Mélenchon est un homme de fascinations. Périodiquement, il s’entiche d’un personnage mort ou vivant, qu’il érige en référence et en exemple. Il n’y aurait rien de critiquable là-dedans s’il n’y avait pas une tendance chez le Petit Timonier à réécrire le personnage dans le sens qui l’arrange, quitte à refaire l’histoire et à mépriser les faits. Ainsi, il s’était entiché de Chavez, un « caudillo » dans le plus pur style latino-américain avec la panoplie complète du clientélisme et de la démagogie, transformé par l’art de la rhétorique mélenchonienne en auteur d’une « révolution citoyenne ». Lors de sa campagne destinée à buter le FN hors d’Hénin-Beaumont, il avait adopté la figure d’Emilienne Mopty – qui ne lui avait rien demandé, la pauvre – pour en faire une sorte d’héroïne de la « société civile ». Et peu importe que la véritable Emilienne Mopty ait été un résistante communiste exécutée par les allemands pour sa participation à l’appareil clandestin du PCF. Le Petit Timonier avait décidé qu’elle avait été exécutée « pour avoir organisé une marche de solidarité avec les mineurs en 1941, grève contre l’occupant, pour les rations et la paie », et la pauvre Emilienne n’avait qu’à bien se tenir (1). La « fascination » suivante fut Jerôme Kerviel, trader à la Société générale qui avait voulu gagner un peu trop d’argent un peu trop vite et pour cela avait joué sur les marchés l’argent de la banque bien au-delà des limites permises par les règles internes, en occultant ses manœuvres par la falsification des données comptables. Mais bon, comme les banques sont le Mal, Kerviel ne pouvait qu’être du côté du Bien, et voilà le trader ambitieux devenu par la magie du verbe mélenchonien une sorte de Robin Hood des temps modernes.
Ces jours-ci, pour la première fois, il nous fait un coup double : il se déclare « fasciné » par un personnage vivant, Eric Drouet, l’un des « gilets jaunes » les plus en vue, qu’il associe dans sa « fascination » à un autre personnage, Jean-Baptiste Drouet, qui lui est mort et bien mort. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’histoire de Jean-Baptiste Drouet – le postier qui reconnut le Roi à Varennes et qui fit échouer sa fuite – ne sort pas indemne de ce processus. Voici ce qu’écrit Mélenchon sur son blog le 31 décembre 2018 :
« J’en finis avec mon clin d’œil historique. Le Drouet de Varennes est resté un révolutionnaire républicain jusqu’à son dernier souffle, dans une vie pleine de rebondissements. La religion républicaine, la passion pour le programme que contient sa devise « liberté, égalité, fraternité », disent un message universel. La langue républicaine des Français fracasse les bastilles des puissants. Elle comble les gouffres du temps avec des ponts de mots brulants et d’espérance invaincue. »
Que c’est beau, que c’est magnifique… que c’est faux. Car si le Drouet de Varennes est resté fidèle à ses idées révolutionnaires, il n’est certainement pas resté « républicain ». Comme beaucoup de jacobins, il fut au contraire séduit par l’expérience politique initiée par un autre jacobin, Bonaparte. On le retrouve après le 18 Brumaire sous-préfet de Sainte-Menehould, il sera décoré par Napoléon de la Légion d’Honneur à Valmy en 1807 (c’est à cette opportunité que Napoléon aurait dit à Drouet, mais l’anecdote n’est pas confirmée : « Monsieur Drouet, vous avez changé la face du monde ») et siègera à la Chambre pendant les Cent-jours. A la restauration, tout à fait conscient de la vindicte que lui vouent les aristocrates revenus d’exil il se cache, et malgré les efforts des polices de Louis XVIII puis de Charles X, il ne sera jamais retrouvé. Il meurt le 11 avril 1824 à Macon.
Difficile de voir dans ce parcours une véritable « religion républicaine », lui qui servit l’Empire avec, semble-t-il, une parfaite fidélité et qui ne l’a jamais renié. En fait, loin du lyrisme mélenchonien, Drouet appartient plutôt à ce groupe de révolutionnaires qui, comme Merlin de Douai, ont compris que la République montagnarde ne pouvait être qu’un moment historique, et qu’après avoir fait « table rase » de l’ancien régime, il était urgent de reconstruire un Etat, un corpus juridique, des institutions, une économie. Ce sont ces jacobins qui, loin de toute « religion » – qu’elle fut « républicaine » ou pas – aideront Napoléon à construire les « blocs de granit » qui restent encore aujourd’hui au cœur de nos institutions. Difficile dans ces conditions d’embarquer Jean-Baptiste Drouet dans un combat contre la « monarchie républicaine »…
Ce qu’il a fait au Drouet mort, Mélenchon osera-t-il le faire au Drouet vivant ? A sa place, je me méfierais. On dit que pour celui qui n’a qu’un marteau toutes les solutions ressemblent à des clous, pour le Petit Timonier, qui a la « révolution citoyenne » pour panacée, il s’agit de faire rentrer n’importe quel mouvement social dans l’épure de cette idée fumeuse. Car cela vous avait peut-être échappé, mais la mobilisation des « gilets jaunes » est une « révolution citoyenne ». Mieux encore, elle ouvre « le nouvel âge citoyen des révolutions », nouvel âge qu’il rattache évidemment à la personnalité d’Eric Drouet, et cela dès le titre du papier publié sur son blog, le 4 janvier 2019. Voici ce qu’il écrit : « Eric Drouet est un de ces personnages comme le peuple français en produit à intervalle régulier pour accomplir ces gestes essentiels qui calent le cours de l’Histoire dans un moment tendu. J’approuve son action. Pourtant je ne le connais pas. » De seulement penser ce qu’il aurait pu écrire s’il le connaissait, on tremble. Mais… quel est le « geste essentiel qui cale le cours de l’Histoire » accompli par Drouet ? Pour le moment, l’œuvre d’Eric Drouet consiste à avoir publié un message sur face de bouc pour appeler à la manif du 17 novembre, puis d’avoir publié un autre appelant à marcher sur l’Elysée. On n’a pas l’impression que ni l’un ni l’autre n’ait eu un rôle « essentiel » dans le « calage de l’Histoire ».
Non, la « fascination » de Mélenchon est surtout le symptôme du fait que le mouvement des « gilets jaunes » arrive à épuisement dans sa forme initiale, qui était celle d’un mouvement « expressif ». Le problème avec un mouvement « expressif », est qu’une fois qu’il a exprimé ce qu’il avait à dire il ne peut que tourner en rond. Les « gilets jaunes » ont exprimé leurs difficultés à joindre les deux bouts, leur angoisse devant un quotidien qui se dégrade, des services publics qui se retirent suivant en cela les sources d’emploi. Ils ont dit leur colère de ne pas être entendue par une classe politique qui les a largement passés par pertes et profits. Une fois que tout cela a été dit bien fort, qu’est-ce que le mouvement peut espérer de plus sans abandonner son côté « expressif » ? De dire la même chose encore et encore, de plus en plus fort ? Et on voit mal comment on pourrait faire autre chose sans se donner des structures, des dirigeants, choisir des revendications, bref, sans se transformer en mouvement politique.
Or, cela les « gilets jaunes » ne le veulent pas, et ils ont parfaitement raison. On ne peut que constater qu’il y a en France des dizaines de partis politiques. Depuis les années 1990, aucun d’entre eux ne centre son action sur les problèmes des couches populaires, de cette France périphérique qui manifeste aujourd’hui sa colère, si ce n’est de temps en temps pour de basses raisons électorales. Et cela n’arrive pas que chez nous : c’est un phénomène général en Europe occidentale. L’ensemble des partis naguère « populaires », à gauche comme à droite, ont abandonné ce champ. Le phénomène est donc trop général pour qu’on puisse l’attribuer à la défaillance de tel ou tel parti, de tel ou tel dirigeant. La raison, il faut donc la chercher dans un mécanisme social profond, qui est celui de l’occupation par les « classes intermédiaires » de l’ensemble du champ idéologique. Et si demain un « parti gilet jaune » était créé, on peut parier qu’en quelques semaines, en quelques mois tout au plus il tomberait dans les mêmes travers que les autres partis politiques.
Le mouvement est donc dans une impasse qui le conduit à tourner en rond, avec un risque de plus en plus important à la fois de marginalisation et de radicalisation. C’est pourquoi les partis politiques existants, conscients de l’intérêt de récupérer ne serait-ce qu’une partie des forces vives qui se sont révélées à l’occasion de ce mouvement, commencent les grandes manœuvres. Et l’une des techniques classiques dans ces circonstances, c’est de trouver dans le mouvement qu’on veut récupérer des personnalités qu’on peut faire venir chez soi – en général avec des offres d’emplois et d’honneurs – avec l’espoir qu’ils serviront de point d’attraction pour leurs camarades.
Mélenchon est devenu au cours des années un artiste de cette technique de débauchage. On se souvient, lorsqu’il était encore le leader du PG, à l’opération qui a consisté à faire venir Martine Billard et ses amis d’EELV (elle avait été récompensée par la co-présidence du Parti), puis à celle qui avait permis de récupérer une fraction du NPA autour de Leïla Chaibi (avec un poste de secrétaire nationale et la promesse d’une circonscription législative à la clé). Lors de la création de LFI, il essayera le coup avec les « communistes insoumis » – il ne récupérera que quelques chevaux de retour du genre Francis Parny, il échouera avec Marie-George Buffet – et les « socialistes insoumis » comme Liêm Hoang-Ngoc ou Emmanuel Maurel. Mais au-delà des promesses – plus ou moins tenues – il y a dans cette logique un élément de séduction personnelle. Et Mélenchon est très fort dans ce domaine. Souvenez-vous des mamours faits à Billard, Chaibi ou Marie-George Buffet…
C’est dans ce registre qu’il faut interpréter les déclarations de Mélenchon se disant « fasciné » par Eric Drouet. Quelle meilleure manière de récupérer les « gilets jaunes » que de persuader l’un de leurs porte-parole les plus visibles de rejoindre les « insoumis » – et éventuellement, parce que c’est comme ça que ça se terminera, de prendre une place sur leur liste européenne ? C’est pourquoi on peut s’attendre dans les semaines qui viennent à un flot de discours lyriques sur les vertus du citoyen Drouet – comme celui que j’ai cité plus haut – de la part du Petit Timonier et de ses acolytes, et toutes sortes de mamours à son intention. Ce sera d’ailleurs d’autant plus facile que Drouet est convoqué devant les tribunaux pour ses hauts faits, une situation propice aux déclarations d’amour – politique s’entend – et de solidarité éternels avec l’infortunée victime persécutée. Suffit de ressortir les discours préparés pour Kerviel…
Mélenchon ne sera certainement pas seul sur ce créneau. Dans les semaines qui viennent, la cotation des « gilets jaunes » médiatisés risque de s’envoler sous le coup de la concurrence entre les différents partis. Pour ceux qui ont atteint une médiatisation nationale, une place éligible dans les listes européennes est un minimum chez n’importe quel parti politique – LREM compris. Bien entendu, chers candidats, il faut faire un petit effort d’adaptation : si vous voulez aller chez LR, il faut insister sur le ras-le-bol fiscal, alors que chez Génération.s ou LFI c’est plutôt le « référendum d’initiative citoyenne » qui sont à la mode. Mais qu’est-ce que ces petites concessions en regard d’une place bien au chaud pendant cinq ans au parlement de Bruxelles ?
Descartes
(1) Pour les détails de cette imposture, voir mon papier de l’époque : http://descartes-blog.fr/2012/06/05/la-seconde-mort-demilienne-mopty/
On pense ce qu’on veut de JLM mais ce qu’il incarne -malgré lui ou/et à cause d’une situation qui dépasse de très loin sa personne – ne peut être méprisé….ou alors c’est mépriser 7 millions de personnes…”bien au chaud” ? Comment ne pas voir que nous sommes devant un phénomène de dimension historique et que -comme Descartes -l’original-“ne se piquer de rien” a quelque chose à voir avec l’autosatisfaction du bon bourgeois repu qui regarde les Gilets jaunes à la façon d’un entomologiste. Monsieur serait-ce blesser votre ego que surmonter une bonne fois pour toutes votre incommensurable mépris du peuple qui suinte entre toutes vos lignes. Vous y gagneriez en crédit.
@ FILIPPI-CODACCIONI
[On pense ce qu’on veut de JLM mais ce qu’il incarne -malgré lui ou/et à cause d’une situation qui dépasse de très loin sa personne – ne peut être méprisé…]
D’abord, nous sommes dans un pays libre. On a le droit de « mépriser » qui on veut, y compris lorsque des millions de personnes ont voté pour lui. Ensuite, je ne vois pas très bien à quoi vous faites référence avec votre idée « d’incarnation ». Qu’est ce qu’il « incarne » précisément, Mélenchon ?
Sans vouloir vous offenser, « incarner » est un mot qui est du registre du religieux.
[.ou alors c’est mépriser 7 millions de personnes…”bien au chaud” ?]
Vous voulez dire qu’on ne peut mépriser ce qu’incarne Macron ou Marine Le Pen, ou alors c’est mépriser 20 millions et 10 millions de personnes, respectivement ? Allons, soyons sérieux. On peut parfaitement critiquer ou mépriser un homme politique sans pour autant critiquer ou mépriser les « X millions » qui ont voté pour lui. Le vote populaire peut faire beaucoup de choses, mais il ne transforme pas le méprisable en respectable.
[Comment ne pas voir que nous sommes devant un phénomène de dimension historique et que -comme Descartes -l’original-“ne se piquer de rien” a quelque chose à voir avec l’autosatisfaction du bon bourgeois repu qui regarde les Gilets jaunes à la façon d’un entomologiste.]
Je vous invite à lire ce texte : « Car le mouvement des gilets jaunes exprime dans une forme chimiquement pure ce que « l’ère du peuple » signifie comme époque particulière dans l’histoire de notre société. Il est d’ailleurs frappant de constater l’embarras de nombre de commentateurs devant l’impossibilité de faire entrer le phénomène dans les cases habituelles. Ce mouvement n’est pas celui d’une catégorie sociale ou professionnelle délimitée, ni celui d’une sympathie partisane particulière, ni par des pratiques revendicatives déjà repérées. Et comment comprendre une telle capacité pour ce mouvement à durer ? Jusqu’au point de continuer et d’enjamber les fêtes de fin d’années pleines de traditions vouées à l’entre soi familial. »
N’est-ce là un bon exemple du « bon bourgeois repu qui regarde les Gilets Jaunes à la façon d’un entomologiste ? Ah, au cas où vous voudriez lire le reste du papier – qui contient pas mal de trucs délirants – l’auteur est un certain Jean-Luc Mélenchon, (publié le 4 janvier sur son blog). Et je doute fort que Mélenchon ait passé sur les ronds points une seconde de plus que moi…
[Monsieur serait-ce blesser votre ego que surmonter une bonne fois pour toutes votre incommensurable mépris du peuple qui suinte entre toutes vos lignes. Vous y gagneriez en crédit.]
Je vous remercie de l’intérêt que vous portez à mon « crédit ». A lire chacun de vos commentaires, il semblerait que ma crédibilité vous tiennent très largement à cœur. J’en arrive à me demander pourquoi. Quel intérêt auriez-vous à ce que quelqu’un qui de toute évidence n’est pas d’accord avec vous soit « crédible » ?
Je me dois je pense vous rassurer. Je n’ai aucun mépris pour le « peuple ». Je réserve mon mépris à ceux qui prétendent parler au nom du « peuple » sans la moindre légitimité pour le faire, et qui confisquent sa parole. Et je méprise particulièrement ceux qui se prétendent ses défenseurs alors qu’ils ont passé une bonne partie de leur vie politique à mettre en place le système dont le « peuple » souffre aujourd’hui et qu’ils n’ont jamais fait un retour critique sur leur œuvre passée. Voyez-vous, je n’oublie pas qu’avant le Mélenchon « populaire », il y eut le Mélenchon maastrichien et le Mélenchon mitterrandien.
@Descartes
Vous n’étiez pas en train de regretter il y a à peine un article le manque de contradicteurs sur ce blog ? Vous voilà servi. 😉
Étonnamment, ce sont souvent des mélanchonistes qui viennent ici (reste de votre passage sur le blog d’A.Corbière ?). On voit beaucoup moins de macronistes…
@ Marencau
[Vous n’étiez pas en train de regretter il y a à peine un article le manque de contradicteurs sur ce blog ? Vous voilà servi.]
Oui enfin, je trouve que ca manque un peu d’arguments, comme contradiction…
[Étonnamment, ce sont souvent des mélanchonistes qui viennent ici (reste de votre passage sur le blog d’A.Corbière ?). On voit beaucoup moins de macronistes…]
On ne guérit pas de sa jeunesse. Quelque puisse être mon évolution ces dernières années, mon langage, mes thèmes, mes réflexes restent très influencés par la culture communiste des années 1970 et 80. C’est un langage que beaucoup de mélenchonistes comprennent, alors que pour un macroniste c’est une langue étrangère.
Je pense que certains mélenchonistes s’intéressent à moi pour la même raison que je m’intéresse à eux. Nous parlons la même langue, nous avons bu le même lait, même si nos chemins ont sérieusement divergé et continuent à le faire.
peut être qu’ils ont, comme moi, été interdits sur ce blog par le pseudo D ?
@Marencau et Descartes
((((Étonnamment, ce sont souvent des mélanchonistes qui viennent ici (reste de votre passage sur le blog d’A.Corbière ?). On voit beaucoup moins de macronistes…))))
je fais ce que je peux mais je manque de temps 😉
Et puis, il faut dire ce qui est: si certains dont moi-même ont pû croire que Macron pouvait fair bouger quelques lignes au début de son quinquenat, aujourd’hui, je ne sais pas si on peut encore compter ses partisans convaincu sur plus des doigts d’une main de menuisier amateur.
Mine de rien, en deux ans, le paradigme mondial a totalement changé. Trump, Bolsonaro, Salvini, Brexit parti pour être “hard”, Merkel à l’ouest, l’extrême droite au pouvoir en Andalousie, les Gilets Jaunes… On est à un point de retournement des opinions que beaucoup espéraient, mais qu’en réalité bien peu ont vu venir. Comme si d’un seul coup, le temps imparti aux politiques mondialistes et pro-européennes venait d’expirer, comme si le dernier grain du sablier venait de tomber beaucoup plus vite que prévu.
La situation politique française vient d’entrer dans la même impasse que celle de nos voisins européens, à savoir un équilibre des forces associé à une défiance vis-à-vis des responsables politiques. L’action politique s’en retrouve totalement figée, bloquée entre un conservatisme Européen encore largement majoritaire dans le champ politique, et des rêves de boulversement dénués de toute perspective idéologique. On est en plein DoubleThink Orwellien: je veux que tout change sans que rien ne change.
Que va-t’il se passer ? La loi de l’inertie indiquerait que le mouvement populaire continue sur sa pente ascendante tandis que les tenants des politiques des décennies passées pousuivent leur lente agonie. La situation est passionante à observer, mais totalement imprévisible à court terme.
La situation anglaise a autant de chances de virer vers un “hard-brexit” que vers un nouveau référendum avec maintien dans l’Union. La première des hypothèses aurait le mérite de fournir de précieuses informations sur les conséquences de la sortie de l’UE: sans catastrophe économique majeure, ce sera un encouragement pour d’autres pays à suivre cette voie. En revanche, une grosse et durable pagaille (toujours possible dans un pays extrêment divisé, confronté à un impératif d’union nationale), l’UE se retrouverait engluée dans un statut-quo mortifère, qui n’aurait pour autre résultat que d’augmenter encore la pression dans la cocotte-minute avant explosion.
Les élections européennes seront également un moment important de notre politique intérieure. Si la tension GJ se maintient jusque-là (ce qui semble maintenant probable), si le gouvernement reste aussi “droit dans ses bottes”, et si LREM prend une raclée, il va devenir plus que coton d’éviter de passer par la case “dissolution”, qui, hypothèse la plus probable à ce jour, risque d’aboutir soit à une assemblée hétéroclite sans majorité (à fortiori si introduction de proportionnelle), soit à une alliance type DLF/LR/RN de plus en plus probable après les transfuges des derniers jours. Qui ne devrait rien donner de bon pour l’unité du pays… En revanche si LREM limite la casse, on restera dans cette situation vaseuse encore quelque temps…
Si la situation perdure vaille que vaille jusqu’aux prochaines présidentielles, quitte à ce que la tension continue d’augmenter, on peut espérer (en étant optimistes) que certaines personnalités politiques (lesquels ?) puissent tirer les leçons de ce qui se passe, et aient le temps d’échafauder des politiques pour permettre un nouveau départ de manière construite et ordonnée. Mais ce que je redoute plus que tout, c’est que la patience du peuple ne tolère pas 3 ans de plus, et que le changement se fasse en dehors du cadre institutionnel. Or aujourd’hui, aucun homme politique n’est prêt pour reprendre en main le pays et créer une unité nationale vers un nouveau projet. Dans cette situation urgente, l’urgence est notre pire ennemi. La responsabilité de Macron est énorme. Peu importe ce que ça coute en terme de budget ou d’orgueil, il faut qu’il fasse tenir le pays 3 ans de plus, qu’il fasse des concessions, qu’il annonce qu’il ne se représentera pas, qu’il se contente de couper les rubans, qu’il dissolve en dernier recours si c’est nécessaire, mais il faut aller jusqu’en 2022 pour laisser le temps à d’autres projets de se construire.
@ Pierre
[« On voit beaucoup moins de macronistes… » je fais ce que je peux mais je manque de temps 😉]
Trop occupé pour soutenir le président ? Ce n’est pas beau, ça… surtout en ce moment !
[Et puis, il faut dire ce qui est: si certains dont moi-même ont pu croire que Macron pouvait faire bouger quelques lignes au début de son quinquennat, aujourd’hui, je ne sais pas si on peut encore compter ses partisans convaincu sur plus des doigts d’une main de menuisier amateur.]
Vous trouvez qu’il n’a pas fait « bouger quelques lignes » ? Réforme du Code du travail, suppression du statut du cheminot, suppression de l’ISF… je me demande ce qu’il vous faut. Le problème serait plutôt qu’il les a faites bouger toutes dans le sens des mêmes intérêts.
[La situation politique française vient d’entrer dans la même impasse que celle de nos voisins européens, à savoir un équilibre des forces associé à une défiance vis-à-vis des responsables politiques. L’action politique s’en retrouve totalement figée, bloquée entre un conservatisme Européen encore largement majoritaire dans le champ politique, et des rêves de bouleversement dénués de toute perspective idéologique. On est en plein DoubleThink Orwellien: je veux que tout change sans que rien ne change.]
Je dirais plutôt qu’une large majorité des opinions trouve le système tel qu’il est de moins en moins acceptable, à un moment où aucune alternative globale sérieuse et crédible n’est disponible, tout simplement parce que la fabrique des idées est monopolisée par la minorité qui profite du système.
[La situation est passionnante à observer, mais totalement imprévisible à court terme.]
Tout à fait !
[La situation anglaise a autant de chances de virer vers un “hard-brexit” que vers un nouveau référendum avec maintien dans l’Union.]
Le Brexit est je le pense l’illustration parfaite du dilemme dont j’ai parlé plus haut. Le peuple britannique veut sortir de l’UE, mais pour organiser cette sortie il est obligé de se reposer sur ceux qui fabriquent les idées… c’est-à-dire la couche sociale qui n’a pas intérêt à sortir. Comment espérer que ces « classes intermédiaires » produisent un projet de sortie humain, progressiste, désirable, alors que c’est contraire à leur intérêt. Conséquence : la préparation du Brexit est laissé à des démagogues de toute sorte… quand ce n’est pas à des gens qui n’ont pas d’idées.
[Si la situation perdure vaille que vaille jusqu’aux prochaines présidentielles, quitte à ce que la tension continue d’augmenter, on peut espérer (en étant optimistes) que certaines personnalités politiques (lesquels ?) puissent tirer les leçons de ce qui se passe, et aient le temps d’échafauder des politiques pour permettre un nouveau départ de manière construite et ordonnée.]
On peut l’espérer, mais on retombe toujours dans la même contradiction : qui fabriquera le « récit », le projet que ces personnalités pourraient porter ? Le fait est que personne n’a rien de bien nouveau à proposer. Et je ne parle pas de mesures, mais d’une vision globale de l’avenir.
[La responsabilité de Macron est énorme.]
Je ne sais pas. J’aurais tendance à dire que Macron est plus un symptôme qu’une cause. Le désastre est le résultat de choix faits bien avant qu’il arrive au pouvoir. Je dirais même que c’est parce que le désastre a eu lieu qu’il a pu être élu, un peu par hasard. Ce sont plutôt ceux qui ont fait ces choix alors que d’autres choix étaient possibles qui pour moi portent l’essentiel de la responsabilité : ceux qui ont choisi en 1983 le « tournant de la rigueur » plutôt que de sortir du SME, ceux qui ont signé l’Acte Unique et plus tard le traité de Maastricht, ceux qui ont choisi la logique du « franc fort ». Tous « de gauche », curieusement…
[Peu importe ce que ça coute en terme de budget ou d’orgueil, il faut qu’il fasse tenir le pays 3 ans de plus, qu’il fasse des concessions, qu’il annonce qu’il ne se représentera pas, qu’il se contente de couper les rubans, qu’il dissolve en dernier recours si c’est nécessaire, mais il faut aller jusqu’en 2022 pour laisser le temps à d’autres projets de se construire.]
Oui. Une dissolution ou une élection générale aujourd’hui serait probablement une catastrophe.
@ Descartes
(((Trop occupé pour soutenir le président ? Ce n’est pas beau, ça… surtout en ce moment !)))
Je n’ai jamais été un militant jusqu’auboutiste. La discussion m’a toujours plus intéressé que le résultat. Disons que je faisais partie de ceux qui ont voté Macron car ils étaient convaincus que les autres options étaient pires, et que de fait il aurait été curieux de ma part de ne pas lui faire crédit d’un regard relativement bienveillant au début de son quinquennat. Après, que de maladresse, d’amateurisme, de bras cassés autour de lui… On a le droit de défendre ses idées et son programme quel qu’il soit, mais pas de manière aussi branquignole. C’est une insulte à la fonction (mais bon, avec Hollande on était habitués).
(((vous trouvez qu’il n’a pas fait « bouger quelques lignes » ? )))
Non, pas plus que ça. Ses réformes resteront anecdotiques du point de vue de l’histoire (hormis pour ceux qui sont directement concernés). Le fait qu’elles soient la goutte d’eau qui fait déborder le vase n’en fait pas des réformes majeures, en tout cas pas plus (ni moins) que celles faites et défaites ces 30 dernières années.
(((qui fabriquera le « récit », le projet que ces personnalités pourraient porter ? Le fait est que personne n’a rien de bien nouveau à proposer. Et je ne parle pas de mesures, mais d’une vision globale de l’avenir.))))
Comme nous l’évoquions par ailleurs, je pense que Sarkozy travaille dans l’ombre en attendant qu’on vienne le chercher. N’a-t’il pas dit dans une interview (au Point si ma mémoire est bonne) qu’il n’aurait peut-être pas d’autre choix que de revenir (en politique) ? Il est suffisement jeune pour avoir le temps d’attendre la situation de crise où il se présentera en sauveur. Avec quel programme me direz-vous ? Je n’en sais rien, mais l’individu est expérimenté, intelligent et surtout, n’a pas peur d’innover. Qui sait…
D’un autre coté, un autre personnage politique jeune qui s’est mis en retrait, manifestement dans le but de s’épaissir avant de revenir dans le jeu avec un programme de rupture, c’est Marechal-LePen. Bon, on entend pas mal de quolibets sur ses capacités intellectuelles, mais c’est encore une gamine. Dans quelques années elle pourrait très bien rafler la mise de la droite souverainiste.
A gauche par contre….
((((Oui. Une dissolution ou une élection générale aujourd’hui serait probablement une catastrophe.))))
C’est ce que je voulais dire en parlant de l’énorme responsabilité de Macron: celle de nous emmener jusqu’aux prochaines échéances électorales sans écrouler le chateau de cartes..
@ Pierre
[« Trop occupé pour soutenir le président ? Ce n’est pas beau, ça… surtout en ce moment ! » Je n’ai jamais été un militant jusqu’auboutiste. La discussion m’a toujours plus intéressé que le résultat.]
Mon commentaire était bien entendu ironique, et j’espère ne pas vous avoir offensé.
[Disons que je faisais partie de ceux qui ont voté Macron car ils étaient convaincus que les autres options étaient pires,]
Vous parlez du premier ou du deuxième tour ? Je peux comprendre qu’on puisse considérer qu’au deuxième tour « les autres options étaient pires ». Mais au premier ? La panoplie des options était assez large…
[et que de fait il aurait été curieux de ma part de ne pas lui faire crédit d’un regard relativement bienveillant au début de son quinquennat. Après, que de maladresse, d’amateurisme, de bras cassés autour de lui… On a le droit de défendre ses idées et son programme quel qu’il soit, mais pas de manière aussi branquignole. C’est une insulte à la fonction (mais bon, avec Hollande on était habitués).]
J’avoue que je trouve ce discours fascinant. Après tout, Macron a vendu sa candidature sur un rejet des « professionnels de la politique », et leur remplacement par des amateurs jeunes et venus de la société civile. Et que peut-on attendre des amateurs, sinon de l’amateurisme ? C’est tout de même drôle de faite tout un plat sur le renouvellement, et ensuite exiger des « nouveaux » qu’ils aient la technicité, le sens politique et les réflexes des vieux chevaux blanchis sous le harnois de la politique…
[Non, pas plus que ça. Ses réformes resteront anecdotiques du point de vue de l’histoire (hormis pour ceux qui sont directement concernés). Le fait qu’elles soient la goutte d’eau qui fait déborder le vase n’en fait pas des réformes majeures, en tout cas pas plus (ni moins) que celles faites et défaites ces 30 dernières années.]
C’est discutable. Si on considère que la constitution de la SNCF et du statut unique du cheminot en 1938 est une réforme historique, je ne vois pas pourquoi on devrait considérer sa destruction comme purement anecdotique.
[D’un autre coté, un autre personnage politique jeune qui s’est mis en retrait, manifestement dans le but de s’épaissir avant de revenir dans le jeu avec un programme de rupture, c’est Marechal-LePen. Bon, on entend pas mal de quolibets sur ses capacités intellectuelles, mais c’est encore une gamine. Dans quelques années elle pourrait très bien rafler la mise de la droite souverainiste.]
Pour le coup, je ne le crois pas. Marion Maréchal – elle a renoncé à utiliser le nom de son grand-père – est peut-être une gamine, mais elle a des idées bien affirmées. Et ces idées sont représentatives de ce que l’extrême droite française a de plus réactionnaire, de plus rétrograde. C’est une position qui réjouit les militants « traditionnels » du FN, mais que je ne vois pas « rafler la mise de la droite souverainiste ». Notamment parce que, contrairement à la ligne de Marion Maréchal, la droite souverainiste est jacobine et anti-libérale.
[A gauche par contre….]
La gauche ? C’est quoi, ça ?
Mélenchon n’est pas le premier sur le créneau… Philippot a déjà proposé la création d’une liste commune « Patriotes – Gilets Jaunes » aux Européennes.
http://www.francesoir.fr/actualites-politique/philippot-veut-conduire-une-liste-hybride-mi-patriotes-mi-gilets-jaunes
Pendant ce temps-là, une autre « Gilet jaune » de premier plan semble vouloir créer un parti politique :
https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/jacline-mouraud-ex-figure-des-gilets-jaunes-annonce-la-creation-de-son-parti-politique-baptise-les-emergents_3133343.html
Je me demande si tout cela ne va pas finir en farce.
@ Antoine
[Mélenchon n’est pas le premier sur le créneau… Philippot a déjà proposé la création d’une liste commune « Patriotes – Gilets Jaunes » aux Européennes.]
Bien entendu, ils vont tous s’y mettre. A la date de la déclaration de Philippot, le RN et le PCF avaient déjà annoncé leur intention d’accueillir des « gilets jaunes » sur leurs listes. Mais à côté de Mélenchon, c’est des amateurs. Alors que ce pauvre Philippot parle de constituer une liste commune avec des « gilets jaunes » non identifiés – démarche qui a peu de chances de ramener dans ses filets une pêche de qualité – Mélenchon est en train de faire la danse des sept voiles devant tel ou tel « gilet jaune » médiatique pour essayer de l’attirer chez lui, s’assurant ainsi un écho bien plus important.
[Pendant ce temps-là, une autre « Gilet jaune » de premier plan semble vouloir créer un parti politique :]
Une hirondelle ne fait pas le printemps, et une folle fascinée par les complots et le paranormal ne fait pas un parti politique. Franchement, c’est un épiphénomène…
[Je me demande si tout cela ne va pas finir en farce.]
En farce triste, alors…
Ce n’est qu’un détail, mais Mélenchon, en plus, se trompe de devise républicaine, la fraternité n’y ayant été ajoutée qu’en 1848.
@ xc
[Ce n’est qu’un détail, mais Mélenchon, en plus, se trompe de devise républicaine, la fraternité n’y ayant été ajoutée qu’en 1848.]
Oui et non. Si la formule est utilisée par d’autres avant lui dans des discours, c’est Robespierre qui en fait le premier une devise dans son Discours sur l’organisation des gardes nationales imprimé en décembre 1790. Dans ce texte il propose un décret dont l’un des articles est ainsi rédigé “[les gardes nationales] porteront sur leur poitrine ces mots gravés : LE PEUPLE FRANÇAIS, et au-dessous : LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ. Les mêmes mots seront inscrits sur leurs drapeaux, qui porteront les trois couleurs de la nation“. Drouet en a pu même avoir connaissance.
Mais on ne peut pas dire que la devise proposée par Robespierre soit devenue “la devise républicaine” du vivant de Drouet. “Liberté, égalité, fraternité” ne devient la devise de la République qu’après la révolution de 1848, vingt ans après sa mort. Dans l’intervalle, les républicains ont adopté des devises diverses…
Les gilets jaunes ont rebondi.
La suppression de l’ISF est,rejeté par 70% des gens,selon les sondages.
Une grêve générale semble en cours de préparation…
La victoire semble proche ,elle est déjà à moitié construite sauf si ….Les Lepen sortent de leurs gîtes,non ?
@ luc
[Les gilets jaunes ont rebondi. La suppression de l’ISF est rejeté par 70% des gens, selon les sondages. Une grève générale semble en cours de préparation…]
Une « grève générale » de qui ? S’il y a bien une caractéristique commune au mouvement des « gilets jaunes », c’est bien que la grève n’est JAMAIS citée comme mode de lutte, alors que c’est le mode traditionnel de conflictualité sociale. C’est d’ailleurs intéressant de constater qu’aucun commentateur à ma connaissance n’a mis en évidence cette singularité.
Je ne pense pas que ce soit une coïncidence : le chômage de masse, la précarisation croissante des rapports au travail a déplacé les lieux des rapports de force. Le rapport de force sur le lieu de travail est tellement déséquilibré que la possibilité de gagner des concessions par la grève apparaît aujourd’hui comme illusoire. D’ailleurs, on voit bien que les demandes des « gilets jaunes » s’adressent exclusivement à l’Etat, jamais aux employeurs. Même la question du pouvoir d’achat se pose comme une affaire de l’Etat et non des patrons. Là encore, c’est à mon avis une question de rapport de forces : tout le monde a compris que dans le contexte de libre circulation, on ne peut rien imposer aux patrons sans prendre le risque de les voir partir…
[La victoire semble proche, elle est déjà à moitié construite sauf si ….Les Le Pen sortent de leurs gîtes, non ?]
De quelle « victoire » parlez-vous ?
grève de quoi? de la glandouille? quand on perçoit une retraite ou le RSA, on n’a pas trop de matière pour crier qu’on arrête le travail!
https://francais.rt.com/france/57637-continuez-combat-ex-boxeur-dettinger-explique-geste-facebook-video
Sur le lien précédent,Dettinger , s’explique et ça ressemble à ce que vous décrivez au sujet des ‘gilets jaunes’,un mouvement d’expression/explosion suite à un trop plein d’anomalies gouvernementales,non?
@ Maurice
[Sur le lien précédent, Dettinger s’explique et ça ressemble à ce que vous décrivez au sujet des ‘gilets jaunes’, un mouvement d’expression/explosion suite à un trop plein d’anomalies gouvernementales, non ?]
Je n’aime pas trop cette assimilation de la violence à un mode « d’expression ». Dans ce cas, c’est plutôt le mot « exutoire » qu’il faudrait employer. Mais oui, je crois que les explications de Dettigner illustrent bien un mouvement qui apparaît bien plus comme un exutoire et comme une « expression » que comme un véritable mouvement revendicatif. Le mouvement traduit un malaise profond, et non une revendication précise. Et c’est d’ailleurs pourquoi il est si difficile d’arrêter ou de canaliser à travers d’un processus de négociation. On peut négocier des revendications, mais comme négocie-t-on un malaise ?
@Descartes,
Je ne suis vraiment d’accord avec l’épuisement supposé des manifs des Gilets Jaunes, qui semblent avoir repris en vigueur cette semaine en province. Dans cette affaire, j’ai quand même l’impression qu’on a dépassé depuis longtemps le stade du “coup de gueule”, pour aller vers une combat à mort. Plus le temps passe, plus j’ai l’impression que la figure de Macron est la ciment qui fait tenir le mouvement, et tant qu’il sera à l’Elysée, la haine envers sa personne alimentera le mécontentement. Même cantonné à l’inauguration des chrysanthèmes ne le protégera pas: il sera conspué à chaque sortie…
J’ai 46 ans, vu passer tous les présidents de Giscard à Macron; j’ai beau rechercher dans ma mémoire, je n’avais jamais vu de locataire de l’Elysée à ce point haï: à côté de ça, l’anti-sarkozysme primaire et le “Hollande-bashing” font figure de manifestations de groupies…
C’est pour cela que la récupération, qui d’ordinaire prend assez peu de temps (cf le syndicaliste “jaune” Edouard Louis, lors de la fermeture de Florange, il y a 4 ans…), semble désormais ne pas fonctionner: pour preuve, BFM a tenté sans succès de débaucher la jeune infirmière Gilet Jaune Ingrid Levavasseur:
https://www.telestar.fr/actu-tv/autres-emissions/vous-n-imaginez-pas-le-mal-que-vous-me-faites-ingrid-levavasseur-renonce-a-etre-399965?utm_campaign=partenariat&utm_source=yahoo-articles&utm_medium=flux
Il y a vraiment un truc, cette fois-ci: l’objet du mouvement est la figure de Macron. Ce que je regrette, et je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, c’est qu’ils s’en tiennent à sa personnalité et à celle de sa cour, mais pas tant aux intérêts qu’ils défendent. Mais je viens de voir dans le dernier mensuel de “Ruptures” un article au titre assez évocateur :”Un gilet jaune, ça réfléchit…” : puisse-t-il avoir raison…
@ CVT
[Je ne suis vraiment d’accord avec l’épuisement supposé des manifs des Gilets Jaunes, qui semblent avoir repris en vigueur cette semaine en province.]
Lorsque je parlais « d’épuisement », je pensais à l’élan du mouvement plutôt qu’au nombre. Le nombre des manifestants peut varier, mais le mouvement ne dit plus rien de nouveau depuis deux semaines. Il se contente de répéter la même expression. On n’avance plus.
[Dans cette affaire, j’ai quand même l’impression qu’on a dépassé depuis longtemps le stade du “coup de gueule”, pour aller vers une combat à mort. Plus le temps passe, plus j’ai l’impression que la figure de Macron est le ciment qui fait tenir le mouvement, et tant qu’il sera à l’Elysée, la haine envers sa personne alimentera le mécontentement.]
Il est clair que Macron incarne aujourd’hui tout ce que les « gilets jaunes » rejettent : l’autisme d’une classe politique qui n’écoute plus le pays et pour qui faire de la politique consiste à mettre en œuvre les politiques du « block dominant » et d’expliquer aux autres qu’on n’a pas le choix et qu’il faut se résigner. Je ne sais pas s’il sera finalement forcé de partir, mais s’il reste il sera obligé de changer, et à ce niveau-là c’est très difficile de changer sans disparaître.
[J’ai 46 ans, vu passer tous les présidents de Giscard à Macron; j’ai beau rechercher dans ma mémoire, je n’avais jamais vu de locataire de l’Elysée à ce point haï: à côté de ça, l’anti-sarkozysme primaire et le “Hollande-bashing” font figure de manifestations de groupies…]
Je pense que Sarkozy a été « haï » autant que Macron, mais pas tout à fait par les mêmes. Sarkozy était haï par les bobos qui ne brûlent pas les voitures parce qu’ils les possèdent. Hollande n’a pas été haï, tout juste méprisé.
[C’est pour cela que la récupération, qui d’ordinaire prend assez peu de temps (cf le syndicaliste “jaune” Edouard Louis, lors de la fermeture de Florange, il y a 4 ans…), semble désormais ne pas fonctionner: pour preuve, BFM a tenté sans succès de débaucher la jeune infirmière Gilet Jaune Ingrid Levavasseur:]
Je pense que vous faites référence à Edouard Martin (et non Louis) qui fut le dirigeant des sidérurgistes en lutte à Florange avant de devenir candidat socialiste puis migrer chez Hamon. Le cas Levavasseur est différent : il ne s’agissait pas d’une récupération politique, mais médiatique. Le but n’était pas d’attirer des voix, mais d’attirer des téléspectateurs.
Assez d’accord avec Filippi…Ce qui est écrit sur Chavez est en plus à la limite du racisme. Il fallait aussi mentionner ses ‘mâchoires de primates’ pour arriver au niveau d’Alexandre Adler, ou son ‘antisémitisme’ pour faire du Libé. Vous connaissez un peu l’amérique latine? Vous avez déjà discuté avec des progressistes latino-américains au Vénézuéla et dans les autres pays, ou vous méprisez trop ces gens qui sont capables d élire et de réélire ce “caudillo”?
Je lis souvent vos billets avec intérêt et plaisir, mais à chaque fois que vous écrivez sur Mélenchon, on dirait que la haine vous fait perdre la raison. J’ai des amis écolos-bobos ou trotskistes qui réagissent aussi comme ça. Il y a pourtant assez de critiques rationnelles à faire pour montrer les limites de Mélenchon (ou Chavez, ou n’importe qui…). Par exemple, l’observation rationnelle qu’il suscite des réactions irrationnelles de haine chez beaucoup de gens.
En vous souhaitant une excellente année 2019
@ alexis
[Assez d’accord avec Filippi…Ce qui est écrit sur Chavez est en plus à la limite du racisme.]
« Ce qui est écrit » par qui ? Je ne vois pas en qui ce que MOI j’ai écrit serait « à la limite du racisme ». Voici précisément ce que j’ai écrit sur Chavez dans mon papier, et qui se réduit à un simple morceau de phrase : « un « caudillo » dans le plus pur style latino-américain avec la panoplie complète du clientélisme et de la démagogie ». Ou voyez-vous la moindre référence à la « race » de Chavez ?
Les « caudillos » au plus pur style latino-américain proviennent de toute une variété d’origines. Si Chavez a des origines indiennes et Lula noires, un homme comme Peron, par exemple, est un pur descendant de colons européens. Aucun « racisme » donc lorsqu’on qualifie quelqu’un de « caudillo ». Quant à la « démagogie » et le « clientélisme », vous m’accorderez que ce sont des pratiques qui ne sont réservées à aucune ethnie.
[Il fallait aussi mentionner ses ‘mâchoires de primates’ pour arriver au niveau d’Alexandre Adler, ou son ‘antisémitisme’ pour faire du Libé.]
Je ne comprends pas très bien. En quoi ce que disent Adler ou Libé jette une quelconque lumière à l’heure de commenter mon papier ? Je n’écris pas chez Libé, je ne suis pas un admirateur d’Adler que je sache. Je trouve cette technique d’amalgame qui consiste à dévaloriser le discours de l’autre en l’associant à des expressions ou des reproches qui ne sont pas les siens parfaitement inacceptables.
[Vous connaissez un peu l’amérique latine? Vous avez déjà discuté avec des progressistes latino-américains au Vénézuéla et dans les autres pays, ou vous méprisez trop ces gens qui sont capables d’élire et de réélire ce “caudillo”?]
Je n’ai pas l’habitude de raconter ma vie, mais puisque vous me posez la question : Oui, je connais un peu l’Amérique latine. J’y ai même vécu quelques années et fait une partie de ma scolarité là-bas. Je parle et lis parfaitement le « castillan » (là-bas, on ne dit pas « espagnol ») et je danse le tango. Et je lis régulièrement les livres et les journaux publiés dans la région. Je me déplace très souvent dans la région pour mon boulot, et je discute non seulement avec les « progressistes latino-américains », mais aussi avec les autres. Et vous-même ? Puisque vous me posez la question, j’imagine que vous aussi ?
Et pour répondre à votre question, non, je ne méprise pas plus les Vénézuéliens pour avoir élu Chavez que je ne méprise les Français pour avoir élu Macron. Tout le monde peut se tromper. Si l’on peut qualifier Macron de « président des riches » sans pour autant mépriser les Français, on peut qualifier Chavez de « démagogue » et de « clientéliste » sans pour autant mépriser les Vénézuéliens.
[Je lis souvent vos billets avec intérêt et plaisir, mais à chaque fois que vous écrivez sur Mélenchon, on dirait que la haine vous fait perdre la raison.]
Pourtant, je note que vous ne contestez pas sur le fond aucune de mes critiques. Vous vous contestez de déployer la panoplie classique pour dévaloriser le messager : accusation de « racisme » (sur la base d’une amalgame, en plus), gambit du « mépris », mise en doute de ma santé mentale… sans vouloir vous offenser, c’est presque une démonstration classique de la technique.
Non, je vous rassure, je conserve toute ma raison. Et j’ai sur vous l’avantage non seulement de bien connaître l’Amérique latine, mais aussi de bien connaître Mélenchon.
[J’ai des amis écolos-bobos ou trotskistes qui réagissent aussi comme ça.]
L’amalgame continue…
[Il y a pourtant assez de critiques rationnelles à faire pour montrer les limites de Mélenchon (ou Chavez, ou n’importe qui…). Par exemple, l’observation rationnelle qu’il suscite des réactions irrationnelles de haine chez beaucoup de gens.]
Excusez-moi, mais je ne comprends pas votre raisonnement. Pour vous, le fait qu’il « suscite des réactions irrationnelles de haine chez beaucoup de gens » montrerait « les limites de Mélenchon » ?
Je suis intéressé de connaître votre opinion. Pourquoi à votre avis Mélenchon (ou Chavez) suscitent des « réactions irrationnelles de haine » ?
Oui, c’est bien ce que je voulais dire: la personnalité (théâtrale, sanguine etc… ) de Mélenchon, qui le fait haïr par beaucoup de gens y compris à gauche, est une de ses limites, et pas la moindre. J’ai parlé de proches écolos ou trotsks qu’il insupporte au plus haut point, je connais aussi des journalistes qui ont voté pour lui aux deux dernières présidentielles, et qui sont plus proches de sa ligne politique, mais qui le supportent de moins en moins, à force d’entendre ses critiques à la tronçonneuse des médias, sans aucune nuance. Il s’énerve, parle, et écrit bien trop avant de réfléchir. C’est frappant par rapport à Corbyn par exemple.
Pour le racisme, ce qui me choque, c’est de lire, sans aucune contextualisation, que les latino-américains (en général, pas une ethnie particulière) seraient spécialistes dans la fabrique de caudillos (et les musulmans spécialistes en dictateurs?). Bon, vous me dites que vous connaissez très bien cette région, que vous parlez castillan, muy bien, muy bien. Mais c’est étrange alors, pourquoi vous parlez de “révolution citoyenne” comme un concept de Chavez alors que ça vient de Correa, ex-président de l’Equateur? Où est-ce que Mélenchon a utilisé cette expression pour le Vénézuéla?
D’autre part, c’est quoi, un caudillo pour vous? Excusez-moi mais avez vous des références à partager la dessus? Je lis sur wikipedia (qui cite une source universitaire):
“Généralement le caudillo usurpe le pouvoir par un coup d’État ou à l’issue d’un processus révolutionnaire et instaure un système de gouvernement autoritaire et despotique en s’appuyant sur un clientélisme issu des oligarchies foncières, de l’armée et de l’Église ”
Chavez n’a pas pris le pouvoir par la force (il a certes essayé avant mais sans succès). Il n’avait ni le soutien de la grande bourgeoisie ni de l’Eglise. Est-ce que c’était vraiment un “caudillo dans le plus pur style latino-américain” comme vous l’écrivez?
Et Correa, le type de la “révolution citoyenne”, un universitaire qui n’a jamais fait de coup d’état, est ce que c’est aussi un “caudillo dans le plus pur style latino-américain”?
En Equateur j’y suis allé (comme dans d’autres endroits en Amérique Latine) à la fin du deuxième mandat de Correa, j’y ai discuté avec les gens (en castillan). Il y a des choses à critiquer dans la “révolution citoyenne” mais elle a sorti le pays d’une misère incroyable et amélioré la vie de centaines de millions de pauvres. C’est quand même étrange et dommage que vous ne sachiez pas ces choses là en connaissant bien l’Amérique Latine, ou alors expliquez moi où j’ai tort.
@ alexis
[Oui, c’est bien ce que je voulais dire: la personnalité (théâtrale, sanguine etc… ) de Mélenchon, qui le fait haïr par beaucoup de gens y compris à gauche, est une de ses limites, et pas la moindre.]
Franchement, je trouve que vous exagérez beaucoup la « haine » dont Mélenchon serait l’objet. Il y a des gens qui ne l’aiment pas, des commentateurs qui le considèrent fou ou dangereux. Mais ce n’est pas cela, la haine. A ma connaissance, personne n’a publiquement appelé à lui faire la peau. Il n’a jamais fait l’objet d’une agression physique. Georges Marchais a été haï, Jean-Marie Le Pen a été haï (tous deux ont fait l’objet d’attentats). Sarkozy a été haï. Mais Mélenchon ? Citez-moi un exemple de acte haineux à son encontre qui démontrerait que « beaucoup de gens » le haïssent ?
[Pour le racisme, ce qui me choque, c’est de lire, sans aucune contextualisation, que les latino-américains (en général, pas une ethnie particulière) seraient spécialistes dans la fabrique de caudillos (et les musulmans spécialistes en dictateurs?).]
Cela vous « choque » peut-être, mais cela n’a aucun rapport avec la « race ». Pourquoi alors utiliser le mot « racisme », dont vous n’ignorez pas je pense le poids symbolique ?
Oui, le « caudillisme » est une figure qui fait partie de la tradition politique de l’Amérique latine. Oui, les sociétés latino-américaines sont « spécialistes dans la fabrique des caudillos » comme la France est « spécialiste dans la fabrique de jacobins » ou de « bonapartistes ». Et il n’y a aucun « racisme » à le dire. Après, on peut discuter sur les raisons historiques pour lesquelles les peuples d’Amérique latine favorisent ce type de gouvernement. Mais on ne peut nier l’histoire.
[Bon, vous me dites que vous connaissez très bien cette région, que vous parlez castillan, muy bien, muy bien. Mais c’est étrange alors, pourquoi vous parlez de “révolution citoyenne” comme un concept de Chavez alors que ça vient de Correa, ex-président de l’Equateur? Où est-ce que Mélenchon a utilisé cette expression pour le Vénézuéla?]
Je n’ai jamais dit que le concept fut de Chavez. Voici ce que j’ai dit : « Ainsi, il s’était entiché de Chavez, un « caudillo » dans le plus pur style latino-américain avec la panoplie complète du clientélisme et de la démagogie, transformé par l’art de la rhétorique mélenchonienne en auteur d’une « révolution citoyenne » ». En d’autres termes, ce que j’ai écrit, c’est que Mélenchon a qualifié le processus initié par Chavez de « révolution citoyenne », et non que Chavez ait inventé le concept ou même qu’il s’agisse VRAIMENT d’une telle « révolution ».
[D’autre part, c’est quoi, un caudillo pour vous? Excusez-moi mais avez-vous des références à partager la dessus?]
Pas en français, je regrette. Mais si vous lisez l’espagnol et que le sujet vous intéresse, je peux vous retrouver quelques ouvrages sur la question. Mais j’essaye de vous donner quelques éléments. Le « caudillismo » est un système de gouvernement qui se rapproche d’un système féodal. A tous les étages de la pyramide du pouvoir les individus sont dans un rapport de fidélité PERSONNELLE et quasi-filiale avec le gouvernant qui conduit à des logiques clientélistes. Tout vient de lui, que ce soient les récompenses ou les punitions, les prébendes ou les remontrances. Pour maintenir ce rapport, le « caudillo » est paré de qualités et vertus qui en font un être presque surnaturel : une intelligence supérieure, une sexualité hors-catégorie, une personnalité magnétique, le pouvoir de prédiction.
[Je lis sur wikipedia (qui cite une source universitaire): “Généralement le caudillo usurpe le pouvoir par un coup d’État ou à l’issue d’un processus révolutionnaire et instaure un système de gouvernement autoritaire et despotique en s’appuyant sur un clientélisme issu des oligarchies foncières, de l’armée et de l’Église ” Chavez n’a pas pris le pouvoir par la force (il a certes essayé avant mais sans succès). Il n’avait ni le soutien de la grande bourgeoisie ni de l’Eglise. Est-ce que c’était vraiment un “caudillo dans le plus pur style latino-américain” comme vous l’écrivez?]
Le problème est que votre « source universitaire » ne dit nullement ce que l’article de wikipédia lui fait dire… Personnellement, je trouve cette vision du « caudillo » caricaturale. Ce n’est pas vrai que « généralement » les caudillos « usurpent » le pouvoir. La plupart d’entre eux sont issus d’une oligarchie terrienne ou militaire et arrivent au pouvoir le plus légalement du monde, grâce à leurs liens familiaux ou à leurs clientèles. De ce paragraphe, je ne retiendrais personnellement que le caractère « autoritaire et despotique » et le clientélisme (pas forcément dans les oligarchies). Et de ce point de vue, Chavez est un « caudillo » assez typique. En fait, il ressemble beaucoup à Peron.
[Et Correa, le type de la “révolution citoyenne”, un universitaire qui n’a jamais fait de coup d’état, est ce que c’est aussi un “caudillo dans le plus pur style latino-américain”?]
Non. Je ne me souviens pas d’avoir qualifié Correa de « caudillo ». Encore une fois, vous essayez de me rendre responsable de choses que je n’ai pas dites.
[En Equateur j’y suis allé (comme dans d’autres endroits en Amérique Latine) à la fin du deuxième mandat de Correa, j’y ai discuté avec les gens (en castillan). Il y a des choses à critiquer dans la “révolution citoyenne” mais elle a sorti le pays d’une misère incroyable et amélioré la vie de centaines de millions de pauvres.]
Juste par curiosité, quelles sont ces « choses à critiquer » à votre avis ?
Je doute que Correa ait « amélioré la vie de centaines de millions de pauvres », vu que l’équateur a en tout et pour tout 16 millions d’habitants… mais si vous allez par-là, je n’ai jamais contesté que les « caudillos » puissent améliorer la vie des pauvres. Peron, Chavez, Correa, Lula ont amélioré la vie des pauvres, et c’est d’ailleurs ainsi qu’ils se sont fait des « clientèles ». Le problème, c’est que cette amélioration n’est généralement pas soutenable, parce qu’elle résulte de la distribution d’une rente, et non d’un développement autonome du pays. Chavez et Correa ont pu « améliorer le sort des pauvres » en utilisant les revenus du pétrole pour alimenter la consommation tout en sacrifiant l’investissement et en alimentant des clientèles. Et du coup, dès que la conjoncture s’est retournée, ce fut le désastre. Peron avait d’ailleurs fait un peu la même chose avec les revenus du blé dans l’Argentine de la période 1944-55.
Si les « caudillos » sont si populaires en Amérique latine, ce n’est pas par hasard. Ils apparaissent en réaction à des bourgeoisies et des classes moyennes imbéciles d’une incroyable avidité qui refusent de partager le gâteau. Dans ce contexte, un homme qui prend l’argent dans les caisses de l’Etat et le jette par la fenêtre à la foule massée en bas peut largement compter avec le soutien populaire. Le problème, c’est que ce système ne marche que s’il y a dans les caisses quelque chose à jeter. Et les « caudillos » ne sont pas très bons pour remplir les caisses. C’est pourquoi les gouvernements « caudillistes » commencent généralement bien et terminent généralement mal. La logique « caudilliste » a cela de pervers qu’elle amène à sacrifier le long terme au court terme, l’investissement à la consommation. Lorsque le chavisme quittera le pouvoir, il laissera derrière lui un pays aux infrastructures inexistantes.
[C’est quand même étrange et dommage que vous ne sachiez pas ces choses-là en connaissant bien l’Amérique Latine, ou alors expliquez-moi où j’ai tort.]
Je pense vous l’avoir parfaitement expliqué. Je regrette par ailleurs que vous n’ayez pas répondu à ma question: “Je suis intéressé de connaître votre opinion. Pourquoi à votre avis Mélenchon (ou Chavez) suscitent des « réactions irrationnelles de haine » ?”
J’ajoute une considération: si Mélenchon est si séduit par les “caudillos” latino-américains, c’est parce que sa conception de la politique est “caudilliste”. Son mouvement, LFI, est un bon exemple de ce fonctionnement féodal ou chacun est en rapport personnel avec le Chef considéré comme pourvu de qualités quasi-surnaturelles, ou celui-ci n’a de comptes à rendre à personne, et où tout, punitions ou prébendes, vient de lui. La manière dont Cocq a été traité cette semaine montre bien ce fonctionnement.
Merci pour votre réponse. Pour les centaines de millions, c’est une typo, j’hésitais entre centaine de milliers et millions. Le problème de la référence de wikipedia c’est que seul le résumé est accessible. Voici un autre texte, traduit par l’auteur cité par wikipedia
https://www.cairn.info/revue-geneses-2006-1-page-27.html
“Les caudillos étaient en général de grands propriétaires dotés d’un prestige préalable et d’une influence considérable au niveau local.”
Après évidemment, vous êtes libres de définir vous-meme le terme pour y mettre Chavez. On n’est pas en train de défendre un doctorat, C’est votre blog. Mais les mots ont un sens indépendant de notre volonté, raciste comme caudillo.
Pour les infrastructures en Equateur, je suis désole mais vous ne savez visiblement pas de quoi vous parlez (j’espère que c’est le cas parce que l’alternative est pire). Si vous aviez pris la panaméricaine en Equateur avant Correa et maintenant, vous comprendriez l’investissement en infrastructures. On peut compter les ponts, les tunnels construits, regarder ou s’arrêtaient avant et après les routes dans l’Amazonie. Vous pouvez peut-être regarder ce qu’en dit le journaliste du figaro Patrick Bèle, spécialisé dans l’amérique latine
http://blog.lefigaro.fr/amerique-latine/patrick-bele.html
Je vous ai demandé ou est ce que Mélenchon a utilisé l’expression révolution citoyenne pour décrire le vénézuéla, je prends bien note que vous ne répondez pas, en répétant cette affirmation en plus. A nouveau, c’est votre blog, mais c’est quand même assez fort de café. Mon impression c’est que vous n’osez pas avouer que vous êtes trompés entre Correa (que Mélenchon disait admirer) et Chavez.
Je note aussi que l’argument Venezuelaaaaaaa a été utilisé en long, en large et en travers contre Mélenchon par toute la meute des Apathie and co, qui ne ferait évidemment pas de cadeau à n’importe quel autre candidat capable de menacer un tant soit peu le système, admirateur ou non des ‘caudillos’, c’est dommage de lire la même chose ici, à nouveau sans aucune espèce de contextualisation. J’imagine que vous avez lu Eduardo Galeano?
@ Alexis
[“Les caudillos étaient en général de grands propriétaires dotés d’un prestige préalable et d’une influence considérable au niveau local.”]
Encore une fois, je vous rappelle que « en général » ne veut pas dire la même chose que « toujours ». Oui, la plupart des « caudillos » correspondent à cette caractérisation, mais pas tous. Je vous ai déjà donné plusieurs exemples : Peron me semble le plus intéressant à considérer – parce que c’est peut-être celui dont le parcours ressemble le plus à celui de Chavez. Mais ce n’est pas le seul.
[Après évidemment, vous êtes libres de définir vous-même le terme pour y mettre Chavez. On n’est pas en train de défendre un doctorat, C’est votre blog. Mais les mots ont un sens indépendant de notre volonté, raciste comme caudillo.]
Mais dites… est-ce qu’ils ont un sens indépendamment de VOTRE volonté ? Ou seulement de la mienne ? Parce que pour ce qui concerne le mot « racisme », vous l’aviez utilisé dans un sens qui vous est très personnel lorsque vous avez considéré que faire du « caudillisme » un phénomène typiquement latino-américain était « à la limite du racisme ». Et pour ce qui concerne le « caudillo », j’utilise le sens qu’on donne à ce terme en Argentine et en Uruguay.
[Pour les infrastructures en Equateur, je suis désole mais vous ne savez visiblement pas de quoi vous parlez (j’espère que c’est le cas parce que l’alternative est pire).]
Je me demande comment vous pouvez le savoir, vu que je n’ai pas parlé de l’Equateur. J’ai écrit : « Lorsque le chavisme quittera le pouvoir, il laissera derrière lui un pays aux infrastructures inexistantes. ». J’ignorais que le « chavisme » allait quitter le pouvoir en Equateur…
Encore une fois, vous cherchez à me faire dire des choses que je n’ai pas dites pour ensuite les réfuter. Je vous rappelle que cette discussion portait sur la manière dont Mélenchon s’était entiché de Chavez. Et non de Correa, que je n’ai jamais par ailleurs qualifié de « caudillo ». Je me demande pourquoi vous évitez le sujet du Vénézuela pour à chaque fois essayer de dévier la conversation vers l’Equateur…
[Je vous ai demandé ou est-ce que Mélenchon a utilisé l’expression révolution citoyenne pour décrire le Vénézuéla, je prends bien note que vous ne répondez pas, en répétant cette affirmation en plus.]
Je vous prie de m’excuser, votre question m’avait échappé. Mais je ne vois pas d’inconvénient à y répondre. Je vous revoie par exemple à sa conférence de presse du 6 mars 2013. Rendant hommage à Chavez, il déclare : « Chavez a été la pointe avancée d’un processus large dans l’Amérique latine qui a ouvert un nouveau cycle pour notre siècle, celui de la victoire des révolutions citoyennes. (…) ». ( https://www.humanite.fr/melenchon-chavez-cest-lideal-inepuisable-de-lesperance-humaniste-de-la-revolution). Il a donc bien classé la « révolution bolivarienne » de Chavez parmi les « révolutions citoyennes ».
[A nouveau, c’est votre blog, mais c’est quand même assez fort de café. Mon impression c’est que vous n’osez pas avouer que vous êtes trompés entre Correa (que Mélenchon disait admirer) et Chavez.]
Et bien, j’espère que la référence ci-dessus aura permis de changer votre « impression ». Même si c’est mon blog, je fais un effort pour me documenter, et lorsque je fais une erreur, je l’admets sans problème. J’ose espérer que c’est aussi votre cas ?
[Je note aussi que l’argument Venezuelaaaaaaa a été utilisé en long, en large et en travers contre Mélenchon par toute la meute des Apathie and co,]
Encore une amalgame ? Décidément…
Je me fous éperdument de ce que peut faire « la meute des Apathie and co » à l’heure de décider ce qu’il faut penser de telle ou telle situation. Je ne peux que constater que Mélenchon a éprouvé une fascination extrême pour le régime chaviste, au point d’abolir tout sens critique. Et ce qui est pire, je constate que ses admirateurs tombent dans le même travers. Que pensez-vous par exemple d’un gouvernant qui organise une émission périodique de télévision où il distribue personnellement emplois, argent et prébendes en direct et sur les fonds publics, comme le ferait un seigneur féodal ? Est-ce compatible avec la « révolution citoyenne » ?
[qui ne ferait évidemment pas de cadeau à n’importe quel autre candidat capable de menacer un tant soit peu le système, admirateur ou non des ‘caudillos’, c’est dommage de lire la même chose ici, à nouveau sans aucune espèce de contextualisation.]
Je ne vois pas quelle est la « contextualisation » qui permettrait de rendre admissible une émission comme « allo présidente » ou le pillage dont a été victime PDVSA par la « bourgeoisie bolivarienne ». Pourriez-vous être plus explicite ?
[J’imagine que vous avez lu Eduardo Galeano?]
Bien entendu. Mais je ne peux pas dire que ce soit un de mes livres de chevet. Le problème du livre de Galeano est son manichéisme : d’un côté les bourreaux, de l’autre côté les victimes. Pour le marxiste que je suis, ça manque de dialectique. Le livre est surtout intéressant pour comprendre ce qu’était le bagage idéologique des mouvements de gauche radical des années 1970-80. Personnellement, je trouve plus intéressantes les analyses comme « Vivir con lo nuestro » de Aldo Ferrer, par exemple…
Mais l’élément le plus néfaste de la vision de Galeano est qu’elle rend impossible tout retour critique sur les expériences latino-américaines. Comme on part de l’hypothèse que tout ce qui a échoué doit cet échec au méchant impérialisme, il est impossible de faire une distinction entre les échecs qui sont liés à une véritable intervention des intérêts étrangers et les échecs qui sont liés à un défaut interne du projet mis en oeuvre. C’est pourquoi je trouve que la “contextualisation” à laquelle vous m’appelez est un faux débat: si PDVSA a été confié à des cadres incapables dont le seul mérite était la fidélité personnelle au Grand Leader, si cette entreprise est devenue un nid de corruption, ce n’est pas la faute à l’impérialisme. Si le président se comporte comme un seigneur féodal qui distribue l’argent public comme si c’était le sien pour se tailler une clientèle, ce n’est pas la faute de l’impérialisme. Il ne s’agit pas de nier l’action néfaste des intérêts impériaux. Il s’agit de comprendre que TOUS les problèmes de l’Amérique Latine ne viennent pas du dehors. Si on n’accepte pas ce principe, alors on n’apprendra jamais de l’expérience. C’est là le fléau de la gauche latino-américaine… et je ne trouve pas que ce soit une bonne idée de l’importer en France.
PS: Je me rends compte à la lecture de nos échanges que pour vous le mot “caudillo” implique en quelque sorte une condamnation morale. Ce n’est certainement pas le cas en Amérique Latine, ou certains “caudillos” sont ainsi qualifiés par leurs propres partisans. Ainsi, la publication historique du péronisme ultra s’appelait pendant des années “El Caudillo”, référence à Peron lui même mais aussi à Juan Manuel de Rosas, grand “caudillo” de la province de Buenos Aires au XIXème siècle et figure que le péronisme a toujours revendiqué.
Cher Descartes,
Je vous souhaite une bonne année 2019, et vous remercie pour ce billet amusant et réaliste. En bonne résolution, je vais essayer de commenter plus souvent-enfin, du moins si j’ai quelque chose à écrire.
Sur les devises nationales, j’ai vu récemment, à Vannes, sur un collège, “Dieu, Patrie, Liberté”, sauriez-vous de quand cela date? Je dirais bien de Louis-Philippe, mais n’en n’ai aucune idée (et n’ai rien trouvé de probant sur internet),
Bien cordialement,
Simon
@ Simon
[Je vous souhaite une bonne année 2019, et vous remercie pour ce billet amusant et réaliste. En bonne résolution, je vais essayer de commenter plus souvent-enfin, du moins si j’ai quelque chose à écrire.]
Je suis sûr que vous avez plein de choses à dire ! Faut secouer la paresse, c’est tout…
[Sur les devises nationales, j’ai vu récemment, à Vannes, sur un collège, “Dieu, Patrie, Liberté”, sauriez-vous de quand cela date?]
C’est la devise de la République Dominicaine… 😉
« Dieu, Patrie et Liberté » est la devise de Jules Simon, et le titre de l’un de ses livres publié en 1883. Le collège de Vannes reçoit son nom après la mort de l’écrivain en 1896, et c’est à ce moment-là que la devise est gravée sur le bâtiment, du moins si je crois le site de l’établissement…
Heureux de vous retrouver, en cette nouvelle année 2019.
Après la fin des grandes manifestations, on voit tous les professionnels de la récupération sortir du bois, clamer à hue et à dia leurs appartenances aux gilets jaunes, réclamant pour certains plus de démocratie, pour d’autres le référendum d’initiative citoyenne. Je ne suis pas sûr que ça leurs profite tant leurs agissements sont visibles. J’avoue que ça m’a bien fait rire de voir Mélenchon, qui était resté jusqu’à là bien au chaud dans sa circonscription de Marseille, se décider à rallier soudainement la mobilisation, alors que le gouvernement venait de faire ses premières concessions. Je n’ai pas bien compris sa réaction et sa motivation, mais c’est là que je me suis dit que ça commençait à craindre…
@ Jacques Use
[Après la fin des grandes manifestations, on voit tous les professionnels de la récupération sortir du bois, clamer à hue et à dia leurs appartenances aux gilets jaunes, réclamant pour certains plus de démocratie, pour d’autres le référendum d’initiative citoyenne. Je ne suis pas sûr que ça leurs profite tant leurs agissements sont visibles.]
Il y en a toujours quelques naïfs qui se font avoir… mais effectivement, je doute que cela leur rapporte beaucoup.
[J’avoue que ça m’a bien fait rire de voir Mélenchon, qui était resté jusqu’à là bien au chaud dans sa circonscription de Marseille, se décider à rallier soudainement la mobilisation, alors que le gouvernement venait de faire ses premières concessions. Je n’ai pas bien compris sa réaction et sa motivation, mais c’est là que je me suis dit que ça commençait à craindre…]
On attribue à Voltaire la formule « si vous voyez un banquier se jeter par la fenêtre, sautez derrière lui : vous pouvez être sûr qu’il y a quelque profit à prendre ». Avec Mélenchon, c’est un peu pareil…
vous écrivez :
“S’il y a bien une caractéristique commune au mouvement des « gilets jaunes », c’est bien que la grève n’est JAMAIS citée comme mode de lutte … … tout le monde a compris que dans le contexte de libre circulation, on ne peut rien imposer aux patrons sans prendre le risque de les voir partir ”
oui et non. C’est certainement vrai pour les entreprises de produits manufacturés (de moins en moins nombreuses en France), mais pas pour les entreprises attachées au territoire (ex: SNCF, EdF, hôpital, école, administrations …).
Il s’agit en fait de clivages sociologiques. Le salariés “traditionnels” des métropoles ne se sont pas reconnus dans ce mouvement du petit peuple de province. Au point que le secrétaire gl de la CGT a quasiment condamné le mouvement au départ, et organisé sa “propre” contre manif le 1er décembre (manif dont je ne connais pas le succès, mais qui a du être limité vu son écho médiatique).
Ce mouvement montre donc entre autre la fracture au sein de la population. Les salariés dans les secteurs protégés bénéficient de la mondialisation. Certes pas beaucoup, mais quand même un peu. Il n’y a qu’à voir la vente des “smartphones” (je reste un des rares dans ma famille qui n’en a pas encore … ).
En résumé les salariés dans les métropoles n’ont pas fait grève, car leur situation, tout bien compté, continue encore à s’améliorer, lentement certes, mais encore. Les gros moins sont peu perceptibles. Ils auront de plus petites retraites, de moindre prestations sociales… plus tard dans leur vie ou si ils sont un “accident” physique ou d’emploi.
@ marc malesherbes
[oui et non. C’est certainement vrai pour les entreprises de produits manufacturés (de moins en moins nombreuses en France), mais pas pour les entreprises attachées au territoire (ex: SNCF, EdF, hôpital, école, administrations …).]
Je pense que vous faites erreur. Je n’ai pas parlé du départ des entreprises, mais du départ des « patrons » (pour être précis, j’aurais du écrire « actionnaires »). EDF ou la SNCF ont beau rester chez nous, les capitaux dont ils ont besoin pour se financer ne viendront chez nous que si l’investissement – après impôt – est rentable, et partiront s’investir ailleurs dans le cas contraires.
[Les salariés “traditionnels” des métropoles ne se sont pas reconnus dans ce mouvement du petit peuple de province. Au point que le secrétaire gl de la CGT a quasiment condamné le mouvement au départ, et organisé sa “propre” contre manif le 1er décembre (manif dont je ne connais pas le succès, mais qui a du être limité vu son écho médiatique).]
Je ne sais pas si c’est vraiment le cas. Le secrétaire général de la CGT a surtout voulu se démarquer d’un mouvement marqué par une présence importante de l’extrême droite. Et d’une façon plus générale, on peut difficilement reprocher aux syndicats – et aux travailleurs qui se reconnaissent dans eux – de regarder avec méfiance un mouvement qui les vomit.
[Ce mouvement montre donc entre autre la fracture au sein de la population. Les salariés dans les secteurs protégés bénéficient de la mondialisation. Certes pas beaucoup, mais quand même un peu. Il n’y a qu’à voir la vente des “smartphones” (je reste un des rares dans ma famille qui n’en a pas encore … ).]
Bien entendu. Il existe de multiples fractures au sein du salariat, qui tiennent à la nature de l’activité et à son avenir, à l’environnement géographique, aux niveaux de qualification, à la précarité plus ou moins grande selon les domaines.
[En résumé les salariés dans les métropoles n’ont pas fait grève, car leur situation, tout bien compté, continue encore à s’améliorer, lentement certes, mais encore.]
Votre raisonnement serait logique si les salariés hors métropoles avaient fait grève. Mais ce n’est pas le cas. Dans ce mouvement, la grève est absente, et cela quelque soient les travailleurs concernés. Difficile donc de tirer une telle conclusion.
@marc
> Les salariés dans les secteurs protégés bénéficient de la mondialisation. Certes pas beaucoup, mais quand même un peu. Il n’y a qu’à voir la vente des “smartphones” (je reste un des rares dans ma famille qui n’en a pas encore … ).
Pardon, mais acheter un smartphone est devenu un peu comme acheter une télé. Ce n’est pas parce qu’on met 200 euros dans un smartphone (ou moins d’ailleurs, l’entrée de gamme étant vers 100 euros je crois) qu’on « bénéficie » de la mondialisation. On a juste pris la peine de dépenser de l’argent, même compté, pour un produit jugé indispensable par beaucoup.
Que le besoin d’un tel appareil soit « réel » ou non est une autre question. La plupart des besoins aujourd’hui sont d’origine sociale et culturelle. A-t-on besoin d’une télé ? Pas sûr, d’ailleurs certains s’en passent très bien 😉
> En résumé les salariés dans les métropoles n’ont pas fait grève, car leur situation, tout bien compté, continue encore à s’améliorer, lentement certes, mais encore.
Vu l’augmentation continue des prix de l’immobilier dans les grandes métropoles, c’est à mon avis le contraire, au moins pour les travailleurs modestes. Les gens ne relient pas forcément ce fait aux politiques menées, mais l’accroissement des difficultés pour se loger est indéniable (surtout en IdF…).
@ Antoine
[« Les salariés dans les secteurs protégés bénéficient de la mondialisation ». Pardon, mais acheter un smartphone est devenu un peu comme acheter une télé. Ce n’est pas parce qu’on met 200 euros dans un smartphone (ou moins d’ailleurs, l’entrée de gamme étant vers 100 euros je crois) qu’on « bénéficie » de la mondialisation. On a juste pris la peine de dépenser de l’argent, même compté, pour un produit jugé indispensable par beaucoup.]
La question n’est pas là. La « mondialisation » permet de disposer des biens importés (le smartphone n’est qu’un exemple) à un prix très inférieur à celui qu’il faudrait payer si nous les produisions chez nous. Pour les salariés non-protégés, le bilan est négatif : la mondialisation pousse les prix des objets qu’ils consomment vers le bas, mais elle pousse dans le même sens leurs salaires. Pour les salariés protégés de la concurrence internationale, l’effet est positif.
Le message de Marc Malesherbes mentionnait l’achat d’un smartphone comme signe qu’on est un bénéficiaire de la mondialisation. Je ne pense pas que ce soit le cas : on peut être un salarié précaire et acheter un smartphone (comme on a acheté une télé).
@ Antoine
[Le message de Marc Malesherbes mentionnait l’achat d’un smartphone comme signe qu’on est un bénéficiaire de la mondialisation. Je ne pense pas que ce soit le cas : on peut être un salarié précaire et acheter un smartphone (comme on a acheté une télé).]
Je ne l’ai pas tout à fait interprété comme ça. J’avais plutôt vu l’exemple du smartphone comme destiné à montrer que même des salariés relativement modestes profitent de la « mondialisation » par la possibilité d’acheter à bas prix un produit qui serait certainement plus cher s’il devait être produit chez nous. De ce point de vue, la télé aurait pu être un exemple tout aussi opérant.
J’interviens sans doute un peu hors de propos… mais dans l’esprit général de votre blog. J’en suis un lecteur assez assidu et j’ai, dans le passé, dialogué avec vous sur un sujet qui me tient à cœur : les « classes moyennes ». Je constate depuis quelques temps (sauf erreur tenant à mon assiduité relative !) que vous avez substitué au terme de « classe moyenne » celui de « classe intermédiaire ». Pour moi, ce qualificatif « d’intermédiaire » associé généralement à celui de « couche », est un terme sociologique, qui désigne par exemple les enseignants, instituteurs, etc… Le terme de « classe moyenne » tel que je l’entends (et vous aussi, je pense ?) fait référence au concept marxien de « classe sociale ». En l’utilisant nous faisons de cette « classe moyenne », une troisième classe à côté des traditionnelles « bourgeoisie » et « classe ouvrière » de Marx. Nous ne prétendons pas ainsi réfuter Marx, mais raisonner comme lui au 19ème siècle…pour le 21ème !
Je serai donc curieux de connaître les raisons de votre changement de dénomination pour une entité sociale qui, me semble-t-il, est toujours la même…
@ Alain Brachet
[Je serai donc curieux de connaître les raisons de votre changement de dénomination pour une entité sociale qui, me semble-t-il, est toujours la même…]
Certains commentateurs sur ce blog m’ont reproché d’utiliser l’expression “classes moyennes” pour désigner un objet (une classe sociale particulière au sens marxiste du terme) qui n’est pas celui que cette expression désigne habituellement (un groupe social caractérisée par un mode de consommation, un certain revenu, etc.). Même en mettant l’expression entre guillemets, l’ambiguïté était jugée gênante par certains. J’ai donc décidé de tester une autre expression. J’ai choisi “classes intermédiaires”, qui conserve l’idée que ces classes sont en matière d’exploitation dans une situation intermédiaire entre la bourgeoisie (qui extrait la plusvalue) et le prolétariat (qui la produit).
J’ai compris votre souci. Mais je pense que la confusion qui subsiste entre classe et couche (qu’elles soient moyennes ou intermédiaires) est une difficulté pour bien faire comprendre le concept de “classe”, en général, et surtout quand on veut (c’est mon cas) introduire dans un corps de doctrine plus que centenaire l’idée (c’est toujours mon cas) que l’on comprend mieux le monde présent en faisant intervenir cette notion de 3ème classe (intermédiaire, effectivement, entre bourgeoisie et prolétariat). Le problème est que cette idée de 3ème classe pour le monde actuel… est loin d’être partagée par les “marxistes authentiques”, ou se disant tels… Faisons avec!
@ Alain Brachet
[Le problème est que cette idée de 3ème classe pour le monde actuel… est loin d’être partagée par les “marxistes authentiques”, ou se disant tels… Faisons avec!]
Il faut je pense surtout se demander pourquoi les “marxistes authentiques ou se disant tels” refusent cette idée de 3ème classe. Je pense que l’explication est très simple: les “marxistes authentiques” en question sont eux mêmes membres de cette 3ème classe. Reconnaître son existence, c’est reconnaître que leurs intérêts ne coïncident pas avec ceux de la classe ouvrière, ce qui leur interdit de parler en son nom – ou plutôt, d’en confisquer la parole.
C’est pour cette raison que les “marxistes authentiques ou se prétendant tels” préfèrent de loin les logiques du genre “99% contre 1%” ou “élites contre le peuple”, dans lesquelles curieusement ils se placent toujours eux-mêmes du côté du “99%” ou de celui du “peuple”. Un positionnement qui constitue une falsification, car si on regarde objectivement, un Mélenchon est par son éducation, par sa trajectoire, par son mode de vie bien plus proche du 1% que du 99%, des “élites” que du “peuple”.
Je retrouve dans votre réponse à la fois ce que nous partageons quant à l’idée de 3ème classe et ce qui nous sépare quant à la manière “d’avancer” vers une solution dans un tel contexte: la 3ème classe a désormais un développement tel qu’il n’y a pas de combat commun possible entre elle (ou une fraction d’elle pour commencer) et la classe populaire devenue minoritaire dans un pays comme la France actuelle (classe populaire ou ouvrière au sens marxiste “d’en soi” et “pour soi”). C’est désespérant, car cela signifie que les classes capitalistes et “intermédiaires” (votre terminologie) sont pour longtemps encore alliées sans rémission possible. Il faut donc attendre que ce monde capitaliste soit encore plus féroce qu’il n’est déjà, donc qu’il ait dévalorisé toujours plus ces classes populaires et intermédiaires (cf les gilets jaunes), qu’il ait encore augmenté les souffrances du monde d’en bas, pour qu’en sont sein les conditions soient remplies pour unir tous ces laissés pour compte… On va vers des lendemains de plus en plus atroces… Pour ma part, je cherche une voie de sortie différente, hors d’un attentisme funeste (que semblent avoir admis des partis “révolutionnaires”, comme l’était autrefois le PC).
@ Alain Brachet
[la 3ème classe a désormais un développement tel qu’il n’y a pas de combat commun possible entre elle (ou une fraction d’elle pour commencer) et la classe populaire devenue minoritaire dans un pays comme la France actuelle (classe populaire ou ouvrière au sens marxiste “d’en soi” et “pour soi”). ]
Je ne partage pas du tout cette affirmation. D’abord, je ne crois pas que la classe ouvrière soit « devenue minoritaire ». Mais surtout, ce n’est pas le « développement » de la 3ème classe qui empêche tout combat commun entre elle et la classe ouvrière. C’est le fait que, dans le contexte actuel, leurs intérêts sont antagoniques : on ne peut satisfaire les uns sans rogner les autres. Bien sur, ce contexte peut changer – et on voit quelques signes avant-coureurs d’un changement. Mais pour le moment, faut faire ce qu’on peut avec ce qu’on a.
[C’est désespérant, car cela signifie que les classes capitalistes et “intermédiaires” (votre terminologie) sont pour longtemps encore alliées sans rémission possible. Il faut donc attendre que ce monde capitaliste soit encore plus féroce qu’il n’est déjà, donc qu’il ait dévalorisé toujours plus ces classes populaires et intermédiaires (cf les gilets jaunes), qu’il ait encore augmenté les souffrances du monde d’en bas, pour qu’en sont sein les conditions soient remplies pour unir tous ces laissés pour compte… On va vers des lendemains de plus en plus atroces…]
Je suis désolé si cela vous « désespère », mais le monde est comme ça. Après, si c’est une question de mieux vivre la chose, on peut se raconter des histoires, se convaincre soi-même que l’alliance entre couches populaires et classes intermédiaires est pour demain, et que nous serons tous heureux après. Cela étant dit, je vous conseille de placer le point ou nous serons tous heureux à peu-près à l’époque ou vous pensez devoir quitter cette terre. Cela vous évitera de vivre une amère déception.
[Pour ma part, je cherche une voie de sortie différente, hors d’un attentisme funeste (que semblent avoir admis des partis “révolutionnaires”, comme l’était autrefois le PC).]
Je ne crois pas qu’on puisse parler « d’attentisme ». Le PCF tout comme l’ensemble de la « gauche radicale » se situe au contraire dans une position volontariste : la révolution est possible tout de suite, à condition de la vouloir. Pour toutes ces organisations, la question des conditions objectives d’une révolution semble avoir été totalement gommée, seules importent les conditions subjectives. En fait, la position « attentiste » qui est la mienne (pour résumer, la révolution n’est pas possible aujourd’hui et sans doute pour quelque temps, il faut donc lutter pour améliorer la situation des gens dans le contexte actuel et fourbir les instruments intellectuels qui nous permettront de tirer le meilleur parti des conditions objectives quand elles se présenteront) est ultra-minoritaire dans la « gauche radicale ». C’est plutôt votre ligne qui est aujourd’hui celle de l’immense majorité de ses militants.
Bonjour, cher ami.
J’entendais un “politologue” (étrange, comme dénomination, auto-désignation?) expliquer que Mélenchon était la meilleure garantie pour que le mouvement des gilets jaunes ne débouche pas sur une alliance à l’italienne entre les mouvements populistes issus des extrêmes. Grande crainte des partis en place.
Je me demande en effet si ce n’est pas une issue possible du mouvement, à moyen terme. Je ne peux en effet imaginer que ce mouvement soit sans suite:
– Je ne crois pas que le “Grand débat national” puisse être autre chose que de l’enfumage. D’autant qu’il n’est pas annoncé de processus de décision qui s’en ensuivrait.
– Je suis d’accord avec toi: c’est un mouvement expressif. Cependant, c’est l’expression d’un malaise dans notre société qui va bien au-delà des revendications monnayables. Le dernier roman de Houellebecq exprime bien ce malaise, ce trouble dans l’organisation même de notre société qui mène à l’absence de repères. Comment vivre ensemble en France avec de telles fractures menant à l’isolement ? Ce malaise ne disparaitra pas sans une remise en cause profonde des déviations qu’ont subi nos institutions depuis des dizaines d’années.
– Qui dans les classes dominantes veut redonner sens à la cinquième République, qui y a intérêt ? Qui veut vraiment rétablir les conditions du compromis républicain ? (je me méfie du terme de consensus)
Je constate de ce fait que fondamentalement, le climat est insurrectionnel, non pas du fait seulement des violences, mais surtout par la fracture entre l’oligarchie dominante (en opposition à l’aristocratie du mérite) et le peuple.
Pour ma part, je suis avant tout inquiet. Je sais bien que la révolution n’est pas un dîner de gala, mais la révolution ne me semble pas à l’ordre du jour.
@ Paul I
[J’entendais un “politologue” (étrange, comme dénomination, auto-désignation?) expliquer que Mélenchon était la meilleure garantie pour que le mouvement des gilets jaunes ne débouche pas sur une alliance à l’italienne entre les mouvements populistes issus des extrêmes. Grande crainte des partis en place.]
On imagine mal en France une « alliance » entre un parti de droite et un parti de gauche. Chez nous, la tradition politique empêche ce type d’alliance. Ce n’est pas le cas en Italie, ou socialistes et démocrate-chrétiens ont gouverné ensemble sans que cela défrise quiconque…
[– Je ne crois pas que le “Grand débat national” puisse être autre chose que de l’enfumage. D’autant qu’il n’est pas annoncé de processus de décision qui s’en ensuivrait.]
Il est tellement clair que chez les macronistes on n’entend rien changer, qu’on voit mal en effet comment le « grand débat national » pourrait inspirer confiance.
[– Qui dans les classes dominantes veut redonner sens à la cinquième République, qui y a intérêt ? Qui veut vraiment rétablir les conditions du compromis républicain ? (je me méfie du terme de consensus)]
C’est pour moi le vrai problème : ceux qui ont intérêt à « redonner du sens à la République » n’ont pas accès aux instruments intellectuels qui permettent de fabriquer des idées, et ceux qui contrôlent les idées n’ont aucun intérêt à changer les choses…
@Paul
> J’entendais un “politologue” (étrange, comme dénomination, auto-désignation?) expliquer que Mélenchon était la meilleure garantie pour que le mouvement des gilets jaunes ne débouche pas sur une alliance à l’italienne entre les mouvements populistes issus des extrêmes.
Mais… Quels mouvements populistes issus des extrêmes ? Il n’y en a qu’un seul à ma connaissance : le RN. Mélenchon et ses amis ne sont pas issus des extrêmes : ils sont issus du PS.
De plus, la ligne populiste à la FI a du plomb dans l’aile : après Kuzmanovic, c’est François Cocq qui vient de se faire virer assez salement. La stratégie à venir semble plutôt l’union de la gauche (qui me semble mal barrée d’ailleurs : Mélenchon surestime-t-il son pouvoir de séduction sur des gens dont le principal argument politique est de n’être pas Mélenchon ?).
@ Antoine
[Mais… Quels mouvements populistes issus des extrêmes ? Il n’y en a qu’un seul à ma connaissance : le RN. Mélenchon et ses amis ne sont pas issus des extrêmes : ils sont issus du PS.]
Je trouve votre commentaire particulièrement aigu. Je me demande toujours en effet comment un personnage comme Mélenchon, après ses trois décennies comme fidèle grognard du PS, ses mandats de sénateur sous Mitterrad et de ministre sous Jospin, est considéré aujourd’hui comme une espèce de nouveau Che Guevara. Et cette imposture à gauche n’est pas une première : souvenez vous des envolées anticapitalistes de Mitterrand (« ceux qui ne veulent pas la rupture avec le capitalisme n’ont pas leur place au Partis socialiste ») dans les années 1970, qui lui ont permis de passer pour un « radical » malgré sa Francisque, ses amitiés à l’OAS et autres joyeusetés du même genre.
Mélenchon est un pur produit de l’éducation mitterrandienne : un « radical » dans l’opposition, qui devient un modéré une fois au pouvoir. Un pourfendeur de la « monarchie présidentielle » qui n’aurait aucun scrupule à porter la couronne si l’occasion se présentait. Mélenchon, ce n’est pas les extrêmes, c’est le discours extrême.
[De plus, la ligne populiste à la FI a du plomb dans l’aile : après Kuzmanovic, c’est François Cocq qui vient de se faire virer assez salement.]
La manière dont Cocq a été dégagé – un simple tweeter du Gourou – illustre d’ailleurs le fonctionnement sectaire de l’organisation, que je dénonce ici depuis le début. A LFI, il n’y a d’autre ligne que la ligne décidée par Mélenchon. Et il est clair que Mélenchon penche du côté où elle va tomber, c’est-à-dire, de la logique écolo-bobo des « classes intermédiaires » (ou du moins, du secteur « libertaire » de celles-ci), bien représentée à LFI par les gens comme Autain ou Obono. Ceux qui croyaient que Mélenchon voulait casser la prééminence du PS pour implanter un parti qui reprendrait le rôle de représentant des couches populaires se sont fourrés le doigt dans l’œil. Mélenchon a cassé le PS pour prendre sa place. Et on risque de voir rapidement un mouvement vers le centre pour occuper la place laissée vacante….
[La stratégie à venir semble plutôt l’union de la gauche (qui me semble mal barrée d’ailleurs : Mélenchon surestime-t-il son pouvoir de séduction sur des gens dont le principal argument politique est de n’être pas Mélenchon ?).]
Un peu comme le « gauchiste » Mitterrand a pris le pouvoir en 1972 sur les vieux barbons de la SFIO, vous voulez dire ?
> Un peu comme le « gauchiste » Mitterrand a pris le pouvoir en 1972 sur les vieux barbons de la SFIO, vous voulez dire ?
J’avoue, je ne connais pas l’histoire de Mitterrand et de la SFIO…
Non, je voulais simplement dire que la principale chance de succès de Hamon ou EELV me semble d’être « à gauche » tout en apparaissant « raisonnable » dans les formes par rapport aux excès médiatiques de Mélenchon. Il y a bon nombre de gens à gauche qui voudraient voter pour autre chose que le PS tout en éprouvant une répulsion pour Mélenchon (et avec l’épisode de la perquisition, cela ne va pas s’arranger pour lui) (*) : Hamon et EELV sont là pour satisfaire ces gens-là. Pourquoi s’allieraient-ils avec quelqu’un que leurs électeurs détestent, au lieu de faire valoir leur différence ? Vu comme fonctionne Mélenchon, il aura toujours une explosion verbale, une rodomontade opportune pour justifier de faire bande à part.
(*) C’est d’ailleurs impressionnant qu’un leader politique puisse susciter une telle aversion y compris chez des gens plutôt proches idéologiquement.
(tiens, et je me demande ce que devient Sophia Chikirou… le moins qu’on puisse dire est qu’elle se fait discrète, alors qu’elle est censée être un maillon essentiel de la campagne de la FI pour les européennes)
@ Antoine
[« Un peu comme le « gauchiste » Mitterrand a pris le pouvoir en 1972 sur les vieux barbons de la SFIO, vous voulez dire ? » J’avoue, je ne connais pas l’histoire de Mitterrand et de la SFIO…]
Mitterrand était un homme plutôt de droite conservatrice, vichyste devenu résistant quand il a compris de quel côté le vent soufflait, anticommuniste furieux et homme des services américains, partisan de l’Algérie française, adversaire résolu de De Gaulle. Dans les années 1970, dirigeant d’un petit groupuscule centriste, il voit la SFIO sombrer et monte une manœuvre de récupération en tournant les vieux dirigeants de ce parti pour les intégrer dans une nouvelle formation, le PS, dont il sera bien entendu le chef incontesté. Un cas classique de petit poisson agile avalant le gros ankylosé.
Mélenchon, qui n’est pas un amoureux de l’histoire – même s’il a une fâcheuse tendance à la réécrire – pour rien et qui considère Mitterrand comme son maître es-stratégie, a conçu l’opération « front de gauche » en pensant à cette affaire : le Front avait vocation à devenir un parti qui aurait fusionné ses membres – et notamment le plus gros, le PCF – sous la houlette de Mélenchon. Seulement voilà, contrairement à la SFIO, le PCF avait encore suffisamment de force pour dire « non ».
[Non, je voulais simplement dire que la principale chance de succès de Hamon ou EELV me semble d’être « à gauche » tout en apparaissant « raisonnable » dans les formes par rapport aux excès médiatiques de Mélenchon.]
Ah ok je n’avais pas compris ça.
[Pourquoi s’allieraient-ils avec quelqu’un que leurs électeurs détestent, au lieu de faire valoir leur différence ?]
Dans une élection à la proportionnelle, comme les européennes qui viennent, ce serait en effet fort peu intelligent, et c’est d’ailleurs ce qu’on observe : selon toute vraisemblance chacun ira à l’élection avec sa liste. Mais dans une logique de scrutin majoritaire, par exemple pour conquérir des municipalités… il faudra bien passer par là.
{(tiens, et je me demande ce que devient Sophia Chikirou… le moins qu’on puisse dire est qu’elle se fait discrète, alors qu’elle est censée être un maillon essentiel de la campagne de la FI pour les européennes)]
Je pense qu’elle a compris que sa position était très affaiblie. Et comme c’est une femme intelligente que les scrupules n’étouffent pas, je ne serais pas étonné de la voir exercer ses talents ailleurs maintenant que ses chances de tirer de l’argent de LFI se sont taries.
La question est : peut il faire autre chose? Pour répondre à la colère profonde des gilets jaunes, aussi diverse soit elle, je doute que le programme de Mélenchon et ses idées soient suffisants. Et quand on ne peut parler des idées, on parle des personnes. Vous prenez l´exemple de Kerviel. Comment Mélenchon dans l´UE et dans l´euro fera t il plier les banques? Personnellement, je le vois bien s´énerver, invectiver les banquiers, faire de beaux discours et c´est tout…
Votre titre est temps de récupération chez les gilets jaunes. Vous pourriez également faire un article : gilets jaunes : un temps de révélation. Avec En Marche, en grande forme, pour que cela soit : la volonté de ficher les personnes ( Schiappa), de vouloir faire un permis de voter (Michel Levy Provençal), de croire que les lois de la République soient la morale individuelle.
Sinon, en ce temps de “grand débat national”, comme vous vouliez plus de débats et de contradictions, pourquoi ne pas lancer des articles sur des thématiques. Vous lancez le débat sur une thématique avec des propositions, les commentaires en font d´autres et argumentent. Après, est ce que le blog se prête à cet exercice…
@ Barbey
[La question est : peut il faire autre chose? Pour répondre à la colère profonde des gilets jaunes, aussi diverse soit elle, je doute que le programme de Mélenchon et ses idées soient suffisants.]
Vous me faites penser à ce qui pour moi reste le plus beau slogan de Mai 1968 : « assez d’actes, nous voulons des paroles ». Ce que le mouvement des « gilets jaunes » met cruellement en évidence, c’est l’absence de vision, d’idées générales chez nos « élites » autoproclamées. Ce ne sont pas les « programmes » qui manquent : il y en a partout. Chaque parti, chaque dirigeant politique est capable de débiter un catalogue de mesures. Et c’est d’ailleurs comme ça que le pays est gouverné depuis trente ans, avec l’idée qu’un ministre, un président parlent pour « faire des annonces ».
Ce qui a disparu, c’est le projet. C’est une idée globale, un récit crédible de ce que sera l’avenir auquel l’action du politique est censée nous conduire. Ceux qui essayent encore d’un créer un – souvent avant les élections – arrivent à peine à faire illusion… et sont souvent démentis dès que l’élection est passée.
[Vous pourriez également faire un article : gilets jaunes : un temps de révélation. Avec En Marche, en grande forme, pour que cela soit : la volonté de ficher les personnes (Schiappa), de vouloir faire un permis de voter (Michel Levy Provençal), de croire que les lois de la République soient la morale individuelle.]
C’est logique. La prise de pouvoir des « classes intermédiaires » amorcée en 1968 est aujourd’hui complète, et cette prise de pouvoir s’accompagne de l’effacement de la distinction entre la sphère publique et la sphère privée, entre ce qui relève de la régulation par la société et ce qui est du domaine de la pleine liberté individuelle. C’est pour moi le grand paradoxe : alors que ces couches sociales se sont converties au libéralisme en matière économique et sociale, elles sont profondément anti-libérales dans leur vision de la société, avec des idéologies obligatoires et des polices de la pensée pour les faire respecter dans tous les coins.
[Sinon, en ce temps de “grand débat national”, comme vous vouliez plus de débats et de contradictions, pourquoi ne pas lancer des articles sur des thématiques. Vous lancez le débat sur une thématique avec des propositions, les commentaires en font d´autres et argumentent. Après, est ce que le blog se prête à cet exercice…]
Pourquoi pas. Mais je doute que le « grand débat national » soit très « contradictoire ». Cela risque surtout de devenir une sorte de grand défouloir…
Ce mercredi 09 Janvier 2019 Annie Lacroix-Riz a été visée par attaque nominale émanant de la direction de la CGT.Tous les éléments de ce dossier ainsi que sa réponse se trouvent ici :
http://www.historiographie.info/calomnies.html
Dans la lutte entre le Capital et le Travail,la CGT et le PCF,ont été à la pointe de l’éducation populaire et des luttes contre le Capital.
Là manifestement,l’Ignorance la plus confusionniste a gagné les apparatchiks.
Dans le rapport de force vis à vis du Travail,c’est un mauvais point.
Pensez vous que la question historique soit importante,ou non?
@ luc
[Pensez vous que la question historique soit importante,ou non?]
Je pense qu’elle est essentielle: “qui contrôle le passé contrôle le futur”, disait Orwell…
Ce n’est pas la première fois qu’on essaye de réduire au silence un intellectuel “hétérodoxe” en lui attribuant des amitiés politiquement incorrectes. Souvenez-vous il y a quelques années, quand Didier Daeninckx avait dénoncé publiquement Gilles Perrault comme “rouge-brun” du simple fait qu’il fréquentait des gens jugés infréquentables. Cela lui avait valu un délicieux panflet, “Didier Dénonce”… Comme je l’ai dit ici, je ne partage pas toutes les analyses d’Annie Lacroix-Riz, et j’aurais bien des reproches méthodologiques à lui faire. Mais je désapprouve totalement la constitution de “listes noires” et autres “fiches” de offrant à la vindicte publique des intellectuels non pas a cause de ce qu’ils ont dit ou écrit, mais à cause de leurs fréquentations.
J’ai une opinion ambigue sur Annie Lacroix-Riz :
> Son discours est tellement orienté qu’il est pratiquement sans intérêt.
> En même temps (comme dirait l’autre), j’aime bien m’en servir comme contrepoint par rapport à l’opinion majoritaire.
@ Frank Boizard
[J’ai une opinion ambigue sur Annie Lacroix-Riz :]
Moi aussi. J’avais beaucoup aimé “le choix de la défaite”, et je trouve qu’elle a fait un vrai travail d’historien en exploitant des fonds d’archives que d’autres avaient négligés. Mais je suis un peu gêné par sa vision “complotiste” de l’histoire, et une certaine tendance à vouloir “moraliser” l’histoire…
@Luc
Heureusement la fédération de l’énergie CGT a répondu vertement à la fiche de la Confédération.J’ai trouvé ici le communiqué:
http://www.communcommune.com/2019/01/cgt-energie-paris-soutien-a-annie-lacroix-riz.html
L’abandon des écoles du Parti communiste, du travail des cellules d’entreprises est une des causes de l’état déplorable du PCF.
Pour pouvoir agir de façon communiste il faut s’adosser à la connaissance celle que nous donne le matérialisme historique.
Le tout petit espoir qu’a suscité le nouveau secrétaire national soutenu par nombre de militants qui refusent la “mutation” du congrès de Martigues s’amenuise sous le poids des membres du Conseil national qui reprennent les fariboles socio-démocrates agitées à la Mélenchon.
Tous les intellectuels qui ne font pas leur aggiornamento à la ligne européanocentrée du “parlement du parti” se font traiter de Staliniens, et l’histoire est travestie pour établir une ligne d’identification entre Staline et Hitler.
A partir de là, les voix qui s’élèvent, avec des références et des arguments théoriques comme celles d’Annie Lacroix-Riz sont calomniées, insultées et vilipendiées.
Le PCF dans le PGE, la CGT qui a quitté la FSM pour recevoir des prébendes des syndicats européens avec CFDT et FO foncent dans la confusion, l’ignorance et la trahison de classe.
@ Baruch
[Heureusement la fédération de l’énergie CGT a répondu vertement à la fiche de la Confédération. J’ai trouvé ici le communiqué:]
Ce n’est pas « la fédération de l’énergie CGT », mais la section de Paris de la dite fédération. Mais lorsque je lis ces échanges, je me dis que tout ça n’a rien à voir avec ce que Mme Lacroix-Riz a fait ou qui elle a fréquenté. Ca ressemble plutôt à un règlement de comptes entre fractions… en tout cas, ce n’est pas à la CGT d’organiser des chasses aux intellectuels d’extrême droite, que je sache.
[Le tout petit espoir qu’a suscité le nouveau secrétaire national soutenu par nombre de militants qui refusent la “mutation” du congrès de Martigues s’amenuise sous le poids des membres du Conseil national qui reprennent les fariboles socio-démocrates agitées à la Mélenchon.]
Je partage ton sentiment. La manière dont cette engeance enquistée dans l’appareil a obligé Roussel à faire machine arrière dans ses déclarations sur le référendum d’initiative citoyenne montrent à quel point sa marge de manœuvre est étroite.
Vive Mélenchon !!!
…
Demain j’argumenterai 🙂
@ Méluche2022
[Vive Mélenchon !!!]
Cela fait déjà plusieurs jours que vous envoyez avec des pseudos différents – mais toujours la même adresse IP – des commentaires dont le texte se réduit à “Vive Mélenchon”, “re-vive Mélenchon”, etc. Commentaires que bien entendu je ne publie pas puisqu’ils n’apportent rien au débat. Car, cela ne vous a probablement pas échappé, ceci est un blog de débat, ou l’on échange des arguments. Et non un blog où chacun lance des vivats à son candidat préféré.
[Demain j’argumenterai]
Des promesses, des promesses…
Je pense que les violences policières pourraient devenir un thème des prochaines semaines.
Comme les medias les occultent sciemment (toujours la peste et le choléra du journalisme actuel : “Ne pas faire le jeu de …”, en l’occurrence, des odieux Gilets jaunes), il faut le temps que ça infuse.
Mais avec les téléphones portables et les réseaux, il devient de plus en plus difficile de cacher des scènes publiques.
Circulent des videos d’une rare élégance, où on voit un policier de la BAC ordonner ” Dégage, vieille truie !” à une passante, des policiers (au moins 5) frapper un homme âgé à terre, un CRS faire rouler tranquillement un grenade lacrymo vers un groupe de GJ assis, des policiers tirer des flash-balls dans le dos, d’autres à hauteur de la tête.
J’avoue trouver les policiers bien bêtes de ne pas comprendre qu’ils maltraitent leurs semblables sociaux.
C. Boutin :
**********
Les chiffres qui commencent à apparaître tendraient en effet à montrer que la violence des manifestants n’a pas été ce que l’on en a dit, tant en termes de dégradations commises que de blessés parmi les forces de l’ordre.
Selon les chiffres de la gendarmerie par exemple, les manifestations de Gilets jaunes ont occasionné moins de 5% de ses blessés annuels en 2018 (335 sur 7.453) – et encore faudrait-il faire la part ici d’éléments extérieurs au mouvement venus « casser du flic ». Or, en face, le bilan est particulièrement lourd, avec sans doute plus de 1.500 blessés, dont 83 gravement – la perte d’un oeil par exemple –, des blessures graves essentiellement causées par les lanceurs de balles de défense (LBD) type Flash-ball.
**********
Ce que ne comprend décidément pas Emmanuel Macron (qui est un homme de pouvoir mais pas un politicien), c’est que les moyens de la victoire, en politique, ça compte. Et le temps aussi.
Pour l”instant, il remporte la victoire : aucun recul de fond sur sa politique européiste, immigrationniste, etc. On a même l’impression qu’il cherche à accélérer.
Mais dans un mois, dans six mois, dans un an, qui peut garantir que la répression d’aujourd’hui ne lui reviendra en boomerang au visage (c’est le cas de le dire) ?
@ Frank Boizard
[Je pense que les violences policières pourraient devenir un thème des prochaines semaines.]
Comme les medias les occultent sciemment (toujours la peste et le choléra du journalisme actuel : “Ne pas faire le jeu de …”, en l’occurrence, des odieux Gilets jaunes), il faut le temps que ça infuse. Mais avec les téléphones portables et les réseaux, il devient de plus en plus difficile de cacher des scènes publiques.]
Mais de cacher quoi, exactement ? Il faut aussi raison garder. Avez-vous jamais accompagné une compagnie de CRS ou un escadron de gendarmerie dans une intervention ? Non ? Et bien, peut-être que cela vous ouvrira les yeux. Imaginez-vous dans la peau d’un CRS ou d’un gendarme. Vous avez l’ordre de bloquer une rue. Devant vous, une centaine de jeunes cagoulés, qui vous lancent des boulons, des pavés – vous savez, c’est lourd un pavé – voir des cocktails molotov. Et cela dure des heures, pendant lesquelles à chaque instant vous pouvez vous prendre un pavé, être pris à partie, isolé de vos collègues et tabassé. Alors, vous savez, si dans ce contexte vous criiez « dégage, vieille truie », que vous frappiez un peu à l’aveugle ou que vous excédiez les instructions de tir… et bien, je vous accorderais les circonstances atténuantes.
On parle beaucoup aujourd’hui de l’importance de mettre « l’humain au cœur de la société ». Fort bien. On pourrait commencer par se souvenir que les policiers, les gendarmes sont eux aussi des êtres humains. Qu’ils sont eux aussi sujets à la peur, à l’angoisse, à la colère. Et qu’ils méritent eux aussi qu’on regarde leurs actes, y compris lorsqu’ils sont excessifs, avec une certaine bienveillance.
Je ne partage pas par ailleurs votre optimisme sur le fait qu’avec les téléphones portables « il devient de plus en plus difficile de cacher des scènes publiques ». Car les téléphones portables opèrent aussi une sélection : chacun filme ce qui l’arrange. A côté des « excès » de la répression, il y a aussi des « excès » des casseurs et autres « autonomes », et les uns sont le contexte des autres. Pensez vous que les « téléphones portables » accorderont autant d’attention aux jets de pavés, aux destructions, aux pillages, aux cocktails Molotov qu’aux brutalités policières ?
[J’avoue trouver les policiers bien bêtes de ne pas comprendre qu’ils maltraitent leurs semblables sociaux.]
Je ne sais pas si pour un policier le jeune casseur qui pille une boutique est un « semblable social ». Personnellement, j’en doute.
[C. Boutin : Les chiffres qui commencent à apparaître tendraient en effet à montrer que la violence des manifestants n’a pas été ce que l’on en a dit, tant en termes de dégradations commises que de blessés parmi les forces de l’ordre. Selon les chiffres de la gendarmerie par exemple, les manifestations de Gilets jaunes ont occasionné moins de 5% de ses blessés annuels en 2018 (335 sur 7.453) – et encore faudrait-il faire la part ici d’éléments extérieurs au mouvement venus « casser du flic ».]
On voit mal en quoi ce chiffre montrerait que « la violence des manifestants n’a pas été ce que l’on a dit ». Elles tendraient plutôt à conduire à la conclusion contraire : une violence qui en six jours (car l’essentiel des blessés est le produit des manifestations du samedi, et non des occupations quotidiennes) fait 5% du total annuel des blessés, c’est énorme…
[Or, en face, le bilan est particulièrement lourd, avec sans doute plus de 1.500 blessés, dont 83 gravement – la perte d’un oeil par exemple –, des blessures graves essentiellement causées par les lanceurs de balles de défense (LBD) type Flash-ball.]
« Sans doute » ? Curieux… pour les forces de l’ordre on donne les chiffres officiels, pour les gens d’en face, pas de source…
[Ce que ne comprend décidément pas Emmanuel Macron (qui est un homme de pouvoir mais pas un politicien), c’est que les moyens de la victoire, en politique, ça compte. Et le temps aussi. Pour l”instant, il remporte la victoire : aucun recul de fond sur sa politique européiste, immigrationniste, etc. On a même l’impression qu’il cherche à accélérer.]
Je pense que c’est une erreur de parler en politique de « défaite » ou « victoire ». La politique est d’abord une histoire de compromis. Les défaites et les victoires totales sont rares, on voit plutôt des avancées ou des reculs. Et on ne peut vraiment dire que Macron n’ait pas reculé. Sa politique de priorité à l’équilibre budgétaire pour rassurer les Allemands est en lambeaux, sa politique de relance de la construction européenne aussi. Cela fait maintenant deux mois que le pouvoir est paralysé, et il sera difficile de faire une quelconque « réforme » aussi longtemps que le grand débat sera en cours ou que les élections européennes seront à l’horizon.
[Mais dans un mois, dans six mois, dans un an, qui peut garantir que la répression d’aujourd’hui ne lui reviendra en boomerang au visage (c’est le cas de le dire) ?]
J’en doute, personnellement. Le discours des « violences policières » intéresse une toute petite frange de la « gauche radicale ».
Pour compléter mon commentaire précédent :
Gilets jaunes : éclats de grenades, brûlures, membres arrachés… retour sur 82 blessures graves
GILETS JAUNES : LA JUSTICE EST LÀ POUR RENDRE LA JUSTICE. PAS POUR RÉTABLIR L’ORDRE
Je pense que la répression politique actuelle aura la peau de Macron. Sa victoire me paraît très momentanée.
Il va y avoir des procès, des appels, des cagnottes et des pétitions, des cas vont remonter jusqu’à la CEDH et la France va être condamnée. Le feuilleton va trainer des mois, des années, ça va poursuivre Macron comme le sparadrap du capitaine Haddock.
@ Frank Boizard
[Pour compléter mon commentaire précédent : (…)]
L’article de Libération est dans la droite ligne idéologique du journal. Curieusement, il ne semble pas utile pour les journalistes de s’intéresser ni au contexte dans lequel ces blessures ont été infligées – car ce n’est pas la même chose d’être blessé alors qu’on sort faire ses courses que d’être blessé alors qu’on lance des pavés sur les CRS – et bien entendu, un total désintérêt pour les blessures des membres des forces de l’ordre. N’y a-t-il pas eu là aussi des « os cassés », des « membres arrachés », etc ?
Quant au papier de de Castelnau, j’avoue que je ne sais pas quoi penser. Je pense qu’il cède à une vision idéaliste de la justice, comme s’il existait une sorte de justice immanente, naturelle, qu’on pourrait opposer à l’ordre humain. Les juges sont les gardiens de la légalité, pas de la justice. Leur fonction est d’appliquer – au besoin en l’interprétant – la loi, et non pas de la faire. En ce sens, ils sont bien les gardiens de l’ordre. Dire comme le dit de Castelnau que « le rétablissement de l’ordre est la fonction de l’exécutif » me paraît extrêmement dangereux, car si on admet ce principe, alors en toute logique il faudrait donner à l’exécutif le plein contrôle des moyens de rétablissement de l’ordre, aujourd’hui sous contrôle du juge…
[Je pense que la répression politique actuelle aura la peau de Macron. Sa victoire me paraît très momentanée.]
Je vois mal par quel mécanisme la « répression politique actuelle » – je vois mal où serait le caractère « politique » de la répression, mais bon, admettons – pourrait avoir la peau de Macron.
[Il va y avoir des procès, des appels, des cagnottes et des pétitions, des cas vont remonter jusqu’à la CEDH et la France va être condamnée. Le feuilleton va trainer des mois, des années, ça va poursuivre Macron comme le sparadrap du capitaine Haddock.]
Franchement, entre vous et moi, combien de gens savent ce qu’est la CEDH et se soucient de ses « condamnations » ? Combien de gens s’intéressent aux « appels, cagnottes et pétitions » dont vous parlez ? Oui, cela fera de l’agitation sur le campus de Paris VIII. Mais je doute que ce soit très gênant pour Macron.
Personnellement, je trouve le travail des forces de l’ordre remarquable, compte tenu des niveaux de violence individuelle qu’on a pu voir ces dernières semaines. Oui, le droit de manifester est un droit constitutionnel. Mais cela n’implique pas le droit de manifester ou l’on veut, comme on veut. Qu’on interdise de manifester dans le quartier des ministères, dans le périmètre de Beauvau, de l’Elysée ou de l’Assemblée nationale n’est pas déraisonnable, et tous les gouvernements de droite comme de gauche l’ont fait. Qu’on demande aux organisateurs d’une manifestation de la déclarer et de se mettre d’accord avec les autorités sur un parcours pour que la police puisse protéger l’ordre public- et cela inclut la protection des manifestants – est, là aussi, raisonnable.
Vous m’objecterez que le pouvoir est autiste, qu’il a abondamment montré qu’il n’écoute pas les manifestations pacifiques, et que la violence et la transgression des règles est la seule manière de se faire entendre. Admettons. Mais si on fait le choix de la violence et la transgression, alors il faut en accepter les risques implicites dans cette violence. Lancer des pavés aux policiers et se plaindre lorsque ceux-ci répliquent, ce n’est pas très logique.
Bonjour Descartes,
tout d’abord bonne année et merci pour votre travail, puissent les turbulences de l’époque continuer à vous inspirer en 2019 après une période un peu plus calme en termes de publications… Longue vie au tyran 😉
Avez-vous eu vent de cet appel lancé par les animateurs du blog La Sociale (Denis Collin et Jacques Cotta) et de la réunion qui s’en est suivie ?
http://la-sociale.viabloga.com/news/pour-la-defense-de-la-souverainete-de-la-nation-et-des-droits-sociaux
Pour le moment cela n’a encore abouti qu’à un deuxième appel à constituer un “Collectif National pour la Souveraineté et la Justice Sociale” et un texte “en défense des libertés publiques et des droits démocratiques”, tous deux à paraître, mais au-delà de ça ce tour de chauffe m’a semblé plutôt prometteur.
En attendant un compte-rendu et peut-être la vidéo, voilà ce qu’en dit le souverainiste Olivier Delorme :
“J’ai participé cette après-midi à la réunion publique de l’Appel de La Sociale, en soutien au mouvement des Gilets jaunes, pour la défense des libertés publiques et des droits démocratiques, qui passe forcément par la récupération de notre entière souveraineté, face à une UE qui a été et qui est le prétexte et le moteur de la liquidation de ces libertés et de ces droits.
J’y ai notamment beaucoup apprécié l’intervention de Djordje Kuzmanovic qui a insisté sur la nécessité de rassembler, dans une démarche de salut public, et au delà des vieux clivages privés de sens par ce qu’il est convenu d’appeler la construction européenne, tous ceux qui partagent la même conviction que la restauration d’une République démocratique et sociale passe par la récupération de notre souveraineté. Et donc la nécessité d’offrir un débouché politique à la crise actuelle.
Pour ma part, j’ai évidemment tenu à exposer dans cette réunion ce que sont pour moi les leçons du martyre infligé au peuple et à la nation grecs depuis bientôt dix ans: combien il est illusoire d’attendre quoi que ce d’une alternance dite de gauche qui ne pose pas comme préalable la rupture avec l’UE et l’euro, combien la réalisation de ladite alternance dans le cadre de l’UE, forcément désastreuse, est politiquement ravageuse et démobilisatrice, stérilisante ; combien l’exemple grec nous impose donc, si nous voulons une alternance de politique et non d’hommes menant la même politique, il est vital de réorganiser le champ politique selon le seul clivage signifiant aujourd’hui: pour ou contre la rupture avec l’UE.
Dès lors que nous aurons rompu, nous pourrons recommencer à faire de la politique projet contre projet ; aujourd’hui, le seul débat qui vaille et qui transcende les vieux clivages que l’UE à tués, c est: récupère-t-on les instruments de la souveraineté qui permettent de faire de la politique, ou les laisse-t-on, sous couvert d’Europe, aux mains de l’oligarchie qui a conçu, dès l’origine, le projet européen comme le moyen de priver les peuples de tout moyen d’action sur leur propre destin ?”
Pour compléter :
https://www.soverain.fr/reunion-de-la-sociale-compte-rendu-et-desintox-de-larticle-du-figaro-ledito-rousseau-7/?fbclid=IwAR1kzhdH2Hi3IJ8fN_YVynjPAysdbYpy2q98eSn8SUNY6PMfK0qec6Oc4DY
@ Benjamin
[Avez-vous eu vent de cet appel lancé par les animateurs du blog La Sociale (Denis Collin et Jacques Cotta) et de la réunion qui s’en est suivie ?]
Non, je n’étais pas au courant. Si j’avais su, j’aurais fait un petit effort pour y aller voir de quoi ça retourne. Surtout que le panel comptait des noms intéressants. Mais à la lecture des différents comptes-rendus, je reste un peu sceptique. J’ai l’impression que ce « souverainisme de gauche » reste plus « de gauche » que « souverainiste », notamment lorsqu’on touche la question épineuse d’une éventuelle coopération – je ne parle même pas d’alliance – avec les souverainistes « de l’autre rive ».
@Descartes
Un autre problème, c’est que le souverainisme de gauche semble recruter principalement dans les classes « bavardantes ». Coralie Delaume, Jacques Sapir, etc. sont des gens talentueux, mais ils se contentent de parler et d’écrire (et touitter). Il n’y a personne pour créer un parti, structurer une organisation, réfléchir à une stratégie, des priorités, des alliances, des compromis. La réunion de « la Sociale » donne lieu à un nébuleux « Collectif » (http://cnsjs.fr/). Je crains qu’on soit reparti pour tout le cycle des conférences, réunions, tables rondes, tribunes, assises, lettres ouvertes, pétitions, etc. au terme desquelles il ne reste jamais que de beaux discours et de grandes paroles enflammées.
@ Antoine
[Un autre problème, c’est que le souverainisme de gauche semble recruter principalement dans les classes « bavardantes ». Coralie Delaume, Jacques Sapir, etc. sont des gens talentueux, mais ils se contentent de parler et d’écrire (et touitter).]
D’une manière générale, ceux qui produisent les idées viennent toujours des « classes bavardantes ». Ce sont eux qui ont les instruments intellectuels, les moyens, le temps pour faire ça. Bien sur, vous trouverez quelques prolétaires autodidactes, mais cela reste rare, d’autant plus qu’il n’y a pas beaucoup de partis politiques qui se fixent comme objectif la promotion des militants issus des couches populaires, comme le faisait le PCF du temps de sa grandeur.
Cela étant dit, la majorité des militants populaires de la CGT ou du PCF restent largement souverainistes, quoi que puissent dire leurs directions.
[Il n’y a personne pour créer un parti, structurer une organisation, réfléchir à une stratégie, des priorités, des alliances, des compromis. La réunion de « la Sociale » donne lieu à un nébuleux « Collectif » (…).]
Surtout, la réunion semble avoir été l’occasion de dire avec qui on ne voulait pas travailler… et de produire un « appel » tellement tiède – il n’est pas question ni de la sortie de l’UE, ni de la sortie de l’Euro – qu’on voit mal ce qu’elle apporte.
faut-il participer au “débat national” ?
j’aimerai votre avis.
En ce qui me concerne, bien que sympathisant, je n’ai pas participé physiquement au mouvement. Je me sens donc mal placé pour donner un avis.
D’autre part ce grand débat me semble furieusement correspondre à la phrase célèbre “quand il y a un problème que je ne veux pas, ne sais pas, traiter, je crée une commission”.
Participer est d’une certaine manière cautionner le gouvernement en place: il a tous les éléments dans sa main pour prendre les décisions qui satisferaient une partie des demandes exprimées.
D’un autre coté, d’un point de vue “idéal”, comment refuser de participer à une consultation, même si elle est en partie délimitée ?
@ marc malesherbes
[faut-il participer au “débat national” ? j’aimerai votre avis.]
Mon avis est qu’il faut TOUJOURS participer à un débat. Il ne faut jamais manquer une opportunité de faire valoir ses idées, de les diffuser, de chercher à entraîner les gens avec soi. Bien entendu, cela suppose que ce soit un véritable débat, c’est-à-dire, que les conditions d’organisation permettent à chacun de s’exprimer librement en ayant un temps raisonnable de développer sa pensée. S’il y a des sujets tabous qu’il est interdit d’aborder, s’il s’agit d’échanges « flash » ou chacun a une minute pour s’exprimer, alors ce n’est pas un débat, mais juste un simulacre. Et dans ce cas il ne faut pas participer.
[En ce qui me concerne, bien que sympathisant, je n’ai pas participé physiquement au mouvement. Je me sens donc mal placé pour donner un avis.]
Je ne saisis pas votre raisonnement : vous êtes un citoyen, et à ce titre vous êtes « bien placé » pour participer au débat public, quelque soit votre participation par ailleurs.
[D’autre part ce grand débat me semble furieusement correspondre à la phrase célèbre “quand il y a un problème que je ne veux pas, ne sais pas, traiter, je crée une commission”. Participer est d’une certaine manière cautionner le gouvernement en place: il a tous les éléments dans sa main pour prendre les décisions qui satisferaient une partie des demandes exprimées.]
Je pense qu’en renonçant à utiliser les instruments démocratiques alors qu’ils existent, on fait plus que cautionner le gouvernement, on le justifie. Parce qu’une telle attitude donne du poids à l’accusation de refuser la confrontation démocratique.
[D’un autre coté, d’un point de vue “idéal”, comment refuser de participer à une consultation, même si elle est en partie délimitée ?]
Elle n’est pas vraiment « délimitée ». Macron a écrit qu’il ne rétablira pas l’ISF, mais il n’a aucun moyen d’empêcher que le sujet soit discuté, et qu’il soit inscrit dans les comptes-rendus. Si les participants au débat se prononcent massivement pour cette option, alors le pouvoir devra en tenir compte, ou alors payer un lourd prix politique.
@Descartes
Je suppose que vous avez lu les questions de Macron. C’est pas mal fait, et la liste des questions, même si je ne l’aurais pas formulée telle qu’elle, résume à peu près bien la liste des arbitrages qu’un gouvernement peut et doit rendre dans le système actuel…
Et naturellement, en creux, on lit tout ce que le gouvernement ne peut pas changer. Notamment, et c’est étonnant de la part de Macron l’européiste, on y parle de l’Europe que pour parler des questions “européennes et internationales”. Mais aucune question relative à la construction européenne.
Seule exception, cette phrase, qui n’est pas une question : “Être citoyen, c’est contribuer à décider
de l’avenir du pays par l’élection de représentants à l’échelon local, national ou européen”.
Cette phrase est doublement représentative de la pensée de Macron, dans ce qui me plait le moins :
– être citoyen, pour lui, c’est élire des représentants qui décident pour nous, ce qui veut implicitement dire que ça n’est pas à nous de décider ou de réfléchir (même si l’objet de la lettre est justement l’inverse),
– il parle dans cette phrase sur la citoyenneté de l’échelon européen; ce qui sous entend l’existence d’une citoyenneté européenne…
@ Vincent
[Je suppose que vous avez lu les questions de Macron. C’est pas mal fait, et la liste des questions, même si je ne l’aurais pas formulée telle qu’elle, résume à peu près bien la liste des arbitrages qu’un gouvernement peut et doit rendre dans le système actuel…]
Vous trouvez ? Je ne vais pas trop entrer dans les détails parce que je pense faire un papier sur le sujet, mais vous noterez que dans les questions posées on ne trouve rien sur la politique économique et industrielle, rien sur le pouvoir d’achat, rien sur le chômage… et rien sur la sécurité. En d’autres termes, on a évacué l’ensemble des questions qui intéressent le plus les couches populaires. A côté, on trouve beaucoup de questions institutionnelles qui n’intéressent que les politiciens…
[Notamment, et c’est étonnant de la part de Macron l’européiste, on y parle de l’Europe que pour parler des questions “européennes et internationales”. Mais aucune question relative à la construction européenne.]
Tout à fait. L’Europe, la politique économique, la sécurité sont les grandes absentes de ce texte. L’absence de l’Europe – qui n’est citée que par ricochet – n’est à mon avis pas une pure coïncidence. Macron a très bien compris que l’un des sujets sur lesquels un débat national risque de produire des résultats orthogonaux à sa politique est bien celui-là.
En fait, les questions posées dessinent en creux les sujets sur lesquels le gouvernement n’a au fonds rien à foutre, sur lesquels il est prêt à choisir n’importe quelle politique. On exclut du débat les sujets qui risquent de mettre en échec le programme macronien. De ce point de vue, la question sur les impôts est emblématique. On se demande « quels impôts voudriez vous baisser en priorité », comme si le débat fiscal se réduisait à la baisse de l’ensemble des impôts, plutôt qu’à la baisse de certains et à la hausse des autres…
[– être citoyen, pour lui, c’est élire des représentants qui décident pour nous, ce qui veut implicitement dire que ça n’est pas à nous de décider ou de réfléchir (même si l’objet de la lettre est justement l’inverse),]
En effet, Macron semble lier la citoyenneté exclusivement à la participation au processus électoral. La formule est drôle parce qu’elle formalise la séparation entre la fonction de l’électeur – qui serait la marque de la citoyenneté – et la fonction de l’élu… qui n’en serait pas. Et bien entendu, cela exclue d’autres éléments de citoyenneté, comme la participation au débat démocratique. Plus drôle encore, la citoyenneté se réduit ici à des DROITS, en effaçant tout ce qui peut ressembler à un DEVOIR…
[– il parle dans cette phrase sur la citoyenneté de l’échelon européen; ce qui sous entend l’existence d’une citoyenneté européenne…]
Là, à mon avis, vous sur interprétez. Macron dit bien que la participation aux élections « locales, nationales et européennes » n’a pour objectif que de décider de « l’avenir du pays ». Et non pas de l’avenir de l’Europe. C’est bien une citoyenneté « nationale » que Macron a dans la tête.
Cette video répond à quelques unes de vos objections / interrogations sur le maintien de l’ordre :
Le maintien de l’ordre est toujours politique : c’est le pouvoir politique qui décide du niveau de violence face aux manifestations (Louis-Philippe : « La république a de la chance, elle peut tirer sur le peuple. Pas moi »).
La rhétorique anti-flic gauchiste, ce n’est vraiment pas mon genre. Mais j’ai écouté les experts (certes, la plupart du temps de gauche) et j’ai essayé de vérifier en butinant à droite et à gauche. Ils affirment que la répression des Gilets jaunes est d’une violence disproportionnée et inédite depuis 50 ans en Europe de l’ouest, je n’ai pas encore trouvé de contre-exemple.
Je pense que cette violence est un choix politique (https://twitter.com/pittbull_grrr/status/1084852665694257152) et qu’il reviendra hanter E. Macron, d’une manière ou d’une autre.
Vous avez peut-être raison, peut-être que ce sujet n’intéresse qu’une minorité. Mais je soupçonne qu’il a le potentiel, parmi d’autres, de miner la crédibilité (le peu qu’il en reste) du gouvernement. Un gouvernement qui est plus cru est cuit (Clemenceau).
Depuis le début, j’analyse les Gilets jaunes comme la bataille de la légitimité nationale contre la légalité techno, injuste et anti-démocratique (du moins, ressentie comme telle). Nous sommes donc (à mon avis) sur un champ de bataille particulièrement abstrait où les représentations sont des armes.
Et puis, nous ne sommes pas au bout de nos peines :
@ Franck Boizard
[Cette video répond à quelques unes de vos objections / interrogations sur le maintien de l’ordre :]
Je ne vois pas très bien en quoi elle apporte une quelconque réponse. C’est un classique reportage du « Média », ou un journaliste militant empile des affirmations d’autorité appuyées sur des confidences invérifiables. Jamais une référence à un rapport officiel ou des travaux scientifiques – et pourtant dieu sait qu’ils existent.
[Le maintien de l’ordre est toujours politique : c’est le pouvoir politique qui décide du niveau de violence face aux manifestations (Louis-Philippe : « La république a de la chance, elle peut tirer sur le peuple. Pas moi »).]
C’est certainement le pouvoir politique qui décide du niveau de violence qu’il entend exercer. Cela étant dit, la question se pose de savoir quel est le niveau de violence nécessaire pour protéger les bâtiments publics, les biens et les personnes. Il paraît que lorsque vous avez devant vous une foule qui lance des pavés et des cocktails Molotov pour envahir un lieu, il ne suffit pas de leur offrir des fleurs pour les en dissuader. Moi, je veux bien qu’on me parle de policiers brutaux devant des manifestants pacifiques. Mais pensez-vous que cette image irénique représente la réalité ?
[La rhétorique anti-flic gauchiste, ce n’est vraiment pas mon genre. Mais j’ai écouté les experts (certes, la plupart du temps de gauche) et j’ai essayé de vérifier en butinant à droite et à gauche.]
Quels sont les « experts » que vous avez écouté ? Pourriez-vous donner deux ou trois références à leurs ouvrages ?
[Ils affirment que la répression des Gilets jaunes est d’une violence disproportionnée et inédite depuis 50 ans en Europe de l’ouest, je n’ai pas encore trouvé de contre-exemple.]
Dans ce cas, ils ne doivent pas être très savants, vos experts. Je vous suggère de comparer avec la répression en Irlande du Nord pendant la période thatchérienne, pour ne donner qu’un exemple.
[Je pense que cette violence est un choix politique]
La répétition n’est pas un argument. Par ailleurs, pensez-vous que la violence des casseurs soit elle aussi un « choix politique » ? Que feriez-vous si vous étiez le ministre de l’Intérieur ? Vous les laisseriez casser ?
[Depuis le début, j’analyse les Gilets jaunes comme la bataille de la légitimité nationale contre la légalité techno, injuste et anti-démocratique (du moins, ressentie comme telle). Nous sommes donc (à mon avis) sur un champ de bataille particulièrement abstrait où les représentations sont des armes.]
Quel rapport entre casser un abribus ou piller un magasin d’électroménager et la « légalité techno » ? Est-ce que si la « légitimité nationale » triomphait demain, il serait permis de casser les magasins et le mobilier urbain ?
Il faut toujours rappeler la formule révolutionnaire : « entre le faible et le fort, c’est la liberté qui asservit et la loi qui libère ». Opposer « légitimité » et « légalité » n’a pas de sens.
[Et puis, nous ne sommes pas au bout de nos peines :]
J’ignorais que vous preniez comme référence les sites ultralibéraux. Au demeurant l’article que vous citez est particulièrement amusant : il prédit une récession sur la base de la mesure de la confiance des entrepreneurs… et montre ensuite une courbe où l’on voit bien que la confiance SUIT la courbe de croissance mais ne la PRECEDE pas.
Voici un post que j’ai laissé sur FB:
CRISE DE LA REPRESENTATIVITE ET CRISE INSTITUTIONNELLE
Emmanuel Macron a tenté dans un premier temps d’ignorer, comme ses prédécesseurs, l’émergence d’un mouvement traduisant le désarroi de classes sociales délaissées par les diverses politiques menées depuis des dizaines d’années : classes intermédiaires, paysannerie, employés, petits salaires,… Perte du pouvoir d’achat mais avant tout perte de références culturelles et du sentiment d’appartenance à une communauté nationale dont les fondements sont remis en cause : l’universalisme républicain remis en cause par le communautarisme croissant, le pouvoir attribué aux minorités dont la parole est propulsée par les médias, la remise en cause de la politique familiale, l’absence de débat sur une politique migratoire…
Dans un second temps, le Président de la République a cherché à monétiser la solution de la crise, par une augmentation du salaire minimum (payée par l’impôt) ou par l’annulation d’une hausse de taxe sur les carburants (celle-ci frappant les dépenses contraintes). Les Gilets Jaunes non seulement n’ont pas été dupes, mais ne pouvaient se contenter d’une réponse inadaptée à leurs demandes de fond.
La colère dès lors ne pouvait que croître, et la violence en parallèle face à un tel mépris.
Troisième temps, une autre réponse, alors que le pouvoir fait le choix pendant ce temps de l’autoritarisme : le Grand Débat. Qui, si l’on lit la Lettre du PR, se résume à une consultation dont on peut légitimement se demander l’utilité, sachant que :
D’une part, les doléances sont largement exprimées depuis huit semaines, et n’ont donc pas été « entendues », selon les termes de la « com » du pouvoir.
D’autre part, Macron exprime bien dans sa lettre qu’il ne changera rien à son programme.
Il est très difficile de prévoir à court terme l’issue du mouvement des Gilets Jaunes. Il est certain que ce Grand Débat ne le satisfera pas. Cependant, la manœuvre du pouvoir en initiant cette consultation peut étouffer ce mouvement qui est avant tout un mouvement expressif, et non politique ni à volonté représentative. Le malaise n’en restera pas moins sous-jacent, et pourra refaire surface d’une façon non moins violente.
Il semblerait d’ailleurs que le pouvoir macronien veuille à présent faire sa réforme de la fonction publique… où comment opposer encore les Français entre eux : « planqués de fonctionnaires » contre « salauds de pauvres » !
Peut-être est-ce là la vision d’un pouvoir machiavélique, nous avons pourtant néanmoins observé la division entre actifs et inactifs par le renforcement de la CSG sur les retraites, la réforme du Code du Travail, la volonté de réformer les retraites en supprimant les régimes spéciaux, le financement de la transition écologique par des taxes frappant la France périphérique dans les dépenses contraintes,…
Venons-en à la crise de la représentativité.
En premier lieu, cette élection présidentielle dont Macron est à la fois le vainqueur et le symptôme. Pas la première du genre, certes. Néanmoins une élection volée aux électeurs, n’ayant le choix au second tour qu’entre deux candidats n’ayant pas fait guère plus de 20% des suffrages. L’une représentant un parti dont le génome fait à juste titre peur aux électeurs, et l’autre issu intelligemment de la décomposition des partis de gouvernement, et pour lequel il est vivement recommandé de voter pour faire barrage à la précédente. Dans un premier temps, l’institution judiciaire, aidée des media dominants, a pu invalider le candidat de la droite.
Une élection volée, donc, comme l’a été le résultat du référendum de 2005, par les élus de gauche et de droite réunis. Depuis 2005, il n’y a d’ailleurs plus eu de référendum, alors que les sujets n’auraient pas manqué.
Le référendum est pourtant un instrument démocratique essentiel de la Cinquième République.
Le passage au quinquennat aura aussi été un coup fatal porté à nos institutions. Notamment parce qu’il donnait lieu à des élections intermédiaires qui pouvaient remettre en cause les orientations d’un pouvoir en place, au lieu d’établir une majorité servile au parlement.
Un point important, que semble oublier Macron : nous élisons une personne pour nous représenter, un représentant donc, nous n’élisons pas son programme. Un programme ne peut être réalisé sans un minimum de consensus avec le peuple. Il ne peut être imposé. Sans révolte.
J’en viens à un autre point. Comment avons-nous pu en arriver à ce sentiment de dégoût qu’inspire la politique aux Français ? N’est-ce qu’un sentiment populiste ? N’est-ce que du Coluche ou du fascisme larvé ?
La République, née d’une révolution qui ne voulait pas nécessairement guillotiner le Roi (ce ne fut qu’après Varennes et sa tentative de réunir une coalition étrangère contre la France), a voulu mettre en place une aristocratie qui soit celle due au mérite. Qu’en est-il advenu ? Comment se passent les processus de désignation des candidats ? Tous partis confondus, on ne peut que constater que c’est une oligarchie qui s’auto-reproduit, et les vilains petits canards n’y ont aucune place.
Quelle représentativité espérer alors, notamment quand l’ensemble des élus acceptent l’inféodation à la structure supra-nationale qu’est l’UE ? Quand depuis Maastricht, nous avons perdu notre souveraineté monétaire et donc budgétaire ?
Qu’est-ce qui fait donc encore institution en France ?
A juste titre, les différentes classes sociales composant les Gilets jaunes ne se sentent pas représentées, et le font savoir, font entendre les doléances que les élus ne veulent entendre, quoi qu’ils en disent. Leur mouvement expressif prend une tournure provisoirement violente. D’autres catégories sociales ne l’ont pas été non plus dans le passé. Jusqu’où doit-on aller pour que cette défaillance de la représentativité, effet de la crise de nos institutions, soit prise en compte ?
Je me méfie de la proportionnelle, qui en fait donne plus de représentation aux petits partis qu’au peuple, leur donnant un pouvoir qu’ils ne sont pas censés avoir dans les coalitions nécessaires (Cf IVème République). Je ne crois pas plus au tirage au sort ou autre baliverne. En fait, j’ose espérer que nous revenions à l’esprit de la Vème République, en tirant l’enseignement des effets produits par les diverses révisions.
@ Paul I
[Troisième temps, une autre réponse, alors que le pouvoir fait le choix pendant ce temps de l’autoritarisme : le Grand Débat. Qui, si l’on lit la Lettre du PR, se résume à une consultation dont on peut légitimement se demander l’utilité, sachant que :
D’une part, les doléances sont largement exprimées depuis huit semaines, et n’ont donc pas été « entendues », selon les termes de la « com » du pouvoir.
D’autre part, Macron exprime bien dans sa lettre qu’il ne changera rien à son programme.
Il est très difficile de prévoir à court terme l’issue du mouvement des Gilets Jaunes.]
Je crois qu’il y a surtout une grande ambigüité sur le mot « débat ». Lorsqu’on entend Macron et les siens, le but du débat est de permettre aux citoyens de « s’exprimer ». Mais un débat, ce n’est pas seulement un endroit ou les gens « s’expriment », c’est surtout un endroit ou les autres écoutent cette expression et apportent la contradiction argumentée. Et par construction même, un « débat » ne sert qu’à éclairer les gens qui y participent, et à rien d’autre. En fait, les organisateurs du Grand Débat oscillent en permanence entre l’idée de « débat », qui implique échange, et celle de « consultation », qui implique la seule expression. Or, comme vous le dites, si le but est que les gens « s’expriment », cela semble inutile vu qu’ils se sont abondamment exprimés ces dernières semaines. Et si on veut un vrai débat, alors il faut un effort de documentation, une préparation difficile à imaginer dans les délais prévus et sur une panoplie aussi large de sujets.
[Il est certain que ce Grand Débat ne le satisfera pas. Cependant, la manœuvre du pouvoir en initiant cette consultation peut étouffer ce mouvement qui est avant tout un mouvement expressif, et non politique ni à volonté représentative. Le malaise n’en restera pas moins sous-jacent, et pourra refaire surface d’une façon non moins violente.]
Je me demande en fait si ce « grand débat » n’est pas une façon élégante de changer de politique sans avoir l’air de céder à la rue. Macron se grandirait en sortant du débat avec un discours du type « en écoutant le peuple je me rends compte que je n’avais pas pris en compte tous les éléments du problème, je le sais maintenant et je vais donc changer de politique ». A mon sens c’est la seule façon de « sauver » le quinquennat. Je vois mal comment il pourrait tirer du « grand débat » une confirmation de ses politiques sans faire repartir le mouvement.
[Il semblerait d’ailleurs que le pouvoir macronien veuille à présent faire sa réforme de la fonction publique… où comment opposer encore les Français entre eux : « planqués de fonctionnaires » contre « salauds de pauvres » !]
La tentation est là… mais en même temps, le président et son entourage ont réalisé que le pays a tenu dans la tempête en grande partie grâce à la fonction publique. Pousser les fonctionnaires dans les bras des « gilets jaunes » serait une manœuvre très dangereuse.
[Un point important, que semble oublier Macron : nous élisons une personne pour nous représenter, un représentant donc, nous n’élisons pas son programme. Un programme ne peut être réalisé sans un minimum de consensus avec le peuple. Il ne peut être imposé. Sans révolte.]
C’est là un point à mon avis fondamental. La démocratie représentative est fondée sur le rejet du mandat impératif. Le peuple choisit des hommes pour gouverner, mais cette autorité leur est conférée sous le contrôle permanent, quotidien que le peuple exerce à travers des partis, des associations, de son intervention collective par la pétition ou la manifestation. L’élection ne vaut pas mandat pour appliquer un programme, et encore moins un chèque en blanc. C’est une simple délégation de confiance…
[J’en viens à un autre point. Comment avons-nous pu en arriver à ce sentiment de dégoût qu’inspire la politique aux Français ? N’est-ce qu’un sentiment populiste ? N’est-ce que du Coluche ou du fascisme larvé ?]
En France, ce qui alimente le « dégoût du politique » c’est généralement l’impuissance de celui-ci. En effet, le peuple français est de par son histoire un peuple qui attend beaucoup de la politique, tout simplement parce qu’il attend beaucoup de l’Etat. C’est peut-être la différence la plus notable avec les anglo-saxons, où l’Etat central, institution politique et impersonnelle par excellence, est vue comme une menace et la demande concerne plutôt les structures de proximité, fondées sur une solidarité personnelle entre gens qui se ressemblent.
Et parce que nous attendons beaucoup de la politique, nous admettons difficilement son impuissance. L’antiparlementarisme de l’entre-deux guerres a été largement alimenté par l’instabilité gouvernementale et l’incapacité des institutions de la IIIème République finissante à s’attaquer aux problèmes du pays. La demande d’autorité qui s’est exprimée en 1958 a été largement alimentée par l’instabilité et les blocages politiques de la IVème République. Le succès des institutions de la Vème tient au fait que, en concentrant formellement le pouvoir dans la main du président de la République elles ont réduit les situations de blocage et garanti la stabilité.
Mais la puissance du politique gêne des intérêts puissants. En effet, la puissance du politique c’est d’abord, dans un système de suffrage universel, la puissance du nombre. Une puissance qui gêne le « block dominant », qui se sait minoritaire. C’est pourquoi l’union sacrée de la bourgeoisie et des classes intermédiaires ont cherché à organiser l’impuissance du politique, en transférant des pans entiers des politiques publiques vers l’Europe, vers les marchés, vers des institutions « indépendantes » ou vers les collectivités locales. Ajoutez à cela une idéologie qui donne aux groupes de pression – vulgairement appelées ONG – un droit virtuel de véto, et vous aurez le tableau complet.
[La République, née d’une révolution qui ne voulait pas nécessairement guillotiner le Roi (ce ne fut qu’après Varennes et sa tentative de réunir une coalition étrangère contre la France), a voulu mettre en place une aristocratie qui soit celle due au mérite. Qu’en est-il advenu ?]
Et bien, cela n’a pas si mal marché. Mais un jour, les classes intermédiaires ont compris que la promotion au mérite menaçait leur propre position. Et ils ont alors cassé le système. De plus, l’organisation de l’impuissance du politique s’est traduit par une fuite des meilleurs, des plus « méritants » vers le privé, qui offre aujourd’hui des possibilités de carrière et de rémunération bien plus intéressantes.
[Comment se passent les processus de désignation des candidats ? Tous partis confondus, on ne peut que constater que c’est une oligarchie qui s’auto-reproduit, et les vilains petits canards n’y ont aucune place.]
Vous croyez ? Ma perception serait plutôt le contraire. Si l’on voit autant de médiocres parmi les candidats, c’est parce que les gens de qualité se détournent de la politique. Les « vilains petits canards » – qui deviendront plus tard des cygnes – trouvent bien plus d’opportunités avec un risque bien plus réduit dans le secteur privé. Et c’est aussi vrai pour la haute fonction publique.
[Qu’est-ce qui fait donc encore institution en France ?]
Vaste et intéressante question…
Quel parti pour récupérer ce mouvement social ? Ce parti sera souverainiste ou ne sera pas.
Voyons la stratégie des communistes aux élections européennes. La tête de liste est Ian Brossat et tweete ceci : “quand on voit à quel point la Grande-Bretagne galère avec le #Brexit, on se dit que l’idée d’une sortie de l’UE serait une folie pour la France. Pas d’autre choix qu’une transformation profonde de l’Union européenne.”
Bel article de Kuzmanovic sur la stratégie contradictoire de la FI : “Tablant sur le fait que les classes populaires votent peu aux européennes, il a décidé de cibler les classes moyennes cultivées des grandes villes, ces fameux « bobos de gauche » traditionnellement sociaux-démocrates et européistes, quitte à revenir au populisme à la prochaine présidentielle. Jean-Luc Mélenchon a ainsi progressivement enterré l’idée du « plan A/plan B » qui impliquait la possibilité de sortie des traités européens.”
Bref plus rien à gauche.
Au Rassemblement national, on rassemble à droite toute. Fin du souverainisme et de l’ambition de rupture avec l’UE. Il est possible que cette stratégie fonctionne pour eux dans l’optique de 2022. On imagine pourquoi pas une alliance entre oligarchie ex-macroniste et escrocs lepénistes.
Il faudra tout reconstruire. Mais l’espace existe.
@ Coma81
[Quel parti pour récupérer ce mouvement social ? Ce parti sera souverainiste ou ne sera pas.]
Je ne sais pas si le degré de conscience du mouvement social est arrivé jusque-là. Pour le moment, les « gilets jaunes » démontrent une franche hostilité à l’Union européenne. Mais de là à comprendre que la recherche de solutions à leurs problèmes passe d’abord par la récupération des instruments qui nous permettraient de mettre en œuvre les dites solutions, il y a un long chemin à parcourir.
[Voyons la stratégie des communistes aux élections européennes. La tête de liste est Ian Brossat et tweete ceci : “quand on voit à quel point la Grande-Bretagne galère avec le #Brexit, on se dit que l’idée d’une sortie de l’UE serait une folie pour la France. Pas d’autre choix qu’une transformation profonde de l’Union européenne.”]
Marre de ces « révolutionnaires » qui ne veulent pas faire de révolution ! Finalement, Brossat nous présente la politique de la paresse : la sortie de l’UE est trop « galère », choisissons le confort d’une « transformation profonde » dont on ne voit pas d’ailleurs l’ombre d’un commencement de prémisse.
Il ne peut pas y avoir de Brexit (ou de Frexit, ou de Grexit, ou n’importe quel autre « exit ») heureux. Tout simplement parce que l’Union européenne fera tout pour que la sortie échoue. Elle y joue sa crédibilité : que se passerait-il si un pays sortait dans la joie et l’allégresse et que ça se passait bien ? Cela donnerait des idées aux autres. Il faut donc que toute sortie soit un échec, et l’Union européenne fait ce qu’il faut pour cela, on l’a vu dans l’affaire britannique.
L’Union européenne n’est plus et depuis longtemps union volontaire de nations libres, c’est une prison où il faut maintenir les membres enfermés de gré ou de force. Se libérer de cette prison sera douloureux, et c’est pourquoi les souverainistes aujourd’hui comme les résistants hier « n’ont à offrir que du sang, de la sueur et des larmes », selon la formule churchilienne. Face à cette proposition, le vichysme semble tellement plus confortable…