C’est Winston Churchill je crois qui, devant un collaborateur qui lui signalait l’enthousiasme de la foule venue l’écouter à un meeting, avait répondu « il faut toujours se rappeler que si au lieu de venir pour parler je venais pour être pendu, la foule serait deux fois plus nombreuse ». Il n’y a pas loin, en effet de la Roche tarpéienne au Capitole, et c’est ce que doit penser en ce moment Hugo Prévost. Il n’y a pas trois mois, c’était le héros de LFI, le tombeur d’Olivier Véran dans la première circonscription de l’Isère. Aujourd’hui, ce n’est plus qu’un paria, ayant perdu veau, vache, cochon, couvée, renié par l’organisation étudiante qu’il a co-fondé, expulsé par le l’organisation politique qui l’a fait élire, abandonné même par celle qui était sa suppléante. La pression a été telle qu’il a préféré démissionner de son siège plutôt que de combattre. Remarquez, c’est un bien pour un mal : libéré du syndicalisme étudiant et du démon de la politique, il pourra peut-être – contrairement à beaucoup de ses petits camarades – finir ses études dans les meilleures conditions et apporter quelque chose à son pays en faisant un travail honnête. Ce qui est bien plus que ne font un certain nombre de députés LFI.
Mais qu’est ce qui a entraîné sa chute ? A la vérité, nous n’en savons rien. Le public – et je compte là-dedans les électeurs de la 1ère circonscription de l’Isère, qui se retrouvent sans député sans savoir pourquoi et sans qu’on leur ait demandé leur avis – ne peut se fier qu’à trois sources : un premier communiqué de presse du syndicat étudiant « Union étudiante » en date du 8 octobre, un second signé du « groupe parlementaire de la France insoumise » de la même date, et enfin le communiqué de l’intéressé daté du jour suivant annonçant sa démission. Mais le lecteur qui espère savoir précisement ce qui est reproché à Hugo Prévost, et quelle est sa réponse en seront pour leurs frais. Car ces trois documents font dans l’ellipse, l’allusion, l’ambigüité entre ce qui est affirmé, ce qui est supposé, et ce qui est prouvé.
A l’époque glorieuse de la Sainte inquisition – à laquelle certain.es, semble-t-il, ont envie de nous ramener – l’accusé n’avait qu’à se résigner à son sort. Comme l’Eglise a toujours raison, le simple fait que la personne soit accusée prouve qu’il est coupable. Toute autre issue ne pouvait que conduire à douter de l’infaillibilité de l’Eglise, et était donc trop dangereuse pour être envisagée. On ne peut que penser à cette logique lorsqu’on lit le communiqué de presse de « l’Union étudiante ». Il commence, comme c’est la tradition de ce type d’organisation, par un slogan en gras et corps trente, qui annonce « Agresseurs on vous voit, dégagez de nos orgas ». Et en cloture, un deuxième slogan, toujours en gras corps trente : « Victimes, on vous croit ». Le problème, comme mes lecteurs n’auront pas manqué de le noter, c’est que cette dernière formule est circulaire : la « victime » ne se constitue que par ses propres déclarations. Je suis « victime » du fait que je me déclare « victime ». Et si je me déclare « victime », faut-il me « croire » ? On voit qu’on se trouve devant un énoncé vide : si je crois celui qui se déclare victime, je respecte l’énoncé. Et si je ne crois pas ce que la personne déclare, alors ce n’est plus une victime, et l’énoncé est toujours respecté. Mais bien sûr, c’est là une subtilité qui échappe à ce genre de militants, parce que là où ils écrivent « Victimes, on vous croit », ce qu’ils pensent, en fait, c’est « vous qui vous prétendez victimes, on vous croit ». Et ce n’est pas du tout la même chose.
Intéressons-nous maintenant à ce qui se trouve entre le slogan d’ouverture et celui de fermeture, c’est-à-dire aux deux pages de texte dont on suppose qu’elles nous expliqueront ce qui est reproché à Hugo Prévost. De quoi s’agit-il ? De « témoignages » qui « font état de faits de harcèlement moral et sexuel, de schémas de prédation, faits graves pénalement repréhensibles à caractère sexuel », faits qui « s’étalent sur une période allant de 2020 à 2024 ». Le problème, c’est que lorsqu’il faut préciser les faits, on tombe dans le classique charabia des dragons du genre. Hugo Prévost se serait ainsi rendu coupable d’avoir « de manière répétée, isolé, rabaissé, dénigré et insulté de façon systémique (?) des femmes ». Pire, « les témoignages réunis soulignent une volonté de contrôle sexuel et politique des femmes ».
On aurait envie d’approfondir la question de savoir comment on fait pour « insulter de façon systémique », mais c’est là un débat de spécialistes. On ne peut par contre éviter de se demander pourquoi des comportements de ce type ont été tolérés pendant cinq ans. Car le communiqué est sans ambiguïté sur ce point : « les comportements aujourd’hui reprochés à Hugo P. (notez l’abréviation du nom) étaient connus de certain.es depuis plusieurs mois voire plusieurs années (…). A de nombreuses reprises les propos et les comportements sexistes d’Hugo Prévost ont notamment fait l’objet de critiques, de points et d’interventions auprès de lui, en vain ». On va même plus loin dans la précision : « Malgré cela et malgré les formations de prévention aux violences sexistes et sexuelles et aux risques psycho-sociaux dont il a pu bénéficier, son comportement n’a pas changé. Au contraire, plus il a pris de l’importance et du pouvoir au sein du syndicat, plus sa violence s’est amplifiée ».
Autrement dit, ces comportements étaient bien connus depuis quatre ans. Pourquoi l’organisation s’est tout à coup décidé à parler, juste après l’élection de Hugo Prévost à l’Assemblée nationale ? Et surtout, comment se fait qu’un syndicat, réputé indépendant, saisisse non pas ses propres instances, non pas la justice, mais le « comité contre les violences sexistes et sexuelles » de LFI, cette sorte de tribunal d’inquisition interne qui a servi plusieurs fois aux basses œuvres de la direction du mouvement lorsqu’il s’est agi d’éliminer des personnalités gênantes ? Pourquoi, alors que les faits seraient « pénalement répréhensibles » aucune plainte n’a été déposée ?
La réponse de l’accusé est tout aussi cryptique. Dans son communiqué, après avoir noté qu’il n’avait pas connaissance des accusations portées contre lui lorsqu’il s’est présenté aux législatives, il affirme : « Je mesure la gravité des accusations qui me sont faites. Je m’en suis défendu. Je n’y répondrai pas publiquement. » Tout cela semble pointer le fait qu’il n’admet pas avoir commis les fautes qu’on lui reproche. Et pourtant, il démissionne. Plus intéressant encore, il démissionne « prenant acte de la décision du groupe La France Insoumise » qui vient de l’exclure de ses rangs. Comme si son mandat lui était conféré non pas par les électeurs, mais par son groupe parlementaire. Les électeurs isérois ne sauront donc pas pourquoi leur député les abandonne. Ils leur faudra s’en contenter.
Cette triste affaire ne changera rien au destin de la République. Mais elle jette une lumière crue sur la manière dont les « violences sexistes et sexuelles » sont utilisées au sein de LFI pour régler des comptes (1). On l’avait vu dans le cas de Thomas Guénolé, qui s’était permis de critiquer les choix du gourou. On l’avait vu dans l’affaire Taha Bouhafs, où il s’agissait de se défaire d’un candidat dont les déclarations devenaient gênantes. On l’avait vu dans l’affaire Quatennens, qui a permis au couple Bompard-Panot de se débarrasser du dauphin désigné. Dans le cas Prévost, les motivations sont beaucoup moins claires. A-t-il exprimé des critiques en interne ? S’agit-il d’une conséquence des obscurs jeux de pouvoir à l’intérieur de « l’Union Etudiante », comme le laisse penser le communiqué publié par l’organisation ? A-t-il marché sur le pied de Sophia Chikirou ? Les mystères de LFI sont impénétrables…
Descartes
(1) Et ce n’est pas moi qui le dis : « Il faut être francs, ce comité est devenu au fil du temps un rasoir à deux lames. La première sert à dire à l’extérieur que l’on s’occupe du sujet et évite que l’on dépose plainte. La seconde, c’est pour dégager les emmerdeurs, ceux qui veulent des places ou contestent le fonctionnement interne. C’est le cas Guénolé » (Helène Franco, ancienne magistrate et proche de Jean-Luc Mélenchon).
Laissez-moi vous dire que je me contrefiche comme d’une guigne du sort du dénommé Prévost. En s’engageant dans cette secte d’islamo-gauchistes malfaisants, il savait fort bien à qui il avait affaire, et n’ignorait pas que la révolution s’empresse de dévorer ses propres enfants. Ou alors, c’est qu’il ne connaissait pas l’Histoire, hypothèse fort soutenable. On peut juste trouver curieux que ce parti ait cru bon de confier une circonscroption à un individu dont, si je comprends bien, le comportement peccamineux était connu de longue date.
Le problème, c’est que cette “loi des suspects” tente de gagner la société dans son ensemble. “On vous croit” signe la fin de la présomption d’innocence, selon les recommandations de ce crétin absolu de Toubon qui avait préconisé que, dans les affaires à caractère sexuel, la charge de preuve revienne à l’accusé.
@ maleyss
[Laissez-moi vous dire que je me contrefiche comme d’une guigne du sort du dénommé Prévost.]
Moi pas. Vous savez ce qu’on dit… « d’abord ils sont venus chercher les communistes… ». Si on ne défend pas les Prévost aujourd’hui, on risque d’y passer demain. Cela étant dit, il y a une certaine Schadenfreude à voir les dirigeants d’une organisation qui a fait beaucoup pour promouvoir l’idéologi du genre de se faire dévorer par le monstre qu’ils ont créé. C’est ce qu’on appelle chez les Anglais une justice poétique…
[En s’engageant dans cette secte d’islamo-gauchistes malfaisants, il savait fort bien à qui il avait affaire, et n’ignorait pas que la révolution s’empresse de dévorer ses propres enfants. Ou alors, c’est qu’il ne connaissait pas l’Histoire, hypothèse fort soutenable.]
Où voyez-vous une « révolution » ? On peut comprendre que pour faire une révolution on soit prêt à se faire dévorer. Comme le disait Aragon, « on rira de nous d’avoir aimé la flamme/jusqu’à en devenir nous-mêmes l’aliment ». Mais ici, pas de « révolution » en vue. Ce ne sont que des obscurs règlements de compte d’appareils, quand ce n’est pas des basses vengeances personnelles…
[On peut juste trouver curieux que ce parti ait cru bon de confier une circonscription à un individu dont, si je comprends bien, le comportement peccamineux était connu de longue date.]
Mais… est-ce qu’il y a eu de comportement « peccamineux » ? On ne le sait pas. On ne connait ni la nature des faits allégués, ni leur crédibilité. Tout ce qu’on sait, c’est que la nouvelle direction de son syndicat l’accuse, et que la CVSS a retenu l’accusation. Mais on sait aussi que les reproches adressés par les nouvelles directions syndicales aux anciennes ne sont pas forcément désintéressés, et que la CVSS a retenu dans le passé des fausses accusations et monté des faux dossiers – voir le cas Guénolé.
Le fait que Prévost ait été investi comme candidat – et qu’il se soit présenté – plaide pour son innocence : s’il avait commis des actes « peccamineux » en grand nombre, comme le prétend l’accusation, il ne pouvait ignorer que ceux-ci allaient être révélés suite à son élection, selon un scénario devenu classique. Dans ces conditions, pourquoi s’exposer bêtement à la vindicte publique ?
[Le problème, c’est que cette “loi des suspects” tente de gagner la société dans son ensemble. “On vous croit” signe la fin de la présomption d’innocence, selon les recommandations de ce crétin absolu de Toubon qui avait préconisé que, dans les affaires à caractère sexuel, la charge de preuve revienne à l’accusé.]
Exactement. Mon but, vous l’aurez compris, ce n’est pas de défendre Prévost, pour qui je n’ai aucune sympathie particulière. Mon but, c’est de défendre un principe, celui de la présomption d’innocence. Mais cette vague puritaine ne vient pas de nulle part : elle traduit l’américanisation de notre société. La société américaine vit une contradiction permanente entre une hyper-sexualisation de l’imaginaire – il suffit de regarder une série américaine comme « the big bang theory » ou « mon oncle charlie » pour s’en convaincre – et un puritanisme qui fait que tout ce qui évoque le sexe dans la vie réelle sent le soufre. La France, à l’inverse, était jusqu’à il n’y a pas si longtemps le pays où l’on savait mélanger les plaisirs, ceux de la table, ceux de l’apparence, ceux du sexe, et tout ça sans culpabilité. Et parce qu’on n’est pas avec l’autre que pour le sexe, on pouvait avoir un regard détendu sur les rapports sexuels – il faut voir ou revoir « le roi d’Yvetot », le quatrième et dernier sketch du « Petit théâtre » de Jean Renoir, pour voir de quoi je parle.
Mais ça, c’était avant. Avant qu’on soit rattrapés par la patrouille américanisée des dragons de vertu pour qui, au fond, tout rapport sexuel est un viol puisque dans une société aliénée aucun consentement ne peut être valable (voir les écrits de Katarina McKinnon). Et du coup, nous vivons dans un monde mental ou l’homme est réduit au rôle du prédateur qui ne cherche que le sexe, et la femme au rôle de victime plus ou moins consentante. Il n’y a plus de place dans ce monde triste à pleurer pour la tendresse, pour le plaisir d’être ensemble dont le sexe n’est finalement qu’un aspect, et pas forcément le plus important.
Hypothèse d’autant plus soutenable qu’un de ses collègues a déclaré à la radio :
“Je connais pas tellement l’histoire que cela. J’apprends, aussi. Je ne sais pas qui est Pétain. Bon, j’ai déjà entendu parler de lui, mais… c’est un raciste, quoi !”
@ Vincent
[Hypothèse d’autant plus soutenable qu’un de ses collègues a déclaré à la radio : “Je connais pas tellement l’histoire que cela. J’apprends, aussi. Je ne sais pas qui est Pétain. Bon, j’ai déjà entendu parler de lui, mais… c’est un raciste, quoi !”]
Il s’agit de Sébastien Delogu, et les propos exacts tenus le 12 septembre méritent d’être rappelés : « Je n’ai pas vu ce qu’il a écrit, mais je ne connais pas tellement l’histoire, j’apprends aussi. Je ne sais pas qui est Pétain. J’ai entendu parler de lui, je sais qu’apparemment, c’est un raciste ». Cette affaire me paraît intéressante parce qu’elle illustre l’ignorance décomplexée de l’extrême gauche. La question de l’individu est secondaire : le fait est qu’il a été sélectionné comme candidat et que son parti n’a rien fait pour le former. Ce qui apparaît ici, c’est la vieille croyance gauchiste que « le peuple » a d’une certaine façon la science infuse. Qu’un individu « venu du peuple » peut, sans connaître l’histoire de son pays, légiférer pour le bien de tous. Parce que l’essentiel n’est pas dans la connaissance, mais dans la sensibilité.
Cela va dans le sens contraire de la tradition communiste, qui elle aussi était soucieuse de la promotion des militants ouvriers, mais qui était très consciente du besoin d’éducation et de formation pour en faire de véritables dirigeants populaires. J’imagine mal un député du PCF d’avant la « mutation » sortir une chose pareille.
@ Descartes
[“à laquelle certain.es”, “connus de certain.es”]
Oh non, pas l’écriture inclusive ! Pitié !
@ Bob
[Oh non, pas l’écriture inclusive ! Pitié !]
A moins que vous fassiez du 3ème degré, je crains que l’ironie de mon propos ne vous ait échappé…
@ Descartes
Au-delà du 2e degré, on s’y perd…
Oui, cette ironie m’avait échappé, et maintenant qu’elle m’apparait, je la trouve fort bien vue.
Sur l’anecdote de Churchill, encore faut-il qu’il y est du monde pour la pendaison de Hugo Prévost. Sauf que comme disait @maelyss tout le monde s’en fiche à part le petit milieu gauchiste. Je ne vois pas l’intérêt à parler de cette affaire.
@ Glarrious
[Sur l’anecdote de Churchill, encore faut-il qu’il y est du monde pour la pendaison de Hugo Prévost.]
Oui, enfin… Prévost n’est tout de même pas Churchill. Et les faits donnent raison au vieux Winston: sa défenestration a été bien plus suivie par les médias que n’importe lequel de ses discours !
@ Glarrious
[Sur l’anecdote de Churchill, encore faut-il qu’il y est du monde pour la pendaison de Hugo Prévost.]
Oui, enfin… Prévost n’est tout de même pas Churchill. Et les faits donnent raison au vieux Winston: sa défenestration a été bien plus suivie par les médias que n’importe lequel de ses discours !
[Oui, enfin… Prévost n’est tout de même pas Churchill. Et les faits donnent raison au vieux Winston: sa défenestration a été bien plus suivie par les médias que n’importe lequel de ses discours !]
Hahaha ! Je ne vous savais pas cruel. 😀
C’est assez cocasse de la part de Sarah Legrain de faire ce genre de discours.
Je me demande ce qu’elle cherche à faire en disant ça.
@ Glarrious
[C’est assez cocasse de la part de Sarah Legrain de faire ce genre de discours.(…)]
Le plus amusant dans cette pièce c’est le débit. Au début, Legrain semble presque en larmes, et puis tout à coup elle commence à lire son texte avec un débit rapide et une voix claire. On comprend mal cette transition, chez quelqu’un qui a non seulement une expérience parlementaire, mais qui en plus est une enseignante et donc habituée à parler devant un auditoire. Pour le reste, franchement, cela rappelle furieusement certains discours du genre “ils sont partout” des années 1930…
@ Glarrious @ Descartes
Quelle mauvaise comédienne, pire que Macron.
Que de mots pour… ne rien proposer. C’est ça le plus affligeant selon moi.
“Pas tous des violeurs, mais des violeurs partout”. Avec de tels discours (et de tels députés), on n’est pas sorti de l’auberge…
Les comportements imputés à Prévost étaient connus depuis des années. Il même suivi des “formations de prévention aux violences sexistes et sexuelles et aux risques psycho-sociaux”.
Non seulement il n’a pas été mis plus tôt à l’écart, mais “il a pris de l’importance et du pouvoir au sein du syndicat”.
Les bras m’en tombent. C’est quoi, ce monde ?
@ xc
[Les comportements imputés à Prévost étaient connus depuis des années. Il même suivi des “formations de prévention aux violences sexistes et sexuelles et aux risques psycho-sociaux”.]
C’est en tout cas ce qu’affirme son syndicat. Mais est-ce la vérité ? C’est là toute la question…
Franchement, quand on voit les résultats de ce sondage, comme celui sur la baisse des rapports sexuels dans notre société, ça donne envie de pleurer. Le puritanisme (ou l’hypocrisie, choisissez) est partout décidément.
https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2024/10/120531_40-Resultatsdetailles.pdf
On devine la volonté des commanditaires du sondage de tirer parti de l’émotion suscitée par un fait divers. Il faut sans doute relativiser les résultats, car l’opération semble tout de même très orientée.
Ce qui m’attriste personnellement, c’est de découvrir que 65% des sondés sont d’accord avec l’affirmation « L’affaire Mazan illustre le fait que, en matière de violences sexistes et sexuelles, tous les hommes portent une part de responsabilité et/ou de culpabilité », alors qu’ils sont également 59% à être d’accord avec l’affirmation contraire : « Les hommes concernés par l’affaire Mazan sont des cas particuliers, qu’il ne faut pas confondre avec la très grande majorité des hommes ».
Et lorsque l’on regarde le détail par niveau d’étude, ces pourcentages sont de 58 et 58 pour les diplômés supérieurs. L’un des commentaires du billet “qu’on lui coupe la tête” évoquait la baisse du niveau en logique des stagiaires de Sciences-Po et les conséquences de l’abandon de cette discipline dans l’enseignement des mathématiques à l’école. En voici une triste illustration.
@ CZ
[Ce qui m’attriste personnellement, c’est de découvrir que 65% des sondés sont d’accord avec l’affirmation « L’affaire Mazan illustre le fait que, en matière de violences sexistes et sexuelles, tous les hommes portent une part de responsabilité et/ou de culpabilité », alors qu’ils sont également 59% à être d’accord avec l’affirmation contraire : « Les hommes concernés par l’affaire Mazan sont des cas particuliers, qu’il ne faut pas confondre avec la très grande majorité des hommes ».]
Cette contradiction est très révélatrice d’une tendance de notre société. Les deux questions reprennent en fait deux pôles d’une alternative : d’un côté celle qui affirme la culpabilité collective des hommes, de l’autre celle qui souligne la singularité. Dans les différentes « émissions de bavardage » – c’est la juste traduction de « talk show » que j’aie trouvée – les commentateurs oscillent en permanence entre les deux positions illustrées par ces réponses. Ce que l’on voit ici, c’est que lorsque les média-spectateurs que nous sommes sont devant une alternative complexe, ils refusent le choix. C’est pourquoi ils se manifestent « d’accord » avec les deux affirmations, passant sur le fait qu’elles sont contradictoires.
Ce réflexe est à rattacher au succès dans l’opinion du « en même temps » macronien, qui occulte en fait le refus des choix, l’idée qu’on peut avoir le beurre et l’argent du beurre, qu’on peut poser en principe qu’il faut « croire la victime » tout en préservant la présomption d’innocence, qu’on peut à la fois parler de culpabilité collective et maintenir que la responsabilité est individuelle.
[L’un des commentaires du billet “qu’on lui coupe la tête” évoquait la baisse du niveau en logique des stagiaires de Sciences-Po et les conséquences de l’abandon de cette discipline dans l’enseignement des mathématiques à l’école. En voici une triste illustration.]
Je ne pense pas que ce soit une question de « logique », mais plutôt un refus de choisir.
Il a peut-être été piégé comme le chevalier Des Grieux ? Si oui, il aurait du faire attention et écouter Jacques Brel :
Vas-y pas, Gaston
Même si elle te raconte
Que sa mère est gentille
Vas-y pas, Gaston
Même si elle ose te dire
Qu’elle t’aime pour la vie
Même si elle te supplie
De l’amener à la ville
Elle sera ta Manon
Tu s’ras son Des Grieux
Vous serez deux imbéciles
@ Manchego
[Il a peut-être été piégé comme le chevalier Des Grieux ?]
Franchement, j’ai mes doutes. J’ai du mal à imaginer Prévost en chevalier Des Grieux, et surtout à concevoir les syndicalistes étudiantes qu’il fréquentait en Manon Lescaux…
Bonjour,
Je voudrais simplement faire remarquer que la comparaison avec la “Sainte Inquisition” a certaines limites. Je ne veux pas revenir sur les débats qui animent le milieu des historiens sur l’ampleur de la répression orchestrée par l’Inquisition, de même que la façon dont l’Inquisition a été utilisée comme repoussoir par les penseurs anglais pour diaboliser l’Espagne de l’époque moderne, et par les Lumières pour englober dans un même obscurantisme réducteur tout ce qui avait existé avant la naissance de Voltaire.
Je voudrais surtout faire remarquer que la Sainte Inquisition, contrairement aux comités des dragons de vertu de LFI, n’était pas un tribunal informel, mais bien une structure officielle. On peut reprocher beaucoup de choses à l’Eglise catholique – il est d’ailleurs d’usage de tout lui reprocher de nos jours, de l’esclavage à la “culture du viol” en passant par les crimes du III° Reich – mais l’Eglise a toujours eu une politique institutionnelle, et le culte des institutions. L’Inquisition est un tribunal institué, un tribunal qui a des prérogatives définies, un tribunal qui suit des procédures précises. Être membre de l’Inquisition était une charge officielle. On est bien loin du fonctionnement des comités de surveillance gauchistes de LFI, dont la composition n’est pas clairement connue, dont les procédures sont parfaitement nébuleuses, dont les décisions n’ont pas de réelle valeur juridique (alors que les condamnations de l’Inquisition entraînaient des peines bien réelles). La plupart des affaires traitées par l’Inquisition ne l’étaient pas dans le cadre de petits règlements de compte entre ambitieux.
La fonction de l’Inquisition se rapproche de celle des tribunaux staliniens des années 30: son rôle est de défendre une idéologie et l’ordre social qui en découle, au prix sans doute de violations flagrantes de ce que nous estimons être les règles d’un procès équitable. Rien à voir avec les comités des dragons de vertu de LFI qui ne défendent aucune idéologie – d’ailleurs les condamnés adhèrent généralement à l’idéologie de ceux qui les condamnent – et qui ne cherchent nullement à préserver quelque ordre social que ce soit, tant il est vrai que le gauchiste ne se complaît que dans le désordre. Voilà d’ailleurs une autre différence: l’Inquisition est instituée avec une claire volonté d’encadrer et de maintenir l’ordre dans la société, parce que l’hérésie est vue comme source de désordre (ce qui d’ailleurs n’est pas totalement faux). Les comités de vertu gauchistes, eux, ne cherchent qu’à entretenir le désordre au profit d’un homme, Jean-Luc Mélenchon, dont on découvrira tôt ou tard qu’il a eu dans sa vie bien des gestes et des paroles sexistes…
@ Carloman
[Je voudrais simplement faire remarquer que la comparaison avec la “Sainte Inquisition” a certaines limites. Je ne veux pas revenir sur les débats qui animent le milieu des historiens sur l’ampleur de la répression orchestrée par l’Inquisition, de même que la façon dont l’Inquisition a été utilisée comme repoussoir par les penseurs anglais pour diaboliser l’Espagne de l’époque moderne, et par les Lumières pour englober dans un même obscurantisme réducteur tout ce qui avait existé avant la naissance de Voltaire.]
Ma référence à la Sainte Inquisition était plus littéraire qu’historique. Je sais bien que la vision littéraire de l’Inquisition doit plus à la propagande – d’abord des protestants, puis des Lumières – qu’à la vérité historique.
[L’Inquisition est un tribunal institué, un tribunal qui a des prérogatives définies, un tribunal qui suit des procédures précises. Être membre de l’Inquisition était une charge officielle. On est bien loin du fonctionnement des comités de surveillance gauchistes de LFI, dont la composition n’est pas clairement connue, dont les procédures sont parfaitement nébuleuses, dont les décisions n’ont pas de réelle valeur juridique (alors que les condamnations de l’Inquisition entraînaient des peines bien réelles). La plupart des affaires traitées par l’Inquisition ne l’étaient pas dans le cadre de petits règlements de compte entre ambitieux.]
Vous avez parfaitement raison. L’Eglise catholique a beaucoup de défauts, mais la préférence pour les structures « gazeuses » n’en est pas une. L’Eglise catholique est plus qu’une institution : c’est une institution instituante, c’est-à-dire, capable de créer elle-même des institutions. L’inquisition n’était pas un organe « gazeux », ni même un organisme séparé, au contraire : parce qu’elle était investie d’un pouvoir considérable, elle était soumise à des règles précises et à un contrôle étroit, pour l’empêcher de devenir un pouvoir concurrent du pouvoir papal.
[La fonction de l’Inquisition se rapproche de celle des tribunaux staliniens des années 30: son rôle est de défendre une idéologie et l’ordre social qui en découle, au prix sans doute de violations flagrantes de ce que nous estimons être les règles d’un procès équitable.]
La comparaison est très bonne je pense. Et le problème de ces tribunaux – et c’était là mon point en faisant l’analogie – est qu’ils ne peuvent qu’être infaillibles. Autrement dit, admettre qu’ils se sont trompés remettrait en cause la confiance en l’idéologie et l’ordre social qu’on cherche à défendre. C’est pourquoi les accusés ne peuvent qu’être déclarés coupables. C’est d’ailleurs ce qui explique que certains accusés aux procès staliniens se soient reconnus coupables et aient été fusillés en criant « vive Staline ». Ils se savaient pourtant innocents, mais estimaient que leur mort servait l’idéologie en question.
[Rien à voir avec les comités des dragons de vertu de LFI qui ne défendent aucune idéologie – d’ailleurs les condamnés adhèrent généralement à l’idéologie de ceux qui les condamnent – et qui ne cherchent nullement à préserver quelque ordre social que ce soit, tant il est vrai que le gauchiste ne se complaît que dans le désordre.]
C’est je pense très bien vu. Les membres de ce genre d’instance veulent imposer des préférences et des empathies personnelles, et non une logique idéologique.
[Voilà d’ailleurs une autre différence: l’Inquisition est instituée avec une claire volonté d’encadrer et de maintenir l’ordre dans la société, parce que l’hérésie est vue comme source de désordre (ce qui d’ailleurs n’est pas totalement faux). Les comités de vertu gauchistes, eux, ne cherchent qu’à entretenir le désordre au profit d’un homme, Jean-Luc Mélenchon, dont on découvrira tôt ou tard qu’il a eu dans sa vie bien des gestes et des paroles sexistes…]
« Cherchent à entretenir le désordre… » là vous y allez un peu fort. Je pense surtout que la conjugaison d’une structure « gazeuse » qui est donc incapable d’imposer des règles claires, et le pouvoir accordé aux personnes qui siègent dans ces instances pour suivre leurs penchants personnels fabriquent naturellement le désordre. Et chacun essaye de tirer parti de ce désordre, avec des résultats variables. Mélenchon a utilisé le CVSS pour se débarrasser de gêneurs comme Guénolé, mais s’est pris une tarte quand le comité a coulé son dauphin, pour le plus grand plaisir des autres concurrents.
@ Descartes,
[Ma référence à la Sainte Inquisition était plus littéraire qu’historique.]
Je pense que votre référence est liée au fait que l’Inquisition, comme les comités de vertu, prétendait s’immiscer dans les aspects les plus privés, les plus intimes de la vie des gens. En ce sens, en effet, les comités de vertu de gauchistes ont un côté inquisitorial. Et si on ajoute à cela la présomption de culpabilité avec l’idée que l’homme est de toute façon un pécheur…
@ Carloman
[Je pense que votre référence est liée au fait que l’Inquisition, comme les comités de vertu, prétendait s’immiscer dans les aspects les plus privés, les plus intimes de la vie des gens. En ce sens, en effet, les comités de vertu de gauchistes ont un côté inquisitorial.]
C’est en effet un point valable, mais ce n’était pas la raison pour laquelle j’ai pris cette référence. Je pensais plutôt à la logique inquisitoriale qui voulait que, puisque l’Eglise l’accusait, l’accusé ne pouvait qu’être coupable. Toute autre issue ne pouvait que jeter le doute sur l’infaillibilité de l’Eglise elle-même. On voit la même logique chez certains anti-dreyfusards, pour qui Dreyfus devait être considéré coupable non parce qu’il l’était, mais parce que son innocence remettrait en cause l’institution militaire.
“qu’il y ait” et non ” qu’il y est”
pitié pour le français!
@ Marie
[“qu’il y ait” et non ” qu’il y est”. Pitié pour le français!]
Ne soyez pas trop dure… si l’on veut que les échanges aient une certaine agilité, il est difficile de trouver le temps de se relire. Je peux vous assurer que la plupart des contributeurs de ce blog non seulement ont une grande pitié pour le français, mais sont très sensibles à la qualité de la langue. J’ajoute que mes articles contiennent souvent des fautes d’inattention, et que certains lecteurs de ce blog m’envoient leurs corrections par message privé, corrections que j’incorpore au texte avec le plus grand soin. Je profite pour les remercier, ils se reconnaîtront!
Bonjour mon cher René,
je cherche des livres ou des rapports qui auraient trait à la désindustrialisation en France. Auriez-vous quelques références? Il y a le rapport de la commission de de l’assemblée nationale notamment.
Bien cordialement cher Camarade
@ rogers
[je cherche des livres ou des rapports qui auraient trait à la désindustrialisation en France. Auriez-vous quelques références?]
Je ne connais pas de bons livres sur ce sujet. Il y a bien entendu des livres qui ont analysé tel ou tel épisode (la fermeture des mines, l’agonie de la sidérurgie…) essentiellement du point de vue social (comme “la désindustrialisation de la Lorraine du fer” de Pascal Raggi), mais je ne pense pas que ce soit là votre recherche. Du point de vue économique, vous avez quelques bons ouvrages qui exposent la vision plutôt patronale (par exemple, “La désindustrialisation de la France, 1995-2015” de Nicolas Dufourcq) ou socialiste (“le décrochage industriel” d’Elie Cohen) ou, plus difficile et plus général sur les questions économiques “Pour finir avec l’économie de sacrifice” de Guaino. Après, il y a un paquet de rapports officiels (de l’Assemblée, du Sénat, de France stratégie…) qui ne valent pas grande chose à mon avis. Malheureusement, je n’ai pas trouvé de livre qui soit vraiment satisfaisant sur cette question… qui ne semble pas trop intéresser les économistes!
Merci René,
Et pourtant c est une question tellement essentielle… d où vient ce desinteret des economistes d après vous?
@ Rogers
[Et pourtant c est une question tellement essentielle… d où vient ce desinteret des economistes d après vous?]
Je ne sais pas trop. J’ai tendance à penser que la “révolution néolibérale” a poussé les économistes à s’intéresser essentiellement aux problématiques liées au fonctionnement des marchés, que ce soit aux marchés de biens ou aux marchés monétaires. Lorsqu’on regarde les prix nobel d’économie décernés ces trente dernières années, on trouve très peux de lauréats dont les travaux concernent l’économie industrielle et les questions de production.
La secte LFI…il serait bien qu’un jour quelqu’un enquête sur la vie privée de ces gourous…on serait fort surpris.
Des hypocrites, des envieux, des lâches