Ne faut-il que délibérer, la Cour en Conseillers foisonne ;
Est-il besoin d’exécuter, l’on ne rencontre plus personne.
La Fontaine, “Le conseil tenu par les rats”
Depuis quelques années, le consensus veut que “la politique” soit l’art de gagner les élections et d’accéder au pouvoir. Ainsi, on qualifiera de “génie politique” – Mitterrand en est le meilleur exemple – celui qui aura réussi à conquérir le pouvoir et à s’y maintenir pendant de longues années, même si son mandat se résume à une suite d’erreurs, de bévues, d’immoralités. Il sera admiré comme un “génie” parce qu’il a réussi à durer sur la plus haute marche du podium. C’est curieux, mais c’est comme ça.
On peut être un stratège électoral et un dirigeant de parti hors paire tout en se révélant un piètre gouvernant. La transformation de la politique en une profession comme une autre a provoqué une mutation fondamentale des élites politiques: parmi les jeunes qui se destinent à cette “carrière”, les idées et les projets sont passés au second plan par rapport au besoin absolu de se faire élire et de monter un à un les échelons qui conduisent – si tout va bien – jusqu’à un maroquin ministériel voire plus haut. Des professionnels de la politique dont toutes les énergies et toutes les compétences sont pointés vers un seul but: monter. Et pour qui, reprenant la formule d’un leader politique, “gouverner est un pénible devoir entre deux élections”.
Mais la politique, ce n’est pas ça. L’élection n’est qu’un moment, un processus de sélection pour voir quel programme doit être appliqué, et qui assumera la responsabilité de le faire. Ce moment est certes important, mais ce n’est pas l’essence du politique. L’essence vient ensuite, une fois les urnes rangés. En un mot, lorsqu’il faut gouverner. La longue séquence électorale que nous venons de vivre – et le rapprochement des échéances avec le quinquennat – semble avoir fait oublier cette réalité à tout le monde, et tout particulièrement au politique. Tous ces gens se battent depuis des années pour devenir ministres. Maintenant qu’ils le sont, leur comportement rappelle irrésistiblement celui de la poule qui a trouvé un couteau. Avec la circonstance aggravante que, contrairement à la poule proverbiale, on attend d’eux qu’ils prennent le couteau à deux mains et qu’ils fassent quelque chose pour résoudre les problèmes. Pour le moment, le gouvernement s’en sort en reportant les échéances: toute difficulté est d’abord une surprise, et ensuite l’opportunité d’annoncer une “concertation” sur une “grande réforme” qui, bien évidement, prendra beaucoup de temps pendant lequel on ne fera rien. Avec de la chance, on pourra faire durer le processus cinq ans, jusqu’à la prochaine élection.
L’affaire des forages pétroliers en Guyane, qui coûta sa tête à la ministre de l’Ecologie Nicole Bricq en est l’illustration jusqu’à la caricature. Cela fait dix ans que des forages exploratoires sont effectués au large de la Guyane, en vertu de permis d’exploration accordés par l’Etat en application des dispositions du Code Minier. Au fur et à mesure que ces forages se révèlent de plus en plus prometteurs, les “majors” du pétrole ont pris des parts dans la recherche, et aujourd’hui celle-ci est conduite par un consortium dont Shell est leader. Ce consortium a investi des millions dans les travaux d’exploration, et début juin se préparait à conduire un programme de forages utilisant les équipements les plus modernes et notamment un bateau-plateforme positionné par GPS et dont la location coûte la bagatelle de 1 M€ par jour. Toutes ces informations étaient bien entendu publiques et connues de tous ceux qui s’intéressent à la question. Mais voilà que Nicole Bricq arrive et découvre – si l’on peut dire – le dossier. Que faire ? Annuler le permis de Shell, c’est le risque de devoir rembourser à la compagnie l’ensemble des investissements effectués, soit quelques dizaines de millions d’euros (1). Permettre que les travaux soient poursuivis, c’est se mettre à dos les écologistes. Que faire ? Botter en touche, en déclarant que qu’il faut lancer une “grande réforme du code minier”, et qu’en attendant bien entendu tout est gelé. Shell et ses associés sont priés d’attendre l’arme au pied, continuer à payer ses ingénieurs à ne rien faire, payer la location de son bateau à 1 M€ par jour en attendant une réforme des vénérables textes miniers – réforme précédée bien entendu d’une “grande concertation” et du “débat sur l’énergie”… On connaît la fin de l’histoire: l’ensemble de l’industrie pétrolière est allée à Matignon et à l’Elysée expliquer les réalités du métier, et Bricq, sommée de se soumettre ou se démettre a préféré aller officier au ministère du commerce extérieur. Mais la question ici est: comment sur un dossier aussi ancien, aussi connu de tous, et sur lequel – comble des combles – Nicole Bricq avait elle même travaillé lorsqu’elle siégeait au Sénat, elle a pu arriver au ministère dans un tel état d’impréparation ? Comment est-ce possible que la question n’ait pas été arbitrée avant même l’arrivée du nouveau gouvernement ?
Deuxième exemple: la question des tarifs du gaz et de l’électricité. Pour restituer le problème, il faut rappeler que dans le cadre de l’ouverture des marchés, les tarifs sont libres pour les consommateurs industriels. Pour les particuliers, un tarif réglementé est maintenu et appliqué par les opérateurs historiques (EDF pour l’électricité, GDF-Suez pour le gaz), les opérateurs privés étant libres de fixer leurs tarifs comme ils l’entendent (2). Ce tarif est fixé par le gouvernement, en principe ajusté quatre fois par an, sous le contrôle de la Commission de Régulation de l’Energie, dont le rôle se limite à contrôler un principe fondamental: que le tarif couvre les coûts de production. En d’autres termes, le gouvernement est libre de fixer les tarifs comme il l’entend, avec une seule condition: ne pas obliger les opérateurs à vendre à perte.
Un principe fort sage, me direz vous. Qui est depuis des lustres le fondement de la politique tarifaire française. Depuis 1945, la doctrine a été “le courant à prix coûtant”, le vendre en dessous revient à transférer aux usagers le patrimoine de l’Etat. Le problème, c’est que ce qui semble fort raisonnable dans l’abstrait peut gravement endommager votre santé électorale. C’est pourquoi les gouvernements – de droite comme de gauche d’ailleurs – on cherché à s’affranchir de cette contrainte pour faire plaisir à leurs électeurs. Les différentes manipulations de prix du gouvernement Fillon pour maintenir la hausse du prix du gaz en dessous du coût réel ont ainsi été sanctionnées plusieurs fois par la justice, le dernier épisode étant l’annulation cette semaine par le Conseil d’Etat de l’arrêté tarifaire d’avril dernier, qui obligera les consommateurs à payer un rappel sur les factures. C’est donc un problème connu. Personne ne découvre rien. Pas la peine d’être devin ou de sortir de l’ENA pour savoir que l’une des premières décisions à prendre par le nouveau gouvernement dès le mois de juillet était le mouvement tarifaire de la mi-année. Or, qu’est-ce que le gouvernement propose ? Une “reforme de la structure tarifaire” après une “large concertation”, et en attendant, la congélation du problème sous forme d’une augmentation réduite à l’inflation que le Conseil d’Etat ne pourra que casser, puisque de toute évidence une telle augmentation ne couvre pas, et de loin, les coûts. Et là encore, la question est évidente: s’il faut une réforme des structures tarifaires, pourquoi diable cela n’a pas été préparé avant ? Si le problème est identifié et connu depuis des lustres, qu’est-ce qui empêchait les socialistes d’y réfléchir, de concerter et d’arriver au gouvernement avec une reforme toute faite à passer immédiatement ? Croient-ils vraiment que les industriels peuvent rester l’arme au pied jusqu’à la Saint-Glinglin en attendant que le politique prenne le temps de s’occuper des questions de fond ?
Et finalement, nous arrivons à la question de PSA-Aulnay. Là encore, on ne découvre rien. La vulnérabilité de nos industries en général et de notre industrie automobile est connue. Pas la peine non plus d’être grand économiste pour se rendre compte que les politiques d’austérité qui balayent l’Europe allaient tôt au tard se traduire par une baisse de la demande solvable. Lorsque vous virez des fonctionnaires ou baissez leurs salaires, lorsque vous augmentez les impôts et les tarifs des services publics, lorsque l’incertitude de l’avenir pousse les gens à l’épargne de précaution, vous réduisez l’argent dont les gens disposent pour consommer, et donc la demande de produits de consommation. Et si c’est cette demande qui tire votre production industrielle, vous vous enfoncez plus profondément dans une spirale récessive. C’est exactement ce qui est en train de se passer.
Là encore, le gouvernement semble surpris par un problème qui pourtant était anticipé par tous ceux qui ont deux doigts de jugeote et un minimum de culture économique (3). A quoi le gouvernement s’attendait-il ? Que les industriels allaient attendre gentiment, payant leurs ouvriers à ne rien faire en attendant que le politique prenne la peine de définir une stratégie industrielle ? Qu’ils continueraient à produire des voitures qu’ils n’arrivent pas à vendre en faisant confiance aux négociations sociales pour accoucher une politique de compétitivité ?
Dans les années 1980, un certain nombre de socialistes ont découvert que gouverner, ce n’était pas aussi facile que passer des motions dans des congrès ou négocier des compromis entre “courants”. Ils ont aussi découvert que, contrairement aux motions, qui ne portent pas véritablement à conséquence, gouverner implique une dure confrontation dont on ne sort pas indemne. Qu’au gouvernement, on ne manipule pas que des idées ou des valeurs, mais la vie des gens. Qu’une erreur peut coûter des vies. Certains, comme Pierre Bérégovoy, n’ont pas supporté ce qu’ils sont devenus. D’autres ont acquis une certaine sagesse – je pense à Laurent Fabius – qui leur a poussé à prendre des positions de principe même lorsqu’elles étaient contraires à leur propre intérêt. Il semble que la génération suivante n’ait rien appris des déceptions de leurs aînés et s’apprête à refaire les mêmes erreurs (4).
Avec Aulnay, les professionnels de la politique socialistes vont devoir découvrir le monde réel. Ils vont s’apercevoir rapidement – Montebourg semble avoir déjà réalisé – que si l’on reste sagement dans le carcan de Maastricht il n’y a pratiquement aucune marge de manœuvre, aucun levier pour sauver nos industries. Une note fort intéressante de P. Arthus (consultable ici, en anglais) montre que la monnaie unique cache un déséquilibre monétaire de l’ordre de 20% en faveur de l’Allemagne (en d’autres termes, l’euro “allemand” est sous-valué de 20% par rapport à l’euro “français”). Si on avait des monnaies nationales et qu’on les laissait flotter, leur parité s’équilibrerait par une réévaluation de 20% du mark, qui suffirait largement à rendre le coût du travail français compétitif. Mais sans possibilité de dévaluation, sans possibilité d’aide publique à l’industrie, sans possibilité de mesures protectionnistes, le gouvernement sera obligé de regarder passer les fermetures d’usine – compensées par l’ouverture de capacités de production ailleurs – et à jouer les pompiers.
L’heure des tempêtes approche… et la politique, la vraie, va se venger de ceux qui croient que l’on peut s’improviser gouvernant par la magie exclusive de la parole.
Descartes
(1) Et oui, dans un état de droit, l’Etat a certaines responsabilités. Si l’Etat vous accorde un permis de construire une maison et quelques mois plus tard, alors que le bâtiment est à moitié construit, il vous retire l’autorisation et vous oblige à démolir ce que vous avez construit, vous êtes en droit de vous voir indemniser à minima pour les frais que vous avez engagé. Et ce qui est valable pour le petit entrepreneur, est vrai pour Shell aussi. Cela s’appelle “égalité devant la loi”.
(2) Le tarif réglementé est donc un tarif “plafond”: Un opérateur privé qui fixerait son tarif largement au dessus du tarif réglementé aurait bien du mal à trouver des clients…
(3) Ce qui exclut bien entendu la grande majorité des eurolâtres, qui sont dans la pensée magique.
(4) Quant à “l’autre gauche”… on a du mal à la prendre au sérieux, tellement son discours ressemble à celui d’une machine automatique – quand ce n’est pas à un disque rayé. Ainsi, le PCF déclare en réaction aux annonces concernant l’usine d’Aulnay sous bois que “une loi s’impose d’urgence”. Quel dommage que la déclaration ne nous dise pas en quoi une telle loi consisterait. La seule proposition concrète – si l’on peut dire – est “l’interdiction des licenciements boursiers”, qui n’aurait dans le cas présent la moindre efficacité: à l’annonce des licenciements, l’action PSA a perdu 8% de sa valeur. Si c’est ça un “licenciement boursier”… Quant au PG, ce n’est guère mieux: “Le parti de Gauche demande qu’une loi d’urgence proclamant un droit de véto des représentants syndicaux dans les Comités d’entreprise et l’interdiction immédiate des licenciements boursiers soit votée le plus vite possible“. On est dans le royaume de la pensée magique. On ne le dira jamais assez: “l’interdiction des licenciements” est une chimère. On ne peut forcer un employeur à acheter une force de travail dont il n’a pas besoin.
Avec Aulnay, les professionnels de
la politique socialistes vont devoir découvrir le monde réel. Ils vont s’apercevoir rapidement – Montebourg semble avoir déjà réalisé – que si l’on reste sagement dans le carcan de Maastricht il
n’y a pratiquement aucune marge de manœuvre, aucun levier pour sauver nos industries.
Montebourg semblait avoir les idées claires pendant les primaires du PS, en
témoigne ses 17%, mais je n’ai pas le sentiment qu’il va remettre en cause le carcan de Maastricht au détriment de sa carrière (il lui faudrait
beaucoup de courage et d’abnégation pour sortir du cadre).
Cette hémorragie de notre industrie ne fait pas beaucoup réagir les bobos
écolos et les pseudos économistes et intellectuels de gauche caviar ou gauche soit disant radicale, car au fond, eux qui sont pour la décroissance, contre le nucléaire, contre le diesel, contre
les infrastructures de transport, contre tout……. ils sont servis, mais cette spirale du déclin va in fine nous couter très cher. On est tous, nombreux en tout cas, attachés à notre mode de vie et à notre système social (services publics, infrastructures, santé, éducation, sécurité sociale, filets de sécurité…….), mais on se
trompe si on pense que ce système est pérenne sans industries, sans production de richesses, avec une balance commerciale de plus en plus négative.
Le tarif réglementé est donc un
tarif “plafond”: Un opérateur privé qui fixerait son tarif largement au dessus du tarif réglementé aurait bien du mal à trouver des clients…
On nous avait affirmé que l’ouverture des marchés et, de facto, la
privatisation plus ou moins partielle de EDF-GDF, allaient faire baisser les prix et que c’était bon pour les consommateurs (abonnés devenus clients).
On nous aurait donc menti ?
Montebourg semblait avoir les idées claires pendant les primaires du
PS,
J’irai pas jusque là. Je pense que Montebourg, pendant la campagne des
primaires, a dit un certain nombre de choses que les gens comme nous aiment entendre. Mais je ne pense pas qu’il avait “les idées claires”, et notamment qu’il ait réalisé les implications de ce
qu’il proposait. Dire qu’il faut réindustrialiser la France est un
point de départ, mais cela ne suffit pas pour “avoir les idées claires”.
mais je n’ai pas le sentiment qu’il va remettre en cause le carcan de
Maastricht au détriment de sa carrière
Je n’aime pas particulièrement Montebourg, mais je dois lui reconnaître une
chose: il a appelé à voter “non” au TCE, en prenant un risque non négligeable pour sa carrière. Je pense qu’il aurait le courage et l’abnégation nécessaires… ce qui lui manque, ce sont
précisement les idées claires.
Cette hémorragie de notre industrie ne fait pas beaucoup réagir les
bobos écolos et les pseudos économistes et intellectuels de gauche caviar ou gauche soit disant radicale, car au fond, eux qui sont pour la décroissance, contre le nucléaire, contre le diesel,
contre les infrastructures de transport, contre tout…
Et puis, ils n’ont rien à dire, rien à proposer. En fait, la politique
industrielle – et la politique économique en général – c’est à dire la question de la production de richesses ne les intéresse pas vraiment. La meilleure preuve est qu’elle n’est abordée que par
le biais de la politique sociale ou la politique de l’emploi. Devant la catastrophe d’Aulnay, la réponse est “interdire les licenciements”. Le fait de savoir comment faire pour que l’on puisse
produire en France, ils s’en foutent.
On nous avait affirmé que l’ouverture des marchés et, de facto, la
privatisation plus ou moins partielle de EDF-GDF, allaient faire baisser les prix et que c’était bon pour les consommateurs (abonnés devenus clients). On nous aurait donc menti ?
J’aime ton ironie, camarade…
http://www.youtube.com/watch?v=bzu01gO3pi4
J’avoue que je n’ai pas très bien compris ce que tu veux dire avec ce lien. A supposer qu’on pende les dirigeants de PSA, je ne vois pas en quoi cela améliorerait la situation des travailleurs.
Pourrais-tu êtreplus explicite ?
Pour le moment, le gouvernement s’en sort en reportant les
échéances: toute difficulté est d’abord une surprise, et ensuite l’opportunité d’annoncer une “concertation” sur une “grande réforme” qui, bien évidement, prendra beaucoup de temps pendant lequel
on ne fera rien. Avec de la chance, on pourra faire durer le processus cinq ans, jusqu’à la prochaine élection.
Ce passage est très intéressant. Parce que les socialos essaient de cacher la vacuité de leur réflexion derrière le fait qu’il gouverneraient différemment, qu’ils écouteraient tout le monde sans
rien imposer.
Ce n’est pas ça gouverner. Qu’il fasse une proposition et ensuite lancent une conférence avec les corps intermédiaires, en qui je n’ai pas confiance, pour en débattre et l’amender si nécessaire.
Ce n’est pas ça gouverner. Qu’il fasse une proposition et ensuite lancent une conférence avec les corps intermédiaires, en qui je n’ai pas confiance, pour en débattre et l’amender si
nécessaire.
Tout à fait. Et tant qu’à faire, on aurait pu élaborer des propositions – du moins pour les affaires les plus urgentes – pendant la campagne. On n’a pas élu un gouvernement pour nous écouter.
Pour cela, il y a les assistantes sociales et les psychoanalistes. On élit un gouvernement pour trancher.
Question : le choix du 14 juillet pour la fête nationale est-il le meilleur ?
Je pense que le 4 août car cette date – 4 août 1789 – est celle de l’abolition des privilèges, la fin du système féodal ou le 26 août – déclaration des droits de l’homme et du citoyen -eurent été
plus adapté.
Question : le choix du 14 juillet pour la fête nationale est-il le meilleur ?
La question n’a pas de sens. C’est le choix qui a été fait, et ce choix a lui même une histoire, qu’on ne peut abolir d’un trait de plume. Le 14 juillet, c’est une institution. Et on ne
devrait toucher les institutions qu’avec des mains tremblantes. Le 14 juillet, après 200 ans de vicissitudes, est devenu la fête nationale de tous les français. Imagine-toi qu’un gouvernement
décidait, en rupture avec cette tradition, de fixer une autre date: certains voudraient le 4 août (abolition des privilèges), soit le 26 août (déclaration des droits de l’homme). Mais d’autres
pourraient lui préférer le 21 septembre (proclamation de la République). Et pourquoi pas le 21 janvier, jour de l’éxécution de Louis XVI, ou le 20 septembre (victoire de Valmy). Quelque
soit la date choisie, elle serait vécue comme la victoire d’une partie de la France sur l’autre. Exactement le contraire de ce qu’une fête nationale est censée évoquer.
Un reproche qu’on pourrait faire à la gauche – et particulièrement à la gauche radicale – est son sectarisme, c’est à dire cette regrettable tendance à croire qu’on fait de la politique en
crachant à la gueule d’une partie de nos concitoyens. La politique, ce n’est pas d’imposer à un groupe la volonté d’un autre, mais de constituer une société la plus vivable possible pour tous.
Les institutions doivent être pensée de manière à unir, pas à diviser.
Certes mais pourquoi ce choix ? Le 14 juillet est-il réellement la date la plus importante des événements de 1789 ? J’ai l’impression qu’on a choisi la date qui a le moins d’impact sur ce
qu’allait devenir la France.
Le 14 juillet célèbre à deux dates: celle de la prise de la Bastille en 1789, et celle de la Fête de la Fédération de 1790. Il faut croire que la date avait une symbolique forte, puisque c’est
celle retenue a divers moment de l’histoire pour célèbrer la Nation. Quoi qu’il en soit, maintenant le 14 juillet est la fête nationale. C’est une institution constituée. Vouloir
la changer est aussi absurde que de vouloir réécrire les paroles de la Marseillaise…
Bonjour Descartes,
C’est avec une grande tristesse que j’ai appris l’annonce de plan social de PSA, même si ce n’était pas vraiment une surprise. Ca m’a vraiment ému… et aussi rappelé ce que tu m’avais dit il y a
quelques mois à propos du plan social de ma boîte (mais moi, au moins, j’ai réussi à me raccrocher): la politique finit toujours par nous rattraper et avoir des effets concrets sur nos vies…
Comment ne pas être en colère devant tant de bêtise et obstination des gouvernements successifs ?
Nous savons tous que le gouvernement ne peut rien faire. Rien du tout, à part éventuellement recaser des salariés de PSA dans les entreprises sous contrôle de l’Etat (sans commentaire…). Mais
voilà, j’ai l’impression que c’est le seul point positif : ça permet d’en faire prendre conscience. Suite à cette affaire, j’ai d’un coup beaucoup plus d’oreilles attentives quand je parle que
sans maîtrise de sa politique de concurrence, de sa monnaie etc. on ne pouvait rien faire pour éviter ça.
Evidemment, les libéraux sauteront sur le coût du travail. Ce qui n’est pas faux dans l’absolu… mais mène à la ruine si tout le monde applique cette méthode. Et on continue dans cette voie
malheureusement.
Certains diront aussi que PSA a ses torts de gestion, qu’ils ont raté le coche avec l’hybride ou je ne sais quoi. c’est peut-être vrai. Mais le savoir faire, la qualité et la diversité de l’offre
est là ! Est-ce qu’un manque de compétitivité mérite de perdre tout ça ? En fait, ça pose une question plus générale: quelle place pour l’automobile en France ? Peut-on continuer à la mettre au
coeur de notre statégie industrielle (inexistante pour le moment, certes) ?
Bon courage aux ouvriers de PSA qui vont se battre un peu. Mais même eux ne semblent pas y croire. C’est ça le pire.
Au fait, que penses-tu des écolos qui disent que c’est normal qu’on ferme des usines auto vu qu’il y a trop de voitures en circulation par rapport au nombre d’habitants (indépendamment de la
crise) ? Encore des bêtises malthusiennes ?
C’est avec une grande tristesse que j’ai appris l’annonce de plan social de PSA, même si ce n’était pas vraiment une surprise. Ca m’a vraiment ému…
Moi aussi. Ca m’a rappellé la destruction de la sidérurgie française sous le premier septennat Mitterrand. Avec exactement les mêmes promesses vagues et la même incapacité de la gauche à
articuler une réponse de politique industrielle. Et le même automatisme de chercher les “coupables” dans la direction de l’entreprise. Entendre des politiques qui n’ont la moindre expérience
industrielle ni le moindre intérêt pour le secteur disserter doctement sur les “erreurs de stratégie” des industriels, cela ferait rire si la situation n’était pas tragique.
Comment ne pas être en colère devant tant de bêtise et obstination des gouvernements successifs ?
Pourquoi rejeter la faute sur “les gouvernements” ? Je ne me souviens pas d’avoir vu beaucoup de manifestations, beaucoup de pétitions de nos brillants intellectuels, beaucoup d’actions
citoyennes pour infléchir le cours de la politique industrielle. Quand un problème préoccupe véritablement les citoyens, les “gouvernements” s’y intéressent aussi. Le fait est que la politique
industrielle n’intéresse pratiquement personne. Si tu veux te mettre en colère, ce n’est pas contre le gouvernement, mais contre l’inertie des citoyens, et particulièrement des classes moyennes
consommatrices.
Nous savons tous que le gouvernement ne peut rien faire.
Précisons: le gouvernement ne peut rien faire non pas par essence, mais parce que ces dernières années il a abandonné lui même un à un les instruments d’action dont il disposait. Mais de la même
manière qu’il les a abandonnés, il pourrait les réconquérir s’il y avait une volonté de le faire.
Rien du tout, à part éventuellement recaser des salariés de PSA dans les entreprises sous contrôle de l’Etat (sans commentaire…). Mais voilà, j’ai l’impression que c’est le seul point
positif : ça permet d’en faire prendre conscience.
Tout à fait. A condition qu’il y ait des gens – et de préférence une organisation politique – pour faire de la pédagogie. Que toi et moi on essaye de le faire, c’est bien mais un peu court. Et
malheureusement les organisations qui devraient faire cette pédagogie, les partis politiques, sont sur une ligne totalement différente. Du côté de la “gauche radicale”, on en est aux solutions
magiques du genre “interdire les licenciements boursiers”.
Je pense qu’il faut en finir avec les visions purement “sociales” des problèmes qui sont celles de la gauche. Les politiques “sociales” jouent sur la répartition des richesses. Mais on ne
repartir que ce qu’on a préalablement produit. Il n’y a donc pas de politique sociale sans une politique industrielle capable de l’alimenter. Recaser les travailleurs de PSA n’est une solution
que s’ils sont recasés dans des activités productives réelles. Payer la moitié d’entre eux pour creuser des trous et l’autre moitié pour les remplir leur permettra peut-être de payer leurs
traites et de survivre, mais au niveau global ce n’est pas une solution.
Certains diront aussi que PSA a ses torts de gestion, qu’ils ont raté le coche avec l’hybride ou je ne sais quoi. c’est peut-être vrai. Mais le savoir faire, la qualité et la diversité de
l’offre est là ! Est-ce qu’un manque de compétitivité mérite de perdre tout ça ?
Tout le monde est sage post facto, et il est facile de pointer la bonne stratégie à postériori. Mais une doctrine économique fondée sur l’idée de dirigeants qui font à chaque fois le choix
stratégique optimal n’est pas sérieux. L’erreur est humaine, et un système ou la moindre erreur se traduit par une destruction massive de richesse n’est pas viable. Il faut des filets de sécurité
économiques qui permettent à un industriel de “rater le coche” de temps en temps, et de compenser réciproquement échecs et succès. Et c’est là l’intérêt de l’intervention de l’Etat dans
l’économie: parce qu’il possède des réserves énormes et surtout parce qu’il a le temps devant lui, il peut se permettre d’amortir un échec en attendant les succès. Pendant les “trente
glorieuses”, l’Etat n’a pas tout réussi. Mais ce qu’il a réussi a plus que payé pour ce qu’il a raté…
En fait, ça pose une question plus générale: quelle place pour l’automobile en France ? Peut-on continuer à la mettre au coeur de notre statégie industrielle (inexistante pour le moment,
certes) ?
La place de l’automobile en France reste – et restera pour encore bien des années – importante. Si l’on produisait avec du travail français l’ensemble des automobiles que nous utilisons, il y
aurait largement de quoi occuper nos capacités de production. La question qui est posée ici, à mon avis, n’est pas celle de “l’automobile en France” parce que l’industrie automobile n’est pas une
industrie sur le déclin, comme ce fut le cas pour les lampes à pétrole. Elle produit quelque chose qui est largement nécessaire, et qui a encore beaucoup de place pour le progrès technologique.
La question qui se pose ici est celle du conflit producteur-consommateur. En d’autres termes, le consommateur qui sommeille en nous est-il prêt à payer plus cher sa voiture pour que le
travailleur qui sommeille aussi en nous soit payé ? Et la question se complique parce que celui qui paye la voiture – le plus souvent un membre des classes moyennes – et celui qui la fabrique –
le plus souvent un membre de la classe ouvrière – ne sont pas la même personne, et que les comportements de passager clandestin sont très tentants…
Bon courage aux ouvriers de PSA qui vont se battre un peu. Mais même eux ne semblent pas y croire. C’est ça le pire.
Les ouvriers, mieux que les politiques, ont bien compris ce qui se passe. Dans les années 1980, les ouvriers se battaient pour conserver l’activité, quitte à mettre en danger leurs indemnités.
Aujourd’hui, le combat se centre de plus en plus sur les indemnités, comme si tout le monde comprenait que le combat pour l’activité est vain.
Au fait, que penses-tu des écolos qui disent que c’est normal qu’on ferme des usines auto vu qu’il y a trop de voitures en circulation par rapport au nombre d’habitants (indépendamment de la
crise) ? Encore des bêtises malthusiennes ?
Ce n’est pas “malthusien”, mais c’est une bêtise quand même. Le problème des écolos, c’est qu’au fond ils aiment la nature mais ils n’aiment pas les hommes. Ils sont émus aux larmes par les
souffrances d’un dauphin, mais la souffrance du travailleur qui voit son activité disparaître ne les touche nullement. C’est ce trait de caractère qui, à mon sens, les rend dangereux pour la
démocratie.
Une note fort intéressante de P. Arthus (consultable ici, en anglais) montre que la monnaie unique cache un déséquilibre monétaire de
l’ordre de 20% en faveur de l’Allemagne (en d’autres termes, l’euro “allemand” est sous-valué de 20% par rapport à l’euro “français”).
Apparemment les langues se délient. Voici un article du Figaro sur une autre étude de Merill Lynch sur les
grands gagnants en cas de sortie ordonnée de l’euro : http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2012/07/13/20002-20120713ARTFIG00574-eclatement-de-l-euro-l-italie-grande-gagnante.php
Eh oui, il semble que nos élites commencent à découvrir que la dévaluation n’est pas la fin du monde…
Leur impréparation est incompréhensible. Auraient-ils cru leur propre propagande, l’Europe et le libéralisme, la commission de Bruxelles et la main invisible du marché, allaient nous faire
entrer dans un monde parfait? Mais même cela…Avez-vous une hypothèse pour expliquer cette bêtise? L’incapacité absolue à anticiper, l’impossibilité de tenir compte du monde réel, le
renoncement à l’action?
Vous disiez être ennuyé d’annoncer si souvent des mauvaises nouvelles. Vrai que cela angoisse, ne pourriez-vous pas, avec votre culture, ajouter des explications et des pistes de solution. Cela
serait sans doute moins dur à lire.
L’échec de Chevènnement n’est qu’une conséquence de l’abandon du peuple et/ou de la Nation par les classes moyennes de gauche.
Leur impréparation est incompréhensible. Auraient-ils cru leur propre propagande, l’Europe et le libéralisme, la commission de Bruxelles et la main invisible du marché, allaient nous
faire entrer dans un monde parfait?
Je ne crois pas. Je pense plutôt que cette génération de politiques arrive au pouvoir sans avoir vraiment réflechi à ce que gouverner veut dire. Pour eux, faire de la politique c’est manipuler
des idées, négocier des alliances et gagner des élections. Ce qui se passe après, une fois l’élection gagnée, c’est terra incognita. Ils connaissent mal le fonctionnement de la machine
administrative et ne se rendent pas compte que gouverner implique rendre en pernanence des arbitrages entre ce qui est souhaitable et ce qui est possible.
La situation me fait penser à ce qu’avait écrit Richelieu dans le “testament politique”: “La politique, c’est l’art de rendre possible ce qui est nécessaire”.
Vous disiez être ennuyé d’annoncer si souvent des mauvaises nouvelles. Vrai que cela angoisse, ne pourriez-vous pas, avec votre culture, ajouter des explications et des pistes de solution.
Cela serait sans doute moins dur à lire.
J’essaye. Mais pour les explications j’ai peur de trop me répéter, et quant aux pistes de solution… si seulement je savais ce qu’il faudrait faire !
L’échec de Chevènnement n’est qu’une conséquence de l’abandon du peuple et/ou de la Nation par les classes moyennes de gauche.
J’irais plus loin: l’échec de Chevènnement – et de l’ensemble des républicains depuis 1968 – vient du fait que l’idéologie républicaine est une idéologie exigeante dans un monde qui déteste
l’exigence…
“Quand un problème préoccupe véritablement les citoyens, les “gouvernements” s’y intéressent aussi. Le fait est que la politique industrielle n’intéresse pratiquement personne. Si tu veux te
mettre en colère, ce n’est pas contre le gouvernement, mais contre l’inertie des citoyens, et particulièrement des classes moyennes consommatrices. “
Ah ! J’ai l’impression de retrouver cette bonne vieille dialectique matérialiste: l’Etat n’est que le reflet des rapports de classe et ne représente pas une “essence” figée (faut m’excuser, je
suis en train de lire “une introduction à la philosophie marxiste” de Sève…). Tu as raison: c’est vrai que ça n’intéresse “personne”… pour le moment.
“L’erreur est humaine, et un système ou la moindre erreur se traduit par une destruction massive de richesse n’est pas viable”
Excellent ! “Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement” dit-on… j’arrive souvent à “comprendre intuitivement” (faute de meilleur terme) le problème, mais tu as un don pour synthétiser la chose
en une petite phrase percutante qui est assez déroutant. Et du coup:
A condition qu’il y ait des gens – et de préférence une organisation politique – pour faire de la pédagogie”
Bon. Tu m’as déjà dit que tu ne voyais pas de stratégie politique viable pour le moment. Et un think tank, ça ne te tenterait pas ?
“Payer la moitié d’entre eux pour creuser des trous et l’autre moitié pour les remplir leur permettra peut-être de payer leurs traites et de survivre, mais au niveau global ce n’est pas une
solution. “
Mais si… ils te diront qu’avec un financement à la BCE sans passer par les banques on peut largement faire cela 🙂 plus sérieusement, les réactions du FDG ont été plus bas que terre sur cette
affaire… Tiens, on n’a pas entendu l’extrême droite d’ailleurs ? Les ouvriers et l’industrie ça ne les intéressent plus, ça y est ?
“Ce n’est pas “malthusien”, mais c’est une bêtise quand même. “
Ils ramènent ça à l’épuisement des ressources, donc d’une certaine manière c’est un argument malthusien habituel et “foireux”: on court derrière la croissance > on produit trop de voitures
même quand on en a plus besoin > on court au désastre écologique vu qu’il n’y aura plus assez de pétrole, etc. > les premiers trucs qui sautent sont le superflu. On doit reconnaître les
écolos l’extraordinaire faculté à pouvoir ressortir leur fond de commerce même quand c’est hors sujet…
“Ils sont émus aux larmes par les souffrances d’un dauphin, mais la souffrance du travailleur qui voit son activité disparaître ne les touche nullement.”
Ça dépend des écolos tout de même. Certains sont très “sectaires” sur le sujet, c’est vrai. Mais certains écolos peuvent être émus des deux (enfin j’espère…) ! A titre personnel, je préfère
éviter la souffrance animale si elle est dispensable (quand bien même ça serait du bête antropomorphisme), mais si je dois choisir entre l’Homme ou l’Animal, mon choix est vite fait… il est
vrai que la même question posée chez Greenpeace ou autre risque d’avoir une réponse différente.
Ah ! J’ai l’impression de retrouver cette bonne vieille dialectique matérialiste: l’Etat n’est que le reflet des rapports de classe et ne représente pas une “essence” figée (faut m’excuser,
je suis en train de lire “une introduction à la philosophie marxiste” de Sève…).
Mais…il ne faut pas s’excuser d’avoir d’aussi excellentes lectures. Cela étant dit, je ne partage pas tout à fait la théorie de l’Etat de Sève mais bon, cela nous amenerait trop loin…
Bon. Tu m’as déjà dit que tu ne voyais pas de stratégie politique viable pour le moment. Et un think tank, ça ne te tenterait pas ?
Bien sur que si!
Tiens, on n’a pas entendu l’extrême droite d’ailleurs ? Les ouvriers et l’industrie ça ne les intéressent plus, ça y est ?
Si, si. Marine Le Pen s’était exprimée le jour de l’annonce du plan social chez Peugeot, et avait fait le lien entre les problèmes de PSA, l’ouverture des marchés et l’euro. Avec la proposition
de sortir de l’Euro pour rendre nos industries compétitives et de mettre en place un protectionnisme sélectif. Tu trouveras sur le site du FN (je ne mets pas le lien pour ne pas leur amener du
flux) une déclaration de Marine Le Pen qui reprend plus ou moins ces termes. Dans les éditions suivantes des journaux télévisés, elle n’a plus été invitée.
Je trouve que ces communiqués, faisant le lien entre les problèmes de PSA et la politique économique sont bien plus sérieux et pédagogiques que les invocations magiques de la “gauche radicale” à
l’interdiction des licenciements. Je ne juge pas les intentions des uns et des autres, je juge le travail d’explication.
Je me demande si votre théorie des classes moyennes ne s’applique qu’au cas de la France ou si elle peut s’appliquer à d’autres pays.
Par exemple, si je prends l’Allemagne, j’ai tendance à penser que ce sont les capitalistes de l’industrie et les classes moyennes liées à l’industrie qui ont le pouvoir. Alors qu’en France le
pouvoir serait du côté des capitalistes des services et des classes moyennes aux fonctions non délocalisables.
Franchement, je n’ai pas encore été regarder les exemples étrangers. Je sais qu’en Grande Bretagne on trouve une classe moyenne qui a certaines caractéristiques de la notre. Cependant, le
mécanisme de “destruction de l’ascenseur social” est plus difficile à voir qu’en France, tout simplement parce que l’ascenseur social n’est jamais passé par le système scolaire.
On trouve aussi des classes moyennes qui répondent à ma théorie dans les pays ou l’on a des économies de rente: l’Argentine ou le Vénézuela, par exemple.
Alors pourquoi le FN me donne l’impression de réfléchir?
Je ne comprends pas votre question. Est-ce qu’il y avait un doute sur le fait que le FN réflechit ? Croyez-vous qu’on devient le troisième parti de France sans un minimum de réflexion ?
Il est vrai que par rapport aux concurrents européens de Peugeot, une manière d’aider les salariés d’Aulnay serait de porter le taux de TVA à 25% – maximum autorisé par l’UE hélas – En gros
d’utiliser 5 points de TVA pour le financement de la protection sociale et de réduire d’autant les côtisations sociales.
Je vois deux vertus supplémentaires à l’idée de TVA “sociale” :
si on reporte intégralement le coût de la protection sociale sur le consommateur, l’incitation de recourir au travail clandestin et donc à l’immigration clandestine en sera réduit.
Une deuxième vertu est que cela allège la pression sur ceux qui prennent le risque de créer un produit ou service sans savoir si celui-ci connaitra le succès. Si la nouvelle offre échoue,
l’entrepreneur ne perd “que les salaires nets” ayant contribué à la création. Si l’offre trouve son marché, elle participe au financement de la protection sociale.
Globalement il faudrait procéder à une refonte intégrale de notre fiscalité orientéee dans le but de lui donner plus de lisibilité et de simplicité. Un système avec trois ou quatre impôts
différents ;
Une taxe URSSAF ou taxe de protection sociale payée par les consommateurs sur les biens et services achetés
La CSG -déjà prélevée à la source – qui remplacerait l’impôt sur le revenu – Je pense qu’il est plus facile de faire les poches des classes moyennes en les prélevant à la source.
un impôt local
L’impôt sur les successions
Sur la TVA, je suis tout à fait d’accord avec vous. Sur le remplacement de l’impôt sur le revenu par la CSG, je pense que ce n’est pas une bonne idée, dans la mesure où cela ferait disparaître la
progressivité inhérente à l’IRPP. La question de l’impôt local est très complexe et mériterait certainement une réflexion. La séparation taxe d’habitation/taxe foncière me paraît juste:
l’habitant doit financer les services dont il bénéficie, la taxe foncière – comme toutes les taxes sur le capital – décourage les gens qui laisseraient leur capital improductif.
“Mais…il ne faut pas s’excuser d’avoir d’aussi excellentes lectures. Cela étant dit, je ne partage pas tout à fait la théorie de l’Etat de Sève mais bon, cela nous amenerait trop loin… “
Oui, c’est un bouquin très pédagogique et très instructif. J’hésitais avec “penser avec Marx aujourd’hui”, plus récent, (j’avais envie de découvrir vraiment ce qu’est le marxisme) mais les
critiques que j’ai trouvé sur internet pesaient plutôt en faveur de l'”introduction”.
Ça peut nous éloigner un peu, mais c’est tout de même une question très intéressante, surtout lorsqu’on essaye de répondre à la basique question: comment en est-on arrivé là ?
J’ai également une critique vis à vis de cette conception de l’Etat. En fait pour moi cela décrit plutôt… la démocratie directe. Les intérêts personnels s’affrontent directement, brutalement,
sans intermédiaire. Le résultat est donc directement issu du rapport de force.
Mais ce n’est pas le cas d’une démocratie représentative, et encore moins avec des institutions fortes comme la notre. Sève décrit l’Homme qui évolue car il “lègue” une partie de son avancée à
ses successeurs (au début symbolisée par un outil). Eh bien pour moi l’Etat c’est pareil. Il n’est pas en tout point la résultante des rapports, il y a beaucoup de choses qui le contraignent, qui
entravent son évolution pour le meilleur et pour le pire (ça, ça dépend des périodes). Et ce, sans parler des représentants élus qui sont sensés dégager un intérêt général et non pas faire du
clientélisme auprès des électeurs. Par conséquent, l’Etat reflète EN PARTIE les rapports sociaux mais il garde une “indépendance” matérialisée par ses institutions et sa constitution.
Du coup, dans notre cas (je racroche le wagon), il y a responsabilité partagée (même si je n’aime pas le terme qui fait accusatoire). Par le reflet des rapports sociaux (et dans ta vision, la
domination des classes moyennes) et aussi par l’incompétence crasse des dirigeants successifs qui ont 1) réalisés les souhaits de leur clientèle sans concevoir au préalable un intérêt général 2)
pas réussi à prendre de la hauteur et anticiper ce qui allait se passer.
Petite parenthèse par rapport à Sève : il y a aussi le concept de travail aliéné que j’ai du mal à comprendre mais ça… ça me prendra peut-être du temps. Qu’un travailleur reçoive moins que ce
qu’il produit est pour moi une injustice fondamentale et un objectif de progrès, mais du coup j’ai du mal à voir le problème fondamental de “l’aliénation du travail”… et on ne peut pas dire que
les forums abordant le sujet soient autre chose que des repaires de mélenchonistes fervents donc sans intérêt.
“Bien sur que si! “
Tu as des contacts un peu partout non ? Pourquoi ne pas complètement créer quelque chose ? 🙂 Après tout, l’objectif n’est pas de gagner les élections mais de produire du contenu: tout est
permis…
“Marine Le Pen s’était exprimée le jour de l’annonce du plan social chez Peugeot, et avait fait le lien entre les problèmes de PSA, l’ouverture des marchés et l’euro. “
Mea culpa. J’avoue que d’un certain côté ça me met mal à l’aise. Je reste plus que sceptique quant à leurs réelles intentions…
Auparavant, je me disais que ceux qui votaient pour le FN faisaient une très grave erreur, inexcusable, et que rien ne justifiait ce vote. En somme, qu’ils “dépassaient les bornes”. Aujourd’hui
je serais plus tolérant… pourra-t-on vraiment reprocher ce fait aux ouvriers d’Aulnay qui voteront pour à peu près le seul parti qui parle de leurs problèmes ? Plus fondamentalement: dans la
pure vision de leurs intérêts, est-ce une erreur ?
J’hésitais avec “penser avec Marx aujourd’hui”, plus récent, (j’avais envie de découvrir vraiment ce qu’est le marxisme) mais les critiques que j’ai trouvé sur internet pesaient plutôt en
faveur de l'”introduction”.
Et vous avez eu raison de suivre les critiques. “Penser avec Marx aujourd’hui” est le produit du virage “réfondateur” de Sève et cherche à justifier toutes sortes de thèses “sociétales”.
Par conséquent, l’Etat reflète EN PARTIE les rapports sociaux mais il garde une “indépendance” matérialisée par ses institutions et sa constitution.
J’ajoute un deuxième élément. Je suis d’accord que l’Etat “reflète les rapports de force sociaux”. Mais je pense que la fonction de l’Etat est de reflèter ces rapports de force en minimisant le
coût de l’affrontement. En d’autres termes, quand le rapport de forces est favorable au prolétariat, on peut créer une sécurité sociale sans avoir besoin de tuer les bourgeois. Quand le rapport
de forces est favorable à la bourgeoisie, on supprime l’impôt sur la fortune sans avoir pour autant avoir besoin de faire tirer la troupe sur les ouvriers. D’une certaine manière, l’Etat a un
rôle d’arbitre: il ne change pas le résultat du match, mais réduit le nombre de jambes cassées…
Du coup, dans notre cas (je racroche le wagon), il y a responsabilité partagée (même si je n’aime pas le terme qui fait accusatoire). Par le reflet des rapports sociaux (et dans ta vision, la
domination des classes moyennes) et aussi par l’incompétence crasse des dirigeants successifs qui ont 1) réalisés les souhaits de leur clientèle sans concevoir au préalable un intérêt général 2)
pas réussi à prendre de la hauteur et anticiper ce qui allait se passer.
C’est un compromis acceptable… 😉
Tu as des contacts un peu partout non ? Pourquoi ne pas complètement créer quelque chose ? 🙂 Après tout, l’objectif n’est pas de gagner les élections mais de produire du contenu: tout est
permis…
J’essaye, j’essaye…seulement, quand tu dis aux jeunes et brillants spécialistes que tu n’as rien à leur promettre en termes de postes et de pouvoir, ils vont voir ailleurs… curieux, n’est ce
pas ?
Mea culpa. J’avoue que d’un certain côté ça me met mal à l’aise. Je reste plus que sceptique quant à leurs réelles intentions…
Moi aussi. Je préférerais un adversaire stupide plutôt qu’un adversaire intelligent…
Auparavant, je me disais que ceux qui votaient pour le FN faisaient une très grave erreur, inexcusable, et que rien ne justifiait ce vote. En somme, qu’ils “dépassaient les bornes”.
Aujourd’hui je serais plus tolérant… pourra-t-on vraiment reprocher ce fait aux ouvriers d’Aulnay qui voteront pour à peu près le seul parti qui parle de leurs problèmes ? Plus
fondamentalement: dans la pure vision de leurs intérêts, est-ce une erreur ?
Ce sont d’excellentes questions. Que je t’invite à ne pas poser dans un cénacle de la “gauche radicale” si tu ne veux pas avoir de sérieux ennuis…
“Tu as des contacts un peu partout non ? Pourquoi ne pas complètement créer quelque chose ? 🙂 Après tout, l’objectif n’est pas de gagner les élections mais de produire du contenu: tout est
permis…
J’essaye, j’essaye…seulement, quand tu dis aux jeunes et brillants spécialistes que tu n’as rien à leur promettre en termes de postes et de pouvoir, ils vont voir ailleurs… curieux, n’est ce
pas ?”
Ne confonds-tu pas “jeunes et brillants spécialistes” avec “jeunes apprentis politiciens aux dents longues (et à l’imagination réduite) ? En tout cas je croise souvent des gens qui ne
demandraient qu’un cadre collectif de réflexion mais ne passent jamais à l’acte. Sur le web, nous sommes une abondante brochette de bloggers qui monologuons chacun de notre côté. Individualisme ?
Mauvaise foi ? Ou peut-être défaut du catalyseur ou de la “masse critique” qui nous permettrait de converger ?
Ne confonds-tu pas “jeunes et brillants spécialistes” avec “jeunes apprentis politiciens aux dents longues (et à l’imagination réduite) ?
Non, je ne confonds pas. Mais je trouve que les premiers ont une tendance forte aujourd’hui à se chercher des “locomotives” pouvant les entrainer vers le sommet. Et en toute décence, je dois dire
que je suis une locomotive bien poussive.
En tout cas je croise souvent des gens qui ne demandraient qu’un cadre collectif de réflexion mais ne passent jamais à l’acte. Sur le web, nous sommes une abondante brochette de bloggers qui
monologuons chacun de notre côté. Individualisme ?
Possiblement. Je pense que pour réflechir ensemble, il faut être intéressé par les idées des autres. Or, ce que je remarque dans beaucoup de groupes de réflexion, c’est que chacun n’est intéressé
que par ses idées. Rares sont les gens qui éprouvent un véritable plaisir de la joute intellectuelle. Ce qui les intéresse, c’est gagner, pas jouer.
Ou peut-être défaut du catalyseur ou de la “masse critique” qui nous permettrait de converger ?
Peut-être. Peut-être aussi un manque de patience: on voudrait que ça marche tout de suite, alors qu’un groupe de réflexion ne peut se construire que dans le temps, en réunissant des gens qui, à
force de se connaître, se font confiance.
En tout cas, j’avoue mon insatisfaction par rapport aux différentes initiatives auxquelles j’ai participé. Ce blog est né un peu de cette insatisfaction.
Et le groupe de réflexion Gauche populaire pourrait-il vous intéresser ?
http://gauchepopulaire.wordpress.com/
Bien sur. Mais si j’ai bien compris, ce n’est pas un groupe de réflexion mais un blog collectif…
“Penser avec Marx aujourd’hui” est le produit du virage “réfondateur” de Sève et cherche à justifier toutes sortes de thèses “sociétales”.
J’avoue que j’ai du mal à le croire ! Après avoir lu comment Sève pourfend l’idéologie bourgeoise pseudo-humaniste du XIXème, ça paraît un peu incongru de l’imaginer publier un
ouvrage pour défendre le mariage homo ou la burqa. Un peu comme si demain tu déclarais ta flamme à une France fédérale ou à une assemblée élue à “parité” selon la religion… mais bon, j’imagine
que beaucoup de vieux communistes ont essayé de se recycler après le déclin du parti. Ça a un rapport avec la chute du mur ?
J’essaye, j’essaye…seulement, quand tu dis aux jeunes et brillants spécialistes que tu n’as rien à leur promettre en termes de postes et de pouvoir, ils vont voir ailleurs… curieux, n’est
ce pas ?
Je ne sais pas où tu vas les récupérer et les démarcher. Mais comme dit plus haut, on rencontre beaucoup de monde sur internet (blogeurs, etc.) qui ne demandent qu’à rejoindre un mouvement
collectif. En ce moment vous êtes tous en train de sombrer dans la dépression comme quoi on va dans le mur et que rien ne semble inverser la tendance (je connais ça aussi…). C’est très facile à
dire comme ça, évidemment, mais c’est un peu dommage de vous voir tous rester à analyser de votre côté sans mettre en commun.
Ce sont d’excellentes questions. Que je t’invite à ne pas poser dans un cénacle de la “gauche radicale” si tu ne veux pas avoir de sérieux ennuis…
J’ai tenté sur un site d’actualité et sous un autre pseudonyme. Visiblement il ne me manque qu’un brassard avec une croix gammée pour parfaire ma tenue…
J’avoue que j’ai du mal à le croire ! Après avoir lu comment Sève pourfend l’idéologie bourgeoise pseudo-humaniste du XIXème, ça paraît un peu incongru de l’imaginer publier un ouvrage pour
défendre le mariage homo ou la burqa.
Il ne va tout de même pas aussi loin. Il va plutôt dans le sens de la démocratie directe, de “l’horizontalité” et autres balivernes.
mais bon, j’imagine que beaucoup de vieux communistes ont essayé de se recycler après le déclin du parti. Ça a un rapport avec la chute du mur ?
Pas vraiment. Plutôt avec les regrets qu’ont eu beaucoup d’intellectuels communistes de “n’avoir pas compris mai 1968” et de ne pas avoir pu se joindre à la fête. Ce sentiment est resté reprimé
tant que le Parti était puissant, mais les désastres de la période 1981-84 ainsi que des stimuli venus du “château” (comme le raconte Attali dans “verbatim”) sous Mitterrand les réveillent et
font naître des mouvements comme “Réfondations” ou “Futurs”, qui essayent d’organiser un “coup d’Etat” à l’intérieur du PCF. Sève accompagne ce mouvement sans en être véritablement un dirigeant à
partir de 1984.
Mais comme dit plus haut, on rencontre beaucoup de monde sur internet (blogeurs, etc.) qui ne demandent qu’à rejoindre un mouvement collectif.
Bof. Dès qu’il s’agit de bosser sur des sujets, il n’y a plus personne. Crois-moi, j’ai essayé plusieurs fois…
Quelqu’un disait que la gauche aime tellement les pauvres qu’elle les fabrique. C’etait Coluche peut etre… A mon gout, c’est bien la qu’est la contradiction fondammentale des gauches en
general: elles se nourissent de l’aggravation des problemes qu’elles pretendent regler.
Le probleme, c’est que l’amelioration de la competitivite en France n’a rien a voir avec les interets de la gauche. Resoudre ainsi le probleme de l’empoi ou du financement des mesures sociales
jouerait contre les interets de la gauche. A l’inverse, il leur est profitable de laisser la situation se degrader et se poser en sauveurs de de l’emploi et du modele social.
Lorsqu’on veut vendre un produit, on s’assure d’abord que le besoin existe. Si necessaire, on le cree.
Quelqu’un disait que la gauche aime tellement les pauvres qu’elle les fabrique. C’etait Coluche peut etre…
Ah Coluche… autant dire, l’Aristote du XXème siècle…
A mon gout, c’est bien la qu’est la contradiction fondammentale des gauches en general: elles se nourissent de l’aggravation des problemes qu’elles pretendent regler.
Ce mythe que vous répétez ici n’a aucun support historique. En fait, loin de “nourrir la gauche”, “l’aggravation des problèmes qu’elle prétend règler” l’a plutôt éloigné du pouvoir. Ce fut par
exemple le cas dans les années 1930, quand la crise du capitalisme s’est traduit par un “virage à droite” de la politique européenne. L’influence des gauches dans la société a été au contraire
maximale aux époques de plus grande expansion du capitalisme, comme les années 1960…
En fait, contrairement à ce qu’ont toujours théorisé les penseurs de l’extrême gauche, les crises provoquent plus souvent un repli conservateur qu’un élan révolutionnaire.
Le probleme, c’est que l’amelioration de la competitivite en France n’a rien a voir avec les interets de la gauche.
Je ne sais pas. C’est quoi “les intérêts de la gauche” ? Si c’est de rester au pouvoir, c’est évidement faux: un gouvernement de gauche qui arriverait à augmenter la compétitivité et par ce biais
réussirait à faire vivre les français dans la paix, la liberté, le plein emploi et l’abondance éternelle – il paraît que l’amélioration de la compétitivité a cet effet, dites moi si je me trompe
– arriverait sans la moindre difficulté à se faire réelire. Pensez-vous vraiment que François Hollande aura plus de mal à se faire réelire si les choses vont bien que si les choses vont mal ?
Resoudre ainsi le probleme de l’empoi ou du financement des mesures sociales jouerait contre les interets de la gauche.
Encore une fois, vous parlez des “intérêts de la gauche” comme si leur définition allait de soi. Pourriez-vous préciser ce que vous appelez exactement “les intérêts de la gauche” ?
A l’inverse, il leur est profitable de laisser la situation se degrader et se poser en sauveurs de de l’emploi et du modele social.
Vraiment ? Croyez-vous vraiment qu’un gouvernement qui a “laissé la situation se dégrader” pourrait se poser en “sauveur” de quelque chose ? Tout parti d’opposition, qu’il soit de gauche ou de
droite, a intérêt à ce que la situation se dégrade pour se poser en sauveur. Tout parti au pouvoir, qu’il soit de gauche ou de droite, a intérêt à ce que la situation s’améliore pour pouvoir
vendre son bilan. Cela n’a rien à voir avec la “droite” ou la “gauche”.
Lorsqu’on veut vendre un produit, on s’assure d’abord que le besoin existe. Si necessaire, on le cree.
Et cette règle s’applique aussi bien à la gauche qu’à la droite, non ? Pensez-vous donc que la droite elle aussi cherchera a jouer contre la compétitivité et fera ce qu’elle peut pour provoquer
la dégradation de la situation de la France de manière à gagner les prochaines élections ?
Pensez-vous vraiment que François Hollande aura plus de mal à se faire réelire si les choses vont bien que si les choses vont mal ?
Tout parti au pouvoir, qu’il soit de gauche ou de droite, a intérêt à ce que la situation s’améliore pour pouvoir vendre son bilan.
En general, la realite n’a pas grand chose a voir avec la perception que les gens en ont. J’ai le souvenir d’une etude qui montrait que les francais etaient en moyenne plus pessimistes sur leur
avenir que les afgans!
L’objectif in fine est que l’electorat ait une vision positive de votre bilan, ou une vision negative de celui de votre adversaire si vous n’etes pas au pouvoir. C’est pourquoi il est plus
profitable pour le gouvernement de gesticuler autour des licenciements, avec un benefice electoral immediat mais un resultat a long terme previsible, que de combattre leur cause reelle: le manque
de competitivite. La croisade du gouvernement contre les remunerations des dirigeants est aussi un exemple qui va dans ce sens.
Personnellement, j’attribue aux socialistes d’il y a 10-20 ans une bonne part de la responsabilite dans la crise de l’industrie et de l’emploi en France. Pourtant, elle leur permet de se poser
aujourd’hui en defenseur des travailleurs. Il y a la une espece de schizophrenie que l’ai voulu evoquer dans mon post precedent. Mais finalement, c’est la posture qui compte et non l’action.
“Dieu se rit des hommes qui deplorent les effets dont ils cherissent les causes” ecrivait Bossuet. La gauche, ou aucun autre parti politique, ne profiterait de reformes difficiles dont les
benefices a long terme ne leur seraient pas attribues, voire meme pas percus comme tels.
C’est quoi “les intérêts de la gauche” ?
Rester au pouvoir, ce qui n’est pas vraiment possible dans notre pays ou l’alternance en cas de degradation de la conjoncture est la regle. De maniere plus realiste: se doter d’un electorat
stable et nombreux. En ce sens, choyer les beneficiaires de la redistribution (et augmenter leur nombre) au detriment des contributeurs est tout a fait dans l’interet de la gauche.
Comme vous l’avez fait remarquer, c’est une lame a double tranchant car il ne faut pas que le systeme s’ecroule. En general, il finit par s’ecrouler.
Cela n’a rien à voir avec la “droite” ou la “gauche”.
Vous avez raison, ce que j’ai ecrit n’est pas specifique a la gauche.
En general, la realite n’a pas grand chose a voir avec la perception que les gens en ont. J’ai le souvenir d’une etude qui montrait que les francais etaient en moyenne plus pessimistes sur
leur avenir que les afgans!
L’exemple est très mal choisi. D’abord, parce que l’avenir n’est pas une “réalité”, et qu’il est impossible de savoir si le pessimisme des gens correspond ou non aux “faits”, vu que les “faits”
en question se situent dans le futur… et ensuite, parce que le fait que les afghans soient moins nombreux que les français à penser que leur avenir sera pire que leur présent est parfaitement
conforme aux “faits”: après tout, si j’étais afghan, je serais foncièrement optimiste, vu que les choses ont peu de chances d’empirer…
En fait, si la perception des gens diffère des faits, aller jusqu’à dire qu’elle n’a “rien à voir” est pour le moins exagéré. En particulier pour les questions ou un large débat public a lieu.
Sur des questions telles que le choix de leurs gouvernants, les français ont fait preuve régulièrement d’un solide bon sens…
L’objectif in fine est que l’electorat ait une vision positive de votre bilan, ou une vision negative de celui de votre adversaire si vous n’etes pas au pouvoir. C’est pourquoi il est
plus profitable pour le gouvernement de gesticuler autour des licenciements, avec un benefice electoral immediat mais un resultat a long terme previsible, que de combattre leur cause reelle: le
manque de competitivite.
D’abord, si ce reproche était justifié il s’appliquerait autant à la droite qu’à la gauche… mais surtout, la prochaine élection présidentielle et législative aura lieu dans cinq ans. En
d’autres termes, quel est l’intérêt du gouvernement à sacrifier le long terme pour des gains à court terme ? Au contraire, le gouvernement n’a aucune raison aujourd’hui de chercher “un bénéfice
électoral immédiat”…
Si le gouverment “gesticule” – pour utiliser votre terminologie – sur les licenciements ou la rémunération des dirigeants, c’est parce qu’il ne suffit pas de gagner des élections. Comme les
exemples grec et espagnol l’ont montré, on ne peut imposer une politique d’austérité illimitée si l’on ne convainc les gens que les efforts sont partagés par tous, et que le gouvernement se
soucie du sort des plus faibles. Cette pédagogie serait d’ailleurs nécessaire que le gouvernement soit de gauche comme de droite.
Par ailleurs, à vous lire on a ‘impression que vous tenez l’idée que la cause réelle des problèmes est “le manque de compétitivité” pour une évidence. C’est de toute évidence faux. Si pour vivre
heureux il faut avoir l’économie la plus compétitive d’Europe, alors il y aura en Europe un seul pays heureux et 26 malheureux. Parce qu’il ne peut y avoir qu’une seule économie “plus
compétitive”. Mais il y aura, c’est mathématique, une économie “moins compétitive d’Europe”. Comment arrivera-t-elle à survivre ?
Le problème n’est pas le manque de compétitivité. C’est un système européen où il n’y a aucun mécanisme pour stabiliser le système face aux différences de compétitivité. La course à l’échalote où
chacun cherche à être plus compétitif que le voisin est une course mortelle, ou tout le monde arrivera exangue.
Personnellement, j’attribue aux socialistes d’il y a 10-20 ans une bonne part de la responsabilite dans la crise de l’industrie et de l’emploi en France.
Je dirais qu’ils ont la moitié de la responsabilité, l’autre moitié incombant à la droite… on peut toujours dire que les socialistes ont fait les 35 heures, mais si ma mémoire ne me trompe pas
la droite ne les a pas abolies. Quant au système mis en place par le traité de Maastricht, d’où le désastre actuel est largement issu, ce fut largement un projet partagé par les socialistes et la
droite européiste.
“Dieu se rit des hommes qui deplorent les effets dont ils cherissent les causes” ecrivait Bossuet.
Alors, tous les anciens maastrichiens doivent lui donner beaucoup de matière à rire…
La gauche, ou aucun autre parti politique, ne profiterait de reformes difficiles dont les benefices a long terme ne leur seraient pas attribues, voire meme pas percus comme tels.
Je ne vois pas très bien quels sont les “reformes difficiles” dont vous parlez. Sûrement, si la “compétitivité” pouvait faire règner le bonheur en France, le peuple en liesse se précipiterait
voter pour le gouvernement qui lui aurait apporté cet extraordinaire bien-être, non ?
Le problème, en fait, n’est pas là. Vous savez bien que la “compétitivité” n’apporterait rien à une large majorité de nos compatriotes. De la même manière que les réformes tant vantées en
Allemagne ont multiplié les travailleurs pauvres et précaires – qui sont sans doute ravis d’être pauvres dans un pays riche – les réformes que vous avez probablement en tête appauvriraient la
majorité des français. Dans ces conditions, pas étonnant qu’ils ne montrent la moindre reconnaissance pour le gouvernement qui se risquerait à leur faire ce cadeau…
“C’est quoi “les intérêts de la gauche” ?” Rester au pouvoir, ce qui n’est pas vraiment possible dans notre pays ou l’alternance en cas de degradation de la conjoncture est la regle.
Là, je ne vous comprends plus. Si vous êtes convaincu que s’attaquer aux problèmes de compétitivité améliorerait la conjoncture, et que les “intérêts de la gauche” ne peuvent être atteints en cas
de dégradation de celle-ci, il ressort avec une logique implacable que c’est dans l’intérêt de la gauche de s’occuper de la compétitivité…
En ce sens, choyer les beneficiaires de la redistribution (et augmenter leur nombre) au detriment des contributeurs est tout a fait dans l’interet de la gauche.
Ah… je me disais bien qu’on arriverait là. En fait, ce qui vous gêne tant dans la gauche n’est pas qu’elle ne s’attaque pas aux vrais problèmes, mais qu’elle prétend enlever à ceux qui ont
beaucoup pour donner à ceux qui ont très peu. Mais au démeurant, je pense que votre diagnostic est erronné. La gauche, voyez-vous, répond aujourd’hui essentiellement aux classes moyennes, c’est à
dire, aux “contributeurs”. Faites dont lui confiance: à l’heure de rédistribuer, ils parleront beaucoup mais ne feront rien.
“Croyez-vous vraiment qu’un gouvernement qui a “laissé la situation se dégrader” pourrait se poser en “sauveur” de quelque chose ?”
C’est drôle, mais en lisant ce dialogue avec AV, je me rappelle m’être souvent fait la réflexion, symétrique, que la droite libérale avait quant à elle tout intérêt à mal gérer l’Etat, et
spécialement les entreprises publiques, afin de valider auprès de l’électorat sa théorie selon laquelle l’Etat serait forcément dispendieux et mauvais gestionnaire. A cet égard, il n’est que de
rappeler l’augmentation de 600 milliards d’euros de la dette publique sous Sarkozy…
Que voulez-vous… c’est quelque chose de très humain, ce mécanisme qui nous fait rechercher derrière chaque évènnement une intention. Nous n’arrivons tout simplement pas à nous résigner à l’idée
que certaines choses sont le produit de la fatalité, et que d’autres arrivent malgré les gens qu’on n’aime pas, et non à cause d’eux…
Le mieux, c’est d’utiliser le rasoir d’Occam. Pourquoi aller chercher on ne sait quelle théorie compliquée sur le fait que Sarkozy ou Hollande pourraient en fait résoudre tous les problèmes, mais
ne le font pas pour pouvoir se faire élire plus facilement ?
c’est quelque chose de très humain, ce mécanisme qui nous fait rechercher derrière chaque évènnement une intention.
Non pas derriere chaque evenement, mais chaque action. J’ai toujours trouve que les Francais surestiment les pouvoirs reels de l’Etat: tout evenement aurait pour cause et pour solution l’Etat.
Personnellement, je trouve que l’etat fait meme assez mal les choses. Il ne devrait intervenir que pour regler les problemes autrement insolubles. Cette habitude bien francaise de tout
reglementer a priori ne fait pas de bien au pays et m’agace beaucoup.
S’agissant de PSA a Aulnay, le probleme n’est plus du ressort de l’etat. A ce stade, on ne fait que constater les consequences malheureuses de la desindustrialisation en France. Il aurait fallu
agir en amont. Ce probleme n’est d’ailleur pas propre a PSA: en 2011, 60000 entreprises disparaissent en France (je ne fais que reproduire un chiffre lu ailleurs dont je ne suis pas sur, mais je
veux dire par la “beaucoup”). Ce que je qualifie de “gesticulations” est le fait d’adopter des postures specifiques au cas mediatique de PSA (bonus-malus ecologique ???) sans evoquer le probleme
de fond. Ou peut etre le gouvernement pense t’il qu’on va regler chaque cas de faillite ou plan social par la bidouille? Quid de la creation d’activite?
Pourquoi aller chercher on ne sait quelle théorie compliquée sur le fait que Sarkozy ou Hollande pourraient en fait résoudre tous les problèmes, mais ne le font pas pour pouvoir se faire
élire plus facilement ?
Je ne dis pas que le cynisme est la base de l’action politique, mais simplement que l’interet des partis politiques n’est pas forcement en phase avec les interets de la nation. A l’evidence, le
court-termisme du aux echeances electorales et l’impatience des electeurs n’aident pas. Je ne qualifierais pas une periode de 5 ans de “long terme”. Je ne pense pas qu’une politique sur la
reindustrialisation, l’education ou l’immigration puisse se juger sur un quinquennat. Les effets negatifs sont bien top immediats par rapport aux benefices percus a bien plus long terme. Il
existe des chantiers qui necessitent au moins une generation de visibilite.
Non pas derriere chaque evenement, mais chaque action.
Si l’on laisse de côté les évènnements naturels, c’est la même chose: tout évènnement humain est la conséquence d’une action….
J’ai toujours trouve que les Francais surestiment les pouvoirs reels de l’Etat: tout evenement aurait pour cause et pour solution l’Etat.
C’est une fiction nécessaire, ou du moins fort utile. L’homme a un besoin de toute-puissance, et cette toute-puissance doit s’incarner dans quelque chose. On a le choix entre une entité
extérieure (les dieux), un organe collectif (l’Etat, la communauté) ou l’individu (l’individualisme à l’américaine). Personnellement, je pense que c’est le choix de l’Etat qui permet les sociétés
les plus libres et les plus apaisées…
Personnellement, je trouve que l’etat fait meme assez mal les choses.
Pour l’essentiel de ses activités, c’est difficile à dire vu qu’il est le seul, historiquement, à pouvoir les faire. Pensez-vous qu’on serait mieux défendu par une armée privée ? Que notre
sécurité serait meilleure si elle était assurée par une police privée ? Que des diplomates privés défendraient mieux les intérêts du pays ? Que des juges pénaux privés jugeraient plus justement
les affaires ? Bien sur que non. On a du mal d’ailleurs à imaginer comment une “justice pénale privée” pourrait fonctionner.
Et lorsque pour des raisons historiques il prend en main des activités privées, il s’en sort plutôt bien. Le système bancaire en est peut-être le meilleur exemple: le système bancaire nationalisé
à la Libération a très bien fonctionné jusqu’aux années 1990 sans aucun problème. C’est du moment qu’on a commencé à le privatiser que les scandales et les renflouements ont commencé.
Cette habitude bien francaise de tout reglementer a priori ne fait pas de bien au pays et m’agace beaucoup.
L’histoire de la déreglementation bancaire devrait apporter un bémol à votre position: on réalise aujourd’hui que la “réglementation à priori” dans ce domaine faisait beaucoup de bien aux pays,
au contraire. Maintenant, nous allons payer cette folie pendant des années.
S’agissant de PSA a Aulnay, le probleme n’est plus du ressort de l’etat. A ce stade, on ne fait que constater les consequences malheureuses de la desindustrialisation en France. Il aurait
fallu agir en amont.
Faudrait savoir. Si, comme vous le dites, on ne peut pas d’un côté dire que l’Etat fait mal les choses, qu’il ne devrait intervenir “que pour régler les problèmes autrement insolubles”, et
ensuite lui demander “d’agir en amont”. Si l’on suit votre raisonnement, pourquoi l’Etat devrait s’occuper du fait que des entreprises naissent ou disparaissent ? Après tout, si les dirigeants
“privés” conduisent leur entreprise à la faillite, c’est leur affaire. Pourquoi l’Etat devrait être derrière eux avec des prêts bonifiés et des “primes à la casse” ?
Il vous faut choisir: ou bien l’Etat minimal des libéraux, qui s’occupe de la police, la justice, l’armée et laisse l’activité économique se réguler d’elle même, ou bien un Etat
interventionniste, qui “agit en amont” avec des “réglementations à priori” en fonction d’objectifs économiques et politiques partagés. Mais vous ne pouvez pas demander les deux.
Ce probleme n’est d’ailleur pas propre a PSA: en 2011, 60000 entreprises disparaissent en France (je ne fais que reproduire un chiffre lu ailleurs dont je ne suis pas sur, mais je veux dire
par la “beaucoup”).
Quoi de plus normal là dedans ? C’est le propre du capitalisme: les plus efficaces survivent, les moins compétitives coulent. Et d’autres nouvelles se créent, pour triompher ou couler ensuite.
C’est la sélection naturelle transposée à l’économie. Si j’ai bien compris votre discours critique de l’Etat, la vitalité de ce processus devrait vous réjouir, non ?
Ce qui inquiète l’Etat, ce n’est pas la disparition des entreprises, mais la disparition des emplois. Et si les deux paramètres sont liés, ils ne se confondent pas.
Ce que je qualifie de “gesticulations” est le fait d’adopter des postures specifiques au cas mediatique de PSA (bonus-malus ecologique ???) sans evoquer le probleme de fond. Ou peut etre
le gouvernement pense t’il qu’on va regler chaque cas de faillite ou plan social par la bidouille? Quid de la creation d’activite?
Le “problème de fond” pour le gouvernement ce n’est pas l’activité, mais l’emploi. Et ce n’est pas la faute des politiques: ils ne font que suivre l’opinion publique dans sa schizophrénie
libérale-écolo. Les libéraux ont rasé notre industrie avec le “marché libre et non faussé” et la déreglementation, et pleurent aujourd’hui sur le fait que l’activité est partie ailleurs. Les
écolos nous proposent de réduire notre consommation d’essence mais s’indignent lorsqu’on ferme une raffinerie, pourtant la conséquence évidente de leur politique. En France, on n’aime pas les
usines. Essayez d’installer une, et vous verrez immédiatement toute sorte d’intérêts se lever en défense du paysage, du mode de vie traditonnel et autres balivernes. Mais tout le monde aime les
emplois. Et cette contradiction n’est pas la faute des politiques.
Je pourrais être d’accord avec vous sur le diagnostic, si ce n’était votre critique aveugle du rôle de l’Etat. Oui, il faut une véritable politique industrielle. Mais cela suppose que l’Etat – et
non le capital privé – fixe les objectifs et se donne les moyens de les atteindre. Si vous laissez le capital privé agir seul, il suivra sa pente naturelle, qui est celle de la recherche du plus
grand profit. Or, celui-ci se trouve nécessairement dans une délocalisation de l’activité, sauf à baisser le niveau de vie de nos ouvriers pour atteindre celui des chinois pour être
“compétitifs”. Est-ce cela que nous voulons ? Pas moi, en tout cas.
Je ne dis pas que le cynisme est la base de l’action politique, mais simplement que l’interet des partis politiques n’est pas forcement en phase avec les interets de la nation.
Ou du moins, des intérêts de la nation tel que vous les concevez. Parce que c’est quoi, pour vous, les “intérêts de la nation” ? Pouvez-vous les définir d’une manière objective ?
L’intérêt de la nation est-il d’avoir des entreprises compétitives et des travailleurs pauvres ? L’inverse ? Un mélange des deux ?
Mais d’une manière abstraite, il n’y a aucune raison que l’intérêt des partis politiques et l’intérêt national coïncident. Après tout, les partis politiques sont là pour représenter les intérêts
de leurs dirigeants et de leurs militants. Et s’ils veulent être élus, ils sont obligés de représenter les intérêts de leurs électeurs. Mais il ne faut pas leur demander davantage, parce qu’ils
ne peuvent tout simplement pas faire mieux.
Je ne pense pas qu’une politique sur la reindustrialisation, l’education ou l’immigration puisse se juger sur un quinquennat.
Moi non plus. C’est pourquoi j’étais contre le racourcissement du mandat présidentiel. Mais le fait est qu’il s’est trouvé une majorité de français pour l’approuver.
Les effets negatifs sont bien top immediats par rapport aux benefices percus a bien plus long terme. Il existe des chantiers qui necessitent au moins une generation de visibilite.
Faut tout de même pas exagérer. On ne peut donner à un dirigeant le pouvoir pendant 25 ans sur le thème “on vous jugera quand ce sera fini”. Et si au bout de ce temps on s’aperçoit que le
“chantier” en question était une mauvaise idée, qu’est ce qu’on fait ? On ouvre la tombe de son initiateur et on disperse ses cendres ?
Si un homme politique prétend imposer des sacrifices maintenant au nom d’un avenir radieux, il faut qu’il puisse convaincre le peuple que cela vaut la peine, et qu’il puisse le convaincre pendant
toutes les années que le projet prendra. On ne peut pas fonder un système politique sur des chèques en blanc.
Quoi de plus normal là dedans ? C’est le propre du capitalisme: les plus efficaces survivent, les moins compétitives coulent. (…) Si j’ai bien compris votre discours critique de l’Etat, la
vitalité de ce processus devrait vous réjouir, non ?
C’est donc bien qu’il faut s’occuper aussi de la creation de l’activite et de sa competitivite. Or que fait le gouvernement si ce n’est se placer dans le refus des licenciement qui ne sont que la
consequence inexorable de la baisse d’activite? Finalement, les barrieres au licenciement (necessaires dans une certaine mesure) finissent toujours par etre des barrieres au recrutement. Ca ne me
semble pas etre une cible pertinente du “redressement productif”.
Au passage, ce n’est pas que cela me rejouit. C’est simplement la force des choses que ca nous plaise ou non. On n’abolit pas les contraintes economiques par decret, referundum, incantations de
slogans politiques ou je-ne-sais-quoi-d’autre.
Je pourrais être d’accord avec vous sur le diagnostic, si ce n’était votre critique aveugle du rôle de l’Etat. Si vous laissez le capital privé agir seul, il suivra sa pente
naturelle, qui est celle de la recherche du plus grand profit. Or, celui-ci se trouve nécessairement dans une délocalisation de l’activité, sauf à baisser le niveau de vie de nos ouvriers pour
atteindre celui des chinois pour être “compétitifs”.
Je reconnais volontier etre caricatural, c’est une raccourci en meme temps qu’un exutoire. Ceci dit, je pourrais vous adresser le meme reproche lorsque vous poussez votre raisonement quelque peu
binaire sur les consequences d’un differentiel de competitivite: la delocalisation sans limites vers le seul mieux disant.
Il faut que l’etat cree les conditions pour que le capitalisme prive puisse etre constructif. C’est exactement ce qu’il ne fait pas. Pourquoi prefere t’il invariablement une augmentation des
charges sur le travail en France plutot qu’un transfert de la fiscalite sur la TVA, par exemple, qui s’applique indifferement a la production nationale et delocalisee. On pourrait d’ailleurs tout
a fait envisager qu’une baisse des charges soit compensee par une hausse obligatoire et equivalente des salaires donc ne me dites pas que cela penaliserait les petits revenus.
Le role de l’etat est de proteger l’activite et donc l’emploi en France. Quoi qu’il en dise, il m’apparait qu’il n’en fait pas grand chose, ou est-ce seulement moi?
sauf à baisser le niveau de vie de nos ouvriers pour atteindre celui des chinois pour être “compétitifs”
Pourquoi le niveau de vie serait-il le seul parametre de l’equation? On pourrait commencer par partager l’enthousiasme des chinois, le sens de la responsabilite sociale des Japonais ou le temps
de travail des allemands.
L’intérêt de la nation est-il d’avoir des entreprises compétitives et des travailleurs pauvres ? L’inverse ? Un mélange des deux ?
Pourquoi cette obsession sur la pauvrete des travailleurs? C’est un faux probleme. S’il y a suffisamment de richesses crees on peut toujours redistribuer. Sinon, la redistribution n’y peut pas
grand chose. Un pays pauvre a des citoyens pauvres. Ce n’est pas un debat sur le niveau de vie des travailleurs.
Parce que c’est quoi, pour vous, les “intérêts de la nation” ?
Le niveau de vie des citoyens ce qui passe par la creation de richesses, le maintien d’un systeme social viable et equitable au fil des generations, le developpement (ou au moins la preservation)
des atouts de la nation…
Après tout, les partis politiques sont là pour représenter les intérêts de leurs dirigeants et de leurs militants (…) ils ne peuvent tout simplement pas faire mieux.
Parfaitement d’accord. La seule solution a l’equation est la responsabilisation de l’electorat. Apres tout, en democratie, les electeurs ont le pouvoir. Pourquoi se sentiraient-ils exempts de
responsabilites?
On ne peut donner à un dirigeant le pouvoir pendant 25 ans sur le thème “on vous jugera quand ce sera fini”. Et si au bout de ce temps on s’aperçoit que le “chantier” en question était une
mauvaise idée, qu’est ce qu’on fait ? On ouvre la tombe de son initiateur et on disperse ses cendres ?
Imputer la responsabilite des echecs aux elus est tentant mais futile.
Si un homme politique prétend imposer des sacrifices maintenant au nom d’un avenir radieux, il faut qu’il puisse convaincre le peuple que cela vaut la peine
Ce qui est tres difficile lorsqu’il y a toujours un parti pour pretendre que les sacrifices ne sont pas necessaires tout en promettant un avenir encore plus radieux.
C’est donc bien qu’il faut s’occuper aussi de la creation de l’activite et de sa competitivite.
Pourquoi faire ? Si je suis votre raisonnement, c’est au capital privé de s’occuper de tout ça… vous m’expliquez que l’Etat fait mal tout ce qu’il fait, qu’il vous exaspère avec sa prétension à
réglementer à priori. Et maintenant vous voulez que ce même Etat “s’occupe” de la création d’activités et de la compétitivité des entreprises… faudrait savoir ce que vous voulez!
Comme je vous l’ai dit: je peux partager votre idée que l’Etat devrait s’occuper de la politique industrielle dans son ensemble, et non pas de jouer les pompiers lorsque l’emploi est menacé. Mais
je ne vois pas comment ce diagnostic peut coexister chez vous avec l’idée que l’Etat ne doit pas intervenir dans l’économie.
Au passage, ce n’est pas que cela me rejouit. C’est simplement la force des choses que ca nous plaise ou non. On n’abolit pas les contraintes economiques par decret, referundum,
Non. La loi et le décret, tout comme le référendum, peuvent créer des contraintes économiques. Ainsi, par exemple, le référendum qui a ratifié le Traité de Maastricht a créé des
contraintes économiques. Et sa dénonciation suite par exemple à un nouveau référendum, abolirait ces contraintes. Je pense que vous avez tendance à “naturaliser” les “contraintes économiques”
comme s’il s’agissait de lois naturelles immuables. Certaines le sont: par exemple, celle qui veut qu’on ne puisse consommer plus qu’on ne produit sans s’endetter, loi qui n’est autre que la
réformulation du principe de conservation en physique. Mais la plupart ne le sont pas: les contraintes du “marché libre et non faussé” européen ou de la monnaie unique sont produites par une
décision politique, et peuvent être supprimées par une autre.
Il faut que l’etat cree les conditions pour que le capitalisme prive puisse etre constructif.
Tout à fait d’accord. Dans la mesure où l’on ne voit pointer à l’horizon aucune solution révolutionnaire qui puisse remplacer avantageusement le capitalisme, il s’agit de l’aménager pour qu’il
fonctionne au mieux. Cet Etat qui “créé les conditions” d’un capitalisme “constructif” est l’essence même du projet gaullo-communiste de la Libération et des trente glorieuses…
C’est exactement ce qu’il ne fait pas. Pourquoi prefere t’il invariablement une augmentation des charges sur le travail en France plutot qu’un transfert de la fiscalite sur la TVA, par
exemple, qui s’applique indifferement a la production nationale et delocalisee.
C’est ce que j’essaye d’expliquer dans mes papiers: parce que l’Etat répond au système politique, et que celui-ci est dominé depuis la fin des années 1970 par les classes moyennes. Ces couches
ont l’avantage de tirer leur revenu d’activités difficilement délocalisables (du moins jusqu’à une période relativement récente) et de consommer massivement. Elles avaient donc tout intérêt à ce
que la fiscalité sur la consommation soit la plus faible possible, et se sont toujours battu contre toute hausse de celle-ci.
Personnellement, je suis pour le transfert des charges du travail vers la consommation et je partage donc votre point de vue. Une possibilité serait la TVA, une autre ce serait une taxe aux
frontières comme je l’ai proposé ici dans ma proposition d’un “protectionnisme intelligent”.
Pourquoi le niveau de vie serait-il le seul parametre de l’equation? On pourrait commencer par partager l’enthousiasme des chinois, le sens de la responsabilite sociale des Japonais ou le
temps de travail des allemands.
Vous partagez les mythes, c’est dejà pas si mal…
Désolé, mais tout ça, c’est des conneries. Le Japon, avec tout son “sens des responsabilités”, se trouve piégé depuis plus de dix ans dans une stagnation économique dont il n’arrive pas à sortir.
Quant à l’Allemagne, ce n’est pas le “temps de travail” qui l’a rendue compétitive, mais la déflation des salaires faite pendant la période Schroëder. Quant à “l’enthousiasme des chinois”,
j’aimerais bien que vous me donniez quelques références, si cela ne vous gêne pas…
Bien sur, le niveau de vie n’est pas le “seul paramètre de l’équation”. Il y en a un autre, et c’est la productivité. Qui n’a qu’un rapport lointain à la “discipline” ou à “l’enthousiasme”.
L’ennui, c’est que les éléments qui font à la productivité sont “copiables”, et qu’on ne peut compter sur eux pour garder notre avantage longtemps.
Pourquoi cette obsession sur la pauvrete des travailleurs? C’est un faux probleme.
Dans le mileu ou vous évoluez, peut-être. Mais dans celui ou je travaille, je peux vous assurer que c’est un problème on ne peut plus “vrai”…
S’il y a suffisamment de richesses crees on peut toujours redistribuer.
Mais ce n’est pas parce qu’on “peut” le faire qu’on le fait, et l’Allemagne en est le meilleur exemple. Par ailleurs, pour redistribuer il faut bien prelever…
Ce n’est pas un debat sur le niveau de vie des travailleurs.
Bien sur que si. Après tout, je ne vois pas l’intérêt de vivre dans un pays riche peuplé de pauvres.
“Parce que c’est quoi, pour vous, les “intérêts de la nation” ?” Le niveau de vie des citoyens
De quels “citoyens” ? Des ouvriers ? Des employés ? Des classes moyennes ? Des grands patrons ? Et lorsqu’on appauvrit une catégorie pour enrichir une autre, que deviennent “les intérêts de la
nation” ?
Le problème n’est pas aussi simple que vous semblez le croire. Définir à partir des intérêts différents, voire antagoniques, des différents groupes sociaux ce que vous appelez “l’intérêt de la
nation” est un problème très complexe.
Parfaitement d’accord. La seule solution a l’equation est la responsabilisation de l’electorat. Apres tout, en democratie, les electeurs ont le pouvoir. Pourquoi se sentiraient-ils exempts de
responsabilites?
Totalement d’accord. C’est le point de vue que j’ai toujours défendu dans ces colonnes.
Ce qui est tres difficile lorsqu’il y a toujours un parti pour pretendre que les sacrifices ne sont pas necessaires tout en promettant un avenir encore plus radieux.
C’est cela la contrainte démocratique. J’attire votre attention sur le fait que cela ne marche pas si mal. Après tout, Churchill avait déclaré n’avoir à proposer que du sang, de la sueur et des
larmes et son peuple l’a suivi lui plutôt que ceux qui affirmaient qu’il serait plus simple et moins douloureux de s’entendre avec Hitler.
Je ne partage pas votre méfiance envers la sagesse populaire. Lorsqu’on demande aux peuples des sacrifices, ils les acceptent. A condition que ces sacrifices soient perçus comme justes et utiles.
Le problème auourd’hui est qu’on prétend faire accepter par les travailleurs des sacrifices alors que les salaires des grands patrons explosent et que les classes moyennes sont protégées. Et que
ces sacrifices, loin d’amener un avenir meilleur, semblent uniquement servir à “sauver” le système financier. Comment dans ces conditions leur en vouloir ?
“on peut toujours dire que les socialistes ont fait les 35 heures […]”
Hum… je suis toujours partagé à ce sujet. Dans un cadre de libre-échange et sous les contraintes de Maastricht, il est clair qu’un tel coup à la compétitivité sans pouvoir le compenser par
d’autres mécanismes est une aberration qui produit plus de destruction qu’autre chose. Plus fondamentalement, c’est encore une logique de profit à court terme et un oubli de l’investissement.
Mais dans le fond, la mesure permet aux travailleurs de récupérer une part des gains de productivité qu’ils n’avaient pas touché depuis longtemps. Donc c’est un juste retour des choses que j’ai
du mal à critiquer… même si cela fait aussi des heureux et des moins heureux: ceux qui ont les moyens sont contents de récupérer du temps libre pour les loisirs, les autres auraient
préféré “travailler plus pour pour gagner plus” et convertir leurs gains de productivité en espèces sonnantes et trébuchantes. Ne pourrait-on pas aussi voir là un juste retour du “temps libre
pour l’épanouissement” en face du “vol de temps de travail” opéré par la mécanique capitaliste ? Ça ressemble un peu à ton “capitalisme constructif”…
En revanche, nous sommes d’accord: on ne peut pas répartir le travail même si les socialistes l’avaient pensé comme ça, c’est une bêtise. Ce sont d’ailleurs les même qui pousseront des cris
d’orfraie quand l’extrême droite posera l’équation “un immigré = un chômeur supplémentaire” alors que ça part de la même logique malthusienne. D’accord également sur la droite qui s’en plaint
beaucoup mais n’a rien fait – à sa décharge, il est très difficile de revenir sur ce genre de choses. Cela ne les empêche pas d’essayer…
Hum… je suis toujours partagé à ce sujet.
Moi aussi. Je pense que ce fut une mesure désastreuse, et non seulement à cause du problème de compétitivité. C’est aussi une mesure qui renforce le discours qui dévalorise le travail et
survalorise le loisir, la consommation plutôt que l’investissement.
Mais dans le fond, la mesure permet aux travailleurs de récupérer une part des gains de productivité qu’ils n’avaient pas touché depuis longtemps.
Pas vraiment, puisque la contrepartie des 35 heures fut la modération salariale et la “flexibililisation” du travail. En fait, les ouvriers ont continué à travailler le même nombre d’heures, les
heures supplémentaires compensant la “modération salariale”. Par contre, pour les classes moyennes, cela s’est traduit dans un échange à ressources constantes entre travail et loisir.
Ne pourrait-on pas aussi voir là un juste retour du “temps libre pour l’épanouissement” en face du “vol de temps de travail” opéré par la mécanique capitaliste ? Ça ressemble un peu à ton
“capitalisme constructif”…
Plutôt le contraire. Personnellement, je pense le travail comme fonction sociale nécessaire qu’il faut préserver, et non comme malédiction qu’il faudrait abolir, ou du moins qu’il faudrait
cantoner dans un coin. Si on a les moyens nécessaires, je trouve plus intéressant de les investir à améliorer les conditions du travail, son intérêt, plutôt que chercher à réduire sa durée.
“Personnellement, je pense le travail comme fonction sociale nécessaire qu’il faut préserver, et non comme malédiction qu’il faudrait abolir, ou du moins qu’il faudrait cantoner dans un
coin.”
C’est d’abord le système capitaliste qui considère le travail, en quelque sorte, comme une “malédiction qu’il faut abolir”, puisque tout son effort tend à diminuer sans cesse la quantité de
travail nécessaire à la production. Dans ces conditions, il y a quelque injustice à attribuer cette conception aux seuls partisans des 35 heures.
“Si on a les moyens nécessaires, je trouve plus intéressant de les investir à améliorer les conditions du travail, son intérêt, plutôt que chercher à réduire sa durée.”
Précisément, et ceci rejoint ma réflexion précédente, le capitalisme n’a eu de cesse que de diminuer “l’intérêt” du travail, en vue de le rationnaliser, de le déqualifier, et par suite de faire
baisser son coût. Dès lors, M. Descartes, si vous entendez vraiment, je veux dire sérieusement, améliorer l'”intérêt” du travail, je crois que vous allez déranger bien plus profondément les
capitalistes qu’avec les malheureuses 35 heures.
C’est d’abord le système capitaliste qui considère le travail, en quelque sorte, comme une “malédiction qu’il faut abolir”, puisque tout son effort tend à diminuer sans cesse la quantité de
travail nécessaire à la production.
Quel rapport ? On peut constater que quelque chose a un coût sans pour autant le considérer une malédiction. Tiens, je fais en ce moment des travaux à la maison pou réduire la consommation
d’électricité. Doit-on conclure, suivant ton raisonnement, que pour moi l’électricité est une “malédiction” ?
Le “système capitaliste” n’a ici rien à voir. Au contraire, l’éthique du capitalisme est au contraire construite sur la sacralisation du travail et la diabolisation de celui qui ne travaille pas.
C’est au contraire une partie de la gauche qui n’arrive pas à faire la différence entre travail et travail aliéné, et qui par conséquence considère que tout travail est par nature aliénant.
Peut-on dire qu’un ingénieur qui dessine avec passion un nouvel avion, ou un directeur d’orchestre qui dirige un concert font du “travail aliéné” ? Qu’ils seraient plus heureux s’ils
travaillaient moins ? Je ne le crois pas. A partir de là, la question est moins de réduire le temps de travail que de réduire et suprimer l’aliénation du travail.
Dans ces conditions, il y a quelque injustice à attribuer cette conception aux seuls partisans des 35 heures.
Ce n’est pas ce que j’ai dit. L’idéologie des loisirs, celle qui déclare que l’homme ne peut qu’être aliéné dans sont travail et que par conséquence il ne peut s’épanouir que dans le loisir est
une idée bien plus ancienne. Les partisans des 35 heures n’ont fait que la reprendre.
Précisément, et ceci rejoint ma réflexion précédente, le capitalisme n’a eu de cesse que de diminuer “l’intérêt” du travail, en vue de le rationnaliser, de le déqualifier, et par suite de
faire baisser son coût.
Vous avez une vision “conspirative” qui vous conduit à prendre la cause par la conséquence. Non, les capitalistes ne sont pas des méchants qui cherchent sans cesse à diminuer l’intérêt du travail
ou à le déqualifier. Le but des capitalistes, non pas par méchancété mais par intérêt, est de réduire les coûts unitaires de production. Mais l’effet de cette course à la rentabilité n’est pas
nécessairement de réduire l’intérêt ou la qualification des travailleurs. Au contraire: un opérateur de sidérurgie aujourd’hui, qui de sa salle de commande contrôle l’ensemble du processus, fait
un travail infiniment plus intéressant et plus qualifié que le “chef de four” des temps anciens.
Historiquement, la qualification et l’intérêt du travail tend plutôt à s’accroître au fur età mesure que le capitalisme s’est développé. Si au départ la révolution industrielle à transformé les
artisans qualifiés en ouvriers peu qualifiés, au fur et à mesure que le capital a eu recours à des machines de plus en plus perfectionnées, il a fallu de moins en moins de gens de plus en plus
qualifiés pour les construire, les entretenir et les faire fonctionner. Penser que le capitalisme a poussé à une baisse des qualifications me paraît une affirmation pour le moins risquée… ne
seriez-vous pas un peu passéiste ?
Dès lors, M. Descartes, si vous entendez vraiment, je veux dire sérieusement, améliorer l'”intérêt” du travail, je crois que vous allez déranger bien plus profondément les capitalistes
qu’avec les malheureuses 35 heures.
Si je ne m’occupe que de l’intérêt du travail, je risque au contraire de faire plaisir aux capitalistes, qui seront ravis de monter en qualification pour réduire les effectifs, et de remplacer
les travailleurs qui font les tâches “inintéressantes” par des machines. Là où je vais véritablement les gêner, c’est si j’impose aussi un objectif de plein emploi…
“la contrepartie des 35 heures fut la modération salariale et la “flexibililisation” du travail. En fait, les ouvriers ont continué à travailler le même nombre d’heures, les heures
supplémentaires compensant la “modération salariale”.”
Je ne comprend pas bien ton explication. Si les ouvriers ont continué à travailler autant et être payé la même chose à cause de la modération salariale compensée par les heures sup, alors il n’y
a pas eu de perte de compétitivité pour ces emplois précis, “uniquement” de la précarité supplémentaire.
S’il y a eu perte de compétitivité, alors soit ça a été récupéré quelque part, soit en heures de temps libre (super pour les classes moyennes) soit en salaire (préféré par les ouvriers)…
Ce qui, évidemment, n’excuse pas le fait qu’une réduction du temps de travail en ce temps où l’on “survalorise la consommation et le loisir”, nous sommes d’accord là dessus ainsi que sur tout le
reste à propos de cette mesure. Mais la limite est difficile à tracer. Quand est-ce que le temps de travail est raisonnable et quand est-ce qu’il ne l’est pas ? Les 39h favorisaient-elles aussi
trop les loisirs ? Les 40h ? Pour moi c’est vraiment à lier avec les gains de productivité. Les 35h auraient une bonne idée hors d’un système de libre-échange et sans la modération salariale et
la précarité, bref, comme une pure “redistribution” des gains de productivité.
“je pense le travail comme fonction sociale nécessaire qu’il faut préserver, et non comme malédiction qu’il faudrait abolir,”
Je ne pense pas le travail comme une fonction sociale non nécessaire qu’il faudrait abolir, mais nous ne serons pas d’accord tout de même. Tout dépend déjà de ce qu’on appelle “travail”.
Je t’avais déjà posé la question sur ce concept intriguant d’aliénation mais tu n’avais probablement pas eu le temps répondre. Avec ta réponse à dsk, je comprend que travail aliéné = travail
abrutissant en somme ? Et forcé aussi ? Je croyais avoir compris que ça voulait dire que l’Homme disparaissait derrière son travail et qu’on achetait des marchandises sans réaliser que c’était du
travail humain derrière, alors réifié. Dans ce cas oui, un travail “non aliénant” (et tes exemples sont bons) n’est pas quelque chose qu’il faudrait abolir. Au contraire, ce serait positif
effectivement de transformer le travail aliéné en travail tout court (on peut dire enrichissant ?). Mais pour effectuer concrètement cette transformation, alors là…
En attendant, le travailleur produit (travail aliéné ou pas) une partie du temps pour lui, et une grande partie du temps pour le patron, constituant ainsi la plus-value. Que de temps qu’il
pourrait utiliser pour faire autre chose (et pourquoi pas un travail non aliénant comme construire lui-même sa maison) ! Se cultiver par exemple. Sans temps libre, on n’a pas le temps de penser
non plus… pratique pour la classe dominante en place.
Parfois je me prend à rêver d’une société ou l’a atteint un tel niveau de productivité qu’on peut y travailler quelques heures pour couvrir nos besoins de base et ensuite être disponible pour
bâtir de grandes choses, mener des projets complexes, lire, s’instruire, débattre, participer à la vie de la collectivité et pourquoi pas produire parfois des objets “futiles” pour le pur
plaisir… et tout sortes d’activités et de travaux “non aliénantes” (si c’est bien ça que ça veut dire). Mais bon, là, je divague et tu risques de m’arrêter très vite … 😉
Je ne comprend pas bien ton explication. Si les ouvriers ont continué à travailler autant et être payé la même chose à cause de la modération salariale compensée par les heures sup, alors il
n’y a pas eu de perte de compétitivité pour ces emplois précis, “uniquement” de la précarité supplémentaire.
Tout à fait. Je ne suis pas du tout persuadé qu’en bout de compte il y ait eu des pertes de compétitivité dans les activités économiques ou ce type de compensation a pu marcher. Ce qui est le cas
dans les activités industrielles ou la main d’oeuvre ouvrière prédomine.
Mais la limite est difficile à tracer. Quand est-ce que le temps de travail est raisonnable et quand est-ce qu’il ne l’est pas ?
Je suis d’accord avec toi. C’est une question d’équilibre de vie, et c’est pourquoi d’ailleurs les horaires de travail – indépendamment de sa durée – ne sont pas les mêmes dans toutes les
cultures. L’équlibre “un tiers de sommeil, un tiers de travail, un tiers de loisir” me semble produire un équilibre assez harmonieux. Maix comme tu le dis, il y a aussi une question de
productivité. Dans un système fermé, le temps de travail “juste” serait celui qui permettrait, en utilisant les technologies de production les plus productives compatibles avec le capital
disponible, d’atteindre le plein emploi.
Je t’avais déjà posé la question sur ce concept intriguant d’aliénation mais tu n’avais probablement pas eu le temps répondre. Avec ta réponse à dsk, je comprend que travail aliéné = travail
abrutissant en somme ? Et forcé aussi ?
Il y a les deux. La notion de “travail aliéné” couvre le fait qu’on ne travaille pas pour soi, mais pour un “autre” qui vous impose les conditions de votre travail et qui empoche une partie de la
valeur produite. La question du travail aliéné en travail enrichissant est une question que Marx a posé mais à laquelle il n’a pas répondu, et je dois dire que les travaux théorique sur ce sujet
ne me paraissent pas très convainquants.
Parfois je me prend à rêver d’une société ou l’a atteint un tel niveau de productivité qu’on peut y travailler quelques heures pour couvrir nos besoins de base et ensuite être disponible pour
bâtir de grandes choses, mener des projets complexes, lire, s’instruire, débattre, participer à la vie de la collectivité et pourquoi pas produire parfois des objets “futiles” pour le pur
plaisir…
Cela semble idéal mais… crois-tu vraiment que si les hommes “étaient disponibles” ils auraient envie de “bâtir de grandes choses, mener des projets complexes, lire, s’instruire, débattre…
etc.” ? N’utiliseraient pas plutôt cette “disponibilité” pour glander tranquilement à côté de la piscine, les pieds en éventail ? Tu sais, à l’heure de stimuler la construction de “grandes
choses”, la nécessité a toujours été un moteur bien plus puissant que la liberté…
“Quel rapport ? On peut constater que quelque chose a un coût sans pour autant le considérer une malédiction.”
Lorsqu’on est un capitaliste, difficilement.
“Tiens, je fais en ce moment des travaux à la maison pou réduire la consommation d’électricité. Doit-on conclure, suivant ton raisonnement, que pour moi l’électricité est une “malédiction”
?”
Certainement pas, à condition toutefois qu’elle provienne d’une centrale nucléaire.
“Peut-on dire qu’un ingénieur qui dessine avec passion un nouvel avion, ou un directeur d’orchestre qui dirige un concert font du “travail aliéné” ? Qu’ils seraient plus heureux s’ils
travaillaient moins ? Je ne le crois pas.”
Sur ce coup là, vous me décevez un peu, M. Decartes. Si l’un de vos contradicteurs avait fondé son argumentation sur de tels cas tout-à-fait exceptionnels, je crois que vous ne l’auriez
certainement pas loupé. Bien sûr qu’il existe des métiers passionnants, que l’on n’exerce pas par contrainte, et les partisans des 35 heures l’ont, à ma connaissance, toujours reconnu. Les 35
heures s’adressent à l’immense majorité des salariés, qui n’ont pas, quant à eux, la chance de vivre de leur passion.
“A partir de là, la question est moins de réduire le temps de travail que de réduire et suprimer l’aliénation du travail.”
Merci de m’indiquer la marche à suivre…
“L’idéologie des loisirs, celle qui déclare que l’homme ne peut qu’être aliéné dans sont travail et que par conséquence il ne peut s’épanouir que dans le loisir est une idée bien plus
ancienne. Les partisans des 35 heures n’ont fait que la reprendre.”
Ce n’est pas, en tout cas pas seulement, une idéologie. C’est l’expression d’une réalité, qui découle de la rationalisation des processus de production opérée par le système capitaliste. Si vous
me contestiez sur ce point, M. Descartes, je vous mettrais alors au défi, devant l’objectif d’une caméra vidéo, d’aller expliquer aux caissières de votre hypermarché Auchan habituel qu’elles
peuivent trouver l’épanouissement dans leur travail.
“Non, les capitalistes ne sont pas des méchants qui cherchent sans cesse à diminuer l’intérêt du travail ou à le déqualifier. Le but des capitalistes, non pas par méchancété mais par intérêt,
est de réduire les coûts unitaires de production.”
Bien sûr. Je n’ai d’ailleurs pas dit que : “le capitalisme n’a eu de cesse que de diminuer “l’intérêt” du travail, en vue de persécuter ses victimes de choix que sont les
travailleurs”. J’ai dit que : “le capitalisme n’a eu de cesse que de diminuer “l’intérêt” du travail, en vue de le rationnaliser, de le déqualifier, et par suite de faire baisser son coût.”
“un opérateur de sidérurgie aujourd’hui, qui de sa salle de commande contrôle l’ensemble du processus, fait un travail infiniment plus intéressant et plus qualifié que le “chef de four” des
temps anciens.”
C’est que le processus n’est pas linéaire. La complexification des techniques peut, dans une certaine mesure, qu’il reste d’ailleurs à évaluer, accroître l'”intérêt” du travail, encore qu’il
faudrait aussi demander là dessus son sentiment à l’opérateur en question. Quoi qu’il en soit, il n’en demeure pas moins que la logique capitaliste tend à diminuer au maximum le recours à
l’emploi qualifié, tout simplement car celui-ci est plus coûteux.
“Penser que le capitalisme a poussé à une baisse des qualifications me paraît une affirmation pour le moins risquée…”
Je dis que le capitalisme pousse à une baisse des qualifications, même si, en sens inverse, la complexification des techniques peut effectivement pousser à leur hausse.
“ne seriez-vous pas un peu passéiste ?”
Disons que je ne m’interdis pas de remettre en cause l’idée selon laquelle nous progresserions forcément, et par conséquent, de me demander dans quelle mesure nous ne pourrions pas, également,
régresser vis-à-vis du passé.
“Si je ne m’occupe que de l’intérêt du travail, je risque au contraire de faire plaisir aux capitalistes, qui seront ravis de monter en qualification pour réduire les effectifs, et de
remplacer les travailleurs qui font les tâches “inintéressantes” par des machines. Là où je vais véritablement les gêner, c’est si j’impose aussi un objectif de plein emploi…”
Tout-à-fait. Il me semble d’ailleurs que les capitalistes seront à 100% d’accord avec vous pour soulager les travailleurs français des tâches inintéressantes, en les confiant à des travailleurs
chinois ou autres. Toutefois, si vous leur demandez, ce faisant, de ne pas créer de chômage en France, ce sera plus compliqué…
Sur ce coup là, vous me décevez un peu, M. Decartes. Si l’un de vos contradicteurs avait fondé son argumentation sur de tels cas tout-à-fait exceptionnels, je crois que vous ne l’auriez
certainement pas loupé.
C’est vous qui me décevez: je vous rappelle que pour réfuter une affirmation générale, il suffit d’un seul exemple. Pour réfuter l’idée que le travail, par essence, est une malédiction, il suffit
de montrer un seul travail qui ne le soit pas. Il va de soi que j’aurais accepté cet argument de n’importe lequel de mes contradicteurs. C’est pourquoi j’essaie – pas toujours avec succès – de
m’abstenir de faire des affirmations générales…
Bien sûr qu’il existe des métiers passionnants, que l’on n’exerce pas par contrainte, et les partisans des 35 heures l’ont, à ma connaissance, toujours reconnu.
Pas vraiment. Pour ne donner qu’un exemple, la loi instituant les 35 heures ne prévoit aucune exception fondée sur l’intérêt du métier. Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’un métier est
“passionnant” qu’on ne l’exerce pas “par contrainte”. Un chef d’orchestre doit être à son pupitre prêt à diriger à l’heure prévue pour le concert, qu’il en ait envie ou pas. Et tous les chefs
d’orchestre ne sont pas des rentiers ou des aristocrates, et sont contraints de faire des compromis pour manger.
Les 35 heures s’adressent à l’immense majorité des salariés, qui n’ont pas, quant à eux, la chance de vivre de leur passion.
Mais “l’immense majorité des salariés” aime son métier et la meilleure preuve est qu’ils résistent ongles et dents l’idée de reconversion. J’ai eu à me frotter à une époque à la question de la
reconversion minière. Et bien, alors que les métiers du fond sont parmi les plus pénibles, les plus sales, les plus dangereux qui soient, les anciens mineurs y étaient profondément fiers et
attachés, et vivaient leur transfert vers d’autres tâches comme une déchéance. Le rapport au travail est bien plus complexe que les soixante-huitards attardés ne le pensent, et des métiers que
beaucoup d’intellos jugent “inintéressants” sont au contraire vécus comme passionnants par ceux qui les font. Un boulanger, un mécanicien auto, un technicien de centrale nucléaire peuvent tirer
de leur travail des satisfactions aussi grandes qu’un chef d’orchestre.
Si les notions de “travail aliénant” et de “travail épanouissant” sont théoriquement faciles à comprendre, dans la vie de tous les jours elles deviennent difficiles à séparer. Je pense que la
gauche n’a pas suffisamment réflechi à cette question, et c’est peut-être là la cause de l’échec des 35 heures. On en a fait un dispositif contraignant et général alors que les rapports de
travail sont très différents d’un travail à l’autre, d’un secteur à l’autre. On ne peut pas parler de “travail aliéné” de la même manière dans un hôpital public et dans une entreprise de
nettoyage de bureaux ou de ramassage des ordures.
“A partir de là, la question est moins de réduire le temps de travail que de réduire et suprimer l’aliénation du travail.” Merci de m’indiquer la marche à suivre…
La “marche” est assez évidente: associer les travailleurs à la finalité de leur travail. Un travailleur qui sent qu’il travaille pour le bien de la collectivité ou bien pour gagner beaucoup
d’argent – ce sont les deux formes “d’association” les plus courantes – est généralement bien plus motivé et passionné par son travail que ceux qui ont conscience de se tuer à la tâche pour le
seul bénéfice d’un actionnaire.
La difficulté n’est pas tant de trouver la “marche à suivre”, mais de désarmer les inévitables résistances que cette “marche” rencontre dans son chemin….
Ce n’est pas, en tout cas pas seulement, une idéologie. C’est l’expression d’une réalité, qui découle de la rationalisation des processus de production opérée par le système capitaliste.
Sauf à ce que la “réalité” s’exprime directement, ce qui est très rare, “l’expression d’une réalité” relève toujours d’une interprétation, et donc d’une idéologie. Comme je l’ai montré plus haut,
la “rationnalisation des processus de production” n’aboutit pas nécessairement à une aliénation croissante du travail. Ce fut le cas pendant la première période capitaliste, celle de la
révolution industrielle, mais l’expérience des “trente glorieuses”, ou la croissance massive de la productivité s’est accompagnée d’une montée des qualifications, une amélioration des conditions
de travailet de rémunération montre que ce n’est pas un effet nécessaire du capitalisme.
Si vous me contestiez sur ce point, M. Descartes, je vous mettrais alors au défi, devant l’objectif d’une caméra vidéo, d’aller expliquer aux caissières de votre hypermarché Auchan habituel
qu’elles peuivent trouver l’épanouissement dans leur travail.
Je ne fréquente pas Auchan, mais j’ai un Monoprix tout en bas de chez moi. Les caissières y tournent extrêmement peu, et on y trouve toujours les mêmes, qui connaissent les clients, qui bavardent
avec eux, et qui ont l’air très heureuses de faire leur métier. Il faut dire que la direction du magasin semble avoir compris que des caissières plus heureuses donnent un meilleur service, et que
les clients – dans un environnement très compétitif, puisqu’il y a trois supermarchés dans un rayon de 300 m – apprécient ce service et tendent à choisir ce magasin plutôt que les deux autres
même s’il est un petit peu plus cher. En tout cas, je peux vous dire que cela pèse sur mon choix. Je n’aurais donc aucun problème à relèver votre défi.
Je pense que vous raisonnez dans une logique taylorienne, ou les travailleurs sont parfaitement substituables et où le travailleur content et le travailleur mécontent fournissent finalement la
même force de travail. Mais au fur et à mesure que le capitalisme se complexifie, ceci est de moins en moins vrai. Le patron ne cherche plus seulement un travailleur capable de visser un écrou
sur une chaîne chaque fois que la clochette sonne, comme le faisait Chaplin dans “Les Temps Modernes”. Aujourd’hui, le patron veut un travailleur qui fasse beaucoup plus. Un travailleur capable
de diagnostiquer une problème, de comprendre une situation, de s’adapter à une nouvelle machine. Et cela transforme le travail et le rend plus intéressant.
La difficulté, c’est que ce processus fait disparaître – ou pousse dans les profondeurs du classement salarial – les tâches répétitives, mécaniques, inintéressantes. Et que deviennent les gens
qui ne sont capables que de faire ces tâches-là ? Des chômeurs. En d’autres termes, à un bout de l’échelle les travailleurs devienennt de plus en plus qualifiés et les postes de plus en plus
intéressants, et de l’autre on augmente la population qui vit en dehors du monde du travail.
C’est que le processus n’est pas linéaire. La complexification des techniques peut, dans une certaine mesure, qu’il reste d’ailleurs à évaluer, accroître l'”intérêt” du travail, encore qu’il
faudrait aussi demander là dessus son sentiment à l’opérateur en question. Quoi qu’il en soit, il n’en demeure pas moins que la logique capitaliste tend à diminuer au maximum le recours à
l’emploi qualifié, tout simplement car celui-ci est plus coûteux.
Mais encore une fois, ça n’a rien à voir avec “le capitalisme”. C’est une pure question de rationnalité économique. Crois tu que les féodaux ou les anciens utilisaient des philosophes pour
extraire le sel des mines ? Bien sur que non. La recherche de la productivité, l’optimisation dans l’utilisation des facteurs de production, c’est propre à toute l’histoire de l’économie. Et si
le socialisme tel que tu le souhaites consiste à mettre des docteurs d’Etat à faire le travail de caissière de supermarché et des chirurgiens à nettoyer les bureaux, laisse-moi te dire qu’il est
bien mal barré.
Je dis que le capitalisme pousse à une baisse des qualifications, même si, en sens inverse, la complexification des techniques peut effectivement pousser à leur hausse.
En tout cas, les faits sont là: depuis trois siècles, le développement du capitalisme s’est traduit par une élévation du niveau de qualification qui n’a d’égal dans l’histoire de l’humanité.
Accuser le capitalisme de “pousser à une baisse des qualifications” me semble pour le moins trompeur. Que certains mécanismes économiques – qui ne sont pas exclusivement “capitalistes”, voir
ci-dessus – poussent à une baisse des qualifications, c’est possible. Mais d’autres, beaucoup plus puissants dans le capitalisme, ont poussé dans le sens inverse.
Cher Descartes,
Je me permets de donner la parole à un militant syndicaliste qui récuse la pertinence de votre argumentaire sur la baisse de compétitivité de la voiture Peugot pour le replacer dans le contexte
comptable des finances du groupe Peugot SA implanté dans son Holding PSA qui est une entreprise multinationale. Cette réalité comptable mondialisé mais tout à fait capitaliste a tout à voir
avec l’optimalisation du taux de rentabilité de son Holding multinational et non pas la rentabilité locale de sa filiale en France. Votre article et vos réponses aux commentaires décrivent plutôt
une logique entrepreneuriale d’une âge libérale révolue depuis 2o ans au moins. Je vous laisse méditer les arguments de M. Charles Hoareau en réponse à un article récent de Laurence Pinsolle dans
Marianne.fr sur le même sujet et posé dans les mêmes termes que les votres. M Hoareau outre son analyse économique propose d’adapter les mots d’ordre du Front de Gauche
dans son PLAN B; je parle de “désobéissance et de nationalisation”!Je suis plutôt d’accord avec son analyse et son approche- “bataille des droits”- droit national et constitutionnel contre
Traités Mercantiles UE. Si les syndicalistes sont décidés à aller vers l’affrontement cette fois-ci pour en faire un cas d’école au nom d’emploi je pense qu’ils trouveront une résonance forte
chez nous les citoyens du NON pour commencer!
| http://www.rassemblementcommuniste.org/cc5962 | coordcommuniste@numericable.fr
Cordialement
Angela Zassenhaus
Cette réalité comptable mondialisé mais tout à fait capitaliste a tout à voir avec l’optimalisation du taux de rentabilité de son Holding multinational et non pas la rentabilité locale de sa
filiale en France.
Mais si Peugeot “optimalise le taux de rentabilité de son Holding”, comment expliquez vous que l’action de cet Holding ait perdu trois-quarts de sa valeur cette dernière année ? J’ai du mal à
comprendre sur quel fondement le militant syndicaliste à qui vous voulez donner la parole “récuse” mon argumentaire. Dois-je comprendre que pour lui les voitures Peugeot sont toujours
compétitives ? Dans ce cas, comment explique-t-il qu’elles se vendent de moins en moins ? Peugeot chercherait-il à vendre le moins de voitures possibles ? Ne pensez-vous pas que c’est pousser un
peu loin la vision conspirationniste ?
Je vous laisse méditer les arguments de M. Charles Hoareau en réponse à un article récent de Laurence Pinsolle dans Marianne.fr sur le même sujet et posé dans les mêmes
termes que les votres.
Je peux difficilement “méditer” les argument d’un texte que je ne peux pas lire. Pourriez-vous donner la référence exacte du texte – un lien vers l’article en quetion serait encore mieux.
je parle de “désobéissance et de nationalisation”!
“Désobéissance” à quoi, exactement ?
Je suis plutôt d’accord avec son analyse et son approche- “bataille des droits”- droit national et constitutionnel contre Traités Mercantiles UE. Si les syndicalistes sont décidés à aller
vers l’affrontement cette fois-ci pour en faire un cas d’école au nom d’emploi je pense qu’ils trouveront une résonance forte chez nous les citoyens du NON pour commencer!
Mais “l’affrontement” pour construire quoi, exactement ? Le problème de ce genre de discours, c’est qu’il réduit la politique à un combat manichéen entre les “bons” et les “méchants”. Mais ne
nous dit pas ce que les “bons” feraient si par chance ils arrivaient à gagner la “bataille des droits”. C’est quoi, exactement, le projet que défend Hoareau ? Ok, on nationalise Peugeot. Et
ensuite ? La nationalisation n’est pas une baguette magique qui fera que les voitures Peugeot se vendront comme des petits pains. Pour cela, il faut arriver à les fabriquer à un prix qui attire
le consommateur. Comment on réussit ce tour de force ? On réduit les salaires ? Je doute que Hoareau soit d’accord. On réduit le coût du capital ? Comment ?
Les gens qui militent chez les “rouges vifs”, la “coordination communiste” et autres groupes “radicaux” au sein du PCF ont pour eux leur sincérité. Mais leur problème est qu’en dehors d’un retour
symbolique au “grand” PCF, ils n’ont pas grande chose de réaliste à proposer. Ils proposent le rejet de tout ce qui est et le “grand soir”. Seulement, tout ça n’est pas pour demain, et les
travailleurs le savent. Le PCF a réussi à représenter la classe ouvrière lorsqu’il a réussi une synthèse entre le court terme et le (très) long terme: la synthèse entre une politique kéynésienne
et “gaullo-communiste” pour le présent et le socialisme radieux pour l’avenir. A être en même temps républicain et nationaliste tout en étant internationaliste. Ceux qui veulent “reconstruire” le
PCF feraient bien de s’en souvenir…
URL article : http://www.rougemidi.fr/spip.php?article7064
PSA A qui
la faute? par Charles Houreau
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Personne n’a
dit que la voiture Peugot bas de gamme ne se vend pas un peu plus cher ou un peu moins que ses concurrents mais il s’agit de “pertes toutes relatives” et probablement provisoires que
son Holding peut très bien compenser si les syndicats mettaient la pression! Il n’y a rien du complot dans tout célà.C’est une option politique de forcing pour Peugot et une option politique
d’emploi pour le contribuable pour ne pas payer les dégats ( les fameuses externalités).
Cordialement
AZ
URL article : http://www.rougemidi.fr/spip.php?article7064
PSA A qui la faute? par Charles Houreau
L’article correspond à ce que je connais d’Houreau et consorts. Le problème avec les groupes qui formet la gauche du PCF est qu’au lieu de prendre les faits et essayer de bâtir une explication
qui les prenne en compte, ils partent d’une explication congelée et inventent les faits pour la justifier. Ainsi, par exemple, Hoareau écrit que “force est de constater que seuls les
salarié-e-s feraient les frais de cet « effondrement » selon le plan de la direction et des actionnaires du groupe”. Mais quiconque va voir les chiffres notera, comme je l’ai fait,
que les actionnaires de Peugeot ont vu leurs actions perdre trois quarts de leur valeur en un an. Il n’y a donc pas que les “salarié-e-s” qui fassent les frais de l’effondrement des ventes.
Hoareau assène en fait des dogmes. Lorsqu’on écrit que “La vérité c’est que la situation de PSA et surtout de ses travailleurs, résulte de choix de gestion capitaliste et de rien
d’autre”, ce n’est pas seulement un dogme, c’est un dogme d’une inconmensurable bêtise: quel autre choix que la “gestion capitaliste” s’est offert à la direction de PSA ces trente dernières
années ? Quel aurait été le “choix de gestion non-capitaliste” réaliste qui aurait permis à PSA de ne pas se trouver dans cette situation ? A cette question, voici la réponse de Hoareau:
“Gageons que si ce gouvernement qui se dit de gauche disait à la famille Peugeot : « On vous a déjà donné trop d’argent (…) on réquisitionne l’entreprise et on la donne en gestion
aux salarié-e-s », ces derniers sauraient quoi faire dans l’intérêt général !”. On peut supposer, en étant gentil, que les “salarié-e-s” (pourquoi faut-il que Hoareau cède à cette
manie imbécile du “-e-s”…) sauraient gérer l’entreprise en fonction de leurs intérêts. Mais qu’est-ce qui permet de croire que ceux-ci iraient contre leurs intérêts pour
poursuivre un “intérêt général” ? Il y a en fait ici un dogme caché, une croyance idéaliste dans le fait que les travailleurs feraient prévaloir l’intérêt de tous sur leur propre intérêt.
Hoareau sacrifie aussi au mythe des “socialismes exotiques”: “Regardez du côté de l’Amérique du Sud ce que font des gouvernements face aux multinationales, y compris ceux qui ne sont pas
classés parmi les plus à gauche quand ils sont poussés par les travailleurs !”. Mais qu’est ce qu’ils font, exactement ? Et quels en sont les résultats ? Les pays qui ont des économies
de rente (l’Argentine, la Bolivie, Le Vénézuela) s’en sortent aussi longtemps que la rente est élevée et permet de distribuer des généreuses subventions. Mais lorsque la conjoncture se retoure –
et elle se retourne forcément un jour – c’est le désastre. Est-ce que la productivité de ces économies s’améliore ? Non. Or, c’est la productivité qui est la plus sûre mesure du développement
économique d’une nation, puisqu’on ne peut durablement distribuer plus qu’on ne produit.
Croire que ce genre de discours peut aujourd’hui séduire les travailleurs, c’est se fourrer le doigt dans l’oeil. En attendant le grand soir et la gestion socialiste des entreprises, il faut bien
proposer des analyses qui donnent aux faits connus de tous une cohérence, et proposer des solutions réalisables ici et maintenant.
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Personne n’a dit que la voiture Peugot bas de gamme ne se vend pas un peu plus cher ou un peu moins que ses concurrents mais il s’agit de “pertes toutes relatives” et probablement
provisoires
“Probablement” ? L’histoire industrielle de la France est remplie d’entreprises qui ont vu leurs pertes s’accroître jusqu’à la faillite. Pense à Boussac-Saint-Frères dans le textile, par exemple.
Ou à ManuFrance. Où aux forges du Creusot. Ces entreprises ne se sont jamais remises des “pertes tout relativs et probablement provisoires”.
que son Holding peut très bien compenser si les syndicats mettaient la pression!
De quel “holding” tu parles. PSA est la société holding, précisement. Si son action perd trois quarts de sa valeur, avec quoi voudrais-tu qu’ils “compensent” ?