En préparant la manif: c’est quoi une VIème République ?

Il paraît que nous sommes dans une crise de régime. Il paraît que les français ne font plus confiance à leur système politique. Il paraît que les français veulent de la “transparence”, et donc savoir combien d’appartements, de voitures, de vélos et de trottinettes possèdent leurs élus. Il paraît qu’il faut réformer de toute urgence le statut pénal du chef de l’Etat. Il paraît même qu’il faut changer de constitution. Tout ça a été révélé grâce à l’affaire Cahuzac.

Je te vois d’ici froncer les sourcils, mon cher lecteur. Tu te demandes peut-être en quoi le fait qu’un ministre de la République ait, dans une vie antérieure et dans un contexte qui n’a aucun rapport avec ses fonctions gouvernementales, soustrait de l’argent au fisc peut “révéler” de pareils dysfonctionnements. Tu te demandes peut-être en quoi la réforme du statut pénal du chef de l’Etat pourrait prévenir la fraude fiscale des ministres. Tu te demandes aussi en quoi le fait de savoir que Monsieur Fabius a fait un bel héritage – ce que nous savions déjà – et que Mme Duflot n’en a pas fait pourrait donner confiance à nos concitoyens dans leurs institutions. Et tu as raison, mon cher lecteur. Tout cela est à la fois absurde et révélateur. Absurde, parce que comme l’ivrogne de l’histoire drôle, nos gouvernants cherchent leurs clés non pas à l’endroit où ils les ont perdues, mais à l’endroit où il y a le plus de lumière médiatique. Au lieu de rechercher les solutions aux problèmes, on cherche des annonces susceptibles de calmer l’opinion. Mais tout cela est aussi révélateur de l’incapacité du gouvernement à définir un projet et à le défendre devant les français. Si l’affaire Cahuzac a pris de telles proportions, c’est parce qu’elle tombe au milieu d’un vide politique – au sens le plus noble du terme – sidéral. Disons-le clairement: en dehors des réformes “sociétales”, le gouvernement est incapable de nous expliquer quelle société il entend construire, et comment on y arrive. C’est quoi le “projet” pour l’éducation ? La semaine de quatre jours et demi ? C’est quoi le projet pour la “transition énergétique” ? Un “débat national” qui ne produit rien et un objectif de “50% de nucléaire en 2025” sans qu’on sache très bien quels en seront les effets. C’est quoi le projet industriel ? C’est quoi le projet pour la Défense ?

Il n’est pas étonnant que cette paralysie fasse ressortir le vieux débat sur la “VIème République”. Et que ceux dont c’est la marotte nous expliquent que tous nos malheurs viennent de la constitution de 1958 “modifiée N fois”, qui serait à les entendre incompatible avec le gouvernement démocratique d’un état moderne ou plutôt post-moderne. La “gauche radicale” dans toute sa splendeur – un projet soutenu à la fois par le PG, le PCF, le NPA et Eva Joly ne peut être que mauvais – appelle même à une “manifestation pour la VIème République”.

Je dois ici faire un aparté: il faut séparer la question de la “VIème République” et celle de la “constituante”. La question peut paraître subtile, mais il y a une différence entre les deux comme me l’a signalé un lecteur de ce blog, André Bellon, animateur de “l’association pour une constituante”. Pour lui, l’important n’est pas tant le produit que le processus. L’idée est que la convocation d’une constituante, c’est à dire d’une assemblée élue au suffrage universel pour débattre spécifiquement de l’organisation des pouvoirs publics, des droits fondamentaux et des principes de la République (qui sont les trois éléments fondamentaux d’une constitution) aurait un intérêt en soi en permettant un véritable débat dans l’ensemble de la société sur ces questions. Mais ce processus n’exclut pas qu’à la sortie on se retrouve avec des institutions plus ou moins similaires à celles de la constitution de 1958, que le processus de la constituante aurait légitimé. Mais au delà de mon scepticisme naturel qui me porte à douter de la possibilité d’organiser véritablement un tel débat sur un sujet qui reste quand même relativement technique sans qu’il soit confisqué par l’establishment habituel des commentateurs, je peux être d’accord sur l’intérêt du processus de discussion démocratique. Ce qui m’inquiète plus, c’est qu’une partie de ceux qui se déclarent partisans d’une “VIème République” mettent derrière cette formule des idées qui ressemblent drôlement à la IVème.

Vous ne me croyez pas ? Je vous recommande de lire le document intitulé “Réfondons la République !” publié sur le site du PCF parmi les “documents de travail du comité national” (1). Ce document a au moins un mérite: pour une fois, on sort des généralités pour faire des propositions. En annexe, certes – faut tout de même pas abuser – mais c’est fait. Et c’est pas triste. Ainsi, par exemple, sur l’organisation des pouvoirs:

Nous proposons un président, personnalité morale garante des institutions de la République, et un gouvernement responsable devant le parlement et le peuple, qui met en œuvre la politique décidée par la majorité démocratiquement élue. La primauté du parlement sur l’exécutif doit être rétablie: c’est lui qui décide de la politique économique, sociale et budgétaire; il donne un mandat impératif aux représentants du gouvernement dans les les négociations européennes; se prononce par un vote sur tout engagement extérieur des forces armées; décide à la majorité qualifiée des 3/5 iéme des nominations aux postes de responsabilité de l’Etat et des entreprises publiques“.

En d’autres termes, on revient à la logique de la IVème République, avec un président qui inaugure les chrysanthèmes, et un gouvernement dont le rôle est “la mise en oeuvre” d’une politique “décidée par la majorité”. Et comment serait élue l’assemblée ? Voici comment:

“Le parlement revalorisé doit être représentatif du peuple comme d’ailleurs toutes les assemblées élues: nous proposons la généralisation du mode de scrutin proportionnel (…)”

Fort bien. Imaginons un peu ce qu’aurait donné une assemblée élue à la proportionnelle intégrale avec un seuil de 2% (un seuil bas est indispensable pour permettre que l’assemblée soit véritablement “représentative du peuple”) en imaginant que le vote eut été le même que celui du premier tour de l’élection présidentielle:

UMP        28,2%

PS           29,7%

FN           18,6%

FdG        11,5%

Modem    9,5%

EELV        2,4%

Il ne vous a échappé que dans cette assemblée, il n’y a qu’une combinaison majoritaire à deux partis: UMP+PS. Sans un accord UMP-PS, il y a une seule combinaison à trois qui donne une majorité: UMP+Modem+FN. Et aucune majorité à gauche n’est possible: la somme PS+FdG+EELV donne seulement 43,6%. En d’autres termes, imaginez ce que serait une VIème République avec une telle assemblée qui en plus “aurait le primat sur l’exécutif”. Comment imaginez vous un gouvernement capable d’obtenir une majorité dans une telle assemblée ? Et la chose devient encore plus comique lorsqu’on imagine qu’une telle assemblée devrait “décider des nominations aux postes de responsabilité de l’Etat des des entreprises publiques” à la majorité des trois cinquièmes, soit 60%. Reprenez les pourcentages ci-dessus, et réfléchissez aux combinaisons de vote nécessaires pour avoir une telle majorité…

Il faut vraiment avoir oublié l’histoire de la IVème République pour proposer au nom d’une politique “de gauche” un arrangement qui pousse irrésistiblement à un gouvernement de “troisième force”, c’est à dire, à une alliance du centre droit et du centre gauche. Et beaucoup d’ingénuité pour proposer un système qui empêchera toute politique cohérente d’être conduite, puisqu’il est improbable qu’une alliance programmatique puisse obtenir une majorité suffisante pour gouverner.

Il est d’ailleurs curieux que cette détestation de l’exécutif et cette “primauté du législatif”, qui semble si importante au niveau de l’Etat, ne soit pas reprise dans les propositions sur la gouvernance des collectivités locales – domaine dans lequel les propositions sont fort elliptiques. Pourtant, le conseil municipal est autrement plus soumis au maire aujourd’hui que le Parlement à l’exécutif… et ne parlons même pas des conseils généraux et régionaux. Mais peut-être que contrairement à ce qui se passe au niveau national, la primauté de l’exécutif municipal arrange bien des élus communistes… ?

Mais le document en question ouvre des portes bien plus inquiétantes. Reprenons le dernier paragraphe cité en entier:

“Le parlement revalorisé doit être représentatif du peuple comme d’ailleurs toutes les assemblées élues: nous proposons la généralisation du mode de scrutin proportionnel, seul capable de garantir le pluralisme et la parité et la reconnaissance du droit de vote des étrangers dans la cité sous condition de résidence. ”

En d’autres termes, le droit de vote des étrangers résidents non seulement aux élections locales, mais aussi aux élections parlementaires. Cette proposition est tellement aberrante qu’on a du mal à croire qu’elle ait pu être formulée avec une telle candeur. Ce n’est plus la lutte finale, mais la rupture finale avec l’idéologie des lumières et avec tout le raisonnement qui fonde la souveraineté populaire.  Le droit de participer à la délibération est inséparable de l’obligation de supporter les conséquences de celle-ci. C’est pourquoi l’étranger ne vote pas: parce qu’il a toujours la possibilité de se soustraire à la délibération en question en rentrant dans son pays. Le fondement de la souveraineté du peuple, c’est précisément le fait que les citoyens qui le composent ont un destin commun auquel ils ne peuvent se soustraire. C’est cela qui les sépare de l’étranger. L’étranger peut bien entendu embrasser ce destin commun – il est alors naturalisé et partage les mêmes droits et devoirs que ses concitoyens, y compris celui d’être appelé sous les drapeaux et défendre au risque de sa vie les délibérations auxquelles il a participé. Admettre l’étranger à l’exercice de la souveraineté revient à séparer celle-ci de toute communauté de destin. C’est la fin de la République, et la transformation de la carte d’identité en carte de sécurité sociale.

On trouve dans la proposition d’autres bizarreries. Par exemple, une curieuse conception de la justice:

L’indépendance de la justice à l’égard de l’exécutif doit être résolument garantie: nous sommes favorables à la création d’un Conseil Supérieur de la Justice qui procédera aux nominations de tous les magistrats; il sera composé pour moitié de magistrats, pour moitié de personnalités désignées par le parlement“.

Passons sur le fait que les auteurs de ce texte s’inquiètent de l’indépendance de la justice vis-à-vis de l’exécutif, mais semblent ne pas voir d’inconvénient à ce qu’elle soit soumise au pouvoir législatif (2). Mais le plus étrange ici, c’est qu’on fabrique un système de cooptation: le “Conseil Supérieur de Justice”, qui nomme “tous les magistrats” est composé par moitié… de magistrats. En d’autres termes, les magistrats ont un droit de veto dans l’instance qui les nomme. Vous avez dit “cooptation” ? La chose est d’autant plus étonnante qu’en parallèle au “Conseil supérieur de la justice” le texte propose un “Conseil supérieur des médias” dont la composition n’est pas tout à fait la même: ici, il est hors de question que la moitié des membres soient des journalistes…

Il serait long de commenter toutes les propositions. Certaines sont totalement déconnectées de ce qu’est un processus constituant ( “C’est l’ensemble des organisations internationales, y compris l’ONU, qui doivent être transformées et démocratisées afin de pouvoir répondre aux exigences du multilatéralisme, de la coopération et du développement humain durable”. On se demande ce qu’une constituante française pourrait bien avoir à faire là dedans). D’autres sont des vœux pieux qui oublient qu’il y a une réalité économique. Ainsi par exemple: “Nous sommes favorables à un changement des statuts des grandes entreprises afin que soient représentés au conseil d’administration à égalité les représentants des salariés, les détenteurs du capital (public ou privé et les élus des territoires concernés“. Dites, vous en connaissez vous des investisseurs qui créeront une entreprise sachant qu’ils seront représentés dans les instances de décision “à égalité des représentants des salariés et élus des territoires concernés” (ce qui en pratique les met en minorité) ? Moi, je n’en connais pas beaucoup…

Tout cela montre à quel point cette affaire de “VIème République” est une coquille vide. Après avoir répété cette proposition sur tous les tons depuis bientôt deux ans, on commence seulement à se demander ce qu’on pourrait bien mettre dedans. La superficialité du texte et ses contradictions internes montrent qu’aucun travail sérieux n’a été fait jusqu’à maintenant. Pourquoi est-ce que cela ne m’étonne pas ?

Descartes

(1) Comme il arrive maintenant souvent avec les documents du PCF, il est impossible savoir quel est exactement le statut de ce document. Il est présenté comme un “document de positionnement” en relation avec la réunion du Comité national du PCF du 13 avril 2013. Mais le rapport qui ouvre les débats n’en fait pas mention, et le compte rendu des débats du Comité national n’en fait référence qu’une fois sans indiquer s’il s’agit d’un document d’étude, d’un document validé. On ne sait non plus qui en seraient les auteurs…

(2) Cela se voit encore plus dans la proposition sur le contrôle constitutionnel: “Le contrôle de la constitutionnalité des lois ne peut déposséder le parlement et le peuple. Il doit être confié à une Cour Constitutionnelle composée de personnalités qualifiées désignées à la proportionnelle par le parlement sur la base de listes proposées par les groupes”. On imagine aisément ces juges constitutionnels, qui doivent leur nomination à leur “groupe”, faire preuve d’une totale interdépendance à l’heure de juger la constitutionnalité des lois que ce même groupe a votées… d’autant plus que rien dans la proposition n’assure aux membres de la Cour constitutionnelle l’inamovibilité…

Ce contenu a été publié dans Uncategorized. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

35 réponses à En préparant la manif: c’est quoi une VIème République ?

  1. Gugus69 dit :

    Mais si on se posait cette question, ami Descartes : pourquoi faudrait-il changer de constitution ?

    L’actuelle me paraît relativement costaude. Elle a survécu à la guerre d’Algérie (contrairement à la précédente) ; elle a passé Mai 68 ; la crise RPR/Giscard ; trois cohabitations… Elle a garanti
    la démocratie représentative, assuré la pérennité de l’executif en toute occasion, supporté tous les changements de mode de scrutin, accepté toutes les contestations, défendu tous les droits
    fondamentaux et protégé la République. Et toujours respecté la souveraineté populaire ! Elle est tellement souple qu’elle a même encaissé le quinquennat, c’est dire !

    Quant à la primauté du législatif sur l’exécutif, faut voir… Par ailleurs, je n’ai pas souvenir qu’un gouvernement ait été installé qui ne disposait pas de l’aval de l’Assemblée ; sinon, nous
    n’aurions pas eu de cohabitations !

    Moi, je veux bien qu’on discute d’une nouvelle constitution. Mais d’abord, j’exige qu’on m’explique pourquoi la Ve est foutue.

    Comme disait ma vieille maman : “on sait ce qu’on a…”

    • Descartes dit :

      Mais si on se posait cette question, ami Descartes : pourquoi faudrait-il changer de constitution ?

      Tu prêches un convaincu. Je pense que la Constitution de la Vème République établit un bon équilibre qui garantit ce que toute constitution doit garantir: des institutions solides, démocratiques,
      et contrôlées par le peuple. La meilleure preuve en est que depuis 1958 aucun gouvernement n’est mort d’un blocage institutionnel, et qu’au contraire aucun gouvernement qui avait véritablement
      perdu la confiance du peuple n’a réussi à se maintenir…

      S’il fallait reformer quelque chose, ce serait plutôt pour revenir à l’esprit initial de la constitution de 1958 pour corriger l’érosion progressive au cours du temps des pouvoirs de l’exécutif
      et de ce qui est sa contrepartie, le contrôle populaire par la voie du référendum.

      Quant à la primauté du législatif sur l’exécutif, faut voir…

      C’est tout vu. Le propre du législatif, c’est d’être un pouvoir irresponsable. En cantonant le pouvoir législatif aux domaines dans lesquels la légitimité parlementaire est indispensable
      (libertés publiques, budget…) mais en protégeant la possibilité de l’exécutif de gouverner dans le cadre fixé par le législatif sans subir l’immixion permanente de celui-ci,  la
      constitution gaullienne a trouvé un bon équilibre.

       

  2. Jean-François dit :

    Je trouve votre commentaire sur la proportionnelle un peu léger. Le simple fait d’être ou de ne pas être dans le cadre d’une proportionnelle peut avoir une influence considérable sur les votes.

    • Descartes dit :

      Je trouve votre commentaire sur la proportionnelle un peu léger.

      Votre critique l’est encore plus… j’aimerais connaître vos arguments d’une manière un peu plus détaillée…

      Le simple fait d’être ou de ne pas être dans le cadre d’une proportionnelle peut avoir une influence considérable sur les votes.

      Tout à fait. Mais le sens de cette “influence” est connu: elle va toujours dans le sens de l’émiettement. Ce qui caractérise les systèmes de proportionnelle intégrale sans seuil – ou avec un
      seuil bas – c’est précisement l’émiettement du spectre politique en mini-partis représentant chacun un secteur étroit de la société (l’exemple israélien est peut-être le plus éclairant). Les
      gouvernements se constituent donc à partir d’obscures négociations et chantages ou les petits partis “charnière” détiennent un pouvoir disproportionné et l’utilisent pour défendre les intérêts
      particuliers de leurs mandants contre l’intérêt général…

  3. Je suis partisan du scrutin proportionnel pour élire le Parlement, mais il faut admettre qu’il existe un risque d’ingouvernabilité du pays avec un tel système. Je pense que ce problème peut être
    partiellement réglé en accordant une “prime” relativement importante au parti arrivé en tête. Ainsi, celui-ci disposerait d’une confortable avance (en nombre de sièges) et d’une légitimité accrue
    pour exercer le pouvoir. Le seuil de 2 % peut aussi se discuter: on peut le placer à 4 ou 5 % et on élimine ainsi les formations par trop confidentielles (il leur appartient d’améliorer leur
    audience). On pourrait ainsi, je le crois, améliorer la représentativité de la nation tout en permettant de manière pragmatique l’exercice du pouvoir. Concilier les deux n’est pas toujours
    facile.

     

    Le problème d’une coalition s’est aussi produit sous la V° République: gouvernement UDF-RPR, Gauche plurielle. Je ne vois pas pourquoi un scrutin proportionnel empêcherait des coalitions de
    droite ou de gauche de gouverner la France.

     

    Le scrutin uninominal à deux tours n’est pas le mal absolu, bien sûr, mais il favorise tout de même des comportements clientélistes de la part de potentats locaux. Je le vois bien dans mon
    département (et pourtant je n’habite pas en Corse): le président du Conseil général prend telle décision à la veille d’une élection législative, décision qui profite à sa circonscription
    législative naturellement. Tel autre député, battu aux municipales, utilise une bonne partie de son influence pour mettre des bâtons dans les roues de son successeur. Et surtout pratique une
    gestion clientéliste: une collègue contractuelle ayant connu quelques difficultés me disait qu’on lui avait conseillé d’aller voir le député et qu’il “arrangerait ça” comme on dit. Je ne partage
    pas l’obsession de certains pour le non-cumul des mandats. Je pense qu’il peut être intéressant pour un député d’avoir un mandat local. Mais je trouve que le trop grand enracinement des élus
    nationaux a des effets pervers, à savoir une notabilisation excessive qui a parfois des relents de féodalisme. D’autant que j’ai l’impression qu’un député a souvent plus de poids auprès des
    services de l’Etat qu’un élu local, surtout quand il connaît le ministre.

     

    C’est pourquoi je suis partisan d’un Etat centralisé et d’élus nationaux pas trop enracinés. N’oublions pas que les députés votent les lois de décentralisation. Et quand ils sont eux-mêmes
    potentats locaux, j’y vois une regrettable collusion. Par ailleurs, la classe politique française est aujourd’hui largement professionnalisée. Est-ce que pour autant elle est plus compétente et
    plus efficace? Je me permets d’en douter. Quand on voit que des lois sont retoquées par le Conseil constitutionnel alors qu’elles sont portées par des ministres ou des députés qui ont dix ou
    quinze ans de vie parlementaire derrière eux, c’est à se demander ce que ces gens ont fait durant tout ce temps…

    • Descartes dit :

      Je pense que ce problème peut être partiellement réglé en accordant une “prime” relativement importante au parti arrivé en tête. Ainsi, celui-ci disposerait d’une confortable avance (en
      nombre de sièges) et d’une légitimité accrue pour exercer le pouvoir.

      Comment proposes tu de dimensionner cette “prime” ? Et quel résultat cela donnerait appliqué par exemple si les résultats étaient ceux de la dernière élection présidentielle ?

      Le problème d’une coalition s’est aussi produit sous la V° République: gouvernement UDF-RPR, Gauche plurielle. Je ne vois pas pourquoi un scrutin proportionnel empêcherait des coalitions de
      droite ou de gauche de gouverner la France.

      La question n’est pas d’empêcher les coalitions. La question est d’une part de s’assurer qu’il y a toujours une coalition possible qui ne soit pas contre-nature, et d’autre part d’empêcher que
      l’exécutif puisse être rançonné par les membres minoritaires de cette coalition. Si tu prends les résultats de la dernière présidentielle et que tu projettes ceux-ci sur l’assemblée comme je l’ai
      fait, il n’y a pas de coalition possible en dehors de coalitions “contre nature” par exemple PS+UMP, ou bien PS+FDG+FN, ou encore PS+FDG+EELV+MODEM…

      Pour ce qui concerne la deuxième question, le risque existe même avec le scrutin majoritaire. Mais la constitution de la Vème a un autre antidote: le “parlementarisme rationnalisé” avec la
      dissolution, le 49-3 et la restriction posée par l’article 34 sur les sujets qui relèvent de la loi.

      Le scrutin uninominal à deux tours n’est pas le mal absolu, bien sûr, mais il favorise tout de même des comportements clientélistes de la part de potentats locaux.

      Vrai, mais la proportionnelle ce n’est guère mieux. Le député-maire peut utiliser son mandat législatif pour favoriser son élection municipale, et cela même s’il est élu à la proportionnelle…

      C’est pourquoi je suis partisan d’un Etat centralisé et d’élus nationaux pas trop enracinés.

      Je partage jusqu’à un certain point… éviter la “notabilisation”, ok. Mais il faut que les élus soient suffisamment enracinés pour donner à cet Etat centralisé sa légitimité démocratique. Le
      pouvoir fort à Paris a besoin d’un contrepoids sous peine de perdre cette légitimité. Bien entendu, qui dit contrepoids dit le risque de maquignonage… mais c’est le prix qu’on paye pour avoir
      une démocratie saine.

      Par ailleurs, la classe politique française est aujourd’hui largement professionnalisée. Est-ce que pour autant elle est plus compétente et plus efficace?

      Le problème c’est qu’ils sont plus “professionnels”, mais beaucoup moins bien formés. Je suis en train de faire un papier sur cette question…

  4. CVT dit :

    Bonsoir Descartes,

    j’ai une question et une remarque pour vous, ce soir.

    Ma question porte sur l’irresponsabilité du législateur: chaque membre du parlement est élu soit directement par les électeurs (Assemblée Nationale), soit indirectement (Sénat). Dès lors,
    pourquoi parler d’irresponsabilité? A moins que vous ne critiquiez l’illisibilité du processus législatif résultant d’alliances entre groupes parlementaires, auquel cas je serais d’accord avec
    vous, sauf que nous ne sommes plus sous la IVè république .

    La remarque, maintenant: j’ai passé pas mal de temps en Belgique, où le système de proportionnelle intégrale est appliqué, et ça a déjà conduit à des catastrophes! Pensez qu’en 2010, il a fallu
    plus d’un an et demi pour former un gouvernement! Et encore, je vous épargne des querelles linguistiques entre Belges Francophones et Flamands. Le pire dans ce système de proportionnel intégral, c’est qu’un système d’alliances peut priver de pouvoir le parti vainqueur des
    élections, et permettre à des partis charnières de rester ad vitam aeternam: par exemple, le Parti Socialiste Belge (francophone) est au pouvoir depuis 1988 sans discontinuité! Ce genre de rente
    de situation permet aux partis politiques établis de pratiquer un fort clientèlisme (ils appelent ça la-bas une particratie). Cela complique tellement la vie politique du pays que bien des Belges
    préfèrent suivre la politique en France plutôt que dans leur propre pays! Bref, j’exècre la proportionnelle
    intégrale: c’est le royaume de l’irresponsabilité et des combines…

    • Descartes dit :

      Ma question porte sur l’irresponsabilité du législateur: chaque membre du parlement est élu soit directement par les électeurs (Assemblée Nationale), soit indirectement (Sénat). Dès lors,
      pourquoi parler d’irresponsabilité?

      Parce qu’il est difficile pour l’électeur de faire un bilan de l’action de son législateur. Si un ministre décide une politique, l’électeur peut juger cette politique et sanctionner le
      ministre si elle donne des résultats désastreux. Mais si mon législateur vote contre une loi, comment puis-je évaluer les résultats de son vote ? Et lorsqu’il vote pour, peut-on le tenir
      responsable des effets de la loi, compte tenu du fait que le vote d’une loi est toujours un compromis compliqué ?

      La légitimité de l’exécutif vient précisement du fait que sa responsabilité peut être mise en jeu facilement. C’est pourquoi je suis pour un exécutif fort: parce que pour moi la responsabilité
      est l’essence du lien démocratique.

       

  5. dudu87 dit :

    Bonjour à vous,

    «  Mais ce processus n’exclut pas qu’à la sortie on se retrouve avec des institutions plus ou moins similaires à celles de la constitution de 1958, que le processus de la
    constituante aurait légitimé. »

    Dans le contexte politique actuel, je ne suis pas sûr qu’elle ne soit pas pire…à la sortie !

    Mais dit moi, Descartes, cette constitution de 1958 n’a t-elle pas été condamnée par le PCF à l’époque ? Et si mes souvenirs de jeunesse me sont fidèles, nous lui reprochions « le
    pouvoir personnel », « l’ autoritarisme de De Gaulle » et lorsqu’il y avait un référendum, le PCF disait « plébiscite ». M. Thorez devait dire : « Il en faudra
    des Kms et des Kms de défilés pour la détruire !!! »

    Mais nous vivons des moments…formidables. Après avoir appelé à manifester pour la 6°, Mélenchon veut devenir…1° ministre de Hollande !!!!! Tout ceci sous la 5° ! Et si Montebourg le
    devient, 1° ministre, le FdG regardera ce qu’il peut faire. Comprenne qui pourra !

     

    P { margin-bottom: 0.21cm; }A:link { }

    • Descartes dit :

      Dans le contexte politique actuel, je ne suis pas sûr qu’elle ne soit pas pire…à la sortie !

      Personnellement, je suis convaincu qu’elle serait pire.

      Mais dit moi, Descartes, cette constitution de 1958 n’a t-elle pas été condamnée par le PCF à l’époque ?

      Tout à fait. Mais l’opposition du PCF était fondée sur un calcul politique étroit: le régime d’assemblée lui donnait une capacité d’intervention bien supérieure à celle que lui a donné le scrutin
      majoritaire. En ce sens, on peut dire que le PCF a mis en avant ses intérêts plutôt que l’intérêt général… et il a été sanctionné par ses propres électeurs, qui ont massivement voté pour la
      constitution. D’ailleurs, je te fais remarquer que les constitutions des pays socialistes, que le PCF défendait tant, organisaient elles aussi un pouvoir exécutif fort et un “parlementarisme
      rationnalisé” à l’extrême…

       

  6. Jean-François dit :

    > Votre critique l’est encore plus…

    En effet !

    > j’aimerais connaître vos arguments d’une manière un peu plus détaillée…

    Par exemple : le FN a fait 18,6 % au premier tour. Rien ne permet de dire que si les Français ne savaient pas pertinemment que Marine Le Pen n’a
    aucune chance d’être élue, ils voteraient autant pour elle.

    > Tout à fait. Mais le sens de cette “influence” est connu: elle va toujours dans le sens de l’émiettement. Ce qui caractérise les systèmes de
    proportionnelle intégrale sans seuil – ou avec un seuil bas – c’est précisement l’émiettement du spectre politique en mini-partis représentant chacun un secteur étroit de la société (l’exemple
    israélien est peut-être le plus éclairant). Les gouvernements se constituent donc à partir d’obscures négociations et chantages ou les petits partis “charnière” détiennent un pouvoir
    disproportionné et l’utilisent pour défendre les intérêts particuliers de leurs mandants contre l’intérêt général…

    Tout à fait. Donc votre utilisation du résultat du premier tour était un peu légère !

    P { margin-bottom: 0.08in; }

    • Descartes dit :

      > “Votre critique l’est encore plus…”. En effet !

      Faute avouée à demi pardonnée… il ne reste plus que la deuxième moitié.

      Par exemple : le FN a fait 18,6 % au premier tour. Rien ne permet de dire que si les Français ne savaient pas pertinemment que Marine Le Pen n’a aucune chance d’être élue, ils voteraient
      autant pour elle.

      On n’en sait rien. Mais il faut bien prendre un exemple quelque part. Je ne prétend pas que le résultat aurait été le même. Je pense, en fait, qu’il aurait été bien pire, parce que le scrutin
      proportionnel a tendance à fractionner les partis et faire naître une multitude de petits partis alléchés par la possibilité d’avoir des sièges. Le FN aurait peut-être eu moins de voix, mais on
      aurait eu à la place une multitude de petits partis avec chacun un ou deux députés qui auraient ensuite rançonné les gros partis à l’heure de constituer les coalitions.

  7. Baruch dit :

    Je peux me tromper mais je n’ai pas vu que le mode d’élection proportionnel ou majoritaire soit fixé par la Constitution. Je croyais que c’était fixé par une Loi organique. Ce que détermine la
    Constitution c’est que les députés sont élus au suffrage direct et les sénateurs au suffrage indirect, et que le vote est universel, égal et secret mais que les conditions d’éligibilité et de
    scrutin sont réglées par la loi.

    Donc, si je ne me trompe pas, cela renforce encore l’argument selon lequel il n’y aurait pas besoin de changer de constitution pour changer le mode de scrutin, puisque sous cette même
    constitution le législateur pourrait décider si nos représentants sont désignés avec plus ou moins de proportionnelle,d’ailleur on l’a fait ce me semble plusieurs fois sous la Vème. Cela renforce
    aussi l’idée de l’impréparation, la confusion complète qui se révèle derrière ce mot d’ordre de VIème république. Mais comme je ne suis pas juriste et que ma connaissance des articles de la
    Constitution, de leur ordre et logique est plutôt floue , je ne jurerais pas d’avoir raison. j’ai tout de même l’impression qu’on confond souvent le législatif et le constitutionnel, et que nos
    gars du front de gauche entretiennent le flou; or, ce serait à eux si ils veulent qu’on se rallie à leur mot d’ordre, d’éclairer ,d’expliquer et de préciser pourquoi c’est la Constitution qui ne
    va plus et que la loi, un nouveau rapport de force et le jeu politique ne peuvent pas nous sortir des impasses qu’ils dénoncent tout en préservant ce qui nous tient ensemble.

    • Descartes dit :

      Je peux me tromper mais je n’ai pas vu que le mode d’élection proportionnel ou majoritaire soit fixé par la Constitution.

      C’est tout à fait exact. D’ailleurs, le gouvernement socialiste avait modifié le mode de scrutin en 1986 en introduisant la proportionnelle pour embêter le RPR en donnant au FN une entrée à
      l’Assemblée. On pourrait donc parfaitement introduire la proportionnelle intégrale dans l’élection de la représentation parlementaire tout en conservant la constitution de la Vème.

      Cela renforce aussi l’idée de l’impréparation, la confusion complète qui se révèle derrière ce mot d’ordre de VIème république.

      Ne nous voilons pas la face. Le mot d’ordre de la VIème République a l’avantage d’être tellement vague qu’on peut y mettre à peu près tout ce qu’on veut. Convoquer une manif là dessous est un
      moyen d’assembler les mécontents, même lorsque leurs motifs de mécontentement sont contradictoires. Et je pense qu’on l’a choisi précisement pour cette raison: une banderole “je n’aime pas
      Hollande” aurait été trop clivante, une banderole “j’suis pas content” trop puérile.

       

  8. dudu87 dit :

    Bonjour à vous tous,

    Mais l’opposition du PCF était fondée sur un calcul politique étroit: le régime d’assemblée lui donnait une capacité
    d’intervention bien supérieure à celle que lui a donné le scrutin majoritaire. En ce sens, on peut dire que le PCF a mis en avant ses intérêts plutôt que l’intérêt général…

    Comme tu le reconnaît le PCF avait un pouvoir d’intervention bien supérieur. Pour l’intérêt général, ce n’était pas
    …négligeable. En effet, pour avoir un élu PCF, il fallait 2fois voir 3 plus de voix que pour un élu de droite (le cas Michel Debré à la Réunion). L’élu communiste, à l’époque, avait un salaire
    d’ un ouvrier P2 de la région parisienne et le reste était reversé au parti. Cette manne financière, non négligeable, permettait au PCF en autre, d’avoir une recherche politique, économique et
    culturelle autre que celle que nous connaissons actuellement.

    Mais revenons sur le fond de la discussion constitutionnelle. Je poserai quelques pistes qui me paraissent pour moi
    essentielles.

    1° Voulons-nous des élus politiques professionnels ou des élus « bénévoles » qui effectuent 1 ou 2 mandats ? Quel
    statut devons-nous donner à nos élus ?

    2° En dehors du vote, quelles interventions des citoyens ou électeurs ?

    3° Comment organisez un véritable débat démocratique afin que chaque citoyen puisse se prononcer en toute
    connaissance?

    4° Quelles missions assignaient au Conseil Constitutionnel ?

    Mais peut-être serait-il plus sage de faire l’analyse avant de proposer des solutions !

    Alors, scrutin à la proportionnelle ou scrutin par circonscription ? Nous en connaissons tous les avantages et…les
    inconvénients !

    Mais une certitude, je ne souhaite plus revoir un militant politique ouvrier élu avec 3x de voix qu’un « nanti » !
    Je proposerai donc qu’un élu représente son nombre de voix dans toutes les assemblées, c’est-à-dire qu’il représente son nombre de mandats reçus lors des consultations électorales au lieu d’une
    voix, la sienne. Proposition utopiste ?

     

    Si tu le permets, Descartes et dans un hors sujet, je vous portais à la connaissance de tous un article que j’ai trouvé
    instructif :Gramsci, la Russie soviétique et la critique du populisme Domenico
    Losurdo

    http://www.comite-valmy.org/spip.php?article3437

    Je ne connaissais pas ce philosophe italien.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Domenico_Losurdo

     

    P { margin-bottom: 0.21cm; }A:link { }

    • Descartes dit :

      Comme tu le reconnaît le PCF avait un pouvoir d’intervention bien supérieur. Pour l’intérêt général, ce n’était pas …négligeable.

      Le véritable pouvoir d’intervention du PCF, c’était son implantation dans le monde du travail. Et le PCF s’est lourdement trompé en préférant soutenir des institutions qui rendaient le pays
      ingouvernable au prétexte qu’elles lui assuraient une influence supérieure. Et l’électorat populaire l’a sanctionné. Mais le PCF s’est encore plus lourdement trompé dans son analyse, lorsqu’il a
      pensé que le Général était pour la classe ouvrière un danger plus grand que la “troisième force”. Là encore, les résultats lui ont donné tort: la Vème République fut celle du “gaullo-communisme”.

      En effet, pour avoir un élu PCF, il fallait 2fois voir 3 plus de voix que pour un élu de droite (le cas Michel Debré à la Réunion). L’élu communiste, à l’époque, avait un salaire d’ un
      ouvrier P2 de la région parisienne et le reste était reversé au parti. Cette manne financière, non négligeable, permettait au PCF en autre, d’avoir une recherche politique, économique et
      culturelle autre que celle que nous connaissons actuellement.

      Ce n’est pas une question d’argent. La “recherche politique, économique et culturelle” était faite par des intellectuels “compagnons de route” d’une manière tout à fait bénévole. Et la véritable
      force du Parti, c’était son implantation dans la classe ouvrière, et non son groupe parlementaire. D’ailleurs, la IVème République avait dejà beaucoup réduit la représentation communiste à partir
      de 1950 grace à la loi éléctorale dite “loi des apparentements”…

      1° Voulons-nous des élus politiques professionnels ou des élus « bénévoles » qui effectuent 1 ou 2 mandats ? Quel statut devons-nous donner à nos élus ?

      Professionnels, sans aucun doute. L’élu “bénévole” implique une surrépresentation automatique des couches sociales qui peuvent se permettre financièrement d’exercer un mandat à leurs propres
      frais. Par ailleurs, le gouvernement d’un état moderne est quelque chose qui ne s’improvise pas, et il faut au moins un mandat avant que l’élu soit véritablement opérationnel. Une rotation rapide
      des élus implique laisser le véritable pouvoir dans les mains de l’administration et ses techniciens, qui auront eux l’immense avantage de la permanence.

      2° En dehors du vote, quelles interventions des citoyens ou électeurs ?

      Très bonne question.

      3° Comment organisez un véritable débat démocratique afin que chaque citoyen puisse se prononcer en toute connaissance?

      La encore, une très bonne question.

      4° Quelles missions assignaient au Conseil Constitutionnel ?

      Ce n’est pas tant les missions qui font débat. La mission du Conseil constitutionnel est de vérifier la constitutionnalité des lois. Sans ce contrôle, la constitution ne s’impose plus au
      législateur. Le problème est comment organiser ce contrôle sans que le contrôleur usurpe le rôle du législateur. Et là encore, le meilleur contrôle est la possibilité de recours direct au peuple.

      Mais une certitude, je ne souhaite plus revoir un militant politique ouvrier élu avec 3x de voix qu’un « nanti » ! Je proposerai donc qu’un élu représente son nombre de voix dans toutes les
      assemblées, c’est-à-dire qu’il représente son nombre de mandats reçus lors des consultations électorales au lieu d’une voix, la sienne. Proposition utopiste ?

      Totalement. Elle a d’ailleurs un effet pervers: les députés voudront avoir des circonscriptions le plus grandes possibles, pour que leur vote pèse plus lourd. En d’autres termes, ta propositon
      encourage les élus à ne pas revoir périodiquement les circonscriptions pour s’assurer qu’elles sont de même taille.

      Par contre, ta proposition pourrait éventuellement permettre de rédecouper les circonscriptions sans tomber dans le problème des départements qui n’auraient qu’un seul – voir aucun – député.

      Si tu le permets, Descartes et dans un hors sujet, je vous portais à la connaissance de tous un article que j’ai trouvé instructif :Gramsci, la Russie soviétique et la critique du populisme
      Domenico Losurdo. Je ne connaissais pas ce philosophe italien.

      Losurdo est un philosophe marxiste dont les travaux sont très intéressants, et notamment ceux sur la “haine de soi” appliquée aux communistes. C’est un des rares qui ose aborder la figure de
      Staline sans rendre hommage au politiquement correct.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Domenico_Losurdo

  9. Baruch dit :

    Domenico Losurdo vient de publier en Italie un nouveau livre: “La lutte de classes: Une histoire politique et philosophique”. Sur le site de l’auteur, en italien, des recensions et
    commentaires sont disponibles: http://domenicolosurdo.blogspot.fr/.

  10. Serge dit :

    Bonjour Mr Descartes.

     

    Je me faisais une réflexion en regardant dernièrement l’actualité à propos du mariage dit “pour tous”. Peu importe que l’on soit pour ou contre. Il a été voté et adopté. Pourtant, le sujet était
    pour le moins clivant.

    Dans la VIème République présenté ici, et le peu que j’en ai compris, cela n’aurait-il pas abouti à une impasse politique (ou pire, à un consensus mou), justement à cause de la proportionnalité ?
    Et pourtant, tous les gauchistes crient de joie, les mêmes qui veulent plus de démocratie “citoyenne” (d’ailleurs, on devient comment citoyen dans une VIème République ? C’est innée, pif pouf, à
    la naissance) ?. La Vème République est bien bonne quand il s’agit de nos idées… Un peu moins quand ce n’est pas le cas.

    • Descartes dit :

      Dans la VIème République présenté ici, et le peu que j’en ai compris, cela n’aurait-il pas abouti à une impasse politique (ou pire, à un consensus mou), justement à cause de la
      proportionnalité ?

      Pas nécessairement. Dans un parlement élu à la proportionnelle, il y a généralement un grand nombre de groupes “charnière” qu’on peut acheter avec une concession politique, avec une subvention à
      tel ou tel lobby, avec un poste ministériel…

      (d’ailleurs, on devient comment citoyen dans une VIème République ? C’est innée, pif pouf, à la naissance)

      La plupart des partisans de la VIème République qui se sont exprimés sur la question défendent une “citoyenneté de résidence”, c’est à dire, le fait qu’on est citoyen du pays où l’on réside (pour
      une période plus ou moins longue). A mon sens, cette idée est un retour en arrière: on substitue à l’idée d’une Nation bâtie autour d’un “contrat sans cesse renouvelé” et de la communauté de
      destin une idée de la Nation comme une collectivité de convenance.

  11. “Comment proposes-tu de dimensionner cette prime?”

    On pourrait réserver 15 à 20 % des sièges à la formation politique arrivée en tête. Le reste serait réparti à la proportionnelle avec élimination des formations ayant fait moins de 4 ou 5 %.

     

    Si ma prime est de 15 % des sièges, elle équivaut, avec une Assemblée nationale à 577 députés à 87 sièges (577 x 0,15 = 86,55).

    Il y a donc 490 sièges à pourvoir à la proportionnelle.

    Voici donc le nombre théorique de sièges si l’on prend les résultats de la présidentielle (on est obligé d’arrondir, mais ce n’est pas un problème):

    PS: 146 + 87 = 233 sièges

    UMP: 138 sièges

    FN: 91 sièges

    FdG: 56 sièges

    Modem: 47 sièges

    Les Verts sont éliminés. Soit 565 sièges pourvus. Comme ce n’est pas une proportionnelle intégrale, il reste 12 sièges à pourvoir, répartis à leur tour à la proporionnelle des partis qualifiés.

    Le PS récupère 4 sièges, l’UMP 3, le FN 2, le FdG 1, le Modem 1. Le siège restant est attribué au PS avec toujours l’idée de favoriser le parti arrivé en tête.

    La répartition définitive est la suivante:

    PS: 238 sièges

    UMP: 141 sièges

    FN: 93 sièges

    FdG: 57 sièges

    Modem: 48 sièges

    La majorité à l’Assemblée est à 289. Le PS peut gouverner avec le FdG (295 sièges).

     

    Par ailleurs, mon propos portait sur le scrutin, pas sur la Constitution. Je suis favorable à ce que le Président de la République conserve deux moyens de pression sur le Parlement: la
    dissolution et l’appel au peuple par référendum. Je pense aussi que le quinquennat tend à personnaliser le pouvoir. Les législatives se déroulant dans la foulée des présidentielles, le Président
    peut en profiter. Après, rien n’empêche de faire des listes communes entre partis, aujourd’hui on négocie bien des circonscriptions entre alliés.

     

    “la proportionnelle ce n’est guère mieux”

    La proportionnelle rend un pouvoir aux partis politiques. Aujourd’hui, les partis sont relativement faibles à cause de la notabilisation. L’appareil central des partis s’inclinent trop souvent
    devant les barons locaux qui se sont multipliés et ont pris de l’importance avec la décentralisation (en brassant plein d’argent). Je pense que remettre les partis au centre du jeu, et donc le
    chef du parti, n’est pas forcément une mauvaise chose. Le PCF de Marchais, c’était autre chose que celui de Laurent… 

    • Descartes dit :

      Plusieurs remarques à ton calcul:

      La première est que le FN décroche une centaine de sièges. A partir de là, toutes les opérations qui nécessitent une majorité qualifiée sont impossibles sans un accord entre le PS et l’UMP.

      La seconde, c’est qu’on voit mal aujourd’hui comment le PS pourrait gouverner avec le FdG. Quel pourrait être le “programme de gouvernement” acceptable pour les deux organisations ? Avec une
      majorité de 293, il suffit de cinq votes dissidents (au FdG ou au PS) pour mettre le gouvernement en minorité. Tu t’imagines le bordel ? Le chantage au gouvernement serait permanent, sur le mode
      “tu fais quelque chose pour ma circonscription/tu me donnes un ministère/tu satisfais tel ou tel lobby ou je vote contre”… et la contrepartie évidente de ce chantage est la recherche de
      majorités de rechange, dites “de troisième force” avec le Modem et quelques transfuges de la droite – eux aussi alléchés par l’odeur des prébendes…

      La proportionnelle, même avec une “prime” à celui arrivé en tête, aboutit ici à un gouvernement instable incapable d’appliquer un projet cohérent. Pour rendre possible cette cohérence, il te
      faudrait augmenter la prime pour la mettre au niveau de ce qui se pratique dans les conseils municipaux: la liste arrivé en tête a 50% des sièges, et le reste est reparti à la proportionnelle.
      Mais si tu appliques ce système, tu arrives à une composition qui n’est pas si différente que cela de al composition actuelle…

      Par ailleurs, mon propos portait sur le scrutin, pas sur la Constitution. Je suis favorable à ce que le Président de la République conserve deux moyens de pression sur le Parlement: la
      dissolution et l’appel au peuple par référendum.

      Pour que l’arme atomique soit dissuasive, il faut un minimum d’armes conventionnelles pour l’accompagner. La dissolution et le référendum sont trop lourds pour constituer des menaces crédibles en
      toute circonstance. Il faut aussi le 49-3, le vote bloqué, et la protection du domaine reglementaire de l’article 34. Si tu gardes tout ça, on voit mal ce qui resterait de la “VIème
      République”…

      La proportionnelle rend un pouvoir aux partis politiques.

      Précisement. Et quand on regarde l’état des partis politiques, je ne suis pas sur qu’on ait envie de leur confier le pouvoir. Bien entendu, on peut rêver que si la constitution rendait le pouvoir
      aux partis, ceux-ci étofferaient leurs structures et se donneraient les moyens de l’exercer. Mais l’expérience de la IVème république a montré plutôt le contraire: en dehors du PCF, dont la
      puissante structuration doit beaucoup à son rôle de contre-société, les partis politiques se sont fractionnés en “chapelles” autour de communautés d’intérêt.

       

  12. “le FN décroche une centaine de sièges”

    Et alors? Je ne fais pas partie des pères la morale qui veulent absolument que les frontistes soient tenus à l’écart des enceintes parlementaires. Par ailleurs, je pense qu’il est toujours
    intéressant pour un parti de permettre à ses dirigeants d’acquérir une expérience parlementaire. C’est toujours plus facile de critiquer quand on est à l’extérieur. Mais quand on s’aperçoit de la
    réalité du travail parlementaire…

     

    “sans un accord entre le PS et l’UMP”

    Comme l’adoption du Traité de Lisbonne? Il y a des sujets pour lesquels le PS et l’UMP savent s’entendre…

     

    “comment le PS pourrait gouverner avec le FdG”

    On ne sait pas ce qui se passerait si le PS avait besoin du FdG, et rien ne dit que Mélenchon aurait l’attitude qui est la sienne s’il avait la possibilité de participer à un gouvernement… Par
    ailleurs, une alliance PS-Modem, dans la configuration proposée, n’aurait pas la majorité.

     

    “Tu t’imagines le bordel?”

    Non, je n’imagine pas. Manque d’expérience sans doute. Mais au fait, la Gauche plurielle, ça fonctionnait comment entre 97 et 2002? Et quel était le scrutin? A contrario, en 86-88, le RPR a-t-il
    eu besoin du FN, ou bien Chirac a-t-il pu diriger son gouvernement?

    Cela étant, le système que je propose suppose que les partis aient les moyens de faire respecter une stricte discipline parmi leurs élus. D’où l’intérêt, non pas de supprimer purement et
    simplement le cumul des mandats, mais de limiter certains cumuls, notamment qu’un mandat parlementaire ne soit pas associé à la direction d’un “gros” exécutif local (grande ville, conseil
    général, conseil régional). Ainsi, les plus importants des barons locaux seraient écartés de l’Assemblée nationale (encore qu’il leur reste le Sénat).

    Par ailleurs, tu faisais remarquer qu’aucune coalition autre que PS-UMP n’était possible avec la proportionnelle. J’ai essayé de te montrer que la proportionnelle peut aussi être aménagée pour
    qu’une coalition de gauche soit possible, et qu’on peut limiter l’émiettement. Mais j’ai l’impression que tu es par principe opposé à la proportionnelle.

     

    “un gouvernement instable incapable d’appliquer un projet cohérent”

    Cette affirmation est bien péremptoire. Je remarque d’ailleurs que nous avons ces temps-ci un gouvernement stable. Peux-tu me rappeler où est le projet cohérent? Alors, quel intérêt d’un
    gouvernement stable? Peut-être que si le PS avait eu un réel projet – qui sait? – dans une proportionnelle, il aurait pu rafler 35 ou 40 % des voix. 

     

    Encore une fois, mon propos portait sur le scrutin, pas sur un changement de la Constitution. Je suis un anti-mélenchon primaire, et je rejette toute idée de “VI° République”. Donc je suis tout à
    fait d’accord pour que le Président conserve l’intégralité des prérogatives que tu cites. Je m’interroge un peu sur le rôle du Premier ministre depuis le passage au quinquennat, c’est tout.

     

    “au niveau de ce qui se pratique dans les conseils municipaux”

    Pourquoi pas? Je n’y avais pas pensé, c’est une solution.

     

    “une composition qui n’est pas si différente que cela de la composition actuelle”

    Je ne pense pas. Peux-tu faire le calcul à partir des résultats de la présidentielle, auxquels on appliquerait le système des municipales? Je crois que pour le FN ou le Modem, le nombre d’élus
    serait très différent. 

     

    • Descartes dit :

      Et alors? Je ne fais pas partie des pères la morale qui veulent absolument que les frontistes soient tenus à l’écart des enceintes parlementaires.

      Moi non plus. Mais lorsqu’on accorde une représentation parlementaire importante aux partis qui n’entendent pas participer au gouvernement, on rend de plus en plus difficile la constitution de
      majorités pour gouverner. Et on donne donc une prime d’influence aux petits partis qui se vendent au plus offrant.

      Par ailleurs, si l’on prenait par exemple l’idée du PCF de soumettre la nomination aux hauts emplois civils et militaires de l’Etat à l’obtention d’une majorité des 3/5èmes de l’assemblée, le
      fait que le FN détienne à lui seul 1/5 des sièges rend les nominations pratiquement impossibles sans un accord gauche-droite.

      “sans un accord entre le PS et l’UMP” Comme l’adoption du Traité de Lisbonne? Il y a des sujets pour lesquels le PS et l’UMP savent s’entendre…

      Je ne vois pas de quoi tu parles. La ratification du traité de Lisbonne a nécessité une majorité simple, pour laquelle l’UMP n’avait pas besoin du PS. Si tu parles par contre de la modification
      de la constitution, il n’y eut pas d’accord entre le PS et l’UMP, et la majorité des 3/5èmes a été acquise par la dissidence individuelle de certains députés socialistes.

      On ne sait pas ce qui se passerait si le PS avait besoin du FdG, et rien ne dit que Mélenchon aurait l’attitude qui est la sienne s’il avait la possibilité de participer à un
      gouvernement…

      On peut tout de même supposer raisonnablement qu’il y aurait au moins cinq députés socialistes qui n’accepteraient aucune des lois que le FdG estimerait indispensable pour entrer au gouvernement,
      et au moins cinq députes FdG qui n’accepteraient pas un compromis de nature sociale-libérale…

      Par ailleurs, une alliance PS-Modem, dans la configuration proposée, n’aurait pas la majorité.

      Mais il suffirait pour l’avoir de débaucher une dizaine de députés UMP parmi les plus centristes… un miracle que la distribution de postes ministériels et autres prébendes pourrait aisément
      accomplir…

      Non, je n’imagine pas. Manque d’expérience sans doute. Mais au fait, la Gauche plurielle, ça fonctionnait comment entre 97 et 2002?

      Mal. Pensez comment Superphénix fut “vendu” en échange du vote vert. Et s’il n’y avait pas eu le couperet du 49-3 et de la dissolution, cela aurait fonctionné encore moins bien.

      Et quel était le scrutin? A contrario, en 86-88, le RPR a-t-il eu besoin du FN, ou bien Chirac a-t-il pu diriger son gouvernement?

      En 1986, le scrutin n’était pas proportionnel intégral, mais proportionnel de liste départamentale, ce qui a donné un petit coup de pouce à la droite. Et même ainsi, l’alliance RPR-UDF n’avait
      que 286 députés, c’est à dire cinq de moins que la majorité. Cela a fragilisé le gouvernement et rendu très difficile une véritable reforme électorale.

      Cela étant, le système que je propose suppose que les partis aient les moyens de faire respecter une stricte discipline parmi leurs élus.

      Dans ces conditions, à quoi bon avoir des élus ? On pourrait voter pour des partis, et en fonction du résultat chaque parti nommerait un certain nombre de personnes, qu’il pourrait révoquer et
      remplacer à sa convenance…

      Mais j’ai l’impression que tu es par principe opposé à la proportionnelle.

      Par principe, non. Mais je trouve que c’est un mode d’élection qui a des effets pervers considérables. L’émiettement des partis, la formation de coalitions dans le dos des électeurs, le chantage
      des minorités… 

      Cette affirmation est bien péremptoire. Je remarque d’ailleurs que nous avons ces temps-ci un gouvernement stable. Peux-tu me rappeler où est le projet cohérent? Alors, quel intérêt d’un
      gouvernement stable?

      Là tu fais preuve de mauvaise foi. Aucun système électoral ne peut se substituer au travail d’élaboration d’un projet. Et lorsqu’il n’y a pas de projet, le plus parfait des systèmes électoraux,
      les institutions les plus admirables seront impuissantes. Mais le but est tout de même d’installer des institutions qui, lorsqu’un projet existe, permettent de le mettre en oeuvre.

      Peut-être que si le PS avait eu un réel projet – qui sait? – dans une proportionnelle, il aurait pu rafler 35 ou 40 % des voix. 

      Plutôt le contraire. S’il avait eu un réel projet, il aurait été boulé par l’électorat. Il faut faire confiance aux politiques: si avoir un projet vous faisait gagner des voix, ils feraient
      l’effort de s’en doter. Le problème est qu’un projet cohérent implique faire de la peine à tel ou tel groupe, et dans un contexte où l’individu est roi personne n’est prêt à voter ne serait-ce
      que partiellement contre ses intérêts étroits au nom de l’intérêt général.

      On a les politiques qu’on mérite. Si les politiques ont renoncé à avoir un projet et préfèrent une “liste de courses” avec une mesure pour chaque “communauté”, c’est bien parce que c’est
      électoralement plus rentable. C’est bien gentil de reprocher aux politiques de ne pas avoir de projet, alors qu’ils ne font que ce que leurs électeurs leur demandent…

      Peux-tu faire le calcul à partir des résultats de la présidentielle, auxquels on appliquerait le système des municipales? Je crois que pour le FN ou le Modem, le nombre d’élus serait très
      différent. 

      Le calcul est simple à faire. Tu donnes 50% des sièges aux socialistes, et ensuite tu distribue les sièges restants entre les partis. En mettant un seuil de 2%, tu obtiens le résultat suivant:

      PS        64,8%

      UMP      14,1%

      FN         9,3%

      FdG       5,7%

      Modem  4,8%

      EELV      1,2%

      Tu as raison que la composition ne rejoint pas la composition actuelle en termes de sièges.

  13. CVT dit :

    La plupart des partisans de la VIème République qui se sont
    exprimés sur la question défendent une “citoyenneté de résidence”, c’est à dire, le fait qu’on est citoyen du pays où l’on réside (pour une période plus ou moins longue). 

    Ce n’est pas seulement une régression, c’est un déni de justice! Un vrai scandale! En clair, après le mariage pour tous, c’est la nationalité française pour tous! Donc plus de distinction
    entre ceux qui sont à l’exterieurs (étrangers, quoi) et à l’intérieur (nationaux, quoi?). En clair, comme pour le mariage dit pour tous, on fait dépendre le droit de la seule convenance de
    chacun…

    Quelle est la bande d’irresponsables qui a fait une proposition pareille? Elle va déjà bien plus loin que celle du serpent de mer que représente le droit de vote pour les étrangers aux élections
    locales. Et on devrait confier notre destin à des gens pareils? Est-ce qu’ils mesurent exactement la porté de cette revendication? C’est la manière la plus sûre d’abolir définitivement notre
    souveraineté! Pour avoir vu de près à Bruxelles les méfaits du droit de vote des étrangers aux éléctions locales, je peux vous assurer que c’est prendre le risque de laisser le
    pays être la proie d’ingérences étrangères…

    Les partisans de la VIè République sont, passez-moi l’expression, des jean-foutre et des branleurs! Comment peuvent-ils appeler à un changement de constitution alors que l’essentiel des attributs
    de notre souveraineté a été bradé à Bruxelles et à Berlin? Sortons d’abord de l’UE  et appliquons des politiques de plein emploi avant d’envisager une quelconque réforme réforme
    constitutionnelle.

    Je sais, je m’énerve peut-être pour pas grand chose, mais depuis qu’on a fait voter une loi qui institue un mensonge d’état sur la nature du mariage, j’ai peur et j’ai surtout l’impression que
    désormais, tout devient possible: le dehors devenant le dedans, l’homme devenant la femme et inversement, l’adulte et l’enfant peuvent échanger leur place, et l’étranger de passage devant un
    citoyen ordinaire à son INSU…

    • Descartes dit :

      En clair, comme pour le mariage dit pour tous, on fait dépendre le droit de la seule convenance de chacun…

      Exactement. C’est peut-être l’élément le plus frappant de la dérive de nos sociétés en général et de la gauche en particulier: les normes ne sont plus une limitation de la liberté de chacun au
      nom de l’intérêt général, mais doivent au contraire donner satisfaction au moindre caprice de l’individu, même si l’intérêt général doit en souffrir. L’idée même de sacrifice, qui était si facile
      à comprendre pour les générations précédentes devient non seulement anachronique mais incompréhensible pour les générations présentes.

       

  14. BolchoKek dit :

    … on donne donc une prime d’influence aux petits partis qui se vendent au plus offrant.

    Je pense que tout est dit… Maman j’ai peur, l’UDSR revient !

    • Descartes dit :

      Aux éléctions législatives de 1951, il n’y avait pas moins de 9 groupes parlementaires. Aux éléctions de 1956, il y en aura 12… autant de “combinazioni” possibles pour former des gouvernements
      soumis en permanence au chantage…

  15. BJ dit :

    « Si tu parles par contre de la modification de la constitution, il n’y eut pas d’accord entre le PS et l’UMP, et la majorité des 3/5èmes a été acquise par la dissidence individuelle de
    certains députés socialistes.»

    A lire cette phrase (enfin, telle que je la comprends), on a l’impression que la révision de la constitution ne serait passée qu’accidentellement, à cause de la dissidence de quelques
    socialistes.
    Pour rappel, en dehors de la quarantaine de socialistes qui ont assumé leur choix en votant “pour”, c’est pratiquement 200 socialistes qui se sont courageusement abstenus, faisant de fait baisser
    le seuil des 3/5 qui permettait l’adoption. On est loin de la dissidence de quelques fortes têtes…

    • Descartes dit :

      A lire cette phrase (enfin, telle que je la comprends), on a l’impression que la révision de la constitution ne serait passée qu’accidentellement, à cause de la dissidence de quelques
      socialistes.

      Entre “accidentellement” et “accord entre le PS et l’UMP” il y a tout de même une marge.  

      Pour rappel, en dehors de la quarantaine de socialistes qui ont assumé leur choix en votant “pour”, c’est pratiquement 200 socialistes qui se sont courageusement abstenus, faisant de fait
      baisser le seuil des 3/5 qui permettait l’adoption.

      Il reste qu’il n’y a la moindre évidence d’un “accord PS-UMP”. Et c’est de cela qu’il s’agissait. J’ajoute que quand bien même tous les abstentionnistes auraient voté contre la modification
      constitutionnelle, elle aurait quand même recueilli la majorité des 3/5èmes: il y eut 560 voix “pour” alors que la majorité des 3/5èmes des votants est à 544. Ce sont donc seize voix qui ont fait
      la différence: dès lors que ces voix étaient acquises, il n’était plus possible de mettre le traité en minorité.

       

  16. BJ dit :

    « J’ajoute que quand bien même tous les abstentionnistes auraient voté contre la modification constitutionnelle, elle aurait quand même recueilli la majorité des 3/5èmes. »

    Je ne fais pas le meme calcul que vous. Sans l’abstention socialiste, la majorité requise était bien plus élevée.

    Si on prend le resultat du vote : http://www.assemblee-nationale.fr/13/scrutins/jo9000.asp
    On s’apercoit que sans l’abstention des socialistes, la majorité des 3/5 aurait été 893/5×3 = 536 voix.
    Il y a eu 560 voix “pour” dont 32 voix socialistes (17 députés et 15 sénateurs).
    560 – 34 = 526, soit 10 voix manquantes.
    Ce sont donc bel et bien les socialistes qui, en s’abstenant ou en votant “pour”, ont permis la révision de la constitution initiée par l’UMP.

    • Descartes dit :

      Je ne fais pas le meme calcul que vous. Sans l’abstention socialiste, la majorité requise était bien plus élevée.

      Je n’ai pas dit le contraire. J’ai seulement dit que même si tous les abstentionnistes avaient voté contre, la majorité des 3/5èmes aurait été atteinte. Et vous confirmez vous même ce calcul,
      puisque vous dites qu’il aurait fallu que les 32 voix socialistes qui ont voté “pour” changent de camp…

      Ce sont donc bel et bien les socialistes qui, en s’abstenant ou en votant “pour”, ont permis la révision de la constitution initiée par l’UMP.

      Non. Ce sont ceux qui ont voté “pour” qui ont permis la révision. Le vote des abstentionnistes n’a rien changé. Mais quand bien même c’eut été le cas, on ne voit toujours pas la trace de
      “l’accord entre le PS et l’UMP”. Et c’était de cela qu’il s’agissait ici…

       

  17. “aux partis qui n’entendent pas participer au gouvernement”

    Je pense que le FN a évolué. Le FN de Jean-Marie se complaisait dans la protestation. Le FN de Marine, si la possibilité lui était offerte de prendre part aux affaires, refuserait-il? C’est à
    voir. Marine Le Pen a dit qu’elle visait le pouvoir.

     

    “Mal”

    Tu ne digères pas Superphénix parce que tu es partie prenante du nucléaire. Je te comprends. Mais tu ne peux pas résumer toute la politique de la gauche plurielle à Superphénix. Je constate que
    de 1997 à 2002, les institutions ont fonctionné normalement. Le gouvernement a fait passé certaines lois comme celle sur les 35h. Que la façon dont le pays a été géré ne te convienne pas est une
    chose. En déduire que cette gestion est “mauvaise” me paraît un peu excessif. 

     

    “A quoi bon avoir des élus?”

    C’est une bonne question. Parce que dans démocratie représentative, il y a “représentative”. Dans mon idée de scrutin proportionnel, chaque député deviendrait “élu référent” pour un espace plus
    ou moins vaste en fonction du nombre de députés obtenu par son parti. Un parti qui aurait 200 élus pourrait mettre deux ou trois députés dans chaque département. Un parti qui n’aurait que 30 élus
    devrait attribuer deux ou trois départements à chaque député (mais ce parti ayant eu moins d’électeurs, on s’y retrouve). Cela permettrait quand même d’établir un lien entre député et électeurs,
    et de permettre à ces derniers de s’adresser à quelqu’un. Et les électeurs auraient ainsi toujours un “élu référent” de leur bord. Parce que le scrutin uninominal à deux tours me pose un problème
    fondamental: le député de ma circonscription, un homme estimable par ailleurs, me représente officiellement, mais il dit le contraire de ce que je pense, et il vote des lois qui ne me conviennent
    pas. Or, il parle pour moi à l’Assemblée. Bien sûr, je peux rencontrer cet homme ou lui écrire pour lui faire part de mon désaccord… cela ne changera rien. Parce que la réalité est qu’il ne
    représente que ses électeurs dont je ne suis pas, c’est-à-dire 51 ou 52 % des électeurs de la circonscription. Que les minoritaires n’exercent pas le pouvoir, d’accord. Qu’on les empêche de faire
    obstruction et de bloquer le fonctionnement politique du pays, OK. Mais, en ce qui me concerne, je souhaite qu’ils soient présents dans les enceintes parlementaires. D’autant que, avec le système
    actuel, les Verts (moins de 3 % aux présidentielles) ou le FdG (moins de 12 %) ont plus de parlementaires que le FN (plus de 18 %). Je ne suis pas frontiste, mais, désolé, je n’arrive pas à me
    satisfaire de cette situation. Cette dernière s’expliquant par le fait que le FdG (en particluier le PCF) est une coquille vide, qui ne se maintient que grâce à des barons locaux, dont le poids
    démesuré est l’aboutissement d’une notabilisation excessive. D’autant que certains de ces barons peuvent être en conflit larvé avec la direction de leur parti quand ils ne se moquent pas purement
    et simplement des instances nationales…

     

    “C’est bien gentil de reprocher aux politiques de ne pas avoir de projet, alors qu’ils ne font que ce que leurs électeurs leur demandent…”

    Ah bon? Eh bien je ne suis pas d’accord. En 2007, Sarkozy, quoi qu’on en pense, avait un projet plus cohérent que celui de Hollande en 2012. Est-ce un hasard si Sarkozy a été mieux élu que
    Hollande? Par ailleurs, tu as souligné toi-même que Marine Le Pen avait fait l’effort de s’entourer d’experts, de potasser ses dossiers, de développer un discours cohérent. Je n’ai pas remarqué
    qu’elle était boudée par les électeurs.

     

    Mais surtout je ne te comprends pas. A longueur d’articles et de commentaires, tu pestes contre Mélenchon qui n’a pas de projet, Mélenchon qui n’écoute pas les experts, qui ne fait pas un travail
    sérieux, de fond, etc. Pour finalement expliquer que sa stratégie est la bonne, la seule qui vaille, la seule qui puisse séduire les électeurs. Ben, qu’attends-tu pour applaudir Jean-Luc, au lieu
    de dénoncer ses lacunes? 

    • Descartes dit :

      Le FN de Marine, si la possibilité lui était offerte de prendre part aux affaires, refuserait-il? C’est à voir. Marine Le Pen a dit qu’elle visait le pouvoir.

      On n’a pas de réponse à cette question. Mais le fait est que le FN, quelque soient ses déclarations, n’a initié la moindre négociation pour constituer une coalition. Un parti qui n’a d’autre
      perspective de pouvoir que de l’exercer seul ne vise pas sérieusement le pouvoir.

      Tu ne digères pas Superphénix parce que tu es partie prenante du nucléaire. Je te comprends.

      Non, tu ne comprends pas. Je ne digère pas Superphénix non pas parce que je suis “partie prenante du nucléaire” (d’ailleurs je me demande ce que cela peut bien vouloir dire) mais parce que
      connaissant bien cette industrie je sais qu’on a jeté par la fenêtre vingt ans de recherches et l’équivalent de dix milliards d’euros d’investissement, plus deux coeurs à un milliard chacun. Et
      qu’on a tiré un trait sur un domaine d’avenir dans lequel la France avait au moins une décennie d’avance sur les autres. Quand les chinois, les russes et les japonais vendront leur technologie,
      on aura nos yeux pour pleurnicher comme d’habitude sur “le manque de compétitivité de notre industrie”. Il n’y a pas que les gens qui sont “partie prenante du nucléaire” qui vont payer
      l’addition, ce sont les français dans leur ensemble. Et tout ça pourquoi ? Parce que Jospin avait besoin de quelques voix vertes à l’Assemblée.

      Mais tu ne peux pas résumer toute la politique de la gauche plurielle à Superphénix.

      Je trouve au contraire que l’affaire Superphénix résume assez bien la politique industrielle de la gauche. Et donne un petit avant goût – ou plutôt un rappel – de ce qu’un retour à la IVème
      République pourrait nous réserver.

      Je constate que de 1997 à 2002, les institutions ont fonctionné normalement.

      Ca dépend de ce que tu appelles “fonctionner normalement”. Les institutions de la IVème République ont “fonctionné normalement” entre 1946 et 1957. Les institutions de la IIIème ont “fonctionné
      normalement” entre 1871 et 1939… personnellement, je trouve que le fait qu’une décision majeure de politique énergétique et industrielle soit prise sans le moindre débat public avec pour unique
      objet de cimenter une alliance électorale n’est pas un fonctionnement “normal” des institutions.  

      “A quoi bon avoir des élus?” C’est une bonne question. Parce que dans démocratie représentative, il y a “représentative”.

      Et alors ? Si tu donnes au partis politiques les instruments pour faire respecter par les élus une stricte discipline de vote, alors les citoyens seront représentés par le parti, puisque
      c’est ce dernier qui choisit ce que les élus doivent voter. A partir de là, quelle importance que le fauteuil soit occupé par untel ou untel, puisque sa main est tenue par leur parti ? Autant
      simplifier le système, voter pour des partis et laisser ensuite à ceux-ci de choisir leurs représentants comme ils l’entendent à proportion des votes réçus…

      Dans mon idée de scrutin proportionnel, chaque député deviendrait “élu référent” pour un espace plus ou moins vaste en fonction du nombre de députés obtenu par son parti.

      Comment un élu pourrait être “référent” à partir du moment où il est astreint à une discipline de vote totale ? Pourquoi irais-je voir mon député si je sais que ce que je lui dirai ne fera aucune
      différence ?

      Parce que le scrutin uninominal à deux tours me pose un problème fondamental: le député de ma circonscription, un homme estimable par ailleurs, me représente officiellement, mais il dit le
      contraire de ce que je pense, et il vote des lois qui ne me conviennent pas. Or, il parle pour moi à l’Assemblée. Bien sûr, je peux rencontrer cet homme ou lui écrire pour lui faire part de mon
      désaccord… cela ne changera rien.

      Mais supposons que cet estimable député dit ce que tu penses et vote les lois qui te conviennent. A quoi servirait alors de lui écrire ? A rien. Il continuera à voter comme toi. En d’autres
      termes, ton “élu référent” ne sert strictement à rien.

      Que les minoritaires n’exercent pas le pouvoir, d’accord. Qu’on les empêche de faire obstruction et de bloquer le fonctionnement politique du pays, OK. Mais, en ce qui me concerne, je
      souhaite qu’ils soient présents dans les enceintes parlementaires.

      Pour quoi faire ? Les assemblées parlementaires ne sont pas des clubs de débat, mais des lieux où l’on exerce le pouvoir. Je ne vois pas très bien en quoi la présence de LO à l’Assemblée
      apporterait quelque chose à nos lois. En entendant ton argumentation, j’ai envie de te faire une proposition: créer une troisième chambre, élue à la proportionnelle, qui aurait la possibilité de
      debattre publiquement les textes, mais qui ne voterait pas. Ainsi, on donnerait un droit d’expression à tout le monde, sans pour autant permettre aux minoritaires de bloquer les institutions.

      Ah bon? Eh bien je ne suis pas d’accord. En 2007, Sarkozy, quoi qu’on en pense, avait un projet plus cohérent que celui de Hollande en 2012. Est-ce un hasard si Sarkozy a été mieux élu que
      Hollande?

      En 2012, Sarkozy avait toujours un projet plus cohérent que celui de Hollande. Et il a été battu quand même… Le fait est qu’à l’heure de gagner une élection, une “liste de courses” est bien
      plus efficace qu’un vrai projet.

      Par ailleurs, tu as souligné toi-même que Marine Le Pen avait fait l’effort de s’entourer d’experts, de potasser ses dossiers, de développer un discours cohérent. Je n’ai pas remarqué qu’elle
      était boudée par les électeurs.

      C’est vrai. Mais même MLP été obligée de constater qu’il lui fallait sacrifier au rite de la “liste des courses” (ce fut le cas notamment avec ses déclarations sur l’immigration, qui n’étaient
      pas vraiment cohérentes avec le reste de son discours) pour éviter de perdre une partie de son électorat. Mais tu as en partie raison: tous les électorats n’ont pas les mêmes expectatives, et il
      est vrai que les électorats plus sensibles aux questions économiques ont une demande de projet bien plus forte que les électorats sensibles aux questions “sociétales”, qui sont plus sensibles au
      fait que leur “marotte” figure dans la “liste”.

      Mais surtout je ne te comprends pas. A longueur d’articles et de commentaires, tu pestes contre Mélenchon qui n’a pas de projet, Mélenchon qui n’écoute pas les experts, qui ne fait pas un
      travail sérieux, de fond, etc. Pour finalement expliquer que sa stratégie est la bonne, la seule qui vaille, la seule qui puisse séduire les électeurs. Ben, qu’attends-tu pour applaudir Jean-Luc,
      au lieu de dénoncer ses lacunes? 

      L’explication de cette apparente contradiction se trouve ci-dessus: la question est de savoir à quel électorat on s’adresse. Je ne doute pas que la stratégie de Mélenchon soit la bonne s’il
      s’agit de conquérir l’électorat des classes moyennes boboïsées “libérales-libertaires”. Mais je ne suis pas persuadé que ce soit cette base sociologique qu’il faille viser. Si l’on veut viser les
      couches populaires, la question essentielle qui se pose est celle de la crédibilité de mesures économiques. Et je vois mal comment on établit cette crédibilité sans définir un projet cohérent.
      C’est ce que MLP et son équipe ont bien compris.

       

       

       

       

  18. “d’ailleurs je me demande ce que cela peut bien vouloir dire”

    Rien de plus que ce que tu as dit toi-même dans une réponse à un commentateur dans un autre article, à savoir que tu pensais faire partie des “nucléocrates”. Un nucléocrate n’est-il pas “partie
    prenante du nucléaire”? Il n’y avait d’ailleurs rien d’insultant dans ma formule.

     

    “connaissant bien cette industrie, je sais qu’on a jeté par la fenêtre vingt ans de recherche et l’équivalent de dix milliards d’euros”

    C’était précisément ce que je voulais dire: ta connaissance du dossier t’a permis mieux qu’un autre de mesurer le gâchis qu’a pu être ce renoncement. Reconnais simplement que ceux qui ne sont pas
    aussi bien informés que toi sur Superphénix ne nourrissent sans doute pas les mêmes regrets. Mais je partage ton sentiment sur cette affaire.

    Je crois cependant que l’abandon de Superphénix doit autant à l’absence totale de réflexion socialiste sur la politique industrielle qu’au marchandage politicien. Si Jospin l’avait voulu il
    aurait pu sans doute être plus ferme sur la question et s’appuyer un peu plus sur les communistes (qui auraient pu de leur côté être plus fermes, quelle a été leur position à l’époque?).
    Aujourd’hui, Hollande persiste à dire qu’il va fermer des centrales, alors qu’il n’a pas tellement besoin des Verts…

     

    Je ne partage pas ta détestation de la III° et de la IV° République. Elles avaient leurs défauts, j’en conviens, et les faiblesses que tu soulignes sont réelles. Elles ont pourtant accompli de
    grandes choses, surtout la III°: la laïcité, la mise en place d’une première législation du travail. La III° a gagné la Grande Guerre, elle mérite un peu plus de respect, je crois. Les
    institutions ne sont pas tout, il y a les hommes. Franchement, est-ce qu’une V° République aurait survécu en 1940 avec un Hollande au pouvoir? Je me permets d’en douter. Quant à la IV°
    République, oui, elle a un lourd passif. Mais elle a entamé la reconstruction du pays, et dans certains domaines, elle n’a point démérité. Puisqu’on parle de nucléaire, je voudrais rappeler que
    l’industrie nucléaire a commencé à se développer sous la IV° République, y compris le volet militaire. Il ne s’agit pas de rabaisser le général de Gaulle, dont le volontarisme a été déterminant.
    Mais, comme disait un de mes professeurs de contempo, “Mongénéral” a quand même largement profité de structures et de programmes mis en place sous la IV°. Le CEA a certes été créé par de Gaulle
    en 45, mais la IV° République a su le faire vivre et le développer.

     

    “ton élu référent ne sert strictement à rien”

    Au contraire, il fait le lien entre le parti et les électeurs. Il est important pour un parti de disposer d’hommes de terrain à l’écoute, non? De plus, la discipline de vote n’empêche nullement
    un débat interne fécond, certains députés se faisant les porte-parole de leur électorat. D’ailleurs, tu condamnes un système qui était un peu celui du PCF: débat en interne avant, et une fois la
    décision prise, une stricte discipline. Un tel fonctionnement me paraît plutôt sain.

     

    “Les assemblées parlementaires ne sont pas des clubs de débat, mais des lieux où l’on exerce le pouvoir”

    C’est un de nos points de divergence fondamental. Pour moi, elles sont, elles ne peuvent qu’être les deux. C’est la tradition parlementaire française depuis la Convention. Le débat dans
    l’hémicycle est un moment fort de la liturgie républicaine et j’y tiens. Je le crois nécessaire. C’est pourquoi je cherche un équilibre entre une représentativité la plus large possible et un
    fonctionnement acceptable des institutions. Je ne prétends pas que le compromis soit simple. Sinon, passons-nous du Parlement, votons juste pour un Président ou un parti, tous les 5 ans, qui
    nommera des commissions d’experts (juristes, ingénieurs, scientifiques…) chargés “d’exercer le pouvoir”. La “troisième chambre”, je n’y suis pas favorable, ce serait coûteux et inutile. Par
    contre, j’ai l’impression en te lisant que ton obsession de l’efficacité te conduit à raisonner comme certains philosophes: au fond, ils étaient prêts à s’accommoder d’un tyran, pourvu qu’il
    écoutât leurs conseils… En démocratie, les dirigeants ne peuvent avoir qu’un pouvoir limité. Parfois, un homme comme De Gaulle, par sa stature, acquiert une autorité plus grande et peut-être
    transcende les institutions elles-mêmes. Mais le grand Charles ne reviendra pas.

     

    “Et il a été battu quand même”

    Tu sais très bien que le projet n’entre pas seul en ligne de compte. Sarkozy a dû faire face à l’usure du pouvoir, à la crise, à certains échecs tout de même. Sarkozy, c’était aussi un style qui
    a pu lasser nombre de Français. Mais Sarkozy n’a pas subi la Bérézina que certains lui prédisaient, et son score plus qu’honorable prouve le manque d’enthousiasme pour son adversaire, qui n’avait
    pourtant aucun échec national à son actif, n’ayant jamais exercer le pouvoir.

    • Descartes dit :

      Rien de plus que ce que tu as dit toi-même dans une réponse à un commentateur dans un autre article, à savoir que tu pensais faire partie des “nucléocrates”. Un nucléocrate n’est-il pas
      “partie prenante du nucléaire”?

      Si tu l’entends dans ce sens, je suis d’accord. Mais j’avais cru comprendre que dans ton raisonnement ma position sur Superphénix aurait pu être lié à un quelconque intérêt personnel. Je
      peuxt’assurer que ce n’est pas du tout le cas.

      Je crois cependant que l’abandon de Superphénix doit autant à l’absence totale de réflexion socialiste sur la politique industrielle qu’au marchandage politicien.

      Certainement. Je pense que pour Jospin Superphénix n’était qu’un truc sans importance. Je ne sais pas s’il l’aurait sacrifié avec autant de sans-gêne s’il avait eu conscience du prix du “cadeau”
      qu’il faisait aux “verts”. Je constate en tout cas que chaque fois que les socialistes font le bilan des bienfaits de la “gauche plurielle”, ils ne mentionnent jamais la fermeture de Superphénix.
      Faut croire qu’ils n’en sont pas très fiers…

      Si Jospin l’avait voulu il aurait pu sans doute être plus ferme sur la question et s’appuyer un peu plus sur les communistes (qui auraient pu de leur côté être plus fermes, quelle a été leur
      position à l’époque?).

      A l’époque, le PCF c’était le couple Hue-Buffet, qui étaient prêts à tuer père et mère pour avoir quelques maroquins ministériels. Les organisations de base du PCF ont violemment protesté et
      soutenu la lutte des travailleurs du CEA et d’EDF contre la fermeture, la direction nationale a préféré rester silencieuse, tout comme elle est resté silencieuse quand le gouvernement à repris
      les privatisations malgré la promesse contenue dans l’accord électoral PS-PCF signé entre les deux tours qui disait explicitement que celles-ci seraient abandonnées…

      Aujourd’hui, Hollande persiste à dire qu’il va fermer des centrales, alors qu’il n’a pas tellement besoin des Verts…

      Vu le nombre de promesses qu’il a trahi, il faut bien qu’il tienne celle-là… d’autant plus qu’il ne réalise pas le prix du “cadeau”. Enfin, c’est vrai jusqu’à un certain point: alors qu’à
      l’époque de Superphénix EDF était un établissement public, c’est maintenant une société anonyme dont une partie du capital est détenue par des acteurs privés. Et cela change tout: en 1997, Jospin
      a pu fermer Superphénix sans avoir à dédommager EDF. Pour Fessenheim, il sera tenu de le faire… et il y en a pour des milliards. Cela pourrait à terme calmer quelques ardeurs… 

      Je ne partage pas ta détestation de la III° et de la IV° République. Elles avaient leurs défauts, j’en conviens, et les faiblesses que tu soulignes sont réelles. Elles ont pourtant accompli
      de grandes choses, surtout la III°: la laïcité, la mise en place d’une première législation du travail.

      Je n’ai pas dit le contraire. Mais il ne s’agit pas de distribuer des blâmes et des médailles, mais de comparer des systèmes constitutionnels. La IIIème a accompli une oeuvre remarquable, mais
      elle l’a accompli malgré les faiblesses de sa constitution, et non grâce à celle-ci.

      Franchement, est-ce qu’une V° République aurait survécu en 1940 avec un Hollande au pouvoir? Je me permets d’en douter.

      Plus facilement que la troisième avec Lebrun. On ne se serait pas trouvés dans la situation d’être en guerre avec un gouvernement démissionnaire du fait des dissentions entre ministres…

      Au contraire, il fait le lien entre le parti et les électeurs. Il est important pour un parti de disposer d’hommes de terrain à l’écoute, non?

      C’est une sorte de délégué syndical alors ? Oui, pourquoi pas. Mais cela existe dejà: chaque parti a un secrétaire de section dans chaque circonscription. S’il s’agit de transmettre un message
      aux partis et viceversa, tu as là ce qu’il te faut.

      D’ailleurs, tu condamnes un système qui était un peu celui du PCF: débat en interne avant, et une fois la décision prise, une stricte discipline. Un tel fonctionnement me paraît plutôt
      sain.

      Je ne “condamne” rien. Si tous les partis étaient léninistes, on pourrait réflechir à un système où les citoyens mandateraient des partis, et non des hommes. Mais le fait est que les partis
      léninistes sont relativement rares – en France, il ne reste que LO… – et on ne peut donc pas construire un système politique sur cette base.

      C’est un de nos points de divergence fondamental. Pour moi, elles sont, elles ne peuvent qu’être les deux. C’est la tradition parlementaire française depuis la Convention. Le débat dans
      l’hémicycle est un moment fort de la liturgie républicaine et j’y tiens. Je le crois nécessaire.

      Moi aussi. Et c’est pourquoi je tiens au “parlementarisme rationnalisé” de la Vème. La liturgie est indispensable, mais il faut se méfier des systèmes où ce sont les gens chargés de la liturgie,
      c’est à dire les prêtres, qui gouvernent.

       

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *