Je ne sais pas si l’année 2013 tiendra toutes les promesses qu’on attribue habituellement à l’année nouvelle. Mais en tout cas, elle nous a déjà apporté au moins une bonne chose: l’intervention française au Mali. Vous vous étonnerez peut-être, cher lecteur, de me voir aussi enthousiaste au point de louer une initiative du président François Hollande (csss! csss!). Cependant, pour mes lecteurs assidus ma position ne devrait nullement être une surprise. L’intervention au Mali, quelque soit son résultat sur le long terme, démontre trois choses qui me tiennent à coeur: la première, que la “grande France” n’a pas été totalement dévorée par la “petite France”. La seconde, que l’Europe, cet ectoplasme dont on nous explique qu’elle devrait être la deuxième puissance du monde n’est en fait que le deuxième marché, et n’est pas prête de devenir un véritable acteur politique. Et le troisième, finalement, c’est de confirmer que nos dirigeants ont finalement compris l’importance d’éviter l’apparition “d’états faillis”. Avec une telle pluie de bonnes nouvelles, pourquoi bouder son plaisir ?
La question de la “petite France” d’abord. J’ai plusieurs fois évoqué cette question dans ce blog, mais pour ceux qui le découvrent je voudrais faire un petit rappel. Il y a chez nous deux “France” différentes. L’une, c’est celle du “terroir”, du village, du voisinage, des parties de pétanque et de l’apéro avec les amis à midi. Celle où l’objectif de chacun est de vivre le mieux – où le moins mal possible – les années qui nous sont données de passer sur cette terre. C’est ce que j’ai appelé la “petite France”. A côté, il y a l’autre France, celle de la “grandeur”, des idées universelles, d’une vision mondiale dans laquelle la France a un rôle à jouer. Il ne s’agit pas d’établir une hiérarchie entre les deux “France”, mais de comprendre que cette dichotomie entre une France “immanente” et une France “transcendante” a constamment façonné notre histoire, et que c’est en partie cette dualité qui nous différencie de nos voisins “européens” à l’exception notable de l’Angleterre. L’exemple le plus caricatural est celui de l’Allemagne, pour qui le monde se réduit à la Mitteleuropa, et les objectifs politiques à l’accumulation la plus grande possible de richesse dans ses frontières étroites. Même le régime nazi, qui pourtant avait une vision expansionniste, a fonctionné sur une vision de “petite Allemagne”: ayant occupé la quasi totalité de l’Europe, pas une fois le régime nazi ne mena dans un territoire occupé une politique de développement local. Sa logique se réduisait à une logique de pillage simple. Comparez à la logique coloniale française, qui chercha depuis Napoléon Ier jusqu’aux années soixante à “moderniser” les pays sous sa domination et y créa des institutions qui étaient un “miroir” des institutions métropolitaines.
L’affrontement entre la “petite France”, celle du “lâche soulagement” de Munich et de l’armistice de 1940 qui permettait de préserver le petit bonheur quotidien en cédant à Hitler, et la “grande France”, celle persuadée que même perdue sur le territoire la guerre pouvait être gagnée parce que “c’était une guerre mondiale”, est permanent dans notre histoire. Les français tour à tour se sont enthousiasmés pour un De Gaulle ou un Napoléon, puis les ont rejeté sous prétexte que le coût de leurs campagnes pesaient sur leur niveau de vie. Cet affrontement, qui sous-tend celui entre jacobins et girondins, entre le Roi Soleil et les Princes, fait partie de notre imaginaire politique.
L’affaire du Mali a souligné d’une manière éclatante que cet imaginaire est vivant, malgré la “germanisation” forcée qu’on prétend nous imposer dans une Europe devenue, il faut bien le dire, allemande. La “grande France” n’est pas encore morte, loin de là. Pensez-y: à l’heure où l’ensemble de l’Europe se recroqueville sur elle même, que chaque gouvernement devenu Harpagon ne se préoccupe que de sa cassette – ça s’appelle “déficit” aujourd’hui, mais c’est la même chose – voici qu’un pays, le nôtre, décide que cela vaut la peine de dépenser quelques millions d’euros pour peser sur les affaires du monde. Et je dis bien “un pays”, parce que ceux qui se sont opposés à l’intervention sur le fondement de son coût se comptent avec les doigts d’une main. Voici qu’un gouvernement nous explique que nous ne pouvons pas nous désintéresser des affaires du vaste monde, ou les confier au Grand Gendarme dans la confiance qu’il sait ce qui est le mieux pour nous. N’est ce pas significatif ?
Vous me direz que Hollande ne fait ça que pour gagner quelques points dans les sondages et une stature présidentielle. Admettons. Mais si Hollande gagne des points et une stature en prenant cette position, cela signifie qu’il existe dans notre peuple une demande de positions telles que celle-ci. En Allemagne, en Scandinavie, en Autriche un gouvernement qui aurait pris cette décision aurait au contraire perdu des voix. On lui aurait reproché de jeter l’argent par les fenêtres alors que les sacro-saints déficits se creusent. Pas en France, où les oppositions à l’intervention se fondent sur des considérations sur le colonialisme ou sur la difficulté de l’opération, et non sur son coût. Que notre peuple soit encore capable de penser en termes de “grande France”, que notre structure politico-administrative soit en mesure de prendre une décision claire et de l’exécuter techniquement, voilà la bonne nouvelle de l’année.
Ce qui nous amène au débat sur la “petite” et la “grande” Europe. Les eurolâtres français nous bassinent depuis bientôt trente ans avec la deuxième option. L’Europe, nous disent-ils, doit devenir une puissance, capable de peser dans les affaires du monde, alors que la puissance des “petits” états européens recule devant celle des “grands ensembles continentaux”. De “brigade franco-allemande” en “politique de défense et de sécurité commune”, de “monnaie unique” en “service diplomatique de l’Union” on nous expliquait qu’il ne manquait à l’Europe que les instruments de la souveraineté pour que cette nouvelle puissance voie le jour. Mais les eurolâtres français n’ont pas vraiment compris que leur rêve, qui était concevable du temps ou la France et l’Angleterre représentaient grosso modo la moitié de l’Europe, devient de plus en plus illusoire au fur et à mesure que l’Union s’étend en incorporant des pays dont la tradition politique est celle de la “petite Europe”, et que la vision “mittel-européenne” prend le dessus. On avait dejà perçu le problème lors des épisodes antérieurs, mais l’affaire malienne montre combien l’Europe est, en termes politiques, inexistante. Non parce qu’elle n’a pas les instruments, mais parce qu’elle n’a aucune volonté – et on pourrait ajouter aucune vision – pour les utiliser. La majorité des états européens sont parfaitement confortables avec l’idée de se consacrer exclusivement à leurs petits problèmes, et laisser le Grand Gendarme s’occuper des affaires du monde. Et s’il faut donner un peu d’argent au Grand Gendarme, pour cela, pourquoi pas. Ce sera toujours moins cher que prendre les choses en main soi même.
C’est pourquoi c’était passionnant d’écouter l’intervention de Cohn-Bendit devant le Parlement Européen cette semaine. Pour la première fois, le leader de mai 1968 devenu “libéral-libertaire”, a publiquement ouvert les yeux sur ce qu’est véritablement l’Union européenne: une conférence de riches disposée à payer – et encore – pour que d’autres fassent la guerre, mais incapables d’aller au delà. Et l’indignation de Cohn-Bendit était celle du chien fidèle qui, s’attendant à un sucre, reçoit un coup sur le museau. C’était la déclaration d’un amoureux déçu. Si l’on m’avait dit qu’on entendrait un jour Cohn-Bendit défendre devant le Parlement européen “l’impôt du sang”… mongénéral doit bien rigoler sur son nuage.
Reste le Mali lui même. La décision de la France confirme une ligne politique qui me paraît fondamentalement bonne: on ne peut plus se permettre le luxe d’avoir des “états faillis” à la mode somalienne. Là encore, nous avons un problème historique. Les Etats-nations ne sont pas une constante de l’histoire, mais un produit de celle-ci. Il a fallu des millénaires en Europe pour que les systèmes tribaux (1) et féodaux cèdent le pas à un Etat-nation moderne. En Afrique, l’Etat nation est un héritage colonial, qui ne correspond pas à une évolution autonome des sociétés. C’est pourquoi les Etats africains ont plus ou moins bien marché aussi longtemps qu’ils avaient à leur tête des élites formées “à l’européenne” (Senghor, Houphouet-Boigny…). Celles-ci ont présidé des régimes qui, même lorsqu’ils étaient fort peu démocratiques, s’appuyaient sur une véritable logique d’Etat-nation. Avec leur disparition arrivent au pouvoir des élites qui n’ont souvent eu aucun contact avec l’Europe et son histoire, et aucun respect pour les institutions qu’elle a produit. Aux logiques d’Etat se substituent souvent des logiques ethniques, claniques et tribales. La logique d’élection ne fonctionne plus comme logique de légitimation, puisque aucun candidat – représentant souvent un groupe tribal ou ethnique – n’est prêt à reconnaître la défaite, et préfère la guerre civile plutôt que d’accorder la légitimité à son adversaire. L’idée d’un Etat arbitre est impossible, puisqu’il y a consensus à l’intérieur de chaque groupe sur l’idée que l’Etat doit être au service du groupe dominant. Et on voit apparaître ce qu’on appellera des “états faillis”, c’est à dire, des espaces qui gardent nominalement le nom d’Etats, mais à l’intérieur desquels la logique de l’Etat (le régime de légalité, le monopole de la force légitime) n’existe plus.
Cela nous pose problème parce que le régime juridique international issu de la seconde guerre mondiale est fondée précisément sur les Etats-nations, qui peuvent entrer en conflit ou se faire la guerre entre eux, mais qui chacun est capable de garantir la mise en oeuvre de ses décisions sur le plan intérieur. C’est le principe du “pacta sunt servanda”, qui fait de chaque Etat le responsable de l’exécution des traités qu’il signe. Mais que se passe-t-il lorsqu’un “Etat” n’est plus en mesure de faire exécuter ces accords ? Par exemple, de contrôler les groupes terroristes qui s’organisent chez lui pour aller attaquer les autres ?
Les américains ont été les premiers à franchir la ligne rouge en Afghanistan dans les années 1980. Contrairement aux opératons de subversion antérieures, où chaque camp aidait chez l’autre des mouvements qui lui étaient proches idéologiquement et dont le but était de prendre le pouvoir d’Etat, celle organisée en Afghanistan visait au contraire à affaiblir l’Etat afghan en aidant des mouvements qui n’aspiraient pas au contrôle du pouvoir d’Etat, mais sa dissolution dans un magma de “chefs de guerre” tribaux. Le résultat fut, après le départ des soviétiques, un Etat failli qui servit de base à toutes sortes de groupes terroristes, dont Al-Quaeda, avec les résultats qu’on sait. En Somalie, ce fut la même politique avec le sabotage systématique du régime de Mengistu en Ethiopie, lui aussi considéré trop pro-soviétique pour être honnête, qui mena à la guerre civile et à la faillite de l’Etat.
La France a toujours – contrairement aux anglosaxons – eu conscience de l’importance de sauvegarder et de renforcer la logique étatique dans ces pays. Lors de la deuxième guerre du Golfe, la France a constamment averti les américains des risques que posait l’effondrement de l’Etat iraquien. Dans sa politique africaine, elle est à chaque fois intervenu préventivement lorsqu’un Etat risquait de s’effondrer, comme ce fut le cas en Côte-d’Ivoire (2). Car les “états faillis” ont coûté à la communauté internationale – et aux pays en question – des milliards en monnaie et des milliers de vies humaines. Eviter que le Mali n’en devienne un me paraît un objectif fort louable.
Cependant, pour la gauche pacifiste et tiers-mondiste, cette intervention pose un sérieux problème théorique. En effet, admettre que cette intervention est nécessaire implique admettre qu’un demi-siècle après la décolonisation les états qui en sont issus ont encore besoin d’une aide des anciennes puissances coloniales pour assurer ce qui fait le bénéfice minimum vital du fonctionnement d’un Etat, c’est à dire, la paix publique. Que la fin de la colonisation ne se traduit pas mécaniquement par un progrès de sociétés “bridées” par la domination coloniale, mais au contraire par une involution, un retour à des formes politiques plus archaïques, que seule l’intervention des anciennes puissances coloniales permet d’éviter. De quoi réfléchir lorsqu’on pense à une politique du développement…
Descartes
(1) On l’oublie souvent, mais en Europe même certains peuples ont conservé un fonctionnement tribal-clanique jusqu’à des périodes très récentes. En Ecosse, par exemple, les “clans” ont fonctionné sur un mode quasi-tribal jusqu’au XVIIème siècle.
(2) Je trouve d’ailleurs remarquable que l’on ne parle plus de cette intervention et de ses résultats. Il semble pourtant qu’elle ait été un succès, et que le régime d’Alassanne Ouattara ait réussi à s’installer et à acquérir une véritable légitimité… la France aurait-elle honte de ses propres succès ?
Bonsoir ami et camarade,
Même le régime nazi, qui pourtant avait une vision expansionniste, a fonctionné sur une vision de “petite Allemagne”: ayant occupé la quasi totalité de l’Europe, pas une fois le régime nazi
ne mena dans un territoire occupé une politique de développement local.
Oui en même temps, l’occupation de l’Europe a duré quatre ans au milieu d’une guerre totale, et s’est achevé -heureusement- sur un écrasement de l’Allemagne nazie. Que serait-il advenu en cas de
victoire nazie ? Comment Hitler aurait-il organisé l’Europe conquise ? On n’en sait rien. Tant mieux !
Cela dit, je suis plutôt d’accord avec votre propos. Mais je ne peux m’empêcher d’observer que les djihadistes que nous combattons aujourd’hui, se sont armés il y a deux ans sur le dos
de la Libye khadafiste… avec le soutien des occidentaux dont les Français. Et j’ai peur qu’on joue le même jeu dangereux aujourd’hui en Syrie. Je me trompe ?
Oui en même temps, l’occupation de l’Europe a duré quatre ans au milieu d’une guerre totale, et s’est achevé -heureusement- sur un écrasement de l’Allemagne nazie. Que serait-il advenu en cas
de victoire nazie ?
Difficile à dire. Mais là n’est pas la question. Hitler n’a cherché dans aucun des pays occupés à mettre en valeur ses conquêtes économiquement autrement que par le pillage des ressources des
pays conquis. Il n’a pas cherché non plus à exporter les institutions de l’Allemagne nazi, et lorsque d’autres – par exemple l’aile collaborationniste de Vichy – ont essayé dans les pays occupés
pensant que cela leur vaudrait la bienveillance du dictateur, ils se sont trouvés devant un mur de mépris. Et d’après ses écrits et déclarations de l’époque, rien ne permet de penser qu’il aurait
changé d’attitude une fois la paix arrivée. Cette attitude contraste singulièrement avec celle du colonialisme traditionnel.
Et j’ai peur qu’on joue le même jeu dangereux aujourd’hui en Syrie. Je me trompe ?
Probablement pas. D’où la très grande prudence des occidentaux dans l’affaire syrienne…
“En Somalie, ce fut la même
politique avec le sabotage systématique du régime de Mengistu en Ethiopie, lui aussi considéré trop pro-soviétique pour être honnête, qui mena à
la guerre civile et à la faillite de l’Etat.”
Une petite erreur. En Somalie c’était Siyaad Barre et en Ethopie Mengistu
jusqu’en 91.
Une petite erreur. En Somalie c’était Siyaad Barre et en Ethopie Mengistu
jusqu’en 91.
Il n’y a pas d’erreur. Pour saboter le régime de Mengistu, les américains ont poussé la Somalie voisine, alors dirigée par Syaad Barre, à conquérir
la province ethiopienne de l’Ogaden. C’est cette tentative qui à amené l’Ethiopie à organiser la chute de Syaad Barre qui a précipité la Somalie dans la faillite.
bonsoir Descartes,
encore une fois, vous risquez de ne pas vous faire beaucoup d’amis chez les tiers-mondistes ! Enfin, à quelque
chose, malheur est bon: les anti-colonialistes de salon vont peut-être finir par comprendre qu’après plus 50 années d’indépendance, ce n’est pas la France qui est la principale responsable de
toute la misère économique de l’Afrique francophone, mais les Africains eux-mêmes!
La bonne nouvelle dans cette histoire, c’est que grâce à cette intervention réclamée par le gouvernement malien, et pour le plus grand déplaisir des partisans de la haine de soi, on va
finir par comprendre que le rôle de la France en Afrique n’a pas été si néfaste en terme d’organisation et d’administrations des ex-colonies. Certes, celles-ci ont permis d’instaurer des
dictatures parasitaires et souvent brutales (sans toutefois atteindre la cruauté d’un régime du type d’Amin Dada…), mais ce leg colonial qui a rendu possible une stabilité relative en Afrique
francophone qui a duré jusqu’au fameux sommet de la Baule de 1990. C’est peut-être à ce moment-là qu’il faut dater le début de la déliquescence des appareils d’Etat laissés par l’ex-colonisateur
aux pays d’Afrique Francophone, dont nous voyons les méfaits aujourd’hui…
Je peux me tromper, mais je pense qu’il faut mettre cela en parallèle avec la volonté des socialistes d’alors de se défaire de l’héritage colonial honni pour se fondre dans la future UE, qui ont
fait alors d’une pierre, deux coups: ils ont satisfaits leur bonne conscience pétrie d’anti-colonialisme en toc (alors qu’historiquement, ils avaient été colonialistes…), tout en se consacrant
à la “construction européenne” (“La France est mon passé, mon avenir, c’est l’Europe”, dixit Mitterrand).
On revient toujours à la question du bilan de la colonisation, avec laquelle personne n’est à l’aise, parce que le “bilan” en question – désastreux pour les uns, revindiqué pour les autres – a
servi pendant un demi siècle à justifier des prises de position politiques.
Il faut d’abord se souvenir de ce qu’était l’Afrique avant la colonisation. Car le colonisateur n’est pas arrivé dans un jardin d’Eden où toutes les créatures vivaient en liberté et en bonne
intelligence. L’Afrique méditerranéenne avait été d’abord envahie par les Arabes qui avaient dominé les cultures pré-existantes et imposé leurs lois et leurs coutumes. Dans l’Afrique
sub-saharienne on s’étripait allègrement entre ethnies et tribus rivales, sans compter sur les chefs de tribu qui vendaient sans complexe leurs prisonniers – et quelquefois leurs propres sujets –
en eslcavage. C’est aussi dans ce cadre que la colonisation doit être jugée.
La colonisation a un double visage: d’une part, ce fut pour les économies européennes une ressource importante, même si comme le montrent les études récentes on a tendance à surestimer la
contribution coloniale. Oui, les européens se sont appropriés des ressources locales et les ont exploitées. Mais les européens, pour optimiser ces ressources, ont amené dans leurs valises toute
une série de choses qui ont amélioré considérablement la vie des colonisés. Des institutions d’abord: l’Etat, la loi civile et les principes du droit moderne, l’école et l’université, et par le
biais de ces institutions un régime de paix civile qu’on n’avait jamais connu dans ces contrées. Les européens ont aussi amené la pensée scientifique, et avec elle toute une série de technologies
allant de l’agronomie jusqu’à la médecine. Cet apport représente un capital accumulé par l’Europe pendant des siècles…
Il ne s’agit pas de nier les horreurs de la colonisation. Il s’agit de comprendre que ces horreurs n’en sont qu’une facette, et pas forcément la plus importante. Que le rapport de l’ex-colonisé
avec l’ex-colonisateur est toujours ambigu, comme l’est le rapport entre un fils et un père. C’est la contradiction entre l’envie de liberté et le besoin de protection, la tentation de faire de
l’autre le coupable de tous ses maux tout en réalisant que c’est lui qui nous a façonnés. Peut être que les foules de maliens accueillant nos troupes avec des drapeaux tricolores à la main fera
poussera les français à réflechir sur ce que signifie leur pays por le reste du monde…
A propos de votre dernier paragraphe : si on pousse le raisonnement à son terme, ne faut il pas tout bonnement recoloniser tous ces pays ? Sérieusement, quelle vision du développement africain
avez-vous ? Si l’Europe a mis des siècles avant d’en arriver à ses institutions, comment assurer aux autres pays la même chance, autrement qu’en envoyant la troupe ?
A propos de votre dernier paragraphe : si on pousse le raisonnement à son terme, ne faut il pas tout bonnement recoloniser tous ces pays ?
La question est fort intéressante. Pour qu’une telle “recolonisation” fut possible, il faudrait d’abord que le “colonisateur” présomptif le veuille. Je suis loin d’être persuadé que ce soit le
cas: mettez au référendum demain devant les français une “récolonisation” qui ferait du Mali ou de l’Algérie des départements français, et la réponse serait massive: ce serait “non”. Croyez-vous
vraiment que les français prendraient aujourd’hui le risque d’avoir à assumer politiquemen et économiquement un tel fardeau ?
Je n’ai pas par contre d’avis sur le résultat que donnerait un tel référendum dans les “colonies” prospectives. Est-ce que les maliens ou les ivoiriens qui regardent l’état de leur pays
choisiraient un ratachement àla France s’ils en avaient l’opportunité, sachant qu’un tel rattachement ferait de la France le garant de la paix civile, du fonctionnement de l’administration et des
services publics… et de la liberté de s’installer en métropole, franchement, je ne saurai pas le dire. Qu’en pensez vous ?
Sérieusement, quelle vision du développement africain avez-vous ?
Une vision très pessimiste… et qui me semble avoir malheureusement été confirmée par l’évolution des trente dernières années.
Si l’Europe a mis des siècles avant d’en arriver à ses institutions, comment assurer aux autres pays la même chance, autrement qu’en envoyant la troupe ?
En d’autres termes, nous devrions nous abstenir d’empêcher un nouvel Auschwitz en Afrique sous prétexte que puisque nous avons eu le notre, ils ont bien le droit de faire la même expérience
historique ? Je crains que cette positionne soit pas éthiquement soutenable. Ma position est que personne ne peut refuser le pouvoir que lui donnent les circonstances. Nous ne pouvons pas nous
croiser les bras et laisser un pays aller au précipice sous prétexte qu’il a le droit de faire les mêmes erreurs que nous avons fait par le passé. Notre avance politique et technologique nous
donne des devoirs.
Mais j’aimerais connaître votre avis. Pensez-vous qu’il aurait fallu laisser les islamistes prendre Bamako au risque de faire du Mali un état failli ?
Cher Descartes,
ce qui me révulse, à l’heure actuelle, c’est d’entendre des discours comme ceux du président Boutefilka en Algérie, qui voudrait utiliser la colonisation française pour masquer l’incurie du FLN
qui dure depuis 50 ans! La guerre d’indépendance a été cruelle et dure pour les Algériens, mais elle n’excuse pas la corruption ni l’incompétence des dirigeants de ce pays, pourtant riche en
pétrole et en gaz naturel! C’est un irresponsable de la part de dirigeants algériens et d’autant plus rageant que ce type de discours est relayé par les anti-colonialistes de salons, qui ne font
qu’insister que sur la face sombre de l’histoire de la France, participant à la démoralisation des Français…
A titre personnel, mes parents viennent d’un pays de l’ancienne Afrique équatoriale française, et plus le temps passe, plus ils regrettent l’ordre et l’organisation qui règnaient dans leur pays
du temps de la colonisation. Certes, ils ont été traumatisés par les guerres d’indépendance et la répression coloniale, mais quand ils regardent leur pays aujourd’hui, ils ne voient que la
corruption, le désordre, le tribalisme et plus grave, la fuite vers l’Occident des plus capables! Bref il serait temps pour les Français de rétablir des relations de coopérations qui
permettent aux éléments les plus capables d’aider leur pays à se développer, en tenant compte des erreurs commises durant la période dite de coopération qui a succédée à la décolonisation.
A titre personnel, mes parents viennent d’un pays de l’ancienne Afrique équatoriale française, et plus le temps passe, plus ils regrettent l’ordre et l’organisation qui règnaient dans leur
pays du temps de la colonisation. Certes, ils ont été traumatisés par les guerres d’indépendance et la répression coloniale, mais quand ils regardent leur pays aujourd’hui, ils ne voient que la
corruption, le désordre, le tribalisme et plus grave, la fuite vers l’Occident des plus capables!
C’est là toute l’ambiguïté de la décolonisation… et c’est pourquoi il est si difficile de parler de cette époque. Les peuples colonisés avaient le droit d’avoir leur indépendance. Le problème,
c’est que cette indépendance ne s’est pas traduite par un progrès, mais plutôt par une regression. Les élites africaines ont cru qu’une fois aux commandes elles allaient pouvoir amener leur pays
vers l’avenir, elles ont été tirées en arrière par des forces puissantes venues du passé et qui ont vite eu raison de l’idéalisme. La gauche européenne, qui s’était tant investie dans la
décolonisation, n’a jamais réussi à avoir un retour critique…
> Mais j’aimerais connaître votre avis. Pensez-vous qu’il aurait fallu laisser les
> islamistes prendre Bamako au risque de faire du Mali un état failli ?
J’ai beaucoup de mal à avoir un avis, mes connaissances en la matière (situation actuelle du Mali, colonisation) étant bien minces.
Ma question en était vraiment une en fait.
Quant à la nécessité de passer par Auschwitz pour avoir un Etat digne de ce nom, avouez que vous poussez le bouchon un peu loin là, les choses me semblent un peu plus nuancées…
Quant à la nécessité de passer par Auschwitz pour avoir un Etat digne de ce nom, avouez que vous poussez le bouchon un peu loin là, les choses me semblent un peu plus nuancées…
Pas sûr… l’Etat “digne de ce nom” repose aussi sur une terreur partagé du désordre et de la guerre civile, qui fait que lorsque l’Etat arbitre une question, les perdants ne songent pas à tout
casser, mais se soumettent. C’est un peu ce qui manque en Afrique, ou l’on voit chaque fois que des élections sont organisées les perdants qui préfèrent casser la machine plutôt que laisser le
levier de commande à leurs adversaires. Or, cette terreur du chaos vient d’une longue expérience d’horreurs, dont Auschwitz fut le couronnement. Je n’ai pas dit qu’un Auschwitz fut indispensable
pour acquérir cette expérience historique… mais la question demeure: si l’on perçoit un Auschwitz en préparation en Afrique, devons nous – nous occidentaux – nous croiser de bras et refuser
d’intervenir au nom du droit de chaque peuple à faire sa propre expérience historique ? Ce n’est pas une question simple…
Votre article me rappelle l’histoire que j’ai entendue un jour contée par un vieux sage africain :
il y a trois catégories d’habitants en Afrique : les paysans qui savent qu’il faut labourer, semer, arroser, sarcler, puis récolter, mettre de coté une partie de la récolte pour semer la
prochaine moisson, entreposer les grains… et puis les artisans, qui achètent du fer, fabriquent des outils, les vendent , et gardent une partie de l’argent pour reconstituer leur matière
première… et la troisième catégorie, les chasseurs cueilleurs, qui se promènent avec arc et panier, tuent le gibier et ramassent les baies .. et qui crèvent si le gibier vient a manquer et si
les arbustes ne donnent pas pour une raison quelconque . Le drame de l’Afrique est qu’elle est gouvernée par les chasseurs cueilleurs
Il me semble que vous soulevez le principal problème posé par l’intervention au Mali : l’incapacité de nombre d’états africains a se doter justement d’un état digne de ce nom ; notre
intervention , si on reste dans le politiquement correct a la mode, devrait s’arrêter au moment ou la menace extérieure aura été au moins apparemment supprimée , mais ce qu’on pourrait appeler
les pesanteurs ethnologiques que vous dénoncez ( tribalisme, etc) recréeront aussitôt partis les mêmes effets ; tout cela ressemblerai fort au mythe de Sysiphe ; la même constatation
peut se faire au plan purement économique : on peut évoquer l’idée d’un plan marshall a destination de l’afrique, pour l’aider a surmonter le sous-développement, mais on constate depuis un
bon moment que s’est aussi une utopie si l’argent sert a payer des mercedes et alimenter des comptes privés en Suisse . En fait, une aide financière et économique devrai impérativement être
assortie de procédures de contrôle , d’audits effectués par une autorité extérieure, et pour être crédible, de capacités de sanctions sur les dirigeants corrompus ; j’entends d’ici les
hurlements au néocolonialisme, a la négation de la souveraineté des états …
Dans la mesure ou l’actualité démontre clairement le caractère bidon d’une Europe unie et cohérente, il faudra bien que la France choisisse a un moment donné : ou laisser tomber, avec les
conséquences a mon avis inacceptables que cela suppose, ou bien décider franchement d’une politique de tutelle, en annonçant franchement la couleur ; je doute que sur le long terme, Hollande
aie la moelle de le faire
Très bel exemple pour expliquer où est le problème.
Notre avance politique et technologique nous donne des
devoirs.
Personnellement, j’ai un peu de mal avec cette approche. Principalement avec “avance politique”
je ne suis pas certain que nous puissions utiliser ce terme et encore moins en faire un argument fondant une intervention. Le fait que nous vivions en démocratie ne nous donne pas de
responsabilités quant à la marche du monde… le fait que nous ayons les moyens et la volonté de conduire une action, oui. Je dirais plutôt que ce
sont nos intérêts, dont la préservation de notre sécurité, qui donne des devoirs à la France vis-à-vis de ses citoyens et non de l’extérieur.
“Notre avance politique et technologique nous donne des devoirs”. Personnellement, j’ai un peu de mal avec cette approche.
Je vous avoue que moi aussi. Pendant de longues années, je l’avoue humblement, j’ai soutenu la thèse contraire. Mais après beaucoup de lectures et pas mal d’expériences de vie, j’ai du
reconnaître mes torts. Il faut poser en droit international une notion qu’on peut rapprocher de la “non assistance à personne en danger”, et qu’on pourrait appeler la “non assistance à Etat en
danger”. Comme pour les personnes, cette notion doit être très restrictive: il ne s’agit nullement d’imposer à un Etat une politique au nom d’un principe du type “nous savons ce qui est le mieux
pour eux”, pas plus qu’il ne s’agit dans mon esprit de protéger “le peuple” contre “l’Etat”, en reprenant les thèses d’ingérence humanitaire. Mais lorsqu’il se produit une situation dans laquelle
un Etat – et donc la notion même d’ordre public – risque de s’effondrer, il est du devoir de ceux qui ont les instruments appropriés d’intervenir.
Le fait que nous vivions en démocratie ne nous donne pas de responsabilités quant à la marche du monde… le fait que nous ayons les moyens et la volonté de conduire une action, oui.
C’est dans ce sens que je l’entendais. Notre “avance politique” n’est pas un élément de légitimation, mais seulement une des raisons pour lesquelles nous avons “les moyens et la volonté”…
Je dirais plutôt que ce sont nos intérêts, dont la préservation de notre sécurité, qui donne des devoirs à la France vis-à-vis de ses citoyens et non de l’extérieur.
J’irai même un peu plus loin. Les Etats, en tant qu’institutions, sont un bien commun de l’humanité, et il est de l’intérêt de tous qu’il n’y ait pas d’états faillis.
Bonjour,
Je trouve que vous avez, dans ce billet et surtout dans les commentaires, une vision un brin idyllique et ethnocentrée de ce qu’a été la colonisation et ses suites. Il y a d’autre part une
manière grossière de présenter les positions adverses et en particulier de gauche, comme si elles ne formaient qu’un bloc et étaient dénuées de subtilité, puis de présenter ces subtilités comme
des contradictions ou bien comme des preuves d’un sage ralliement à une pensée bien cohérente, la votre.
Non, le récent conflit en Côte d’Ivoire n’est pas équivalent à l’actuel conflit au Mali. Celui de CI présente bien plus les traits d’un coup d’Etat aidé par la France. Sans préjuger de la
conformité des élections d’alors, la CI ne serait pas devenu un Etat “failli” sans l’intervention française. Conformité électorale, d’ailleurs bien battue en brèche par les deux principaux partis
de notre pays, modèle de modernité. Certes ce sont des élections de partis, ce n’est pas l’Etat, mais ça la fout mal quand même et cela montre que l’on n’est pas obligé de faire appel à un
tribalisme arriéré pour expliquer ces conflits, même si ils en prennent la forme.
La France coloniale a dessiné des frontières sur une carte à la règle, faisant fi de la géographie et des peuples (ou en y prenant garde, dans la logique du fameux “diviser pour mieux régner”) et
on voudrait que ces pays fassent des Etats cohérents sans soucis… Regardez pas loin de chez nous ce que pensent les catalans de l’Etat espagnol… Logique tribale là aussi ?
On peut tous reconnaître différents apports positifs de la France à ses anciennes colonies (sur le plan sanitaire notamment), les placer au-dessus des problèmes de la colonisation est tout
simplement indécent. Les algériens, du temps où l’Algérie était un département étaient des sous-citoyens Français, et ce n’était pas qu’une impression, c’était un statut administratif.
Au Tchad, on échangeait de la pacotille (sorte d’anneaux en plastique transparent coloré) contre des pierres précieuses.
La françafrique a favorisé dans certains pays l’élimination de personnalités trop émancipatrices à son goût, tel Thomas Sankara au Burkina Fasso ou Sylvanus Olympio au Togo et a soutenu des
présidents crapules un peu partout pendant longtemps.
Vous divisez la France en, France “immanente” et France “transcendante”, pourquoi pas, c’est une dichotomie possible. On peut la diviser moins prosaïquement en une France humaniste et une France
mafieuse et corruptrice où la première sert d’alibi à la seconde.
Je trouve que vous avez, dans ce billet et surtout dans les commentaires, une vision un brin idyllique et ethnocentrée de ce qu’a été la colonisation et ses suites.
Pour ce qui concerne l’idyllique, je pense avoir écrit explicitement qu’il n’était pas question pour moi de nier les horreurs de la colonisation. Et pour ce qui concerne “l’ethnocentrisme”…
j’avoue que ce genre de qualifications post-modernes me laisse un peu de marbre. D’autant plus que vous commetez, dans votre commentaire, le peché que vous dénoncez, comme je le montrerai plus
loin.
Il y a d’autre part une manière grossière de présenter les positions adverses et en particulier de gauche, comme si elles ne formaient qu’un bloc et étaient dénuées de subtilité, puis de
présenter ces subtilités comme des contradictions ou bien comme des preuves d’un sage ralliement à une pensée bien cohérente, la votre.
Je ne saisis pas très bien de quoi vous parlez. Je pense que le débat est plus intéressant lorsqu’on cherche à réfuter des arguments précis avec des arguments précis, au lieu de se perdre dans
des accusations générales.
Non, le récent conflit en Côte d’Ivoire n’est pas équivalent à l’actuel conflit au Mali.
Je n’ai pas dit le contraire. Ce que j’ai dit, par contre, c’est que les deux sont l’expression d’un phénomène plus général: l’affaiblissement progressif des institutions politiques que ces pays
ont hérité de la colonisation, et la tendance de ces sociétés à revenir à une organisation tribale ou clanique. Que ce phénomène se manifeste comme en Côte d’Ivoire par le refus d’une “tribu”
d’abandonner le pouvoir lorsqu’elle est battue par les urnes, fut-ce au prix d’une guerre civile; ou qu’il se manifeste comme au Mali par l’incapacité de l’Etat de contrôler son territoire
n’empêche pas que ce soient deux manifestations, différentes certes, du même phénomène.
Celui de CI présente bien plus les traits d’un coup d’Etat aidé par la France.
Faudrait tout de même pas exagérer. Laissons de côté le jeu dangereux de Gbagbo pour se perpétuer au pouvoir en jouant sur “l’ivoirité” et en attisant les conflits éthniques allant jusqu’à
constituer des milices privées à son service. Restons sur un point de vue strictement institutionnel: Gbagbo est élu en 2000 pour un mandat qui arrive à expiration 2005. A partir de cette date,
Gbagbo utilisera toutes les méthodes d’obstruction pour rester indéfiniment au pouvoir. Obligé d’accorder des élections en 2010, il en conteste par avance les résultats et préfère amorcer la
guerre civile plutôt que de céder le pouvoir au vainqueur. C’est alors que la France intervient, sous mandat de l’ONU, pour faire exécuter la volonté des électeurs. Où est le “coup d’Etat aidé
par la France” là dedans ?
Sans préjuger de la conformité des élections d’alors, la CI ne serait pas devenu un Etat “failli” sans l’intervention française.
Personne ne sait ce qui se serait passé si… mais la seule chose qu’on peut dire, c’est qu’en 2011 il y avait tous les ingrédients pour que la Côte d’Ivoire sombre dans une guerre civile entre
ethnies rivales, et que le risque d’effondrement de l’Etat ivoirien était très réel avec une partition de facto du pays.
Conformité électorale, d’ailleurs bien battue en brèche par les deux principaux partis de notre pays, modèle de modernité.
Je ne comprends pas très bien le sens de ce commentaire. Que voulez-vous dire exactement ?
La France coloniale a dessiné des frontières sur une carte à la règle, faisant fi de la géographie et des peuples (ou en y prenant garde, dans la logique du fameux “diviser pour mieux
régner”) et on voudrait que ces pays fassent des Etats cohérents sans soucis…
Cet argument est servi souvent. Mais réflechissez un instant. Comment pensez-vous qu’ont été tracées les frontières de la France ? Pensez-vous que ceux qui les ont tracées aient tenu compte de
“la géographie et les peuples” ? Bien sur que non. Les frontières de la France ont été tracées par l’histoire, par les alliances et les mésalliances, par les batailles gagnées et perdues, par les
traités et les rachats. Pourquoi la Corse et la Savoie sont françaises ? Et bien, parce qu’on les a achétées. Pourquoi l’Alsace est aujourd’hui française ? Parce qu’on a été dans le camp des
vainqueurs lors des deux guerres mondiales. Les frontières de la France sont aussi arbitraires par rapport aux “peuples” que celles du Mali ou de la Côte d’Ivoire. Elles séparent des “peuples” en
deux (pensez à la Catalogne, au Pays Basque, à l’Alsace, à la Flandre…) et font coexister dans un même pays des “ethnies” complètement différentes (basques, bretons, alsaciens…). Et pourtant,
cela n’a pas empêché la France de se construire un Etat fort cohérent. Ce ne sont donc pas les frontières arbitraires ou la diversité ethnique qui est à l’origine du problème.
Regardez pas loin de chez nous ce que pensent les catalans de l’Etat espagnol… Logique tribale là aussi ?
Quoi qu’ils en pensent, on voit mal les catalans machette à la main tuer tous ceux qui ne seraient pas “d’ethnie catalane” (comment faire la différence ?). On ne voit pas non plus les catalans
constituer des milices et commencer une guerre civile parce que les élections espagnoles n’ont pas donné le poste de premier ministre à l’un d’eux. Le séparatisme catalan est dans la vieille
tradition des riches qui n’ont pas envie de payer pour les pauvres (on voit un peu la même chose en Flandre). Cela n’a rien à voir avec une problématique clanique ou tribale.
On peut tous reconnaître différents apports positifs de la France à ses anciennes colonies (sur le plan sanitaire notamment), les placer au-dessus des problèmes de la colonisation est tout
simplement indécent.
Je me le demande. Il serait intéressant de demander aujourd’hui aux maliens s’ils prefèrent être citoyens d’un Mali indépendant, ou s’ils préféreraient au contraire être citoyens français dans un
département français… je vous avoue que je ne parierais pas sur la réponse dans un sens ou dans l’autre. Mais ce n’est pas là tout le problème: ce qui est bien plus embêtant est que cinquante
ans après leur indépendance, ces pays n’ont pas réussi à définir un modèle de développement a eux et des institutions stables. Les institutions et les infrastructures qu’ils ont sont celles
qu’ils ont hérité des européens, et au fur et à mesure que le temps passe et que la génération éduquée sous la colonisation disparaît, les unes et les autres ont tendance à s’effondrer pour
laisser la place à des fonctionnements archaïques qui empêchent tout progrès. La colonisation, c’est fini depuis un demi siècle. Depuis 50 ans ces pays sont maîtres de leur destin. Comment
expliquer que deux générations après le départ du colonisateur le rêve des jeunes soit de partir vivre chez le colonisateur ?
Les algériens, du temps où l’Algérie était un département étaient des sous-citoyens Français, et ce n’était pas qu’une impression, c’était un statut administratif.
Je ne crois pas. Le “statut administratif” était celui de “indigènes” et plus tard de “français de statut personnel musulman”. C’est vous qui inventez un “statut administratif” de “sous-citoyen
français”.
Mais comme je l’ai dit ailleurs, il n’est pas question pour moi d’ignorer les horreurs de la colonisation. Le problème, c’est que la décolonisation et l’indépendence n’ont pas, sur le long terme,
tenu leurs promesses et ont amené dans beaucoup de cas leurs propres horreurs. Et que la période qui a précédé la colonisation n’est pas, elle non plus, exempte d’horreurs. On en arrive donc
fatalement toujours au même problème: celui de comparer les horreurs et trouver celui qui est le moins horrible.
Au Tchad, on échangeait de la pacotille (sorte d’anneaux en plastique transparent coloré) contre des pierres précieuses.
Vous tombez, mon cher, dans le même pêché que vous me reprochez plus haut, celui de “ethnocentrisme”. En quoi serait-il criticable d’échanger de la pacotille ou de la verroterie pour des pierres
précieuses ? Parce que, me direz-vous, nous savons que la pacotille ou la verroterie ne valent pas grande chose, alors que les pierres précieuses sont, comme leur nom l’indique, précieuses. Mais
il faut noter que ce point de vue est un point de vue purement “ethnocentriste” européen. L’idée que la pacotille ne vaut rien alors qu’une pierre précieuse a une grande valeur est une idée à
nous, européens. Les tchadiens, eux, avaient la vision inverse: pour eux, la verroterie ou la pacotille étaient des objets de valeur, qu’ils n’étaient pas capables de fabriquer, alors que les
pierres précieuses se trouvaient avec une certaine facilité. Pourquoi à votre avis acceptaient-ils l’échange sinon ?
En d’autres termes, si vous pensez qu’échanger de la pacotille contre des pierres précieuses est une escroquerie, c’est parce que vous considérez notre échelle de valeurs, à nous
européens, comme universelle. Mais de quel droit décidez vous que notre échelle de valeurs est la “bonne”, et non celle des tchadiens ? Eh oui, eurocentrisme quand tu nous tiens…
La françafrique a favorisé dans certains pays l’élimination de personnalités trop émancipatrices à son goût, tel Thomas Sankara au Burkina Fasso ou Sylvanus Olympio au Togo et a soutenu des
présidents crapules un peu partout pendant longtemps.
Que les puissances occidentales aient exercé une certaine influence est incontestable. Mais il faut faire attention à ne pas tomber dans l’excès inverse qui fait de la “francafrique” ou d’autres
conspirations occidentales les boucs émissaires en exonérant les systèmes politiques locaux de toute responsabilité. Si chaque dirigeant africain peuple son administration de ses amis et
relations membres de son clan (et en général de son ethnie), si chaque fonctionnaire, du plus haut au plus humble considère son poste comme une charge lui permettant de s’enrichir, si les
infrastructures tombent en morceaux parce que ceux chargés de les entretenir s’approprient les ressources qu’on met à leur disposition, si l’évasion fiscale est un sport national, ce n’est pas la
faute de la “francafrique” ou dieu sait quelle autre conspiration.
Vous divisez la France en, France “immanente” et France “transcendante”, pourquoi pas, c’est une dichotomie possible. On peut la diviser moins prosaïquement en une France humaniste et une
France mafieuse et corruptrice où la première sert d’alibi à la seconde.
J’aimerais bien avoir un exemple de gouvernant français appartenant à la “France humaniste” dont vous parlez…
Merci de proposer un débat clivant , et aux commentateurs qui apportent des éléments intéressants.
– la question de “l’Etat failli” : j’apprécie le développement de cette idée et le rappel des expériences post-coloniales. J’avais lu une fois les écrits d’un chercheur tunisien qui avait employé
l’expression “d’Etat clignotant” pour parler de pays non pérennes, apparaissant et disparaissant très vite dans
l’Histoire (son étude très intéressante essayait d’expliquer le sous-développement, et la persistance de formes autoritaires des gouvernements de pays islamiques). Beaucoup de pays qui
risquent de devenir des états faillis sont des états clignotants. L’Irak, beaucoup de pays des balkans sont des états clignotants.
– les legs des institutions françaises dans les pays d’Afrique francophone : comme tu dis, les élites n’ont pas sur s’en servir de base une fois la liberté acquise ; ces legs ont également été
frappés du sceau de la suspicion et du rejet au nom d’une “pureté culturelle” qui n’a pas donné grand chose de tangible. C’est un peu comme si les gaulois avaient violemment rejeté et fait
disparaître tout ce que les romains ont apporté (notamment au niveau du droit, des infrastructures, des institutions)…
– la politique française étrangère vis-à-vis de l’Afrique francophone depuis 30 ans : du fait du renforcement du machin européïste, la France a amoindri considérablement son influence dans les
pays de la francophonie, ce qui fut une erreur grossière. Je ne vois vraiment pas la logique d’être plus solidaire avec les finlandais ou les estoniens qu’avec les pays africains francophones. La
perfide Albion, tout en ayant gardé un orteil dans le Machin (mais sans adopter l’Euro, pas folle la guèpe !), a conservé ses pieds dans le Commonwealth. La France aurait du faire de même avec la
francophonie.
– Si je te rejoins sur le danger de laisser des états faillis péricler, j’ai aussi en mémoire les grossières expériences récentes de “droit d’ingérence” par l’Oncle Sam. Je n’arrive pas
à m’expliquer rationnellement leur persistance dans la volonté à faire sauter des états après l’Afghanistan post 1979 (une couverture du Times saluant les talibans, ces étudiants afghans de
la “Liberté” est aux USA ce que “Kampuchéa vaincra” est à Badiou). Même pour des considérations bassement commerciales et de pillage des ressources, avoir un interlocuteur dans un appareil d’état
certes autoritaire est plus stabilisant que d’innombrables groupes armés et trafiquants en tout genre. Je ne comprends pas le bénéfice pour les Etats Unis de faire sauter des pays après
la fin de la guerre froide. J’en suis à des explications moins matérialistes type “ivresse de puissance” ? hubrys ?
– les legs des institutions françaises dans les pays d’Afrique francophone : comme tu dis, les élites n’ont pas sur s’en servir de base une fois la liberté acquise ; ces legs ont également
été frappés du sceau de la suspicion et du rejet au nom d’une “pureté culturelle” qui n’a pas donné grand chose de tangible.
Je ne partage pas ce point de vue, au contraire. Laissons de côté l’Algerie, ou le divorce fut sanglant. Dans les colonies d’Afrique noire, ou le divorce fut plus amical, on vit naître des
régimes qui loin de rejeter complètement l’héritage institutionnel français ont voulu se l’approprier. Ce fut le cas au Sénégal de Senghor ou la Côte-d’Ivoire de Houphouet-Boigny. Et cela n’a pas
trop mal tenu aussi longtemps que l’élite au pouvoir était celle éduquée sous la colonisation. C’est à la mort des “vieux sages”, lorsque la génération suivante eut à assumer le pouvoir, que les
choses se sont gatées. Les visions ethno-raciales style “l’ivoirité” commencent à cette époque là.
C’est un peu comme si les gaulois avaient violemment rejeté et fait disparaître tout ce que les romains ont apporté (notamment au niveau du droit, des infrastructures, des
institutions)..
C’est une comparaison très intéressante. J’avais lu le travail d’un historien qui analysait la figure de Vercingétorix telle qu’elle avait été reprise par la IIIème République. La République a en
effet fait du chef gaulois une figure ambigue: d’un côté, on en a fait un ancêtre de la Nation en armes contre l’envahisseur. Mais d’un autre côté, la IIIème République imbue de culture classique
se résistait à mettre César dans le mauvais rôle, puisque c’est par l’entrée dans le monde romain qu’on entrait dans la civilisation…
– Si je te rejoins sur le danger de laisser des états faillis péricler, j’ai aussi en mémoire les grossières expériences récentes de “droit d’ingérence” par l’Oncle Sam. Je n’arrive
pas à m’expliquer rationnellement leur persistance dans la volonté à faire sauter des états après l’Afghanistan post 1979
Il ne faut jamais oublier que la culture américaine est celle d’un Etat faible, dont il faut toujours se méfier. Le 2ème amendement, celui qui permet à chaque américain de porter des armes, a été
en grande partie prévu pour permettre aux citoyens de résister à un Etat central devenu tyrannique. Une phrase célébre d’un président de la Cour Suprême que tous les américains savent par coeur
est “Un Etat suffisament fort pour vous donner tout est suffisament fort pour tout vous enlever. Donc, gardez l’Etat faible si vous voulez être libres”. Je ne crois pas que les américains aient
réalisé combien dans un pays qui n’a pas de tradition communautaire l’Etat est le dernier rempart contre le chaos.
Vu votre expérience du PCF Descartes, que pensez-vous du positionnement du Parti qui m’apparaît attentiste, les orthodoxes qualifiant l’intervention de la France d’impérialiste ? Est-ce le
positionnement historique du PCF ?
Je crains que le PCF soit ces dernières années devenu extrêmement “provincial”, sous l’effet de la prise de pouvoir sur l’appareil par les élus locaux. Aujourd’hui, le PCF n’a pas de véritable
réflexion sur les questions de défense ou sur les questions internationales, en dehors d’un vague “internationalisme” qui reprend les thèmes du tiers-mondisme des années 1960. C’est à mon avis
l’explication de cet attentisme. Quant aux “ortodoxes”, pour eux l’histoire s’est arrêtée quelque part en 1924.
Bonsoir Descartes,
je fais suite au commentaire de JMP sur les chasseurs-cueilleurs, qui pour moi est une révélation! En fait, il a décrit la grande divisions qui règne en Afrique en terme de tribu: les nomades
contre les sédentaires. Evidemment, on aura reconnu parmi les sédentaires, les artisans et les agriculteurs et parmi les nomades, les chasseurs-cueilleurs. J’y ajouterais pour ma part, les
bergers et autres éleveurs de troupeaux.
Cette division est fondamentale car elle explique bien des conflits en Afrique, dont celui du Mali: ici, les sédentaires du sud sont agressés par les nomades du nord. Cette trame se
retrouve également dans les conflits de l’est-africain (je pense en particulier au Rwanda, où les Hutus sédentaires s’affrontent avec les Tutsis originellement nomades).
Sur ce point-là, le vieux sage africain de JMP a, selon moi, parfaitement raison, en particulier si on songe à l’épisode de l’esclavage des africains: historiquement, ce sont les nomades qui
vendaient aux Arabes puis aux Occidentaux des hommes des tribus sédentaires. De nos jour, si on considère les tribus d’une bonne parti des dirigeants africains, elles sont souvent nomades…
J’ai fait le rapprochement avec une réflexion pas idiote du sulfureux Alain Soral à propos du conflit entre les nomades et les sédentaires: il a noté à juste titre que l’homme est devenu civilisé
à partir du moment où il s’est SEDENTARISE: l’agriculture, puis l’industrie beaucoup plus tard sont né de la sédentarisation, car pour produire, il faut RESTER sur place. Le corrolaire qu’il en a
tiré, et qui me paraît pertinent, c’est qu’on ne peut produire si on est NOMADE. C’est pourquoi A.Soral s’offusquait de voir notre civilisation occidentale faire désormais l’éloge du nomadisme,
et rapproche ce désir avec une certaine forme de déclin de l’Occident, étant donné qu’on ne se mobilise plus pour créer ou produire.
En clair, selon lui, faire l’éloge du nomadisme, c’est faire l’éloge du parasitisme! Je suis assez stupéfait qu’un vieux sage africain arrive à une conclusion relativement voisine…
J’avais dans un autre papier commenté ce que j’ai appelé “l’économie de prédation”. Toute la différence entre le sédentaire et le chasseur nomade est que le premier enrichit la nature par son
travail, et le second ne fait que prélèver quelque chose qui pousse indépendament de lui.
Ce sont les mêmes arguments que les Américains utilisent pour justifier leurs guerres. On verra si les Français ont plus de succès qu’eux. Et d’endurence…
pour mon argumentation concernant la politique d’ingérence, contre la gauche humanitaire: http://www.legrandsoir.info/reponse-a-la-gauche-anti-anti-guerre.html
Ce sont les mêmes arguments que les Américains utilisent pour justifier leurs guerres.
De quels “arguments” parlez-vous ? Je ne me souviens pas d’avoir entendu les américains utiliser jamais l’argument d’éviter l’apparition d’un “Etat failli”. Au contraire: la politique américaine
de sabotage systèmatique ou de renversement des régimes qui ne leur convenaient pas a souvent abouti à créer des états faillis…
On verra si les Français ont plus de succès qu’eux.
En tout cas, vous m’accorderez que les français ont été reçus à Bamako avec démonstrations de joie, des cadeaux et des drapeaux tricolores. Je ne me souviens pas que les Américains aient été
accueillis de la sorte à Baghdad ou Kabul…. c’est un bon début, vous ne trouvez pas ?
pour mon argumentation concernant la politique d’ingérence, contre la gauche humanitaire
Vous savez bien que je partage une grande partie de cette argumentation. Si je suis favorable à l’intervention au Mali, ce n’est certainement pas pour des raisons “humanitaires”. C’est parce que,
comme je l’ai écrit ailleurs, je pense que l’existence d’un véritable Etat au Mali est de l’intérêt de tout le monde. Des maliens bien entendu, mais du notre aussi. A partir de là, éviter
l’effondrement de l’Etat et aider les maliens à le reconstruire est une bonne politique. Rien de “humanitaire” là dedans. Simplement, de l’intérêt bien compris.
il y a plein d’endroits où les américains ont été acceuillis en libérateurs, y compris à Bagdad et en Afghanistan-par certains; même les israéliens au sud liban en 82.. voir
http://www.counterpunch.org/2013/01/21/the-mali-trap/
wait and see: la France est un pays ruiné, divisé, dont l’enseignement la science et la culture sont détruites et qui se désindustrailise sans arrêt. Elle n’a plus de souveraineté et elle veut
protéger celle des autres, soi-disant.
Une bonne partie des problèmes au Mali est du à sa guerre en Libye, pour ne pas parler de sa politique antérieure au Mali. Les anglais pensent que la guerre durera des
décennies: http://news.antiwar.com/2013/01/20/british-pm-northern-africa-war-could-last-decades/
bonne chance!
il y a plein d’endroits où les américains ont été acceuillis en libérateurs, y compris à Bagdad et en Afghanistan-par certains;
Oui, “par certains”. Mais la différence est justement là, dans la quantité et la qualité de ces “certains”. On peut trouver toujours une poignée de gens pour saluer n’importe quelle invasion,
n’importe quelle occupation. Mais ici il ne s’agit pas de cela: il y a un véritable consensus au Mali que les troupes françaises sont le dernier rempart contre l’effondrement de l’Etat et le
chaos. Un consensus qui ne sera probablement pas facile de garder sur le long terme, mais un consensus réel tout de même.
La comparaison avec l’Irak ou l’Afghanistan est hors de propos. Contrairement à ce qui s’est passé en Afghanistan ou en Irak, les troupes françaises ne viennent pas intérférer dans le mode de
gouvernement des maliens. Les troupes françaises ne sont pas là pour renverser le gouvernement du pays, dissoudre l’Etat et mettre à la place un proconsulat. La France n’a pas l’intention de
déplacer Dioncunda Traoré et mettre quelqu’un d’autre à la place.
wait and see: la France est un pays ruiné, divisé, dont l’enseignement la science et la culture sont détruites et qui se désindustrailise sans arrêt.
Baverez! Sorts de ce corps !
Soyons sérieux… vous croyez vraiment que la France soit “un pays ruiné, divisé, dont l’enseignement la science et la culture sont détruites” ? Franchement ?
Elle n’a plus de souveraineté et elle veut protéger celle des autres, soi-disant.
La souveraineté n’est pas quelque chose qu’on a, c’est quelque chose qu’on est. La France est tout à fait “souveraine”. Il lui suffit de dénoncer les traités européens pour récupèrer
l’intégralité des compétences transférées à Bruxelles. Il suffit qu’elle décide d’en payer le prix.
Franchement, je trouve votre discours “décliniste” assez effrarant. Je le dis avec d’autant plus de regrets que j’étais plutot en sympathie avec beaucoup de vos combats. J’ignore d’où vous sortez
cette vision catastrophiste de la France, mais elle ressemble trop à la vision catastrophiste vehiculée par certaines sectes complotistes pour m’inquiéter.
Une bonne partie des problèmes au Mali est du à sa guerre en Libye, pour ne pas parler de sa politique antérieure au Mali.
Admettons. Il n’empêche que faire de la politique consiste à affronter les problèmes ici et maintenant. Fallait-il se frapper la poitrine et se jeter de la cendre sur la tête pendant que l’Etat
malien s’effondrait ? Je ne le crois pas. On peut lamenter pendant longtemps les errements des trente dernières années – ou pourquoi pas des trente derniers siècles – mais cela n’apporte pas de
réponse au problème concret qui se pose à nous.
Les anglais pensent que la guerre durera des décennies: http://news.antiwar.com/2013/01/20/british-pm-northern-africa-war-could-last-decades/
Vous avez mal lu: Selon l’article que vous citez, Cameron aurait déclaré que “la guerre pourrait durer des décennies”, et non pas “la guerre durera des
décennies”. Vous voyez la différence, je suppose…
bonne chance!
Je vous remercie. Mais dans ces affaires, la “chance” s’appelle “préparation”…
Rebonsoir,
effectivement, votre papier sur l’économie de prédation (qui parlait des Roms) tirait la même conclusion entre les nomades et les sédentaires. Décidément, les grands esprits se
rencontrent (je ne parle pas de moi, mais de vous et du sage africain…).
Sinon, nous avons eu avec JA un commentaire typique d’anti-colonialiste de salon qui m’insupporte au plus haut point, moi qui pourtant a des parents africains: quelle méconnaissance du continent
africain et de son histoire! La trahison des dirigeants africains les uns envers les autres n’a pas attendu le colon français! L’esclavage arabe date du 12è siècle, et comme je le disais
dans mon poste précédent, l’essentiel des esclaves dans la trafic transatlantique était le fait des tribus nomades qui livraient des sédentaires aux Occidentaux! D’ailleurs, au Mali, l’islam est
arrivé par les marchands arabes du Nord, bien aidés par les tribu touaregs! D’où la franche hostilité des Maliens du Sud envers les touaregs du nord…
La France a décidément bon dos: si le néo-colonialisme a été possible, c’est en grande partie à cause des dirigeants des pays africains, qui n’ont pas du tout défendu l’intérêt de leur pays. Ce
sont les mêmes énergumènes qui exonèrent les “cailleras” des banlieues d’origine africaine de leur responsabilités dans les actes de délinquances: il faut avoir une sacré dose de racisme pour
considérer que les Africains ou leur enfants nés en France ne sont pas responsables de la situation dans laquelle ils vivent! Ces gauchistes sont comme leur ancêtre Jules Ferry, chantre de
la colonisation: ils considèrent toujours les Africains et leur descendants comme des enfants qu’il faut éduquer!
Sinon, nous avons eu avec JA un commentaire typique d’anti-colonialiste de salon qui m’insupporte au plus haut point,
Je pense que le débat gagne en hauteur si l’on s’abstient de s’envoyer des noms d’oiseau et qu’on se concentre sur les arguments… je l’ai dit à JA et j’ai donc moins de scrupule à vous le dire
aussi !
L’esclavage arabe date du 12è siècle, et comme je le disais dans mon poste précédent, l’essentiel des esclaves dans la trafic transatlantique était le fait des tribus nomades qui livraient
des sédentaires aux Occidentaux!
C’est vrai… mais chut! Pour l’avoir écrit dans un livre docte et documenté un chercheur du CNRS s’est retrouvé devant les tribunaux accusé de “racisme”…
il faut avoir une sacré dose de racisme pour considérer que les Africains ou leur enfants nés en France ne sont pas responsables de la situation dans laquelle ils vivent!
Tout à fait. C’est l’un des paradoxes de la vision anticolonialiste d’une certaine gauche. D’un côté elle parle de l’égalité entre tous les hommes, de l’autre elle considérent les africains comme
des êtres facilement manipulables et qui sont donc irresponsables, un peu comme s’ils étaient des enfants. Reconnaître la dignité des africains c’est aussi leur reconnaître la capacité de faire
leurs choix librement, et donc la responsabilité de ces choix.
La vision de cette gauche qui sait ce qui est bon pour les africains mieux que les africains eux mêmes rappelle curieusement celle de leur ancêtre Jules Ferry, en effet… mais Ferry avait une
circonstance attenuante: il a vécu il y a 150 ans !
Sur cette question de la colonisation, le discours de Dakar de Sarkozy,
bien qu’extrêmement décrié, est très lucide je trouve… et c’est peut être la raison pour laquelle il a été tant dénoncé. Loin d’excuser les horreurs de la colonisation, il souligne néanmoins
qu’elle n’est pas la responsable de l’ensemble des maux de l’Afrique. Sur ce sujet d’ailleurs, Yambo Ouologuem dans “le Devoir de violence” expose des pratiques pré-coloniales que nous retrouvons
aujourd’hui.
Quant au passage sur l’homme africain qui n’est pas rentré dans
l’histoire, il est assez intéressant de voir que Cheikh Hamidou Kane ne disait pas autre chose quand il écrivait dans “l’aventure ambigüe” (vous me pardonnerez, je cite de mémoire) que l’homme
blanc fait l’histoire alors que l’homme noir la regarde. Certes, on pourra voir là une vision ethnocentrée mais force est de constater que c’est l’occident qui a établi les principes qui
régissent aujourd’hui le monde.
Sur cette question de la colonisation, le discours de Dakar de Sarkozy, bien qu’extrêmement décrié, est très lucide je trouve…
Je partage. C’est un excelent discours de thèse, même s’il n’était pas très adapté au contexte diplomatique dans lequel il a été prononcé…
Il aborde en particulier la question du temps “cyclique”, caractéristique des sociétés au progrès lent, qu’il oppose au temps linéaire des sociétés au progrès rapide. On retrouve l’échange sur la
question des “chasseurs cueilleurs” opposée aux “agriculteurs et artisans”. Pour les premiers, le temps est cyclique: à chaque saison ses baies et son gibier, et à chaque recommencement du cycle
on est au même point. Par contre, les sociétés d’agriculteurs et d’artisans sédentaires sont capables d’accumuler, et se trouvent donc à chaque cycle plus riches en biens et connaissances qu’au
début du cycle précédent.
Bonjour à tous,
Quel plaisir et quelle chance de pouvoir débattre avec des interventions de qualité, notament sur ce site. Soyons conscient de cette richesse.
Néanmoins je souhaite proposer deux observations:
D’une part, on peut aisément constater que les interventions étrangères dans les affaires des pays africains sont, pour la quasi totalité d’entre elles, des intervention de « chasseurs cueilleurs
» c’est à dire de prédation des richesses naturelles des pays concernés, avec les complicités locales, et ce, fortement depuis le IXX ème siècle. Le résultat, c’est que ce pillage ne profite pas
aux peuples autochtones mais à une oligarchie locale. Ainsi qu’aux pays organisateurs de la prédation dans lesquels l’argent payé pour l’achat des richesses , revient en partie . Je serais
curieux de connaître, s’ils existent, le montant des dépenses personnelles en France des dirigeants et oligarques africains et la corrélation avec les échanges commerciaux entre la France et ces
pays.
Personnellement, j’apprécierais que la France et les occidentaux organisent et financent au moins en partie, l’intervention de « bataillons » de coopérants qui participent au développement d’une
agriculture vivrière productive, d’un artisanat innovateur et axé sur les besoins et ressources locales. Et ceci d’une manière autrement plus forte que symbolique. ( alors que l’Europe subit un
chomage de plus de 50 millions de chomeurs, 1 à 2 % d’entre eux pourraient faciliter une croissance raisonnée de ces pays, ce dont l’Europe ou même la France ne pourrait que bénéficier à moyen et
long terme. Mais qu’est devenue la notion de moyen et long terme ?)
D’autre part, vivant 5 mois par an au Maroc, j’ai régulièrement l’occasion de constater les effet d’une colonisation qui a produit des effets positifs très supérieurs aux effets négatifs. Et j’en
entends régulièrement le témoignage de la part de Marocains de souche. Le Maroc n’a cependant jamais bénéficié de ressources naturelles extraordinaires. Seulement, des hommes comme Lyautey sont
rares et peu sont capables de résister aux pressions politiques et économiques qui lui ont été opposées. Il est vrai qu’une des richesses dont a bénéficié la France a eté le sang des
indigènes et cela crée des obligations morales dont un peuple avancé doit s’enorgueillir. Et je constate que mon pays, la France, pour économiser quelques millions d’€, tend à se
désengager des liens qui nous rassemblent ( sauf évidemment à Marrakech …… !)
Pour paraphraser un “politique” connu, ce qu’il manque de plus en plus en France, et qui devrait réveiller les consciences, c’est la volonté d’être ” Droit dans ses bottes” et ne pas sans cesse
subir, avec humilité, les regards critiques des autres nations. Ce qui ne veux pas dire les ignorer.
Quel plaisir et quelle chance de pouvoir débattre avec des interventions de qualité, notament sur ce site. Soyons conscient de cette richesse.
Profites-en pendant que ça dure… même si je dois admettre que tous les intervenants se sont jusqu’à maintenant, malgré les différences d’opinion, en parfaits gentlemen…
D’une part, on peut aisément constater que les interventions étrangères dans les affaires des pays africains sont, pour la quasi totalité d’entre elles, des intervention de « chasseurs
cueilleurs » c’est à dire de prédation des richesses naturelles des pays concernés, avec les complicités locales, et ce, fortement depuis le IXX ème siècle.
Il y eut certainement des épisodes de ce type, l’exemple le plus caractéristique étant le pillage des métaux précieux par les “conquistadors” espagnols. Mais la colonisation à partir du XVII
siècle ne se contente plus de piller les richesses locales, mais cherche au contraire à mettre en valeur le pays conquis. Pour cela, on construit des ports et des routes, on assèche des marais
insalubres, on installe des ponts et des barrages, on construit des hôpitaux et des écoles. On peut donc parler d’une “sédentarisation” de la colonisation…
Personnellement, j’apprécierais que la France et les occidentaux organisent et financent au moins en partie, l’intervention de « bataillons » de coopérants qui participent au développement
d’une agriculture vivrière productive, d’un artisanat innovateur et axé sur les besoins et ressources locales.
Je ne crois pas qu’on puisse faire le bonheur des gens malgré eux. On ne sait pas, d’une manière générale, ce qui est bon pour les gens. A mon sens, l’occident ne doit intervenir que lorsqu’un
bien commun à tous est en péril. Ainsi, par exemple, lorqu’il existe le risque d’un “Etat failli”, incapable d’assurer les fonctions de base (la justice, l’ordre public, le règne du droit),
l’intervention devient légitime. Mais dès lors qu’il existe un Etat capable d’assurer ce minimum vital, l’intervention est illégitime.
Par contre, l’idée d’une sorte de “bibliothèque” de coopérants et d’experts auxquels les pays en question pourraient avoir recours à un coût raisonnable pour encadrer les projets qu’ils auront
eux mêmes décidés me parait une bonne idée.
Seulement, des hommes comme Lyautey sont rares et peu sont capables de résister aux pressions politiques et économiques qui lui ont été opposées.
J’ai eu la même expérience. Lyautey est l’un des rares “colonisateurs” dont on entend dire du bien dans le pays qu’ils ont colonisé bien des années après l’indépendance…
Pour paraphraser un “politique” connu, ce qu’il manque de plus en plus en France, et qui devrait réveiller les consciences, c’est la volonté d’être ” Droit dans ses bottes” et ne pas sans
cesse subir, avec humilité, les regards critiques des autres nations. Ce qui ne veux pas dire les ignorer.
Lorsqu’on a un véritable projet, pensé et réflechi, il est beaucoup plus facile d’ignorer les pressions…
On verra-vous pensez que le Français ont les moyens de leur politique, moi je ne le pense pas. Je ne suis pas décliniste au sens habituel du terme-ce n’est pas la France qui est en déclin mais
tout l’Occident-on peut peut-être contrôler le Mali; mais même cela j’en doute.
Je conseille les réflexions de Ph Grasset, http://www.dedefensa.org/article-la_france_en_retard_d_une_d_route_15_01_2013.html qui, contrairement à moi, n’est ni gauchiste ni pacifiste, ni
anticolonialiste, ni tiersmondiste, mais réaliste.
On verra- la France peut évidemment se lancer dans cette guerre, elle n’est pas illégale (bien que on peut discuter ce que dit a résolution de l’ONU); reste à voir si elle la gagnera…
On verra-vous pensez que le Français ont les moyens de leur politique, moi je ne le pense pas
On verra. Mais j’attire votre attention sur le fait que ce discours a dejà été tenu par le passé. C’est d’ailleurs l’argument qu’on a servi à De Gaulle pendant toute sa carrière: pendant la
période 1940-45 d’abord, quand anglais et américains attendaient de ce général “à titre provisoire” sans troupes qu’il accepte une politique conforme à ses “moyens”. Il refusa, et la suite est
connue. En 1958-68, ce fut la même chose: la France, puissance de second rang, “n’avait plus les moyens” d’avoir la bombe atomique, de conduire une politique extérieure indépendante, de sortir de
l’OTAN. Là aussi, l’histoire a montré que lorsqu’il y a une volonté politique, les “moyens”, on les trouve.
Je ne suis pas décliniste au sens habituel du terme-ce n’est pas la France qui est en déclin mais tout l’Occident-on peut peut-être contrôler le Mali; mais même cela j’en doute.
Pitié ! Pas le discours du “déclin de l’occident”… franchement, vous y croyez ?
Je conseille les réflexions de Ph Grasset, http://www.dedefensa.org/article-la_france_en_retard_d_une_d_route_15_01_2013.html qui, contrairement à moi, n’est ni gauchiste ni pacifiste,
ni anticolonialiste, ni tiersmondiste, mais réaliste.
Vous trouvez ? Je n’ai pas vu dans son article un seul argument, un seul raisonnement à l’appui de sa conclusion. A peine quelques citations d’articles en anglais et des affirmations du genre
“Depuis la réintégration de l’OTAN, l’intégration dans le bloc BAO, le soutien d’un Système catastrophique dont Sarko condamnait absolument la branche économico-financière
(le 24 septembre 2008 à Toulon) avant de s’y ébrouer à 100%, depuis l’aventure libyenne inspirée par Bernard-Henry Clausewitz, les promesses de la chute imminente d’Assad pour demain matin de
Juppé-Fabius, l’enchaînement est implacable”. Je ne pense pas que le fait de brandir les épouvantails en écorchant leurs noms soit une argumentation très sérieuse. Franchement, si vous aviez
à résumer en trois points le raisonnement de Ph Grasset, comment le feriez-vous ?
On verra- la France peut évidemment se lancer dans cette guerre, elle n’est pas illégale (bien que on peut discuter ce que dit a résolution de l’ONU); reste à voir si elle la gagnera…
Faut savoir: on peut condamner moralement l’intervention de la France parce qu’elle est néocoloniale, et on peut la condamner pragmatiquement parce que “on ne peut pas gagner”. Mais on ne peut
pas mélanger les deux arguments sans faire un contresens logique. Maintenant, laquelle des deux branches est la votre ? La morale ou la pragmatique ? Si je pouvais vous démontrer mathématiquement
que cette guerre est gagnable, m’accorderiez vous que la France a bien fait de s’y engager ?
“La France est un pays ruiné, divisé, dont l’enseignement la science et la culture sont détruites”
Un pays ruiné, je ne crois pas. Il n’y a qu’à voir les collectes record des livrets A et Développement Durable en 2012. Non, la France est un pays d’épargnants. Ce n’est pas sans inconvénient,
mais ça a aussi ses bons côtés. Le jour où la France sera complètement ruinée, les trois quarts des autres pays en seront déjà réduits à bouffer des rats… Je ne sais plus qui disait: “La
France? Un Etat pauvre dans un pays riche” (mieux vaudrait dire “Etat endetté” d’ailleurs). Après, pour ce qui est de la répartition des richesses, c’est une autre histoire.
Un pays divisé, en revanche, je suis d’accord. Ce n’est hélas, pas nouveau. Un historien remarquait un jour que, hormis durant la Grande Guerre de 14, il s’est toujours trouvé en France un parti
conséquent pour applaudir aux défaites de nos armées, depuis la Révolution. D’abord Coblence et les contre-révolutionnaires, au temps de la Révolution et de l’Empire, justement. En 1870, les
républicains se sont d’abord réjouis de la chute de Napoléon III (avant de s’apercevoir que Bismarck combattait la France, et non l’empereur). En 1940, une partie de l’extrême droite et certains
pacifistes de gauche. Durant la guerre d’Algérie, la mouvance anticolonialiste, dont quelques uns ont aidé financièrement ceux qui tuaient nos soldats. Bref, nous sommes un pays divisé, c’est une
tradition: royalistes contre révolutionnaires, girondins contre jacobins, cléricaux contre anticléricaux, dreyfusards contre antidreyfusards… On comprend pourquoi la France a besoin d’un Etat
fort. Sans lui, tout fout le camp. Mais il s’affaiblit, cet Etat, ce bel outil amoureusement perfectionné depuis l’époque des rois. Lentement mais surement. Et certaines divisions s’exacerbent:
divisions confessionnelles, ethniques, régionales, chacun s’engouffre dans la brèche pour défendre son identité particulière. Moi-même, je l’avoue humblement, j’ai tendance à me crisper. Le temps
passant, je suis moins tolérant, moins ouvert à “l’Autre”. Le poison de la haine se diffuse dans la société. Ton optimisme, Descartes, ne peut pas te masquer cette triste réalité. Le grand
brassage du service militaire, c’est fini. La centralisation a du plomb dans l’aile, régionalisation et construction européenne obligent. Les langues régionales ont fait leur retour dans les
écoles, parfois dès la maternelle (“l’immersion”). Les religions sont de retour (une en particulier, que je ne nommerai pas, mais les autres essaient d’en profiter).
De Philippe Auguste à De Gaulle, presque tous nos chefs d’Etat ont eu à coeur de construire l’unité de ce pays. Aujourd’hui, nos dirigeants se contentent de gérer la diversité. C’est une grave
erreur historique, à mon avis. Et elle va nous coûter cher.
Quant à l’enseigement, la science et la culture… Quelle culture d’abord? Il est de notoriété publique que la France est “métissée” et “multiculturelle” (l’un n’implique pas forcément l’autre en
théorie, mais les deux termes sont associés par toute la gauche “humaniste” et antiraciste). Même le pauvre Dupont-Aignan se sent obligé de le dire! En France, toutes les cultures sont les
bienvenues, elles doivent pouvoir s’exprimer et s’épanouir, hein. Et, tant qu’à faire, la culture “autochtone” (une parmi d’autres) est priée de ne pas être trop envahissante. Dans le Courrier
international, je lisais un article effarant sur le travail d’un photographe bobo néerlandais qui exposait ses clichés de “Néerlandais venus d’ailleurs” en se posant cette question: “et si
c’était aux Néerlandais de souche de s’intégrer, en apprenant vraiment à connaître les autres, au lieu de vouloir imposer leurs références culturelles, avec brutalité?”. Voilà où nous en sommes
dans plusieurs pays d’Europe, dont le nôtre. Faut pas s’étonner que certains extrémismes prospèrent… La science, je ne désespère pas: grâce à Haroche, nous avons empoché un Prix Nobel de
physique. En revanche, l’enseignement, ça m’ennuie de le dire, mais… oui, il est en piteux état. Oh, il y aura toujours les bons bahuts et les options exigentes pour la fine fleur de l’élite…
Mais ailleurs, la démagogie ambiante et le misérabilisme ont remplacé l’exigence républicaine d’instruction. Faut pas les brusquer, vous comprenez, ou plutôt faut pas les “discriminer”.
L’institution ne paraît même plus vouloir donner aux enfants le goût d’apprendre. Je suppose que ça pourrait leur donner mal à la tête. Il faut se contenter de “ne pas les décourager”. C’est
finalement assez décourageant.
Descartes, ne peut pas te masquer cette triste réalité. Le grand brassage du service militaire, c’est fini. La centralisation a du plomb dans l’aile, régionalisation et construction
européenne obligent. Les langues régionales ont fait leur retour dans les écoles, parfois dès la maternelle (“l’immersion”). Les religions sont de retour (une en particulier, que je ne nommerai
pas, mais les autres essaient d’en profiter).
Oui… mais ce ne serait pas la première fois que la France se trouve à terre et arrive pourtant à renaître. Mon optimisme est celui des résistants de 1940…
Pour le reste… je partage en grande partie ton diagnostic.
malheureusement je n’ai pas compris grand chose à votre billet.
si on se restreint à ce qui concerne l’intervention française au Mali, les déclarations officielles de F Hollande sur le sujet sont assez imprécises. Le plus précis que j’ai trouvé est l’élément
suivant (déclaration au Conseil restreint de défense, le samedi 12 janvier) (ref:
http://www.ambafrance-bj.org/Situation-au-Mali-Declarations-de) :
“Je rappelle qu’elle [notre mission} consiste à préparer le déploiement d’une force d’intervention africaine pour permettre au Mali de recouvrer son intégrité territorial.
J’ai donné encore aujourd’hui toutes les instructions pour que les moyens utilisés par la France soient strictement limités par rapport à cet objectif
Par ailleurs, j’ai veillé à renforcer le dispositif militaire français à Bamako pour protéger nos ressortissants. “
Ce qui pose question est la partie concernant “pour permettre au Mali de recouvrer son intégrité territorial”. C’est certes l’objet de décisions internationales, mais pourquoi soutenir cette
position ? Il arrive que des pays veuille se séparer en deux (ou plusieurs entités) et ce n’est pas notre problème. Nous ne sommes pas intervenu en Europe en ce qui concerne la partition de la
Tchécoslovaquie ou de la Yougoslavie (ou nous avons plutôt aidé à la partition). En Afrique nous ne nous sommes pas opposés à la partition du Soudan, de l’Ethiopie, de la Rhodésie …
En ce qui concerne précisément le Mali, il y a une tendance sécessioniste au nord Mali. Pourquoi pas ? A eux de régler leur problème (et d’ailleurs la position oscille entre autonomie et
indépendance, comme l’Ecosse dans la Grande Bretagne, et l’Irlande du Nord).
Pour en revenir au concept d’ “Etat failli”, en quoi un état unifié sera moins failli que deux états voisins vivant en paix ? On peut penser au contraire que cela facilitera l’administration de
deux zones un peu moins hétérogènes.
Par contre si on se fixe d’envahir tous les pays que l’on estime “failli” ou “dangereux” pour les “redresser” on n’est pas sorti de l’auberge (cela rappelle l’axe du mal de G Bush, et son
objectif de “nation building” au Moyen Orient).
Si on passe à un autre sujet et si il s’agit de lutter contre le terrorisme islamiste, la méthode me paraît fort peu efficace. La principale source idéologique de ce terrorisme prend ses
racines dans leWahhabisme, un produit d’exportation massive de l’Arabie Saoudite qui le subventionne largement à l’étranger (je sais que tous les Wahhabites ne sont pas
djihadistes, mais néammoins , compte tenu de ses orientations théoriques, c’est aujourd’hui le terreau du djihadisme). Si on s’intéresse donc au terrorisme, il y a lieu avant tout de s’intéresser
à l’Arabie Saoudite. Pas pour l’envahir (ce qui pourrait paraître le plus efficace, en tout cas beaucoup plus efficace que d’envahir le Mali, et de plus très facile aux USA), mais pour la
sommer d’arrêter de soutenir cette idéologie dangereuse.
malheureusement je n’ai pas compris grand chose à votre billet.
Je suis vexéééééée…
Il arrive que des pays veuille se séparer en deux (ou plusieurs entités) et ce n’est pas notre problème.
C’est discutable. Dans certains cas, c’est bien notre problème. Si l’on admet – c’est le point de départ de mon raisonnement, discutable certes – que le fait qu’aucun territoire n’échappe au
contrôle d’un Etat digne de ce nom, alors il y a des situations où la “séparation” ne peut être acceptée. Par exemple, dans la situation ou la région “sécessionniste” est la région la plus riche
et sa séparation aurait pour résultat de rendre l’ensemble des régions restantes inviable. Ou la situation où l’objectif des sécessionnistes n’est pas de fonder un nouvel Etat, mais de constituer
une zone de non-droit où leurs trafics pourront s’épanouir. C’est un peu le cas de l’Azawad…
En ce qui concerne précisément le Mali, il y a une tendance sécessioniste au nord Mali. Pourquoi pas ?
Parce que le Nord n’est pas viable comme Etat. Parce que les mouvements sécessionnistes n’ont pas pour objectif d’en construire un. Voilà pourquoi.
Pour en revenir au concept d’ “Etat failli”, en quoi un état unifié sera moins failli que deux états voisins vivant en paix ?
Plus un état est grand et diversifié, plus les régions ont des chances d’être complémentaires, et plus on peut créer des mécanismes de péréquation pour que les riches aident les pauvres. Le Mali
unifié est déjà à peine viable. Si on commence à le diviser…
On peut penser au contraire que cela facilitera l’administration de deux zones un peu moins hétérogènes.
L’homogénéité n’est pas un avantage: un pays ayant une région riche et une autre pauvre est bien plus facile d’administrer qu’un pays “homogènement” pauvre. D’une manière générale, la solidité
d’un Etat n’a rien à voir avec l’homogénéité: la France est probablement l’un des pays les plus divers d’Europe, et a une tradition d’Etat central fort. L’Allemagne, infiniment plus homogène, a
une tradition d’Etat faible.
Par contre si on se fixe d’envahir tous les pays que l’on estime “failli” ou “dangereux” pour les “redresser” on n’est pas sorti de l’auberge
Ca, je te l’accorde volontiers. Il faut donc choisir, et intervenir là où l’on a le plus de facteurs de succès. C’est le cas au Mali: on est dans une région que nos militaires connaissent bien,
avec laquelle on a des liens historiques, notre présence est demandée par la population locale, et l’ennemi n’est pas trop nombreux. On aurait lancé cette intervention en Somalie, j’aurais trouvé
cela fou. Mais au Mali, on a mis toutes les chances de notre côté.
Si on passe à un autre sujet et si il s’agit de lutter contre le terrorisme islamiste, la méthode me paraît fort peu efficace.
Pas tout à fait: éviter l’apparition d’un “Etat failli” me paraît au contraire une méthode de lutte contre le terrorisme fort efficace. L’apparition d’une zone de non-droit échappant au contrôle
de toute structure étatique est une bénédiction pour les terroristes.
Si j’ai bien compris, vous êtes favorable à l’intervention francaise au Mali, car il y a un risque que cet état devienne un “état failli”. Soit. Mais pouvez-vous m’expliquer en quoi cela est un
probleme pour la France au point d’y entamer une guerre ? Ne voyez aucune provocation dans ma question, juste de l’incompréhension.
Si j’ai bien compris, vous êtes favorable à l’intervention francaise au Mali, car il y a un risque que cet état devienne un “état failli”. Soit. Mais pouvez-vous m’expliquer en quoi cela est
un probleme pour la France au point d’y entamer une guerre ?
Pour plusieurs raisons. La première, est que les Etats faillis sont des Etats irresponsables: dans la mesure où ils n’ont pas les moyens de faire règner l’ordre dans leur poulailler, on ne peut
pas exiger d’eux qu’ils le fassent. Or, un territoire dans lequel aucun contrôle d’Etat ne s’exerce est ouvert pour servir de base à toutes sortes d’activités criminelles: les exemples de la
piraterie en Somalie, du terrorisme à partir du “foyer” afghan, des trafics de toutes sortes au Congo sont là pour nous le rappeler. Et ces activités, dans le monde globalisé d’aujourd’hui, ne
restent pas confinées. Elles finissent par peser sur nous.
La seconde raison est une question de dissuasion. Le fait d’intervenir dès qu’un Etat est menacé aura un effet dissuasif sur d’autres groupes qui pourraient songer à tenter le même coup ailleurs.
Il faut montrer ses armes pour ne pas avoir à les utiliser. Et les utiliser de temps en temps pour ne pas avoir à le faire tout le temps. La prochaine fois, il est très possible que
l’intervention militaire ne soit plus nécessaire: la menace de la France sera une menace crédible.
La troisième raison, et il ne faut pas la négliger, est que nous avons des activités économiques stratégiques dans la région. Il n’y a d’ailleurs pas de honte à ça, puisque quoiqu’en disent
certains, ces activités se font sur une base “gagnant-gagnant”. Sans l’exploitation minière d’Areva, le Niger perdrait les deux tiers de son budget, et les gens qui travaillent dans la mine
créveraient la dalle. Or, il est difficile d’exercer ce type d’activités sans un Etat capable d’assurer l’ordre public.
Si je puis me permettre d’ajouter une raison supplémentaire dans votre réponse à BJ, il me semble qu’il y a une conséquence dont on a pas encore parlé dans les différentes interventions suite a
cet article : si le Mali tombe sous la coupe des islamistes , la pression migratoire des maliens sur l’Europe en général et la France en particulier sera décuplée , avec toutes les
conséquences que cela implique ; et après les maliens, les autres autour très vraisemblablement ; la seule façon de convaincre des gens désespérés de rester chez eux plutôt que d’aller
jusqu’à prendre le risque de crever noyés dans le détroit de Gibraltar, c’est bien de leur maintenir un minimum d’espoir dans leur propre pays
si le Mali tombe sous la coupe des islamistes , la pression migratoire des maliens sur l’Europe en général et la France en particulier sera décuplée
Pourquoi ? La victoire des Talibans en Afghanistan après le départ des soviétiques ne s’est nullement traduit par une pression migratoire accrue. La victoire des fondamentalistes en Iran s’est
traduite par une diminution de la pression migratoire, dans la mesure où les islamistes exilés sous le Shah sont retournés chez eux.
@ Descartes :
“Cependant, pour la gauche pacifiste et tiers-mondiste, cette intervention pose un sérieux problème théorique. En effet,
admettre que cette intervention est nécessaire implique admettre qu’un demi-siècle après la décolonisation les états qui en sont issus ont encore besoin d’une aide des anciennes puissances
coloniales pour assurer ce qui fait le bénéfice minimum vital du fonctionnement d’un Etat, c’est à dire, la paix publique. Que la fin de la colonisation ne se traduit pas mécaniquement par un
progrès de sociétés “bridées” par la domination coloniale, mais au contraire par une involution, un retour à des formes politiques plus archaïques, que seule l’intervention des anciennes
puissances coloniales permet d’éviter. De quoi réfléchir lorsqu’on pense à une politique du développement…”
Estimer que l’intervention au Mali était nécessaire n’équivaut pas à considérer qu’une ancienne colonie est fondamentalement dépendante de l’ancien colonisateur pour assurer sa sécurité et le
fonctionnement de l’Etat. Dans le cas du Mali, il s’agit d’un pays vaincu militairement et qui a besoin d’aide. La France a connu cette expérience aussi… Doit-on en déduire que la France est un
Etat incapable d’assurer sa sécurité et est dépendante de l’ancien colonisateur qu’elle n’a pas eu ? Je crois que c’est l’analogie que vous établissez entre les conflits en CI et au Mali qui vous
fait écrire ce paragraphe et qui me fait écrire que cette “gauche pacifiste et tiers-mondiste” n’est peut-être pas si contradictoire et même peut-être un peu subtile.
Sur la CI, je pense que la validité des élections était tout à fait sujette à caution et qu’il était bien délicat de savoir qui avait vraiment gagné, comme il a été bien difficile de savoir qui
de Martine Aubry ou Ségolène Royale ou plus récemment qui de JF Copé ou Fillon avait gagné les élections de leur parti respectif… On ne leur a pas envoyé les chars à eux, pas plus qu’à Poutine ou
Bush en son temps. On sait ce que peuvent valoir les mandats de l’ONU, il aurait suffit que le camp Sarkozy soit plus influent en 2003 pour que la France ne s’oppose pas à l’intervention en Irak
et ainsi les USA seraient allés bouter saddam avec un blanc seing de l’ONU, ils y auraient même peut-être trouvé des armes de destruction massive…
“Pourquoi la Corse et la Savoie sont françaises ? Et bien, parce qu’on les a achétées.”
Et parce qu’ils l’ont bien voulu aussi.
“Pourquoi l’Alsace est aujourd’hui française ?”
Parce qu’elle l’a bien voulu aussi.
“Les frontières de la France sont aussi arbitraires par rapport aux “peuples” que celles du Mali ou de la Côte d’Ivoire”
Il y a quand même des chaines de montagne, un fleuve et la mer qui séparent la France de la grande majorité de ses voisins. En outre ces frontières ont été façonnées par l’histoire comme vous
dîtes et au vu de cette histoire, ce n’est peut-être pas tout à fait un hasard si les frontières de la France sont aussi des barrières géologiques. Ce n’est pas le cas de la plupart des pays
d’Afrique francophone, ils sont donc plus facilement attaquables. Et en l’espèce ils n’ont pas de moins “bonnes raisons” de se faire la guerre que les européens au siècle dernier, à quoi on peut
ajouter l’ingérence de puissances étrangères et occidentales en particulier pour les y aider.
“On ne voit pas non plus les catalans constituer des milices et commencer une guerre civile parce que les élections espagnoles n’ont pas donné le poste de premier ministre à l’un d’eux”
Ce type d’actions n’est plus à la mode dans cette région mais le problème de fond demeure. Si on ne peut à priori pas complètement identifier les catalans à une tribu ou un clan, la question
reste celle d’un partage du pouvoir entre groupes qui se le disputent. La question catalane ne se réduit pas à une question d’argent, si cela existait, nous ferions face à des séparatismes de
populations identifiables uniquement sur ce critère, or les catalans n’ont pas été achetés mais annexés à l’Espagne, ils ont une culture et une langue qui leur est propre. Disposer de l’argent
que l’on produit est l’attribut le plus sensible de l’indépendance.
“Il serait intéressant de demander aujourd’hui aux maliens s’ils préfèrent être citoyens d’un Mali indépendant, ou s’ils préféreraient au contraire être citoyens français dans un département
français”
Pareil, je ne parierais pas sur la réponse, mais la question ne me choque pas dans l’absolu. Le partage de cultures que permet l’appartenance à l’espace francophone me plaît et je crois qu’il
plaît à bon nombre d’africains également. Seulement cette question ne s’est jamais posée, pas même aux algériens en réalité, car comme vous l’avez précisé, ils étaient des “français de statut
personnel musulman” et à ce titre n’avaient pas les mêmes possibilités d’accéder aux organes de décision. Ils n’étaient donc pas des citoyens français à part entière. C’est pourquoi, j’ai écrit
qu’ils avaient le statut administratif de sous-citoyens français. Et c’est pourquoi, j’estime qu’il est indécent de dire que le système de la colonisation était, malgré ses horreurs, peut-être
meilleur que l’actuel. Les deux sont à rejeter et vouloir les hiérarchiser sans rien proposer d’autre c’est commencer à en réhabiliter un. Il faut proposer autre chose.
“L’idée que la pacotille ne vaut rien alors qu’une pierre précieuse a une grande valeur est une idée à nous, européens”
Je crois que le monde globalisé dans lequel nous vivons aujourd’hui, s’est rendu compte de la différence de valeur entre la pacotille et les pierres précieuses et les tchadiens aussi. Et si les
dits tchadiens demeurent très contents des bijoux qu’ils se sont faits avec car on ne peut guère en faire autre chose (et encore), il n’en reste pas moins que cette oeuvre française (dont on
devrait être fière ?) était bien une escroquerie de notre point de vue. C’est bien ce que je souhaitais mettre en évidence.
“Que les puissances occidenta
Estimer que l’intervention au Mali était nécessaire n’équivaut pas à considérer qu’une ancienne colonie est fondamentalement dépendante de l’ancien colonisateur pour assurer sa sécurité et le
fonctionnement de l’Etat.
Je n’ai pas parlé de “sécurité”. J’ai écrit “assurer ce qui fait le bénéfice minimum vital du fonctionnement d’un Etat, c’est à dire, la paix publique”. Il me semble assez évident que
l’Etat malien semble être incapable d’assurer la paix publique à l’intérieur de ses frontières sans un secours extérieur, et qu’aucun pays autre que l’ancien colonisateur n’était en position ou
avait la volonté de lui prêter main forte. Dès lors, déduire que l’Etat malien est “dépendant de son ancien colonisateur” pour assurer la paix publique me paraît une évidence.
Dans le cas du Mali, il s’agit d’un pays vaincu militairement et qui a besoin d’aide.
“Pays vaincu militairement” par qui ? Il n’y a pas de troupes étrangères sur le territoire malien, que je sache. Ceux qui ont “vaincu” l’armée malienne et ont failli renverser l’Etat
sont aussi “maliens” que ceux qui le soutenaient.
La France a connu cette expérience aussi…
Pourriez-vous me dire quand ? Je ne vois pas, depuis la naissance de l’Etat français du temps de Louis XI, une situation où l’Etat se soit révélé incapable de rétablir la paix publique en France
et ait risqué de devenir un “Etat failli”. Au contraire: à chaque révolution, on a renversé le pouvoir en place. Mais on n’a jamais renversé l’Etat, et le nouveau pouvoir s’est empressé de
réutiliser celui-ci pour rétablir l’ordre. On oublie trop souvent que les Préfets ne sont que la réincarnation des Intendants de l’Ancien Régime, et que les premiers corps techniques de l’Etat
(le Corps Royal des Ponts et Chaussées) ont été créés sous Louis XIV et ont traversé sans trop de dommages la Révolution, qui les a repris à son compte.
Même pensant l’occupation allemande, le régime de la “révolution nationale” a tout fait pour préserver l’appareil d’Etat hérité de la IIIème République. C’est dire…
Sur la CI, je pense que la validité des élections était tout à fait sujette à caution et qu’il était bien délicat de savoir qui avait vraiment gagné, comme il a été bien difficile de savoir
qui de Martine Aubry ou Ségolène Royale ou plus récemment qui de JF Copé ou Fillon avait gagné les élections de leur parti respectif…
Peut être. Mais vous remarquerez que lorsque Ségolène et Martine pouvaient toutes deux revindiquer le fauteuil, les “grands” du royaume socialiste ont préféré le donner à celle qui semblait le
plus à même de préserver l’unité du Parti et lui éviter une longue et usante guerre civile. A droite, même chose: Copé et Fillon, après avoir montré les dents, sont arrivés à un accord. Parce que
la volonté de préserver le fonctionnement du Parti est plus forte que l’ambition personnelle. Admettons que l’élection en Côte d’Ivoire fut “sujette à caution”. A ce moment-là la question, dans
un Etat moderne, est “lequel des deux candidats est le mieux à même d’éviter que cette situation dégenère en guerre civile” ? Confronté à cette même situation, Al Gore a préféré se soumettre à la
décision de la Cour Suprême et accepter sa défaite plutôt que d’appeler ses partisans à tout casser. Pourquoi ce qui semble si facile aux USA n’a pas marché en Côte d’Ivoire ?
“Pourquoi la Corse et la Savoie sont françaises ? Et bien, parce qu’on les a achétées.” Et parce qu’ils l’ont bien voulu aussi.
On leur a pas demandé leur avis.
“Pourquoi l’Alsace est aujourd’hui française ?” Parce qu’elle l’a bien voulu aussi.
D’où tirez-vous ça ? On n’a pas organisé de référendum en Alsace pour savoir de quel côté penchait le coeur des alsaciens, que je sache…
Il y a quand même des chaines de montagne, un fleuve et la mer qui séparent la France de la grande majorité de ses voisins.
Je ne vois pas trop le rapport. Votre commentaire suggérait que la difficulté était le fait que les frontières coupent au beau milieu des territoires traditionnels de telle ou telle ethnie, et du
coup déterminent des états ethniquement inhomogènes. Le fait que la frontière suive ou non une montagne ou un fleuve ne change rien à ce problème.
En outre ces frontières ont été façonnées par l’histoire comme vous dîtes et au vu de cette histoire, ce n’est peut-être pas tout à fait un hasard si les frontières de la France sont aussi
des barrières géologiques.
Ce n’est pas le cas partout. Ainsi, la frontière avec la Suisse ou avec la Belgique ne suit pas de “barrière géologique”.
Ce n’est pas le cas de la plupart des pays d’Afrique francophone, ils sont donc plus facilement attaquables.
Dans le cas du Mali, la question de l’attaquabilité des frontières n’a pas grand rapport avec la situation…
Et en l’espèce ils n’ont pas de moins “bonnes raisons” de se faire la guerre que les européens au siècle dernier, à quoi on peut ajouter l’ingérence de puissances étrangères et occidentales
en particulier pour les y aider.
Encore une fois, je ne vois pas le rapport. Les difficultés de la plupart des pays africains sont plutôt internes qu’externes. Ni la Côte d’Ivoire, ni le Mali, ni la Somalie n’ont vu leur Etat
s’effondrer devant une attaque étrangère.
“On ne voit pas non plus les catalans constituer des milices et commencer une guerre civile parce que les élections espagnoles n’ont pas donné le poste de premier ministre à l’un
d’eux”. Ce type d’actions n’est plus à la mode dans cette région mais le problème de fond demeure.
Le “problème de fond” en Afrique est que la minorité qui n’a pas gagné l’élection est prête à casser la machine plutôt que de laisser les commandes à d’autres. Ce “problème de fond” n’est pas
celui de l’Espagne.
Si on ne peut à priori pas complètement identifier les catalans à une tribu ou un clan, la question reste celle d’un partage du pouvoir entre groupes qui se le disputent.
Certes. Et le problème en Afrique, c’est qu’on joue à “tout ou rien”. Celui qui emporte le pouvoir a “tout”, et les autres, comme ils risquent d’avoir “rien”, sont prêts à aller jusqu’à la guerre
civile et à la destruction de l’Etat plutôt que de laisser les autres gouverner. Cette problématique n’existe pas aujourd’hui en Europe occidentale. Pourquoi, à votre avis ?
La question catalane ne se réduit pas à une question d’argent, si cela existait, nous ferions face à des séparatismes de populations identifiables uniquement sur ce critère,
C’est le cas. Les régions “séparatistes” en Espagne (mais aussi en Belgique, en Grande Bretagne ou en Italie) sont les régions riches. Ce fut le cas aussi en ex-Yugoslavie. Est-ce une
coïncidence, à votre avis ?
Pareil, je ne parierais pas sur la réponse, mais la question ne me choque pas dans l’absolu. Le partage de cultures que permet l’appartenance à l’espace francophone me plaît et je crois qu’il
plaît à bon nombre d’africains également. Seulement cette question ne s’est jamais posée, pas même aux algériens en réalité,
Elle s’est bien posée aux Algériens: ce fut la question posée au référendum de 1962. Et la réponse fut une majorité écrasante pour l’indépendance.
car comme vous l’avez précisé, ils étaient des “français de statut personnel musulman” et à ce titre n’avaient pas les mêmes possibilités d’accéder aux organes de décision.
Ils l’ont eu une fois, lors du référendum de 1962.
Ils n’étaient donc pas des citoyens français à part entière. C’est pourquoi, j’ai écrit qu’ils avaient le statut administratif de sous-citoyens français.
Non. Ils avaient le statut de “citoyens français de statut personnel musulman”. C’est vous qui considérez que ce statut faisait d’eux des “sous-citoyens français”. Vous confondez le statut
administratif avec votre opinion.
Et c’est pourquoi, j’estime qu’il est indécent de dire que le système de la colonisation était, malgré ses horreurs, peut-être meilleur que l’actuel.
Le fait est que beaucoup de citoyens de ces pays préfèrent être des immigrants en France plutôt que des citoyens dans leur pays. Cela ne vous interpelle-t-il pas ?
Les deux sont à rejeter et vouloir les hiérarchiser sans rien proposer d’autre c’est commencer à en réhabiliter un. Il faut proposer autre chose.
Ce n’est pas moi qui vous arrête. Vous proposeriez quoi, vous ?
“L’idée que la pacotille ne vaut rien alors qu’une pierre précieuse a une grande valeur est une idée à nous, européens” Je crois que le monde globalisé dans lequel nous vivons aujourd’hui,
s’est rendu compte de la différence de valeur entre la pacotille et les pierres précieuses et les tchadiens aussi.
Pas vraiment. Ce n’est pas qu’ils se soient “rendus compte”, c’est qu’ils ont adopté – en partie grace à l’expérience de la colonisation – les échelles de valeur des occidentaux.
Et si les dits tchadiens demeurent très contents des bijoux qu’ils se sont faits avec car on ne peut guère en faire autre chose (et encore), il n’en reste pas moins que cette oeuvre française
(dont on devrait être fière ?) était bien une escroquerie de notre point de vue.
Mais pas du leur. Et qui sommes nous – sauf à être “ethnocentriste” – pour affirmer que notre point de vue doit primer sur tout autre ?
“Que les puissances occidenta
Votre message est arrivé mutilé. Pour éviter cette déconvenue il vaut mieux ne pas utiliser des polices de caractères autres que celle proposée par le site over-blog et éventuellement couper les
messages trop longs…
Votre critère pour justifier une intervention “eviter l’apparition d’un état failli” peut prêter à discussion, et il est intéressant de voir ce qu’il donnerait pour les conflits récents. Il
aurait conduit à condamner l’intervention en Libye (et en Syrie), et la guerre d’Irak II (mais pas la première, si on l’étend à “assistance à état en danger” – le Koweit en l’occurrence). Pour
l’Afghanistan, c’est plus compliqué, l’état avait failli depuis longtemps. Finalement je trouve qu’il ne passe pas mal le test. Il a en tout cas le mérite de répondre aux critères humanitaires
qui tendent à justifier toutes les propagandes actuelles de guerre
PS Toutes mes félicitations pour la qualité de votre blog.
Il aurait conduit à condamner l’intervention en Libye (et en Syrie), et la guerre d’Irak II
Ca tombe bien… je n’ai pas été favorable à ces interventions ! 😉
PS Toutes mes félicitations pour la qualité de votre blog.
Je vous remercie de cet encouragement. Vous êtes bien entendu le bienvenu pour commenter et participer au débat.
La victoire des fondamentalistes en Iran s’est traduite par une diminution de la pression migratoire, dans la mesure où les islamistes exilés sous le Shah sont retournés chez
eux.
… si l’on considère les chiffres français. L’immigration iranienne en France a toujours été pour des raisons politiques, ce qui explique les mouvements de retour en effet. Qui peut sinon
expliquer le nombre de suivants de Emam Khomeini à Neauple-le-Château présents sur place et aparemment intégralement dévoués dans leur exil au “saint homme’ ?
Les chiffres migratoires iraniens seront en outre bien mieux compris si l’on considère leur principal voisin, l’URSS. Quoique je doute que quiconque puisse nous fournir les chiffres de
l’immigration en Union Soviétique sur la période, disons, 1975-1990, pour ratisser large.
Toutefois, et last but not least, le solde migratoire Iranien est l’objet d’étudoes publiées par le gouvernement Iranien lui-même. Lorsque l’on parle de “fuite des cerveaux” d’Iran, ce
n’est pas un fantasme. Alors que de nombreux travailleurs afghans traversent la frontière chaque année – malgré le racisme dont ils vont être victimes, ils en sont conscients – la fuite des
classes moyenne-supérieure à l’étranger est un véritable désastre en termes de savoir-faire, et une difficulté réelle pour un pays qui a pour ambition d’entrer dans le club très select des
“BRICS”.
La victoire des Talibans en Afghanistan après le départ des soviétiques ne s’est nullement traduit par une pression migratoire accrue. La victoire des fondamentalistes en Iran s’est traduite
par une diminutionde la pression migratoire, dans la mesure où les islamistes exilés sous le Shah sont retournés chez eux. LAfghanistan et l’Iran ne sont pas caractérisés par une opposition ethnique et géographique ( arabo berbères au nord et noirs au sud) comme le soudan ou le mali , avec un
contentieux historique a propos de l’esclavage … L’iran n’a jamais été un état failli , incapable eventuellement de contenir des tentations génocidaires, comme c’est le cas malheureusement au
mali ( on parle déjà d’exécutions sommaires au nord avec le retour de l’armée malienne) et comme on l’a vu au Soudan ; et il existe depuis longtemps une forte émigration malienne vers la
France ( Montreuil, 2ème ville du mali…) ce qui n’a jamais été le cas de l’Iran ou de l’afghanistan
Bonjour,
Vous mettez en exergue la notion de « petite France ». Eh bien j’en profite pour pousser un coup de gueule – pardonnez ma trivialité – pour dénoncer un aspect récurrent de ce visage et ce
comportement infantile qui est fréquent chez nous.
Il s’agit du concert des violons médiatico-politiques dont on nous rebat les oreilles au sujet de la citoyenne Florence Cassé qui a eut l’imprudence de fréquenter – à tout le moins- des truants
méxicains, sans doute jouir du plaisir de l’aventure, d’être à minima frappée de cécité pour cause d’amour, c’est banal et enfin d’être victime d’un traquenard juridico politique mexanico
français.
Elle a payé par quelques années de prison ses propres turpitudes, point à la ligne.
La France, celle qui ne pépasse pas la hauteur de son nombril, au risque de bafouer le sens de la justice du citoyen mexicain, a, avec toute l’arrogance dont elle est capable, réservé à cette
personne, un accueil digne d’un chef d’Etat.
En même temps que tout cela, nous rapatrions le corps de trois de nos militaires, morts en service commandé par cette même France – l’autre, celle de l’esprit et peut être un peu du cœur – sans
que nous ne connaissions seulement, à l’exception du lieutenant Damien Boiteux , l’identité. Je ne vois pas les raisons d’un secret militaire. De la même façon, aurait – on célébré une réussite
scientifique, industrielle, culturelle, avec le dixième des moyens employés pour le retour d’une aventurière ( ce terme n’a rien de péjoratif dans mon esprit) ?
A l’heure où nous interrogeons publiquement sur le déclin du pays, il serait bon de se pencher sur les causes qui le provoquent.
Si vous, Descartes ne l’évoquez pas dans un billet, j’aimerais que quelques collègues commentateurs puissent s’exprimer la dessus.
Bonne journée à tous.
Il s’agit du concert des violons médiatico-politiques dont on nous rebat les oreilles au sujet de la citoyenne Florence Cassé qui a eut l’imprudence de fréquenter – à tout le moins- des
truants méxicains, sans doute jouir du plaisir de l’aventure, d’être à minima frappée de cécité pour cause d’amour, c’est banal et enfin d’être victime d’un traquenard juridico politique mexanico
français.
Franchement, et sans vouloir vous offenser, ce n’est pas vraiment un sujet qui m’inspire. De ce que j’ai lu, je déduis que F. Cassez était une jeune femme instable qui a quitté l’école, puis son
pays pour courrir à l’aventure. Après, je ne sais pas si F. Cassez était innocente ou coupable, complice de son amant ou au contraire aveuglée par l’amour. En d’autres temps, elle serait
peut-être devenue la compagne d’un guerrilléro au lieu de devenir celle d’un vulgaire droit commun. Le fait est qu’elle a été mal traitée par la justice mexicaine – qui n’a de justice que le nom
– et que la France a fait ce qu’elle devait en cherchant à sauver l’un de ses ressortissants. On ose espérer qu’elle en est reconnaissante, et qu’on n’aura jamais à lire dans un média quelconque
F. Cassez se répandre sur sa “citoyenneté du monde” ou critiquer le pays qui l’a sauvée. Fin de l’histoire en ce qui me concerne.
En même temps que tout cela, nous rapatrions le corps de trois de nos militaires, morts en service commandé par cette même France – l’autre, celle de l’esprit et peut être un peu du cœur –
sans que nous ne connaissions seulement, à l’exception du lieutenant Damien Boiteux , l’identité. Je ne vois pas les raisons d’un secret militaire. De la même façon, aurait – on célébré une
réussite scientifique, industrielle, culturelle, avec le dixième des moyens employés pour le retour d’une aventurière ( ce terme n’a rien de péjoratif dans mon esprit) ?
Je partage. On consacre plus de papier au procès d’un criminel parricide qu’à l’ensemble de la carrière d’un éminent chef de service hospitalier qui aura passé trente ans à se dévouer pour ses
malades. C’est triste, mais c’est comme ça depuis plus de deux mille ans et, malheureusement, ce n’est pas près de changer.
Après mûre réflexion, je dirais que contrairement aux apparences, il n’y a aucune contradiction entre notre intervention passée en Libye, par laquelle nous avons précipité la faillite d’un Etat
africain, au motif qu’il fallait à tout prix empêcher qu’il ne bombarde ses islamistes sécessionnistes, et notre actuelle intervention au Mali, par laquelle nous nous chargeons nous-mêmes de
bombarder certains islamistes sécessionnistes, en vue d’empêcher la faillite d’un autre Etat africain. Gardons-nous, notamment, de voir là une quelconque différence entre droite et gauche
puisque, rappelons-le, celles-ci étaient d’accord sur le principe de ces deux interventions. En réalité, je crois que tout s’explique, bien plutôt, par une différence fondamentale entre les
islamistes libyens et les islamistes maliens : dans libyen il y a “byen”, tandis que dans malien il y a “mal”.
Après mûre réflexion, je dirais que contrairement aux apparences, il n’y a aucune contradiction entre notre intervention passée en Libye, par laquelle nous avons précipité la faillite d’un
Etat africain, au motif qu’il fallait à tout prix empêcher qu’il ne bombarde ses islamistes sécessionnistes, et notre actuelle intervention au Mali, par laquelle nous nous chargeons nous-mêmes de
bombarder certains islamistes sécessionnistes, en vue d’empêcher la faillite d’un autre Etat africain.
Après mure réflexion, je n’arrive pas à comprendrel e sens de votre remarque. En Lybie, selon vous, on est intervenu pour protéger des islamistes et nous avons provoqué la faillite d’un Etat. Au
Mali, nous sommes intervenus pour bombarder les islamistes afin d’éviter la faillite de l’Etat. Et vous trouvez qu’il n’y a “aucune contradiction” ?
Je crains que l’abus de certains plaisirs terrestres n’ait pas diminué vos capacités de jugement…
@ Descartes
Merci pour cet éclairage très… clair. En ce qui me concerne il me manque les connaissances géopolitiques minimales pour prendre parti dans cette affaire. Je dois dire que j’ai été frappé par la
prise de position de Dominique de Villepin, et que d’un autre côté je te suis volontiers sur la dialectique petite France/grande France. En fait, la question qui me taraude est la suivante : les
frontières du Mali sont-elles viables ?
Puisque l’on parle ici de “recolonisation”, j’en profite pour signaler l’existence d’un courant de pensée ultra-confidentiel, baptisé “fusionnisme” et animé par un certain Alexandre Gerbi, lequel développe un discours assimilationniste radical et violemment anti-gaulliste.
Cette virulence anti-gaulliste me déplaît, et d’un autre côté cette foi assimilationniste me séduit dans toute la mesure où je suis un adepte de la grande France, porteuse d’une vision humaniste
et universaliste (la grande France dont de Gaulle fut l’un des plus valeureux artisans, et c’est là que les choses se compliquent). Tout cela est carrément exotique, sans doute assez éloigné des
réalités et de la force des choses dont de Gaulle avait (à mon avis) une conscience aiguë pour ne pas dire exceptionnelle, mais chaque fois que je lis cet auteur j’ai
l’impression de me trouver en porte-à-faux. Disons que c’est une curiosité. Si toi et tes commentateurs avez quelque loisir, jetez-y donc un œil, ce peut être stimulant (enfin ça l’est pour moi
en tout cas).
Je signale aussi ce billet de Frédéric Delorca, qui a un point de vue plus nuancé que le tien mais qui à mon avis a bien raison au sujet de l’énergumène Michel Collon…
Puisque l’on parle ici de “recolonisation”, j’en profite pour signaler l’existence d’un courant de pensée ultra-confidentiel, baptisé “fusionnisme” et animé par un certain Alexandre Gerbi, lequel développe un discours assimilationniste radical et violemment
anti-gaulliste.
Le courant de pensée dont tu parles n’a rien de “confidentiel”. Et Gerbi n’a pas tort dans son hypothèse de départ: De Gaulle – et il n’était pas le seul – s’était sérieusement posé la question
de l’évolution possible de l’Empire français, et était arrivé à la conclusion assez évidente qu’une intégration des colonies dans une France où tous les citoyens auraient les mêmes droits
risquait de noyer la métropole dans un ensemble où elle serait minoritaire. Dans certains cercles – notamment ceux proches de l’Algérie Française, d’où vient à mon avis Gerbi – on a beaucoup
reproché à Mongénéral d’avoir tiré une conclusion qui nous paraît aujourd’hui évidente, même si elle se prête par certains côtés à l’accusation de “racisme”, à savoir, il a préféré le détricotage
de l’Empire plutôt qu’une situation dans laquelle la France aurait disparu dans un ensemble plus vaste.
et d’un autre côté cette foi assimilationniste me séduit dans toute la mesure où je suis un adepte de la grande France, porteuse d’une vision humaniste et universaliste (la grande France dont
de Gaulle fut l’un des plus valeureux artisans, et c’est là que les choses se compliquent).
La grande vertu de De Gaulle – comme celle de Napoléon avant lui – fut de savoir associer une vision de “grande France” avec un certain pragmatisme. L’idée d’une “France de 200 millions de
citoyens” est séduisante. Mais est-elle réaliste ?
Je signale aussi ce billet de Frédéric Delorca, qui a un point de vue plus nuancé que le tien mais qui à mon avis a bien raison au sujet de l’énergumène Michel Collon…
Tout à fait d’accord. Je me demande pourquoi Delorca me caractérise comme “blogueur communiste”, par contre… en d’autres termes, j’aurais considéré cela comme un hommage. Aujourd’hui, je
m’interroge…
Bonjour Descartes,
j’ai lu sur le site d’une de vos collègues blogueuse, Coralie Delaume, un commentaire sur un sondage du monde concernant les “crispations alarmantes des Français”.
Je pense qu’il y a un bon sujet, car bizarrement, loin de m’inquiéter, ce sondage montre que les Français restent…des Français! Certes, l’autoritarisme révélé par le sondage dérange quelque peu
l’homme de gauche que je suis, mais contrairement à la bien-pensance, il est un des traits caractéristiques de la mentalité française! Ce sondage traduit surtout un profond rejet des valeurs
soixante-huitardes qui ont régné durant plus de 40 ans dans les médias! Les Français ne sont plus dupes de la bonne conscience de nos élites! Il faut voir le tollé suscité par les réponses du
côté de la gauche bobos (je songe à des énergumènes comme J.Bové…). Oui,la classe moyenne est en train de perdre la guerre idéologique! Le chemin est encore long, mais j’ai l’impression que les
classes populaires et de plus en plus de monde dans les classes moyennes veulent un retour vers la souveraineté nationale…
j’ai lu sur le site d’une de vos collègues blogueuse, Coralie Delaume, un commentaire sur un sondage du monde concernant les “crispations alarmantes des Français”. Je
pense qu’il y a un bon sujet, car bizarrement, loin de m’inquiéter, ce sondage montre que les Français restent…des Français!
Je comptais faire un papier pour commenter ce sondage, qui me paraît en effet très intéressant. Les commentaires qui l’accompagnent sont encore plus intéressants, et rappellent furieusement le
dicton qui veut que quand on veut tuer son chien, on lui colle la rage. Le Monde, qui nous sert depuis des années le discours décliniste et la doctrine que la France n’est plus rien dans l’Europe
s’étonne que les français soient inquiets du “déclin inéluctable” de leur pays…
Je contaste que les réformes mises en route par le gouvernement sous l’impulsion de F. HOLLANDE sont d’abord celles qui ne coûtent rien ou presque (mariage pour tous, non cumul des mandats,
réforme territoriale…), mesures que ne sont attendues que par des minorités, que je ne méprise pas, mais qui n’expriment pas les inquiétudes de la majotité des Français.
Je remarque que les efforts seront surtout consentis par par les classes moyennes ( augmentation des taux de TVA, tranches d’imposition non indexées sur l’infaltion etc) bref ceux qui travaillent
sans avoir un revenu mirobolant. En revanche, en s’attaque peu à la finance (la” montagne” sur la séparation des banques d’affaires et des banques de dépôt va accoucher d’une souris) et les
dirigeants de grandes entreprises continuent à s’augmenter alors même qu’ils conduisent leurs entrepries à la ruine depuis des années. J’ai de la sympathie pour Montebourg mais son ministère me
semble de plus en plus celui de la parole…
Je remarque que les efforts seront surtout consentis par par les classes moyennes ( augmentation des taux de TVA, tranches d’imposition non indexées sur l’infaltion etc) bref ceux qui
travaillent sans avoir un revenu mirobolant.
La hausse de la TVA n’affecte pas que les classes moyennes…
“Et vous trouvez qu’il n’y a “aucune contradiction” ?”
Absolument. Mettez-vous un instant, je vous prie, dans la peau de nos gouvernants, de droite aussi bien que de gauche. Vous vous demanderez alors, comme eux : “Comment faire progresser au
mieux notre cause libérale-libertaire ?”. Or d’un côté, en Libye, vous aviez le Colonel Khadafi, confronté à des islamistes mal peignés, soutenus par Bernard-Henri Lévy. Par suite, le camp
libéral-libertaire était parfaitement identifié : il était celui des islamistes. Au Mali, en revanche, vous aviez des islamistes enturbannés, non soutenus par Bernard-Henri Lévy, face à un
gouvernement faible, voire inexistant. Le camp libéral-libertaire était dès lors nécessairement celui du gouvernement. CQFD.
Au Mali, en revanche, vous aviez des islamistes enturbannés, non soutenus par Bernard-Henri Lévy, face à un gouvernement faible, voire inexistant. Le camp libéral-libertaire était dès lors
nécessairement celui du gouvernement. CQFD.
Votre démonstration est étrange: au Mali, l’intervention avait pour but de renforcer l’Etat, un but qui cadre difficilement avec celui des “libéraux-libertaires”. Contrairement à vous, BHL ne s’y
est pas trompé.
“Votre démonstration est étrange: au Mali, l’intervention avait pour but de renforcer l’Etat, un but qui cadre difficilement avec celui des “libéraux-libertaires”.”
Pourquoi ? Il me semble que cela s’explique par la maxime bien connue : “Entre deux maux, il faut choisir le moindre”. En effet, il y a en quelque sorte une échelle dans le
libéralisme-libertaire : renforcer (relativement) un Etat faible vaut tout de même mieux, pour un libéral-libertaire, que d’abandonner le pouvoir à des islamistes, tandis qu’abandonner un
pouvoir, au demeurant éclaté, à des islamistes, valait mieux que de le laisser au dictateur Khadafi.
“Contrairement à vous, BHL ne s’y est pas trompé.”
Là, pour le coup, c’est moi qui ne vous suis plus. Il me semble que BHL est favorable à l’intervention au Mali, non ?
En effet, il y a en quelque sorte une échelle dans le libéralisme-libertaire : renforcer (relativement) un Etat faible vaut tout de même mieux, pour un libéral-libertaire, que d’abandonner le
pouvoir à des islamistes, tandis qu’abandonner un pouvoir, au demeurant éclaté, à des islamistes, valait mieux que de le laisser au dictateur Khadafi.
Vous ne semblez pas voir la contradiction: en Lybie, on a préféré les islamistes plutôt qu’un Etat central( relativement) faible, au Mali on préfère un Etat (relativement) faible plutôt que les
islamistes. Et tout ça, pour vous, fait partie du même plan ? Vos aventures au Carlton semblent avoir décidément compromis vos neurones…
Là, pour le coup, c’est moi qui ne vous suis plus. Il me semble que BHL est favorable à l’intervention au Mali, non ?
En tout cas, on ne peut pas dire qu’il ait beaucoup milité pour…
Bonsoir Descartes,
je ne savais où caser ce commentaire, mais bon…
Je suppose que vous savez que Hollande prépare ses projets sujets “bout en train”: il a commencé à allumer une première mèche avec sa réforme de la Constitution, qui va modifier plusieurs
articles en même temps, dont le vote des étrangers aux élections locales. Je voulais revenir surtout sur un détail important: suite à des demandes de lobbies pro-noirs des dom-tom (en gros, les
indépendantistes), le mot “race” sera supprimé de la Constitution!
Comment alors caractériser le fait que le racisme est anticonstitutionnel, si on supprime cette référence? D’autant qu’à l’époque où cette constitution avait été rédigée en 1958, le président du
Sénat, un certain Gaston Monnerville, n’avait rien trouvé à redire à propos de ce mot. Pour mémoire, Monnerville était GUYANAIS, NOIR et petit-fils d’esclave… Pourquoi des lobbies pro-noirs
trouvent désormais ce mot choquant? Si on le supprime de la Constitution, cela signifiera théoriquement que la République pourrait considérer des droits différents en fonction de la couleur…
C’est naïf comme raisonnement, mais à part la pensée magique de supprimer le racisme en supprimant le mot “race”, je ne vois pas de raison logique qui pousse à un tel changement. Hollande est-il
à ce point clientéliste et anti-républicain? Avec le mariage “pour tous” accordé à un lobby LGTB ultra-minoritaire, poser la question, c’est déjà un peu y répondre…
le mot “race” sera supprimé de la Constitution!
Franchement, je trouve cette affaire d’une affligeante stupidité. Elle ne mérite même pas un commentaire.
Pour mémoire, Monnerville était GUYANAIS, NOIR et petit-fils d’esclave…
C’est d’ailleurs intéressant de constater que les soi-disants défenseurs de l’identité noire vont chercher leurs références chez les rappeurs ou les amerloques mais ignorent totalement les noirs
qui, grâce à la promotion sociale républicaine, ont atteint des hautes positions politiques ou administratives dans les années 1940 et 1950. Du temps où aux Etats-Unis les noirs n’avaient pas le
droit d’emprunter les mêmes bus ou d’utiliser les mêmes toilettes que les blancs, en France on avait un Félix Eboué (dont l’humble naissance ne l’a pas empêché de faire de brillantes études, puis
d’être gouverneur de Guadeloupe, puis du Tchad, de se mettre au service de la France Libre et d’être compagnon de la Libération) ou un Gaston Monerville, président du Sénat et donc deuxième
personnage de l’Etat.
“Franchement, je trouve cette affaire d’une affligeante
stupidité. Elle ne mérite même pas un commentaire.”
Justement, il fut un temps où j’aurais réagi comme vous, mais je vais finir par croire que la succession d’annonces éminamment absurdes comme celle-ci, ou encore celle du mariage “pour tous”,
deviennent un mode de gouvernement!
En gros, ça créée une stupéfaction générale, puis une forme de mithridatisation… Je sais que vous n’êtes pas un grand fan des théories de Naomi Klein, et je suis d’accord avec vous sur pas
mal de points, mais pour le coup, ça ressemble pas mal à une thérapie de chocs…Ce n’est pas neuf comme méthode, mais ce qui me exaspère, c’est le fait que les dirigeants ne mettent même plus de
gants! On ne prend même plus la peine d’habiller l’arnaque! On abrutit le populo pour qu’il oublie ce qu’il est en train de perdre: le contrôle de son destin! Comme le faisait très justement
remarquer un blogueur, grâce aux socialistes, il y aura bien plus de pauvres qu’avant leur arrivée, mais le racisme aura disparu, et surtout, un chômeur pourra désormais convoler en juste noces avec son meilleur copain pour fonder une famille, si toutefois il a
assez d’argent pour louer un ventre…
En gros, ça créée une stupéfaction générale, puis une forme de mithridatisation… Je sais que vous n’êtes pas un grand fan des théories de Naomi Klein, et je suis d’accord avec vous sur pas
mal de points, mais pour le coup, ça ressemble pas mal à une thérapie de chocs…
Pas vraiment. La “thérapie de choc” telle que la théorise Naomi Klein repose sur l’idée de faire pleuvoir sur les travailleurs une suite de coups reels – au sens qu’ils changent
effectivement la réalité. Ici, on reste dans le domaine de la parole – même pas du symbole: le fait de changer dans la constitution “race” par “ethnie” ne change absolument rien à la réalité qui
nous entoure. C’est un peu comme les “-e-es” des textes officiels de la “gauche radicale”. Ils sont là pour satisfaire l’égo démésuré de certaines minorités, mais ne change rien aux réalités. On
ne devient pas brusquement “féministe” ou “égalitaire” parce qu’on ajoute des tirets aux mots, et on n’est pa moins “raciste” parce qu’on se refuse le mot “race”.
Votre commentaire me fait penser à une idée sur laquelle j’essaie de travailler un peu: nous vivons un nouveau “mai 1968” sous une forme différente. Mai 1968 fut une sorte de happening contre les
institutions, mais parce que les institutions étaient alors solides il a été confiné à la rue et à des enceintes “alternatives”. En 2013, ces mêmes forces essayent la même chose mais cette fois
assis dans des confortables fauteuils directoriaux ou ministériels. Et comme les institutions n’ont plus la force et l’adhésion qu’elles avaient derrière elles en 1968, elles sont bien plus
vulnérables.
En 1968, les “libéraux-libertaires” auraient bien voulu détruire l’institution matrimoniale ou l’Etat, mais ils n’en avaient pas la force. Ils pouvaient tout au plus détruie l’Université, ou
mettre en oeuvre leurs idées dans la sphère privée (l’amour libre, les communautés…). Aujourd’hui, ces mêmes libéraux ont le pouvoir de casser le Code civil. Mais il n’est pas inutile de se
souvenir comment le “happening” de 1968 s’est terminé: lorsque l’électorat populaire a jugé qu’on allait trop loin, ce fut la manifestation du 30 mai et un raz de marée “conservateur” aux
éléctions législatives des 23 et 30 juin…
Chaque génération a besoin d’une “geste” fondatrice: pour ceux nés en 1910, ce fut la Résistance et la France Libre. Pour ceux nés en 1930, ce fut la guerre d’Algérie. Pour ceux nés en 1950, mai
1968, pour ceux nés en 1970 et après… pas grande chose. Vous verrez que dans quarante ans des vieux cons vous raconteront leurs “combats pour le mariage pour tous”…
Ce n’est pas neuf comme méthode, mais ce qui me exaspère, c’est le fait que les dirigeants ne mettent même plus de gants! On ne prend même plus la peine d’habiller l’arnaque!
C’est que, comme disait Pompidou, passées les bornes il n’y a plus de limites. Une fois qu’on a dit “oui” à telle communauté, il n’y a plus aucun fondement de dire “non” à une autre. Et puis,
pour reprendre l’argumentation que la gauche – toutes tendances confondues – a adopté sur le soi-disant “mariage pour tous”, cela fait du bien à certains sans faire du mal à personne. Ceux qui
hier accusaient à tort et à travers Sarkozy d’être “ultra-libéral” ont fait finalement leur le principe fondamental de l’ultra-libéralisme: “ce que je fais avec mes biens, avec mon sexe, avec mon
corps, avec tout ce qui m’appartient ne regarde que moi”. Plus rien n’est “d’ordre public” et la sphère privée absorbe tout. Même les rapports d’engendrement-reproduction, qui pourtant sont ceux
qui conditionnent la survie d’une société.
On abrutit le populo pour qu’il oublie ce qu’il est en train de perdre: le contrôle de son destin! Comme le faisait très justement remarquer un blogueur, grâce aux socialistes, il y aura bien
plus de pauvres qu’avant leur arrivée, mais le racisme aura disparu, et surtout, un chômeur pourra désormais convoler en juste noces avec son meilleur copain pour fonder une famille, si toutefois
il a assez d’argent pour louer un ventre…
Cela me rappelle le débat dimanche dernier sur BFM entre Dominique Bertinotti (député PS de Paris, grande copine de Delanoë) et Henri Guaino (royal d’intelligence, comme à son habitude). Après
des échanges assez vifs entre les deux (au cours desquels Guaino a défendu une vision “institutionnelle” qui n’est pas très différente à celle que j’ai défendue sur ce blog) le journaliste
demande à D. Bertinotti si elle envisage un remboursement de la PMA pour les couples de lesbiennes par la Sécurité Sociale. D. Bertinotti prend au sérieux la question, et commence à répondre
qu’il faut bien regarder la chose, qu’effectivement pour que ce soit un droit pour tous il faut qu’il soit pris en charge par la société… jusqu’à ce que Guaino interrompe en disant (je cite de
mémoire): “vous vous rendez compte de ce que vous êtes en train de discuter ? Moi, je n’ai pas envie de vivre dans cette société où ce genre de question se pose”. Il a parfaitement raison.
“Vous ne semblez pas voir la contradiction: en Lybie, on a préféré les islamistes plutôt qu’un Etat central( relativement) faible, au Mali on préfère un Etat (relativement) faible plutôt que
les islamistes. Et tout ça, pour vous, fait partie du même plan ? Vos aventures au Carlton semblent avoir décidément compromis vos neurones…”
J’ai commis des fautes morales au Carlton, certes. Mais je n’en ai commis aucune dans mon raisonnement. En effet, mettriez-vous sur le même plan la Libye, dirigée depuis 1969 par Kadhafi, qui
s’apprêtait en outre à transmettre le pouvoir à ses fils, et le Mali, où le gouvernement, renversé par un coup d’état en 2012, n’était, depuis, dirigé que par un président par interim ? Du reste,
si nous sommes intervenus en Libye, c’est bien parce que les islamistes seuls auraient été trop faibles pour résister à Kadhafi, tandis que la situation était exactement l’inverse au Mali.
J’ai commis des fautes morales au Carlton, certes.
J’espère au moins pour vous que cela valait la peine…
Du reste, si nous sommes intervenus en Libye, c’est bien parce que les islamistes seuls auraient été trop faibles pour résister à Kadhafi, tandis que la situation était exactement l’inverse
au Mali.
Vous reconnaissez donc que les deux situations étaient “exactement inverses”, ce qui était mon point de vue dans cette discussion depuis le départ. Vous, au contraire, vous souteniez qu’il n’y
avait “aucune contradiction” entre l’intervention en Libye et celle au Mali…
et maintenant ?
je reviens sur cette intervention française au Mali que vous approuvez dans ce billet.
Implicitement vous semblez penser que nous pouvons “remettre d’aplomb” un pays que vous qualifiez de failli
(si vous ne le pensez pas, alors pourquoi intervenir, en dehors de faire cocorico ?)
Mais comment allons nous faire ? Une occupation permanente ? pendant combien de temps ?
Cela ne paraît pas tout à fait impossible compte tenu de la taille respective du Mali et de la France, mais à quel coût ?
N’y a-t-il pas un risque que dans quelques années, les populations maliennes n’apprécient plus notre présence, ni celle de nos alliés africains ?
Enfin, il ne faut pas négliger l’islam salafiste (wahhabite) que l’Arabie Saoudite implante depuis plusieurs années dans ce pays. Ce sera le vivier du terrorisme de demain . Comment allons nous
faire ?
A moins que vous ne pensiez que l’on peut se retirer sans problème, et que l’état malien grâce à cet intervention n’est plus failli mais normal ?
Implicitement vous semblez penser que nous pouvons “remettre d’aplomb” un pays que vous qualifiez de failli
Pas tout à fait. Je pense que nous avons une chance d’empêcher le Mali de devenir un “Etat failli”. Ce sera peut être long, ce sera peut être imparfait, mais ce sera toujours mieux que de laisser
les groupes armés détruire l’Etat.
Mais comment allons nous faire ? Une occupation permanente ? pendant combien de temps ?
Une occupation permanente, non. Une présence permanente, pendant un temps probablement long, oui. Ce qui n’implique pas une présence combattante. Notre présence doit servir comme arme de
dissuasion pour empêcher une “fraction” quelconque d’avoir la tentation de casser le système et chercher à imposer ses revindications par la force.
N’y a-t-il pas un risque que dans quelques années, les populations maliennes n’apprécient plus notre présence, ni celle de nos alliés africains ?
C’est possible. Et alors, il faudra partir. On ne peut pas sauver l’Etat malien contre sa propre population. Jusqu’ici, les maliens semblent penser que la présence française leur apporte un
“plus” en empêchant le pays de sombrer dans le caos. Si demain les populations jugeaient qu’elles peuvent se débrouiller toutes seules, il faudra respecter leur jugement. J’ai une grande
confiance dans les peuples, et je ne pense pas que les maliens voudront notre départ aussi longtemps que l’Etat malien est en danger.
“J’espère au moins pour vous que cela valait la peine…”
Vous le savez: je n’en suis pas fier.
“Vous reconnaissez donc que les deux situations étaient “exactement inverses”, ce qui était mon point de vue dans cette discussion depuis le départ. Vous, au contraire, vous souteniez qu’il
n’y avait “aucune contradiction” entre l’intervention en Libye et celle au Mali…”
Tout-à-fait. C’est un peu comme si je vous disais que je ne vois “aucune contradiction” chez François Hollande qui, tout en ne s’étant jamais marié avec quiconque, souhaite néanmoins à toute
force mettre en place le “mariage pour tous”. En réalité, cette apparente contradiction se résout si l’on considère que le “mariage pour tous” n’est, précisément, qu’une entreprise de destruction
du mariage.
Tout-à-fait. C’est un peu comme si je vous disais que je ne vois “aucune contradiction” chez François Hollande qui, tout en ne s’étant jamais marié avec quiconque, souhaite néanmoins à toute
force mettre en place le “mariage pour tous”.
Franchement, je ne vois pas le rapport entre cet exemple et le sujet discuté. Dans l’affaire qui nous occupait, selon vous la France a soutenu X contre Y en Lybie et Y contre X au Mali, et celane
vous paraissait nullement contradictoire. Quel rapport avec une quelconque “contradiction” entre le non-mariage de Hollande et sa proposition de rendre accessible le mariage aux homosexuels ?
“Franchement, je ne vois pas le rapport entre cet exemple et le sujet discuté.”
Moi non plus. Alors prenons un exemple plus pertinent : c’est comme si je vous disais que je ne vois “aucune contradiction” entre le retrait de nos troupes en Afghanistan et l’engagement de nos
troupes au Mali. Eh bien… vous auriez raison, dans ce cas, de dire que mes neurones se font la malle. Connaissez-vous un bon psychiatre ?