Peu d’objets dans notre paysage politique font l’objet d’autant de fantasmes que notre vénérable Code du travail. A entendre nos élites médiatiques, il serait incompréhensible, trop long, trop compliqué. Il serait un boulet pour les petites entreprises, un cauchemar pour les grosses. A sa vue, les patrons seraient terrifiés au point de ne plus embaucher. Le consensus est tel qu’on voit des commentateurs qui n’ont jamais vu le petit livre rouge autrement qu’en photographie et qui seraient bien en peine de décrire son contenu disserter doctement sur le besoin indispensable de le réformer.
Et dans la logique perverse qui préside notre système politique et qui veut que la gauche soit obligée de courtiser l’électorat de centre-droit et vice-versa, c’est la gauche qui se montre la plus hargneuse envers le vénérable monument législative. Au point de ressortir de la naphtaline l’ineffable Robert Badinter, devenu on ne sait pas pourquoi la conscience morale de la gauche après avoir été pendant des années le couvreur des turpitudes de François Mitterrand, pour commettre un ouvrage en embarquant ce pauvre professeur Lyon-Caen – qu’allait-il faire dans cette galère – pour sonner le tocsin sur la nécessité absolue d’effacer le vénérable Code pour lui substituer une sorte de « décalogue » autour duquel le monde du travail, patrons et ouvriers ensemble, pourraient communier dans l’allégresse et le plein emploi.
Toute cette campagne, dont on voit bien les objectifs, repose sur l’exploitation d’un certain nombre de fantaisies et de fantasmes, qui témoignent en grande partie de l’ignorance de nos concitoyens en matière juridique. Ce n’est d’ailleurs pas leur faute : le droit a toujours été le parent pauvre de notre système éducatif, qui ignore jusqu’à son existence. La question de la norme n’est abordée que tangentiellement en instruction civique – et quelquefois en philosophie, mais c’est rare – et on insiste plus sur la manière dont elle est faite que sur la manière dont elle fonctionne. Une lacune qui ne sera pas facile à combler, étant donné l’inculture crasse de nos enseignants dans ce domaine.
Ainsi, on nous explique que la loi pourrait être simple, et qu’elle est compliquée parce que des méchants fonctionnaires, des méchants politiques ou des méchants juges s’ingénient à la rendre complexe. Laissez-nous faire, nous disent les réformateurs, et nous vous écrirons une loi simple, compréhensible par tous et applicable sans que le juge s’en mêle. Et comme souvent, les exemples étrangers ne manquent pas : il paraît que l’équivalent britannique du Code du travail, la « Factories Law », entre toute entière dans un panneau d’affichage.
Ce discours repose sur plusieurs illusions. La première illusion, est qu’il est possible de faire des normes simples. Bien entendu, on peut toujours écrire une règle qui rentre dans une seule phrase. Prenons un exemple classique, le « tu ne tueras point » du décalogue. Mais prise à la lettre, cette norme est inapplicable. Que fait-on des cas de légitime défense ? De l’euthanasie ? De l’avortement ? Des opérations militaires ? Le « tu ne tueras point » doit donc se lire comme « tu ne tueras point, sauf dans certains cas ». Et la règle si simple en apparence nécessite, pour devenir une véritable norme, être lue à la lumière de tomes et de tomes d’analyse, de controverses, de jurisprudences et de règles dérivées qui expliquent quand et comment il peut être légitime ou excusable de tuer son prochain. Les normes qui semblent simples en principe deviennent compliquées dès qu’on essaye de coller à la réalité parce que la réalité est elle-même compliquée. La règle « tu ne tueras point » semble simple, mais si on l’applique « simplement » elle mettrait à égalité l’assassin de sang froid et celui qui tue par accident, le policier qui tue sur un voyou pour sauver sa propre vie et le meurtrier de masse. Ce serait certainement « simple », mais profondément inéquitable.
Ce qui nous conduit à analyser une deuxième illusion, celle qui voudrait qu’on puisse écrire une norme qui serait applicable telle qu’écrite, sans besoin d’être interprétée. Cela supposerait que la norme elle-même ait non seulement parfaitement défini les termes dans lesquels elle est écrite sans la moindre ambiguïté – ce qui est déjà un défi impossible – mais qu’ensuite elle ait prévu toutes les situations possibles. Reprenons toujours le même exemple, le « tu ne tueras point ». Mais cela veut dire quoi, exactement, « tuer » ? Débrancher un patient en état végétatif et sans espoir de reprendre conscience, est-ce « tuer » ? Mettre fin à une grossesse, est-ce « tuer » ? Tirer sur un homme qui cherche lui-même à vous transpercer d’un couteau de cuisine, est-ce « tuer » ? Frapper l’amant de votre femme avec une batte de baseball après l’avoir surpris dans votre lit avec elle, est-ce « tuer » ? Les réponses à ces questions ont varié suivant les époques et ont fait l’objet de débats passionnés et de volumes entiers d’écrits. Ce qui tend à montrer que la question n’est pas simple.
Or, qui dit « interprétation » dit « interprète ». Il faut donc instituer une autorité qui détienne le monopole de l’interprétation de la loi. Autrement, chacun ira vers l’interprétation qui l’arrange. Il faut donc un juge, et comme un juge unique serait à la peine pour régler tous les cas qui se présentent, il faut une multiplicité de juges organisés dans un système pyramidal pour s’assurer que l’interprétation retenue est la même à Paris et à Marseille.
Mais comment se fait cette interprétation ? Il y a ici deux traditions qui s’opposent. En France, la tradition politique réserve la création de normes au législateur, élu par le peuple et responsable devant lui. Parce qu’elle a vu les juges prendre le parti de la réaction seigneuriale contre la modernisation centralisatrice, notre histoire nous a rendu méfiants envers le « gouvernement des juges ». Cette méfiance aboutit à ce que la règle d’interprétation de la loi soit d’abord la recherche de la volonté du législateur. Le juge se fait archéologue et se demande « lorsqu’il a écrit ceci, quel était le résultat recherché par le législateur » ? C’est pourquoi le débat public des lois est essentiel au fonctionnement de notre démocratie : c’est le compte-rendu de ces débats que les juges relisent avant d’interpréter une disposition plus ou moins obscure. Dans la tradition anglosaxonne, c’est un peu l’inverse : le juge est vu comme le défenseur de l’équité contre un pouvoir central tyrannique. Et c’est pourquoi le juge devient lui-même législateur, interprétant la loi non pas en recherchant la volonté du législateur, mais cherchant à faire prévaloir les principes mêmes de la justice. Avec le danger assez évident de substituer au législateur élu et responsable devant le peuple un législateur nommé et irresponsable. Mais quelque soit la vision retenue, il est illusoire d’imaginer que parce qu’avec un Code du travail simplifié, employeurs et employés pourraient s’asseoir autour d’une table et se mettre d’accord sur l’interprétation des normes. Une telle logique ferait plier le droit devant le rapport de forces. Le juge, qu’il soit interprète où législateur, doit nécessairement être extérieur.
Et on voit bien qu’on aboutit ici à un paradoxe. Plus les règles seront « simples » et plus le champ de l’interprétation sera large lorsqu’il faudra les appliquer à des cas réels. Simplifier le Code, c’est étendre le rôle de l’interprétation et donc celui du juge. Et cela est une source d’insécurité car plus la marge du juge est grande, et plus il y a d’espace pour des décisions contradictoires. Lorsque les employeurs exigent en même temps une simplification et une meilleure sécurité juridique, ils demandent deux choses contradictoires. Plus le Code entrera dans le détail, et plus grande sera la sécurité vis-à-vis de l’interprétation du juge. Plus il sera simplifié, et plus le rôle de la jurisprudence sera important.
Ce qui nous conduit à une troisième illusion : celle qui consiste à croire que substituer à la loi la négociation collective de branche ou d’entreprise serait un facteur de simplification et de sécurité juridique. Or, c’est exactement le contraire. L’unification de la législation du travail dans un texte unique applicable a tous et interprété par une jurisprudence unique a été un facteur puissant de simplification par rapport au système antérieur ou chaque corporation avait sa propre réglementation. Etablir par la législation quelques principes généraux et laisser chaque branche ou chaque entreprise établir par la négociation collective les règles détaillées implique réecrire un petit Code du travail par entreprise ou par branche. Car il faudra toujours fixer quelque part les règles concernant la rémunération, les horaires de travail, les institutions représentatives du personnel, les procédures de recrutement, de sanction, de licenciement entreprise. Et le juge qui aura à interpréter ces règles devra dans chaque instance aller rechercher la volonté de ceux qui ont signé l’accord de l’entreprise ou de la branche concernée, aboutissant éventuellement à une interprétation différente de la même disposition selon la branche ou l’entreprise concernée. Vous imaginez la complexité ? D’autant plus que, contrairement à la législation du travail qui est généralement écrite par des fonctionnaires, les accords issus de la négociation collective sont rédigés par des non professionnels du droit et contiennent souvent des horreurs juridiques qui les rendent particulièrement difficiles à interpréter.
En fait, dans cette affaire il faut protéger le patronat contre lui-même. Les patrons – et surtout les plus petits d’entre eux – ont l’illusion qu’ils seraient mieux lotis si seulement on leur laissait gérer leur entreprise comme ils l’entendent sans l’intervention du législateur ou du juge. Mais ils se trompent lourdement : comme toute norme, le Code du travail les contraint et les protège à la fois. S’il les empêche de marcher sur la tête de leurs employés, il interdit aussi aux employés de leur marcher sur la tête. Des actes qui, s’ils étaient décidés « à divinis » par l’employeur, provoqueraient des réactions violentes de la part des salariés, sont acceptés comme légitimes par les salariés parce qu’ils dérivent de la volonté du législateur. Dans un monde aussi conflictuel que celui de l’entreprise, l’existence d’un législateur extérieur est un facteur d’apaisement des rapports sociaux. Comme le disait un éminent professeur de droit social, l’inscription du droit de grève dans la Constitution non seulement n’a pas augmenté le nombre de jours de grève, mais a eu tendance à les réduire et – surtout – à réduire leur violence. Le fait de poser par la loi les limites de l’action des uns et des autres est un facteur de pacification, puisque chacun connaît par avance les lignes que son adversaire ne peut franchir sans se mettre hors la loi. Le Code du travail a transformé la bagarre de rue en match de boxe, avec un médecin prêt à intervenir en cas de blessure et un arbitre prêt à arrêter le combat et disqualifier celui qui ne respecterait pas les règles. En fin de compte, c’est toujours le plus fort qui gagne, mais on évite au passage pas mal de dégâts.
Bien entendu, on peut améliorer le Code du travail. Au cours des années, le Code s’est constitué par superposition de couches de législation les unes sur les autres. Certaines dispositions sont obsolètes, d’autres se sont révélées inapplicables en pratique, d’autres encore sont purement déclaratives leur caractère normatif est douteux. Comme cela a été déjà fait pour d’autres Codes, on pourrait imaginer de créer une commission de juristes et de fonctionnaires pour réécrire le Code « à droit constant » – c'est-à-dire, sans en changer le fond – pour lui donner une forme plus avenante. Mais ce n’est pas du tout ce que nos « réformateurs » ont en tête. Lyon-Caen s’imagine, avec l’ingénuité dont seuls les juristes sont capables, réformer les relations de travail en réformant le Code du même nom. Par la magie d’une réforme de la loi, l’entreprise cesserait d’être un lieu de confrontation d’intérêts opposés pour devenir un lieu de coopération où employeurs et salariés, réunis tous autour d’une table, aboutiraient à des règles bien plus sages que celles posées par le législateur. Sans la crainte qu’inspire le Code, les employeurs se mettraient brusquement à embaucher à tour de bras, à offrir de meilleures conditions de travail, à augmenter les salaires… bref, le paradis.
C’est oublier que le monde du travail est par essence – et non par détermination de la loi – un monde qui voit s’affronter les intérêts des employeurs et celui des salariés. Notre droit comporte cette bizarrerie – dérivée de l’irénisme de classe qui a suivi la Libération – qu’est la notion « d’entreprise », censée regrouper actionnaires, dirigeants et salariés dans une collectivité ayant des intérêts communs. Ainsi, les dirigeants d’une entreprise sont censés prendre des décisions « dans l’intérêt de l’entreprise » qui, la Cour de Cassation l’a jugé plusieurs fois, ne se confond pas avec l’intérêt des actionnaires. Mais cette construction intellectuelle n’a qu’un rapport lointain avec la réalité. Dans la pratique, l’actionnaire est le seul acteur de l’entreprise auquel on ne demande jamais de sacrifices. On entend quotidiennement des cas d’entreprises ou l’on a demandé aux salariés le couteau sous la gorge de renoncer à leurs RTT, d’accepter des baisses de salaire ou la flexibilisation des horaires « pour sauver l’entreprise ». Connaissez-vous beaucoup d’entreprises ou l’on ait signé des accords de limitation des dividendes avec les actionnaires dans le même but ? Moi pas. Et c’est normal : on peut mettre le couteau sous la gorge du travailleur en le menaçant du chômage, alors que pour l’actionnaire les lieux ou investir son argent ne manquent pas.
Remplacer la détermination de la loi par celle de l’accord collectif au niveau de l’entreprise aboutira nécessairement à une « concurrence des normes ». En d’autres termes, chaque employeur sera poussé à imposer à ses salariés des accords de plus en plus défavorables sous prétexte de compétitivité avec l’entreprise d’à côté. Avec en bout de compte une surenchère vers le bas. Si chez le concurrent on travaille trente-cinq heures, il faudra travailler quarante. Et si l’on travaille quarante, le concurrent sera poussé à travailler quarante-cinq. Et ainsi de suite. Tout ça on l’a connu au début de la révolution industrielle. Et c’est par une réglementation uniforme qu’on est sorti de cette course à l’échalote vers le moins-disant social. Et cela n’est pas toujours venu de l’Etat : ce sont les églises qui, bien avant, ont imposé le repos hebdomadaire. Et si, comme l’explique le professeur Christopher Hill, le patronat de l’époque a accepté de bon cœur cette imposition c’est précisément parce qu’elle lui permettait d’instaurer une régime d’exploitation plus rationnel sans craindre les « passagers clandestins ».
Mais Badinter et ceux qui sont derrière lui ne sont pas des imbéciles. Lorsque des gens intelligents et cultivés se prennent à croire à ce genre d’illusions, c’est que cela leur sert à quelque chose. Il faut donc se poser la question : pourquoi ces gens s’attaquent au Code du travail, et pourquoi s’y attaquer aujourd’hui, à dix-huit mois d’une élection présidentielle qui s’annonce difficile pour le parti en place. Une certaine gauche criera au retour du patron-roi. Mais comme je l’ai montré ci dessus, il n’est même pas évident que la réforme soit dans l’intérêt des patrons eux-mêmes. Personnellement, je pense que la focalisation sur le Code du travail obéit à une autre nécessité : celle de trouver un bouc émissaire au chômage. Et ça, ça arrange tout le monde. Les patrons expliqueront que malgré les succulents cadeaux du gouvernement ils n’embauchent pas « parce que, vous comprenez, le Code du travail…. ». Le gouvernement, lui, expliquera qu’il a une véritable politique de l’emploi puisqu’il réforme le fameux Code, et lorsque la réforme échouera – car elle ne peut qu’échouer étant donné l’état de ce gouvernement – il expliquera que ce sont les « conservatismes » qui, en empêchant la réforme, ne lui ont pas permis d’inverser la courbe du chômage. Et pendant ce temps, on ne se posera pas des questions désagréables, du genre de savoir pourquoi le chômage diminue hors de la zone Euro alors qu’il stagne à l’intérieur de celle-ci… encore la faute à ce satané Code du travail, sans doute…
Descartes
@Descartes,
[Ce qui nous conduit à une troisième illusion : celle qui consiste à croire que substituer à la loi la négociation collective de branche ou d’entreprise serait un facteur de simplification et de sécurité juridique.]
c’est l’un des grands paradoxes de l’idéologie libérale, qui au-delà du droit du travail, entend substituer PARTOUT le contrat à la loi: alors le contrat devait permettre de se passer de la loi pour simplifier le droit, l’insécurité du respect de la “parole donnée” (écrite ou orale) fait qu’on aboutit à rappeler ce qu’on voulait évacuer, à savoir le droit! D’où l’inflation actuelle de lois, qui viennent s’ajouter à l’utilisation incantatoire du droit (en clair, “un fait divers, une loi”, comme ce qu’il se passe pour les licenciements dits “boursiers”, ou le harcèlement morale) qui a abouti à l’alourdissement du code du travail. Du coup, tout le monde est content: d’un côté, le patronat qui veut “bétonner” ses contrats, et l’exécutif, qui au lieu de faire appliquer les lois existantes, en créée de nouvelles sans grande portée, masquant ainsi son “impuissance” (j’aurais tendance à dire “sa démission”, mais il faut parfois laisser le bénéfice du doute…).
[Mais Badinter et ceux qui sont derrière lui ne sont pas des imbéciles.]
Vous n’aimez vraiment pas Badinter, on dirait…
C’est bizarre, mais au fil des ans, je me suis aperçu que vous aviez raison: on nous bourre le mou avec ces autorités morales, un peut à l’instar de gens comme S.Hessel, qui sont l’incarnation du “Bien”. Mais l’ennui, c’est que l’enfer est pavé de bonnes intentions, surtout lorsqu’on veut évacuer un sujet du champ politique.
Car ce que j’ai fini par comprendre, sur le tard, à propos de Badinter, c’est son mépris du peuple et des gens qui ne sont pas conformes à ses dogmes bien-pensants: il y a 10 ans, il s’est réjoui que “son” interdiction de la peine de mort soit mise au niveau européen pour échapper au suffrage universel! Donc, notre Constitution ne lui suffisait pas comme garantie?
Oui, ce type de personnage moralisateur est bien plus dangereux pour le pays, car plus sournois que l’épouvantail FN…
@ CVT
[D’où l’inflation actuelle de lois, qui viennent s’ajouter à l’utilisation incantatoire du droit (en clair, “un fait divers, une loi”,]
Contrairement à ce qu’on pense souvent, l’inflation législative et réglementaire ne tient pas tant à la volonté de fonctionnaires zélés à se trouver du travail qu’à la demande de la société et à la faiblesse des politiques pour les refuser même lorsqu’elles sont absurdes ou contreproductives.
Je peux vous dire mon expérience : c’est rarement l’administration qui pousse à créer de la réglementation. Rédiger un texte, c’est du boulot, c’est ouvrir des conflits et se faire des ennemis, toutes choses qu’un fonctionnaire normalement constitué essaye d’éviter. Le problème, c’est que la société exige en permanence des règles. Chaque catégorie exige de voir ses revendications écrites dans le marbre de la loi, chaque « victime » exige de voir sa souffrance reconnue dans un décret. Et comme le gouvernement est dans une logique de faire plaisir successivement à chaque groupe de pression… C’est d’ailleurs pour cela qu’on se retrouve avec des « lois-catalogue » comme la loi Macron ou la loi de Transition Energétique, qui sont en fait des listes de dispositions diverses – dont certaines ont un rapport lointain avec l’objet de la loi et d’autres sont purement déclaratives – qui répondent à tel ou tel lobby sans qu’on puisse dégager une véritable ligne directrice.
[Mais Badinter et ceux qui sont derrière lui ne sont pas des imbéciles.][Vous n’aimez vraiment pas Badinter, on dirait…]
Non, je ne l’aime pas. Je me méfie des hommes d’un seul combat. Même lorsque celui-ci est honorable. Badinter s’est battu contre la peine de mort. Fort bien. Il a réussi à la faire abolir. Encore mieux. Mais cela ne fait pas de lui une « autorité morale ». D’autant plus que son passage au ministère de la Justice puis au Conseil Constitutionnel n’ont pas laissé le souvenir d’un homme d’Etat, servant l’intérêt général d’abord et celui de ses amis politiques ensuite. Je trouve donc sa prétention à s’ériger en juge des causes justes parfaitement détestable.
[C’est bizarre, mais au fil des ans, je me suis aperçu que vous aviez raison: on nous bourre le mou avec ces autorités morales, un peut à l’instar de gens comme S.Hessel, qui sont l’incarnation du “Bien”. Mais l’ennui, c’est que l’enfer est pavé de bonnes intentions, surtout lorsqu’on veut évacuer un sujet du champ politique.]
Surtout que ces « autorités morales » ont souvent pris bien des libertés avec la morale et se sont montrés d’impitoyables « réalistes » lorsqu’il s’est agi de faire passer leurs projets ou d’aider leurs amis. Lorsque Mitterrand invitait Bousquet à sa table ou amnistiait Salan, ni Badinter ni Hessel ne sont montés sur leurs grands chevaux « moraux ». Je préfère à la rigueur un Pasqua, qui assume la tragédie du pouvoir, plutôt que ces espèces de saintes nitouche qui font le mal sans l’assumer.
[Car ce que j’ai fini par comprendre, sur le tard, à propos de Badinter, c’est son mépris du peuple et des gens qui ne sont pas conformes à ses dogmes bien-pensants: il y a 10 ans, il s’est réjoui que “son” interdiction de la peine de mort soit mise au niveau européen pour échapper au suffrage universel!]
Badinter – comme la plupart des gens qui étaient dans l’entourage de Mitterrand – a une idée aristocratique de la politique. Le peuple est bête, et a besoin de guides éclairés – comme lui-même – pour faire son bonheur malgré lui.
Ma grand mère née en 1910 avait trés bien connu la France d’avant le gaullo-communisme de 1947.
Obligée d’effectuer trois boulots ,sans la sécurité sociale,ni retraite,ni allocations elle travaillait plus de 80 h par semaine pour à peine pouvoir nourrir sa famille.
Alors tout le monde dans sa famille,comme dans de nombreuses autres,glanait aprés les récoltes ou les vendanges.
Elle m’a raconté qu’avant de venir quelque soit les cas,les médecins demandaient toujours au malade:avez vous l’argent pour me payer?
Aprés 1947,elle devint cuisinière dans un collège.
Elle passa le concours pour être titulaire.
Puis racheta des années de cotisation et elle partit à la retraite pour trente ans de bonheur grâce aux acquis sociaux de l’état social gaullo-communiste.
Elle m’a toujours parlé de l’importance du code du travail et du code de la fonction publique.
Elle était au PCF comme moi aujourd’hui .De l’eau a coulé sous les ponts et le fdg régente et étouffe le communisme français
Ainsi Martine Bilalrd,PG,soi disant alliée du PCF qui dès 2006,dans les surenchères gauchistes des comités anti-libéraux,avait dit avant Macron:’Il faut supprimer la préférence nationale pour la fonction publique’.
Elle trouvait que c’était discriminatoire vis à vis des migrants,loufoque ou pitoyable?
Mais certains soutiennent cette personne capable de s’exprimer ainsi,et qui prétend vouloir gouverner,(que les républicains nous en préserve)?
Car bien évidemment cela (supprimer la préférence nationale pour la fonction publique) suprimerait la fonction publique elle même,
J’en ai déduis que bien avant Macron,le PG,les verts (formation d’origine de Billard)étaient contre les codes salariaux et l’état social,mais pour quelles raisons,l’inconscience?
Comment le PCF peut il s’allier avec Billard,and CO ?
@luc
[Elle était au PCF comme moi aujourd’hui .]
Oui, mais ce n’était pas le même PCF…
Etant utilisateur régulier du code du travail je confirme qu’au lieu de soi disant alléger le code du travail , les récentes lois Macron et Rebsamen ont au contraire ouvert des portes a de nouvelles possibilités aux juristes d’interpréter la loi certes en mettant en avant la négociation d’entreprise ou devant le juge prud’hommes , mais tout ceci comme vous le dites justement c’est pour cacher la dure réalité de la situation économique et accélérer surement la solution des conflits et obtenir également l’aval du fameux dialogue social cher aux européistes
Quelles sont vos sources pour affirmer que le taux de chômage stagne à l’intérieur de la zone Euro?
@ Françoise
[Quelles sont vos sources pour affirmer que le taux de chômage stagne à l’intérieur de la zone Euro?]
EUROSTAT, bien entendu. Selon ses chiffres, le chômage est passé en un an de 11,5% à 11%, soit une réduction d’à peine 0,5% alors qu’on est en pleine reprise. Tenant compte de ces éléments de conjoncture, on peut parler d’une « stagnation » de l’Europe dans un chômage structurel de masse.
Pour le reste, il y a un jugement qui pour une fois me paraît un peu hasardeux dans votre article : lorsque vous présentez le législateur comme étant plus efficace que les organismes privés. En premier lieu parce que c’est assez faux du côté des organismes du privé : ces-derniers, que ce soit dans les organisations patronales ou les syndicats, emploient pas mal de juristes et disposent d’un personnel nombreux et qualifiés. Mais surtout, la qualité de rédaction du législateur a fortement baissée ces dernières années, et ce n’est pas uniquement un propos décliniste convenu. C’est particulièrement vrai en matière de droit du travail, comme en témoignent quelques réformes récentes (loi Hamon sur la reprise des entreprises par leurs salariés, ou la loi sur la sécurisation de l’emploi instaurant l’obligation, pour les grandes entreprises, d’avoir des salariés administrateurs avec voie délibérative). Ce que j’ai cru comprendre, c’est que beaucoup de lois sont en réalité écrites dans l’urgence par les cabinets ministériels, sans que les services compétents de l’administration du législateur (AN et Sénat) soient suffisamment consultés.
@ Tythan
D’abord, merci pour les corrections orthographiques, elles ont toutes été reportées sur le texte. Cela fait plaisir de voir que des lecteurs lisent avec une telle attention…
[Pour le reste, il y a un jugement qui pour une fois me paraît un peu hasardeux dans votre article : lorsque vous présentez le législateur comme étant plus efficace que les organismes privés.]
Ce n’est pas tout à fait ce que j’ai écrit. Je comparais la « législation rédigée par des fonctionnaires » avec ceux issus « de la négociation collective ». Je ne doute pas que les organismes privés ou les syndicats emploient pas mal de juristes, mais la présence de ces experts devient de moins en moins grande au mesure qu’on descend dans le niveau des accords. Si les textes de branche sont souvent de bonne qualité, les textes issus de la négociation d’entreprise sont souvent très mal fagotés. Je parle ici par expérience.
Quant à la qualité de la rédaction législative et réglementaire, vous avez tout à fait raison. Même si les projets de loi et une partie des décrets sont encore rédigés par des fonctionnaires dont on reconnaît la compétence et sont examinés par le Conseil d’Etat, souvent l’avis des uns et de l’autre est ignoré, et les textes sont modifiés dans l’urgence par des conseillers de cabinet ou par des législateurs qui se soucient plus de la communication que de la qualité des textes qu’ils produisent. Il n’est d’ailleurs pas rare aujourd’hui qu’un texte soit « revisité » dans les jours ou les semaines qui suivent sa promulgation…
Cependant, mon expérience est que la qualité du texte législatif ou réglementaire reste très supérieure à celle des accords d’entreprise…
En disant : « Personnellement, je pense que la focalisation sur le Code du Travail obéit à une autre nécessité : celle de trouver un bouc émissaire au chômage. » vous voyez juste.
La conclusion de votre article est pertinente en ce sens qu’en effet, le code du travail va être désigné comme le coupable idéal du chômage de masse que nous connaissons à la fois par la patronat et les futurs candidats aux élections. Badinter, à cet égard, est en service commandé dont la mission est de créer une illusion.
On lui demande de prouver que le code du travail est impossible à réformer et qu’il faut que l’État se désengage de la définition des normes en la matière pour laisser le soin aux entreprises de le faire. On veut privatiser le droit du travail en quelque sorte comme cela s’est pratiqué pour l’audiovisuel en nous faisant croire que çà allait permettre davantage de choix en termes d’informations et de variété de programmes. On a vu le résultat.
La réforme qu’on nous concocte va donner le pouvoir de légiférer aux grands groupes qui vont imposer leurs propres normes sur le secteur où ils sont dominants à la fois sur les petites entreprises qui sont leurs sous-traitants et les salariés. De plus, je ne crois pas que cela réduira la folie normatrice des usines à réglementation que sont l’Union européenne, les organisations internationales, le Parlement et la haute administration.
Une fois encore, un piège nous est tendu. On sent bien que tout cela est le fruit de conversations de gens bien placés qui se retrouvent dans les think tank et autres cercles. Encore une fois c’est l’État en lui-même et donc la Nation qui sont visés pour être désignés responsables de ce qui se passe.
D’où la solution d’amoindrir encore et de détruire toujours davantage cet État qui fabrique des « codes », instruments de torture de l’entrepreneur et monument d’inefficacité. Ils pensent, en résumé, que l’État ne peut se réformer et que donc il faut casser l’État.
Vous écrivez aussi : « Bien entendu, on peut améliorer le Code du Travail. Au cours des années, le Code s’est constitué par superposition de couches de législation les unes sur les autres. » et qu’il faut sans doute revoir la forme de ces textes.
Je ne crois pas une seule seconde que ce sera la direction prise par nos réformateurs dont l’objectif essentiel est justement de rendre la législation parfaitement incompréhensible pour deux raisons essentielles : éviter que le citoyen puisse comprendre tout seul les règles sans passer par des intermédiaires. La deuxième est que des règles simples et compréhensibles de tous, çà fait peuple.
Nos élites adorent en effet la complexité en affirmant que la réalité l’est. Ce que vous faites aussi d’ailleurs. Or, une réglementation devrait se limiter à fixer des bornes pour éviter la fraude et le n’importe quoi. Aujourd’hui, cette même réglementation prétend prévoir tous les aspects du réel et toutes les situations.
On refuse ainsi aux citoyens la possibilité d’exprimer leur responsabilité, leur jugement, leur bon sens. On est dans un système vicié qui infantilise à outrance le citoyen, qui passe son temps à duper ce même citoyen et qui créer sciemment des législations complexes source de contestation et de contentieux.
On est hélas dans une société dirigée par des gens extrêmement malhonnêtes, pervers et malsains. Cette réforme du code du travail en perspective en est une illustration. Vous pourrez m’objecter que l’on peut trouver également des personnes honnêtes et intègres dans nos élites à quoi je vous répondrai la formule d’Audiard « Il y a aussi des poissons volants mais ce n’est pas la majorité du genre. »
@ Ribus
[De plus, je ne crois pas que cela réduira la folie normatrice des usines à réglementation que sont l’Union européenne, les organisations internationales, le Parlement et la haute administration.]
Je pense que vous surestimez la « folie normatrice » de la « haute administration ». Pour la connaître un peu, je peux vous assurer que c’est rarement l’administration qui est à l’initiative des normes. Au contraire, l’administration tend à être conservatrice, et à préférer le maintien des normes auxquelles elle est habituée. La « folie normatrice » vient surtout du politique – du Parlement et des ministres – qui trouvent dans l’édiction de normes une manière d’exister médiatiquement.
[On sent bien que tout cela est le fruit de conversations de gens bien placés qui se retrouvent dans les think tank et autres cercles.]
Si seulement… Je crois que vous surestimez énormément la qualité du processus de conception des normes. Si elles étaient « le fruit de conversation des gens bien placés », elles seraient bien mieux fagotées. Vous n’imaginez pas le nombre d’articles de lois ou de décrets qui sont écrits au cours d’une rencontre informelle entre un ministre ou un député et une ONG qui ne représente qu’elle-même…
[Je ne crois pas une seule seconde que ce sera la direction prise par nos réformateurs dont l’objectif essentiel est justement de rendre la législation parfaitement incompréhensible pour deux raisons essentielles : éviter que le citoyen puisse comprendre tout seul les règles sans passer par des intermédiaires. La deuxième est que des règles simples et compréhensibles de tous, çà fait peuple.]
Encore une fois, je pense que vous faites erreur lorsque vous attribuez à une volonté ce qui n’est que l’aboutissement d’un processus aveugle. Il n’y a aucune « intention » de rendre la législation incompréhensible. Elle le devient parce que le processus qui la produit – c’est-à-dire, le manque complet d’une « vision » cohérente qui serve de guide et la volonté du politique de faire plaisir successivement aux diverses « cibles » de son électorat – conduit à multiplier les textes-catalogue et les exceptions à la règle générale.
[Nos élites adorent en effet la complexité en affirmant que la réalité l’est.]
Ne croyez pas ça. Nos élites sortent à tort et à travers la « complexité » dans leurs discours, mais au fond n’aiment que les idées simples, voir simplites. Il n’y a qu’à voir combien le manichéisme en politique extérieure a remplace progressivement ces trente dernières années la vision subtile de l’école « réaliste »…
[Ce que vous faites aussi d’ailleurs. Or, une réglementation devrait se limiter à fixer des bornes pour éviter la fraude et le n’importe quoi. Aujourd’hui, cette même réglementation prétend prévoir tous les aspects du réel et toutes les situations.]
J’ai essayé de vous montrer que même une réglementation qui se limite a « fixer les bornes » devient très complexe lorsqu’on la confronte au réel. Qu’est ce qui pourrait être plus simple, plus « limité » que le « tu ne tueras point » ? Faites l’exercice : essayez d’écrire une norme simple adaptée à une situation concrète. Tiens, les règles de partage de votre salle de bain. Vous verrez que très rapidement, pour que votre règle soit applicable, il vous faut prendre en compte une grande complexité de cas…
[On refuse ainsi aux citoyens la possibilité d’exprimer leur responsabilité, leur jugement, leur bon sens.]
Pourriez-vous donner un exemple précis ? L’expérience montre que quand les citoyens « expriment leur responsabilité, leur jugement, leur bon sens » ils le font en général dans le sens de leurs intérêts. En l’absence de règle, ce sont donc les intérêts qui se confrontent…
[On est hélas dans une société dirigée par des gens extrêmement malhonnêtes, pervers et malsains.]
Si vous croyez cela, vous devriez vous demander pourquoi les citoyens élisent à chaque scrutin des gens malhonnêtes, pervers et malsains. Croyez-moi, ils doivent y gagner quelque chose…
@Descartes
Je profite de ce commentaire pour continuer une discussion que nous avions eue il y a quelques semaines je crois :
[Si vous croyez cela, vous devriez vous demander pourquoi les citoyens élisent à chaque scrutin des gens malhonnêtes, pervers et malsains. Croyez-moi, ils doivent y gagner quelque chose…]
Je crois que ce n’est pas si simple. Ce le serait si ce que proposent les candidats qui sont élus correspondait globalement à l’intérêt de la plupart de leurs électeurs, mais ce n’est pas forcément le cas. Comme je vous l’avais dit, si ce n’était pas le cas, alors je serais très étonné que tant de citoyens se fassent avoir. Vous m’aviez répondu qu’ils votent contre celui qui est le plus éloigné de leur intérêt. Cela me fait penser (désolé pour la référence) à l’épisode de South Park où les enfants sont amenés à voter pour une poire à lavement ou un sandwich au caca pour leur nouvelle mascotte. Je n’arrive pas à admettre que l’on daigne mettre un bulletin dans l’urne pour de tels candidats.
Enfin je pense que cela revient au même : voter contre celui qui est le plus éloigné de son intérêt plutôt que de voter blanc ou à s’abstenir encourage les hommes politiques à ne pas proposer autre chose et contribue à bloquer la situation. Je ne crois pas que les citoyens y gagnent vraiment quelque-chose. Si tout à coup la somme des votes blanc et des abstentions atteignait 70%, je pense qu’un candidat émergerait très vite qui proposerait quelque chose qui corresponde beaucoup plus à l’intérêt de ces 70%. En tout cas, je n’imagine pas la situation s’améliorer pour eux tant qu’ils continueront à élire des poires à lavement et des sandwiches au caca.
Une autre éventualité est que ce que proposent les candidats élus correspond effectivement à l’intérêt de la plupart des citoyens, et non pas à une minorité.
Au passage, il me semble que le titre de votre article devrait être “pourquoi s’attaque-t-on…” ou “pourquoi est-ce qu’on s’attaque…” plutôt que “pourquoi on s’attaque…” 🙂
@ Jean-François
[Je crois que ce n’est pas si simple. Ce le serait si ce que proposent les candidats qui sont élus correspondait globalement à l’intérêt de la plupart de leurs électeurs, mais ce n’est pas forcément le cas.]
Je ne crois pas que les électeurs votent en fonction de ce que les candidats « proposent ». Les électeurs ont une certaine mémoire, et savent mettre les promesses en perspective. Croyez-vous vraiment que les « classes moyennes » auraient voté aussi unanimement pour Hollande si elles avaient vraiment cru qu’il était « l’ennemi de la finance » ou qu’il allait renégocier les traités européens ? Non, les électeurs votent en fonction des politiques qu’ils anticipent. Par ailleurs, il serait faux de croire que les électeurs votent une fois tous les cinq ans puis deviennent spectateurs alors que les politiques ont toute liberté pour faire ce qu’ils veulent…
[Comme je vous l’avais dit, si ce n’était pas le cas, alors je serais très étonné que tant de citoyens se fassent avoir. Vous m’aviez répondu qu’ils votent contre celui qui est le plus éloigné de leur intérêt. Cela me fait penser (désolé pour la référence) à l’épisode de South Park où les enfants sont amenés à voter pour une poire à lavement ou un sandwich au caca pour leur nouvelle mascotte. Je n’arrive pas à admettre que l’on daigne mettre un bulletin dans l’urne pour de tels candidats.]
Il y a tout de même un paquet d’électeurs qui ne « daignent » plus mettre un bulletin dans l’urne, estimant que le choix qui leur est offert est indifférent. Mais pour les autres, il y a un véritable choix, un véritable avantage à voir l’un plutôt que l’autre gagner…
[Enfin je pense que cela revient au même : voter contre celui qui est le plus éloigné de son intérêt plutôt que de voter blanc ou à s’abstenir encourage les hommes politiques à ne pas proposer autre chose et contribue à bloquer la situation.]
Probablement. Mais quelle serait l’alternative ?
[Je ne crois pas que les citoyens y gagnent vraiment quelque-chose. Si tout à coup la somme des votes blanc et des abstentions atteignait 70%, je pense qu’un candidat émergerait très vite qui proposerait quelque chose qui corresponde beaucoup plus à l’intérêt de ces 70%.]
Et qu’est ce qui vous dit que cet 70% a un intérêt homogène ?
@Descartes
[[Enfin je pense que cela revient au même : voter contre celui qui est le plus éloigné de son intérêt plutôt que de voter blanc ou à s’abstenir encourage les hommes politiques à ne pas proposer autre chose et contribue à bloquer la situation.]
Probablement. Mais quelle serait l’alternative ?]
Je suis content de ce “probablement”, je crois que j’ai finalement à peu près réussi à exprimer clairement mon propos 🙂 “L’alternative” (alternative utilisé dans ce sens est un anglicisme) est ce que j’ai écrit plus bas : voter blanc ou s’abstenir.
[[Je ne crois pas que les citoyens y gagnent vraiment quelque-chose. Si tout à coup la somme des votes blanc et des abstentions atteignait 70%, je pense qu’un candidat émergerait très vite qui proposerait quelque chose qui corresponde beaucoup plus à l’intérêt de ces 70%.]
Et qu’est ce qui vous dit que cet 70% a un intérêt homogène ?]
Ben… c’est vous que le dites ! Je n’ai fait que partir de votre hypothèse des 20 à 30% de classes moyennes pour ce raisonnement.
@ Jean-François
[Enfin je pense que cela revient au même : voter contre celui qui est le plus éloigné de son intérêt plutôt que de voter blanc ou à s’abstenir encourage les hommes politiques à ne pas proposer autre chose et contribue à bloquer la situation.][Probablement. Mais quelle serait l’alternative ?]
Je ne sais pas. Peut-être qu’il n’y en a pas ?
[Je ne crois pas que les citoyens y gagnent vraiment quelque-chose. Si tout à coup la somme des votes blanc et des abstentions atteignait 70%, je pense qu’un candidat émergerait très vite qui proposerait quelque chose qui corresponde beaucoup plus à l’intérêt de ces 70%.][Et qu’est ce qui vous dit que cet 70% a un intérêt homogène ?][Ben… c’est vous que le dites ! Je n’ai fait que partir de votre hypothèse des 20 à 30% de classes moyennes pour ce raisonnement.]
Excusez-moi, je n’avais pas bien compris que vous faisiez l’hypothèse d’une abstention de masse des couches populaires qui s’abstiendraient en bloc. C’est d’ailleurs un peu ce qui arrive, remarquez Aujourd’hui, les partis dits « de gouvernement » réunissent péniblement 40% des voix à eux seuls.. Et le « candidat qui émerge très vite et propose quelque chose qui correspond beaucoup plus à l’intérêt de ces 70% » est peut-être Marine Le Pen ?
Dans la droite ligne du travail permanent de sape mené par Hollande et ses ministres, la énième confidence de notre inénarrable ministre de l’économie est révélatrice de notre moment historique.
L’oligarchie ne prend même plus la peine de masquer son mépris de la démocratie et du peuple, celui qui n’a pas le pouvoir et qui le subit tous les jours, pour reprendre la définition de Michel Onfray.
Le libéralisme est une valeur de gauche et l’onction du peuple est un cursus d’un autre temps. Qu’il reste encore un membre sincère dans le parti “socialiste” demeure un des mystères insondables de notre époque.
La mécanique est bien huilée, le trublion sort une pique, un sondage express “confirme” que les français (devenu donc puissamment masochistes) approuvent la pensée “tweet” de Macron, puis papa Hollande ou Valls, recadre et rassure la populace. Ce qui permet petit à petit, dans l’illusion de la douceur, (alors qu’il s’agit de lassitude et peut-être du calme avant une grande tempête) d’évider le contenu social de notre république. Mais nous sommes prévenu, Sarko, l’a dit, nous devrons faire (le peuple uniquement bien sûr) de très grand efforts … Pour nous “Uberiser”, nous “libéraliser” de ces chaînes sociales qui nous entravent.
Heureusement nous sommes sauvés. Jacques Attali n’exclut pas d’être candidat à la présidentielle … Contrairement à son jeune poulain, il feint de croit encore à cette ringardise qu’est le suffrage universel. (A condition évidemment qu’il sanctionne uniquement la même voie, la seule réaliste à leurs yeux…)
Comme disait Philippe Meyer, nous vivons une époque (tristement) moderne …
@ mondran
[Dans la droite ligne du travail permanent de sape mené par Hollande et ses ministres, la énième confidence de notre inénarrable ministre de l’économie est révélatrice de notre moment historique. L’oligarchie ne prend même plus la peine de masquer son mépris de la démocratie et du peuple, celui qui n’a pas le pouvoir et qui le subit tous les jours, pour reprendre la définition de Michel Onfray.]
Je ne sais pas exactement ce qu’est cette « oligarchie » dont vous parlez. Mais si on prend le sens habituel du mot, notre « inénarrable ministre de l’économie » n’est ni représentant, ni représentatif de « l’oligarchie ». Je le trouve bien plus représentatif des « classes moyennes »…
[Le libéralisme est une valeur de gauche et l’onction du peuple est un cursus d’un autre temps. Qu’il reste encore un membre sincère dans le parti “socialiste” demeure un des mystères insondables de notre époque.]
Pas tout à fait. Macron est en fait l’illustration parfaite du fait que les mots « gauche » et « droite » n’ont plus aucun sens. On est « de gauche » aujourd’hui comme on est supporter de l’OM, des « Verts » de Saint-Etienne ou du PSG. Ce n’est pas que l’un ou l’autre de ces clubs représente des valeurs ou des choix essentiellement différents de ceux des autres. Mais on supporte celui-ci ou celui-là par tradition familiale, par attachement de jeunesse, ou parce qu’on est du coin. On est « de gauche » parce qu’on est socialiste, radical, communiste ou groupusculaire. Et Macron pousse le syllogisme jusqu’au bout : « je suis de gauche, je suis libéral, le libéralisme est donc de gauche ».
[La mécanique est bien huilée, le trublion sort une pique, un sondage express “confirme” que les français (devenu donc puissamment masochistes) approuvent la pensée “tweet” de Macron, puis papa Hollande ou Valls, recadre et rassure la populace.]
En fait, tout le monde s’en fout. Les « piques » de Macron provoquent des tempêtes dans les verres d’eau du « microcosme », mais l’immense majorité des français s’en fout. D’ailleurs, ce style de communication inauguré par Ségolène Royal en 2007 n’a plus aucun effet sur l’opinion. Personne n’y croit plus.
[Je ne sais pas exactement ce qu’est cette « oligarchie » dont vous parlez. Mais si on prend le sens habituel du mot, notre « inénarrable ministre de l’économie » n’est ni représentant, ni représentatif de « l’oligarchie ». Je le trouve bien plus représentatif des « classes moyennes »…]
Je pense que c’est un problème de sémantique. Vous avez défini, dans un ensemble d’échanges dans un post antérieur, la classe moyenne comme l’ensemble des gens possédant un capital (pas forcément matériel ou financier) ou un savoir faire particulier qui leur permet de bénéficier d’un rapport de force économique favorable . Il sont donc les gagnants de la situation actuelle. Nous sommes beaucoup sans doute dans vos commentateurs à faire de facto partie de cette classe. Personnellement c’est exactement mon cas. Pourtant peu d’entres-nous, peut-être même aucun, n’ont de réelles capacités d’influence sur l’évolution de la société.
Pour moi, l’oligarchie (je me doute que ce n’est une définition canonique, mais chacun peut avoir la sienne à condition de la poser) c’est la partie de la classe moyenne (au sens ou vous la définissez) qui à des capacités réelles d’actions ou d’influence sur l’évolution de la société. Les ministres, les conseillers, les journalistes, les cautions “morales” etc. font partie de cette oligarchie. Ils en sont la partie immédiatement visible (pour le citoyen lambda). La partie plus immergée de l’oligarchie, son cœur, les grands financiers, chefs d’entreprises etc. parlent moins dans les médias grands publics.
Juste un point. Je ne pense pas que l’oligarchie soit une organisation structurée qui pilote le monde en secret, selon un plan diabolique prédéfini, comme peuvent le penser certains adeptes du complot. Les choses sont nettement plus basiques, basées sur un rapport de force et d’intérêts convergents. L’oligarchie est un ensemble mouvant de personnes ayant un intérêt commun puissant et des moyens d’influence plus ou moins importants, mais réels. Nul besoin de complot la dedans.
[Pas tout à fait. Macron est en fait l’illustration parfaite du fait que les mots « gauche » et « droite » n’ont plus aucun sens. On est « de gauche » aujourd’hui comme on est supporter de l’OM, des « Verts » de Saint-Etienne ou du PSG. Ce n’est pas que l’un ou l’autre de ces clubs représente des valeurs ou des choix essentiellement différents de ceux des autres. Mais on supporte celui-ci ou celui-là par tradition familiale, par attachement de jeunesse, ou parce qu’on est du coin. On est « de gauche » parce qu’on est socialiste, radical, communiste ou groupusculaire. Et Macron pousse le syllogisme jusqu’au bout : « je suis de gauche, je suis libéral, le libéralisme est donc de gauche ».]
Je suis tout à fait d’accord avec vous sur ce point. Ce qui m’étonnes juste c’est l’extraordinaire force mentale de cet attachement finalement sentimental qui résiste (pour le noyau dur des derniers des mohicans, certes de moins en moins nombreux) au réel de ce qu’est devenu le PS ou le PC. Personnellement je n’ai jamais été proche d’un parti politique, mais j’ai adoré l’équipe de France de football dans ma jeunesse, les années Platini et des équipes comme Lens, Sochaux ou Saint Etienne qui portaient une histoire sur leur maillot. Aujourd’hui j’abhorre le foot business et nulle nostalgie ne sera suffisante pour me faire à nouveau frissonner devant un match du PSG ou d’une autre équipe.
[En fait, tout le monde s’en fout. Les « piques » de Macron provoquent des tempêtes dans les verres d’eau du « microcosme », mais l’immense majorité des français s’en fout. D’ailleurs, ce style de communication inauguré par Ségolène Royal en 2007 n’a plus aucun effet sur l’opinion. Personne n’y croit plus.]
C’est vrai mais ce microcosme dont vous parlez, n’est pas anodin. Pour moi, ce bruissement permanent et de plus en plus insistant dans cette partie émergée de l’iceberg (ce microcosme est proche selon moi de la partie émergée de l’oligarchie) à pour vocation de préparer le peuple à ce que l’oligarchie souhaite.
Que le peuple se moque ou non de ce procédé de communication est une question finalement secondaire, le peuple étant réduit à un acteur de second plan qui est sensé cautionner par son vote l’évolution du monde qui lui a échappé depuis bien longtemps. Au fond depuis que le peuple n’est plus révolutionnaire.
La classe moyenne a un intérêt puissant au maintien de la situation mais sa capacité réelle d’influence est nettement plus réduite. Toutefois, je le remarque très régulièrement, beaucoup de membres de cette classe répercutent, parfois à leur cœur défendant, consciemment ou non, ce bruissement permanent dans leurs actions ou leur discours, notamment professionnels. (C’est frappant dans les discours OFF ou ON des managers dans les entreprises par exemple).
Malheureusement, je retrouve également des éléments sémantiques de ce discours (sur les droits “acquis” indécents, sur la fonction publique, etc.) chez des gens qui ne peuvent en aucun cas être rattachés à la classe moyenne (toujours selon votre définition), alors même que les implications pratiques de ces éléments de langage seraient dévastateurs pour eux…
C’est la force de ce système percolateur, qui a permis, entre autres facteurs, que l’ensemble de la population accepte de facto une situation qui aurait paru insoutenable il y a trente ans. (Mécanisme fort bien décrit pas Christophe Dejours dans ses travaux sur la psycho-dynamique du travail qui permet de comprendre pourquoi des personnes dans une situation donnée peuvent agir contre leur sentiment ou leur conviction profonde).
@ mondran
[Nous sommes beaucoup sans doute dans vos commentateurs à faire de facto partie de cette classe. Personnellement c’est exactement mon cas. Pourtant peu d’entres-nous, peut-être même aucun, n’ont de réelles capacités d’influence sur l’évolution de la société.]
Vous voulez dire, à titre individuel ? Parce que collectivement, nous avons une « réelle capacité d’influence » qui se manifeste tous les jours dans les politiques publiques.
[Pour moi, l’oligarchie (je me doute que ce n’est une définition canonique, mais chacun peut avoir la sienne à condition de la poser) c’est la partie de la classe moyenne (au sens ou vous la définissez) qui à des capacités réelles d’actions ou d’influence sur l’évolution de la société. Les ministres, les conseillers, les journalistes, les cautions “morales” etc. font partie de cette oligarchie.]
En d’autres termes, si je suis votre raisonnement, « l’oligarchie » est pour vous le groupe social dont les membres ont une influence PERSONNELLE sur l’évolution de la société ? Je crains que vous n’ayez une vision fausse de la manière dont les décisions se prennent. Les ministres ont en fait beaucoup moins de pouvoir qu’on ne le pense généralement : ils sont souvent le fléau de la balance qui enregistre l’équilibre des forces, mais ne le contrôle pas. Il est faux de croire que les ministres mettent en œuvre leurs idées. Dans la plupart des cas, ils mettent en œuvre les idées que l’opinion publique – c’est-à-dire la bourgeoisie et les classes moyennes – impose. Et s’il essaye autre chose, il est balayé.
Un Poujadas a en apparence un pouvoir immense. Mais en pratique, il ne conserve sa position que parce qu’il tient un certain discours. S’il essayait d’en tenir un autre, il disparaîtrait. Dans ces conditions, peut-on dire qu’il a véritablement du « pouvoir », c’est-à-dire, la possibilité de traduire sa volonté en acte ?
[Je suis tout à fait d’accord avec vous sur ce point. Ce qui m’étonnes juste c’est l’extraordinaire force mentale de cet attachement finalement sentimental qui résiste (pour le noyau dur des derniers des mohicans, certes de moins en moins nombreux) au réel de ce qu’est devenu le PS ou le PC.]
Vous connaissez la formule « la gauche c’est ma famille » ? Elle établit parfaitement le pourquoi de cet « attachement sentimental ». On choisit ses amis, on ne choisit pas sa famille. Et du coup, la famille est une structure qui vous soutient inconditionnellement. C’est cette inconditionnalité qui explique la force de cet attachement. Un monde ou nous sommes aidés en fonction de ce que nous faisons est terrifiant, parce qu’il suppose un contrôle permanent sur nos « œuvres ». Un monde ou nous sommes aidés pour ce que nous sommes est infiniment rassurant, parce que nos rapportas avec les autres sont réglés une fois pour toutes et connus à l’avance. Etre « de gauche » implique avoir droit spontanément à la solidarité des autres gens « de gauche »… c’est un réflexe communautaire comme n’importe quel autre.
[C’est vrai mais ce microcosme dont vous parlez, n’est pas anodin. Pour moi, ce bruissement permanent et de plus en plus insistant dans cette partie émergée de l’iceberg (ce microcosme est proche selon moi de la partie émergée de l’oligarchie) à pour vocation de préparer le peuple à ce que l’oligarchie souhaite.]
Je ne suis pas convaincu. Je ne pense pas que le « peuple » – dans le sens des « couches populaires » – écoute vraiment ce « bruissement ». Il a d’autres choses plus importantes, ou en tout cas plus urgentes, à faire. Je pense surtout que ce « bruissement » sert surtout de justification pour que les « classes moyennes » puissent dormir la nuit. Vous n’imaginez pas combien de gens sont rassurés par l’idée qu’on peut être « libéral » et « de gauche »…
[La classe moyenne a un intérêt puissant au maintien de la situation mais sa capacité réelle d’influence est nettement plus réduite.]
Vous trouvez ? Mais alors, comment expliquer que depuis trente ans toutes les politiques publiques aient été mises à leur service ?
@Descartes
[Mais alors, comment expliquer que depuis trente ans toutes les politiques publiques aient été mises à leur service ?]
Si je me souviens bien de votre analyse du phénomène de l’optimisation fiscale, il me semble que vous disiez que les classes moyennes avaient été dépassées par son ampleur. Or à ma connaissance rien n’a été fait depuis pour corriger cela, et dans les faits l’optimisation fiscale ne sert que les intérêts de la bourgeoisie car les classe moyennes n’ont en moyenne guère les moyens d’accumuler suffisamment de capital financier pour profiter de ces mesures.
Soit j’ai mal compris l’ampleur de la “classe moyenne”, soit celle-ci accepte de se fait avoir par la bourgeoisie.
@ Lelien
[Si je me souviens bien de votre analyse du phénomène de l’optimisation fiscale, il me semble que vous disiez que les classes moyennes avaient été dépassées par son ampleur.]
C’est en partie vrai. Les « classes moyennes » n’ont au départ rien trouvé à redire à l’ouverture des frontières, parce qu’elles en tiraient beaucoup d’avantages. Elles ne se sont pas aperçues au départ que cela allait avoir comme effet secondaire de déplacer le fardeau fiscal sur elles.
[Or à ma connaissance rien n’a été fait depuis pour corriger cela,]
Je ne suis pas si convaincu que ça. D’une part, l’optimisation fiscale fait partie des conséquences d’un phénomène global, la libre circulation au niveau international des capitaux et des marchandises. Et cette libre circulation a constitué pour les « classes moyennes » une véritable aubaine, leur permettant de bénéficier des bas salaires et des conditions de travail dégradées existant dans certains pays et qui se reflètent dans le prix des biens qu’elles achètent, tout en exerçant en général des métiers protégés de la délocalisation. On pourrait soutenir que le coût pour les « classes moyennes » de l’optimisation fiscale est largement compensé par les avantages qu’elles tirent de la globalisation.
Il y a un deuxième phénomène qui tend à relativiser le coût pour les classes moyennes de l’optimisation fiscale. Il faut rappeler que tout coût dans le processus de production est in fine payé par le consommateur. Imaginons que j’augmente l’impôt sur les sociétés. Quelle sera la réaction d’une entreprise donnée ? Peut-elle réduire la rémunération des capitaux investis ? Non : cette rémunération est fixée par un marché international, et si je réduis le dividende l’actionnaire ira investir ailleurs. L’entreprise ne peut jouer que sur deux leviers : augmenter les prix de vente de ses produits, ou réduire la rémunération des salariés. Ce qui au fond revient globalement au même (puisque les salariés sont les acheteurs des produits…).
Eh bien, si je réduis l’impôt sur les sociétés, j’obtiens l’effet inverse : la réduction se retrouve dans les prix des biens ou dans les salaires… et pas dans les dividendes. Cela peut paraître paradoxal, mais c’est la stricte réalité. En d’autres termes, réduire l’impôt sur les sociétés et augmenter en même temps la TVA est une opération neutre. L’optimisation fiscale est donc intéressante pour une entreprise seulement si ses concurrentes ne peuvent pas le faire. Si tout le monde peut « optimiser », la concurrence réduit l’avantage tiré à néant…
[Soit j’ai mal compris l’ampleur de la “classe moyenne”, soit celle-ci accepte de se fait avoir par la bourgeoisie.]
Pas tout à fait. La « classe moyenne » accepte que les bénéfices tirés de la libre circulation des capitaux et des marchandises soit partagée entre elles et la bourgeoisie. Dans une alliance, il faut bien qu’il y ait un petit peu pour chacun, non ?
@Descartes
[Eh bien, si je réduis l’impôt sur les sociétés, j’obtiens l’effet inverse : la réduction se retrouve dans les prix des biens ou dans les salaires… et pas dans les dividendes. ]
Pourquoi l’entreprise en question ne chercherait-elle pas plutôt à augmenter ses dividendes par rapport à la concurrrence internationale afin d’augmenter sa capitalisation, et accessoirement la valeur des ses actions qui se retrouvent dans le portefeuille des dirigeants de cette entreprises?
[Dans une alliance, il faut bien qu’il y ait un petit peu pour chacun, non ?]
Oui ça me semble rationnel vu comme ça. Les “classes moyennes” acceptent certains compromis pour maintenir leur alliance avec la bourgeoisie. La question qui me vient à l’esprit est de savoir combien de temps de tels compromis peuvent perdurer. Je n’arrive pas à me débarrasser de mon impression que la crise économique remonte des “classes populaires” vers les “classes moyennes” les plus exposées.
Les “classes moyennes” sont de plus en plus à être mises en concurrence avec des travailleurs étrangers, comme en informatique, en ingénierie ou même en comptabilité. Non seulement ça, mais une partie non négligeable d’entre elles sont également mises en concurrence avec des automates informatiques, les confrontant à une notion de concurrence entre salariés qui était jusque là négligeable pour elles. Je pense notamment aux fonctions administratives, à l’ingénierie ou même aux professions artistiques qui bénéficient toutes d’assistants logiciels de plus en plus performant, permettant à un seul d’entre de faire ce qui aurait nécessité 2 ou 3 d’entre eux il y 10 ans.
@ Lelien
[Eh bien, si je réduis l’impôt sur les sociétés, j’obtiens l’effet inverse : la réduction se retrouve dans les prix des biens ou dans les salaires… et pas dans les dividendes.][Pourquoi l’entreprise en question ne chercherait-elle pas plutôt à augmenter ses dividendes par rapport à la concurrrence internationale afin d’augmenter sa capitalisation, et accessoirement la valeur des ses actions qui se retrouvent dans le portefeuille des dirigeants de cette entreprises?]
Parce que ce genre de politiques ne marche qu’à court terme. Une entreprise qui durablement paye plus de dividendes que ses concurrentes – toutes choses égales par ailleurs – est une entreprise qui consacre moins d’argent que ses concurrentes aux investissements ou qui pratique des marges supérieures à ses concurrentes. Et dans les deux cas, cela doit se traduire à terme par une baisse du chiffre d’affaires. Bien sur, ce raisonnement ne s’applique pas à des entreprises de certains secteurs, ou l’effet « marque » est si fort qu’on peut vendre plus cher sans perdre des clients (le cas d’Apple, par exemple) mais dans la grande majorité des secteurs c’est le cas.
[Oui ça me semble rationnel vu comme ça. Les “classes moyennes” acceptent certains compromis pour maintenir leur alliance avec la bourgeoisie. La question qui me vient à l’esprit est de savoir combien de temps de tels compromis peuvent perdurer.]
J’aurais tendance à répondre qu’ils dureront aussi longtemps que chacun des partenaires tire des avantages qui sont plus considérables que les coûts.
[Je n’arrive pas à me débarrasser de mon impression que la crise économique remonte des “classes populaires” vers les “classes moyennes” les plus exposées.]
Je me le demande. Dans une société moderne et complexe comme la notre, la bourgeoisie a trop besoin des « classes moyennes » pour pouvoir se permettre de les mécontenter. Je ne crois donc pas qu’elles permettront que la crise économique « remonte ». Cela étant dit, il est clair qu’une partie des « couches populaires supérieures » que les sociologues appellent les classes moyennes sont en train de sentir le vent du boulet…
[Les “classes moyennes” sont de plus en plus à être mises en concurrence avec des travailleurs étrangers, comme en informatique, en ingénierie ou même en comptabilité. Non seulement ça, mais une partie non négligeable d’entre elles sont également mises en concurrence avec des automates informatiques, les confrontant à une notion de concurrence entre salariés qui était jusque là négligeable pour elles. Je pense notamment aux fonctions administratives, à l’ingénierie ou même aux professions artistiques qui bénéficient toutes d’assistants logiciels de plus en plus performant, permettant à un seul d’entre de faire ce qui aurait nécessité 2 ou 3 d’entre eux il y 10 ans.]
Je pense qu’il ne faut pas confondre deux choses. D’un côté, il y a la modernisation des outils de production qui augmentent la productivité du travail. Comme l’a montré Schumpeter, la perception que cette modernisation conduit fatalement au chômage est fausse : si tel était le cas, le chômage aurait du augmenter continûment depuis la Renaissance jusqu’à nos jours, or ce n’est de toute évidence pas le cas. De l’autre, il y a la question de la distribution de la valeur produite entre les différentes classes sociales. Il n’y a pas de signe qui montre que la part du gâteau empoché par les « classes moyennes » se réduise…
[La classe moyenne a un intérêt puissant au maintien de la situation mais sa capacité réelle d’influence est nettement plus réduite.]
[ Vous trouvez ? Mais alors, comment expliquer que depuis trente ans toutes les politiques publiques aient été mises à leur service ?]
Je pense que vous exagérer l’importance de ce “service” que le système mettrait à disposition de ce que vous appelez la classe moyenne. Si je considère le milieu que je connais bien et dont j’ai bien vu l’évolution depuis vingt cinq ans, à savoir les cadres supérieurs (hors la couche la plus élevée des cadres dirigeants), ce qui frappe le plus sur cette période c’est la montée d’une intensification du travail et dune violence anxiogène liée à l’activité. Celle-ci est surmontée individuellement et collectivement par les mécanismes que Desjours et ses collègues (avec qui j’ai eu la chance de travailler il fut un temps) ont mis en évidence.
Le service que vous évoqué se paie souvent très cher. Bien évidemment la situation de la classe moyenne est bien meilleure que celle du reste du peuple.
Ce qui distingue cette part de la classe moyenne de l’oligarchie, c’est une capacité d’influence ou des réseaux d’influence bien placé nettement plus réduite.
Tous ces cadres que je connais et j’en connais beaucoup, publics et privés, doivent pour la plupart d’entre eux, tous les jours maintenir leurs capacités spécifiques qui leur donne leurs capacités de négociation, salariales entre autre.
Je côtoie et j’ai côtoyé des cadres dirigeants, pour cette infime partie là, le maintien du réseau d’influence est bien plus important que l’entretien des compétences . Dans cette catégorie là, vous pouvez échouer autant que vous le voulez, les conséquences en seront très amorties. Et les salaires que vous percevez n’ont plus que peu de rapport avec la compétence réelle. Ce n’est pas le cas ou nettement moins pour les cadres dont je parle.
Cela explique pourquoi nous avons une telle stabilité dans cette couche de l’oligarchie, alors même que l’instabilité est l’épée de Damoclès qui pèse sur tous les autres. Cette stabilité entretenue par la force du réseau est un facteur puissant du maintien des politiques que nous connaissons depuis trente ans. C’est en cela que je définie la capacité d’influence qui est très prégnante.
@ mondran
[Je pense que vous exagérer l’importance de ce “service” que le système mettrait à disposition de ce que vous appelez la classe moyenne. Si je considère le milieu que je connais bien et dont j’ai bien vu l’évolution depuis vingt cinq ans, à savoir les cadres supérieurs (hors la couche la plus élevée des cadres dirigeants), ce qui frappe le plus sur cette période c’est la montée d’une intensification du travail et dune violence anxiogène liée à l’activité.]
On n’est alors pas « frappé » par les mêmes choses. Moi, ce qui me « frappe » le plus sur cette période est l’augmentation considérable des rémunérations et du niveau de vie de cette couche, que ce soit en termes absolus mais, encore plus important, en termes relatifs. Ce qui me frappe aussi, c’est le monopole que ce groupe s’est acquis dans l’accès au savoir, à la culture, à l’éducation, aux idées. Pour ce qui concerne « l’intensification du travail » et la « violence anxiogène liée à l’activité », les « classes moyennes » sont nettement mieux loties que l’ensemble de la population.
[Le service que vous évoqué se paie souvent très cher. Bien évidemment la situation de la classe moyenne est bien meilleure que celle du reste du peuple.]
C’est précisément mon point. Si la société est devenue bien plus « anxiogène » pour tout le monde, ce fléau frappe bien plus les couches populaires, qui ont l’inconvénient sans toucher les avantages. Mais sur le fond, je ne partage pas votre diagnostique sur la « violence anxiogène liée à l’activité ». J’ai du mal à penser que nous ayons plus de raison d’être « angoissés » que nos ancêtres. On oublie un peu vite que nous sommes la première génération qui n’a pas eu à faire la guerre…
[Ce qui distingue cette part de la classe moyenne de l’oligarchie, c’est une capacité d’influence ou des réseaux d’influence bien placé nettement plus réduite.]
Je ne partage pas votre vision de « l’oligarchie ». Je vous ai expliqué pourquoi : un Poujadas n’a de « l’influence » que pour autant qu’il tienne le discours qu’on attend de lui. Peut-on parler dans ces conditions véritablement « d’influence » ? Un magnétophone peut-il avoir de « l’influence » ? Non, la véritable « influence » tient au pouvoir de fabriquer les idées. Et cette fabrication des idées est aujourd’hui collectivement dans les mains des « classes moyennes ».
[Tous ces cadres que je connais et j’en connais beaucoup, publics et privés, doivent pour la plupart d’entre eux, tous les jours maintenir leurs capacités spécifiques qui leur donne leurs capacités de négociation, salariales entre autre.]
Bien sur, de la même manière qu’un patron doit entretenir les machines qui constituent son capital…
[Je côtoie et j’ai côtoyé des cadres dirigeants, pour cette infime partie là, le maintien du réseau d’influence est bien plus important que l’entretien des compétences . Dans cette catégorie là, vous pouvez échouer autant que vous le voulez, les conséquences en seront très amorties. Et les salaires que vous percevez n’ont plus que peu de rapport avec la compétence réelle.]
Là, je ne vous suis pas. Si quelqu’un touche un salaire, c’est parce que quelqu’un – un capitaliste – accepte de le payer. A votre avis, pourquoi les capitalistes continuent à payer des gens « sans compétence réelle » alors qu’ils pourraient les virer – ou les payer moins – et garder la différence pour eux ? Ce simple raisonnement vous montre que si ces gens n’ont pas les « compétences » telles que vous les jugez, ils ont certainement des « compétences » fort utiles à ceux qui les payent…
Bonjour,
bien qu’entièrement d’accord avec votre analyse sur les critiques actuelles du code du travail, mon éducation chrétienne me conduit à vous contester votre référence au commandement “tu ne tueras point”.
Il ne s’agit en effet pas d’un commandement “légal”, mais d’un ordre divin, et en tant que tel transcendant, non discutable. D’ailleurs les premiers chrétiens refusaient pour cette raison le métier des armes.
Mais comme Dieu est inaccessible à notre entendement, il y a dans l’ancien testament des tas de références contradictoires. Ne serait-ce que Moïse qui, redescendant du mont Sinaï avec ces fameux commandements, s’empresse d’ordonner le massacre de tous les Israélites retombés dans l’idolâtrie, femmes et enfants compris. Sans parler de tous les prophètes qui menacent des pires massacres les ennemis d’Israël, et de Dieu lui-même châtiant Sodome et Gomorrhe (comme quoi il peut ordonner une chose, faire le contraire, le privilège des Dieux, comme de tous les puissants).
Les textes sacrés juifs et chrétiens (je ne connais pas la musulmane, ni tant d’autres) sont des tissus de contradictions que des gens fort intelligents (voir Saint Augustin, Rabbi et tant d’autres), mus par leurs aveuglement psychanalitique de foi ou d’intérêts, ont passé leur temps à commenter dans tous les sens.
En résumé, “tu ne tueras point” n’est pas un exemple de loi civile et il est abusif de dire qu’il doit être soumis à interprétation, car c’est nous placer dans la situation de croyants qui n’ont même pas compris le caractère transcendant des ordres de leur Dieu
@ marc.malesherbes
[Il ne s’agit en effet pas d’un commandement “légal”, mais d’un ordre divin, et en tant que tel transcendant, non discutable.]
Divin ou pas, le fait est qu’aucune société, même les plus chrétiennes, n’ont laissé à Dieu le soin de punir le meurtre dans l’autre monde. Toutes ont pris soin de le punir dans celui-ci. Et dès lors qu’on puni ici bas, la règle, divine ou humaine, est soumise à interprétation. Que son origine soit Dieu, la Nature ou le Peuple souverain ne change finalement rien à l’affaire.
[Mais comme Dieu est inaccessible à notre entendement, il y a dans l’ancien testament des tas de références contradictoires. Ne serait-ce que Moïse qui, redescendant du mont Sinaï avec ces fameux commandements, s’empresse d’ordonner le massacre de tous les Israélites retombés dans l’idolâtrie, femmes et enfants compris.]
C’est une première interprétation de la règle. Il semble que ôter la vie des idolâtres ne soit pas vraiment « tuer » au sens ou Dieu l’entendait…
[Les textes sacrés juifs et chrétiens (je ne connais pas la musulmane, ni tant d’autres) sont des tissus de contradictions que des gens fort intelligents (voir Saint Augustin, Rabbi et tant d’autres), mus par leurs aveuglement psychanalitique de foi ou d’intérêts, ont passé leur temps à commenter dans tous les sens.]
Pourquoi « contradiction » ? Je dirais plutôt « interprétation ». Dieu a dit à Moïse d’écrire « tu ne tueras point », mais a oublié de définir le mot « tuer »…
[En résumé, “tu ne tueras point” n’est pas un exemple de loi civile et il est abusif de dire qu’il doit être soumis à interprétation, car c’est nous placer dans la situation de croyants qui n’ont même pas compris le caractère transcendant des ordres de leur Dieu.
Je ne suis pas d’accord. Si on s’était contenté de laisser à Dieu le soin de punir les contrevenants, votre argument serait recevable. Mais dans la mesure où les hommes ont attaché à ce commandement des effets qui ne se limitent pas au plan spirituel, elle devient une « loi civile »…
Bonjour Descartes,
Les “classes moyennes” ne risquent elles pas elles aussi d’être impactées fortement par cette attaque sur le code du travail. Je vois qu’autour de moi ce que j’identifie comme des membres des “classes moyennes” sont de plus en plus touchés par le “libéralisme”, au départ indirectement à travers leur conjoint, leur famille ou leurs amis, mais directement aussi maintenant en se retrouvant au chômage à 50 ans passé. Dans cette situation, comment se fait il que les classes moyennes ne parviennent pas à faire entendre leur voie? Est-ce parce que leur prise de conscience du phénomène est plus lente que je ne l’imagine? Est-ce parce que les “classes moyennes” commencent elles-même à se scinder entre une partie qui reste intouchable et qui tient le haut du pavé? Ou bien plus simplement est-ce parce que mon appréciation de la situation réelle des “classes moyennes” est fausse?
Je profite d’un de mes rares messages pour rappeler à quel point vos articles sont pour moi une source de réflexion et de remise en question permanente. Merci.
@ Lelien
[Les “classes moyennes” ne risquent elles pas elles aussi d’être impactées fortement par cette attaque sur le code du travail.]
Je leur fait confiance pour défendre âprement leur bout de gras. Et comme elles sont très largement représentées à l’Assemblée, au Sénat, au gouvernement, dans la presse et dans les lobbies, je n’imagine pas qu’une réforme qui « les impacte fortement » arrive aujourd’hui au Journal Officiel… Il est bien possible qu’un jour les transformations économiques que nous voyons autour de nous finissent comme tu dis par « impacter » les « classes moyennes » – ou du moins certains secteurs de cette couche sociale. Mais aussi longtemps que le rapport de force leur est favorable, elles réussiront toujours à atténuer les effets en passant le fardeau à d’autres. Le jour où cela ne sera plus possible… on ne sait pas ce qui se passe.
[Je vois qu’autour de moi ce que j’identifie comme des membres des “classes moyennes” sont de plus en plus touchés par le “libéralisme”, au départ indirectement à travers leur conjoint, leur famille ou leurs amis, mais directement aussi maintenant en se retrouvant au chômage à 50 ans passé.]
Quel pourcentage des gens qui vous entourent et que vous identifiez comme faisant partie des « classes moyennes » est au chômage ? Pourriez-vous donner quelques exemples de cas ?
[Dans cette situation, comment se fait il que les classes moyennes ne parviennent pas à faire entendre leur voix?]
Ah bon ? Vous trouvez qu’elles « ne parviennent pas à faire entendre leur voix » ? Quand Macron parle des « jeunes qui doivent rêver d’être milliardaires », c’est qui qui parle ? Pas la bourgeoisie : eux sont déjà milliardaires, et n’ont pas envie de partager le gâteau. Pas à la classe ouvrière, qui n’a aucun moyen de le devenir.
[Ou bien plus simplement est-ce parce que mon appréciation de la situation réelle des “classes moyennes” est fausse?]
Je penche pour cette dernière hypothèse, sans vouloir vous offenser. Les classes moyennes ont très bien compris que la meilleure manière de dissimuler leurs privilèges consiste à se plaindre en permanence. La technique du rideau de fumée, en quelque sorte.
[Je profite d’un de mes rares messages pour rappeler à quel point vos articles sont pour moi une source de réflexion et de remise en question permanente. Merci.]
Je vous remercie de cet encouragement. Et n’hésitez pas à participer, c’est tout l’intérêt de ce blog.
[Quel pourcentage des gens qui vous entourent et que vous identifiez comme faisant partie des « classes moyennes » est au chômage ? Pourriez-vous donner quelques exemples de cas ?]
Difficile d’estimer le pourcentage car mon échantillon est réduit.
Néanmoins dans mon entourage immédiat et au sein de mes collègues, il y a 5 ans, aucun n’avait de conjoint au chômage. C’est maintenant le cas pour 3 sur une trentaine de personne. Pour 2 autres les conditions de travail se sont très fortement dégradées, avec des suppression de postes non remplacés dans leur service. De ces 5 cas, un cas de chômage et les 2 cas de dégradation des conditions de travail concernent des employés de banque sorties d’une bonne école de commerce. L’autre cas de chômage concerne un parcours atypique avec de multiples diplômes dans des champs variés. Je n’ai pas d’informations pour le dernier cas, si ce n’est que c’est entre niveau bac+3 et +5.
Je vois aussi beaucoup de collègues accepter de faire des heures de trajet pour conserver leur emploi car ni eux-même ni leur conjoint ne pourrait trouver plus proche de l’autre.
Je dois aussi ajouter tous les cas de connaissances de connaissances (et dont je n’aurais jamais entendu parler sans ce problème, d’où un fort biais de sélection) qui se retrouvent au chômage vers 45 / 50 ans dans un peu tous les domaines, sans aucune change de retrouver un emploi à la hauteur de leur diplôme.
[Ah bon ? Vous trouvez qu’elles « ne parviennent pas à faire entendre leur voix » ?]
Par rapport à ma constatation précédente seulement. J’imagine qu’il y a plusieurs voies au sein d’une même classe, et que les intérêts ne sont pas toujours concordants. Est-il raisonnable d’imaginer que la majorité de la “classe moyenne” sacrifie une minorité d’elle-même dans le but de préserver un instant encore leurs privilèges?
[Je penche pour cette dernière hypothèse, sans vouloir vous offenser. ]
Pas de soucis. Je préfère être offensé un moment et apprendre plutôt que de rester confortablement ignorant.
[Et n’hésitez pas à participer, c’est tout l’intérêt de ce blog.]
Je n’ai hélas pas toujours le temps de participer comme cette semaine, et encore plus rarement des idées ou des constats qui feraient avancer le débat.
Pourrais-je par contre vous encourager à créer une page de présentation contenant une définition du concept de “classe moyenne” et un résumé succin de vos positions? Il pourrait s’agir d’une sélection de vos articles les plus significatifs par exemple. Il m’a fallu plusieurs mois pour comprendre de façon utile le concept de “classe moyenne” entre guillemets, et bien plus encore pour réussir à articuler vos positions sur différents sujets, notamment en lisant vos commentaires qui sont souvent aussi voire plus riches que vos articles.
@ Lelien
[De ces 5 cas, un cas de chômage et les 2 cas de dégradation des conditions de travail concernent des employés de banque sorties d’une bonne école de commerce. L’autre cas de chômage concerne un parcours atypique avec de multiples diplômes dans des champs variés. Je n’ai pas d’informations pour le dernier cas, si ce n’est que c’est entre niveau bac+3 et +5.]
Il faudrait une vision plus fine pour savoir si l’on doit classer vos connaissances parmi les « classes moyennes » ou pas. Il y a quelques années, les diplômes « bac+5 » donnaient un pouvoir de négociation certain qui vous permettaient d’accéder aux « classes moyennes » au sens ou j’entends cette expression. Mais aujourd’hui, avec la généralisation des études universitaires et la transformation de l’Université en garderie, ce n’est plus le cas en général.
[Par rapport à ma constatation précédente seulement. J’imagine qu’il y a plusieurs voies au sein d’une même classe, et que les intérêts ne sont pas toujours concordants. Est-il raisonnable d’imaginer que la majorité de la “classe moyenne” sacrifie une minorité d’elle-même dans le but de préserver un instant encore leurs privilèges?]
Oui, bien sur, de la même manière qu’on observe des bourgeois sacrifiant d’autres bourgeois, ou des prolétaires sacrifiant d’autres prolétaires. Mais si de tels conflits au sein d’une classe existent, les membres d’une même classe oublient leurs conflits internes lorsqu’il s’agit de défendre leur intérêt commun contre une autre classe. Pour le moment, les « classes moyennes » alliées à la bourgeoisie ont réussi à détourner le crocodile en lui jetant en pâture les couches populaires.
[Pourrais-je par contre vous encourager à créer une page de présentation contenant une définition du concept de “classe moyenne” et un résumé succin de vos positions?]
C’est une bonne idée. J’essaierai d’y travailler.
[notamment en lisant vos commentaires qui sont souvent aussi voire plus riches que vos articles.]
J’avoue que j’ai plus de facilité à développer une idée à partir des objections d’un contradicteur que devant une page blanche. C’est pourquoi j’ai conçu ce blog comme un lieu d’échange, ou les commentaires sont aussi importants voire plus que les textes qui servent à lancer la discussion…
@ marc. malesherbes
@descartes
cela me fait penser à cette bonne blague juive.
Dieu parle à Moïse sur le mont Sinaï…
– Moïse, en ce qui concerne la cacherout, ne cuisine jamais un veau dans le lait de sa mère.
– Ah! Alors on ne doit jamais manger de lait et de viande en même temps ?
– Non, ce que je veux dire, c’est que tu ne dois jamais cuisiner le veau dans le lait de sa mère.
– Mon Dieu, ce que tu veux dire, c’est que l’on doit attendre 6 heures après avoir mangé de la viande si l’on veut manger quelque chose fait avec du lait.
– Non Moïse, c’est tout simple ce que je veux dire : ne cuisine pas le veau dans le lait de sa mère, et c’est tout !
– Oh, Mon Dieu! Tu veux dire que l’on doit avoir un jeu de couverts pour le lait, et un jeu de couverts pour la viande, et que si un jour on se trompe de couverts, on devra enterrer ces couverts à jamais et ne plus les utiliser ?
– Ahhhh Moïse… Fais comme tu veux…
Vous nous expliquez la nécessité d’une loi car la loi [contraint et les protège à la fois]. Sans aucun doute, mais quelqu’un aurait-il parlé de supprimer la loi ? Il n’est question que de réduire et simplifier, pas de supprimer.
Vous affirmez que les commentateurs évoqueraient [la nécessité absolue d’effacer le vénérable Code pour lui substituer une sorte de « décalogue »]. Affirmation hautement caricaturale : le « décalogue » tient en une page, notre code du travail compte 4000 articles et 3500 pages. Entre les deux … il y a pas mal de possibilités.
Mais ne serions nous pas en train de nous tromper de débat, vous écrivez :
[Dans un monde aussi conflictuel que celui de l’entreprise]
Voila la véritable difficulté. Le monde de l’entreprise est certes, conflictuel, mais surtout il est devenu de plus en plus conflictuel, au fur et à mesure que le marché du travail s’est tendu.
Le débat sur le poids ou l’épaisseur d’un livre ne dit rien de la question qui fait vraiment peur aux patrons de PME / TPE : ce qui effraie les patrons de PME / TPE, c’est le risque bien réel de se voir infliger des pénalités sans commune mesure avec les marges de leurs entreprises.
Le nombre de litiges portés devant les prud’hommes a explosé entre la période bénie des trente glorieuses, et la période actuelle de crise. De même qu’ont explosés les montants des pénalités infligées.
Aujourd’hui un salarié licencié sur 4 porte son cas devant les prud’hommes.
Les litiges prud’homaux se durcissent. Le pourcentage d’affaires portées en appel ou en cassation est en progression constante et exponentielle.
La limitation dans les textes du coût de la rupture, c’est à dire les Indemnités plafonnées aux prud’hommes que Hollande résumait ainsi : « Il faut que le coût de la rupture soit connu » a été combattu par les syndicats et retoqué par le conseil constitutionnel.
Mais les faits sont têtus et le problème reste : Les patrons ont peur du risque que constitue le coût d’un licenciement en perpétuel évolution et ceci est un frein à la réduction du chômage.
En Italie, Matteo Renzi a considérablement revu à la baisse les contraintes patronales du contrat de travail. Nous verrons bien si le chômage baisse plus vite, ou pas, chez eux que chez nous.
@ v2s
[Vous nous expliquez la nécessité d’une loi car la loi « contraint et les protège à la fois ». Sans aucun doute, mais quelqu’un aurait-il parlé de supprimer la loi ? Il n’est question que de réduire et simplifier, pas de supprimer.]
Vous avez mal lu. Il ne s’agit pas seulement de « réduire et simplifier ». Il s’agit aussi, dans l’esprit de beaucoup de « réformateurs », d’accorder aux accords d’entreprise ou de branche la possibilité de déroger à la loi. Qu’est ce qui reste de la « contrainte » et de la « protection » si l’on peut s’en affranchir ?
[Vous affirmez que les commentateurs évoqueraient « la nécessité absolue d’effacer le vénérable Code pour lui substituer une sorte de « décalogue » ». Affirmation hautement caricaturale : le « décalogue » tient en une page, notre code du travail compte 4000 articles et 3500 pages. Entre les deux … il y a pas mal de possibilités.]
Probablement. Mais il ne reste pas moins que la proposition de Badinter est précisément de substituer au vénérable Code « dix principes simples ». C’est lui-même qui a utilisé sur France-Inter le terme « décalogue ». Mon affirmation n’a donc rien de « caricaturale », à moins de supposer que Badinter « caricature » lui-même sa proposition.
Par ailleurs, vous faites erreur lorsque vous écrivez que le code « compte 3500 pages ». Le document téléchargé sur Légifrance, dans un format extrêmement aéré et en gros caractères fait exactement 2977 pages. Puisqu’il s’agit de ne pas caricaturer…
[Mais ne serions nous pas en train de nous tromper de débat, vous écrivez : « Dans un monde aussi conflictuel que celui de l’entreprise ». Voila la véritable difficulté. Le monde de l’entreprise est certes, conflictuel, mais surtout il est devenu de plus en plus conflictuel, au fur et à mesure que le marché du travail s’est tendu.]
Le monde du travail est par essence conflictuel, tout simplement parce qu’il oblige des groupes dont les intérêts sont antagoniques à coexister. Ce conflit n’est pas un choix des acteurs, il est inscrit dans la structure même du système. Que ce conflit se manifeste de manières différentes à des époques, c’est une évidence. Cela dépend en particulier de l’état du rapport de forces entre les différents acteurs. Mais je ne pense pas que le monde du travail soit devenu « plus conflictuel » pour autant. Après tout, cela fait quelque temps qu’on n’a pas envoyé la troupe tirer à balles réelles sur les grévistes.
[Le débat sur le poids ou l’épaisseur d’un livre ne dit rien de la question qui fait vraiment peur aux patrons de PME / TPE : ce qui effraie les patrons de PME / TPE, c’est le risque bien réel de se voir infliger des pénalités sans commune mesure avec les marges de leurs entreprises.]
Pourquoi se verraient ils « infliger des pénalités » s’ils respectent la loi ? Les « pénalités » sont pour les délinquants, les hommes honnêtes n’ont rien à craindre, n’est ce pas ?
On sait bien comment cela se passe dans les entreprises. J’ai été pendant des années délégué du personnel, alors je parle d’expérience. Les employeurs très souvent intègrent dans leurs calculs économiques le « coût du délit ». Par exemple, pour le licenciement abusif ils préfèrent violer la loi et payer la pénalité plutôt que de l’appliquer, sachant qu’en droit du travail le principe est que la réintégration n’est que très rarement prononcée. Il faut donc des pénalités qui soient vraiment dissuasives, et donc « sans commune mesure avec les marges de leurs entreprises ».
[Le nombre de litiges portés devant les prud’hommes a explosé entre la période bénie des trente glorieuses, et la période actuelle de crise. De même qu’ont explosés les montants des pénalités infligées.]
Bien entendu. Parce que dans la période des « trente glorieuses », le rapport de forces était équilibré. Le travailleur lésé avait les moyens de se défendre sans passer par le juge : d’abord la lutte collective, ensuite le simple fait que l’employeur avait un intérêt réel a éviter les départs, puisque le marché du travail était sous tension. En général, le recours au juge se multiplie d’autant plus que le rapport de forces entre les deux parties est déséquilibré. Et dans ce contexte, limiter le recours au juge revient à donner une prime à la force.
[Aujourd’hui un salarié licencié sur 4 porte son cas devant les prud’hommes.]
Bien entendu. Hier, si le licenciement était abusif, ses collègues se seraient mis en grève et auraient fait entendre raison au patron. Et s’il était légitime, ces mêmes collègues auraient refusé de le soutenir et le salarié se le serait tenu pour dit. Aujourd’hui, le salarié est seul. Son seul recours, c’est le juge. Ce n’est pas que les choses soient devenues « plus conflictuelles », mais qu’il n’existe plus dans l’entreprise un système de « checks and balances » qui permette de régler les contentieux sans recours au juge.
[La limitation dans les textes du coût de la rupture, c’est à dire les Indemnités plafonnées aux prud’hommes que Hollande résumait ainsi : « Il faut que le coût de la rupture soit connu » a été combattu par les syndicats et retoqué par le conseil constitutionnel.]
D’abord, notez la particularité du raisonnement : du fait « qu’il faut que le coût de la rupture soit connu », on déduit qu’il faut un « plafond ». Mais pas un plancher. Etonnant, non ? Ne serait-il pas dans ces conditions plus correcte de dire « il faut que le coût MAXIMAL de la rupture soit connu » ? Pourquoi ne ferait-on pas connaître aussi le coût MINIMAL, pour permettre au salarié lui aussi de faire ses calculs ?
Le Conseil constitutionnel a raison. Plafonner les indemnités de licenciement, c’est tarifer l’abus. C’est dire au patron « pour licencier votre employé par délit de sale gueule, c’est tant », même si le préjudice causé au salarié par l’abus est dix fois supérieur au tarif. Un peu comme si vous disiez « si vous tuez votre belle-mère, c’est tant », peu importe que ce soit un accident ou un meurtre prémédité…
[Mais les faits sont têtus et le problème reste : Les patrons ont peur du risque que constitue le coût d’un licenciement en perpétuel évolution et ceci est un frein à la réduction du chômage.]
Sans aucun doute. Tout comme le salaire minimum, conventions collectives, le droit de grève. Même le simple fait de devoir payer le salarié est un obstacle à l’emploi. Instaurons le travail forcé sans salaire, et les patrons embaucheront à tour de bras. Il faut arrêter de faire comme si les patrons étaient des petits êtres fragiles qui tremblent de peur à l’idée de licencier un salarié. Les patrons sont des acteurs économiques, qui font un calcul coût/avantages. Si pour obtenir des embauches il faut mettre le niveau de vie des travailleurs au niveau de la Roumanie ou du Bangladesh, alors il faut le dire et l’assumer. Et arrêter de se cacher derrière « le Code du Travail est trop complexe, il fait peur aux patrons ».
[En Italie, Matteo Renzi a considérablement revu à la baisse les contraintes patronales du contrat de travail. Nous verrons bien si le chômage baisse plus vite, ou pas, chez eux que chez nous.]
Nous verrons aussi si le niveau de vie des travailleurs baisse plus vite ou pas… ah non, pardon, j’oubliais, le niveau de vie des travailleurs n’intéresse personne…
@Descartes
[Bien entendu. Hier, si le licenciement était abusif, ses collègues se seraient mis en grève et auraient fait entendre raison au patron. Et s’il était légitime, ces mêmes collègues auraient refusé de le soutenir et le salarié se le serait tenu pour dit.]
Vous parlez avec aplomb et autorité d’une période et d’un contexte que vous n’avez visiblement pas connu.
Je vous rappelle que je parlais des patrons de PME /TPE.
Contrairement à ce que vous affirmez, en période de plein emploi, les licenciements ne déclenchaient pas de grève dans les petites entreprises.
Les choses se discutaient entre le patron et le salarié.
Prenons l’exemple des nouvelles embauches.
En 1976, à 28 ans, je dirigeais une petite cartonnerie employant 40 personnes.
Cette année là, les trente glorieuses avaient vécues mais le chômage n’était que de 3,6% et il n’était pas facile de trouver de nouveaux salariés.
Il existait bien des périodes d’essai, mais il n’existait ni CDD ni Intérim.
Un nouvel embauché rentrait à l’essai en CDI.
Si au bout de quelques jours, quelques semaines, « le courant ne passait pas », le nouvel embauché ne s’intégrait pas bien, il y avait une discussion du genre : « ça se passe pas tres bien, vous n’avez pas l’air d’etre heureux chez nous, vous devriez chercher autre chose ».
Ce qui était d’ailleurs parfaitement conforme à l’esprit de la période d’essai puisque les deux parties n’avaient pas à justifier de leur choix en cas d’interruption de la période d’essai.
Le lundi suivant, l’intéressé téléphonait pour dire qu’il avait trouvé autre chose, et souvent il avait trouvé mieux.
Vingt ans plus tard, 1996, plus de 10% de chômage, aucun employeur n’aurait pris le risque d’embaucher directement un CDI, il serait passé par une succession de CDD ou de périodes d’intérim. Et aucun employeur n’aurait pris le risque d’utiliser des mots du genre « vous n’avez pas l’air d’etre heureux chez nous, vous devriez chercher autre chose ». Car l’intéressé, conscient des tensions du marché du travail et conscient qu’il risquait de devoir passer par la case chômage, utilisait toutes les arguties, les témoignages de collègues, les procédures pour attaquer l’employeur aux prud’hommes en arguant d’un préjudice et en réclamant des indemnités.
Vous n’avez même pas idée de la façon dont la peur d’embaucher a augmenté au fur et à mesure que le taux de chômage s’est envolé, entraînant une multiplication des conflits aux prud’hommes et l’envol du montant des indemnités.
[Il faut arrêter de faire comme si les patrons étaient des petits êtres fragiles qui tremblent de peur à l’idée de licencier un salarié]
Vous parlez comme si les patrons étaient tous des patrons du CAC 40.
Vous n’ignorez pas que la moitié des emplois, en France, en 2015 se trouvent dans des entreprises de moins de 50 salariés, qui n’ont pas toutes des profits considérables.
@ v2s
[Vous parlez avec aplomb et autorité d’une période et d’un contexte que vous n’avez visiblement pas connu.]
De quelle « période » parlez-vous ? Je vous rappelle votre commentaire : « Le nombre de litiges portés devant les prud’hommes a explosé entre la période bénie des trente glorieuses, et la période actuelle de crise ». Je vois mal comment, ayant travaillé ces trente dernières années, je pourrais ne pas « avoir connu » cette période…
[Contrairement à ce que vous affirmez, en période de plein emploi, les licenciements ne déclenchaient pas de grève dans les petites entreprises.]
Les licenciements abusifs, si. Vous semblez croire que chaque fois qu’un patron licencie, c’est avec un motif légitime. Mais vous oubliez qu’on peut licencier une personne pour beaucoup de raisons : parce qu’il a un problème de santé, parce qu’il a une sale gueule, parce qu’il est militant syndical, parce qu’il exige le paiement de ses heures supplémentaires, parce qu’il – ou plutôt elle – est enceinte, parce que sa « moralité » ou ses choix politiques ne correspond pas aux idées du patron. Et je vous parle là de cas que j’ai eu à connaître personnellement en tant que syndicaliste, alors ne venez pas me dire que je parlerais de ce que je ne connais pas.
[Les choses se discutaient entre le patron et le salarié.]
Ah bon ? Expliquez moi comment cela se « discutait » lorsqu’on licenciait un travailleur parce qu’il vivait avec une femme sans être marié ? Ou bien lorsqu’on licenciait un travailleur qui avait le mauvais goût dexiger le paiement de ses heures supplémentaires à un patron qui « oubliait » volontairement de le faire ?
[Si au bout de quelques jours, quelques semaines, « le courant ne passait pas », le nouvel embauché ne s’intégrait pas bien, il y avait une discussion du genre : « ça se passe pas tres bien, vous n’avez pas l’air d’etre heureux chez nous, vous devriez chercher autre chose ». Ce qui était d’ailleurs parfaitement conforme à l’esprit de la période d’essai puisque les deux parties n’avaient pas à justifier de leur choix en cas d’interruption de la période d’essai.]
Et c’est toujours comme ça. Je ne vois pas très bien ce que votre exemple est censé démontrer. Il n’y a là pas de licenciement abusif. Et personne n’ira aux prud’hommes pour ça, même aujourd’hui.
[Vingt ans plus tard, 1996, plus de 10% de chômage, aucun employeur n’aurait pris le risque d’embaucher directement un CDI, il serait passé par une succession de CDD ou de périodes d’intérim. Et aucun employeur n’aurait pris le risque d’utiliser des mots du genre « vous n’avez pas l’air d’etre heureux chez nous, vous devriez chercher autre chose ». Car l’intéressé, conscient des tensions du marché du travail et conscient qu’il risquait de devoir passer par la case chômage, utilisait toutes les arguties, les témoignages de collègues, les procédures pour attaquer l’employeur aux prud’hommes en arguant d’un préjudice et en réclamant des indemnités.]
Je ne vois pas le rapport. Vous comparez la rupture en période d’essai – qui est parfaitement légale – avec « la succession de CDD » qui, elle, est illégale. Je vous rappelle la loi : « Quel que soit le motif pour lequel le CDD est conclu, un tel contrat ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ». En quoi cela vous choque qu’un patron qui commet une illégalité soit forcé à payer des indemnités ?
[Vous n’avez même pas idée de la façon dont la peur d’embaucher a augmenté au fur et à mesure que le taux de chômage s’est envolé, entraînant une multiplication des conflits aux prud’hommes et l’envol du montant des indemnités.]
Je ne comprends pas très bien votre raisonnement. Les prud’hommes accordent les indemnités prévues par la loi. Si l’augmentation du taux de chômage a entraîné la « multiplication des conflits aux prud’hommes » a entraîné « l’envol du montant des indemnités », cela tendrait à monter soit que les employeurs n’appliquaient pas la loi auparavant – et que cela ne se voyait pas parce que les travailleurs n’allaient pas en justice -, soit que – et c’est le plus probable – les patrons pensent qu’avec le chômage massif ils peuvent tout se permettre, et hésitent moins à violer la loi.
Pensez-vous vraiment que dans notre pays un patron qui applique strictement la loi peut-être condamné arbitrairement et injustement à payer des indemnités indues ?
[Il faut arrêter de faire comme si les patrons étaient des petits êtres fragiles qui tremblent de peur à l’idée de licencier un salarié][Vous parlez comme si les patrons étaient tous des patrons du CAC 40.]
Pas du tout. Je constate simplement qu’ils ont un point en commun : ils agissent par intérêt, et non par philanthropie. Leur principal souci, c’est gagner de l’argent, et non rendre heureux leurs employés.
[Vous n’ignorez pas que la moitié des emplois, en France, en 2015 se trouvent dans des entreprises de moins de 50 salariés, qui n’ont pas toutes des profits considérables.]
Je ne vois pas très bien le rapport avec la choucroute. Pensez-vous que le licenciement abusif soit plus courant dans les grandes entreprises que dans les petites ? Vous avez tort.
@ v2s
Je ne peux que vous inviter à assister à des séances de conseils de prud’hommes, vous seriez édifié.
Avez-vous déjà accompagné, en qualité de témoin, une salariée d’un petit salon de coiffure pour qu’elle réclame son salaire de deux mois, non versé et assisté à un déchaînement verbal ordurier à l’égard de cette jeune femme ?
Et bien d’autres exemples. Dois-je vous dire à ma grande rage aussi, j’ai été impuissant lorsque mon beau-frère ouvrier garagiste en milieu rural a réalisé un mois de travail suite à promesse verbale d’embauche ferme pour être remercié sans salaire. Il est venu me voir, nous avons fait le tour de la question : seul le témoignage d’un collègue ou celui d’un client (mais il était « à l’arrière », dans l’atelier) pouvait faire pencher la balance car il faut toujours prouver (principe normal) mais ici sans issue.
On peut, aussi, du haut de sa suffisance, penser que ces salariés sont des imbéciles, malheur aux vaincus en quelque sorte.
Il y a un déséquilibre fondamental au-delà du rapport de subordination, entre celui qui a besoin de travailler pour vivre et celui qui embauche pour fortifier son profit.
«ce qui fait peur aux patrons de PME / TPE : ce qui effraie les patrons de PME / TPE, c’est le risque bien réel de se voir infliger des pénalités sans commune mesure avec les marges de leurs entreprises. ».
Mon expérience me conduit à penser que ces patrons sont souvent les plus, soyons modéré, « irréguliers » à l’égard des salariés qu’ils emploient : la proximité physique et parfois sociale aboutit souvent à des relations d’inféodation plus marquées même si masquées. Le petit patron aspire tellement à s’échapper de la condition ouvrière sans avoir la « hauteur » de grand patron, ni sans doute les cadres intermédiaires dont ce n’est pas l’argent personnel.
D’ailleurs ceux-ci défraient moins la chronique judiciaire. Ne croyez pas que je fasse l’éloge des grands patrons ; je veux juste souligner que plus la distance est grande, plus souvent la loi s’applique même si il y a d’autres problèmes.
Je vous ai cité deux cas (non exclusifs, d’autres si vous le souhaitez), permettez que moi, ou tout honnête homme me semble-t-il, ne peut qu’exiger le paiement du travail effectué quelques soient les « marges » de l’entreprise.
Au-delà, je crois que vous ne réalisez pas que l’entreprise commencée sous couvert de « logique » ou « d’équité » consiste à inverser les normes du droit du travail : l’accord d’entreprise ne peut être inférieur à celui de branche lequel ne peut pas non plus être inférieur à la loi.
Vous avez entendu parler de Smart et de son référendum ? Sous menace, la direction de Daimler pourtant cossue a fait procéder à un référendum, résumons 12% travail sup avec 6% seulement de salaire sup. Sachez que ce référendum n’a aucune valeur légale mais les pouvoirs publics…Sachez aussi que la décision d’attribution au moins partielle de la nouvelle Smart sera sans doute indépendante de cela. Mais sachez aussi que le référendum ayant rencontré une majorité (même s’il s’agit ici de cadres) dans l’inversion de la hiérarchie des normes, il aurait force de « loi »…
Je vous remercie de bien vouloir réfléchir à ce sujet.
@morel
[Je vous remercie de bien vouloir réfléchir à ce sujet.]
Comme je l’ai dit, j’ai fait toute ma carrière (44 ans !) comme cadre dirigeant de petites boîtes ou dans des filiales de tailles moyennes, dans des industries de transformation.
En France, en Europe et dans le monde.
Et je vous demande de croire que j’ai très souvent, comme vous dites, « réfléchis à ce sujet ».
En 44 ans, j’ai du être appelé aux prud’hommes 4 fois. Je garde un souvenir précis du temps perdu à préparer les dossiers pour finalement perdre une fois sur deux.
Donc oui, je connais bien les prud’hommes.
Je sais que sur ce blog, je joue souvent le rôle de l’idiot utile qui adopte le point de vue de la classe moyenne et de la bien pensance boboïsée.
C’est pratique, il en faut un, sinon il y aurait moins de débat.
Mais là non ! Je ne marche pas.
Vous ne me ferez pas prendre le parti des coiffeuses esclavagistes, ni des artisans bas de plafond qui croient que leurs salariés leur appartiennent et qu’ils sont corvéables à merci.
Ceux là se font condamner, toutes les fois ou on arrive à les confondre, et c’est tant mieux.
Ce dont je parlais est différend.
1/ Le marché du travail s’est tendu, en clair, le chômage de masse s’est installé.
2/ En parallèle, le nombre de conflits aux prud’hommes a augmenté.
3/ Les conflits se durcissent et finissent de plus en plus souvent en appel et en cassation
4/ les indemnités versées aux salariés ont, elles aussi, augmenté. Désormais, elles se chiffrent régulièrement en années de salaire.
Maintenant, imaginez-vous dans une entreprise, responsable de développer une activité ou un projet.
D’un coté vous vous dites, il me faudrait 15 personnes, je vais les recruter, les former. Pour qu’elles soient motivées, difficile, donc, de les prendre en intérim.
Mais d’un autre coté, vous vous dites, et si une ou plusieurs des personnes que je vais recruter ne fait pas l’affaire, ne s’intéresse pas au projet, traîne des pieds, ou pire, joue un role de leader négatif et me pourrit le projet.
Très difficile à prouver, je ne pourrais jamais m’en débarrasser. Si je le licencie, il me traînera aux prud’hommes. En plus de me bouffer mon énergie, il aura au final une chance sur deux de gagner.
Donc, vous hésitez, contrairement à votre première intention, vous débutez avec des intérimaires, avec ce statut vous n’intéressez pas les meilleures, votre projet piétine, avance moins bien.
Bref, la peur des prud’hommes se présente bien comme une entrave à l’initiative et à la croissance.
Comme toujours, c’est une question d’équilibre et de mouvement de balancier.
La crise nous a emmené tellement loin dans la protection des CDI que plus personne n’embauche en CDI (moins de 2 embauches sur10 se font en CDI, en 2015, contre 100% avant la crise).
De nouveaux statuts se développent, portage salariale, auto entrepreneurs qui louent leurs services à des entreprises plus importantes.
Le point commun entre ces nouveaux statuts c’est qu’ils s’affranchissent des risques liés aux procès en prud’hommes.
@ v2s
[Je sais que sur ce blog, je joue souvent le rôle de l’idiot utile qui adopte le point de vue de la classe moyenne et de la bien pensance boboïsée.]
Si vous voulez faire votre propre portrait en victime, c’est votre affaire. Mais ici vos opinions ont toujours été respectées comme celles de n’importe quel autre intervenant.
[Vous ne me ferez pas prendre le parti des coiffeuses esclavagistes, ni des artisans bas de plafond qui croient que leurs salariés leur appartiennent et qu’ils sont corvéables à merci. Ceux là se font condamner, toutes les fois ou on arrive à les confondre, et c’est tant mieux.]
Dont acte. Mais si l’intention est bonne, encore faut-il se donner les moyens de les « condamner ». Si le plafonnement des indemnités tel que prévu par la loi Macron – et que vous semblez défendre – avait été retenu, comment les victimes des « coiffeuses esclavagistes » et des « artisans bas de plafond » auraient pu être efficacement réprimés ?
[4/ les indemnités versées aux salariés ont, elles aussi, augmenté. Désormais, elles se chiffrent régulièrement en années de salaire.]
Mais pourquoi, à votre avis ? Parce que les juges sont plus sévères ? Ou parce que les employeurs sont conscients que le chômage de masse a modifié le rapport de force en leur faveur et sont donc encouragés à prendre de plus en plus de libertés avec la loi quitte à piétiner les droits de leurs salariés ?
[Maintenant, imaginez-vous dans une entreprise, responsable de développer une activité ou un projet. D’un coté vous vous dites, il me faudrait 15 personnes, je vais les recruter, les former. Pour qu’elles soient motivées, difficile, donc, de les prendre en intérim. Mais d’un autre coté, vous vous dites, et si une ou plusieurs des personnes que je vais recruter ne fait pas l’affaire, ne s’intéresse pas au projet, traîne des pieds, ou pire, joue un role de leader négatif et me pourrit le projet.]
D’abord, les personnes que je recrute c’est moi qui les choisis. A moi de mettre en place un processus de recrutement adéquat. Ensuite, les périodes d’essai sont prévues par la loi et les conventions collectives. Dans ma vie professionnelle, j’ai de très nombreuses fois mis fin à un contrat durant la période d’essai, et je n’ai été traîné aux prud’hommes que deux fois. Et j’ai gagné à chaque fois. Mais à chaque fois j’ai strictement respecté la procédure et, last but not least, convoqué les syndicats pour leur expliquer pourquoi je mettais fin au contrat.
[Très difficile à prouver, je ne pourrais jamais m’en débarrasser. Si je le licencie, il me traînera aux prud’hommes. En plus de me bouffer mon énergie, il aura au final une chance sur deux de gagner.]
Ce n’est pas vrai. On peut parfaitement licencier en France une personne en CDI, à condition de lui payer les indemnités prévues par la loi et les conventions collectives. Le problème des patrons, ce n’est pas qu’on ne puisse pas licencier, mais qu’on ne peut licencier gratuitement.
[Donc, vous hésitez, contrairement à votre première intention, vous débutez avec des intérimaires, avec ce statut vous n’intéressez pas les meilleures, votre projet piétine, avance moins bien. Bref, la peur des prud’hommes se présente bien comme une entrave à l’initiative et à la croissance.]
Mais que proposez vous ? Sans la « peur des prud’hommes », que deviennent les employés de la « coiffeuse esclavagiste » et de « l’artisan bas de plafond » dont vous parlez plus haut ?
[La crise nous a emmené tellement loin dans la protection des CDI que plus personne n’embauche en CDI (moins de 2 embauches sur10 se font en CDI, en 2015, contre 100% avant la crise).]
Ce n’est pas tout à fait vrai. Même si seulement 20% des embauches se fait en CDI, un simple calcul vous montre que ce mécanisme aboutit à ce qu’une large majorité des travailleurs arrive en CDI vers la trentaine. Supprimer la protection du CDI laisserait donc une large partie des travailleurs à la merci de leur employeur.
[De nouveaux statuts se développent, portage salariale, auto entrepreneurs qui louent leurs services à des entreprises plus importantes. Le point commun entre ces nouveaux statuts c’est qu’ils s’affranchissent des risques liés aux procès en prud’hommes.]
Ce n’est pas le seul « point commun »… l’autre point commun, est que ces statuts reportent tout le risque inhérent aux rapports de travail sur le salarié. C’est d’ailleurs pourquoi les patrons les adorent.
« Et je vous demande de croire que j’ai très souvent, comme vous dites, « réfléchis à ce sujet ».
En 44 ans, j’ai du être appelé aux prud’hommes 4 fois. Je garde un souvenir précis du temps perdu à préparer les dossiers pour finalement perdre une fois sur deux.
Donc oui, je connais bien les prud’hommes. »
Veuillez m’excuser mais votre vue à ce sujet ne peut prétendre égaler celle d’un conseiller prud’homal dont l’expérience est nécessairement plus complète.
Vous connaissez, à n’en pas douter, vos affaires mais ne pouvez les généraliser à toutes les entreprises et surtout en déduire qu’il faut impérativement alléger le code du travail.
Un syndicaliste expérimenté qui reçoit un salarié pour un conflit du travail, note le nom de l’entreprise (eh, oui, il y en a « des connues pour ça », d’autres, non), demande des détails, pose toutes les questions, demande toutes les précisions, bref cherche à connaître « toute la vérité, rien que la vérité » pour bien maîtriser le dossier. Il complètera par toutes les voies possibles y compris dans la « boîte ».
Voyez que vous n’êtes pas le seul à « perdre du temps à préparer les dossiers », ni d’ailleurs à parfois « perdre ».
« Je sais que sur ce blog, je joue souvent le rôle de l’idiot utile qui adopte le point de vue de la classe moyenne et de la bien pensance boboïsée. »
Je vous mets au défi de trouver pareils propos dans ce qui est écrit.
Par ailleurs, je crois que ce qui caractérise ce blog et le rend attachant, c’est que des points de vues divergents y ont le droit de cité. Vous suivez les débats depuis assez de temps pour ne pas ignorer que j’ai eu quelques débats parfois tendus avec notre hôte qui m’auraient valu d’être blacklisté sur d’autres blogs ou, plus sournois, après une réponse bien montée, me bloquer tout accès à la réplique…
Nous ne pouvons que le remercier de nous offrir ce cadre de débats raisonnés aux seuls risques de nos positions réciproques.
“Vous ne me ferez pas prendre le parti des coiffeuses esclavagistes, ni des artisans bas de plafond qui croient que leurs salariés leur appartiennent et qu’ils sont corvéables à merci.
Ceux là se font condamner, toutes les fois ou on arrive à les confondre, et c’est tant mieux.”
Ce que je vous ai nullement demandé. Mon invitation à assister aux conseils de prud’hommes ne visait qu’à vous faire prendre conscience des nombreux cas de déni de tout droit qui y sont jugés.
Sur vos 4 points : je suis étonné que l’on avance que les indemnités de licenciement se sont envolées de façon puissante ces dernières années cela mériterait d’être réellement démontré. Rappelons que les conseils de prud’hommes sont composés à parité employeurs/salariés, d’autre part, je ne me souviens pas d’un gouvernement si “social” pour favoriser cette hausse. L’article 1235-3 du Code du travail prévoit, par exemple, « une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois pour les entreprises de 11 à 20 salariés ayant entre 2 ans et 10 ans d’ancienneté, c’est trop ? Faut-il le transformer en maximum ?
“Maintenant, imaginez-vous dans une entreprise, responsable de développer une activité ou un projet.”
Je me souviens d’une discussion avec un cadre supérieur de mon entreprise qui se plaignait amèrement du travail d’une jeune cadre sortie des grandes écoles alors qu’il avait participé au jury de recrutement où elle s’était montrée “si brillante”…
“Si je le licencie, il me traînera aux prud’hommes. En plus de me bouffer mon énergie, il aura au final une chance sur deux de gagner.”
Veuillez m’excuser, les prud’hommes ce n’est pas le jeu de “pile ou face”, s’il ne s’agit pas de professionnels du droit, personne n’est dispensé de preuves et d’argumentation dans ce jugement contradictoire et paritaire.
“Bref, la peur des prud’hommes se présente bien comme une entrave à l’initiative et à la croissance.”
Les politiques d’austérité et de déréglementation seraient-elles mineures au regard de la croissance donc de l’emploi ?
Le CDI reste, heureusement la référence majeure écrasante en matière d’emploi et je ne peux que rejoindre Descartes sur le report de risques des nouveaux statuts en y ajoutant qu’ils constituent un élément supplémentaire de destruction de la sécurité sociale :
http://www.lopinion.fr/16-septembre-2014/controles-taux-cotisations-independants-premiers-vises-cour-comptes-16386
@ morel
[“Maintenant, imaginez-vous dans une entreprise, responsable de développer une activité ou un projet.” Je me souviens d’une discussion avec un cadre supérieur de mon entreprise qui se plaignait amèrement du travail d’une jeune cadre sortie des grandes écoles alors qu’il avait participé au jury de recrutement où elle s’était montrée “si brillante”…]
Le problème qui se pose souvent c’est le niveau d’exigence des recruteurs. On recrute un « brillant élément », et ensuite on lui reproche de ne pas « croire » au projet de l’entreprise, de ne pas « se défoncer » en restant tard dans la nuit pour finir un dossier ou en sacrifiant son week-end pour faire une mission à l’étranger…
Les employeurs ne comprennent pas en général que lorsqu’on recrute un employé, on ne peut exiger de lui plus que ce que le contrat spécifie. Tout ce que l’employé fera en plus doit être gagné par la motivation, par un management intelligent, par une ambiance de travail, par plein de petites choses qui encouragent l’employé à faire plus que ce qui est écrit dans son contrat. J’ai dirigé des projets ou les gens restaient travailler jusqu’à onze heures du soir et plus sans que j’aie besoin de leur demander, tellement ils étaient motivés. Mais en tant que chef de projet j’ai toujours été conscient que je n’avais pas le droit d’exiger d’eux plus que ce qu’il y avait dans leur contrat, tout le reste étant volontaire. Et lorsque quelqu’un ne « jouait pas le jeu » et quittait son bureau à 17 heures, comme précisé dans son contrat, il était dans son droit et ne méritait aucun reproche. Et c’était à moi, en tant que chef de projet, de me demander pourquoi cette personne n’était pas « embarquée » par le projet.
[“Si je le licencie, il me traînera aux prud’hommes. En plus de me bouffer mon énergie, il aura au final une chance sur deux de gagner.” Veuillez m’excuser, les prud’hommes ce n’est pas le jeu de “pile ou face”, s’il ne s’agit pas de professionnels du droit, personne n’est dispensé de preuves et d’argumentation dans ce jugement contradictoire et paritaire.]
Tout à fait d’accord. L’employeur qui respecte le Code du Travail n’est jamais condamné. Le problème, c’est que les employeurs tirent sur la corde, en se plaçant aux limites de ce que le Code permet. Et comme ces limites ont toujours une marge d’appréciation, la décision du juge peut tomber d’un côté ou de l’autre. C’est cela qui fait croire à certains que « on a une chance sur deux de gagner ». Non : si on accepte de rester en terrain connu, si on ne cherche pas a jouer avec les limites, la décision est très prévisible.
@ Descartes
« Tout ce que l’employé fera en plus doit être gagné par la motivation, par un management intelligent, par une ambiance de travail, par plein de petites choses qui encouragent l’employé à faire plus que ce qui est écrit dans son contrat. »
D’un côté, je peux comprendre. De l’autre, quitte à paraître celui qui cherche à casser ce qui marche, je pose la question : quelles compensations ?
Ne croyez pas que mon but est d’entraver au nom d’une idéologie mais la question reste entière : travaillons nous pour le bien commun ou pour enrichir quelques-uns ?
Mon « maître » en matière syndicale m’a toujours enseigné à être, avec raison, un « bon ouvrier » mais aussi à ne pas être zélé. Et, je crois, qu’il n’aurait certainement pas à rougir de ma prestation de travail où je crois m’être montré comme tel.
Et puisque je donne dans la filiation, (surtout pas une accusation mais une interrogation) mon vieux père ouvrier disait : « un patron, c’est un patron. Même le meilleur des patrons, c’est toujours un patron » et, d’humeur plaisante : « Je vais m’abonner à « Modes et travaux », il y a un patron à découper tous les mois ».
Mais, peut-être, je fais erreur sur ce que vous voulez signifier ?
@ morel
[« Tout ce que l’employé fera en plus doit être gagné par la motivation, par un management intelligent, par une ambiance de travail, par plein de petites choses qui encouragent l’employé à faire plus que ce qui est écrit dans son contrat. » D’un côté, je peux comprendre. De l’autre, quitte à paraître celui qui cherche à casser ce qui marche, je pose la question : quelles compensations ?]
Celles que le travailleur peut obtenir en fonction du rapport de forces. Ne soyons pas naïfs, l’entreprise est un lieu ou s’affrontent le capital et le travail pour un partage de la valeur créé par ce dernier. Et in fine, le partage est déterminé par le rapport de forces. Cela étant dit, l’affrontement peut être géré de différentes manières : par une guérilla permanente dans laquelle chacun surveille au microscope ses droits et ne cède jamais un pouce sauf sous la menace de la force, ou par un accord négocié dans lequel chacun est convaincu d’avoir obtenu le meilleur « deal » possible. Je pense que la deuxième forme est plus efficiente, parce qu’elle réduit l’effort dépensé dans la gestion de la conflictualité et permet de le consacrer à augmenter la taille du gâteau à distribuer.
[Ne croyez pas que mon but est d’entraver au nom d’une idéologie mais la question reste entière : travaillons nous pour le bien commun ou pour enrichir quelques-uns ?]
Nous travaillons pour nous enrichir tous. La question est de savoir comment on partage la richesse créé et comment on en crée le plus possible en respectant les contraintes – environnementales, sociales, etc. La notion de « bien commun » n’existe pas ici spontanément : on se trouve en présence d’un ensemble d’intérêts individuels. Il y a des entreprises qui ont réussi à constituer une sorte de « nationalité d’entreprise » avec la définition de quelque chose qui ressemble à « l’intérêt général », mais cela nécessite de la part du patron des concessions très importantes, qui se justifiaient dans la logique long-termiste des débuts du capitalisme tayloriste, mais qui n’apparaissent guère aujourd’hui malgré les efforts cosmétiques de certains DRH. Dès lors que l’effectif devient une variable d’ajustement, il est difficile de parler de « intérêt général ». Ce serait un peu comme si une nation pouvait se défaire de certains de ses citoyens pour résoudre ses problèmes économiques…
[Mon « maître » en matière syndicale m’a toujours enseigné à être, avec raison, un « bon ouvrier » mais aussi à ne pas être zélé. Et, je crois, qu’il n’aurait certainement pas à rougir de ma prestation de travail où je crois m’être montré comme tel.]
Cela dépend de ce qu’on appelle « zélé ». Il est clair que le travailleur qui volontairement et sans contrepartie augmente sa productivité au-delà des standards exigés dans son contrat commet une erreur. Mais il faut tenir compte du contexte, et dans une entreprise bien managée le « zèle » est toujours récompensé. En d’autres termes, il existe bien une compensation à cet « extra » en apparence volontaire. C’est un peu la logique du don et du contre-don : en donnant « volontairement », vous vous faites un obligé qui se sent forcé de vous retourner le don sous forme de contre-don. Pour reprendre mon exemple, j’ai été chef d’une équipe de projet ou les gens restaient travailleur jusqu’à pas d’heure en période de « coup de collier », mais si hors de ces périodes ils arrivaient à 11h du matin sans avoir posé des heures de congé, personne n’aurait songé à leur faire une remarque.
[Et puisque je donne dans la filiation, (surtout pas une accusation mais une interrogation) mon vieux père ouvrier disait : « un patron, c’est un patron. Même le meilleur des patrons, c’est toujours un patron » et, d’humeur plaisante : « Je vais m’abonner à « Modes et travaux », il y a un patron à découper tous les mois ». Mais, peut-être, je fais erreur sur ce que vous voulez signifier ?]
Je pense, oui. Mon propos n’était pas de dire qu’il faudrait que les travailleurs donnent plus sans contrepartie au nom d’un « management intelligent ». Non : comme je l’ai dit plus haut, le monde du travail est par essence conflictuel, avec un partage qui est déterminé par le rapport de forces. Maintenant, un rapport de forces peut se gérer de différentes manières. Et historiquement on peut observer que la manière la plus efficiente de le gérer est la manière institutionnelle, ou la confrontation « nue » est remplacée par une confrontation « institutionnalisée ». L’entreprise ou les représentants du capital et du travail se parlent, où chacune a confiance dans le fait que l’autre tiendra sa parole, ou chacun est prêt à prendre en compte les problématiques de l’autre et à faire preuve de flexibilité – par exemple en cédant sur un point que pour l’un présente peu d’intérêt alors que pour l’autre il est important – est en général une entreprise plus efficiente que celle ou chacun se méfie de l’autre, n’est prêt à rien céder sauf sous la contrainte et ne songe qu’à revenir sur les accords conclus.
Le désir de l’ouvrier de voir couler le sang patronal est compréhensible, tout comme le désir patronal de voir les syndicalistes pendus haut et court. Mais la civilisation consiste précisément à mettre des limites à nos désirs…
@ Descartes
« une guérilla permanente dans laquelle chacun surveille au microscope ses droits et ne cède jamais un pouce sauf sous la menace de la force »
Ce n’est pas ma façon de penser et lorsque j’écris « bon ouvrier » cela inclut de remplir sa tâche au mieux (n’avez-vous pas, avec l’expérience au travail, y compris pensé à anticiper d’éventuels problèmes ultérieurs pour les éviter ?).
Cela dit, j’ai une défiance instinctive envers les cotes mal taillées mais je ne cherche pas à régenter les accords implicites, encore moins la « boite ».
Depuis l’avènement du management participatif, j’ai eu trop de « pleureuses » dans mon gilet après avoir marché dans des combines mal définies. Mon discours à ces gens est constant : puisque ça ne vous convient pas, vous avez tout loisir de revenir à la norme.
Comprenez que par les temps qui courrent, je souligne : attention à la norme.
« Et historiquement on peut observer que la manière la plus efficiente de le gérer est la manière institutionnelle, ou la confrontation « nue » est remplacée par une confrontation « institutionnalisée ». L’entreprise ou les représentants du capital et du travail se parlent, où chacune a confiance dans le fait que l’autre tiendra sa parole, »
C’est une sage conduite. Le respect de la parole donnée sauf empêchement majeur me semble une bonne base de rapports humains au-delà même de l’entreprise. Croyez bien que je m’y conforme tant qu’il y a réciprocité.
Au-delà, ni mon père, ni moi-même n’avons préconisé de « faire couler le sang du patron » ; « Modes et travaux » n’est qu’une boutade.
Des patrons, en tant qu’individus, il y en a pour tous les goûts, comme les salariés. Le nœud du problème réside dans le mode de production mais quel système efficace proposer ?
@ morel
[« une guérilla permanente dans laquelle chacun surveille au microscope ses droits et ne cède jamais un pouce sauf sous la menace de la force » Ce n’est pas ma façon de penser (…)]
Je n’ai pas dit le contraire. Je faisais plutôt référence à des situations que j’ai connu personnellement…
[Cela dit, j’ai une défiance instinctive envers les cotes mal taillées mais je ne cherche pas à régenter les accords implicites, encore moins la « boite ». Depuis l’avènement du management participatif, j’ai eu trop de « pleureuses » dans mon gilet après avoir marché dans des combines mal définies. Mon discours à ces gens est constant : puisque ça ne vous convient pas, vous avez tout loisir de revenir à la norme.]
Bien sur. C’est pourquoi je ne suis pas contre la possibilité de déroger individuellement aux normes aussi longtemps que cette dérogation se fait dans des conditions qui garantissent un véritable accord des parties, et que chacune a le droit de revenir à la norme si l’accord ne lui agrée plus.
Toute la difficulté réside dans ce « véritable accord ». Dans une entreprise fortement syndicalisée et des travailleurs protégés par un statut comme EDF, on peut permettre des dérogations plus larges que dans une PME sans syndicats ou le patron est un véritable seigneur féodal. Paradoxalement, plus les garanties statutaires sont fortes, plus le champ de la dérogation et donc de la flexibilité devrait être large…
@Descartes
« Vous n’imaginez pas combien de gens sont rassurés par l’idée qu’on peut être « libéral » et « de gauche »… »
Cela ne doit pas inclure le comité de rédaction de Libération, si j’en juge par cette tribune lamentable(http://www.liberation.fr/debats/2015/09/29/reponse-a-emmanuel-macron-la-liberte-est-une-valeur-de-gauche-pas-le-liberalisme_1393388 ), dont je me suis permis de pointer les multiples erreurs factuelles, pour ne pas dire les mensonges éhontés (cf : http://www.contrepoints.org/2015/10/01/223793-la-gauche-et-le-liberalisme-les-poncifs-de-libe-decryptes ).
@ Johnathan R. Razorback
[« Vous n’imaginez pas combien de gens sont rassurés par l’idée qu’on peut être « libéral » et « de gauche »… »][Cela ne doit pas inclure le comité de rédaction de Libération, si j’en juge par cette tribune lamentable (…)]
Lamentable, en effet. Si je croyais encore que le mot “gauche” a un sens, j’aurais honte. En fait, c’est du manichéisme : le libéralisme, c’est le Mal. Et regroupe donc de façon indifférenciée les bourgeois, les maîtres d’esclaves, la « gent masculine » (sic), les « professionnels de la politique » (re-sic) et les impérialistes européens, bref tout ce que la bienpensance gauchiste abomine. Au contraire, la « gauche » c’est le Bien, et on y retrouve donc « les gens de peu, des citoyens ordinaires, des individus décents, des massacrés, des prisonniers, des travailleurs précaires, des mères dans la pauvreté, des jeunes sans futur, des expulsés, des immigrés, des licenciés et de tous les damnés de la terre ». Tout ce que la bienpensance gauchiste aime.
On notera les contradictions dont regorge cette caractérisation. Prenons par exemple les « immigrés bourgeois », car il y en a. Sont-ils du côté du Mal en tant que bourgeois, ou du côté du Bien en tant qu’immigrés ? Quid des « professionnels de la politique » qui sont en même temps « travailleurs précaires » – et qui pourrait être plus « précaire » qu’un élu socialiste par les temps qui courent…
C’est ça le problème avec ces gauchistes qui ont jeté Marx aux orties. N’ayant pas une vision dialectique, ils jugent les idéologies comme si le temps n’existait pas. Comme si le caractère réactionnaire ou progressiste d’une idéologie était une essence intemporelle, indépendante des conditions historiques. Ecrire « il y ait du bon dans le libéralisme est indéniable » comme si le « bon » ou le « mauvais » pouvait être jugé hors contexte est absurde. Lorsqu’il naît au XVIIème et XVIIIème siècle, le libéralisme est non seulement « bon », il est révolutionnaire dans le meilleur sens du terme. Lorsque le libéralisme est l’arme idéologique pour abattre les privilèges féodaux et cléricaux, il fait œuvre radicale. Lorsqu’il est réinterprété à la fin du XXème siècle pour forger l’arme idéologique contre les conquêtes ouvrières, il devient l’outil de la réaction.
L’histoire des idées n’est pas un supermarché. On ne peut pas choisir tel produit, rejeter tel autre. Chaque théorie politique se construit sur les bases posées par celle qui l’a précédée. Et c’est pourquoi il est ridicule d’accuser Aristote, Saint Augustin, Hobbes, Voltaire ou Locke d’être « réactionnaires » en leur appliquant les critères d’aujourd’hui. Sans Hobbes et Locke, nous n’aurions pas Marx.
@Descartes
Encore une fois ce que vous écrivez résonne très gramscien à mes oreilles, je ne sais pas si c’est à dessein…
« Juger tout le passé philosophique comme un délire et une folie n’est pas seulement une erreur due à une conception antihistorique, – car dans cette conception, se trouve la prétention anachronique d’exiger du passé qu’il pensât comme nous pensons aujourd’hui, – mais c’est à proprement parler un résidu de métaphysique, car on suppose une pensée dogmatique valable en tout temps et dans tous les pays, qui devient la mesure de tout jugement sur le passé. L’antihistoricisme méthodique n’est rien d’autre que de la métaphysique. Que les systèmes philosophiques aient été dépassés, n’exclut pas qu’ils aient été historiquement valables ni qu’ils aient rempli une fonction nécessaire : leur caducité doit être considérée du point de vue du développement historique tout entier et de la dialectique réelle ; quand on dit qu’ils étaient dignes de tomber, on ne prononce pas un jugement d’ordre moral ou répondant à une hygiène de la pensée, formulé d’un point de vue « objectif », mais un jugement dialectique-historique.» (Antonio Gramsci, Carnet de prisons n°11)
Le problème que j’ai avec cet « historicisme absolu » comme dit Gramsci à propos de sa propre théorie, c’est le relativisme que cela introduit (nous en avions déjà parlé à propos de Marx). Dire que les idées d’une époque sont le produit d’un contexte historique (ou, dans une approche marxiste orthodoxe que Gramsci qualifie d’infantile, le simple reflet du mode de production) est une chose, mais ça ne fournit pas du tout ne serait-ce qu’une ébauche de critère pour l’agir (moral et politique) ou pour la connaissance (morale ou scientifique). Le bien ou le vrai n’ont alors plus de caractère transhistorique (ne serait-ce que partiellement) et on peut finir par dire comme Nietzsche que les grecs ne voyaient sûrement pas les mêmes couleurs que nous parce qu’il leur manquait le mot pour « bleu », ou que la condamnation à mort de Socrate n’était pas immorale parce que les mœurs du temps était différentes. Et ce relativisme (qui ne se limite pas au marxisme) déborde aisément de la considération de l’histoire pour envahir les jugements sur l’époque présente. Cela nous donne le relativisme (de gauche mais aussi parfois d’extrême-droite), qui enferme les individus dans des essences culturelles ou s’interdit de juger (« au nom de quoi nous autres occidentaux pourrions-nous condamner telle pratique, puisque c’est leur culture ? ») auquel le nationalisme et le retour des incantations sur les « racines judéo-chrétiennes » de la France sont certainement en partie une réaction (l’engendrement réciproque du permissif et du répressif dont parle Clouscard, si vous voulez).
@ Johnathan R. Razorback
[Encore une fois ce que vous écrivez résonne très gramscien à mes oreilles, je ne sais pas si c’est à dessein…]
Vous savez, j’ai eu une formation marxiste, et je tends donc à penser à l’intérieur de ce cadre. Gramsci étant lui-même marxiste, il n’est pas étonnant qu’on arrive aux mêmes conclusions.
[Le problème que j’ai avec cet « historicisme absolu » comme dit Gramsci à propos de sa propre théorie, c’est le relativisme que cela introduit (nous en avions déjà parlé à propos de Marx). Dire que les idées d’une époque sont le produit d’un contexte historique (ou, dans une approche marxiste orthodoxe que Gramsci qualifie d’infantile, le simple reflet du mode de production) est une chose, mais ça ne fournit pas du tout ne serait-ce qu’une ébauche de critère pour l’agir (moral et politique) ou pour la connaissance (morale ou scientifique).]
Bien entendu. Les motivations pour agir ne peuvent pas venir d’une théorie marxiste. Le marxisme vous dit que les capitalistes extraient la plus-value des prolétaires. Il peut vous dire aussi qu’à certaines étapes du développement humain cette structure a favorisé l’enrichissement de l’humanité, et à d’autres étapes constitue un frein à l’expansion des forces productives. Mais il ne peut pas vous dire si cela est « bon » ou « mauvais », « juste » ou « injuste ». Le marxisme, en tant que théorie de l’histoire ou doctrine philosophique ne peut fournir une morale. La morale est elle-même un produit historique.
Je comprends que l’idée d’une morale « relative » peut inquiéter. Il est tellement plus rassurant de penser qu’il existe une morale naturelle, universelle, valable en tout temps et en tout lieu… mais si cela peut vous consoler, dire que la morale est « relative » n’implique nullement de dire qu’elle est « arbitraire ». En effet, chaque classe dominante produit des règles morales qui permettent de faire fonctionner le mode de production en question… quitte à ce qu’elles entrent en contradiction quelquefois avec ses intérêts immédiats. On pourrait dire que cette morale est l’expression d’un « intérêt général » qui va plus loin que l’intérêt direct de la classe qui la génère. Ainsi, par exemple, la morale protestante est fonctionnelle à une forme de capitalisme, elle ne surgit pas par hasard. Il n’y a donc pas vraiment de « relativisme moral ».
[Le bien ou le vrai n’ont alors plus de caractère transhistorique (ne serait-ce que partiellement)]
Non. Le marxiste pense que la théorie de Ptolemée doit être étudiée dans son rapport avec la société et les valeurs de son époque. Mais il n’affirme pas qu’elle ait été vraie à quelque moment que ce soit. Pour le marxiste, la terre pour autant que nous sachons a toujours tourné autour du soleil, quand bien même les hommes l’ignoraient ou prétendaient l’ignorer. Le « vrai » existe comme catégorie objective – même s’il nous est inaccessible. Le « bien », par contre, n’a pas de caractère transhistorique. Il est défini à chaque étape de l’histoire pour permettre à la société de fonctionner. Il fut une époque ou réduire un débiteur à l’esclavage était considéré comme « bien ». Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Mais cela n’implique pas qu’on se soit approché ou éloigné d’un « bien » universel, anhistorique, transcendent.
[et on peut finir par dire comme Nietzsche que les grecs ne voyaient sûrement pas les mêmes couleurs que nous parce qu’il leur manquait le mot pour « bleu », ou que la condamnation à mort de Socrate n’était pas immorale parce que les mœurs du temps était différentes.]
Tout a fait. A la rigueur, on pourrait dire que la condamnation de Socrate serait immorale aujourd’hui, mais elle ne l’était certainement pas à son époque. Si vous voulez une « morale » universelle – que ce soit dans l’espace ou dans le temps – vous avez besoin d’un dieu. Autrement, comment savoir de toutes les « morales » qui se sont succédées dans l’histoire laquelle est la bonne ?
[Et ce relativisme (qui ne se limite pas au marxisme) déborde aisément de la considération de l’histoire pour envahir les jugements sur l’époque présente. Cela nous donne le relativisme (de gauche mais aussi parfois d’extrême-droite), qui enferme les individus dans des essences culturelles ou s’interdit de juger (« au nom de quoi nous autres occidentaux pourrions-nous condamner telle pratique, puisque c’est leur culture ? ») auquel le nationalisme et le retour des incantations sur les « racines judéo-chrétiennes » de la France sont certainement en partie une réaction (l’engendrement réciproque du permissif et du répressif dont parle Clouscard, si vous voulez).]
Je confesse humblement qu’en la matière je suis un utilitariste. Je condamne ou pas les pratiques non pas parce qu’elles sont « immorales », mais parce qu’elles sont « nuisibles », et du coup je retombe un peu sur mes pieds. Bien entendu, cela suppose un postulat moral, que l’ordre vaut mieux que le chaos. Mais c’est un postulat suffisamment confirmé par l’expérience pour pouvoir être érigé en principe universel…
@Descartes
Je n’ai pas le temps de vous répondre ce soir, mais je garde vos thèses sous le coude pour plus tard.
En revanche je me sens obligé de vous parlez des derniers exploits de M. Mélenchon, qui dans un récent billet ( http://www.jean-luc-melenchon.fr/2015/09/01/juste-avant-la-classe/#article3 ), nous donne un bel exemple du socialisme écologiste qui s’impose peu à peu comme paradigme dominant (M. Hollande et Valls ne dérogeant pas à la règle avec la fameuse conférence de fin d’année pour sauver le monde, auquel s’adjoint volontiers NKM qui a publiquement traité les climato-sceptiques de “connards”: http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/citations/2015/10/05/25002-20151005ARTFIG00375-pour-nkm-les-climato-sceptiques-sont-des-connards.php ).
Toujours est-il que M. Mélenchon lance un appel solennel pour sauver l’entreprise publique Nexcis, spécialisée dans les “panneaux photovoltaïques de nouvelle génération” et promise à une fermeture imminente, son actionnaire principal ayant pris la fuite devant les perspectives de ventes trop faibles et le gouvernement ayant refusé d’injecter du pognon supplémentaire dans ce qui est vraisemblablement un tonneau des danaïdes. Or M. Mélenchon ne peut se résoudre a voir disparaître “une carte maîtresse pour la transition énergétique et l’indépendance de la France en matière de production électrique.”. Et il a un argument frappant: ” Sa liquidation serait aussi un gâchis financier : cette entreprise a bénéficié de près de 75 millions d’euros d’argent public pour son développement”. Comprenons: Il suffit d’augmenter les subventions pour que ça finisse par être utile. On ne peut d’ailleurs pas accepter que la “politique énergétique de la France se mène désormais avec les cordons de la bourse” et que les “impératifs financiers [prennent] le pas sur l’intérêt général”…
Voilà, je me demandais si vous connaissiez cette entreprise, et ce que les prises de positions publiques de M. Mélenchon vous inspirent.
@ Johnathan R. Razorback
[Je n’ai pas le temps de vous répondre ce soir, mais je garde vos thèses sous le coude pour plus tard.]
N’hésitez pas. En général, si vous voulez reprendre une ancienne discussion vous êtes le bienvenu.
[Toujours est-il que M. Mélenchon lance un appel solennel pour sauver l’entreprise publique Nexcis, spécialisée dans les “panneaux photovoltaïques de nouvelle génération” et promise à une fermeture imminente, (…). Voilà, je me demandais si vous connaissiez cette entreprise, et ce que les prises de positions publiques de M. Mélenchon vous inspirent.]
Oui, je la connais. C’est comme souvent les projets de recherche technologique : certains donnent des fruits qu’on peut industrialiser, d’autres pas. Et d’autres, finalement, permettent de développer des brevets ou des connaissances qui pourront être exploitées économiquement un jour futur.
Il est parfaitement normal qu’un projet de recherche échoue. Qu’après quelques années de travail on décide de l’arrêter non pas parce que les gens ont mal travaillé, non pas parce qu’ils ont fait des erreurs, mais tout simplement parce qu’après quelques années de travail on se rend compte que la voie est bouchée, que le projet ne peut aboutir, qu’on n’y arrive pas. Un peu comme dans l’exploration pétrolière : il faut creuser dix puits pour trouver un qui est productif, et dont le produit payera pour les dix autres. L’échec fait partie de la recherche, et ceux qui racontent les histoires des inventeurs qui ont trouvé des trucs géniaux omettent souvent de parler des dix échecs qui ont précédé « la » découverte. Nexcis a développé une technologie intéressante – celle des panneaux solaires extra-minces – mais sans réussir à la rendre suffisamment économique pour intéresser les industriels. EDF et les autres actionnaires ont donc décidé d’arrêter les frais. Peut-être qu’un jour les brevets et les savoir-faire développés à cette occasion serviront à quelque chose, et peut-être pas. On ne peut savoir. En attendant, il faut savoir arrêter un projet. La chose se fait d’ailleurs dans de bonnes conditions sociales, puisque EDF organise le reclassement du personnel. Il ne s’agit donc pas de défendre des prolétaires jetés dans la misère par un employeur voyou.
Mais là où l’article de Mélenchon est le plus intéressant, c’est dans son idée comme quoi la « compétitivité » et la « rentabilité » d’un procédé industriel serait une affaire de capitalistes suceurs de sang, et ne devrait pas être un critère pour le décideur soucieux de l’intérêt public. Son erreur – une erreur partagée par l’ensemble de la gauche, et tout particulièrement par la « gauche radicale » – consiste à ignorer le fait que la « rentabilité » est la mesure de l’utilisation optimale des ressources pour atteindre un but donné. Lorsqu’on dit qu’un procédé industriel est plus « rentable » qu’un autre, on dit en fait que ce procédé permet d’atteindre le même but avec moins de travail, moins de matière première, moins de capital. Bien évidement, on peut opposer à une rentabilité purement comptable une rentabilité sociale, qui prenne en compte les externalités positives ou négatives que le procédé induit sur les autres acteurs et l’ensemble de la société. Mais il reste que le critère de rentabilité est LE critère de choix pour un décideur, que ce soit dans la poursuite de l’intérêt général ou dans celui de l’intérêt privé. Si vous faites le choix de vous chauffer en brulant du charbon plutôt que des diamants, c’est purement pour une question de rentabilité.
Lorsqu’EDF fait un choix qui n’est pas « rentable » plutôt que celui qui l’est, la différence est payée par quelqu’un : le contribuable ou le consommateur d’électricité.
@ Descartes
[“En attendant, il faut savoir arrêter un projet. La chose se fait d’ailleurs dans de bonnes conditions sociales, puisque EDF organise le reclassement du personnel. Il ne s’agit donc pas de défendre des prolétaires jetés dans la misère par un employeur voyou.”]
Ah ! Dans ce cas, je comprends mieux l’intérêt de Mélenchon pour ce dossier. C’est qu’il s’agit ici de salariés protégés, de quasi-fonctionnaires, autrement dit de sa base électorale. Par contre, lorsqu’il s’est agi de protéger les taxis contre l’ultralibéral Uber, cet ennemi de la concurrence libre et non faussée a préféré s’en tenir à une position strictement libérale (aux frais de l’État, bien entendu) :
Jean-Luc Mélenchon @JLMelenchon Je ne suis pas #taxis contre #uber : je suis pour qu’on ne dépouille pas les gens. L’État pourrait racheter les licences. #PublicSenat (30 juin 2015)
@ dsk
[Ah ! Dans ce cas, je comprends mieux l’intérêt de Mélenchon pour ce dossier. C’est qu’il s’agit ici de salariés protégés, de quasi-fonctionnaires, autrement dit de sa base électorale.]
Si vous croyez que les salariés des IEG votent pour Mélenchon, vous faites une très grave et sérieuse erreur… Mélenchon tire ses voix plutôt des « classes moyennes » et d’une partie des travailleurs intellectuels.
[Jean-Luc Mélenchon @JLMelenchon Je ne suis pas #taxis contre #uber : je suis pour qu’on ne dépouille pas les gens. L’État pourrait racheter les licences. #PublicSenat (30 juin 2015)]
Bonne remarque !
Qu’est-ce que la souveraineté ?
«La souveraineté n’a rien à voir avec le souverainisme. La souveraineté européenne, c’est être capable de décider pour nous-mêmes et d’éviter que ce soit le retour au nationalisme, au populisme, aux extrémismes qui nous imposent aujourd’hui d’aller dans un chemin que nous n’avons pas voulu.»
François Hollande, Parlement européen, le 7 octobre 2015.
https://www.youtube.com/watch?v=6fHaQs0RnzI
Dîtes-moi que c’est un cauchemar, Descartes, et que je vais bientôt me réveiller…
@ dsk
[Dîtes-moi que c’est un cauchemar, Descartes, et que je vais bientôt me réveiller…]
J’aimerais bien… mais lorsqu’un cauchemar est partagé, en général, ce n’est pas un cauchemar.
Franchement, la réponse de Hollande montre à quel point la gauche a perdu le goût de la réflexion et la capacité de conceptualiser. Sarkozy était intellectuellement nul, mais au moins il était conscient de sa nullité et prenait un vrai intellectuel pour écrire ses discours. Hollande de toute évidence n’a aucune réflexion sur la question de la souveraineté, et n’en est même pas conscient. La définition qu’il donne de la « souveraineté européenne » est tellement ridicule, tellement inconsistante…
Mais dans cette affaire, il y a aussi autre chose : il y a la dégradation de la fonction présidentielle. Lorsqu’un président s’adresse au Parlement, c’est pour lui faire connaître ses positions, pas pour initier un débat. Parce qu’il détient la plus haute légitimité, il n’est pas obligé à répondre aux interpellations d’un député. Imaginez-vous De Gaulle ou Mitterrand répondant à Marine Le Pen ? Non. Ils auraient tous deux répondu à son interpellation par le silence. Sauf s’ils avaient vraiment quelque chose de fort à dire. Je me demande pourquoi Hollande s’est senti obligé de réagir à l’intervention de Marine Le Pen le traitant de « vice-chancellier » d’Angela Merkel. Peut-être n’avait-il pas la conscience tranquille ?
@Descartes,
[Je me demande pourquoi Hollande s’est senti obligé de réagir à l’intervention de Marine Le Pen le traitant de « vice-chancellier » d’Angela Merkel. Peut-être n’avait-il pas la conscience tranquille ?]
Le premier à avoir qualifier Hollande de “vice-chancelier” (remarquez l’omission de l’adjectif “allemand”…) a été Emmanuel Todd, il y a deux ans, pour admettre qu’il s’est trompé sur le “hollandisme révolutionnaire”…
Sinon, vous avez raison, la scène de mercredi était complètement surréaliste: d’un côté, nous avions la représentante d’un parti qui n’a jamais caché ni ses fondations ni sa nostalgie vichystes, qui défend (du moins, en parole…), la souveraineté française, devant un parlement international qui en est le tombeau; de l’autre côté, en face, nous avions le président Hollande et “La chancelière” (puisque l’omission de l’allemand est à la mode) qui lui faisait face, et qui étaient venus défendre l’impérium allemand (j’en ai marre: je ne mettrais plus de gants quand il s’agit de parler de “l’Europe”!). Car si la diatribe commençait par une adresse à Hollande, M.Le Pen s’en est plutôt pris à Angela Merkel; or, en bon laquais, Hollande a défendu sa maîtresse, et a reçu ses félicitations devant la caméra! J’ai eu un haut-le-coeur, à ce moment-là!
Comment Hollande peut-il s’asseoir à ce point sur la souveraineté de notre pays? Notre constitution stipule qu’il est le garant de nos institutions, à commencer par la souveraineté NATIONALE, et non EUROPEENNE!
Quel symbole, quelle déchéance! Merkel a réussi là où Othon Ier (fondateur du St Empire Germanique Romain en 936), Otto Von Bismarck, et, horresco referens, Adolf Hitler ont échoué: domestiquer et soumettre la France…
Enfin, je désapprouve ce que M.Le Pen a fait à Strasbourg: on lave le linge sale en famille, et nous n’avons pas à nous disputer devant nos “amis” allemands: ni elle, ni François Hollande n’ont eu une attitude digne de notre pays…
@ CVT
[Le premier à avoir qualifier Hollande de “vice-chancelier” (remarquez l’omission de l’adjectif “allemand”…) a été Emmanuel Todd, il y a deux ans, pour admettre qu’il s’est trompé sur le “hollandisme révolutionnaire”…]
Certes, mais Todd n’est pas un homme politique. Et le contexte n’était pas tout à fait le même. Lorsque Merkel et Hollande s’adressent ensemble au Parlement européen, la question de la préséance se pose : Lequel parle en premier ? Lequel en dernier ?
[Comment Hollande peut-il s’asseoir à ce point sur la souveraineté de notre pays? Notre constitution stipule qu’il est le garant de nos institutions, à commencer par la souveraineté NATIONALE, et non EUROPEENNE!]
Surtout que la « souveraineté européenne » est une formule vide de sens. Même les eurolâtres les plus extrêmes ne considèrent pas l’Union européenne comme un ensemble « souverain ». La doctrine constitutionnelle la plus europhile considère que les institutions européennes exercent une souveraineté déléguée par les Etats, et pas une souveraineté qui leur serait propre. Depuis l’échec du TCE, il est clairement admis par tous que l’Union européenne est régie par des traités que seuls les Etats ont le pouvoir de modifier. En d’autres termes, que la souveraineté réside bien dans les Etats, et non dans les institutions européennes.
[Quel symbole, quelle déchéance! Merkel a réussi là où Othon Ier (fondateur du St Empire Germanique Romain en 936), Otto Von Bismarck, et, horresco referens, Adolf Hitler ont échoué: domestiquer et soumettre la France…]
Oui, du moins dans la symbolique. Parce que les réalités restent les réalités, et les faits sont têtus.
@ CVT & Descartes
[Oui, du moins dans la symbolique.]
Regardez cette croquignolesque vidéo à 2 min 04 : https://www.youtube.com/watch?v=7keFqj7L_xU#t=124s
@ CVT
[“Quel symbole, quelle déchéance! Merkel a réussi là où Othon Ier (fondateur du St Empire Germanique Romain en 936), Otto Von Bismarck, et, horresco referens, Adolf Hitler ont échoué: domestiquer et soumettre la France…
Enfin, je désapprouve ce que M.Le Pen a fait à Strasbourg: on lave le linge sale en famille, et nous n’avons pas à nous disputer devant nos “amis” allemands: ni elle, ni François Hollande n’ont eu une attitude digne de notre pays…”]
Devant nos “amis” allemands, peut-être pas. Mais devant ceux qui ont réussi à nous soumettre, ce à quoi Othon 1er, Otto Von Bismarck, et Adolf Hitler eux-mêmes n’étaient pas parvenus ? Si la France était encore un pays souverain, je vous donnerais entièrement raison. Mais il se trouve qu’Hollande n’est pas le président d’un pays souverain, ce dont, d’ailleurs, il se félicite. Dès lors, pour quelle raison faudrait-il éviter de l’humilier devant ses amis allemands ? Auriez-vous estimé qu’il convenait de ménager le Maréchal Pétain ?
@ Descartes
[“La définition qu’il donne de la « souveraineté européenne » est tellement ridicule, tellement inconsistante…”]
Si j’essayais de dégager un sens de sa phrase, je dirais que ce serait peut-être : ” La souveraineté européenne, c’est je fais ce que je veux et je t’emm…”, ce qui ne serait pas tout à fait absurde. Sauf que le “nous”, utilisé trois fois, pose problème. Manifestement, il n’inclut pas les électeurs du FN. Or, les européistes du RPS ne sauraient, à eux seuls, s’arroger la “souveraineté européenne”. Incidemment, ceci justifie, selon moi, le ton irrespectueux de l’attaque de Marine. S’il y a une “souveraineté européenne”, alors cela signifie que le Parlement européen n’est pas un Parlement étranger. Marine y est donc parfaitement légitime à attaquer violemment Hollande, de la même façon que s’il elle se trouvait dans un Parlement national. Très logiquement, elle s’y est adressée à lui en tant que représentante de l’opposition européenne, s’adressant à un chef d’État-membre, voilà tout. D’ailleurs, le contenu de son discours n’était pas du tout “franco-français”.
Ces europhiles sont tout de même impayables. Ils passent leur temps à diaboliser la Nation, et le jour où l’opposition nationale se permet de les attaquer dans leur Temple, ils en appellent au respect dû au chef de cette Nation qu’ils voudraient justement supprimer.
@bip
Ca fait peur. Si on ne savait pas qui est Marine Le Pen, on croirait entendre Marchais…
@ dsk
[Si j’essayais de dégager un sens de sa phrase, je dirais que ce serait peut-être : ” La souveraineté européenne, c’est je fais ce que je veux et je t’emm…”, ce qui ne serait pas tout à fait absurde.]
Ah bon ? Cette vision de la « souveraineté » ressemble un peu trop à la vision adolescente u « je fais ce que je veux et les autres peuvent crever ». Ca peut à la rigueur marcher pour des individus à une étape – particulièrement ingrate par ailleurs – de leur vie, mais elle est peu adaptée aux contraintes d’un Etat. Un Etat ne fait pas « ce qu’il veut », mais ce qui est nécessaire, pour reprendre la formulation de Richelieu.
[Sauf que le “nous”, utilisé trois fois, pose problème. Manifestement, il n’inclut pas les électeurs du FN. Or, les européistes du RPS ne sauraient, à eux seuls, s’arroger la “souveraineté européenne”.]
« Nous » se réfère ici à la communauté des gens qui détiennent la vérité. Les gens comme moi, quoi.
[Incidemment, ceci justifie, selon moi, le ton irrespectueux de l’attaque de Marine. S’il y a une “souveraineté européenne”, alors cela signifie que le Parlement européen n’est pas un Parlement étranger.]
Mais cela suppose aussi que lorsque Hollande s’adresse au Parlement européen, c’est un peu comme si un président de Conseil général s’adressait au Parlement français… et du coup, sa légitimité pour répondre à Marine Le Pen est douteuse, puisque celle-ci détient un mandat « européen », alors que Hollande ne peut se prévaloir que d’un mandat « national »…
[Marine y est donc parfaitement légitime à attaquer violemment Hollande, de la même façon que s’il elle se trouvait dans un Parlement national.]
Beh non. Encore une fois, c’est un peu comme si un député français répondait dans l’hémicycle aux critiques d’un président de Conseil général. Ce serait déchoir…
[Ces europhiles sont tout de même impayables. Ils passent leur temps à diaboliser la Nation, et le jour où l’opposition nationale se permet de les attaquer dans leur Temple, ils en appellent au respect dû au chef de cette Nation qu’ils voudraient justement supprimer.]
Etonnant, n’est ce pas ?
@ Descartes
[“Mais cela suppose aussi que lorsque Hollande s’adresse au Parlement européen, c’est un peu comme si un président de Conseil général s’adressait au Parlement français…”]
Tout à fait. C’est donc lui qui a manqué de respect à Marine 😉
@Descartes
[Je me demande pourquoi Hollande s’est senti obligé de réagir à l’intervention de Marine Le Pen le traitant de « vice-chancellier » d’Angela Merkel.]
Peut-être simplement pour avoir une standing ovation et une bise de Merkel.
Marine Le pen a marqué un point sous l’oeil inquiet de Filippi,filmé pendant l’intervention de MLP,nerveux ,l’oeil aux aguets,soucieux que MLP,ne trébuche pas.Aprés tout,c’est lui Filippot qui avait conçu l’intervention de MLP.
Hollande a commis une lourde faute face à Marine Lepen,en défendant maladroitement Merkel et la bundesbank.
Eh bien,vous savez quoi,les français n’en ont pas entendu parler!
Les médias ont boycottés cette séquence!
Seul internet m’a permis de la visionner puisqu’en quelques heures le sujet a disparu des écrans des chaines d’infos..Allez donc savoir pourquou?
Hollande aurait il été trop nul ?…
La Kommandatur-TV chargé de la popagande veille.
Aprés tout ce sont les allemands du 3ième Reich qui ont mis au point cet instrument de bourrage de crâne appelé TV-fernsehen…
@ luc
[Hollande a commis une lourde faute face à Marine Lepen,en défendant maladroitement Merkel et la bundesbank.]
J’avoue que j’ai du mal à comprendre comment fonctionnent les conseillers de Hollande. A moins que ce dernier refuse de les écouter. Un président de la République n’est jamais obligé de participer à un débat. Détenant la plus haute légitimité, il n’a plus rien à prouver, et il n’a donc pas à entrer dans le petit jeu du « je ne peux laisser dire ça ». S’il parle devant une assemblée, c’est pour exprimer sa position, une position prise en principe après une profonde délibération. Il n’entame pas les débats, il les clôt. En répondant à Marine Le Pen, il se met à son niveau.
[Eh bien, vous savez quoi,les français n’en ont pas entendu parler ! Les médias ont boycottés cette séquence!]
Vous avez du mal regarder. La séquence en question est passée en boucle sur les télés, les radios et les réseaux sociaux.
Dans ma boite aux lettres ce matin,le prmier 4 pages sur papier glacé pour les élections Européennes;C’est le FN!
Surprise,Rien sur la sortie de l’Euro;rien sur la défense du code du travail;
Normal ?C’est une élection régionale…Mais le membre du PCF que je suis reste sceptique.Le Pen père défendait l’ultralibéralisme à la Thatcher,et le bloc Occidental/CEE, face à l’URSS.
Ni Oubli,Ni Haine..Scepticisme simplement doublé du constat que ce 4 pages est bien fait particulièrement pour dézinguer les listes fdg,LR,PS.
Mais les questions de fond,comme celle du code du travail,abordée ici,avec brio par Descartes,ne sont pas évoqué.
Cela confirme ce que je pense de l’extrème droite forgée à la lecture de ‘Mein Kampf'(il sera réédité en 2016 car il tombe dans le domaine public).Enfin,le public pourra éventuellement se faire une opinion par lui même et confirmer peut être mes considérations,à savoir:
L’extrème droite est protestataire dans l’opposition et militaro-autoritariste,une fois au gouvernement.
Ainsi Marine Le Pen a déposé une demande de suspension en suspicion légitime envers les magistrats,dans les affaires de financements occultes de son parti.C’est une vieille tradition de l’extrème droite que de remettre en cause le pouvoir judiciaire.Le Fhaine n’est pas loin,dès que Marine s’éloigne de Filippot…
@ luc
[Dans ma boite aux lettres ce matin,le prmier 4 pages sur papier glacé pour les élections Européennes;C’est le FN!]
Ce qui montre qu’ils ont des militants pour distribuer…
[Mais le membre du PCF que je suis reste sceptique. Le Pen père défendait l’ultralibéralisme à la Thatcher,et le bloc Occidental/CEE, face à l’URSS.]
C’est vrai. Et à l’époque le PCF militait pour la sortie de l’Euro. Bien des choses ont changé depuis…
[Scepticisme simplement doublé du constat que ce 4 pages est bien fait particulièrement pour dézinguer les listes fdg, LR, PS. Mais les questions de fond, comme celle du code du travail, abordée ici,avec brio par Descartes, ne sont pas évoqué.]
Je ne vois pas le FdG, LR ou le PS parler de l’Euro ou du Code du Travail dans leur documentation électorale. Ce sont des élections régionales, et les régions n’ont guère de pouvoir d’action ni sur l’un de ces sujets, ni sur l’autre…
[Cela confirme ce que je pense de l’extrême droite forgée à la lecture de ‘Mein Kampf’ (il sera réédité en 2016 car il tombe dans le domaine public).]
On peut combattre l’extrême droite sans la schématiser. Il ne faut pas dire n’importe quoi au prétexte que la parole est gratuite. L’extrême droite française ne s’est guère « forgée à la lecture de Mein Kampf ». Ses références se trouvent ailleurs : dans le catholicisme intégriste, dans le nationalisme revanchard, dans le maurrassisme, dans le traumatisme de la décolonisation.
[Enfin, le public pourra éventuellement se faire une opinion par lui même et confirmer peut être mes considérations,à savoir: L’extrême droite est protestataire dans l’opposition et militaro-autoritariste, une fois au gouvernement.]
Pour que le public puisse « se faire une opinion par lui-même » sur ce que l’extrême droite est une fois au gouvernement, encore faudrait-il qu’elle y accède. Je vous trouve bien pessimiste, tout à coup…
[Ainsi Marine Le Pen a déposé une demande de suspension en suspicion légitime envers les magistrats,dans les affaires de financements occultes de son parti. C’est une vieille tradition de l’extrême droite que de remettre en cause le pouvoir judiciaire.]
Pas du tout. C’est le patrimoine commun de tous les partis politiques. Souvenez vous les protestations il y a quelques années lorsque trois anciens trésoriers du PCF ont été traînés devant les tribunaux pour des faits semblables…
@Descartes
“En répondant à Marine Le Pen, [Hollande] se met à son niveau.”
Et si c’était là son objectif ? Après tout la progression du FN se fait en bonne partie sur l’électorat de droite. Réduire la base électorale de LR est une nécessité absolue pour Hollande s’il espère être réélu (ce qui est très mal parti selon moi).
Histoire de ne pas poster pour si peu, que pensez-vous de la mise en congé forcée de Philippe Verdier ? (cf: http://tvmag.lefigaro.fr/le-scan-tele/polemiques/2015/10/14/28003-20151014ARTFIG00369-philippe-verdier-choque-d-etre-ecarte-par-france-televisions.php ).
@ Johnathan R. Razorback
[En répondant à Marine Le Pen, [Hollande] se met à son niveau.][Et si c’était là son objectif ? Après tout la progression du FN se fait en bonne partie sur l’électorat de droite. Réduire la base électorale de LR est une nécessité absolue pour Hollande s’il espère être réélu (ce qui est très mal parti selon moi).]
Je ne suis pas sûr d’avoir compris votre raisonnement. Lorsque je dis que Hollande « se met au niveau » de Marine Le Pen en lui répondant, je veux dire qu’il se comporte comme si au lieu d’être président de la République il n’était qu’un député européen. Je doute qu’en faisant cela il aide à réduire la base électorale de LR. Il aide surtout à réduire sa propre base…
[Histoire de ne pas poster pour si peu, que pensez-vous de la mise en congé forcée de Philippe Verdier ? (cf: http://tvmag.lefigaro.fr/le-scan-tele/polemiques/2015/10/14/28003-20151014ARTFIG00369-philippe-verdier-choque-d-etre-ecarte-par-france-televisions.php ).]
Que voulez vous que je vous dise ? Malheur à celui qui s’attaque aux vaches sacrées. La censure officielle, publique et assumée l’époque ou Peyrefitte était ministre de l’information a été remplacée par une censure non moins brutale mais clandestine, secrète, honteuse. Et qui in fine est bien pire. Parce qu’on peut toujours se rebeller contre un pouvoir qui assume ses actes. Mais comment fait-on pour se rebeller contre la conjuration des bienpensants ?
[Mais comment fait-on pour se rebeller contre la conjuration des bienpensants ?] (Réponse à Johnathan R. Razorback du 15/10/2015)
Faut-il en déduire que vous seriez plutôt “climato-sceptique”, et pouvons-nous espérer un jour un billet au sujet du dérèglement climatique ?
@ xc
[Faut-il en déduire que vous seriez plutôt “climato-sceptique”, et pouvons-nous espérer un jour un billet au sujet du dérèglement climatique ?]
J’en doute, je ne suis pas expert du sujet et je ne pourrais pas ajouter grande chose à ce qui est publié par des gens qui s’y connaissent. Mais pour répondre à votre question, cela dépend de ce qu’on appelle « climato-sceptique ». Je ne sais pas si le réchauffement qu’on constate est d’origine naturelle, anthropique ou un mélange des deux. C’est un débat d’experts, et je respecte trop l’expertise pour me mêler d’affaires auxquelles je n’entends rien. Je suis par contre décidément sceptique en ce qui concerne les conclusions politiques qu’on en tire. Lorsque je vois ceux qui d’un côte appellent à réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre d’un autre côté font leur possible pour qu’on abandonne le nucléaire, j’avoue que je me pose des questions. Soit le climat est une priorité, soit il ne l’est pas…
Membre du PCF,je ne cesse de me poser des questions sur l’abandon par le PCF de la défense de l’état social français.Bien sûr ,le PCF défend le code du travail mais est il crédible s’il ne défend pas les structures qui ont permis ce droit du travail,à savoir l’état français Gaullo-communiste ?A l’opposé,en défendant l’identité française,Marine Lepen,défend en apparence,les acquis sociaux ,hors pair,de l’état social français.
Avant,le mouvement communistefrançais faisait de même,mais depuis des années,il ne sait plus le faire.
Pourtant,c’est ce mouvement communiste, aujourd’hui,qui est à l’origine de ces acquis sociaux ,hors pair,de l’état social français.
Comment expliquer une telle balourdise politique ? On peut se poser la question.A mon avis,le tournant vient de l intelligence politique de Mitterrand,qui a réussi à faire passer le PS devant le PC,et à rendre ce dernier “dépendant”des voix PS.A partir de là ,la direction PC,dans sa majorité,a choisi(et continue de le faire)de coller au PS pour tenter de sauver quelques bastions…
Le PC a quelque peu abandonné son rôle d avant garde de la gauche.Le FN,en apparence transformé,avec des dirigeants habiles comme Marine Le Pen utilisant à son avantage, Florian Philippot,a repris le flambeau abandonné.Le FN apparaît maintenant comme LE défenseur des acquis sociaux,et LE pourfendeur de cette hideuse Europe des marchés.
Evidemment,rien n est figé,des voix,au sein même du PC,s élèvent,appelant à rompre avec l’UE(définitivement libérale)et à créer une VRAIE coalition souveraino-communiste.Mais celle ci n en est encore qu à ses balbutiements.Et souffre,à mon avis,de ne pas vouloir élargir sa base antilibérale et anti UE,et de ne pas être claire sur certains sujets brûlants mais encore tabou,comme le radicalisme religieux qui secoue l Islam,et menace la laïcité.En plus, le PCF s’est effondré pour des raisons internationales. Tous les pays où les communistes ont pris le pouvoir ont été des dictatures sanglantes, entrainant la misère pour les peuples. Même si le PCF n’y est pour rien,mais au vu de son Philosoviétisme initial, ça a lourdement contribué à sa chute.
Ensuite le PCF est devenu mondialiste et immigrationiste au moment où une crise de l’emploi massif s’est développée en France.
Ensuite, à partir des années 85, les socialistes qui ont créé SOS racisme, ont généré une fragmentation communautariste de la société française, ce qui a eu comme conséquences une dilution de la lutte des classes en lignes de fractures multiples : sociétales,identitaire, religieuse, ethnique, sociologiques, territoriales, géographiques (les quartiers….), générationnelles (les jeunes …) La France s’est transformée.Les citadelles ouvrières n’existent plus,la classe ouvrière est atomisée,l’anomie règne partout.Ainsi je suis enseignant,je constate que les institutions,du collège au ministère diffusent des idéologies n’importequoïste;théorie de genres,persiflage anti-orthographe et langue française,xénophilie,propagande anti fonction publique,anti-institutions françaises,dénigrement des enseignants etc…
Marine surfe sur tout ça, là où d’autres vivent avec des concepts des années 20/30.
@ luc
[Le PC a quelque peu abandonné son rôle d avant garde de la gauche. Le FN,en apparence transformé, avec des dirigeants habiles comme Marine Le Pen utilisant à son avantage, Florian Philippot, a repris le flambeau abandonné. Le FN apparaît maintenant comme LE défenseur des acquis sociaux, et LE pourfendeur de cette hideuse Europe des marchés.]
Beh oui. Le PCF a cherché à draguer les « classes moyennes », et pour cela il a abandonné les couches populaires. Il a ainsi créé un dangereux vide que le FN s’est empressé de remplir.
[Evidemment, rien n’est figé, des voix au sein même du PC s’élèvent, appelant à rompre avec l’UE (définitivement libérale) et à créer une VRAIE coalition souveraino-communiste. Mais celle ci n’en est encore qu’à ses balbutiements.]
Oui. Le problème est que les voix qui s’élèvent au PCF pour demander un recentrage de la politique du Parti restent prisonnières de la frontière droite/gauche. Or, comme l’a montré la campagne du référendum de 2005, la victoire du camp « souverainiste » ne peut se faire que dans une coalition large entre souverainistes de droite et de gauche. Certains communistes comme Gérin l’ont compris, mais la plupart des « contestataires de gauche » au PCF restent dans une logique d’enfermement.
à chacun sa méthode voilà la mienne
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Ceux qui nous disent non, c’est que des têtes de cons !
Félicitations ! Vous avez gagné une invitation.
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