoir eu le feu sacré des militants qui « ont adoré la flamme jusqu’à en devenir eux-mêmes l’aliment », pour reprendre le mot d’Aragon. Militer, c’est un grand investissement, et on n’investit que si l’on anticipe un retour : que ce soit le plaisir de la camaraderie humaine, la découverte, ou la perspective de peser sur le réel et le changer. Or, pour moi en tout cas, ces trois choses se sont lentement effacées. La camaraderie humaine au PCF est devenue une denrée rare au fur et à mesure de la prise de pouvoir par les élus et les « notables » pour qui la masse militante était de la chair à canon, tout juste bonne à coller les affiches et remplir les salles, et la disparition corrélative du militantisme de terrain. Le plaisir de la découverte s’en est allé au fur et à mesure que les espaces de débat se sont rétrécis. Et le rapport de forces interdit pratiquement d’espérer une quelconque victoire. Alors…
[« Non. L’élection de Macron en 2017 en est la preuve éclatante. » Macron n’a pas regroupé les classes populaires.]
Je n’ai pas dit le contraire. Vous aviez soutenu que « il faudra pour gagner regrouper les classes populaires avec une partie des classes intermédiaires ». L’élection de Macron a bien montré qu’on pouvait parfaitement se passer des classes populaires pour gagner. Ce ne serait pas le cas, bien entendu, si la participation était importante. Mais ce n’est pas le cas.
[Je parlais de regrouper les classes populaires et une partie des classes intermédiaires pour gagner une élection avec un parti disons “souverainiste” ou “populaire” si je peux simplifier ainsi.]
Mais comment comptez-vous mobiliser les classes populaires ? Que pouvez-vous leur offrir, alors que le rapport de forces leur est dramatiquement défavorable ?
@Patriote Albert
Si je souscris globalement à votre commentaire, je pense que vous vous méprenez sur le caractère “rigide” des valeurs traditionnelles (défendues par Zemmour), par rapport aux valeurs modernes.
Il n’y a pas plus rigide et intolérant que le courant “woke”. Sous des apparences de modernisme, il y a beaucoup de points communs entre ce courant et l’ “ordre moral” en France, ou les codes moraux de l’époque victorienne en GB (les deux dans la 2ème moitié du XIXème) :
– une religion sacrée en surplomb du débat politique (même si ça n’est plus la même religion),
– les femmes considérées comme des enfants, qui doivent être protégées (y compris contre elles mêmes) des appétits masculins,
– les classes au sein de la société comme des structures dont il est difficile, voire impossible de s’émanciper (surtout en GB ; aujourd’hui, les nouvelles classes sont les origines etchniques).
Etc.
Bonsoir j ai vu que Roussel était invité sur news et les journalistes lui on fait réécouter le discours sur l’immigration de Georges Marchais et il semblait mal a l’aise et sa réponse ne me convient pas “Marchais s’est trompé et c’est pas l’immigration qui cause le chômage mais la délocalisation des usines ” belle pirouette !!
@ bernard
[Bonsoir j ai vu que Roussel était invité sur news et les journalistes lui on fait réécouter le discours sur l’immigration de Georges Marchais et il semblait mal a l’aise]
Mais depuis les années 1970, beaucoup de choses ont changé. Marchais avait derrière lui un parti ouvrier, Roussel doit compter avec un appareil dominé par les classes intermédiaires. Marchais pouvait se foutre de ce que les bonnes âmes de la bienpensance pouvaient penser, pas Roussel.
@Descartes
“Comme Macron, comme Mélenchon, Zemmour est un « égo-politicien ». Tout son mouvement s’organise autour de lui. Or, l’expérience de LREM et de LFI est là pour nous éclairer : cinq ans après leur fondation, ni l’un ni l’autre n’a été capable de produire un projet, une vision de la France qu’ils voudraient construire. Tous deux fonctionnent par slogans, la « start-up nation » pour l’un, la « révolution citoyenne » et la « constituante » pour l’autre. Zemmour aura le même problème.”
C’est l’essentiel. Le succès de Zemmour n’est ni probable ni souhaitable. Ou plutôt son succès aura été d’imposer la nation dans le débat national de façon tonitruante, ce qui n’est pas rien.
@ Geo
[C’est l’essentiel. Le succès de Zemmour n’est ni probable ni souhaitable. Ou plutôt son succès aura été d’imposer la nation dans le débat national de façon tonitruante, ce qui n’est pas rien.]
Exactement. Si la présence de Zemmour oblige les autres candidats à potasser un peu l’histoire de France, à sortir du discours convenu, à aborder les thèmes qui fâchent, ce serait déjà un exploit. Est-ce que sans Zemmour on aurait eu Barnier déclarant qu’il faut s’affranchir des juridictions européennes ? Est-ce qu’on aurait eu Montebour parlant d’aller bras dessus bras dessous avec les gaullistes de droite protéger la tombe de mongénéral de l’Affreux ?
@Descartes
hors sujet sur Sarkosy
https://www.francetvinfo.fr/societe/affaire/les-affaires-sarkozy/qu-est-ce-qui-vous-empeche-de-repondre-au-proces-des-sondages-de-l-elysee-le-temoin-sarkozy-garde-le-silence_4830293.html
préambule:
peut-on dialoguer avec quelqu’un aux antipodes de vos positions sur vos positions principielles ? (ex: vous et moi sur le parti communiste actuel)
En ce qui me concerne oui, s’il amène des faits, des arguments qui font réfléchir.
……….
les événements actuels s’acharnent à nous montrer combien Zemmour peut avoir raison sur certains sujets (j’emploie ce nom à dessein pour susciter votre hostilité). En l’occurrence la justice est devenu l’instrument politique des juges pour imposer leur idéologie même contre le droit qu’ils bafouent ouvertement. Et la dernière convocation de N Sarkosy au tribunal sur l’affaire des sondages en est un exemple éclatant (1).
N’ayant pas de connaissance en droit, j’attends que vous me démontriez que j’ai tort.
(1) on peut soutenir que la convocation n’est pas en elle-même illégale, mais l’interrogatoire l’est. Pour revenir à la convocation … une convocation qui ne peut en droit que conduire au silence est quand même douteuse.
@ marc.malesherbes
[Préambule: peut-on dialoguer avec quelqu’un aux antipodes de vos positions sur vos positions principielles ? (ex: vous et moi sur le parti communiste actuel) En ce qui me concerne oui, s’il amène des faits, des arguments qui font réfléchir.]
Je suis tout à fait d’accord. Cela étant dit, cela nécessite un effort important de compréhension, parce que l’opposition totale sur les « principes » s’accompagne généralement d’une opposition sur le cadre de référence. Les mots, les concepts, les contextes, les éléments implicites à tout discours sont les mêmes. Il faut donc un travail pour décortiquer le sens du discours de l’autre. Quand je lis un auteur antisémite, je suis obligé de m’interroger sur ce que veut dire pour lui le mot « juif », parce que le sens qu’il lui donne n’est certainement pas celui qui m’est familier.
[les événements actuels s’acharnent à nous montrer combien Zemmour peut avoir raison sur certains sujets (j’emploie ce nom à dessein pour susciter votre hostilité).]
Vous ne susciterez pas ainsi mon « hostilité ». Le personnage de Zemmour m’est plutôt sympathique, et dès lors qu’on sort de certaines de ses marottes et qu’on ne se penche pas sur les questions économiques et sociales, ses analyses sont loin d’être irrationnelles…
[En l’occurrence la justice est devenu l’instrument politique des juges pour imposer leur idéologie même contre le droit qu’ils bafouent ouvertement. Et la dernière convocation de N Sarkosy au tribunal sur l’affaire des sondages en est un exemple éclatant. N’ayant pas de connaissance en droit, j’attends que vous me démontriez que j’ai tort.]
La convocation de Sarkozy devant le juge en tant que témoin pose des questions difficiles. Il est incontestable qu’en vertu du principe de séparation des pouvoirs, le juge n’a pas à exercer un contrôle sur le fonctionnement du pouvoir exécutif. L’organisation des cabinets présidentiel et/ou ministériels, la manière dont l’information circule, la distribution des responsabilités est du domaine du pouvoir exécutif, et le juge n’a pas son mot à dire.
Mais une deuxième question se pose : sans exercer de contrôle aucun, le juge a-t-il le droit de prendre connaissance de cette organisation lorsque cette connaissance est nécessaire pour éclairer les circonstances dans lesquels des actes soumis à sa juridiction ont été commis ? Prenons par exemple le cas où un homme est trouvé assassiné dans un bureau de l’Elysée. Dans sa recherche de l’auteur du crime, le juge serait-il légitime à demander au président de la République qui était autorisé à entrer dans ce bureau ? A cette question, ma réponse serait plutôt « oui ». Si le président ne peut être inquiété pour les actes commis en cette capacité, il peut par contre être interrogé sur ceux-ci. Une telle question n’implique nullement un CONTROLE de l’organisation du « château », mais une simple information permettant d’éclairer une affaire.
Je pense donc que rien ne s’oppose à ce que Sarkozy témoigne devant la juridiction, du moins aussi longtemps que les questions posées éclairent les faits que le tribunal a à juger, et qu’elles ne sont pas protégées par le secret des délibérations du gouvernement, que le juge n’est pas en mesure de lever en vertu de la séparation des pouvoirs. Et c’est là que se situe le problème: le fait d’avoir eu connaissance ou non de telle ou telle note, la manière dont la circulation de l’information est organisée dans le cabinet du président font-ils partie des “délibérations du gouvernement” ? La question n’est pas simple à trancher…
Cela étant dit, au delà du cas Sarkozy se pose la problématique du “gouvernement des juges”, et on n’en est pas trop loin. Mais le problème est moins le pouvoir des juges que la manière dont le politique a organisé sa propre impuissance. Nos politiques détestent toute prise de responsabilité. Alors que la tradition politique française était marquée par la primauté du politique, depuis trente ans on a tout fait pour transférer les décisions à des instances “indépendantes”. On a vu fleurir les “commissions citoyennes”, les “autorités indépendantes”, et autres paravents permettant l’effacement du politique. Le juge en a très largement profité…
Attention : en commençant comme ça, vous risquez de parvenir à comprendre le mode de pensée de l’auteur. Et donc, potentiellement, d’expliquer, voire de justifier ses propos. Et comme toute justification est un début d’excuse, vous risquez fort de vous faire vous même taxer d’antisémite…
@ Vincent
[Attention : en commençant comme ça, vous risquez de parvenir à comprendre le mode de pensée de l’auteur. Et donc, potentiellement, d’expliquer, voire de justifier ses propos.]
Je ne pense pas que le risque soit là. On peut parfaitement comprendre sans justifier. Par contre, chercher à comprendre conduit nécessairement à abandonner une vision manichéenne, parce que dans la réalité rien n’est blanc ou noir. Et abandonner la vision binaire, c’est par force sortir de sa zone de confort, se poser des questions parfois gênantes. C’est pour cette raison je pense que la plupart des gens préfèrent s’en tenir à une condamnation de principe sans chercher à comprendre.
“Une fois la dynamique électorale en marche, on est dans la logique de séduction. Et la séduction implique de dire ce que votre public veut entendre. ”
oui, bien sûr.
je suis comme lui pour la survie et la poursuite du développement de la culture française et donc l’arrêt de l’immigration de masse (autant que possible) et pour l’assimilation (autant que possible). Comme lui, pour une meilleure école et université et donc pour le rétablissement de la sélection, de classes de niveau … Et écologiste comme lui pour la limitation des émissions des gaz à effet de serre et donc pour la défense du nucléaire … Et, moins important, je serai bien content de la suppression du permis à point, de la vitesse à 90 km/h.
Ferait-il tout cela ? En tout cas certainement plus que ses concurrents … qui ne le proposent même pas, ou très marginalement, ou seulement à la veille de cette élection (reste le cas du RN … à voir)
La campagne électorale n’est pas terminée … j’attends de voir.
Ma question : Pourquoi considérez-vous que ce ne sont pas des projets ?
Il indique bien ses objectifs et les “moyens” d’y parvenir (ex : pour l’immigration le rétablissement des frontières, la suppression du regroupement familial automatique … pour l’école le rétablissement de classe de niveau, … pour le nucléaire la construction de nouvelles centrales …)
@ marc.malesherbes
[Ma question : Pourquoi considérez-vous que ce ne sont pas des projets ?]
Je me suis probablement mal fait comprendre. Je ne dis pas que ce ne soient pas « des projets », même si à mon sens le mot qui s’ajuste le mieux est « proposition » ou « mesure ». Ce que je dis, ce que tout cela ne constitue pas « un projet » (sous-entendu, « de société », ou « de pays »).
Mon idéal politique est un idéal global. J’aime que le politique pense en termes systémiques, et non en termes de mesures supposées améliorer la vie de telle ou telle catégorie. Parce que toute mesure coûte, et les moyens ne sont pas infinis. Ce qui veut dire que tôt ou tard il faudra faire un arbitrage, renoncer à l’une pour avoir l’autre. C’est pourquoi je ne cherche pas chez le politicien qu’il m’explique comment améliorer MA vie – je suis sûr qu’ils auront plein d’idées – mais qu’il m’expose comment fonctionnera la société qu’il aspire à construire, et dans laquelle cette mesure qui améliore ma vie s’inscrit.
Ce qui s’est perdu à mon sens depuis vingt ou trente ans, c’est la pensée systémique. Le communisme, le gaullisme, le « socialisme autogestionnaire » façon PSU étaient des systèmes. Une fois posés en tant que tels, les mesures à prendre découlaient naturellement parce que toute proposition se jugeait à l’aune de ce système. Aujourd’hui, la logique publicitaire des « focus groups » fait que le discours politique se réduit à des « projets » qui changent selon l’auditoire, sans qu’on se demande s’ils s’inscrivent dans une cohérence globale. Le « en même temps » macronien est peut-être la meilleure traduction symbolique de cette dérive : on aurait du mal à inscrire les mesures de son gouvernement dans une systématique autre que le besoin de gagner l’élection.
Oui, je sais, je suis exigeant…
“Ce qui s’est perdu à mon sens depuis vingt ou trente ans, c’est la pensée systémique. Le communisme, le gaullisme, le « socialisme autogestionnaire » façon PSU étaient des systèmes. Une fois posés en tant que tels, les mesures à prendre découlaient naturellement parce que toute proposition se jugeait à l’aune de ce système”
je ne comprends pas vraiment. Il y a pour moi une pensée systémique parfaitement claire du PS, des Verts à LR, c’est l’acceptation du capitalisme libéral mondialisé. Certes avec des variantes, l’accent plus ou moins porté sur tel ou tel point, des restrictions partielles. Et même parfois quelques incohérences ponctuelles, mais sans remettre ce schéma en cause. C’est d’ailleurs ce que disait en d’autres termes Mme Thachter “there is no alternative”.
ma question: trouvez-vous que ce schéma est trop “large” pour pouvoir être appelé une pensée systémique ?
nb: pour le RN, Zemmour, on pourrait dire proche du gaullisme ? Pour JLM, c’est un drôle de mélange, dont je n’ai pas saisi la cohérence, quelque chose entre le communisme, le capitalisme libéral et un écologisme radical.
@ marc.malesherbes
[je ne comprends pas vraiment. Il y a pour moi une pensée systémique parfaitement claire du PS, des Verts à LR, c’est l’acceptation du capitalisme libéral mondialisé.]
Je dirais qu’il y a une PRATIQUE parfaitement claire. Mais elle ne se traduit nullement sur le plan des idées. Rares sont les socialistes, les verts et même les LR qui assumeront IDEOLOGIQUEMENT une adhésion – ou même une acceptation – du capitalisme libéral mondialisé. C’est ce qui rend notre débat politique fantasmagorique : les gens proclament une chose et ensuite font exactement le contraire. Les « vrais » libéraux façon Madelin, qui assumaient jusqu’au bout leurs œuvres, sont finalement assez rares, et Madelin lui-même a payé fort cher sa sincérité.
[ma question: trouvez-vous que ce schéma est trop “large” pour pouvoir être appelé une pensée systémique ?]
Je trouve surtout qu’il n’y a pas là de « pensée ». Ce serait plutôt « d’impensé » qu’il faudrait parler. Est-ce qu’à votre avis à la fondation Jean-Jaurès on « pense » le néo-libéralisme ? Non, fait du néolibéral tout en prétendant « penser » le contraire.
[nb: pour le RN, Zemmour, on pourrait dire proche du gaullisme ?]
C’est une question compliquée. Le gaullisme est lié à une époque, et il est difficile de dire ce que De Gaulle ferait s’il était vivant aujourd’hui. On peut tout de même considérer que le gaullisme est le mariage compliqué du volontarisme jacobin, de la vision sociale chrétienne, et d’une perception transcendante, spirituelle, de la nation. Zemmour est clairement « gaulliste » sur le dernier point, beaucoup moins sur le deuxième.
[Pour JLM, c’est un drôle de mélange, dont je n’ai pas saisi la cohérence, quelque chose entre le communisme, le capitalisme libéral et un écologisme radical.]
JLM aime à brouiller les pistes, mais son bagage intellectuel est très simple : Trotskyste un jour, trotskyste toujours. Sa logique est toujours entriste : il fut lambertiste à l’OCI, mitterrandien au PS, philo-communiste au Front de Gauche, et écolo-gauchiste à LFI. A chaque fois, il est allé saisir les références, le récit susceptible de plaire à son public. Mais en dehors de son trotskysme original, on aurait beaucoup de mal à distinguer une position sur laquelle il ait été constant au cours de sa vie politique.
Cher Descartes,
Je lis les billet de votre blog avec un plaisir sans cesse renouvelé depuis quelques mois et je vous remercie de nous proposer ces lectures intelligentes, cultivées, originales et bien écrites.
Je prends la plume (bon, disons le clavier) pour vous faire part de mon sentiment, si j’en crois vos derniers billets relatifs à l’Energie et à M. Zemmour, que le niveau de vos billet atteint des sommets tout à fait stratosphériques… ceci dit sans nulle flatterie.
Concernant M. Zemmour, je suis convaincu que le succès de celui-ci réside comme vous le dites mieux que moi dans le fait qu’il a su parler aux français et surtout à leur passion de la politique dont ils furent privés par des communicants, des boutiquiers ou des technocrates durant des années.
De plus et en même temps (oups, pardon pour cette expression devenue haïssable!!), il est le seul à leur parler de la France avec un amour, parfois ridicule (quel amoureux ne l’est pas ?) mais que chacun sait sincère là où les autres candidats ne parlent que de dettes, de souveraineté européenne, de telle ou telle France, de tel ou tel “segment” électoral ou encore du nombre de postes de fonctionnaires qu’il conviendrait de supprimer (*) …. Bref, aucun d’eux n’ose même plus dire qu’il aime la France, tant il sait que personne ne le croirait (à juste titre…)..
Je ne pense pas que M. Zemmour puisse gagner l’élection présidentielle, mais sa sincérité lui aura gagné ma sympathie (bien faible consolation, j’en suis conscient).
(*) Peut-être un jour pourrez-vous nous éclairer sur les raisons qui conduisent les candidats de droite, à chaque élection, à cette surenchère de suppressions de postes ??? Qu’est-ce qui les pousse à imaginer que cela peut les faire gagner des voix ? De qui ?? de commerçants qui assimilent la fonction publique au Fisc et à l’ursaff ? ceux-ci votent Macron depuis longtemps… Etant cadre de la fonction publique depuis 25 ans, je ne peux que constater que la grande majorité des fonctionnaires (ce sont eux qui sont en 1ère ligne et aux 1ère loge pour constater la désagrégation de la société) ont abandonnés le PS depuis bien longtemps (merci M. Hollande) et seraient prêts à voter pour LR mais le masochisme n’étant pas une pathologie si fréquente chez les millions de fonctionnaires, ils se retiennent ou s’abstiennent…. J’avoue que cela reste un mystère..
@ Démosthène
[Je prends la plume (bon, disons le clavier) pour vous faire part de mon sentiment, si j’en crois vos derniers billets relatifs à l’Energie et à M. Zemmour, que le niveau de vos billet atteint des sommets tout à fait stratosphériques… ceci dit sans nulle flatterie.]
Je vous remercie de votre encouragement… même si je le trouve un brin excessif !
[De plus et en même temps (oups, pardon pour cette expression devenue haïssable!!), il est le seul à leur parler de la France avec un amour, parfois ridicule (quel amoureux ne l’est pas ?) mais que chacun sait sincère là où les autres candidats ne parlent que de dettes, de souveraineté européenne, de telle ou telle France, de tel ou tel “segment” électoral ou encore du nombre de postes de fonctionnaires qu’il conviendrait de supprimer]
Je suis d’accord. Il y a dans l’engagement politique un élément charnel qui va bien au-delà des questions techniques. C’est pourquoi un président n’est pas – ou ne devrait pas être – un PDG, et un haut-fonctionnaire – même réserve – n’est pas un simple cadre. De l’un comme de l’autre on demande un engagement qui dépasse le droit commun et dont la contrepartie ne peut être que symbolique.
De tous les candidats, Zemmour est certainement le plus « charnel », celui dont la démarche apparaît la plus liée à l’amour et à une souffrance intime. C’est sa force et sa faiblesse dans un pays qui reste – et c’est heureux – largement cartésien.
[Bref, aucun d’eux n’ose même plus dire qu’il aime la France, tant il sait que personne ne le croirait (à juste titre…).]
Je n’irais pas aussi loin. Montebourg, par exemple, serait lui aussi crédible dans le rôle, tout comme le serait Roussel – même si son caractère est plus réservé. Ce qui à mon sens fait une différence avec Zemmour, c’est qu’il y a chez lui non seulement de l’amour, mais une souffrance intime, quasi-physique, devant les capitulations et les abandons des dernières années. En cela, il est assez proche d’un Finkielkraut – et plus modestement, de moi-même. J’y vois quelque chose de particulier aux assimilés : ayant idéalisé au-delà du raisonnable, ils ne peuvent qu’être déçus.
[Peut-être un jour pourrez-vous nous éclairer sur les raisons qui conduisent les candidats de droite, à chaque élection, à cette surenchère de suppressions de postes ??? Qu’est-ce qui les pousse à imaginer que cela peut les faire gagner des voix ? De qui ??]
Les classes dominantes ont toujours détesté l’Etat tel que nous le concevons en France, pour la simple raison que l’Etat apparaît chez nous comme le défenseur de l’intérêt général contre les intérêts particuliers, et donc celui particulièrement particulier des classes dominantes. C’était vrai sous l’Ancien régime, lorsque l’Etat sert d’instrument au renforcement du pouvoir royal contre l’aristocratie, et c’est vrai lorsque la République limite la toute-puissance du patron dans son entreprise et prétend imposer les riches pour donner aux pauvres. Souvenez-vous de la formule de Lacordaire : « entre le faible et le fort, c’est la liberté qui asservit et la Loi qui libère ». Et qui dit « loi », dit un Etat fort capable de la faire respecter.
C’est pourquoi la droite – qui au départ est la représentation des classes dominantes, c’est-à-dire, les « forts » dans la formule de Lacordaire – fantasme toujours sur le mode « moins d’Etat, moins de loi ». Et donc, moins de fonctionnaires. On a tort donc de croire que l’obsession de la droite pour rapetisser l’Etat soit une question purement fiscale, gouvernée par l’équation « moins de fonctionnaires, c’est moins d’impôts ». Ce qui est visé en fait est la puissance de l’Etat lui-même, sa capacité à intervenir – et donc de mettre des limites aux « forts » – dans tous les domaines de la vie publique.
Il faut noter que depuis quelques années la droite a perdu le monopole de la représentation des classes dominantes, avec la naissance d’une bourgeoisie « de gauche » et la montée en puissance des classes intermédiaires. D’où des revendications de « dégraisser le mammouth » qui apparaissent aussi à gauche, plus timidement – pour des raisons électorales évidentes – qu’à droite.
Effectivement, j’oubliais Montebourg qui aurait pu se prévaloir d’un certain charisme, d’un aplomb tranquille qu’il aurait pu transformer en flamboyance, et séduire les Français qui ont encore le goût du panache …. mais il a malheureusement échoué, je pense définitivement, faute d’avoir su saisir le moment opportun… Aujourd’hui il est une caricature de lui-même et, pour citer Napoléon : “Du sublime au ridicule, il n’y a qu’un pas”…
Oui, M. Zemmour laisse transparaitre son amour charnel de la France qu’on a souvent retrouvé dans l’histoire chez les français d’adoption (c’est toute la grandeur de la France de provoquer de tels sentiments) et que nous, tristes Gaulois, comprenons à peine… Il me fait penser par certains côtés à mes élans de collégiens à la lecture d’Erckman-Chatrian (Le conscrit et Waterloo) qui m’arrachait des larmes sur le dernier carré de la Garde^^… Mais, après tout, Bonaparte ne se considérait pas Français avant d’idéaliser la France, et surtout, de convaincre presque tout un peuple de la réalité de cette illusion..
Quant à Roussel, ses tentatives pour relever le parti communiste des décombres (où l’on conduit les statégies d’union de la gauche et de “communisme municipal”(*)) sont courageuses mais, je pense, vouées à l’échec. Et ses déclarations sur le recours au juges pour trancher le débat politique à coup d’inégibilité comme sanction pénale, proprement hallucinantes dans la bouche du représentant d’un parti, théoriquement, révolutionnaire…
(*) Votre billet sur ces stratégies dans lequel vous disiez qu’un élu communiste serait d’abord un élu avant d’être communiste reflétait parfaitement la réalité, je peux vous le confirmer d’expérience..!
@ Démosthène
[Effectivement, j’oubliais Montebourg qui aurait pu se prévaloir d’un certain charisme, d’un aplomb tranquille qu’il aurait pu transformer en flamboyance, et séduire les Français qui ont encore le goût du panache …. mais il a malheureusement échoué, je pense définitivement, faute d’avoir su saisir le moment opportun… Aujourd’hui il est une caricature de lui-même et, pour citer Napoléon : “Du sublime au ridicule, il n’y a qu’un pas”…]
Oui… je crois que ce qui manque le plus aux différents candidats, c’est le LYRISME. Le terme lui-même est tombé en désuétude en même temps que le concept à été abandonné. Ce n’est pas un hasard si le poète, le chanteur réaliste et politique est devenu une espèce en voie d’extinction. Montebourg, pour revenir à lui, a raté la marche. La politique n’est pas un hobby, et on peut se dire qu’un homme qui quitte la politique pour devenir entrepreneur n’est pas tout à fait au niveau d’un président de la République.
[Il me fait penser par certains côtés à mes élans de collégiens à la lecture d’Erckman-Chatrian (Le conscrit et Waterloo) qui m’arrachait des larmes sur le dernier carré de la Garde^^… Mais, après tout, Bonaparte ne se considérait pas Français avant d’idéaliser la France, et surtout, de convaincre presque tout un peuple de la réalité de cette illusion…]
On revient peut-être aussi à la question du « lyrisme ». « Du haut de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent »… « Il vous suffira de dire : j’étais à la bataille d’Austerlitz, pour qu’on réponde : voilà un brave ! »… qui aujourd’hui a ce talent, ce pouvoir d’évocation ?
[Quant à Roussel, ses tentatives pour relever le parti communiste des décombres (où l’on conduit les statégies d’union de la gauche et de “communisme municipal”) sont courageuses mais, je pense, vouées à l’échec.]
En tout cas, c’est un objectif louable et qui mérite d’être soutenu. Mais je vous accorde que c’est très loin d’être gagné. De toute façon, le problème est sociologique : pour pouvoir « relever » le PCF, il faudrait retrouver le lien avec l’électorat populaire, ce qui suppose qu’il retrouve au Parti un poids réel, capable de contrebalancer le poids des classes intermédiaires. Est-ce faisable ? A mon sens, cela dépend de l’évolution du rapport de forces dans la société elle-même. Aussi longtemps qu’il est très défavorable aux couches populaires, c’est une gageure.
Personnellement, rien qu’un Trump avec sa pancarte de fond “uncancelled”
je trouve cela absolument jouissif. Vous m’en excuserez.
Alors un Zemmour; un dernier baroud d’honneur cela vaudrait tout l’or du monde.
https://www.diploweb.com/Geopolitique-quelle-pedagogie-pour-des-dirigeants-prives-et-publics-de-plus-en-plus-incultes.html
@ Eth
J’ai lu l’article dont vous donnez la référence. Il est très intéressant, et je ne peux que coïncider avec le principal diagnostic de l’auteur : il y a une perte de niveau générale de nos soi-disant « élites », que ce soit la variété politico-médiatique ou la variante intellectuelle. Mais je pense que l’auteur se trompe sur un point : ce n’est pas parce que les « humanités » ont été remplacées par « des mathématiques, des sciences et des technologies ». Ce que je constate chaque jour, c’est que la baisse du niveau culturel touche autant les « humanités » que les « sciences ». Qu’un conseiller de ministre aujourd’hui ignore autant l’œuvre de Platon ou Hobbes que celle de Kepler ou de Cauchy. Quant aux « technologies », il faudrait arrêter de croire qu’on apprend les « technologies » parce qu’on sait utiliser un téléphone portable. La plupart des étudiants aujourd’hui utilise le smartphone ou l’ordinateur sans avoir la moindre idée de comment ça fonctionne, de la même façon que l’animal de laboratoire apprend qu’en poussant un bouton un morceau de viande apparaît.
Mais au-delà de cette critique, c’est que l’auteur décrit l’évolution de nos élites sans un instant se demander « pourquoi ». Pourquoi ces élites investissaient naguère du temps à se cultiver – à tous les sens du terme ? Pourquoi apprenaient-elles le grec, le latin, les langues orientales ? Pourquoi ajoutaient-ils aux techniques de leur métier l’étude de l’histoire et de la géographie ? La réponse à mon sens est simple : parce que ces études étaient rentables. Parce qu’ils vivaient dans une société ou la capacité pour un ingénieur de citer Tite-Live ou pour un diplomate de citer Pythagore, et pour les deux le fait d’écrire dans une langue riche et complexe étaient valorisées et récompensées. Pourquoi ne le sont-elles plus ? Voilà une question qu’elle est bonne…
@Descartes
[Mais au-delà de cette critique, c’est que l’auteur décrit l’évolution de nos élites sans un instant se demander « pourquoi ». (…) Pourquoi ne le sont-elles plus ? Voilà une question qu’elle est bonne…]
Permettez-moi de donner mon explication : tout d’abord parce-que nous n’avons jamais autant vécu dans une société aussi stable et prospère que dans toute l’histoire de l’humanité. Avoir une bonne culture générale est un bon moyen de se sortir de situations tragiques, de faire face à des imprévus d’ampleur importante, de résoudre des problèmes complexes nécessitant une vision globale. Autant de choses qui sont devenues (quasi-)inexistantes, ou tout de moins perçues comme telles, et donc avoir une bonne culture générale est donc devenu quelque chose de superflu.
Pourquoi chercher à savoir ce qu’est le piège de Thucydide quand on a renoncé à peser dans les affaires de ce monde ? Pourquoi lire Antigone quand la guerre civile est un lointain souvenir ? Pourquoi se demander si l’Histoire est cyclique ou linéaire, si l’on ne vit que dans le temps présent ? Pourquoi avoir des connaissances en sciences et technologies quand on a renoncé à toute politique industrielle, se contentant juste d’importer de tout ce dont on a besoin ?
In fine les raisons pour lesquelles on a arrêté d’avoir une culture générale sont les mêmes que celles qui font qu’on a arrêté de produire des masques chirurgicaux.
De plus, étant devenus une société d’abondance, donc oisive, nous ne cherchons pas à s’entretenir, culture générale comprise. Brzezinski l’avait déjà cyniquement compris en développant cyniquement le concept de Tittytainment, seulement il devait penser que les élites resteraient à l’abri de ce phénomène. Ainsi, la où chez le prolétaire l’oisiveté se traduit par un abrutissement, chez les élites cela se traduit par un nombrilisme exacerbé.
J’ajoute par ailleurs que les sociétés capitalistes, dans une logique d’optimisation de l’allocation des ressources, tendent à faire des travailleurs des spécialistes, qui ne connaissent rien en dehors de leur domaine de compétence. Il est couteux d’apprendre à quelqu’un comment fonctionne un circuit électronique quand il se contente seulement de taper des lignes de code pour le développement d’une application sur téléphone portable.
Enfin, en plus de faire des travailleurs des spécialistes, le capitalisme fait des consommateurs des paresseux. Comme l’ergonomie des ordinateurs personnels s’est drastiquement améliorée depuis leur apparition, il ne sert quasiment plus à rien de comprendre comment fonctionne une telle bécane (par exemple, parmi les premiers jeux vidéos, pour jouer à certains il fallait taper soi-même à partir d’un manuel les lignes de code dans sa machine). Tout comme comprendre comment fonctionne une voiture, puisque sa maintenance est devenue tellement complexe qu’elle ne peut être faite que par un garagiste.
Et pour terminer, compte tenu de l’explosion du nombre de connaissances acquises par l’humanité, il devient impossible pour les capacités du seul cerveau humain de les appréhender dans leur globalité sans en avoir une connaissance plus que superficielle. Ainsi on constate qu’avant la révolution industrielle, les savants étaient généralement des généralistes (étant par exemple à la fois philosophe et scientifique comme vous Descartes), ce qu’ils sont de moins en moins, et étant même de plus en plus ultra spécialisés dans leur domaine d’études (avant dire astronome suffisait à expliquer en quoi consistait le domaine d’études, maintenant il faut préciser s’il s’agit de planétologie, d’astrophysique, de cosmologie).
@ François
[« Mais au-delà de cette critique, c’est que l’auteur décrit l’évolution de nos élites sans un instant se demander « pourquoi ». (…) Pourquoi ne le sont-elles plus ? Voilà une question qu’elle est bonne… » Permettez-moi de donner mon explication : tout d’abord parce-que nous n’avons jamais autant vécu dans une société aussi stable et prospère que dans toute l’histoire de l’humanité. Avoir une bonne culture générale est un bon moyen de se sortir de situations tragiques, de faire face à des imprévus d’ampleur importante, de résoudre des problèmes complexes nécessitant une vision globale. Autant de choses qui sont devenues (quasi-)inexistantes, ou tout de moins perçues comme telles, et donc avoir une bonne culture générale est donc devenu quelque chose de superflu.]
Cette explication ne me convainc pas. D’abord, parce qu’il est difficile d’imaginer un moment dans l’histoire ou il ait été plus nécessaire de « résoudre des problèmes complexes nécessitant une vision globale ». Par ailleurs, si nous en Europe vivons une période de paix et de prospérité sans précédent, ce n’est pas le cas du reste du monde. Or, cette dégradation culturelle des élites n’est pas confinée à la France. Elle est perceptible aussi dans des pays beaucoup moins stables et prospères que le nôtre. Où sont les intellectuels latino-américains de la taille d’un Borges ou d’un Gabriel Garcia Marquez ? Les Africains de la taille d’un Senghor ?
[Pourquoi chercher à savoir ce qu’est le piège de Thucydide quand on a renoncé à peser dans les affaires de ce monde ? Pourquoi lire Antigone quand la guerre civile est un lointain souvenir ?]
Pensez-vous qu’on lit plus Antigone ou Thucydide en Afghanistan ou au Kossovo ? Pourtant, chez eux la guerre civile n’est en loin un « lointain souvenir ».
[Pourquoi se demander si l’Histoire est cyclique ou linéaire, si l’on ne vit que dans le temps présent ?]
Cette question, par contre, me paraît effectivement plus féconde. Plus le capitalisme s’approfondit, et plus il a besoin d’individus-consommateurs uniformes, et donc affranchis des chaines du passé, de toute filiation – biologique, historique, intellectuelle. C’est pourquoi nous vivons chaque fois plus dans un présent sans passé. Or, il n’y a pas de culture qui ne se réfère à un processus d’accumulation historique. Comme le disait si bien Newton, si nous voyons plus loin que nos ancêtres, ce n’est pas parce que nous sommes plus grands, mais parce que nous sommes assis sur leurs épaules.
Nous avons des élites qui vivent sans passé. Et les signes de cette évolution sont partout autour de nous. Pourquoi croyez-vous que nos sociétés jugent et condamnent César, Colbert ou Napoléon comme si c’étaient nos contemporains ? N’est-ce pas là le meilleur exemple d’une incapacité à contextualiser dans le temps, à concevoir que les hommes agissent dans le contexte de leur époque, contexte qui est foncièrement différent du nôtre ? Et pas même les enfants ne sont sauvés : on les abreuve de films Disney remplis de princesses qui en plein moyen-âge arborent un féminisme qui appartient au XXIème siècle, quand on ne tombe pas dans le ridicule de montrer, parmi les chevaliers de la table ronde, un noir.
Il n’y a pas de culture sans projection dans le temps. Si on regarde Antigone comme si c’était notre contemporaine, nous ne comprenons rien à sa tragédie et à celle de Créon.
[Pourquoi avoir des connaissances en sciences et technologies quand on a renoncé à toute politique industrielle, se contentant juste d’importer de tout ce dont on a besoin ?]
Mais… pour le simple plaisir de comprendre le monde, bordel ! Pourquoi ce plaisir – sur lequel insistaient tant mes professeurs quand j’étais adolescent – a disparu ?
[Et pour terminer, compte tenu de l’explosion du nombre de connaissances acquises par l’humanité, il devient impossible pour les capacités du seul cerveau humain de les appréhender dans leur globalité sans en avoir une connaissance plus que superficielle.]
Mais si nos élites avaient une connaissance « superficielle », équivalente à celle qu’on pouvait avoir au début du XXème siècle, j’en serais déjà très content !
[Ainsi on constate qu’avant la révolution industrielle, les savants étaient généralement des généralistes (étant par exemple à la fois philosophe et scientifique comme vous Descartes), ce qu’ils sont de moins en moins, et étant même de plus en plus ultra spécialisés dans leur domaine d’études (avant dire astronome suffisait à expliquer en quoi consistait le domaine d’études, maintenant il faut préciser s’il s’agit de planétologie, d’astrophysique, de cosmologie).]
Votre explication de la spécialisation ne me convainc pas. Je pense que la spécialisation qu’on peut constater aujourd’hui vient d’un autre mécanisme, très différent – et dont on trouve un parallèle dans le monde de l’évolution. Plus un individu est spécialisé, plus il peut tirer des avantages lorsque son environnement correspond à cette spécialisation… et plus il est fragile lorsque l’environnement change. Ainsi, le spécialiste est bien mieux payé que le généraliste lorsque sa spécialité est recherchée, mais il est plus facilement au chômage lorsque sa spécialité n’est plus requise.
On voit ce mécanisme à l’œuvre chez les jeunes. On les voit se spécialiser très tôt dans les créneaux censés être les plus porteurs… et devoir entamer de dures reconversions lorsque ces créneaux passent de mode.
@ Descartes
[Mais… pour le simple plaisir de comprendre le monde, bordel !]
Et aussi, pour éviter l’angoisse de ne pas le comprendre… La popularité des théories du complot a ses raisons.
@ BolchoKek
[Et aussi, pour éviter l’angoisse de ne pas le comprendre… La popularité des théories du complot a ses raisons.]
Bien entendu. On a tort de penser qu’on peut combattre les théories de complot simplement en disant la vérité ou en bloquant les “fake news”. Les théories de complot ont une fonction, et si on ne comprend pas cette fonction – et on ne trouve pas un substitut – on ne peut les combattre efficacement.
Tres bon texte. Zemmour est le symptome de l echec de la classe politique. C est la deuxieme vague (la premiere vague ayant été l election d un quasi inconnu hors parti : Macron). Mais l echec de la promesse de renouvellement de Macron (qui est devenu un president pas tres different d un Hollande bis ou d un LR quelconque) a cree l espace pour Zemmour
Par contre je suis un peu plus reservé sur l ode de l auteur aux status et a la previsibilité. Car une société previsible c est aussi une société immobile, un peu comme dans l ancien regime: si je suis marquis je le reste a vie. Si je suis un gueux mon statut n evoluera aussi guere. Vous me repondrez que c etait different dans les annees 50-60. Mais c etait une epoque de rattrapage (facilitée par le plan Marshall) apres les destructions de la guerre et par le fait qu une partie des elites avait laissé la place (soit morte soit compromises avec Vichy ou les nazis)
Pour le reste, je vois mal Zemmour reussir a gagner l election presidentielle et encore moins avoir une majorité à l AN. Donc on risque d avoir encore plus de pression dans la cocote minute avec un Macron bis (meme si une victoire de celui ci contre Zemmour a 53-47% le fera peut etre reflechir)
@ cdg
[Très bon texte. Zemmour est le symptôme de l’échec de la classe politique.]
Mais en quoi consiste l’échec en question ? C’est surtout de ne pas avoir réussi plus longtemps à cacher le fait que derrière les étiquettes différentes on vendait le même produit. Parce qu’on peut difficilement dire qu’il a « échoué » à se maintenir au pouvoir. Elle est toujours là, bien installée…
[Par contre je suis un peu plus réservé sur l’ode de l’auteur aux statuts et a la previsibilité.]
Quelle « ode » ? Je ne fait que constater que l’histoire humaine est l’histoire d’un progrès vers toujours plus de prévisibilité, que les sociétés humaines recherchent cette prévisibilité. Je ne fais pas de jugement de valeur, je constate un fait.
[Car une société prévisible c’est aussi une société immobile, un peu comme dans l’ancien régime : si je suis marquis je le reste a vie. Si je suis un gueux mon statut n’évoluera aussi guère.]
Mais… diriez-vous que l’ancien régime était une « société immobile » ? Guerres, conspirations, réformes et contre-réformes, on peut difficilement parler d’immobilisme à propos de la France de Louis XIII ou de Luis XIV. Je pense qu’il y a ici un problème de vocabulaire. Lorsque je parle de prévisibilité, je ne parle pas de déterminisme. Un environnement prévisible est un environnement ou vous pouvez prévoir les conséquences de vos actes, et non un environnement où vos actes sont déterminés. Un étudiant qui sait que s’il travaille bien il aura son examen et que s’il ne travaille pas il ne l’aura pas vit dans un environnement « prévisible ». Mais le résultat de l’examen n’est pas pour autant « déterminé » à l’avance…
Il va de soi que le méritocrate que je suis n’a aucune sympathie pour les systèmes figés. Passer d’une société de sélection par le sang (noble) à une société de sélection par le mérite ne diminue pas la prévisibilité, au contraire.
[Pour le reste, je vois mal Zemmour réussir a gagner l’élection présidentielle et encore moins avoir une majorité à l’AN. Donc on risque d’avoir encore plus de pression dans la cocote minute avec un Macron bis (même si une victoire de celui-ci contre Zemmour a 53-47% le fera peut-être réfléchir)]
Je ne pense pas non plus que Zemmour puisse être élu. Mais je ne réduis pas la politique aux résultats électoraux. On peut perdre les élections et cependant exercer une influence puissante. Zemmour lance des débats qui jusqu’à il n’y a pas si longtemps étaient interdits – un peu comme Philippot/Le Pen en 2017.
Si une chevre a 80% du temps d’antenne pourra elle etre estimé a 15% dans les sondages ?
C’est une veritable interrogation scientifique !
@ niquelecole
[Si une chevre a 80% du temps d’antenne pourra elle etre estimé a 15% dans les sondages ?]
Non, je ne crois pas. Ne surestimez pas la capacité des médias de faire l’opinion. Dans la société de marché dans laquelle nous vivons, ce serait plutôt l’inverse: ce sont les médias qui suivent les goûts et inclinaisons de leur public, et pas l’inverse. C’est parce que Zemmour fait 17% dans les sondages qu’on parle de lui, et non l’inverse.
[diriez-vous que l’ancien régime était une « société immobile » ? Guerres, conspirations, réformes et contre-réformes, on peut difficilement parler d’immobilisme à propos de la France de Louis XIII ou de Luis XIV.]
Oh si. Il y avait certes de la mobilite (par ex etre annobli. pensez a Mme de Montespan nee roturiere et finissant reine) mais c etait extremement minoritaire. En general votre naissance determinait toute votre vie (97 % de la population etait des paysans)
[ Un étudiant qui sait que s’il travaille bien il aura son examen et que s’il ne travaille pas il ne l’aura pas vit dans un environnement « prévisible ». Mais le résultat de l’examen n’est pas pour autant « déterminé » à l’avance…]
Il y a quand meme un probleme dans votre vision. Si le fait d avoir un diplome vous garanti une vie confortable, comment gerer la disruption ? Si par ex vous avez etudier pour devenir ingenieur des mines (des vrais, pas l ecole). A un moment on utilise plus de charbon et le peu est importé. Le diplomé va t il se retourner contre l etat en demandant qu on lui donne un emploi dans une mine qui n existe plus ? ou qu on continue a extraire coute que coute du charbon ?
De toute facon c est plutot le contraire. Plus le monde est incertain, plus vous avez interet a avoir le bon diplome pour vous y inserer et vous reconvertir
Un monde de statut c est souvent pour permettre au fiston de faire comme le pere et d avoir un poste bien plus avantageux que ce qu il devrait avoir (c est humain). C est par ex ce qu on observe chez les cockers ou a la banque de france (je sais pas si ca existe encore dans ce dernier cas, mais par ex il y a 30 ans quasiment tous les employes etaient des enfants d employes, car la selection pour se faire embaucher faisait que seul un etre du serail avait une chance)
Prenons un autre ex. Au XIX sciecle le train est apparu (je prend sciement un exemple ancien, l automobile pourrait subir le meme sort bientot mais c est plus polemique).
Avant le train, le traffic dans la valle du rhone se faisait surtout par bateau. Supposons que les mariniers de l epoque aient un statut de type SNCF. Apres tout ca necessitait un certain savoir pour ne pas s echouer, remonter le fleuve, gerer les crues …
La concurrence du train fait que les entreprise marinieres font faillite mais on ne peut licencier les employes (a cause du statut). L etat doit il les payer a rien faire ?
Pour eviter ca, l etat doit il brider le train et donc faire que les mariniers aient encore du travail ? Evidement le cout va se reporter sur le client et par ex ca va limiter l industrie lyonnaise qui vendra moins car ses produits seront plus cher a Avignon. A marseille on se fournira en produit italien plutot que francais
Vous me direz que l etat pourrait forcer les entreprises de trains a embaucher les mariniers. Mais elles ont besoin de competances differentes et de toute facon pas d autant de monde
@ cdg
[« diriez-vous que l’ancien régime était une « société immobile » ? Guerres, conspirations, réformes et contre-réformes, on peut difficilement parler d’immobilisme à propos de la France de Louis XIII ou de Luis XIV. » Oh si. Il y avait certes de la mobilité (par ex être anobli. Pensez à Mme de Montespan née roturière et finissant reine) mais c’était extrêmement minoritaire. En général votre naissance déterminait toute votre vie (97 % de la population etait des paysans)]
Non. D’abord, il ne faut pas se limiter à l’anoblissement. Comme vous le dites, si vous naissiez marquis, votre statut vous garantissait de mourir marquis. Seulement, vous pouviez mourir marquis ruiné, votre propriété saisie par un bourgeois enrichi. La promotion sociale dans l’ancien régime ne se réduisait pas à l’anoblissement. Elle se manifestait surtout par l’enrichissement d’une bourgeoisie urbaine d’artisans, d’entrepreneurs et d’hommes de loi, dont la fortune permettait d’acheter des charges et finalement l’anoblissement. Qui était devenu relativement fréquent donnant naissance à une « noblesse de robe » qui, au temps de Louis XV, pèse autant, sinon plus, que la noblesse d’épée.
J’ajoute que la mobilité sociale n’a rien à voir avec l’existence ou non de « statuts ». Regardez notre société « libérale ». Un fils d’ouvrier a-t-il plus de chances de finir bourgeois qu’un fils de paysan de devenir noble en 1700 ? En fait, la mobilité sociale est liée à l’expansion de la société : quand une société est en expansion, elle a besoin de compléter ses élites, et à ce moment l’ascenseur social marche à plein sans que les nouveaux venus fassent concurrence aux élites en place. Lorsqu’une société a une faible croissance, les élites se reproduisent et ne laissent pas de place aux nouveaux venus. Que la sélection se fasse par le statut ou par l’argent, cela ne change rien.
[« Un étudiant qui sait que s’il travaille bien il aura son examen et que s’il ne travaille pas il ne l’aura pas vit dans un environnement « prévisible ». Mais le résultat de l’examen n’est pas pour autant « déterminé » à l’avance… » Il y a quand même un problème dans votre vision. Si le fait d’avoir un diplôme vous garantit une vie confortable, comment gérer la disruption ? Si par ex vous avez étudier pour devenir ingénieur des mines (des vrais, pas l’école). A un moment on utilise plus de charbon et le peu est importé. Le diplômé va t il se retourner contre l’état en demandant qu’on lui donne un emploi dans une mine qui n’existe plus ?]
Je ne dis pas que les statuts doivent être gravés dans le marbre. Ils ne l’ont par ailleurs jamais été, et on a toujours adapté les statuts en fonction de l’évolution de la société. Quand EDF est passé du fuel au nucléaire, le statut du personnel n’a pas été un obstacle, au contraire. Les anciens de la production thermique, se sachant protégés par leur statut, étaient d’autant plus volontaires pour se reconvertir dans la nouvelle technologie qu’ils savaient que cette reconversion ne leur ferait pas perdre leur ancienneté ou leurs avantages acquis.
Le statut, il faut le dire et le répéter, est une protection MINIMALE. Sortir de l’ENA vous donne une protection, mais tous les énarques ne deviennent pas préfets, directeurs ou ambassadeurs.
[De toute façon c’est plutôt le contraire. Plus le monde est incertain, plus vous avez intérêt à avoir le bon diplôme pour vous y insérer et vous reconvertir]
Mais… un diplôme – s’il est reconnu socialement, ce qui suppose qu’il vous donne des possibilités qui ne sont ouvertes qu’à ceux qui le détiennent – est une forme de « statut » !
Pour reprendre votre exemple, imaginez-vous un jeune qui se lance dans ses études. Investira-t-il des années d’effort pour se former dans telle ou telle branche de la chimie, de l’informatique, du nucléaire ? Comment savoir si ces branches ne s’arrêteront pas d’ici quelques années, réduisant à néant la valeur de son investissement et le condamnant au chômage ou à une douloureuse reconversion ? Vous avez ici, au niveau individuel, la même problématique qu’on trouve dans le cas d’investissements de très long terme. Personne ne construirait une centrale nucléaire pariant sur ce que sera le marché de l’électricité dans trente ans. C’est pourquoi on ne peut construire ce type d’investissements que dans le cadre de contrats de long terme, ou la société assume le risque. Et bien, le statut est une sorte de contrat entre la société et l’individu, par lequel la société assume une partie du risque de l’investissement individuel. Il garantit une carrière « minimale » de la même façon qu’on garantit un prix minimal à l’investisseur dans la production d’électricité.
Bien entendu, cette garantie a un coût. Et d’un autre côté, elle encourage un investissement qui, sans cela, n’aurait jamais lieu.
[Un monde de statut c’est souvent pour permettre au fiston de faire comme le père et d’avoir un poste bien plus avantageux que ce qu’il devrait avoir (c’est humain).]
Mais dans un monde sans statut, c’est pire. Papa se débrouillera toujours, selon ses moyens, pour recaser son fiston le mieux possible y compris lorsque le fiston n’a aucun mérite. Seulement, dans un monde de statuts le fiston sera obligé de passer des concours, de prouver une véritable compétence, parce que le statut rattaché au mérite ne s’hérite pas : le fils du polytechnicien ne sera polytechnicien que s’il passe un concours, et tout l’argent du monde ne permettra de transformer un âne en polytechnicien. Dans un monde sans statuts, c’est l’argent qui prime. Et comme l’argent s’hérite… il suffit pour avoir un statut de se donner la peine de naître.
Pour préciser un point : il est clair que si je défends les « statuts », je le fais toujours dans le contexte d’une méritocratie. Mon idéal n’est pas un retour aux statuts héréditaires de l’ancien régime.
[C est par ex ce qu on observe chez les dockers ou à la banque de france (je sais pas si ca existe encore dans ce dernier cas, mais par ex il y a 30 ans quasiment tous les employes etaient des enfants d employes, car la selection pour se faire embaucher faisait que seul un etre du serail avait une chance)]
La reproduction familiale des métiers est une réalité avec ou sans statut. Elle tient simplement qu’en reprenant le métier de nos parents nous récupérons un héritage de connaissances, de contacts, de réseaux, de matériels aussi. L’enfant d’avocat, de commerçant, de médecin qui reprend le métier hérite la clientèle, l’enfant de paysan ou de commerçant qui reprend la ferme retrouve le réseau de ses parents. Mais dans notre République, les statuts héréditaires sont relativement rares. A la Banque de France, si ma mémoire ne me trompe pas, on recrute par concours (puisque ce sont des fonctionnaires). Chez les dockers, le recrutement familial était par contre la règle, mais c’est le cas aussi dans la plupart des industries lourdes – pensez aux mines ou aux chemins de fer – et cela bien avant l’apparition des statuts.
[Prenons un autre ex. Au XIX siècle le train est apparu (je prends sciemment un exemple ancien, l’automobile pourrait subir le même sort bientôt mais c’est plus polémique). Avant le train, le trafic dans la vallée du Rhône se faisait surtout par bateau. Supposons que les mariniers de l’époque aient un statut de type SNCF. Apres tout ça nécessitait un certain savoir pour ne pas s’échouer, remonter le fleuve, gérer les crues … La concurrence du train fait que les entreprises marinières font faillite mais on ne peut licencier les employés (a cause du statut). L’état doit il les payer a rien faire ? Pour éviter ça, l’état doit-il brider le train et donc faire que les mariniers aient encore du travail ?]
Ni l’un ni l’autre. L’Etat doit assurer la reconversion de ces bateliers en cheminots, tout en préservant les droits – ancienneté, conditions de retraite, vacances, etc. – liés à leur statut. Encore une fois, le statut ne vous garantit nullement de faire le même travail toute votre vie, mais doit vous garantir qu’en cas de changement vous ne recommencerez pas en bas de l’échelle, que les droits que vous avez acquis dans votre premier métier vous seront reconduits dans le second. Et c’est d’ailleurs ce qu’on fait les entreprises « sous statut » qui ont été confrontées à des changements considérables (voir l’exemple du nucléaire ci-dessus).
Mais reprenons l’exemple des bateliers. Que proposez-vous ? Qu’on licencie les bateliers en question et qu’on les laisse se reconvertir et recommencer une nouvelle profession en bas de l’échelle ? Si vous faites cela, vous réduisez massivement l’intérêt d’investir dans une formation lourde. A quoi bon passer des années à devenir un bon batelier si une nouvelle invention totalement imprévisible peut réduire à néant votre « capital immatériel » et vous condamne à recommencer à zéro ? Dans ces conditions, autant faire le service minimum.
Vous remarquerez d’ailleurs que les domaines qui nécessitent un investissement intellectuel lourd sont souvent régulés par des statuts, même dans les pays en apparence les plus « libéraux ». Ainsi, par exemple, l’emploi à vie est la règle pour les professeurs dans les universités américaines ou britanniques…
[Un fils d’ouvrier a-t-il plus de chances de finir bourgeois qu’un fils de paysan de devenir noble en 1700 ? ]
je pense que oui, mais c est en effet difficile a quantifier
Etre annobli etait quand meme exceptionnel. Au mieux vous achetiez une charge qui permettait a vos enfant d etre noble (ou si vous etiez une fille vous epousiez un noble mais pour ca il fallait que votre pere soit riche)
[En fait, la mobilité sociale est liée à l’expansion de la société : quand une société est en expansion, elle a besoin de compléter ses élites, et à ce moment l’ascenseur social marche à plein sans que les nouveaux venus fassent concurrence aux élites en place. Lorsqu’une société a une faible croissance, les élites se reproduisent et ne laissent pas de place aux nouveaux venus.]
D accord avec vous, il est plus facile d avoir un ascenseur social quand la societe est en expansion (ou quand les elites ont été discredite et doivent etre remplacé comme en 45).
Le probleme c est comment faire quand on a pas une forte expansion ? (penser qu on arrivera a 3-4 % comme dans les annees 60 est impossible ne serait ce que pour des raisons ecologiques)
De toute facon, il y a une limite : tout le monde ne peut devenir chef et etre dans un bureau. Il faut forcement des gens pour se salir les mains
[Pour reprendre votre exemple, imaginez-vous un jeune qui se lance dans ses études. Investira-t-il des années d’effort pour se former dans telle ou telle branche de la chimie, de l’informatique, du nucléaire ? Comment savoir si ces branches ne s’arrêteront pas d’ici quelques années]
La previsions sur quelques annees est quand meme facile. Il y a une enorme inertie. Meme si demain on decide d arreter l informatique, tous les equipements actuels doivent etre maintenus pendant au moins 10 ans. Apres c est sur qu on ne peut pas prevoir ce qui se passera dans 10-15 ans. Mais avec une bonne formation vous avez plus de chance de profiter des nouvelles opportunités que quelqu un de votre age qui a fait aucune etude.
[A la Banque de France, si ma mémoire ne me trompe pas, on recrute par concours]
C etait par concours mais ca n empeche pas de pouvoir privilegier les enfants du personnel. D apres mes souvenir l article mentionnait des questions dont les reponses etaient connues uniquement d «insider»
[L’Etat doit assurer la reconversion de ces bateliers en cheminots, tout en préservant les droits – ancienneté, conditions de retraite, vacances, etc. – liés à leur statut.]
Comment faites vous si certains ne peuvent etre formé (niveau trop bas) ou tout simplement qu il y a besoin de bien moins de cheminots que de bateliers ?
Si on prend un exemple moderne, comment former un fondeur de pieces en fonte pour l automobile en informaticien ?
Et comment gerer l effet d eviction (un jeune informaticien ne trouvera pas de travail car on lui preferera une personne en reconversion meme bien moins bonne) ?
[Ainsi, par exemple, l’emploi à vie est la règle pour les professeurs dans les universités américaines ou britanniques…]
D apres https://www.hoover.org/research/end-teacher-tenure c est que 29 % en 2011 et la tendance etait a la baisse. Je suppose que vous avez entendu parle de profs US congediés car ils avaient heurté les wokes.
@ cdg
[« Un fils d’ouvrier a-t-il plus de chances de finir bourgeois qu’un fils de paysan de devenir noble en 1700 ? » je pense que oui, mais c’est en effet difficile à quantifier. Être anobli était quand même exceptionnel. Au mieux vous achetiez une charge qui permettait à vos enfants d’être noble (ou si vous étiez une fille vous épousiez un noble mais pour ça il fallait que votre père soit riche)]
En fait, l’anoblissement n’était pas si rare que ça. On pouvait être anobli par l’achat de charges, et il y en avait pour toutes les bourses. Il y avait aussi l’anoblissement par les fonctions (officiers du roi, des Parlements, des municipalités, fonctions ecclésiastiques). Il suffit de lire les mémoires de Saint-Simon pour voir combien l’accélération des anoblissements – y compris sur des charges de premier rang – énervaient la « vieille noblesse » qui se voyait noyée dans le flot des « parvenus », en fait des ressortissants de la nouvelle classe dominante, la bourgeoisie.
Après, il est vrai qu’il est difficile d’évaluer si la mobilité sociale en 1700 était plus ou moins forte qu’aujourd’hui. Je ne connais pas d’étude approfondi sur la question, mais je me dis que les mêmes causes provoquant les mêmes effets, une croissance relativement faible et le souci des classes dominantes de se reproduire ont du avoir des effets similaires sur l’ascenseur social.
[Le problème c’est comment faire quand on n’a pas une forte expansion ? (Penser qu’on arrivera à 3-4 % comme dans les années 60 est impossible ne serait-ce que pour des raisons écologiques) De toute façon, il y a une limite : tout le monde ne peut devenir chef et etre dans un bureau. Il faut forcement des gens pour se salir les mains]
Et bien, ma réponse vous surprendra par son « libéralisme ». Je pense que la seule logique possible pour lever le blocage est de rebattre les cartes à chaque génération, ce qui revient à dire aux parents des classes dominantes que leurs enfants n’ont aucune garantie de retrouver leur statut social. Ce que, je vous l’accorde, est quasiment impossible aussi longtemps que le pouvoir économique est héréditaire. Le blocage de l’ascenseur social est donc inhérent au capitalisme.
[« Pour reprendre votre exemple, imaginez-vous un jeune qui se lance dans ses études. Investira-t-il des années d’effort pour se former dans telle ou telle branche de la chimie, de l’informatique, du nucléaire ? Comment savoir si ces branches ne s’arrêteront pas d’ici quelques années » La prévisions sur quelques années est quand même facile. Il y a une énorme inertie. Même si demain on décide d’arrêter l’informatique, tous les équipements actuels doivent être maintenus pendant au moins 10 ans. Apres c’est sûr qu’on ne peut pas prévoir ce qui se passera dans 10-15 ans.]
En fait, l’inertie n’est pas si grande que ça. Oui, il est vrai que même si on arrête telle filière, il faut continuer à l’entretenir sur dix ou vingt ans. Mais en même temps, cette filière a déjà ses effectifs. Autrement dit, si elle est mise en extinction elle ne recrutera plus – ou alors à des salaires très faibles – et elle disparaîtra en même temps que les gens déjà employés qui la font vivre.
Lorsque je choisis une carrière, il me faut une visibilité à plus de 15 ans : les études durent aujourd’hui de cinq a dix ans, selon les filières ! Faire dix ans d’études pour constater que la voie qu’on a choisi est bouchée n’est donc en rien impossible.
[Mais avec une bonne formation vous avez plus de chance de profiter des nouvelles opportunités que quelqu’un de votre âge qui a fait aucune étude.]
Il est clair que plus on a une bonne formation, plus facile il est de se reconvertir. Mais quand vous vous reconvertissez, vous recommencez en bas de l’échelle. Et en bas de l’échelle, vous êtes en concurrence avec « la foule fraîche des cadets » qui ont choisi directement cette orientation.
[« A la Banque de France, si ma mémoire ne me trompe pas, on recrute par concours » C’était par concours mais ça n’empêche pas de pouvoir privilégier les enfants du personnel. D’après mes souvenirs l’article mentionnait des questions dont les réponses étaient connues uniquement d «insider»]
Vous avez la référence ? J’ai du mal à voir comment cela peut marcher. Il est clair que lorsque vous avez un père ingénieur, vous avez un petit avantage pour passer le concours de Polytechnique, parce que vous avez baigné dans une certaine culture. Mais de là à imaginer des questions dont seuls les polytechniciens connaîtraient la réponse…
[« L’Etat doit assurer la reconversion de ces bateliers en cheminots, tout en préservant les droits – ancienneté, conditions de retraite, vacances, etc. – liés à leur statut. » Comment faites-vous si certains ne peuvent etre formé (niveau trop bas) ou tout simplement qu’il y a besoin de bien moins de cheminots que de bateliers ? Si on prend un exemple moderne, comment former un fondeur de pieces en fonte pour l’automobile en informaticien ?]
Dans ce cas-là, je continue à le payer en surnombre. Eh oui, c’est un coût pour la société, mais c’est un coût qui est largement compensé par les effets positifs que cette assurance aura sur l’investissement des individus concernés. En fait, les statuts ont une logique assurantielle : vous payez une « prime » – un salaire plus bas, des servitudes importantes, une progression de carrière plus lente – que dans le droit commun, et si le risque que vous évoquez plus haut se matérialise, vous êtes protégé.
Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de beaucoup argumenter pour vous montrer combien le développement des logiques assurantielles est positif pour la société. L’assurance ne supprime le risque, mais permet de planifier et d’investir comme si le risque n’existait pas. Et bien, le statut est une forme d’assurance qui va bien au-delà d’une simple question économique. Ce que le statut – contrairement à l’allocation chômage – assure, c’est une position dans la société.
[Et comment gérer l’effet d’éviction (un jeune informaticien ne trouvera pas de travail car on lui préfèrera une personne en reconversion même bien moins bonne) ?]
Que voulez-vous « gérer » ? S’il n’y a pas de travail pour tout le monde, quelqu’un restera sur le carreau, c’est fatal.
[« Ainsi, par exemple, l’emploi à vie est la règle pour les professeurs dans les universités américaines ou britanniques… » D après (…) c’est que 29 % en 2011 et la tendance etait a la baisse.]
Certes. Mais l’article que vous citez dit aussi que c’est le « modèle » des universités américaines. C’était bien mon point.
[Je suppose que vous avez entendu parle de profs US congédiés car ils avaient heurté les wokes.]
Si vous allez par-là, je connais quelques fonctionnaires français congédiés pour avoir adhéré au PCF. Pensez-vous que ces cas remettent en cause la logique de la sécurité de l’emploi des fonctionnaires français ?
PS: En lisant l’article que vous recommandez, je trouve cette formule: “Hiring someone on a five-year contract at $80,000 is much less expensive than hiring them on a 40-year contract at $65,000. One is a liability of perhaps $350,000; the other, of millions.”. Autrement dit, on retrouve la logique assurantielle dont je parlais plus haut: l’emploi “à vie” est compensé par une différence de salaire de -19%, ce qui fait tout de même une prime d’assurance croquignolette. Pour que l’université se retrouve, il suffirait qu’elle ait envie de garder quatre sur cinq professeurs embauchés…
Mais la logique assurantielle va plus loin. Si vous êtes embauché pour cinq ans, seriez-vous prêt à construire les partenariats de long terme avec d’autres chaires, de vous investir dans la réforme des programmes de votre enseignement, alors que tout cet effort a toutes les chances de profiter à votre successeur ?
@decartes
[Je pense que la seule logique possible pour lever le blocage est de rebattre les cartes à chaque génération, ce qui revient à dire aux parents des classes dominantes que leurs enfants n’ont aucune garantie de retrouver leur statut social. Ce que, je vous l’accorde, est quasiment impossible aussi longtemps que le pouvoir économique est héréditaire. Le blocage de l’ascenseur social est donc inhérent au capitalisme.]
C est vrai que c est completement impossible. Pas uniquement a cause de l heritage. Si on abolissait l heritage vous auriez quand meme les differences qui font que les «fils de» ont plus de relations, parlent plusieurs langues, ont plus de culture ….
[Mais en même temps, cette filière a déjà ses effectifs. Autrement dit, si elle est mise en extinction elle ne recrutera plus – ou alors à des salaires très faibles ]
ca depend de la demographie. Regardez la programmation en Cobol (langage des annees 70). les entreprises ont besoin de gens qui maitrisent ce langague qu aucun jeune n apprend (ni a envie d apprendre). Le recrutement est en effet faible (il s agit juste de remplacer une partie des departs) mais c est au prix fort
[Lorsque je choisis une carrière, il me faut une visibilité à plus de 15 ans : les études durent aujourd’hui de cinq a dix ans, selon les filières !]
ingenieur c est 5 ans. Medecine c est de 9 a 12 et c est quasiment les seuls a etre si long
Et rien ne vous empeche de reevaluer votre choix (par ex quelqu un qui se destinait a faire des moteurs a explosion (ENSPM) doit se demander si c est toujours un bon choix aujourd hui)
Pour influencer un concours, c est pas difficile. Vous pouvez demander de citer quelque chose bien connu en interne et peu a l exterieur. Les belges avaient utilisé ca pour eviter les francais qui venaient pour y faire des etudes (par ex quelle est la date de la fete nationale belge?)
[“Hiring someone on a five-year contract at $80,000 is much less expensive than hiring them on a 40-year contract at $65,000. One is a liability of perhaps $350,000; the other, of millions.”. Autrement dit, on retrouve la logique assurantielle dont je parlais plus haut: l’emploi “à vie” est compensé par une différence de salaire de -19%, ce qui fait tout de même une prime d’assurance croquignolette.]
Mais il est ecrit que meme avec -20 % c est plus rentable d avoir un contrat de 5 ans
[Si vous êtes embauché pour cinq ans, seriez-vous prêt à construire les partenariats de long terme avec d’autres chaires, de vous investir dans la réforme des programmes de votre enseignement, alors que tout cet effort a toutes les chances de profiter à votre successeur]
mais avec un emploi a vie vous avez des profs qui ne font plus rien (ou qui sont incompetants) et qui sont indeboulonnable. Je suis sur que quasiment tous les eleves francais en ont rencontrés
Ou que l EN formait encore des steno dactylo car il y avait des profs de stenographie et qu il fallait bien les occuper, meme si la secretaire qui notait en steno a ete eliminé par le traitement de texte
Sinon c est pas parce que vous avez un contrat de 5 ans que vous allez etre ejecté au bout de 5 ans
EDF utilise enormement d ingenieurs issus de SSII (d apres un cousin c est quasiment 90 % des informaticiens). J ignore le contrat d EDF avec les SSII mais ca doit probablement etre des contrats de 3 mois renouvelable (au mieux 6 mois), est ce que les ingenieurs que vous louez font pour autant du mauvais travail en se disant qu ils vont se faire ejecter dans 3 mois ?
@ cdg
[C’est vrai que c’est complètement impossible. Pas uniquement à cause de l’héritage. Si on abolissait l’héritage vous auriez quand même les différences qui font que les « fils de » ont plus de relations, parlent plusieurs langues, ont plus de culture …]
Je crois qu’on s’est mal compris. Ce que je voulais dire, c’est que dans un régime capitaliste où la bourgeoisie se reproduit par l’héritage du capital matériel, on aura du mal à convaincre les classes intermédiaires, devenues dominantes, qu’elles n’ont pas le droit de transmettre leur statut social. Si on rebattait les cartes pour TOUTES les couches sociales, on pourrait à la rigueur convaincre les classes intermédiaires, puisque la redistribution des cartes pour elles se ferait autant vers le haut que vers le bas. Mais si la bourgeoisie n’accepte pas d’avoir à reconstituer son capital à chaque génération, alors accepter qu’on rebatte SES cartes pour les classes intermédiaires est un pari asymétrique.
J’ajoute que même s’il y aura toujours des différences, s’il n’y a pas d’héritage ces différentes peuvent être atténuées par les institutions éducatives. Alors que dans une logique d’héritage, les classes dominantes ont les moyens de s’y opposer.
[« Mais en même temps, cette filière a déjà ses effectifs. Autrement dit, si elle est mise en extinction elle ne recrutera plus – ou alors à des salaires très faibles » ça dépend de la démographie. Regardez la programmation en Cobol (langage des annees 70). les entreprises ont besoin de gens qui maitrisent ce langague qu aucun jeune n apprend (ni a envie d apprendre). Le recrutement est en effet faible (il s agit juste de remplacer une partie des departs) mais c est au prix fort]
Cet exemple n’a aucun poids en termes économiques. Bien sûr, on recrutera toujours des gens capables d’entretenir les becs de gaz, pour les besoins des musées des becs de gaz. Ou bien des gens capables de conduire des machines à vapeur pour les chemins de fer touristiques. Mais du point de vue du poids économique, c’est zéro. Rares sont les jeunes qui à l’heure d’investir dans une carrière se disent « je serai conducteur de machine à vapeur ».
[« Lorsque je choisis une carrière, il me faut une visibilité à plus de 15 ans : les études durent aujourd’hui de cinq a dix ans, selon les filières ! » ingénieur c’est 5 ans. Médecine c’est de 9 à 12 et c’est quasiment les seuls a être si long]
Pas tout à fait. Ingénieur c’est entre 5 et 7 ans (les ingénieurs des Mines, des Ponts ou de l’Armement font deux ans de prépa, trois ans de polytechnique puis deux ans d’école d’application). Les métiers scientifiques c’est au moins huit ans (cinq ans d’études pour le master plus trois ans de doctorat). Avocat c’est entre cinq et sept ans (pour ceux qui passent une thèse). Un enarque ou un magistrat font souvent sept ans (master plus ENA ou ENM).
[Et rien ne vous empêche de réévaluer votre choix (par ex quelqu un qui se destinait a faire des moteurs a explosion (ENSPM) doit se demander si c est toujours un bon choix aujourd hui)]
J’imagine ce que peut être la motivation d’un jeune qui passe son temps à « réévaluer son choix »… sachant que toute réévaluation implique de mettre au rebut une partie de son investissement.
[Pour influencer un concours, ce n’est pas difficile. Vous pouvez demander de citer quelque chose bien connu en interne et peu à l’extérieur. Les belges avaient utilisé ça pour éviter les français qui venaient pour y faire des études (par ex quelle est la date de la fete nationale belge?)]
Il y a quand même des limites étroites. Parce que les sujets de concours sont publics, et les concours ont des programmes. Une question « hors programme » peut être déférée devant le juge administratif, et le concours est annulé – cela s’est déjà vu. Si vous voulez pouvoir demander la date de la fête nationale belge, il faut qu’il y ait une épreuve de civilisation ou d’histoire belge… et les candidats sont donc prévenus qu’il faut préparer. Il est clair que la question « quelle est la fête nationale » privilégie légèrement les gens qui ont été éduqués dans le pays… ou bien dans les régions frontalières (je vous assure que tout lillois qui se respecte connaît la date de la fête en question). Mais l’avantage est minime.
[“Hiring someone on a five-year contract at $80,000 is much less expensive than hiring them on a 40-year contract at $65,000. One is a liability of perhaps $350,000; the other, of millions.”. Autrement dit, on retrouve la logique assurantielle dont je parlais plus haut: l’emploi “à vie” est compensé par une différence de salaire de -19%, ce qui fait tout de même une prime d’assurance croquignolette. »
Mais il est ecrit que meme avec -20 % c est plus rentable d avoir un contrat de 5 ans]
Non. Il est écrit que même avec -20%, l’engagement à vie est un engagement (« liability ») plus important que l’engagement à terme. Ce qui, entre nous, est une évidence. Mais cela n’a rien à voir avec la « rentabilité ». Une centrale nucléaire qui dure 60 ans est un « engagement » bien plus important qu’un champ d’éoliennes qui ne dure que vingt ans, mais elle est beaucoup plus rentable.
[« Si vous êtes embauché pour cinq ans, seriez-vous prêt à construire les partenariats de long terme avec d’autres chaires, de vous investir dans la réforme des programmes de votre enseignement, alors que tout cet effort a toutes les chances de profiter à votre successeur » mais avec un emploi à vie vous avez des profs qui ne font plus rien (ou qui sont incompétents) et qui sont indéboulonnables. Je suis sûr que quasiment tous les élèves français en ont rencontrés]
Désolé, mais moi, je n’en ai pas rencontré. Bien sûr, il y avait des excellents et des moins bons, mais de véritables incompétents ou qui ne faisaient rien ? Non, je n’ai pas rencontré. Et je ne pense pas avoir été particulièrement chanceux. Et si je devais classer mes professeurs par ordre de qualité, je ne pense pas que ceux qui occuperaient les dernières places seraient ceux qui étaient fonctionnaires… le pire que j’ai eu était un contractuel.
J’ai l’impression que pour vous la sécurité de l’emploi liée au statut implique qu’on ne peut pas virer les gens pour incompétence ou les sanctionner. Vous avez tort. On sanctionne beaucoup dans la fonction publique, et c’est aussi vrai pour les autres statuts. Mais les sanctions sont d’une nature un peu différente. Les institutions sous statut ont en général une mémoire très longue. Si vous faites une bêtise, si vous êtes un tire-au-flanc notoire, cela se sait. Dans le privé, en changeant de boite vous pouvez faire illusion très longtemps. Dans un système statutaire, c’est impossible. L’éducation nationale est un monde un peu a part, du fait de sa composition sociologique et parce que le principe de liberté pédagogique rend le contrôle aléatoire. Mais je peux vous assurer que chez les policiers, chez les hospitaliers, chez les fonctionnaires de la préfectorale, dans les IEG on sanctionne bien plus que dans le privé.
[Ou que l’EN formait encore des steno dactylo car il y avait des profs de stenographie et qu il fallait bien les occuper, meme si la secretaire qui notait en steno a ete eliminé par le traitement de texte]
Je ne vois pas comment le traitement de texte a pu éliminer la sténo. La sténo est une méthode permettant de prendre la dictée à la vitesse normale de la parole. Et contrairement à ce que vous semblez croire, la sténographie est toujours utilisée aujourd’hui. Je vous parle d’expérience…
[Sinon c’est pas parce que vous avez un contrat de 5 ans que vous allez être éjecté au bout de 5 ans]
Tout à fait. L’accident ou l’incendie ne sont pas une fatalité. Il n’empêche que vous assurez votre maison ou votre voiture. C’est même obligatoire. Le fait que vous soyez en CDD n’implique pas que vous serez viré, mais que c’est un risque réel. Et plus le risque est grand, plus vous serez réticent à investir…
[EDF utilise énormément d’ingénieurs issus de SSII (d’après un cousin c’est quasiment 90 % des informaticiens). J’ignore le contrat d’EDF avec les SSII mais ça doit probablement être des contrats de 3 mois renouvelable (au mieux 6 mois), est ce que les ingénieurs que vous louez font pour autant du mauvais travail en se disant qu’ils vont se faire éjecter dans 3 mois ?]
D’abord, vous noterez que dans le cas que vous décrivez, l’employeur est la SSII, pas EDF. Et donc, même si EDF a un contrat de 3 mois avec la SSII, l’informaticien peut avoir un CDI avec son employeur. Ensuite, oui, je peux vous assurer que les SSII qui travaillent avec EDF font un effort absolument minimal pour former leur personnel ou se doter d’outils spécifiques. En fait, la raison pour laquelle EDF recrute peu d’informaticiens maison dans certains domaines, c’est parce qu’il est difficile de les payer. En effet, les grilles des IEG ne prennent pas en compte les salaires mirobolants qu’on paye dans l’informatique… autrement, je peux vous affirmer que travailler avec les informaticiens maison son nettement plus productifs qu’avec ceux issus des SSI en contrat court.
Enfin,ce Lundi votre site est accessible! 🙂
Un grand merci car j’imagine que ça n’a pas du être facile de réparer ?
Que s’est il passé ?
@ Luc
[Un grand merci car j’imagine que ça n’a pas du être facile de réparer ? Que s’est il passé ?]
Ce n’était pas compliqué… mais dans ce pays, les gens ne travaillent pas le week-end!
Une petite remarque d’actualité :
Je ne sais pas si vous avez vu, Montebourg a proposé des mesures pour tenter de forcer les pays d’origine à reprendre leurs clandestins.
Résultat : malgré toutes les explications qu’il a pu fournir, les “jeunes avec Montebourg”, soit, si j’ai bien compris l’essentiel de ses soutiens, se sont retirés et ne le soutiennent plus.
De même Fabien Roussel est régulièrement obligé de donner des gages à son aile gauchisante et pro migrants.
Au final, on se retrouve avec 3 candidats à la présidentielle, dont on se rend bien compte que, au fond d’eux mêmes, ils aimeraient tenir une ligne chevènementiste (Roussel, Montebourg, Kuzmanovic). Les deux premiers sont obligés de donner des gages de gauche, et donc de renoncer à une bonne partie du souverainisme. Et le dernier ne fait aucune concession aux gauchistes, mais n’existe pas politiquement.
Si j’en crois ce sondage (https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2021/11/118574_Ifop_Rapport_Baro_Presid.V6..pdf), le potentiel électoral total de ces candidats est entre 4.5 et 5.5%. Et en plus ils sont obligés de renoncer à une grande partie de ce qu’implique le souverainisme pour ne pas perdre ce petit socle. En gros un potentiel électoral pour les souverainistes de gauche largement inférieur à 5%
Chevènement s’était confronté au même mur : dès qu’il a voulu aller sur du souverainisme vrai, lui permettant des rapprochements avec la droite, il perdait le soutien de son parti.
A l’inverse, à droite, si on prend Z + MLP + NDA, on est entre 35.5% et 40% au premier tour (40% avec Juvin, le plus europhile des candidats Républicains). En gros, un potentiel électoral pour les souverainistes de droite de 40%.
Dans cette mesure, le pari que voulait faire NDA en 2017, et que fait pour faire le plein à droite, en essayant d’y rassembler tous les souverainistes, me semble sans doute une bonne idée d’un point de vue électoral.
Le souverainisme de gauche, avec des Chevènement, Sapir, etc. est très séduisant intellectuellement. Mais malheureusement, électoralement, il n’existe pas.
Il me semble plus difficile de convaincre des souverainistes de gauche d’aller vers un vrai souverainisme que de convaincre des souverainistes de droite que l’ultralibéralisme (qui y est très présent) ne fonctionne pas bien, en pratique (par exemple, j’ai pu convaincre des vrais libéraux que la renationalisation d’EDF pour conserver les barrages et le nucléaire dans le giron public était une bonne idée…)
@ Vincent
[Je ne sais pas si vous avez vu, Montebourg a proposé des mesures pour tenter de forcer les pays d’origine à reprendre leurs clandestins. Résultat : malgré toutes les explications qu’il a pu fournir, les “jeunes avec Montebourg”, soit, si j’ai bien compris l’essentiel de ses soutiens, se sont retirés et ne le soutiennent plus.]
Ce sont les misères de l’égo-politique. Quand on a derrière soi un vrai parti, il y a un espace pour débattre des mesures qu’on peut où pas proposer, on peut discuter, on peut négocier, et on arrive à des compromis. C’est le processus naturel d’élaboration d’un projet politique dans une logique qui dit « ce qui nous unit est plus grand que ce qui nous divise ». Ainsi, vous aviez au PCF des partisans et des adversaires de la force de frappe nucléaire, au RPR des eurosceptiques et des eurolâtres. Mais un égo-politicien est obligé de plaire à TOUS ses partisans TOUT le temps. Au moindre écart, il y a une partie qui s’en va. D’où les marches et les contremarches, les « en même temps », les « on a mal interprété », qui permettent de contenter tout le monde.
[De même Fabien Roussel est régulièrement obligé de donner des gages à son aile gauchisante et pro migrants.]
Oui, mais c’est différent. Quand il manifeste avec les policiers, il n’y a pas la moitié du PCF qui s’en va… c’est toute la différence avec l’égo-politicien Mélenchon ou Montebourg.
[Et en plus ils sont obligés de renoncer à une grande partie de ce qu’implique le souverainisme pour ne pas perdre ce petit socle. En gros un potentiel électoral pour les souverainistes de gauche largement inférieur à 5%. Chevènement s’était confronté au même mur : dès qu’il a voulu aller sur du souverainisme vrai, lui permettant des rapprochements avec la droite, il perdait le soutien de son parti.]
On n’impose pas un projet politique en un jour. Avant de voir les électeurs venir à vous, il faut dire la même chose et de façon consistante pendant très longtemps. Vous parlez du potentiel électoral de la droite souverainiste, mais il faut regarder comment ce potentiel s’est construit. Ça n’a pas marché du premier coup : pendant des décennies les souverainistes de droite ont prêché dans le désert, ont été moqués dans les médias et se sont ramassés des gamelles aux urnes. Et ils n’ont jamais, jamais accepté de mettre de l’eau dans leur vin, de se compromettre en participant à des gouvernements qui faisaient le contraire de ce qu’ils défendaient.
Ensuite, les souverainistes de droite ont fait le bon choix en s’adressant aux couches sociales qui ont intérêt à ces politiques – c’est-à-dire les couches populaires – dans un langage qui était le leur, et en partant de leurs préoccupations.
Les souverainistes de gauche n’ont jamais eu cette constance : ils ont toujours louvoyé, mettant leur « souverainisme » dans la poche lorsque cela s’avérait opportun. Quelle crédibilité « souverainiste » peut avoir un PCF prompt à appeler à l’union d’une gauche qui est massivement eurolâtre, qui renonce à demander la sortie de l’Euro pour pouvoir intégrer la « gauche plurielle » ? Quelle confiance avoir dans le « souverainisme » d’un Mélenchon qui a milité pour la ratification du traité de Maastricht ?
Ensuite, la gauche « souverainiste » ne s’adresse qu’aux classes intermédiaires. C’est la raison de l’échec de Chevènement. Ses analyses étaient justes, son discours intelligent… mais son discours est le discours d’un technocrate. On voit mal ce discours porter chez l’ouvrier qui voit son quartier se dégrader et ses enfants perdre leur temps dans une école qui ne transmet plus rien. Comme disait le conseil qu’on donnait au PCF aux militants, « il faut partir de ce que les gens ont dans la tête ». Il faut admettre que Chevènement et les chevènementistes, quelque soit la considération qu’on ait pour eux, n’ont jamais mis ce bon conseil à exécution.
[Il me semble plus difficile de convaincre des souverainistes de gauche d’aller vers un vrai souverainisme que de convaincre des souverainistes de droite que l’ultralibéralisme (qui y est très présent) ne fonctionne pas bien, en pratique (par exemple, j’ai pu convaincre des vrais libéraux que la renationalisation d’EDF pour conserver les barrages et le nucléaire dans le giron public était une bonne idée…)]
Oui, parce qu’il y a une question de classe. Dans le contexte actuel, la gauche est bien plus loin des couches populaires que la droite.
C’est très différent sur la manière. Mais sur le fond ça revient au même : tant Montebourg que Roussel ne peuvent pas adopter une ligne réellement souverainiste
Par ailleurs, si je comprends bien, vous êtes globalement d’accord avec moi ?
Et donc également d’accord pour dire que Zemmour a raison de ne pas chercher à parler à la gauche, d’un point de vue électoral ? Et que ses prises de positions vagues, mais plutôt libérales, sont donc pertinentes, quoi qu’il pense sur le fond ? (il était chevènementiste, et a voté Mitterrand en 1981, donc je ne pense pas qu’il soit un indécrottable ultra-libéral dans le fond).
@ Vincent
[C’est très différent sur la manière. Mais sur le fond ça revient au même : tant Montebourg que Roussel ne peuvent pas adopter une ligne réellement souverainiste]
Je pense qu’il faut cesser de voir la politique comme un combat moral. Il n’y a pas de « pureté » en politique. Si vous refusez tout compromis, vous vous retrouverez tout seul. Or, en politique on ne peut faire des choses que si on est capable de rassembler autour d’un compromis où personne n’a 100% de ce qu’il veut, mais où chacun accepte de céder 20% de ses positions pour avoir une chance de voir mise en œuvre le 80% restant. C’est cela la fonction du parti politique. J’ai été militant pendant presque trente ans, et à aucun moment je n’ai été d’accord à 100% avec les positions de mon parti. Je les ai pourtant défendus loyalement et à 100%, même sur les points que je ne partageais pas, parce que je savais que mes camarades faisaient la même concession sur des points qui me tenaient à cœur et qu’ils ne partageaient pas, eux.
La véritable difficulté est de trouver un compromis qui ne soit pas boiteux, c’est-à-dire, de concevoir un projet qui garde une cohérence malgré les concessions mutuelles. Les partisans et les adversaires du marché peuvent parfaitement s’accorder sur une société « socialiste » ou l’on laisse certains domaines à une régulation de marché alors que les domaines essentiels sont sous régulation administrative. Mais on imagine difficilement une société autonomie de la politique française aussi longtemps qu’on est intégré dans l’Euro. Un projet qui inclut ces deux éléments est par essence incohérent.
C’est pourquoi il est à mon sens si important d’avoir un projet, c’est-à-dire une vision – fut-elle idéaliste – de la société qu’on veut construire. Parce que sans cette armature, il est difficile de juger quelles sont les concessions possibles, celles qui ne menacent pas la solidité de tout l’édifice, et celles qui conduisent nécessairement à des contradictions qui sapent la crédibilité du tout et qui – une fois arrivé au pouvoir – ne peuvent conduire qu’à des trahisons et des aigreurs.
Montebourg, Roussel – mais aussi en d’autres temps Pasqua ou Philippot – font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont. Montebourg est un égo-politicien, et ses marges de manœuvre sont donc plus étroites : au moindre écart, à la moindre concession, ses troupes l’abandonneront. Roussel, parce qu’il a un parti constitué – même s’il est profondément divisé – derrière lui, a des marges de négociation un peu plus importantes.
[Par ailleurs, si je comprends bien, vous êtes globalement d’accord avec moi ?]
Cela dépend sur quoi…
[Et donc également d’accord pour dire que Zemmour a raison de ne pas chercher à parler à la gauche, d’un point de vue électoral ?]
Cela dépend de ce que vous appelez « avoir raison ». Du point de vue strictement électoral, il « a raison » de suivre son public. L’homme politique qui essaye d’éduquer son électorat plutôt que de suivre ses préjugés ne peut que perdre sur le court terme, et le court terme est tout ce qui importe aujourd’hui. Par contre, si « avoir raison » consiste à fonder un mouvement qui vous dépasse et qui vous survit, alors il faut investir dans le long terme. Et sur le long terme, répéter ce que l’on pense plutôt que ce que les gens veulent entendre peut s’avérer bien plus payant.
A ce propos, je me souviens encore du débat qui a conduit le PCF a changer radicalement de position et se rallier à la « force de frappe » et à la dissuasion nucléaire. C’était là, typiquement, une décision de long terme, qui pariait sur l’intelligence des militants et des électeurs plutôt que sur leurs préjugés. En effet, depuis 1945 le PCF avait toujours cédé au réflexe pacifiste de ses militants et de ses électeurs, et s’était opposé donc au projet de dissuasion nucléaire porté d’abord discrètement par Mendes-France puis ouvertement par De Gaulle à partir de 1958. Et beaucoup de militants, beaucoup d’électeurs communistes ont vu cela comme une volte-face et une trahison des principes. Il a fallu une véritable bataille idéologique pour montrer combien l’opposition à la dissuasion nucléaire était contradictoire avec le projet communiste d’une France affranchie de la tutelle américaine. Et sur le long terme, ce travail a payé : le PCF en a retiré une crédibilité accrue, et le « compromis » interne a bien fonctionné.
[Et que ses prises de positions vagues, mais plutôt libérales, sont donc pertinentes, quoi qu’il pense sur le fond ? (il était chevènementiste, et a voté Mitterrand en 1981, donc je ne pense pas qu’il soit un indécrottable ultra-libéral dans le fond).]
Pour moi le véritable problème est là : ce n’est pas un « véritable libéral » pas plus qu’il n’est un « véritable » rien, parce qu’il n’y a pas chez lui une vision claire – fut-elle idéalisée – de la société à construire. Ses références « gaulliennes » ne suffisent pas parce que le gaullisme, au délà de quelques principes fondamentaux (souveraineté nationale, ordre et discipline sociale, Etat fort) n’a jamais vraiment abouti à un projet. Le gaullisme fut surtout un pragmatisme guidé par des principes forts, plus qu’une théorie politique. Zemmour, c’est d’abord l’expression d’un malaise, plus que d’un projet. Sur ce point, il est dans la droite ligne des « gilets jaunes ».
@ Descartes
[“Pour moi le véritable problème est là : ce n’est pas un « véritable libéral » pas plus qu’il n’est un « véritable » rien, parce qu’il n’y a pas chez lui une vision claire – fut-elle idéalisée – de la société à construire. Ses références « gaulliennes » ne suffisent pas parce que le gaullisme, au délà de quelques principes fondamentaux (souveraineté nationale, ordre et discipline sociale, Etat fort) n’a jamais vraiment abouti à un projet. Le gaullisme fut surtout un pragmatisme guidé par des principes forts, plus qu’une théorie politique. Zemmour, c’est d’abord l’expression d’un malaise, plus que d’un projet. Sur ce point, il est dans la droite ligne des « gilets jaunes ».”]
Zemmour n’est autre qu’un conservateur de droite. Or, l’idée qu’il faudrait “construire une société” me paraît relever plutôt du progressisme de gauche. Aucun homme de droite, à ma connaissance, n’a jamais proposé de “construire une société”, ce qui n’en fait pas pour autant des “gilets jaunes”. Et si cet homme de droite qu’était De Gaulle a eu à “construire une société”, c’est simplement qu’elle était détruite au sortir de la guerre.
@ dsk
[Zemmour n’est autre qu’un conservateur de droite. Or, l’idée qu’il faudrait “construire une société” me paraît relever plutôt du progressisme de gauche.]
Pas vraiment. Dans une société ou la droite représentait la continuité et la gauche la rupture, le constructivisme social était l’apanage de la gauche – ou des courants de droite qui cherchaient à lui ravir la représentation de la classe ouvrière, comme le fascisme ou le nazisme. Mais depuis les années 1980, les termes de l’alternative se sont inversés. Le capitalisme est rentré dans une nouvelle étape qui représente une rupture avec le consensus social des « trente glorieuses ». Une partie de la droite a embrassé idéologiquement cette « rupture », la gauche a été bien plus ambigüe…
[Aucun homme de droite, à ma connaissance, n’a jamais proposé de “construire une société”,]
De Gaulle ou Alain Madelin me paraissent de bons exemples. Mais il y en a d’autres…
[Et si cet homme de droite qu’était De Gaulle a eu à “construire une société”, c’est simplement qu’elle était détruite au sortir de la guerre.]
Il n’y a pas que ça. Il y a la question de savoir si la société évolue mieux en la laissant suivre sa pente naturelle, ou si au contraire il faut la pousser – quitte à la violer – pour la diriger dans telle ou telle direction. Le « constructivisme social » est chez ces derniers, à gauche comme à droite. Les « planistes » de l’entre-deux-guerres étaient de droite, tout comme les « planificateurs » de l’après-guerre… qui étaient allés chercher leurs références chez Staline !
@ Descartes
[“Dans une société ou la droite représentait la continuité et la gauche la rupture, le constructivisme social était l’apanage de la gauche – ou des courants de droite qui cherchaient à lui ravir la représentation de la classe ouvrière, comme le fascisme ou le nazisme. Mais depuis les années 1980, les termes de l’alternative se sont inversés. Le capitalisme est rentré dans une nouvelle étape qui représente une rupture avec le consensus social des « trente glorieuses ».”]
Sans doute. Mais cette “rupture” me paraît difficilement qualifiable de “constructivisme”. J’y verrais même d’avantage une “déconstruction”, pour reprendre un terme d’ailleurs souvent employé par Zemmour. Il est vrai, en revanche, qu’elle s’oppose au “conservatisme”, mais sa grande différence, me semble-t-il, avec un véritable “constructivisme” consiste en ce qu’elle ferait en sorte que ce soit le marché, et non les hommes réunis en un corps politique, qui fasse advenir une nouvelle société.
[“Une partie de la droite a embrassé idéologiquement cette « rupture », la gauche a été bien plus ambigüe…”]
Certes. Mais je dirais que dans cette affaire, la gauche a fait la courte échelle à la droite et réciproquement. Ainsi le progressisme de gauche a-t-il largement été accepté par une partie de la droite pour mieux faire passer cette “rupture”, tandis que la gauche a fait sien le conservatisme de droite en matière économique, au nom de cet idéal “constructiviste” par excellence qu’est l’Europe, à l’égard duquel vous noterez que la droite se montre tout de même globalement plus distante.
[“Il n’y a pas que ça. Il y a la question de savoir si la société évolue mieux en la laissant suivre sa pente naturelle, ou si au contraire il faut la pousser – quitte à la violer – pour la diriger dans telle ou telle direction. Le « constructivisme social » est chez ces derniers, à gauche comme à droite.”]
Ah bon ? Franchement je ne vois rien d’autre, aujourd’hui, à droite comme à gauche, que politique du chien crevé au fil de l’eau, suivisme démagogique de l’opinion, et “politiquement correct” jusqu’à la nausée. Au moins Zemmour ne me paraît-il pas encourir ce reproche.
@ dsk
[Sans doute. Mais cette “rupture” me paraît difficilement qualifiable de “constructivisme”. J’y verrais même d’avantage une “déconstruction”, pour reprendre un terme d’ailleurs souvent employé par Zemmour.]
Je ne suis pas d’accord. La manière dont les néolibéraux se sont fixés comme objectif de construire une « société de marché » censée apporter le bonheur universel, sans l’accord des principaux intéressés et même contre eux me paraît parfaitement analogue au constructivisme social de la gauche la plus extrême dans les années 1930. Souvenez-vous du « il n’y a pas de décision démocratique contre les traités européens ». Si ce n’est pas là du « constructivisme social », il faudra m’expliquer ce que c’est.
Contrairement à ce que vous semblez penser, la droite néolibérale ne s’est pas contentée de « déconstruire » l’ordre ancien et ensuite laisser les choses prendre leur cours « naturel ». Elle avait un projet « constructiviste » et l’a mis en œuvre par tous les moyens, y compris la guerre – souvenez-vous du « state building » des Américains en Irak. La droite néolibérale des années 1980 état absolument « constructiviste ».
[Il est vrai, en revanche, qu’elle s’oppose au “conservatisme”, mais sa grande différence, me semble-t-il, avec un véritable “constructivisme” consiste en ce qu’elle ferait en sorte que ce soit le marché, et non les hommes réunis en un corps politique, qui fasse advenir une nouvelle société.]
Encore faut-il savoir comment ce fameux « marché » – et donc l’organisation sociale qui va avec – s’impose dans la société. On peut le faire par des voies démocratiques, ou bien par l’imposition par une autorité extérieure de technocrates persuadés de détenir la vérité. En quoi le fait d’imposer que tout doit être régulé par le marché est moins « constructiviste » que d’imposer que tout doit être régulé par l’Etat ?
[« Une partie de la droite a embrassé idéologiquement cette « rupture », la gauche a été bien plus ambigüe… » Certes. Mais je dirais que dans cette affaire, la gauche a fait la courte échelle à la droite et réciproquement.]
Je pense qu’il faut regarder la chose d’une façon plus globale. Ce n’est pas que la gauche ait fait la courte échelle à la droite ou réciproquement, mais surtout que la gauche et la droite (politiques), qui représentaient des couches sociales différentes en 1950, représentent la même en 2000. A partir de là, les termes « droite » et « gauche » ne veulent plus rien dire : deux secteurs du « bloc dominant » se sont succédés au pouvoir, et ont fait globalement la même politique, celle qui était dans l’intérêt des classes dominantes. La « gauche » et la « droite » ne représentent plus des politiques différentes, seulement des langages différents pour l’habiller.
[Ainsi le progressisme de gauche a-t-il largement été accepté par une partie de la droite pour mieux faire passer cette “rupture”, tandis que la gauche a fait sien le conservatisme de droite en matière économique, au nom de cet idéal “constructiviste” par excellence qu’est l’Europe, à l’égard duquel vous noterez que la droite se montre tout de même globalement plus distante.]
Dans le langage, oui. Dans les faits, on a du mal à voir la différence. L’Acte unique a été fait en cohabitation, le traité de Maastricht par la gauche, le traité de Lisbonne par la droite. J’avoue que j’ai du mal à voir une véritable différence. L’engagement à privatiser EDF et GDF a été souscrit à Barcelone par la gauche, il a été mis en œuvre sans états d’âme par la droite. Et je pourrais remplir une page d’exemples. Encore une fois, la différence entre gauche et droite n’est pas dans les politiques mises en œuvre sur le plan économique et social, mais dans le langage qui sert à les habiller.
[« Il n’y a pas que ça. Il y a la question de savoir si la société évolue mieux en la laissant suivre sa pente naturelle, ou si au contraire il faut la pousser – quitte à la violer – pour la diriger dans telle ou telle direction. Le « constructivisme social » est chez ces derniers, à gauche comme à droite. » Ah bon ? Franchement je ne vois rien d’autre, aujourd’hui, à droite comme à gauche, que politique du chien crevé au fil de l’eau, suivisme démagogique de l’opinion, et “politiquement correct” jusqu’à la nausée.]
Allez faire un tour dans les couloirs de Bruxelles, et vous verrez la différence. Nos politiques nationaux, il est vrai, tiennent un discours « constructiviste » (le Macron de 2017 est l’exemple le plus remarquable) avec cette insistance permanente sur les « réformes structurelles » censées transformer la France en une Allemagne ou des Etats-Unis bis, et qu’il faut imposer de gré ou de force à ces Gaulois décidément incapables de savoir ce qui est bon pour eux. Mais une fois élus, ils se confrontent à la réalité d’un pays qui reste très politisé et donc très réactif, et auquel il n’est pas aussi simple « d’imposer » quoi que ce soit sans casser la vaisselle. Et cela donne ensuite des politiques erratiques qui suivent généralement la voie de la moindre résistance (le fameux « chien crevé au fil de l’eau »).
C’est la limite du « constructivisme social ». Ce genre de vision ne marchent que dans des moments très précis de l’histoire, quand il y a dans la société une conscience très profonde d’une menace imminente et vitale, et que dans une logique hobbesienne la collectivité est prête à confier son destin à un « Léviathan ». C’était le cas en France en 1945 ou en 1958, dans l’URSS des années 1920 et 1930. Mais ça ne dure jamais bien longtemps : lorsque la menace disparaît et qu’on retourne à la normalité, le corps politique reprend ses droits et les couches dominantes reprennent le pouvoir. Ça donne la IVème République du petit père Queuille, la « révolution » de 1968 ou l’URSS de Gorbatchev.
[Au moins Zemmour ne me paraît-il pas encourir ce reproche.]
Non, pas celui-là…
@ Descartes
[“Je ne suis pas d’accord. La manière dont les néolibéraux se sont fixés comme objectif de construire une « société de marché » censée apporter le bonheur universel, sans l’accord des principaux intéressés et même contre eux me paraît parfaitement analogue au constructivisme social de la gauche la plus extrême dans les années 1930.”]
D’accord. Mais peut-on dire que les néolibéraux seraient de droite ? Il me semble que ce “constructivisme du marché” est au moins autant le fait d’hommes de gauche. Il n’est que de prendre mon propre exemple.
[“Souvenez-vous du « il n’y a pas de décision démocratique contre les traités européens ». Si ce n’est pas là du « constructivisme social », il faudra m’expliquer ce que c’est.”]
Cette phrase, si je ne m’abuse, est de Jean-Claude Juncker, ancien premier ministre du Luxembourg, petit paradis fiscal coincé entre trois états, pour lequel la “construction européenne” ne présente absolument que des avantages. De sa part, il s’agissait donc de pragmatisme plutôt que de “constructivisme”.
[“Contrairement à ce que vous semblez penser, la droite néolibérale ne s’est pas contentée de « déconstruire » l’ordre ancien et ensuite laisser les choses prendre leur cours « naturel ». Elle avait un projet « constructiviste » et l’a mis en œuvre par tous les moyens, y compris la guerre – souvenez-vous du « state building » des Américains en Irak. La droite néolibérale des années 1980 état absolument « constructiviste ».”]
Cette politique était le fait des fameux “neo-cons”, tous issus de la gauche, précisément.
[“Encore faut-il savoir comment ce fameux « marché » – et donc l’organisation sociale qui va avec – s’impose dans la société. On peut le faire par des voies démocratiques, ou bien par l’imposition par une autorité extérieure de technocrates persuadés de détenir la vérité. En quoi le fait d’imposer que tout doit être régulé par le marché est moins « constructiviste » que d’imposer que tout doit être régulé par l’Etat ?”]
Entièrement d’accord. Sinon, il faudrait concevoir le marché comme “naturel”, ce qui n’est pas mon cas. Néanmoins, il me semble que l’on peut difficilement parler de “construire une société” lorsqu’on compte, en réalité, sur le marché pour la faire advenir. Je dirais que ce serait un peu comme un jardinier qui se mettrait à la “permaculture”, et compterait ainsi sur la nature pour mieux se charger d’un travail qu’il accomplissait auparavant lui-même. Son jardin serait-il encore son œuvre ?
[“La « gauche » et la « droite » ne représentent plus des politiques différentes, seulement des langages différents pour l’habiller.”]
Certes. Mais ceci ne s’est-il pas réalisé au prix du rejet en périphérie de la “vraie droite” tout autant que de la “vraie gauche” ? Or, il me semble qu’il y a beaucoup plus qu’une différence de langage entre ces deux-là. A cet égard, du reste, Zemmour me semble clairement se réclamer de la “vraie droite”, qu’il aurait pour projet de ramener au centre du jeu, en quelque sorte.
@ dsk
[« Je ne suis pas d’accord. La manière dont les néolibéraux se sont fixés comme objectif de construire une « société de marché » censée apporter le bonheur universel, sans l’accord des principaux intéressés et même contre eux me paraît parfaitement analogue au constructivisme social de la gauche la plus extrême dans les années 1930. » D’accord. Mais peut-on dire que les néolibéraux seraient de droite ? Il me semble que ce “constructivisme du marché” est au moins autant le fait d’hommes de gauche. Il n’est que de prendre mon propre exemple.]
La « gauche » a certainement beaucoup contribué à la transformation néolibérale du capitalisme. Mais du point de vue théorique, la quasi-totalité des théoriciens du néolibéralisme, de ceux qui « se sont fixés comme objectif de construire une société de marché » sont de droite. La gauche a le néolibéralisme honteux, et n’a jamais théorisé sa trahison.
[« Contrairement à ce que vous semblez penser, la droite néolibérale ne s’est pas contentée de « déconstruire » l’ordre ancien et ensuite laisser les choses prendre leur cours « naturel ». Elle avait un projet « constructiviste » et l’a mis en œuvre par tous les moyens, y compris la guerre – souvenez-vous du « state building » des Américains en Irak. La droite néolibérale des années 1980 était absolument « constructiviste ». » Cette politique était le fait des fameux “neo-cons”, tous issus de la gauche, précisément.]
« Tous » ? Vous n’exagérez pas un petit peu ? Je ne pense pas que Dick Cheney ait beaucoup fréquenté la gauche. Mais ça n’a guère d’importance ici : on peut parfaitement avoir été gauchiste dans la jeunesse et être à droite à l’âge adulte. Et ce n’est pas la peine d’aller chercher outre-Atlantique, ne France nous avons pas mal d’anciens « révolutionnaires » devenus « libéraux-libertaires »…
[« Encore faut-il savoir comment ce fameux « marché » – et donc l’organisation sociale qui va avec – s’impose dans la société. On peut le faire par des voies démocratiques, ou bien par l’imposition par une autorité extérieure de technocrates persuadés de détenir la vérité. En quoi le fait d’imposer que tout doit être régulé par le marché est moins « constructiviste » que d’imposer que tout doit être régulé par l’Etat ? » Entièrement d’accord. Sinon, il faudrait concevoir le marché comme “naturel”, ce qui n’est pas mon cas.]
Dont acte.
[Néanmoins, il me semble que l’on peut difficilement parler de “construire une société” lorsqu’on compte, en réalité, sur le marché pour la faire advenir. Je dirais que ce serait un peu comme un jardinier qui se mettrait à la “permaculture”, et compterait ainsi sur la nature pour mieux se charger d’un travail qu’il accomplissait auparavant lui-même. Son jardin serait-il encore son œuvre ?]
Je ne comprends pas votre métaphore, mais puisque vous aimez les analogies jardinières, je vous en propose un autre. Le jardinier qui plante un arbuste, qui le taille, l’arrose, lui met du fertilisant, peut-il soutenir qu’il a « construit » le résultat ? Après tout, l’arbuste a grandi de par les mécanismes naturels de la reproduction cellulaire et de la génétique. Le jardinier n’a fait que « guider » ces processus.
Le constructivisme social n’implique pas nécessairement de « faire » l’arbuste. C’est aussi le fait de contraindre l’arbuste en favorisant telle croissance et en empêchant telle autre pour qu’il prenne grâce à ses propres mécanismes biologiques la forme que vous voulez. Un peu comme le néolibéral « régule » le marché pour qu’il fournisse le résultat escompté…
[« La « gauche » et la « droite » ne représentent plus des politiques différentes, seulement des langages différents pour l’habiller. » Certes. Mais ceci ne s’est-il pas réalisé au prix du rejet en périphérie de la “vraie droite” tout autant que de la “vraie gauche” ?]
Cela dépend de ce que vous appelez « vraie droite » et « vraie gauche ». Il est clair que tous les courants politiques qui représentaient une proportion non négligeable des couches populaires – le gaullisme à droite, le communisme à gauche – ont été marginalisés. Pris dans un rapport de forces qui leur est ultra-défavorable et donc sans espoir de gagner la moindre bataille, ils ont souffert de la fuite de leurs électeurs vers l’abstention ou le vote protestataire. Mais peut-on dire que ces mouvements représentaient la « vraie droite » et la « vraie gauche » ? Je ne suis pas persuadé. En quoi les gaullistes étaient plus « vraie droite » que le RN ?
[A cet égard, du reste, Zemmour me semble clairement se réclamer de la “vraie droite”, qu’il aurait pour projet de ramener au centre du jeu, en quelque sorte.]
Zemmour puise ses références dans plusieurs nuances de droite. La veille, il cite Thorez et regrette le gaullo-communisme, alors que le lendemain il se fait le chantre de l’austérité comme un vulgaire Fillon. Difficile dans ces conditions de le situer parmi les courants de la droite, vraie ou fausse…
@ Descartes
[“La « gauche » a certainement beaucoup contribué à la transformation néolibérale du capitalisme. Mais du point de vue théorique, la quasi-totalité des théoriciens du néolibéralisme, de ceux qui « se sont fixés comme objectif de construire une société de marché » sont de droite. La gauche a le néolibéralisme honteux, et n’a jamais théorisé sa trahison.”]
Sans doute. Mais peut-on dire pour autant que les ” théoriciens du néolibéralisme, sont de droite” ? A l’heure de voter, au temps où la gauche prétendait encore s’opposer au marché, ils préféraient sans doute la droite. Mais si l’on entend par “de droite” conservateur, attaché à l’autorité, aux traditions, à la Nation, à la religion etc., je doute que cela s’applique à vos “théoriciens”.
[“« Tous » ? Vous n’exagérez pas un petit peu ? Je ne pense pas que Dick Cheney ait beaucoup fréquenté la gauche. Mais ça n’a guère d’importance ici : on peut parfaitement avoir été gauchiste dans la jeunesse et être à droite à l’âge adulte. Et ce n’est pas la peine d’aller chercher outre-Atlantique, ne France nous avons pas mal d’anciens « révolutionnaires » devenus « libéraux-libertaires »…”]
Certes. Mais soutiendriez-vous alors que Cohn Bendit serait de droite ?
[“Je ne comprends pas votre métaphore, mais puisque vous aimez les analogies jardinières, je vous en propose un autre. Le jardinier qui plante un arbuste, qui le taille, l’arrose, lui met du fertilisant, peut-il soutenir qu’il a « construit » le résultat ? Après tout, l’arbuste a grandi de par les mécanismes naturels de la reproduction cellulaire et de la génétique. Le jardinier n’a fait que « guider » ces processus.”]
Je faisais référence à ce que j’ai compris, du moins, de la “permaculture”, où le jardinier ne cherche même plus à “guider le processus” mais laisse la Nature elle-même décider de ce que deviendra son jardin, en quelque sorte. Par exemple, si un légume décide de se “planter” lui-même à un certain endroit, il en conclura qu’il convient de laisser faire.
[“Le constructivisme social n’implique pas nécessairement de « faire » l’arbuste. C’est aussi le fait de contraindre l’arbuste en favorisant telle croissance et en empêchant telle autre pour qu’il prenne grâce à ses propres mécanismes biologiques la forme que vous voulez. Un peu comme le néolibéral « régule » le marché pour qu’il fournisse le résultat escompté…”]
Je pense qu’il régule surtout pour ôter tout obstacle sur la route du Marché, dont il attend qu’il produise spontanément tous les miracles.
[“En quoi les gaullistes étaient plus « vraie droite » que le RN ?”]
Plutôt l’inverse. La nébuleuse FN, autrefois, utilisait souvent le terme “fausse droite” pour désigner la droite dite “de gouvernement”.
[“Zemmour puise ses références dans plusieurs nuances de droite. La veille, il cite Thorez et regrette le gaullo-communisme, alors que le lendemain il se fait le chantre de l’austérité comme un vulgaire Fillon. Difficile dans ces conditions de le situer parmi les courants de la droite, vraie ou fausse…”]
Pour l’instant, je dirais que selon les jours, ou peut-être mes propres humeurs, je le trouve, tantôt un peu “léger”, tantôt drôle et rafraîchissant. J’ai beaucoup aimé son clip de candidature, ainsi que, je dois le dire, tous les cris d’orfraie qu’il suscite chez les “bien-pensants”.
@ dsk
[Sans doute. Mais peut-on dire pour autant que les ” théoriciens du néolibéralisme, sont de droite” ? A l’heure de voter, au temps où la gauche prétendait encore s’opposer au marché, ils préféraient sans doute la droite. Mais si l’on entend par “de droite” conservateur, attaché à l’autorité, aux traditions, à la Nation, à la religion etc., je doute que cela s’applique à vos “théoriciens”.]
On revient à un problème souvent évoqué ici et probablement insoluble, celui de la définition de la « gauche » et la « droite ». Personnellement, je ne pense pas que ces termes aient aujourd’hui une connotation véritablement idéologique. Pour moi, c’est une simple question d’héritages revendiqués – et souvent trahis. La « droite » se réclame de l’héritage gaullien tout en défaisant chaque fois qu’elle le peut l’œuvre de la Libération et de la première Vème République. La gauche s’estime l’héritière des organisations ouvrières, tout en privilégiant sans vergogne l’intérêt des couches intermédiaires. Certes, « gauche » et « droite » n’utilisent pas le même langage, ils n’ont pas les mêmes références historiques, mais quand on gratte en dessous des apparences… je pense que vous trouverez autant de partisans du marché et du capital à « gauche » qu’à « droite », autant d’étatistes ou de souverainistes, autant de traditionnalistes ou de modernistes.
La « gauche » a été aussi neolibérale que la « droite » dans les faits, mais comme elle doit garder les apparences, il lui est difficile de théoriser cette position, d’où la dissonance cognitive entre ce qu’on fait et ce qu’on dit. La droite est moins embarrassée, même si le fantôme gaullien fait qu’on ne peut pas dire certaines choses – comme Madelin a pu en faire l’expérience.
[« Et ce n’est pas la peine d’aller chercher outre-Atlantique, ne France nous avons pas mal d’anciens « révolutionnaires » devenus « libéraux-libertaires »… » Certes. Mais soutiendriez-vous alors que Cohn Bendit serait de droite ?]
Oui. Si l’on oublie mai 68 et qu’on prend ce qu’il a dit et écrit depuis vingt ou trente ans, il appartient sans aucun doute au « cercle de la raison » cher à Alain Minc. Mais même si c’est lui qui a inventé la formule « libéral-libertaire », ce n’est pas forcément à lui que je pensais en parlant d’anciens révolutionnaires devenus libéraux.
[Je faisais référence à ce que j’ai compris, du moins, de la “permaculture”, où le jardinier ne cherche même plus à “guider le processus” mais laisse la Nature elle-même décider de ce que deviendra son jardin, en quelque sorte. Par exemple, si un légume décide de se “planter” lui-même à un certain endroit, il en conclura qu’il convient de laisser faire.]
Je ne connais aucun jardinier qui fonctionne comme ça. Si vous attendez que les choses se « plantent » naturellement, cela revient à laisser votre terre en jachère…
[« Le constructivisme social n’implique pas nécessairement de « faire » l’arbuste. C’est aussi le fait de contraindre l’arbuste en favorisant telle croissance et en empêchant telle autre pour qu’il prenne grâce à ses propres mécanismes biologiques la forme que vous voulez. Un peu comme le néolibéral « régule » le marché pour qu’il fournisse le résultat escompté… » Je pense qu’il régule surtout pour ôter tout obstacle sur la route du Marché, dont il attend qu’il produise spontanément tous les miracles.]
Oui, mais pour « ôter tout obstacle sur la route du Marché », il est obligé d’en mettre d’autres. Finalement, l’analogie avec le jardinier est parlante. Si vous laissez la nature faire, alors votre arbuste sera mangé par les parasites et sa croissance sera disgracieuse, et de la même façon, si vous laissez faire vous verrez se constituer cartels et monopoles, asymétries d’information et abus de position. Alors, vous mettez un insecticide par ici, vous coupez quelques branches par là… et de la même façon, vous faires une loi antitrust par ici, une information obligatoire du consommateur…
[Pour l’instant, je dirais que selon les jours, ou peut-être mes propres humeurs, je le trouve, tantôt un peu “léger”, tantôt drôle et rafraîchissant. J’ai beaucoup aimé son clip de candidature, ainsi que, je dois le dire, tous les cris d’orfraie qu’il suscite chez les “bien-pensants”.]
Personnellement, je lui trouve le côté attachant du Don Quichotte qui charge sur les moulins à vent. Il est un peu De Gaulle à Londres en 1940, un homme seul imaginant de pouvoir par la seule magie de sa parole sauver le pays. Mais les temps ont changé. De Gaulle était le produit d’une institution puissante et enracinée, l’institution militaire. Zemmour est le produit de l’institution – si on peut appeler cela institution – médiatique. Il n’a ni la discipline intellectuelle, ni les réseaux qui lui permettraient de transformer sa folie en réalité. Après, j’ai je l’avoue un certain plaisir à l’entendre dire certaines vérités que personne ne veut dire, piétiner certaines vaches sacrées, et provoquer l’émoi parmi les dames patronnesses de la bienpensance.
jE CONFIRME : [beaucoup de militants, beaucoup d’électeurs communistes ont vu cela comme une volte-face et une trahison des principes.]
Encore aujourd’hui,le projet d’un désarmement nucléaire unilatéral est puissant.Après tout le Japon,l’Allemagne,la Corée du Sud n’ ont pas de bombes nucléaires avec les énormes dépenses afférentes,et s’en prote mieux économiquement,non?
@ Luc
[Encore aujourd’hui, le projet d’un désarmement nucléaire unilatéral est puissant. Après tout le Japon, l’Allemagne, la Corée du Sud n’ont pas de bombes nucléaires avec les énormes dépenses afférentes, et s’en porte mieux économiquement, non ?]
Le Japon ne se porte guère mieux « économiquement » que nous. Mais passons. La question ici est de savoir si « se porter bien économiquement » est l’objectif qui doit primer tous les autres. Si c’est le cas, alors il faudrait s’inspirer de la Suisse. Par contre, si l’objectif c’est aussi de peser dans les affaires du monde, de rayonner culturellement, scientifiquement, politiquement, alors l’équation est un peu différente. Il ne vous aura pas échappé que le Japon, l’Allemagne ou la Corée du Sud sont des géants économiques… et des nains politiques.
je suis pas sur que l armement nucleaire ou meme conventionnel permet de rayonner culturellement ou meme scientifiquement (si vous voulez des prix nobels, il vaut mieux financer des chercheurs que des fabriquants de chars. Il y a certes des technos qui ont ete financees par l armement mais ca reste quand meme un sous produit. De plus si l armement finance la physique il n ira jamais financer la medecine ou les math)
L objection majeure est cependant a mon avis ailleurs. Si vous avez une armee puissante a un moment ca va vous demanger de ne pas l utiliser. Un peu comme Condoleezza rice qui demandait a Powell a quoi ca servait d avoir une armee si puissante si elle ne pouvait pas s en servir pour envahir l irak
Donc a un moment ou un autre, vous allez utiliser la force pour des objectifs disons discutables et ce sont vos citoyens qui en paieront le prix (et pas qu en $)
@ cdg
[je ne suis pas sûr que l’armement nucléaire ou même conventionnel permet de rayonner culturellement ou même scientifiquement (si vous voulez des prix nobels, il vaut mieux financer des chercheurs que des fabricants de chars. Il y a certes des technos qui ont ete financees par l’armement mais ça reste quand même un sous-produit. De plus si l’armement finance la physique il n’ira jamais financer la médecine ou les math)]
Quelle erreur ! La médecine ? Vous oubliez combien la médecine de guerre a historiquement tiré derrière elle la médecine. Ainsi par exemple les effets in vitro du penicillium notatum découverts par Fleming ne donnent lieu à un médicament que grâce aux recherches des médecins militaires, qui cherchent un médicament pour réduire la mortalité sur les champs de bataille. Les mathématiques ? Pensez à tous les travaux de cryptographie… qui croyez-vous a financé les travaux de Turing, par exemple ?
La recherche militaire ne « rayonne » pas beaucoup, pour des raisons évidentes. Mais elle a un effet d’entraînement considérable. Quand les armées investissent pour développer leurs réseaux de communications, ça donne le protocole Internet. Quand elles investissent dans la bombe nucléaire, cela donne les bases pour l’industrie électronucléaire.
[L’objection majeure est cependant à mon avis ailleurs. Si vous avez une armée puissante a un moment ça va vous démanger de ne pas l’utiliser.]
L’expérience montre plutôt le contraire. L’URSS d’après 1945 avait une armée de terre extrêmement puissante, elle n’a jamais été utilisée. Il y a une bonne dizaine de puissances nucléaires dans le monde, une seule s’est servie de la bombe – et à une époque où elle n’était pas encore au faite de sa puissance. Le dicton romain « si vis pacem, para bellum » s’est largement vérifié dans l’histoire. La faiblesse a provoqué bien plus de guerres que la force…
Effectivement, le souverainisme de gauche ne semble pas porteur de quelque espoir. Le titre de cet article:” tous les chemins mènent à Zemmour” vaut pour cet épisode pour moi ahurissant de la valse de Montebourg ce week-end. Il ne pouvait pas mieux faire pour “faire le jeu de l’extrême-droite”, comme on dit quand on ne veut pas parler de sujets choquant la bien-pensance. En fait, je suis en colère: je pensais cet homme courageux, et sa débandade en 24h (sans jeux de mots) m’a laissé sur le cul. Faire une proposition pour la retirer le lendemain n’est pas digne de quelqu’un qui prétendait à présider la nation. Je parle à l’imparfait, car je pense qu’il vient de perdre son pari, de manière piteuse. Je ne vois pas sa candidature aller au premier tour.
“Les jeunes avec Montebourg” le lâchent. Qui en avait entendu parler, de cette organisation ?
Un tweet parait, basé sur les propos d’un “proche de Montebourg”, dénonçant un de ses conseillers lui-même chevènementiste dans le passé. Chevènement, le diable qu’on ressort opportunément.. Quelle comédie !
Zemmour le dit bien: il n’y a plus de partis. Alors, tout est permis. Mais je me demande si la présidentielle ne va pas être touchée à son tour par une abstention massive, avec cette présentation de postures. Alors, cette cocotte-minute dont vous parlez dans une de vos réponses aux commentaires, il suffira de l’effleurer. Je ne crois pas non plus aux possibilités de Zemmour de formuler un projet, mais je ne crois pas non plus à un deuxième mandat de Macron sans souci. Je constate également une évolution inquiétante géo-politique, et je ne vois pas la France en capacité de calmer le jeu.
Je me répète, je suis inquiet, et je partage la nostalgie de Zemmour (même si elle ne me porte pas à le soutenir) d’une France plus consistante. C’est le mot qui me vient, qui engage et sur la cohésion et sur la pertinence. Mais il me semble que la parole de la France, aux yeux de son histoire, est encore attendue. Je délire ?
@ Paul
[Effectivement, le souverainisme de gauche ne semble pas porteur de quelque espoir.]
N’exagérons rien. Le souverainisme de gauche compte encore quelques figures intellectuelles dont l’influence est non-négligeable, de Jacques Sapir à Natacha Polony, sans parler des travaux discrets mais intéressants de la fondation Res Publica autour de Chevènement. Il est vrai que cela n’a aucune traduction électorale, mais le fait de penser est déjà une source d’espoir.
[Le titre de cet article:” tous les chemins mènent à Zemmour” vaut pour cet épisode pour moi ahurissant de la valse de Montebourg ce week-end. Il ne pouvait pas mieux faire pour “faire le jeu de l’extrême-droite”, comme on dit quand on ne veut pas parler de sujets choquant la bien-pensance. En fait, je suis en colère: je pensais cet homme courageux, et sa débandade en 24h (sans jeux de mots) m’a laissé sur le cul. Faire une proposition pour la retirer le lendemain n’est pas digne de quelqu’un qui prétendait à présider la nation. Je parle à l’imparfait, car je pense qu’il vient de perdre son pari, de manière piteuse. Je ne vois pas sa candidature aller au premier tour.]
L’affaire est intéressante à deux titres. D’un côté, il y a le comportement de Montebourg dont vous soulignez à juste titre la faiblesse. Lorsqu’on veut être président de la République, on est censé avoir des convictions longuement réfléchies et donc chevillées au corps. Autrement dit, lorsqu’on fait une proposition sur un sujet aussi sérieux que notre politique étrangère, on ne peut pas jouer au jeu du « pourquoi pas ». On ne fait une proposition que si l’on est intimement convaincu que c’est la chose à faire. Et si on est intimement convaincu, on ne change pas d’avis en 24 heures sous la pression de l’opinion.
Mais elle est intéressante aussi en ce qu’elle illustre la nouvelle relation entre l’égo-politicien et ses soutiens, qui est totalement différente de celle qui pouvait y avoir entre le militant du parti politique et le candidat de son parti. Quand vous êtes militant et que vos dirigeants disent quelque chose qui à votre avis est une bêtise, il y a un débat qui s’instaure, et les dirigeants sont appelés à expliquer et justifier leur position. D’ailleurs, on sait que les dirigeants d’un parti ne sont pas tous sur la même ligne, et on vit avec ces différences. Personne ne claque la porte sur une simple déclaration. Lorsqu’on part, ce n’est jamais sur un désaccord ponctuel, mais sur un ensemble de différences de fond qui rendent trop difficile la solidarité avec l’organisation.
Un militant a avec son organisation un rapport qui est politique, et non moral. Il peut même à l’occasion être en désaccord avec la majorité de son parti, et il ne s’en va pas pour autant, il cherche au contraire à changer les orientations en participant aux débats et aux luttes internes. Je connais des militants qui ont été « minoritaires » dans leur parti toute leur vie. A l’inverse, les soutiens des égo-politiques ont un rapport avec leur leader qu’on pourrait qualifier de moral. Le dirigeant n’est pas le porteur d’une position politique – et donc discutable et susceptible de compromis – mais le leader d’une croisade morale, qui exclut tout écart, tout compromis aussi petit soit-il. Il suffit d’une déclaration « intolérable » pour que le lien soit rompu sans même qu’on entende les explications.
[“Les jeunes avec Montebourg” le lâchent. Qui en avait entendu parler, de cette organisation ?
Un tweet parait, basé sur les propos d’un “proche de Montebourg”, dénonçant un de ses conseillers lui-même chevènementiste dans le passé. Chevènement, le diable qu’on ressort opportunément.. Quelle comédie !]
Mais c’est la même chose à LFI ou à LREM. La logique de l’égo-politique fait que le lien des soutiens avec leur leader est personnel, et non pas institutionnel. On ne suit pas LFI ou LREM parce qu’on se sent membre d’une institution, mais parce qu’on est « amoureux » du leader. Et dans l’amour, une expression malheureuse peut casser la vaisselle. Robert Hue ou Georges Marchais n’étaient pas le PCF, ils n’en étaient que des dirigeants. Le militant communiste devait une loyauté à l’institution, mais pas à tel ou tel dirigeant. Et si Hue ou Marchais disaient une bêtise, il ne s’estimait pas pour autant trahi par l’institution. Il pouvait même demander la démission de Marchais ou de Hue sans pour autant quitter le PCF. Mais le militant « marcheur » ou « insoumis » – et c’est la même chose pour Montebourg – n’est pas convoqué par une institution. Il a avec le leader un rapport personnel, qui n’a pas d’intermédiaire. Lorsqu’il se sent trahi par le leader, le lien est rompu.
[Zemmour le dit bien: il n’y a plus de partis. Alors, tout est permis.]
Tout à fait. Pour moi, ce qui caractérise la politique contemporaine, c’est l’incapacité d’établir des rapports institutionnels. Tout rapport est devenu purement personnel. Et ce n’est pas qu’en politique : c’est vrai dans l’enseignement, par exemple : combien d’enseignants se sentent membres d’une institution et devoir une loyauté à celle-ci ? Même chose dans la haute fonction publique, où la logique collective du « corps » cède à chaque réforme la place à des rapports purement personnels, ou les postes sont pourvus en dehors du statut.
[Mais je me demande si la présidentielle ne va pas être touchée à son tour par une abstention massive, avec cette présentation de postures.]
On ne peut pas dire que le débat pour le moment fasse très envie. De ce point de vue, la sortie de Montebourg et la réaction qu’elle a provoqué montre bien l’état de désarroi de nos élites politiques. Il est faux de dire qu’il y a plusieurs projets qui s’opposent. La réalité est qu’il n’y a pas de véritable projet. Il n’y a que des « mesures » qu’on invente parce qu’il faut bien pouvoir répondre aux questions des journalistes – qui font souvent aux questions de l’opinion. Mais en balançant ainsi des « mesures » mal réfléchies, mal calibrées, mal évaluées, qui n’ont fait objet d’un débat politique dans leur propre camp, nos hommes politiques nous démontrent à quel point ils sont eux-mêmes désorientés, à quel point ils réagissent plutôt qu’ils n’agissent.
[Alors, cette cocotte-minute dont vous parlez dans une de vos réponses aux commentaires, il suffira de l’effleurer. Je ne crois pas non plus aux possibilités de Zemmour de formuler un projet, mais je ne crois pas non plus à un deuxième mandat de Macron sans souci. Je constate également une évolution inquiétante géo-politique, et je ne vois pas la France en capacité de calmer le jeu.]
Le premier mandat de Macron fut difficile, le deuxième risque d’être impossible. Un président réélu n’a pas d’état de grâce, parce qu’il n’a plus de capacité à surprendre. Et puis, cinq ans après son élection Macron reste un égo-politicien, sans organisation institutionnalisée pour le soutenir. LREM est toujours une coquille vide, incapable de former des cadres et d’élaborer des politiques. Macron continue à travailler avec une petite équipe qui lui est tout dévouée certes, mais qui est largement coupée de la société, d’autant plus que cinq ans dans le Palais n’aident pas dans ce domaine, et qui sur tous les sujets montre un mélange de naïveté et de cynisme confondante. Aujourd’hui, c’est par les sondages qu’on gouverne. Ce sont les études d’opinion qui ont remplace la connaissance de la société que le politique pouvait avoir à travers un corps militant.
[Je me répète, je suis inquiet, et je partage la nostalgie de Zemmour (même si elle ne me porte pas à le soutenir) d’une France plus consistante. C’est le mot qui me vient, qui engage et sur la cohésion et sur la pertinence. Mais il me semble que la parole de la France, aux yeux de son histoire, est encore attendue. Je délire ?]
Non, je ne le crois pas. La parole de la France sera attendue aussi longtemps qu’elle sera originale. De Gaulle a marqué son temps non parce que ses idées étaient géniales, mais parce qu’elles étaient différentes, qu’elles allaient à l’opposé du consensus « raisonnable » imposé par le monde anglo-saxon. Et encore aujourd’hui, notre modèle social, notre vision de l’Etat, notre rapport à la religion, au sexe ou au fait communautaire restent différents de celui du reste du monde, même si le processus d’uniformisation est bien enclenché.
Si la nostalgie de Zemmour résonne dans l’opinion, je pense que c’est en grande partie liée à cette question de différentiation et à notre capacité à la conserver.
@ Descartes
[N’exagérons rien. Le souverainisme de gauche compte encore quelques figures intellectuelles dont l’influence est non-négligeable, de Jacques Sapir à Natacha Polony, sans parler des travaux discrets mais intéressants de la fondation Res Publica autour de Chevènement.]
Au final, le piteux spectacle de bien des “souverainistes de droite” avec cette pandémie, reprenant les antiennes du complotisme le plus idiot, a montré par contraste le sérieux et la maturité politique de la plupart des “souverainistes de gauche”…
@ BolchoKek
[Au final, le piteux spectacle de bien des “souverainistes de droite” avec cette pandémie, reprenant les antiennes du complotisme le plus idiot, a montré par contraste le sérieux et la maturité politique de la plupart des “souverainistes de gauche”…]
Pas tout à fait… A droite comme à gauche, les intellectuels souverainistes ont fait preuve d’une grande maturité : pour un Sapir à gauche vous trouvez un Guaino à droite. Pour ce qui concerne les politiques, c’est semble-t-il une question de génération : en termes de sérieux et maturité, Chevènement est au même niveau que Seguin. Pour les générations plus jeunes, la comparaison est difficile parce que le souverainisme de gauche manque cruellement de cadres politiques. Au point que certains désespérés s’accrochent à l’idée que Mélenchon serait un « souverainiste »…
Il faut accepter la réalité : le « souverainisme » est redevenu une idée de droite. Et ce n’est pas tout à fait nouveau. Pensez à la gauche du début du XXème siècle, internationaliste jusqu’à l’aveuglement – un aveuglement qui signa son échec en 1914. Alors que la nation et la souveraineté populaire font partie du bagage idéologique de la gauche au début du XIXème siècle, un siècle plus tard la gauche les renie, et les reniera jusque dans l’entre-deux guerres. Il faudra la victoire du nationalisme stalinien sur l’internationalisme trotskyste puis l’expérience de la Résistance pour qu’une partie de la gauche – ceux qu’on appelait gentiment les « staliniens », pour ne pas les nommer – reprenne à son compte ces concepts, pour que « nation » et « souveraineté » cessent d’être des gros mots, pour que le drapeau tricolore et la Marseillaise reviennent dans les manifestations et les meetings à côté du drapeau rouge. Et encore : j’ai encore connu des vieux militants qui, à l’heure de chanter l’hymne national, restaient ostensiblement assis et refusaient de chanter ce chant « nationaliste ».
Avec l’oubli de l’histoire et de ses tragédies, la gauche revient à son ancien idéalisme, à cette vision bisounoursienne du monde qui l’empêche de saisir la réalité. S’il est encore possible pour un leader de la droite de se dire « souverainiste », c’est impossible pour un leader à gauche.
Vous oubliez Kuzmanovic. Qui ne s’est pas fourvoyé dans l’affaire du COVID, et à qui on ne peut ni dénier une appartenance claire à la gauche et au mouvemenent souverrainiste.
On peut saluer l’attitude raisonnable du FN dans cette crise COVID. Si on compare le FN et Philippot, et qu’on se remémore de leurs positionnements respectifs il y a 3/4 ans, Philippot était plutôt l’intello raisonnable, et le FN le mouvement très peu raisonné et réfléchi. Le moins qu’on puisse dire est que la crise COVID a été surprenante de ce point de vue ! (NDA également, qui était vu comme plus réfléchi et raisonnable, s’est totalement “vautré” dans cette histoire).
Pour moi, dans cette précampagne présidentielle, Zemmour lui sont les 2 personnalités les plus intéressantes.
@ Vincent
[Vous oubliez Kuzmanovic. Qui ne s’est pas fourvoyé dans l’affaire du COVID, et à qui on ne peut ni dénier une appartenance claire à la gauche et au mouvementent souverainiste.]
J’ai le plus grand respect pour le courage et la consistance de Kuzmanovic. Mais j’ai du mal à le qualifier de « cadre politique » de premier niveau, comparable à un Séguin, à un Mélenchon ou un Chevènement. Il n’a guère publié ses idées – ses deux uniques publications sont sa thèse de doctorat qu’on peut qualifier raisonnablement de « thèses de complaisance » vu le sujet et le nom de ses parrains. L’essentiel de son expérience s’est déroulé hors de France, dans l’humanitaire, ou bien dans la « bulle » mélenchonienne. Je vois mal une telle personnalité inspirer un mouvement en France.
[On peut saluer l’attitude raisonnable du FN dans cette crise COVID. Si on compare le FN et Philippot, et qu’on se remémore de leurs positionnements respectifs il y a 3/4 ans, Philippot était plutôt l’intello raisonnable, et le FN le mouvement très peu raisonné et réfléchi. Le moins qu’on puisse dire est que la crise COVID a été surprenante de ce point de vue ! (NDA également, qui était vu comme plus réfléchi et raisonnable, s’est totalement “vautré” dans cette histoire).]
Surprenant, mais explicable. Quand le RN était un groupuscule qui faisait moins de 1% des voix, il faisait du scandale pour se faire entendre – souvenez-vous des outrances et dérapages contrôlés du père Jean-Marie Le Pen. Mais cette phase est finie : aujourd’hui, le RN est un mouvement établi, avec des relais sur le terrain et une présence médiatique admise. Il n’a plus besoin de faire du scandale pour faire parler de lui. Et puis, il a beaucoup à perdre, ce qui est toujours une incitation à la prudence. Philippot ou NDA sont, eux, en grande difficulté, à la tête de groupuscules qui peinent à se faire entendre. Ils utilisent donc la méthode que le FN – mais aussi le Mélenchon montant du Parti de Gauche – ont utilisé avant eux : faire du scandale à tout prix. C’est l’application du vieil adage publicitaire qui veut qu’il n’y a qu’une chose pire que le fait qu’on dise du mal de vous, et c’est qu’on n’en parle pas du tout.
Ces stratégies marchent – Mélenchon et Le Pen en sont le vivant exemple – aussi longtemps qu’on sait s’arrêter. Il y a une ligne invisible qui sépare le sublime du ridicule, et qu’il faut éviter de franchir au risque de s’incinérer. Parce que le système a une longue mémoire et le public ne vous pardonnera d’avoir été trop loin. De ce point de vue, le FN a eu une tactique brillante : en remplaçant le père par la fille, ils ont effacé le registre et pris un nouveau départ. Les outrances, les excès, les dérapages qui ont permis au FN de s’imposer dans la sphère médiatique par la voix du père peuvent sans danger être reniés et désavoués par sa fille. Si JMLP a dépassé la ligne, MLP n’en est pas redevable. Là est le secret de la « dédiabolisation ». Mélenchon a plus de mal : les dérapages de son passé reviennent régulièrement le hanter, et il n’a personne à qui passer le flambeau, ayant systématiquement détruit toute personnalité pouvant lui faire de l’ombre.
A mon sens, Philippot et NDA ont commis une grave erreur en faisant du scandale sur un sujet qui ne s’y prête pas. On peut faire du scandale sur des points symboliques, le drapeau européen à l’assemblée ou sur la cravate comme Mélenchon, la mémoire de la seconde guerre mondiale comme le fait Zemmour ou en son temps Le Pen, parce que ce sont des sujets de débat académique, qui n’ont aucun effet sur notre vie quotidienne. Mais la santé n’est pas un sujet qui se prête à ce genre de divagations, surtout à un moment où la lutte contre l’épidémie est une priorité nationale et que les gens sentent confusément qu’il faut s’unir derrière une stratégie commune. Je pense que l’opinion ne leur pardonnera pas, et qu’ils auront beaucoup de mal à remonter la pente, à supposer qu’ils y arrivent.
[Pour moi, dans cette précampagne présidentielle, Zemmour lui sont les 2 personnalités les plus intéressantes.]
Zemmour est une personnalité intéressante, et le phénomène Zemmour – le fait qu’un homme relativement seul arrive à susciter un tel engouement – au point d’inquiéter à ce point les états-majors politiques – avec un discours dont le moins qu’on puisse dire est qu’il ne correspond en rien aux fantasmes de la communication « moderne » est passionnant. Mais il est intéressant en tant que phénomène, et je ne l’imagine pas gouverner le pays. Quant à Kuzmanovic, j’ai du mal à m’intéresser parce que je ne vois pas très bien ce qu’il fait. Même sur son site, on ne trouve guère du matériel indiquant qu’une réflexion est en cours…
“Si la nostalgie de Zemmour résonne dans l’opinion, je pense que c’est en grande partie liée à cette question de différentiation et à notre capacité à la conserver.”
Ne peut-on pas au contraire voir la candidature de Zemmour, et son succès (au moins actuel et simplement en intention), comme un effort des Français pour se “donner un Trump” à la française, moins riche et plus cultivé ? Il me semble parfois que les Français supportent de plus en plus mal d’être “en retard” sur les américains, et que sous couleur de nationalisme, c’est encore leur intégration plénière qu’ils revendiquent. De même, il est sûr que s’il gagnait par impossible, il aurait affaire à une opposition aussi sauvage que celle des démocrates à Trump. Une opposition à l’américaine.
@ Geo
[Ne peut-on pas au contraire voir la candidature de Zemmour, et son succès (au moins actuel et simplement en intention), comme un effort des Français pour se “donner un Trump” à la française, moins riche et plus cultivé ?]
Non. Je pense que l’analogie avec Trump est aussi trompeuse que l’analogie avec Coluche. A cela plusieurs raisons :
D’abord, il y a la base sociologique. Trump a construit son succès en captant le vote des « cols bleus » américains, des victimes du chômage, de la disparition des emplois non qualifiés, de la délocalisation de l’industrie. Ce n’est pas du tout le cas de Zemmour, qui attire un électorat socialement bien plus divers, avec une représentation des CSP+ supérieure à leur représentativité dans la société.
Ensuite, il y a la question politique. Trump ne s’est pas présenté en dehors des partis politiques. Il a été le candidat d’un parti politique, auquel il a adhéré, et issu d’une primaire à laquelle il a participé et qu’il a gagnée. Trump s’est plié aux règles de l’establishment politique. Zemmour, lui, est un outsider, un franc-tireur. Il n’a à ma connaissance jamais adhéré à un parti politique et la question de savoir s’il participerait à la primaire de la droite ne s’est jamais posée.
Enfin, Trump pouvait compter sur l’appui d’une partie de l’establishment économique. Si les entreprises mondialisées comme Google ou Apple, le regardaient avec une certaine méfiance, les capitalistes du pétrole, de la sidérurgie, des services financiers étaient séduits par l’idée d’une politique extérieure plus agressive et plus influencée par les intérêts économiques. Rien de tel pour Zemmour…
[De même, il est sûr que s’il gagnait par impossible, il aurait affaire à une opposition aussi sauvage que celle des démocrates à Trump. Une opposition à l’américaine.]
Mais justement, parce qu’il n’est pas comme Trump, il ne risque pas de gagner… et si par impossible il gagnait, il gagnerait pour des raisons très différentes, et ne serait donc pas soumis aux mêmes contraintes.
@descartes
« La classe qui contrôle le champ des idées, c’est-à-dire les classes intermédiaires, n’ont aucune envie de proposer une alternative crédible qui apparaisse désirable aux couches populaires. »
Pensez-vous que la politisation desdites classes moyennes vers la gauche révolutionnaire soit un objectif plus prioritaire que la politisation des classes populaires (ce qui n’implique pas du tous les mêmes démarches militantes concrètes) ? Ou bien que le premier objectif est une condition sina qua non du second (d’abord avoir les intellectuels puis les milieux populaires, selon un schéma finalement assez léniniste) ?
Si oui, comment ré-orienter politiquement les classes moyennes ? Parmi eux les intellectuels ont des prédispositions sociales à être insatisfait de la domination de l’économie marchande et ses effets sur la société ; comment les utiliser ? ( “il est évident que les producteurs de la vision du monde romantique représentent certains fractions traditionnelles de l’intelligentsia dont le mode de vie et de culture sont hostiles à la civilisation industrielle bourgeoise: écrivains indépendants, religieux ou théologiens (de nombreux romantiques sont fils de pasteurs), poètes et artistes, mandarins universitaires, etc. Quel est le fondement social de cette hostilité ?
L’intelligentsia traditionnelle […] vit dans un univers mental régi par des valeurs qualitatives, des valeurs éthiques, esthétiques, religieuses, culturelles ou politiques ; toute leur activité de “production spirituelle” -le terme est de Marx, dans L’Idéologie allemande- est inspirée, orientée et façonnée par ces valeurs, qui constituent, pour ainsi dire, leur raison d’être en tant qu’intellectuels. Or, étant donné que le capitalisme est un système dont le fonctionnement est entièrement déterminé par des valeurs quantitatives, il existe une contradiction fondamentale entre l’intelligentsia traditionnelle et l’environnement social moderne, contradiction qui est génératrice de conflits et de révoltes.” –Michael Löwy & Robert Sayre, Révolte et mélancolie. Le romantisme à contre-courant de la modernité, 1992, pp.118-119).
@ Johnathan R. Razorback
[Pensez-vous que la politisation desdites classes moyennes vers la gauche révolutionnaire soit un objectif plus prioritaire que la politisation des classes populaires (ce qui n’implique pas du tous les mêmes démarches militantes concrètes) ? Ou bien que le premier objectif est une condition sina qua non du second (d’abord avoir les intellectuels puis les milieux populaires, selon un schéma finalement assez léniniste) ?]
Au centre de tout, se situe le rapport de forces. Le problème fondamental de notre époque est que le rapport de forces est massivement défavorable aux couches populaires. Aussi longtemps que cet état de fait se maintien, la politisation des classes populaires dans un sens progressiste est une illusion. Pourquoi aller au conflit alors que vous n’êtes pas en mesure de gagner la moindre bataille ?
De l’autre côté, les intérêts des classes intermédiaires aujourd’hui sont toujours alignés avec celui de la bourgeoisie globalisée. Sa politisation dans un sens progressiste – je n’aime pas le terme « gauche révolutionnaire », qui ne veut plus rien dire – est donc, là aussi, difficile à concevoir. Ce qui n’exclut pas que quelques uns de ses membres, à titre individuel, puissent prendre le parti des couches populaires et essayer de penser un autre monde pour eux – dans la logique léniniste. Mais le rapport des forces fait que l’exercice a des limites vite atteintes.
[Si oui, comment ré-orienter politiquement les classes moyennes ?]
Dans le contexte actuel, c’est pratiquement impossible. Il faudra attendre que l’approfondissement du capitalisme, qui pour le moment à épargné ces couches, les touche à leur tour. Les nouvelles technologies permettent dans certains cas de mettre en concurrence nos classes intermédiaires avec celles de pays à bas salaires comme hier on a délocalisé l’industrie. Il faudra regarder avec attention les effets de cette transformation.
[Parmi eux les intellectuels ont des prédispositions sociales à être insatisfait de la domination de l’économie marchande et ses effets sur la société ; comment les utiliser ?]
Qu’est ce qui vous fait penser qu’il y a une telle prédisposition ? Vous me rappelez ce personnage d’une nouvelle de Saki (je cite de mémoire) « elle était de ces socialistes dont la tranquillité d’esprit vient en grande partie de la conviction que le monde qu’ils appellent de leurs vœux ne verra pas le jour de leur vivant, si tant est qu’il doive advenir un jour ». Les intellectuels ont des « prédispositions sociales à être insatisfait de la domination de l’économie marchande », mais ils achètent tout de même des chemisettes made in Bangladesh parce qu’elles sont moins chères.
[« L’intelligentsia traditionnelle […] vit dans un univers mental régi par des valeurs qualitatives, des valeurs éthiques, esthétiques, religieuses, culturelles ou politiques ; toute leur activité de “production spirituelle” -le terme est de Marx, dans L’Idéologie allemande- est inspirée, orientée et façonnée par ces valeurs, qui constituent, pour ainsi dire, leur raison d’être en tant qu’intellectuels. »]
Oui, mais ça, c’était avant. Du temps ou l’intelligentsia – qui méritait son nom de « traditionnelle » – se vivait comme une aristocratie de la connaissance, et donc conservait et transmettait les valeurs aristocratiques. Comme l’écrivent Lowy et Sayre, « il existe une contradiction fondamentale entre intelligentsia TRADITONNELLE et l’environnement social moderne » (c’est moi qui souligne). Mais l’intelligentsia TRADITIONNELLE n’existe plus – ou bien sous la forme de vieux dinosaures comme Finkielkraut ou des marginaux comme Guaino. L’intelligentsia aujourd’hui est désespérément « moderne »…
Bonjour à tous,
Si je peux ajouter mon grain de sel à la discussion sur le recrutement dans la fonction publique, en particulier à la banque de France, je dirais ce que j’ai souvent entendu : L’arnaque est très simple, la tenue des concours est très confidentielle ; ainsi ne se présente que la famille des agents ou quelques rares amateurs de la chose .
Telle est ma modeste contribution.
Merci à tous pour la qualité des débats. Il
@ Caton33
[ L’arnaque est très simple, la tenue des concours est très confidentielle ; ainsi ne se présente que la famille des agents ou quelques rares amateurs de la chose.]
Chaque année, est publié au JO un tableau des concours prévus sur l’année. L’ouverture du concours est annoncée elle aussi par un arrêté au JO. Parler de “confidentialité” me semble un peu exagéré…
qui lit le JO ?
En particulier pour des postes qui necessitent peu d etudes (ex operateur pour une machine qui fait les pieces de monnaies).
@ cdg
[qui lit le JO ?]
Les gens qui veulent passer des concours de la fonction publique!
Il y a-t-il eu un papier de Descartes (le notre !) qui ait eu autant de commentaires ?
Cela montre au minimum que le personnage et ce qu’il dit ont un écho qui dépassent largement les catégories auxquelles il s’adresse depuis 2 mois.
Bien que le sujet ne soit pas le même je me permet d’utiliser ce commentaire pour signaler deux papiers que je viens d’écrire sur mon blog concernant le rapport du GIEC et la COP26. Merci à Descartes de tolerer ce détournement. Un article sur la COP26 ici par notre “maitre” serait l’occasion d’échanger sur ce thème.
@ Gérard Couvert
[l y a-t-il eu un papier de Descartes (le notre !) qui ait eu autant de commentaires ?]
Oui, très largement ! Je crois que le record est autour de 350 commentaires…
[Bien que le sujet ne soit pas le même je me permet d’utiliser ce commentaire pour signaler deux papiers que je viens d’écrire sur mon blog concernant le rapport du GIEC et la COP26. Merci à Descartes de tolérer ce détournement.]
Mais… aucun problème. Dès lors qu’il s’agit de diffuser vos propres écrits, pas de problème.
[Un article sur la COP26 ici par notre “maitre” serait l’occasion d’échanger sur ce thème.]
Franchement, c’est un sujet qui ne m’inspire en rien. Les COP sont des grandes messes qui ne servent qu’à donner l’illusion qu’on fait quelque chose – et de promouvoir le business des ONG et autres institutions qui vivent de la chose.
Comment une personne qui considère que Robespierre a trahi les idéaux humanistes peut faire chanter à ses élèves une chanson qui identifie « ma France » à celle de Robespierre ? Soit il n’a pas lu le texte de la chanson – ce qui remet en doute son affirmation comme quoi il la fait chanter à ses élèves – soit il est bien plus modéré dans son enseignement de la Révolution qu’il ne veut bien le dire…
Franchement, ce qu’il écrit sur Napoléon Ier, sur la colonisation et sur Victor Hugo ne tient pas beaucoup mieux la route… Ce type est un pitre imbibé de bien-pensance ; mais pas de connaissances.
Bonjour Descartes.
Vous dites dans votre article :
[Nous sommes assis sur une cocotte-minute qui monte en pression depuis quarante ans, et dont on a bouché la soupape de sécurité. Bien sûr, celui qui tapote la cocotte risque de la faire exploser. Mais il ne faut pas se faire d’illusion : si on ne la tapote pas, elle explosera quand même.]
Je me demande à quoi vous pensez. Si vous parlez des aspects économiques et institutionnels, le pays peut continuer longtemps sa chute : il y a de par le monde des élites tout à fait satisfaites d’être des parasites à la tête de pays en déliquescence, tant qu’elles conservent leur position. Si vous parlez des aspects sociaux, là aussi je ne vois pas *nécessairement* d’explosion à venir : il peut y avoir des crises comme celles des Gilets Jaunes, mais pour les classes dominantes, ce fut plus de peur que de mal, et comme les classes populaires continuent à être de plus en plus atomisées et remplacées, il est improbable que l’aggravation de la situation débouche sur plus d’organisation de leur part et leur transformation spontanée en une menace pour les classes dominantes.
@ Dell Conagher
[Je me demande à quoi vous pensez. Si vous parlez des aspects économiques et institutionnels, le pays peut continuer longtemps sa chute : il y a de par le monde des élites tout à fait satisfaites d’être des parasites à la tête de pays en déliquescence, tant qu’elles conservent leur position.]
Oui. Mais réussiront-elles à garder cette position dans un pays en déliquescence ? C’est probable pour la bourgeoisie, dont la position tient à son contrôle du capital, car le capital est mobile. Mais pour les classes intermédiaires, c’est moins évident. Une bonne partie de leur statut et de leur niveau de vie tient aux systèmes de redistribution nationaux.
[Si vous parlez des aspects sociaux, là aussi je ne vois pas *nécessairement* d’explosion à venir : il peut y avoir des crises comme celles des Gilets Jaunes, mais pour les classes dominantes, ce fut plus de peur que de mal,]
Oui et non. En une semaine, ils ont lâché 15 Md€, et ça aurait pu aller beaucoup plus loin. Il ne faut pas surestimer le mouvement des GJ, mais il ne faut pas le sous-estimer non plus… Il est clair qu’avec le rapport de forces tel qu’il est, il est difficile d’imaginer que les couches populaires se regroupent autour d’organisations en mesure de disputer le pouvoir aux classes dominantes. Mais l’atomisation des couches populaires peut conduire au désordre, et le désordre est mauvais pour les affaires.
@ Descartes,
Un petit hors-sujet parce qu’il devient tellement rare de voir une personnalité faire l’éloge de son assimilation qu’il faut savoir l’apprécier pour ne pas perdre espoir. Voici ce qu’a posté l’auteur de BD Riad Sattouf sur F***book dernièrement:
“On me pose souvent cette question : “mais vous qui êtes un mélange de deux cultures, vous vous sentez plutôt Français ou plutôt Syrien ? Et que pensez-vous de la France ?”
Quand j’étais enfant, j’habitais un petit village en Syrie où il n’y avait pas un seul livre. Je lisais les Tintin que ma grand-mère Bretonne m’envoyait par la poste et qui mettaient trois mois à arriver. Lorsque j’ai appris que ces livres n’étaient pas des phénomènes naturels mais qu’ils avaient été créés par un humain, je me suis choisi immédiatement mon identité : être l’une de ces personnes qui écrivent et dessinent des livres.
Mais cette identité était un rêve à atteindre ! Je ne remercierai donc jamais assez la France de m’avoir aidé à transformer ce rêve d’enfance en réalité d’adulte.
Merci à la France et à ses professeurs pour la meilleure partie de mon éducation, merci pour les années de bourses, d’allocations, d’aides diverses et variées qui n’existent qu’ici et qui m’ont permis de poursuivre ce chemin que tous trouvaient si compliqué, aléatoire et risqué…
La France a toujours représenté pour moi l’amour des idées, des livres, de la liberté d’expression, le lieu précieux de la curiosité de l’Autre.
J’ai beaucoup voyagé grâce à mes livres, j’ai vu de beaux endroits, rencontré des lecteurs merveilleux partout sur terre, mais je n’ai pas trouvé de pays meilleur qu’ici ! La France c’est une idée et un paradis.”
C’est fou d’en arriver là, mais on en arriverait presque à qualifier ce genre de manifeste d’acte courageux, surtout dans le microcosme culturel. Ceci dit Riad Sattouf n’a jamais cédé aux sirènes de la bienpensance/repentance, sans doute parce que lui sait d’où il vient, et n’a aucune envie d’y retourner…
@ P2R
[C’est fou d’en arriver là, mais on en arriverait presque à qualifier ce genre de manifeste d’acte courageux, surtout dans le microcosme culturel.]
Oui, il faut du courage aujourd’hui pour parler de l’assimilation en ces termes. Mais ne croyez pas que Riad Satouf soit une exception. Vous trouverez ce genre d’enthousiasme chez beaucoup d’immigrés assimilés – et je vous parle d’expérience. Paradoxalement, ceux qui vouent aux gémonies l’assimilation, qui la dénoncent comme une forme de racisme ou de colonialisme sont essentiellement des Français “de souche”. Je me souviens encore du débat quand il avait été proposé que les naturalisés prêtent serment. Ce sont les bienpensants qui ont poussé les cris d’orfraie. Les naturalisés, eux, étaient massivement favorables.