“Mis à part les curés, par devant et par derrière
Mis à part les curés, personne ne veut plus se marier”
(J. Ferrat)
Vous souvenez-vous, mes amis ? C’était les années 1960 finissantes, et le temps était à l’amour. A l’amour libre, s’entend. Jetons toutes ces entraves bourgeoises ! Qui a besoin de passer devant monsieur le maire et signer un parchemin avec des témoins pour s’aimer ? Pourquoi jurer fidélité éternelle à un seul homme, à une seule femme, alors qu’il y a tant de gens à aimer de par le monde ?
Hélas, on est tente de donner raison à Jouhandeau dans son adresse aux “enragés” de soixante-huit, “rentrez chez vous, dans vingt ans vous serez tous notaires”. Il aurait en tout cas certainement beaucoup ri en voyant ceux-là même qui revindiquent l’héritage de 1968 se rassembler un samedi d’hiver 2012 dans la mairie de Villejuif pour donner au “mariage” célébré entre deux personnes de même sexe tout l’éclat médiatico-politique qu’il mérite à leurs yeux. En 68, la consigne était “à bas les chaînes bourgeoises”. En trente ans, la consigne a changé: aujourd’hui, c’est “les chaînes bourgeoises pour tous”. C’est que l’insouciance est morte, et que la liberté tant désirée par la génération 68 fait aujourd’hui peur à ses successeurs. Il leur faut pour tout des papiers et des certificats qui garantissent leur sécurité, et un amour sans certificat n’est pas un véritable amour.
Les homosexuels revendiquent aujourd’hui le droit de se marier au nom de l’amour. Ils oublient que le mariage n’est pas et n’a jamais été une question d’amour. Le code civil est formel: “les époux se doivent respect, fidélité, secours, assistance” (art 212). Mais d’amour, point. On peut s’aimer dans le mariage, et on peut s’aimer en dehors de lui. Le mariage n’est pas là pour ça: le mariage est une institution de la société, et comme toute institution elle n’est pas constituée pour faire plaisir à ceux qui en bénéficient, mais en fonction d’une utilité sociale qui les dépasse.
Le mariage est là pour établir entre deux individus des liens faits de droits et devoirs réciproques, droits et devoirs que l’Etat impose – et dont il garantit l’observation, au besoin par la voie pénale – en échange d’une protection particulière. Et si cette institution existe depuis la plus haute antiquité et dans toutes les civilisations qui connaissent la division du travail et la propriété privée, il doit bien y avoir une raison. La raison est simple: la famille monogamique reste la structure la plus efficiente pour la reproduction non seulement biologique mais aussi sociale. Là aussi, il n’est pas question d’amour: la famille monogamique ne sert pas à s’aimer, mais à construire un réseau de solidarités inconditionnelles entre les générations qui assurent que les enfants seront protégés, soignés, éduqués et qu’ils auront un bon départ dans la vie, et que réciproquement les parents recevront soins, respect et attention dans leur vieil âge. Mais pour que la famille monogamique puisse exister, il lui faut une institution à sa tête qui protège cette monogamie. Car l’homme est ainsi fait que si sa lignée maternelle est certaine, sa lignée paternelle est toujours douteuse. “Pater incertus, mater semper certissima” disent les juristes, et ils ont raison. En rendant la fidélité des époux obligatoire, en prévoyant des châtiments terribles à l’adultère féminin, la société a longtemps protégé – autant que peut le faire – la certitude de la lignée paternelle (1) – celle de la mère étant établie par définition (2).
Il ne faut pas perdre de vue que si le mariage – et les obligations qui en découlent – est légitimé par le consentement des époux, les rapports de solidarité entre les générations ne sont légitimés que par les liens biologiques. Mais personne n’a demande à l’enfant s’il voulait venir au monde. Personne ne lui a donné la possibilité de choisir ses parents ou de rejeter ceux que le hasard lui a donné. Et pourtant, il doit à ces parents respect, obéissance pendant sa minorité et aliments tout au long de leur vie. Sur quelle base est fondé cet ensemble d’obligations ? Et bien, puisqu’il n’y a ni choix ni consentement, puisque ces obligations n’existent qu’envers nos parents et non pas des parents des autres, puisqu’elles ne dépendent pas du fait que le parent ait effectivement vécu avec et éduqué l’enfant, il faut bien conclure qu’elle est fondée exclusivement sur les liens du sang, ou pour être plus précis, sur les droits que détient le créateur sur sa créature – et les devoirs que ces droits entraînent. On voit donc que pour que la solidarité inconditionnelle entre les générations dans la famille puisse exister, la question de la lignée est absolument fondamentale.
Et l’amour dans tout ça ? Et bien, il n’a pas sa place. Le mariage – et la famille – sont avant tout des institutions économiques et sociales, destinées à assurer dans les meilleurs conditions la reproduction sociale et la solidarité entre les générations. Pour cela, point besoin de s’aimer. Le mariage d’amour est d’ailleurs une invention assez récente, et pendant des siècles les mariages ont été arrangés par les familles en veillant justement à ce que le ménage ainsi constitué forme une unité économique et sociale viable. Le mariage, institution économique, ne pouvait rester inchangé au milieu des bouleversements économiques du XXème siècle. L’apparition de l’Etat providence, la quasi-disparition de la production domestique ont changé profondément la structure familiale et donc la fonction du mariage. Lorsque les enfants sont nourris et vêtus par les allocations familiales, gardés par la crèche municipale et éduqués par l’école gratuite et obligatoire, lorsque les vieillards reçoivent une retraite, la solidarité inconditionnelle proposée par la famille cesse d’être une nécessité aussi pressante qu’auparavant et prend d’autres formes. En localisant les solidarités inconditionnelles au niveau de l’Etat, notre société a rendu le mariage presque obsolète. Et c’est pourquoi il s’est vidé progressivement de son contenu. Car il faut se souvenir que le mariage est initialement une prison. C’est une institution qui impose des devoirs extraordinairement contraignants: la cohabitation, la fidélité exclusive, la solidarité inconditionnelle, et cela pour la vie. Mais qu’est ce qu’il en reste ? Aujourd’hui, un mariage est relativement facile à dissoudre et personne ne pense s’engager “jusqu’à ce que la mort la sépare” de son conjoint. La fidélité ? L’adultère n’est plus un délit et il est de moins en moins interprété comme une faute civile. La cohabitation ? Les cas de “célibat géographique” se multiplient. Le mariage n’est plus vécu comme un engagement total pour la vie, ni même comme une institution sociale, mais plutôt comme un contrat privé entre individus qui définissent individuellement ce que “leur” mariage doit être.
Mais alors, pourquoi diable les homosexuels – ou plutôt un certain nombre d’activistes homosexuels, parce que ce que les homosexuels pensent en majorité sur la question est matière à spéculation – exigent-ils d’avoir accès à une institution en perte de vitesse ?
Les arguments des défenseurs du mariage homosexuel peuvent être classés dans deux familles complémentaires. La première est de nature libérale: si l’individu souhaite se marier avec un individu du même sexe, c’est son choix souverain et la société n’a pas voix au chapitre. Elle se doit de “reconnaître” la décision des individus et en tirer les conséquences en terme de droit. La seconde famille d’arguments est fondée sur le principe d’égalité: pour reprendre une formule d’un texte du PG, “L’égalité entre semblables est le fondement de l’intérêt général en République. Les amours sont égales, les droits aussi doivent l’être”. La faiblesse de ces arguments est évidente lorsqu’on pousse le raisonnement jusqu’au bout. L’interdiction du mariage entre personnes de même sexe n’est pas plus contraire à la liberté des individus où à l’égalité des amours que l’interdiction du mariage entre frère et soeur – ou entre frère et frère, puisqu’on y est – ou entre ascendant et descendant. Et pourtant, personne à ma connaissance ne propose de lever les interdictions qui frappent ce type d’amours, pourtant aussi “égaux” que les amours homosexuelles. A chacun son tabou.
En fait, les activistes homosexuels se débattent dans une terrible contradiction. D’un côté, ils ne manquent pas une opportunité d’exalter leur “différence”, d’un autre ils exigent en tout point l’égalité. Leur combat est un combat pour la reconnaissance, mais est-ce la reconnaissance d’une différence où plutôt la reconnaissance de leur “normalité” ? Ils n’arrivent pas à se décider. Et cette contradiction n’est pas l’apanage exclusif des homosexuels, loin de là: dans toutes les “communautés visibles”, on voit s’épanouir ce genre de discours. Ces minorités – ou plutôt les activistes au sein de ces minorités – demandent que les institutions les “reconnaissent” en s’adaptant à eux. Et il en est ainsi parce que dans une société à l’idéologie ultra-individualiste comme la notre on juge normal que les institutions s’adaptent aux envies et caprices des gens, et pas l’inverse. Ce qui, il faut le souligner, est la mort de toute pensée institutionnelle, puisque par définition une institution est là pour imposer des règles à des individus qui n’en veulent pas individuellement – si ce n’était pas le cas, on n’aurait pas besoin de les imposer – au nom d’un besoin collectif.
Mais en allant plus loin, la revendication du mariage homosexuel met en lumière l’incapacité des individus dans notre société de s’accepter tels qu’ils sont, avec les limitations inhérente à leurs conditions et leurs choix. Les vieux n’acceptent plus d’avoir les cheveux blancs, les jeunes de devoir attendre leur tour pour accéder au pouvoir, les femmes n’acceptent pas de ne pouvoir pisser debout, les hommes de ne pas porter d’enfant, et les tétraplégiques le fait qu’ils ne pourront jamais danser comme la Pavlova. Toute une industrie de la “reconnaissance” s’est créé pour satisfaire ces besoins nevrotiques de devenir ce qu’on n’est pas. Et pour revenir à l’homosexualité, le fait est que les sociétés humaines sont construites sur une réalité biologique, celle de la reproduction sexuée. Celle-ci n’est pas l’invention d’on ne sait quel “patriarcat” ou “dictature hétérosexuelle”, c’est un “fact of life”. Dans ce contexte, l’homosexualité est fatalement une limitation. Il ne peut y avoir de “lignée” homosexuelle, n’en déplaise à ceux qui – comme Caroline Fourest – continuent à parler des “enfants de couples homosexuels” sans se rendre compte que le “de” génitif est un abus de langage. Il y pourra y avoir “des enfants élevés par des couples homosexuels”, mais il n’y a pas “d’enfant de couple homosexuel”, du moins pas sans recours au clônage reproductif. Et c’est en vain que les activistes homosexuels cherchent dans la Loi une solution à ce problème. La Loi peut faire beaucoup de choses, mais ne peut changer un homme en femme. Quant bien même la loi accorderait aux couples homosexuels le mariage et l’adoption, le couple homosexuel ne sera jamais l’égal du couple hétérosexuel, ne serait-ce que parce que l’enfant d’un couple hétérosexuel peut raisonnablement croire – même si c’est faux – que ses parents sont ses géniteurs. Alors qu’il ne pourra jamais maintenir cette fiction ses parents sont homosexuels, parce que dans ce dernier cas, il y aura toujours “l’autre”, le parent biologique disparu mais toujours présent, qui sera le “véritable” géniteur. Ce véritable géniteur ne peut être chassé qu’au prix d’une nevrotisation des rapports: un enfant élevé par un couple homosexuel n’a pas “deux mamans” ou “deux papas”. Il y a toujours une maman ou un papa extérieur, peut-être même inconnu, mais dont on ne peut pas effacer l’existence par décret. Faire dire le contraire à la Loi pour satisfaire un besoin de reconnaissance est aberrant.
La quête de reconnaissance qui est derrière l’activisme homosexuel est par définition une quête sans fin. Elle ne peut jamais être assouvie, parce que quelque soit la revendication obtenue, elle ne peut satisfaire le besoin. Une fois obtenu le mariage et l’adoption, il leur faudra autre chose: un soldat inconnu homosexuel sous l’arc de triomphe, une loi de parité entre homosexuels et hétérosexuels aux élections… c’est un chemin sans fin.
L’équilibre d’une société vient aussi de la capacité de ses membres à s’accepter tels qu’ils sont et à assumer leurs limitations. Et la société doit organiser cette acceptation, au lieu de céder en permanence aux revendications de reconnaissance de telle ou telle communauté pour lui faire plaisir. Les homosexuels doivent accepter qu’ils sont différents, et les limitations que cette différence entraîne nécessairement. Que les homosexuels aient le droit de s’aimer librement, on est d’accord. Que la société juge qu’il y a un intérêt social a institutionnaliser l’union homosexuelle puisque la solidarité dans le couple a des effets bénéfiques en termes de stabilité et de coût social du soin, cela peut s’admettre et cela a été fait au moyen du PACS. Mais permettre au couple homosexuel d’accéder au mariage en donnant à cette institution la même signification que le mariage hétérosexuel, c’est pour une société de se mentir à elle même. Le mariage est peut-être la plus ancienne des institutions humaines. Il a un sens. Et ce sens est résolument, définitivement, hétérosexuel.
Descartes
(1) Les féministes font ici souvent un contresens: si les sociétés tendent à punir plus gravement l’adultère féminin que l’adultère masculin, ce n’est pas au nom d’on ne sait pas quel “patriarcat”, mais parce les effets de ces deux adultères sur la lignée des enfants sont différents. Un mari coureur ne jette pas de doute sur la légitimité des enfants nés dans le couple. Une mère coureuse, par contre, si. Ce n’est pas par hasard si la banalisation de l’adultère progresse au fur et à mesure que des moyens existent (groupe sanguin, ADN) pour établir avec certitude la paternité. Cependant, on bute toujours sur une réalité: même si les deux époux couchent avec d’autres partenaires, la fidélité obligatoire crée une fiction de légitimité vis-à-vis des enfants. Et cette fiction fait partie des “fictions nécessaires” à la vie en société. C’est pourquoi malgré les moyens comme l’ADN, lorsqu’une femme mariée accouche l’enfant bénéficie d’une présomption irréfragable de paternité du mari (Code civil, art 312).
(2) C’est peut-être pour cette même raison que certaines cultures admettent la polygamie (masculine), mais très rarement la polyandrie (polygamie féminine): une famille polygamique est en pratique une pluralité de familles monogamiques sous un même toit, puisque chaque enfant sait qui est son père et sa mère. Mais dans une famille polyandrique, il serait impossible aux enfants de connaître leur père. Leur lignée serait donc incertaine.
Sacré provocateur, va ! Il faut que tu nous cites Jouhandeau en introduction, si j’ose dire.
Le mécanisme en cause dans nos émois sociétaux est le déni, à mon sens. En miroir du déni de l’angoisse que procure la différence chez l’homosexuel.
Ce déni qui devient structurel, je le retrouve également en ce qui concerne l’immigration et les bouleversements culturels qui en découlent.
En conséquence, retour de bâton sous la forme violente et bien réelle de la montée de l’extrême-droite.
Quand bien-pensance devient absence de pensée…
Le mécanisme en cause dans nos émois sociétaux est le déni, à mon sens. En miroir du déni de l’angoisse que procure la différence chez l’homosexuel.
Les grandes théories sur “l’angoisse qui procure la différence”, franchement, c’est de l’enfumage. Pourquoi le fait que l’autre soit homosexuel devrait provoquer plus “d’angoisse” que le fait de
savoir qu’il est sado-masochiste, par exemple ? Ou qu’il aime les partouzes ? Les sado-masochistes ne sont pas, eux aussi, “différents” ?
La “différence” en elle même ne provoque aucune “angoisse” particulière. Nous vivons dès notre naissance dans un monde où nous sommes entourés de gens différents. Différents de nous et différents
entre eux. Si cela devait provoquer des angoisses, alors nous serions tous perpétuellement angoissés.
Ce déni qui devient structurel, je le retrouve également en ce qui concerne l’immigration et les bouleversements culturels qui en découlent.
Il est toujours tentant d’attribuer les comportements qui nous déplaisent à des maladies psychiques. Cela nous dispense de reconnaître que ces comportements puissent avoir une rationnalité
propre. C’est d’ailleurs ce qu’on a fait très longtemps avec l’homosexualité, considérée comme maladie mentale. Ici, tu fais l’inverse: à t’entendre, ceux qui rejettent les homosexuels le
feraient victimes d’une “angoisse que procure la différence”…
Ma vue personnelle est que l’attitude de la société n’a rien à voir avec le “déni”. Une société qui se conçoit en expansion soigne particulièrement les structures de reproduction sociale. Une
société qui se conçoit en déclin n’en a pas cure. Les connaisseurs de l’histoire romaine savent de quoi je parle. Malheureusement, il y a dans notre société un courant décliniste qui est
dominant, et cette domination se traduit par une série d’éléments caractéristiques: en économie, c’est la préférence pour la rente plutôt que pour la production, en matière éducative c’est la
préférence pour la “créativité” plutôt que la transmission, en matière “sociétale” c’est la préférence pour l’intérêt des parents plutôt que des enfants…
En conséquence, retour de bâton sous la forme violente et bien réelle de la montée de l’extrême-droite.
Tout à fait. Quelqu’un avait dit que l’extrême droite c’est la mauvaise réponse à une bonne question.
Monde étrange où les revendications de minorités souvent ténues tiennent le devant de la scène alors que celles de majorités
restent potentielles car étouffées sur la scène politique : droit d’avoir un travail et d’en vivre dignement pour moi prioritaire.
Car comment ne pas souligner que la disparition de l’ouvrier, sur les scènes médiatiques et politiques, correspond à la montée
de ces idéologies précipitant en retour, le retrait politique d’une bonne part des couches populaires toujours à la recherche de…
Il faut être clair : choisir ce cheval de bataille est le signe marqueur d’un renoncement aux revendications
populaires.
Cette idéologie d’origine petite bourgeoise (désolé vos termes de « classe moyenne » me font penser à l’auberge
espagnole) est utilisée dans tout le monde occidental pour jeter un écran de fumée sur la crue réalité des rapports de classes.
Tout à fait d’accord. La disparition de l’ouvrier de l’horizon de la gauche est très bien expliquée en creux dans le rapport, devenu célèbre, de la fondation Terra Nova. Les classes moyennes lui
ont substitué des “minorités muettes” (marginaux, SDF, sans-papiers…). Celles-ci présentent par rapport à l’a classe ouvrière l’avantage de n’avoir pas une conscience claire de leurs intérêts,
et de faibles capacités à formaliser un discours politique et à le porter. Ce qui permet aux classes moyennes de les annexer, sous prétexte d’être leur porte-parole, pour mettre dans leur bouche
leur propre discours.
C’est beaucoup plus dur à faire avec la classe ouvrière, qui a une conscience de ses intérêts et une longue expérience de la lutte. La dernière tentative des classes moyennes pour annexer la
classe ouvrière et lui imposer son discours est celle de 1968. Le moins qu’on peut dire c’est que cela n’a pas marché. C’est suite à cet échec que les classes moyennes se dont détournés de la
classe ouvrière pour lui préférer toutes sortes de “minorités muettes”: les marginaux, les taulards, les sans-papiers, les “issus de l’immigration”, les SDF, les “précaires” ont constitué à un
moment où un autre le “groupe de référence” de la gauche bienpensante.
Le grand désespoir des classes moyennes en 1968 fut de découvrir que la classe ouvrière est “socialement” (à l’époque, on ne disait pas “sociétal”) conservatrice. Ce qui est somme toute logique:
lorsque la société est bouleversée, ce sont ceux qui ont du capital (matériel ou immatériel) qui s’en sortent le mieux et ce sont les pauvres qui trinquent. Il auraient du lire Lénine au lieu de
lire Marcuse…
Dans votre billet, vous notez que l’institution du mariage n’est plus ce qu’elle était (divorce, question de l’amour et de l’infidélité, etc.), et cela me semble aller à l’encontre de votre
conclusion contre le mariage homosexuel. En effet, on socialement, le mariage est devenu une sorte de PACS ; il me semble donc logique de permettre à tout type de couple de se marier. À terme, on
devrait même voir fusionner le PACS et le mariage.
Votre commentaire est très pertinent. Dans la mesure où l’institution du mariage a été vidée de son sens, pourquoi ne pas l’abolir tout simplement en la remplaçant par un simple contrat civil ?
Je vois cependant trois raisons pour ne pas le faire:
La première, c’est que si l’institution a été vidée de son sens dans le droit, elle conserve tout de même une certaine importance particulièrement dans les couches populaires de la société. Ce
sont elles qui divorcent le moins, et qui ont la vision la plus conservatrice quant à la fidélité conjugale et l’éducation des enfants. Cela tient peut-être à ce que la solidarité économique et
l’économie domestique restent relativement importante dans ces couches de la société.
La seconde, c’est que je suis convaincu que la période anti-institutionnelle et ultra-individualiste ouverte dans les années 1960 n’est qu’une parenthèse de l’histoire et que sa fin n’est
peut-êtr pas loin. Les gens commencent à réaliser que la destructuration de la société et l’affaiblissement des institutions n’a pas apporté bonheur et liberté, tout au contraire. Lorsqu’on
discute avec des jeunes aujourd’hui, on est surpris par leur demande forte d’institutions puissantes, capables d’édicter des règles et de les faire appliquer. Et ils en ont marre de l’instabilité
permanente des rapports sociaux. Ce n’est pas par hasard si beaucoup de jeunes s’embarquent dans des mouvements rigoristes, et pas que chez les musulmans. Lorsque ce genre d’exigence se fait
jour, il vaut mieux avoir une institution ayant le bénéfice de la continuité plutôt que de créer une nouvelle.
Enfin, l’argument pour refuser aux homosexuels le mariage n’est pas seulement un argument de justice, c’est aussi un argument d’opportunité. La société doit clairement marquer que les
institutions ne sont pas à la merci des besoins identitaires de telle ou telle catégorie.
Il y a eu malentendu, et je reviens brièvement dessus. Je parlais en fait de l’homosexualité comme déni, cad mécanisme de défense, quant à la différence sexuelle. Non pas d’angoisse que
produirait l’homosexualité.
Le seul fait qu’il puisse y avoir malentendu quand on se risque à prendre la parole implique bien que tout ne peut être traité par une analyse rationnelle. Je suis pourtant largement en accord
avec la plupart de tes analyses et pourtant elles doivent laisser une place à l’irrationnel.
L’angoisse n’est pas en soi pathologique, elle est avant tout motrice. En parler n’est pas médicaliser ou psychiatriser.
Bien des psychanalystes se penchent et élaborent quant à la société du maternage engendrée par le libéralisme culturel et économique. Sans référent tiers, à savoir l’autorité, qui trouve sa place
et ses limites, quelle reconnaissance possible des sujets, quel respect de l’autre. Le risque, à défaut du verbe, est d’aller au contact physique, d’agresser. De s’auto-agresser également.
Ce que tu cites dans ton billet suivant, concernant ce cinéma athénien, en est un exemple. Entre d’une part la coupure avec l’héritage, d’autre part la déliaison entre la parole du peuple et les
décisions, la colère et l’impuissance, la destruction l’emportent sur l’expression.
Ce que nous vivons actuellement dans nos cultures, notre civilisation, est une violente offensive idéologique. Les effets n’en sont forcément pas toujours rationnels.
Il y a eu malentendu, et je reviens brièvement dessus. Je parlais en fait de l’homosexualité comme déni, cad mécanisme de défense, quant à la différence sexuelle. Non pas d’angoisse que
produirait l’homosexualité.
J’avais alors mal compris. Mais je t’avoue que ta clarification rend pour moi les choses encore plus obscures. En quoi l’homosexualité serait un “déni”, et de quoi exactement ? L’homosexualité ne
“nie” pas la différence sexuelle. Elle peut même la sublimer. Si l’on croit les freudiens (et si j’ai bien compris, ce que dans ce domaine je ne garantis pas…), l’homosexualité reflète
l’incapacité de l’individu à remplacer sa mère par une autre femme…
Le seul fait qu’il puisse y avoir malentendu quand on se risque à prendre la parole implique bien que tout ne peut être traité par une analyse rationnelle.
Bof. Plus banalement, le fait qu’il y a malentendu implique que le langage n’est pas, par construction, univoque. Rien à voir avec l’analyse rationnelle. Pas la peine d’aller chercher midi à
quatorze heures. Si c’était une question de rationnalité, alors le malentedu ne pourrait pas être levé par une explication, ce que vous même ne croyez pas puisque vous essayez d’expliquer
rationnellement votre point de vue…
Je suis pourtant largement en accord avec la plupart de tes analyses et pourtant elles doivent laisser une place à l’irrationnel.
Pourquoi ? Tu sembles voir de “l’irrationnel” partout. Cependant, ce n’est pas parce qu’un événnement ne nous est pas compréhensible qu’il est pour autant “irrationnel”. D’ailleur, postuler qu’un
comportement est “irrationnel” revient à postuler qu’il n’est pas étudiable, qu’il échappe définitivement à notre connaissance. C’est pourquoi je prefère retenir comme hypothèse méthodologique
que tout est “rationnel”, et que si quelque chose ne nous semble pas rationnel, c’est que nous n’avons pas compris quelle est sa rationnalité.
Paul:
Je parlais en fait de l’homosexualité comme déni, cad mécanisme de défense, quant à la différence
sexuelle
Comme descartes j’ai pas vraiment compris ce que tu voulais dire. Comment est-ce que tu expliques
l’homosexualité chez les animaux si c’est un déni (de je ne sais quoi) ? Ça impliquerait que ce soit un mécanisme totalement différent pour d’autres espèces animales derrière l’homosexualité.
C’est peut-être possible j’en sais rien, mais il faut avancer de solides arguments…
A vous lire, on ne comprend pas bien comment vous rendez compte du fait que le mariage d’une femme ménopausée est possible, et pourquoi vous ne demandez l’abolition de cette possibilité. On
ne comprend pas non plus pourquoi vous ne demandez pas la légalisation des mariages incestueux.
Conclusion : il y a des choses que la société trouve “anormales”, et c’est cela qui fonde l’interdiction actuelle du mariage homo, et pas tellement les raisons que vous donnez.
A vous lire, on ne comprend pas bien comment vous rendez compte du fait que le mariage d’une femme ménopausée est possible, et pourquoi vous ne demandez l’abolition de cette
possibilité.
Tout simplement parce que je ne vois aucun intérêt à cette interdiction. Même si le mariage des personnes qui ne peuvent – ou ne veulent – avoir des enfants quelqu’en soit la raison n’est pas
dans la logique qui a conduit la société à institutionnaliser le lien matrimonial, ces mariages ne menacent nullement l’institution. Que les couples infertiles puissent se marier ne modifie en
rien le rapport que la société institutionnalise entre les générations, c’est à dire, la famille monogamique.
Ce qui a mon sens condamne le mariage homosexuel n’est pas que les homosexuels n’aient pas d’enfants. C’est que le mariage homosexuel prétend modifier le rapport de filiation. Il n’y a qu’à
écouter toutes les inepties du genre “un enfant peut parfaitement avoir deux papas ou deux mamans”. Un enfant n’a JAMAIS “deux papas” ou “deux mamans”. Même s’il est élevé par deux adultes du
même sexe, il est nécessairement – du moins aussi longtemps que le clonage humain est interdit – engendré par deux individus de sexe différent. Ce que le mariage homosexuel prétend faire par
ricochet, c’est d’effacer de la conscience sociale l’idée qu’un être humain est forcément le produit d’un rapport – même éloigné – entre un homme et une femme.
On ne comprend pas non plus pourquoi vous ne demandez pas la légalisation des mariages incestueux.
Alors là, vous m’avez mal lu. Si pour moi le mariage vise à créer une institution qui garantit la prise en charge dans des bonnes conditions des enfants, la raison pour ne pas légaliser le
mariage incestueux est évidente. Sauf à vouloir une société qui favorise la reproduction consanguine…
Ma question était plutôt pourquoi les partisans du “droit au mariage” conçu comme une liberté inaliénable ne demandent pas, en même temps que la légalisation du mariage homosexuel, la
légalisation du mariage incestueux ou du mariage multiple. Après tout, si on a tous “droit à l’amour”, et que ce droit inclut la possibilité de se marier avec une personne de même sexe, pourquoi
exclure la possibilité de se marier avec notre frère, notre soeur ou nos parents ? Pourquoi ne pas authoriser la polygamie ?
Conclusion : il y a des choses que la société trouve “anormales”, et c’est cela qui fonde l’interdiction actuelle du mariage homo, et pas tellement les raisons que vous donnez.
Admettons. Mais cet argument vaut autant pour l’interdiction du mariage homosexuel que pour l’interdiction du mariage incestueux ou polygame. Pourquoi pensez vous qu’il faut autoriser l’un et pas
l’autre ?
Si la société trouve “anormales” certaines choses, il y a généralement une raison, qu’il faut essayer de comprendre avant de changer quoi que ce soit. Les interdictions sociales ne sont pas
arbitraires. Si la société a interdit le mariage homosexuel, le mariage incestueux, la polygamie – et dans un autre ordre d’idées le meurtre, le vol, le viol – c’est parce que ces interdictions
sont nécessaires pour permettre à la société de fonctionner d’une certaine façon. Bien entendu, on peut toujours changer la manière de fonctionner de la société. Mais avant de le faire, mieux
vaut étudier en détail les conséquences.
Je suis touché que vous m’ayez répondu, et je vous répondrais ceci :
L’homosexualité n’est pas un déni de la différence sexuelle, c’est une préférence érotique pour la non-différence sexuelle. Personne ne nie (ou ne dénie) la différence sexuelle. Ce n’est pas
parce qu’il y aurait des mariages homos, et même des adoptions homos que la notion de différence sexuelle disparaîtrait.
Il me semble que vous déplacez le problème en le liant à la question de l’homoparentalité (l’adoption par des couples homo). La question du mariage homo n’est pas celle de
l’homoparentalité. Que, parmi les partisans du mariage homo il y ait des partisans de l’adoption homo, et que tous les partisans de l’adoption homo soient partisans du mariage homo n’en font pas
une seule et même question.
Le mariage est un engagement entre deux personnes, pris devant la société. Il atteint son maximum de gravité quand la femme est jeune et ne travaillera pas (la femme s’engage à la fidélité,
l’homme s’engage à ce que les enfants soient réputés les siens et à nourrir la femme et les enfants), il est à son minimum quand, disons, la femme est ménopausée et dispose de ses ressources
propres. Il semble avéré que la valorisation de la fidélité est bien moins forte chez les homos masculins que la fidélité de la femme n’est valorisée chez les autres couples
(les hommes sont moins enclins à la fidélité que les femmes ; quand un couple est formé de deux hommes…). Par ailleurs les hommes travaillent tous. D’où le sentiment que, dans le mariage homo,
en général, il y a le minimum de gravité, et que le mariage homo est un certain détournement de l’institution. De plus, l’homosexualité est très minoritaire, et tend à déplaire ou à répugner un
peu aux non-homosexuels. Le mariage “normal” était un (lourd) engagement, le mariage homo c’est : la Société (sous les espèces de l’Etat) est censée regarder avec attendrissement deux
tourtereaux qui ne suscitent pas toujours tellement sa bienveillance. Bref, le mariage homo est extraordinairement sympa. Le coeur du refus du mariage homo se situera chez ceux qui
refusent l’Etat-nounou, et chez ceux qui refusent l’amour universel obligatoire (ce sont souvent les mêmes, d’ailleurs, naturellement). Le souci des enfants et de leur bien-être psychique, chez
les opposants au mariage homo, soit je ne crois pas à sa sincérité (ils se trompent sur leurs motivations), soit je ne crois pas à son intelligence (ils se méprennent sur ce qui peut
troubler l’ordre psychique). On est contre contre le mariage homo parce que c’est déjà très agréable de copuler, il n’y a pas en plus à recevoir de l’Etat une médaille (en
chocolat), ou parce que la majorité n’a pas à se forcer à la bienveillance (une certaine malveillance entre les hommes étant naturelle et devant être acceptée). Bref, soit parce qu’on
est conservateur en matière de morale (on croit à l’effort, à la vertu), soit parce qu’on est de droite. Il me semble que votre opposition est du premier genre et que vous en êtes conscient, et
que vous la recouvrez d’une argumentation qui d’une part déplace la question du mariage à l’adoption, et d’autre part fait de la conscience de la différence des sexes quelque chose
de fondamental et de terriblement menacé (ce n’est ni l’un, ni l’autre : ce n’est pas fondamental en ce sens que nos équiments mentaux sont distincts et qu’on pourrait être parfaitement
fonctionnel tout en ayant une faible notion de la différence des sexes ; ce n’est pas menacé en ce sens que les animaux mal conscients de la différence des sexes sont morts trop jeunes pour
avoir pu se reproduire : nous avons tous les gènes nous rendant ultra-sensibles à la différence des sexes). Bref : il me semble que vous déplacez la question et faites de la fausse
théorie, au lieu de déduire par un chemin plus court votre refus du mariage homo de votre conservatisme.
(Le mariage d’une femme de soixante ans qui vit de sa retraite ? Il reçoit, par contiguité, tradition…, une certaine gravité du fait de la gravité du mariage de Juliette avec Roméo, si bien
qu’on peut l’accepter tout en refusant le mariage homo).
(Le refus du mariage frère-soeur ? Je le justifie en disant que son idée répugne un peu à l’immense majorité, tandis qu’il n’est désiré par par grand monde. Là aussi, en parlant des pb de la
consanguinité, il me semble que vous allez chercher une théorisation qui ne tient pas la route : notre société est radicalement hostile à tout eugénisme, si c’est pour cette raison que vous
refusez le mariage frère-soeur vous allez vous trouver dans une position intenable)
Je suis touché que vous m’ayez répondu, et je vous répondrais ceci :
L’un des mes objectifs en créant ce blog est d’ouvrir des débats. Je me fais donc un devoir – un devoir fort agréable en général – de lire les commentaires et contributions des lecteurs et d’y
répondre.
L’homosexualité n’est pas un déni de la différence sexuelle, c’est une préférence érotique pour la non-différence sexuelle. Personne ne nie (ou ne dénie) la différence sexuelle. Ce n’est pas
parce qu’il y aurait des mariages homos, et même des adoptions homos que la notion de différence sexuelle disparaîtrait.
Admetons que l’homosexualité, comme vous le dites, n’est pas un déni de la différence sexuelle mais une simple préférence érotique. Mais alors, pourquoi diable faudrait il institutionnaliser une
simple préférence érotique en lui donnant un statut administratif et juridique ? Faut-il autoriser le mariage avec les animaux pour permettre aux zoophiles de faire accepter socialement leur
“préférence érotique” ?
Nous ne parlions pas ici de l’homosexualité, qui est une préférence individuelle, mais du mariage homosexuel, qui est une institution sociale. Cette institution joue un rôle
fondamental dans la reproduction de la société et la construction de la filiation. Enlever au mariage son caractère sexué revient à nier le caractère sexué de la reproduction et de la filiation,
puisque l’institution gardienne de cette transmission est ouverte aux couples indifférentiés.
Pour prendre un exemple plus parlant, considérez le cas de l’adoption par un couple homosexuel. Cet acte rompt le lien de filiation entre l’enfant et le parent “biologique” de l’autre sexe, et
lui substitue un parent adoptif de sexe différent. Comment prétendre qu’un tel acte ne porte pas atteinte à l’idée même de filiation sexuée ?
Il me semble que vous déplacez le problème en le liant à la question de l’homoparentalité (l’adoption par des couples homo).
Pas tout à fait. Les dégâts que peut faire la légalisation du mariage homosexuel sur le tissu social sont à mon avis réels: c’est un pas de plus dans la direction d’une société de l’indifférence.
Comme disait Lacan, “là où tout est permis, rien n’est subversif”. Mais il est vrai que je lie la question du mariage et cell de la parentalité parce qu’elles sont inextricablement liées. Car la
parentalité est la raison d’être du mariage comme institution. On l’a créé même pour cela. Et même si beaucoup de couples n’élèvent pas d’enfants, ces couples sont les “passagers clandestins”
d’une institution qui n’est pas constituée pour eux.
La question du mariage homo n’est pas celle de l’homoparentalité.
Bien sur que si. Et il suffit de lire les documents des lobbys du mariage homosexuel pour vous en convaincre. Seulement, on agit par étapes: aujourd’hui le mariage, demain l’adoption. Comme je
l’ai expliqué dans mon papier, dès que le mariage homosexuel sera acquis, le pas suivant sera d’exiger l’adoption. Et vous aurez beaucoup de mal à la refuser, une fois le mariage accordé.
Le mariage est un engagement entre deux personnes, pris devant la société.
Justement, non. Les institutions ne fonctionnent pas comme ça. Le mariage est un engagement envers la société. En se mariant, les époux promettent de se conformer à un
ensemble de règles édictées par la société, et non accordées librement entre eux. Et en échange de cet engagement la société leur octroie un certain nombre de droits et de protections. Le mariage
n’est pas un contrat privé, c’est un statut public.
Il est vrai que l’affaiblissement de l’institution matrimoniale la rapproche dangereusement d’un contrat privé en rendant un certain nombre des obligations sociales liées au mariage
“facultatives” de facto. Mais il ne faut pas oublier que le mariage n’est pas un contrat, c’est une institution.
Il atteint son maximum de gravité quand la femme est jeune et ne travaillera pas (la femme s’engage à la fidélité, l’homme s’engage à ce que les enfants soient réputés les siens et à nourrir
la femme et les enfants),
Vous choissisez vous même des exemples qui montrent bien qu’il ne s’agit pas d’un engagement entre époux, mais d’un engagement des époux envers la société. L’engagement “que les enfants soient
réputés siens” est un engagement envers les enfants à naître, et non envers le conjoint. C’est une règle d’ordre social, et non pas un accord entre des parties.
Le mariage “normal” était un (lourd) engagement, le mariage homo c’est : la Société (sous les espèces de l’Etat) est censée regarder avec attendrissement deux tourtereaux qui ne
suscitent pas toujours tellement sa bienveillance. Bref, le mariage homo est extraordinairement sympa.
Je crois que vous avez posé le problème on ne peut plus clairement. Le mariage est une institution. Le mariage homosexuel est un gadget. La question est: en assimilant le gadget et l’institution,
on ne dévalue pas cette dernière ?
Le coeur du refus du mariage homo se situera chez ceux qui refusent l’Etat-nounou, et chez ceux qui refusent l’amour universel obligatoire (ce sont souvent les mêmes, d’ailleurs,
naturellement).
Pas seulement. Le refus du mariage homosexuel peut avoir des racines diverses. Certaines sont a première vue irrationnelles: l’attachement à une tradition, à une manière de faire ancestrale.
D’autres – et c’est mon cas – viennent d’un souci de protéger les institutions, et la notion même d’institution, face à la vague individualiste du “parce que je le veut”. Je ne crois pas que ce
soit une question de s’opposer à “l’Etat nounou”, puisque le mariage homosexuel ne fait pas rentrer l’Etat dans l’affaire plus que ce n’était le cas avec le PACS.
Le souci des enfants et de leur bien-être psychique, chez les opposants au mariage homo, soit je ne crois pas à sa sincérité (ils se trompent sur leurs motivations), soit je ne crois pas
à son intelligence (ils se méprennent sur ce qui peut troubler l’ordre psychique).
Je ne suis pas d’accord avec vous. Sans être un expert de la question, j’avoue que je trouve bien plus convaincants les arguments de ceux qui considèrent que les références sexuées sont
essentielles dans la formation de l’enfant que les arguments de leurs contradicteurs.
Bref, soit parce qu’on est conservateur en matière de morale (on croit à l’effort, à la vertu), soit parce qu’on est de droite. Il me semble que votre opposition est du premier genre et que
vous en êtes conscient,
Votre diagnostic est vrai jusqu’à un certain point, mais jusqu’à un certain point seulement. Je ne suis pas conservateur en matière morale, je suis conservateur en matière
institutionnelle. Je me fous éperdument de qui copule avec qui, et si cela fait plaisir à des gens d’essayer diverses configurations, c’est leur affaire. Par contre, je considère
que les institutions que l’homme a créé tout au cours de son histoire sont les lieux d’accumulation d’une expérience historique, et qu’il faut faire très attention à ce qu’on fait avant d’y
toucher. Pour paraphraser la formule d’un celèbre constitutionnaliste, “il ne faut toucher aux institutions qu’avec des mains tremblantes”…
Quant à l’effort et à la vertu… là encore je ne crois pas que ce soit une question “morale”, mais une question de bon fonctionnement social. Une société qui promeut la paresse et le vice se
porte en général moins bien que celle qui promeut l’effort et la vertu…
et que vous la recouvrez d’une argumentation qui d’une part déplace la question du mariage à l’adoption
Je ne “déplace” rien. Pour moi les deux question sont indissolublement liées, par le simple fait que l’institution du mariage est constituée entre autres choses par la question de la filiation.
et d’autre part fait de la conscience de la différence des sexes quelque chose de fondamental et de terriblement menacé (ce n’est ni l’un, ni l’autre : ce n’est pas fondamental en ce
sens que nos équiments mentaux sont distincts et qu’on pourrait être parfaitement fonctionnel tout en ayant une faible notion de la différence des sexes
Je ne sais pas ce que vous appelez être “parfaitement fonctionnel”. Mais la psyché humaine s’est constitué au cours d’une très longue histoire autour de modèles sexués. Ce n’est pas un hasard si
les dieux législateurs sont des figures masculines, et si les divinités protectrices sont des figures féminines. Ce n’est pas non plus par hasard si les figures masculines et féminines de la
mythologie ne sont pas interchangeables. Imaginez-vous Helène raptant Paris et la petite amie de Paris provoquant une guerre pour le récupérer ?
ce n’est pas menacé en ce sens que les animaux mal conscients de la différence des sexes sont morts trop jeunes pour avoir pu se reproduire
Je crois que vous m’avez très mal compris. Je n’ai pas le moindre souci quant à la différentiation biologique des sexes. Elle persistera parce que comme vous le dites, nous sommes biologiquement
programmés pour qu’elle perdure. Mais la question n’est pas là. Ce qui m’inquiète est la manière dont les institutions reflètent cette réalité.
Bref : il me semble que vous déplacez la question et faites de la fausse théorie, au lieu de déduire par un chemin plus court votre refus du mariage homo de votre
conservatisme.
Vous voulez à tout prix me coller l’étiquette de “conservateur”… j’espère vous avoir expliqué plus haut que j’assume sans aucun problème cette position. Oui, je suis “conservateur” au sens que
je pense qu’aucune institution n’est arbitraire. Qu’aucune n’est là par hasard, et qu’avant d’y toucher il faut bien comprendre à quoi elles servent, parce qu’on risque de casser des choses qui
sont utiles. Et surtout, qu’on ne saura pas reconstruire: on peut détruire d’un trait de plume une institution qu’il faudrait des siècles pour réinstaller…
Mais je pourrais vous retourner la question. Si je reprends votre discours, je ne vois aucune raison de refuser le mariage incestueux ou le mariage à partenaires multiples. Dois-je comprendre que
vous y êtes favorable ? Et si la réponse est négative, quels sont les motifs (en dehors d’un “conservatisme” au moins équivalent au mien) qui fondent votre position ? Vous y répondez d’ailleurs
partiellement: “Le refus du mariage frère-soeur ? Je le justifie en disant que son idée répugne un peu à l’immense majorité (…)”. Et pourquoi, à votre avis ? Cette répugnance est-elle
arbitraire ? N’a-t-elle pas une fonction ? Comment expliquez-vous alors qu’elle soit quasi universelle ?
Là aussi, en parlant des pb de la consanguinité, il me semble que vous allez chercher une théorisation qui ne tient pas la route : notre société est radicalement hostile à tout eugénisme
Bien sur que non. Notre société est parfaitement favorable à certains types d’eugénisme. Prenez par exemple le dépistage prénatal de la trisomie 21. Alors même que l’âge de la maternité ne cesse
de croire – et c’est l’un des facteurs de risque de trisomie – le nombre d’enfants trisomiques a radicalement baissé depuis une trentaine d’années. Alors que la prévalence de l’anomalie est de
l’ordre de 21 cas sur 10.000, on a constaté en seulement 5 cas sur 10.000 à la naissance. A votre avis, que sont devenus tous ces trisomiques qui manquent à l’appel ?
Notre société est “radicalement hostile à l’eugénisme” lorsque ce dernier implique la suppression un être humain. Et cette hostilité vient de l’énorme risque qu’il a à laisser une autorité libre
de décider que certains individus peuvent ou doivent être supprimés. Mais la société n’est nullement hostile à un eugenisme “préventif”, tels qu’empêcher la reproduction consanguine, ou celle des
individus portant des maladies héréditaires graves. Comme vous pouvez le constater, ma position n’est pas aussi “intenable” que vous le pensez…
Je tiens à vous féliciter pour la qualité de cet article qui est passionnant de bout en bout.
La seule remarque que je me permets de faire porte sur votre interprétation du mariage qui n’est plus pour la vie mais seulement un contrat entre les époux. Je pense que depuis la révolution et
le droit au divorce et la séparation de fait du mariage civil et religieux avec le concordat, le mariage civil n’a jamais été pour la vie mais un contrat jusqu’au désengagement d’un des deux
époux (“jusqu’à ce que la mort vous sépare” est la phrase consacrée à l’échange des consentements dans le mariage chrétien).
La seule remarque que je me permets de faire porte sur votre interprétation du mariage qui n’est plus pour la vie mais seulement un contrat entre les époux.
Je pense que vous faites erreur. Le mariage n’est pas un contrat. Un contrat est un accord par lequel plusieurs parties créent des obligations réciproques. Mais un contrat ne peut créer des
obligations à des tiers qui ne sont pas partie au contrat. Ainsi, par exemple je peux conclure un contrat – dit “de location” – par lequel je m’oblige à vous laisser jouir de mon appartement, en
échange de votre obligation de payer le loyer. Mais nous ne pouvons pas conclure un contrat par lequel on obligerait une troisième personne qui ne serait partie au contrat de nettoyer
l’appartement.
Le mariage ne fait pas que créer des obligations réciproques entre les époux. Il crée aussi des droits et des devoirs vis à vis des tiers, et notamment l’Etat. Le mariage n’est donc pas un
contrat. Par ailleurs, le mariage crée des obligations qui ne disparaissent pas tout à fait avec la dissolution du mariage (prestation compensatoire, art 270 sq, Code civil). Ces obligations ne
s’éteignent qu’avec la mort du conjoint créancier.
Bonjour,
J’arrive sur votre blog depuis un autre, où un lien vers cette note a été posté en commentaire. Me permet de réagir directement ici au débat.
Il me semble que, si vous avez bien raison de rappeler le rôle du mariage dans la protection des enfants, vous perdez de vue une chose importante : les homosexuels ont de fait des enfants.
Et ça n’a rien d’un abus de langage. La filiation est autant un phénomène social que biologique, et si sur le plan de biologique il est (ça ne va pas durer) nécessaire d’avoir un
« papa » et une « maman » pour produire spermatozoïde et un ovule, ce n’est pas ça qui fait la parenté au sens où on l’entend habituellement. Vous rappelez d’ailleurs à juste
titre la reconnaissance de paternité incluse dans le contrat de mariage : comment mieux dire que c’est le rôle social qui prime, et non l’aspect biologique. On pourrait aussi bien sûr parler
de l’adoption, de la fécondation in vitro avec donneur (d’ovule ou de sperme), même aller dans le symbolique ou le religieux (père spirituel, « mon père », « ma mère »,
« notre Père » etc.)… Dès lors, il me semble clair que la question du lien biologique entre l’enfant et ses parents, que ce soit un homme et une femme, ou deux hommes et deux femmes,
ou quoi qu’on veuille imaginer (*), n’a que l’importance qu’on veut bien lui accorder. Rien ne nécessite a priori qu’un enfant soit élevé par ses parents biologiques.
Le mariage homosexuel ne peut pas modifier le rapport de filiation, dans la mesure où il n’est déjà plus, s’il l’a jamais été, celui que vous avez en tête. Il y a, d’ores et
déjà, des enfants qui ont deux papas ou deux mamans. Ce n’est pas une ineptie. Si ça vous en semble une, c’est que vous insistez pour ne voir dans ces termes que leur sens biologique (ce qui,
définitivement, est un contre-sens, ne serait-ce qu’au niveau du vocabulaire : « papa » et « maman » ne sont pas des termes très employés en biologie).
Comme vous l’écrivez, un enfant ne pourra pas longtemps maintenir la « fiction » que ses parents homosexuels sont ses parents deux biologiques. Mais, et alors ? D’une part je doute
que quiconque essaie de le lui faire croire, pas plus qu’on ne fait croire a un enfant noir élevé par des parents blancs qu’il n’a pas été adopté. (Ce qui n’empêche pas l’enfant d’y croire
lui-même, même si ce serait plutôt le contraire selon les psy : Serge Hefez, qui intervient régulièrement sur france inter, y souligne régulièrement que la plupart des enfants passent par
une phase où ils s’imaginent que leurs parents ne sont pas leurs vrais parents, qu’ils ont été adoptés, et qu’en fait ils sont fils de rois ou autre fantaisie. Me rappelle pas avoir jamais pensé
ça, mais ça doit être assez fréquent pour qu’il le mentionne.) D’autre part et surtout, quelle importance celà pourait-il bien avoir ? Ou avez-vous vu qu’il était question de
« chasser » le « véritable géniteur » ? Personne ne cherche à chasser personne (ou alors si, mais pas forcément, comme disait l’autre : c’est un phénomène qui peut
très bien exister dans des cas de filiation plus « classiques » de parents célibataires, ou remariés, ou d’adoption ou de FIV, ou que sais-je, pas forcément lié et du moins certainement
pas restreint à l’homoparentalité). Et je ne vois donc pas en quoi ça remettrait en cause l’idée de filiation sexuée, encore moins « l’effacer de la conscience sociale » — et à vrai
dire, s’il était possible de la remettre en cause, je ne suis pas convaincu que ça poserait problème, mais de toutes façons, à mon avis cette question ne se pose pas.
Je crois que c’est bien là la faille dans votre raisonnement : pourquoi tenez-vous tant à faire du parent biologique le « véritable géniteur » ? Vous schématisez, là, et
vous sur-biologisez. Engendrer un enfant, c’est pourant clairement un acte beaucoup, beaucoup plus complexe que l’insertion d’un spermatozoïde dans un ovule et le développement de l’œuf fécondé
au sein d’un utérus… Ce qui peut d’ailleurs déjà impliquer trois personnes : qui est la « vraie mère » de l’enfant ? Celle qui a donné l’ovule dont il est issu, celle qui
l’a porté, celle qui l’élève ? Je ne pense pas que ce soit à vous, ni à moi, d’en décider. C’est aux intéressés de construire la réponse pour leur propre cas. Vous pouvez considérer que deux
hommes ou deux femmes ne peuvent être les parents des enfants qu’ils élèvent, mais à mon avis leur opinion, leur vécu et ceux de leurs enfants ont dans ce contexte plus de valeur que les
vôtres.
« Si la société a interdit le mariage homosexuel, le mariage incestueux, la polygamie – et dans un autre ordre d’idées le meurtre, le vol, le viol – c’est parce que ces
interdictions sont nécessaires pour permettre à la société de fonctionner d’une certaine façon. […] Faut-il autoriser le mariage avec les animaux pour permettre aux zoophiles de faire accepter
socialement leur “préférence érotique” ? »
Le meurtre, le vol, le viol, c’est vraiment un autre ordre d’idée, au point qu’on se demande ce qu’il vient faire dans votre discours généralement plus posé dans cette colonne. Mais passons.
Comparer mariage homosexuel et mariage avec les animaux, ce n’est pas mieux, complètement à côté de la plaque. La question est d’ailleurs assez facile à résoudre par un test très simple : si
une femme va voir Monsieur le maire en disant qu’elle veut épouser une chienne, il suffit de poser la question à la chienne : si elle répond « ouaf ouaf », le mariage me semble
compromis. Mais si elle répond clairement « oui, je le veux », je ne vois aucune raison de le leur refuser.
En ce qui concerne les mariages incestueux, c’est vraiment un cas très particulier, mais le risque qu’ils représentent me semble très exagéré. Il n’est significatif qu’à long terme, et encore,
seulement à partir du moment ou une maladie génétique est présente dans la ligné. Il ne peut pas favoriser l’apparition de problèmes, seulement leur diffusion. À l’échelle d’un seul couple, ça ne
poserait donc pas de problème particulier. À l’échelle de la société, c’est autre chose, mais je ne suis pas convaincu que ça suffise à justifier une interdiction : dire aux gens «
vous ne pouvez pas vous marier, parce que si vous avez des enfants, qu’ils ont eux-même des enfants incestueux et ainsi de suite, et qu’une maladie génétique récessive apparaît à une date
indéterminée chez l’un de vous ou de vos descendants suite à une mutation, alors si les enfants de cet individu ont aussi des relations incestueuses ils auront de fortes chances d’hériter de deux
allèles défectueux et de développer la maladie »… Bon, vu la rareté de ce genre de situation, ça me semble un peu léger.
Quant à la polygamie, pourquoi pas ? Notre société tend à considérer qu’on ne peut pas aimer vraiment plus d’une personne à la fois. Elle a longtemps considéré qu’on ne pouvait pas aimer
vraiment une personne de même sexe que soi. Ça, ça a changé. Si ça change aussi pour la polygamie, on en reparlera.
Bien entendu, on peut toujours changer la manière de fonctionner de la société. Mais avant de le faire, mieux vaut étudier en détail les conséquences.
Tout à fait d’accord. Mais justement, ça a été fait…
D’une part, il n’y a pas à ma connaissance d’étude concluante qui montre qu’un enfant élevé par un couple homosexuel ait plus de problème qu’un enfant élevé par un couple hétéro, ni qu’il en ait
autant ou moins. Ce qui suggère que, si différence il y a, elle ne peut être très importante. Personnellement, je ne serais pas surpris qu’il y ait des différences, mais comment prouver qu’elles
tiennent à la sexualité des parents plutôt qu’à leur reconnaissance dans la société ? Je ne vois donc aucune conséquence néfaste prévisible de ce côté l&
J’arrive sur votre blog depuis un autre, où un lien vers cette note a été posté en commentaire. Me permet de réagir directement ici au débat.
Vous êtes le bienvenu. Le débat est la raison d’être de ce blog.
Il me semble que, si vous avez bien raison de rappeler le rôle du mariage dans la protection des enfants, vous perdez de vue une chose importante : les homosexuels ont de fait des
enfants.
Pas du tout. Les homosexuels n’ont – au sens d’engendrer – des enfants. Un homosexuel peut avoir un enfant, mais c’est toujours sur la base d’un rapport hétérosexuel, direct ou indirect. Sauf à
avoir recours au clonage reproductif, il est impossible pour un couple homosexuel tout seul de produire un enfant. Par quelque bout que vous vouliez le prendre, la reproduction humaine est
fondamentalement hétérosexuelle. C’est une réalité qu’on ne peut pas abolir sous prétexte de considérations “sociales”. Et c’est une réalité qui structure profondément la psyché humaine.
La filiation est autant un phénomène social que biologique, et si sur le plan de biologique il est (ça ne va pas durer) nécessaire d’avoir un « papa » et une « maman »
pour produire spermatozoïde et un ovule, ce n’est pas ça qui fait la parenté au sens où on l’entend habituellement.
Mais c’est ce qui fait la “parenté” au sens que lui donne la norme, tant juridique que sociale. Et cette norme a une raison d’être: celle de garantir la solidarité inconditionnelle entre
générations. Nous devons aliments à nos parents, et nos parents nous doivent protection et assistance. Et ces devoirs réciproques n’ont d’autre fondement que la filiation. Tous les autres liens
de solidarité sont électifs. Maintenant, à quoi ressemblerait une société dans laquelle aucune obligation de solidarité n’est inconditionnelle ? Une société ou les enfants ne seraient pas
assurés, en venant au monde, que quelqu’un leur doit quelque chose ? Et quelle tête aurait une société où l’on arriverait à la vieillesse sans que nos enfants nous doivent rien ?
Vous rappelez d’ailleurs à juste titre la reconnaissance de paternité incluse dans le contrat de mariage : comment mieux dire que c’est le rôle social qui prime, et non l’aspect
biologique.
Vous oubliez un petit détail: la présomption de paternité au bénéfice du mari n’est pas irréfragable. Elle peut être contestée notamment en prouvant la paternité biologique. Vous écartez un peu
vite le poids de la filiation biologique. Tous les débats récents sur l’accouchement sous X et le droit des personnes à connaître le nom de leurs parents biologiques devraient vous convaincre que
cette notion a encore un poids important.
Rien ne nécessite a priori qu’un enfant soit élevé par ses parents biologiques.
L’expérience tend à prouver cependant que c’est la meilleure manière d’élever les enfants. Le fait est que les sociétés qui ont essayé d’autres méthodes ont assez vite déchanté. Pourquoi
croyez-vous que l’un des fantasmes qui terrorise le plus les enfants est celui de penser que leurs parents ne sont pas leurs “vrais” parents ? La réponse est simple: parce qu’un parent qui n’est
pas votre parent biologique peut toujours vous rejeter, ce qu’on n’admet pas du parent biologique. C’est d’ailleurs pourquoi l’adoption plenière est entourée d’une certaine solemnité, et qu’on
insiste auprès des candidats sur son caractère irrévocable.
Il y a, d’ores et déjà, des enfants qui ont deux papas ou deux mamans.
Non. Il y a des enfants qui sont élevés par deux hommes ou deux femmes. Mais aucun enfant n’a “deux papas” ou “deux mamans”, n’en déplaise aux adultes – nevrosés – qui veulent changer la réalité
pour satisfaire leurs besoins individuels sans tenir compte de l’enfant. Celui qui elève un enfant ne devient pas pour autant un père ou une mère. Pendant des siècles des enfants ont été elévés
par des tantes, des oncles ou des grands parents, voire par des étrangers. Et ceux-ci devenaient, au mieux, des “parents adoptifs”. Mais jamais des “pères” ou “mères”. Tout enfant a un seul père
et une seule mère, qui même inconnus, existent dans son inconscient.
Comme vous l’écrivez, un enfant ne pourra pas longtemps maintenir la « fiction » que ses parents homosexuels sont ses parents deux biologiques. Mais, et alors ?
Et alors, il réalisera que, quelque part, il y a un “autre” parent. Un parent qui, selon les cas, l’a abandonné, a qui on l’a soustrait, qu’on lui a caché. Quel effet pensez-vous aura sur
le développement de l’enfant l’existence de ce parent absent et la volonté des adultes qui l’élèvent de l’effacer de sa vie et de prendre sa place ? Et à l’heure d’exercer cette solidarité
inconditionnelle qu’on doit à ses parents, quelle sera la place de ce parent ?
pas plus qu’on ne fait croire a un enfant noir élevé par des parents blancs qu’il n’a pas été adopté.
Les psys vous diront les énormes problèmes qu’ont les enfants adoptés par des parents trop différents pour pouvoir maintenir la fiction d’une filiation “régulière”…
Ce qui n’empêche pas l’enfant d’y croire lui-même, même si ce serait plutôt le contraire selon les psy : Serge Hefez, qui intervient régulièrement sur france inter, y souligne
régulièrement que la plupart des enfants passent par une phase où ils s’imaginent que leurs parents ne sont pas leurs vrais parents, qu’ils ont été adoptés, et qu’en fait ils sont fils de rois ou
autre fantaisie
C’est tout à fait exacte. Seulement, dans les enfants normaux, cette fantaisie disparaît et la fiction de filiation s’impose.
Ou avez-vous vu qu’il était question de « chasser » le « véritable géniteur » ?
Ah bon ? Vous voulez dire que “l’enfant d’un couple homosexuel” devra une solidarité inconditionnelle non seulement au couple en question, mais aussi au “véritable géniteur” absent ? Parce que
s’il n’a pas droit à cette solidarité, alors on le “chasse” bien…
Je crois que c’est bien là la faille dans votre raisonnement : pourquoi tenez-vous tant à faire du parent biologique le « véritable géniteur » ?
Je n’y tiens pas particulièrement, mais je n’y peux rien: c’est un fait.
Engendrer un enfant, c’est pourant clairement un acte beaucoup, beaucoup plus complexe que l’insertion d’un spermatozoïde dans un ovule et le développement de l’œuf fécondé au sein d’un
utérus…
Eh bien c’est aussi simple que cela. Il suffit d’insérer un spermatozoïde dans un ovule et développer l’oeuf fécondé pour produire un être qui est sujet de droits et de devoirs en rapport avec
les propriétaires du spermatozoïde et de l’ovule en question. Pourquoi compliquer ce qui est simple ?
Ce qui peut d’ailleurs déjà impliquer trois personnes : qui est la « vraie mère » de l’enfant ? Celle qui a donné l’ovule dont il est issu, celle qui l’a porté, celle qui
l’élève ?
Bonne question. Pour y répondre, il y a un critère qui ne trompe pas: laquelle des trois doit à l’enfant protection et soins, et laquelle a droit d’exiger de lui, plus tard, des aliments ? C’est
celle-là, la “vraie mère”. Et la même règle s’applique pour trouver le “vrai père”.
Je ne pense pas que ce soit à vous, ni à moi, d’en décider. C’est aux intéressés de construire la réponse pour leur propre cas.
Si cela ne concernait qu’eux, peut-être. Mais la famille n’est pas un contrat privé. C’est une institution publique, qui crée des droits et des devoirs dont l’Etat est le garant. On ne peut
laisser “les intéressés” décider qui doit solidarité, protection et aliments à qui. Sauf si – et je devine l’ombre de cette proposition dans votre discours – vous envisagez une société où
personne ne doit rien à personne…
Vous pouvez considérer que deux hommes ou deux femmes ne peuvent être les parents des enfants qu’ils élèvent, mais à mon avis leur opinion, leur vécu et ceux de leurs enfants ont dans ce
contexte plus de valeur que les vôtres.
C’est votre opinion. Je ne la partage pas.
J’évoquais Serge Hefez : je viens de tomber sur un entretien croisé entre lui et Jean-Pierre Winter, dont les arguments sont si proches des vôtres que vous le connaissez sans doute. Ça résume
assez bien nos positions opposées : http://www.psychologies.com/Famille/Relations-familiales/Parents/Interviews/Les-parents-peuvent-ils-etre-de-meme-sexe
Vous êtes rapide. Je reprends à mon tour vos réponses :
Mais c’est ce qui fait la “parenté” au sens que lui donne la norme, tant juridique que sociale. Et cette norme a une raison d’être: celle de garantir la solidarité inconditionnelle entre
générations. Nous devons aliments à nos parents, et nos parents nous doivent protection et assistance. Et ces devoirs réciproques n’ont d’autre fondement que la filiation.
La filliation au sens social du terme. Je me trompe peut-être, mais je doute fort que les parents biologique d’enfants nés sous X ou par fécondation in vitro ait, actuellement,
aucun devoir envers l’enfant qu’ils ont engendré, ni cet enfant aucune obligation envers eux. Je ne vois de toutes façons pas comment ce serait possible. Il y a certes des enfants qui cherchent à
lever l’anonymat, des donneurs de sperme ou d’ovule qui se posent également la question de savoir si leur don a permis a un couple de faire un enfant, mais ça n’implique pas nécessairement (et
vraisemblablement pas du tout) la moindre idée d’obligations sociales, hors le droit à connaître ses origines. Ce qui fait la parenté au sens que lui donne la norme juridique et sociale, c’est
bien essentiellement le lien social d’éducation. Les parents, ce sont ceux qui acceptent la responsabilité de l’enfant. La fiction, en fait, c’est la parenté biologique, pas la parenté sociale.
D’ailleurs je n’ai jamais entendu parler d’un couple qui élève ses enfants biologiques qui leur fasse croire que leurs « vrais parents » sont d’autres personnes — alors que les parents
adoptants ou ayant recours à des donneurs sont nombreux à cacher à leurs enfants la vérité pour maintenir la fiction d’une filiation biologique.
Vous oubliez un petit détail: la présomption de paternité au bénéfice du mari n’est pas irréfragable. Elle peut être contestée notamment en prouvant la paternité biologique.
Dans le cas d’un enfant conçu par une relation d’adultère, certainement. Mais un donneur de sperme peut-il revendiquer la paternité des enfants qu’il n’a pas conçus lui, mais qui ont été conçus a
partir de son don par un autre couple ? Ça m’étonnerait fort.
Tous les débats récents sur l’accouchement sous X et le droit des personnes à connaître le nom de leurs parents biologiques devraient vous convaincre que cette notion a encore un poids
important.
Mais je ne dis pas le contraire. Ça a évidemment un poids important, parce que ça fait partie de l’histoire de l’enfant, mais c’est un fait que ce n’est pas ça qui fonde en droit la
filiation.
L’expérience tend à prouver cependant que c’est la meilleure manière d’élever les enfants. Le fait est que les sociétés qui ont essayé d’autres méthodes ont assez vite déchanté.
Si vous le dites… Mais je ne suis pas convaincu. Vous auriez des sources ? Parce qu’encore une fois, celles que j’ai consultées ne permettent rien d’affirmer dans un sens ou dans
l’autre.
aucun enfant n’a “deux papas” ou “deux mamans”, n’en déplaise aux adultes
N’en déplaise aux adultes ? Et aux enfants ? Si un type vous présente ses deux papas, vous allez lui dire que non, il ne doit pas les appeler comme ça ? Ça me paraît complètement
dogmatique, comme position. Et puis c’est prendre les gens pour des imbéciles, ils connaissent la réalité biologique autant que vous. Les mots ont le sens que leurs donnent ceux qui les
utilisent. Si un enfant dit qu’il a deux papas, il a deux papas, point. Et ça n’implique en aucun cas qu’il ignore ou qu’il néglige la femme qui a produit l’ovocyte dont il est issu. Mais
pourquoi voudriez vous le forcer à appeler Maman quelqu’un qu’il ne connaît peut-être pas, avec qui il n’a peut-être aucun lien, qui ignore jusqu’à son existance ?
Refusez-vous aussi aux enfants adoptés d’appeler « Papa » et « Maman » ceux qui les élèvent, puisqu’ils ne sont pas leurs « véritables géniteurs » ?
Et si, comme ça arrive, à l’âge adulte l’enfant d’un couple hétérosexuel apprend qu’il a été adopté ou qu’il est issu d’un don de gamettes, allez-vous lui dénier tout à coup, alors que vous
l’approuviez quand vous ne le saviez encore pas, le droit de continuer à appeler « Papa » et « Maman » ceux qu’il a toute sa vie appelé comme ça ? et Grand-père et
Grand-mère, Papi et Mamie ses grands-parents ? de considérer comme ses frères et sœurs les autres enfants du couple ? Il aura sans doute un gros cas de conscience — on lui a menti, et
ce n’est pas une mince affaire — mais vous croyez vraiment qu’il va, ou qu’il devrait, rejeter toute sa famille pour ça ? Parce que si c’est comme vous le pensez le biologique qui prime,
toute la famille est en cause, y compris ceux qui ne sont pas dans le secret. Vous allez dire aux autres enfants du couple : non, ce n’est pas votre frère, ce n’est pas votre sœur, vous
devez cessez de le considérer ainsi ? Mais ça n’a aucun sens.
Tout enfant a un seul père et une seule mère, qui même inconnus, existent dans son inconscient.
Mais personne ne dit le contraire ! Ou avez-vous vu qu’on cache à l’enfant quoi que ce soit ? C’est simplement impossible. On peut le faire dans le cas des adoptions, des fécondations
in vitro avec donneur pour des couples hétérosexuel, mais s’il y a un cas d’adoption ou on ne peut pas faire croire a l’enfant que ses parents sont ses parents biologiques, c’est bien dans le
cadre d’un couple homosexuel.
Et alors, il réalisera que, quelque part, il y a un “autre” parent. Un parent qui, selon les cas, l’a abandonné, a qui on l’a soustrait, qu’on lui a caché. Quel effet pensez-vous aura
sur le développement de l’enfant l’existence de ce parent absent et la volonté des adultes qui l’élèvent de l’effacer de sa vie et de prendre sa place ?
Un parent, qui, selon les cas, ne l’a pas conçu, a simplement souhaité donner à d’autres un peu d’aide anonyme et désintéressée pour le concevoir ; un parent qu’on ne lui aura pas caché —
c’est ce qui ce passe dans bien des couples hétérosexuels, et qui est justement strictement impossible dans un couple homosexuel qui n’a aucun moyen de présenter un mensonge crédible à l’enfant —
et qu’on lui aura apris a aimer. Un père ou une mère biologique dont ses parents sociaux ne prennent la place que parce qu’il la leur a généreusement cédée.
Ou bien voulez-vous rendre aux donneurs de gamettes cette place de parents sociaux dont vous semblez considérer qu’elle leur appartient exclusivement ? Ça revient à interdire ces pratiques,
y compris pour les couples hétérosexuels, est-ce vraiment ce que vous souhaitez ?
Et « quel effet pensez-vous peut avoir sur le développement d’un enfant » la volonté que vous exprimez d’effacer de sa vie les adultes qui l’élèvent pour donner leur place a de parfaits inconnus
avec qui il n’a guère que de l’ADN en guise de lien ?
Et à l’heure d’exercer cette solidarité inconditionnelle qu’on doit à ses parents, quelle sera la place de ce parent ?
La même que celle des parents biologiques d’un enfant élevé par un couple hétérosexuel. Cette question n’a aucun rapport avec la sexualité des parents.
Les psys vous diront les énormes problèmes qu’ont les enfants adoptés par des parents trop différents pour pouvoir maintenir la fiction d’une filiation “régulière”…
Peut-être. Mais est-ce vraiment dû à l’impossibilité de « maintenir la fiction d’une filiation “régulière” » (au passage, je souligne que selon vos propres termes, il n’y a que la
parenté biologique qui puisse relever ainsi de la fiction…) ou, sans forcément parler de racisme, aux difficultés d’intégration et d’acceptation du phénomène par la société ?
Parce que s’il est si important de maintenir la fiction d’une filiation régulière pour le bien-être de l’enfant, ça veut donc dire, pour reformuler, qu’il est important de lui mentir et de lui
cacher ses origines ? J’ai du mal à croire qu’un psy puisse sérieusement conseiller de mentir à un enfant…
Ah bon ? Vous voulez dire que “l’enfant d’un couple homosexuel” devra une solidarité inconditionnelle non seulement au couple en question, mais aussi au “vér
La filliation “au sens social du terme”. Je me trompe peut-être, mais je doute fort que les parents biologique d’enfants nés sous X ou par fécondation in vitro ait, actuellement, aucun devoir
envers l’enfant qu’ils ont engendré, ni cet enfant aucune obligation envers eux.
Tout à fait. Mais dans les deux cas, la société a fait en sorte d’établir pour ces enfants des obligations inconditionnelles reposant sur une filiation fictive. Les enfants “accouchés sous X”
sont les enfants les plus faciles à adopter plenièrement, et l’adoption plenière créé les mêmes droits et obligations que la filiation biologique. Quant à la fécondation in-vitro avec donneur
anonyme – j’imagine que c’est à cela que vous faites référence – l’enfant à une filiation réputée légitime dès sa naissance.
Ce qui fait la parenté au sens que lui donne la norme juridique et sociale, c’est bien essentiellement le lien social d’éducation.
S’il était ainsi, pourquoi les homosexuels demandent le mariage et l’adoption ? Si “au sens de la norme juridique” le fait d’éduquer un enfant leur donnait la parenté, point ne serait besoin
d’adopter…
Non. Au sens de la “norme juridique et sociale”, le fait d’éduquer un enfant n’a aucun effet sur sa filiation. Il y a des dizaines d’enfants élévés par des familles d’accueil, et le “lien
d’éducation” ne leur donne aucune parenté avec l’enfant. Et j’ajoute que cela est vrai aussi du point de vue psychologique: tous les parents adoptifs sont confrontés à ce problème…
Les parents, ce sont ceux qui acceptent la responsabilité de l’enfant.
Malheur! Et que se passe-t-il lorsque personne n’accepte la responsabilité de l’enfant ? Il devient quoi ? Pour vous, semble-t-il, il n’y a pas de rapports institutionnalisés. Tout n’est
que volonté individuelle: on est parent lorsqu’on “accepte” de l’être, ce qui suppose qu’on cesse de l’être dès lors qu’on “n’accepte plus” cette responsabilité. Pensez-vous vraiment qu’un tel
cadre puisse offrir aux rapports sociaux la stabilité dont ils ont besoin ? Si vous fondez la paternité sur la volonté du parent, l’enfant sait que sa filiation est contingente, que son parent
peut à tout moment le rejeter. Pensez-vous qu’une construction de soi soit possible dans de telles conditions ?
L’avantage de la filiation, est qu’elle fonde un lien – c’est à dire des droits et des devoirs – sur un critère objectif, et non sur le bon vouloir des individus. Et c’est pour cela que la
filiation est protégée par une institution, le mariage. En désinstitutionnalisant ces rapports, vous créez une insécurité absolue…
“Vous oubliez un petit détail: la présomption de paternité au bénéfice du mari n’est pas irréfragable. Elle peut être contestée notamment en prouvant la paternité biologique”. Dans le cas
d’un enfant conçu par une relation d’adultère, certainement. Mais un donneur de sperme peut-il revendiquer la paternité des enfants qu’il n’a pas conçus lui, mais qui ont été conçus a partir de
son don par un autre couple ? Ça m’étonnerait fort.
Vous avez manqué le point. Vous affirmiez que la présomption de paternité du mari était la preuve que la société fait passer la filiation “sociale” au dessus de la filiation “biologique”. Je vous
faisais simplement remarquer que la présomption en question peut être contestée sur la base d’analyses biologiques, en d’autres termes, que lorsqu’il y a contradiction entre les deux filiations,
c’est la filiation biologique qui l’emporte.
“aucun enfant n’a “deux papas” ou “deux mamans”, n’en déplaise aux adultes” N’en déplaise aux adultes ? Et aux enfants ? Si un type vous présente ses deux papas, vous allez lui dire
que non, il ne doit pas les appeler comme ça ?
Et si un type me présente le lapin de deux mètres qui s’appelle Albert et qui marche derrière lui et lui explique tout ce qu’il doit faire, que dois-je lui dire ? Qu’il dit vrai et que c’est un
beau lapin ?
Si un enfant me “présente ses deux papas” (autrement que sur un ton ironique, s’entend), j’aurai de la peine pour lui. Que des adultes arrivent à psychotiser leur enfant pour satisfaire leurs
besoins de réalisation personnelle est une chose terrible.
Ça me paraît complètement dogmatique, comme position.
Je suis comme ça, que voulez vous. Quand quelqu’un me présente son lapin Albert, je pense “dogmatiquement” qu’il s’agit d’une psychose.
Et puis c’est prendre les gens pour des imbéciles, ils connaissent la réalité biologique autant que vous.
Faites le raisonnement symétrique: ce sont eux qui me prennent pour un imbécile, puisque je connais la réalité biologique autant qu’eux…
Les mots ont le sens que leurs donnent ceux qui les utilisent
Si tel était le cas, il serait impossible de nous comprendre, puisqu’on ne pourrait savoir ce qu’un discours veut dire sans lire dans les pensées de l’autre. Vous avez lu “Alice à travers le
miroir” de Lewis Carroll ? Pensez au dialogue avec Humpty-Dumpty.
Si un enfant dit qu’il a deux papas, il a deux papas, point.
Et s’il dit qu’il a son Lapin Albert, il l’a aussi, point ? Décidément, vous vivez dans un monde bien étrange, ou il suffit de dire pour que cela soit…
Et ça n’implique en aucun cas qu’il ignore ou qu’il néglige la femme qui a produit l’ovocyte dont il est issu.
Qu’est-ce que vous en savez ? Vous lisez dans ses pensées ?
Mais pourquoi voudriez vous le forcer à appeler Maman quelqu’un qu’il ne connaît peut-être pas, avec qui il n’a peut-être aucun lien, qui ignore jusqu’à son existance ?
J’ai du mal à croire qu’une femme puisse porter un enfant pendant neuf mois et accoucher sans s’en apercevoir. Elle ne peut pas ne pas connaître son existence. Mais je ne veux forcer personne à
appeller “maman” qui que ce soit. Ce qui me paraît horripilant, c’est qu’on lui mette dans la tête qu’il doit – ou qu’il peut – appeller “papa” quelqu’un qui n’est pas son papa.
Refusez-vous aussi aux enfants adoptés d’appeler « Papa » et « Maman » ceux qui les élèvent, puisqu’ils ne sont pas leurs « véritables géniteurs » ?
Pas du tout, parce que “papa” et “maman” adoptifs assument l’ensemble des obligations de solidarité inconditionnelle qui font à la paternité, et qu’ils reconstruisent la fiction d’une filiation.
Par contre, je trouverai assez absurde que l’enfant appelle ses parents adoptifs “papa et papa”. Comme si deux “papas” pouvaient faire une filiation.
Et si, comme ça arrive, à l’âge adulte l’enfant d’un couple hétérosexuel apprend qu’il a été adopté ou qu’il est issu d’un don de gamettes, allez-vous lui dénier tout à coup, alors que
vous l’approuviez quand vous ne le saviez encore pas, le droit de continuer à appeler « Papa » et « Maman » ceux qu’il a toute sa vie appelé comme ça ?
Je vous le repète: je n’ai rien contre la filiation fictive. Ce qui me paraît dangereux, c’est de créer la fiction d’une filiation homosexuelle, qui nierait le caractère hétérosexuel de la
reproduction humaine.
Parce que si c’est comme vous le pensez le biologique qui prime,
Vous me faites dire ce que je n’ai pas dit. Où est-ce que j’ai dit que “le biologique prime” ? Le problème, avec le mariage homosexuelle, n’est pas la question de la filiation biologique versus
la filiation sociale. C’est l’idée qu’on puisse avoir une filiation fondée sur autre chose que la reproduction hétérosexuelle. Je crois que vous ne voyez pas la nature du problème: a partir du
moment ou j’admet qu’un enfant peut avoir “deux papas”, pourquoi je n’admettrai pas qu’il puisse avoir trois ? Ou quatre ? Ou cinq ? Ou une dizaine ? La seule raison pour laquelle on admet qu’un
enfant a deux parents tient au fait que notre reproduction est – biologiquement – hétérosexuelle, et qu’il n’y a que deux sexes. Et c’est pour cela que nous avons deux lignées. Peu importe que
ces lignées soient réelles ou fictives, à condition qu’elles soient vraisemblables.
Mais personne ne dit le contraire ! Ou avez-vous vu qu’on cache à l’enfant quoi que ce soit ?
Lorsqu’on fait dire à un enfant qu’il a “deux papas”, on est en train de lui cacher quelque chose…
Ou bien voulez-vous rendre aux donneurs de gamettes cette place de parents sociaux dont vous semblez considérer qu’elle leur appartient exclusivement ?
Vous m’obligez à répéter, je répéte donc: les donneurs de gamettes dans le cadre d’un couple hétérosexuel laisse l’enfant avec une filiation fictive mais vraisemblable. Ce n’est pas le cas dans
le cadre du couple homosexuel.
Et « quel effet pensez-vous peut avoir sur le développement d’un enfant » la volonté que vous exprimez d’effacer de sa vie les adultes qui l’élèvent
Encore une fois, vous mettez des mots dans ma bouche. Je n’ai jamais exprime la volonté d’effacer qui que ce soit de la vie de qui que ce soit. Ce n’est pas parce qu’on refuse l’adoption au
couple homosexuel qu’on fait disparaître l’adulte qui élève l’enfant de sa vie. D’ailleurs, je vous trouve très contradictoire: si pour vous c’est le fait d’élèver l’enfant qui fait de vous un
parent, pourquoi l’adoption est elle si importante ?
Peut-être. Mais est-ce vraiment dû à l’impossibilité de « maintenir la fiction d’une filiation “régulière” » (au passage, je souligne que selon vos propres termes, il n’y a que la
parenté biologique qui puisse relever ainsi de la fiction…) ou, sans forcément parler de racisme, aux difficultés d’intégration et d’acceptation du phénomène par la société ?
J’ai pas compris votre remarque sur la “parenté biologique”. La “fiction” est celle d’une parenté biologique inexistente mais vraisemblable.
Pour ce qui concerne la difficulté, elle est plus liée a la différence que l’enfant voit entre lui même et ses parents qu’à un quelconque “racisme”.
Parce que s’il est si important de maintenir la fiction d’une filiation régulière pour le bien-être de l’enfant, ça veut donc dire, pour reformuler, qu’il est important de lui mentir
Certainement pas. Une fiction n’est pas un mensonge. Lorsqu’un parent raconte à son enfant un conte de fées, lui “ment”-il ? Certainement pas. Il raconte une fiction.
Ah bon ? Vous voulez dire que “l’enfant d’un couple homosexuel” devra une solidarité inconditionnelle non seulement au couple en question, mais aussi au “vér
Cette dernière phrase m’est arrivée incomplète…
Cette dernière phrase m’est arrivée incomplète…
Houlà, en effet. Et s’il n’y avait que cette dernière phrase ! En fait plusieurs paragraphes ont sauté. Pareil pour mon message précédent. Il doit y avoir une limite à la taille des messages
— autour de sept, huit mille signes on dirait. Pas étonnant qu’on ait du mal à se comprendre dans ces conditions. Je me demandais pourquoi vous n’aviez pas relevé certains arguments que je
considérais comme importants…
Bon, je vais d’abord répondre à votre dernier message, puis je posterai les parties manquantes. En plusieurs fois…
> S’il était ainsi, pourquoi les homosexuels demandent le mariage et l’adoption ?
Parce que ce n’est vrai que pour les couples hétérosexuels, évidemment. Un homme peut reconnaître un enfant qui n’a pas déjà un père sans avoir besoin de prouver quelque relation biologique que
ce soit, s’il existe un lien de filiation social. N’est-ce pas ce qu’on appelle la reconnaissance d’état, ou quelque chose dans ce goût-là ? ‘Tendez, je demande à Google-qui-est-mon-ami…
Ah, voilà : possession d’état, article 311-1 du code civil.
> Malheur! Et que se passe-t-il lorsque personne n’accepte la responsabilité de l’enfant ? Il devient quoi ? Pour vous, semble-t-il, il n’y a pas de rapports institutionnalisés.
Il y en a, mais il n’y a pas que ça. Ça manque parfois, d’ailleurs mais j’y reviendrai : c’est précisément sur ces aspects que portaient les paragraphes qui ont sauté.
Et sinon, il se passe ce qui se passe quand une mère accouche sous X. Il s’agit bien d’un cas où les parents ont refusé d’accepter la responsabilité de l’enfant, non ?
> Tout n’est que volonté individuelle: on est parent lorsqu’on “accepte” de l’être, ce qui suppose qu’on cesse de l’être dès lors qu’on “n’accepte plus” cette responsabilité.
Je n’y peux rien, et ce que j’en pense n’a strictement aucune incidence sur ce genre de réalité : il y a des parents qui abandonnent leurs enfants. On ne peut quand même pas les obliger à
élever Blanche-Neige ou le petit Poucet — ce ne serait pas dans leur intérêt d’être confié encore et encore à des parents qui s’échinent à s’en débarasser.
> Vous affirmiez que la présomption de paternité du mari était la preuve que la société fait passer la filiation “sociale” au dessus de la filiation “biologique”.
Et c’est bien le cas, tant que personne ne la conteste. Ça n’interdit pas de prendre en compte la filiation biologique (à condition, encore une fois, qu’elle procède d’une relation sexuelle
consentie, c’est à dire d’un rapport social — je doute qu’un violeur puisse obtenir la reconnaissance de paternité de « son » enfant biologique, idem, sans évidemment qu’il y ait
d’autre lien entre les deux cas, pour un donneur de sperme), mais la paternité repose d’abord sur des conventions sociales.
Et si un type me présente le lapin de deux mètres qui s’appelle Albert et qui marche derrière lui et lui explique tout ce qu’il doit faire, que dois-je lui dire ? Qu’il dit vrai et que
c’est un beau lapin ?
Vous manquez d’imagination. Permettez-moi de jouer un peu avec votre exemple.
Donc, le type, c’est un vieux copain à vous, perdu de vue depuis longtemps. La dernière fois que vous aviez reçu de ses nouvelles, quinze ou seize ans plut tôt, c’était un faire-part annonçant la
naissance de son fils. Un jour, par hasard, vous le croisez dans la rue. Il vous reconnaît, vous tombez dans les bras l’un de l’autre. Et puis vous réalisez la présence derrière lui d’un grand
jeune homme qui le dépasse d’une bonne tête. Vous lancez à votre copain « c’est quand même pas ton petit Albert ? » « Eh oui, qu’il vous répond : c’est mon petit lapin. »
« Ptain, P’pa, t’es lourd, fait le lapin. Ch’t’ai dit cent fois de pas m’appeler comme ça. »
Et voilà ! vous n’allez quand même pas nier l’existence de ce lapin de deux mètres qui suit votre ami partout en lui disant ce qu’il doit faire, et traiter de psychotique le père de ce
pauvre Albert ? Le mot « lapin », pour Albert et son père, désigne sans ambiguïté le jeune homme, parce que les deux ont convenu de l’utiliser ainsi. Les mots ont le sens que leurs
donnent ceux qui les utilisent.
C’est pareil pour « Papa » et « Maman », qui ne sont de toutes façons ni des termes biologiques ni des termes juridiques. Il n’y a vraiment aucune psychose là-dedans. Ce sont
des termes affectueux, sans doute un peu plus forts et chargés symboliquement que « mon lapin », mais pas fondamentalement différents, qui expriment un rapport affectif de filiation
sociale. (Personne n’appellera « Papounet », sinon de manière ironique, un type qu’il ne peut pas blairer, fût-il son père biologique et légal.) Les enfants élevés par des couples
homosexuels et leurs parents sociaux les utilisent, et que ça vous plaise ou non vous n’y pouvez rien. Pourquoi vous obstiner à le contester ?
> Faites le raisonnement symétrique: ce sont eux qui me prennent pour un imbécile, puisque je connais la réalité biologique autant qu’eux…
Mais pas la réalité sociale, manifestement.
> Qu’est-ce que vous en savez ? Vous lisez dans ses pensées ?
Évidemment non. Je dis que ça ne l’implique pas, autrement dit : je ne peux pas démontrer que c’est le cas. Si vous prétendez pouvoir le faire, c’est vous qui devez lire dans les pensées. Ou
alors, faut m’expliquer.
> J’ai du mal à croire qu’une femme puisse porter un enfant pendant neuf mois et accoucher sans s’en apercevoir. Elle ne peut pas ne pas connaître son existence.
Euh, je parlais des donneuses anonymes d’ovocytes.
Ce qui me paraît horripilant, c’est qu’on lui mette dans la tête qu’il doit – ou qu’il peut – appeller “papa” quelqu’un qui n’est pas son papa.
On en revient toujours là. Vous confondez « papa » et « père biologique », ou « père légal ». Ce n’est pas la même chose. Mais l’essentiel de mes commentaires
là-dessus n’est pas passé… J’y reviens plus bas.
Lorsqu’on fait dire à un enfant qu’il a “deux papas”, on est en train de lui cacher quelque chose…
C’est vous qui le dîtes.
D’ailleurs, je vous trouve très contradictoire: si pour vous c’est le fait d’élèver l’enfant qui fait de vous un parent, pourquoi l’adoption est elle si importante ?
Ah, j’y viens, j’y viens.
> J’ai pas compris votre remarque sur la “parenté biologique”. La “fiction” est celle d’une parenté biologique inexistente mais vraisemblable.
OK, je n’avais pas compris. Je pensais que ce qui vous gênait c’était que ce soit une fiction. Ce que je voulais surtout, c’était lui opposer la réalité du lien social, qui ne me semble pas moins
importante ni légitime.
Bon, prochain message, suite de mon premier. Ça devrait éclairer tout le reste.
J’en suis, croyez-le, absolument désolé. J’encourage mes commentateurs à garder une copie de leur texte, au cas où, parce que ce n’est pas la première fois que cela se produit.
(Suite de mon premier commentaire)
Personnellement, je ne serais pas surpris qu’il y ait des différences, mais comment prouver qu’elles tiennent à la sexualité des parents plutôt qu’à leur reconnaissance dans la société ? Je
ne vois donc aucune conséquence néfaste prévisible de ce côté là. Plutôt du positif, au contraire, en accordant aux couples homosexuels (et à leurs enfants, ou aux enfants qu’ils élèvent si vous
y tenez, mais je ne vois pas la différence) une protection accrue et un meilleur statut, une meilleure reconnaissance. Ça ne peut que contribuer à leur stabilité et à leur bien-être, et je ne
vois pas à qui ça poserait problème.
D’autre part et surtout : vous dites que pour vous « Si pour moi le mariage vise à créer une institution qui garantit la prise en charge dans des bonnes conditions des enfants ».
Pour moi, s’il y a une raison de donner aux homosexuels le même droit au mariage qu’au hétérosexuels, quoi qu’on puisse penser de l’homosexualité ou de l’homoparentalité, c’est justement
celle-ci : accorder les mêmes droits, la même protection à leurs enfants. Car, comme je le disais, les homosexuels ont déjà des enfants. En France, les estimations varient du simple au
décuple, entre 20 et 200 000 enfants — selon ce qu’on compte et la façon dont on le fait.
C’est assez facile pour un homosexuel d’avoir des enfants, vous savez. Vraiment pas besoin d’être marié pour ça. Il peut avoir des enfants dans une relation hétérosexuelle et quiter son conjoint
pour une personne de même sexe. Ou changer de sexe lui-même, d’ailleurs, de sorte qu’un enfant puisse être issu de l’union hétérosexuelle de deux personnes de même sexe. Les femmes peuvent avoir
recours à la fécondation in vitro avec donneur, les femmes à une mère porteuse. Ils peuvent adopter, en se présentant comme célibataire. Sans parler des petits arangements entre amis, un couple
de gays et un couple de lesbiennes pouvant très bien décider de faire des enfants ensemble. Tout ça, ce sont des réalités, plus ou moins fréquentes, mais qui dans l’ensemble représentent, je l’ai
dit, un nombre considérable de parents et d’enfants. Je ne vois pas d’intérêt à refuser de leur donner la reconnaissance légale du mariage. Surtout pour les enfants : à la mort de son père
ou de sa mère biologique, ou si ses parents ses séparent, que devient l’enfant d’un couple homosexuel ? Actuellement, son « autre papa » ou son « autre maman » n’a aucun
statut légal, et l’enfant peut être séparé définitivement de la personne qu’il a considéré comme son père ou sa mère (spirituel, adoptif si vous voulez, mais l’attachement n’en est pas moins
fort), ce qui me semble un problème bien plus réel et sérieux que les hypothèses invérifiées sur les risques psychologiques que pourrait encourrir un enfant élevé par un couple de même sexe. Ce
n’est pas tout à fait la même question, mais un des avantages du mariage homosexuel c’est qu’il implique un minimum de reconnaissance du co-parent.
Un dernier mot au sujet des risques psychologiques, puisque vous semblez accorder de l’importance aux arguments sur l’importance des « références sexuées » pour la formation de
l’enfant. Je suis tout prêt à l’admettre, mais je ne vois pas en quoi l’homoparentalité (qui, au risque d’insister, existe de toutes façons) menace ces références. Il y a un fameux proverbe,
africain je crois, qui dit que pour élever un enfant, il faut tout un village. C’est sans doute moins vrai dans les sociétés occidentales, mais à part dans les tout premiers mois de sa vie (et
encore…) un enfant ne peut guère échapper à la différence sexuelle. Dès sa naissance il va croiser des médecins, sage-femme, infirmiers des deux sexes, faire connaissance avec sa famille, aura
des grands-parents, des oncles et des tantes (sans jeu de mot), des frères et sœurs. Il ira a l’école, aura des copains, des copines, des instits des deux sexes, et sera de toutes façons
confronté à l’hétérosexualité et à la répartition des genres dans la société. Dans ces conditions, la crainte de l’absence de « références sexuées » me semble totalement infondée.
Bref, et pour conclure enfin, pour moi le mariage homosexuel, loin d’être un gadget comme vous l’écrivez, est avant tout la reconnaissance d’une réalité sociale, permettant un meilleur statut et
une meilleure protection des couples et des enfants concernés. À ce titre, il me semble parfaitement justifié de l’autoriser.
(*) Me souviens du cas de Thomas Beatie qui avait fait la une des journaux il y a quelques années : un transsexuel qui avait gardé ses organes génitaux féminins, et dont la compagne était
stérile, avait décidé de porter un enfant issu d’un don de sperme. Dans ce cas évidemment très particulier mais exemplaire, le père social et légal — il était, à l’état civil, devenu un homme —
était également la mère biologique de l’enfant. Allez faire rentrer ça dans des cases. (Aux dernières nouvelles et d’après une recherche rapide, le couple se serait séparé, après leur troisième
enfant, et après que Thomas ait finalement procédé à une phalloplastie.)
D’autre part et surtout : vous dites que pour vous « Si pour moi le mariage vise à créer une institution qui garantit la prise en charge dans des bonnes conditions des
enfants ». Pour moi, s’il y a une raison de donner aux homosexuels le même droit au mariage qu’au hétérosexuels, quoi qu’on puisse penser de l’homosexualité ou de l’homoparentalité, c’est
justement celle-ci : accorder les mêmes droits, la même protection à leurs enfants.
Mais… leurs enfants on dejà cette protection: ils ont, comme tous les enfants, un papa et une maman. Que papa et maman ne soient pas mariés et que papa (ou maman) vive avec une personne de son
même sexe ne change rien à l’affaire. Le parent de l’autre sexe continue à exister.
C’est assez facile pour un homosexuel d’avoir des enfants, vous savez.
Non, je ne sais pas. Il est très facile à deux personnes de sexe différent, dont une homosexuelle, d’avoir des enfants. Mais pour un homosexuel tout seul (ou pour deux homosexuels du même sexe)
c’est pratiquement très difficile et juridiquement impossible, le clonage reproductif étant interdit. Vous continuez à jouer sur une ambiguïté: un homosexuel peut être facilement parent, mais
seulement dans le cadre d’un rapport hétérosexuel.
Vraiment pas besoin d’être marié pour ça. Il peut avoir des enfants dans une relation hétérosexuelle et quiter son conjoint pour une personne de même sexe.
Tout à fait. Mais dans ce cas, l’enfant a dejà deux parents de sexe différent, et le nouveau partenaire de son père n’a aucune place dans sa filiation. Quelque soit la manière dont
vous vous y prenez, sauf pour le cas du clonage reproductif, il y a toujours dans la reproduction humaine un élément hétérosexuel. C’est pourquoi je trouve dangereux de créer socialement la
fiction qu’un monde exclusivement homosexuel est possible.
C’est là en fait le problème que j’évoquais dans mon papier: les homosexuels veulent se donner l’illusion de la normalité, alors que leur parentalité est, par définition, “anormale”. Un couple
homosexuel ne peut avoir des enfants qu’en “trichant”: soit en récupérant du matériel génétique de quelqu’un d’autre (le donneur), soit en louant un ventre de “mère porteuse”. Et à chaque fois
cela donne un coup de canif dans l’idée de filiation, puisqu’on efface symboliquement une partie du processus d’engendrement pour se donner l’illusion d’une parentalité.
Le fait de ne pas pouvoir établir de lignée fait partie de la condition du couple homosexuel. Le refus d’accepter cette condition conduit à un comportement psychotique. Qui n’est pas unique dans
notre société: de plus en plus nous voyons fleurir des manchots qui veulent jouer du piano, des aveugles qui veulent conduire des trains et des tétraplégiques qui veulent danser le “Lac des
Cygnes”. Et la société nous présente ces cas comme des exemples à suivre…
Je ne vois pas d’intérêt à refuser de leur donner la reconnaissance légale du mariage.
Mais quel intérêt – pour la société, s’entend – à le leur donner ?
Surtout pour les enfants : à la mort de son père ou de sa mère biologique, ou si ses parents ses séparent, que devient l’enfant d’un couple homosexuel ?
Le fait d’être marié ne changerait rien à l’affaire. Je crois que vous confondez “mariage” et “adoption” ici. Par ailleurs, l’enfant a aussi un autre parent, qui lui aussi a des droits et des
devoirs. Que deviennent-ils dans votre logique ?
Actuellement, son « autre papa » ou son « autre maman » n’a aucun statut légal, et l’enfant peut être séparé définitivement de la personne qu’il a considéré comme son père
ou sa mère (spirituel, adoptif si vous voulez, mais l’attachement n’en est pas moins fort),
Pas du tout. D’abord, il ne peut être séparé “définitivement”, tout au plus jusqu’à sa majorité. Après, l’enfant a le droit de voir qui il veut. Ensuite, le juge peut accorder un droit de visite
à une personne alors même que celle-ci n’a aucun lien de filiation avec l’enfant. Et enfin, vous semblez indifférent au fait que l’adoption par un couple homosexuel pourrait séparer l’enfant
“définitivement” de son autre parent biologique, qu’il considère peut-être aussi comme “son père ou sa mère”. Que devient-il, ce parent ?
Ce n’est pas tout à fait la même question, mais un des avantages du mariage homosexuel c’est qu’il implique un minimum de reconnaissance du co-parent.
Un point de curiosité: pourquoi pensez-vous qu’il faudrait accorder au co-parent homosexuel plus de droits qu’au co-parent hétérosexuel, qui lui non plus n’a aucun droit sur les enfants de son
conjoint (enfants d’un premier lit, par exemple) ? Lui aussi peut “être séparé définitivement de l’enfant qui le considère comme son père ou sa mère”. Et pourtant, personne n’a demandé que le
co-parent hétérosexuel ait un statut légal… pourquoi le demander pour le co-parent homosexuel ?
La réponse est évidente à mon sens. Parce que le co-parent hétérosexuel ne prétend pas contester la véritable filiation de l’enfant. Par contre, il y a chez les militants homosexuels la volonté
d’effacer la filiation hétérosexuelle de l’enfant pour lui substituer une fiction de “deux papas” ou “deux mamans”. C’est cela que je trouve absurde et dangereux.
Je suis tout prêt à l’admettre, mais je ne vois pas en quoi l’homoparentalité (qui, au risque d’insister, existe de toutes façons) menace ces références.
Vous trouvez pas que le fait pour un enfant d’avoir “deux papas” et pas de maman (ou viceversa) ne pose aucun problème du point devue des “références sexuées” ? Quelle serait la référence
féminine d’un enfant engendré – symboliquement – par deux papas ?
Il y a un fameux proverbe, africain je crois, qui dit que pour élever un enfant, il faut tout un village. C’est sans doute moins vrai dans les sociétés occidentales, mais à part dans les tout
premiers mois de sa vie (et encore…) un enfant ne peut guère échapper à la différence sexuelle.
La “référence sexuée” ne se limite pas à se rendre compte qu’il existe des gens de sexe différent. C’est aussi la compréhension des roles qui sont attachés à cette différentiation. Tous
les psys vous diront qu’un des problèmes des familles monoparentales est précisement l’absence de l’un de ces rôles. C’est encore pire dans un couple homosexuel, puisqu’il y aura non seulement
absence d’un des rôles, mais incertitude sur qui joue l’autre…
(suite du deuxième, et fin)
Ah bon ? Vous voulez dire que “l’enfant d’un couple homosexuel” devra une solidarité inconditionnelle non seulement au couple en question, mais aussi au “véritable géniteur” absent ? Parce
que s’il n’a pas droit à cette solidarité, alors on le “chasse” bien…
Encore une fois, c’est une question qui n’a pas de rapport avec la sexualité des parents. On « chasse » de la même manière les donneurs de gamettes, les pères ou les mères inconnus. Il
me semble plutôt bien, a priori, de permettre à un enfant de connaître ses origines s’il le désire, mais je ne vois aucune raison d’imposer arbitrairement des obligations « parentales »
à des gens qui ne se connaissent pas et n’ont aucun désir de se rencontrer. Considérez-vous vraiment que cela soit souhaitable ? Il me semble que ça va a l’encontre du principe même du
don.
Pourquoi compliquer ce qui est simple ?
Parce que ça ne l’est pas. Être parent biologique ou parent social, ce sont deux choses complètement diférentes. On peut être l’un ou l’autre, ou les deux. La dernière option est la plus
fréquente, mais ça n’empêche pas qu’il s’agit de deux choses différents. Et actuellement, contrairement à ce que vous affirmez, les « propriétaire » de l’ovule ou du spermatozoïde dont
est issu un enfant n’ont aucun droit ni devoir envers celui-ci s’ils ne sont pas reconnus socialement comme ses parents.
Pour y répondre, il y a un critère qui ne trompe pas: laquelle des trois doit à l’enfant protection et soins, et laquelle a droit d’exiger de lui, plus tard, des aliments ? C’est celle-là, la
“vraie mère”. Et la même règle s’applique pour trouver le “vrai père”.
C’est donc celle qui l’a élevé, c’est bien ce que je dis et ça me semble complètement évident. La donneuse d’ovule ne connaît même pas forcément son existence, comment pourrait pourrait-on la
tenir comptable de quelque obligation que ce soit à son égard ? Ça n’a pas de sens, et c’est impossible à réaliser, comme je le disais plus haut ça va a l’encontre du principe même du
don.
Sauf si – et je devine l’ombre de cette proposition dans votre discours – vous envisagez une société où personne ne doit rien à personne…
C’est tout le contraire. De mon point de vue, c’est justement votre discours qui, en refusant aux enfants élevés par des couples homosexuels le droit de dire qu’ils ont deux papas ou deux mamans,
qui crée de fait une société où l’un des deux parents, n’étant pas reconnu par la loi, n’a aucun doit ni aucune responsabilité ni envers son enfant — ou pour vous faire plaisir celui qu’il
considère comme son enfant, et qui le considère comme son parent —, ni envers son compagnon ou sa compagne, qu’il le veuille ou non.
Quand un couple homosexuel choisit d’avoir un enfant, quel que soit le moyen qu’il choisisse pour cela, à l’heure actuelle seul l’un des deux parents sera responsable de l’enfant. Pourtant, si la
methode de « conception » diverge, c’est bien comme dans un couple hétérosexuel un choix qui se fait à deux. Les deux parents sociaux vont s’impliquer dans le projet d’enfant, qu’ils
n’auraient sans doute pas séparément, vont s’impliquer dans l’éducation de l’enfant. S’ils se séparent, seul le parent légal aura la charge de l’enfant. S’il en a les moyens, l’autre parent ne
devrait-il pas avoir l’obligation, comme dans un couple classique, de subvenir aux besoins de son enfant, en payant par exemple une pension alimentaire, même s’il ne le souhaite pas ? Si le
parent biologique meurt, l’enfant qui vient de perdre son père ou sa mère doit-il encore être séparé de son co-parent ? Vous pensez vraiment que dans ce cas il faut rechercher le donneur de
gamettes pour le mettre en face des responsabilités que vous semblez lui prêter ? Ça ne tient pas debout.
Ne voyez-vous pas que le choix politique que vous proposez va a l’encontre de l’objectif que vous défendez ? Le mariage homosexuel, ou du moins la reconnaissance de la co-parentalité (mais
si on a l’une, pourquoi ne pas avoir l’autre ? puisque c’est votre seul argument pour vous y opposer), est le seul moyen d’assurer les droits et les devoirs des personnes concernées. Comme
vous l’écrivez, « On ne peut laisser “les intéressés” décider qui doit solidarité, protection et aliments à qui. » C’est pourtant bel et bien le cas actuellement, et c’est ce que vous
refusez de changer. Si le co-parent décide de rejeter toute responsabilité envers l’enfant qu’il a élevé, qu’il a aidé son partenaire a concevoir, a l’heure actuelle il en a tous les droits. Par
contre le parent biologique peut lui tout d’un coup décider que son partenaire n’a plus aucun droit envers l’enfant, l’État ne lui dira rien, n’est le garant de rien dans ce qui est, de fait, une
famille, et qui ne relève pourtant que d’un « contrat » privé sans aucune valeur légale. N’est-ce pas l’exact contraire de ce que vous défendez ?
Encore une fois, c’est une question qui n’a pas de rapport avec la sexualité des parents. On « chasse » de la même manière les donneurs de gamettes, les pères ou les mères
inconnus.
Je ne faisais pas référence aux pères et mères inconnus, mais aux pères et mères connus. Comme tu l’as signalé, beaucoup d’homosexuels ont eu des enfants dans le cadre de rapports héterosexuels.
Les enfants ont donc des pères ou mères connues. Que fais-tu de ce “tiers parent” dans le cadre d’un mariage homosexuel ? Doit-il rendre impossible l’adoption, comme c’est le cas dans les couples
hétérosexuels ?
mais je ne vois aucune raison d’imposer arbitrairement des obligations « parentales » à des gens qui ne se connaissent pas et n’ont aucun désir de se rencontrer. Considérez-vous
vraiment que cela soit souhaitable ?
Je pense non seulement que c’est souhaitable, mais que c’est absolument indispensable. L’obligation alimentaire imposée aux enfants est le coeur, la raison d’être même de l’institution familiale.
Sans cette obligation, difficile de justifier l’obligation de soins que les parents ont envers leurs enfants.
Il me semble que ça va a l’encontre du principe même du don.
Je ne vous parle pas du don de sperme ou d’ovules, pour lesquels la loi a exclu tout rapport de filiation. Je vous parle des enfants qui connaissent leurs deux parents (ou du moins dont les
parents ont des devoirs envers eux), et qui représentent aujourd’hui l’immense majorité des enfants elevés par des couples homosexuels.
“Pour y répondre, il y a un critère qui ne trompe pas: laquelle des trois doit à l’enfant protection et soins, et laquelle a droit d’exiger de lui, plus tard, des aliments ? C’est celle-là,
la “vraie mère”. Et la même règle s’applique pour trouver le “vrai père””. C’est donc celle qui l’a élevé, c’est bien ce que je dis et ça me semble complètement évident.
Et bien, c’est non seulement pas évident, mais faux. Relisez votre code civil. C’est la parenté biologique en premier lieu, et la parenté légale (adoption) en deuxième lieu qui déterminent les
obligations alimentaires. Le fait d’avoir “élévé” l’enfant ne vous donne aucun droit et aucun devoir. Le Code Civil précise même qu’un enfant dont la filiation paternelle n’est pas légalement
établie peut demander des aliments de tous les hommes qui ont eu des rapports sexuels avec sa mère biologique pendant la période de sa conception (art 342, code civil).
C’est tout le contraire. De mon point de vue, c’est justement votre discours qui, en refusant aux enfants élevés par des couples homosexuels le droit de dire qu’ils ont deux papas ou deux
mamans, qui crée de fait une société où l’un des deux parents, n’étant pas reconnu par la loi, n’a aucun doit ni aucune responsabilité ni envers son enfant — ou pour vous faire plaisir celui
qu’il considère comme son enfant, et qui le considère comme son parent —, ni envers son compagnon ou sa compagne, qu’il le veuille ou non.
C’est faux: la question des responsabilités “envers sont compagnon ou sa compagne” sont prévues par le PACS. Pour ce qui concerne l’enfant, je continue à m’étonner qu’une règle qui ne pose aucune
difficulté dans le cadre d’un couple hétérosexuel (le beau-parent n’a aucun statut légal vis à vis des enfants de son conjoint qui ne sont pas les siens) vous semble si détestable dans le cadre
du couple homosexuel…
Quant au fait de “refuser aux enfants de pouvoir dire qu’ils ont deux papas ou deux mamans”, oui, je l’assume. Je pense que la société doit “réfuser” aux gens le droit de nier la réalité. Une
société qui se considère tenue d’accepter que les gens se prennent pour Napoleon pour leur faire plaisir est une société malade.
Quand un couple homosexuel choisit d’avoir un enfant, quel que soit le moyen qu’il choisisse pour cela, à l’heure actuelle seul l’un des deux parents sera responsable de l’enfant. Pourtant,
si la methode de « conception » diverge, c’est bien comme dans un couple hétérosexuel un choix qui se fait à deux.
Non. Un couple homosexuel ne peut pas, en tant que couple, “choisir d’avoir un enfant”. Un homosexuel, tout seul, peut à la rigueur choisir, avec l’accord d’un membre du sexe opposé, d’avoir un
enfant dans le cadre d’un rapport hétérosexuel. Une lesbienne peut choisir de se faire inseminer artificiellement. Mais un couple homosexuel, en tant que couple, ne peut “décider d’avoirun
enfant”. Encore une fois, il ne faut pas jouer avec les ambiguités: alors que dans un couple hétérosexuel l’enfant dépend de la décision des deux, dans le cas d’un couple homosexuel la décision
est individuelle. Si elle est partagée, c’est nécessairement avec quelqu’un extérieur au couple.
Les deux parents sociaux vont s’impliquer dans le projet d’enfant, qu’ils n’auraient sans doute pas séparément, vont s’impliquer dans l’éducation de l’enfant.
Peut-être. Et peut-être pas. On n’en sait rien. Qui vous dit que ce n’est pas le projet de l’un d’eux, et que l’autre n’est que spectateur ? Encore une fois, contrairement a l’enfant d’un couple
hétérosexuel, qui sait que son engendrement est le fruit d’un accord, l’enfant élevé par un couple homosexuel – sauf lorsqu’il connaît le parent “tiers” – sait que son existence est le fruit de
la volonté de l’un seul de ses parents.
S’ils se séparent, seul le parent légal aura la charge de l’enfant. S’il en a les moyens, l’autre parent ne devrait-il pas avoir l’obligation, comme dans un couple classique, de subvenir aux
besoins de son enfant, en payant par exemple une pension alimentaire, même s’il ne le souhaite pas ?
Je ne vois pas pourquoi, puisqu’on ne sait pas, et on ne saura jamais s’il a souhaité la naissance de cet enfant et s’il avait les moyens de l’empêcher… Pourquoi infliger une obligation du fait
de la décision de son conjoint ?
Si le parent biologique meurt, l’enfant qui vient de perdre son père ou sa mère doit-il encore être séparé de son co-parent ?
Non. Mais pas besoin de se marier ou d’adopter pour cela. Le juge peut nommer tuteur toute personne, et si le co-parent a participé à l’éducation de l’enfant, il semble la personne naturelle pour
exercer la tutelle.
Vous pensez vraiment que dans ce cas il faut rechercher le donneur de gamettes pour le mettre en face des responsabilités que vous semblez lui prêter ? Ça ne tient pas debout.
Je ne comprends pas pourquoi vous vous focalisez sur le don de gamètes. Le donneur n’est pas un parent, et n’a aucun rôle dans la filiation de l’enfant.
Le mariage homosexuel, ou du moins la reconnaissance de la co-parentalité (mais si on a l’une, pourquoi ne pas avoir l’autre ? puisque c’est votre seul argument pour vous y opposer), est
le seul moyen d’assurer les droits et les devoirs des personnes concernées.
La difficulté est comment vous légitimez ces “droits et devoirs”. La solidarité inconditionnelle entre parents et enfants n’a d’autre fondement que la filiation biologique (ou la fiction qui la
remplace, dans le cas de l’adoption). Mais comment pouvez-vous fonder une obligation inconditionnelle sur d’autres bases ?
Dans votre schéma, vous remplacez la solidarité inconditionnelle (fondée sur la filiation) par une solidarité conditionnelle (qui dépend du fait d’avoir effectivement élevé l’enfant). C’est là
pour moi le problème fondamental.
Comme vous l’écrivez, « On ne peut laisser “les intéressés” décider qui doit solidarité, protection et aliments à qui. » C’est pourtant bel et bien le cas actuellement,
Pas du tout: c’est la loi qui fixe qui doit quoi à qui.
Si le co-parent décide de rejeter toute responsabilité envers l’enfant qu’il a élevé, qu’il a aidé son partenaire a concevoir, a l’heure actuelle il en a tous les droits.
Si le co-parent a “aidé à concevoir”, alors il est un parent. Encore une fois, évitons les ambiguités. Le co-parent ne peut “rejeter toute responsabilité” parce qu’il n’en a aucune. Et c’est
parce qu’il n’a aucune responsabilité qu’il n’a aucun droit. Le système actuel est assez équilibré de ce point de vue.
J’ai l’impression que vous pensez que je suis contre le fait de donner un statut légal au co-parent. Ce n’est pas le cas. Je suis au contraire favorable a ce qu’on étudie le statut du co-parent
(qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel, d’ailleurs). Puisque la famille recomposée devient une pratique courante, la question de l’institutionnaliser se pose. Mais on peut donner au co-parent un
statut sans pour autant faire de lui un “parent” à égalité avec le parent biologique ou adoptif.
Et cela ne nécessite nullement de légaliser le mariage homosexuel. Le couple homosexuel doit être reconnu. Mais tous les couples ne se valent pas institutionnellement, et il me semble
indispensable de maintenir la différentiation entre l’institution qui est la clé de voute de la filiation, et l’institution qui, même si elle élève des enfants, n’est pas en mesure d’en produire
une…
J’ai juste survolé la discussion, donc je vais peut-être dire des bêtises.
“deux papas”, pourquoi je n’admettrai pas qu’il puisse avoir trois ? Ou quatre ? Ou cinq ? Ou une
dizaine ? La seule raison pour laquelle on admet qu’un enfant a deux parents tient au fait que notre reproduction est – biologiquement – hétérosexuelle, et qu’il n’y a que deux sexes. Et c’est
pour cela que nous avons deux lignées
Qu’est-ce que tu entends par “biologiquement” ici ? Tu as dis précédemment que tu excluais le cas du
clonage reproductif. Est-ce que tu exclues aussi les possibles futurs cas de reproduction avec deux géniteurs du même sexe ? J’ai l’impression qu’à partir du moment où on a la technologie pour
que les couples homosexuels puissent avoir des enfants et qu’on l’utilise, alors ton argument cesse d’être pertinent. Puisqu’avec cette technologie je vois pas pourquoi ils seraient exclus de
l’insitution qu’est le marriage.
Et aussi quid des personnes qui auront (ou ont, je sais pas s’il y a déjà des cas) trois géniteurs
?
J’ai juste survolé la discussion, donc je vais peut-être dire des bêtises.
Qui ne risque rien n’a rien…
Qu’est-ce que tu entends par “biologiquement” ici ?
On peut envisager la reproduction humaine sous deux angles: le processus qui crée un nouvel “animal” humain, et le processus qui fabrique un être capable de fonctionner en société. Le premier
processus est la reproduction biologique, le second, la reproduction sociale.
La reproduction biologique de l’homme est indiscutablement hétérosexuée: nos gamètes ont chacun 23 chromosomes, et l’union d’un gamètes de chaque sexe est nécessaire pour former les 23 paires
nécessaires pour générer un être humain. Pour la reproduction sociale, c’est une question en discussion.
Tu as dis précédemment que tu excluais le cas du clonage reproductif. Est-ce que tu exclues aussi les possibles futurs cas de reproduction avec deux géniteurs du même sexe ?
C’est la même chose. La seule manière de créer une cellule capable de se développer en un être humain à partir de deux géniteurs de même sexe est une manipulation génétique de type clonage.
J’ai l’impression qu’à partir du moment où on a la technologie pour que les couples homosexuels puissent avoir des enfants et qu’on l’utilise, alors ton argument cesse d’être pertinent.
Encore faut-il que cette technologie soit acceptée socialement. Evidement, dès lors qu’on permet le clonage reproductif – dans toutes ses variantes – toutes les normes qui président la filiation
et la famille deviennent obsolètes. Le jour où l’on pourra avoir un enfant tout seul, nous vivrons dans une société hermaphrodite. Je vous laisse juge de l’intérêt de vivre dans une telle
société…
Puisqu’avec cette technologie je vois pas pourquoi ils seraient exclus de l’insitution qu’est le marriage.
Avec une telle technologie, quel est l’intérêt du mariage ? Si chacun peut avoir un enfant tout seul, à deux, à trois, à cinq, à dix, avec toutes les combinaisons de sexe possibles, le mariage
aurait-il encore un sens comme institution ?
Et aussi quid des personnes qui auront (ou ont, je sais pas s’il y a déjà des cas) trois géniteurs ?
Pour le moment cela est techiquement et légalement impossible. On verra quand on y sera.
Bon, je vais commencer par répondre en détail avant d’essayer de synthétiser les point principaux. Ça risque d’être un peu long…
> Mais… leurs enfants on dejà cette protection: ils ont, comme tous les enfants, un papa et une maman. Que papa et maman ne soient pas mariés et que papa (ou maman) vive avec une personne de
son même sexe ne change rien à l’affaire. Le parent de l’autre sexe continue à exister.
Pas nécessairement, et notamment pas dans le cas d’une fécondation in vitro avec donneur anonyme, ni dans celui d’une adoption. Dans ce cas, l’enfant peut n’avoir qu’un seul parent légal, comme
s’il avait été conçu ou adopté par un célibataire, même si ce parent est en fait en couple homosexuel et que l’enfant aura de fait deux parents sociaux.
> Le refus d’accepter cette condition conduit à un comportement psychotique.
Je serais curieux de connaître la théorie scientifique sur laquelle vous vous appuyez pour émettre ce type de jugement.
> Un point de curiosité: pourquoi pensez-vous qu’il faudrait accorder au co-parent homosexuel plus de droits qu’au co-parent hétérosexuel, qui lui non plus n’a aucun droit sur les enfants de
son conjoint (enfants d’un premier lit, par exemple) ?
Où avez-vous lu ça ?
> Vous trouvez pas que le fait pour un enfant d’avoir “deux papas” et pas de maman (ou viceversa) ne pose aucun problème du point devue des “références sexuées” ?
Il y a un « pas » de trop, non ?
Pour ma part, n’ayant pas d’avis très établi sur les « références sexuées », je me garderai bien d’aller plus loin sur ce thème pour l’instant. (Je souligne quand même que les théories
sur lesquelles vous vous appuyez me semblent beaucoup moins robustes que la théorie du genre — dans lesquelles elles s’inscrivent, d’ailleurs : la construction de l’identité sexuelle — du
genre, autrement dit— est typiquement un objet d’étude de ce champ de recherche. Mais cette histoire de « références sexuées » me semble plutôt s’inscrire dans le registre des
théories psychanalytiques de Freud, exemple précis de ce que rejetait Popper. En effet, comment falsifier empiriquement l’hypothèse que l’absence de « références sexuées » (c’est quoi,
une référence sexuée ? Qu’est-ce qui marque son absence ?) pose un problème pour l’enfant ?)
J’estime par contre que l’on peut suivre l’avis des toubibs de l’association américaine de pédiatrie et de nombreuses autres organisations scientifiques et médicales (y compris de psys, comme
quoi, non, tous les psys ne me diront vraisemblablement pas que, etc.) qui estiment que la sexualité des parents n’a guère d’impact sur la santé des enfants, et soutiennent l’adoption par le
co-parent d’un couple homosexuel.
> Que fais-tu de ce “tiers parent” dans le cadre d’un mariage homosexuel ? Doit-il rendre impossible l’adoption, comme c’est le cas dans les couples hétérosexuels ?
Quand on dit qu’il faut que les couples homosexuels et hétérosexuels soient traités de la même façon, c’est qu’on pense qu’il faut qu’ils soient traités de la même façon.
> Je pense non seulement que c’est souhaitable, mais que c’est absolument indispensable. L’obligation alimentaire imposée aux enfants est le coeur, la raison d’être même de l’institution
familiale. Sans cette obligation, difficile de justifier l’obligation de soins que les parents ont envers leurs enfants.
> Je ne vous parle pas du don de sperme ou d’ovules
Mais moi, si, c’est bien de ça que je vous parle. Ça et la gestation pour autrui, ça reste la manière la plus simple pour un couple homosexuel de concevoir un enfant. donc, je repose la
question : Considérez-vous vraiment qu’il soit souhaitable d’imposer arbitrairement des obligations « parentales » à des gens qui ne se connaissent pas et n’ont aucun désir de se
rencontrer ? Ne serait-il pas plus simple et meilleur pour l’enfant de confier la responsabilité parentale aux deux parents ?
> Et bien, c’est non seulement pas évident, mais faux. Relisez votre code civil. C’est la parenté biologique en premier lieu, et la parenté légale (adoption) en deuxième lieu qui déterminent
les obligations alimentaires. Le fait d’avoir “élévé” l’enfant ne vous donne aucun droit et aucun devoir. Le Code Civil précise même qu’un enfant dont la filiation paternelle n’est pas légalement
établie peut demander des aliments de tous les hommes qui ont eu des rapports sexuels avec sa mère biologique pendant la période de sa conception (art 342, code civil).
Seulement dans la mesure où les relations sexuelles sont des relations sociales, et la preuve faute du contraire, sinon du désir commun d’enfant, du moins de la responsabilité du père biologique
dans la naissance de cet enfant. En effet, la seule différence entre une fécondation avec donneur anonyme et une fécondation classique suivant l’acte sexuel, c’est l’acte sexuel, c’est à dire une
interaction, sociale et physique, entre les deux parents biologiques.
> Quant au fait de “refuser aux enfants de pouvoir dire qu’ils ont deux papas ou deux mamans”, oui, je l’assume. Je pense que la société doit “réfuser” aux gens le droit de nier la
réalité.
Personne ne nie la réalité, on utilise des définitions différentes. Par ailleurs la société est selon les sondages récents majoritairement favorable à l’adoption par les couples homosexuels. Si
elle doit refuser au gens de nier la réalité, c’est donc vous qui êtes concerné.
> Non. Un couple homosexuel ne peut pas, en tant que couple, “choisir d’avoir un enfant”. Un homosexuel, tout seul, peut à la rigueur choisir, avec l’accord d’un membre du sexe opposé, d’avoir
un enfant dans le cadre d’un rapport hétérosexuel. Une lesbienne peut choisir de se faire inseminer artificiellement. Mais un couple homosexuel, en tant que couple, ne peut “décider d’avoirun
enfant”. Encore une fois, il ne faut pas jouer avec les ambiguités: alors que dans un couple hétérosexuel l’enfant dépend de la décision des deux, dans le cas d’un couple homosexuel la décision
est individuelle.
Je ne comprends pas votre point de vue. C’est comme si vous me disiez : un couple ne peut pas décider ensemble de l’achat d’une maison s’il n’y en a qu’un des deux qui la finance, même s’ils
souhaitent se placer sous le régime de la communauté de biens, et si c’est l’autre qui s’est chargé de toutes les démarches. Ça me paraît absurde.
Pas nécessairement, et notamment pas dans le cas d’une fécondation in vitro avec donneur anonyme, ni dans celui d’une adoption.
Dans les deux cas, l’enfant se retrouve avec une fiction de filiation crédible et des gens qui ont envers lui une obligation irrévocable et inconditionnelle.
Dans ce cas, l’enfant peut n’avoir qu’un seul parent légal, comme s’il avait été conçu ou adopté par un célibataire, même si ce parent est en fait en couple homosexuel et que l’enfant aura de
fait deux parents sociaux.
Si votre question est si je suis favorable à l’ouverture de la fecondation in vitro avec donneur anonyme ou l’adoption plénière des célibataires, ma réponse serait non. Pour les mêmes raisons que
je suis défavorable à l’adoption par les couples homosexuels (et donc à leur mariage). Je pense que la société a tout intérêt à donner à chaque enfant une filiation complète, et à défaut –
lorsque cela est impossible ou impraticable – une filiation fictive crédible.
> “Le refus d’accepter cette condition conduit à un comportement psychotique”. Je serais curieux de connaître la théorie scientifique sur laquelle vous vous appuyez pour émettre ce type de
jugement.
Aucune, bien entendu. Ni la psychiatrie ni la psychanalyse n’ont à ce jour le statut de “théories scientifiques”… cela étant dit, vous aviez essayé de me convaincre que des choses pouvaient
être vraies sans nécessairement être scientifiques… vous devriez être content que je suive vos preceptes !
> “Un point de curiosité: pourquoi pensez-vous qu’il faudrait accorder au co-parent homosexuel plus de droits qu’au co-parent hétérosexuel, qui lui non plus n’a aucun droit sur les enfants
de son conjoint (enfants d’un premier lit, par exemple) ? ” Où avez-vous lu ça ?
Vous aviez écrit: “un des avantages du mariage homosexuel c’est qu’il implique un minimum de reconnaissance du co-parent.” Dans la mesure où le mariage hétérosexuel ne donne au co-parent
le moindre droit sur les enfants du premier lit, si le mariage homosexuel en accordait il donnerait au co-parent homosexuel plus de droits qu’au co-parent hétérosexuel…
Je souligne quand même que les théories sur lesquelles vous vous appuyez me semblent beaucoup moins robustes que la théorie du genre — dans lesquelles elles s’inscrivent, d’ailleurs : la
construction de l’identité sexuelle — du genre, autrement dit— est typiquement un objet d’étude de ce champ de recherche.
Je vois que “genre” vient de changer une fois de plus de signification. Vous aviez soutenu dans un précédent message que le “genre” était un “sexe social” séparé du sexe biologique. Maintenant,
le “genre” est “l’identité sexuelle” liée au sexe biologique (parce que c’est au sexe biologique que les “références sexuées” se rapportent)…
Mais cette histoire de « références sexuées » me semble plutôt s’inscrire dans le registre des théories psychanalytiques de Freud, exemple précis de ce que rejetait Popper.
Et alors ? C’est vous qui avez tenu à accorder le qualificatif “scientifique” aux “théories du genre”. Moi, je suis parfaitement confortable avec l’idée que certains champs de la connaissance
puissent être féconds en employant une méthodologie rationnelle sans être nécessairement “scientifiques” (au sens poppérien du terme). Les hypothèses freudiennes sont, comme vous le signalez
justement, infalsifiables. Il n’empêche qu’elles ne sont pas nécessairement inutiles.
J’estime par contre que l’on peut suivre l’avis des toubibs de l’association américaine de pédiatrie et de nombreuses autres organisations scientifiques et médicales
Ditez donc… vous semblez aimer l’argument d’autorité. Non, je ne vois aucune raison de suivre une opinion simplement parce que telle ou telle respectable association, club ou organisation le
dit. Contrairement à vous, je ne pense pas que ces organisations soient faites de purs esprits, et le pouvoir du lobby “gay” aux Etats-Unis est énorme. D’ailleurs, je ne comprends pas très bien
pourquoi vous proposez de suivre les associations américaines de pédiatrie, et non les associations médicales d’autres pays qui ont soutenu le point de vue inverse…
Mais moi, si, c’est bien de ça que je vous parle. Ça et la gestation pour autrui, ça reste la manière la plus simple pour un couple homosexuel de concevoir un enfant. donc, je repose la
question : Considérez-vous vraiment qu’il soit souhaitable d’imposer arbitrairement des obligations « parentales » à des gens qui ne se connaissent pas et n’ont aucun désir de se
rencontrer ?
Bien sur que non. Ce serait une situation semblable à celle du don anonyme de gamètes. Mais la question que je posais n’était pas celle-là, sinon celle des parents “adoptifs”. La loi doit les
charger de la responsabilité parentale et des devoirs inconditionnels qu’elle entraine. Le problème, c’est que contrairement aux parents héterosexuels qui ont pour eux une fiction de filiation,
il n’y a pas d’institution symbolique dans le couple homosexuel qui permette de légitimer ces devoirs. Au nom de quoi peut-on exiger d’un enfant qu’il assume une obligation alimentaire envers un
parent avec qui il n’a aucun lien symbolique ?
Seulement dans la mesure où les relations sexuelles sont des relations sociales,
Désolé de vous déniaiser, mais on ne produit pas des enfants en s’embrassant sur la bouche ou en touchant une lettre envoyée par un représentant du sexe opposé. A votre âge, vous devriez pourtant
savoir que les relations sexuelles qui produisent des enfants sont des relations avant tout biologiques….
et la preuve faute du contraire, sinon du désir commun d’enfant, du moins de la responsabilité du père biologique dans la naissance de cet enfant.
En d’autres termes, c’est la parenté biologique qui créé le lien, et non le fait d’élévér l’enfant. QED.
> “Quant au fait de “refuser aux enfants de pouvoir dire qu’ils ont deux papas ou deux mamans”, oui, je l’assume. Je pense que la société doit “réfuser” aux gens le droit de nier la
réalité”. Personne ne nie la réalité, on utilise des définitions différentes.
En d’autres termes, on change la définition de “papa” pour permettre aux enfants d’en avoir deux – et accessoirement aux adultes de se sentir “papa”, ce qui serait impossible avec la définition
habituelle du terme. J’ai bien compris ? Et bien, si cela n’est pas nier la réalité… mais bon, puisque pour vous ce genre de libertés est permis, je vous propose quelque chose. On ne change pas
le code civil, mais on change la “définition” du mariage. On appellera “mariage” le fait de vivre ensemble. Ainsi, les homosexuels pourront dire “nous sommes mariés” sans nier la réalité. Cela
vous paraît-il acceptable ?
Par ailleurs la société est selon les sondages récents majoritairement favorable à l’adoption par les couples homosexuels.
Encore un argument d’autorité ? Eh oui, pauvre Copernic, qui s’éreintait à dire que la terre tournait autour du soleil alors que tous les sondagesrécents étaient majoritairement favorables à la
thèse contraire… J’ajoute que si l’on suit votre logique, on n’aurait pas du abolir la peine de mort en 1981, puisque les sondages montraient une majorité favorable à son maintien.
Si elle doit refuser au gens de nier la réalité, c’est donc vous qui êtes concerné.
Je ne saisis pas le rapport. Je ne nie pas la “réalité” qu’une majorité des gens dans les sondages se déclare favorable. Mais c’est là la seule “réalité” dans l’affaire: le fait de savoir s’il
faut ou pas accorder l’adoption aux couples homosexuels n’est pas une “réalité”, c’est une matière opinable…
Je ne comprends pas votre point de vue. C’est comme si vous me disiez : un couple ne peut pas décider ensemble de l’achat d’une maison s’il n’y en a qu’un des deux qui la finance, même
s’ils souhaitent se placer sous le régime de la communauté de biens, et si c’est l’autre qui s’est chargé de toutes les démarches. Ça me paraît absurde.
La différence est que contrairement aux contrats civils – comme l’achat d’une maison – ou il peut avoir deux acheteurs dont le rôle est symétrique, la conception d’un enfant implique deux rôels
asymétriques. Deux homosexuels peuvent signer l’acte d’achat d’une maison a égalité, mais ils ne peuvent pas à égalité engendrer un enfant. Quelque soit la méthode choisie, un seul membre du
couple peut participer à l’engendrement (sauf, je l’ai dit, si l’on légalisait le clonage reproductif, mais veut-on aller dans cette direction ?). Cela crée une asymétrie dans la décision.
Mais votre exemple est intéressant parce qu’il est révélateur de votre position: vous voyez dans la production de l’enfant un rapport contractuel entre ses “parents” homosexuels. On produit un
enfant comme on achète une maison. Ma position est que le rapport des parents n’est pas contractuel mais institutionnel. C’est là notre différence.
J’ajoute que, contrairement à beaucoup de réactionnaires, je suis contre l’ouverture du mariage et l’adoption aux homosexuels, mais je n’en fais pas un drame. Je pense que l’institution du
mariage et de la famille est bien plus solide qu’on ne le croit, et que la légalisation du mariage et de l’adoption homosexuelle ne touchera qu’une infime minorité dans une classe sociale bien
précise. Pas de quoi détruire la société. Je pense par contre que cette question est un symptôme – parmi d’autres – d’un mouvement de psychotisation de la société qui, lui, risque d’être beaucoup
plus sérieux. Mais c’est une autre histoire.
> Peut-être. Et peut-être pas. On n’en sait rien. Qui vous dit que ce n’est pas le projet de l’un d’eux, et que l’autre n’est que spectateur ? Encore une fois, contrairement a l’enfant
d’un couple hétérosexuel, qui sait que son engendrement est le fruit d’un accord, l’enfant élevé par un couple homosexuel – sauf lorsqu’il connaît le parent “tiers” – sait que son existence est
le fruit de la volonté de l’un seul de ses parents.
Là non plus je ne vous suis pas. D’une part, dans un couple hétérosexuel, la femme peut très bien décider seule d’avoir un enfant avec son partenaire, sans lui demander son accord. Il lui suffit
d’arrêter sans l’avertir son traitement contraceptif pour concevoir un enfant. Je ne suis même pas sûr que son père biologique soit obligé de le reconnaître dans ces conditions. (Hm, apparemment,
d’après ce que j’ai pu lire sur internet, la jurisprudence va pourtant dans ce sens, les juges estimant que la responsabilité du père biologique étant bien engagée… Il faut dire aussi que la
tromperie doit être difficile à prouver…)
D’autre part, dans un couple homosexuel, l’adhésion du co-parent peut se mesurer de manière très concrête à son implication, par exemple sa participation aux frais engendrés par le projet, ou sa
présence aux consultations médicales pour la fécondation in vitro.
> Je ne vois pas pourquoi, puisqu’on ne sait pas, et on ne saura jamais s’il a souhaité la naissance de cet enfant et s’il avait les moyens de l’empêcher… Pourquoi infliger une
obligation du fait de la décision de son conjoint ?
On le fait dans le cadre du mariage, ça s’appelle la présomption de paternité, comme vous le savez.
>>Si le parent biologique meurt, l’enfant qui vient de perdre son père ou sa mère doit-il encore être séparé de son co-parent ?
> Non.
À la bonne heure ! Enfin un point où on est d’accord.
> Mais pas besoin de se marier ou d’adopter pour cela. Le juge peut nommer tuteur toute personne, et si le co-parent a participé à l’éducation de l’enfant, il semble la personne naturelle
pour exercer la tutelle.
Sans doute, mais est-ce que ça recouvre vraiment les mêmes droit ? Et puis c’est une procédure qui paraît lourde. Accorder explicitement les mêmes droits aux couples homosexuels qu’aux
couples hétérosexuels permettrait de largement simplifier ça.
> Je ne comprends pas pourquoi vous vous focalisez sur le don de gamètes. Le donneur n’est pas un parent, et n’a aucun rôle dans la filiation de l’enfant.
C’est bien ce que je dis, c’est vous qui soutenez ce point de vue absurde. Je vous cite : « Il suffit d’insérer un spermatozoïde dans un ovule et développer l’oeuf fécondé pour produire
un être qui est sujet de droits et de devoirs en rapport avec les propriétaires du spermatozoïde et de l’ovule en question. »
> Mais comment pouvez-vous fonder une obligation inconditionnelle sur d’autres bases ?
J’ai répondu à ça plus haut. Je ne considère pas que la filiation soit fondée sur les rapports biologiques (comme vous venez de l’écrire, « le donneur n’est pas un parent, et n’a aucun rôle
dans la filiation de l’enfant. ») mais sur les rapports sociaux. C’est sur cette base-là de parenté sociale qu’on légitime les droits et devoirs des parents envers leurs enfants, et
réciproques.
> Pas du tout: c’est la loi qui fixe qui doit quoi à qui.
Bah non, justement, dans le cadre d’un co-parent homosexuel, la loi ne fixe rien.
> Si le co-parent a “aidé à concevoir”, alors il est un parent.
??? Vous êtes sûr qu’on utilise le verbe « aider » dans le même sens ? Parce que c’est exactement ce que j’essaie de vous faire comprendre depuis le début de cette discussion. Et
pour moi, aider à concevoir, ça signifie s’impliquer moralement, participer aux frais médicaux, au séjour à l’étranger pour trouver une mère porteuse, tout un tas d’éléments qui permettent
d’affirmer concrêtement que oui, les deux parents homosexuels sont impliqués dans ce projet d’enfant qui leur est bien commun.
> Le co-parent ne peut “rejeter toute responsabilité” parce qu’il n’en a aucune.
Il n’en a aucune parce que la loi ne lui en reconnaît aucune. J’ai l’impression que votre raisonnement tourne en rond : il ne devrait avoir aucune responsabilité parce que la loi ne lui
reconnaît aucune responsabilité ?
Dernière réaction au commentaire de stu : il est tout à fait possible que dans un futur pas forcément très lointain deux personnes de même sexe puissent concevoir un enfant qui soit
biologiquement le leur, sans avoir recours au clonage. On sait déjà « reprogrammer » des cellules différenciées, par exemple produire des neurones a partir de cellules de peau, chose
qu’on croyait strictement impossible il y a quelques années. Il pourrait être envisageable de reprogrammer des cellules mâles en cellules d’ovaire et générer ainsi des ovules viables — et
vice-versa pour produire des spermatozoïdes. Pas sûr que ça marche, mais ce n’est pas impossible — même si pour l’instant ça relève surtout de la science fiction.
Quant au cas où il y a trois géniteur, légalement ce n’est évidemment pas pris en compte, mais d’un point de vue biologique c’est déjà le cas dans une certaine mesure avec les mères porteuses —
on sait que la grossesse a une importance considérable sur le développement biologique de l’embryon, qui « hérite » ainsi certaines caractéristiques transmises par sa mère porteuse.
Pour conclure:
La principale divergence entre nous, c’est que vous semblez considérer que faire un enfant est un acte purement biologique, qui consite simplement à la fusion de deux gamettes et le développement
de l’œuf dans un utérus jusqu’à la naissance. Pour moi, faire un enfant est un acte social, qui n’a guère de lien avec le précédent que par coïncidence, un peu comme le genre et le sexe dans
l’autre discussion. Si on ne sépare pas les deux, on est amené à considérer comme vraies des propositions très douteuses — par exemple, il faudrait admettre qu’un « couple » concevoir un enfant
des années après sa mort (vous seriez d’accord avec ça ?), puisqu’il est techniquement tout à fait possible d’utiliser les gamètes de personnes décédées pour concevoir un enfant. À mon avis,
les parents de l’enfant dans ce cas sont ceux qui l’ont conçu au sens inellectuel du terme, c’est à dire ceux qui ont conçu le projet de sa conception biologique, le projet de faire naître un
enfant et de l’élever.
Donc pour moi, la filiation est avant tout un phénomène social.
De même pour l’autre divergence, qui porte sur l’interprétation de la loi. Vous estimez qu’elle fait primer le biologique, pour moi ce n’est que dans la mesure où il témoigne d’une relation
sociale, d’une responsabilité. C’est bien pour ça qu’on écarte les donneurs de gamettes, et pas les maris, a priori.
Voilà, je crois qu’on a fait le tour, non ?
Là non plus je ne vous suis pas. D’une part, dans un couple hétérosexuel, la femme peut très bien décider seule d’avoir un enfant avec son partenaire, sans lui demander son accord. Il lui
suffit d’arrêter sans l’avertir son traitement contraceptif pour concevoir un enfant.
Pas vraiment. D’une part, même en utilisant une telle tromperie – qui, je vous le rappelle, est une cause de divorce aux torts exclusifs – encore faut-il que le partenaire accepte d’avoir des
rapports sexuels, et qu’il n’utilise pas lui-même un moyen de contraception. Ce qui fait dejà beaucoup d’éléments. Et qu’en apprenant la chose, il ne demande pas le divorce immédiatement. La
société a reglè ce problème par un système de présomptions juridiques et sociales qui garantit – ne serait-ce que symboliquement – à l’enfant qu’il est désiré par ses parents. Et si cette
présomption ne correspond pas toujours à la réalité, elle joue son rôle symbolique quand même. Je me demande comment un tel système de présomptions pourrait être établi dans le cas d’un couple
homosexuel.
Je ne suis même pas sûr que son père biologique soit obligé de le reconnaître dans ces conditions. (Hm, apparemment, d’après ce que j’ai pu lire sur internet, la jurisprudence va pourtant
dans ce sens, les juges estimant que la responsabilité du père biologique étant bien engagée… Il faut dire aussi que la tromperie doit être difficile à prouver…)
Le père biologique n’a pas le choix. Dans un couple marié il n’a même pas à “reconnaître” l’enfant puisque celui-ci bénéficie de la présomption de paternité. Dans le couple non marié, il peut ne
pas le reconnaître, mais il sera toujours à la merci d’une recherche en paternité et doit de toute manière aliments à l’enfant. La jurisprudence sur ce point est constante.
D’autre part, dans un couple homosexuel, l’adhésion du co-parent peut se mesurer de manière très concrête à son implication, par exemple sa participation aux frais engendrés par le projet, ou
sa présence aux consultations médicales pour la fécondation in vitro.
Certes, mais un bulletin de présence ou une facture n’ont pas le même pouvoir symbolique que le lien de sang, même fictif. En écrivant ces lignes, j’ai tout à fait conscience que cet argument
n’implique pas nécessairement qu’on refuse le mariage aux homosexuels, mais qu’il faudrait bâtir autour de cette nouvelle institution un réséau d’éléments symboliques tellement spécifiques que ce
serait un “mariage” différent. Dans ces conditions, pourquoi ne pas créer une nouvelle institution ?
On le fait dans le cadre du mariage, ça s’appelle la présomption de paternité, comme vous le savez.
Tout à fait. Mais comme vous le savez, cette présomption n’est plus irréfragable. C’est l’une des raisons qui me fait craindre l’ouverture du mariage aux homosexuels: c’est que pour accomoder les
particularités de l’adoption homosexuelle on affaiblisse encore les obligations inconditionnelles dans le cadre du mariage hétérosexuel.
>” Mais pas besoin de se marier ou d’adopter pour cela. Le juge peut nommer tuteur toute personne, et si le co-parent a participé à l’éducation de l’enfant, il semble la personne naturelle
pour exercer la tutelle”. Sans doute, mais est-ce que ça recouvre vraiment les mêmes droit ?
Votre question portait sur le fait de savoir si l’enfant dont le parent biologique décède doit être séparé du co-parent. La procédure de tutelle répond parfaitement à cette question, même si elle
ne donne pas “vraiment les mêmes droits” que la parentalité.
Et puis c’est une procédure qui paraît lourde. Accorder explicitement les mêmes droits aux couples homosexuels qu’aux couples hétérosexuels permettrait de largement simplifier ça.
“Accorder les mêmes droits” n’aurait pas de sens. Comment pourrait-on accorder une “présomption de paternité” alors que cette paternité est de toute évidence impossible et pourrait être contestée
par n’importe quel tiers sans difficulté ? Les droits du co-parent homosexuel passent nécessairement par l’adoption, et l’adoption est une procédure bien plus lourde que la tutelle!
C’est bien ce que je dis, c’est vous qui soutenez ce point de vue absurde. Je vous cite : « Il suffit d’insérer un spermatozoïde dans un ovule et développer l’oeuf fécondé pour
produire un être qui est sujet de droits et de devoirs en rapport avec les propriétaires du spermatozoïde et de l’ovule en question. »
C’est bien entendu le cadre général. Lorsque le propriétaire du spermatozoide ou de l’ovule sont inconnus, difficile d’établir les droits et les devoirs.
>” Mais comment pouvez-vous fonder une obligation inconditionnelle sur d’autres bases ?” J’ai répondu à ça plus haut. Je ne considère pas que la filiation soit fondée sur les rapports
biologiques (comme vous venez de l’écrire, « le donneur n’est pas un parent, et n’a aucun rôle dans la filiation de l’enfant. ») mais sur les rapports sociaux. C’est sur cette base-là
de parenté sociale qu’on légitime les droits et devoirs des parents envers leurs enfants, et réciproques.
Mais à l’évidence, cela ne suffit pas. Pourquoi sinon les enfants adoptés ont tellement de problèmes liés à la substitution de leurs parents biologiques par d’autres, alors même que ces derniers
les aiment profondément et les ont élevé depuis leur plus tendre âge ? Pourquoi la question des origines – biologiques – n’est jamais indifférente ? Pourquoi des gens se gâchent la vie en
essayant de retrouver des parents biologiques qui souvent les rejettent d’ailleurs ? Pourquoi a-t-on un lobbying intense pour supprimer l’anonymat de l’accouchement sous X ?
Il y a quelque chose dans la filiation biologique qui touche une corde très profonde dans chacun d’entre nous. Lorsque cette filiation est impossible, la société a reconstruit une filiation
artificielle – l’adoption – en fabriquant une fiction crédible, et encore, ça ne marche pas forcément à tous les coups et ne résout pas tous les problèmes. Avec le mariage homosexuel, nous
créérions un troisième mode filiation, fictif lui aussi, mais en plus invraisemblable.
> “Pas du tout: c’est la loi qui fixe qui doit quoi à qui”. Bah non, justement, dans le cadre d’un co-parent homosexuel, la loi ne fixe rien.
Bah oui, justement: c’est la loi qui fixe que le co-parent ne doit rien, et qu’on ne lui doit rien.
> “Si le co-parent a “aidé à concevoir”, alors il est un parent”. ??? Vous êtes sûr qu’on utilise le verbe « aider » dans le même sens ? Parce que c’est exactement ce que
j’essaie de vous faire comprendre depuis le début de cette discussion. Et pour moi, aider à concevoir, ça signifie s’impliquer moralement, participer aux frais médicaux, au séjour à l’étranger
pour trouver une mère porteuse, tout un tas d’éléments qui permettent d’affirmer concrêtement que oui, les deux parents homosexuels sont impliqués dans ce projet d’enfant qui leur est bien
commun.
Probablement pas. Mais si l’on retient le sens que vous proposez, on arrive vite à un grand nombre de contradictions. Ok, imaginons que X et Y forment un couple homosexuel. Et qu’ils ont un
“projet d’enfant” (horrible terminologie, mais enfin, il paraît qu’on dit comme ça). En entendant ce projet, les amis de X se cotisent pour les aider à payer les frais médicaux, alors que les
amies de Y jouent du bouche-à-oreille pour lui trouver une mère porteuse. Le père de X prend à sa charge les frais de voyage, la tante de Y ceux du séjour à l’étranger… maintenant, faut-il
considérer que tous ces gens ont “aidé à la conception” ? Avec votre conception extensive de l’aide (sans jeu de mots) l’enfant n’aura pas deux parents, mais quelques dizaines…
Il n’en a aucune parce que la loi ne lui en reconnaît aucune. J’ai l’impression que votre raisonnement tourne en rond : il ne devrait avoir aucune responsabilité parce que la loi ne lui
reconnaît aucune responsabilité ?
Vous décrivez ce qui est, et je vous répond dans le même contexte. Lorsque vous constatez que “le co-parent ne peut rejeter toute responsabilité”, je vous répond qu’il ne le peut parce qu’il n’en
a pas. Si vous voulez parler de ce qui devrait être, c’est une autre histoire.
Dernière réaction au commentaire de stu : il est tout à fait possible que dans un futur pas forcément très lointain deux personnes de même sexe puissent concevoir un enfant qui soit
biologiquement le leur, sans avoir recours au clonage
Ne jouons pas avec les mots. La reproduction a partir de deux individus du même sexe revient nécessairement à récupèrer du matériel génétique qui ne se trouve pas dans les gamètes produit par ces
deux individus. Si une telle reproduction était possible, alors un individu pourrait se reproduire avec lui même, et fabriquerait un individu génétiquement identique. Que l’on fabrique l’oeuf à
partir d’un processus de laboratoire ou en manipulant génétiquement les cellules de l’un des individus pour produire l’oeuf en question ne change rien aux question éthiques qui se trouvent
derrière.
Quant au cas où il y a trois géniteur, légalement ce n’est évidemment pas pris en compte, mais d’un point de vue biologique c’est déjà le cas dans une certaine mesure avec les mères porteuses
— on sait que la grossesse a une importance considérable sur le développement biologique de l’embryon, qui « hérite » ainsi certaines caractéristiques transmises par sa mère
porteuse.
Admettons. Cela ferait de la mère porteuse un “parent”, avec des droits et des devoirs… êtes vous sur qu’on veuille emprunter cette voie ?
Conclusion: La principale divergence entre nous, c’est que vous semblez considérer que faire un enfant est un acte purement biologique,
La principale divergence entre nous, c’est que j’essaye de comprendre ce que vous écrivez, et vous pas. Je n’ai jamais considéré que “faire un enfant” soit un acte purement biologique. Au
contraire: j’ai expliqué en long en large et en travers que “faire un enfant” c’est d’abord et avant tout faire un individu capable de fonctionner en société. C’est pourquoi j’insiste lourdement
sur l’importance des structures symboliques, des questions de filiation, des devoirs intergénerationnels, des références sexuées. Ce que j’ai dit, c’est que cette opération de reproduction a un
substrat biologique qui est, par nécessité, hétérosexuel. Et que nos sociétés ont construit un ensemble d’institutions juridiques, sociales et symboliques qui répondent à cette contrainte. Dans
ces conditions, jeter à bas cet édifice sous prétexte qu’il faut faire plaisir à un lobby me paraît absurde.
Pour moi, faire un enfant est un acte social, qui n’a guère de lien avec le précédent que par coïncidence, un peu comme le genre et le sexe dans l’autre discussion. Si on ne sépare pas les
deux, on est amené à considérer comme vraies des propositions très douteuses — par exemple, il faudrait admettre qu’un « couple » concevoir un enfant des années après sa mort (vous seriez
d’accord avec ça ?),
Certainement pas. Comment pouvez-vous penser une chose pareille ? Si le but des institutions que sont le mariage et la famille est de créer un lien de solidarités inconditionnelles qui
garantissent aux enfants protection pendant leur jeune âge et aux parents protection pendant leur vieillesse, comment ce but pourrait-être servi par une conception après la mort des parents ? Ca
n’a ni queue ni tête.
Donc pour moi, la filiation est avant tout un phénomène social.
Alors il faudra m’expliquer pourquoi les enfants adoptés ont autant de problèmes avec le fait que leurs parents “sociaux” ne sont pas les parents biologiques, et pourquoi cette révélation n’est
jamais simple et souvent traumatique. Franchement, si vous appreniez aujourd’hui que vous êtes adopté, est-ce que cela vous serait indifférent ?
En fait, la grande différence entre nous est notre conception des institutions. Je pense que les institutions sont crées non pas pour le bonheur des individus pris un à un, mais en fonction de
besoins et nécessités sociales qui les dépassent. C’est pourquoi j’argumente contre l’ouverture du mariage aux homosexuels d’un point de vue des besoins sociaux. Vous, au contraire, vous pensez
que la loi doit chercher à faire le bonheur des individus, et que si tant de gens ont envie de pouvoir se marier et les autres ne voient pas d’inconvénient, pourquoi pas. C’est pourquoi vous ne
faites pas véritablement de différence entre un contexte contractuel et un contexte institutionnel, et vous ne voyez pas de problème à ce que chaque couple fasse finalement sa propre repartition
de droits et devoirs…
> Aucune, bien entendu. Ni la psychiatrie ni la psychanalyse n’ont à ce jour le statut de “théories scientifiques”… cela étant dit, vous aviez essayé de me convaincre que des choses
pouvaient être vraies sans nécessairement être scientifiques… vous devriez être content que je suive vos preceptes !
Sans être nécéssairement falsifiables. Mais en effet, je suis content qu’après avoir tant raillé mon opinion, vous reconnaissiez la partager dans une certaine mesure. Ceci dit je ne crois pas que
tout ce qui n’est pas falsifiable présente le même intérêt. En l’occurence, il n’y a guère de preuve de ce « comportement psychotique » dont vous parliez. Les personnes concernées n’ont
pas l’air de se plaindre. À la limite, même en admettant que les couples homosexuels qui élèvent des enfants qu’ils considèrent les leurs soient « psychotiques », qu’est-ce que ça peut
bien faire si ni eux, ni leurs enfants n’en souffrent ? Il me semble que beaucoup d’entre eux s’accomodent très bien de la situation.
> Vous aviez écrit: “un des avantages du mariage homosexuel c’est qu’il implique un minimum de reconnaissance du co-parent.” Dans la mesure où le mariage hétérosexuel ne donne au co-parent
le moindre droit sur les enfants du premier lit, si le mariage homosexuel en accordait il donnerait au co-parent homosexuel plus de droits qu’au co-parent hétérosexuel…
Je voulais dire que son adoption impliquerait nécessairement un minimum de reconnaissance du co-parent quelle que soit l’orientation sexuelle, évidemment.
> (parce que c’est au sexe biologique que les “références sexuées” se rapportent)…
Euh, non, pas d’accord là-dessus. Les « références sexuées » se rapportent peut-être au sexe biologique, mais si elles sont nécessaires comme vous l’affirmez, c’est bien parce que le
genre s’apprend, que c’est une construction sociale qui relève au moins en partie de l’acquis. Sinon, quel intérêt pour les enfants d’avoir des « références sexuées » ? Ils n’en
auraient nul besoin.
> Et alors ? C’est vous qui avez tenu à accorder le qualificatif “scientifique” aux “théories du genre”. Moi, je suis parfaitement confortable avec l’idée que certains champs de la
connaissance puissent être féconds en employant une méthodologie rationnelle sans être nécessairement “scientifiques” (au sens poppérien du terme). Les hypothèses freudiennes sont, comme vous le
signalez justement, infalsifiables. Il n’empêche qu’elles ne sont pas nécessairement inutiles.
Mouais. C’est sans doute pour cela que votre fille et muette. Mais n’inversez pas les rôles, c’est vous qui rejetiez les théories du genre parce que non-falsifiables. Les thèses Freudiennes sont
l’exemple même des pseudo-sciences selon Popper, c’est pratiquement le cas sur lequel il a élaboré son critère. Si vous en faites aussi grand cas, c’est bien que pour vous, « la
falsifiabilité n’est pas tout ».
> Ditez donc… vous semblez aimer l’argument d’autorité. Non, je ne vois aucune raison de suivre une opinion simplement parce que telle ou telle respectable association, club ou
organisation le dit. Contrairement à vous, je ne pense pas que ces organisations soient faites de purs esprits, et le pouvoir du lobby “gay” aux Etats-Unis est énorme. D’ailleurs, je ne comprends
pas très bien pourquoi vous proposez de suivre les associations américaines de pédiatrie, et non les associations médicales d’autres pays qui ont soutenu le point de vue inverse…
La paille et la poutre… Vous me dites “tous les psys vous diront que”, je vous donne la référence de psys qui disent le contraire, et c’est moi qui donne dans l’argument d’autorité ?
Ceci dit, je n’ai rien contre, disons, un argument d’autorité faible, qui consiste simplement à demander l’avis de mieux informé que soi. Je fais ça souvent quand je vais voir le toubib au lieu
d’étudier la médecine, par exemple. C’est une pratique courante chez les gens qui n’ont pas la science infuse, vous savez. Si j’estime qu’on peut suivre l’avis de cette association, c’est parce
que j’ai jeté un œil à ce qu’elle raconte sur le sujet, que ça me semble cohérent. Beaucoup plus que votre “tous les psys vous diront que”, manifestement erroné, et qui ne m’explique pas pourquoi
“les assiociations médicales d’autres pays” (lesquelles ?) “ont soutenu le point de vue inverse”. Surtout que l’AAP semble jouir d’une influence considérable si j’en juge par les
controverses qui entourent son « DSM » (leur ampleur même et le fait qu’elles aient eu des échos dans la presse généraliste suggère que beaucoup de psys suivent ses recommandations — si
la profession l’ignorait, il n’y aurait aucun intérêt à déployer autant d’énergie pour la contester).
> A votre âge, vous devriez pourtant savoir que les relations sexuelles qui produisent des enfants sont des relations avant tout biologiques….
Pourquoi “avant tout” ? En général, avant de faire un enfant, les gens se rencontrent, se parlent, etc. C’est assez rare que la fécondation biologique ait lieu avant tout ça, vous savez.
> En d’autres termes, c’est la parenté biologique qui créé le lien, et non le fait d’élévér l’enfant. QED.
Non. La responsabilité. Si un couple hétérosexuel prend la responsabilité de faire un enfant en faisant appel à un donneur anonyme, c’est cette responsabilité qui détermine la paternité de
l’enfant. Si un couple hétérosexuel a un enfant suite à un rapport sexuel, c’est cette même responsabilité qui détermine la paternité de l’enfant.
> En d’autres termes, on change la définition de “papa” pour permettre aux enfants d’en avoir deux – et accessoirement aux adultes de se sentir “papa”, ce qui serait impossible avec la
définition habituelle du terme. J’ai bien compris ? Et bien, si cela n’est pas nier la réalité…
Le langage et les mœurs évoluent, Descartes, et ça, selon les définitions actuelles des mots « langage », « mœurs » et « évoluer », c’est bien une réalité.
> mais bon, puisque pour vous ce genre de libertés est permis, je vous propose quelque chose. On ne change pas le code civil, mais on change la “définition” du mariage. On appellera
“mariage” le fait de vivre ensemble. Ainsi, les homosexuels pourront dire “nous sommes mariés” sans nier la réalité. Cela vous paraît-il acceptable ?
Qu’on appelle ça mariage ou union civile ou je ne sais quoi, sans nier l’importance symbolique du choix du terme, ça me semble tout à fait secondaire face à la question de l’égalité des droits et
à l’intérêt des enfants.
> Encore un argument d’autorité ? Eh oui, pauvre Copernic, qui s’éreintait à dire que la terre tournait autour du soleil alors que tous les sondagesrécents étaient majoritairement
favorables à la thèse contraire… J’ajoute que si l’on suit votre logique, on n’aurait pas du abolir la peine de mort en 1981, puisque les sondages montraient une majorité favorable à son
maintien.
Oui, là c’est de démocratie qu’il s’agit. À ma connaissance il n’a jamais été question de permettre ou d’interdire à la terre et au soleil de se marier, et il ne viendrait à personne l’idée de
leur demander autour de quoi ils tournent. (De toutes façons, on sait bien que c’est avec la lune que ce dernier a rendez-vous.) Or la question ici c’est bien d’accorder ou de refuser des droits
aux couples homosexuels.
Quant à la peine de mort, effectivement, philosophiquement son abolition contre l’avis de la majorité me pose un problème. Que je résouds en prenant en compte que si les gens étaient vraiment à
ce point en faveur de la peine de mort, ils n’auraient pas voté pour des types qui proposait de l’abolir. Ça ne me satisfait pas entièrement, mais bon, le fonctionnement démocratique ou non de
nos institutions est vraiment un autre sujet. Revenons à nos moutons.
Mais en effet, je suis content qu’après avoir tant raillé mon opinion, vous reconnaissiez la partager dans une certaine mesure.
Je ne vois pas très bien à quoi vous faites allusion. Quelle opinion ais-je “tant raillé” ? S’il s’agit de votre affirmation selon laquelle la “théorie du genre” était “scientifique”, je ne
partage en aucune mesure. Mais je n’ai jamais “raillé” l’idée qu’une théorie non scientifique puisse avoir un certain intérêt.
En l’occurence, il n’y a guère de preuve de ce « comportement psychotique » dont vous parliez.
Il y a quand même de nombreux exemples. Parler d’un enfant qui a “deux papas” ou “deux mamans” est de ce point de vue un symptôme assez révélateur…
À la limite, même en admettant que les couples homosexuels qui élèvent des enfants qu’ils considèrent les leurs soient « psychotiques », qu’est-ce que ça peut bien faire si ni eux,
ni leurs enfants n’en souffrent ?
Si les gens sont contents de vivre dans un monde de fiction, faut-il leur dire la vérité ? Vaste question, n’est ce pas ? J’aurais tendance à répondre que oui. Parce que tôt ou tard le monde de
fiction se fracasse dans un choc contre la réalité. Avec des dégâts qui peuvent être massifs. Il serait intéressant de savoir ce qui se passe avec les enfants qui ont été élevés dans l’idée
d’avoir “deux papas” ou “deux mamans” et qui découvrent un jour l’existence du tiers exclu.
Euh, non, pas d’accord là-dessus. Les « références sexuées » se rapportent peut-être au sexe biologique, mais si elles sont nécessaires comme vous l’affirmez, c’est bien parce que
le genre s’apprend, que c’est une construction sociale qui relève au moins en partie de l’acquis. Sinon, quel intérêt pour les enfants d’avoir des « références sexuées » ? Ils n’en
auraient nul besoin.
Avant de parler d’apprentissage du “genre”, il faudrait être capable de définir ce dernier, ce que voous n’avez pas fait. A lire ce commentaire, on a l’impression que pour vous le “genre” est
l’ensemble de comportement attachés par la société à un sexe biologique. Mais cette définition fait du “genre” un tout: que se passe-t-il avec un individu qui prend la moitié de ses comportements
dans un “genre” et l’autre moitié chez l’autre ? A quel “genre” appartient-il ?
En toout cas, ce qui s’apprend, c’est l’ensemble de comportements que dans une société donnée sont attachés au sexe biologique. Encore faut-il, pour les apprendre, que l’enfant puisse
s’identifier à une référence qui a le même sexe biologique que lui et qui a ces comportements. Dans un couple homosexuel, cela risque d’être difficile…
Mais n’inversez pas les rôles, c’est vous qui rejetiez les théories du genre parce que non-falsifiables.
Certainement pas. La seule chose que j’ai “rejeté” pour cette raison est votre affirmation selon laquelle les théories du genre sont “scientifiques”.
Vous me dites “tous les psys vous diront que”, je vous donne la référence de psys qui disent le contraire, et c’est moi qui donne dans l’argument d’autorité ?
Vous avez tout à fait raison. J’ai eu tort d’émettre une affirmation aussi générale, étant donné qu’on trouvera toujours au moins un psy pour soutenir une position donnée, aussi absurde soit
elle.
“En d’autres termes, c’est la parenté biologique qui créé le lien, et non le fait d’élévér l’enfant. QED.” Non. La responsabilité. Si un couple hétérosexuel prend la responsabilité de faire
un enfant en faisant appel à un donneur anonyme, c’est cette responsabilité qui détermine la paternité de l’enfant. Si un couple hétérosexuel a un enfant suite à un rapport sexuel, c’est cette
même responsabilité qui détermine la paternité de l’enfant.
Dans une telle approche, l’enfant qui résulte d’un accident de contraception n’aurait pas de filiation, puisque personne n’a pris “la responsabilité” de le faire venir au monde. Dans notre
société, le fondement de la filiation est bien la parenté biologique. Le législateur a apporté quelques exceptions marginales (le cas du donneur anonyme, l’adoption, la présomption de paternité
du mari) dans lesquelles la fiction de parenté biologique est vraisemblable. Mais le fondement symbolique reste la lignée biologique.
Le langage et les mœurs évoluent, Descartes, et ça, selon les définitions actuelles des mots « langage », « mœurs » et « évoluer », c’est bien une réalité.
Je ne saurais pas vous le dire… le temps que je lise votre commentaire, le sens de ces mots a évolué. Alors, c’était peut-être vrai lorsque vous l’avez écrit, mais est-ce encore vrai au moment
ou je le lis ?
> Mais c’est là la seule “réalité” dans l’affaire: le fait de savoir s’il faut ou pas accorder l’adoption aux couples homosexuels n’est pas une “réalité”, c’est une matière
opinable…
Pas vraiment. Les définitions relèvent du consensus. Si la majorité pense qu’un enfant peut avoir deux papas ou deux mamans, ça signifie que la définition des termes « papa » et
« maman » a changé pour inclure ces situations. Dès lors, nécessairement, il est possible qu’un enfant ait deux papas ou deux mamans selon cette définition, et c’est donc bien la
réalité.
> La différence est que contrairement aux contrats civils – comme l’achat d’une maison – ou il peut avoir deux acheteurs dont le rôle est symétrique, la conception d’un enfant implique
deux rôels asymétriques. Deux homosexuels peuvent signer l’acte d’achat d’une maison a égalité, mais ils ne peuvent pas à égalité engendrer un enfant. Quelque soit la méthode choisie, un seul
membre du couple peut participer à l’engendrement (sauf, je l’ai dit, si l’on légalisait le clonage reproductif, mais veut-on aller dans cette direction ?). Cela crée une asymétrie dans la
décision.
Pas sûr de vous suivre. Où est l’asymétrie dans l’engendrement symbolique que représente l’adoption ? Et vous avez l’air de dire que c’est problématique que la décision soit asymétrique pour
un couple homosexuel, alors que vous venez d’expliquer qu’elle l’était de toute façon…
> Mais votre exemple est intéressant parce qu’il est révélateur de votre position: vous voyez dans la production de l’enfant un rapport contractuel entre ses “parents” homosexuels. On
produit un enfant comme on achète une maison. Ma position est que le rapport des parents n’est pas contractuel mais institutionnel. C’est là notre différence.
Je ne vois pas vraiment où est la différence. Si ce n’est qu’au contraire je propose d’institutionaliser le contrat qui existe de fait entre deux conjoints homosexuels qui ont un enfant, quant
vous insistez pour que cette situation continue à ne relever que d’un rapport contractuel.
> Pas vraiment. D’une part, même en utilisant une telle tromperie – qui, je vous le rappelle, est une cause de divorce aux torts exclusifs – encore faut-il que le partenaire accepte
d’avoir des rapports sexuels, et qu’il n’utilise pas lui-même un moyen de contraception. Ce qui fait dejà beaucoup d’éléments. Et qu’en apprenant la chose, il ne demande pas le divorce
immédiatement. La société a reglè ce problème par un système de présomptions juridiques et sociales qui garantit – ne serait-ce que symboliquement – à l’enfant qu’il est désiré par ses
parents.
Cherchez sur internet “paternité imposée”, ça a l’air plus fréquent que vous ne semblez le penser. Par ailleurs, c’est peut-être une cause de divorce, mais ça ne remet pas en question la
paternité.
> Et si cette présomption ne correspond pas toujours à la réalité, elle joue son rôle symbolique quand même. Je me demande comment un tel système de présomptions pourrait être établi dans
le cas d’un couple homosexuel.
Ben, par le mariage. Et la reconnaissance de paternité / maternité qui irait avec.
> La principale divergence entre nous, c’est que j’essaye de comprendre ce que vous écrivez, et vous pas. Je n’ai jamais considéré que “faire un enfant” soit un acte purement biologique.
Au contraire: j’ai expliqué en long en large et en travers que “faire un enfant” c’est d’abord et avant tout faire un individu capable de fonctionner en société. C’est pourquoi j’insiste
lourdement sur l’importance des structures symboliques, des questions de filiation, des devoirs intergénerationnels, des références sexuées. Ce que j’ai dit, c’est que cette opération de
reproduction a un substrat biologique qui est, par nécessité, hétérosexuel. Et que nos sociétés ont construit un ensemble d’institutions juridiques, sociales et symboliques qui répondent à cette
contrainte. Dans ces conditions, jeter à bas cet édifice sous prétexte qu’il faut faire plaisir à un lobby me paraît absurde.
Vous en ramenez donc bien la question à ce fameux “substrat biologique”, “contrainte” qui serait à vous lire absolument incontournable. Sauf qu’il y a plein d’enfants élevés par des couples
homosexuels qui vont parfaitement bien, ou du moins suffisamment bien pour qu’on ne puisse pas prouver qu’ils vont mal. Pour ma part, j’en conclus que le « substrat biologique », comme
vous dites, n’a pas nécessairement l’importance symbolique que vous lui accordez.
> Alors il faudra m’expliquer pourquoi les enfants adoptés ont autant de problèmes avec le fait que leurs parents “sociaux” ne sont pas les parents biologiques, et pourquoi cette
révélation n’est jamais simple et souvent traumatique. Franchement, si vous appreniez aujourd’hui que vous êtes adopté, est-ce que cela vous serait indifférent ?
C’est encore ce que “tous les psys” me diront ? Parce que des enfants adoptés, j’en connais un paquet, dans ma famille et parmi mes amis, et ils vont très bien, merci. Faut dire que leurs
parents ne le leur ont jamais caché. Il me semble d’ailleurs que les difficultés des enfants adoptés, qui restent fréquentes, hein, je ne le nie pas, sont surtout liées à la question de leurs
origines (pourquoi ont-ils été séparés de leurs parents biologiques) ou à la révélation tardive (c’est bien la seule chose qui m’embêterait, et encore, si je devais découvrir que j’ai été
adopté). Deux questions qui ne se posent pas à un enfant conçu par fécondation in vitro avec donneur anonyme et élevé par un couple homosexuel.
> En fait, la grande différence entre nous est notre conception des institutions. Je pense que les institutions sont crées non pas pour le bonheur des individus pris un à un, mais en
fonction de besoins et nécessités sociales qui les dépassent. C’est pourquoi j’argumente contre l’ouverture du mariage aux homosexuels d’un point de vue des besoins sociaux. Vous, au contraire,
vous pensez que la loi doit chercher à faire le bonheur des individus, et que si tant de gens ont envie de pouvoir se marier et les autres ne voient pas d’inconvénient, pourquoi pas. C’est
pourquoi vous ne faites pas véritablement de différence entre un contexte contractuel et un contexte institutionnel, et vous ne voyez pas de problème à ce que chaque couple fasse finalement sa
propre repartition de droits et devoirs…
C’est tout le contraire : j’argumente pour que la répartition des droits et des devoirs au sein des couples homosexuels soit mise sur le même plan institutionel que pour les couples
hétérosexuels. Quant aux institutions, c’est encore les individus qui jugent de quelle manière et à quel point elles répondent à ces besoins et nécessités sociales qui les dépassent. Je pense
pour ma part qu’elles y répondraient mieux en cessant d’interdire le mariage aux couples homosexuels.
Essayons si vous le voulez de décortiquer ça. Par quelque bout qu’on le prenne, la société est composée d’individus. Même si la question les dépasse, il me semble que le bien de la société ne
peut être que celui des individus qui la composent, même indirectement, ou la composeront si on se place sur le long terme. Commençons donc par ceux qui la composent :
– pour les couples hétérosexuels, que les homosexuels se marient ou non, ça ne change rien.
– pour les célibataires ou les couples homosexuels qui ne désirent pas se marier, ça ne change rien non plus.
– pour les homosexuels qui souhaitent se marier, le mariage homosexuel est positif.
Jusque là, c’est donc plutôt positif. Reste la question du long terme et notamment des enfants élevés par ces couples. Pour vous, être élevé par un couple homosexuel représente un handicap. Pour
moi, ça n’en représente pas. On risque d’avoir du mal à se mettre d’accord là-dessus, alors posons la question autrement.
Des enfants sont d’ores et déjà élevés par des couples homosexuels. C’est un fait, et sauf à fliquer tout le monde ou pénaliser l’homosexualité, je ne vois pas comment on pourrait l’éviter. Or il
me semble que la reconnaissance du mariage homosexuel améliorerait le sort de leurs parents, de ceux ui les élèvent si vous préférez, et la stabilité de leur couple. Vous serez d’accord, je pens
Pas vraiment. Les définitions relèvent du consensus. Si la majorité pense qu’un enfant peut avoir deux papas ou deux mamans, ça signifie que la définition des termes « papa » et
« maman » a changé pour inclure ces situations.
Et si la majorité pense que la terre est plate, c’est que le terme “plate” a évolué pour inclure le fait qu’elle est ronde ? Non, mille fois non. Si la majorité pense qu’un enfant peut avoir deux
papas ou deux mamans, cela peut vouloir dire effectivement que le sens des termes a changé, mais cela peut vouloir tout aussi bien dire que les termes n’ont pas changé, et que la majorité se
trompe.
Dès lors, nécessairement, il est possible qu’un enfant ait deux papas ou deux mamans selon cette définition, et c’est donc bien la réalité.
En d’autres termes, il suffit que la majorité pense que quelque chose est possible pour qu’elle le soit ? Je trouve votre raisonnement très curieux. Ainsi, par exemple, 80% des personnes
interrogés dans un sondage récent répondent qu’ils sont dans la moitié la plus intelligente de la population. Il faut donc conclure que le sens des termes “moitié” ou “intelligence” ont changé de
manière à ce que cette affirmation puisse être “la réalité” ?
Pas sûr de vous suivre. Où est l’asymétrie dans l’engendrement symbolique que représente l’adoption ?
Dans la mesure où l’adoption est le fait d’un seul membre du couple (l’autre est le parent biologique) l’asymétrie me paraît évidente…
Et vous avez l’air de dire que c’est problématique que la décision soit asymétrique pour un couple homosexuel, alors que vous venez d’expliquer qu’elle l’était de toute façon…
Dans un couple hétérosexuel, les deux parents participent à l’engendrement. Dans un couple homosexuel, et sauf le cas du clonage reproductif, seul un membre du couple y participe.
Je ne vois pas vraiment où est la différence. Si ce n’est qu’au contraire je propose d’institutionaliser le contrat qui existe de fait entre deux conjoints homosexuels qui ont un enfant,
quant vous insistez pour que cette situation continue à ne relever que d’un rapport contractuel.
Nous ne nous comprenons pas. Vis à vis de l’enfant, les rapports sont dejà “institutionnels”: le véritable parent a des droits et devoirs fixés par la loi, et l’autre n’en a aucun. Ce n’est pas
du rapport entre les parents qu’il s’agit, mais du rapport entre les “parents” et l’enfant.
Cherchez sur internet “paternité imposée”, ça a l’air plus fréquent que vous ne semblez le penser. Par ailleurs, c’est peut-être une cause de divorce, mais ça ne remet pas en question la
paternité.
Bien sur que non. C’est ce que je me tue à vous dire: ce qui fonde la filiation dans notre civilisation c’est le lien biologique – réel ou fictif – et tout le système est construit pour garantir
à chaque enfant une filiation.
“Et si cette présomption ne correspond pas toujours à la réalité, elle joue son rôle symbolique quand même. Je me demande comment un tel système de présomptions pourrait être établi dans le
cas d’un couple homosexuel”. Ben, par le mariage. Et la reconnaissance de paternité / maternité qui irait avec.
Je vois mal commnt une telle présomption pourrait jouer un rôle “symbolique” compte tenue du fait qu’elle est invraisemblable. Le système de présomptions bâti autour du mariage hétérosexuel vise
à créer la fiction d’une filiation biologique. Dans le cas d’un mariage homosexuel, cette fiction est impossible.
Vous en ramenez donc bien la question à ce fameux “substrat biologique”, “contrainte” qui serait à vous lire absolument incontournable. Sauf qu’il y a plein d’enfants élevés par des couples
homosexuels qui vont parfaitement bien, ou du moins suffisamment bien pour qu’on ne puisse pas prouver qu’ils vont mal.
Parfait. Tout va donc très bien sans qu’il soit besoin de créer un mariage et l’adoption par les couples homosexuels. Pourquoi changer un système qui fonctionne si bien ?
La question pour moi n’est pas seulement de savoir si des changements rendraient les intéressés heureux. C’est aussi d’évaluer l’impact de ses changements sur la société dans son ensemble. Je
l’ai dit et je le repète: les institutions n’existent pas pour faire le bonheur de telle ou telle catégorie, mais pour permettre à la société dans son ensemble de fonctionner de la manière la
plus harmonieuse possible.
Parce que des enfants adoptés, j’en connais un paquet, dans ma famille et parmi mes amis, et ils vont très bien, merci.
La question n’était pas là. Qu’ils aillent bien ou mal – et j’ai des exemples de situations difficiles dans ma propre famille – la question de l’adoption n’est pas banale. Pour les enfants
adoptés, même lorsque cela se passe bien, c’est une chose qu’on n’oublie pas. Si, comme vous le dites, la filiation est “avant tout un phénomène social”, comment expliquer cette réaction ?
Il me semble d’ailleurs que les difficultés des enfants adoptés, qui restent fréquentes, hein, je ne le nie pas, sont surtout liées à la question de leurs origines (pourquoi ont-ils été
séparés de leurs parents biologiques)
Mais quel est le problème ? Si la filiation biologique n’a aucune importance, en quoi le fait d’avoir été séparé d’un parent biologique devrait poser un problème ? Votre commentaire devrait vous
conduire à admettre que finalement la filiation biologique a une importance certaine…
Deux questions qui ne se posent pas à un enfant conçu par fécondation in vitro avec donneur anonyme et élevé par un couple homosexuel.
Mais qui se pose tout à fait dans l’hypothèse d’une mère porteuse… d’où on déduit que l’adoption ne devrait être accordée qu’aux lesbiennes, mais pas aux homosexuels masculins…
C’est tout le contraire : j’argumente pour que la répartition des droits et des devoirs au sein des couples homosexuels soit mise sur le même plan institutionel que pour les couples
hétérosexuels.
Mais pour ce faire, vous rasez une autre institution: celle de la filiation.
Quant aux institutions, c’est encore les individus qui jugent de quelle manière et à quel point elles répondent à ces besoins et nécessités sociales qui les dépassent.
Tout à fait. Et il faut croire que jusqu’ici ils ont jugé que le mariage devait être une institution hétérosexuelle, puisqu’ils ont voté des lois à cet effet…
Essayons si vous le voulez de décortiquer ça. Par quelque bout qu’on le prenne, la société est composée d’individus. Même si la question les dépasse, il me semble que le bien de la société ne
peut être que celui des individus qui la composent, même indirectement, ou la composeront si on se place sur le long terme
Oui. Mais tous ces individus ont des intérêts contradictoires, que ce soit entre des individus vivant à un moment donné, où entre les individus du présent et ceux du futur. Le “bien” de la
société n’est donc pas l’addition des “biens” individuels, mais un compromis optimum qui est trouvé, si l’on suit Rawls, lorsqu’il est impossible d’améliorer le sort d’un individu sans dégrader
de manière plus importante le sort des autres. Dejà en 1789 les révolutionnaires avaient eu l’intuition de ce problème en postulant l’existence d’un “intérêt public” qui n’est pas la pure
addition des intérêts privés.
– pour les couples hétérosexuels, que les homosexuels se marient ou non, ça ne change rien.
– pour les célibataires ou les couples homosexuels qui ne désirent pas se marier, ça ne change rien non plus.
Bien sur que si: la société confère aux mariés une protection juridique, économique, symbolique. C’est d’ailleurs pour cette raison que les gens se marient. Quel serait sinon l’intérêt ? On peut
toujours organiser dans son jardin une belle cérémonie, échanger des anneaux et des voeux. Pourquoi aller plus loin s’il n’y avait aucun avantage ?
Cette protection a un coût pour l’ensemble de la société. Et ce coût est supporté par nous tous. Pourquoi acceptons nous de le supporter ? Eh bien, parce que l’institution du mariage apporte à la
société d’abord la reproduction, mais aussi des avantages en termes de stabilité en créant pour chacun un réséau de solidarités basées sur la filiation. Si l’on porte atteinte à l’institution au
point qu’elle n’apporte plus rien à l’ensemble de la société, celle-ci refusera de supporter son coût.
Des enfants sont d’ores et déjà élevés par des couples homosexuels. C’est un fait, et sauf à fliquer tout le monde ou pénaliser l’homosexualité, je ne vois pas comment on pourrait
l’éviter.
C’est vrai. De la même manière que l’inceste est toujours pratiqué, et qu’à moins de fliquer tout le monde on voit mal comment l’éviter. Il n’empêche que l’interdiction de l’inceste joue un rôle
structurant, et que pratiquement personne ne propose de revenir dessus. Encore une fois, les institutions ne reposent pas seulement sur des réalités, ils reposent aussi sur des fictions.
Or il me semble que la reconnaissance du mariage homosexuel améliorerait le sort de leurs parents, de ceux ui les élèvent si vous préférez, et la stabilité de leur couple.
Je ne le crois pas. Comme je l’ai expliqué dans mon papier, le mariage homosexuel ne changera rien, sur le plan des faits, par rapport au PACS. Si certains homosexuels réclament le mariage, c’est
parce que cela fait partie d’une quête de reconnaissance. Et cette quête est par construction une quête sans fin, parce qu’elle vise à obtenir quelque chose qui est impossible. Une fois qu’on
aura accordé aux homosexuels le mariage et l’adoption, il leur faudra autre chose…
Vous serez d’accord, je pens
Je crains que votre message ne soit incomplet…
> Il y a quand même de nombreux examples. Parler d’un enfant qui a “deux papas” ou “deux mamans” est de ce point de vue un symptôme assez révélateur…
Vous êtes en train de dire qu’utiliser une définition qui ne vous agrée pas, c’est un comportement psychotique ???
> Il serait intéressant de savoir ce qui se passe avec les enfants qui ont été élevés dans l’idée d’avoir “deux papas” ou “deux mamans” et qui découvrent un jour l’existence du tiers
exclu.
C’est vraisemblablement le cas de tous les enfants élevés par des couples homosexuels (à ceci près que personne ne leur cache vraiment l’existence de ce tiers, parce que personne ne peut espérer
qu’ils ne la découvrent pas), et la réponse est la même que précédemment : la plupart vont très bien, merci pour eux.
> A lire ce commentaire, on a l’impression que pour vous le “genre” est l’ensemble de comportement attachés par la société à un sexe biologique.
C’est ‘xactement ça. (Entre autres, mais en l’occurence. C’est je crois cette définition qu’utilise Judith Butler, notamment.)
> Mais cette définition fait du “genre” un tout: que se passe-t-il avec un individu qui prend la moitié de ses comportements dans un “genre” et l’autre moitié chez l’autre ? A quel “genre”
appartient-il ?
Pourquoi faudrait-il qu’il appartienne à un genre en particulier ? Vous êtes donc incapable de penser autrement qu’en binaire ?
> En toout cas, ce qui s’apprend, c’est l’ensemble de comportements que dans une société donnée sont attachés au sexe biologique. Encore faut-il, pour les apprendre, que l’enfant puisse
s’identifier à une référence qui a le même sexe biologique que lui et qui a ces comportements. Dans un couple homosexuel, cela risque d’être difficile…
Vous êtes bien pessimiste. Ça se passe pourtant très bien, les enfants élevés par ces couples n’ont pas ces problèmes.
> Certainement pas. La seule chose que j’ai “rejeté” pour cette raison est votre affirmation selon laquelle les théories du genre sont “scientifiques”.
Ah ? Alors pourquoi rejetez-vous les théories du genre ?
> Dans une telle approche, l’enfant qui résulte d’un accident de contraception n’aurait pas de filiation, puisque personne n’a pris “la responsabilité” de le faire venir au monde.
Sans blague ? Parce que c’est un accident, personne n’est responsable ? « Ah ben non M. le juge, j’ai eu un enfant, embouti une voiture, tué quelqu’un, mais c’était un accident,
vous voyez bien que je ne peux pas être considéré comme responsable. »
> Je ne saurais pas vous le dire… le temps que je lise votre commentaire, le sens de ces mots a évolué. Alors, c’était peut-être vrai lorsque vous l’avez écrit, mais est-ce encore vrai
au moment ou je le lis ?
De manière amusante, il semble qu’à l’origine les mots dont sont dérivés « père » et « mère » « désignaient des relations sociales définies bien plutôt qu’ils ne visaient
la relation de paternité et de maternité physiologiques » (A. Meillet, « Comment les mots changent de sens »).
> En d’autres termes, il suffit que la majorité pense que quelque chose est possible pour qu’elle le soit ? Je trouve votre raisonnement très curieux. Ainsi, par exemple, 80% des personnes
interrogés dans un sondage récent répondent qu’ils sont dans la moitié la plus intelligente de la population. Il faut donc conclure que le sens des termes “moitié” ou “intelligence” ont changé de
manière à ce que cette affirmation puisse être “la réalité” ?
Non, votre exemple n’est pas pertinent : la question posée ne portait pas sur la définition de « la moitié la plus intelligente de la population » mais sur les personnes, les cas
particuliers qui en font partie, tandis qu’affirmer qu’un enfant peut avoir deux papas ou deux mamans, c’est bien donner une définition des mots papa et maman, et non simplement déterminer si une
personne appartient à ces catégories.
> Dans la mesure où l’adoption est le fait d’un seul membre du couple (l’autre est le parent biologique) l’asymétrie me paraît évidente…
Certes, mais justement, c’est une asymétrie extrinsèque, il suffit de changer la loi pour permettre aux deux parents sociaux d’adopter, et hop ! plus d’asymétrie.
> Dans un couple hétérosexuel, les deux parents participent à l’engendrement.
Mais pas vraiment de manière symétrique…
> Nous ne nous comprenons pas. Vis à vis de l’enfant, les rapports sont dejà “institutionnels”: le véritable parent a des droits et devoirs fixés par la loi, et l’autre n’en a aucun. Ce
n’est pas du rapport entre les parents qu’il s’agit, mais du rapport entre les “parents” et l’enfant.
Exactement, la vraie divergence entre nnous est sur la définition du « véritable » parent.
> C’est ce que je me tue à vous dire: ce qui fonde la filiation dans notre civilisation c’est le lien biologique – réel ou fictif – et tout le système est construit pour garantir à chaque
enfant une filiation.
C’est la responsabilité, ce cas ne tient que parce qu’historiquement on ne pouvait envisager que la responsabilité du père biologique ne soit engagée dans la conception.
“Il y a quand même de nombreux examples. Parler d’un enfant qui a “deux papas” ou “deux mamans” est de ce point de vue un symptôme assez révélateur…”. Vous êtes en train de dire
qu’utiliser une définition qui ne vous agrée pas, c’est un comportement psychotique ???
Non. Je suis en train de dire que changer la définition d’un mot et croire que cela suffit pour changer la réalité est un comportement psychotique. Croire que parce que je définis un pain au
chocolat comme “un mamifère canin de taille moyenne”, je peux me permettre de manger mon chien pour le goûter est un comportement psychotique, oui monsieur.
La question n’est pas que la définition “m’agrée” ou pas. La question est que changer les définitions ne change pas la réalité. Bien sur, si j’appelle “maman” une chaussette, je peux non
seulement avoir deux, mais mille. Et en plus les changer toutes les semaines…
“Il serait intéressant de savoir ce qui se passe avec les enfants qui ont été élevés dans l’idée d’avoir “deux papas” ou “deux mamans” et qui découvrent un jour l’existence du tiers exclu”.
C’est vraisemblablement le cas de tous les enfants élevés par des couples homosexuels
Non, dieu merci. Parce que les couples homosexuels qui élèvent des enfants et qui leur racontent qu’ils ont “deux mamans” ou “deux papas” sont, heureusement, fort minoritaires…
la plupart vont très bien, merci pour eux.
Comment le savez-vous ? Avez-vous une statistique concernant l’état des enfants dont les parents les élèvent dans l’idée qu’ils ont “deux papas” ou “deux mamans” ? Cela m’étonnerait fort…
“A lire ce commentaire, on a l’impression que pour vous le “genre” est l’ensemble de comportement attachés par la société à un sexe biologique”. C’est ‘xactement ça
En d’autres termes, un être ayant des organes sexuels masculins qui porte une jupe, un bustier, les cheveux longs, se maquille, etc. est du “genre féminin” seulement parce que la société dans
laquelle il vit a décidé que la jupe, le bustier, les cheveux longs, etc. étaient des comportements “féminins”. Mais imaginons que cette personne prend un bateau et se retrouve dans une société
ou tous ces comportements sont attachés au sexe masculin. Son “genre” changerait-il pour autant ? Devioendrait-il tout à coup “masculin” ?
Votre définition du “genre” fait que celui-ci est finalement un choix: si je décide d’assumer un comportement, je choisis un “genre”. Si j’en change, je change de “genre”… Finalement, je
pourrais avoir plusieurs “genres” successivement dans la même journée. Je crains que cette vision n’ait rien à voir avec celle proposée par les tenants de la “théorie du genre”, pour qui le
“genre” est aussi détérminé (et aussi permanent) que le sexe biologique.
Pourquoi faudrait-il qu’il appartienne à un genre en particulier ? Vous êtes donc incapable de penser autrement qu’en binaire ?
Voulez-vous dire qu’il y a plus de deux “genres” possibles ? Ca commence à devenir intéressant… à votre avis, combien de “genres” sont possibles ?
Vous êtes bien pessimiste. Ça se passe pourtant très bien, les enfants élevés par ces couples n’ont pas ces problèmes.
Encore une fois, qu’est ce que vous en savez ?
“Certainement pas. La seule chose que j’ai “rejeté” pour cette raison est votre affirmation selon laquelle les théories du genre sont “scientifiques””. Ah ? Alors pourquoi rejetez-vous
les théories du genre ?
Et qui vous dit que je les “rejette” ? Moi je ne “rejette” rien. La “théorie du genre” est comme l’astrologie ou la théologie chrétienne: elles ne nous disent que peu de chose sur la réalité,
mais nous disent beaucoup sur ceux qui les professent. Et comme la théologie ou l’astrologie, ou bien on admet le dogme, ou bien on ne l’admet pas.
Cela étant dit, je n’aimerais pas qu’on enseigne l’astrologie ou la théologie dans les écoles. Et pour la même raison, je pense qu’il ne faut certainement pas y introduire les théories fumeuses
du type “théorie du genre”.
Sans blague ? Parce que c’est un accident, personne n’est responsable ?
Sauf dans le cas où l’accident est le résultat d’une négligence ou manquement à une obligation de prudence, personne n’est responsable. Si vous vous cassez la figure dans la rue, personne n’est
responsable. Si vous êtes foudroyé, personne n’est responsable. Si vous vous faites mordre par un animal sauvage, personne n’est responsable. Si vous tombez d’un escabeau en changeant une
ampoule, personne n’est responsable. C’est comme ça…
Non, votre exemple n’est pas pertinent : la question posée ne portait pas sur la définition de « la moitié la plus intelligente de la population » mais sur les personnes, les
cas particuliers qui en font partie, tandis qu’affirmer qu’un enfant peut avoir deux papas ou deux mamans, c’est bien donner une définition des mots papa et maman,
Ah bon… affirmer qu’un enfant peut avoir deux papas ou deux mamans, c’est donner une définition de “papa” et “maman”. Affirmer qu’on est plus intelligent que la moyenne n’implique pas donner
une définition du mot “intelligent”… très cohérent, tout ça.
“Dans la mesure où l’adoption est le fait d’un seul membre du couple (l’autre est le parent biologique) l’asymétrie me paraît évidente..”. Certes, mais justement, c’est une asymétrie
extrinsèque, il suffit de changer la loi pour permettre aux deux parents sociaux d’adopter, et hop ! plus d’asymétrie.
Pas vraiment. Le problème est que le membre du couple qui n’est pas le parent biologique aura le choix d’adopter ou pas, alors que le parent biologique n’a pas le choix. Sauf si vous
modifiez les règles de filiation pour permettre au parent biologique de choisir lui aussi… mais dans ce cas, vous détruisez l’institution de la filiation, puisqu’un enfant pourrait se trouver
sans filiation aucune…
Résignez-vous: entre le parent biologique et l’autre membre de son couple il y a une assymétrie qu’aucune loi ne peut effacer, sauf à casser la filiation biologique.
“Dans un couple hétérosexuel, les deux parents participent à l’engendrement”. Mais pas vraiment de manière symétrique…
Du point de vue institutionnel, parfaitement symmétrique. Les droits du père et de la mère biologiques sont exactement les mêmes, ainsi que leurs devoirs.
> Je vois mal commnt une telle présomption pourrait jouer un rôle “symbolique” compte tenue du fait qu’elle est invraisemblable.
Depuis quand le symbolique doit-il être vraisemblable ? Les psys qui voient des symboles partout ne prétendent en aucun cas qu’une épée puisse vraisemblablement être prise pour un
phalus.
> Parfait. Tout va donc très bien sans qu’il soit besoin de créer un mariage et l’adoption par les couples homosexuels. Pourquoi changer un système qui fonctionne si bien ?
Parce que « il y a plein d’enfants qui vont bien », ça ne veut pas dire « tous les enfants vont bien ». Ce n’est évidemment pas le cas, et améliorer le statut de leur parents
leur permettrait vraisemblablement à beaucoup d’enfants d’aller mieux.
> les institutions n’existent pas pour faire le bonheur de telle ou telle catégorie, mais pour permettre à la société dans son ensemble de fonctionner de la manière la plus harmonieuse
possible.
Ce n’est pas contradictoire, et je ne vois pas en quoi « faire le bonheur » des couples homosexuels et de leurs enfants détruirait « l’harmonie » de la société.
> Si, comme vous le dites, la filiation est “avant tout un phénomène social”, comment expliquer cette réaction ?
> Si la filiation biologique n’a aucune importance, en quoi le fait d’avoir été séparé d’un parent biologique devrait poser un problème ?
…
Ce n’est pas le fait que la séparation ait eu lieu d’avec le parent biologique, qui pose problème, c’est que la séparation ait eu lieu, tout court. Seulement, de fait, pour
qu’un enfant soit adopté il faut qu’il ait été séparé de ses parents biologiques. Pour reformuler, la question « pourquoi ont-ils été séparés de leurs parents biologiques ? »
revient en fait à « pourquoi ont-ils été séparés de ceux qui avaient pris la responsabilité de les faire venir au monde ? Pourquoi ceux qui avaient pris cette responsabilité n’ont-ils
pas pris celle de les élever ? »
> d’où on déduit que l’adoption ne devrait être accordée qu’aux lesbiennes, mais pas aux homosexuels masculins…
Hein ? D’où et comment au juste « déduisez »-vous ça ?
> Mais pour ce faire, vous rasez une autre institution: celle de la filiation.
Raser ? Non, elle ne serait modifiée que de manière marginale en pratique, et pour la rétablir dans sa fonction sociale.
> Et il faut croire que jusqu’ici ils ont jugé que le mariage devait être une institution hétérosexuelle, puisqu’ils ont voté des lois à cet effet…
« Jusqu’ici », oui.
> Le “bien” de la société n’est donc pas l’addition des “biens” individuels, mais un compromis optimum qui est trouvé, si l’on suit Rawls, lorsqu’il est impossible d’améliorer le sort d’un
individu sans dégrader de manière plus importante le sort des autres.
Et en quoi améliorer le sort des couples homosexuels et de leurs enfant dégraderait-il (et de manière importante !?) celui des autres ?
> Bien sur que si: la société confère aux mariés une protection juridique, économique, symbolique. C’est d’ailleurs pour cette raison que les gens se marient. Quel serait sinon l’intérêt ?
On peut toujours organiser dans son jardin une belle cérémonie, échanger des anneaux et des voeux. Pourquoi aller plus loin s’il n’y avait aucun avantage ?
Bien sûr qu’il y a des avantages, ne serait-ce que sur le plan symbolique. (Et symboliquement, vous comprenez je pense que la reconnaissance de la société puisse avoir son importance.) Mais
accorder ces avantages aux couples homos qui les veulent n’enlèverait strictement rien ni aux couples hétéros, ni aux couples homos qui ne les veulent pas. Pas plus que le mariage des hétéros
n’enlève quoi que ce soit aux couples hétéros qui ne veulent pas se marier.
> Cette protection a un coût pour l’ensemble de la société. Et ce coût est supporté par nous tous. Pourquoi acceptons nous de le supporter ? Eh bien, parce que l’institution du mariage
apporte à la société d’abord la reproduction, mais aussi des avantages en termes de stabilité en créant pour chacun un réséau de solidarités basées sur la filiation. Si l’on porte atteinte à
l’institution au point qu’elle n’apporte plus rien à l’ensemble de la société, celle-ci refusera de supporter son coût.
Le mariage apporte la reproduction ? Vous savez qu’on peut avoir des enfants sans être marié, quand même ? Et en quoi apporter des avantages en terme de stabilité à des couples qui n’en
bénéficiaient porte-t-il atteinte à l’institution. Ça la renforcerait plutôt, et la rendrait plus égalitaire — il me semble qu’on peut considérer que l’égalité est une valeur positive qui
justifie largement par le bénéfice qu’elle représente un coût aussi marginal pour la société que d’accorder la protection du mariage aux couples homosexuels qui le désirent. Sans compter qu’on
solderait alors le coût pour la société des revendications en faveur du mariage des couples homosexuels (sauf à ce qu’elles soient replacées par des revendications d’ampleur équivalente contre le
mariage des couples homos, mais dans la conjoncture actuelle cela semble peu vraisemblable), et des interminables débats qui les accompagnent, ce qui diminurait d’autant le coût de la mesure pour
la société.
> De la même manière que l’inceste est toujours pratiqué, et qu’à moins de fliquer tout le monde on voit mal comment l’éviter.
Vous n’êtes quand même pas en train de dire qu’il serait souhaitable de pénaliser l’homosexualité ?
> Comme je l’ai expliqué dans mon papier, le mariage homosexuel ne changera rien, sur le plan des faits, par rapport au PACS. Si certains homosexuels réclament le mariage, c’est parce que
cela fait partie d’une quête de reconnaissance. Et cette quête est par construction une quête sans fin, parce qu’elle vise à obtenir quelque chose qui est impossible.
Sur le plan des faits, peut-être pas ; sur le plan des symboles, très certainement. Et il y a un but très évident à cette quête, un marqueur indiscutable de son aboutissement, qui serait
l’égalité des droits. Je ne vois pas ce que les homosexuels pourraient demander d’autre ensuite.
> Je crains que votre message ne soit incomplet…
Pas grave, il ne manquait pas grand chose cette fois.
Depuis quand le symbolique doit-il être vraisemblable ? Les psys qui voient des symboles partout ne prétendent en aucun cas qu’une épée puisse vraisemblablement être prise pour un
phalus.
Depuis toujours. Et une épée ne peut être “prise pour un phalus” que si elle est portée par un homme. Portée par une femme, elle ne jouerait pas le même rôle symbolique. Un bon exemple du besoin,
pour qu’un symbole fonctionne, qu’il soit vraisemblable…
Parce que « il y a plein d’enfants qui vont bien », ça ne veut pas dire « tous les enfants vont bien ». Ce n’est évidemment pas le cas, et améliorer le statut de leur
parents leur permettrait vraisemblablement à beaucoup d’enfants d’aller mieux.
J’aimerais bien connaître l’étude scientifique sur laquelle s’appuie cette déduction.
“les institutions n’existent pas pour faire le bonheur de telle ou telle catégorie, mais pour permettre à la société dans son ensemble de fonctionner de la manière la plus harmonieuse
possible”. Ce n’est pas contradictoire,
Bien sur que si. Si les institutions existent pour une chose, alors ils n’existent pas pour une autre. Les institutions sont créées pour répondre à un besoin social, et non pour faire plaisir à
tel ou tel individu. Si en plus on peut faire plaisir, pourquoi pas. Mais ce n’est pas le but.
et je ne vois pas en quoi « faire le bonheur » des couples homosexuels et de leurs enfants détruirait « l’harmonie » de la société.
En rien. Par contre, porter atteinte à l’institution qu’est la filiation, cela porterait atteinte au fonctionnement profond de la société. Ce n’est pas le “bonheur” des couples homosexuels qui
pose problème. Et si je dois choisir entre le bonheur des uns et le fonctionnement de la société dans son ensemble, le choix est pour moi vite fait.
Ce n’est pas le fait que la séparation ait eu lieu d’avec le parent biologique, qui pose problème, c’est que la séparation ait eu lieu, tout court.
Non. Pendant sa vie, un enfant est séparé de plein de gens: parents proches, voisins, amis. Et il est rare que cela pose le même type de problèmes que la séparation des parents biologiques. Il y
a dans l’être humain quelque chose qui fait qu’il n’est pas indifférent à la filiation biologique.
Pour reformuler, la question « pourquoi ont-ils été séparés de leurs parents biologiques ? » revient en fait à « pourquoi ont-ils été séparés de ceux qui avaient pris la
responsabilité de les faire venir au monde ? Pourquoi ceux qui avaient pris cette responsabilité n’ont-ils pas pris celle de les élever ? »
Eh voilà. Je constate que vous finissez par accepter ce que je dis dès le départ: que le parent biologique, par le simple fait d’être le géniteur, a dans notre société une responsabilité
implicite envers l’être qu’il a engendré. Notre société a institué la responsabilité du créateur pour sa créature. Cette responsabilité ne pourra jamais être invoquée par un couple homosexuel –
sauf le cas du clonage reproductif – parce que le couple ne sera jamais le “créateur”, quelque soient les efforts qu’on puisse faire pour dissimuler ce fait. Il sera même impossible d’en faire
des créateurs fictifs, comme c’est le cas d’un couple hétérosexuel qui adopte, parce que la fiction nécessite une vraisemblance…
“d’où on déduit que l’adoption ne devrait être accordée qu’aux lesbiennes, mais pas aux homosexuels masculins…” Hein ? D’où et comment au juste « déduisez »-vous ça ?
Parce qu’un enfant conçu par fécondation in-vitro avec donneur anonyme peut avoir un père inconnaissable, mais certainement pas une mère. La mère porteuse n’est pas anonyme…
“Le “bien” de la société n’est donc pas l’addition des “biens” individuels, mais un compromis optimum qui est trouvé, si l’on suit Rawls, lorsqu’il est impossible d’améliorer le sort d’un
individu sans dégrader de manière plus importante le sort des autres”. Et en quoi améliorer le sort des couples homosexuels et de leurs enfant dégraderait-il (et de manière importante !?)
celui des autres ?
En mettant en cause l’institution qu’est la filiation. Le fait de vivre dans une société où une institution garantit des liens de solidarité inconditionnels me semble un plus par rapport à une
société où les liens de solidarité sont conditionnés.
Mais accorder ces avantages aux couples homos qui les veulent n’enlèverait strictement rien ni aux couples hétéros, ni aux couples homos qui ne les veulent pas. Pas plus que le mariage des
hétéros n’enlève quoi que ce soit aux couples hétéros qui ne veulent pas se marier.
Décidément, vous n’essayez pas de comprendre ce qu’on vous dit. Pour la millième fois: le problème n’est pas ce que les autres couples perdent, mais ce que la société perd. L’institution de la
filiation dépend étroitement du mariage heterosexuel monogamique. En portant atteinte à la deuxième institution, on laisse la première sans support. Si le parent d’un enfant est celui qui le
choisit, alors il n’y a plus de lien de solidarité inconditionnelle entre parents et enfants (car la caractéristique du parent hétérosexuel est qu’il ne peut pas choisir son enfant).
Si vous voulez légaliser le mariage homosexuel et conserver l’institution qu’est la filiation, vous devriez rechercher un moyen d’enlever aux “parents” homosexuels le choix. Or, cela est
extraordinairement difficile. D’ailleurs, aucune société n’a réussi à trouver une solution à ce problème.
“Cette protection a un coût pour l’ensemble de la société. Et ce coût est supporté par nous tous. Pourquoi acceptons nous de le supporter ? Eh bien, parce que l’institution du mariage apporte
à la société d’abord la reproduction, mais aussi des avantages en termes de stabilité en créant pour chacun un réséau de solidarités basées sur la filiation. Si l’on porte atteinte à
l’institution au point qu’elle n’apporte plus rien à l’ensemble de la société, celle-ci refusera de supporter son coût”. Le mariage apporte la reproduction ? Vous savez qu’on peut avoir des
enfants sans être marié, quand même ?
Si au lieu de me prendre pour un imbécile vous essayiez de comprendre ce qu’on vous dit, la discussion serait plus intéressante. Oui, on peut engendrer des enfants sans être marié. Mais la
reproduction biologique n’est pas tout. Pour se reproduire, la société a besoin de beaucoup plus. Elle a besoin d’une institution qui non seulement produise des bebés, mais qui ensuite les amène
à l’age adulte. Et pour cela, l’existence de solidarités inconditionnelles est fondamental.
“De la même manière que l’inceste est toujours pratiqué, et qu’à moins de fliquer tout le monde on voit mal comment l’éviter”. Vous n’êtes quand même pas en train de dire qu’il serait
souhaitable de pénaliser l’homosexualité ?
Vous n’êtes pas quand même pas en train de dire qu’il serait souhaitable de dépénaliser l’inceste…
Je m’étonne simplement de l’asymétrie de votre argumentation. D’un côté, vous m’expliquez qu’il faut légaliser le mariage homosexuel au nom de “l’égalité”, au nom de “l’amour”… et pourtant vous
n’appliquez pas le même raisonnement au cas de l’inceste. Pourquoi ? Comment justifiez-vous cette différence ? En quoi les amours incestueuses seraient elles plus blâmables que les amours
homosexuelles ?
Je vais vous donner ma réponse: si je n’ai pas de problème avec les rapports homosexuels alors que j’en ai toujours avec les rapports incestueux, c’est parce que les seconds menacent
l’institution qu’est la filiation, et pas les premiers. Mais pour vous, cet argument ne devrait pas pouvoir être invoqué, puisque vous soutenez que l’institution de la filiation n’est finalement
pas si importante que ça…
Cher Descartes,
Je reviens sur cette ancienne note mais le débat devient de plus en plus prégnant du fait de la proximité de la présentation du texte de loi au conseil des ministres. Avez-vous lu le texte
présenté par Gilles Bernheim intitulé: Mariage homosexuel, homoparentalité et adoption: ce que l’on oublie souvent de dire? Un texte très convaincant (s’il est besoin de l’être…)
Un texte intéressant, certainement, même si j’ai tout de même du mal avec le mélange entre les arguments rationnels (ceux de la première partie du texte) et les arguments “bibliques” qui sont mis
au même niveau.
Evidemment! Mais il s’agit du Grand Rabbin de France, il peut difficilement se départir de sa foi à moins d’être schizophrène. Malgré tout, ces arguments “bibliques” ne sont développés qu’en 2
pages parmi 25 et les arguments rationnels suffisent à démonter point par point le moindre “argument” en faveur du projet de loi. Je trouvais ce texte pour le moins didactique et percutant sur le
sujet
Evidemment! Mais il s’agit du Grand Rabbin de France, il peut difficilement se départir de sa foi à moins d’être schizophrène.
J’ai pas dit le contraire. D’ailleurs, on peut noter que le Rabbin sépare très clairement les arguments rationnels et ceux qui font référence à la Bible. Je suis d’accord avec toi que le texte,
du moins dans la partie “rationnelle”, fait une bonne démonstration – qui d’ailleurs reprend pas mal d’arguments de mon papier.
En fait un des arguments en faveur du mariage entre homosexuels est que leur accorder cette liberté individuelle ne nuit à personne d’autre.
“Deux
homosexuel(le)s mariés n’entravent en rien la liberté individuelle d’un tierce personne”
Pas plus, en effet, que celui qui mettrait en vente l’un de ses reins, par exemple. Ou qui sortirait dans la rue à poil et aurait des rapports sexuels avec un autre adulte consentant. Et
pourtant, on interdit la vente d’organes, la nudité publique et l’attentat à la pudeur.
Certains actes, qui en apparence “n’entravent en rien la liberté individuelle d’une tierce personne” le font en fait indirectement, en portant atteinte à des institutions qui sont nécessaires au
bon fonctionnement de la société. Nous estimons qu’il est plus agréable – et plus sur – de vivre dans une société où le corps humain est inaliénable, où le sexe est confiné à la sphère privée. Et
de la même manière, nous bénéficions des bienfaits d’une société où les institutions que sont la famille et la filiation sont protégées.
Je pense qu’il y a un souci avec le fait de laisser un célibataire adopter.
Adopter doit permettre de recréer un lien de filiation avec rattachement à la lignée du père adoptif et à la lignée de la mère adoptive. Quand une personne célibataire adopte, il manque à
l’enfant un de ses deux pieds si je puis me permettre l’expression.
C’est discutable. Il y a beaucoup d’enfats qui n’ont qu’un seul parent (l’autre étant décedé ou disparu). Cela pose certainement des problèmes au niveau de la construction psychologique, mais le
parent absent existe quand même dans l’imagination de l’enfat. Il a beau ne pas être là, sa place est réservée. Dans l’adoption homosexuelle, c’est bien plus confus puisque la place en question
est occupée… par une personne d’un autre sexe. Avoir “deux papas” ou “deux mamans” construit un imaginaire aberrant.
Salutations cher Etre Sain d’Esprit.
Il leur faut pour tout des papiers et des certificats qui garantissent leur sécurité, et un amour sans certificat n’est pas un véritable amour.
Dans ce passage vous occultez l’argument de la reconnaissance de la parenté conjointe. Si je ne dis pas de bêtises, nous nous étions à peu près mis d’accord pour dire qu’un PACS amélioré
intégrant cette dimension serait plus adapté. Mais qu’un tel changement paraît beaucoup plus difficile à obtenir pour les couples homosexuels que le mariage pour tous. Restent donc les problèmes
soulevés pas le mariage pour tous en comparaison de ce PACS amélioré.
Aujourd’hui, un mariage est relativement facile à dissoudre et personne ne pense s’engager “jusqu’à ce que la mort la sépare” de son conjoint. La fidélité ? L’adultère n’est plus un délit et
il est de moins en moins interprété comme une faute civile. La cohabitation ? Les cas de “célibat géographique” se multiplient. Le mariage n’est plus vécu comme un engagement total pour la vie,
ni même comme une institution sociale, mais plutôt comme un contrat privé entre individus qui définissent individuellement ce que “leur” mariage doit être.
À vous lire, il semble que vous considérez que le mariage n’a déjà plus qu’une valeur personnalisée. À supposer que son extension aux couples homosexuels soulève quelque problème en comparaison
du PACS amélioré, cela n’aurait donc pas d’importance. Je lis un peu plus loin (dans les commentaires) qu’en réponse à cela vous parlez de la valeur du mariage pour les couches populaires. Cela
ne me semble pas changer quoi que ce soit : même après l’extension aux homosexuels, les classes populaires pourront toujours utiliser le mariage de la même manière.
Dans ce même commentaire vous dites : « Les gens commencent à réaliser que la déstructuration de la société et l’affaiblissement des institutions n’a pas
apporté bonheur et liberté, tout au contraire. » À mon sens, ce n’est pas la déstructuration de la société et l’affaiblissement des institutions qui ont engendré les problèmes actuels, ce
sont les libéralisations économiques et la compétition du suffrage universel.
Les homosexuels revendiquent aujourd’hui le droit de se marier au nom de l’amour.
Pas les homosexuels que je connais en tout cas. Ceux que je connais m’ont fait connaître l’argument de la reconnaissance de la parenté conjointe. Je suis d’accord pour dire qu’ils ne représentent
pas nécessairement le cas général des partisans homosexuels du mariage pour tous, mais pour autant, les homosexuels qui revendiquent le droit de se marier au seul nom de l’amour ne me semblent
pas non plus représenter le cas général.
Si [le mariage] existe depuis la plus haute antiquité et dans toutes les civilisations qui connaissent la division du travail et la propriété privée, il doit bien y avoir une raison. La
raison est simple: la famille monogamique reste la structure la plus efficiente pour la reproduction non seulement biologique mais aussi sociale.
Il est certain que le mariage existe depuis la plus haute antiquité, et il me semble clair également qu’il a probablement fait partie de la plupart des civilisations. Mais pas pas toutes !
Voir par exemple les Moso. De plus, la raison n’est pas forcément celle que vous mettez en avant. Il est par exemple possible que le mariage ait historiquement permis de trouver des partenaires
sexuels à l’extérieur des petits groupes de sociétés primaires sans passer par la guerre (c’est la thèse de Lévi-Strauss).
Ce véritable géniteur ne peut être chassé qu’au prix d’une nevrotisation des rapports.
Cette affirmation est pure spéculation, et dans les faits, il semble que ce n’est pas ce qu’il se passe. Je cite Sylvie Faure-Pragier dans le
Mondehier : « Que savons-nous sur les effets de la parenté homosexuelle ? Je ne peux que résumer les connaissances actuelles en disant que les
résultats de procréations homosexuelles pratiquées à l’étranger sont rassurants. On doit dire que, si ces enfants ainsi conçus, nombreux aux Etats-Unis, devenaient psychotiques, cette situation
n’aurait pas manqué d’alerter, là-bas, les experts hostiles à ces pratiques. (….) Il n’y a pas à s’opposer à la volonté de donner aux enfants des homosexuels la reconnaissance de leur filiation,
même si celle-ci est contradictoire avec la biologie. Sans une expérience clinique réelle, les psychanalystes ne peuvent se substituer ni à l’opinion publique ni au législateur. D’ici là,
“taisons-nous !” »
Il est toujours tentant d’attribuer les comportements qui nous déplaisent à des maladies psychiques.
Il est également toujours tentant de refuser d’attribuer à des maladies psychiques les comportements qui nous déplaisent, surtout s’il s’agit de son propre comportement. Le
vrai Descartes aurait peut-être parlé de « refuser la maladie-psychique-aux-comportements-qui-nous-déplaisent sans même être certain de n’en avoir soi-même une ». (Pardon, je
n’ai pas résisté. Mais le reste du message est neutre ! Je crois que je n’ai pas encore renoncé à l’idée que vous finissiez par comprendre mon humour.)
Dans ce passage vous occultez l’argument de la reconnaissance de la parenté conjointe. Si je ne dis pas de bêtises, nous nous étions à peu près mis d’accord pour dire qu’un PACS amélioré
intégrant cette dimension serait plus adapté.
Nous ne nous étions nullement “mis d’accord” sur pareille chose. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. J’ai dit qu’un “PACS améliorée” permettant d’accorder au partenaire de la personne
décédée la tutelle des enfants qu’ils auraient élevé ensemble ou la possibilité d’adoption de ces mêmes enfants après décès du partenaire serait une bonne solution pour le
problème que vous évoquiez. Je n’ai jamais parlé de “reconnaître la parenté conjointe”, sauf pour vous dire combien je trouvais absurde de demander à la loi de “reconnaître” quelque chose qui
n’existe pas.
Mais qu’un tel changement paraît beaucoup plus difficile à obtenir pour les couples homosexuels que le mariage pour tous.
Je ne vois pas pourquoi. Je n’imagine pas qui pourrait s’opposer à ce que le partenaire survivant puisse garder la tutelle des enfants qu’il a élevés, ni sur quel fondement. Le problème n’est pas
que ce changement soit “difficile”, c’est qu’il ne satisfait pas la revindication des militants LGBT et leur recherche de reconnaissance.
À vous lire, il semble que vous considérez que le mariage n’a déjà plus qu’une valeur personnalisée.
C’est le cas. C’est d’ailleurs pourquoi une majorité de français ne voit pas d’inconvénient à le voir disparaître pour se fondre dans une sorte de gloubi-boulga ouvert à tous. Après tout, si
memère aime son chienchien, de quel droit devrait-on leur interdire de se marier ?
À supposer que son extension aux couples homosexuels soulève quelque problème en comparaison du PACS amélioré, cela n’aurait donc pas d’importance.
De “l’importance” pour qui ? Il me semble assez évident que la question n’a “pas d’importance” pour beaucoup de nos concitoyens. Ce n’est pas une raison pour abandonner le combat. Après tout, une
majorité de nos concitoyens estiment que cela “n’a pas d’importance” qu’on renvoie les immigrés chez eux. Faut il pourtant conclure qu’il faut s’y résigner ?
Je lis un peu plus loin (dans les commentaires) qu’en réponse à cela vous parlez de la valeur du mariage pour les couches populaires. Cela ne me semble pas changer quoi que ce soit :
même après l’extension aux homosexuels, les classes populaires pourront toujours utiliser le mariage de la même manière.
Faut savoir ce que l’on veut. En République, l’idée est que les institutions soient les mêmes pour tous les citoyens. Si l’on commence à avoir un “mariage” pour les riches et un autre pour les
pauvres, alors on rompt cette logique et on fait un premier pas en arrière vers une logique de “loi personnelle”.
Dans ce même commentaire vous dites : « Les gens commencent à réaliser que la déstructuration de la société et l’affaiblissement des institutions n’a pas
apporté bonheur et liberté, tout au contraire. » À mon sens, ce n’est pas la déstructuration de la société et l’affaiblissement des institutions qui ont engendré les problèmes actuels, ce
sont les libéralisations économiques et la compétition du suffrage universel.
J’ai du mal à voir comment vous arrivez à lier l’explosion des familles monoparentales ou l’essor des “éternels adolescents” à la libéralisation économique ou la compétition du suffrage
universel. C’est faire beaucoup d’honner au néo-libéralisme que d’en faire la source de tous les problèmes actuels.
“Les homosexuels revendiquent aujourd’hui le droit de se marier au nom de l’amour”. Pas les homosexuels que je connais en tout cas. Ceux que je connais m’ont fait connaître l’argument de la
reconnaissance de la parenté conjointe.
Je crois que vous confondez le fondement d’un droit avec son utilisation. Le droit de propriété vous permet de jouir de votre maison, mais ce n’est pas là son fondement.
De plus, la raison n’est pas forcément celle que vous mettez en avant. Il est par exemple possible que le mariage ait historiquement permis de trouver des partenaires sexuels à l’extérieur
des petits groupes de sociétés primaires sans passer par la guerre (c’est la thèse de Lévi-Strauss).
Je ne vois pas le rapport entre le mariage monogamique et l’exogamie. On peut avoir exogamie sans mariage monogamique…
Cette affirmation est pure spéculation, et dans les faits, il semble que ce n’est pas ce qu’il se passe. Je cite Sylvie Faure-Pragier dans le
Monde hier :
Sans vouloir vous offenser, l’opinion de Silvye Faure-Pragier n’est pas un “fait”, ce n’est qu’une opinion. Et une opinion qui ne répond en rien à mon commentaire: je n’ai
jamais dit que les enfants issus de “procréations homosexuelles” – les choses qu’il faut entendre – deviennent “psychotiques”; j’ai dit que l’on ne peut chasser le véritable géniteur sans une
névrotisation des rapports. J’ose espérer que vous connaissez la différence entre “névrose” et “psychose”.
Il est également toujours tentant de refuser d’attribuer à des maladies psychiques les comportements qui nous déplaisent, surtout s’il s’agit de son propre
comportement.
Comme je vous l’ai dit, je ne vous reconnais aucune légitimité pour porter des diagnostics sur ma santé mentale, et par conséquent je ne répondrai pas ce genre de
remarques.
Je crois que je n’ai pas encore renoncé à l’idée que vous finissiez par comprendre mon humour.
“Humour” ? Quel “humour” ?
J’ai dit qu’un “PACS amélioré” permettant d’accorder au partenaire de la personne décédée la tutelle des enfants qu’ils auraient élevés ensemble ou la possibilité
d’adoption de ces mêmes enfants après décès du partenaireserait une bonne solution pour le problème que vous
évoquiez. Je n’ai jamais parlé de “reconnaître la parenté conjointe”, sauf pour vous dire combien je trouvais absurde de demander à la loi de “reconnaître” quelque chose qui n’existe
pas.
Mis à part le fait que cela permet de rester en concordance avec la définition du mot « parent », cela revient au même non ? Enfin il me semble que la concordance avec la
définition du mot n’est pas vraiment le problème pour vous, sinon vous ne vous accommoderiez pas de la notion de « parents adoptifs » pour les couples hétérosexuels. Le problème se
réduit donc à cette supposée névrotisation des rapports. Plusieurs questions se posent alors : (1) Dans les faits y a-t-il névrotisation ? (2) Si névrotisation il y a, la névrose
engendrée est-elle assez importante pour qu’on s’y attarde ? (3) La névrose engendrée est-elle plus importante que la névrose engendrée par la compétition par exemple ?
Je ne vois pas pourquoi. Je n’imagine pas qui pourrait s’opposer à ce que le partenaire survivant puisse garder la tutelle des enfants qu’il a élevés, ni sur quel
fondement.
J’aurais dû formuler cela dans l’autre sens. Ce n’est pas vraiment que c’est beaucoup plus difficile, c’est que le passage par le mariage est beaucoup plus facile, et que les conséquences ne sont
pas forcément importantes.
De “l’importance” pour qui ? Il me semble assez évident que la question n’a “pas d’importance” pour beaucoup de nos concitoyens. Ce n’est pas une raison pour abandonner le
combat. Après tout, une majorité de nos concitoyens estime que cela “n’a pas d’importance” qu’on renvoie les immigrés chez eux. Faut il pourtant conclure qu’il faut s’y résigner ?
D’où tenez-vous cette affirmation ? Quoi qu’il en soit, dans le cas de l’immigration, on sait par les pays qui se portent mieux que nous économiquement qu’elle n’a pas de conséquence
négative. Donc pourquoi vouloir renvoyer les immigrés chez eux ? Dans le cas de l’homoparentalité, on ne sait pas si cela a des conséquences négatives, sinon le débat serait tranché. Enfin
si l’exemple ne me paraît pas optimal, je comprends le raisonnement. Si on le suit on finit par arriver à la question de la détermination de l’intérêt général, ce qui est impossible. En la
matière, le mariage n’est pas forcément dans l’intérêt général, puisque certaines sociétés s’en sont passé et que ces sociétés ne fonctionnaient pas plus mal que d’autres sociétés dans lequel le
mariage est utilisé.
Faut savoir ce que l’on veut. En République, l’idée est que les institutions soient les mêmes pour tous les citoyens. Si l’on commence à avoir un “mariage” pour les riches
et un autre pour les pauvres, alors on rompt cette logique et on fait un premier pas en arrière vers une logique de “loi personnelle”.
Je ne sais pas pourquoi vous parlez de mariage pour les riches et de mariage pour les pauvres et de rupture de la logique républicaine, je n’ai pas parlé de cela. J’ai dit
qu’une extension aux homosexuels ne changerait rien pour les classes populaires en comparaison de la situation actuelle.
J’ai du mal à voir comment vous arrivez à lier l’explosion des familles monoparentales ou l’essor des “éternels adolescents” à la libéralisation économique ou la
compétition du suffrage universel. C’est faire beaucoup d’honner au néo-libéralisme que d’en faire la source de tous les problèmes actuels.
Je n’avais pas compris que vous limitiez le bonheur et la liberté à l’explosion des familles monoparentales ou l’essor des éternels adolescents. Il n’empêche, on peut tout de même trouver un
lien, même avec cela : par exemple, le néolibéralisme favorise l’individualisme, et engendre un contexte qui rend la vie plus difficile pour toutes ses victimes, ce qui ne facilite pas les
rapports sociaux. La compétition du suffrage universel quant à elle dépossède le peuple du pouvoir et a permis, par exemple, de mettre au pouvoir des présidents de la république qui imposent au
peuple des traités qu’il avait refusé par référendum ou qu’ils ne souhaitaient pas, et qui représentent autant de pas vers le néolibéralisme.
Je crois que vous confondez le fondement d’un droit avec son utilisation. Le droit de propriété vous permet de jouir de votre maison, mais ce n’est pas là son
fondement.
Nous somme d’accord pour dire que la reconnaissance de la parenté conjointe ne peut en effet constituer à elle seule un fondement pour le droit au mariage, mais je n’ai pas dit le contraire.
Je ne vois pas le rapport entre le mariage monogamique et l’exogamie. On peut avoir exogamie sans mariage monogamique…
Je précise à nouveau que ce n’est pas moi qui dis cela, c’est Lévi-Strauss. Le raisonnement est que la probabilité de trouver un partenaire sexuel qui nous convienne au sein d’un petit groupe est
faible et qu’elle est plus forte si l’on étend les possibilités à d’autres groupes. Cela peut se faire soit par la force, donc par la guerre, soit par des contrats entre les groupes, donc par le
mariage. Et c’est selon lui l’origine du mariage.
Sans vouloir vous offenser, l’opinion de Silvye Faure-Pragier n’est pas un “fait”, ce n’est qu’une opinion.
Je n’ai jamais dit le contraire. Mais il ne s’agit pas d’une simple opinion, il s’agit d’une argumentation que j’ai empruntée sans m’en donner la maternité adoptive.
je n’ai jamais dit que les enfants issus de “procréations homosexuelles” – les choses qu’il faut entendre – deviennent “psychotiques”; j’ai dit que l’on ne peut chasser le véritable géniteur
sans une névrotisation des rapports. J’ose espérer que vous connaissez la différence entre “névrose” et “psychose”.
C’est gentil d’avoir de l’espoir à mon égard. Au-delà du pinaillage sur la névrose et la psychose (à mon humble avis, l’utilisation du mot « psychotique » par
l’auteur correspond à une hyperbole), l’argument de Sylvie Faure-Praguier est que sans expérience clinique réelle, même les psychanalystes ne peuvent savoir. Donc on ne sait pas, mais pour
l’instant l’homoparentalité existe et aucun psychanalyste n’a encore observé d’effet négatif rédhibitoire.
Mis à part le fait que cela permet de rester en concordance avec la définition du mot « parent », cela revient au même non ?
Non. Le lien de “parenté” implique une insertion dans la filiation, avec des devoirs reciproques (“les enfants doivent à leurs parents aliments”, dit le Code Civil). La “tutelle” n’est qu’un
rapport d’autorité à sens unique: les enfants n’ont pas d’obligations particulières envers leur tuteur. Quant à la possibilité d’adoption après la mort du parent, elle viserait à ce que le
compagnon du parent se substitue à lui, et non à l’autre parent, qui garde son statut.
Enfin il me semble que la concordance avec la définition du mot n’est pas vraiment le problème pour vous, sinon vous ne vous accommoderiez pas de la notion de « parents adoptifs »
pour les couples hétérosexuels.
Justement, je ne m’en accomode pas. Précisement parce que pour moi l’idée de “parent” implique une place dans la filiation, que cette place soit biologique ou symbolique. Et qu’un “parent” qui
aboutirait à donner à un enfant symboliquement deux “parents” de même sexe n’est pas crédible.
Plusieurs questions se posent alors : (1) Dans les faits y a-t-il névrotisation ? (2) Si névrotisation il y a, la névrose engendrée est-elle assez importante pour qu’on s’y
attarde ? (3) La névrose engendrée est-elle plus importante que la névrose engendrée par la compétition par exemple ?
Je peux coïncider dans l’intérêt des questions 1 et 2. Mais l’intérêt de la question 3 m’échappe. Pourquoi faudrait-il comparer les névroses, et faire de “la compétition” l’étalon-or des
névroses ?
Pour les questions 1 et 2, je vous renvoie au principe de précaution, qui paraît-il est très à la mode…
c’est que le passage par le mariage est beaucoup plus facile, et que les conséquences ne sont pas forcément importantes.
Je pense que les conséquences sur l’institution du mariage sont au contraire très importantes.
D’où tenez-vous cette affirmation ?
D’une récente enquête d’opinion qui a montré que pour plus de 60% de nos concitoyens le renvoi des immigrés chez eux est une politique “envisageable”. Et plus clairement, dans le fait que la
grande majorité de nos concitoyens ont voté pour des partis qui proposent sans ambages un contrôle de l’immigration et la reconduite des immigrés en situation irrégulière.
Quoi qu’il en soit, dans le cas de l’immigration, on sait par les pays qui se portent mieux que nous économiquement qu’elle n’a pas de conséquence négative.
Ce n’était pas mon intention de partir sur une discussion sur l’immigration. J’avais donné l’exemple pour montrer que le fait qu’une majorité de nos concitoyens estiment qu’un acte “n’a pas
d’importance” n’est pas raison suffisante pour cesser de le combattre.
Par ailleurs, j’aimerais savoir quels sont les pays grâce auxquels “on sait” que l’immigration n’a pas de conséquence négative. Je vous invite à considérer la question “conséquence négatives pour
qui ?”. Je vous recommande par exemple d’aller expliquer aux ouvriers du bâtiment français que l’immigration “n’a pas des conséquences négatives” pour eux…
En la matière, le mariage n’est pas forcément dans l’intérêt général, puisque certaines sociétés s’en sont passé et que ces sociétés ne fonctionnaient pas plus mal que d’autres sociétés dans
lequel le mariage est utilisé.
Vous croyez ? Pourriez-vous donner un exemple de société ayant atteint un niveau de développement social, économique et intellectuel équivalent au notre et dans lequel il n’y ait pas de mariage ?
Soyons sérieux: les sociétés sans mariage sont des sociétés très primitives. En général des sociétés vivant à la limite de subsistance. Si c’est cela votre idéal, ce n’est certainement pas le
mien.
Je ne sais pas pourquoi vous parlez de mariage pour les riches et de mariage pour les pauvres et de rupture de la logique républicaine, je n’ai pas parlé de cela. J’ai dit
qu’une extension aux homosexuels ne changerait rien pour les classes populaires en comparaison de la situation actuelle.
Si le gouvernement décide demain qu’on pourra acheter son Baccalauréat dans tous les bureaux de tabac contre un billet de 20
€, vous ne pouvez pas dire que “cela ne changera rien pour ceux qui passeront l’examen normalement”. Le mariage est une institution. Elle fait partie de la régulation sociale des rapports entre les individus. Si
vous la videz de son sens, vous la videz de son sens pour tout le monde, pas seulement pour une partie, même si cette partie conserve la possibilité de “se marier comme avant”.
Je n’avais pas compris que vous limitiez le bonheur et la liberté à l’explosion des familles monoparentales ou l’essor des éternels adolescents.
Je pense que ce sont deux excellents exemples de situations où l’on avait cru pendant longtemps que “la destructuration de la société et l’affaiblissement des institutions” allait apporter aux
individus bonheur et liberté. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce n’est pas le cas. Mais bien sur, je peux vous en donner d’autres si vous voulez…
Il n’empêche, on peut tout de même trouver un lien, même avec cela : par exemple, le néolibéralisme favorise l’individualisme, et engendre un contexte qui rend la vie plus difficile pour
toutes ses victimes, ce qui ne facilite pas les rapports sociaux. La compétition du suffrage universel quant à elle dépossède le peuple du pouvoir et a permis, par exemple, de mettre au pouvoir
des présidents de la république qui imposent au peuple des traités qu’il avait refusé par référendum ou qu’ils ne souhaitaient pas, et qui représentent autant de pas vers le néolibéralisme.
Et le rapport avec les “éternels adolescents” est….
Nous somme d’accord pour dire que la reconnaissance de la parenté conjointe ne peut en effet constituer à elle seule un fondement pour le droit au mariage, mais je n’ai pas dit le
contraire.
Oui, mais je vous avais indiqué le fondement qui me semble aujourd’hui le plus invoqué par les militants LGBT: celui de “l’égalité entre tous les amours”. Sommes nous d’accord aussi sur ce point
? Et si non, quel est pour vous le fondement le plus souvent évoqué ?
Le raisonnement est que la probabilité de trouver un partenaire sexuel qui nous convienne au sein d’un petit groupe est faible et qu’elle est plus forte si l’on étend les possibilités à
d’autres groupes. Cela peut se faire soit par la force, donc par la guerre, soit par des contrats entre les groupes, donc par le mariage. Et c’est selon lui l’origine du mariage.
Et je partage cette théorie. Mais ici vous utilisez “mariage” dans un sens différent à celui du reste de la discussion. Vous parlez du mariage en tant que contrat, alors que dans le reste de
notre discussion on parle du mariage en tant qu’institution. Que l’accord qui permettait à deux personnes de tribu différente s’unir et élever des enfants ensemble ait été un
moyen pacifique d’éviter l’endogamie paraît logique. Mais la question suivante est pourquoi cet accord, qui aurait pu rester purement contractuel – et qui l’est resté dans certaines civilisations
– est devenu une institution ? C’est là le sujet de notre débat.
Je n’ai jamais dit le contraire. Mais il ne s’agit pas d’une simple opinion, il s’agit d’une argumentation
Je ne vois pas trop où est l’argumentation. Dire “je pense que c’est comme ci ou comme ça” ne constitue pas une “argumentation”.
C’est gentil d’avoir de l’espoir à mon égard.
Je commence à me dire que c’est surtout téméraire…
Au-delà du pinaillage sur la névrose et la psychose (à mon humble avis, l’utilisation du mot « psychotique » par l’auteur correspond à une hyperbole), l’argument
de Sylvie Faure-Praguier est que sans expérience clinique réelle, même les psychanalystes ne peuvent savoir.
Nous sommes donc renvoyés au “principe de précaution”. Faut-il, dans un domaine où l’on ne sait pas grande chose, prendre une décision irréversible ? Ne serais-ce plus
raisonnable de laisser la question en suspens en attendant qu’il y ait une génération d’enfants élevés par des homosexuels pour faire une étude plus précise avant de légiférer ?
Donc on ne sait pas, mais pour l’instant l’homoparentalité existe et aucun psychanalyste n’a encore observé d’effet négatif rédhibitoire.
“Aucun” ? Vous exagérez… Ditez vous bien que si Sylvie Faure-Praguier, qui est favorable au mariage homosexuel, sort une tribune dans Le
Monde pour appeler la profession psychanalytique au silence, c’est bien parce que la plupart des psychanalistes s’expriment plutôt dans le sens contraire. Et à
moins de croire qu’ils sont tous des charlatans, quelques uns au moins doivent appuyer leurs commentaires sur leurs observations cliniques. Cela me paraît donc très osé d’affirmer que “aucun
psychanalyste” n’a encore observé d’effet négatif…
Pourquoi faudrait-il comparer les névroses, et faire de “la compétition” l’étalon-or des névroses ?
La compétition est elle aussi une source de névrose, pour autant personne ne parle de créer des lois pour la limiter ou l’interdire. Au contraire on l’encourage fortement. Par exemple notre
système d’éducation est encore très loin de s’être affranchi de la compétition des méthodes traditionnelles. Si l’on refuse une extension du mariage aux homosexuels parce que cela engendrerait
peut-être quelque névrose, alors il faut aussi refuser la compétition, en particulier à l’école.
Pour les questions 1 et 2, je vous renvoie au principe de précaution, qui paraît-il est très à la mode…
Oui évidemment. Mais en attendant, des couples homosexuels ont déjà des enfants adoptés, et le problème de la garde de l’enfant pour les deux membres des couples, par exemple en cas de décès, est
déjà présente. Il faut donc trouver une solution rapide pour les enfants concernés, et le mariage pour tous en est une.
D’une récente enquête d’opinion qui a montré que pour plus de 60% de nos concitoyens le renvoi des immigrés chez eux est une politique “envisageable”. Et plus clairement, dans le fait que la
grande majorité de nos concitoyens ont voté pour des partis qui proposent sans ambages un contrôle de l’immigration et la reconduite des immigrés en situation irrégulière.
Passons sur l’enquête d’opinion, j’ai pour règle de m’interdire de les considérer. Par contre les votes du premier tour de la présidentielle sont plus fiables, je n’y avais pas pensé. Et c’est
effrayant ! Mais ce n’est pas non plus comme si on avait fait un referendum. À part pour Le Pen, c’était plus ou moins caché dans les « packs gouvernement 2012 ». Je suppose que si
on soumettait la question à referendum une minorité se prononcerait en faveur de l’expulsion des immigrés en situation irrégulière.
Par ailleurs, j’aimerais savoir quels sont les pays grâce auxquels “on sait” que l’immigration n’a pas de conséquence négative. Je vous invite à considérer la question “conséquence négatives
pour qui ?”. Je vous recommande par exemple d’aller expliquer aux ouvriers du bâtiment français que l’immigration “n’a pas des conséquences négatives” pour eux…
Je parlais de conséquences négatives sur l’économie. Je pensais en particulier à la Suède.
Vous croyez ? Pourriez-vous donner un exemple de société ayant atteint un niveau de développement social, économique et intellectuel équivalent au notre et dans lequel il n’y ait pas de
mariage ?
Je vous ai déjà donné un exemple de société dans laquelle il n’y a pas de mariage : les Moso, dont le niveau de développement social, économique et intellectuel égale ou dépasse
vraisemblablement celui de certaines autres sociétés utilisant le mariage. Je pense d’ailleurs que sur certaines dimensions ils sont plus évolués que nous. Par exemple ils n’ont pas de notion de
possession.
Soyons sérieux: les sociétés sans mariage sont des sociétés très primitives. En général des sociétés vivant à la limite de subsistance. Si c’est cela votre idéal, ce n’est certainement pas le
mien.
Vous utilisez ici un sophisme similaire à celui que vous aviez utilisé pour l’esclavage et le tirage au sort : même si les sociétés sans mariage passées et actuelles se nourrissaient ou se
nourrissent toutes de salade aux coccinelles broyées, rien ne prouve qu’une société sans mariage implique nécessairement un tel régime. Dans l’absolu rien ne nous prouve que le mariage est un
prérequis à l’obtention de notre niveau de développement social, économique et intellectuel, de même que rien ne nous prouve que l’esclavage est un prérequis au tirage au sort.
Le mariage est une institution. Elle fait partie de la régulation sociale des
rapports entre les individus. Si vous la videz de son sens, vous la videz de son sens pour tout le monde, pas seulement pour une partie, même si cette partie conserve la possibilité de “se marier
comme avant”.
Certes, mais je n’ai pas dit le contraire. Je vous rappelle que nous sommes partis du constat que le mariage avait déjà été vidé de son sens, et que donc l’extension pour les homosexuels ne
changerait rien pour les classes populaires en comparaison de la situation actuelle.
Et le rapport avec les “éternels adolescents” est….
Contente que le lien que j’ai proposé avec l’explosion des familles monoparentales vous satisfasse. Je peux vous en trouver un aussi pour les éternels adolescents ! Je ne développe pas le
raisonnement, mais on peut dire que le néolibéralisme a indirectement favorisé le fait que les enfants soient contraints de se faire aider par leurs parents jusqu’à la trentaine. Je vous rassure,
pour le coup le lien ne me paraît pas convaincant à moi non plus. Quoi qu’il en soit, imputer ce phénomène à la seule perte de la valeur du mariage ne me paraît pas plus sérieux.
Oui, mais je vous avais indiqué le fondement qui me semble aujourd’hui le plus invoqué par les militants LGBT: celui de “l’égalité entre tous les amours”. Sommes nous d’accord aussi sur ce
point ? Et si non, quel est pour vous le fondement le plus souvent évoqué ?
Disons que cela ne me paraît pas intéressant : nous sommes d’accord pour dire que fonder le mariage homosexuel sur l’amour n’est pas cohérent, peu importe quel fondement est le plus souvent
invoqué. Ce que je trouve plus intéressant c’est le raisonnement que je vous ai exposé, qui n’est pas de moi mais de mes amis homosexuels, qui prend sa base dans la garde de l’enfant et le fait
que des enfants élevés par des couples homosexuels et qui aiment leurs deux « papas » ou « mamans » sont actuellement confrontés à ce problème.
Et je partage cette théorie. Mais ici vous utilisez “mariage” dans un sens différent à celui du reste de la discussion. Vous parlez du mariage en tant que contrat, alors
que dans le reste de notre discussion on parle du mariage en tant qu’institution. Que l’accord qui
permettait à deux personnes de tribus différentes de s’unir et élever des enfants ensemble ait été un moyen pacifique d’éviter l’endogamie paraît logique. Mais la question suivante est pourquoi
cet accord, qui aurait pu rester purement contractuel – et qui l’est resté dans certaines civilisations – est devenu une institution ? C’est là le sujet de notre débat.
Il me semble que le sujet est plutôt de savoir si cette institution progressivement vidée de son sens depuis une quarantaine d’années va véritablement dans le sens de l’intérêt général, et si son
extension aux couples homosexuels, aussi incohérente paresse-t-elle, l’en éloignerait.
Je commence à me dire que c’est surtout téméraire…
Téméraire ! Vous êtes sûr ? Il est vrai que vous menez un combat et que moi je ne recherche que l’émulation et la transmission de connaissance, donc la prise de risque est fatalement plus
importante pour vous !
Nous sommes donc renvoyés au “principe de précaution”. Faut-il, dans un domaine où l’on ne sait pas grande chose, prendre une décision irréversible ?
Que la décision du mariage pour tous soit prise ou non ne changerait pas le fait que des couples homosexuels élèvent actuellement des enfants. La question est plus complexe : est-il
préférable d’assurer aux enfants déjà dans cette situation que leurs deux « papas » ou « mamans » aient la garde conjointe ou bien de ne pas favoriser les
« familles » de ce type en n’étendant pas le mariage aux homosexuels (ou en n’améliorant pas le PACS ce qui revient au même de ce point de vue) ?
“Aucun” ? Vous exagérez…
Je ne pense pas que ce soit exagéré. Il me semble que si un seul article scientifique allait dans ce sens à partir d’observations cliniques, son retentissement serait tel que nous en aurions
connaissance. Le monde scientifique est (encore) très différent du monde mediatico-
La compétition est elle aussi une source de névrose, pour autant personne ne parle de créer des lois pour la limiter ou l’interdire.
“Personne” ? Vous allez un peu vite en besogne… il y a au contraire beaucoup qui en parlent. Ceux qui veulent par exemple supprimer les notes à l’école primaire et au collège, et qui donnent
comme argument les effets névrosants que la compétition incitée par cette notation aurait chez les enfants, pour ne donner qu’un exemple…
Au contraire on l’encourage fortement.
Vous trouvez ? L’expérience indique plutôt le contraire: depuis trente ans le concours, le classement, l’ensemble des procédures de sélection compétitive ont plutôt reculé pour laisser la place à
des procédures plus “consensuelles” quand ce n’est pas à l’abolition pure et simple de la sélection. Pourriez-vous m’indiquer des faits précis qui montrent un “encouragement” plus fort
aujourd’hui qu’hier ?
Si l’on refuse une extension du mariage aux homosexuels parce que cela engendrerait peut-être quelque névrose, alors il faut aussi refuser la compétition, en particulier à l’école.
C’est bien ce que certains proposent… et curieusement, ils viennent souvent du même horizon idéologique que les partisans du mariage homosexuel. Etonnant, non ?
Oui évidemment. Mais en attendant, des couples homosexuels ont déjà des enfants adoptés,
Je vois mal comment ils font. La loi française n’autorise pas aux couples de même sexe d’adopter, que je sache. Vous voulez peut-être dire qu’il y a deja des couples homosexuels dont un membre a
adopté un enfant. Soyons précis…
et le problème de la garde de l’enfant pour les deux membres des couples, par exemple en cas de décès, est déjà présente. Il faut donc trouver une solution rapide pour les enfants
concernés,
La solution existe dejà: la tutelle. Et elle est bien plus simple que le mariage.
Passons sur l’enquête d’opinion, j’ai pour règle de m’interdire de les considérer.
Pourtant, lorsque vous m’aviez sorti comme argument qu’une majorité des français se prononçaient dans les études d’opinion en faveur du mariage homosexuel, vous ne sembliez pas éprouver une telle
répugnance à les considérer…
Je parlais de conséquences négatives sur l’économie.
Pour l’économie de qui ? Des patrons ? Des ouvriers ? Des classes moyennes ? C’est bien justement ce que critiquais dans mon commentaire: vous parlez de “l’économie” comme si quelque chose
pouvait être “bon” ou “mauvais” pour elle indépendamment des gens qui la composent. Si vous voulez dire que l’immigration n’a pas de conséquence négative pour le PIB, oui, vous avez raison. Mais
je ne crois pas qu’on puisse se limiter à cela.
Je vous ai déjà donné un exemple de société dans laquelle il n’y a pas de mariage : les Moso, dont le niveau de développement social, économique et intellectuel égale ou dépasse
vraisemblablement celui de certaines autres sociétés utilisant le mariage.
“de certaines sociétés utilisant le mariage”, je ne sais pas. Mais de la notre, non. Et n’importe laquelle des “grandes civilisations” de l’histoire les dépasse (les Moso n’ont pas développé
l’écriture…). Toutes ces civilisations, sans aucune exception, ont institutionnalisé – sous des formes différentes – le mariage. Pensez-vous que ce soit une coïncidence ?
Je pense d’ailleurs que sur certaines dimensions ils sont plus évolués que nous. Par exemple ils n’ont pas de notion de possession.
Et cela vous paraît “plus évolué” ? J’avoue que jai toujours eu beaucoup de mal à comprendre ce genre de discours. L’institution de la propriété privée est un pas fondamental dans
l’enrichissement d’une civilisation. Et cet enrichissement a permis de dégager l’excédent nécessaire pour permettre l’expansion des arts, des sciences, de la pensée… croyez-vous vraiment que ce
soit “plus évolué” de se priver de tout cela et d’en rester au temps de Neanderthal sous prétexte d’éviter la “possession” ?
même si les sociétés sans mariage passées et actuelles se nourrissaient ou se nourrissent toutes de salade aux coccinelles broyées, rien ne prouve qu’une société sans mariage implique
nécessairement un tel régime.
Tout à fait. De même que le fait que le soleil se soit levé tous les matins depuis des milliers d’années ne “prouve” nullement qu’il se levera demain. Et pourtant, nous n’avons ni dans nos gestes
ni dans nos pensées le moindre doute que ce sera le cas. Le fait que les sociétés sans mariage soient toutes, sans exception, des sociétés primitives ne “prouve” rien, mais donne tout de même un
poids considérable à l’hypothèse qui veut que l’institution du mariage soit une condition du développement.
Certes, mais je n’ai pas dit le contraire. Je vous rappelle que nous sommes partis du constat que le mariage avait déjà été vidé de son sens, et que donc l’extension pour les homosexuels ne
changerait rien pour les classes populaires en comparaison de la situation actuelle.
Vous sous-estimez l’importance symbolique des actes. En 1981, la peine de mort avait été largement “vidée de son sens” (la dernière exécution datait de 1977 et Giscard avait depuis gracié
systématiquement les condamnés). Il n’empêche que le vote de l’abolition en 1981 a eu un poids considérable.
Mais surtout, vous partez du “constat” que le mariage à été vidé de son sens comme s’il était partagé. Ce n’est pas le cas. Je vous rappelle ma réponse: “si l’institution a été vidée de son
sens dans le droit, elle conserve tout de même une certaine importance particulièrement dans les couches populaires de la société. Ce sont elles qui divorcent le moins, et qui ont la vision la
plus conservatrice quant à la fidélité conjugale et l’éducation des enfants”.
Contente que le lien que j’ai proposé avec l’explosion des familles monoparentales vous satisfasse.
Je n’ai pas dit pareille chose. Je me contente de choisir le sujet sur lequel la contradiction est la plus évidente.
Je peux vous en trouver un aussi pour les éternels adolescents ! Je ne développe pas le raisonnement, mais on peut dire que le néolibéralisme a indirectement favorisé le fait que les
enfants soient contraints de se faire aider par leurs parents jusqu’à la trentaine.
Vous avez manqué le point. Les “éternels adolescents” (appellés aussi “adulescents”) ne vivent pas nécessairement chez leurs parents ni sont aidés par eux. On peut être un “adulescent” et être
orphelin de père et mère. Les “adulescents” sont des adultes qui se comportent comme des adolescents. Une excellente caricature de ce type de comportement a été donné par la série anglaise
“absolutely fabulous”. Je crois que vous confondez avec les “Tanguy”…
Je répose donc la question: quel est le lien de ce comportement avec “l’ultralibéralisme” ?
Ce que je trouve plus intéressant c’est le raisonnement que je vous ai exposé, qui n’est pas de moi mais de mes amis homosexuels, qui prend sa base dans la garde de l’enfant et le fait que
des enfants élevés par des couples homosexuels et qui aiment leurs deux « papas » ou « mamans » sont actuellement confrontés à ce problème.
Je ne comprends pas quel est le problème. Pour “aimer”, on n’a pas besoin de papiers. En quoi le fait que les deux “papas” ou deux “mamans” (j’ai tout de même réussi à vous persuader de mettre
les guillemets, c’est une petite victoire, mais une victoire quand même…) soient mariés changerait les choses ? Et si la question est la garde, alors une tutelle est largement suffisante.
Il me semble que le sujet est plutôt de savoir si cette institution progressivement vidée de son sens depuis une quarantaine d’années va véritablement dans le sens de l’intérêt général, et si
son extension aux couples homosexuels, aussi incohérente paresse-t-elle, l’en éloignerait.
Tout à fait. Mais pour cela il faut examiner quelle est la fonction de cette institution. Et cela n’a aucun rapport avec celle du mariage-contrat dont parle Levi-Strauss. CQFD
Que la décision du mariage pour tous soit prise ou non ne changerait pas le fait que des couples homosexuels élèvent actuellement des enfants.
Que le meurtre soit légalisé ou non, il y aura toujours des gens qui continueront à trucider leur prochain. Le débat ici porte sur l’extension du mariage aux homosexuels, pas sur le fait de
savoir s’il faut leur interdire d’elever les enfants.
La question est plus complexe : est-il préférable d’assurer aux enfants déjà dans cette situation que leurs deux « papas » ou « mamans » aient la garde conjointe ou
bien de ne pas favoriser les « familles » de ce type en n’étendant pas le mariage aux homosexuels (ou en n’améliorant pas le PACS ce qui revient au même de ce point de vue) ?
Je vois qu’on progresse. Il ne s’agit plus de donner aux homosexuels la “parenté”, mais seulement la “garde” de l’enfant. C’est dejà mieux. Comme je vous l’ai dit, je ne vois pas d’inconvénient à
ce que le PACS prevoit des dispositions pour permettre au compagnon – qu’il soit homosexuel ou hétérosexuel, d’ailleurs – d’obtenir sous certaines conditions la garde des enfants. A condition
qu’on maintienne clairement la différence entre ce qui releve de la filiation et ce qui n’en relève pas. Un “gardien” n’est pas un “parent”.
Au risque de me répéter: ce n’est pas mon objectif de refuser aux homosexuels la possibilité d’élever des enfants. Ce que j’entends leur refuser, c’est la possibilité de falsifier la filiation de
l’enfant en lui faisant croire – fut-ce symboliquement – qu’il a “deux papas” ou “deux mamans”. La société doit marquer clairement qu’il n’existe qu’une filiation, et qu’elle ne peut être
qu’hétérosexuelle. Le rapport homosexuel n’est pas moins “respectable” que le rapport hétérosexuel. Mais il est différent. Et les institutions doivent marquer cette différence.
Je ne pense pas que ce soit exagéré. Il me semble que si un seul article scientifique allait dans ce sens à partir d’observations cliniques, son retentissement serait tel que nous en aurions
connaissance.
Vous n’avez jamais entendu l’adage “il n’est pas de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir” ? En matière psychique, il n’existe pas d’article “scientifique”. Ni la psychologie ni la
psychanalyse ne sont des sciences. Les observations cliniques qui montrent que l’enfant elevé dans une cellule familiale “atypique” a statistiquement plus de probabilité de présenter des
symptômes que celui provenant d’une cellule dite “normale” sont légion. La difficulté est qu’on n’a aucun moyen de savoir si la cause des symptômes en question est la cellule familiale elle même
ou la manière dont la société traite les enfants qui en sont issus.
Le monde scientifique est (encore) très différent du monde mediatico-
Votre commentaire m’est arrivé incomplet…
Vous trouvez ? L’expérience indique plutôt le contraire: depuis trente ans le concours, le classement, l’ensemble des procédures de sélection compétitive ont plutôt reculé pour laisser la
place à des procédures plus “consensuelles” quand ce n’est pas à l’abolition pure et simple de la sélection.
Je n’ai pas dit que cela avait augmenté, j’ai dit que cela était fortement encouragé. Du moment qu’il y a, par exemple, encore des notes à l’école, il y a conditionnement à la compétition. Que la
compétition à l’école ait reculé en comparaison des années 70 me semble évident. Par contre, de manière générale, par définition, le néolibéralisme engendre progressivement un accroissement de la
compétition dans tous les domaines. Le primaire et le secondaire n’ont en effet pas encore été trop touchés.
Pourriez-vous m’indiquer des faits précis qui montrent un “encouragement” plus fort aujourd’hui qu’hier ?
C’est facile à trouver, mais cela ne me semble pas très utile. Par exemple dans la recherche, où il y a de moins en moins de création de postes, et au sein de laquelle les postulants aux postes
de chercheur sont de plus en plus en condition de compétition. Ces postulants font de la recherche et se retrouvent dans une situation où ils doivent publier le plus possible.
C’est bien ce que certains proposent… et curieusement, ils viennent souvent du même horizon idéologique que les partisans du mariage homosexuel. Etonnant, non ?
Non, la compétition à l’école me paraît beaucoup plus nocive que le fait d’avoir deux « papas. » D’autant qu’il me semble que les effets de la compétition sur la psychologie sont biens
mieux connus que ceux de l’homoparentalité. Aussi, le fait de devoir se séparer d’un « papa » qui n’a pas pu avoir la tutelle me paraît beaucoup plus nocif que le fait d’avoir deux
« papas. »
Quoi qu’il en soit cela m’étonne moins que le fait que vous n’appliquiez pas le même raisonnement dans les deux cas.
La solution existe dejà: la tutelle. Et elle est bien plus simple que le mariage.
Je croyais que nous étions tombés d’accord là-dessus : l’automatisation de la tutelle n’est pas autant à portée de main que le mariage pour tous.
Pourtant, lorsque vous m’aviez sorti comme argument qu’une majorité des français se prononçaient dans les études d’opinion en faveur du mariage homosexuel, vous ne sembliez pas éprouver une
telle répugnance à les considérer…
Vous confondez.
Pour l’économie de qui ? Des patrons ? Des ouvriers ? Des classes moyennes ? C’est bien justement ce que critiquais dans mon commentaire: vous parlez de “l’économie” comme si quelque chose
pouvait être “bon” ou “mauvais” pour elle indépendamment des gens qui la composent. Si vous voulez dire que l’immigration n’a pas de conséquence négative pour le PIB, oui, vous avez raison. Mais
je ne crois pas qu’on puisse se limiter à cela.
Disons que la Suède prouve que l’immigration n’a d’effet négatif ni sur le PIB, ni sur l’indice Gini, ni sur la proportion de personnes vivant sous le seuil de pauvreté.
“de certaines sociétés utilisant le mariage”, je ne sais pas. Mais de la notre, non. Et n’importe laquelle des “grandes civilisations” de l’histoire les dépasse (les Moso n’ont pas développé
l’écriture…). Toutes ces civilisations, sans aucune exception, ont institutionnalisé – sous des formes différentes – le mariage. Pensez-vous que ce soit une coïncidence ?
Je ne crois pas que ce soit une coïncidence, je pense qu’il y a une explication à cela, liée à ce que toutes ces « grandes civilisations » sont également guerrières.
Et cela vous paraît “plus évolué” ? J’avoue que jai toujours eu beaucoup de mal à comprendre ce genre de discours. L’institution de la propriété privée est un pas fondamental dans
l’enrichissement d’une civilisation. Et cet enrichissement a permis de dégager l’excédent nécessaire pour permettre l’expansion des arts, des sciences, de la pensée… croyez-vous vraiment que ce
soit “plus évolué” de se priver de tout cela et d’en rester au temps de Neandertal sous prétexte d’éviter la “possession” ?
La propriété est différente de la possession. La propriété est liée à un contrat social, et donc à l’intérêt général. La possession est plus dangereuse. Le danger que représente la possession
pour le bonheur est un sujet très souvent proposé à l’épreuve de philosophie du baccalauréat. Une société qui conditionne à penser que plus de possession engendre plus de bonheur me paraît moins
évoluée (sur cette dimension) qu’une société qui n’a pas de notion de possession.
Tout à fait. De même que le fait que le soleil se soit levé tous les matins depuis des milliers d’années ne “prouve” nullement qu’il se lèvera demain. Et pourtant, nous n’avons ni dans nos
gestes ni dans nos pensées le moindre doute que ce sera le cas. Le fait que les sociétés sans mariage soient toutes, sans exception, des sociétés primitives ne “prouve” rien, mais donne tout de
même un poids considérable à l’hypothèse qui veut que l’institution du mariage soit une condition du développement.
En suivant votre démarche, avant que la première civilisation qui ait reconnu que la terre est ronde ne reconnaisse qu’elle est ronde, on pouvait penser que seules des sociétés qui pensent que la
terre est plate pouvaient devenir de grandes civilisations et que les grandes civilisations étaient condamnées à penser que la terre est plate. Avant que la première civilisation monothéiste ne
devienne grande civilisation on pouvait penser que seules les sociétés polythéistes pouvaient accéder à ce statut. On peut faire le même raisonnement avec toutes les premières fois dont on a
pensé qu’elles étaient impossibles jusqu’à ce qu’elles ne se réalisent. Une différence avec le fait que le soleil se lèvera demain, c’est que s’il ne se levait pas ce serait de toutes façons la
fin du monde. Une autre différence, c’est que le lever du soleil ne dépend pas de quelque chose d’aussi imprévisible que l’homme.
Je repose donc la question: quel est le lien de ce comportement avec “l’ultralibéralisme” ?
Je n’en vois pas particulièrement. Pour autant je ne vois pas de lien avec le mariage non plus.
(j’ai tout de même réussi à vous persuader de mettre les guillemets, c’est une petite victoire, mais une victoire quand même…)
C’est pure charité, car la précision semble vous tenir à cœur. C’est également pour cela que j’ai parlé de garde conjointe plutôt que de parenté conjointe. Je suis mal élevée mais je suis
gentille.
Tout à fait. Mais pour cela il faut examiner quelle est la fonction de cette institution. Et cela n’a aucun rapport avec celle du mariage-contrat dont parle Levi-Strauss. CQFD
Il est possible que le passage à l’institution ne corresponde simplement qu’à un besoin lié à la présence des contrats de mariages primitifs, et que sans ces
contrats l’institution n’ait pas été nécessaire.
La société doit marquer clairement qu’il n’existe qu’une filiation, et qu’elle ne peut être qu’hétérosexuelle. Le rapport homosexuel n’est pas moins “respectable” que le rapport hétérosexuel.
Mais il est différent. Et les institutions doivent marquer cette différence.
Pourquoi ?
Vous n’avez jamais entendu l’adage “il n’est pas de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir” ? En matière psychique, il n’existe pas d’article “scientifique”. Ni la psychologie ni la
psychanalyse ne sont des sciences.
La psychologie et la psychanalyse appartiennent au genre sciences humaines et sociales. Ces deux disciplines mettent en avant des concepts, utilisent des méthodes et s’appuient sur des
expériences.
Les observations cliniques qui montrent que l’enfant élevé dans une cellule familiale “atypique” a statistiquement plus de probabilité de présenter des symptômes que celui provenant d’une
cellule dite “normale” sont légion. La difficulté est qu’on n’a aucun moyen de savoir si la cause des symptômes en question est la cellule familiale elle même ou la manière dont la s
Je n’ai pas dit que cela avait augmenté, j’ai dit que cela était fortement encouragé.
Oui. Mais votre argument était que personne ne dénonçait le fait que la “compétition” était névrosante, alors qu’on signale ce point pour ce qui concerne la parenté homosexuelle. Je vous ai
montré que la “compétition” est au contraire dénoncée par beaucoup de spécialistes et qu’en pratique elle recule…
Du moment qu’il y a, par exemple, encore des notes à l’école, il y a conditionnement à la compétition.
Et du moment où les petites filles rêvent d’avoir un petit copain, il y a conditionnement à la compétition, puisqu’à chaque fois il ne peut y avoir qu’un seul élu… faut-il pour autant dire aux
petites filles de sortir avec n’importe quel garçon qui leur demande ?
Je trouve votre obsession avec la “compétition” assez amusante. La “compétition” est consubstantielle à une réalité: dès lors qu’une ressource est rare – c’est à dire, qu’elle n’est pas présente
en quantité suffisante pour satisfaire tous les besoins – il y a “conditionnement à la compétition”…
“Pourriez-vous m’indiquer des faits précis qui montrent un “encouragement” plus fort aujourd’hui qu’hier ?” C’est facile à trouver, mais cela ne me semble pas très utile.
Traduction: “je n’ai aucun exemple pour argumenter mon affirmation, mais je ne veux pas l’admettre”…
Par exemple dans la recherche, où il y a de moins en moins de création de postes, et au sein de laquelle les postulants aux postes de chercheur sont de plus en plus en condition de
compétition.
“de moins en moins de création de postes” comparé à quand ? Je peux vous assurer qu’il y a dans la recherche infiniment plus de postes aujourd’hui que dans les années 1930. Ce qui, si l’on suit
votre bizarre logique, impliquerait que la compétition s’est largement attenuée en 80 ans…
En fait, si dans les trente dernières années la “compétition” pour les postes de chercheur s’est accentuée, c’est tout simplement parce que la “compétition” dans le recrutement universitaire a
largement diminué. Il y a trente ans, le doctorat était sélectif et seuls des candidats de qualité parvenaient à l’avoir. Du coup, il y avait autant de postes que de reçus. Aujourd’hui, on voit
des candidats soutenir des doctorats avec mention qui ne valent tripette. Il faut bien que la sélection se fasse quelque part…
Non, la compétition à l’école me paraît beaucoup plus nocive que le fait d’avoir deux « papas ».
Et en dehors de vos préjugés, cette opinion a une base quelconque ?
Je croyais que nous étions tombés d’accord là-dessus : l’automatisation de la tutelle n’est pas autant à portée de main que le mariage pour tous.
Et bien, une fois encore vous prenez vos désirs pour des réalités. Ce n’est pas parce que vous affirmez une chose qu’on “tombe d’accord là dessus”. Non, je ne pense nullement qu’il soit plus
simple de détruire l’institution qu’est le mariage que de modifier à la marge le contrat qu’est le PACS.
“Pourtant, lorsque vous m’aviez sorti comme argument qu’une majorité des français se prononçaient dans les études d’opinion en faveur du mariage homosexuel, vous ne sembliez pas éprouver une
telle répugnance à les considérer…” Vous confondez.
Je ne confonds rien du tout. Je vous cite: “Par ailleurs la société est selon les sondages récents majoritairement favorable à l’adoption par les couples homosexuels. Si elle doit refuser au
gens de nier la réalité, c’est donc vous qui êtes concerné”. Vous utilisez donc bien les sondages comme argument. Et ce n’est pas la première fois que vous refusez d’assumer des choses que
vous avez écrit… et à chaque fois vous reportez la faute sur votre interlocuteur.
Disons que la Suède prouve que l’immigration n’a d’effet négatif ni sur le PIB, ni sur l’indice Gini, ni sur la proportion de personnes vivant sous le seuil de pauvreté.
Ca, nous n’en savons rien. Pour le prouver, il faudrait savoir quel serait l’indice de Gini et la proportion de personnes vivant sous le seuil de pauvrété sans immigration. Chose clairement
impossible.
Je ne crois pas que ce soit une coïncidence, je pense qu’il y a une explication à cela, liée à ce que toutes ces « grandes civilisations » sont également guerrières.
Vous admettez donc que pour dépasser un certain stade de développement l’institution du mariage est indispensable. CQFD
La propriété est différente de la possession.
Pourriez-vous indiquer quelle est selon vous la différence ?
Une société qui conditionne à penser que plus de possession engendre plus de bonheur me paraît moins évoluée (sur cette dimension) qu’une société qui n’a pas de notion de possession.
Disons plutôt que vous “postulez” qu’une société ayant la notion de possession est moins évoluée qu’une société qui ne l’a pas. C’est une position personnelle, qui n’a d’autre justification que
votre choix. Curieusement, vous ne me semblez pas prête à partir pour vivre dans une telle société, même si elle est plus “évoluée”… ce serait plutôt les individus qui vivent dans ces sociétés
qui voudraient – et qui dans certains cas risquent leur vie pour arriver – vivre dans des sociétés qui connaissent la possession. Je me demande bien pourquoi…
En suivant votre démarche, avant que la première civilisation qui ait reconnu que la terre est ronde ne reconnaisse qu’elle est ronde, on pouvait penser que seules des sociétés qui pensent
que la terre est plate pouvaient devenir de grandes civilisations et que les grandes civilisations étaient condamnées à penser que la terre est plate.
S’il y avait eu un “première civilisation” qui ait reconnu que la terre est ronde, certainement. Mais cela ne s’est jamais produit: il y a des gens qui ont “reconnu” que la terre était ronde bien
avant l’apparition des premières “grandes civilisations”… Parmi les “grandes civilisations”, certaines pensaient que la terre était ronde, et d’autres pensaient qu’elle était plate. Pire: les
civilisations n’ont jamais été homogènes. Elles n’ont jamais “pensé” que la terre était comme ci ou comme cela. Dans chaque “civilisation”, certains pensaient une chose, et d’autres le contraire.
Je crois que vous faites dans cet exemple une confusion entre une “institution” et une “opinion”… Les institutions sont partagées, les opinions sont individuelles.
Avant que la première civilisation monothéiste ne devienne grande civilisation on pouvait penser que seules les sociétés polythéistes pouvaient accéder à ce statut.
Et c’était parfaitement vrai. Pour les peuples qui en étaient encore au mode de production antique, le politéisme donnait un avantage économique considérable.
On peut faire le même raisonnement avec toutes les premières fois dont on a pensé qu’elles étaient impossibles jusqu’à ce qu’elles ne se réalisent.
Bien entendu. Vous pouvez penser, par exemple, que si vous sautez par la fenêtre du 10ème étage, vous pourrez voler comme un oiseau. Après tout, le fait que tous ceux qui ont essayé par le passé
se soient écrasés sur le sol ne prouve pas que ce soit impossible… C’est quand que vous essayez ? Ca ne vous tente pas ?
Une autre différence, c’est que le lever du soleil ne dépend pas de quelque chose d’aussi imprévisible que l’homme.
Qu’est ce que vous en savez ?
“Je repose donc la question: quel est le lien de ce comportement avec “l’ultralibéralisme” ?” Je n’en vois pas particulièrement.
Je vous rappelle que c’est vous qui aviez proposé l’exemple… Maintenant vous admettez qu’il n’a aucun rapport. Encore une révision déchirante ?
“La société doit marquer clairement qu’il n’existe qu’une filiation, et qu’elle ne peut être qu’hétérosexuelle. Le rapport homosexuel n’est pas moins “respectable” que le rapport
hétérosexuel. Mais il est différent. Et les institutions doivent marquer cette différence.” Pourquoi ?
Parce que c’est à cela qu’elle sert. Si l’on traitait ses enfants de la même manière que les enfants des autres, la filiation n’aurait aucun sens. Une institution existe précisement pour marquer
une différence.
La psychologie et la psychanalyse appartiennent au genre sciences humaines et sociales. Ces deux disciplines mettent en avant des concepts, utilisent des méthodes et s’appuient sur des
expériences.
L’astrologie aussi. Est-ce une “science” ?
Encore une fois,votre message m’arrive incomplet. Vous devriez le découper pour en faire deux messages plus courts.
La psychologie et la psychanalyse appartiennent au genre sciences humaines et sociales. Ces deux disciplines mettent en avant des concepts, utilisent des méthodes et
s’appuient sur des expériences.
Non, la psychanalyse n’a rien de scientifique. Son contenu théorique a été réfuté pour de bon (ce qui n’implique pas que Freud n’a rien découvert,
l’interprétation consciente a bien un effet). Au contraire de Descartes, la psychologie est pour moi une science, mais une science moins exacte que d’autres.
Je sens qu’on va relancer une discussion qui a deja eu lieu dans ce blog. Pour clarifier un peu les idées, je pense qu’il vaut mieux définir de quoi on parle. Personnellement, je pense que la
définition la plus simple et la plus opérationnelle de ce que c’est une théorie “scientifique” est celle de Karl Popper: une théorie peut être dite “scientifique” dès lors qu’on peut proposer une
expérience – réelle ou imaginaire – dont le résultat pourrait “falsifier” la théorie (c’est à dire, la contredire).
Ainsi, la théorie de la gravitation universelle est “scientifique”, puisqu’on peut imaginer facilement une expérience qui pourrait la falsifier: il suffirait de prendre deux corps, de mesurer
l’attraction mutuelle à différentes distances et de constater que la force d’attraction n’est pas inversement proportionnelle au carré de la distance. Par contre, la théorie que Jesus est fils de
Dieu n’est pas “falsifiable”: aucune expérience – réelle ou imaginaire – ne pourrait par ses résultats la contredire. C’est pourquoi la théologie n’est pas une science. Les théories
psychologiques ne sont pas susceptibles de “falsification”. Imaginez-vous une expérience – même imaginaire – qui pourrait contredire l’existence de l’inconscient ? Bien sur que non. L’inconscient
ne fait donc pas un élément d’une théorie scientifique.
Je sais bien que les psychologues, sociologues et autres praticiens des disciplines que l’on appelle les “sciencies humaines” persistent à vouloir, pour des raisons de statut, voir dans leur
pratique une pratique “scientifique”. Elles ne le sont pas. Certaines le deviendront peut-être, au fur et à mesure du développement de leurs outils. Et on peut poursuivre des recherches avec
sérieux et rigueur dans un domaine qui n’est pas “scientifique” au sens poppérien du terme.
Je sens qu’on va relancer une discussion qui a deja eu lieu dans ce blog. Pour clarifier un peu les idées, je pense qu’il vaut mieux définir de quoi on parle. Personnellement, je pense que la
définition la plus simple et la plus opérationnelle de ce que c’est une théorie “scientifique” est celle de Karl Popper: une théorie peut être dite “scientifique” dès lors qu’on peut proposer une
expérience – réelle ou imaginaire – dont le résultat pourrait “falsifier” la théorie (c’est à dire, la contredire).
Je n’adhère pas la définition de Popper. D’une manière générale, je suis pas trop fan du fétichisme des mots. La question de savoir ce qu’est exactement la science ne m’intéresse pas tant que ça.
Je prendrais plutôt le problème du point de vue de la connaissance. La psychologie nous apporte de nouvelles connaissances qui certes ne sont pas d’aussi bonne qualité que celles que la physique
nous apporte, mais qui restent les meilleures dans ce domaine. En mettant dans le même sac la psychologie et la psychanalyse, on perd la hiérarchie qui existe à mon sens entre la psychologie et
la psychanalyse.
Imaginez-vous une expérience – même imaginaire – qui pourrait contredire l’existence de l’inconscient ? Bien sur que non. L’inconscient ne fait donc pas un élément d’une théorie
scientifique.
Je peux en imaginer une. Prenons le cas de l’amorçage visuel masqué. Un sujet doit dire si le mot qui est affiché à l’écran est agréable (par exemple “joie”) ou désagréable (par exemple
“douleur). On force le sujet à répondre rapidement, on peut alors calculer son taux d’erreur. Avant d’afficher le mot “douleur” à l’écran on le fait précéder par une image subliminale qui peut
être congruente ou non (“tristesse” serait congruent avec “douleur”, alors que “bonheur” ne le serait pas). Si l’inconscient n’existe pas, alors insérer ou non une image subliminale n’aura aucun
effet sur le taux d’erreur. Si un inconscient existe on peut s’attendre à ce que — comme dans l’amorçage non-masqué — les essais précédés d’une amorce masquée congruente aient un taux d’erreur
moins élevé que la moyenne et inversement que les essais précédés d’une amorce masquée non-congruente aient un taux d’erreur plus élevé que la moyenne. Les résultats des expériences montrent
qu’il y a bien un effet de l’amorce masquée, alors même que les sujets n’ont pas conscience de cette amorce (quand on leur demande d’essayer de deviner l’amorce, ils ne font pas mieux que le
hasard).
Je n’adhère pas la définition de Popper.
Libre à vous. Mais dans ce cas là, il vous faut proposer une autre…
D’une manière générale, je suis pas trop fan du fétichisme des mots.
Moi non plus. Mais je suis un “fétichiste” de la rigueur dans le débat. Si l’on ne sait pas exactement ce que veut dire un mot, son utilisation dans le débat ne peut qu’être une source de
confusion. D’ailleurs, si vous n’êtes pas “fétichiste des mots”, pourquoi tenez vous tellement à accoler le mot “science” à la psychologie ?
Je prendrais plutôt le problème du point de vue de la connaissance. La psychologie nous apporte de nouvelles connaissances qui certes ne sont pas d’aussi bonne qualité que celles que la
physique nous apporte, mais qui restent les meilleures dans ce domaine.
S’il s’agit de dire que la psychologie est une connaissance et qu’elle est utile, je ne peux qu’être d’accord. Mais toutes les connaissances ne se valent pas. La connaissance scientifique est une
connaissance particulière, soumise à un contrôle méthodologique particulièrement rigoureux.
En mettant dans le même sac la psychologie et la psychanalyse, on perd la hiérarchie qui existe à mon sens entre la psychologie et la psychanalyse.
Mais sur quoi fondez vous une telle “hiérarchie” ?
Si l’inconscient n’existe pas, alors insérer ou non une image subliminale n’aura aucun effet sur le taux d’erreur.
Mais l’absence d’effet sur le taux d’erreur ne vous permet pas de conclure sans ambiguïté à l’inexistence de l’inconscient. Il peut y avoir d’autres explications (par exemple, tout bêtement, que
les images “subliminales” sont imperceptibles). Et votre expérience ne suffit donc pas à “falsifier” la théorie… C’est justement le problème: le test proposé par Popper est beaucoup plus sevère
que ce que vous croyez. Il ne s’agit pas seulement d’une expérience donnant un résultat compatible avec le fait que la théorie soit fausse, mais une expérience qui permettrait de conclure sans
ambiguïté au fait que la théorie est fausse…
Libre à vous. Mais dans ce cas là, il vous faut proposer une autre…
Je ne voulais pas trop entrer dans les détails vu qu’apparemment cette discussion a déjà eu lieu. Je suis partisan de la position de Lakatos qui met la démarcation au niveau de programmes de
recherche (par exemple la physique newtonienne, la psychanalyse freudienne etc.). Ce qui distingue un programme de recherche scientifique d’un programme non-scientifique c’est la capacité de
prédiction de faits nouveaux. Un programme de recherche scientifique c’est en fait un programme qui fait avancer la connaissance. Au contraire des programmes de recherche non-scientifiques où les
théories ne font que s’adapter à des faits déjà existants. Dans cette conception de la science la réfutabilité de Popper n’est pas présente, mais les expériences/observations cruciales qui
permettent la réfutabilité servent à distinguer les programmes de recherche scientifiques/non-scientifiques.
Moi non plus. Mais je suis un “fétichiste” de la rigueur dans le débat. Si l’on ne sait pas exactement ce que veut dire un mot, son utilisation dans le débat ne peut qu’être une source de
confusion. D’ailleurs, si vous n’êtes pas “fétichiste des mots”, pourquoi tenez vous tellement à accoler le mot “science” à la psychologie ?
Je n’y tiens pas tant que ça, je n’ai fait que donner mon opinion alors que tu affirmé de manière assez péremptoire que ce n’était pas de la science. Personnellement ça ne me gène pas tant que ça
que des personnes considèrent que la psychologie n’est pas une science, c’est plus un problème de définition qu’autre chose. Ce qui compte pour moi c’est que la psychologie ne soit pas mise au
niveau de la psychanalyse.
Mais sur quoi fondez vous une telle “hiérarchie” ?
Sur la solidité de chaque programme de recherche. Plus la justification est forte, plus la probabilité est élevée que les connaissances soient solides. Si on prend des manuels de première année,
la probabilité que celui de physique contienne beaucoup d’erreurs est plus faible que pour celui de psychologie. De même certains programmes de recherche scientifiques sont bien plus justifiés
que d’autres.
Mais l’absence d’effet sur le taux d’erreur ne vous permet pas de conclure sans ambiguïté à l’inexistence de l’inconscient. Il peut y avoir d’autres explications (par exemple, tout bêtement,
que les images “subliminales” sont imperceptibles). Et votre expérience ne suffit donc pas à “falsifier” la théorie… C’est justement le problème: le test proposé par Popper est beaucoup plus
sevère que ce que vous croyez. Il ne s’agit pas seulement d’une expérience donnant un résultat compatible avec le fait que la théorie soit fausse, mais une expérience qui permettrait de conclure
sans ambiguïté au fait que la théorie est fausse…
J’aurais peut-être dû expliciter que je me situais dans la théorie de l’inconscient cognitif qui se fonde sur les perceptions non conscientes du type images subliminales. Si demain on se rend
compte qu’il y avait un bais dans toutes les expériences d’amorçage masqué, ce serait un coup fatal à la théorie de l’inconscient cognitif. Aussi fatal que si on trouvait des fossiles de lapins
datant du précambrien pour reprendre je-ne-sais-plus-qui sur la théorie de l’évolution. L’absence d’effet sur le taux d’erreur permettrait donc de conclure sans ambiguïté que l’inconscient
cognitif n’existe pas. Pour les adeptes de la psychanalyse, si on prouve demain que toutes les expériences de perception non consciente étaient biaisées, cela leur fera probablement ni chaud ni
froid.
Ce qui distingue un programme de recherche scientifique d’un programme non-scientifique c’est la capacité de prédiction de faits nouveaux.
Ce qui exclut la Paléontologie, l’Archeologie, l’Entomologie ou l’Histoire, disciplines qui n’ont pas un caractère prédictif… j’aimerais d’ailleurs comprendre quelles sont les “prédictions de
faits nouveaux” que permet la psychologie…
Si on prend des manuels de première année, la probabilité que celui de physique contienne beaucoup d’erreurs est plus faible que pour celui de psychologie.
Je ne vois pas très bien pourquoi. J’ai l’impression que vous donnez au mot “erreur” ici un sens très particulier. Une théorie qui correspond à l’état des connaissances, même si elle est
inexacte, n’est pas pour autant une “erreur”.
J’aurais peut-être dû expliciter que je me situais dans la théorie de l’inconscient cognitif qui se fonde sur les perceptions non conscientes du type images subliminales. Si demain on se rend
compte qu’il y avait un bais dans toutes les expériences d’amorçage masqué, ce serait un coup fatal à la théorie de l’inconscient cognitif. Aussi fatal que si on trouvait des fossiles de lapins
datant du précambrien pour reprendre je-ne-sais-plus-qui sur la théorie de l’évolution.
Justement, non. La découverte de fossiles de lapin datant du précambrien prouverait, sans ambiguïté, que la théorie de l’évolution est fausse. La découverte d’un biais dans les expériences
d’amorçage masqué jeterait un doute sur les résultats obtenus, mais ne prouverait pas définitivement que la théorie est fausse.
Ce qui exclut la Paléontologie, l’Archeologie, l’Entomologie ou l’Histoire, disciplines qui n’ont pas un caractère prédictif… j’aimerais d’ailleurs comprendre quelles sont les “prédictions
de faits nouveaux” que permet la psychologie…
Non. Haley avait prédit que la comète passerait 72 ans plus tard. Un archéologue pourrait prédire qu’on trouvera des ruines de l’Atlandide à tel endroit dans la Mediterranée. Ce serait un fait
nouveau. Ce n’est pas parce que ça s’est déjà passé, qu’on ne peut pas trouver de nouveaux faits à propos du passé. Pour le programme de recherche sur l’inconscient cognitif, on peut prédire
qu’une image subliminale de peur activera des zones du cerveau liées à la peur. Pour moi c’est un fait nouveau.
Je ne vois pas très bien pourquoi. J’ai l’impression que vous donnez au mot “erreur” ici un sens très particulier. Une théorie qui correspond à l’état des connaissances, même si elle est
inexacte, n’est pas pour autant une “erreur”.
Je parle seulement de probabilités. Une théorie peut être considérée comme vraie aujourd’hui, mais ça n’implique pas qu’on ne peut pas calculer sa probabilité d’être vraie. La qualité des
prémisses, des raisonnements, des expériences etc., joue.
Justement, non. La découverte de fossiles de lapin datant du précambrien prouverait, sans ambiguïté, que la théorie de l’évolution est fausse. La découverte d’un biais dans les expériences
d’amorçage masqué jeterait un doute sur les résultats obtenus, mais ne prouverait pas définitivement que la théorie est fausse.
La théorie de l’inconscient cognitif prédit qu’on peut amorcer une réponse même si l’amorçage est masqué. Si les résultats d’amorçage masqués sont bons à jeter à la poubelle, on peut dire au
revoir à cette théorie. Je comprends pas vraiment pourquoi tu fais du deux poids, deux mesures ici. Apparemment tu ne veux pas accepter que si l’amorçage masqué n’a aucun effet, alors la théorie
de l’inconscient cognitif est fausse. As-tu une raison particulière pour croire cela ?
Non. Haley avait prédit que la comète passerait 72 ans plus tard. Un archéologue pourrait prédire qu’on trouvera des ruines de l’Atlandide à tel endroit dans la Mediterranée. Ce serait un
fait nouveau.
D’accord pour Halley. Mais quel serait le “fait nouveau” dans le cas de l’Atlantide ? Si le fait est la présence des ruines, alors il n’y a aucun “fait nouveau”: elles sont là depuis longtemps.
Si le “fait” est la découverte, l’archéologue est aussi incapable de la prédire que l’astrologue. Un “programme de recherche” ne peut prédire un “fait”. Tout au plus peut-il prédire le résultat
d’une expérience (si je fouille à tel endroit, je trouverait telle chose, dans le cas de l’archéologue). Mais faire du caractère prédictif un élément de scientificité conduit à mon avis à des
paradoxes: pendant longtemps, la météoreologie s’est trompé au moins autant que l’astrologie… Je continue à penser que le critère poppérien est bien plus intéressant.
La théorie de l’inconscient cognitif prédit qu’on peut amorcer une réponse même si l’amorçage est masqué. Si les résultats d’amorçage masqués sont bons à jeter à la poubelle, on peut dire au
revoir à cette théorie.
Pas nécessairement. Si l’on avait jeté à la poubelle la théorie de la gravitation universelle chaque fois qu’on a trouvé un téléscope mal reglé… que des résultats qui confirment une
théorie contiennent un biais n’implique pas que la théorie soit fausse.
Apparemment tu ne veux pas accepter que si l’amorçage masqué n’a aucun effet, alors la théorie de l’inconscient cognitif est fausse.
Je n’ai pas de problème avec ça. Ce que je ne vois pas, c’est quelle pourrait être l’expérience qui prouverait qu’il n’y a “aucun effet”.
D’accord pour Halley. Mais quel serait le “fait nouveau” dans le cas de l’Atlantide ? Si le fait est la présence des ruines, alors il n’y a aucun “fait nouveau”: elles sont là depuis
longtemps. Si le “fait” est la découverte, l’archéologue est aussi incapable de la prédire que l’astrologue. Un “programme de recherche” ne peut prédire un “fait”. Tout au plus peut-il prédire le
résultat d’une expérience (si je fouille à tel endroit, je trouverait telle chose, dans le cas de l’archéologue). Mais faire du caractère prédictif un élément de scientificité conduit à mon avis
à des paradoxes: pendant longtemps, la météoreologie s’est trompé au moins autant que l’astrologie… Je continue à penser que le critère poppérien est bien plus intéressant.
Le nombre d’erreurs de l’astrologie ou de la météorologie n’est pas pertinent. Lakatos part du principe que les programmes de recherche sont bourrés d’anomalies, c’est donc tout à fait normal. Ce
qui est pertinent ce sont les faits nouveaux que les programmes de recherche permettent de prédir. Je ne connais pas l’histoire de l’astrologie, mais je suis très sceptique sur le fait que
l’astrologie aurait permis de prédire de nouveaux faits ou du moins autant de nouveaux faits que la météorologie. Je m’attends plutôt à ce que l’astrologie ait essayé de coller aux faits
découverts par d’autres programmes de recherche, ce qui caractérise les programmes de recherche dégénérents pour Lakatos. Dans le cas où à une certaine période la météorologie aurait été comme
l’astrologie, qu’elle n’aurait pas permis d’étendre notre connaissance, je vois pas trop pourquoi on caractériserait de scientifique la météorologie pour ce moment donné. Tu parles d’un paradoxe,
mais je vois pas de paradoxes là dedans.
Sur l’archéologie ça dépend ce qu’est un fait scientifique pour toi. J’utilisais ici le sens commun. Un fait scientifique c’est un certain état du monde observable qui est objectif. Si je prédis
qu’il y a de l’eau sur Mars, je prédis un fait qui s’il est vrai est scientifique. Et pourtant l’eau sur Mars elle y est depuis un sacré bout de temps… De même quand Halley prédit le retour de
la comète, il ne fait que découvrir la trajectoire de la comète qui était là depuis un bon bout de temps. C’est pareil pour les ruines de l’Atlantide si elles existent. Certaines displines
scientifiques peuvent reproduire les conditions où les faits qu’ils prédisent seront observés, ça leur donne une meilleure justification vu qu’ils peuvent changer tout un tas de paramètres pour
vérifier. L’histoire ne peut pas faire ça, mais l’astronomie non plus !
Pas nécessairement. Si l’on avait jeté à la poubelle la théorie de la gravitation universelle chaque fois qu’on a trouvé un téléscope mal reglé… que des résultats qui confirment une
théorie contiennent un biais n’implique pas que la théorie soit fausse.
Bien sûr, mais quand on falsifie une théorie avec des fossiles de lapins on suppose que nos méthodes de datation sont au point. De même quand tu as falsifié l’attraction universelle tu as
implicitement supposé qu’on avait des moyens de mesure efficaces. Étrangement tu ne veux pas supposer qu’il y aurait des moyens efficaces de mesurer l’effet d’amorçages masqués, alors même que
ces moyens existent. Il nous suffit de tester toute une gamme d’amorçages masqués qui s’étend de la limite physiologique à la limite consciente du sujet (qui serait le moment où le sujet prédit
mieux que le hasard l’amorce).
Je n’ai pas de problème avec ça. Ce que je ne vois pas, c’est quelle pourrait être l’expérience qui prouverait qu’il n’y a “aucun effet”.
Encore deux poids, deux mesures. Pour ce qui est de l’attraction universelle, tu te contentes d’une mesure pour falsifier la théorie. La théorie prédit qu’il y a attraction et en mesurant on
pourrait observer si c’était le cas que l’attraction n’existe pas. Pour le cas de l’inconscient cognitif, la théorie prédit que l’amorçage masqué (compatible avec ce que l’on sait de la
physiologie humaine) a un effet comme l’amorçge non-masqué. On peut construire des expériences où on observerait si c’était le cas que l’amorçage masqué n’a aucun effet.
Je ne connais pas l’histoire de l’astrologie, mais je suis très sceptique sur le fait que l’astrologie aurait permis de prédire de nouveaux faits ou du moins autant de nouveaux faits que la
météorologie. Je m’attends plutôt à ce que l’astrologie ait essayé de coller aux faits découverts par d’autres programmes de recherche, ce qui caractérise les programmes de recherche dégénérents
pour Lakatos.
Pas nécessairement. Un astrologue qui vous prédit que vous allez trouver “un bel et sombre inconnu” prédit un “fait nouveau”. Ce “fait” a une certaine probabilité de se réaliser. De la même
manière, le météorologue qui vous prédit que qu’il fera beau demain vous prédit un fait qui a une certaine probabilité de se réaliser. Il n’est nullement évident que les probabilités soient plus
élevées dans un cas que dans l’autre (en pratique, certains astrologues arrivent à prédire avec 100% de probabilité: rappelez vous de l’oracle de Delphes prédisant “qu’une grande bataille aura
lieu et qu’un roi y perdra sa couronne”…).
La différence de “scientificité” entre l’astrologue et le météorologue n’est donc pas leur capacité à prédire ou la probabilité de leurs prédictions de se réaliser. C’est que le météorologue fait
reposer sa capacité à prédire sur des modèles qui réposent sur des théories réfutables, alors que l’astrologue lui fait reposer son activité sur des théories qu’aucune expérience ne peut refuter.
Si je prédis qu’il y a de l’eau sur Mars, je prédis un fait qui s’il est vrai est scientifique. Et pourtant l’eau sur Mars elle y est depuis un sacré bout de temps…
Mais s’agit-il d’un “fait nouveau” ? Je ne comprends pas ce que vous appelez un “fait qui est scientifique”. Un fait est un fait, c’est comme vous dites “un état
objectif”.
De même quand Halley prédit le retour de la comète, il ne fait que découvrir la trajectoire de la comète qui était là depuis un bon bout de temps.
Non. La “trajectoire” n’est pas un fait. C’est une construction humaine. Prédire le retour de la comète de Halley est stricto sensu “prédire un fait nouveau” puisqu’il y a véritablement
pré-diction.
L’histoire ne peut pas faire ça, mais l’astronomie non plus !
Oui. Mais l’astronomie, même si elle ne peut réaliser des expériences dans un environnement contrôlé, peut prédire l’état futur d’un système. Une théorie astronomique peut donc être réfutée: il
suffit de comparer l’état observé avec celui prédit. L’Histoire, par contre, ne prédit rien du tout. Une théorie historique est donc difficilement “réfutable”…
De même quand tu as falsifié l’attraction universelle tu as implicitement supposé qu’on avait des moyens de mesure efficaces. Étrangement tu ne veux pas supposer qu’il y aurait des moyens
efficaces de mesurer l’effet d’amorçages masqués, alors même que ces moyens existent.
La différence est que la théorie de la gravitation universelle ne se contente pas dire qu’il y a un effet, elle le quantifie. En d’autres termes, si je mesure l’effet prédit avec
un instrument dont la précision et la sensibilité sont suffisantes et je ne l’observe pas, je peux considérer la théorie comme réfutée. La théorie de l’inconscient cognitif prédit qu’un effet
existe, mais elle n’est pas capable de le quantifier. Si je fais l’étude sur un échantillon de 2 personnes, et je n’observe rien, puis-je dire que la théorie est réfutée ? Et si je le fais sur 10
? Sur 100 ? Sur 100.000 ?
Si la théorie de la gravitation, au lieu de dire que tous les corps s’attirent avec une force que je peux calcule ne disait que “les corps ont une probabilité de s’attirer, mais
je ne peux prédire ni la probabilité, ni l’intensité de l’attraction”, je serais dans une situation analogue à celle des amorçages masqués.
Il n’est nullement évident que les probabilités soient plus élevées dans un cas que dans l’autre (en
pratique, certains astrologues arrivent à prédire avec 100% de probabilité: rappelez vous de l’oracle de Delphes prédisant “qu’une grande bataille aura lieu et qu’un roi y perdra sa
couronne”…).
J’avais précisé auparavant que Lakatos utilise le même genre d’observations/expériences cruciales que
Popper. La prédiction de l’astrologue ne rentre pas dans cette catégorie.
Mais s’agit-il d’un “fait nouveau” ? Je ne comprends pas ce que vous appelez un
“fait qui est scientifique”. Un fait est un fait, c’est comme vous dites “un état objectif”.
Nouveau pour nous les hommes, pas nouveau en soi.
Non. La “trajectoire” n’est pas un fait. C’est une construction humaine.
Le concept de “comète” est une construction humaine…
Oui. Mais l’astronomie, même si elle ne peut réaliser des expériences dans un environnement contrôlé, peut prédire l’état futur d’un système. Une
théorie astronomique peut donc être réfutée: il suffit de comparer l’état observé avec celui prédit. L’Histoire, par contre, ne prédit rien du tout. Une théorie historique est donc difficilement
“réfutable”…
Bizarre. Ça ne te posait pas de problèmes que la théorie de l’évolution soit réfutée par des fossiles de lapins, par contre que la théorie du mythe de l’Atlantide soit réfutée par des ruines
d’une cité immergée ça te pose problème. Les deux sont des observations cruciales qui concernent des choses du passé.
La différence est que la théorie de la gravitation universelle ne se contente pas dire qu’il y a un effet, elle lequantifie.
Là tu modifies ta proposition de départ qui reposait seulement sur la réfutabilité puisque tu sembles maintenant soutenir qu’il faut que la théorie soit réfutable et que la théorie soit
quantitative ou quelque chose dans le genre. Le second critère me parait assez fumeux. Si je soutiens qu’il n’y a au moins un cygne blanc dans mon placard, c’est réfutable, je n’ai qu’à ouvrir
mon placard et regarder s’il y a au moins un cygne blanc. C’est quantitatif, même si c’est très grossier. De même quand je dis que les sujets de l’expérience feront mieux que le hasard si
l’amorce masquée est congruente, c’est quantitatif. On peut mesurer si c’est mieux ou moins bien que le hasard.
Si je fais l’étude sur un échantillon de 2 personnes, et je n’observe rien, puis-je dire que la théorie est réfutée
La théorie est réfutée avec un échantillon d’une personne. Maintenant comme en physique, les psychologues vont faire différents essais pour voir s’il n’y avait pas des biais. Si on trouvait des
fossiles de lapins, on les ferait dater par plusieurs laboratoires, non ?
“Non. La “trajectoire” n’est pas un fait. C’est une construction humaine”. Le concept de “comète” est une construction humaine…
Le concept, oui. Mais l’objet qui est sous-jacent, non. “Le concept de chien ne mord pas”, comme disait Althusser, mais le chien, lui, mord. Dans le cas de la trajectoire, par contre, il n’y a
pas d’objet sous-jacent. C’est un concept pur.
Bizarre. Ça ne te posait pas de problèmes que la théorie de l’évolution soit réfutée par des fossiles de lapins, par contre que la théorie du mythe de l’Atlantide soit réfutée par des ruines
d’une cité immergée ça te pose problème.
C’est quoi “la théorie du mythe de l’Atlantide” ? S’il s’agit d’une théorie sur l’existence de l’Atlantide, je ne vois pas très bien comment elle pourrait être “réfutée” par des ruines d’une
citée immergée. Si la théorie est l’inexistence de l’Atlantide, le fait de trouver des ruines et leur identification comme étant partie de l’Atlantide refute décisivement la théorie en question.
Franchement, je ne vois pas où j’ai dit le contraire.
Là tu modifies ta proposition de départ qui reposait seulement sur la réfutabilité puisque tu sembles maintenant soutenir qu’il faut que la théorie soit réfutable et que la théorie soit
quantitative ou quelque chose dans le genre.
Pas nécessairement. Mais une théorie qui prédit un effet sans le quantifier – ne serait-ce que pertiellement – pose le problème de la réfutabilité, puisqu’aucune expérience négative ne peut être
considérée comme réfutant définitivement la théorie.
Le second critère me parait assez fumeux. Si je soutiens qu’il n’y a au moins un cygne blanc dans mon placard, c’est réfutable, je n’ai qu’à ouvrir mon placard et regarder s’il y a au moins
un cygne blanc. C’est quantitatif, même si c’est très grossier.
Le problème, c’est que dans l’analogie proposée vous ne pouvez pas regarder dans votre placard. Tout au plus, vous pouvez ouvrir le placard les yeux fermés et tirer au hasard un objet. La
question est: combien d’objets devez vous ainsi tirer au hasard pour refuter votre affirmation “il y a au moins un cygne blanc” ?
De même quand je dis que les sujets de l’expérience feront mieux que le hasard si l’amorce masquée est congruente, c’est quantitatif. On peut mesurer si c’est mieux ou moins bien que le
hasard.
Vous n’avez pas compris le problème. Si je prédis que le sujets feront mieux que le hasard, et que l’expérience faite sur N individus sur P essais donne le même résultat que le hasard, qu’est ce
que je peux conclure ? Soit que la taille de l’échantillon est insuffisante, soit que le nombre d’essais est insuffisant, soit que la théorie est fausse.
Prenons, si vous le voulez, un exemple simple. J’ai un jeu de pièces de monnaie différentes, et je fais l’hypothèse que certaines de ces pièces sont “chargées” (c’est à dire, que la probabilité
PF de tomber sur “face” est différente de celle PP de tomber sur “pile”). Je fais une experience en prenant N pièces que je lance P fois. Imaginons que j’obtiens le même nombre de “piles” et de
“faces”. Qu’est ce que je peux conclure sur ma théorie. Et bien, rien du tout. Si ma théorie faisait une prédiction quantitative (sur la proportion des pièces chargées et sur les probabilités PF
et PP) je pourrais choisir N et P tels que les écarts observés soient statistiquement significatifs. Mais sans cette information, je ne saurais jamais si mes échantillons sont suffisants pour
observer l’effet en question.
Le problème est le même pour votre expérience: l’effet d’amorçages masqués ne touche pas toutes les personnes avec la même intensité, et cette intensité n’est pas prédite par la théorie.
Maintenant comme en physique, les psychologues vont faire différents essais pour voir s’il n’y avait pas des biais. Si on trouvait des fossiles de lapins, on les ferait dater par plusieurs
laboratoires, non ?
Ce n’est pas le problème. Même datés par un seul, l’instrument qui fait la datation a une sensibilité et une précision connues. Si le fossile est daté à telle date plus ou moins tant, et que cela
le place avant un autre fossile qui devrait lui être antérieur du point de vue de l’évolution, ça pose un problème.
Dans votre exemple, vous postulez l’existence d’un effet dont vous ne connaissez pas l’intensité. Quelque soit la mesure que vous faites, vous n’avez aucun moyen de savoir si la mesure réalisée
est suffisamment sensible. Prenons un exemple: imaginez que je postule que les meubles en bois émettent des ondes électromagnétiques dans une certaine longueur d’onde. Comment feriez-vous pour
réfuter cette théorie ? Dans la mesure où ma théorie ne donne aucune idée de l’inténsité de l’émission, toute mesure négative peut être attribuée à une sensibilité insuffisante de l’instrument…
Bonjour, bonne année cher fétichiste-de-la-précision-qui-pollue-le-débat !
Je trouve votre obsession avec la “compétition” assez amusante. La “compétition” est consubstantielle à une réalité: dès lors qu’une ressource est rare – c’est à dire, qu’elle n’est pas
présente en quantité suffisante pour satisfaire tous les besoins – il y a “conditionnement à la compétition”…
Ce que vous décrivez correspond à une compétition externe, c’est-à-dire qui se produit quand le contexte l’impose. La compétition interne est la compétition
qui est déclenchée par la volonté des individus, indépendamment du contexte ; on peut éviter d’engendrer des situations ou le contexte impose la compétition, et on peut éviter
d’éduquer/formater les gens (c’est ce que j’entendais par conditionner) à souhaiter la compétition. Je vous recommande le classique No Contestd’Alfie Kohn pour commencer à vous intéresser à tout cela.
Traduction: “je n’ai aucun exemple pour argumenter mon affirmation, mais je ne veux pas l’admettre”…
Je n’ai pas d’exemple qui corresponde à un lien entre deux choses que vous avez voulu connecter, et que je n’avais moi-même pas pensé à connecter au départ. Dit autrement, je n’ai jamais dit que
le néolibéralisme était la cause exclusive de ce problème spécifique. Par contre il me semble que vous, vous avez affirmé que la perte de la valeur du mariage en est la cause exclusive, ce qui me
paraît excessif.
je ne pense nullement qu’il soit plus simple de détruire l’institution qu’est le mariage que de modifier à la marge le contrat qu’est le PACS.
Modifier à la marge le PACS n’a pas été fait en 13 ans. Modifier le mariage est à portée de main et fait partie des promesses de campagne de Hollande. Donc c’est plus simple d’accès.
Je ne confonds rien du tout. Je vous cite: “Par ailleurs la société est selon les sondages récents majoritairement favorable à l’adoption par les couples homosexuels. Si elle
doit refuser au gens de nier la réalité, c’est donc vous qui êtes concerné”. Vous utilisez donc bien les sondages comme argument. Et ce n’est pas la première fois que vous refusez
d’assumer des choses que vous avez écrit… et à chaque fois vous reportez la faute sur votre interlocuteur.
Si ce n’est pas encore une autre erreur de votre part, alors insinuez-vous que je suis Adrien me faisant passer pour quelqu’un d’autre ?
Ca, nous n’en savons rien. Pour le prouver, il faudrait savoir quel serait l’indice de Gini et la proportion de personnes vivant sous le seuil de pauvreté sans immigration. Chose clairement
impossible.
Je me demande si vous avez conscience de combien votre obsession pour la précision pollue le débat. Je reformule. Le fait que certains pays qui ont une plus
forte immigration que d’autres et de meilleurs résultats selon ces mesures est suffisant pour s’autoriser à dire que l’on sait que l’immigration n’a pas d’effet négatif sur l’économie qui vaille
la peine de s’y attarder.
Vous admettez donc que pour dépasser un certain stade de développement l’institution du mariage est indispensable. CQFD
Je n’ai rien admis de tel relisez-mieux.
Pourriez-vous indiquer quelle est selon vous la différence ?
La même que celle que fait Rousseau dans le Contrat social :
« Ce que l’homme perd par le contrat social, c’est sa liberté naturelle et un droit illimité à tout ce qui le tente et qu’il peut atteindre ; ce qu’il gagne, c’est la liberté civile et
la propriété de tout ce qu’il possède. Pour ne pas se tromper dans ces compensations, il faut bien distinguer la liberté naturelle, qui n’a pour bornes que les forces de l’individu, de la liberté
civile, qui est limitée par la volonté générale ; et la possession, qui n’est que l’effet de la force ou le droit du premier occupant, de la propriété, qui ne peut être fondée que sur un
titre positif. »
Disons plutôt que vous “postulez” qu’une société ayant la notion de possession est moins évoluée qu’une société qui ne l’a pas. C’est une position personnelle, qui n’a d’autre justification
que votre choix. Curieusement, vous ne me semblez pas prête à partir pour vivre dans une telle société, même si elle est plus “évoluée”… ce serait plutôt les individus qui vivent dans ces
sociétés qui voudraient – et qui dans certains cas risquent leur vie pour arriver – vivre dans des sociétés qui connaissent la possession. Je me demande bien pourquoi…
Je n’ai rien dit de tel. J’ai dit que ces sociétés nous sont supérieures sur la dimension de la possession.
S’il y avait eu un “première civilisation” qui ait reconnu que la terre est ronde, certainement, etc.
J’avoue que je n’ai pas trouvé beaucoup d’inspiration et que cela est lié à mon manque de motivation à débattre du fait que croire que le soleil se lèvera demain n’est pas du même ordre que
croire que le mariage est nécessaire à un certain stade de développement.
Admettons que ces deux croyances soient du même ordre. Les contextes et les conséquences possibles sont très différents. Si le soleil ne se lève pas demain, par exemple s’il disparait, nous
mourrons probablement tous bientôt. Si l’on autorise le mariage pour les homosexuels, est-ce que nous mourrons probablement tous bientôt ?
Il y a aussi la question des indices périphériques. Nous avons des esclaves mécaniques avec le pétrole (pour quelques années) et avec le nucléaire. Est-ce qu’un système qui a toujours été associé
à l’esclavage humain engendredrait forcément de l’esclavage humain si on le remettait en application aujourd’hui ?
Je vous rappelle que c’est vous qui aviez proposé l’exemple… Maintenant vous admettez qu’il n’a aucun rapport. Encore une révision déchirante ?
J’avais proposé cet exemple pour autre chose. Décidément vous manquez de concentration.
Parce que c’est à cela qu’elle sert. Si l’on traitait ses enfants de la même manière que les enfants des autres, la filiation n’aurait aucun sens. Une institution existe précisément pour
marquer une différence.
Je ne suis pas d’accord. Je ne vois pas pourquoi une institution ne servirait qu’à marquer une différence. Pour reprendre l’exemple du contrat social, en l’occurrence il s’agit d’une institution
qui efface une différence et fait progresser la société vers l’intérêt général. Pourquoi dites-vous qu’une institution ne sert qu’à marquer une différence au juste ?
Encore une fois,votre message m’arrive incomplet. Vous devriez le découper pour en faire deux messages plus courts.
Cela ne me dérange pas. Comme vous le savez, je ne recherche que l’émulation et la transmission de connaissance. Je ne suis mue ni par un fétichisme de la précision ni par une obsession de
l’exhaustivité.
La compétition interne est la compétition qui est déclenchée par la volonté des individus, indépendamment du contexte ; on peut éviter d’engendrer des situations ou le contexte impose la
compétition,
Pourriez-vous s’il vous plait donner un exemple précis ? Parce que contrairement à vous, je ne crois pas que les gens s’amusent à créer une “compétition” là ou le contexte ne l’impose pas, c’est
à dire, lorsqu’il n’y a pas de “ressource rare” en jeu. Connaissez-vous beaucoup de “compétitions” pour trouver de l’air pour respirer ?
Je vous recommande le classique No Contestd’Alfie Kohn pour commencer à vous intéresser à tout cela.
Désolé, mais si votre but est de “commencer à m’intéresser”, vous arrivez un peu trop tard. Quant à faire de “No contest” un “classique”…
“je ne pense nullement qu’il soit plus simple de détruire l’institution qu’est le mariage que de modifier à la marge le contrat qu’est le PACS”. Modifier à la marge le PACS n’a pas été fait
en 13 ans.
Et détruire l’institution du mariage ne s’est pas fait en deux mille ans. Cela semble donc indiquer que la modification à la marge du PACS est plus simple que la destruction du mariage, non ?
Modifier le mariage est à portée de main et fait partie des promesses de campagne de Hollande. Donc c’est plus simple d’accès.
J’avoue que cet argument me laisse songeur…
Je me demande si vous avez conscience de combien votre obsession pour la précision pollue le débat.
Ce que vous appellez “obsession pour la précision” vous oblige à sortir de la conversation de café du commerce et à aborder les questions avec un minimum de rigueur. Ce qui pour moi est une
question sine qua non du débat. Mais pour vous, apparamment, le “débat” est un échange d’effets de sens, d’à-peu-près et d’opinions plus ou moins arbitraires. Si c’est à ce “débat” dont vous
faites allusion, oui, je suis pleinement conscient que mon “obsession pour la précision” pollue et même rend impossible ce genre de “débat”. Et j’en suis très fier…
Le fait que certains pays qui ont une plus forte immigration que d’autres et de meilleurs résultats selon ces mesures est suffisant pour s’autoriser à dire que l’on sait que l’immigration n’a
pas d’effet négatif sur l’économie qui vaille la peine de s’y attarder.
C’est pas parce que vous répétez une affirmation fausse qu’elle deviendra vraie. Pour connaître l’effet d’un paramètre, il faut pouvoir comparer le résultat obtenu lorsqu’il prend différentes
valeurs. En ayant un seul point, vous ne pouvez pas conclure si le paramètre a un effet positif ou au contraire négatif.
“Pourriez-vous indiquer quelle est selon vous la différence [entre propriété et possession] ? ” La même que celle que fait Rousseau dans le Contrat social :(…) et la
possession, qui n’est que l’effet de la force ou le droit du premier occupant, de la propriété, qui ne peut être fondée que sur un titre positif.
Bien. Vous disiez donc que les Moso n’avaient pas la notion de “possession” et que de ce point de vue ils étaient “plus évolués” que nous. Mais il ne vous aura pas échappé que dans notre société
la notion de “possession”, telle que vous la définissez, n’a pas cours non plus: personne ne peut invoquer l’effet de “la force ou le droit du premier occupant”: il n’existe dans notre droit
civil que la notion de “propriété”, fondée sur un “titre positif”… difficile donc de dire que les Moso soient “plus évolués” sur ce point.
Par ailleurs, j’ai du mal à voir comment les Moso font pour ne pas avoir notion de “possession”. Ils se reconnaissent, j’imagine, le droit de vivre sur les terres qui sont les leurs. Or sur quoi
est fondé ce droit par rapport à celui d’un étranger qui voudrait vivre sur la même terre ? Sauf à invoquer l’antériorité, je vois mal comment on peut faire…
Je n’ai rien dit de tel. J’ai dit que ces sociétés nous sont supérieures sur la dimension de la possession.
Et il ne vous vient pas à l’esprit que peut-être cette “supériorité sur la dimension de la possession” se paye avec une arriération sur d’autres domaines ?
J’avoue que je n’ai pas trouvé beaucoup d’inspiration et que cela est lié à mon manque de motivation
C’est ça… ça vient du manque de motivation… et pas du tout du fait que vous essayez de défendre l’indéfendable.
à débattre du fait que croire que le soleil se lèvera demain n’est pas du même ordre que croire que le mariage est nécessaire à un certain stade de développement.
Je ne sais pas pourquoi vous voulez débattre ça. En tout cas, moi je n’ai jamais dit pareille chose. J’ai donné l’exemple du lever de soleil pour vous montrer ce qu’est un raisonnement inductif.
Le fait que le soleil se soit levé tous les matins pendant des siècles permet de déduire raisonnablement qu’il se levera demain, et l’homme a raisonné ainsi longtemps avant d’avoir une théorie
déductive qui lui permet d’arriver à cette conclusion. De la même manière, le fait que toutes les grandes civilisations soient fondées sur l’institution du mariage permet d’établir non une
certitude, mais une forte présomption que cette institution est nécessaire au développement d’une grande société.
Il y a aussi la question des indices périphériques. Nous avons des esclaves mécaniques avec le pétrole (pour quelques années) et avec le nucléaire. Est-ce qu’un système qui a toujours été
associé à l’esclavage humain engendredrait forcément de l’esclavage humain si on le remettait en application aujourd’hui ?
Franchement, je ne comprends pas a quoi vous faites allusion…
J’avais proposé cet exemple pour autre chose. Décidément vous manquez de concentration.
Encore une façon – fort peu élégante – de rejetter sur votre interlocuteur votre manque de cohérence.
Je ne suis pas d’accord. Je ne vois pas pourquoi une institution ne servirait qu’à marquer une différence. Pour reprendre l’exemple du contrat social, en l’occurrence il s’agit d’une
institution qui efface une différence
Bien sur que non: le contrat social établit une différence fondamentale entre ceux qui le signent et qui sont donc sujets à ses clauses et ceux qui ne le signeraient pas, et qui en sont exclus.
Toute institution établit une frontière entre ceux qui y sont sujets et ceux qui n’y sont pas. Et donc une différence.
“Encore une fois,votre message m’arrive incomplet. Vous devriez le découper pour en faire deux messages plus courts”. Cela ne me dérange pas. Comme vous le savez, je ne recherche que
l’émulation et la transmission de connaissance.
J’ai du mal à voir comment la “transmission de connaissance” peut se faire si votre message est amputé. Mais bon, si vous même déclarez que le fait que votre texte ne soit pas lu “ne vous dérange
pas”, ce n’est pas moi qui va vous contredire…
Pourriez-vous s’il vous plaît donner un exemple précis ? Parce que contrairement à vous, je ne crois pas que les gens s’amusent à créer une “compétition” là ou le contexte ne l’impose
pas
La compétition interne n’est pas toujours purement interne, elle peut être un mélange des deux, mais sa version pure est courante. Par exemple quand un
enfant propose à un autre de faire la course.
Désolé, mais si votre but est de “commencer à m’intéresser”, vous arrivez un peu trop tard. Quant à faire de “No contest” un “classique”…
Pour que vous le considériez comme un classique, peut-être vous faudrait-il l’avoir lu ; ce que vous n’avez pas fait, sinon vous sauriez que les gens peuvent créer une compétition là où le
contexte ne l’impose pas. Après la pédagogie, la persuasion et le tirage au sort, voici que vous faites semblant de vous être beaucoup intéressé à la compétition. Pourquoi faites-vous cela ?
Et détruire l’institution du mariage ne s’est pas fait en deux mille ans. Cela semble donc indiquer que la modification à la marge du PACS est plus simple que la destruction du mariage, non
?
Non car la modification du mariage est à portée de main et fait partie des promesses de campagne de Hollande. De plus, vous êtes d’accord pour dire que
l’institution du mariage a déjà été vidée de son sens, et l’extension aux homosexuels a été faite dans de nombreux pays. Donc dire qu’elle n’a pas été détruite en 2000 ans ne me paraît pas si
évident que cela.
Ce que vous appelez “obsession pour la précision” vous oblige à sortir de la conversation de café du commerce et à aborder les questions avec un minimum de rigueur. Ce qui pour moi est une
question sine qua non du débat. Mais pour vous, apparemment, le “débat” est un échange d’effets de sens, d’à-peu-près et d’opinions plus ou moins arbitraires. Si c’est à ce “débat” dont vous
faites allusion, oui, je suis pleinement conscient que mon “obsession pour la précision” pollue et même rend impossible ce genre de “débat”. Et j’en suis très fier…
Pour aborder les questions avec un minimum de rigueur, la voie scientifique me paraît plus appropriée. Le débat ne me sert que d’émulation pour explorer des sujets qui ne me passionnent pas
forcément, comme le mariage pour tous, et vous êtes une source d’émulation intarissable.
Mais surtout, il me semble que vous placez le critère de rigueur du débat au mauvais endroit. La précision est importante, mais un excès de précision est indésirable. Par exemple, puisque vous
semblez aimer ce roman, quand Humpty Dumpty prend la feuille sur laquelle Alice a fait la soustraction et dit « cela semble être correct », alors qu’il a pris la feuille à l’envers. En
effet, il n’a pas dit que c’était correct, mais que cela semblait être correct ! C’est précis, mais c’est malhonnête.
Un autre critère de rigueur du débat, qui me paraît bien plus important que la précision, c’est donc l’honnêteté. On peut, comme Humpty Dumpty et son erreur avec la feuille d’Alice, être à la
fois précis et malhonnête. Dans ce cas, la précision ne sert à rien. À l’inverse, en étant honnête, il me semble que la précision naît naturellement de la confrontation des idées.
C’est pas parce que vous répétez une affirmation fausse qu’elle deviendra vraie. Pour connaître l’effet d’un paramètre, il faut pouvoir comparer le résultat obtenu lorsqu’il prend différentes
valeurs. En ayant un seul point, vous ne pouvez pas conclure si le paramètre a un effet positif ou au contraire négatif.
J’ai pris la peine de reformuler. Je n’ai pas dit que cela n’avait pas d’effet négatif, j’ai dit que cela n’avait pas d’effet négatif qui vaille la peine de s’y attarder.
Bien. Vous disiez donc que les Moso n’avaient pas la notion de “possession” et que de ce point de vue ils étaient “plus évolués” que nous. Mais il ne vous aura pas échappé que dans notre
société la notion de “possession”, telle que vous la définissez, n’a pas cours non plus: personne ne peut invoquer l’effet de “la force ou le droit du premier occupant”: il n’existe dans notre
droit civil que la notion de “propriété”, fondée sur un “titre positif”… difficile donc de dire que les Moso soient “plus évolués” sur ce point.
En effet, la définition de Rousseau n’est pas directement cohérente avec mon propos, j’ai manqué de précision. Je précise donc : le droit du plus fort est une illusion. Il est lié à la
croyance que l’on est le plus fort, et ne tient que tant que l’on n’a pas eu la démonstration du contraire. Cette forme de croyance, ou d’illusion, se retrouve dans notre société malgré la notion
de propriété : on croit posséder quelque chose, alors que l’on en n’est que le propriétaire.
Par ailleurs, j’ai du mal à voir comment les Moso font pour ne pas avoir notion de “possession”. Ils se reconnaissent, j’imagine, le droit de vivre sur les terres qui sont les leurs. Or sur
quoi est fondé ce droit par rapport à celui d’un étranger qui voudrait vivre sur la même terre ? Sauf à invoquer l’antériorité, je vois mal comment on peut faire…
Ils pensent différemment. Par exemple, si quelqu’un a un frigo dans sa maison, ce n’est pas vraiment son frigo ou sa maison. N’importe qui peut entrer chez lui et prendre n’importe quoi dans son
frigo.
Et il ne vous vient pas à l’esprit que peut-être cette “supériorité sur la dimension de la possession” se paye avec une arriération sur d’autres domaines ?
Si, de même qu’il me vient à l’esprit que cette supériorité sur cette dimension ne se paye pas forcément avec une arriération sur d’autres domaines.
le fait que toutes les grandes civilisations soient fondées sur l’institution du mariage permet d’établir non une certitude, mais une forte présomption que cette institution est nécessaire au
développement d’une grande société.
Avec le « non une certitude » nous sommes d’accord. Ceci étant, en dehors de la corrélation, les conséquences et le contexte sont à prendre en compte. Je sais que vous avez déjà mis
cela en avant plusieurs fois, mais j’ai l’impression que vous n’avez pas été si précis que cela à ce sujet : pourriez-vous me dire précisément quelles seraient les conséquences possibles de
cette extension et quelle est selon vous la probabilité de ces conséquences ?
Franchement, je ne comprends pas a quoi vous faites allusion…
Au tirage au sort, pour lequel vous faites la même confusion entre corrélation et causalité sans prendre en compte le contexte.
Encore une façon – fort peu élégante – de rejeter sur votre interlocuteur votre manque de cohérence.
Ce sont les faits, et vous pouvez les vérifier facilement puisque nos commentaires précédents sont juste au-dessus. À plusieurs reprises je vous ai donné raison et suis revenue sur mes propos, ce
que vous n’avez jamais fait, même quand je vous ai signalé que vous me confondiez avec quelqu’un d’autre. De plus vous savez que mon but n’est pas d’avoir raison, mais de trouver une émulation.
Bien sur que non: le contrat social établit une différence fondamentale entre ceux qui le signent et qui sont donc sujets à ses clauses et ceux qui ne le signeraient pas, et qui en sont
exclus. Toute institution établit une frontière entre ceux qui y sont sujets et ceux qui n’y sont pas. Et donc une différence.
Très bien, au moins je comprends ce que vous voulez dire par « marquer une différence ». La question suivante est équivalente à celle que je vous pose plus haut.
J’ai du mal à voir comment la “transmission de connaissance” peut se faire si votre message est amputé.
Si le message est amputé, la connaissance transmise est simplement inférieure ou égale à le connaissance transmise si le message ne l’est pas. Dit autrement, quand on débat, on est très rarement
convaincu (surtout si l’on ne s’applique pas à être honnête et non violent), mais on apprend des choses, on va se documenter, etc. Du moment que de la connaissance est transmise par ce biais,
cela me va.
La compétition interne n’est pas toujours purement interne, elle peut être un mélange des deux, mais sa version pure est courante. Par exemple quand un enfant propose à un autre de faire la
course.
Un exemple assez mal choisi. Lorsque deux enfants font la course, ils cherchent un statut social, une reconnaissance des pairs. Ce sont là bien des “ressources rares”.
Pour que vous le considériez comme un classique, peut-être vous faudrait-il l’avoir lu ; ce que vous n’avez pas fait, sinon vous sauriez que les gens peuvent créer une compétition là où
le contexte ne l’impose pas.
En lisant le livre en question, vous ne pouvez nullement “savoir” que “les gens peuvent créer… etc.”. Tout au plus, vous pouvez “savoir” que telle est l’opinion de son auteur. Une différence
qui semble vous échapper. Vous semblez croire que les livres – du moins ceux que vous avez choisi – vous disent la vérité. Ce n’est pas le cas: ils ne vous disent que l’opinion de leur auteur.
Une opinion qui peut être plus ou moins légitime, plus ou moins argumentée, mais qui reste une opinion. On n’est pas obligé de la tenir pour vérité.
Quant à votre commentaire sur mes lectures, je n’ai pas de leçons a recevoir de vous. J’ai lu le livre en question, et c’est précisement après l’avoir lu que je peux vous dire qu’il n’a rien d’un
classique. C’est un livre militant d’un défenseur des “pédagogies nouvelles” qui ont tant fait pour raser les systèmes éducatifs. Pourquoi pas citer Ivan Illitch, puisque vous y êtes ?
Après la pédagogie, la persuasion et le tirage au sort, voici que vous faites semblant de vous être beaucoup intéressé à la compétition. Pourquoi faites-vous cela ?
Vous affirmez vous même avoir lu la bibliographie sur ces sujets. Pourquoi n’aurais-je le droit de l’avoir lue, moi aussi ? Vous avez l’exclusivité ?
Non car la modification du mariage est à portée de main et fait partie des promesses de campagne de Hollande.
Et alors ? Hollande a promis tellement de choses… par exemple, d’inverser la courbe du chômage. Vous y croyez, vous, que ce soit “à portée de main” ?
De plus, vous êtes d’accord pour dire que l’institution du mariage a déjà été vidée de son sens,
Non, je n’ai jamais dit ça. Vous savez, ce n’est pas parce que vous persistez à mettre des paroles dans ma bouche que vous allez arriver à me les faire accepter.
Pour aborder les questions avec un minimum de rigueur, la voie scientifique me paraît plus appropriée.
Je ne le crois pas. La voie scientifique est appropriée si vous voulez aborder les questions avec un maximum de rigueur. Je ne demande pas tant: je ne demande qu’un minimum qui
me semble nécessaire pour garder un sens au débat.
Mais surtout, il me semble que vous placez le critère de rigueur du débat au mauvais endroit. La précision est importante, mais un excès de précision est indésirable. Par exemple, puisque
vous semblez aimer ce roman, quand Humpty Dumpty prend la feuille sur laquelle Alice a fait la soustraction et dit « cela semble être correct », alors qu’il a pris la feuille à
l’envers. En effet, il n’a pas dit que c’était correct, mais que cela semblait être correct ! C’est précis, mais c’est malhonnête.
Je saisis mal le rapport de l’exemple avec un “excès de rigueur”. Ce n’est pas l’excès de rigueur qui est ici à blâmer. Si au lieu de dire “cela semble correct”, Humpty Dumpty avait abandonné la
rigueur et déclaré “cela est correct” (alors qu’il lit le calcul à l’envers), est-ce que la situation serait de votre point de vue meilleure ?
Un autre critère de rigueur du débat, qui me paraît bien plus important que la précision, c’est donc l’honnêteté. On peut, comme Humpty Dumpty et son erreur avec la feuille d’Alice, être à la
fois précis et malhonnête.
Et on peut aussi être imprécis et malhonnête. Si vous voulez me convaincre que dans un débat l’honnêteté est indispensable, je ne peux qu’être d’accord avec vous. Mais la question de l’honnêteté
et celle de la rigueur sont totalement indépendantes.
Je n’ai pas dit que cela n’avait pas d’effet négatif, j’ai dit que cela n’avait pas d’effet négatif qui vaille la peine de s’y attarder.
On croirait entendre le Humpty-Dumpty de votre exemple ci-dessus.
Cette forme de croyance, ou d’illusion, se retrouve dans notre société malgré la notion de propriété : on croit posséder quelque chose, alors que l’on en n’est que le propriétaire.
Pourriez vous s’il vous plaît donner un exemple concret ?
Ils pensent différemment. Par exemple, si quelqu’un a un frigo dans sa maison, ce n’est pas vraiment son frigo ou sa maison. N’importe qui peut entrer chez lui et prendre n’importe quoi dans
son frigo.
Vous ne répondez pas à la question, qui portait sur le fait d’avoir le droit de vivre dans un territoire donné. Je remarque par ailleurs l’étrangété dans votre formulation: comment peut quelqu’un
rentrer dans “sa maison” et prendre quelque chose dans “son frigo” puisque la maison et le frigo ne sont pas à lui ?
“Et il ne vous vient pas à l’esprit que peut-être cette “supériorité sur la dimension de la possession” se paye avec une arriération sur d’autres domaines ?” Si, de même qu’il me vient à
l’esprit que cette supériorité sur cette dimension ne se paye pas forcément avec une arriération sur d’autres domaines.
Et alors, comment expliquez-vous que toutes les civilisations plus avancées dans ces domaines connaissent toutes la propriété privée ?
pourriez-vous me dire précisément quelles seraient les conséquences possibles de cette extension et quelle est selon vous la probabilité de ces conséquences ?
Je crois avoir expliqué assez précisement quelles sont les conséquences: La disparition de l’institution du mariage, et avec elle celle de la filiation. Avec pour conséquence
l’affaiblissement de la solidarité inconditionnelle entre les génération d’une part, celle de l’idée même de loi (qui reste, comme le disait le bon docteur Freud, la loi du père) d’autre part, et
surtout celle des modèles sexués qui garantissent la reproduction sociale.
Au tirage au sort, pour lequel vous faites la même confusion entre corrélation et causalité sans prendre en compte le contexte.
Dans ce cas, je peux vous répondre. Je n’ai jamais dit que “un système qui a toujours été associé à l’esclavage humain engendredrait forcément de l’esclavage humain si on le remettait en
application aujourd’hui”. Je pense que le tirage au sort marche lorsqu’il s’agit de “tirer au sort” parmi une petite aristocratie dans un système où ceux qui travaillent sont exclus de la
politique. Le problème du tirage au sort, ce n’est pas qu’il risque de rétablir l’esclavage. C’est tout bêtement qu’il ne marchera pas dans une société où la souveraineté repose sur le peuple
dans son ensemble.
À plusieurs reprises je vous ai donné raison et suis revenue sur mes propos,
Un exemple, peut-être ?
Un exemple assez mal choisi. Lorsque deux enfants font la course, ils cherchent un statut social, une reconnaissance des pairs. Ce sont là bien des “ressources rares”.
Que la reconnaissance sociale soit rare me paraît faux, et considérer que c’est une ressource ne me paraît pas approprié. Mais admettons que l’on puisse
considérer cela comme une ressource rare. Ma définition de la compétition interne change simplement pour ne plus être indépendante du contexte : elle contient alors la compétition qui
se produit par recherche de reconnaissance sociale. Cette compétition-là n’est pas inévitable (il existe d’autres sources de reconnaissance sociale) et elle est donc bien créée par l’individu. Le
contexte ne l’impose pas.
En lisant le livre en question, vous ne pouvez nullement “savoir” que “les gens peuvent créer… etc.”. Tout au plus, vous pouvez “savoir” que telle est l’opinion de son auteur.
Savoir que l’on peut créer une compétition sans que le contexte ne l’impose n’est pas la simple opinion de Kohn, c’est une observation, mise en avant en particulier dans cet ouvrage.
J’ai lu le livre en question, et c’est précisément après l’avoir lu que je peux vous dire qu’il n’a rien d’un classique. C’est un livre militant d’un défenseur des “pédagogies nouvelles” qui
ont tant fait pour raser les systèmes éducatifs.
Je fais en partie le même reproche que vous à No Contest, et je l’ai même trouvé relativement désagréable à
lire tant il est partisan. Il n’empêche que c’est à ma connaissance le meilleur point de départ pour s’intéresser à la compétition. Par ailleurs, ce livre est très loin de ne porter que sur la
pédagogie, et les parties consacrées à l’éducation ne portent que sur la compétition dans l’éducation, pas sur le principe de l’élève acteur de se progression.
Et alors ? Hollande a promis tellement de choses… par exemple, d’inverser la courbe du chômage. Vous y croyez, vous, que ce soit “à portée de main” ?
Ce n’est pas du même niveau. L’inversion de la courbe du chômage est quelque chose sur quoi Hollande ne peut avoir d’influence aussi directe que le mariage pour tous. De plus, la voie qu’il
choisit pour inverser la courbe du chômage revient à peu de choses près à faire semblant de croire en une sorte d’intervention divine qui changera tout sans que lui ne change rien.
Non, je n’ai jamais dit ça. Vous savez, ce n’est pas parce que vous persistez à mettre des paroles dans ma bouche que vous allez arriver à me les faire accepter.
Je vous cite : « Si l’institution a été vidée de son sens dans le droit, elle
conserve tout de même une certaine importance particulièrement dans les couches populaires de la société. ». Donc vous pensez que l’extension du mariage aux homosexuels
engendrera un vidage de sens pour ces couches populaires que le vidage-de-sens-dans-le-droit précédent n’avait pas engendré ?
Je ne le crois pas. La voie scientifique est appropriée si vous voulez aborder les questions avec un maximumde rigueur. Je ne demande pas tant: je ne
demande qu’un minimum qui me semble nécessaire pour garder un sens au débat.
Mon niveau de précision me paraît largement suffisant pour « garder un sens au débat, » à condition d’être honnête.
Je saisis mal le rapport de l’exemple avec un “excès de rigueur”. Ce n’est pas l’excès de rigueur qui est ici à blâmer. Si au lieu de dire “cela semble correct”, Humpty Dumpty avait abandonné
la rigueur et déclaré “cela est correct” (alors qu’il lit le calcul à l’envers), est-ce que la situation serait de votre point de vue meilleure ?
Je n’ai pas parlé d’excès de rigueur mais d’excès de précision. La situation n’aurait pas été meilleure si Humpty Dumpty avait dit « cela est correct » la première fois, mais elle
aurait été meilleure s’il n’avait pas dit « j’ai dit que cela semblait correct, pas que c’était correct » la seconde fois.
Et on peut aussi être imprécis et malhonnête. Si vous voulez me convaincre que dans un débat l’honnêteté est indispensable, je ne peux qu’être d’accord avec vous. Mais la question de
l’honnêteté et celle de la rigueur sont totalement indépendantes.
À mon sens la rigueur du débat correspond à une application stricte d’un certain nombre de principes, choisis dans un certain but lié au débat. Il me semble que pour vous le but est de
convaincre. Je dis que dans ce cas le principe de la précision est non seulement moins approprié que le principe de l’honnêteté, mais indésirable passé un certain seuil. Je dis aussi que la
précision est engendrée par l’honnêteté, et que la réciproque est fausse.
On croirait entendre le Humpty-Dumpty de votre exemple ci-dessus.
Humpty Dumpty n’a pas admis une imprécision puis reformulé pour une Alice qui mène un combat pour la précision.
Pourriez vous s’il vous plaît donner un exemple concret ?
Il y en a un dans notre échange, quand vous avez mêlé les deux concepts en un même concept. De manière générale, toute propriété est sujette à ce phénomène : il suffit qu’un individu n’ait
pas pris conscience du fait qu’il n’est que propriétaire de sa voiture et qu’il croie qu’il la possède. Dit autrement, à mon sens la possession n’est qu’une sorte de vue de l’esprit qui ne
correspond pas à la réalité.
Vous ne répondez pas à la question, qui portait sur le fait d’avoir le droit de vivre dans un territoire donné. Je remarque par ailleurs l’étrangeté dans votre formulation: comment peut
quelqu’un rentrer dans “sa maison” et prendre quelque chose dans “son frigo” puisque la maison et le frigo ne sont pas à lui ?
Je reformule. Il n’est pas nécessaire pour eux de posséder une maison pour y vivre, y aller et venir. Il n’est pas nécessaire pour eux de posséder un frigo pour l’utiliser.
Je crois avoir expliqué assez précisément quelles sont les conséquences: La disparition de l’institution du mariage,et avec elle celle de la filiation. Avec pour
conséquence l’affaiblissement de la solidarité inconditionnelle entre les génération d’une part, celle de l’idée même de loi (qui reste, comme le disait le bon docteur Freud, la loi du père)
d’autre part, et surtout celle des modèles sexués qui garantissent la reproduction sociale.
Je n’ai pas compris pour la loi. La conséquence serait l’affaiblissement de l’idée de loi ? Pouvez-vous développer ? J’avais compris le reste mais c’est justement ces dernières
conséquences que je voulais que vous précisiez. L’extension aux homosexuels ne détruit pas le mariage, elle le transforme en une sorte de PACS ayant le poids d’une institution. Donc dire que cela
engendrerait un affaiblissement de la solidarité inconditionnelle me paraît faux. Aussi, j’aimerais que vous détailliez pourquoi cela engendrerait un affaiblissement de la reproduction sociale.
Enfin, reste à estimer les probabilités correspondantes, et à mettre tout cela en balance avec le fait que certains enfants sont privés (en ce moment même, ce n’est pas une spéculation) de l’un
de leurs « parents » qui n’a pas obtenu la tutelle, et les conséquences. À ce point de la discussion, il me semble que la balance pèse en faveur de ces enfants, et donc en faveur du
mariage pour tous.
Dans ce cas, je peux vous répondre. Je n’ai jamais dit que “un système qui a toujours été associé à l’esclavage humain engendrerait forcément de l’esclavage humain si on le
remettait en application aujourd’hui”.
Dites-vous qu’un système qui a toujours été associé à l’esclavage humain n’engendrerait pas forcément de l’esclavage humain si on le remettait en application aujourd’hui ?
Un exemple, peut-être ?
Le contre-budget du Front de gauche. Si vous avez besoin d’un exemple, c’est que vous pensez que je vous mens quand je dis que mon but n’est ni de convaincre ni d’avoir raison. Finalemen
Que la reconnaissance sociale soit rare me paraît faux
Ah bon ? Pensez-vous que chacun puisse en avoir autant qu’il en a envie sans jamais empiéter sur celle disponible pour les autres ? C’est clairement faux: lorsque deux enfants font la course, il
n’y a qu’une place de gagnant, et ce n’est que celui-ci qui aura la “reconnaissance” d’avoir été le plus rapide. Or, c’est précisement cela qui caractérise une “ressource rare”: que tout le monde
ne peut avoir simultanément autant qu’il en a envie.
Mais admettons que l’on puisse considérer cela comme une ressource rare. Ma définition de la compétition interne change simplement pour ne plus être indépendante du contexte
En d’autres termes, quand les faits contredisent votre théorie, vous changez le sens des mots de manière à gommer la contradiction. Je vous le dis, le syndrome de Humpty-Dumpty vous guette…
Savoir que l’on peut créer une compétition sans que le contexte ne l’impose n’est pas la simple opinion de Kohn, c’est une observation, mise en avant en particulier dans cet ouvrage.
Non. C’est une interprétation de Kohn. Il est impossible d’observer la “compétition”. On peut observer certains actes qu’on interprète comme étant une forme de
compétition. Mais les mêmes observations peuvent être interprétés de manières multiples: en regardant le jour se lever, certains interpréteront que le soleil se déplace, d’autres que c’est la
terre qui tourne alors que le soleil est fixe…
Je fais en partie le même reproche que vous à No Contest,
Hier, vous affirmiez que je ne l’avais pas lu. Maintenant, vous me dites que vous faites la même interprétation que moi… du livre que je n’ai pas lu. Vous ne trouvez pas ça un peu
contradictoire ? Pour quelqu’un qui m’affirmait hier qu’il reconnait ses erreurs, je trouve que vous passez ici un peu vite sur votre fausse accusation, non ?
et je l’ai même trouvé relativement désagréable à lire tant il est partisan. Il n’empêche que c’est à ma connaissance le meilleur point de départ pour s’intéresser à la compétition.
De là à en faire un “classique”…
“Et alors ? Hollande a promis tellement de choses… par exemple, d’inverser la courbe du chômage. Vous y croyez, vous, que ce soit “à portée de main” ?” Ce n’est pas du même niveau.
Peut-être. Mais en tout cas, cela montre que ce n’est pas parce que Hollande l’a promis que c’est “à portée de la main”.
L’inversion de la courbe du chômage est quelque chose sur quoi Hollande ne peut avoir d’influence aussi directe que le mariage pour tous.
Le soi-disant “mariage pour tous” n’est pas plus “à portée de main” qu’une modification du PACS. Vous n’avez toujours pas expliqué en quoi la modification du mariage serait plus simple ou plus
facile que celle du PACS.
Je vous cite : « Si l’institution a été vidée de son sens dans le droit, elle conserve tout de même une certaine importance particulièrement dans les couches
populaires de la société. ». Donc vous pensez que l’extension du mariage aux homosexuels engendrera un vidage de sens pour ces couches populaires que le vidage-de-sens-dans-le-droit
précédent n’avait pas engendré ?
Vous devriez lire avec attention les paragraphes que vous citez. Dans votre message précédent vous me prêtez un “accord” sur le fait que “l’institution du mariage a été vidée de son sens”. Mais
dans le paragraphe que vous citez, je prends le travail que préciser qu’elle n’a été “vidée de son sens” que dans le droit, mais qu’elle “conserve une importance
particulière” pour une majorité d’individus dans notre société. Vous ne voyez pas la différence entre l’affirmation que vous prétendez m’attribuer et celle, beaucoup plus nuancée, que
j’ai effectivement écrite ?
Vous voyez ici une illustration de mon commentaire sur l’importance de la rigueur dans un débat. Loin de “polluer le débat”, l’exigence de rigueur vous empêche d’utiliser comme argument un
“accord” inexistant. C’est pourquoi j’ai beaucoup ri en lisant votre commentaire suivant:
Mon niveau de précision me paraît largement suffisant pour « garder un sens au débat, » à condition d’être honnête.
Vraiment ? Relisez les paragraphes qui précèdent, et vous verrez pourquoi je ne peux pas être aussi complaisant que vous avec votre “niveau de précision”.
Il y en a un dans notre échange, quand vous avez mêlé les deux concepts en un même concept. De manière générale, toute propriété est sujette à ce phénomène : il suffit qu’un individu
n’ait pas pris conscience du fait qu’il n’est que propriétaire de sa voiture et qu’il croie qu’il la possède.
Vous dites n’importe quoi. Je vous rappelle que vous avez défini la possession comme une légitimité issue de la force ou de l’antériorité, à l’opposé de la propriété qui est elle fondée sur un
titre. Combien de personnes connaissez vous qui pensent avoir un droit sur leur voiture issu de la force ou de l’antériorité, plutôt sur l’acquisition d’un titre ? Lorsque je vous ai demandé la
différence entre posession et propriété, vous m’avez cité un texte de Rousseau, dans lequel posession et propriété ne sont nullement des “vues de l’esprit”, mais des statuts objectifs. Et
maintenant vous me sortez que “à votre sens” la possession n’est qu’une “vue de l’esprit” ? Soyez cohérente… vous ne pouvez pas changer les définitions chaque fois que cela vous arrange.
Si vous vous en tenez à celle de Rousseau, la possession n’est pas une vue de l’esprit. Et si vous voulez changer de définition… Humpty-Dumpty strikes again…
Je reformule. Il n’est pas nécessaire pour eux de posséder une maison pour y vivre,
En d’autres termes, n’importe qui – un membre du groupe, un visiteur étranger, n’importe – peut s’installer dans n’importe quelle maison à sa guise, prendre ce qu’l veut dans le frigo et le
manger… vous croyez vraiment ça ? Vous ne vous demandez pas pourquoi les voisins des Mosho continuent à travailler pour produire la nourriture dont le groupe à besoin, puisqu’il leur
suffit d’aller chez les Mosho et d’ouvrir le frigo pour avoir à manger ?
Il n’est pas nécessaire pour eux de posséder un frigo pour l’utiliser.
Ca existe aussi dans notre société, vous savez: je monte tous les jours dans l’autobus, et il n’est pas à moi.
Je n’ai pas compris pour la loi. La conséquence serait l’affaiblissement de l’idée de loi ?
Pour Freud, l’enfant accède à l’idée de Loi (c’est à dire la norme universelle et impersonnelle) à travers la figure du père. Si la figure du père disparait, disparaît la figure qui légitime
symboliquement la Loi.
L’extension aux homosexuels ne détruit pas le mariage, elle le transforme en une sorte de PACS ayant le poids d’une institution.
Non, justement. Elle transforme le mariage en une sorte de PACS tout court. Le mariage n’est une institution que parce qu’il protège une autre institution, la filiation. Dès lors que le mariage
n’est plus le fondement de la filiation, son caractère “institutionnel” se dilue pour devenir un simple statut juridique.
Donc dire que cela engendrerait un affaiblissement de la solidarité inconditionnelle me paraît faux.
La solidarité inconditionnelle est fondée sur la filiation. Dès lors que l’ouverture du mariage aux homosexuels brise le lien entre mariage et filiation, elle ne peut qu’affaiblir les solidarités
inconditionnelles qui vont avec. Au nom de quoi exigerez-vous une solidarité inconditionnelle entre le beau-parent homosexuel et l’enfant ?
Aussi, j’aimerais que vous détailliez pourquoi cela engendrerait un affaiblissement de la reproduction sociale.
Parce que la reproduction sociale implique une filiation. Le mariage homosexuel rompt cette filiation, puisqu’il donne à l’enfant des parents qui ne peuvent pas être ses géniteurs.
Enfin, reste à estimer les probabilités correspondantes, et à mettre tout cela en balance avec le fait que certains enfants sont privés (en ce moment même, ce n’est pas une spéculation) de
l’un de leurs « parents » qui n’a pas obtenu la tutelle, et les conséquences.
Très rares sont les enfants qui sont “privés de l’un de leurs parents”. Ils peuvent être privés de la présence physique de l’un des parents, mais le parent absent, même inconnu, existe
symboliquement. L’idéologie des “deux papas” ou des “deux mamans” prétend faire occuper la place de ce parent absent (mais qui existe) par un individu qui ne peut le remplacer de manière
crédible.
À ce point de la discussion, il me semble que la balance pèse en faveur de ces enfants, et donc en faveur du mariage pour tous.
Je ne vois pas très bien de quoi vous parlez. Quelle “balance” ? En quoi le soi-disant “mariage pour tous” changera la vie de ces enfants ? Faut arrêter les bêtises: si le soi-disant “mariage
pour tous” voit le jour, ce sera pour satisfaire un désir des parents, et non pour améliorer la situation des enfants. Arrêtons l’hypocrisie qui consiste à prétendre que tout ceci est fait pour
le “bien des enfants”.
Dites-vous qu’un système qui a toujours été associé à l’esclavage humain n’engendrerait pas forcément de l’esclavage humain si on le remettait en application aujourd’hui ?
Bien entendu. Il ne marcherait pas, c’est tout.
“Un exemple [ou vous êtes revenue sur vos propos et m’avez donné raison], peut-être ?” Le contre-budget du Front de gauche.
Sur lequel de vos “propos” êtes vous revenue, exactement ?
Si vous avez besoin d’un exemple, c’est que vous pensez que je vous mens quand je dis que mon but n’est ni de convaincre ni d’avoir raison.
Pas forcément. Je peux aussi penser que vous vous trompez de bonne foi…
Non, la psychanalyse n’a rien de scientifique. Son contenu théorique a été réfuté pour de bon (ce qui n’implique pas que Freud n’a rien découvert,
l’interprétation consciente a bien un effet). Au contraire de Descartes, la psychologie est pour moi une science, mais une science moins exacte que d’autres.
Je ne le savais pas. Si vous repassez par là, pourriez-vous me dirigier vers un texte qui explique cette réfutation (ou bien me l’expliquer) ?
A qui vous adressez-vous ? Lorsque vous vous adressez à un commentateur, il est de bon ton de mettre son nom précédé du signe “@” dans la première ligne de votre commentaire.
Ah bon ? Pensez-vous que chacun puisse en avoir autant qu’il en a envie sans jamais empiéter sur celle disponible pour les autres ? C’est clairement faux: lorsque deux enfants font la course,
il n’y a qu’une place de gagnant, et ce n’est que celui-ci qui aura la “reconnaissance” d’avoir été le plus rapide. Or, c’est précisément cela qui caractérise une “ressource rare”: que tout le
monde ne peut avoir simultanément autant qu’il en a envie.
Ce n’est pas la définition habituelle d’une « ressource rare ». Je propose d’utiliser les définitions du TLF :
Ressource : Moyen permettant de se tirer d’embarras ou d’améliorer une situation difficile.
Rare : Qui existe en peu d’exemplaire, qui se rencontre peu souvent.
On peut donc dire qu’une ressource rare est un moyen qui existe en peu d’exemplaires ou se rencontre peu souvent, et qui permet de se tirer d’embarras ou d’améliorer une situation difficile. Un
exemple de ressource rare serait un verre d’eau pour dix personnes sur le point de mourir de soif.
Quand un enfant propose à un autre de faire la course, il n’est pas forcément dans l’embarras ou dans une situation difficile. De plus, contrairement au verre d’eau, la reconnaissance sociale
n’existe pas à ce moment-là. Elle est le résultat de la course, de même que la survie dans le cas du verre d’eau.
Je note que vous n’avez pas rebondi sur ma démonstration montrant qu’il est possible de créer de la compétition quand le contexte ne l’impose pas (la compétition n’est pas le seul moyen d’obtenir
la reconnaissance sociale).
Le soi-disant “mariage pour tous” n’est pas plus “à portée de main” qu’une modification du PACS. Vous n’avez toujours pas expliqué en quoi la modification du mariage serait
plus simple ou plus facile que celle du PACS.
J’ai dit « plus simple d’accès ». Le mariage pour tous est plus simple d’accès, car c’est une des promesses de campagne de Hollande sur laquelle il a un pouvoir d’influence relativement
fort. Mais en supposant que ce ne soit pas le cas, quelle importance ? Il est de toutes manières possible de jouer sur les deux tableaux (PACS et mariage modifié) en même temps.
Pouvez-vous répondre à la question suivante : pensez-vous que l’extension du mariage aux homosexuels engendrera un vidage de sens pour ces couches populaires que le
vidage-de-sens-dans-le-droit précédent n’avait pas engendré ?
Vous voyez ici une illustration de mon commentaire sur l’importance de la rigueur dans un débat. Loin de “polluer le débat”, l’exigence de rigueur vous empêche d’utiliser comme argument un
“accord” inexistant.
Une imprécision et de l’honnêteté ne font perdre qu’un message (de reformulation). De la précision et de la malhonnêteté peuvent en faire perdre une infinité.
Je vous rappelle que vous avez défini la possession comme une légitimité issue de la force ou de l’antériorité, à l’opposé de la propriété qui est elle fondée sur un
titre.
J’ai aussi dit que le droit du plus fort est une illusion. Il est lié à la croyance que l’on est le plus fort, et ne tient que tant que l’on n’a pas eu la démonstration du
contraire. Donc selon la définition de Rousseau, la possession est bien une vue de l’esprit si l’on considère que le droit du plus fort est une illusion.
En d’autres termes, n’importe qui – un membre du groupe, un visiteur étranger, n’importe – peut s’installer dans n’importe quelle maison à sa guise, prendre ce qu’l veut
dans le frigo et le manger… vous croyez vraiment ça ?
Ce sont les faits.
Vous ne vous demandez pas pourquoi les voisins des Mosho continuent à travailler pour produire la nourriture dont le groupe à besoin, puisqu’il leur suffit d’aller chez les
Mosho et d’ouvrir le frigo pour avoir à manger ?
Justement, c’est probablement une des raisons pour lesquelles ce type de société ne peut facilement accéder au statut de « grande
civilisation ». Tant que d’autres sociétés qui fonctionnent sur un mode différent coexisteront, elles les détruiront ou les affaibliront. Un exemple parlant est celui des aborigènes
d’Australie, qui n’ont pas de notion de possession non plus. Quand les occidentaux sont arrivés, il ne leur a pas été difficile de s’imposer et d’affaiblir des ethnies qui ne considéraient pas
que les terres sur lesquelles ils vivaient leur appartenaient.
Ce n’est pas la définition habituelle d’une « ressource rare ».
N’importe quoi… C’est exactement la définition habituelle du concept de “ressource rare” en économie: une “ressource rare” est un bien disponible en quantité suffisamment faible pour ne pas
pouvoir satisfaire le désir de tous. L’économie se définit d’ailleurs comme la branche du savoir qui s’occupe de la production et de l’allocation des “ressources rares”. C’est d’ailleurs pourquoi
aucun économiste ne se préoccupe des mécanismes pour allouer à chacun sa ration d’air respirable…
Je laisse donc de côté vos spéculations sur la manière d’accoler des les définitions plus ou moins raisonnables des termes de “ressource” et de “rare” pour fabriquer votre définition ad-hoc de la
formule “ressource rare”.
Je note que vous n’avez pas rebondi sur ma démonstration montrant qu’il est possible de créer de la compétition quand le contexte ne l’impose pas (la compétition n’est pas le seul moyen
d’obtenir la reconnaissance sociale).
Je n’ai vu aucune “démonstration” de la sorte. J’ai vu une affirmation reposant sur une prémisse cachée: “la compétition n’est pas le seul moyen d’obtenir la reconnaissance sociale”. Mais aucun
argument à l’appui de cette affirmation.
J’ai dit « plus simple d’accès ». Le mariage pour tous est plus simple d’accès, car c’est une des promesses de campagne de Hollande sur laquelle il a un pouvoir d’influence
relativement fort.
Faudra m’expliquer en quoi le “pouvoir d’influence” d’Hollande est “plus fort” pour modifier le livre du Code Civil qui concerne le mariage que pour modifier la loi sur le PACS. Que ce soit une
promesse de campagne ne change rien à l’affaire.
Il est de toutes manières possible de jouer sur les deux tableaux (PACS et mariage modifié) en même temps.
Le but, je vous le rappelle, était de donner au membre du couple homosexuel survivant le rôle de tuteur des enfants du partenaire décédé. Si cela peut être fait en modifiant le PACS, il n’est
plus besoin de modifier le mariage.
Pouvez-vous répondre à la question suivante : pensez-vous que l’extension du mariage aux homosexuels engendrera un vidage de sens pour ces couches populaires que le
vidage-de-sens-dans-le-droit précédent n’avait pas engendré ?
Je vous ai dejà répondu: OUI. Et pas seulement pour les couches populaires. L’extension du mariage aux homosexuels videra l’institution du mariage de son sens, puisqu’il n’aura
plus aucun rapport avec la filiation.
Une imprécision et de l’honnêteté ne font perdre qu’un message (de reformulation). De la précision et de la malhonnêteté peuvent en faire perdre une infinité.
Et l’imprécision ajoutée à la malhonnêtété ? C’est votre cas, puisque vous affirmez que votre imprécision est volontaire…
J’ai aussi dit que le droit du plus fort est une illusion.
Ah… en d’autres termes, la posession n’existe pas. Elle n’est qu’une illusion. Le problème c’est que le texte de Rousseau parle d’elle comme d’une réalité. C’est embêtant,
non ?
Il est lié à la croyance que l’on est le plus fort, et ne tient que tant que l’on n’a pas eu la démonstration du contraire.
Mais que se passe-t-il si la “croyance” en question repose sur une réalité, qu’on soit effectivement le plus fort ? Dans ce cas aussi la possession reste une illusion ? J’ai
l’impression que vous vous embourbez faute d’avoir travaillé rigoureusement le sujet…
“En d’autres termes, n’importe qui – un membre du groupe, un visiteur étranger, n’importe – peut s’installer dans n’importe quelle maison à sa guise, prendre ce qu’l veut
dans le frigo et le manger… vous croyez vraiment ça ?” Ce sont les faits.
Vous savez, ce n’est pas parce que vous croyez quelque chose que vous avez lu dans un livre que cela devient un “fait”…
Pour Freud, l’enfant accède à l’idée de Loi (c’est à dire la norme universelle et impersonnelle) à travers la figure du père. Si la figure du père disparaît, disparaît la
figure qui légitime symboliquement la Loi.
Cette théorie a-t-elle été corroborée expérimentalement ?
Non, justement. Elle transforme le mariage en une sorte de PACS tout court. Le mariage n’est une institution que parce qu’il protège une autre institution, la filiation.
Dès lors que le mariage n’est plus le fondement de la filiation, son caractère “institutionnel” se dilue pour devenir un simple statut juridique.
Cela peut être vrai en fonction de la manière dont on définit une institution. La question est plutôt de savoir la conséquence de ce processus, sachant que le mariage a déjà été vidé de son sens
dans le droit.
La solidarité inconditionnelle est fondée sur la filiation. Dès lors que l’ouverture du mariage aux homosexuels brise le lien entre mariage et filiation, elle ne peut
qu’affaiblir les solidarités inconditionnelles qui vont avec. Au nom de quoi exigerez-vous une solidarité inconditionnelle entre le beau-parent homosexuel et l’enfant ?
Au nom de quoi exigeons-nous une solidarité inconditionnelle entre les beaux-parents d’une famille reconstituée et les enfants qui la constituent ? La réponse tient peut-être dans le fait
qu’une famille représente une forme de contrat social : les parents s’engagent à fournir soin, alimentation, éducation, etc. et les enfants à fournir une certaine obéissance en contrepartie,
ou quelque chose dans l’esprit. De toute manière, la question préalable est : qu’est-ce que cela changerait par rapport à la situation actuelle où le mariage est déjà vidé de son sens dans
le droit ?
Parce que la reproduction sociale implique une filiation. Le mariage homosexuel rompt cette filiation, puisqu’il donne à l’enfant des parents qui ne peuvent pas être ses
géniteurs.
Le mariage homosexuel ne rompt pas vraiment la filiation, il la transforme plutôt pour l’étendre à des familles qui sortent du cadre biologique (ce qui est déjà le cas avec les familles
recomposées et les parents adoptifs). Quand bien même, cela pourrait être une bonne chose non ? Si la reproduction sociale maintient les familles dans une même classe sociale, alors son
affaiblissement pourrait engendrer plus de changements de classes.
Très rares sont les enfants qui sont “privés de l’un de leurs parents”. Ils peuvent être privés de la présence physique de l’un des parents, mais le parent absent, même
inconnu, existe symboliquement. L’idéologie des “deux papas” ou des “deux mamans” prétend faire occuper la place de ce parent absent (mais qui existe) par un individu qui ne peut le remplacer de
manière crédible.
La crédibilité de ce parent n’est pas la question, la question est d’estimer les conséquences des deux situations : l’une où le mariage pour tous est institué, auquel cas
les conséquences possibles ont une probabilité et une gravité impossibles à estimer ; l’autre où le mariage pour tous n’est pas institué, auquel cas les conséquences factuelles sont que des
enfants se retrouvent privé d’un « parent », que l’on peut juger de non crédible, mais dont il est cruel de priver l’enfant. Donc je maintiens : àce point de la discussion, il me semble que la balance pèse en faveur de ces enfants, et donc en faveur du mariage pour tous.
si le soi-disant “mariage pour tous” voit le jour, ce sera pour satisfaire un désir des parents, et non pour améliorer la situation des enfants.
En partie oui. Mais d’une autre côté, l’argumentation que je fournis ici est partagée au moins par tous les couples homosexuels ayant adopté un enfant et dont le membre qui n’a pas adopté n’a pas
pu obtenir la tutelle, ainsi que par beaucoup de leurs connaissances.
Votre raisonnement général me paraît tellement fragile que j’en viens à me demander si vous ne vous faites pas simplement l’avocat du diable (enfin de Dieu en l’occurrence). Si tel est le cas, je
suis admirative ! J’ai déjà essayé de faire cela, et j’ai dû renoncer tant cela me donnait une mauvaise estime de soi.
Bien entendu. Il ne marcherait pas, c’est tout.
Même si l’on a la capacité de remplacer les esclaves humains par des esclaves mécaniques ? Savez-vous que vous et moi avons plus d’esclaves mécaniques aujourd’hui que
Louis XIV n’avait d’esclaves humains en son temps ?
“Pour Freud, l’enfant accède à l’idée de Loi (c’est à dire la norme universelle et impersonnelle) à travers la figure du père. Si la figure du père disparaît, disparaît la
figure qui légitime symboliquement la Loi.” Cette théorie a-t-elle été corroborée expérimentalement ?
Oui.
“Non, justement. Elle transforme le mariage en une sorte de PACS tout court. Le mariage n’est une institution que parce qu’il protège une autre institution, la filiation.
Dès lors que le mariage n’est plus le fondement de la filiation, son caractère “institutionnel” se dilue pour devenir un simple statut juridique”. Cela peut être vrai en fonction de la
manière dont on définit une institution
Humpty-Dumpty strikes again…
Au nom de quoi exigeons-nous une solidarité inconditionnelle entre les beaux-parents d’une famille reconstituée et les enfants qui la constituent ?
Personne à ma connaissance n’exige une telle solidarité. La solidarité inconditionnelle est fondée sur la filiation, et il n’y a pas de filiation entre le beau-père et son beau-fils. Nous
exigeons par contre une solidarité inconditionnelle entre parents et enfants, c’est à dire entre gens liés par les liens de filiation. Le mariage homosexuel avec la possibilité d’adoption (ou de
PMA, ou de GPA) briserait cette idée, puisqu’il fabriquerait une cellule familiale où il serait impossible de légitimer une telle obligation.
La réponse tient peut-être dans le fait qu’une famille représente une forme de contrat social : les parents s’engagent à fournir soin, alimentation, éducation, etc. et les enfants à
fournir une certaine obéissance en contrepartie, ou quelque chose dans l’esprit.
Vous n’avez toujours pas compris la différence entre une institution et un contrat. Pour qu’il y ait “contrat”, il faut qu’il y ait libre volonté des parties contractantes, c’est à dire, que les
parents aient la possibilité de refuser soin, alimentation, éducation, etc. et que les enfants puissent refuser l’obligation réciproque (qui va bien plus loin que la simple “obéissance”, et
inclut des obligations alimentaires bien matérielles). Or, les obligations réciproques et inconditionnelles sont imposées par la société sans que parents ou enfants aient à donner leur accord.
C’est en cela que la filiation est une “institution”.
De toute manière, la question préalable est : qu’est-ce que cela changerait par rapport à la situation actuelle où le mariage est déjà vidé de son sens dans le droit ?
Cela changerait dans le sens ou l’on briserait le lien qui existe entre mariage et filiation.
Le mariage homosexuel ne rompt pas vraiment la filiation, il la transforme plutôt pour l’étendre à des familles qui sortent du cadre biologique (ce qui est déjà le cas avec les familles
recomposées et les parents adoptifs).
Non. La famille adoptive substitue à la véritable filiation biologique une filiation qui pour être fictive n’est pas moins crédible (et cela provoque dejà chez les enfants adoptés un certain
nombre de problèmes). La famille “recomposée” ne modifie en rien la filiation, puisque l’enfant continue à avoir un père et une mère, même s’ils ne vivent pas ensemble. Le mariage homosexuel, dès
lors qu’il a la possibilité d’adoption (dans le cas contraire, on ne voit pas trop l’intérêt du mariage, le PACS suffit amplement) constitue une filiation “impossible”.
La crédibilité de ce parent n’est pas la question,
Au contraire. La crédibilité du lien de filiation est essentielle. Tout repose sur lui. Je vous fais remarquer que pendant des siècles les enfants n’ont eu aucun moyen de
savoir qui était leur véritable père. Et pourtant, ceux qui ont appris à l’âge adulte que ce monsieur qui était le mari de
leur mère et qui s’était toujours comportés avec eux comme leur père n’était pas en fait leur “vrai” père ont souvent vécu cela avec beaucoup de difficultés. La
filiation est toujours jusqu’à un certain point une fiction. Mais une fiction nécessaire. Et pour exister, une fiction doit être crédible. Un enfant adulterin peut vivre toute sa vie en croyant
que son père légal est son “vrai père”. L’enfant d’un couple homosexuel ne pourra jamais croire que le couple qui l’a élévé est constitué par ses “vrais parents”.
a question est d’estimer les conséquences des deux situations : l’une où le mariage pour tous est institué, auquel cas les conséquences possibles ont une probabilité
et une gravité impossibles à estimer ; l’autre où le mariage pour tous n’est pas institué, auquel cas les conséquences factuelles sont que des enfants se retrouvent privé d’un
« parent », que l’on peut juger de non crédible, mais dont il est cruel de priver l’enfant.
En d’autres termes, lorsqu’il s’agit de choisir entre le saut dans l’inconnu et une situation qui a des conséquences négatives relativement restreintes, vous choisissez le saut
dans l’inconnu ? Je ne suis pas sur que ce soit très rationnel…
En partie oui. Mais d’une autre côté, l’argumentation que je fournis ici est partagée au moins par tous les couples homosexuels ayant adopté un enfant et dont le membre qui n’a pas adopté n’a
pas pu obtenir la tutelle, ainsi que par beaucoup de leurs connaissances.
Par “tous” les couples homosexuels ayant adopté ? Tous, sans exception ? Vous en êtes sur ? D’où sortez-vous cette information ? Et même si c’était le cas, vous ne faites que confirmer mon
commentaire: on détruit l’institution du mariage pour faire plaisir à un petit groupe de parents. L’intérêt des enfants n’a rien à voir ici.
Votre raisonnement général me paraît tellement fragile que j’en viens à me demander si vous ne vous faites pas simplement l’avocat du diable (enfin de Dieu en l’occurrence).
Confidence pour confidence, votre raisonnement me paraît tellement idiot que je me suis posé la même question.
Même si l’on a la capacité de remplacer les esclaves humains par des esclaves mécaniques ?
Pour le moment, cette possibilité n’existe pas. Les robots, même les plus perfectionnés, ne sont pas capables de se reproduire et se réparer eux mêmes. Le jour où ils seront
capables de le faire, on en reparlera.
Savez-vous que vous et moi avons plus d’esclaves mécaniques aujourd’hui que Louis XIV n’avait d’esclaves humains en son temps ?
Non, je ne le sais pas, tout simplement parce que c’est faux. Les esclaves de Louis XIV avaient la propriété qu’ils pouvaient produire d’eux mêmes et sans que les hommes libres
aient à se mêler de nouveaux esclaves. Nos machines, aussi parfaites soient elles, sont incapables de s’entetenir et de se reproduire sans intervention du travail humain. Les esclaves de Louis
XIV étaient des producteurs autonomes, nos machines ne font que multiplier la capacité de production humaine.