Parmi les formules énervantes qui émaillent le discours politique de la soi-disante « vraie gauche », il y en a une qui m’énerve particulièrement. C’est celle selon laquelle « 1% de la population possède plus de richesses que le 99% restant ». Et si elle m’énerve, ce n’est pas seulement parce que je suspecte fortement que les chiffres sont faux, mais parce que cette formule révèle une profonde incompréhension pour la chose économique. On en est arrivé à un point où la bienpensance de gauche méprise tellement les sciences économiques – car c’est bien de science qu’il s’agit – qu’elle se croit autorisée à dire n’importe quoi.
La faiblesse de cette formule se trouve bien entendu dans le mot « richesses ». Et ce mot est problématique à un double titre. D’abord, considérons la problématique de l’évaluation. A supposer qu’on arrive à définir un ensemble de biens qui constituent les « richesses » susceptibles d’être possédées, encore faut-il les évaluer dans la même unité pour pouvoir décider quel pourcentage est possédé par tel ou tel acteur économique. Ce qui suppose de donner une valeur monétaire à chaque bien. Et quelle valeur prendrons nous ? Certains proposeront de prendre la valeur de marché. Et cela pose deux problèmes : certains biens sont hors marché. Par exemple, combien vaut le Rhône – vous savez, la rivière qui coule dans le sud de la France – dont le lit et les berges font partie du domaine public de l’Etat ? Combient vaut La Gioconde ou la Venus de Milo ? La deuxième problématique est celle des effets sur le marché. Lorsqu’on dit que le domaine foncier de l’Etat vaut tant, cela veut dire que l’addition des prix auquel chaque terrain pourrait être vendu individuellement sur le marché atteint telle somme. Mais il est bien évident que si l’Etat venait à vendre tous ces terrains, il injecterait sur le marché une masse telle que les prix baisseraient en flèche, et obtiendrai pour l’ensemble bien moins que la somme des valeurs individuelles. En d’autres termes, le tout est inférieur à la somme des parties…
Mais la question la plus épineuse dans l’évaluation de la « richesse » est celle qui est posée par la dualité entre les biens « réels » et les biens « virtuels », entre les bâtiments et les machines qui font l’actif d’une entreprise et les titres – actions – censés les représenter, entre les biens matériels et la monnaie censée pouvoir les acheter. Aussi longtemps qu’on croit que c’est la même chose de posséder une machine à laver que de posséder l’argent qui permet de l’acheter, on ne comprendra rien aux crises financières. Or, la différence est fondamentale : lorsque je possède une machine à laver, je peux laver mon linge. Lorsque je possède l’argent, je ne peux laver le linge que si je trouve quelqu’un prêt à me vendre une machine à laver à ce prix. Il y a dans l’économie deux catégories de richesses : l’une est celle ou se trouvent des objets matériels et des services susceptibles de satisfaire des besoins humains, et que par commodité nous appellerons des biens « réels » (du latin res = chose). L’autre est celle ou se trouvent des titres – monnaie, actions, obligations – que nous appellerons dans ce qui suit biens « titres ».
Quelle est la différence entre un billet de banque et un billet de Monopoly ? Les deux sont des morceaux de papier, les deux portent un chiffre imprimé, et les mentions canoniques. Alors, pourquoi l’un est considéré comme un élément du patrimoine, et pas l’autre ? La réponse est simple : parce que l’un est convertible en biens réels, et pas l’autre. Cette simple réflexion met en évidence un point fondamental : alors que les biens réels ont une valeur intrinsèque – celle qui découle de leur capacité à satisfaire un besoin – les biens titres n’ont de la valeur que dans la mesure où ils sont convertibles en biens réels. La valeur d’un titre est donc conditionnée à l’existence de biens réels achetables.
Maintenant, revenons à la problématique des « richesses ». Peut on considérer que les biens titres font partie des « richesses » disponibles ? Ma réponse sera, sans ambiguïté, non. En comptant d’un côté les biens réels et de l’autre des biens titres qui ne valent que parce qu’ils peuvent acheter des biens réels, on compte deux fois les mêmes biens. En bonne logique, pour estimer les « richesses » il ne faudrait que compter les biens « réels », les seuls qui aient une valeur intrinsèque. Or, ce n’est pas ce que font ceux qui répètent la formule « le 1% possède plus que le 99% ». Pire, pour arriver à ce chiffre, ces gens comptent les biens titres non pas à l’équivalent des biens qu’ils pourraient acheter – et qui ne peut être en aucun cas supérieur à la valeur globale des biens réels disponibles – mais au prix que ces biens titres atteignent sur les marchés. Et ce faisant, dans le contexte d’aujourd’hui, ils surévaluent considérablement l’ensemble des biens titres. Et tout le monde en est bien conscient d’ailleurs puisqu’on sait et répète que la somme des titres circulant dans les marchés financiers financiers est très largement supérieure aux biens réels disponibles.
Comment expliquer ce paradoxe ? Et bien, encore une fois, parce que les acteurs du marché financier ne font pas un raisonnement global, mais un raisonnement local. Un peu comme les joueurs du loto, ils savent que tout le monde ne peut pas gagner, mais qu’il y aura un gagnant et que cela pourrait être vous. J’achète une action parce qu’elle monte, et mon acte d’achat provoque une montée encore plus forte, qui me pousse à continuer à acheter. Le fait que cette montée se poursuive alors que la valeur de l’ensemble des actions dépasse la somme des biens réels disponibles à l’achat ne deviendra apparente que le jour ou je chercherai à effectuer la conversion. Tant que je continue à jouer dans la sphère financière, à échanger des titres pour d’autres titres, tout va bien. Un peu comme dans un jeu de Monopoly : si je gagne le jeu, je peux me croire riche, et cette illusion durera aussi longtemps que je n’aurai pas essayé d’acheter une baguette de pain avec les billets de Monopoly que j’aurai accumulés. Dans ces conditions, le discours du "99% qui possède moins que le 1%" repose sur une grande illusion. Les riches – et les "classes moyennes" aussi – sont devenus beaucoup plus riches ces dernières années, mais une partie de cette richesse est en billets de Monopoly. Et tout le monde fait semblant de ne pas s'en apercevoir, en espérant que la fête continue indéfiniment.
Cette déconnexion entre la sphère « réelle » et la sphère « des titres » permet de comprendre pas mal de problèmes économiques d’aujourd’hui. Prenons par exemple la politique monétaire de la BCE. Traditionnellement, les économistes considèrent que la puissance publique a deux leviers pour agir sur l’économie : le levier budgétaire – c'est-à-dire, la dépense publique – et le levier monétaire – c'est-à-dire le nombre des titres monétaires que la banque centrale met en circulation, et leur prix. Le levier budgétaire agit directement sur la sphère « réelle » : lorsque l’Etat dépense, il achète des biens et des services « réels », et paye des salaires qui se traduisent par une demande d’autres biens et services « réels ». Le levier monétaire, lui, agit d’abord dans la sphère « des titres ». Le levier monétaire n’a donc d’effet de relance sur l’économie réelle que dans la mesure où la sphère « des titres » et la sphère « réelle » sont bien connectées, c'est-à-dire, s’il y a des investisseurs productifs pour transformer les « titres » en machines, en bâtiments, en salaires.
Or, que constatons nous : l’austérité budgétaire imposée dans l’UE a privé les Etats de tout levier budgétaire. La réduction de la dépense publique a un effet déflationniste et récessif qu’on perçoit dans l’ensemble des pays européens, Allemagne comprise. Devant se problème, et pour éviter un effondrement du système, la BCE a décidé, après bien des hésitations, d’utiliser le levier monétaire, inondant le marche de liquidités. Le problème, c’est que la sphère « des titres » est totalement déconnectée de la sphère « réelle ». L’argent disponible ne va pas vers l’investissement productif – dont la rentabilité est aléatoire – mais est utilisé pour acheter d’autres titres, ce qui fait monter leur prix – et donc leur rentabilité apparente par un phénomène de « bulle » – rendant l’investissement productif encore moins intéressant. Qui ira acheter une usine qui offre un rendement de 5% alors que je peux acheter une action qui monte de 10% par an ? Cette déconnection est patente dans le fait que la production de biens « réels » stagne alors que le prix des actifs financiers – qui, rappelons-le, n’ont de la valeur que parce qu’ils peuvent être convertis en biens « réels » – continue à augmenter.
On est arrivés au point ou la BCE, en désespoir de cause, ressuscite la vieille idée monétariste de la « monnaie par hélicoptère ». L’idée est simple : pour relancer l’économie, au lieu d’injecter la monnaie sur la sphère des « titres », on la distribuer directement aux gens qui s’empresseront de la dépenser dans les magasins, et donc de créer de la demande « réelle ». Puisqu’on en est là, on pourrait se demander pourquoi ne pourrait-on pas donner cet argent aux Etats pour qu’ils le dépensent en infrastructures, en écoles, en embauches de fonctionnaires qui auraient le même effet… mais bien entendu, s’agissant d’une idée libérale, l’Etat est anathème, et c’est donc aux gens qu’on donnera l’argent. Pourquoi pas. Sauf que, contrairement à ce qui se passerait avec l’Etat, il n’y a aucune garantie que les gens iront dépenser cet argent, où qu’ils le feront dans la sphère « réelle ». Dans un contexte d’incertitude, il se pourrait qu’ils préfèrent garder cet argent « pour un coup dur » ou qu’ils préfèrent se désendetter… ce qui ferait revenir l’argent aux banques et donc dans la sphère « des titres ».
Mais alors, pourquoi la BCE continue d’inonder le marché en liquidités ? La logique voudrait en effet que la BCE arrête la planche à billets en montant ses taux d’intérêt. Après tout, si le fait de les baisser n’a pas relancé l’économie, le fait de les remonter ne la fera pas ralentir. Mais la BCE est coincée par deux risques. Le premier, est celui de faire éclater les « bulles » qu’elle a elle-même aidé à créer. En effet, si les bourses montent c’est parce qu’il y a des acheteurs de titres, et s’il y a des acheteurs c’est parce qu’ils trouvent de l’argent bon marché. Si l’argent devient cher, la hausse s’arrêtera et les opérateurs prendront leurs bénéfices en revendant, ce qui fera baisser les cotes, incitant d’autres à vendre et ainsi de suite jusqu’à l’effondrement. Le deuxième problème est celui de la dette des pays européens. La plupart des pays européens – Allemagne incluse – ont des dettes publiques qui tournent autour du 100% du PIB. L’arrêt des programmes de rachat d’obligations publiques et la montée des taux risque de pousser quelques uns dans des difficultés qui in fine pourraient faire éclater la zone Euro. La BCE s’est mise dans une situation à partir de laquelle il ne reste que de mauvaises solutions.
Tout cela fâche beaucoup les Allemands. Et on peut les comprendre. Le système de retraites par répartition que nous avons en France présente un avantage considérable : celui de rattacher les retraités à la sphère « réelle » de l’économie. Chez nous, les caisses de retraites ont des problèmes quand l’économie « réelle » ralentit. La retraite par capitalisation, qui est la règle en Allemagne ou en Grande Bretagne, est rattachée à la sphère « des titres ». Et lorsque les titres se portent mal, les retraités souffrent. Or, si les faibles taux d’intérêt de la BCE augmentent le rendement des titres spéculatifs par effet de « bulle », ils ont un effet délétère sur les marchés des titres obligataires et les valeurs « de bon père de famille » sur lesquels les retraites sont assises. Qui ira émettre une obligation à 5% lorsque la BCE vous prête de l’argent gratuitement ? Et la question se pose donc des avoir combien de temps les retraités de la sphère germanique accepteront une politique qui les pénalise au bénéfice des Etats-cigales abhorrés ?
La logique de l’Euro devient là encore une expérience bizarre d’économie appliquée. Après avoir attaché le bras budgétaire dans le dos des Etats, on essaye de maintenir l’équilibre avec le seul bras monétaire, et cela dans un contexte de déconnection de la sphère financière et de la sphère réelle. On verra combien de temps les cobayes arrivent à garder l’équilibre.
Descartes
Les commentateurs économiques affirment dogmatiquement des notions à longueur d’émissions.
Pour eux les sciences éconopmiques ne sont pas des sciences réfutables,au sens de K.Popper.
Les sciences physiques,la biologie sont des sciences réfutables ,en ce sens elles peuvent échapper à l’idéologie.
Les monologues de propagande libérale aux quelles se livrent des prétendus spécialistes en économie,y compris le Nobellisé Jean Tyrolle,ne sont pas de nature scientifiques mais partiaux,pro capitalistes et idéologiques,non?
@ luc
[Pour eux les sciences économiques ne sont pas des sciences réfutables, au sens de K.Popper.]
Il n’existe pas de « science réfutable au sens de K. Popper ». Le raisonnement de Popper se réfère a des propositions, et non des « sciences ». Pour Popper, une proposition est scientifique dès lors qu’il existe une expérience – réelle ou imaginaire – qui pourrait permettre de la réfuter. Ainsi, par exemple le postulat de conservation de l’énergie est « réfutable » puisqu’il suffirait de montrer un mouvement perpétuel pour la réfuter. Par contre, la proposition « dieu est un et trois en même temps » – le dogme de la Sainte Trinité – n’est pas scientifique, puisqu’il est impossible d’imaginer une expérience susceptible de le réfuter.
En économie, il y a des propositions qui sont « réfutables » et d’autres qui ne le sont pas. Plus une discipline avance vers un statut scientifique, et plus ses propositions tendent à être réfutables (ou « falsifiables », pour utiliser le vocabulaire poppérien).
[Les monologues de propagande libérale aux quelles se livrent des prétendus spécialistes en économie, y compris le Nobellisé Jean Tyrolle, ne sont pas de nature scientifiques mais partiaux, pro capitalistes et idéologiques, non ?]
Ca dépend des propositions…
Merci Descartes pour ce billet très intéressant, sur l’idée de richesse. Je partage néanmoins l’avis de Thoraise selon lequel il est légitime de calculer les inégalités de patrimoine (incluant les titres). Je crois me rappeler que Piketty donne des justifications dans son Capital au XXIième siècle, j’essaierai de les retrouver.
En attendant, ce dont on veut parler, in fine, quand on se penche sur l’inégalité de “richesse” (terme il est vrai parfois vaguement défini), c’est l’inégalité de pouvoir. Il est vrai que tous les agents économiques faisant parti des 1% ne peuvent pas vendre tous leurs titres simultanément (car cela provoquerait une crise), mais il n’empêche que n’importe lequel de ces agents, si l’envie lui prend, peut m’empêcher d’acquérir une maison en proposant un prix plus élevé au vendeur. Et ce, même en imaginant que la richesse de cet agent est composée uniquement de titres (donc de richesse “virtuelle”).
Pour moi, la retranscription de la situation mondiale actuelle d’inégalités, en termes de machine à laver, c’est une planète où il existe une unique machine à laver, à louer. Tout le monde a besoin de l’utiliser. A possède 100 euros, B 90 euros, et C possède un million d’euros. Le patrimoine total “réel” est toujours composé d’une machine à laver. Mais C a le pouvoir de dire aux deux autres: ce soir, c’est moi qui lave mes vêtements. Et demain soir aussi.
Quand on cherche à estimer les inégalités de richesse (et que l’on dit “Les 1% les plus riches possèdent plus que les 99% restants”), on cherche à donner une idée de combien de soirs A peut-il théoriquement dire “Ce soir c’est moi qui lave mes vêtements”.
L’ensemble de votre remarque est éminemment judicieuse mais perso je me méfierai des avis d’un gus pour qui 1+1 peut faire 11. Demandez lui donc d’expliquer la formation des prix et ensuite lisez “Le prix de Jorion” qui est sorti récemment en livre de poche.
Après vous changerez de blog…
@ handsaway
[En attendant, ce dont on veut parler, in fine, quand on se penche sur l’inégalité de “richesse” (terme il est vrai parfois vaguement défini), c’est l’inégalité de pouvoir.]
Sur ce point je partage votre remarque. Mon point est qu’on ne peut pas utiliser les mêmes raisonnements au niveau micro et macroéconomique. On ne peut pas étendre ce « pouvoir » individuel au groupe. Un riche peut acheter un Van Gogh, mais tous les riches ne peuvent en acheter un.
[Pour moi, la retranscription de la situation mondiale actuelle d’inégalités, en termes de machine à laver, c’est une planète où il existe une unique machine à laver, à louer. Tout le monde a besoin de l’utiliser. A possède 100 euros, B 90 euros, et C possède un million d’euros. Le patrimoine total “réel” est toujours composé d’une machine à laver. Mais C a le pouvoir de dire aux deux autres: ce soir, c’est moi qui lave mes vêtements. Et demain soir aussi.]
Fort bien. Mais dans une telle analogie, quelle est la « richesse totale » ? De toute évidence, elle se réduit à une machine à laver, puisque l’argent de A, de B ou de C ne peut acheter rien d’autre. On revient toujours à la même constatation : seuls les biens « réels » doivent être comptés, puisque les titres n’ont de valeur que dans la mesure où ils peuvent être convertis en biens « réels ». Que ce soit par location ou par achat en change rien…
[Quand on cherche à estimer les inégalités de richesse (et que l’on dit “Les 1% les plus riches possèdent plus que les 99% restants”), on cherche à donner une idée de combien de soirs A peut-il théoriquement dire “Ce soir c’est moi qui lave mes vêtements”.]
Mais dans ce cas, vous voyez combien l’idée d’un « 1% » concentrant la moitié de la richesse est peu vraisemblable. Pensez-vous que ce 1% occupe la moitié des maisons ? Utilise la moitié des machines à laver, des frigos, des voitures ?
@ Parpalhol
[L’ensemble de votre remarque est éminemment judicieuse mais perso je me méfierai des avis d’un gus pour qui 1+1 peut faire 11.]
Je crains que votre remarque soit incompréhensible pour les lecteurs de ce blog… quoi qu’il en soit, je trouve étrange votre remarque : si vous trouvez ma remarque « éminemment judicieuse », vous aurez du mal à vous « méfier de mon avis »…
[Demandez lui donc d’expliquer la formation des prix]
C’est qui « lui » ?
[et ensuite lisez “Le prix de Jorion” qui est sorti récemment en livre de poche.]
Je l’ai déjà lu une fois, et je ne suis pas près de le relire. Peut-être quand j’aurai beaucoup de temps à perdre…
Je ne suis pas totalement convaincu par plusieurs affirmations.
Particulièrement celle qui pose comme impossible le calcul des inégalités de Patrimoine au motif qu’on ne peut pas additionner des valeurs réelles avec des actifs financiers. Ce ne sont pas des gens “de gauche” qui ont fait cet exercice pour s’autolégitimer à se plaindre: c’est l’École d’Économie de Paris,dans les années 2010, et à leur suite, Piketty en 2015. (Donc pas loin des libéraux,si pas tout à fait néolibéraux).
Il est légitime à un instant “t” de faire une photographie des patrimoines qui tant qu’aucune crise mondiale n’est arrivée rebattant totalement les valeurs des actifs (tant financiers que non financiers) et dévalorisant totalement les actifs financiers, reflète bien les inégalités de patrimoine (lesquelles engendrent à leur tour des inégalités de revenus qui accroissent l’inégalité initiale des patrimoines).
C’est le processus d’accumulation sur lequel sont d’accord et Papa Marx, et Warren Buffet qui se base dessus pour proclamer que sa classe (celle des riches) a gagné la guerre des classes.
Autre remarque mineure: ce n’est pas la politique d’austérité de l’UE qui prive les États du levier budgétaire: ce sont les traités européens. Certes, Lordon dénonce à juste titre qu’on ait collé l’austérité budgétaire dans les traités, donc ça provoque les mêmes effets: mais tant qu’à parler du fond autant en parler juste.
@ Thoraise
[Il est légitime à un instant “t” de faire une photographie des patrimoines qui tant qu’aucune crise mondiale n’est arrivée rebattant totalement les valeurs des actifs (tant financiers que non financiers) et dévalorisant totalement les actifs financiers, reflète bien les inégalités de patrimoine (lesquelles engendrent à leur tour des inégalités de revenus qui accroissent l’inégalité initiale des patrimoines).]
Imaginons nous la situation suivante. Imaginons une collectivité composée de trois personnes, A, B, C. A et B ne possèdent rien, C posséde un bien… disons, une machine à laver dont on peut estimer la valeur à 100 €. Quelle est pour vous la « richesse » de cette collectivité ? Et bien, 100 €, cela paraît évident.
Maintenant, imaginons que C vende sa machine à laver à B, et reçoive en échange une reconnaissance de dette pour 100 €. Dans la nouvelle configuration, A ne possède rien rien, B possède une machine à laver valant 100 €, C possède un « titre », une reconnaissance de dettes valant 100 €. Le patrimoine total a donc doublé pour atteindre la somme de 200 €, et cela sans aucune production, par un simple jeu d’écritures.
Plus encore, imaginons que A ait un besoin pressant de laver son linge : il lui faut une machine impérativement, et il est prêt à payer 2000 € pour en avoir une. B lui vend à ce prix, et reçoit de sa part une reconnaissance de dettes pour cette somme. Le patrimoine total est maintenant passé à 2200 €. Dont B détient 90% (reconnaissance de dettes signée par A de 2000 €), A détient 5% (la machine à laver valant 100 €) et C les autres 5% (reconnaissance de dettes signée par B de 100 €). Et tout ça alors qu’il y a pour tout bien « réel » une seule et unique machine à laver…
Vous me direz qu’à côté des titres que possèdent B et C, il y a les dettes dont chacun d’eux est grevé. Mais justement, si vous tenez compte non seulement de l’actif mais aussi du passif, vous arrivez à la même conclusion que moi : comme passif et actif s’annulent, il ne reste plus que les « biens réels » à prendre en compte dans le patrimoine…
[C’est le processus d’accumulation sur lequel sont d’accord et Papa Marx, et Warren Buffet qui se base dessus pour proclamer que sa classe (celle des riches) a gagné la guerre des classes.]
Je ne sais pas pour Warren Buffet, mais ce n’est certainement pas ce que soutenait Papa Marx. Le vieux Karl, au contraire, parle d’accumulation de moyens de production. Pour lui, le « capital » ce n’est pas l’argent, ce sont les machines, les terres, les matières premières. L’accumulation dont parle Marx, ce n’est pas l’accumulation de titres, mais une accumulation matérielle.
[Autre remarque mineure: ce n’est pas la politique d’austérité de l’UE qui prive les États du levier budgétaire: ce sont les traités européens. Certes, Lordon dénonce à juste titre qu’on ait collé l’austérité budgétaire dans les traités, donc ça provoque les mêmes effets: mais tant qu’à parler du fond autant en parler juste.]
Parlons juste, alors. Le fait est que quand la puissance politique l’a considéré nécessaire, l’UE s’est commodément assise sur les traités. L’exemple le plus flagrant est la manière dont la BCE est en train d’acheter la dette des Etats, ce qui pourtant lui est strictement interdit par les traités. C’est faire preuve d’un juridisme obtus que de croire que les traités sont les tables de la loi. Comme toujours en matière de rapports entre les nations, ce sont les rapports de force politiques qui priment sur le droit, et non l’inverse. Si les Etats ont permis la violation des traités en matière monétaire mais ne permettent pas en matière budgétaire, c’est un choix politique, et non une question de traités.
“Puisqu’on en est là, on pourrait se demander pourquoi ne pourrait-on pas donner cet argent aux Etats pour qu’ils le dépensent en infrastructures, en écoles, en embauches de fonctionnaires qui auraient le même effet… mais bien entendu, s’agissant d’une idée libérale, l’Etat est anathème, et c’est donc aux gens qu’on donnera l’argent. Pourquoi pas. Sauf que, contrairement à ce qui se passerait avec l’Etat, il n’y a aucune garantie que les gens iront dépenser cet argent, où qu’ils le feront dans la sphère « réelle ». Dans un contexte d’incertitude, il se pourrait qu’ils préfèrent garder cet argent « pour un coup dur » ou qu’ils préfèrent se désendetter… “
Si l’argent est donné aux Etats pour qu’ils le dépensent, il aboutit dans le compte en banque des personnels de l’Etat, de ses fournisseurs… Mais dans un contexte incertain, ne risque-t-il pas de ne pas aller plus loin, comme s’il leur avait été donné directement ? Certes, il y aura eu des biens réels créés, mais le résultat est-il nécessairement bien meilleur ?
Et puis, n’y a-t-il pas risque de création de “machins” (pas d’exemple en tête) à l’utilité discutable, ou surdimensionnés, mais qu’il faudra financer pendant un temps indéterminé par l’impôt ou la “planche à billets” ?
Ceci dit sans contester par principe la dépense publique.
@ xc
[Si l’argent est donné aux Etats pour qu’ils le dépensent, il aboutit dans le compte en banque des personnels de l’Etat, de ses fournisseurs…]
Pas tout de suite, et pas directement. Lorsque l’Etat a plus d’argent, sa première réaction est d’engager des chantiers, de construire des infrastructures, de commander des bâtiments, soit par lui-même, soit en subventionnant ceux qui le font. Et celui qui construit pour l’Etat un bâtiment, une ligne TGV où une route commande lui-même des équipments et des matières premières. Oui, in fine toute injection de cash termine sa course dans les mains des salariés consommateurs… mais suivant un circuit qui fait que la dépense publique est bien plus efficace en termes de relance de l’économie que la simple distribution aux consommateurs particuliers. Keynes remarquait déjà en 1930 que l’Etat est le seul acteur économique qui continue a dépenser alors qu’il est endetté et que l’avenir paraît sombre.
[Et puis, n’y a-t-il pas risque de création de “machins” (pas d’exemple en tête) à l’utilité discutable, ou surdimensionnés, mais qu’il faudra financer pendant un temps indéterminé par l’impôt ou la “planche à billets” ?]
Il y a toujours un risque de mauvaise utilisation de l’argent public, comme il y a un risque de mauvaise utilisation de l’argent privé. Tout dans tout, il rien n’indique que l’Etat soit moins soucieux de l’efficacité de la dépense que les acteurs privés…
Descartes dit:
“Il y a toujours un risque de mauvaise utilisation de l’argent public, comme il y a un risque de mauvaise utilisation de l’argent privé. Tout dans tout, il rien n’indique que l’Etat soit moins soucieux de l’efficacité de la dépense que les acteurs privés…”
D’accord avec la première phrase, pas forcément avec la seconde par les temps qui courent…
@ Albert
[D’accord avec la première phrase, pas forcément avec la seconde par les temps qui courent…]
Au contraire. Pour ne prendre qu’un exemple, EDF a des difficultés, mais les autres grands électriciens européens (privés) ont des difficultés bien plus importantes !
Bonjour Descartes,
Voilà un papier original qui, à force d’être déconcertant, en devient intéressant. J’y soupçonne quelques parti pris contestables, y vois des intuitions fécondes et y devine également un agenda caché. Néanmoins, avant que je ne développe tout ceci, un point mérite d’être corrigé: personne n’a jamais dit, où alors sous l’emprise de l’alcool ou de l’ignorance, que 1% de la population possédait 99% des richesses car si c’était vrai nous serions retournés aux heures les plus sombres de la féodalité…
Ce que les gens qui s’occupent de ces choses calculent c’est qu’à l’échelle mondiale les “1%” possèdent un peu plus de 50% du patrimoine ; et c’est déjà beaucoup. A 99%, de papier ou pas, ce serait la révolution.
http://www.lesechos.fr/18/01/2016/lesechos.fr/021627401171_inegalites—les-1—les-plus-riches-du-monde-possedent-plus-que-le-reste-de-la-planete.htm#
https://www.oxfam.org/sites/www.oxfam.org/files/file_attachments/tb-economy-one-percent-methodology-180116-en.pdf
http://publications.credit-suisse.com/tasks/render/file/index.cfm?fileid=C26E3824-E868-56E0-CCA04D4BB9B9ADD5
@ odp
[Voilà un papier original qui, à force d’être déconcertant, en devient intéressant. J’y soupçonne quelques parti pris contestables, y vois des intuitions fécondes et y devine également un agenda caché.]
Dites donc… vous me prêtez bien des intentions…
Je vous avoue que certains articles ont une « vie propre ». J’ai en tête une conclusion et une démonstration… et quand j’essaye de la formaliser je me rends compte qu’il y a un problème de logique et cela me conduit quelquefois à des conclusions bizarres ou à démontrer le contraire de ce que je pensais au départ. C’est un peu ce qui est arrivé dans ce papier. Ne voyez pas une « agenda caché », mais plutôt une exploration…
[Néanmoins, avant que je ne développe tout ceci, un point mérite d’être corrigé: personne n’a jamais dit, où alors sous l’emprise de l’alcool ou de l’ignorance, que 1% de la population possédait 99% des richesses car si c’était vrai nous serions retournés aux heures les plus sombres de la féodalité…]
Vous avez parfaitement raison. C’est bien ce que j’avais en tête, mais ma plume a fourché. Et je vous prie que ce n’était pas sous l’emprise de l’alcool… J’ai corrigé l’erreur dans le papier.
Par contre, vous noterez que les méthodes utilisés pour estimer la « richesse » ne font pas la différence entre les biens « réels » (au sens que je donne à ce terme dans le papier) et les biens « titres ». Ce qui fatalement conduit à mon avis à compter deux fois la même « richesse ». Or, si les biens « titres » sont concentrés dans les mains des plus riches, les biens « réels » sont eux beaucoup plus largement distribués.
@ odp
Bonjour,
[Néanmoins, avant que je ne développe tout ceci, un point mérite d’être corrigé: personne n’a jamais dit, où alors sous l’emprise de l’alcool ou de l’ignorance, que 1% de la population possédait 99% des richesses car si c’était vrai nous serions retournés aux heures les plus sombres de la féodalité…]
Ce matin même, sur France Culture, que l’on ne peut taxer de radio poubelle, un intervenant chercheur affirmait pourtant cette incongruité des 99% possédés par 1%. J’ai été heurté aussi et cependant, ce qui est vrai c’est que ce message passe sur des antennes qualifiées de sérieuses. A qui se fier ?
Emission “Terre à terre” sur le transhumanisme ce matin samedi entre 7 et 8h .
Bonjour Descartes,
D’abord, merci beaucoup de prendre la peine d’aborder de tels sujets, à l’heure où une bonne partie de la gauche “radicale” est obsédée par Finkielkraut, les violences policières voire les réunions non-mixtes (comme on peut le voir dans ce texte croustillant : https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/020516/pour-le-droit-la-non-mixite ).
Sur le fond, je voudrais apporter deux bémols (ou propositions de bémols, pour parler comme Mélenchon :-)) :
– d’abord, même si cette “richesse” monétaire n’est en réalité pas convertible en son équivalent physique postulé, il reste que dans l’esprit des gens, “tout se passe comme si”. Pour une raison simple : nous avons tous intérêt à croire à cette fiction, car nous avons tous intérêt à ce que la monnaie fonctionne comme attendu.
– par conséquent, cette richesse en titres monétaires entraîne un pouvoir d’investissement dans l’économie (par exemple pour acheter les moyens de production que vous évoquez plus bas). Le crédit social et économique des acteurs est indexé sur leur richesse monétaire (si les titres possédés par un “riche” s’écroulent suite à de mauvais choix d’arbitrage, alors son pouvoir d’intervention dans l’économie s’écroule d’autant, même si ses richesses physiques n’ont, stricto sensu, pas changé…).
Donc cette richesse, même non intégralement convertible, confère – en régime capitaliste – un pouvoir proportionné à sa valeur faciale, et il n’est pas incongru de se demander si le pouvoir économique des “1%” a diminué ou augmenté au fil des années.
Bien évidemment, cette “richesse” est aussi contrecarrée par des lois, par le pouvoir propre de certaines institutions, et par le fait que certaines richesses sont exclues du marché (par exemple les fleuves ou l’Education Nationale).
Il faudrait en fait s’intéresser directement à l’évolution du pouvoir d’intervention économique des uns et des autres, mais on a tendance à privilégier les indicateurs qui sont faciles à mesurer, or la “richesse” monétaire est très facile à mesurer.
@ Antoine
D’abord, merci beaucoup de prendre la peine d’aborder de tels sujets, à l’heure où une bonne partie de la gauche “radicale” est obsédée par Finkielkraut, les violences policières voire les réunions non-mixtes (comme on peut le voir dans ce texte croustillant : https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/020516/pour-le-droit-la-non-mixite ).]
Je fais un gros aparté sur cet article dont je recommande chaudement la lecture. On y voit les dégâts que fait dans la pensée mais aussi dans les institutions – car cette forme d’apartheid intellectuel semble soutenu par l’Université Paris VIII. Les commentaires qui l’ont suivi sont eux aussi très intéressants…
[- d’abord, même si cette “richesse” monétaire n’est en réalité pas convertible en son équivalent physique postulé, il reste que dans l’esprit des gens, “tout se passe comme si”. Pour une raison simple : nous avons tous intérêt à croire à cette fiction, car nous avons tous intérêt à ce que la monnaie fonctionne comme attendu.]
Nous croyons surtout à cette fiction parce que cette fiction fonctionne dans la réalité. En d’autres termes, chacun de nous sait qu’en temps normal on peut entrer dans un magasin et convertir à notre convenance des petits morceaux de papier en biens « réels ». C’est l’expérience, plutôt que l’envie de croire, qui permet à cette fiction de perdurer. Ce dont nous ne sommes pas conscients, c’est que ce qui marche à l’échelle individuelle n’est pas généralisable. Si je peux convertir mon compte en banque en biens « réels », c’est parce que tout le monde ne fait pas ça. Si nous décidions tous en même temps de transformer nos « biens titres » en « biens réels », la valeur équivalent des « biens titres » s’effondrerait… jusqu’à être égale à celle des « biens réels » disponibles à l’achat.
[- par conséquent, cette richesse en titres monétaires entraîne un pouvoir d’investissement dans l’économie (par exemple pour acheter les moyens de production que vous évoquez plus bas).]
Non, justement. Il crée un pouvoir d’investissement… dans d’autres titres. Dès lors qu’un investisseur essaye de transformer ses titres en biens « réels » – que ce soit pour consommer ou pour acheter des moyens de production – on est ramené au problème que j’ai décrit : ça peut marcher si cette conversion est marginale, mais ça provoque l’effondrement de la valeur des titres si cette conversion est massive. En d’autres termes, si j’ai un dix millions d’euros, je peux les vendre et investir ces million dans une usine. Mais si j’ai dix milliards en titres, cela n’implique pas que je puisse les vendre et investir dix milliards dans l’économie réelle. Mon point est précisément celui-là : on ne peut raisonner en macroéconomie comme on le ferait en microéconomie.
[Donc cette richesse, même non intégralement convertible, confère – en régime capitaliste – un pouvoir proportionné à sa valeur faciale, et il n’est pas incongru de se demander si le pouvoir économique des “1%” a diminué ou augmenté au fil des années.]
C’est une remarque très intéressante. Je m’étais concentré sur l’aspect objectif de la chose, et je n’avais pas perçu cet élément subjectif. Effectivement, même si cette « richesse » n’existe pas objectivement, du moment où les gens y croient elle a des effets. Le pouvoir du financier est par certains côtés équivalent au pouvoir du prêtre : il repose essentiellement sur la croyance des ouailles.
> Non, justement. Il crée un pouvoir d’investissement… dans d’autres titres.
En effet, vous avez raison.
> Nous croyons surtout à cette fiction parce que cette fiction fonctionne dans la réalité.
Ceci dit, une condition nécessaire à son fonctionnement est que nous y croyions (sinon, à la moindre déconvenue, l’équivalent monétaire d’un bank run pourrait se produire… comme dans les périodes d’hyper-inflation). C’est là que réside le caractère complexe de la monnaie, parce qu’elle mêle des éléments objectifs (voire techniques, mathématiques) et des éléments de croyance qui semblent indissociables de la solidité du corps social auquel est adossée la monnaie (ce qui pose un des problèmes de l’euro).
@ Antoine
Merci pour le lien que vous avez donné. Permettez que je note l’abondance de « sociologues » et autres « sciences humaines » dans les signataires et l’absence de scientifiques.
Cette sorte de délire marque –sans doute –la césure entre cette fraction des « intellectuels » petits bourgeois et les couches populaires ou plus largement les couches raisonnables de notre société.
Ces gens forment, en miroir inversé, d’autant plus qu’ils ont trop souvent l’oreille des médias le meilleur argument de l’extrême droite.
Que dirait-on si un homme « blanc » originaire d’une région marquée par une « culture germanique » exige la réunion séparée avec ses seuls semblables ? Je « vois » d’ici la « caractérisation »…qui serait d’ailleurs d’un triste appauvrissement bien au-delà de caractéristiques d’apparence physique car n’en doutez pas, c’est au fond l’ « entre soi » dans une forme d’autisme qui est recherché. L’homme ou la femme « de couleur » (désolé pour cette classification lamentable) qui ne partage pas ces vues imbéciles n’y paraîtra pas.
@ Descartes
« Si je peux convertir mon compte en banque en biens « réels », c’est parce que tout le monde ne fait pas ça. Si nous décidions tous en même temps de transformer nos « biens titres » en « biens réels », la valeur équivalent des « biens titres » s’effondrerait… jusqu’à être égale à celle des « biens réels » disponibles à l’achat.
« ça peut marcher si cette conversion est marginale, mais ça provoque l’effondrement de la valeur des titres si cette conversion est massive. »
Nul propos dogmatique mais il me semble avoir lu chez Marx que l’identité immédiate réalisée à travers le couple achat-vente dans le troc était brisé par l’introduction de l’argent et plus encore par celle du crédit et cela pouvait être générateur de crises du fait que ces deux intermédiaires étaient détachés de la production, leur rapprochement se traduisant par des crises.
Qu »en pensez-vous ?
@ Antoine
[Ceci dit, une condition nécessaire à son fonctionnement est que nous y croyions (sinon, à la moindre déconvenue, l’équivalent monétaire d’un bank run pourrait se produire… comme dans les périodes d’hyper-inflation).]
Bien sur. Mais cette croyance n’est pas de nature religieuse. Elle est fondée sur l’expérience qui nous montre quotidiennement que le système fonctionne. Et cette confiance est d’ailleurs auto-réalisatrice dans le sens où les Etats et autres acteurs économiques, sachant la valeur de cette confiance, évitent de faire tout ce qui pourrait lui porter atteinte. Nous avons confiance dans le fait que la banque nous rendra notre argent non seulement parce que l’expérience nous montre que c’est vrai, mais parce que nous savons que l’Etat fera tout ce qui est dans son pouvoir pour que cela continue.
[(…) et des éléments de croyance qui semblent indissociables de la solidité du corps social auquel est adossée la monnaie (ce qui pose un des problèmes de l’euro).]
Tout à fait. C’est d’ailleurs pourquoi le président de la BCE et les leaders européens répètent à l’envi qu’ils feront « tout ce qu’il faudra pour sauver l’Euro ». Mais in fine, cette confiance ne repose pas sur la BCE mais sur l’Etat.
@ morel
[Merci pour le lien que vous avez donné. Permettez que je note l’abondance de « sociologues » et autres « sciences humaines » dans les signataires et l’absence de scientifiques.]
Très bonne remarque… Il fut une époque où les « sciences humaines » regardaient avec envie les « sciences dures » (qu’on appelait aussi « sciences exactes ») et aspiraient à se donner des instruments ayant la même rigueur. Avec le postmodernisme, on abandonne les dernières ambitions et on revendique le droit de dire n’importe quoi au nom de la « science ».
[Cette sorte de délire marque –sans doute –la césure entre cette fraction des « intellectuels » petits bourgeois et les couches populaires ou plus largement les couches raisonnables de notre société.]
C’est bien plus grave que ça. Une institution – l’Université – censée défendre les valeurs de rationalité et d’universalité de la connaissance devient le lieu de diffusion d’un discours irrationnel et différentialiste. Non seulement l’élite intellectuelle a rompu avec les couches populaires, mais elle a rompu avec sa propre tradition, sa propre histoire. Cette élite n’est plus utile à personne : elle qui a le monopole des idées ne produit plus des idées capables de guider une action. Elle produit des idées qui tournent en circuit fermé dans le tout petit marigot universitaire. Et une élite qui ne sert plus a rien ne peut qu’être balayée. Il ne faut pas s’étonner si l’université ressemble de moins en moins à un lieu de connaissance, et de plus en plus à une usine à diplômes.
[Que dirait-on si un homme « blanc » originaire d’une région marquée par une « culture germanique » exige la réunion séparée avec ses seuls semblables ?]
Que c’est un affreux raciste. Mais il faut comprendre qu’il y a pour les postmodernes deux sortes de peuples : les « victimes », qui bénéficient de l’immaculée conception, et les « bourreaux » qui doivent en permanence faire pénitence pour leur péché originel.
[Nul propos dogmatique mais il me semble avoir lu chez Marx que l’identité immédiate réalisée à travers le couple achat-vente dans le troc était brisé par l’introduction de l’argent et plus encore par celle du crédit et cela pouvait être générateur de crises du fait que ces deux intermédiaires étaient détachés de la production, leur rapprochement se traduisant par des crises.]
Je crois me souvenir d’un texte à cet effet, mais jen’ai pas trouvé la référence…
Bonjour Descartes,
Je partage tout à fait votre avis sur la politique monétaire de la BCE. C’est assez frappant en réalité, on sait exactement ce qu’il faudrait faire théoriquement dans la situation actuelle : monétiser de la dette primaire des Etats pour financer un plan de relance consacrés aux investissements publics, d’un montant élevé mais pour une durée limitée, de deux ans par exemple. Une telle relance éviterait tout les problèmes que vous soulignez dans le cas de l’helicopter money, relancerait la demande et donc l’investissement et la croissance, accessoirement l’inflation remonterait aussi mais le caractère limité dans le temps du plan écarterait tout risque de spirale inflationniste. Après ça l’écart de production devrait s’être refermé et on pourrait envisager une croissance conforme à son niveau potentiel en zone euro. Oui mais voilà, tout ça est interdit de manière on ne peut plus explicite par le TFUE, et la Commission et les Allemands n’en veulent à aucun prix, donc la BCE continue de colmater les fuites tout en sachant que ça ne marchera pas. Ce qui est ironique c’est que ce genre de chose serait en plus la seule façon de sauver l’euro – pour un temps du moins – de son éclatement de plus en plus inéluctable. Enfin tant mieux à mon sens, l’euro va disparaître sous l’effet de ses contradictions internes dans les prochaines années, reste juste à savoir s’il éclatera par le bas (sortie de la Grèce puis de l’Italie, etc.) ou par le haut (l’Allemagne préférant revenir au mark plutôt que de subir les atteintes à la “culture de la stabilité” de la politique que la BCE est obligée d’adopter… Friedman a été vraiment clairvoyant sur ce coup là, lui qui donnait à l’euro une espérance de vie de 15 ans lors de sa création…
Par ailleurs je trouve ça amusant qu’on pleurniche sur le risque de déflation toute la journée tout en conseillant de mener des politiques déflationnistes (mais maintenant on appelle ça dévaluation interne ou “réformes structurelles”). Benoît Coeuré notamment, du directoire de la BCE,est un spécialiste de ce genre d’exercice…
@ Carnot
[C’est assez frappant en réalité, on sait exactement ce qu’il faudrait faire théoriquement dans la situation actuelle : monétiser de la dette primaire des Etats pour financer un plan de relance consacrés aux investissements publics, d’un montant élevé mais pour une durée limitée, de deux ans par exemple.]
« Ce qu’il faudrait faire » pour obtenir quel résultat ? Nous avons tendance à croire que tous les acteurs ont les mêmes buts. Mais ce n’est pas le cas… la relance keynésienne finit toujours par « l’euthanasie des rentiers », et c’est pourquoi les rentiers s’y opposent résolument. Et dans les pays où la retraite se fait par capitalisation, la question de la rente n’est pas banale…
[Par ailleurs je trouve ça amusant qu’on pleurniche sur le risque de déflation toute la journée tout en conseillant de mener des politiques déflationnistes (mais maintenant on appelle ça dévaluation interne ou “réformes structurelles”). Benoît Coeuré notamment, du directoire de la BCE, est un spécialiste de ce genre d’exercice…]
J’avoue que j’ai du mal à comprendre ce qui se passe par la tête des gens comme Coeuré, qui sont des économistes intelligents et cultivés, et qui pourtant sont capables de soutenir à la fois une politique budgétaire et une politique monétaire qui sont clairement contradictoires.
C’est vrai en général bien sûr, mais dans la situation actuelle l’absence de politique de relance financée par monétisation conduit précisément à la nécessité pour la BCE de mener une politique d’assouplissement quantitatif de grande ampleur pour éviter la déflation, ce qui ne fait justement pas les affaires des rentiers. Surtout que si on prend en compte le fait que l’euro est outrageusement favorable aux épargnants Allemands par rapport au retour au mark je pense vraiment que si on mettait à part le dogmatisme ordo-libéral qui repose sur l’idée que les règles sont faites pour être respectées sans quoi des nuages de sauterelles et des rivières de sang déferleront sur l’Allemagne, ce genre de politique me paraît la mieux à même de servir leur intérêt.
Vous ne serez sans doute pas d’accord mais j’ai vraiment l’impression qu’il y a quelque chose de plus que les intérêts des uns et des autres dans l’obsession allemande pour “la culture de la stabilité”. J’ai l’impression que l’Allemagne ayant été interdite de fierté nationale après 1945 il y a eu une sorte de “transfert” du surmoi allemand sur la monnaie, qui s’ajoute à une tendance problématique à voir l’économie comme une affaire morale : les gens surendettés sont irresponsables et donc doivent expier, une “monnaie forte” est un signe de rigueur et de vertu, etc.
Je suis tombé récemment sur une citation de l’économiste Barry Eichengreen qui m’a paru particulièrement clairvoyante et qui exprime un peu cette idée : « la focalisation ordolibérale sur la responsabilité personnelle a promu une hostilité irraisonnée à l’idée que des actions qui sont individuellement responsables ne produisent pas automatiquement un résultat souhaitable au niveau agrégé. En d’autres termes, elle a rendu les Allemands allergiques à la macroéconomie »
@ Carnot
[C’est vrai en général bien sûr, mais dans la situation actuelle l’absence de politique de relance financée par monétisation conduit précisément à la nécessité pour la BCE de mener une politique d’assouplissement quantitatif de grande ampleur pour éviter la déflation, ce qui ne fait justement pas les affaires des rentiers.]
Il est vrai que la politique d’assouplissement quantitatif heurte les rentiers, mais l’alternative – l’effondrement du système de l’euro – les heurterait bien plus gravement. C’est un peu le problème de la logique de dette. Tout le monde sait que les dettes des Etats ne seront pas payées en totalité. Les rentiers ont donc d’ores et déjà perdu une partie sinon la totalité de leur argent. Tout ce qu’on fait, c’est déguiser ce fait en faisant semblant que cet argent existe. C’est un peu ce que fait la BCE en inondant le système de billets.
[Vous ne serez sans doute pas d’accord mais j’ai vraiment l’impression qu’il y a quelque chose de plus que les intérêts des uns et des autres dans l’obsession allemande pour “la culture de la stabilité”. J’ai l’impression que l’Allemagne ayant été interdite de fierté nationale après 1945 il y a eu une sorte de “transfert” du surmoi allemand sur la monnaie, qui s’ajoute à une tendance problématique à voir l’économie comme une affaire morale : les gens surendettés sont irresponsables et donc doivent expier, une “monnaie forte” est un signe de rigueur et de vertu, etc.]
Pourquoi ne serais-je pas d’accord avec votre remarque ? Le matérialisme marxiste ne nie nullement la dimension idéologique. La seule limitation qu’il y met, c’est de dire que cette idéologie ne surgit pas par hasard, mais est la manifestation d’un intérêt économique sous-jacent. En d’autres termes, si les allemands croient cela, c’est parce que cette croyance sert les intérêts d’une classe dominante.
[Je suis tombé récemment sur une citation de l’économiste Barry Eichengreen qui m’a paru particulièrement clairvoyante et qui exprime un peu cette idée : « la focalisation ordolibérale sur la responsabilité personnelle a promu une hostilité irraisonnée à l’idée que des actions qui sont individuellement responsables ne produisent pas automatiquement un résultat souhaitable au niveau agrégé. En d’autres termes, elle a rendu les Allemands allergiques à la macroéconomie »]
Je trouve que c’est une très bonne observation…
Si nous observons la manière dont F.Hollande a réagit aux résultats électoraux pro-FN de 2015,force est de constater qu’il a oeuvré à une inflexion de la politique de l’UE.
Aide à Tsipras,aide à Dragui,comparons la situation d’aujourd’hui à celle de 2014 pour mesurer le chemin parcouru:
http://www.lemonde.fr/europe/article/2014/11/27/la-zone-euro-a-cote-de-la-plaque_4529993_3214.html
Or,vous Descartes avait eu l’idée de relever que ces votes pro-FN pouvaient influer positivement sur l’évoution de la politique économique.Votre argumentaire depuis 2010,m’a semblé bien construit et les faits semblent vous donner raison,non?
@ luc
[Or,vous Descartes avait eu l’idée de relever que ces votes pro-FN pouvaient influer positivement sur l’évoution de la politique économique.Votre argumentaire depuis 2010,m’a semblé bien construit et les faits semblent vous donner raison,non?]
En toute modestie, je le pense…
Bravo, Descartes! Excellent texte.
@ Albert
Merci!
Bonjour.
Ce papier va dans le sens d’une réflexion que je m’étais faite il y a quelques années.
J’avais observé qu’avoir 1 millions de dollars en vivant à New York n’avait pas la même valeur qu’avoir 1 millions de dollars sur une île déserte. Sur l’île déserte je ne peux rien faire de cette liasse de billet à part me moucher avec. Ces billets n’ont de valeur que celle du papier.. Alors qu’à New York je pourrais m’offrir beaucoup de produits et de services.
La monnaie n’est donc qu’un droit de tirage sur la richesse collectivement créée. En échange d’un travail que j’ai effectué, j’obtiens un droit de tirage sur la richesse de l’ensemble de la société.
@ Trublion
[J’avais observé qu’avoir 1 millions de dollars en vivant à New York n’avait pas la même valeur qu’avoir 1 millions de dollars sur une île déserte. Sur l’île déserte je ne peux rien faire de cette liasse de billet à part me moucher avec. Ces billets n’ont de valeur que celle du papier.. Alors qu’à New York je pourrais m’offrir beaucoup de produits et de services.]
Je n’avais pas pensé à cette analogie, mais elle est très pédagogique, je la retiens.
[La monnaie n’est donc qu’un droit de tirage sur la richesse collectivement créée. En échange d’un travail que j’ai effectué, j’obtiens un droit de tirage sur la richesse de l’ensemble de la société.]
Exactement. Et cela a deux conséquences : d’une part, lorsque j’additionne les « biens réels » à la valeur des titres de toutes nature – la monnaie, mais aussi les obligations, les actions, etc. – je suis en fait en train de compter deux fois les mêmes biens. La deuxième conséquence est plus complexe : dans la mesure où je n’ai pas de moyen simple d’anticiper quelle sera la richesse créée, la « valeur » de ces droits de tirage dépend exclusivement d’une anticipation. Ce qui explique que la valeur des titres puisse diverger considérablement de la valeur des « biens réels » qu’ils sont censé représenter.
Bonjour Descartes,
La récente mue du M’PEP en PARDEM (Parti de la Démondialisation) vous inspire-t-elle un commentaire ?
http://www.pardem.org/actualite/point-de-vue-du-pardem/258-creation-du-parti-de-la-demondialisation-pardem
Je doute qu’un simple relooking suffise à attirer les foules, d’autant que ce groupuscule reste vraisemblablement la chose de Nikonoff comme l’UPR est celle d’Asselineau. C’est dommage car son programme me semble globalement plus cohérent et mieux articulé que ne pouvait l’être “l’Humain d’abord” par exemple (pas difficile me direz-vous), bien que le chiffrage des propositions laisse encore à désirer :
http://www.pardem.org/programme/programme-complet-du-pardem
Cela témoigne-t-il pour vous d’un véritable travail programmatique ou n’y voyez-vous qu’une énième lettre au Père Noël ?
Il n’y a de toute façon pas grand-chose à attendre de telles organisations (Pardem, PRCF, UPR…) sur le plan électoral, quand bien même elles uniraient leurs maigres forces. Je crois d’ailleurs qu’il y a eu des tentatives en ce sens dont l’échec ne tient pas tant aux divergences idéologiques et stratégiques qu’aux egos politiciens…
Une dernière question si vous le permettez : que retenez-vous du Congrès du PCF ?
@ Benjamin
[La récente mue du M’PEP en PARDEM (Parti de la Démondialisation) vous inspire-t-elle un commentaire ?]
Disons que je le vois comme un truc de saison. Le M’PEP était au départ le « mouvement pour une éducation populaire », il était ensuite devenu « mouvement pour une émancipation populaire », et maintenant devient le PARDEM. Quelqu’un disait que lorsqu’on ne sait changer le produit, on change l’emballage. Et cette instabilité de l’emballage me fait sérieusement douter de la qualité du produit.
En regardant un peu leur site, je retrouve l’utopie technocratique de Nikonoff, énarque de gauche qui croit toujours que le secret de la victoire c’est un programme et une procédure bien faite. J’avais eu l’opportunité de discuter avec lui du temps où il était un « bébé Hue » au PCF et qu’il délirait sur la possibilité de réformer le Parti pour en faire une structure « bien gouvernée » sans tenir le moindre compte de l’héritage culturel et historique des communistes. Quant aux dirigeants du PARDEM, on y retrouve toute la maffia des « nikonoffiens » d’ATTAC…
[Je doute qu’un simple relooking suffise à attirer les foules, d’autant que ce groupuscule reste vraisemblablement la chose de Nikonoff comme l’UPR est celle d’Asselineau.]
La comparaison est bonne. Asselineau est lui aussi un « technocrate » qui prétend faire de la politique comme on fait de l’administration.
[Cela témoigne-t-il pour vous d’un véritable travail programmatique ou n’y voyez-vous qu’une énième lettre au Père Noël ?]
Franchement, je le trouve assez médiocre. Déjà inclure dans un programme un chapitre « annuler toutes les réformes néolibérales prises ces quarante dernières années » dont le contenu se réduit à « les internautes sont invités à indiquer eux-mêmes sur le site du parti les lois qu’ils proposent d’abroger », c’est se foutre de la gueule du monde. D’abord, il faut être très naïf pour imaginer que « abroger une loi » permet « d’annuler une réforme ». Prenons par exemple l’ouverture du capital d’EDF : Annuler la loi qui l’autorise ne suffira pas à faire revenir EDF dans le giron public et à reconstituer l’électricien intégré. Et cet appel aux internautes sent la démagogie à pleines dents, genre « abrogez qui vous voulez ».
Pour le reste, sur certains sujets il y a des idées techniques intéressantes, mais c’est très inégal. Sur d’autres, on propose des choses infaisables ou on enfonce des portes ouvertes.
[Une dernière question si vous le permettez : que retenez-vous du Congrès du PCF ?]
Franchement, j’ai beaucoup de mal à m’intéresser. Moi qui, il y a encore quelques années, lisait l’ensemble des textes et des contributions crayon en main pour faire une fiche de lecture, j’ai eu du mal cette fois-ci a aller au bout des textes, tellement ils m’ont paru creux et verbeux. Quant aux contributions, je me suis efforcé de les lire parce qu’elles donnent toujours un petit goût de ce que les militants ont dans la tête. Mais cette année elles ne sont pas très nombreuses, et surtout elles sont très « formatées ». Quant au débat, à l’échange d’arguments et contre arguments, il semble inexistant. Contrairement aux congrès antérieurs, aucun forum de discussion n’a été mis en place.
J’ai l’impression que l’atomisation du PCF se poursuit. Avec trois motions « identitaires » qui réunissent près d’un quart des votants, une motion « gauchiste » qui réunit un petit quart, la motion « officielle » ne réunit qu’un peu plus de la moitié des voix. Certains y verront un progrès de la démocratie, pas moi : si les directions d’antan arrivaient à avoir des scores « staliniens », c’est parce que avant de soumettre au vote elles faisaient un énorme effort d’écoute des militants pour rédiger un texte qui soit acceptable par eux, puis de conviction pour ramener les dissidents à voter pour le texte. Ce que le vote du week-end dernier révèle, c’est que la direction du PCF n’a plus les moyens, le temps ou l’envie d’écouter sa base militante, d’être en résonance avec elle, de la convaincre. D’ailleurs, sur le site du PCF le résultat est donné sans commentaire.
On est arrivés au point ou la BCE, en désespoir de cause, ressuscite la vieille idée monétariste de la « monnaie par hélicoptère ». L’idée est simple : pour relancer l’économie, au lieu d’injecter la monnaie sur la sphère des « titres », on la distribuer directement aux gens qui s’empresseront de la dépenser dans les magasins, et donc de créer de la demande « réelle ». Puisqu’on en est là, on pourrait se demander pourquoi ne pourrait-on pas donner cet argent aux Etats pour qu’ils le dépensent en infrastructures, en écoles, en embauches de fonctionnaires qui auraient le même effet… mais bien entendu, s’agissant d’une idée libérale, l’Etat est anathème, et c’est donc aux gens qu’on donnera l’argent. Pourquoi pas. Sauf que, contrairement à ce qui se passerait avec l’Etat, il n’y a aucune garantie que les gens iront dépenser cet argent, où qu’ils le feront dans la sphère « réelle ». Dans un contexte d’incertitude, il se pourrait qu’ils préfèrent garder cet argent « pour un coup dur » ou qu’ils préfèrent se désendetter… ce qui ferait revenir l’argent aux banques et donc dans la sphère « des titres ».
On ne pourrait dire mieux. Les gens sont échaudés par huit ans de réformes structurelles. Tant que les hypothèques sur le futur ne sont pas levées, une (grande ?) partie des suppléments de revenus sera thésaurisée pour assurer un revenu différé. Et ces hypothèques (précarisation du travail, suppression des systèmes de retraites, démolition des mécanismes de protection sociale), personne ne paraît avoir ni l’envie, ni même – tant que subsistera le gloubi-gloubo mondialisé poussant au moins-disant – les moyens de les lever…
@ luxy luxe
[On ne pourrait dire mieux. Les gens sont échaudés par huit ans de réformes structurelles. Tant que les hypothèques sur le futur ne sont pas levées, une (grande ?) partie des suppléments de revenus sera thésaurisée pour assurer un revenu différé.]
Exactement. Il ne faut pas non plus oublier qu’on a rabattu les oreilles des gens avec les discours du genre « les retraites seront de moins en moins généreuses ». Un tel discours ne peut qu’encourager les gens à investir dans des plans d’épargne-retraite et autres instruments du même type pour se faire un complément par capitalisation, c’est-à-dire, par investissement dans les marchés des titres…En ce sens, il y a une sérieuse contradiction entre ce discours et la volonté affichée de “faire revenir la confiance”.
bien qu’assez d’accord avec votre démonstration, il me semble que vous ratez l’essentiel.
Certes on peut discuter du 99% ou du 50%, ou même moins si on tient compte selon votre proposition des biens “réels”. Mais, quoiqu’il en soit, il y a une grande concentration des richesses, et du pouvoir associé.
Mais le problème n’est pas là: il est dans le 1%, comme si les intérêts des 99% s’opposaient globalement aux intérêts des 1%. Or c’est là qu’il y aune erreur fondamentale: toute une partie de la population a des intérêts liés aux 1%, et cela doit représenter en France environ 30% de la population. Ils ont des intérêts liés aux 1% car leur situation “confortable” ne tient qu’à la redistribution que leur assure les 1%. C’est en gros vrai de la grande majorité des politiques et de leurs petites mains, des cadres supérieurs, de la technostructure supérieure, des artistes et médiacrates, des sportifs professionnels, des avocats d’affaire etc … etc …
Il donc fondamentalement faux de dire “le peuple des 99%” s’oppose “aux 1%”. Et c’est là l’erreur fondamentale de JLM et de tant d’autres.
nb: c’est en particulier vrai pour la question de l’euro. Les affidés de ces 1% ont tout intérêt à ce que la France reste dans l’euro.
@ marc.malesherbes
[Mais le problème n’est pas là: il est dans le 1%, comme si les intérêts des 99% s’opposaient globalement aux intérêts des 1%. Or c’est là qu’il y aune erreur fondamentale: toute une partie de la population a des intérêts liés aux 1%, et cela doit représenter en France environ 30% de la population.]
Tout a fait d’accord. Je n’ai pas insisté sur ce point, mais vous savez que je partage cette idée. On peut toujours diviser l’humanité en mettant d’un côté X% et de l’autre côté le complément. Cela n’implique pas que ces deux blocs soient homogènes du point de vue des intérêts, ni que l’intérêt des membres de l’un s’oppose à celui des membres de l’autre.
A côté des 1% les plus riches – disons la bourgeoisie – il y a des « classes moyennes » que j’estime autour de 20-30% de la population, qui sont moins riches mais qui pourtant ont leurs intérêts de ce côté. Le problème est que le discours du « 1% qui possède autant que le 99% » vise à minimiser la richesse des « classes moyennes »…
[Il donc fondamentalement faux de dire “le peuple des 99%” s’oppose “aux 1%”. Et c’est là l’erreur fondamentale de JLM et de tant d’autres.]
Tout à fait d’accord
Cher Descartes,
Nous en avions déjà parlé, mais je pense qu’il est indispensable que vous fassiez un papier définissant la classe moyenne, la bourgeoisie et le prolétariat.
Parce que je suis désolé, mais situer la bourgeoisie à 1% de la population est complètement différent de la perception usuelle de ce terme. Mes études de sociologie sont bien loin, mais la bourgeoisie, terme un peu obsolète, inclue quand même un nombre considérable de personnes : professions libérales (médicales, juridiques), cadres supérieurs, détenteur d’un capital important… Je ne sais pas, mais au bas mot, c’est pour moi au moins 20% de la population (je crois d’ailleurs que selon la nomenclature PCS, les cadres et professions intellectuelles supérieures représentent grosso modo 15% de la population active. Vous rajoutez les retraités riches, on ne doit pas être loin du 20% que j’ai annoncé ci-dessus.
Je comprends que vous rangez toutes ces personnes parmi les classes moyennes… Or, les classes moyennes sont, dans l’acception courante de ce terme, en dessous de ceux que j’ai désigné : les professions intermédiaires, un certain nombre d’employés (certaines assistantes gagnent plus de 2.500 euros par mois), les représentants…
@ Tythan
[Nous en avions déjà parlé, mais je pense qu’il est indispensable que vous fassiez un papier définissant la classe moyenne, la bourgeoisie et le prolétariat.]
La difficulté n’est pas tant de les définir au sens abstrait du terme, chose que j’ai fait plusieurs fois ici, mais surtout d’appliquer cette définition dans les contextes réels. Dès lors que la définition porte sur la question de la plusvalue (en gros, la bourgeoisie empoche plus de valeur qu’elle ne produit, le prolétariat en empoche moins, les « classes moyennes » empochent autant) la question d’estimation de la valeur produite se pose. Je travaille dessus, mais je dois avouer que pour le moment je n’ai pas de solution pleinement satisfaisante à proposer.
[Parce que je suis désolé, mais situer la bourgeoisie à 1% de la population est complètement différent de la perception usuelle de ce terme. Mes études de sociologie sont bien loin, mais la bourgeoisie, terme un peu obsolète, inclue quand même un nombre considérable de personnes : professions libérales (médicales, juridiques), cadres supérieurs, détenteur d’un capital important…]
Si l’on est rigoureux, la bourgeoisie est la classe qui possède un capital qui lui permet d’acheter la force de travail des autres et d’en extraire une partie de la valeur produite par celle-ci. Ce n’est pas une question sociologique, mais une question économique. Les professions libérales, les cadres supérieurs ne sont pas nécessairement des « bourgeois ».
[Je ne sais pas, mais au bas mot, c’est pour moi au moins 20% de la population (je crois d’ailleurs que selon la nomenclature PCS, les cadres et professions intellectuelles supérieures représentent grosso modo 15% de la population active. Vous rajoutez les retraités riches, on ne doit pas être loin du 20% que j’ai annoncé ci-dessus.]
Au risque de me répéter, être bourgeois n’implique nullement être riche, et vice-versa. Le patron d’une petite entreprise est un bourgeois, même s’il en retire une rémunération fort limitée. A l’inverse, un cadre supérieur salarié n’est pas un bourgeois, même s’il a un revenu confortable. L’appartenance à telle ou telle classe sociale dépend – du moins dans le contexte du raisonnement marxiste dans lequel je me place – de la place que chacun occupe dans les rapports de production, et non pas d’un patrimoine ou d’un mode de vie.
[Je comprends que vous rangez toutes ces personnes parmi les classes moyennes… Or, les classes moyennes sont, dans l’acception courante de ce terme, en dessous de ceux que j’ai désigné : les professions intermédiaires, un certain nombre d’employés (certaines assistantes gagnent plus de 2.500 euros par mois), les représentants…]
J’insiste : je rejette la définition « sociologique » des classes moyennes, qui à mon avis n’a pas de véritable contenu. Dès lors qu’on admet que ce sont les rapports de production et non pas le montant de votre salaire ou votre patrimoine qui conditionne la conscience politique, il y a tout intérêt à adopter une définition de ces couches situées entre la bourgeoisie et le prolétariat en termes de rapports de production. Je fais donc la distinction entre ceux – les prolétaires – qui sont obligés de vendre leur force de travail au prix proposé par le détenteur du capital, et ceux – les « classes moyennes » – qui possèdent un capital propre suffisant pour négocier leurs conditions de rémunération et récupérer l’intégralité – ou du moins une très grande partie – de la valeur produite par leur travail.
Tres bon article qui explique bien qu une partie de la richesse n est que virtuelle. J y ajouterai 2 choses:
1) la bulle n est pas que dans les actions. on a en france une fabuleuse bulle immobiliere (cf friggit). Son effet est bien pire que la bulle des actions car elle touche bien plus de monde et elle est faite a credit (c est quand meme pas courant de s endetter pour acheter 5 fois plus d action que ce qu on possede en cash. par contre acheter une maisona 100 alors qu on a 20 est considere comme normal)
2) les allemands ont un systeme de retraite par repartition comme en France. il existe un systeme par capitalisation (Riester) similaire a Prefon en france (deduction des cotisation du revenu imposable mais en RFA c est pas reserve aux fonctionnaires). Comme prefon, le riester est une partie marginale des retraites actuelles (et probablement futures)
La difference majeure avec la france, c est que les retraités allemands sont moins choyes qu en france (les retraites sont plus bases -> les cotisations sociales sur les actifs plus faible)
Je pense que l opposition a la politique de la BCE n est pas franchement lie aux retraites mais plus a la conception economique de la CDU (l ordoliberalisme) et aussi au fait de voir les effets deleteres de la politique de la BCE : par ex, les allemands commencent a avoir aussi une bulle immobiliere, qui va pousser les couts salariaux vers le haut ou inciter les gens a investir dans le parpaing au lieu de l industrie (car quand meme une des raisons des actions c est de permettre aux entreprises de se financer)
Certes les assurances vont avoir des problemes pour generer x% d interet quand la BCE a des taux negatifs, mais c est un probleme a moyen terme : les assurances ont des reserves
@ cdg
[1) la bulle n est pas que dans les actions. On a en france une fabuleuse bulle immobiliere]
Bien entendu. Mais la bulle immobilière a des causes différentes et très diverses. Ici elle est alimentée par le crédit bon marché, là par la législation fiscale et bancaire souple qui permet le blanchiment d’argent venu de l’étranger. Si les oligarques russes préfèrent acheter de la pierre à Londres et boudent Paris, ce n’est pas par hasard.
[Son effet est bien pire que la bulle des actions car elle touche bien plus de monde et elle est faite a credit]
D’une certaine manière, cela marche à l’envers des bulles sur les « titres ». L’achat à crédit fait que l’acheteur échange un « titre » (la reconnaissance de dette) pour un « bien réel »…
[La difference majeure avec la france, c est que les retraités allemands sont moins choyes qu en france (les retraites sont plus bases -> les cotisations sociales sur les actifs plus faible)]
Et comptent donc plus sur leurs rentes (revenu du capital, valeur de leur maison) pour compléter leur retraite. Même si formellement le système fonctionne par répartition, en pratique la capitalisation joue un rôle essentiel, alors qu’il reste marginal en France.
Bonjour je pense que la loi travail a toute sa place dans le débat et il va être curieux de voir si la gauche radicale va voter la motion de censure de la droite qui réclame une loi travail plus musclée
@bernard
[il va être curieux de voir si la gauche radicale va voter la motion de censure de la droite qui réclame une loi travail plus musclée]
Si la droite présente une motion de censure réclamant une loi travail plus musclé, elle créé elle même les conditions pour qu’elle ne soit pas votée, et on ne pourra pas reprocher à la gauche radicale de ne pas la voter. Si la droite veut vraiment mettre le gouvernement en difficulté – ce qui n’est pas évident… est-elle prête à faire face à une dissolution ? – elle fera une motion de censure “neutre” pouvant rassembler l’ensemble des opposants au projet.
Par ailleurs, si on additionne les voix des “frondeurs”, celles des communistes et celles des vers plus quelques députés de droite ou du centre, on n’est pas loin du nombre de députés nécessaire pour présenter leur propre motion de censure (58)… mais les frondeurs oseront-ils ? j’ai mes doutes.
Cher Descartes,
Je suis nouveau sur votre blog et j’apprécie la clarté et l’érudition de vos billets, en particulier ceux qui touchent à l’économie comme celui-ci.
Je suis assez ignare en matière économique et je voulais vous demander si vous aviez des ouvrages de référence en économie à me conseiller.
Cordialement
Louis
@ Louis
[Je suis assez ignare en matière économique et je voulais vous demander si vous aviez des ouvrages de référence en économie à me conseiller.]
Les deux bouquins classiques de Jacques Généreux (“Introduction à l’Economie” et “Introduction à la politique économique”) sont un bon début. Mais je pense qu’il est plus intéressant de rentrer dans l’économie par la voie de l’histoire des idées économiques, vous pouvez essayer Henri Denis (“Histoire de la pensée économique”).
Merci beaucoup. Je lirai avec intérêt.
Cordialement
Louis
@ Descartes et bernard
Malgré l’échec à pas grand chose du dépôt d’un motion de censure “de gauche”, j’aurais du mal à comprendre (en termes de cohérence) que les frondeurs ne votent pas la motion de la droite, comme l’ont décidé les communistes. Si l’on souhaite vraiment contrer le projet de loi, il faut voter la censure et l’étiquette de la motion me semble assez secondaire… Ou alors pourrait-on imaginer qu’en cas d’échec de ce projet, le nouveau gouvernement propose une loi encore pire de façon à avoir les votes de la droite ?
A part cela, quelques commentaires sur le dernier programme économique de Juppé ? (j’angoisse de plus en plus à l’idée de devoir choisir l’an prochain entre PS ou LR, aussi pro-déflation l’un que l’autre, et FN)
@ Cadmoslao
[Malgré l’échec à pas grand chose du dépôt d’un motion de censure “de gauche”, j’aurais du mal à comprendre (en termes de cohérence) que les frondeurs ne votent pas la motion de la droite, comme l’ont décidé les communistes. Si l’on souhaite vraiment contrer le projet de loi, il faut voter la censure et l’étiquette de la motion me semble assez secondaire…]
Le vote d’une motion de censure a un sens, qui dépasse de très loin le fait de « contrer le projet de loi ». L’engagement de la responsabilité par le biais du troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution n’est pas une simple magouille, un « truc » de tactique parlementaire. Il a un sens profond : par cet acte, le gouvernement dit : « le texte en discussion est une pièce essentielle de ma politique ; si vous ne voulez pas de ce texte c’est que vous ne voulez pas globalement de cette politique, et dans ce cas il faut le dire ».
Dans notre monde politique, tout le monde raisonne en termes tactiques sans montrer le moindre intérêt pour le SENS de ce qu’on fait. A droite comme à gauche, on raisonne comme si la motion de censure avait pour objectif de censurer la loi El Khomri, alors que le but d’une motion de censure est de censurer l’ensemble de la politique du gouvernement. Et c’est pourquoi les raisonnement de Mélenchon et d’autres comme quoi « la motion de censure n’oblige pas a dissoudre l’Assemblée » sont absurdes : si la politique du gouvernement est censurée dans son ensemble, alors il faut trouver une majorité pour une politique différente. Cette majorité existe-t-elle ? Non, bien sur que non… sauf à admettre quel a droite du PS s’allie à la droite et au centre pour faire une vraie politique sociale-libérale décomplexée.
Seuls les communistes sont cohérents là dedans : Depuis 2012, ils condamnent systématiquement non seulement la loi El Khomri, mais l’ensemble de la politique gouvernementale. Il est donc normal qu’ils votent la censure. Mais comment les « frondeurs », qui ont soutenu l’ensemble de la politique gouvernementale à quelques détails près, pourraient en toute cohérence voter la censure ?
[A part cela, quelques commentaires sur le dernier programme économique de Juppé ? (j’angoisse de plus en plus à l’idée de devoir choisir l’an prochain entre PS ou LR, aussi pro-déflation l’un que l’autre, et FN)]
Franchement, je n’ai pas pris la peine de le lire. J’attends que tout ça se décante un peu…de toute façon, comme on connaît ses sains on les honore. Juppé n’est pas un perdreau de l’année.
bonjour je sais pas si je suis sur le bon sujet ici assez ancien , mais comment mesurer la richesse créé par un salarié qui met en rayon dans un super marché qui tout en étant utile au métier par apport a un ouvrier d’une confection qui fabrique un vêtement
@ bernard
Pour les économistes de l’école classique – à laquelle appartient Marx – la « valeur » n’est créée que par le travail humain (en cela, ils s’opposaient aux économistes préclassiques qui voyaient dans la terre la source de valeur). La mesure de la valeur d’un bien est donc le temps de travail utilisé à la fabrication de ce bien (que ce soit le temps de travail direct, ou le temps de travail contenu dans les matières premières et les machines intervenant dans la production).
Cette vision conduit à un paradoxe : un bien produit dans une usine moderne aurait alors moins de valeur que le même bien produit de manière artisanale. Marx résout ce paradoxe en énonçant que la mesure de la valeur n’est pas le temps de travail EFFECTIVEMENT utilisé, mais le temps de travail SOCIALEMENT NECESSAIRE – c’est-à-dire, le temps de travail nécessaire en utilisant les méthodes de production les plus efficaces accessibles à une société donnée.
Ainsi, la valeur créée par un salarié qui met en rayon utilisant les équipements et les méthodes les plus efficaces disponibles dans la société où il vit, et le salarié qui fabrique un vêtement dans les mêmes conditions produisent au bout d’une journée de travail de même longueur la même valeur.