Macron doit partir !

« Lorsque vous faites usage de la force, il est une chose à ne jamais faire : perdre. » (Dwight Eisenhower)

Rien à faire, même lorsqu’on essaye de prendre de la hauteur, le chroniqueur est un peu l’esclave de l’actualité. Et l’actualité va vite, très vite. Mais elle tourne en rond, ce qui fait qu’on avance très lentement, si tant est qu’on avance vraiment dans ce qui ressemble plutôt à du mouvement brownien – pour ceux qui ont des lettres – ou au comportement d’un poulet sans tête – pour les autres.

Mes lecteurs se souviendront que j’avais accueilli la nomination de Sébastien Lecornu avec un certain optimisme. Après la morgue aristocratique de Barnier et l’imbécilité retorse de Bayrou, on avait finalement un premier ministre conscient du besoin d’une « rupture » et disposé à entendre les forces politiques et sociales. Et ses premiers pas m’ont semblé justifier cet optimisme : rompant avec ses prédécesseurs, il a beaucoup écouté et très peu parlé, ce qui est toujours un bon signe. Il a reçu l’ensemble des partis politiques sans exclusives, l’ensemble des acteurs sociaux sans proscriptions. Il n’a rien annoncé et rien exclu.

Et puis, patatras, le naturel macroniste, chassé un instant, est revenu au galop. Ce fut d’abord le « recadrage » maladroit par lequel le premier ministre, après deux semaines de dialogue, a annoncé que finalement on continuait comme avant. Pas de remise en cause de la réforme des retraites, pas de taxe Zucman, et un budget qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celui que s’apprêtait à déposer Bayrou. Même si le premier ministre laissait la porte ouverte à la discussion parlementaire, même s’il s’engageait à ne pas utiliser l’article 49.3 et de laisser donc le débat aller au bout, cela avait un fort parfum de déjà-vu.

Et puis, il y a eu la « feuille de route », cette lettre que Sébastien Lecornu, que le premier ministre a fait parvenir aux partis du « bloc central » et aux Républicains. Lorsque j’ai vu le texte, mon optimisme a totalement disparu. Pourquoi ? Prenez par exemple le cinquième paragraphe : « Le président de la République a nommé Sébastien Lecornu, Premier ministre, dans ce moment important pour, entre autres priorités, doter la France d’un budget pour l’année 2026 ». Ou bien le huitième : « Partant des échanges que le Premier ministre a eus avec les forces syndicales, territoriales et politiques (….) ». Ou bien encore l’avant-avant-dernier paragraphe : « Il reviendra au gouvernement d’être fidèle à ses engagements vis-à-vis de vous, députés et sénateurs du socle commun (…). Le Premier ministre s’en portera garant ».

Rien ne vous frappe dans ces formules ? Je vous rappelle qu’il s’agit d’un texte en théorie écrit par – ou du moins sous la direction – du Premier ministre. Et pourtant, il dit « le président a nommé Sebastien Lecornu », et non pas « le président m’a nommé ». Il parle « des échanges que le Premier ministre a eus » et non pas « des échanges que j’ai eus ». Il écrit « le Premier ministre s’en portera garant » et non pas « je m’en porte garant ». Autrement dit, l’auteur de ce texte parle du Premier ministre à la troisième personne. La question se pose donc de savoir qui est le vrai auteur de ce texte. D’un texte  qui apparaît plus comme des instructions données publiquement au Premier ministre qu’un engagement de celui-ci. Et poser la question, c’est y répondre.

Emmanuel Macron a encore frappé. C’est l’Elysée qui à réduit la « rupture » annoncée par son premier ministre à néant. Petit à petit, Lecornu a compris que le président n’accepterait aucun changement de trajectoire. Qu’il n’était en fait mandaté que pour « empapaouter » les socialistes – le mot est de l’un de leurs dirigeants – comme l’avait fait Bayrou pour faire passer un budget de continuité. La goutte qui a fait déborder le vase fut la composition du gouvernement. Il suffit de passer en revue ce musée des horreurs pour constater que rien n’allait changer. Entre les revenants et les maintenus, pas de place pour la moindre nouveauté. Qui pouvait imaginer qu’Amélie de Montchalin au budget, Lescure à l’économie, Darmanin à l’intérieur pouvaient incarner une forme de « rupture » ? Même les centristes ont trouvé que les fidèles du président trustaient les places. Sans compter avec les nominations confinant à la provocation, comme celle de Bruno Le Maire, symbole s’il en est de mauvaise gestion et du « recasage » des copains.

Que pouvait-on supputer à la lecture de la « feuille de route » ? Qu’est ce qui apparaissait comme une évidence à l’annonce de la composition du gouvernement ? Que Sébastien Lecornu n’avait pas pu, ou n’avait pas voulu, rompre avec Macron et le macronisme. L’eut il fait, qu’il aurait peut-être réussi à tirer son épingle du jeu, avec le soutien d’une Assemblée dans laquelle le seul élément qui pourrait constituer une majorité est la détestation du Président. Et s’il avait échoué, il aurait au moins emporté au paradis la fierté d’avoir essayé. Mais en restant jusqu’au bout un « homme du président » il a été pris, malgré toutes sa bonne volonté, malgré ses qualités personnelles, dans la contradiction qui paralyse nos institutions de 2022 :  celle créée par un président dont le projet a été rejeté par la nation mais qui se refuse d’en tirer les conséquences, soutenu par un « bloc central » convaincu qu’il peut s’appuyer sur l’atomisation du spectre politique et sur les ficelles institutionnelles pour continuer à gouverner le pays comme si de rien n’était. Un « bloc central » qui appelle le reste du spectre politique au « compromis » et à la « responsabilité », étant entendu que le seul « compromis » acceptable est le soutien à ses politiques et que la « responsabilité » consiste à ne pas y faire obstacle. Tant qu’Emmanuel Macron sera là, tant qu’il n’y aura pas un Brutus pour le poignarder – symboliquement, s’entend, la paralysie demeurera (1).

Ceux de mes lecteurs qui suivent régulièrement ce blog savent qu’on peut difficilement m’accuser d’être un va-t’en guerre en matière institutionnelle. Ce serait plutôt le contraire : je suis au fond de moi un conservateur en la matière. J’ai toujours pensé que les institutions sont les « masses de granit » qui permettent à une société de fonctionner sans tomber dans une guerre de tous contre tous. C’est pourquoi, paraphrasant un grand juriste français, j’hésite à toucher toucher aux institutions autrement qu’avec les mains tremblantes.

Mes lecteurs seront donc peut-être étonnés de me voir joindre ma voix à celles qui demandent le départ d’Emmanuel Macron. Car pour beaucoup de commentateurs la démission d’un président de la République en cours de mandat ne peut qu’affaiblir l’institution présidentielle, clé de voute de notre système politique. Il y en a même pour qui un tel départ sonnerait le glas de la Vème République et ouvrirait la voie à une VIème dont on devine mal les contours.

Personnellement, je ne partage pas ce diagnostic. Je reprends ici la distinction que j’ai fait dans un papier précédent entre l’institution et l’homme qui l’incarne. Lorsque l’homme en question n’est pas à la hauteur de ses fonctions, lorsque sa présence empêche à l’institution de fonctionner, c’est sa permanence qui affaiblit l’institution, et c’est son départ qui la renforce. On peut ici convoquer sans crainte l’histoire. Est-ce que la démission de De Gaulle en 1969, alors que l’impulsion qui lui avait permis de gouverner la France depuis 1958 s’était tarie, a affaibli l’institution présidentielle, ou plus largement les institutions de la Vème ? Non, pas vraiment. Au contraire. Ces institutions, que certains pensaient faites par et pour De Gaulle, ont pu montrer leur capacité à fonctionner sans lui. La démission de mongénéral n’a pas provoqué une crise institutionnelle : Conformément à la Constitution, le président du Sénat a exercé l’intérim, les Français ont été appelés aux urnes, des candidats ont pu présenter leurs projets, le vote a tranché et un nouveau président a été élu, dont la légitimité n’a d’ailleurs jamais été constestée.

Nous sommes aujourd’hui dans une situation de blocage institutionnel. Nous avons un président qui porte une vision, qui veut une politique que le pays a rejeté sans ambigüité. Ce rejet a été occulté en partie par le recours tactique de transformer chaque élection en un plébiscite pour ou contre le Rassemblement national. C’est avec ce recours que Macron a pu se faire réélire en 2022, et que le « bloc central » a évité une débâcle en 2024. A chacune de ces élections, on a pu voir le rejet de la vision macronienne être de plus en plus largement rejetée. Et pourtant, le président refuse catégoriquement d’en tirer les conséquences : malgré ce rejet clairement exprimé, ce sont toujours les mêmes hommes qui sont en place. Et ils prétendent continuer avec les mêmes politiques.

On peut difficilement faire ici abstraction de la psychologie de notre président. Il ne faut pas oublier que c’est un homme qui n’a jamais connu une défaite. Il lui a fallu attendre d’être installé à l’Elysée pour se prendre sa première grande baffe. Il appartient par ailleurs à une génération qui a du mal à gérer la frustration. Il est par ailleurs un séducteur, qui a besoin presque pathologiquement d’être aimé. Est-il capable de se résigner, comme Mitterrand ou Chirac, au fait que le pays ne veut pas de lui ? Il semble que non. Rejeté par le peuple, il arrive à se convaincre qu’il a raison contre lui.

Ce faisant, Emmanuel Macron trahit le rôle que la Constitution confère au président. Parce qu’il faut rappeler que la mission du président n’est pas de « déterminer et conduire la politique de la nation ». Ça, c’est la compétence du Premier ministre. Non, comme le précise l’article 5 de la Constitution, « Le président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État ». C’est pour cette raison que la Constitution limite en temps normal ses pouvoirs purement aux questions institutionnelles : il nomme le Premier ministre et les membres du gouvernement, ainsi que les emplois supérieurs de l’Etat, il peut dissoudre l’Assemblée, il signe les ordonnances… et c’est à peu près tout. Lorsqu’il s’agit de faire un choix de politique publique, la Constitution ne lui donne pas voix au chapitre.

Mais Macron est depuis longtemps sorti du rôle d’arbitre pour endosser en permanence celui du chef de parti. Pire, dans la logique égo-politique, il EST le parti. Depuis 2017 il a couvert de son autorité des actes qui, s’ils respectent la lettre de la Constitution, en trahissent clairement son esprit. En désignant des premiers ministres mandatés pour continuer la même politique sachant qu’ils seraient confrontés à une assemblée qui veut du changement, il a sacrifié le « fonctionnement régulier des pouvoirs publics ». Cette attitude a détruit la confiance des citoyens et crispé les oppositions à un point tel qu’il n’est plus crédible dans le rôle d’arbitre. Et cette perte de crédibilité de l’homme finira tôt ou tard par corroder la crédibilité de l’institution qu’il incarne.

Nos institutions sont construites sur l’idée que lorsque le peuple a parlé, il ne reste au président qu’à se soumettre ou se démettre, sans quoi le système serait paralysé. De Gaulle avait préféré se démettre, Mitterrand et Chirac de se soumettre en acceptant plus ou moins loyalement de cohabiter avec un gouvernement en rupture avec leurs propres convictions. Macron refuse cette option, comme si le peuple ne s’était pas exprimé. Ce faisant, il menace tout l’équilibre institutionnel.

Le résultat des législatives de 2024, transformées de facto en plébiscite, nous disent qu’il n’y a pas de majorité pour mettre en œuvre le projet du RN. Mais elles ne nous donnent aucune indication sur le sens dans lequel les citoyens voudraient voir le pays s’engager. Et sans un mandat clair des citoyens, difficile de trancher les grandes questions qui se posent au pays. Il nous faut collectivement décider ce que nous voulons pour notre industrie, nos infrastructures, notre système éducatif, notre appareil de protection sociale, notre sécurité, notre défense. Et ces décisions nécessitent un véritable débat. Or, ce débat est impossible dans une Assemblée qui n’a reçu du peuple d’autre mandat que d’empêcher l’arrivée au pouvoir du RN, et encore plus chez des citoyens qui ont perdu confiance dans les élites politiques pour mettre en œuvre ce qu’ils auront décidé.

Ce débat, tous les commentateurs sont d’accord, ne peut avoir lieu aujourd’hui. Il ne peut pas avoir lieu parce que les gouvernements sont trop occupés à survivre, et que dans une Assemblée sans mandat sa survie est liée à sa capacité à acheter des voix à gauche et à droite en cherchant à satisfaire les marottes des uns sans perdre les autres. Les déclarations de Sébastien Lecornu renonçant à l’utilisation de l’article 49.3 de la constitution pour faire passer les textes législatifs en général et la loi de finances en particulier reflètent cette situation. Avec une telle logique, impossible d’aboutir à un programme budgétaire cohérent sans une majorité de projet. Dans une Assemblée morcelée, on aurait abouti à un budget qui aurait été le fruit de l’empilement des revendications des uns et des autres, votées par des majorités changeantes au gré des négociations de couloir. Les lobbyistes de tout poil se frottent déjà les mains : comme le montre le précédent de la IVème République, le retrait du pouvoir du gouvernement de discipliner les débats leur ouvre toutes les possibilités (2).

Le débat sur les options que doit prendre notre pays ne peut avoir lieu aujourd’hui parce que les citoyens n’ont plus confiance dans celui qui doit créer les conditions pour qu’il puisse avoir lieu. Ils n’ont pas confiance parce que, quelque soient ses protestations d’écoute aujourd’hui, ils ont pu constater combien le personnage en question a pu ignorer la parole du peuple quand elle ne va pas dans son sens. Le véritable débat, nous dit-on, attendra l’élection présidentielle. Ce qui suppose, dans le calendrier d’aujourd’hui, de traîner la patte jusqu’en 2027. Deux longues années de paralysie c’est beaucoup.

Le président doit tirer les conséquences de cette situation. Il doit constater qu’il lui est impossible aujourd’hui d’assurer ses responsabilités constitutionnelles, qu’il constitue lui-même un obstacle au « fonctionnement régulier des pouvoirs publics ». Rester à l’Elysée, c’est prolonger une situation de paralysie, c’est retarder un débat que tout le monde ou presque estime nécessaire, c’est laisser le pays démuni face à un monde qui change vite. De Gaulle s’était grandi en partant lorsqu’il a constaté – en 1947 comme en 1969 – qu’il n’avait plus la confiance des Français pour faire ce qu’il estimait nécessaire. Mac Mahon s’est ridiculisé avec son « j’y suis, j’y reste ».

Descartes

(1) Le fait que ce Brutus n’apparaisse pas, qu’il n’y ait pas dans le « bloc central » de politicien qui ait les organes que le politiquement correcte m’interdit de nommer ici pour se lever contre le Chef donne d’ailleurs une idée de la déliquescence de notre classe politique. Où sont les beaux complots, les belles conjurations d’antan ? Tous ces Attal, ces Philippe, ces Lecornu qui voient que le macronisme est mort mais n’osent même pas prendre leur indépendance…

(1) On n’insistera pas assez sur le caractère profondément démocratique de l’article 49.3. C’est par ce moyen que le gouvernement peut, devant l’assemblée, défendre la cohérence du texte qu’il propose en prenant la pleine et entière responsabilité. Car il ne faut pas se voiler la face : si le Parlement vote une loi dont les effets sont désastreux, ce ne seront pas les députés qui en porteront la responsabilité politique devant le peuple souverain, ce sera le pouvoir exécutif. Il n’est donc pas déraisonnable de donner à l’exécutif un moyen de mettre l’Assemblée devant ses responsabilités.

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14 réponses à Macron doit partir !

  1. cdg dit :

    Au point ou nous en sommes, je crois que de nouvelles elections s imposent. 
    Mais est ce que ca suffira ? La france est divisé en 3 blocs incompatibles et aucun des 3 ne peut avoir une majorite.
    Supposons que Macron demissionne demain. On a des elections presidentielles avec:
    RN : Badella
    Macroniste : E Philippe 
    LFI Melanchon
    Il y aura peut etre un candidat PS ou LR mais ils n ont aucune chance d arriver au second tour. Ils peuvent juste empecher les macroniste (avec un cnadidat LR) ou LFI (pour PS) d atteindre le second tour
    Au second tour Bardella est elu mais c est par defaut (Melanchon ou Phillipe etant plus rejete que lui). Les legislatives ne lui donneront pas de majorite. Donc on se retrouve comme maintenant. Un gouvernement RN a la merci d une coalition LR-PS-LFI
    Le fond du probleme c est que la France a besoin d un profond changement de cap (qu il soit vers une taxation massive comme vous le preconisez ou au contraire vers une refonte en profondeur de notre modele social comme je le pense). Qui porte ce changement ? personne
    Au contraire, chaque candidat promet la lune et une fois elu se retrouve avec un navire qui fait eau de toute part et il n a aucune legitimite pour ordonner un changement de cap

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Au point ou nous en sommes, je crois que de nouvelles élections s’imposent. Mais est ce que ça suffira ?

      Non. L’élection doit servir à trancher un débat sur les questions de fond. C’est ce débat, plus que l’élection, qui est important. Il faut que les options soient mises sur la table et expliquées aux citoyens, avant que l’élection puisse valablement les trancher.

      [La France est divisée en 3 blocs incompatibles et aucun des 3 ne peut avoir une majorité.]

      Je ne crois pas. Que le petit monde politique soit divisé en trois blocs n’implique nullement que la France le soit. Personnellement, je pense que la France est divisée en deux bocs : les couches populaires d’un côté, le « bloc dominant » de l’autre…

      [Supposons que Macron démissionne demain. On a des élections présidentielles avec:
      RN : Badella
      Macroniste : E Philippe
      LFI Mélenchon]

      Et quels programmes ? Quels projets ? C’est cela qui m’intéresse. Les personnes – et les partis – sont secondaires.

      [Au second tour Bardella est élu mais c’est par défaut (Mélenchon ou Phillipe étant plus rejetés que lui). Les législatives ne lui donneront pas de majorité. Donc on se retrouve comme maintenant. Un gouvernement RN à la merci d’une coalition LR-PS-LFI]

      Vous allez un peu vite. D’abord, il est loin d’être évident qu’un président RN n’aurait pas une majorité à l’Assemblée nationale. Historiquement, le cas ne s’est jamais présenté : TOUS les présidents nouvellement élus – y compris ceux qui l’ont été de justesse, y compris ceux qui n’avaient pas derrière lui une coalition homogène – ont eu une majorité après leur élection. C’est d’ailleurs une question de cohérence : on n’élit pas quelqu’un pour ensuite lui refuser les moyens de gouverner. Ensuite, quand bien même le nouveau président n’aurait une majorité relative, il aurait une légitimité renouvelée pour faire prévaloir ses options, puisque celles-ci auraient été validées par le suffrage universel. Enfin, n’oubliez pas le mot de Malet, conspirateur malheureux contre Napoléon, à ses juges : « le président : quels sont vos complices ? Malet : la France, et vous-même, si j’avais réussi ». Si Bardella entre à l’Elysée, il se trouvera pas mal d’alliés inattendus…

      [Le fond du problème c’est que la France a besoin d’un profond changement de cap (qu’il soit vers une taxation massive comme vous le préconisez ou au contraire vers une refonte en profondeur de notre modèle social comme je le pense).]

      Je ne sais pas pourquoi vous voulez faire de moi un partisan de la « taxation massive ». Après tout, je ne veux « taxer massivement » que les riches…

      [Qui porte ce changement ? personne]

      De quel « changement » vous parlez ? Dans votre précédent paragraphe vous notiez qu’il fallait un changement que ce soit vers ma proposition ou vers les vôtres. Mais ici, vous parlez de « ce changement » comme s’il n’y avait qu’un seul changement possible.

      [Au contraire, chaque candidat promet la lune et une fois élu se retrouve avec un navire qui fait eau de toute part et il n’a aucune légitimité pour ordonner un changement de cap]

      Au risque de me répéter, je pense qu’il ne faut pas accorder trop d’importance aux promesses électorales. Cela fait partie de la parade nuptiale des candidats. Un candidat qui ne promettrait pas la lune ne serait pas élu, et donc ils le font tous. Mais au fond, personne – ni le candidat, ni l’électeur – n’y croit. Ce n’est donc pas là l’obstacle pour « ordonner un changement de cap ».

      Le problème n’est pas dans le processus électoral. Le problème, c’est que « changer de cap » implique ouvrir un conflit. Vous pouvez « changer de cap » pour bénéficier au « bloc dominant » – comme l’a fait Macron – et tôt ou tard il vous faudra affronter la colère de l’électorat populaire. Vous pouvez « changer le cap » pour servir les intérêts des couches populaires, et vous aurez le patronat et les classes intermédiaires sur le dos. Et comme les intérêts de ces deux groupes sont antagonistes – contrairement à ce qui se passait pendant les « trente glorieuses » – vous ne pouvez pas gagner. Alors, les politiciens choisissent la voie médiane, donnant un coup à droite pour plaire aux patrons, un coup à gauche pour plaire au populo… le tout financé à crédit.

      • Vincent dit :

        Je ne sais pas pourquoi vous voulez faire de moi un partisan de la « taxation massive ». Après tout, je ne veux « taxer massivement » que les riches…

        Qu’appelle-t-on les riches ?
        Le problème est que si vous vous concentrez sur les “ultra riches”, comme la taxe Zucman, cela ne représentera presque rien, en montant d’impôts. Avec des risques de fuite d’activité, et de perte d’activité économique pour le pays.
        Si ce sont les “moyens riches”, le problème est que l’on est très rapidement limité par la progressivité qui est déjà extrêmement faible du revenu après distribution. Il sera difficile d’aplatir plus la courbe, surtout si on veut éviter d’accentuer le (réel) problème actuel de fuite des cerveaux.
        En réalité, je vois difficilement comment on pourra redresser les finances publiques, sans effet grave sur l’économie du pays, autrement qu’en allant chercher, d’une manière ou d’une autre (niches fiscale, désindexation, CSG…) chez les retraités.

        • Descartes dit :

          @ Vincent

          [« Je ne sais pas pourquoi vous voulez faire de moi un partisan de la « taxation massive ». Après tout, je ne veux « taxer massivement » que les riches… » Qu’appelle-t-on les riches ?]

          Pour moi, tous ceux dont le revenu est pour l’essentiel constitué de valeur prélevée sur le travail des autres, vulgairement appelé, plus-value. Mais je vous accorde que c’est une vision un poil extremiste. Prenons la limite fixée par Zucman : ceux dont le patrimoine dépasse 100 M€

          [Le problème est que si vous vous concentrez sur les “ultra riches”, comme la taxe Zucman, cela ne représentera presque rien, en montant d’impôts.]

          Si ma mémoire ne me trompe pas, il y a plus d’un millier de contribuables de ce type. En leur demandant à chacun de payer 1 M€ d’impôts (soit moins de 1% de leur patrimoine), on en est déjà à plus d’un milliard. Ce n’est pas « presque rien ».

          [Avec des risques de fuite d’activité, et de perte d’activité économique pour le pays.]

          Pas du tout. C’est là une confusion savamment entretenue par le MEDEF. La taxe Zucman est une taxe sur les PERSONNES, et non pas sur les ENTREPRISES. On pourrait assister à une fuite d’actionnaires, mais certainement pas une fuite d’activités.

          [Si ce sont les “moyens riches”, le problème est que l’on est très rapidement limité par la progressivité qui est déjà extrêmement faible du revenu après distribution. Il sera difficile d’aplatir plus la courbe, surtout si on veut éviter d’accentuer le (réel) problème actuel de fuite des cerveaux.]

          Là encore, il ne faudrait pas trop exagérer. Il est vrai que le bas de la courbe est plat, mais ce n’est pas le cas du haut. Quant à la « fuite de cerveaux »… il faudrait relativiser. La plupart des gens qui ont de forts revenus les tirent du capital, pas de leur « cerveau ».

          [En réalité, je vois difficilement comment on pourra redresser les finances publiques, sans effet grave sur l’économie du pays, autrement qu’en allant chercher, d’une manière ou d’une autre (niches fiscale, désindexation, CSG…) chez les retraités.]

          Autrement dit, chez les salariés. Parce qu’il faut bien voir que la retraite est une forme de salaire différé. Si vous réduisez les retraites, que se passera-t-il ? Les jeunes salariés devront économiser plus pour avoir une retraite équivalente. Si vous retardez l’âge de départ, qui pénalisez vous le plus ? Les ouvriers et les employés, qui ont l’espérance de vie la plus courte. Alphonse Allais avait raison, il faut aller chercher l’argent là où il est : chez les pauvres.

  2. Benjamin dit :

    “Mac Mahon s’est ridiculisé avec son « j’y suis, j’y reste ».”
    Vous vous méprenez ici. Mac-Mahon aurait prononcé cette phrase au temps de la guerre de Crimée alors qu’il participait a la prise de la tour de Malakoff. Bien avant le début de sa vie politique laquelle s’est achevé par sa démission en 1879. Le Maréchal-président a fini par se demettre lui aussi.

    • Descartes dit :

      @ Benjamin

      [“Mac Mahon s’est ridiculisé avec son « j’y suis, j’y reste ».” Vous vous méprenez ici. Mac-Mahon aurait prononcé cette phrase au temps de la guerre de Crimée alors qu’il participait a la prise de la tour de Malakoff.]

      Tout à fait. Mais je ne faisait pas tant référence à la phrase qu’à l’attitude. Mac Mahon a prononcé la célèbre phrase pendant la guerre de Crimée, mais il l’a mise en application lors de son conflit avec la chambre républicaine en 1877. Sa tentative d’y “rester” sera d’ailleurs vaine: il sera obligé à démissionner quelques semaines plus tard.

  3. Bruno dit :

    Bonjour et merci pour votre message.
    La situation n’est pas simple car comme vous l’indiquez justement, chaque élection ou presque devient un référendum pour ou contre le RN, ce qui ne facilite en rien, ni les débats, ni la constitution d’une majorité parlementaire claire. Aujourd’hui, quand bien même le PR voudrait jouer le jeu en nommant quelqu’un qui n’est pas de son camp, qui serait en mesure de recueillir une majorité? Et aussi, qui voyez vous à  “gauche” ou chez les LR faire des compromis et tendre la main aux autres groupes?
    On assisterait, et là encore vous le dites bien, à des marchandages politiques assez pitoyables… La démission du PR, du jour au lendemain, ne résoudrait pas cette difficulté. Nous n’aurions pas en 30/40 jours la possibilité d’avoir les débats pourtant essentiels, et, très certainement, un candidat “central” type Philippe, Bayrou, ect, serait élu contre le candidat RN, enfin, celui autorisé à se présenter… Et après? Imaginons que ce PR par défaut ne dispose, comme Macron après 2022, que d’une majorité relative? Ce serait la bordélisation… Elle ne ferait le bonheur que des politiques et le malheur de la France.
    Un jour vous avez écrit sur ce blog, au sujet de la réforme des retraites, que celle-ci jouissait d’une majorité “de cœur” au sein de l’Assemblée nationale, mais que pour des raisons politiques, une partie de l’opposition (je pense notamment au PS), prétendait aller contre… Ce qui est vrai pour la réforme des retraites l’est également pour 90% des politiques menées par Macron depuis 2017 : rôle croissant de l’UE, renforcement des collectivités au détriment de l’État, aides massives aux entreprises, précarisation du monde du travail….
    La difficulté est qu’aujourd’hui une bonne partie du spectre politique avance masqué, affirmant qu’il mènera une politique alternative. Or, nous savons que ce ne sera pas le cas. Les Français, de plus en plus nombreux, l’ont bien compris, mais de là à donner le pouvoir au RN… Je reste sceptique.
    Enfin, je sais bien que le mode de scrutin ne fait pas tout, mais ne pensez-vous pas que son changement, pour les élections législatives, permettrait d’accélérer la “clarification”. Un mode me semble intéressant, celui pratiqué au Royaume-Uni. Le bloc dominant, menacé de mort en cas de dispersion, serait obligé de se regrouper sous une très large bannière pour contrer le RN. Cela aurait peut-être le mérite de clarifier les choses?!
     
     
     

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [La situation n’est pas simple car comme vous l’indiquez justement, chaque élection ou presque devient un référendum pour ou contre le RN, ce qui ne facilite en rien, ni les débats, ni la constitution d’une majorité parlementaire claire.]

      C’est un peu ce que je disais dans ma réponse à cdg. Le champ politique aujourd’hui ne reflète que très imparfaitement la société. En 1960, les ouvriers avaient leur parti, les enseignants avaient leur parti, les boutiquiers avaient leur parti, les patrons avaient leur parti. Les divisions du spectre politique reflétaient assez largement les divisions socio-économiques. Aujourd’hui, vous avez d’un côté les partis qui répondent aux intérêts du « bloc dominant », dont le langage est essentiellement celui des classes intermédiaires. La diversité de cet ensemble cache en fait une grande unité dans les intérêts qu’ils défendent, et leurs dirigeants se battent pour occuper les postes plus que pour infléchir les politiques. Arrivés aux manettes, on le sait par expérience, ils servent les mêmes intérêts, avec des nuances « sociétales ». De l’autre côté, il y a le RN qui, ayant capté une bonne partie de l’électorat populaire, se trouve nolens volens obligé de le représenter, sous peine de le perdre.

      La volonté du « bloc dominant » de marginaliser les couches populaires rend nécessaire un accord de l’ensemble de ses représentants pour gouverner ensemble. C’est cette synthèse qu’avait réussi Macron en 2017, réunissant dans son mouvement des gens qui allaient de la gauche socialiste à la droite LR. Pourquoi cela ne marche plus ? Parce que le modèle fondé sur l’achat de la paix sociale par l’endettement est en train de se déliter, et avec lui l’alliance entre les classes intermédiaires et la bourgeoisie. Il va falloir se serrer la ceinture, et les classes intermédiaires ont compris que cette fois-ci il ne suffira pas de serrer celle des couches populaires.

      Je me demande si nous n’assistons pas à la fin de l’alliance de classe initiée à la fin des « trente glorieuses » et qui a rendu possible la révolution néolibérale. Peut-être verra-t-on dans les années qui viennent les classes intermédiaires redevenir un acteur autonome, capable de tendre des ponts avec les couches populaires. En tout cas, la rupture du « bloc dominant » ne peut que provoquer une crise politique majeure.

      [Aujourd’hui, quand bien même le PR voudrait jouer le jeu en nommant quelqu’un qui n’est pas de son camp, qui serait en mesure de recueillir une majorité ?]

      Ce président-là, pour moi, est fini. Toute personnalité qu’il pourrait nommer serait immédiatement suspecte. C’est ce que j’ai voulu dire dans mon article : Emmanuel Macron n’a plus aucun crédit dans l’opinion. Personne de censé ne peut lui faire confiance pour jouer loyalement le jeu de l’arbitre au-dessus des partis. Personne qui ait en mémoire ces huit dernières années ne peut croire qu’il est capable de s’incliner avec grâce et accepter le verdict populaire. Même s’il nommait une personnalité incontestable, on le suspecterait de vouloir son échec et de tout faire pour que son vœu se réalise. A supposer même qu’il ait abjuré ses erreurs et veuille bien faire, il lui faudrait des années pour rétablir la confiance. C’est pour cette raison que le meilleur service qu’il puisse rendre à la République, c’est de partir.

      Après, si l’on parle d’un autre président, par exemple quelqu’un de fraîchement élu, la question change. Lui pourrait rechercher une personnalité capable de défendre devant les citoyens un compromis raisonnable, qui distribue l’effort avec justice entre les différents groupes sociaux. Parce que c’est les citoyens qu’il faut gagner, et non pas les partis. Une fois que vous avez les citoyens avec vous, l’arme de la dissolution a une tout autre portée. Mais comment un président qui depuis un an s’obstine à contourner le vote des citoyens pourrait créer ce rapport de confiance ?

      [Et aussi, qui voyez-vous à “gauche” ou chez les LR faire des compromis et tendre la main aux autres groupes ?]

      Les hommes ne sont pas si importants que ça. Lecornu aurait je pense pu parfaitement tendre la main aux autres groupes, s’il n’y avait pas eu la volonté évidente venue de l’Elysée de refuser toute concession sur les « totems » macronistes. Prenez par exemple les socialistes. Que demandent-ils ? Une ouverture sur la réforme des retraites (une suspension, qui laissera l’âge à 63 ans, leur aurait suffi, et par la grâce de la réforme Touraine l’effet sur les finances publiques aurait été minime), une discussion sur la taxe Zucman (qu’on aurait aisément pu ramener à 1%, ce qui là aussi limite singulièrement son effet). Mais le problème, c’est qu’ils ne pouvaient pas se contenter de vagues promesses : après s’être fait « empapaouter » par Bayrou, la confiance n’est plus là.

      Les Français comprennent parfaitement qu’il faudra faire des efforts. Mais ils n’accepteront d’en faire que si leur voisin est logé à la même enseigne. C’est ça le paradoxe : alors qu’on cherche désespérément des personnes prêtes à faire des concessions à tout le monde, il faudrait au contraire un personnage qui ne fasse de concessions à personne. Qui proclame un objectif, et n’accepte aucun « compromis » qui puisse le remettre en question. Qui soit prêt à claquer le beignet aux patrons avec la même force qu’il le claque aux syndicats ou aux retraités. Ce personnage-là aurait peut-être une chance.

      Qui pourrait être cette personnalité ? Il n’y a plus personne à Colombey, alors il faudra faire avec ce qu’on a. Il faudrait aller chercher parmi les reprouvés, parce qu’en général les gens qui ont ce type de rectitude ne sont pas très populaires. A gauche, on a envie de dire Montebourg. A droite, quelqu’un comme Aubert ou Tanguy ?

      [On assisterait, et là encore vous le dites bien, à des marchandages politiques assez pitoyables…]

      Pour les éviter, il faut quelqu’un qui soit sur la logique « qui m’aime me suive ». Mais pour pouvoir faire ce coup-là, il faut avoir le peuple avec soi, ce qui implique d’une part présenter un projet équilibré, et d’autre part être crédible quant à sa volonté de le mettre en œuvre.

      [La démission du PR, du jour au lendemain, ne résoudrait pas cette difficulté. Nous n’aurions pas en 30/40 jours la possibilité d’avoir les débats pourtant essentiels, et, très certainement, un candidat “central” type Philippe, Bayrou, etc, serait élu contre le candidat RN, enfin, celui autorisé à se présenter…]

      Je ne pense pas qu’une démission « sèche » serait une bonne idée, parce que la Constitution laisse un délai très court pour l’élection anticipée. Par contre, le président pourrait s’engager à démissionner formellement par exemple le 1er janvier prochain, ce qui permettrait d’amorcer tout de suite le débat et la campagne en vue d’une élection mi-février.

      [Et après ? Imaginons que ce PR par défaut ne dispose, comme Macron après 2022, que d’une majorité relative ? Ce serait la bordélisation…]

      Au moins aurait-il une autorité et une confiance intacte. Même avec une assemblée sans majorité, cela lui simplifierait la tâche parce qu’il pourrait appeler au peuple par-dessus la tête des dirigeants politiques, ce que Macron ne peut certainement pas faire aujourd’hui.

      Je crois qu’on sous-estime la valeur de la confiance en politique. Le fait de savoir que la personne qu’on a devant soi fera ce à quoi elle s’engage, qu’elle respectera les règles et l’esprit des institutions – y compris quand elles lui sont défavorables – a une valeur certaine. Macron a largement dilapidé ce capital.

      [Un jour vous avez écrit sur ce blog, au sujet de la réforme des retraites, que celle-ci jouissait d’une majorité “de cœur” au sein de l’Assemblée nationale, mais que pour des raisons politiques, une partie de l’opposition (je pense notamment au PS), prétendait aller contre… Ce qui est vrai pour la réforme des retraites l’est également pour 90% des politiques menées par Macron depuis 2017 : rôle croissant de l’UE, renforcement des collectivités au détriment de l’État, aides massives aux entreprises, précarisation du monde du travail…]

      Tout à fait. D’ailleurs, lorsque le PS ou LR ont été au pouvoir, leurs politiques n’ont pas été si différentes de celles mises en œuvre par Emmanuel Macron depuis 2017. Après tout, c’est Jospin qui engage l’ouverture au marché de l’électricité et du gaz, c’est Hollande qui fait la réforme Touraine, et ne parlons même pas des « vagues de décentralisation ». Et c’est logique : tous ces gens font les mêmes politiques parce qu’ils servent les intérêts des couches sociales qui forment le bloc dominant. C’est pourquoi les combats pour savoir quelle personne, quel groupe aura droit aux prébendes et aux postes prennent le pas sur les débats idéologiques.

      [La difficulté est qu’aujourd’hui une bonne partie du spectre politique avance masqué, affirmant qu’il mènera une politique alternative. Or, nous savons que ce ne sera pas le cas. Les Français, de plus en plus nombreux, l’ont bien compris, mais de là à donner le pouvoir au RN…]

      C’est bien la question. Les Français savent qu’avec les partis du « front républicain », rien ne changera. Mais ils savent aussi que donner le pouvoir au RN, c’est plonger dans l’inconnu. Voilà le dilemme aujourd’hui…

      [Enfin, je sais bien que le mode de scrutin ne fait pas tout, mais ne pensez-vous pas que son changement, pour les élections législatives, permettrait d’accélérer la “clarification”. Un mode me semble intéressant, celui pratiqué au Royaume-Uni. Le bloc dominant, menacé de mort en cas de dispersion, serait obligé de se regrouper sous une très large bannière pour contrer le RN. Cela aurait peut-être le mérite de clarifier les choses ?!]

      Je n’en suis pas persuadé. On observe d’ailleurs que la crise institutionnelle qui se manifeste chez nous apparaît sous différentes formes dans l’ensemble des pays européens, avec des systèmes électoraux différents. En fait, ce qu’on peut observer est que les partis politiques s’adaptent au système électoral, et que cette adaptation fait qu’on se trouve à la fin avec des problèmes similaires.

  4. Pseudo dit :

    Gabriel Attal dit ne « plus comprendre » Emmanuel Macron.
    Édouard Philippe souhaite qu’Emmanuel Macron organise “une élection présidentielle anticipée”.

    • Descartes dit :

      @ Pseudo

      [Gabriel Attal dit ne « plus comprendre » Emmanuel Macron. Édouard Philippe souhaite qu’Emmanuel Macron organise “une élection présidentielle anticipée”.]

      C’est plutôt timide, comme critique. Les considérations d’Attal ou de Philippe concernent les décisions tactiques du président. Sur le fond, c’est silence dans les rangs.

  5. Vincent dit :

    Assez d’accord avec vous :
    – Il n’y a pas de solution par une dissolution,
    – Il n’y a pas de solution en continuant comme cela.
    La seule chose qu’il lui reste s’il veut continuer à mener sa politique, c’est l’article 16. Mais je pense qu’il n’osera pas.
    Et il faut donc que le Président s’en aille. Je ne souscris pas non plus à la voix de ceux qui disent que la fonction en sortirait abimée. S’il est vrai que la fonction en sortirait abimée, elle sort surtout abimée d’avoir un Président en place qui se moque absolument de tous les usages et détourne l’esprit des institutions.
     
    En revanche, ce qui m’inquiète, c’est qu’il faudra que le prochain Président ait une légitimité incontestable. Comme Chirac en 1995, Sarkozy en 2007, Hollande en 2012, ou même d’une certaine manière Macron en 2017. On ne peut pas recommencer avec une campagne escamotée ou une élection faussée, comme en 2002 ou en 2022.
    Or avec une démission, le délai ne permettra pas d’avoir une élection avec une vraie campagne. Et avec MLP inéligible, la candidate favorite serait dans l’impossibilité de se présenter. Tout ceci fait qu’en cas de démission, la légitimité du futur président ne serait pas totale, l’empêchant de pouvoir mener pleinement sa politique.
    Je ne vois donc aucune issue idéale. Sans doute la moins mauvaise solution serait que le Président annonce sa démission pour dans 6 mois, afin qu’une vraie campagne puisse avoir lieu d’ici là ? Mais j’imagine mal une personnalité comme la sienne faire cela. Un “après moi le déluge” serait bien son genre.

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [En revanche, ce qui m’inquiète, c’est qu’il faudra que le prochain Président ait une légitimité incontestable. (…) Or avec une démission, le délai ne permettra pas d’avoir une élection avec une vraie campagne.]

      Pour cela, on peut faire une démission « différée ». Autrement dit, le président annonce son intention irrévocable de démissionner à la date du 1er janvier prochain. Cela veut dire que l’élection aurait lieu mi-février. Cela donne tout le temps nécessaire pour une « vraie campagne ».

      [Et avec MLP inéligible, la candidate favorite serait dans l’impossibilité de se présenter. Tout ceci fait qu’en cas de démission, la légitimité du futur président ne serait pas totale, l’empêchant de pouvoir mener pleinement sa politique.]

      Le président pourrait, dans le cadre de ce débat, accorder une grâce partielle concernant la peine d’inéligibilité.

      [Je ne vois donc aucune issue idéale. Sans doute la moins mauvaise solution serait que le Président annonce sa démission pour dans 6 mois, afin qu’une vraie campagne puisse avoir lieu d’ici là ? Mais j’imagine mal une personnalité comme la sienne faire cela. Un “après moi le déluge” serait bien son genre.]

      Malheureusement, oui.

  6. Vincent dit :

    (1) Le fait que ce Brutus n’apparaisse pas, qu’il n’y ait pas dans le « bloc central » de politicien qui ait les organes que le politiquement correcte m’interdit de nommer ici pour se lever contre le Chef donne d’ailleurs une idée de la déliquescence de notre classe politique. Où sont les beaux complots, les belles conjurations d’antan ? Tous ces Attal, ces Philippe, ces Lecornu qui voient que le macronisme est mort mais n’osent même pas prendre leur indépendance…

    Attal et Philippe font ce qu’ils peuvent. Ils ne sont pas tendres avec le Président. Mais il faut admettre que ça n’imprime pas.
    Attal est trop une copie conforme de Macron. De même que Copé était trop une copie conforme de Sarkozy. La détestation du modèle se transfère immédiatement sur la copie, sans qu’il n’y puisse rien.
    Philippe, lui, a trop de casseroles et d’ennemis. Mais, à deux deux, ils ont les positions de pouvoir qui leur permettent de “flinguer” n’importe quel autre rival qui se manifesterait. Ils stérilisent donc toute succession possible de Macron.
    Accessoirement, Macron lui même de cherche-t-il pas à supprimer toute succession possible ?

    • Descartes dit :

      @ Vincent

      [Attal et Philippe font ce qu’ils peuvent. Ils ne sont pas tendres avec le Président. Mais il faut admettre que ça n’imprime pas.]

      Franchement, ils sont d’une timidité de violette. Attal dit « ne pas comprendre », mais son incompréhension ne s’étend qu’aux choix tactiques de Macron. Il n’y a là aucune critique sur le fond. Même chose pour Philippe, qui n’exprime même pas une critique. Mais peut-être que ce qui retient leur main à l’heure de prendre l’arme est le célèbre adage « celui qui porte le poignard ne porte pas la couronne ». Brutus a beau assassiner César, ce n’est pas lui, mais Octave, qui ceindra la couronne impériale… Je ne sais pas si Philippe ou Attal ont cet exemple en tête, mais savent très bien que le premier qui attaquera macron risque de laisser l’autre prendre l’héritage…

      [Accessoirement, Macron lui même de cherche-t-il pas à supprimer toute succession possible ?]

      Il est très difficile de pénétrer la psychologie de Macron. On ne peut pas dire qu’au cours de sa carrière publique la question de la succession l’ait taraudé. Aucun des personnages de son « premier cercle » (Emmélien, Kohler…) n’était un possible successeur. Parmi les hommes dont il s’est entouré dans sa marche triomphale vers le pouvoir, la plupart étaient plus vieux que lui, et donc pas des successeurs potentiels. Quant aux jeunes, on ne peut pas dire qu’il ait été très « paternel » envers eux.

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