Cette semaine a encore été marquée par la séquence hollandaise. Après son show de dimanche dernier – que j’ai commenté dans mon papier précédent – nous avons eu droit jeudi à la présentation de son “projet présidentiel” – chiffré, s’il vous plaît – puis à sa prestation dans l’émission “des paroles est des actes” sur France 2. Si ça continue, je vais me ruiner en chocolat et détruire ma ligne…
Le “projet présidentiel” d’abord (1). En fait, utiliser les mots “projet” ou “programme” pour désigner ce genre de document revient à travestir leur signification à la limite du supportable. Un “programme”, c’est un document qui décrit des mesures concrètes y compris dans leurs conditions de réalisation. Un “projet” implique une vision globale, cohérente, hiérarchisée et chiffrée. Le document publié par l’équipe Hollande ne fait ni l’un ni l’autre. Comme celui du Front de Gauche, il s’agit d’un catalogue de mesures (2). Un catalogue qui n’établit aucune hiérarchie entre les propositions, une mesure de réforme radicale coûtant des milliards et nécessitant des années pour être réalisée peut côtoyer une reforme purement symbolique affectant quelques centaines de personnes. Un catalogue qui n’aborde que rarement la manière comment les propositions pourraient être mises en oeuvre (3). Mais qui, fidèle à la technique marketing des “groupes cible”, contient une proposition pour faire plaisir à chacun: aux antinucléaires, la fermeture de Fessenheim, aux amis du nucléaire, la “modernisation de l’industrie nucléaire” et la continuation de l’EPR de Flamanville. Aux homosexuels le mariage et l’adoption, à la maffia culturelle le “plan national d’éducation artistique”, aux handicappés on “garantira l’existence d’un volet handicap dans chaque loi” (4), aux régionalistes la “ratification de la charte des langues régionales ou minoritaires”. Et bien entendu, à la population qui n’a pas la chance d’être homosexuelle, handicappée ou d’appartenir à telle ou telle communauté, on promet mondes et merveilles: santé, éducation, logement, ce sera Bizance.
Mais sous cet oecumenisme de façade, le “projet présidentiel” est le fruit d’un choix résolument girondin. Car il y a une catégorie qui a été oubliée dans la distribution: les “républicains” plus ou moins jacobins. Pour eux, il n’y a rien. Par contre, le “projet” contient tout ce qu’ils détestent: les concessions aux particularismes régionaux (ratification de la charte des langues régionales et minoritaires, constitutionnalisation du régime particulier de l’Alsace-Moselle…), réduction des compétences de l’Etat (“nouvelle étape de la décentralisation” donnant “plus d’autonomie” aux collectivités locales), transfert de nouvelles pouvoirs et compétences vers les institutions européennes. Sous le discours qui prétend réconcilier la gauche du “non” et la gauche du “oui”, se cache en fait le choix d’ignorer olympiquement l’une de ces deux composantes.
Quant au chiffrage proposé en annexe au texte, c’est de la poudre aux yeux. Cela ne coûte pas cher de remplir un tableau avec des “hypothèses de croissance” ou des “objectifs de désendettement”. Ce qui est compliqué, et que le texte ne fait pas, c’est de montrer comment ces hypothèses et ces objectifs seront remplis. En fait, le “chiffrage” se limite à une pétition de principe: toutes les mesures proposés seront financées par des économies ailleurs. Des économies qu’on se garde bien, dans beaucoup de cas, de préciser. Par exemple, il est écrit que la dépense publique n’augmentera pas, et qu’on crééra 60.000 postes d’enseignant et 5.000 postes dans la police et la gendarmerie. Ce qui suppose donc que ces 65.000 postes soient pris ailleurs. Ou ? Le texte ne le dit pas. Ce n’est pas sérieux.
Ce qui permet de faire une belle transition pour commenter la prestation du candidat socialiste à l’émission “des paroles et des actes”. Au cours de l’émission, la question précise de l’origine de ces postes lui fut posée par deux fois. Et par deux fois, le candidat a essayé de noyer le poisson en parlant des départs à la retraite des fonctionnaires qui permettraient de libérer les postes nécessaires, faisant mine d’ignorer qu’un départ à la retraite ne permet de créer un poste d’enseignant à effectif total constant que dans la mesure où il n’est pas remplacé dans son administration d’origine. Interrogé sur ce point, Hollande a refusé plusieurs fois d’indiquer quelles seraient les administrations ainsi affectées. Il a tout juste consenti à dire que ce ne serait pas pôle-emploi…
En fait, tant le document comme la prestation télévisée aboutissent au même constat: le candidat n’a pas de “projet”. Il n’a pas une vision globale des problèmes et des solutions qu’il entend apporter. Il a une vision parcellaire, qui associe à chaque “communauté” un problème, et à chaque problème une solution. Solution qui peut être assez précise sur les sujets sociétaux (“légalisation du mariage gay”) mais qui devient floue dès qu’on aborde les questions économiques, sociales, et institutionnelles. Dans ces domaines, on se limite souvent à proposer “une réforme” sans aucune indication du sens qu’une telle réforme pourrait prendre.
Pour le reste de l’émission avait un côté étrange. Comme lors du meeting du Bourget, François Hollande a presque toujours tenu un discours artificiel, cartonné, rempli des formules creuses que ses communiquants semblent apprécier et dont il nous avait gratifié pendant son discours de dimanche dernier. Il n’est redevenu véritablement naturel que lors de son échange avec Alain Juppé: ce n’est qu’à ce moment-là qu’il a quitté son discours en carton-pâte pour s’engager dans un véritable débat de niveau ENA, de haute qualité sans doute mais fondamentalement incompréhensible pour le commun des électeurs. Elle est triste, cette société médiatique où des hommes doivent cacher leurs qualités intellectuelles et feindre l’imbécillité pour avoir une chance d’obtenir l’appui du peuple. Pompidou se permettait de citer Eluard de mémoire, et Giscard de parler de son passage par l’école Polytechnique et l’ENA devant les journalistes. Et ces gestes, loin de leur faire perdre des voix, contribuaient à leur stature présidentielle. Trente ans de discours anti-intellectuel et anti-élitiste dans le sillage de mai-68 ont fait qu’un candidat à la présidence de la République hésite, dans son portrait personnel, à parler de son passage par l’ENA.
Hollande a d’ailleurs un gros problème dans sa présentation personnelle. Il est tout simplement incapable de produire un récit – vrai ou inventé, peu importe – d’un épisode, d’un événement qu’il considère formateur et emblématique de sa personnalité. Pour Séguin ou pour Mélenchon, il y a une enfance difficile, dans un pays différent, puis le rapatriement en métropole. Pour Chirac, il y eut le service militaire en Algérie. Pour Cohn-Bendit, mai 1968. Mais quelle est l’expérience fondatrice de François Hollande, celle qui a forgé son caractère ? Sa vie de couple avec Ségolène, peut-être ?
L’incapacité d’Hollande à produire un récit épique de sa propre vie (5) est peut-être le trait le plus inquiétant du candidat. Son obsession avec la “normalité”, son refus de présenter chez lui le moindre trait qui pourrait le rendre exceptionnel devraient, dans un système politique sain, être pris comme des signes qu’il n’est pas qualifié pour exercer les plus hautes fonctions. La modestie est certainement une vertu, mais pas de celles qu’il faut exiger d’un chef d’Etat. Pour incarner la grandeur, il faut la désirer.
Descartes
(1) Le texte complet est consultable ici.
(2) Madamina, il catalogo è questo / Delle belle che amò il padron mio / un catalogo egli è che ho fatt’io / Osservate, leggete con me. Je dis ça pour ceux de mes lecteurs qui aiment les devinettes…
(3) Et lorsqu’il les aborde, c’est souvent d’une manière tellement maladroite que c’en est comique. Le comble est la mesure N°46 (“inscrire les principes fondamentaux de la loi de 1905 dans la constitution“). Pour une fois, la proposition contient le moyen de sa mise en oeuvre: “à l’article 1er, un deuxième alinéa ainsi rédigé : « La République assure la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes et respecte la séparation des Églises et de l’État, conformément au titre premier de la loi de 1905, sous réserve des règles particulières applicables en Alsace et Moselle. »”. Ce serait une révolution en matière constitutionnelle: ainsi la constitution, qui est la norme suprême, ferait référence à un texte juridique de rang inférieur… Que deviendrait cet article constitutionnel si le titre Ier de la loi de 1905 était modifié, voire abrogé, par un vote du Parlement ?
(4) Une obligation qui pourrait donner des résultats comiques. Pour prendre un exemple réel, quel pourrait être le “volet handicap” de la loi interdisant l’exploitation des gaz de schiste par fracturation hydraulique, récemment votée ?
(5) Point n’est besoin que le recit soit vrai. Beaucoup d’hommes politique se sont forgés, à partir d’une enfance et d’une jeunesse assez quelconque, une légende fait d’événements vrais et fantasmés. Ce récit n’est pas à proprement parler un mensonge. C’est une manière de présenter à l’électeur non pas son moi, mais son surmoi, non pas ce qu’on est, mais ce qu’on aurait aimé être. Et ces légendes nous disent bien plus sur les hommes qui les ont inventées qu’une biographie rigoureuse.
Je réponds au commentaire de Malesherbes concernant le show au Bourget devant pseudo-VIP qui concerne en fait ce topic sur le “projet” de Hollande :
Commentaire n°11 posté par
marc malesherbes hier à 21h04 :
“il me semble que les propositions (les orientations) exprimées par F Hollande mériteraient d’être analysées au fond:
1- le coté de gauche indiscutable de son projet, c’est la taxation accrue des plus riches, du profit distribué aux actionnaires. Ce n’est pas à négliger. A cela on peut ajouter diverses
mesures qui vont dans le sens d’une plus grande justice pour les moins favorisés (premières consommations de gaz, électricité à prix bas …à confirmer)”
La taxation des + riches, de la part de Hollande, je m’esclaffe de rire (même Sarko l’a dit) – en tout cas, les VIP qui se sont précipités au Bourget n’avait pas l’air d’avoir leurs jambes qui
tremblent. Il ne dit pas quelle tranche de revenus, quelle réforme fiscale précise il veut faire, ni comvien de ménages ça va toucher (c’est avec des taxations sur 200 très très riches qu’on
augmente les recettes globales de l’état ?). Quant aux actionnaires, je veux bien, mais il est vague et évasif. La taxe Tobin ? Son l’esprit à la base était, il me semble, pour empêcher la
formation de bulles. OK s’il avait cet objectif, je l’écouterais attentivement, mais un eurolâtre fanatique comme lui sait qu’il buterait avec ses “partenaires” européens, comme Sarko.
Quand aux m3, kWh, téléphonie et autres gratuits pour les ménages les + modestes, c’est un copier-coller du programme du Front de Gauche. Là encore, je suis d’accord sur l’idée, mais sans
chiffrage, j’attends. Et comme t’a répondu Descartes, pourquoi ne pas viser une politique qui augmente les revenus des humbles ?
Une piste : supprimer certaines réductions d’impôts qui touchent un nombre de personnes beaucoup plus nombreuses que les 100 ménages millionnaires, type les services à la personne ou
l’acquisition d’un logement. Arggggh mais Hollande se mettrait son électorat à dos (il a été sincère sur ce point : les classes moyennes).
2- on peut ajouter à ces mesures économiques, diverses avancées “politiques et “sociétales” souhaitables ( ex: non cumul des mandats, vote des étrangers, droit de la fin de vie, mariage gay,
retrait d’Afghanistan .. )
Le pourquoi des VIP présents au Bourget : ce sont des mesures “progressistes” et les people prouvent qu’ils seraient “de gôche”.
Non cumul des mandats : ça toucherait donc 70 % des élus du PS, tu vois vraiment Hollande le faire sérieusement ? Le non cumul des indemnités d’élus serait plus intéressant.
Vote des étrangers aux élections locales : avant j’étais indifférente à cette mesurette, mais cette vieille lune des gauchistes a tendance à m’agacer. Demande-toi pourquoi les étrangers qui sont
présents depuis 10 ans ne demandent pas directement la nationalité pour jouir de tous les droits ? C’est parce qu’ils ne se sentent pas appartenir à la République, ce qui est leur droit.
Euthanasie : n’ayant jamais eu à faire face à un cas extrème et n’ayant personne dans mon entourage proche ou ma famille appartenant au corps médical, je n’ai jamais réfléchi profondément à la
question. Mais à première vue, j’aurais tendance à être contre pour le moment. En tout cas pour l’élection 2012, c’est un micro-phénomène et ya plus urgent.
Mariage gay : je n’ai rien contre, mais comme pour l’euthanasie, c’est sans importance, et ça ne déterminera jamais mon choix. Un candidat de droite peut parfaitement les proposer.
Bref, loin d’être progressiste, Hollande veut surtout faire plaisir à des communautés qui ont leur marotte médiatisée par des people à la mode (gays, anti-racistes), mais il n’a fait aucune
réflexion sur notre République : normal en bon régionaliste, il croit que l’addition des petits intérêts locaux donnera l’intérêt général.
Hollande suit le même destin que l’espagnol Zapatero qui a été si progressiste dans les années 2000 et dont on nous bardait les oreilles : mariage gay, politique pour les
femmes battues, régularisation de 800 000 travailleurs étrangers, couvertures du Nouvel Obs et autres avec la belle Penélope Cruz sur l’Espagne moderne qui réussit, et j’en passe. Boom 2010
: + 20 % de chômage, défaite historique des socialos (totalement méritée pour ma part), l’Espagne des ANNEES à s’en remettre.
PS : Et je suis effrayée par la consolidation de l’Alsace-Moselle.
Retrait des troupes d’Afghanistan : enfin une mesure qui aurait trait à quelquechose de grand, la République et sa politique étrangère. Mais il ne dit rien de l’OTAN, de la vassalisation de la
France. Et comme il est eurobéat, et que le machin européïste est sous influence US côté politique étrangère, et voit l’OTAN comme son bras armé…
3- ce qu’on peut regretter, c’est l’acceptation complète de la logique européenne actuelle qui nous entraînera vers toujours plus de chômage et un appauvrissement progressif. Il devra
constater qu'”il n’y peut rien”
C’est justement l’ESSENTIEL. A partir du moment où on a accepté la logique européïste, on transforme la France en future-Belgique, qui est l’état “européen” le plus “abouti” : un pouvoir central
volant en éclat, des régions qui ont leurs langues et recettes jalousement gardées, etc (pour l’Espagne, c’est différent historiquement parlant à cause de l’histoire et la défaite de la
république espagnole, mais ils vont sur le même chemin).
nb: il n’est pas interdit d’espérer qu’il rendra les services publics (éducation, police, justice, santé …) plus efficaces, mais sur ce sujet je n’espère pas trop (en général les périodes
socialistes n’ont pas montré sur ce plan de capacités particulières)
Je n’espère rien de sa part : pour moi absention au 2ème tour.
S’il voulait vraiment les rendre plus efficaces, ce n’est pas qu’une question de recettes de l’état : il faut donner envie de Servir l’Etat (et pas que ce soit un choix par défaut face à la peur
du chômage), il faut un esprit républicain exigent.
@ Banette
en vous remerciant de vos commentaires qui étaient sur le fond,
j’aimerai rajouter une dimension: il y a ce que les candidats disent (promettent) et ce qu’ils feront “en situation” (1)
En ce qui concerne F Hollande, on peut douter qu’il applique “complètement” ses engagements :
1- sur la fiscalité des plus aisés et sur celle des profits du capital: il va se trouver une foule de personnes pour expliquer que c’est trop, qu’il faut faire progressivement, qu’il y a les
“risques” d’évasion en Europe (comme du temps des Huguenots). Mais je parie qu’il fera quand même un “petit” quelque chose, et que ce sera mieux qu’avec N Sarkozy.
2- sur la réduction des premières consommations de gaz, électricité … tant mieux si il reprend une proposition du Front de Gauche; Il me semble qu’il va l’appliquer au moins partiellement car
c’est la seule mesure qui peut satisfaire “directement” les moins favorisés. De plus cela ouvre une brêche importante pour de nouvelles revendications sur de nouveaux minima sociaux. C’est
écologiquement compatible. Ce sera mieux qu’avec N Sarkozy.
3- sur les diverses mesures politiques et sociétales, il me semble qu’il devrait les satisfaire: cela ne coûte rien et correspond bien aux motivations de son électorat. Le seul point délicat sera
le cumul des mandats et la “dose” de proportionnelle. Je parie à nouveau qu’il en fera un petit peu. Ce sera moins mal qu’avec N Sarkozy.
4- sur l’orientation d’ensemble de la politique européenne, ce sera comme avec N Sarkozy, en un peu moins maladroit et matamore (ce ne sera pas difficile)
En conclusion je voterai certainement (à ce jour) pour F Hollande au deuxième tour, car je ne vois pas comment il pourrait faire pire que N Sarkozy (2)
(1) pour ceux qui ont la mémoire très courte, il suffit de comparer les discours d’avant élection de N Sarkozy et ce qu’il a fait après, même en tenant compte des événements internationaux qui se
sont imposés à la France. Mais on peut aussi remonter à Chirac, Mitterand…
(2) même si il ne faisait “rien”, il suivra les orientations européennes (comme N Sarkozy) et je ne le vois pas aller dans les dérives vraiment pénibles de N Sarkozy et de ses soutiens (l’UMP).
La seule chose que l’on peut aimer chez N Sarkozy, c’est son coté va-t-en guerre en Lybie, couplé avec l’amour du pétrole Lybien. Mais, même dans ce cas, je n’ai pas suffisament regardé pour
savoir si c’était la bonne solution qu’il a adopté. Un autre point positif de N Sarkozy, c’est l’introduction d’une certaine dose de concurrence dans le service public, mais là encore je n’ai pas
vu d’étude à postériori sur les “résultats”. Et il ne faut pas faire d’idéologie: ces mesures ont-elles été adaptées et profitables compte tenu de notre “manière” de nous comporter ?
En conclusion je voterai certainement (à ce jour) pour F Hollande au deuxième tour, car je ne vois pas comment il pourrait faire pire que N Sarkozy
Je ne vous savais pas manquer d’imagination à ce point… Sarkozy a fait beaucoup de mal, mais on peut toujours faire pire. Ainsi, par exemple, Hollande nous promet la fermeture de Fessenheim, la
ratification de la charte des langues minoritaires et régionales, le vote des immigrés… sur tous ces aspects, Hollande “ferait pire” que Sarkozy. Et je me suis limité dans ma liste aux
promesses écrites du candidat. Mais je n’oublie pas que François Hollande fut un soutien inconditionnel du gouvernement Jospin avec son long cortège de privatisations…
Franchement, “à ce jour” je ne saurais pas dire quel serait mon vote au deuxième tour, au cas où Sarkozy et Hollande seraient face à face.
@ Descartes
“Hollande nous promet la fermeture de Fessenheim”
Oui mais il promet aussi qu’il n’autorisera pas la construction de nouvelles centrales nucléaires, sans, à ma connaissance, proposer
d’alternative (il ne fait même pas référence au grotesque scénario Négawatt).
Je peux comprendre qu’on soit opposé au nucléaire, moi-même j’ai des réserves, mais étant pragmatique et ayant quelques
notions de physique, je vois mal comment on pourrait sortir du nucléaire en maintenant notre consommation d’électricité actuelle et sans faire appel aux énergies fossiles émettrices de
CO2, comme le charbon ou le gaz naturel, ce qui me conduit à penser que le nucléaire est une bonne énergie, une bonne solution, à condition qu’il soit exploité avec toutes
les mesures ad hoc de sécurité.
Mais ce que je n’admets pas c’est qu’on puisse adopter un discours en dehors des réalités, c’est aussi le reproche que je fais à Méluche. Si
le discours n’est pas clair et crédible sur un domaine aussi fondamental que l’énergie, que penser du reste?
On a vu avec Superphénix que le PS est capable de nous tirer une balle dans le pied pour donner des gages aux verts, on est pas à l’abri
d’une balle dans l’autre pied si hollande prend les manettes. Perso je ne voterais pas Sarko (blocage dans mon ADN), mais en aucune façon Hollande. Ce sera Chevènement au premier tour et
abstention au deuxième et beaucoup de tristesse et d’inquiétude pour l’avenir (pas le mien, il est derrière moi).
On a vu avec Superphénix que le PS est capable de nous tirer une balle dans le pied pour donner des gages aux verts,
C’est bien pourquoi le raisonnement “je vote Hollande au deuxième tour parce qu’il ne peut pas faire pire que Sarkozy” me paraît un peu
court. Il n’y a aucune garantie que les socialistes ne fassent “pire”. Il est vrai que Hollande a peu de chances de dire “casse toi pov’con”, de critiquer la Princesse de Clèves ou de passer son
week-end sur un yatch. Mais je suis plus sensible aux réalités qu’aux symboles. Et je pense par exemple qu’une privatisation d’EDF est
bien plus probable sous un gouvernement de gauche que sous un gouvernement de droite. Après tout, il ne faudrait pas oublier que c’est toujours Jospin qui détient le record des
privatisations.
Perso je ne voterais pas Sarko (blocage dans mon ADN), mais en aucune façon Hollande.
Moi, je ne dis jamais “fontaine, je ne boirai pas de ton eau”. C’est aussi dans mon ADN. J’attends de voir quels sont les alliances et les
engagements de chacun. Mais je peux te dire que si je devais choisir aujourd’hui, j’aurais beaucoup de mal à me décider.
Ce sera Chevènement au premier tour et abstention au deuxième et beaucoup de tristesse et d’inquiétude pour l’avenir
Je crois qu’on est sur la même longueur d’onde. Sauf que moi je ne m’abstiens jamais. C’est contraire à mes principes.
Alors qu’on décortique le programme de Hollande, voici une critique du gaulliste Roland Hureaux sur le projet de suppression du quotient familial.
http://roland.hureaux.over-blog.com/article-defendre-le-quotient-familial-98199068.html
Cela fait du bien de lire des personnes qui ont encore une vision à long terme.
Hollande veut fusionner CSG et IR, et dans le processus supprimer le quotient qui serait remplacé par un crédit d’impôt.
Je suis tout à fait d’accord avec Hureaux. On peut même pousser plus loin le raisonnement. Dans une société qui croit à son avenir, on donne les moyens d’avoir et d’élever des enfants. Lorsqu’on
commence, comme la gauche française, à juger que les régimes de retraite sont plus dignes d’attention que la politique familiale, il faut commencer à se poser des questions.
@ Descartes, sur Fessenheim
la fermeture d’une centrale sur l’ensemble de nos centrales, ce n’est quand même pas la catastrophe (pour moi, c’est marginal, et cela vaut bien un accord avec les verts).
Et puis il y a un aspect positif qu’il ne faut pas négliger: ce sera la première expérience “réelle” pour nos ingénieurs du démantellement d’une centrale importante (1)
Je parie que l’on va s’apercevoir que cela coûte plus cher que prévu, et que donc l’intérêt de poursuivre l’entretien des centrales exixtantes va se trouver renforcé (2) …
(1) Il y a eu, à ma connaissance, une seule petite centrale démantelée à Brenilis, en Bretagne;et (via Wikipedia) on peut s’apercevoir que ce n’est déjà pas simple, long, et coüteux.
(2) sauf pour les fanatiques qui pensent que tout est gratuit, et qu’il suffit d’imposer les riches.
la fermeture d’une centrale sur l’ensemble de nos centrales, ce n’est quand même pas la catastrophe (pour moi, c’est marginal, et cela vaut bien un accord avec les verts).
Je crois que tu sous-estimes l’importance du précédent et du symbole. D’abord, je trouve curieux qu’on puisse défendre l’idée qu’on puisse acheter un “accord” électoral avec de l’argent public.
Car la fermeture de Fessenheim, c’est bien jeter à la poubelle des centaines de millions d’euros en production perdue. Mais surtout, c’est donner un brevet de respectabilité au fanatisme. C’est
admettre qu’un groupuscule minoritaire impose ses obsessions à l’ensemble de la collectivité en jouant de son rôle charnière. Si le sacrifice de Fessenheim “vaut bien un accord avec les verts”,
faudra-t-il demain sacrifier un parc naturel pour avoir l’accord des chasseurs ?
Il faut être rationnel: si l’on accepte la fermeture de Fessenheim aujourd’hui, il n’y a aucune raison de ne pas fermer Tricastin et Bugey l’année prochaine, et Gravelines l’année d’après. Car il
faut être conscient que si Fessenheim est “la doyenne”, elle ne l’est que de quelques mois. Les réacteurs ont été construits sur une période très courte: pendant les années 1980-1985, on a couplé
au réseau cinq réacteurs par an. Aucun gouvernement qui accepterait de sacrifier Fessenheim n’aurait d’argument pour résister ensuite aux demandes de fermeture des autres centrales.
C’est un principe général de l’art de la guerre: le point vital de mon adversaire est aussi mon point vital. Si le maintien de Fessenheim est un casus belli pour les antinucléaires, cela implique
que sa fermeture devrait être un casus belli pour les pro. De la même manière que la fermeture de Superphénix a condamné à la disparition la filière surrégénérateur – dans laquelle la France
avait plusieurs décennies d’avance qu’elle a maintenant cédé aux russes et aux chinois – la fermeture de Fessenheim dans ces conditions condamne à terme l’ensemble de la filière nucléaire.
Je suis sans ambiguïté sur ce point: aucun candidat qui se propose de fermer Fessenheim pendant son quinquennat n’aura ma voix. Point à la ligne.
Et puis il y a un aspect positif qu’il ne faut pas négliger: ce sera la première expérience “réelle” pour nos ingénieurs du démantellement d’une centrale importante
En d’autres termes, foutons le feu au Chateau de Versailles, cela permettra à nos pompiers d’acquérir une expérience dans les incendies de monuments historiques. J’ai bien compris ton
raisonnement ?
Je parie que l’on va s’apercevoir que cela coûte plus cher que prévu, et que donc l’intérêt de poursuivre l’entretien des centrales exixtantes va se trouver renforcé
Et qu’il ne faut surtout pas construire de nouvelles. C’est la mort du nucléaire par attrition. Franchement, j’ai du mal à croire que tu puisses soutenir une théorie aussi absurde. Si le
démantèlement coûte “plus cher que prévu”, cela encouragera peut-être à retarder les opérations de démantèlement, mais certainement pas à “poursuivre leur entretien”.
Il y a eu, à ma connaissance, une seule petite centrale démantelée à Brenilis, en Bretagne;et (via Wikipedia) on peut s’apercevoir que ce n’est déjà pas simple, long, et coüteux.
Tout d’abord, il y a plusieurs centrales et non pas une seule en cours de démantèlement (Brennilis, Chinon A, Chooz A, St Laurent des eaux A…). Ensuite, il ne faut pas confondre le
démantèlement d’un réacteur à exemplaire unique et le démantèlement d’un parc standardisé, sur lequel on peut faire des économies d’échelle.
Mais Chevènement jette l’éponge… Alors? Que reste-t-il à la gauche républicaine et jacobine? Ses yeux pour pleurer?
Ce n’est pas véritablement une surprise. Loin sont les jours où un candidat indépendant pouvait être présent à l’élection présidentielle. Aujourd’hui, sans une machine électorale derrière soi il
est difficile même d’assurer une présence et de pouvoir s’exprimer sur les médias. Il était devenu clair depuis un certain temps dejà qu’il essayait de négocier le prix de son retrait avec le PS
et peut-être – mais c’est seulement une impression – avec le FdG.
La gauche “républicaine et jacobine”, comme tu dis, devrait – du moins si elle veut faire de la politique de masse – faire un effort de réflexion pour comprendre pourquoi ses idées sont si mal
comprises. Car il ne suffit pas d’avoir raison dans sa tour d’ivoire. Encore faut-il transformer cette “raison” en une stratégie et une tactique politique qui conduisent quelque part. Il faut
arrêter de croire que la vérité finit par triompher nécessairement. Elle ne triomphe que si on est capable d’articuler une alliance d’intérêts autour d’elle.
En attendant, il ne reste à la gauche “républicaine et jacobine” qu’une possibilité. C’est de faire ce qu’elle a le mieux réussi depuis vingt ou trente ans, c’est à dire, une politique de
témoignage d’une part et d’influence d’autre part.
« La gauche “républicaine et jacobine”, comme tu dis »
Mais moi, je ne dis rien. C’est comme cela que cette gauche se définit elle-même : républicaine, patriote, jacobine. Pour ma part, je n’en suis pas, je ne fais que reprendre les
qualificatifs que revendiquent ses membres.
« faire un effort de réflexion pour comprendre pourquoi ses idées sont si mal comprises »
Mais ne l’as-tu pas dit toi-même ? L’option républicaine, par l’effort et les sacrifices qu’elle impose, rebute les Français. Un ami m’a dit avoir entendu une intervention de Chevènement sur
la « République intérieure ». Il paraissait animé d’une véritable mystique. Qui a encore cette « religion », cette foi républicaine ? Et parmi ceux qui l’ont, combien de
missionnaires ? Que peuvent-ils en face de ceux qui promettent le Paradis, ici-bas ou dans les cieux ? Il faut lire Tite-Live ou Plutarque pour s’imprégner de l’idéal civique, qui est
plus qu’une conviction politique : c’est une morale, et quasiment un art de vivre. Malheureusement, les humanités ne sont plus de saison. Il y a les sociétés qui rêvent de grandeur et celles
qui rêvent du prochain épisode de télé-réalité…
« C’est de faire ce qu’elle a le mieux réussi depuis vingt ou trente ans, c’est à dire, une politique de témoignage d’une part et d’influence d’autre part. »
Vraiment ? Le résultat de ces trente ans d’influence et de témoignage me laisse rêveur…
Mais ne l’as-tu pas dit toi-même ? L’option républicaine, par l’effort et les sacrifices qu’elle impose, rebute les Français.
C’est moi qui ai proposé cette explication, alors je vais pas te dire qu’elle est fausse. Mais je ne prétends pas avoir épuisé la question. Il y a certainement d’autres éléments à identifier. Et
puis, je crains que mon analyse ne soit pas partagée par une large part des “republicains et jacobins”…
Un ami m’a dit avoir entendu une intervention de Chevènement sur la « République intérieure ». Il paraissait animé d’une véritable mystique. Qui a encore cette
« religion », cette foi républicaine ?
Peut de monde. Mais à rien ne sert de pleurer là dessus. La question à se poser est comment on peut réanimer cette “mystique”.
Vraiment ? Le résultat de ces trente ans d’influence et de témoignage me laisse rêveur…
Sans ces trente ans d’influence et de témoignage, l’UE aurait aujourd’hui une constitution libérale. On n’a pas réussi à arrêter tous les mauvais coups, mais on a quand même joué quelques tours
aux girondins…