Au secours, je ne comprends plus rien !

Je vais vous avouer une chose : j’ai beaucoup de mal à écrire une chronique pour mon blog en ce moment. Ce n’est pas tant l’angoisse de la page blanche qu’un « aquabonnisme » galopant. Chaque jour, et sur chaque sujet on entend de nos jours des discours tellement absurdes, tellement irrationnels et qui pourtant sont gobés avec une telle facilité que je finis par me demander si ce n’est pas moi qui est dans l’erreur. Peut-être qu’il y a quelque chose que tout le monde comprend et qui m’échappe, et qui pourrait donner de la cohérence à ce qui me semble en manquer ?

Prenons par exemple la politique économique du gouvernement – qui au fond est à peu près la même que celle de tous nos compagnons d’infortune dans l’UE. Toutes ces politiques sont fondées sur une même idée, une même obsession, celle de la « compétitivité ». A droite comme à gauche, on entend la même parole : « soyez compétitifs, mes frères, c’est la condition pour que les produits de nos entreprises trouvent preneur sur les marchés libres et non faussés, qu’elles créent des emplois et que vous soyez heureux ». Et même à l’extrême gauche, où on vomit l’entreprise, ce discours fait son chemin. Une seule chose change : on insiste sur le « coût du capital » plutôt que sur le « coût du travail ». Mais l’idée de base est là.

Ce discours a pourtant une faille évidente : en dehors de « l’Ecole des fans », il n’y a pas de compétition ou tout le monde gagne. En d’autres termes, un simple raisonnement de symétrie montre que si tout le monde se met à jouer le même jeu, à chercher à tout prix à « être compétitif », il faudra bien qu’il y en ait qui perdent la course. Qu’est ce qu’on fera avec eux ? Pire encore : pour « être compétitif », on peut compter sur la technologie qui augmente la productivité, sur l’amélioration de la qualité de la force de travail par l’éducation et la formation. Mais ces ressources sont à la portée de tout le monde, et si une entreprise y a accès, ses concurrents l’auront très rapidement. Sauf dans les domaines ou la technologie avance très vite – et dans l’économie ces domaines ne sont pas si nombreux – la compétitivité ne peut être rétablie que d’une seule manière : en réduisant la rémunération des facteurs de production, c'est-à-dire, du capital et du travail. C’est le travail qui trinque d’abord, parce que les travailleurs étant moins mobiles que les billets, ces derniers peuvent plus efficacement aller chercher la meilleure rémunération. Mais au fond, le problème est symétrique, et réjoint un théorème bien connu : dans un marché pur et parfait, la rémunération des facteurs de production tend vers leur coût de renouvellement. En d’autres termes, les salaires sont poussés au niveau de subsistance.

Dans une économie de pénurie, cela pouvait se tenir. Quand on arrive à peine à produire de quoi survivre, le fait que les salaires soient proches du niveau de subsistance ne pose pas trop de problème, puisque la demande et l’offre sont équivalentes. Mais dans une économie moderne, qui suppose un niveau de vie qui dépasse largement le niveau de survie, cela génère une spirale dépressive. Si les salaires sont poussés vers le niveau de subsistance, qui achètera tous les biens et les produits qui dépassent ce niveau ? On pourrait répondre « les capitalistes ». Seulement voilà, les capitalistes sont peu nombreux, et même s’ils vivent dans un luxe asiatique on ne peut manger que quatre fois par jour et on ne lave le ligne que deux fois par semaine. Alors, comment écouler le reste de la production ? La réponse à cette question, ces trente dernières années, a été la dette. Au fur et à mesure que la « concurrence libre et non faussée » que le libéralisme a imposé à partir des années 1980 a poussé les salaires vers le bas en valeur relative, on a pu maintenir la consommation et donc le niveau de vie au prix d’un endettement croissant. Cet endettement est plutôt privé dans les pays ou les individus financent leurs consommation directement, plutôt public dans les pays ou le financement est mutualisé par l’Etat. Mais endettement public et endettement privé ne sont pas, on l’a vu lors des dernières crises, des compartiments étanches, et lorsque la crise frappe l’endettement privé migre vers le public, qui est obligé de le reprendre sous peine de provoquer une crise sociale.

Cette dette, on le sait, ne peut être payée qu’au prix d’une récession : dès lors que la politique de « compétitivité » pousse les salaires vers le bas et que seul l’endettement maintient la demande, on ne peut réduire l’endettement qu’en sacrifiant la demande, donc la production, donc les salaires… et c’est un cercle vicieux. Il n’y a qu’à voir ce qui est en train de se passer dans l’UE : les politiques d’austérité – dont le but ultime est le désendettement des états – ont cassé la reprise de l’économie, qui stagne lamentablement faute de demande. Et cette stagnation pousse le chômage vers le haut et les salaires vers le bas. On cherche à nous faire croire – c’est un peu le but de la loi El Khomri – que si les entreprises n’embauchent pas, c’est parce qu’elles ont peur de ne pas pouvoir licencier demain au cas où leurs carnets de commande se videraient. Ce raisonnement oublie que les carnets de commande sont vides maintenant, et que si les entreprises n’embauchent pas ce n’est pas parce qu’elles craignent le tarissement de la demande dans le futur, mais parce qu’elles n’ont pas de demande dans le présent.

Pour le dire autrement : la recherche de la « compétitivité » enrichit un pays ou une entreprise à condition que les autres n’adoptent pas la même logique. C’est une politique de « passager clandestin ». Dès lors que tout le monde joue le même jeu, on entre dans une spirale récessive, qu’on peut retarder éventuellement de quelques années par une spirale de dette. Le raisonnement que je viens d’exposer n’a rien, il me semble, de génial. Pas la peine de sortir de Polytechnique pour le comprendre. Et pourtant, on voit quotidiennement des dirigeants politiques, des journalistes, des économistes médiatiques pontifiant sur la nécessaire « compétitivité » dans des marchés « aussi ouverts et parfaits que possible ». Ces gens-là sont ils des menteurs ? Sont-ils purement inconscients ? Ou c’est moi qui fait une erreur élémentaire ?

Descartes

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230 réponses à Au secours, je ne comprends plus rien !

  1. Gautier Weinmann dit :

    La politique n’est pas qu’une quête intellectuelle, fort sympathique, où l’on échange des arguments.
    C’est aussi un système qui sert des intérêts. Et comme le CAC 40 se porte très bien…

    • Descartes dit :

      @ Gauthier Weinmann

      [La politique n’est pas qu’une quête intellectuelle, fort sympathique, où l’on échange des arguments. C’est aussi un système qui sert des intérêts.]

      C’est vrai. Mais comme l’homme est un animal de raison, ces intérêts ont de tout temps cherché à se cacher derrière un discours cohérent et rationnellement soutenable. Pendant longtemps la classe dominante a prétendu que sa domination était justifiée par l’élection divine. Lorsque les gens ont cessé de croire que Dieu se préoccupait de choisir ses dirigeants, le discours a changé et aucun patron ne prétend plus être l’oint du Très-Haut.

      Que le discours de la « compétitivité » soit devenu quelque chose qui relève de l’évidence alors qu’il est si facile de montrer combien il est logiquement incohérent montre, je vous l’accorde, que les groupes sociaux qui ont l’hégémonie idéologique ont très envie d’y croire. Une envie de croire qui leur permet d’ignorer les contradictions de leur discours.

      [Et comme le CAC 40 se porte très bien…]

      De moins en moins, en fait. C’est par là à mon avis que la crise viendra…

  2. tmn dit :

    En tout cas même si votre raisonnement n’a rien de génial, il est exposé ici clairement et ce n’est pas si simple je trouve.

    Déjà je pense qu’il y a un sérieux problème de manque de rigueur intellectuelle, des politiques et surtout des journalistes. C’est fou le nombre de questions qui pourraient faire l’objet d’une objection, le nombre de réponses à côté de la plaque, de diversions, c’est vraiment très énervant à force je trouve. Dernier exemple que je trouve tout simplement incroyable, la “règle” “contre 1 immigré illégal retourné je vous prends 1 migrant légal”, qui est quand même un non sens absolu ! Déjà conceptuellement, pour un truc illégal, on donne un truc légal … pourquoi pas “1 euro volé, 1 euro de déduction d’impôts” !? Et plus concrètement, si 10 millions de migrants illégaux se précipitent en Europe, on serait tenus d’accepter 10 millions de migrants légaux ?? Tout ça n’est pas sérieux, et je n’ai pas entendu un journaliste le relever.

    Mais surtout, pour revenir à votre billet, je pense que les politiques au pouvoir depuis trente ans au moins ont placé au dessus de tout le reste certains dogmes, en particulier la libre circulation (des capitaux, des marchandises, et des hommes). Une fois que vous essayez de raisonner dans le cadre restreint où ce dogme ne fait pas partie de ce qu’on peut changer ni même discuter, quelle autre solution que jouer sur la compétitivité ? Surtout une fois que tous vos pays partenaires font pareil, ça devient une quasi obligation… Et pour ne rien gâcher une grande partie de ce dogme a été institutionnalisé dans les textes de l’UE en plus.

    Pour lutter contre l’aquabonnisme (qui vient facilement il faut bien le dire pour qui suit un peu la vie politique), peut être faut il essayer de se projeter dans un avenir plus positif ? Même si ce n’est pas pour demain… Mais par exemple, que proposeriez vous comme programme pour sortir la France de l’impasse que vous décrivez ? Quelles seraient pour vous les quelques mesures fortes et symboliques qu’un parti progressiste devrait mettre dans son programme ? Que faire avec l’UE et l’euro ? Comment mettre en place quelque-chose qui redonne envie aux classes populaires et à une partie des classes moyennes de voter pour un tel parti ? Après tout c’est quand on est loin du pouvoir qu’on a le temps de réfléchir à ce qu’on ferait avec…

    • Descartes dit :

      @ tmn

      [Dernier exemple que je trouve tout simplement incroyable, la “règle” “contre 1 immigré illégal retourné je vous prends 1 migrant légal”, qui est quand même un non sens absolu ! Déjà conceptuellement, pour un truc illégal, on donne un truc légal … pourquoi pas “1 euro volé, 1 euro de déduction d’impôts” !?]

      En fait, c’est plus compliqué que ça. L’idée est qu’on renvoie les migrants arrivés illégalement en Grèce en Turquie, et qu’en échange on va chercher le même nombre de migrants dans les camps de réfugiés en Turquie et on les fait entrer légalement dans l’UE. On transmet donc aux migrants le message suivant : « ce n’est pas la peine de risquer votre vie sur un bateau et de payer un passeur pour aller en Grèce, vous avez au contraire intérêt à attendre sagement dans votre camp qu’on vienne vous chercher ». Bien entendu, si tout le monde joue le jeu le nombre de migrants sera toujours le même, sauf qu’ils entreront légalement et qu’on pourra donc les suivre, les diriger, les distribuer dans les différents pays membres (sans garantie qu’ils y restent, mais ça, c’est une autre histoire). Ce que je suspecte, c’est qu’on ne jouera pas tout à fait le jeu…

      [Et plus concrètement, si 10 millions de migrants illégaux se précipitent en Europe, on serait tenus d’accepter 10 millions de migrants légaux ?? Tout ça n’est pas sérieux, et je n’ai pas entendu un journaliste le relever.]

      Oui. N’oublie pas que le but de la bureaucratie européenne n’est pas de réduire le nombre de migrants, mais de les faire rentrer dans l’épure bureaucratique…

      [Mais surtout, pour revenir à votre billet, je pense que les politiques au pouvoir depuis trente ans au moins ont placé au dessus de tout le reste certains dogmes, en particulier la libre circulation (des capitaux, des marchandises, et des hommes). Une fois que vous essayez de raisonner dans le cadre restreint où ce dogme ne fait pas partie de ce qu’on peut changer ni même discuter, quelle autre solution que jouer sur la compétitivité ? Surtout une fois que tous vos pays partenaires font pareil, ça devient une quasi obligation… Et pour ne rien gâcher une grande partie de ce dogme a été institutionnalisé dans les textes de l’UE en plus.]

      Vous avez sans doute raison… mais je suis toujours étonné de la capacité des gens à croire les choses les plus absurdes quand cette croyance les arrange…

      [Mais par exemple, que proposeriez vous comme programme pour sortir la France de l’impasse que vous décrivez ? Quelles seraient pour vous les quelques mesures fortes et symboliques qu’un parti progressiste devrait mettre dans son programme ?]

      J’avais dans le temps écrit un papier sur le « protectionnisme intelligent », et je n’ai pas changé d’avis. Je pense qu’il faudrait revenir à un système du type SME, et piloter les parités monétaires de manière à équilibrer la balance extérieure de chaque pays. Du coup, à rien ne sert de se battre pour la « compétitivité » : si vous devenez plus « compétitif », votre monnaie se réévalue et bouffe vos gains… Le but de la politique monétaire doit être l’équilibre des échanges, comme le proposait Keynes. A partir du moment où l’équilibre extérieur est assuré, le partage de la valeur ajoutée entre capital et travail redevient une affaire nationale et donc à la main du politique.

      [Que faire avec l’UE et l’euro ?]

      L’euro on le supprime. L’UE… ça se discute. Une forme de coordination et de standardisation n’est pas forcément mauvaise entre pays proches et qui commercent intensément entre eux. Mais il faudrait soustraire à l’UE tous les domaines de l’économie dans lesquels le marché n’est pas un bon régulateur (éducation, services publics…).

      [Comment mettre en place quelque-chose qui redonne envie aux classes populaires et à une partie des classes moyennes de voter pour un tel parti ?]

      Aujourd’hui, c’est impossible. Aussi longtemps qu’en sacrifiant les classes populaires les « classes moyennes » arrivent à se protéger, l’alliance entre les deux est impossible.

      [Après tout c’est quand on est loin du pouvoir qu’on a le temps de réfléchir à ce qu’on ferait avec…]

      Il le faut même ! Les socialistes ont gâché leur quinquennat parce qu’ils n’ont pas été capables de profiter de leur passage par l’opposition pour réfléchir…

    • tmn dit :

      [En fait, c’est plus compliqué que ça. L’idée est qu’on renvoie les migrants arrivés illégalement en Grèce en Turquie, et qu’en échange on va chercher le même nombre de migrants dans les camps de réfugiés en Turquie et on les fait entrer légalement dans l’UE. On transmet donc aux migrants le message suivant : « ce n’est pas la peine de risquer votre vie sur un bateau et de payer un passeur pour aller en Grèce, vous avez au contraire intérêt à attendre sagement dans votre camp qu’on vienne vous chercher ».]

      Mais le message envoyé n’est pas si clair, et c’est un peu vicieux, car pour avoir l’espoir de rentrer légalement chaque migrant doit compter sur… le fait qu’un illégal se fasse attraper ! Je trouve vraiment que ça n’a ni queue ni tête.

      [Le but de la politique monétaire doit être l’équilibre des échanges, comme le proposait Keynes. A partir du moment où l’équilibre extérieur est assuré, le partage de la valeur ajoutée entre capital et travail redevient une affaire nationale et donc à la main du politique.]

      Ça parait sage, mais il y a du chemin (intellectuel) à faire parcourir à nos élites… Je lirai votre article sur le protectionnisme intelligent.

      [Il le faut même ! Les socialistes ont gâché leur quinquennat parce qu’ils n’ont pas été capables de profiter de leur passage par l’opposition pour réfléchir…]

      Et on ne peut pas dire que l’UMP/LR soit sur une voie de réflexion qui conduise à en espérer quoi que ce soit… Ni que quelque-chose de “trans-partisan” pointe le bout de son nez. Bref : c’est déjà presque trop tard pour 2017… Mais raison de plus pour ne pas attendre grand chose des partis existants.

    • Descartes dit :

      @ tmn

      [Mais le message envoyé n’est pas si clair, et c’est un peu vicieux, car pour avoir l’espoir de rentrer légalement chaque migrant doit compter sur… le fait qu’un illégal se fasse attraper ! Je trouve vraiment que ça n’a ni queue ni tête.]

      C’est un système qui va fabriquer rapidement des déçus. En effet, une fois qu’on aura expulsé tous les migrants qui sont actuellement en Grèce, le « 1 pour 1 » s’arrêtera… à moins que d’autres migrants arrivent en Grèce. En d’autres termes, pour se débarrasser des migrants, la Turquie a intérêt… à les laisser passer en Grèce. Je t’accorde que dès qu’on pousse le raisonnement, le procédé apparaît vite idiot…

      [Je lirai votre article sur le protectionnisme intelligent.]

      C’est pas pour me jeter des fleurs, mais c’est l’un des articles dont je suis le plus fier depuis que je publie ce blog…

      [Et on ne peut pas dire que l’UMP/LR soit sur une voie de réflexion qui conduise à en espérer quoi que ce soit…]

      Oui et non. La droite a moins besoin de ce travail, parce que c’est historiquement « le parti du pouvoir ».

  3. “Dès lors que tout le monde joue le même jeu, on entre dans une spirale récessive, qu’on peut retarder éventuellement de quelques années par une spirale de dette.”
    Pensez-vous par conséquent que l’Allemagne est condamnée à une prochaine récession? Si tel est le cas, avec la masse de migrants accueillis par nos voisins d’Outre-Rhin, une crise économique pourrait provoquer des réactions violentes en terre germanique…

    Plus généralement, je partage votre point de vue sur l’ “aquabonisme”. Je n’alimente plus guère mon blog, non pas que je n’ai pas envie de parler de certains sujets (d’ailleurs, je viens en parler ici), mais il arrive un moment où on a tellement l’impression d’être à contre-courant, d’appartenir à une minorité d’incompris, d’être ringard et déconnecté, qu’effectivement je me dis que c’est moi qui ne comprend rien au monde qui m’entoure. Depuis des années j’attends un hypothétique “retour à la réalité” de mes concitoyens sur la construction européenne, l’euro, la nation, l’immigration. J’ai arrêté de rêver: ce pays va poursuivre sa lente déliquescence jusqu’à disparaître…

    • Descartes dit :

      @nationaliste-ethniciste

      [Pensez-vous par conséquent que l’Allemagne est condamnée à une prochaine récession? Si tel est le cas, avec la masse de migrants accueillis par nos voisins d’Outre-Rhin, une crise économique pourrait provoquer des réactions violentes en terre germanique…]

      Je ne sais pas si cela ira jusqu’à la récession. L’Allemagne est relativement protégée par l’Euro (qui lui permet de profiter des efforts faits par les autres pays européens pour soutenir la consommation) et par une influence sur les institutions européennes qui lui permettent de violer allègrement un certain nombre de règles de concurrence sans jamais se faire rappeler à l’ordre (voir par exemple l’affaire de la détaxe de l’électricité pour les entreprises). Mais il y a un certain consensus des économistes pour dire que les politiques d’austérité européennes sont en train de frapper l’Allemagne non pas par le canal budgétaire, mais par celui de la demande sur son économie.

      [Plus généralement, je partage votre point de vue sur l’ “aquabonisme”.]

      Enfin, vous avec compris que ma référence était ironique. Contrairement à vous, je crois encore à « l’optimisme méthodologique »…

      [il arrive un moment où on a tellement l’impression d’être à contre-courant, d’appartenir à une minorité d’incompris, d’être ringard et déconnecté, qu’effectivement je me dis que c’est moi qui ne comprend rien au monde qui m’entoure.]

      Je pense que c’est une attitude saine. Quelqu’un me disait que la différence entre l’américain et le français était que lorsque l’américain ne comprend pas son interlocuteur, sa question est « qu’est ce qui ne va pas chez lui », alors que le français tendra à dire « qu’est ce qui ne va pas chez moi ». Mais une qualité devient un défaut lorsqu’on la pousse trop loin. Si l’on a l’impression de ne pas comprendre le monde qui nous entoure, alors il faut faire les efforts pour gagner cette compréhension.

      [Depuis des années j’attends un hypothétique “retour à la réalité” de mes concitoyens sur la construction européenne, l’euro, la nation, l’immigration. J’ai arrêté de rêver: ce pays va poursuivre sa lente déliquescence jusqu’à disparaître…]

      Là, je pense que vous boudez votre plaisir. Moi, je vois partout des signes de « retour à la réalité ». Après des années d’illusion, la plupart de nos concitoyens finit par réaliser que la classification « droite/gauche » a perdu tout son sens. L’illusion « européenne » s’est largement dissipée, au point que même le jury de l’ENA – haut lieu de la propagande europhile pendant trente ans – dénonce la vision stéréotypée et totalement déconnectée de la réalité des candidats au concours. Les symboles nationaux sont remis à l’honneur. Et je pourrais continuer la liste. Non, je ne partage pas votre pessimisme : les choses bougent dans le bon sens. Lentement, par tâtonnements, je vous l’accorde. Mais on n’est plus écrasés par la chape de plomb d’une « pensée unique » étouffante comme il y a dix ou quinze ans…

  4. Antoine dit :

    Bonjour Descartes,

    > Mais au fond, le problème est symétrique, et réjoint un théorème bien connu : dans un marché pur et parfait, la rémunération des facteurs de production tend vers leur coût de renouvellement.

    Sur ce point précis, je pense que vous connaissez comme moi la réplique à cet argument : le comportement asymptotique présuppose que les paramètres du système ne changent pas, et par ailleurs la constante de temps n’est pas précisée. Le remède est, comme on le voit, le changement régulier des paramètres du système (notamment par l’injection permanente d’améliorations techniques, de changements culturels et sociaux) et, de “disruption” en “disruption”, on assure que de nouvelles plus-values sont régulièrement inventées pour remplacer les anciennes plus-values en voie de contraction.

    Alors, bien sûr, les “décroissants” et autres classes moyennes ayant contracté une vision romantique de la vie “à la dure” (qui soutiennent l’existence zadiste ou le “retour à la terre”) s’en affligeront, mais en pratique ces perturbations régulières du fonctionnement nominal des marchés peuvent produire de réelles améliorations de la qualité de vie…

    Merci en tout cas pour la présence de vos écrits. Sur l’aquabonnisme, le plus déprimant je trouve est l’attitude de la “gauche radicale”, cette cohorte de zozos idéologisés (certains issues du PS…) qui racontent tout et n’importe en se donnant de grands airs et en agressant quiconque n’est pas d’accord avec eux. La candidature Mélenchon (pardon, la “proposition de candidature”) donne une nouvelle occasion d’apprécier leur cordialité dans l’échange et la rigueur de leurs arguments, hélas. Le tout pour un résultat probablement minable, puisque Mélenchon sera éliminé et se retirera progressivement de la vie politique…

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [« Mais au fond, le problème est symétrique, et réjoint un théorème bien connu : dans un marché pur et parfait, la rémunération des facteurs de production tend vers leur coût de renouvellement ». Sur ce point précis, je pense que vous connaissez comme moi la réplique à cet argument : le comportement asymptotique présuppose que les paramètres du système ne changent pas, et par ailleurs la constante de temps n’est pas précisée. Le remède est, comme on le voit, le changement régulier des paramètres du système (notamment par l’injection permanente d’améliorations techniques, de changements culturels et sociaux) et, de “disruption” en “disruption”, on assure que de nouvelles plus-values sont régulièrement inventées pour remplacer les anciennes plus-values en voie de contraction.]

      Oui et non. « L’injection permanente d’améliorations techniques, de changements culturels et sociaux » ne génère des plus-values que dans la mesure où elles sont réservées à quelques acteurs du marché. Auquel cas vous n’êtes plus dans une logique de marché « pur et parfait ». Si les « améliorations techniques, culturelles et sociales » sont à la portée de tous les acteurs de marché, leur effet s’annule puisqu’elles cessent d’être un facteur de compétitivité.. Justement, il faut comprendre que si le progrès technique écarte la rémunération des facteurs du prix de leur reconstitution, c’est précisement parce qu’il éloigne le marché de la logique « pure et parfaite »…

      [mais en pratique ces perturbations régulières du fonctionnement nominal des marchés peuvent produire de réelles améliorations de la qualité de vie…]

      Je crains que vous ne pêchiez par excès d’optimisme. Après une période de « rattrapage » très longue, le progrès technique tend à stagner. Dans la plupart des grands secteurs industriels, il n’y a pas eu vraiment de progrès déterminant ces vingt ou trente dernières années…

      [Sur l’aquabonnisme, le plus déprimant je trouve est l’attitude de la “gauche radicale”, cette cohorte de zozos idéologisés (certains issues du PS…) qui racontent tout et n’importe en se donnant de grands airs et en agressant quiconque n’est pas d’accord avec eux.]

      Ce qui est effrayant, c’est surtout leur incapacité à animer une véritable réflexion. Or, c’est là que la « gauche radicale » pourrait avoir une plus-value sociale : n’étant pas bornée par le pragmatisme nécessaire à l’exercice du pouvoir, elle bénéficie d’une liberté intellectuelle qui en théorie devrait lui permettre de remettre en cause les « vaches sacrées ». Or, la seule réponse de la « gauche radicale » à la « pensée unique » néolibérale est une nouvelle « pensée unique » alternative faite pour moitié d’un moralisme néo-victorien et pour moitié d’un guévarisme mal digéré… et le tout dans un climat de sectarisme qui rappelle les maoïstes d’antan…

      [La candidature Mélenchon (pardon, la “proposition de candidature”) donne une nouvelle occasion d’apprécier leur cordialité dans l’échange et la rigueur de leurs arguments, hélas. Le tout pour un résultat probablement minable, puisque Mélenchon sera éliminé et se retirera progressivement de la vie politique…]

      Pensez-vous qu’il sera « éliminé » ? Ne l’enterrez pas trop vite…

    • Antoine dit :

      > Si les « améliorations techniques, culturelles et sociales » sont à la portée de tous les acteurs de marché, leur effet s’annule puisqu’elles cessent d’être un facteur de compétitivité

      Elles arrivent à la portée de tous les acteurs du marché… au bout d’un certain temps. Pendant ce temps, des plus-values confortables ont pu être dégagées par les acteurs qui étaient en avance sur les autres. Si ce régime instable (transitoire) peut être recréé suffisamment régulièrement par l’évolution technique ou sociale, alors le régime asymptotique “normal” n’a jamais le temps de se mettre en place réellement.

      > Justement, il faut comprendre que si le progrès technique écarte la rémunération des facteurs du prix de leur reconstitution, c’est précisement parce qu’il éloigne le marché de la logique « pure et parfaite »…

      Mais la réalité est rarement “pure et parfaite”, justement 🙂

      > Dans la plupart des grands secteurs industriels, il n’y a pas eu vraiment de progrès déterminant ces vingt ou trente dernières années…

      C’est possible. Je suis peut-être biaisé, car je travaille dans un secteur où l’évolution technique tient depuis des décennies d’un chamboulement quasi-continu. Or ce secteur a, comme l’énergie ou les transports, des conséquences systémiques sur l’organisation de la société.

      > Pensez-vous qu’il sera « éliminé » ? Ne l’enterrez pas trop vite…

      Oui, je pense que Mélenchon sera éliminé à l’issue du premier tour. Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. Envisagez-vous qu’il puisse dépasser les 16 à 20% nécessaires pour arriver au second tour, avec seulement le FN devant lui ?

    • Antoine dit :

      Re-bonjour Descartes,

      (qu’il est frustrant de ne pas pouvoir modifier un message posté…)

      Je tiens à préciser que je ne m’oppose pas à votre argument sur la “nécessaire compétitivité” (ni à votre défense d’un protectionnisme). Je réagis à celui concernant la rémunération des facteurs de production en régime permanent. Il me semble que c’est en substance l’argument-massue de la “baisse tendancielle du taux de profit” qui sert aux anti-capitalistes à prédire régulièrement la chute inévitable du système (certes, tout système devient un jour obsolète, mais quand ? là est la question…). Or cet argument ignore que la “baisse tendancielle” n’est décisive que si les paramètres du système ne changent pas assez fréquemment pour invalider la tendance asymptotique. Hypothèse qui pouvait paraître raisonnable il y a deux siècles, mais qui aujourd’hui paraît un peu arbitraire.

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [« Si les « améliorations techniques, culturelles et sociales » sont à la portée de tous les acteurs de marché, leur effet s’annule puisqu’elles cessent d’être un facteur de compétitivité ». Elles arrivent à la portée de tous les acteurs du marché… au bout d’un certain temps.]

      Un temps qui est de plus en plus court. Avec la flexibilité des technologies modernes, ces « améliorations » sont accessibles à tout le monde avec une constante de temps inférieure à celle nécessaire pour mettre en place une usine ou une ligne de production, sauf dans certains domaines particuliers qui justement restent très « rentables » et payent des bons salaires, et où l’on est très loin des conditions du marché « pur et parfait ».

      J’insiste sur ce point : les libéraux soutiennent – avec raison – qu’un marché « pur et parfait » conduit nécessairement à un optimum économique. Si on réalise que la seule manière d’éviter que les salaires ne soient poussés au plancher de survie est d’empêcher que les marchés soient « purs et parfaits », on détruit le principal argument des libéraux. Car un marché qui n’est ni pur ni parfait n’a aucune raison de réguler l’économie mieux que ne le ferait un monopole.

      [Pendant ce temps, des plus-values confortables ont pu être dégagées par les acteurs qui étaient en avance sur les autres. Si ce régime instable (transitoire) peut être recréé suffisamment régulièrement par l’évolution technique ou sociale, alors le régime asymptotique “normal” n’a jamais le temps de se mettre en place réellement.]

      Vous avez raison… mais les faits montrent que ce « régime instable » ne peut être recréé suffisamment que lors des périodes de « rattrapage », comme les trente glorieuses. Dès lors que l’économie croit très lentement, la bicyclette avance trop lentement pour se maintenir en équilibre.

      [« Justement, il faut comprendre que si le progrès technique écarte la rémunération des facteurs du prix de leur reconstitution, c’est précisement parce qu’il éloigne le marché de la logique « pure et parfaite »… Mais la réalité est rarement “pure et parfaite”, justement :-)]

      Faudrait l’expliquer aux libéraux, parce que c’est leur seul argument. Si le marché n’est pas « pur et parfait », alors loin d’optimiser l’utilisation des facteurs de production il procure au contraire des « rentes indues ».

      [« Pensez-vous qu’il sera « éliminé » ? Ne l’enterrez pas trop vite… » Oui, je pense que Mélenchon sera éliminé à l’issue du premier tour.]

      Pardon, je vous ai mal compris. J’ai cru que vous disiez qu’il serait « éliminé » avant l’élection.

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [(qu’il est frustrant de ne pas pouvoir modifier un message posté…)]

      « Chaque homme est maître de ses silences, et esclave de ses paroles »…

      [Je tiens à préciser que je ne m’oppose pas à votre argument sur la “nécessaire compétitivité” (ni à votre défense d’un protectionnisme). Je réagis à celui concernant la rémunération des facteurs de production en régime permanent. Il me semble que c’est en substance l’argument-massue de la “baisse tendancielle du taux de profit” qui sert aux anti-capitalistes à prédire régulièrement la chute inévitable du système (certes, tout système devient un jour obsolète, mais quand ? là est la question…).]

      Oui et non. Du moins chez Marx, la « baisse tendancielle du taux de profit » était une logique, et non un fait. Ce cher Karl explique très bien que la « baisse tendantielle » ne se produira pas dans les faits, précisément parce que le capitalisme est poussé par elle à chercher en permanence de nouvelles méthodes, de nouveaux marchés, de nouvelles guerres pour l’éviter. En d’autres termes, votre argument sur la virtualité d’un « état permanent » est parfaitement marxiste… désolé si je vous fais de la peine !

      [Or cet argument ignore que la “baisse tendancielle” n’est décisive que si les paramètres du système ne changent pas assez fréquemment pour invalider la tendance asymptotique. Hypothèse qui pouvait paraître raisonnable il y a deux siècles, mais qui aujourd’hui paraît un peu arbitraire.]

      Il faut se poser la question, justement. Pendant deux siècles, le capitalisme a réussi à éviter la baisse du taux de profit en repoussant chaque fois plus loin les frontières de l’activité humaine. Est-ce que nous n’arrivons pas aujourd’hui à une limite physique, au-delà de laquelle il deviendra de plus en plus difficile de continuer à le faire ? Dans cette hypothèse, la « baisse tendancielle » deviendrait une baisse réelle…

    • Antoine dit :

      > En d’autres termes, votre argument sur la virtualité d’un « état permanent » est parfaitement marxiste… désolé si je vous fais de la peine !

      Cela ne me fait aucune peine 😉 C’est simplement la preuve que je ne connais pas grand’chose au marxisme, mis à part ce qu’en racontent les gauchistes…

      > Est-ce que nous n’arrivons pas aujourd’hui à une limite physique, au-delà de laquelle il deviendra de plus en plus difficile de continuer à le faire ?

      C’est une bonne question (j’avoue que l’argument de la limite physique m’étonne un peu de votre part… d’autre part l’innovation n’a pas forcément à se produire dans le monde matériel des contraintes physiques).

      Les limites physiques ressemblent plutôt à des seuils, par exemple la force de travail humaine était une “limite physique” jusqu’à ce qu’on arrive à mettre en oeuvre de façon industrielle la force produite par la combustion d’hydrocarbures. Le capitalisme finance massivement la recherche dans certains domaines…

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [Cela ne me fait aucune peine 😉 C’est simplement la preuve que je ne connais pas grand’chose au marxisme, mis à part ce qu’en racontent les gauchistes…]

      Lisez « Le Capital ». Je suis persuadé qu’avec votre culture économique vous trouverez le texte non seulement intéressant du point de vue de la théorie économique qu’il développe, mais aussi du point de vue historique comme illustration des théories qui s’affrontaient alors. Je trouve d’ailleurs très révélateur que les héritiers intellectuels de Marx chez nous montrent un certain mépris pour le Marx économiste et ne jurent que par le Marx philosophe…

      [« Est-ce que nous n’arrivons pas aujourd’hui à une limite physique, au-delà de laquelle il deviendra de plus en plus difficile de continuer à le faire ? ». C’est une bonne question (j’avoue que l’argument de la limite physique m’étonne un peu de votre part… d’autre part l’innovation n’a pas forcément à se produire dans le monde matériel des contraintes physiques).]

      Lorsque je parle de « limite physique », je veux dire qu’elle ne se trouve pas sur le plan des idées, mais sur le plan de la matière. Contrairement à vous, je reste un matérialiste : si l’innovation ne se produit pas dans le monde matériel, ses conséquences ne sont économiques que si elles s’inscrivent dans la matière. Les contraintes « physiques » se manifestent donc sur l’innovation au moment de la mise en œuvre…

  5. Benjamin dit :

    Présupposer que les journalistes en général disposent d’un minimum de culture économique me semble hasardeux, et il n’est pas sûr que les “dirigeants politiques” soient beaucoup mieux lotis :

    http://m.nouvelobs.com/politique/20160315.OBS6513/pauvrete-des-idees-conformisme-les-candidats-a-l-ena-etripes-par-le-jury-du-concours-d-entree.html?xtref=http%3A%2F

    Quant aux économistes médiatiques, ces VRP du néoliberalisme, ne sont-ils tout simplement pas trop idéologisés (fanatisés ?) pour soumettre leur imaginaire théorique à un examen rationnel et envisager les failles logiques de leur discours ?

    En ce qui concerne le projet de loi El Khomri, j’ai les plus grandes difficultés du monde à faire comprendre autour de moi que le problème de l’emploi relève moins d’un code du travail considéré comme un frein à l’embauche que de la macroéconomie, alors même qu’aucune étude à ma connaissance ne montre de corrélation entre flexibilisation et évolution du taux de chômage :

    http://lm.facebook.com/l.php?u=http%3A%2F%2Fwww.alterecoplus.fr%2Fch%2525c3%2525b4mage%2Fmichel-husson%2Fmarche-du-travail-la-rigidite-nest-pas-lennemie-de-lemploi-201603100700-00003148.html&h=JAQFJkZZq&s=1

    “Oui oui et quand [des patrons de TPE/PME] te disent droit dans les yeux qu’ils nembauchent pas

    Parce qu’en cas de problème ils ne peuvent pas licencier

    Ça c’est quoi ?

    C’est le réel ça, pas des données

    L’expérience

    Pas le règne de l’abstraction [macro-économique]

    Moi je préfère entendre ceux qui sont concernés”

    Que voulez-vous opposer à ce genre de discours…

    • Descartes dit :

      @ Benjamin

      [Présupposer que les journalistes en général disposent d’un minimum de culture économique me semble hasardeux, et il n’est pas sûr que les “dirigeants politiques” soient beaucoup mieux lotis :]

      Enfin, le raisonnement que je propose ne nécessite pas une grande culture économique… Quant au lien que vous donnez, il est absolument remarquable. Je conseille d’ailleurs à mes lecteurs de lire les rapports du jury de l’ENA, ils donnent une bonne idée de la manière dont une élite technique se juge elle-même. Je trouve très rafraîchissant que le jury de l’ENA reproche aux candidats leur manque de vision critique sur la construction européenne et ses institutions. J’en déduis que le jury a privilégié le recrutement des candidats qui avaient cette vision critique…

      [Quant aux économistes médiatiques, ces VRP du néoliberalisme, ne sont-ils tout simplement pas trop idéologisés (fanatisés ?) pour soumettre leur imaginaire théorique à un examen rationnel et envisager les failles logiques de leur discours ?]

      Probablement. Et puis, au risque de me répéter, l’envie de croire est le moteur le plus puissant qu’on ait jamais inventé. Lorsqu’on a intérêt à croire, on croit n’importe quoi.

      [Que voulez-vous opposer à ce genre de discours…]

      L’opposition d’une réalité « sensible » à la rigueur de la Raison est, depuis le romantisme, l’instrument de tous les réactionnaires…

    • Carnot dit :

      Concernant le rapport du jury de l’ENA, je suis bien placé pour savoir qu’il ne faut pas prendre trop au sérieux – malheureusement – ce genre de déclarations sur le conformisme des candidats qui revient presque chaque année. Dans la réalité le jury attend toujours, plus ou moins consciemment, que les candidats s’inscrivent dans “l’univers mental” des institutions actuelles. Tout le défi est de parvenir à montrer son regard critique par une approche raisonnée des “totems” en vigueur (décentralisation, UE, etc.) mais, en critiquant leurs modalités, de valider leur principe.

      Cela dit je ne suis pas sûr que cela change beaucoup le profil des admis à la fin puisque tout le monde peut faire attention à ne pas prendre de risque sur ces questions. Par contre le bourrage de crâne eurolâtre à Sciences Po fait quant à lui des dégâts considérables sur les personnes n’ayant pas un solide esprit critique…

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [Concernant le rapport du jury de l’ENA, je suis bien placé pour savoir qu’il ne faut pas prendre trop au sérieux – malheureusement – ce genre de déclarations sur le conformisme des candidats qui revient presque chaque année. Dans la réalité le jury attend toujours, plus ou moins consciemment, que les candidats s’inscrivent dans “l’univers mental” des institutions actuelles.]

      Je vais vous révéler quelque chose : il y a quelques années, j’ai fait partie d’un jury d’ENA « blanc » dans une prestigieuse institution d’enseignement parisien. En discutant avec les candidats, on s’aperçoit qu’ils sont dans une logique – fort rationnelle d’ailleurs, à leur place on ferait de même – de minimisation du risque. Ils comprennent parfaitement qu’ils sont dans un exercice de séduction, et non de conviction. Le but n’est pas de convaincre le jury que vous avez raison, mais de le convaincre de vous prendre. Le but du candidat est donc de construire une « façade » le plus attirante – ou le moins repoussante – possible, en répondant ce que le jury veut entendre (quand le candidat arrive à l’anticiper) et en fournissant une réponse « passe partout » lorsque ce n’est pas le cas.

      Ca énerve le jury, qui lui veut voire ce qu’il y a derrière la « façade »… en d’autres termes, le jury est à l’image de ce patron américain qui disait « je veux que mes collaborateurs me disent la vérité, même si cela doit leur coûter leur poste ». C’est une contradiction impossible de résoudre. C’est pourquoi à mon avis le « grand O » de l’ENA est probablement l’épreuve la plus difficile et la plus intéressante de tout l’enseignement français. C’est en fait un jeu qui teste la capacité du candidat à « lire » le jury et à lui fournir la réponse que celui-ci attend, mais ce qui corse l’exercice est que le jury « attend » une réponse qui paraisse sincère, réfléchie, prenant position. Exactement ce qu’un ministre exigera d’un haut fonctionnaire plus tard…

      Les candidats ne sont d’ailleurs guère dupes. Ils savent parfaitement où sont les lignes rouges qui séparent l’acceptable de l’inacceptable. La naïveté eurolâtre ne paye pas, mais la pasion europhobe non plus. Un haut fonctionnaire est censé pouvoir travailler avec un ministre qui soit des deux persuasions, et c’est pourquoi la parole doit toujours rester modérée…

      [Cela dit je ne suis pas sûr que cela change beaucoup le profil des admis à la fin puisque tout le monde peut faire attention à ne pas prendre de risque sur ces questions.]

      Ce n’est pas aussi évident que vous le croyez. J’ai été par curiosité voir des « grand O » de l’ENA (ils sont publics), et je vous assure que les jurys – dans lesquels il y a des hauts fonctionnaires qui connaissent la musique – sait très bien pousser les candidats sur des terrains glissants. Ceux qui évitent l’obstacle sont pénalisés.

      [Par contre le bourrage de crâne eurolâtre à Sciences Po fait quant à lui des dégâts considérables sur les personnes n’ayant pas un solide esprit critique…]

      Ca, c’est tout à fait vrai !

    • Carnot dit :

      Oui tout à fait, il faut également éviter d’être fuyant. D’ailleurs dans les oraux de l’ENA auquel j’ai pu assister il y avait une répartition des rôles, avec un des membres jouant le « haut fonctionnaire traditionnel » tenant des positions très « Etat à l’ancienne » pour mettre les candidats dans des situations ou on est obligés de prendre le risque de construire une réponse qui sur le fond ne plaira sans doute pas autant à tous les membres du jury.

      [Par contre le bourrage de crâne eurolâtre à Sciences Po fait quant à lui des dégâts considérables sur les personnes n’ayant pas un solide esprit critique…][Ca, c’est tout à fait vrai !]

      Je me souviens de cette prof ayant fait applaudir l’amphi Boutmy après une envolée sur le thème « les peuples peuvent avoir tort – comme en 2005 – il faut que nous les sauvions d’eux-mêmes sans leur demander leur avis »… Cela dit l’honnêteté m’engage à dire que j’y ai également eu des professeurs « européens » lucides qui m’ont beaucoup apporté. Je pense que cela ne vous étonnera pas si je vous dis que Jean-Louis Bourlanges est de ceux-là.

      C’est dans un de ses cours où il analysait brillamment les résultats du référendum de 2005 que j’ai compris que le jacobin que j’étais déjà ne pouvait sans contradiction persister dans l’européisme un peu automatique que j’avais professé jusqu’à lors. Il a montré, en s’inspirant des travaux de Todd sur les structures familiales, comment la France du « non » recoupait la carte des régions ou les familles sont davantage nucléaires, et où les solidarités familiales s’estompant, la demande d’Etat est la plus forte. Ces terres « jacobines » (bassin parisien, nord, est, etc.), historiquement foyers révolutionnaires et républicains s’opposaient à un grand ouest « girondin » largement en faveur du « oui », ce que Bourlanges expliquait notamment par la persistance de familles plus « patriarcales », dans la tradition notabiliaire, voire à l’extrême nobiliaire comme au XIXe, de l’ouest. Réalisant que tout ce en quoi je croyais était en fait incarné par la France du « non », j’ai entamé une remise en cause qui m’a finalement vu devenir radicalement hostile à l’UE.

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [Oui tout à fait, il faut également éviter d’être fuyant. D’ailleurs dans les oraux de l’ENA auquel j’ai pu assister (…)]

      Vous aussi vous y êtes allé ? Décidément, on a pas mal de choses en commun…

      [Je me souviens de cette prof ayant fait applaudir l’amphi Boutmy après une envolée sur le thème « les peuples peuvent avoir tort – comme en 2005 – il faut que nous les sauvions d’eux-mêmes sans leur demander leur avis »…]

      Au fond, les « classes moyennes » ont transféré la toute-puissance gauchiste sur la construction européenne. En 1968, les « avant-gardes éclairées » expliquaient que le peuple était « aliéné » et que par conséquence il fallait faire son bonheur malgré lui et même contre lui. Dans les années 2000, le eurolâtres tenaient exactement le même discours, en remplaçant la révolution prolétarienne par la construction européenne…

      [Cela dit l’honnêteté m’engage à dire que j’y ai également eu des professeurs « européens » lucides qui m’ont beaucoup apporté. Je pense que cela ne vous étonnera pas si je vous dis que Jean-Louis Bourlanges est de ceux-là.]

      Non, cela ne m’étonne pas, j’ai pu assister à ses conférences. C’est l’un des rares eurolâtres qui cherche en toute occasion à ne pas laisser son engagement obscurcir sa réflexion. Je me souviens l’avoir entendu dire au début des années 2000 – dans une conférence à des élèves de l’ENA d’ailleurs – combien les partisans de l’Europe s’étaient fourvoyés en croyant pouvoir toucher aux questions de souveraineté nationale impunément. Il fallait du courage pour dire ces choses-là à cette époque…

      Je me suis souvent trouvé en désaccord avec Bourlanges dans ses engagements, rarement dans ses analyses ou dans son exposé des faits. Je me suis souvent demandé d’ailleurs si son engagement restait aussi véritable que par le passé, si ce n’était plus l’expression d’une fidélité à sa jeunesse – un peu comme moi par rapport au stalinisme français – qu’une véritable conviction…

  6. yann dit :

    @Descartes

    Je comprends votre fatigue. J’ai moi même lâchement laissez tomber mon blog, même si je compte le reprendre un jour. L’impression latente de prêcher dans le désert.

    Les élites occidentales ont totalement oublié les leçons de la crise des années 30. Le fantôme de Keynes et des économistes de son époque hantent pourtant notre réalité. La Chine vient de voir ses exportations fondre de 25% en début d’année, c’est juste catastrophique, mais sans doute est-ce la faute au code du travail local excessivement généreux. Ce n’est certainement pas parce que la demande mondiale s’effondre comme le montre pourtant l’évolution d’indicateurs comme le Baltic Dry.

    On est passé à la deuxième phase de la crise, maintenant que les principaux pays importateurs déficitaires ne peuvent plus s’endetter pour consommer ce que les excédentaires produisent, les principaux pays mercantilistes tombent les uns après les autres. On attend les effets sur la baudruche industrielle allemande. Mais ils vont encore dire qu’il faut encore plus pressurer les salaires. Tels les shadoks, les néolibéraux nous invitent à continuer à pomper jusqu’à qu’il ne reste plus un seul salarié vivant sur cette planète. Et cela simplement parce qu’ils ne semblent pas comprendre que le salarié est aussi un consommateur. Avec leurs conceptions complètement absurdes de la société et de l’économie, ils en viendront sans doute un jour à réclamer la construction de robot pour consommer ce que d’autres robots fabriqueront et ainsi la boucle de l’absurde sera enfin bouclée.

    • Descartes dit :

      @ yann

      [Les élites occidentales ont totalement oublié les leçons de la crise des années 30. Le fantôme de Keynes et des économistes de son époque hantent pourtant notre réalité. La Chine vient de voir ses exportations fondre de 25% en début d’année, c’est juste catastrophique, mais sans doute est-ce la faute au code du travail local excessivement généreux. Ce n’est certainement pas parce que la demande mondiale s’effondre comme le montre pourtant l’évolution d’indicateurs comme le Baltic Dry.]

      En fait, tous les indicateurs pointaient en cette direction. La baisse du pétrole – et cela malgré les crises au proche et moyen orient – est déjà un signe. Surtout qu’elle est accompagnée d’une baisse générale des matières premières. Les banques centrales font pleuvoir des crédits bon marché, sans réussir à faire repartir l’investissement. On a envie de leur demander : pourquoi à votre avis les entreprises arrêtent leurs commandes de matières premières, d’énergie, de machines, alors que l’argent est si bon marché ? Parce qu’ils ont peur de ne pas pouvoir licencier ?

      [Tels les shadoks, les néolibéraux nous invitent à continuer à pomper jusqu’à qu’il ne reste plus un seul salarié vivant sur cette planète. Et cela simplement parce qu’ils ne semblent pas comprendre que le salarié est aussi un consommateur.]

      Exactement. On dirait, comme vous le dites, que Keynes a été oublié. Le problème des libéraux, c’est qu’ils sont obsédés par la microéconomie. Et du point de vue microéconomique il y a d’un côté le travailleur, qui coûte de l’argent, et de l’autre le client, qui en apporte. Il faut passer au niveau macroéconomique pour réaliser que le client n’apporte que l’argent que le travailleur a gagné…

  7. Françoise dit :

    Votre moral est tellement bas que vous ne croyez plus au progrès; la compétitivité joue aussi sur l’innovation, le but du jeu n’étant pas d’être tous égaux mais d’avoir une longueur d’avance sur le voisin.
    Profitez du soleil printanier et au lieu de lire des chroniques de l’ancien temps marxiste, relisez votre Bescherelle, cela vous remémorera l’accord du pronom relatif sujet (ce n’est pas moi qui suis; c’est moi qui fais)

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [Votre moral est tellement bas que vous ne croyez plus au progrès;]

      Au contraire, je crois toujours au progrès. Simplement, je n’associe pas « le progrès » avec l’idée qu’il faudra vivre chaque fois moins bien pour gagner une course à laquelle personne ne se souvient plus pourquoi il fallait s’inscrire…

      [la compétitivité joue aussi sur l’innovation, le but du jeu n’étant pas d’être tous égaux mais d’avoir une longueur d’avance sur le voisin.]

      Oui, mais vous voyez bien que si les voisins jouent aussi ce jeu là, il n’y aura qu’un seul gagnant et beaucoup de perdants.

      [Profitez du soleil printanier et au lieu de lire des chroniques de l’ancien temps marxiste, relisez votre Bescherelle, cela vous remémorera l’accord du pronom relatif sujet (ce n’est pas moi qui suis; c’est moi qui fais)]

      Vous ne pouvez pas vous empêcher d’être gratuitement désagréable. Remarquez, ça me dispensera de vous répondre jusqu’à l’été.

  8. marc.malesherbes dit :

    Bonjour,

    votre billet m’étonne,car il est tellement évident que nous souffrons dans la conjoncture actuelle d’un manque de compétitivité “global” qui se voit par le déficit chronique de notre balance des biens et services. Autrement dit nous vivons au dessus de nos moyens, important trop par rapport à nos exportations.

    Il y a bien sûr de multiples manières de réduire ce déficit, mais d’une manière ou d’une autre, nous serons forcé de rétablir cet équilibre.
    Dans un horizon temporel de 10 à 20 ans, même si on s’y attaque résolument, il ne sera pas possible de modifier si rapidement notre efficacité globale. Il sera très difficile de rogner sur les avantages du capital en raison de sa mobilité, c’est à dire de la facilité qu’il a d’aller à l’extérieur. Donc nous devrons rogner sur notre niveau de vie, soit par la déflation interne, soit par la dévaluation. La déflation me paraît préférable car elle est plus sociale, en ponctionnant davantage au fur et à mesure que l’on s’élève dans l’échelle des revenus.
    F Hollande, comme N Sarkozy, en restant dans l’euro, ont choisi la voie de la déflation salariale. Je ne leur jette pas la pierre, car une dévaluation mal conduite peut être catastrophique et pire qu’une déflation salariale. Or j’ai les plus grand doute sur la capacité de nos élites à conduire une dévaluation, ce qui demande du doigté, alors qu’ils se révèlent tous les jours incapables de mener à bien quelque réforme que ce soit, à commencer par celle de l’école. Tout ce qu’ils sont capables de faire, c’est de suivre à reculons, et en faisant au plus mal, les réformes dictées par Bruxelles.

    nb: je suis conscient que chacune de mes affirmations demanderait une longue démonstration. Mais j’ai choisi de faire court, ne sachant ou vous en êtes de votre réflexion économique.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [votre billet m’étonne,car il est tellement évident que nous souffrons dans la conjoncture actuelle d’un manque de compétitivité “global” qui se voit par le déficit chronique de notre balance des biens et services. Autrement dit nous vivons au dessus de nos moyens, important trop par rapport à nos exportations.]

      Je n’ai jamais dit le contraire. Mais comment allons nous arranger ça ? Les libéraux nous disent : baissons les salaires, et du coup notre population consommera moins. Du coup, nous importerons moins et nous exporterons plus. Seulement voilà, si chaque pays joue le même jeu, si chacun réduit ses importations et augmente ses exportations, il va y avoir un problème, non ?

      Si nous sommes d’accord sur le fait que les déficits de la balance extérieure sont à long terme insoutenables, alors la conclusion évidente est qu’il faut aller vers une balance équilibrée au niveau de chaque pays, puisque les excédents des uns sont nécessairement les déficits des autres. Cela suppose que ceux qui sont déficitaires réduisent leur consommation de biens étrangers, et que ceux qui sont excédentaires les augmentent… et pour obtenir ce résultat, le meilleur moyen reste la dévaluation relative.

      [Dans un horizon temporel de 10 à 20 ans, même si on s’y attaque résolument, il ne sera pas possible de modifier si rapidement notre efficacité globale. Il sera très difficile de rogner sur les avantages du capital en raison de sa mobilité, c’est à dire de la facilité qu’il a d’aller à l’extérieur.]

      Si on arrive à la conclusion qu’on ne peut pas rogner les avantages du capital, alors ce n’est pas la peine de discuter. Autant se résigner à la baisse continue de la part salariale…

      [Donc nous devrons rogner sur notre niveau de vie, soit par la déflation interne, soit par la dévaluation. La déflation me paraît préférable car elle est plus sociale, en ponctionnant davantage au fur et à mesure que l’on s’élève dans l’échelle des revenus.]

      N’oubliez pas que le but est de réduire la consommation de produits importés, et non la demande de produits nationaux. Or, en faisant de la déflation salariale, vous n’avez aucun contrôle sur le type de produits qui seront moins consommés. Si la baisse des salaires fait que les gens achètent moins de voitures françaises mais continuent à acheter autant de chemisettes chinoises, votre balance sera toujours aussi déséquilibrée…

      C’est pourquoi je préfère la dévaluation à la déflation. La dévaluation ne fait que renchérir les produits importés, et tend à détourner la demande interne vers les produits nationaux…

      [Je ne leur jette pas la pierre, car une dévaluation mal conduite peut être catastrophique et pire qu’une déflation salariale.]

      Dans la très longue histoire des dévaluations françaises, on n’a jamais atteint trois millions et demi de chômeurs… alors que les deux déflations (celle des années 1930 sous Laval et celle d’aujourd’hui) ont toutes deux eu des résultats catastrophiques tant sur notre appareil productif que sur l’emploi. J’ai donc tendance à penser qu’une dévaluation a moins de chance d’être « mal conduite » qu’une déflation.

    • yann dit :

      @Descartes

      À titre personnel, je pense que la régulation commerciale uniquement par le biais du flottement monétaire est une impasse. Je préfère largement une régulation par droit de douane et quotas d’importation avec des monnaies relativement stables. Je vous l’accorderais ce genre de politique dite protectionniste à mauvaise presse bien à tort.

      Pour ce qui est de la compétitivité française, un coup d’oeil à l’évolution de la balance des paiements et de la valeur de notre monnaie montre que tous se sont dégradés lorsque l’euro est passé au-dessus de 1.1 € pour un dollar vers 2003. Il est cependant plus facile pour les élites de présenter les déficits comme le résultat d’un manque de compétitivité plutôt que comme le résultat d’une monnaie absurdement surévaluée et dysfonctionnelle. Du reste il faut rappeler que durant les trente glorieuses la France et l’Italie ont rattrapé l’Allemagne qui était pourtant nettement plus industrialisée grâce à de fréquentes dévaluations. La mythologie qui veut que les dévaluations et l’inflation, dont des malheurs pour les peuples, ne tiennent pas la route face à l’analyse factuelle. La France va mal depuis qu’elle essaie de ressembler à l’Allemagne, on fonctionnait mieux avec 3% ou 4 % d’inflation et des dévaluations fréquentes. C’est probablement vrai pour la plupart des pays latins d’ailleurs.

    • Descartes dit :

      @ yann

      [À titre personnel, je pense que la régulation commerciale uniquement par le biais du flottement monétaire est une impasse. Je préfère largement une régulation par droit de douane et quotas d’importation avec des monnaies relativement stables. Je vous l’accorderais ce genre de politique dite protectionniste à mauvaise presse bien à tort.]

      J’avais abordé cette question dans mon article sur le « protectionnisme intelligent ». Le problème des mesures protectionnistes, c’est qu’elles doivent être régulées par la puissance publique, qui doit donc choisir quels sont les domaines qu’elle entend « protéger ». Pour que cette décision soit prise sur des critères rationnels, il faut une accumulation d’information qui n’est pas évidente. L’avantage de la dévaluation, c’est qu’elle laisse à la régulation du marché agir pour sélectionner les domaines de l’économie qui sont les plus efficients… et lorsque la régulation par le marché fonctionne, elle est plus économique que la régulation administrative. Cela étant dit, dans beaucoup de domaines la régulation en question marche mal. Je pense donc que dévaluation et protectionnisme sont des instruments complémentaires. Ce qu’il faut garder en tête, c’est l’objectif : l’équilibre de la balance extérieure.

      [La mythologie qui veut que les dévaluations et l’inflation, dont des malheurs pour les peuples, ne tiennent pas la route face à l’analyse factuelle. La France va mal depuis qu’elle essaie de ressembler à l’Allemagne, on fonctionnait mieux avec 3% ou 4 % d’inflation et des dévaluations fréquentes. C’est probablement vrai pour la plupart des pays latins d’ailleurs.]

      Tout à fait, particulièrement du fait de ce qu’on appelle la « préférence pour la valeur nominale » qui les caractérise, alors que les pays protestants tendent à manifester une « préférence pour la valeur réelle ». Le problème de nos économistes médiatiques, c’est qu’ils sont des piètres historiens : dans notre histoire, les déflations se sont toujours révélées bien plus catastrophiques que les inflations…

  9. CVT dit :

    @Descartes,
    si vous êtes fou, alors je veux bien vous accompagner à l’asile!
    Il n’y a pas un mot, une virgule, que je ne retirerais de votre post! En clair, je me sens moins seul :-)…

    • Descartes dit :

      @CVT

      En général je préfère quand vous n’êtes pas d’accord, ça donne des échanges plus riches… mais je vais pas vous forcer!
      Curieusement, beaucoup de gens – y compris dans les hautes sphères de la Commission, j’ai fait récemment un déplacement à Bruxelles qui m’a donné quelque surprises – le partagent… mais personne n’ose le dire. Sur le genre “oui, je suis d’accord avec vous, mais si je le dis tout haut on me vire”. Le jour ou quelqu’un osera enfin dire bien fort que le roi est nu, ça va faire des dégâts…

    • CVT dit :

      @Descartes,
      [Le jour ou quelqu’un osera enfin dire bien fort que le roi est nu, ça va faire des dégâts…]
      En d’autres temps, je vous aurais traité d’incurable optimiste, mais vu la débandade actuelle des institutions européennes, avec l’écroulement de la zone Schengen, l’attrition de l’Eurozone et la sortie assez probable du Royaume-Uni de l’UE, je pense que ce jour-là n’est plus si éloigné que cela…
      Concernant la sortie de l’UE, il me semble que j’ai un point de désaccord avec vous: dans l’un de vos commentaires, vous aviez dit que l’UE devait (ou pourrait) subsister sous une autre forme, alors que moi, “Carthage doit être détruite”! C’est une perte de temps de réformer un outil comme l’UE, il faut en sortir, purement et simplement!
      Evidemment, les accords et les traités qui ont été signés sous son égide ne disparaitront pas d’un coup de baguette magique, mais c’est justement là des négociations qui devront être menées lors de la sortie de cet absurde et immonde “Machin”, comme aurait dit Mongénéral.
      Il faut revenir à une situation où tout accord entre pays pourra être bilatéral, ou multilatéral, et si possible, SANS organisme de coordination qui s’arrogerait ni droit de regard ni un droit de censure sur les états comme le fait l’UE. Pour ma part, je pense qu’il est impossible de réformer l’UE en ce sens, car elle a été justement pensée CONTRE la souveraineté des nations: autant essayer de transformer un 2CV en Ferrari…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [Concernant la sortie de l’UE, il me semble que j’ai un point de désaccord avec vous: dans l’un de vos commentaires, vous aviez dit que l’UE devait (ou pourrait) subsister sous une autre forme, alors que moi, “Carthage doit être détruite”! C’est une perte de temps de réformer un outil comme l’UE, il faut en sortir, purement et simplement!]

      Je suis moins radical que vous, du moins d’un point de vue technique. Le technocrate que je suis ne rejette pas une UE qui serait une enceinte de négociation entre pays souverains pour se mettre d’accord sur des règles techniques, et qui assurerait le suivi – notamment statistique – des décisions prises. Cela étant dit, je comprends qu’il puisse à un moment avoir une nécessité symbolique de proclamer « delenda est Cartago » et de tout casser, quitte à reconstruire autre chose ensuite.

    • Jean-François dit :

      @Descartes

      [Le technocrate que je suis ne rejette pas une UE qui serait une enceinte de négociation entre pays souverains pour se mettre d’accord sur des règles techniques, et qui assurerait le suivi – notamment statistique – des décisions prises.]

      C’est intéressant. A mon avis, il n’est pas possible de rester dans l’UE si l’on sort de l’Euro, car l’heure serait alors à la punition de la part des autres pays membres, de la Commission, etc. Vu comme ils se sont acharnés sur la Grèce, je n’imagine pas qu’ils nous laissent revenir à la version UE sans Euro des traités. Est-ce que vous pensez que cela serait vraiment possible ? Selon vous comment cela pourrait-il se dérouler ?

    • Descartes dit :

      @ Jean-François

      [C’est intéressant. A mon avis, il n’est pas possible de rester dans l’UE si l’on sort de l’Euro, car l’heure serait alors à la punition de la part des autres pays membres, de la Commission, etc.]

      La question est politique, et non juridique. On peut supposer qu’il y aura chez les eurolâtres une tentation de « faire payer cher » au sortant son outrecuidance. Mais en même temps, expulser la France de l’UE poserait des problèmes. Certains pays de l’UE voudront éviter un tête-à-tête avec l’Allemagne, et feront leur possible pour garder la France dans l’UE même si elle décide de sortir de l’Euro… Je crois qu’il ne faut fermer la porte à aucune configuration. Une seule chose me paraît non négociable à ce stade, et c’est la sortie elle-même et la récupération de l’ensemble des « domaines de souveraineté ».

  10. cdg dit :

    Votre raisonnement sur la competitivité et le fait qu il y a forcement des perdants est faux. Vous pouvez avoir le detail sur https://fr.wikipedia.org/wiki/Avantage_comparatif.
    En resumé la theorie des avantages comparatif de Ricardo (c est pas neuf, ca date de 1805) dit que meme le plus defavorisé (aka le moins competitif) a interet a ne pas etre autarcique et a pratiquer le libre echange
    Je vous accorde que ca amplifie les inegalités (meme si les moins competitifs y gagnent, les plus competitif tirent mieux leur epingle du jeu) et que la pratique ne correspond pas toujours a la theorie

    La competitivite,c est pas simplement une question de prix. Sinon apple ne dominerait pas le marche des smartphone et Mercedes ou Ferrari ne vendraient pas de voiture. Si on raisonne maintenant pays, la suisse est un pays ou une caissiere de lidl gagne le salaire d un inge francais (4000 CHF brut = 3000 € net). La suisse est elle pour autant moins competitive que la france ? (roche, nestle, swatch … prouvent le contraire. la suisse a un % du PIB consacre a l industrie nettement supperieur a la france)

    Je pense que la question majeure est l allocation des ressources. Vous avez des ressources humaines et materielles et vous pouvez les allouer differement. Vous pouvez decider par ex de mettre le paquet sur l armement et la police politique (coree du nord pour prendre un exemple extreme) ou decider de maintenir coute que coute un systeme dysfonctionnant mais qui assure a vos electeurs un revenu (ex la PAC) mais evidement l argent depense la ne le sera pas ailleurs (par ex avec 10 % de ce qui a ete englouti pour faire plaisir a la FNSEA depuis 40 ans on aurait pu developper par ex des voitures electriques, des robots autonomes …)

    • Descartes dit :

      @ cdg

      [Votre raisonnement sur la competitivité et le fait qu il y a forcement des perdants est faux. Vous pouvez avoir le detail sur https://fr.wikipedia.org/wiki/Avantage_comparatif.%5D

      Je ne saisis pas le rapport entre mon commentaire et la théorie ricardienne. La théorie des avantages comparatifs conclut à ce que chaque pays ait intérêt à se spécialiser sur le créneau économique sur lequel il est le plus efficace, et cela même si l’autre pays est plus efficace que lui sur ce créneau. Mais elle ne conclut nullement au fait que si tout le monde suivant cette logique tous les pays arriveraient au même niveau de richesse. En fait, elle aboutit exactement à la conclusion contraire. Il y a donc bien des « gagnants » et des « perdants ». La théorie ricardienne ne fait que donner une recette pour que les « perdants » soient le moins « perdants » possible…

      [La compétitivité, c’est pas simplement une question de prix.]

      Sur un marché « pur et parfait », si. C’est l’une des conditions d’ailleurs : que les produits soient « indistincts »… Or c’est bien d’un marché « pur et parfait » que je parlais.

      [Sinon apple ne dominerait pas le marche des smartphone et Mercedes ou Ferrari ne vendraient pas de voiture.]

      C’était exactement mon point. Si Apple, Mercedes ou Ferrari peuvent gagner beaucoup d’argent, c’est précisément parce qu’ils font ce qu’il faut pour que leur marché ne soit pas « pur et parfait ».

      [Si on raisonne maintenant pays, la suisse est un pays ou une caissière de Lidl gagne le salaire d un ingénieur français (4000 CHF brut = 3000 € net). La suisse est elle pour autant moins compétitive que la france ? (roche, nestle, swatch … prouvent le contraire.]

      La caissière de Lidl n’a que peu d’effet sur la compétitivité des entreprises suisses. Par ailleurs, Roche, Nestlé et Swatch sont des multinationales qui ne produisent qu’une toute petite partie de leur valeur ajoutée en Suisse. Mais même si vos exemples sont très discutables, je suis d’accord avec l’idée sous-jacente. La compétitivité n’est pas exclusivement liée au salaire. Seulement, lorsqu’on veut améliorer la compétitivité, c’est souvent la variable d’ajustement la plus facile à utiliser.

      [Je pense que la question majeure est l allocation des ressources. Vous avez des ressources humaines et matérielles et vous pouvez les allouer différemment. Vous pouvez décider par ex de mettre le paquet sur l armement et la police politique (coree du nord pour prendre un exemple extrême) ou décider de maintenir coûte que coûte un système dysfonctionnant mais qui assure a vos électeurs un revenu (ex la PAC) mais évidemment l’argent dépensé la ne le sera pas ailleurs (par ex avec 10 % de ce qui a ete englouti pour faire plaisir a la FNSEA depuis 40 ans on aurait pu developper par ex des voitures electriques, des robots autonomes …)]

      Oui. Vous pouvez aussi décider de mettre le paquet sur la rémunération du capital, avec des dividendes qui augmentent de 30% en un an alors que la croissance n’est que de 1,5%. Curieusement, cet exemple ne vous est pas venu à l’esprit…

  11. Bannette dit :

    Je pense qu’il y a d’une part ce que tu appelles “l’envie de croire”, mais aussi l’éternelle surestimation des classes moyennes des pays dits émergents, qui auraient du prendre le relais de la consommation atone des classes moyennes des nord-américains et des européens. On ne cesse de nous bassiner sur les futurs géants en devenir, mais en général les périodes de croissance frénétique font au grand maximum 10 ans, puis ces pays entrent en crise (cf l’Argentine sous Menem, le Brésil de Lula actuellement en crise politique, mais la croissance avait sérieusement baissé, la Chine qui connait une crise financière, le Japon, et j’en passe). Là encore il s’agissait juste d’une forme de rattrapage par rapports aux vieilles puissances, et encore tous ces pays n’ont pas d’institution forcément aussi solides que celles des vielles puissances, et surtout n’ont initié aucune innovation technique ou scientifique durant leur période dite de rattrapage.

    Il y a aussi l’une des nombreuses contradictions des capitalistes : Ford lui-même avait à coeur à ce que l’ouvrier américain qui fabrique la voiture puisse aussi se l’acheter, d’où la nécessité d’avoir un vrai salaire. Il serait bon que nos capitalistes transnationaux s’en souviennent…

    • Descartes dit :

      @ Bannette

      [Je pense qu’il y a d’une part ce que tu appelles “l’envie de croire”, mais aussi l’éternelle surestimation des classes moyennes des pays dits émergents, qui auraient du prendre le relais de la consommation atone des classes moyennes des nord-américains et des européens.]

      Il y a deux cas différents. Certains émergents – je pense à la Chine – sont dans une logique de rattrapage économique. Chez eux, l’introduction de techniques de production et d’organisation modernes ont provoqué une véritable augmentation de la productivité, et donc du gâteau dont les « classes moyennes » ont saisi leur part. Mais ce genre de situation ne fabrique pas une demande mondiale nette : les pays en rattrapage ont souvent des balances des échanges nettement excédentaires.

      Pour les autres – Brésil, Argentine, Mexique – le problème est que ces « classes moyennes » s’adonnent à des frénésies de consommation sans rapport à la productivité réelle de l’économie du pays, en jouant soit sur des événements qui conduisent à la surévaluation des ressources primaires de ces pays (la guerre de 39-45, qui pousse vers le haut les prix des viandes et des blés argentines lors de la période péroniste 1944-55, ou les prix du pétrole autour de 140 dollars pour la période Lula), soit sur l’endettement. Avec périodiquement des grandes crises de la dette.

      [Il y a aussi l’une des nombreuses contradictions des capitalistes : Ford lui-même avait à coeur à ce que l’ouvrier américain qui fabrique la voiture puisse aussi se l’acheter, d’où la nécessité d’avoir un vrai salaire. Il serait bon que nos capitalistes transnationaux s’en souviennent…]

      Ford ne fait qu’anticiper pragmatiquement ce que Keynes mettra plus tard en termes théoriques. Il n’était pas le seul : beaucoup d’industriels avaient compris que la limite à leur expansion était la capacité de leur marché à absorber leurs produits par une demande solvable. C’est d’ailleurs drôle de constater que les industriels étaient en cela trente ans en avance par rapport aux économistes. Peut-être parce que pour les « capitaines d’industrie » de cette époque, bâtisseurs d’empire dans l’âme, l’augmentation de la production était plus importante que le profit unitaire…

  12. Carnot dit :

    J’ai pensé à vous en écoutant cette analyse socio-économique intéressante (cf. lien ci-dessous), nous vivons peut-être enfin le début d’un mouvement qui verras l’intérêt des classes moyennes se séparait de celui des classes supérieures et les rapprocher des classes populaires, des évolutions en ce sens en ce qui concerne l’état de l’opinion sur “les frontières” ou “le projet européen” sont en tout cas déjà notables. Si cela se confirmait cela pourrait offrir une base sociale pour un retournement en faveur d’une politiques jacobine et républicaine à terme. Qu’en pensez-vous ?

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [J’ai pensé à vous en écoutant cette analyse socio-économique intéressante (cf. lien ci-dessous), nous vivons peut-être enfin le début d’un mouvement qui verras l’intérêt des classes moyennes se séparait de celui des classes supérieures et les rapprocher des classes populaires,]

      Vous êtes à mon avis un peu trop optimiste. Je pense que cette « analyse » n’est que l’une des variantes du discours stratégique des « classes moyennes », qui repose sur deux messages : le premier, à destination des couches populaires, c’est de répéter en permanence « les classes moyennes souffrent », « les classes moyennes sont menacées », de manière à dissimuler leur position privilégiée et persuader l’opinion que leur souffrance vaut celle des plus modestes.

      Le deuxième message s’adresse à la bourgeoisie, sur le mode « si vous voulez pouvoir compter sur notre soutien, il faut d’urgence s’occuper de nous ». Et ça marche à tous les coups…

      Bien entendu, on peut se demander ce qui se passera le jour ou la bourgeoisie n’aura plus intérêt ou ne pourra plus satisfaire cette dernière demande. Peut-être ce jour-là les « classes moyennes » changeront d’alliance. Mais je ne pense pas que ce soit pour demain…

    • Carnot dit :

      Cela m’amène à une question que je voulais vous poser depuis un moment, comment articulez-vous votre matérialisme historique avec l’idéal républicain ? Non pas que ces deux choses soient par nature incompatibles bien sûr, mais à mon sens l’idée républicaine par opposition à la « simple » démocratie se caractérise par l’importance du mérite individuel et surtout par une forme de pari sur la vertu civique. Pour qu’une république au sens français puisse fonctionner, il faut que chaque citoyen aille voter ou s’engage pour la Cité en ayant à l’esprit l’intérêt de la collectivité tout entière et simplement le sien. De ce point de vue, si suivant Kant on peut très bien imaginer une démocratie de démons rationnels, pareille chose serait impossible pour une république. Or dans ce cadre le risque est qu’adoptant une approche matérialiste on ne la prenne plus seulement comme cadre d’analyse – indiscutablement très opérant – mais aussi comme horizon indépassable des relations entre les catégories sociales.

      Or vous dites vous-mêmes être prêt à renoncer à une partie de votre niveau de vie si cela permet de construire une société plus juste, je pense moi aussi y être disposé ; or vous comme moi appartenons aux « classes moyennes » et nos positions politiques vont donc contre notre intérêt bien compris. Si cela est possible pour certains individus – bien que difficile à universaliser j’en conviens – ne devrions-nous pas dans ce cas tout faire pour renforcer l’appartenance nationale afin de faire en sorte que les intérêts économiques de chacun soient moins prégnants dans ses choix politiques ? Et ne pourrions-nous pas alors potentiellement espérer, avant même que l’intérêt objectif des classes moyennes conduise à un renversement d’alliance, rétablir le système méritocratique traditionnel en en appelant au sens de la grandeur collective de chaque citoyen ?

      Vous avez écrit que les individus ne recherchent pas seulement le bien-être économique, mais aussi du sens, de la grandeur. Je partage évidemment tout à fait cette position, et ce « surmoi » collectif explique beaucoup de ce que notre pays a fait de grand au cours de son histoire. Or si cela a pu fonctionner hier, pourquoi cela ne serait-il pas possible aujourd’hui et demain ?

      En ce qui me concerne les intérêts des classes populaires me tiennent particulièrement à cœur mais en tant qu’ils sont une part importante de la réalisation de l’idéal républicain et donc de la cause de la France, non en tant que tels. D’un point de vue républicain « idéal » je souhaiterais que les appartenances sociales – comme les autres intérêts individuels – aient le moins d’impact possible sur les choix collectifs.

      Car finalement le sens de l’Etat, l’idée de l’intérêt général, n’est-ce pas d’abord cela, cette capacité à mettre à distance son intérêt personnel ?

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [Cela m’amène à une question que je voulais vous poser depuis un moment, comment articulez-vous votre matérialisme historique avec l’idéal républicain ? Non pas que ces deux choses soient par nature incompatibles bien sûr, mais à mon sens l’idée républicaine par opposition à la « simple » démocratie se caractérise par l’importance du mérite individuel et surtout par une forme de pari sur la vertu civique. Pour qu’une république au sens français puisse fonctionner, il faut que chaque citoyen aille voter ou s’engage pour la Cité en ayant à l’esprit l’intérêt de la collectivité tout entière et non simplement le sien.]

      Votre question est très intéressante. Pour comprendre ma position, il faut bien voir que si le matérialisme historique et l’adhésion à « l’ideal » Républicain – je souligne le mot, il est important – peuvent coexister dans une même tête, c’est parce qu’ils se placent dans deux plans très différents.

      Le matérialisme historique est un outil d’analyse des sociétés à partir des rapports entre les classes sociales, et surtout des rapports matériels de production. Le moteur de l’évolution des sociétés se trouve donc dans les rapports matériels, et non pas dans les idées qui n’en sont que le produit dialectique. Mais si le matérialisme historique prétend décrire la dynamique des groupes sociaux, il ne prétend pas décrire le comportement des individus. Si l’intérêt détermine en moyenne les comportements des individus, cette détermination n’est pas mécanique et l’individu conserve un niveau de libre arbitre.

      L’idéal républicain, lui, n’est pas une réalité, mais comme son nom l’indique, un idéal. C’est une description d’un monde idéal dans lequel on aimerait vivre. Comme tout idéal, c’est un était qui n’est possible que partiellement, précisément parce que ce citoyen qui aurait à l’esprit l’intérêt général et non son intérêt particulier est l’exception, et non la règle. La République française entre donc dans la catégorie de ce que j’appelle les « fictions nécessaires ». Nous savons bien que chacun de nos élus navigue entre son intérêt particulier – ou celui de sa classe – et l’intérêt général, souvent en déguisant l’un sous l’apparence de l’autre. Nous savons que les fonctionnaires ne sont pas tous aussi honnêtes et dévoués à la chose publique qu’ils le devraient. Mais il est socialement important de maintenir la fiction de légitimité de l’élu et de neutralité du fonctionnaire – et donc de le punir lorsqu’ils dépassent les bornes au delà desquelles la fiction devient invraisemblable.

      En d’autres termes, le matérialisme historique nous dit que la République véritable est une impossibilité. Mais ce n’est pas parce que c’est une impossibilité qu’il faut cesser d’y croire – et de la rechercher. Parce que cette croyance PAR ELLE-MEME a des effets sociaux positifs. On est en plein dans la logique de la « fiction nécessaire » qui m’est si chère…

      [Or vous dites vous-mêmes être prêt à renoncer à une partie de votre niveau de vie si cela permet de construire une société plus juste, je pense moi aussi y être disposé ; or vous comme moi appartenons aux « classes moyennes » et nos positions politiques vont donc contre notre intérêt bien compris.]

      Et puis, nous le disons confortablement installés dans nos fauteuils en sachant pertinemment que c’est un choix théorique et qui ne risque pas de se matérialiser dans les années qui viennent. En d’autres termes, un observateur extérieur pourrait se demander si en faisant ces déclarations nous ne nous donnons inconsciemment bonne conscience gratuitement. Serions nous aussi allants s’il nous fallait signer le chèque tout de suite ? Je n’ai pas la réponse… et par construction, c’est une réponse impossible à apporter. Mais à supposer même que notre position soit sincère, elle est je le pense marginale, et insusceptible de généralisation…

      [ne devrions-nous pas dans ce cas tout faire pour renforcer l’appartenance nationale afin de faire en sorte que les intérêts économiques de chacun soient moins prégnants dans ses choix politiques ? Et ne pourrions-nous pas alors potentiellement espérer, avant même que l’intérêt objectif des classes moyennes conduise à un renversement d’alliance, rétablir le système méritocratique traditionnel en en appelant au sens de la grandeur collective de chaque citoyen ?]

      Oui, sans hésiter. Je ne sais pas si cela est possible en général, mais le simple fait de le croire a un effet social qu’il ne faut pas négliger. Juvenal je crois disait « quand on ne peut pas avoir ce qu’on veut, il faut vouloir ce qu’on ne peut pas avoir ». C’est encore et toujours la logique de la « fiction nécessaire ».

      [Vous avez écrit que les individus ne recherchent pas seulement le bien-être économique, mais aussi du sens, de la grandeur. Je partage évidemment tout à fait cette position, et ce « surmoi » collectif explique beaucoup de ce que notre pays a fait de grand au cours de son histoire. Or si cela a pu fonctionner hier, pourquoi cela ne serait-il pas possible aujourd’hui et demain ?]

      Je crois que c’est Alain-Gerard Slama qui a le mieux parlé de ce « surmoi collectif ». Il a bien montré que dans notre histoire nous oscillons en permanence entre ce « surmoi » qui nous pousse à la grandeur et un repli sur la « petite France ». On peut dire, si l’on est optimiste, que cela a fonctionné hier, et que cela fonctionnera à nouveau demain. Mais aujourd’hui, de toute évidence, cela ne fonctionne pas. Nous sommes dans une période de repli, et c’est pour cela qu’on trouve dans notre système actuel autant de parallèles avec les années 1930.

      Le problème de ce « surmoi », c’est qu’il est très exigeant et donc très couteux. La grandeur a un prix, et les couches sociales qui détiennent les moyens n’ont pas envie de payer. C’est pourquoi ce « surmoi » se manifeste souvent après une grande crise, lorsque ces couches se trouvent affaiblies et que le besoin de reconstruire est grand. Je ne suis pas persuadé qu’on en soit là… du moins pas encore.

    • Carnot dit :

      Je comprends, en ce qui me concerne j’avoue avoir plus tendance à être « idéaliste » que matérialiste dans ma conception de l’Histoire, mais je lis néanmoins vos analyses sur les classes moyennes avec beaucoup d’intérêt. Après tout il est évident que les intérêts ont un rôle décisif dans la détermination des choix politiques et qu’étudier ces déterminants est crucial pour mener avec succès les réformes « républicaines » que j’appelle de mes vœux.

      En parlant de cela justement, j’étais ce soir à une conférence organisée à l’Assemblée nationale par « République moderne », le « think tank » que Chevènement a lancé depuis son départ du MRC, conférence qui avait pour thème « la République et la nation » avec, en plus de Chevènement, Henri Guaino, Arnaud Montebourg, Régis Debray et Jérôme Sainte-Marie. Cela s’est avéré très instructif.

      Concernant JPC lui-même tout d’abord, j’ai été fortement déçu mais j’ai presque envie de dire « comme d’habitude ». Déjà à la dernière conférence avec lui à laquelle j’avais assisté il y a un an il m’avait beaucoup déçu. Pour le dire simplement il radote un peu toujours les mêmes choses (notamment sa « monnaie commune » à tout propos, même quand ça n’a pas grand-chose à voir avec le sujet), se drape volontiers dans sa vieille gloire « quand j’étais ministre de l’Intérieur j’avais lancé cela… », a des jugements définitifs et condescendants sur tout mais sans jamais les faire reposer sur des analyses approfondie. Par exemple des choses comme « il faut restaurer l’autorité » ou « il faut ramener la paix en Irak et en Syrie pour régler la crise des réfugiés » etc. le tout donnant l’impression qu’il est convaincu que si seulement il était au pouvoir il saurait quoi faire mieux que tout le monde mais sans qu’il présente pour autant une véritable analyse présentant les moyens pour y parvenir.

      Pour tout dire la dernière fois j’ai été extrêmement déçu, j’attendais beaucoup mieux de lui étant donné son parcours, mais cette fois je n’en attendais pas grand chose. De plus j’ajoute que le côté « politique » sur la forme de son discours est assez gênant, on a l’impression qu’il modère ses propos pour ne pas dire de chose trop désagréable vis-à-vis de qui que ce soit, y compris du gouvernement en place, et parfois ça frôle la complaisance. Mais là il a tout de même « dépassé » mes attentes par le bas en appelant à la suppression de l’ENA sans s’expliquer sur ce qui la remplacerait, ceci après avoir vaguement critiqué les hauts fonctionnaires en bloc comme ayant perdu l’esprit de service public et l’ENA comme « trustant tous les postes y compris dans les grandes entreprises privées ». C’est quand même un peu triste de penser que le FN avec Philippot a désormais un discours plus républicain que lui sur cette question, c’est-à-dire qui critique l’ENA pour ce qu’elle a pu devenir ou chercher à devenir (ie. « l’école du management public ») mais sans remettre en cause la belle et grande idée qui a été à l’origine de sa fondation… On peut détester le pantouflage et les « défroqués » de la haute fonction publique ainsi que le corporatisme imbécile de certains « grands corps » comme je le fais tout en révérant la grandeur du service de l’Etat et le dévouement de ceux qui y sont fidèles, j’irais même jusqu’à dire que cela devrait aller de pair…

      Par contre pour le reste ce n’était pas dépourvu d’intérêt. Jérôme Sainte-Marie a eu de bonnes analyses qui auraient sans doute eu votre assentiment sur la disparition du clivage droite-gauche et Régis Debray a fait du Régis Debray, ce qui peut être un peu entortillé mais est toujours stimulant. Mais la partie la plus intéressante a été les interventions respectives de Guaino et Montebourg. Montebourg, comme d’habitude, était agaçant. J’aurais tendance à être d’accord avec ce qu’il dit (dieu merci il n’a pas parlé de VIe République…) mais son côté théâtral et le fait qu’il s’écoute vraiment parler le rendent énervant. Et puis on sent profondément que c’est un poseur plus qu’un homme de convictions, qu’il ne prépare pas ses dossiers et que ses dents rayent affreusement le parquet même s’il essaye de les dissimuler en faisant de grands moulinets avec ses bras. Je ne sais pas ce que vous en pensez mais en ce qui me concerne Montebourg ne m’inspire pas confiance, même s’il est « moins pire » que la plupart des autres dirigeants du PS actuel. C’est un dilettante et il choisit ses causes en fonctions de l’air du temps avant tout, je ne crois pas une seule seconde qu’il soit pénétré de l’idéal républicain comme pouvait l’être un Philippe Séguin ou, justement, un Henri Guaino.

      Et justement, c’est Henri Guaino qui a, de loin, était le plus intéressant et le plus convaincant. Je pense que vous avez dû voir la vidéo de son très bon discours du mois dernier devant le conseil national des républicains qui sonnait comme un désaveu radical des positions européistes, girondines et libérales prises par son parti, au nom du gaullisme ; cette intervention le complétait très bien. En s’adressant en effet à une salle beaucoup plus acquise à ses idées que lors du CN de LR ou il n’avait eu droit qu’à quelques applaudissements polis – voir teintés d’incompréhension, imaginez se revendiquer « jacobin, colbertiste et assimilationniste » dans ce parti – il a tenu des propos parfaitement jacobins et républicains, regrettant l’abandon du référent national, attaquant l’UE et les féodalités. Surtout, le caractère profondément pessimiste du personnage renforçait une sincérité que l’on ne pouvait contester – tout l’inverse de Montebourg – il était clair qu’il souffrait de voir la République et la France blessée par tous ces reniements. J’avais déjà de la sympathie et de l’estime pour Guaino avant aujourd’hui, mais je dois dire que le contraste avec Chevènement et Montebourg m’a renforcé dans ce sens.

      Tout ceci ne nous avance certes pas énormément mais j’avoue que cela m’a encore plus convaincu : si Guaino se présentait à la primaire ouverte de LR en novembre j’irais voter pour lui sans hésitation. Et j’espère qu’il le fera, lui seul serait en mesure de créer un peu de débat de fond et, peut-être d’attirer la « droite du non » et même au-delà. Bien sûr le personnage a ses limites, il n’a pas le charisme ou le caractère d’un chef c’est certain, mais là j’espère qu’il prendra ses responsabilités : il est aujourd’hui le seul à pouvoir porter ces idées qui sont partagées par beaucoup.

      Pour ce qui est de Montebourg, dans l’hypothèse improbable ou Hollande ne se représenterait pas et où il y aurait une primaire je ne sais pas ce que je ferais. Je pourrais peut-être voter pour lui à cette primaire mais à condition qu’il renonce à sa VIe République.

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [Je comprends, en ce qui me concerne j’avoue avoir plus tendance à être « idéaliste » que matérialiste dans ma conception de l’Histoire, mais je lis néanmoins vos analyses sur les classes moyennes avec beaucoup d’intérêt. Après tout il est évident que les intérêts ont un rôle décisif dans la détermination des choix politiques et qu’étudier ces déterminants est crucial pour mener avec succès les réformes « républicaines » que j’appelle de mes vœux.]

      Alors, vous n’êtes pas si « idéaliste » que cela. En fait, je pense qu’il y a dans chaque individu plusieurs niveaux de réalité. On peut être « matérialiste » dans l’analyse, et « idéaliste » dans l’action. Il est vrai que pour faire de la politique il faut « croire » dans sa propre capacité individuelle de changer les choses par son action. Autrement, on ne fait jamais rien. La description « matérialiste », qui est une description systémique, laisse peu de place à une telle croyance. C’est pourquoi je milite pour un matérialisme intellectuel mais aussi pour un idéalisme méthodologique. On retombe dans la logique des « fictions nécessaires ».

      A ce propos, je me souviens toujours de la formule de François George sur ses parents « staliniens » : « ils croyaient à quelque chose de grand, et cette croyance les grandissait ». Croire qu’on peut changer le monde est peut-être faux, mais cette croyance se traduit en actes socialement positifs. Il faut donc l’encourager.

      [En parlant de cela justement, j’étais ce soir à une conférence organisée à l’Assemblée nationale par « République moderne », le « think tank » que Chevènement a lancé depuis son départ du MRC, conférence qui avait pour thème « la République et la nation »]

      J’avais très envie d’y aller moi aussi, mais des obligations professionnelles m’en ont empêché… merci de votre compte-rendu en tout cas !

      [Concernant JPC lui-même tout d’abord, j’ai été fortement déçu mais j’ai presque envie de dire « comme d’habitude ». Déjà à la dernière conférence avec lui à laquelle j’avais assisté il y a un an il m’avait beaucoup déçu. Pour le dire simplement il radote un peu toujours les mêmes choses (notamment sa « monnaie commune » à tout propos, même quand ça n’a pas grand-chose à voir avec le sujet), se drape volontiers dans sa vieille gloire « quand j’étais ministre de l’Intérieur j’avais lancé cela… », a des jugements définitifs et condescendants sur tout mais sans jamais les faire reposer sur des analyses approfondie.]

      Je partage un peu votre sentiment. Pour moi, JPC est un astre mort. Il faut lui rendre l’hommage du aux vieilles gloires, lui reconnaître sa lucidité et son action passées. Il vaut comme symbole de lucidité et de courage, mais malheureusement il n’a plus grande chose à apporter. Le seul gros reproche qu’on peut lui faire, c’est de ne pas avoir songé à former des disciples et à créer une institution qui puisse prolonger son action.

      [C’est quand même un peu triste de penser que le FN avec Philippot a désormais un discours plus républicain que lui sur cette question, c’est-à-dire qui critique l’ENA pour ce qu’elle a pu devenir ou chercher à devenir (ie. « l’école du management public ») mais sans remettre en cause la belle et grande idée qui a été à l’origine de sa fondation…]

      Oui. Certaines mauvaises langues se demandent d’ailleurs si Philippot n’est finalement pas le seul continuateur de JPC…

      [On peut détester le pantouflage et les « défroqués » de la haute fonction publique ainsi que le corporatisme imbécile de certains « grands corps » comme je le fais tout en révérant la grandeur du service de l’Etat et le dévouement de ceux qui y sont fidèles, j’irais même jusqu’à dire que cela devrait aller de pair…]

      Franchement, le rapport des français à l’ENA mériterait une étude psychologique. Personne ne sait vraiment comment on rentre à l’ENA, qu’est ce qu’on y apprend, et ce que font les énarques une fois sortis. Ce mystère permet de cultiver toute une fantasmagorie du pouvoir. Ma vie professionnelle m’a amené à fréquenter pas mal d’énarques. D’abord, seule une infime minorité d’entre eux fait de la politique. L’immense majorité fait des boulots indispensables mais relativement obscurs – et beaucoup moins payés que dans le privé si l’on tient compte du niveau de formation acquis. Ils sont juges aux tribunaux administratifs, sous-préfets, sous-directeurs des administrations de l’Etat, directeurs dans les établissements publics, conseillers dans les ambassades… et font souvent leur travail avec un dévouement et une compétence qui n’a rien à voir avec les « hauts fonctionnaires » vus par le Canard Enchainé et autres bobos divers.

      [Montebourg, comme d’habitude, était agaçant. J’aurais tendance à être d’accord avec ce qu’il dit (dieu merci il n’a pas parlé de VIe République…) mais son côté théâtral et le fait qu’il s’écoute vraiment parler le rendent énervant. Et puis on sent profondément que c’est un poseur plus qu’un homme de convictions, qu’il ne prépare pas ses dossiers et que ses dents rayent affreusement le parquet même s’il essaye de les dissimuler en faisant de grands moulinets avec ses bras.]

      Montebourg est non seulement un socialiste, mais aussi un avocat. Deux défauts qu’il n’est pas facile de corriger. En fait, vous trouvez le même « profil » chez Borloo, chez Sarkozy, chez Badinter ou – horresco referens – chez Mitterrand, tous avocats venus à la politique. Ils ont en commun cette capacité d’auto-persuasion qui leur a permis de défendre avec conviction apparente tout et son contraire, de « magouiller » tout en se faisant les parangons de la vertu. Quelqu’un avait dit de Mitterrans que c’était « un homme de convictions… changeantes ». Montebourg est un peu comme ça. Il a vu dans le « produire français » une bonne défense pour son client – lui-même – et il l’a adoptée. Mais si demain il voyait une autre vague sur laquelle surfer…

      [Et justement, c’est Henri Guaino qui a, de loin, était le plus intéressant et le plus convaincant.]

      Ca ne m’étonne pas. C’est un homme intelligent – trop peut-être pour survivre dans le monde politico-médiatique tel qu’il est aujourd’hui – et d’une culture extraordinaire. Et, ce qui est plus important, il ne se sent pas borné par le « politiquement correct » ou la pensée unique du VIIème arrondissement. Malheureusement, il ne supporte pas les imbéciles, ce qui en politique est une grave faiblesse…

      [Je pense que vous avez dû voir la vidéo de son très bon discours du mois dernier devant le conseil national des républicains qui sonnait comme un désaveu radical des positions européistes, girondines et libérales prises par son parti, au nom du gaullisme ; cette intervention le complétait très bien.]

      C’est ce que je disais plus haut : c’est un homme qui prend parti sans être un homme de parti. Il n’hésite pas à exposer clairement ses positions, quitte à aller à contre-courant de ses propres amis.

      [Pour ce qui est de Montebourg, dans l’hypothèse improbable ou Hollande ne se représenterait pas et où il y aurait une primaire je ne sais pas ce que je ferais. Je pourrais peut-être voter pour lui à cette primaire mais à condition qu’il renonce à sa VIe République.]

      Je ne peux que citer mon père : « le meilleur socialiste est le socialiste mort ».

  13. luc dit :

    Moi non plus,je ne comprends rien.
    A quelques kms,dans la même ville que la commission européenne,Moelenbeck,26 mosquées,870 jihadistes partis chez Daech,d’autres ,responsables de centaines de morts en France.
    Que fait Cohn-Bendit quand il croise ces gens là et nos autres décideurs,ils se ferment les yeux,quand ils rentrent dans leur bureau à Bruxelles?
    Dans la capitale de l’UE,des jeunes par milliers, ivres de mort,dissimulés derrière l’islamophobie ,organisent des massacres chez nous,depuis Bruxelles,comment comprendre,que dire?
    A Paris,Autain,des dirigeantes de mon parti,le pcf organisent des réunions avec Ramadan,le P.I.R,des Imams,contre l’islamophobie,comment comprendre?
    A quand des réunions contre la Naziphobie ou la choléraphobie?
    Alors,pour nous l’avenir ce sera,la fin de l’espérance émancipatrice,les cancers,les dépressions,les divorces et pour eux le triomphe,celui de l’obscurantisme le plus violent,réducteur et oppresseur?
    Comment comprendre?
    Pourquoi,tous ces malheurs qui proviennent de Bruxelles,à cause du tout libéralisme?
    Alors,là,peut être que je commence à comprendre,je vais relire Marx……….

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Dans la capitale de l’UE,des jeunes par milliers, ivres de mort, dissimulés derrière l’islamophobie, organisent des massacres chez nous, depuis Bruxelles, comment comprendre, que dire?]

      Déjà, on peut tirer une première conclusion : il faut réviser les discours qui chez nous attribuent la radicalisation chez nous à un refus du « multiculturalisme », de reconnaître la souffrance de nos anciennes colonies, à notre laïcité intransigeante. Rien de tout ça en Belgique : les belges ont au contraire embrassé une approche multiculturelle, ils n’ont pas interdit le voile dans les écoles, et n’ont pas eu de colonies dans le monde musulman. Et pourtant…

      [A Paris, Autain, des dirigeantes de mon parti, le pcf organisent des réunions avec Ramadan, le P.I.R, des Imams, contre l’islamophobie, comment comprendre?]

      La « gauche radicale » n’a plus rien qui ressemble de près ou de loin à une analyse sérieuse du réel. Elle se complait dans la logique du « soyons gentils avec tout le monde, ils nous le rendront bien ». Et cela contre toute expérience.

  14. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes (votre réponse 18/03/2016 22:06)

    une malheureuse coquille a rendu mon texte incompréhensible. En effet je voulais écrire:
    “La dévaluation me paraît préférable car elle est plus sociale, en ponctionnant davantage au fur et à mesure que l’on s’élève dans l’échelle des revenus.”
    Je partage donc votre point de vue sur ce point.

    D’autre part votre argument suivant m’a paru très convaincant:
    “Dans la très longue histoire des dévaluations françaises, on n’a jamais atteint trois millions et demi de chômeurs… alors que les deux déflations (celle des années 1930 sous Laval et celle d’aujourd’hui) ont toutes deux eu des résultats catastrophiques tant sur notre appareil productif que sur l’emploi. J’ai donc tendance à penser qu’une dévaluation a moins de chance d’être « mal conduite » qu’une déflation.”

    Reste la question de la limitation des revenus du capital, revenus au sens global, c’est à dire aussi bien les dividendes que les salaires exorbitants des dirigeants et hauts cadres à leur service, que des réinvestissement (la croissance du capital lui-même). On peut faire un certain nombre de limitations, entre autres réduire toutes les activités illégales du type fraude, corruption. Pour le reste, il faudra faire avec notre monde mondialisé, sous peine de n’avoir plus en France que les activité logistique de distribution. C’est déjà ce que l’on voit se réaliser. Les exemples du type Google , Amazon … sont typiques. On peut les taxer plus, mais de toute façon leur activité créatrice, industrielle ne sont pas chez nous. Et si nous allons dans cette voie, les quelques sièges sociaux, activités industrielles qui nous restent iront à l’étranger. Le mouvement de Renault est typique: de moins en moins d’usines, de bureau d’étude chez nous (il en reste encore); Airbus va suivre.

    “Si on arrive à la conclusion qu’on ne peut pas rogner les avantages du capital, alors ce n’est pas la peine de discuter. Autant se résigner à la baisse continue de la part salariale…”
    Ce ne me semble pas exact. Certes c’est une contrainte bien pénible, mais même avec cet handicap, il est possible de faire beaucoup mieux. En effet en dévaluant, nous pouvons, à partage égal capital-travail équivalent, rapatrier un certain nombre d’activité, et ce faisant améliorer notre balance commerciale. Et chaque fois que nous l’améliorons, nous pouvons augmenter les salaires, donc les importations, et utiliser ainsi les excédents notre balance commerciale pour la rendre à nouveau équilibrée. Ce peut être un cercle “vertueux”. A condition d’améliorer notre efficacité, notre productivité globale; C’est le cœur du problème, quelque soit la voie choisie (dévaluation ou déflation).
    Les exemples récents sont peu encourageants. Notre filière nucléaire montre ses difficultés (son échec ?) à innover. Le fiasco de l’EPR rappelle celui de notre filière graphite gaz. Nous n’avons réussi nos centrales qu’en achetant la licence Westhinghouse. En somme notre technostructure n’a réussi qu’en copiant. Sans parler qu’on apprend que nos générateurs de secours … ne marchent pas ! Sans parler d’une gestion catastrophique (la mine d’uranium … inexploitable).

    Pareil pour Renault, qui a échoué à monter en gamme, ne réussit que dans le “low cost (ce qui est quand même mieux que rien, mais nous condamne à l’implantation dans les pays à faible salaires). Pire le virage des batteries du véhicule électrique a été raté. Malgré l’aide massive de l’état, du CEA .. Renault achète ses batteries … en Corée !

    Pareil pour l’éducation nationale; Si on regarde les comparaisons internationales, on peut vraiment parler de naufrage. Certes ce naufrage est lié à notre politique multiculturelle qui néglige tout ce qui est assimilation. Mais quoiqu’il en soit, le résultat est accablant.

    Heureusement il nous reste … Alain Badiou et JLM.

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [Reste la question de la limitation des revenus du capital, revenus au sens global, c’est à dire aussi bien les dividendes que les salaires exorbitants des dirigeants et hauts cadres à leur service, que des réinvestissement (la croissance du capital lui-même). (…). On peut les taxer plus, mais de toute façon leur activité créatrice, industrielle ne sont pas chez nous.]

      Ce n’est pas une fatalité. Si la condition pour vendre sur notre marché est de localiser « leur activité créatrice, industrielle » chez nous, alors ces activités reviendront. Aujourd’hui, lorsque nos clients achètent un train à grande vitesse, un avion de combat, ils exigent dès le départ et comme condition sine qua non de l’accès à leur marché la « localisation » d’un pourcentage important de la fabrication chez eux. Si des pays aussi différents que le Mexique, l’Afrique du Sud ou les Emirats Arabes Unis peuvent imposer ces exigences, pourquoi ne le pourrions nous pas ?

      [« Si on arrive à la conclusion qu’on ne peut pas rogner les avantages du capital, alors ce n’est pas la peine de discuter. Autant se résigner à la baisse continue de la part salariale… ». Ce ne me semble pas exact. Certes c’est une contrainte bien pénible, mais même avec cet handicap, il est possible de faire beaucoup mieux. En effet en dévaluant, nous pouvons, à partage égal capital-travail équivalent, rapatrier un certain nombre d’activité, et ce faisant améliorer notre balance commerciale.]

      Non. Si vous dévaluez, vous allez rémunérer le capital en monnaie dévaluée. Le capital exigera donc une rémunération supérieure, couvrant les pertes de change ainsi encourues, et vous serez obligé de pressurer encore plus la part salariale.

      [Les exemples récents sont peu encourageants. Notre filière nucléaire montre ses difficultés (son échec ?) à innover. Le fiasco de l’EPR rappelle celui de notre filière graphite gaz.]

      Je crois que vous êtes mal informé. La filière « graphite/gaz » n’a nullement été un « fiasco ». Elle a au contraire parfaitement rempli son objectif, qui était de fournir du plutonium militaire. La production d’électricité n’était qu’un objectif secondaire, ce qui explique qu’on n’ait pas recherché la meilleure rentabilité énergétique.

      [Nous n’avons réussi nos centrales qu’en achetant la licence Westhinghouse. En somme notre technostructure n’a réussi qu’en copiant.]

      Dans ce cas, l’EPR devrait être une réussite puisque c’est là encore une « copie », ou plutôt une évolution du concept Westinghouse associé au concept allemand Konvoi… Non, je pense que vous faites une erreur dans votre analyse des problèmes de la filière nucléaire. Aucune filière industrielle dépendante des politiques publiques – et le nucléaire représente des investissements et de engagements trop importants et sur de trop long terme pour pouvoir se faire en dehors d’un engagement d’Etat – ne peut résister longtemps l’absence de toute politique publique dans le domaine. Or, depuis les années 1990 ce n’est qu’improvisation à tous les étages. Puisqu’il faut faire du franco-allemand, on pousse AREVA dans les bras de Siemens et on veut faire un réacteur « européen ». Ensuite, on constate que les allemands ferment leur marché, et il faut divorcer les deux partenaires dans la douleur, en gardant sur les bras un réacteur, l’EPR, conçu avec « ceinture et bretelles » pour faire plaisir aux allemands. On réalise ensuite qu’il faut donner à l’industrie un flot raisonnable de commandes, on lance Flamanville, on met à l’étude Penly… et puis patatras, on change de majorité, Penly va au frigo – des centaines de millions d’études à la poubelle – et on explique qu’il faut se préparer à fermer une vingtaine de réacteurs. Et je ne parle même pas de l’affaire Superphénix, dans laquelle d’un trait de plume et pour acheter une majorité on arrête un programme de vingt ans sans se demander quelles seront ses conséquences industrielles. Je ne parle pas non plus de l’Etat qui utilise EDF comme vache à lait, mais qui refuse en même temps de lui accorder des hausses de tarifs raisonnables.

      Plutôt que de conspuer les dirigeants et les travailleurs de la filière, il faudrait au contraire saluer leur talent d’avoir réussi à survivre aussi longtemps au milieu de ce capharnaüm.

      [Sans parler qu’on apprend que nos générateurs de secours … ne marchent pas !]

      Vous ne devriez pas croire tout ce que vous lisez dans la presse à scandale. Franchement, je suis surpris que vous puissiez prêter oreille à ces insanités.

      [Pareil pour Renault, qui a échoué à monter en gamme, ne réussit que dans le “low cost (ce qui est quand même mieux que rien, mais nous condamne à l’implantation dans les pays à faible salaires). Pire le virage des batteries du véhicule électrique a été raté. Malgré l’aide massive de l’état, du CEA .. Renault achète ses batteries … en Corée !]

      Normal. Tout le monde achète les batteries en Corée. Les salaires sont moins chers et les règles environnementales sont plus… comment dire… « flexibles ». Quant à l’aide « massive » de l’Etat… vous voulez rigoler. Cela fait bien longtemps qu’il n’y a plus la moindre trace de politique industrielle, que les grands programmes de recherche et développement sont démantelés systématiquement.

  15. Koba dit :

    Les députés ont cédé aux pressions du lobby médiatique bobo-écolo (bien plus puissant que le lobby des industriels chimiques apparemment…) en décidant l’interdiction des néonicotinoides, contre l’avis des agriculteurs et des scientifiques http://www.lafranceagricole.fr/actualites/neonicotinoides-indispensables-pour-des-pans-entiers-de-la-filiere-agricole–1,0,847844574.html

  16. mondran dit :

    Cher Descartes,

    Je m’inquiétais de votre mutisme. J’ai cru que vous étiez souffrant physiquement. Me voici rassuré, votre spleen est bien compréhensible. Il faut effectivement avoir une tendance naturelle à la bonhommie pour conserver foi en l’avenir dans ces moments incertains.
    Concernant votre interrogation, je pense plus prosaïquement que l’effet de l’endogamie sociale jour à plein chez nos dirigeants.
    Il en résulte un bon vieux travers que j’appelle la myopie de l’homogène. Elle se traduit par des erreurs d’interprétations ou le refus d’interpréter des signaux forts, du fait d’un déni individuel et collectif issu d’une homogénéité de point de vue. Cette homogénéité provient bien évidemment de l’endogamie des recrutements ou de la cooptation dans les sphères dirigeantes pour lesquels les parcours connus et reconnus et l’espace des relations comptent davantage que la pertinence du point de vue. Malheureusement cette endogamie de pensée se diffuse souvent également dans les strates des organisations de travail, du fait de la fameuse culture d’entreprise qui conduit bien souvent aux pensées et aux comportements mimétiques.
    Ayant tous la même vision du monde, les dirigeants (d’états ou d’entreprises) appliquent les mêmes recettes même si celles-ci ne fonctionnent plus. La productivité est là pour évidemment produire un maximum de revenu au capital mais également pour accroître la capacité d’investissement et d’innovation.
    Ceci afin de bénéficier des bontés du principe Schumpétérien de la destruction créatrice qui permet de sortir de ce paradoxe du jeu à la somme en apparence nulle. Le bonheur du plein emploi serait là.

    Malheureusement, la révolution numérique pose un sacré problème : ce principe ne fonctionne plus. Pire, l’économie numérique est profondément déflationniste, ce qui dérègle en plus d’autres règles d’or de l’économie, notamment monétaires. A mon avis pour deux raisons, très particulières à cette révolution économique : le temps et le coût de la diffusion de l’innovation qui la distingue de ces prédécesseurs. J’ai développé une analyse plus détaillée de cette question sur mon blog http://philippeleroymondr.wix.com/letempsdelanalyse#!S’adapter-à-la-révolution-numérique-dans-une-économie-déflationniste/c21xo/56c740120cf247432449937d.

    Vous n’avez pas cité les étranges pratiques monétaires des pays développés depuis 2008, mais elles ressortent de la même logique : j’applique des recettes même si elles ne marchent pas, voir même si elles produisent des effets contraires à ce qui est attendu. 60 milliards de création monétaires par mois et à peine un frisson d’inflation supplémentaire, de quoi faire se retourner dans leur tombe les économistes classiques de la vieille époque.

    Les discours qui commencent à poindre un peu partout concernant le revenu universel proviennent pour partie de cette inquiétude de l’oligarchie qui s’aperçoit qu’un monde à la Tripallium n’est plus complètement impossible et que cela pourrait causer quelques désordres incontrôlables …

    Reposer vous bien et revenez en forme !

    • Descartes dit :

      @ mondran

      [Je m’inquiétais de votre mutisme. J’ai cru que vous étiez souffrant physiquement. Me voici rassuré, votre spleen est bien compréhensible. Il faut effectivement avoir une tendance naturelle à la bonhommie pour conserver foi en l’avenir dans ces moments incertains.]

      Je pense que c’est le spleen de la fin de l’hiver. Je trouve cette période particulièrement pénible. Mais la bonne humeur revient en général avec les fleurs du printemps !

      [Concernant votre interrogation, je pense plus prosaïquement que l’effet de l’endogamie sociale jour à plein chez nos dirigeants. Il en résulte un bon vieux travers que j’appelle la myopie de l’homogène.]

      Je pense que vous avez tout à fait raison. Il est vrai que l’endogamie dans le champ des idées fait que certains principes, certaines affirmations sont reçues comme des vérités d’évidence, et que petit à petit on perd l’habitude de les questionner. Bloch je crois avait écrit « il est bon qu’il y ait des hérétiques », pour marquer les dangers du conformisme des élites (…).

      [Malheureusement, la révolution numérique pose un sacré problème : ce principe ne fonctionne plus. Pire, l’économie numérique est profondément déflationniste, ce qui dérègle en plus d’autres règles d’or de l’économie, notamment monétaires.]

      Là encore, je trouve votre remarque très intéressante. La capacité des biens numériques à être dupliqués pratiquement sans coût crée en effet une tendance déflationniste forte. Cela étant dit, je ne suis pas de ceux qui croient que le numérique dominera l’économie du XXIème siècle. Nous restons des êtres de matière…

      [60 milliards de création monétaires par mois et à peine un frisson d’inflation supplémentaire, de quoi faire se retourner dans leur tombe les économistes classiques de la vieille époque.]

      Pas tout a fait, en fait. Les économistes de la vieille école avaient quand même regardé les rapports entre politique monétaire et politique budgétaire. Et ils avaient compris que lorsque la politique budgétaire est particulièrement restrictive, la politique monétaire perd assez rapidement son efficacité… je vais d’ailleurs essayer de consacrer un papier à cette question !

    • Lelien dit :

      [Je m’inquiétais de votre mutisme. J’ai cru que vous étiez souffrant physiquement. ]
      Vous êtes bien pessimiste. Je pensais pour ma part que Descartes s’était enfin attelé à un travail de synthèse de ses écrits.

      Merci Descartes pour vos articles et vos messages qui expriment très clairement des concepts et des idées pas toujours évidentes à résumer, notamment à cause de ce problème d’endogamie, que Lordon avait lui aussi très bien identifié dans le domaine du débat économique. Ce filtre idéologique impose aux “hérétiques” de redéfinir tout un champs conceptuel avant de pouvoir énoncer leurs idées.

      Je profite du présent message pour vous demander votre opinion sur le féminisme. Pour ma part j’y ai vu beaucoup de bon (égalité salariale, droit au divorce et à l’avortement, etc), mais aussi beaucoup de mal ses dernières années. Cependant j’ai beaucoup de mal à pointer du doigt ce qui me dérange dans ce groupe, en dehors de certains aspects ridicules mais superficiels qui font le “buzz” comme l’histoire des Mademoiselles/Madame et de leur attachement aux genres grammaticaux. J’ai l’impression que certains de ces groupes “féministes” essaient soit de transformer les hommes en femmes, soit les femmes en hommes. J’avoue ne pas assez connaitre ce sujet qui reste assez secondaire à mon sens par rapport à nos problèmes économiques, mais j’ai vu quelques unes de vos réflexions sur le sujet alors je me disais que vous aviez peut être un avis dessus.

    • Descartes dit :

      @ Lelien

      [Je profite du présent message pour vous demander votre opinion sur le féminisme.]

      Très vaste question… Personnellement, je suis un féministe « classique », partisan de ce féminisme qui se résume par la formule anglaise « level field and no favours » (« terrain égal, et pas de faveurs »). Cette conception implique une sphère publique indifférente au sexe, dans laquelle il n’existe que des « personnes » soumises aux mêmes obligations et titulaires des mêmes droits. Quant à la sphère privée, c’est aux individus de la régler comme ils l’entendent sans l’intervention de l’Etat. J’ajoute que cette conception est conforme à celle que je défend dans toutes les situations où il faut gérer une différence, qu’elle soit ethnique, culturelle ou sexuelle. C’est celle qui dérive de la conception héritée des Lumières de l’unité du genre humain, et du rattachement des droits à un individu abstrait.

      Cela me conduit à m’opposer à la vision – aujourd’hui médiatiquement dominante – d’un féminisme « postmoderne » ou « féminisme de genre » qui nous vient du milieu universitaire américain. Ce féminisme est d’abord « différentialiste » : il considère qu’hommes et femmes sont essentiellement différents, et que par conséquence ils doivent bénéficier de droits et de protections différentes. Un bon exemple de ce discours est l’idée que l’entrée des femmes dans les assemblées ou dans la direction des entreprises modifie la manière dont on est dirigé ou gouverné (pour un féministe « classique », femmes et hommes étant essentiellement égaux le remplacement des uns par les autres ne change rien au résultat).

      Le « féminisme de genre » s’est imposé parce qu’il va dans le sens de deux courants puissants de notre société. D’abord, ce courant paranoïaque qui fait les beaux jours du complotisme. Le « féminisme de genre » construit sa vision du monde autour d’une guerre millénaire entre les hommes et les femmes conçus comme groupes organisés. La « lutte contre le patriarcat », l’invention d’utopies « matriarcales » font partie de cette fantasmagorie. Mais le « féminisme de genre » joue aussi sur une idéologie de « féminisation de la société », c’est-à-dire de rejet des valeurs traditionnellement associées à l’image du père : la loi, l’autorité, la transcendance.

      [Pour ma part j’y ai vu beaucoup de bon (égalité salariale, droit au divorce et à l’avortement, etc),]

      Encore faudrait-il délimiter ce qui relève du « féminisme » et ce qui n’en relève pas. Par exemple, je ne vois rien de particulièrement « féministe » dans le droit au divorce. Ce serait plutôt le contraire : dans un contexte ou l’homme était le principal soutien économique de la famille, l’indissolubilité du mariage et l’obligation faite au mari d’entretenir le foyer était plutôt une protection de la femme.

      [Cependant j’ai beaucoup de mal à pointer du doigt ce qui me dérange dans ce groupe, en dehors de certains aspects ridicules mais superficiels qui font le “buzz” comme l’histoire des Mademoiselles/Madame et de leur attachement aux genres grammaticaux. J’ai l’impression que certains de ces groupes “féministes” essaient soit de transformer les hommes en femmes, soit les femmes en hommes.]

      Tout à fait. Le « féminisme de genre » est manichéen. Pour lui, il y a une « essence » masculine – qui représente le mal – et une « essence » féminine qui représente le bien. Pour que le monde soit plus heureux, il faut donc « féminiser » l’ensemble de la société. C’est un suprémacisme qui ne dit pas son nom…

  17. dudu87 dit :

    Les classes moyennes? Les classe ouvrière et populaire ont déjà tenté l’expérience de nombreuses fois. Et pourtant, elles étaient (ouvrière et populaire) autrement mieux organisées (années 70-80) que maintenant avec une analyse et un projet de société. Qui parle à l’heure actuelle de lutte de classe, de socialisme, de remise en cause de la propriété financière, de droit des peuples à l’auto- détermination??? Je sais, je suis un vieux…crouton!!!
    Relisons le “18 brumaire” de Marx, ce sera riche d’enseignement…….

    • Descartes dit :

      @ dudu87

      [Qui parle à l’heure actuelle de lutte de classe, de socialisme, de remise en cause de la propriété financière, de droit des peuples à l’auto- détermination???]

      Oh… il y en a encore qui en parlent. Je ne crois pas que le problème se situe là. On peut toujours parler de mondes imaginaires, la question est comment les faire devenir réels. C’est cette confrontation avec le réel qui manque aujourd’hui. C’est flagrant à gauche, où l’on ne trouve pas un seul projet qui montre l’amorce d’une réflexion quant aux moyens d’aboutir à l’objectif fixé…

      [Relisons le “18 brumaire” de Marx, ce sera riche d’enseignement…….]

      Une très bonne lecture… Mais je vous mets en garde contre certains parallèles avec des situations contemporaines !

  18. Soleil vert dit :

    Coups de matraques sur la gueule, c’est tout ce que les gouvernements de gauche (et de droite) ont à offrir à la jeunesse ! 200 CRS ! rien que ça contre une poignée de jeunes qui voulaient juste faire une AG !!!! Démocratie, tu ne sens pas la rose (tu en as la pâle allure, mais pas l’odeur) !
    http://www.huffingtonpost.fr/2016/03/18/video-tolbiac-manifestation-paris-images-police-loi-travail_n_9495910.html

    https://paris-luttes.info/temoignage-sur-la-repression-a-5096

    http://www.streetpress.com/sujet/1458323966-video-evacuation-brutale-crs-universite-tolbiac

    Serait-ce tabou d’en parler ? (vidéo édifiante dans le 3ème lien) !

    Ceux qui ont compris qu’il n’y a aucune issue si pas changement radical de paramètres, se gardent bien d’envoyer leurs progénitures se faire bastonner !
    Ce système corrompu s’effondrera bien de lui-même, avec ou sans sacrifiés !
    Cependant…paroles dispersées, confortablement assis dans un fauteuil moelleux, ne changeront pas la face du monde !

    • Descartes dit :

      @ Soleil Vert

      [Coups de matraques sur la gueule, c’est tout ce que les gouvernements de gauche (et de droite) ont à offrir à la jeunesse !]

      « La jeunesse » ? Il faudrait arrêter de confondre « la jeunesse » et « les étudiants ». Parce que les étudiants ne forment qu’une petite partie de la jeunesse… et une partie qui n’est pas franchement à plaindre. Je trouve d’ailleurs assez intéressant de comparer la manière dont la « répression policière » est rapportée selon que les matraques s’abattent sur la caboche de jeunes ouvriers ou sur les têtes augustes des étudiants…

      [200 CRS ! rien que ça contre une poignée de jeunes qui voulaient juste faire une AG !!!!]

      Beh… pas tout à fait, si je crois les témoignages que vous citez vous-même. Le site « paris-luttes.info » dit clairement que les jeunes étaient 200, ce qui fait gros pour « une poignée », qu’ils se sont introduits par la force dans l’enceinte universitaire (« Deux vigiles, et un homme qui se présente comme le président du bâtiment, essaient de nous dissuader, mais ils sont 3 et leurs arguments sont tristes, nous sommes 200 et plus vivants qu’eux, ils s’écartent »), parle de « taggage » du bâtiment et d’appels à « l’occupation ». Ca fait un peu plus qu’une « poignée de jeunes qui voulaient juste faire une AG »…

      [Démocratie, tu ne sens pas la rose (tu en as la pâle allure, mais pas l’odeur) !]

      Franchement, si les AG universitaires étaient des lieux de démocratie, ça se saurait…

      [Ceux qui ont compris qu’il n’y a aucune issue si pas changement radical de paramètres, se gardent bien d’envoyer leurs progénitures se faire bastonner !]

      Je n’ai pas bien compris ce commentaire. Vous voulez dire que ceux qui se font bastonner sont « envoyés » par leurs parents ?

  19. marc.malesherbes dit :

    @ Descartes (votre réponse du 19/03/2016 20:03)

    “L’EPR devrait être une réussite puisque c’est là encore une « copie », ou plutôt une évolution du concept Westinghouse associé au concept allemand Konvoi…”

    hélas, cela montre que nous ne sommes même pas capables de faire une adaptation. Seulement de copier sous licence.

    Si vous regardez les chantiers EPR aussi bien en Finlande qu’à Flamanville, les échecs viennent aussi bien du béton que de l’acier (il doit y avoir d’autres questions, mais je n’ai pas suivi la question de prés) … C’est donc bien tout notre tissu industriel “nucléocrate” qui est défaillant dés qu’il s’agit de faire mieux que l’habituel.
    Vous semblez dire que les concepts de base n’étaient pas bons, mais si nous les avons accepté, c’est bien notre responsabilité.

    “[Sans parler qu’on apprend que nos générateurs de secours … ne marchent pas !]
    Vous ne devriez pas croire tout ce que vous lisez dans la presse à scandale”

    voici ce que j’ai lu
    “Centrales nucléaires : un rapport alarmant sur l’état des générateurs de secours ….”
    http://www.europe1.fr/societe/centrales-nucleaires-un-rapport-alarmant-sur-letat-des-generateurs-de-secours-2694106
    les références me paraissaient fiables. Avez-vous d’autres informations ?

    “le nucléaire représente des investissements et des engagements trop importants et sur de trop long terme pour pouvoir se faire en dehors d’un engagement d’Etat – ne peut résister longtemps l’absence de toute politique publique dans le domaine”

    je vous suis tout à fait, c’est pourquoi il me semble important de parler de la productivité “globale” d’un pays, et dans cette productivité la cohérence de l’action publique, des décisions politiques est très importante.

    “Tout le monde achète les batteries en Corée. Les salaires sont moins chers et les règles environnementales sont plus… comment dire… « flexibles ».”
    Certes, mais ce n’est pas exactement ce que je voulais dire. Nous aurions pu concevoir des batteries innovantes, et les faire fabriquer en Corée. Alors que nous avons tout importé, les concepts et la réalisation.

    sur la question importante de la rentabilité du capital, il me semble que vous avez raison de dire que l’on peut faire mieux, mais je reste persuadé que nous devrons, hélas, lui offrir une rentabilité comparable à celle offerte dans les autres pays. Et ce n’est pas un handicap insurmontable, comme le montre vos propres exemples de négociation de relocalisations. Car si les firmes acceptent ces relocalisations, cela montre également qu’elles y trouvent leur intérêt. Autrement dit nous leur offrons souvent un rendement supérieur à celui des autres pays, et cela nous pouvons le corriger.

    Quoiqu’il en soit, cela implique un changement d’approche de nos politiques publiques: agir dans l’intérêt de la France, du plus grand nombre, ce qui n’est guère aujourd’hui la préoccupation première de nos dirigeants.
    Historiquement, nous n’avons agit ainsi qu’après des défaites majeures: 1870 et 1940. Cela ne veut pas dire que nous devions le répéter, mais cela montre seulement que c’est peu probable.

    Conclusion: pas de désaccord avec vos propositions, seulement pas trop confiant de les voir se réaliser dans un horizon prévisible (10-20 ans)

    • Descartes dit :

      @ marc.malesherbes

      [hélas, cela montre que nous ne sommes même pas capables de faire une adaptation. Seulement de copier sous licence.]

      Vous voulez dire « que nous ne sommes PLUS capables… etc. ». Parce qu’il ne faudrait pas oublier que notre pallier CPY (900 MW) et P3 (1300 MW) sont des « adaptations » de la licence Westinghouse. En fait, il n’y a que six tranches qui soient « copiées sous licence » : celles du palier CP0 (Fessenheim et Bugey…).

      Il faut garder un sens des proportions : pendant trente ans, la France a innové dans beaucoup de domaines, et copié intelligemment dans d’autres. Ce qui reste la conduite la plus rationnelle qui soit : on n’a pas tout bon à tous les coups, et la force d’un pays est aussi de reconnaître ce qui se fait de bien ailleurs et l’adapter à ses besoins. Entre l’orgueil imbécile de croire que « c’est meilleur parce que c’est inventé chez nous » et la faiblesse de se reposer sur la créativité des autres, il y a un équilibre subtil à trouver. Le choix de 1973 d’adopter la filière PWR inventée par les américains plutôt que de persister dans une filière graphite/gaz qui était moins intéressante économiquement fut un choix qui honore ceux qui l’ont pris.

      Quant à la capacité à faire… il faut être raisonnable. On ne peut pas taper pendant vingt ans sur une activité, et ensuite lui reprocher de ne pas être à la hauteur. Comment voulez-vous que l’industrie nucléaire arrive à recruter les meilleurs si l’ensemble des médias fait une présentation sensationnaliste de la moindre anicroche dans une installation – souvenez-vous de l’affaire du renversement d’une bouteille d’eau oxygénée à Fessenheim – dans laquelle les travailleurs du nucléaire sont assimilés à des inconscients ou à des assassins ? Quel jeune va choisir d’engager sa carrière dans un domaine que nos élites politico-médiatiques promettent à une extinction rapide ?

      Je ne vous parle pas d’une question théorique, mais d’un problème pratique que je peux observer quotidiennement. Dans le nucléaire, la capacité à faire est d’abord liée au savoir faire des personnes qui y travaillent. Si on laisse se dégrader ce savoir-faire, alors on revient en arrière. Or, depuis 1981 la France n’a plus de politique industrielle dans le domaine du nucléaire. Avec Mitterrand, on s’est contenté de finir ce qui avait été commencé sous Pompidou et Giscard. Pas de chantier nouveau, pas de projet nouveau, pas même de réflexion nouvelle. L’EPR n’est au départ qu’un projet en papier destiné à mettre en exergue le « couple franco-allemand » auquel Mitterrand tient tant, et aucune date de construction n’est prévue. Des projets en cours sont arrêtés, avec une destruction massive de savoir faire : Superphénix en est le meilleur exemple. Même les « petits projets » du CEA, qui servaient à former les ingénieurs capables de bâtir des projets plus importants, sont progressivement arrêtés. Alors, d’où voulez-vous qu’on tire les ingénieurs capables de construire un EPR dans les délais et dans les temps ?

      En matière industrielle, la construction est longue et la destruction facile. D’un trait de plume on peut effacer des compétences dont la construction a mis deux générations. Et c’est ce qu’on a fait en France avec l’industrie depuis 1981. Car ce n’est pas seulement le nucléaire qui souffre. Dans les vingt ans qui vont de 1960 à 1980, on a développé toutes sortes de grands projets. Du nucléaire à Concorde, du TGV au Minitel, du Mirage à Ariane. Ces projets n’ont pas tous été des réussites économiques, mais tous ont fonctionné et ont permis de construire des compétences qui ont servi ensuite : Airbus ne serait pas ce qu’il est sans Concorde. Où sont les grands projets français des vingt années suivants ? Rien, nothing, nicht. On a vécu sur l’acquis. On a développé le réseau TGV, mais on n’a pas inventé le « TGV du futur ». On a terminé le programme nucléaire, mais on n’a pas lancé le prototype d’une nouvelle génération de réacteurs. L’EPR est le symbole de cette France mitterrando-chiraquienne. Une « adaptation » de ce qui se faisait avant, sans souffle et sans ambition.

      [Vous semblez dire que les concepts de base n’étaient pas bons, mais si nous les avons accepté, c’est bien notre responsabilité.]

      Moi je ne les ai pas acceptés. Je les ai même combattus. Je ne vois pas pourquoi je devrais accepter la responsabilité qui s’y attache.

      [Sans parler qu’on apprend que nos générateurs de secours … ne marchent pas !][Vous ne devriez pas croire tout ce que vous lisez dans la presse à scandale][voici ce que j’ai lu (…)]

      Et bien, dans ce que vous avez lu, il n’y a nulle part écrit que « nos générateurs de secours ne marchent pas ». La conclusion du rapport est au contraire que l’état des générateurs de secours est « à surveiller ».

      La lecture d’un rapport technique écrit à usage interne est toujours difficile pour ceux qui ne connaissent pas les principes qui fondent ce type d’évaluations. Car il faut bien voir qu’il ne s’agit pas d’un rapport d’essais. Les gens qui l’ont écrit n’ont pas fait le tour des centrales et démarré les générateurs de secours pour vérifier qu’ils fonctionnent. Cet essai dit « essai périodique » est effectué par chaque centrale avec une périodicité variable (qui est de l’ordre de la quinzaine) et une défaillance entraine pour l’exploitant l’obligation d’arrêter le réacteur. En d’autres termes, la sûreté de l’installation est toujours assurée.

      L’objectif des rédacteurs du rapport est l’amélioration économique de l’installation. Et c’est pourquoi l’évaluation est faite sur le nombre d’incidents et sur le nombre de jours d’exploitation perdus suite à un incident ou une panne des générateurs. Une telle évaluation est bien plus rigoureuse que celle exigée par la sureté de l’installation, puisqu’elle est cumulative : non seulement il faut assurer la sûreté, mais en plus assurer la production. C’est pourquoi apparaissent un certain nombre de « cases rouges » identifiés comme des situations à traiter.

      [« Tout le monde achète les batteries en Corée. Les salaires sont moins chers et les règles environnementales sont plus… comment dire… « flexibles ». » Certes, mais ce n’est pas exactement ce que je voulais dire. Nous aurions pu concevoir des batteries innovantes, et les faire fabriquer en Corée. Alors que nous avons tout importé, les concepts et la réalisation.]

      Mais pourquoi « développer », alors que d’autres le font, et pour moins cher ? Dans un cadre de pensée libéral, développer ici, aux Etats-Unis ou en Chine n’a guère d’importance. Le choix doit se faire en fonction du coût, et du coût seul, non ? Maintenant, si vous voulez vous écarter de la pure efficacité économique et faire entrer autres critères de choix, c’est une autre affaire. Et cela a un coût. Pensez-vous que nos chères « classes moyennes » soient prêtes à le payer ?

      [sur la question importante de la rentabilité du capital, il me semble que vous avez raison de dire que l’on peut faire mieux, mais je reste persuadé que nous devrons, hélas, lui offrir une rentabilité comparable à celle offerte dans les autres pays. Et ce n’est pas un handicap insurmontable, comme le montre vos propres exemples de négociation de relocalisations.]

      Oui, mais vous voyez vous-mêmes les limites de cette logique. La négociation des relocalisations peut créer de l’emploi, mais son effet sur les salaires sera limité par la question de la rentabilité. Si les salaires sont tels que la rentabilité pour le capital est inférieure à celle qu’il peut trouver ailleurs, alors l’affaire ne se fera pas.

      [Historiquement, nous n’avons agit ainsi qu’après des défaites majeures: 1870 et 1940. Cela ne veut pas dire que nous devions le répéter, mais cela montre seulement que c’est peu probable.]

      Pas forcément. On peut parler d’un « 1940 économique » pour caractériser notre situation actuelle. Un effondrement de l’économie et une sortie de l’Euro pourrait jouer le rôle de déclencheur qu’ont joué les défaites de 1870 et 1940…

    • bip dit :

      @ Descartes

      [Un effondrement de l’économie et une sortie de l’Euro pourrait jouer le rôle de déclencheur qu’ont joué les défaites de 1870 et 1940…]

      Un effondrement de l’économie serait plus certainement le déclencheur d’un effondrement complet…

      Une population en partie colonisée culturellement par les états-uniens, instruite par une école en déliquescence, composée pour la tranche d’âge des 20-30 ans de, au pif, au moins 25% de musulmans (et vu les exemples de pays qui ont une proportion aussi importante de musulmans…) et dont les élites n’ont plus rien à faire de leur pays (ou même le haïssent).
      Ajoutons à cela la possibilité pour les meilleurs profils (notamment les ingénieurs) de fuir le chaos assez facilement pour trouver asile un peu partout dans le monde.
      Ajoutons-y une population vieille (donc avec beaucoup de gens qui en cas de crash n’auront même plus leur force de travail pour s’en sortir).

      Dans le positif : l’exemple de la Résistance pour donner de l’espoir et la possibilité de régler un paquet de comptes pour faire passer un peu des temps difficiles…

      J’ai oublié des choses ? 😉

    • Descartes dit :

      @ bip

      [Un effondrement de l’économie serait plus certainement le déclencheur d’un effondrement complet…]

      Pas nécessairement. Nous avons passé déjà des crises économiques graves sans un « effondrement complet »…

      [Une population en partie colonisée culturellement par les états-uniens, instruite par une école en déliquescence, composée pour la tranche d’âge des 20-30 ans de, au pif, au moins 25% de musulmans (et vu les exemples de pays qui ont une proportion aussi importante de musulmans…) et dont les élites n’ont plus rien à faire de leur pays (ou même le haïssent).]

      Comme l’écrivait Rostand, « c’est d’autant plus beau quand c’est difficile »… je ne partage pas votre pessimisme. Une population « en partie colonisée culturellement par les états-uniens » ? Moins qu’on ne le croit généralement. Une école en déliquescence ? Oui dans les quartiers populaires. Mais le système d’éducation des élites reste fort et peut encore irriguer une politique de reconquête de l’éducation. « 25% de musulmans » ? Pas vraiment : il ne faut pas confondre l’origine et la croyance. La grande majorité de nos compatriotes musulmans ont un rapport distancié à leurs origines, à l’égal des juifs ou des chrétiens. Quant aux élites… si l’élite médiatique est embourbée dans la haine de soi, les élites administratives restent majoritairement patriotes.

    • Timo dit :

      @Descartes

      [Comment voulez-vous que l’industrie nucléaire arrive à recruter les meilleurs si l’ensemble des médias fait une présentation sensationnaliste de la moindre anicroche dans une installation – souvenez-vous de l’affaire du renversement d’une bouteille d’eau oxygénée à Fessenheim – dans laquelle les travailleurs du nucléaire sont assimilés à des inconscients ou à des assassins ? Quel jeune va choisir d’engager sa carrière dans un domaine que nos élites politico-médiatiques promettent à une extinction rapide ?]

      Ça je peux même en parler d’expérience, comme un moment j’ai hésité à choisir la filière nucléaire de mon école (ense3). Rien que d’évoquer dans mon entourage la possibilité de travailler dans ce secteur ça me valait des remontrances et des froncements de sourcils (et il s’agit pas que de grands militants écolos). Finalement j’ai choisit une autre filière, pour d’autres raisons, et j’abandonne pas complètement l’idée de travailler dans ce domaine mais je vois bien que ça demande une certaine force de caractère et qu’il faut s’attendre à devoir constamment se justifier et à partir sans arrêt dans des grands débats (débats qui ne doivent d’ailleurs pas être forcément très constructifs si à chaque arguments on nous rétorque “tu dis ça parce que c’est ton gagne-pain”). D’ailleurs comme l’affectation par filière se fait en fonction des examens de 1ere année, et que celle ci est peu demandée, une bonne partie des élèves qui y finissent le sont un peu par défaut parce qu’ils n’ont pas eu des notes suffisantes pour aller dans la filière qu’ils voulaient. C’est pareille dans l’école voisine qui a aussi une filière sur le nucléaire (phelma), pendant longtemps c’était la filière la plus convoitée mais depuis quelques années ça n’est plus le cas.
      Mais j’imagine que c’est pas spécifique au nucléaire, ça doit être pareille quand on travaille dans l’industrie pétrolière, l’agrochimie, le secteur bancaire, etc..

    • Descartes dit :

      @ Timo

      [J’abandonne pas complètement l’idée de travailler dans ce domaine mais je vois bien que ça demande une certaine force de caractère et qu’il faut s’attendre à devoir constamment se justifier et à partir sans arrêt dans des grands débats (débats qui ne doivent d’ailleurs pas être forcément très constructifs si à chaque arguments on nous rétorque “tu dis ça parce que c’est ton gagne-pain”).]

      Tout à fait d’accord. D’ailleurs, ceux qui travaillent dans le nucléaire développent un peu la même mentalité de forteresse assiégée que les policiers ou les militaires : on ne se sent bien qu’entre soi, et dès qu’on sort on se trouve en face d’un monde qui au mieux ne vous comprend pas – et ne cherche pas à vous comprendre – et au pire vous manifeste son hostilité. Ce sont souvent des gens passionnés par ce qu’ils font, avec un sens profond du service public, mais qui sont sommés de vivre cachés pour vivre heureux.

      [D’ailleurs comme l’affectation par filière se fait en fonction des examens de 1ere année, et que celle ci est peu demandée, une bonne partie des élèves qui y finissent le sont un peu par défaut parce qu’ils n’ont pas eu des notes suffisantes pour aller dans la filière qu’ils voulaient.]

      Phénomène classique de sédimentation. La baisse dans la qualité des recrutements est pour l’industrie française un risque important. Car ce phénomène touche l’ensemble des activités industrielles, et pas seulement le nucléaire. Nos écoles d’ingénieurs, que le monde entier nous enviait – quand on sort de France pour travailler à l’étranger, on le voit – sont en train de devenir des écoles de commerce avec un vernis technique.

      [Mais j’imagine que c’est pas spécifique au nucléaire, ça doit être pareille quand on travaille dans l’industrie pétrolière, l’agrochimie, le secteur bancaire, etc…]

      Pas tout à fait. Le secteur bancaire, par exemple, n’a aucune difficulté à recruter les meilleurs, et les étudiants de nos meilleures écoles se battent pour suivre les filières « ecofi »…

  20. Soleil vert dit :

    A l’auteur de ce blog,

    “Je n’ai pas bien compris ce commentaire. Vous voulez dire que ceux qui se font bastonner sont « envoyés » par leurs parents ?”

    Non, c’est beaucoup moins glauque que cela !
    Ce système bien que moribond, s’écroulera certes mais pas encore demain et donc je voulais juste dire qu’ont le sens des responsabilités, les parents (ayant cette part de lucidité et que bien qu’ eux-mêmes soient intéressés, même de loin, à la chose politique) qui ont la sagesse de ne pas donner envie à leur progéniture d’aller risquer perdre un oeil, voir la vie (cf.Rémy Fraisse) pour défendre un bout de gras, que finalement seuls les déjà repus se mettront dans le cornet !

    Autant donc qu’ils profitent tant qu’ils le peuvent de ce système capitaliste et corrompu, puisque pas moyen d’y échapper dans l’immédiat : bonnes études, viser le fonctionnariat (avec un niveau bac+5, ça peut le faire et même si côté statuts, changement il va y avoir), et profiter de la vie ! Mais pas de docilité excessive pour autant à avoir, ni de fatalité et dès que possible, viser autre chose de plus créatif, quand le contexte le permettra car bon, fonctionnaire à vie, ça ne branche pas forcément tout le monde !

    A quoi bon ruer dans les brancards et face à des robocop en plus !!!! que les CRS fassent leur boulot, rien de plus normal mais de là à fracasser la tête d’une étudiante (d’après les témoignages, qui à priori ne sont pas à mettre en doute), si peu dangereuse, elle, sans armure !

    Quand un gouvernement aux abois n’a plus que la violence à opposer à la jeunesse désespérée, c’est lamentable ! Ah si, la “garantie jeunes”, c’est ça qui est censé leur redonner un brin d’espoir ?

    • Descartes dit :

      @ Soleil Vert

      [« Je n’ai pas bien compris ce commentaire. Vous voulez dire que ceux qui se font bastonner sont « envoyés » par leurs parents ? » Non, c’est beaucoup moins glauque que cela !]

      Désolé, mais si vous écrivez que « ceux qui ont compris qu’il n’y a aucune issue si pas changement radical de paramètres, se gardent bien d’envoyer leurs progénitures se faire bastonner », alors on peut déduire logiquement que ceux qui n’ont PAS compris envoient leurs progénitures se faire bastonner. Ce qui, vous me l’accorderez, est assez glauque…

      [Ce système bien que moribond, s’écroulera certes mais pas encore demain]

      J’avoue que ce langage prophétique, qu’on a toujours beaucoup aimé dans la « gauche radicale », me laisse songeur. Je me souviens quand j’étais enfant et que mon grand-père m’expliquait que le système était « moribond ». Aujourd’hui, je risque d’être moi-même bientôt grand-père… et on m’explique toujours que le système est « moribond ». Avouez que ca fait une longue agonie…

      Peut-être vaudrait-il mieux arrêter de répéter que le système est moribond et prêt à s’écrouler, et consacrer ce temps à essayer de comprendre pourquoi malgré toutes ses contradictions il ne s’écroule pas ?

      [et donc je voulais juste dire qu’ont le sens des responsabilités, les parents (ayant cette part de lucidité et que bien qu’ eux-mêmes soient intéressés, même de loin, à la chose politique) qui ont la sagesse de ne pas donner envie à leur progéniture d’aller risquer perdre un oeil, voir la vie (cf.Rémy Fraisse) pour défendre un bout de gras, que finalement seuls les déjà repus se mettront dans le cornet !]

      Certainement. D’ailleurs, comme disait le poète anglais, « il est plus facile de mourir pour la femme qu’on aime que de vivre avec elle ». Mourir pour la Cause, ça évite beaucoup de désillusions, et pas mal de boulot…

      [Autant donc qu’ils profitent tant qu’ils le peuvent de ce système capitaliste et corrompu, puisque pas moyen d’y échapper dans l’immédiat : bonnes études, viser le fonctionnariat (avec un niveau bac+5, ça peut le faire et même si côté statuts, changement il va y avoir), et profiter de la vie !]

      Bien sur. Vous savez, de vie, on n’a qu’une seule. Alors autant profiter des bonheurs que nous donne ce bas monde, même s’il ne correspond pas tout à fait à ce que nous voudrions. Je ne crois pas à la vision « doloriste » du révolutionnaire, cette image tanatique façon Guevara. Et j’admire beaucoup plus les gens qui ont vécu pour la Révolution que ceux qui sont morts pour elle.

      [A quoi bon ruer dans les brancards et face à des robocop en plus !!!! que les CRS fassent leur boulot, rien de plus normal mais de là à fracasser la tête d’une étudiante (d’après les témoignages, qui à priori ne sont pas à mettre en doute), si peu dangereuse, elle, sans armure !]

      D’abord, je ne vois pas pourquoi les témoignages ne seraient « à priori pas à mettre en doute ». Dans la mesure où les « témoignages » des étudiants diffèrent de ceux de la police, je suis obligé de « mettre en doute » au moins l’un d’entre eux. Etant un homme de raison, je ne vois aucune raison de croire les uns plutôt que les autres, puisque les deux ont intérêt à tordre la vérité dans un sens ou dans l’autre. Ensuite, lorsqu’on voit le tribut que les forces de l’ordre paient lors des opérations de ce type, on se dit que la présentation des étudiants comme des doux agneaux incapables de faire de mal à une mouche est légèrement biaisée. J’ai vu de mes yeux vu des étudiants lançant des cocktails Molotov sur les CRS. Que pensez-vous que cela fait au CRS qui le reçoit ?

      [Quand un gouvernement aux abois n’a plus que la violence à opposer à la jeunesse désespérée, c’est lamentable !]

      De quelle « jeunesse désespérée » me parlez-vous ? De celle qui étudie à Tolbiac ? Franchement, je trouve qu’il y a dans notre beau pays beaucoup de gens qui ont de bien meilleures raisons d’être « désespérés » que cette jeunesse-là. Parler de « désespoir » pour caractériser la situation des étudiants universitaires, c’est insulter ces gens-là.

  21. Soleil vert dit :

    “De quelle « jeunesse désespérée » me parlez-vous ? De celle qui étudie à Tolbiac ?”

    Pas spécialement. La jeunesse qui étudie à Tolbiac a, en apparence, des raisons moins évidentes d’être désespérée mais là n’est pas la question ! il n’y a pas qu’à Tolbiac que la jeunesse a été violemment réprimée ! Ce gouvernement redouterait-il une étincelle funeste ?
    Ces jeunes là, ont l’insolence d’être des gosses de privilégiés, faudrait-il, pour autant, minimiser les faits sous ce prétexte tronqué ?

    Ce jour, Bruxelles est en sang….on ne pourra, cette fois-ci, pas dire “pauvre France” !

    Les Français attendent que les forces de l’ordre soient en priorité employés à les défendre face au terrorisme, pas qu’ils s’acharnent sur leurs têtes blondes !
    Tous ces clips anti-racisme qui passent en boucle à la télé, c’est vraiment se moquer du monde, quand on y songe ! Mais je m’égare….

    • Descartes dit :

      @ soleil vert

      [Pas spécialement. La jeunesse qui étudie à Tolbiac a, en apparence, des raisons moins évidentes d’être désespérée mais là n’est pas la question !]

      Si, tout de même. Pour le moment, les seuls exemples que vous avez proposé de la « violence contre la jeunesse désespérée » concernent les étudiants…

      [il n’y a pas qu’à Tolbiac que la jeunesse a été violemment réprimée !]

      Pourriez-vous proposer quelques exemples ?

      [Ce gouvernement redouterait-il une étincelle funeste ?]

      Tous les gouvernements la redoutent. Les étudiants cumulent trois conditions qui font peur à n’importe quel gouvernement : d’abord, ils ont du temps libre et pas de responsabilités, ce qui leur donne une large liberté pour manifester, occuper, etc. Ensuite, ils ont à se faire une place dans la société, ce qui les conduit naturellement à attaquer les structures et les hommes en place. Et finalement, ils appartiennent aux « classes moyennes », ce qui veut dire qu’on ne peut toucher un cheveu de leur tête sans que les médias se déchainent…

      [Ces jeunes là, ont l’insolence d’être des gosses de privilégiés,]

      Plus que « l’insolence », je dirais « la chance »…

      [faudrait-il, pour autant, minimiser les faits sous ce prétexte tronqué ?]

      Non, mais il faudrait exiger le même traitement pour tous les « faits » de même nature, quelque en soit la victime. Et il faudrait aussi une approche plus critique des « faits »…

      [Les Français attendent que les forces de l’ordre soient en priorité employés à les défendre face au terrorisme, pas qu’ils s’acharnent sur leurs têtes blondes !]

      Elles le sont. Mais je ne vois pas pourquoi il faudrait tolérer l’effraction d’un établissement public sous prétexte qu’il faut combattre le terrorisme ailleurs.

  22. dudu87 dit :

    “Une très bonne lecture… Mais je vous mets en garde contre certains parallèles avec des situations contemporaines !”

    Bien sûr, chaque moment historique a ses caractéristiques, je voulais parler du fond, la trahison de la bourgeoisie envers les couches populaires de l’époque. D’ailleurs, ni les “socialistes” et ni Mélenchon ne font référence à cette période révolutionnaire, la 2° république!!! Comme ils ne parlent que très rarement de la Commune;
    Tenez, une anecdote! Mes parents avaient des amis, lui directeur d’école à Paris et issu de la petite bourgeoisie parisienne, c’était en 56 où l’alliance communiste- socialistes était posée pour le gouvernement G. Mollet, “mollet de gui”. Dans la discussion à ce sujet, mes parents militaient pour un gouvernement commun et ce Monsieur, membre de la SFIO leur a répondu: “Des maçons à la Chambre (députés)???…Jamais…. J’avais 8 ans et ses yeux étaient devenus si haineux que j’en avais été marqué, la preuve je l’ai toujours retenu!!!

    ” C’est une politique de « passager clandestin ». Dès lors que tout le monde joue le même jeu, on entre dans une spirale récessive, qu’on peut retarder éventuellement de quelques années par une spirale de dette. “
    Je vous rassure…. Vous avez tout compris, (sourire) et le problème du type de socièté est posée. Quand je sais pas… Un jour peut-être… Comme dirait Aragon!
    Contrairement à Soleil vert, je dirai que: “La vie est une lutte et que la lutte enrichit la vie”!!! Encore s’agit-il d’éviter les “cul de sac” et avoir un minimum de conscience.

    • Descartes dit :

      @ dudu87

      [Bien sûr, chaque moment historique a ses caractéristiques, je voulais parler du fond, la trahison de la bourgeoisie envers les couches populaires de l’époque. D’ailleurs, ni les “socialistes” et ni Mélenchon ne font référence à cette période révolutionnaire, la 2° république!!! Comme ils ne parlent que très rarement de la Commune;]

      En fait, avec le crépuscule du marxisme on assiste dans la gauche à un crépuscule de l’histoire. En fait, en dehors de quelques périodes ou personnages mythiques, l’histoire n’intéresse pas grand monde. On le voit d’ailleurs dans l’absence quasi-totale de références historiques dans les discours ou dans les documents d’analyse…

  23. Soleil vert dit :

    A l’auteur de ce blog,

    “Non, mais il faudrait exiger le même traitement pour tous les « faits » de même nature, quelque en soit la victime.”.
    Tout à fait.

    Je ne vais pas vous donner à tout prix les liens d’articles sur lesquels j’étais tombée et que je n’ai pas le temps de chercher ! A Strasbourg aussi, des violences ont été constatées. Ce n’est de toute façon, pas le nombre de jeunes violentés qui doit entrer en ligne de compte ! un seul l’ayant été plus que de raison suffit ! J’ai été témoin une fois, d’une course poursuite entre petites frappes et flics en civil et bien que plus en état de nuire car maitrisés par ces deniers, j’ai pu me rendre compte que les flics parfois, forts de leur légitimité à être autorisés à frapper, pouvaient ne pas savoir doser leurs gestes ! Les dérapages existent ! Et le constater n’est pas être du côté des voyous !

    Quant à la notion de chance ou malchance, l’une et l’autre peuvent s’inverser selon les circonstances ou sa volonté de contrer un mauvais karma. Un malchanceux pourra avoir d’autres choix que de s’apitoyer sur son sort et un chanceux ne pas se contenter de se reposer sur ses lauriers et donner à sa vie, une densité nouvelle, loin des paramètres initiaux ! et heureusement !

    Et puis les bourses distribuées aux méritants peu aisés, n’ont-elles pas pour fonction de redresser un peu les inégalités ?

    On ne choisit pas sa famille et ce n’est donc pas par le biais de ses origines, qu’on peut s’aventurer à juger un homme, mais à ses actes et à son rapport à l’argent !

    Je ne vous donnerai pas Hugo en exemple, qui d’un point de vue historique se serait émancipé de ses origines bourgeoises pour se mettre au niveau du peuple ! Réalité moins flatteuse qu’il y paraitrait parce que pour lui, en quelques sorte malgré son discours altruiste, les riches devaient tout de même conservés leurs millions. Pas le temps de pousser plus loin la réflexion. Hugo est un poète d’un remarquable talent mais il ne faut pas se figurer les êtres plus beaux qu’ils ne sont à l’intérieur, sous prétexte que leur légende aura participé à trop les embellir !

    • Descartes dit :

      @ Soleil Vert

      [Je ne vais pas vous donner à tout prix les liens d’articles sur lesquels j’étais tombée et que je n’ai pas le temps de chercher !]

      En d’autres termes, vous me demandez de vous croire sur parole…

      [A Strasbourg aussi, des violences ont été constatées.]

      Et qui étaient les victimes ? Des jeunes ouvriers ? Des jeunes étudiants ?

      [Ce n’est de toute façon, pas le nombre de jeunes violentés qui doit entrer en ligne de compte ! un seul l’ayant été plus que de raison suffit ! J’ai été témoin une fois, d’une course poursuite entre petites frappes et flics en civil et bien que plus en état de nuire car maitrisés par ces deniers, j’ai pu me rendre compte que les flics parfois, forts de leur légitimité à être autorisés à frapper, pouvaient ne pas savoir doser leurs gestes ! Les dérapages existent ! Et le constater n’est pas être du côté des voyous !]

      Et bien, je ne suis pas d’accord avec vous. Je connais les flics, j’ai pu travailler avec eux, et je peux vous dire que c’est un métier usant. Essayez de vous mettre à leur place : passer des journées et des journées à courser des « petites frappes », à contrôler des gens que vous crachent à la gueule, à contenir des « jeunes » qui se croient tout permis… et tout ça pour assurer la sécurité d’une population qui ne vous remercie jamais mais qui vous tombe sur le râble à la moindre erreur. Alors, voyez-vous, j’ai pour eux une certaine indulgence. Cela ne veut pas dire qu’il faut tout leur passer. Mais qu’il faut garder une vue équilibrée. Et les « jeunes » qui prétendent user de la force pour rentrer dans un bâtiment qui leur est fermé savent qu’ils risquent l’usage de la force en retour.

      [Et puis les bourses distribuées aux méritants peu aisés, n’ont-elles pas pour fonction de redresser un peu les inégalités ?]

      Oui, mais c’est bien peu. Souvent, la réussite n’est pas une question d’argent, mais plus profondément de motivation, de stimulation, d’exigence. Et une bourse ne remplacera jamais ça.

  24. xc dit :

    A propos du fordisme, que Bannette évoque dans son commentaire et vous dans votre réponse, l’explication qui en est donnée d’ordinaire n’est peut-être pas la bonne: http://www.contrepoints.org/2014/12/22/191960-lineptie-fordiste

    • Descartes dit :

      @ xc

      [A propos du fordisme, que Bannette évoque dans son commentaire et vous dans votre réponse, l’explication qui en est donnée d’ordinaire n’est peut-être pas la bonne:]

      L’article est intéressant, mais il manque un point important : les employés de Ford ne fonctionnaient pas en circuit fermé. Lorsque l’auteur calcule que Ford n’avait pas intérêt à distribuer 1000 dollars de plus à ses travailleurs si ceux-ci n’achètent que pour 200 dollars de produits Ford, il manque un élément essentiel : Ford ne gagnait pas seulement du fait que ses employés achetaient des Ford T. Il gagnait aussi parce que ces achats lui permettaient de gagner sur les effets d’échelle. Parce que des ouvriers propriétaires de leur voiture étaient plus stables, plus productifs, plus attachés à l’entreprise, moins enclins à saboter la production.

  25. odp dit :

    Bonjour Descartes,

    Tout d’abord, je vous dois des excuses: je n’ai pas rebondi sur votre dernier commentaire lors de notre échange précédent; mais j’ai été accaparé par d’autres choses puis saisi par “l’aquoibonnisme” que vous décrivez. Désolé.

    Cela dit, je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous dénoncez dans ce papier? L’imperfection de la nature humaine qui fait que les hommes et les nations sont en perpétuelle compétition pour les ressources “rares” (argent, femmes, honneurs…) ou le libéralisme qui ne fait qu’accroître cette tendance?

    • Descartes dit :

      @odp

      [Cela dit, je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous dénoncez dans ce papier? L’imperfection de la nature humaine qui fait que les hommes et les nations sont en perpétuelle compétition pour les ressources “rares” (argent, femmes, honneurs…) ou le libéralisme qui ne fait qu’accroître cette tendance?]

      Plus qu’une “dénonciation”, c’est une interrogation. Le néo-libéralisme repose d’une part sur la croyance dans une compétition permanente “libre et non faussée” sur des marchés “purs et parfaits”. Or, un simple raisonnement montre que ces deux mécanismes mis ensemble conduisent à une société de subsistance. Mon interrogation concerne la capacité de nos élites à affirmer en permanence leur croyance dans une logique sans en apparence s’apercevoir qu’elle conduit à l’appauvrissement de la société.

  26. frederic_N dit :

    ” je finis par me demander si ce n’est pas moi qui est dans l’erreur” Dites – vous . Chiche !!

    Permettez moi , avec tout le respect que je vous dois de vous citer. Car oui, vous êtes dans l’erreur. Mais pas de celles que l’on peur discuter à armes égales . Dans votre cas on est toujours dans la caverne.
    Alors plutôt que de ressasser les arguments connus et que tous les responsables savent évidents je vais vous raconter une anecdote

    Voilà : comme beaucoup je me suis engagé en politique à gauche, et j’ai appartenu à la mouvance marxiste. Et comme beaucoup – je me suis posé des questions. Je le croyais en tous cas . J’ai même appartenu à un groupe de recherche où la question suivante a été posée en pleine “crise” de la gauche : oui ou non Marx s’est il trompé et en quoi sa critique du libéralisme était elle erronée. Je précise qu’il s’agissait d’un groupe de recherche en philosophie et qu’il y a eu un moment dans les années 80 où la question a été naturelle. Et elle aurait du l’être depuis la publication du livre 2 du capital, qui je vous le rappelle a déçu..
    Depuis j’ai fait mon chemin modestement, car il n’y avait pas lieu de parler fort . Et oui, les faits ont parlé. Marx s’est trompé face au libéralisme c’est bête comme chou de dire cela, et la plus élémentaire des devoirs quand on est de gauche est de chercher à comprendre pourquoi. Et en quoi les libéraux étaient supérieurs sur le plan “scientifique” comme on dit . Du moins je croyais cela naturel ( sans doute suis-je un essentialiste de la culture occidentale .,)
    Le temps passe et le hasard du temps me fait rencontrer de ces dirigeants que l’on avait connu à la grande époque. Bien implanté dans la gauche innovante. Vous savez , ceux que l’on dit ouverts. Pignon sur rue etc.. Les colloques et les émissions branchées
    Le temps de prendre des nouvelles et nous parlons . Alors je lui demande. Parmi nos ex-collègues y en a-t-il qui s’interrogent sur les erreurs de Marx ( ya plein de gens connus là dedans, rassurez vous et à pignon sur rue universitaire.). Tiens donc me répond -il . Non ? pourquoi donc ?
    Eh oui, en 2015 il est encore incongru de se demander où l’on s’est trompé dans une certaine tradition . !

    Moralité. Il fût un temps où la rhétorique irriguait l’espace public, comme on le dit aujourd’hui. Et la rhétorique a inventé ce qu’on appelle la charge de la preuve . Ce que vous ne comprenez pas c’est que la charge de la preuve s’est inversée il y a 30 ans. Et elle rend illégitime tous les discours issus de la gauche en économie. TOUS dont le vôtre. Il y a eu un match au XXème siècle entre les libéraux et la gauche critique. Les libéraux jouaient les mains liées, à 9 contre 11, et en plus l’arbitre était vendu. Et les libéraux ont gagné par KO . Et un et deux et trois zéro comme on a dit il y a quelques années. Voilà ! Tant que vous n’aurez pas compris cela , vous ne comprendrez pas pourquoi lorsque l’on vient de gauche en France on n’est pas légitime pour parler de la sorte déconomie La gauche c’est comme l’Allemagne post hitlérienne : elle a d’abord un travail d’auto-compréhension à faire, comprendre pourquoi elle s’est trompée, et pourquoi les autres , ce que l’on haïssait, eux ne se trompaient pas . Et ce que raconte mon anecdote, c’est qu’on a toujours refusé de le faire ( eh oui SOS racisme cela avait aussi pour but de s’autodédouaner de tous les péchés, lorsque tombait le mur )

    Alors comme je connais la chanson, vous allez me dire que vous n’êtes plus de la gauche . Bla bla bla. Les idées ont des filiations profondes qui se repèrent à quelques phrases. Vous êtes encore solidaires de l’antilibéralisme de la gauche
    Alors vous allez me dire que le libéralisme est en crise, que le néolibéralisme, la crise financière etc.. A cela je réponds : vous n’êtes pas légitimes pour en parler. Laissez l’analyse critique de l’économie actuelle à ceux qui au moins ont eu la lucidité de choisir Aron quand on choisissait Sartre. Et Reagan contre le Gosplan Ou au moins d’avoir fait les dix, vingt ans de travail sur eux pour comprendre en quoi ils s’étaient trompés
    Maintenant si vous voulez que je vous explique pourquoi la France décroche à s’enfoncer toujours plus dans les dépenses publiques, je veux bien. Mais ne faites pas semblant .

    • Descartes dit :

      @ Frederic N

      [Permettez moi , avec tout le respect que je vous dois de vous citer. Car oui, vous êtes dans l’erreur. Mais pas de celles que l’on peur discuter à armes égales. Dans votre cas on est toujours dans la caverne.]

      Je n’ai pas très bien compris. Je veux bien admettre que je sois dans l’erreur, à condition qu’on m’indique en quoi elle consiste. Pourquoi ne peut-on en discuter « à armes égales » ?

      [Depuis j’ai fait mon chemin modestement, car il n’y avait pas lieu de parler fort . Et oui, les faits ont parlé. Marx s’est trompé face au libéralisme c’est bête comme chou de dire cela, et la plus élémentaire des devoirs quand on est de gauche est de chercher à comprendre pourquoi.]

      Je ne vois pas très bien à quels « faits » vous faites référence, et en quoi ils auraient « parlé ». J’imagine que vous faites référence à l’effondrement de l’URSS et de son bloc. Dans ce cas, je pense que vous faites une double confusion :

      La première, c’est de croire qu’on a raison parce qu’on gagne, et à l’inverse qu’on a tort parce qu’on perd. En 1940, votre raisonnement aurait conduit à conclure que les idéologues libéraux s’étaient trompé, alors que les idéologues nazis ou fascistes étaient dans le vrai. Cette logique est clairement absurde : le fait que vous emportiez la victoire indique que vous êtes le plus fort, pas que vous soyez dans le vrai.

      La seconde, c’est de croire que l’URSS appliquait en quelque sorte « les idées de Marx ». Marx est d’abord un théoricien du capitalisme. Son principal héritage, ce sont les méthodes d’analyse de la dynamique capitaliste. Le socialisme chez Marx apparaît essentiellement comme un « non-capitalisme », une réponse aux problèmes posés par les contradictions internes du capitalisme.

      [Moralité. Il fût un temps où la rhétorique irriguait l’espace public, comme on le dit aujourd’hui. Et la rhétorique a inventé ce qu’on appelle la charge de la preuve. Ce que vous ne comprenez pas c’est que la charge de la preuve s’est inversée il y a 30 ans. Et elle rend illégitime tous les discours issus de la gauche en économie.]

      Là, vous m’avez perdu. Que vient faire la « légitimité » là dedans ? Un discours scientifique, une analyse n’a pas à montrer sa « légitimité ». Si elle est cohérente, si elle s’appuuie sur des raisonnements solides et qu’elle modélise correctement la réalité, alors elle est « légitime ». J’ai l’impression que pour vous le « marxisme » est une pure rhétorique, qui ne s’imposait que par son autorité. Et il est vrai qu’à une époque le « marxisme » ou ce qui passait pour tel avait le statut d’un texte sacré. Mais je persiste à dire que le marxisme, ce n’est pas ça.

      [Et les libéraux ont gagné par KO.]

      Ce qui montre qu’ils étaient les plus forts, pas qu’ils avaient raison. Nous revenons toujours au même problème. A moins que vous pensiez que le plus fort a toujours raison…

      [Alors comme je connais la chanson, vous allez me dire que vous n’êtes plus de la gauche.]

      Non. Personnellement, je ne pense pas que les termes « droite » ou « gauche » aient beaucoup de sens aujourd’hui.
      [Les idées ont des filiations profondes qui se repèrent à quelques phrases. Vous êtes encore solidaires de l’antilibéralisme de la gauche.]

      Personnellement, je ne suis pas « antilibéral ». Et je ne suis pas persuadé que Marx lui-même le fut, du moins dans le sens moderne du terme.

      [Alors vous allez me dire que le libéralisme est en crise, que le néolibéralisme, la crise financière etc..]

      Dites… si vous faites les questions et les réponses, cela devient difficile de discuter…

      [A cela je réponds : vous n’êtes pas légitimes pour en parler.]

      Encore une fois, qu’est ce que la « légitimité » vient faire là dedans ? Je suis parfaitement légitime pour parler de ce que je veux. J’ajoute que si le fait de s’être trompé vous rendait « illégitime », dans ce cas les libéraux ne seraient guère plus légitimes que moi. Après tout, ils se sont fourré le doigt dans l’œil jusqu’au coude dans les années 1920 et 1930.

      [Laissez l’analyse critique de l’économie actuelle à ceux qui au moins ont eu la lucidité de choisir Aron quand on choisissait Sartre.]

      Qui ça « on » ? Moi, je n’ai jamais choisi Sartre, alors… d’ailleurs je note que vous reconnaissez ici avoir choisi Sartre plutôt que Aron. Dois-je conclure que vous aussi êtes frappé de « l’illégitimité » dont vous voulez me charger ?

      [Maintenant si vous voulez que je vous explique pourquoi la France décroche à s’enfoncer toujours plus dans les dépenses publiques, je veux bien. Mais ne faites pas semblant.]

      Moi, je ne veux rien. Si vous avez envie d’exposer vos idées et de les soumettre à la critique des participants, vous êtes le bienvenu. Mais personne ne vous force. Cela étant dit, dans la mesure où vous avez admis avoir « choisi Sartre » plutôt qu’Aron, vous devriez « laisser l’analyse critique de l’économie actuelle à ceux qui ont eu la lucidité » de faire le choix contraire, non ?

  27. Bannette dit :

    Le plus désespérant c’est l’absence totale de réflexion de la part de “l’opposition” de gauche depuis au minimum 30 ans. Elle ne fait que geindre mais est obsédée par une vision de l’internationalisme totalement puérile et datée. Le fait que le capitalisme financier se soit internationalisé ajoute de l’eau à leur moulin si j’ose dire vu que leur raisonnement c’est que comme le capital est transational, la lutte doit l’être d’autant plus, donc pour toute mesure il faut aussi penser à l’ouvrier bengladeshi, allemand, magrébin, etc. Leur réticence vis-à-vis de la sortie de l’euro et revenir à un système de type SME est argumenté par le fait qu’il ne faut pas lancer de guerre monétaire vis-à-vis de nos “frères” de je ne sais où. Ils ne s’écoutent même pas parler : imaginez la gueule de l’ouvrier des régions meurtries par la désindustrialisation si on lui explique qu’il faut être solidaire avec je ne sais quel frère étranger, si on fait des taxes aux frontières il faut en reverser une part à ces gens… Bref c’est la meilleure façon de défendre l’immobilisme et d’être les idiots utiles de ceux qu’ils prétendent combattre.

    J’y vois aussi une peur du conflit et d’assumer le rapport de forces : pourquoi quand on s’affirmerait en tant que nation ce serait forcément voir les autres comme des ennemis ? Plutôt que le terme ennemi, c’est le terme Adversaire qui est le plus approprié, comme au sport quoi. Et je reste persuadée que la meilleure façon d’être internationaliste c’est de tendre vers le socialisme chez soit, montrant sur la scène internationale qu’un exemple concret existe, plutôt que de fantasmer sur je ne sais quelles institutions supranationationales qui si elles étaient plus démocratiques, apporteraient le beau, le bien et le juste en ce bas monde. D’ailleurs, la Révolution française en est le meilleur exemple : elle a terrorisé certains de nos adversaires qui ont été obligé d’en prendre compte, a inspiré des exemples d’autres révolutions qui ont réussi (à condition que ses penseurs aient réfléchi à pourquoi ça a marché et les conditions objectives, au lieu de chercher à copier-coller).

    Dans le topic précédent, quelqu’un avait conseillé un bouquin de Conan, je voudrais conseiller celui de Paul Yonnet “Voyage au centre du malaise français. L’Anti-racisme et le roman national” sorti en 1992 qui analyse le mitterrandisme avec une acuité remarquable, et montre la cohérence remarquable de cette idéologie anti-raciste, promue comme religion d’état, et comment cette xénophilie a en fait réactivé la racialisation des rapports sociaux.

    Tiens encore un attentat terroriste en Belgique, soit le paradis de l’UE: une non-country (pour reprendre le bon mot de Farage) en voie de dissolution, un pays tolérant et muticulturel, et bam ! Et quelle a été uncore une des initiatives débiles de Hollande juste avant cet attentat : commémorer le cessez le feu des accords d’Evian de 1962 (alors que pour comémorer la fin de Stalingrad, beaucoup de grands de ce monde n’ont pas voulu faire le déplacement, car Vlad Putin est méchant), encore de l’auto-flagellation, encore de la haine de soi ! S’excuser, s’excuser d’être la France, là où il faudrait la réaffirmer avec force et vigueur face aux terroristes, lamentable.

    • Descartes dit :

      @ Bannette

      [Le fait que le capitalisme financier se soit internationalisé ajoute de l’eau à leur moulin si j’ose dire vu que leur raisonnement c’est que comme le capital est transational, la lutte doit l’être d’autant plus, donc pour toute mesure il faut aussi penser à l’ouvrier bengladeshi, allemand, magrébin, etc. Leur réticence vis-à-vis de la sortie de l’euro et revenir à un système de type SME est argumenté par le fait qu’il ne faut pas lancer de guerre monétaire vis-à-vis de nos “frères” de je ne sais où.]

      Le problème de cette gauche-là, c’est qu’elle a oublié que la prise de conscience du prolétariat ne peut se faire qu’à partir de la situation concrète, et non d’un discours abstrait. C’est en luttant pour son intérêt concret qu’un individu peut prendre conscience d’une communauté d’intérêts avec les autres. La « gauche radicale » veut faire du point d’arrivée un point de départ. La lutte concrète ne peut commencer que par le niveau national, tout simplement parce que la Nation reste la plus grande collectivité politique possible. Une classe ouvrière fortement organisée au niveau national peut ensuite prendre conscience de la solidarité nécessaire avec les ouvriers d’ailleurs. Et cette solidarité prend elle aussi un caractère national : il s’agit d’aider les prolétaires d’un autre pays à se battre contre la bourgeoisie dans leur pays.

      [J’y vois aussi une peur du conflit et d’assumer le rapport de forces : pourquoi quand on s’affirmerait en tant que nation ce serait forcément voir les autres comme des ennemis ? Plutôt que le terme ennemi, c’est le terme Adversaire qui est le plus approprié, comme au sport quoi.]

      Je ne pense pas. S’affirmer en tant que Nation implique défendre notre droit d’être maîtres chez nous, et aussi défendre le droit des autres d’être maîtres chez eux. Cela n’implique pas à priori une « adversité » pas plus qu’une « inimitié » envers les autres, pour autant qu’ils respectent notre droit à maîtriser notre destin.

      [Et je reste persuadée que la meilleure façon d’être internationaliste c’est de tendre vers le socialisme chez soit, montrant sur la scène internationale qu’un exemple concret existe, plutôt que de fantasmer sur je ne sais quelles institutions supranationationales qui si elles étaient plus démocratiques, apporteraient le beau, le bien et le juste en ce bas monde.]

      De toute façon, vous l’avez compris : l’invocation permanente genre « il faut une solution européenne », « il faut une solution mondiale » est généralement un prétexte pour remettre la solution des problèmes à la Saint-Glinglin. Je suis d’accord avec vous : la coopération internationale permet au mieux de coordonner des réponses nationales aux problèmes. Il est très rare qu’elle apporte des solutions globales…

  28. Soleil vert dit :

    Finalement, sans même avoir à chercher, vu que ça fait le tour du net, voici un lien :
    http://www.huffingtonpost.fr/2016/03/24/video-lycee-henri-bergson_n_9540582.html

    Il ne me semble pas, là, qu’il s’agisse d’un gosse de riche !

    En même temps, un fonctionnaire doit obéissance et si on leur a ordonné de réprimer violemment le mouvement de la jeunesse pour les raisons évoquées plus bas, ils se sont exécutés mais cela ne satisfait pas tout le monde. A l’inverse quand on leur demande de ne pas toucher aux gens du voyage qui bloquent les routes, pas une arrestation, pas un coup de poing, rien et encore moins de procès à venir (ils pourront donc remettre ça) ! et ce d’autant plus que les revendications de cette communauté ne concernent qu’eux mais bon c’est un autre débat !

    Ce deux poids, deux mesures, les citoyens n’en sont point dupes !

    Il serait peut être temps qu’on envoie les forces de l’ordre taper là où se trouve la graine de terroristes, c’est-à-dire dans les cités de non droit !
    Ce serait plus rassurant pour la population et plus utile que de s’emporter de manière disproportionnée face un gamin de 15 ans, qui ne représentait, à en croire les images, aucun danger !

    Et quant à votre remarque : “Souvent, la réussite n’est pas une question d’argent, mais plus profondément de motivation, de stimulation, d’exigence. Et une bourse ne remplacera jamais ça.”

    Je n’ai pas été suffisamment précise, alors on va dire : une bourse + des parents responsables ! un gosse de pauvre peut être autant, voir souvent bien plus motivé qu’un gosse de riche ! et puis vous oubliez aussi un paramètre important, les capacités intellectuelles qui ne sont pas les mêmes pour tous, qu’on soit riche ou pauvre et là vous n’y pouvez rien !

    La différence de taille est qu’un fils de riche, même con comme ses pieds, sera malgré tout sans inquiétude quant à son avenir (radieux) ! un gosse de pauvre, lui n’aura que sa niaque et parmi les plus chanceux d’entre eux, des parents qui croient en lui et qui ne se contenteront pas de lui souhaiter le meilleur mais l’inciteront à se dépasser, parce qu’ils savent que sans effort, on n’a rien quand on n’est pas du bon côté de la barrière ! A l’inverse, ceux qui sont du bon côté, en sont dispensés ! Cependant, pour que ce soit réalisable, il est nécessaire que le gosse de pauvre, ayant des facilités à l’école, n’ait pas trop de frères et soeurs, d’où l’égoïsme tout de même de ceux qui font des gosses et s’en lavent les mains ensuite ! voilà le véritable fléau !

    C’est vrai qu’un fils de pauvre qui réussit s’est souvent donné plus de mal et derrière cette réussite, il y a des parents qui ont été à la HAUTEUR, même si au final, le jeune est le seul responsable de sa destinée, avec l’appui, certes primordial, de parents qui auront su le stimuler !

    Mais on peut le plus souvent constater que les peu aisés ont la fâcheuse tendance à mettre au monde plus d’enfants qu’ils ne sont en mesure de stimuler ! Alors oui, si des gosses de pauvres sont voués à l’échec, c’est à cause de l’insouciance de leurs parents qui les ont mis au monde en trop grand nombre (grâce aux allocations, notamment), sans se projeter ni penser au coût des études futures (malgré les bourses) !
    Et là ce n’est pas de la fatalité ni de la faute des riches, si les pauvres se mettent dans des situations difficiles tout seuls ! ils ne sont pas obligés d’avoir une famille nombreuse si ils ne peuvent pas en assumer ni le coût, plus tard, ni ne sont en état de les soutenir intellectuellement !

    Mais il y a aussi des fils de riches qui végèteront, faute d’avoir eu autre chose que du fric en abondance de la part de leurs parents (trop occupés par leurs carrières respectives) !

    Dans les deux cas, les parents sont coupables de n’avoir pas permis à leur progéniture de devenir des adultes épanouis !

    • Descartes dit :

      @ Soleil Vert

      [Finalement, sans même avoir à chercher, vu que ça fait le tour du net, voici un lien :]

      J’attire votre attention sur deux paragraphes contenus dans ce lien :

      « Pour l’heure, nous ne disposons d’aucun élément de contexte sur cet incident choquant. Les vidéos qui circulent ne montrent rien de ce qui a pu se dérouler avant l’interpellation du jeune garçon. (…) Selon une source anonyme citée par Metronews, le jeune homme a été placé en garde à vue pour avoir blessé deux policiers. “L’un d’eux a eu le pouce retourné et l’autre crachait du sang. Ce dernier est allé faire un scanner à l’hôpital d’instruction des armées Percy à Clamart”, affirme la source citée par le journal en ligne. »

      La préfecture de police, quant à elle, donne une version proche :

      « Dans le document, on peut ainsi lire : “Dans la matinée, des projectiles ont été jetés sur les véhicules de police faisant des passages aux abords du lycée. Des manifestants ont mis le feu à des poubelles. L’un des manifestants, auteur des jets de projectiles, se montrait très virulent envers les effectifs. Lors de cette intervention les fonctionnaires du commissariat du 19e arrondissement ont procédé à plusieurs interpellations dans des conditions difficiles. Certains fonctionnaires étaient blessés à cette occasion et l’un d’entre eux était conduit à l’hôpital” ».

      Il faut donc se méfier des vidéos qui circulent sur internet et qui sortent le fait de son contexte. On verra ce que dira l’IGPN après enquête.

      [Il ne me semble pas, là, qu’il s’agisse d’un gosse de riche !]

      Je ne sais pas, et vous non plus. On ne connaît rien quant aux origines sociales du lycéen interpellé.

      [En même temps, un fonctionnaire doit obéissance et si on leur a ordonné de réprimer violemment le mouvement de la jeunesse pour les raisons évoquées plus bas, ils se sont exécutés mais cela ne satisfait pas tout le monde.]

      Je ne pense pas qu’on ait ordonné à quelque fonctionnaire que ce soit de « reprimer violemment le mouvement de jeunesse ». Les forces de l’ordre sont là pour maintenir l’ordre public, en utilisant la force si nécessaire et toujours de manière proportionnée. Dans le cas cité, la vidéo ne donne pas des informations suffisantes pour savoir si la violence utlisée était « proportionnée » à la situation ou non. Mais je voudrais vous retourner la question : pensez-vous qu’il soit normal que les lycéens puissent lancer des objets sur les policiers, dégrader ou détruire la propriété publique impunément ? Je voudrais connaître votre avis…

      [A l’inverse quand on leur demande de ne pas toucher aux gens du voyage qui bloquent les routes, pas une arrestation, pas un coup de poing, rien et encore moins de procès à venir (ils pourront donc remettre ça) !]

      Si vous lisez mes anciens papiers sur ce blog, vous constaterez que j’avais protesté contre la passivité de la police dans cette affaire. Par contre, vous avez tort – et moi aussi – de penser qu’il n’y aura pas de procès : ce procès a eu lieu et des condamnations relativement lourdes ont été prononcées.

      [et ce d’autant plus que les revendications de cette communauté ne concernent qu’eux mais bon c’est un autre débat !]

      Vous vous faites de grandes illusions si vous croyez que les lycéens revendiquent par pure philantropie. Mais comme vous dites, ce n’est pas le débat.

      [Il serait peut être temps qu’on envoie les forces de l’ordre taper là où se trouve la graine de terroristes, c’est-à-dire dans les cités de non droit !]

      En d’autres termes, on laisse les cambrioleurs agir librement ? Après tout, si on laisse les lycéens foutre le feu aux voitures et aux poubelles et caillasser les forces de l’ordre, pourquoi irait-on chercher noise aux cambrioleurs, qui eux non plus ne sont pas de la « graine de terroristes » ?

      [Ce serait plus rassurant pour la population et plus utile que de s’emporter de manière disproportionnée face un gamin de 15 ans, qui ne représentait, à en croire les images, aucun danger !]

      Mais… faut-il « croire aux images » ? Voilà la question…

      [Je n’ai pas été suffisamment précise, alors on va dire : une bourse + des parents responsables !]

      Je vois mal l’Etat fournissant des « parents responsables » aux gamins…

      [un gosse de pauvre peut être autant, voir souvent bien plus motivé qu’un gosse de riche !]

      Oui, s’il a un instituteur ou un professeur qui le pousse, qui le guide. Et ce professeur, pour ce faire, a besoin d’une institution derrière lui. La motivation ne tombe pas du ciel, elle se cultive.

      [et puis vous oubliez aussi un paramètre important, les capacités intellectuelles qui ne sont pas les mêmes pour tous, qu’on soit riche ou pauvre et là vous n’y pouvez rien !]

      Je ne vois pas très bien le rapport avec la choucroute.

      [C’est vrai qu’un fils de pauvre qui réussit s’est souvent donné plus de mal et derrière cette réussite, il y a des parents qui ont été à la HAUTEUR,]

      Insister sur le rôle des parents est un prétexte pour ne rien faire, parce que ni l’Etat ni la société ne peuvent changer les parents que le hasard nous a donné. Une politique éducative de promotion sociale doit donc trouver le moyen de fournir aux gosses dont les parents « ne sont pas à la hauteur » l’exigence, le suivi et l’encouragement dont ils ont besoin et que les parents ne veulent ou ne peuvent fournir.

      [Et là ce n’est pas de la fatalité ni de la faute des riches, si les pauvres se mettent dans des situations difficiles tout seuls !]

      Mais non, mais non… si les pauvres font beaucoup d’enfants, ce n’est certainement pas parce qu’ils ont besoin d’une protection pour leurs vieux jours, via la solidarité intergénérationnelle, alors que les riches peuvent se reposer sur leurs réserves. Votre discours exculpatoire des riches est tellement caricatural, que je ne vais même pas le commenter.

  29. @frederic_N
    “Laissez l’analyse critique de l’économie actuelle à ceux qui au moins ont eu la lucidité de choisir Aron quand on choisissait Sartre.”

    Sans vouloir vous offensez, vous devriez faire la part des choses entre la politique et la science. Ni Sartre ni Raymond Aron n’ont jamais prétendu être économistes…

  30. Soleil vert dit :

    “pensez-vous qu’il soit normal que les lycéens puissent lancer des objets sur les policiers, dégrader ou détruire la propriété publique impunément ? Je voudrais connaître votre avis…”

    Non je ne trouve pas ça normal ! Mauvaise éducation et à qui la faute ? aux parents, que vous dédouanez un peu trop facilement dans l’histoire !
    Ni responsables, ni coupables de rien, donc, ces braves parents ! Tout miser sur les institutions, donc !
    C’est typiquement une vision communiste de la société, ça ! ils aiment que le peuple d’en bas reste en marge des grandes manoeuvres, qu’ils fassent confiance aux sachants et qu’ils se contentent de peu pour être heureux !

    Une bonne idée que Sarko avait proposé, à savoir que les allocations de rentrée scolaire soient supprimées en cas de défaut des parents : (absences répétées à l’école, entre autres) ! Les socialos sont arrivés et ça a fait pschitt !

    “Vous vous faites de grandes illusions si vous croyez que les lycéens revendiquent par pure philantropie.”

    Ah, non, pas du tout !
    C’était juste pour vous rejoindre quant au fait que tous les gouvernements redoutent l’étincelle funeste face à un mouvement de protestation émanant de la jeunesse. Il est évident que ces jeunes (sans conscience politique, vu leur âge et d’autant plus à notre époque où l’iphone est tout pour eux) profitent de l’occasion pour se lâcher…ce qui n’empêche pas que ça puisse faire boule de neige….et pas une raison, non plus, pour que les forces de l’ordre ne montrent pas l’exemple.

    “En d’autres termes, on laisse les cambrioleurs agir librement ? Après tout, si on laisse les lycéens foutre le feu aux voitures et aux poubelles et caillasser les forces de l’ordre, pourquoi irait-on chercher noise aux cambrioleurs, qui eux non plus ne sont pas de la « graine de terroristes » ?” !
    Permettez-moi de vous renvoyer le compliment : vous êtes caricatural à souhait, là et c’est peu de le dire !

    Faire des gosses pour qu’ils assurent votre subsistance, dites-vous ? c’est au fond leurs faire porter de bien lourds fardeaux à ces mômes qui n’ont pas demander à naître, que d’attendre d’eux qu’ils se sacrifient pour leurs géniteurs ! ça aussi c’est une vision trop à gauche visant à déresponsabiliser les citoyens !

    Bizarre, on n’a pas les mêmes modèles de familles modestes ! Autour de moi, je vois plutôt évoluer des gens simples, qui décident de n’avoir qu’un ou deux enfants, afin de leur permettre d’atteindre un bon niveau d’étude, sans que ce soit trop dur pour leur budget, malgré les aides ! ce n’est tout de même pas la même chose que d’avoir à gérer (et pas que financièrement) 1 ou 2 gosses que 5 ou 6 !

    • Descartes dit :

      @ Soleil Vert

      [Non je ne trouve pas ça normal ! Mauvaise éducation et à qui la faute ? aux parents, que vous dédouanez un peu trop facilement dans l’histoire !]

      Je pense qu’en chargeant les parents, vous dédouanez « un peu trop facilement » la société. D’une part, la sociabilité familiale représente une partie de plus en plus réduite de l’univers de l’enfant. Avec le travail des femmes, la généralisation de la monoparentalité et l’éloignement de la famille étendue, la transmission passe aujourd’hui autant par l’extérieur (école, groupe de pairs, réseaux sociaux) que par les parents. Or, la société bombarde les enfants et les adolescents de messages « libéraux-libertaires ». Du « just do it » d’une célèbre marque de chaussures à la Rolex qui, paraît-il, permet de distinguer ceux qui ont réussi leur vie de ceux qui l’ont raté, en passant par des films et de séries où le flingue devient LE moyen de régler les problèmes. Il faut aux parents une volonté de fer et une légitimité totale pour pouvoir contrer ce type de message…

      [Ni responsables, ni coupables de rien, donc, ces braves parents ! Tout miser sur les institutions, donc !]

      Oui, parce que nous n’avons aucune prise à l’heure de changer les parents, et que par contre nous pouvons collectivement changer les institutions. Là encore, c’est un choix méthodologique : il faut toujours chercher à trouver les causes dans les choses qu’on peut changer, plutôt que dans les choses sur lesquelles on est impuissant.

      [C’est typiquement une vision communiste de la société, ça !]

      Merci, vous me flattez…

      [Une bonne idée que Sarko avait proposé, à savoir que les allocations de rentrée scolaire soient supprimées en cas de défaut des parents : (absences répétées à l’école, entre autres) ! Les socialos sont arrivés et ça a fait pschitt !]

      En d’autres termes, ramener l’obligation scolaire à une pure question commerciale : « tu envoies ton enfant, je te donne du fric ». Pourquoi pas, remarquez. On pourrait même aller plus loin : pourquoi pas donner à l’enfant un petit billet à chaque fois qu’il vient à l’école ? On pourrait même moduler la somme selon les notes obtenues…

      [C’était juste pour vous rejoindre quant au fait que tous les gouvernements redoutent l’étincelle funeste face à un mouvement de protestation émanant de la jeunesse. Il est évident que ces jeunes (sans conscience politique, vu leur âge et d’autant plus à notre époque où l’iphone est tout pour eux) profitent de l’occasion pour se lâcher…ce qui n’empêche pas que ça puisse faire boule de neige….et pas une raison, non plus, pour que les forces de l’ordre ne montrent pas l’exemple.]

      Quel « exemple » ? Celui de l’impuissance ? Celui ou les gens peuvent leur jeter des œufs ou des boulons, leur cracher dessus, les blesser même sans crainte du moindre désagrément. La police n’a pas chez nous les effectifs suffisants pour pouvoir en même temps protéger les biens et les personnes et arrêter les fauteurs de trouble en réunissant les éléments de preuve qui permettraient de les condamner. Et ceux qui organisent les manifestations n’ont souvent pas le souci de l’ordre public comme pouvaient l’avoir en leur temps les SO de la CGT ou du PCF ? Et lorsque par hasard quelqu’un est interpellé, il trouve derrière lui toute la gauche bienpensante pour hurler à la « criminalisation de la protestation » et autres imbécilités.
      C’est pourquoi les manifestations deviennent de plus en plus une sorte de carnaval ou des petits groupes peuvent incendier des voitures, casser des vitrines et blesser des policiers dans une totale impunité. Prenons un petit exemple : hier des groupuscules ont attaqué un commissariat de police dans le XIXème arrondissement. Où sont les déclarations de solidarité avec les policiers de cette bienpensance si rapide à dénoncer les « violences policières » ?

      Alors de deux choses l’une : ou bien on donne à la police les moyens – en effectifs, en matériel, mais aussi en soutien public – de mettre derrière les barreaux ceux qui détournent le droit de manifestation pour en faire un prétexte à la violence, ou bien on laisse une police en sous-effectif gérer la chose et on tolère les débordements qui deviennent inévitables. Car mettez-vous à la place du policier dont le collègue reçoit un pavé sur la gueule, et qui sait que celui qui l’a lancé n’aura devant un juge qu’un « rappel à la loi », si tant est que cela arrive aussi loin.

      [« En d’autres termes, on laisse les cambrioleurs agir librement ? Après tout, si on laisse les lycéens foutre le feu aux voitures et aux poubelles et caillasser les forces de l’ordre, pourquoi irait-on chercher noise aux cambrioleurs, qui eux non plus ne sont pas de la « graine de terroristes » ? » Permettez-moi de vous renvoyer le compliment : vous êtes caricatural à souhait, là et c’est peu de le dire !]

      Je ne vois pas où est la « caricature ». Vous me ditez que la lutte contre le terrorisme devrait être une priorité absolue, et que les forces qui assurent la sécurité des manifestations devraient y être employées. Je vous réponds que dans ce cas il faudrait aussi y transférer les forces qui s’occupent des cambriolages. Pourquoi la sécurité des biens et des personnes pourrait être sacrifiée dans un cas et pas dans l’autre ? Pourquoi poursuivre celui qui cambriole votre maison et laisser courir celui qui met le feu à votre voiture ?

      [Faire des gosses pour qu’ils assurent votre subsistance, dites-vous ? c’est au fond leurs faire porter de bien lourds fardeaux à ces mômes qui n’ont pas demander à naître, que d’attendre d’eux qu’ils se sacrifient pour leurs géniteurs ! ça aussi c’est une vision trop à gauche visant à déresponsabiliser les citoyens !]

      Pourtant, c’est la raison pour laquelle on fait beaucoup d’enfants dans les économies à faible productivité, et pourquoi le nombre d’enfants descend rapidement dès que la productivité augmente – et que des mécanismes de retraite se mettent en place. Quand au « fardeau » qu’on mettrait sur les épaules des enfants… ce n’est que justice. Après tout, en les faisant naître, les parents ont accepté eux aussi un lourd fardeau…

      [Bizarre, on n’a pas les mêmes modèles de familles modestes ! Autour de moi, je vois plutôt évoluer des gens simples, qui décident de n’avoir qu’un ou deux enfants, afin de leur permettre d’atteindre un bon niveau d’étude, sans que ce soit trop dur pour leur budget, malgré les aides !]

      C’est vous qui avez amené dans la discussion les familles modestes qui font beaucoup d’enfants. Si je comprends bien, vous parliez de quelque chose qui n’existe pas. Dont acte.

  31. dudu87 dit :

    “. Parce que des ouvriers propriétaires de leur voiture étaient plus stables, plus productifs, plus attachés à l’entreprise, moins enclins à saboter la production.” Euh!!! Saboter la production??? Je n’ai pas une grande culture de la “classe ouvrière” américaine, mais je doute qu’ils aient l’intention de sabotage. C’est scié la branche sur laquelle nous sommes assise!!!

    • Descartes dit :

      @ dudu87

      [Je n’ai pas une grande culture de la “classe ouvrière” américaine, mais je doute qu’ils aient l’intention de sabotage.]

      Vous auriez tort… pendant tout le XIXème siècle et le début du XXème, le sabotage de la production par les ouvriers reste un phénomène assez fréquent. Que ce soit du sabotage concerté – par exemple, pour faire baisser les cadences – ou collectif dans un but revendicatif. La brutalité des rapports sociaux, le peu d’attachement à l’entreprise d’une main d’œuvre embauchée à la journée ou à la semaine, la parcellisation extrême des tâches qui rompt tout contact de l’ouvrier avec le produit fini favorisaient ce type de comportement. C’est d’ailleurs pourquoi le patronat s’est résolu à créer des institutions pour fidéliser l’emploi et créer un attachement de l’ouvrier envers l’organisation qui l’emploie…

  32. morel dit :

    « C’est vrai qu’un fils de pauvre qui réussit s’est souvent donné plus de mal et derrière cette réussite, il y a des parents qui ont été à la HAUTEUR, même si au final, le jeune est le seul responsable de sa destinée, avec l’appui, certes primordial, de parents qui auront su le stimuler !

    Mais on peut le plus souvent constater que les peu aisés ont la fâcheuse tendance à mettre au monde plus d’enfants qu’ils ne sont en mesure de stimuler ! Alors oui, si des gosses de pauvres sont voués à l’échec, c’est à cause de l’insouciance de leurs parents qui les ont mis au monde en trop grand nombre (grâce aux allocations, notamment), sans se projeter ni penser au coût des études futures (malgré les bourses) ! »

    Préoccupé par des problèmes plus importants vous m’obligez pourtant à réagir. D’où vous prononcez-vous pour parler d’aussi haut avec tant de détachement de personnes qui, quand une politique volontariste en faveur de l’emploi contribuent largement à la richesse et bien être de notre société, je n’ose dire aussi le vôtre.
    Je vous prie aussi de bien vouloir m’épargner votre terme connoté clérical de « pauvre » incitant à la commisération dont nous n’avons pas besoin même sous forme de pseudo ébahissement de parents à la « hauteur » (majuscules chez vous). Les droits et acquis salariaux nous sont bien plus utiles, notamment la réalisation concrète du droit au travail.
    Je suis, ne vous en déplaise un de ces enfants de familles nombreuses ouvrière (6 enfants pour votre effroi). Mon père, seul, travaillait. Je vous rassure immédiatement : contrairement à ce que les dames patronnesses petites bourgeoises affirment, ce n’était pas l’horreur, on avait nos petits bonheurs et on savait rire. Bien entendu des hausses de revenus auraient permis un mieux vivre mais…
    Au-delà, cela tient peut-être au fait qu’on était tous logés à la même enseigne dans le quartier.
    J’oubliais, mon plus jeune frère est prof de maths avec la même fratrie et les mêmes parents, votre explication ?

    @ Descartes et Frédéric N

    Pardonnez-moi d’intervenir sans y avoir été invité dans votre controverse mais permettez-moi de mettre l’accent sur les trop multiples significations de « libéral ». Rien ne me semble net avec ce terme. Pas le temps de développer mais si nécessaire, je le ferais ultérieurement.

    Si Descartes me le permet, sans vouloir transformer ce blog de réflexion en tribune syndicale, j’incite tous les lecteurs à procéder à un examen attentif des dispositions figurant dans la dernière mouture de la loi travail et à manifester leur opposition à celle-ci (manifestations 31 mars).

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Je suis, ne vous en déplaise un de ces enfants de familles nombreuses ouvrière (6 enfants pour votre effroi). Mon père, seul, travaillait. Je vous rassure immédiatement : contrairement à ce que les dames patronnesses petites bourgeoises affirment, ce n’était pas l’horreur, on avait nos petits bonheurs et on savait rire. Bien entendu des hausses de revenus auraient permis un mieux vivre mais…]

      Je me permets de vous répondre, même si je ne suis pas interpellé. Je ne crois pas que chez les familles ouvrières nombreuses ce fut « l’horreur ». Mais il est vrai que du point de vue de la « réussite » (mot à prendre avec beaucoup de guillemets) la famille nombreuse ne permettait pas aux parents de consacrer autant de temps à chacun des enfants individuellement, et c’est d’autant plus vrai que dans les familles modestes les parents n’avaient souvent pas les moyens ni la formation pour assurer un accompagnement efficace. L’école de la IIIème République s’est construite en grande partie sur le mandat de fournir à ces enfants la stimulation et l’exigence que les parents ne pouvaient pas fournir. Et c’est l’effondrement de cette école qui rend le rôle des parents aussi important aujourd’hui.

      [@ Descartes et Frédéric N : Pardonnez-moi d’intervenir sans y avoir été invité dans votre controverse]

      Il n’y a rien à « pardonner ». Les controverses publiques sont faites pour ça !

      [mais permettez-moi de mettre l’accent sur les trop multiples significations de « libéral ».]

      Vous avez tout à fait raison. Le mot « libéralisme » est devenu essentiellement une définition négative. On est « libéral » lorsqu’on est anti-état, anti-réglementation, anti-totalitaire… mais dans cette logique on a perdu la cohérence du projet libéral – ou plutôt des projets libéraux, parce qu’il y en a plusieurs – et donc de sa critique.

      [Si Descartes me le permet, sans vouloir transformer ce blog de réflexion en tribune syndicale, j’incite tous les lecteurs à procéder à un examen attentif des dispositions figurant dans la dernière mouture de la loi travail et à manifester leur opposition à celle-ci (manifestations 31 mars).]

      Je partage votre appel, que je comptais faire de manière plus solennelle dans un papier…

  33. B. Javerliat dit :

    Petite digression sur le terme “exculpatoire” qui apparait dans certains de vos commentaires.

    Bien que m’étant inconnu, j’en comprends bien le sens que vous donnez à ce mot. Mais je ne l’ai trouvé dans aucun dico.
    Quelques occurrences dans le jargon juridique, c’est tout. Le plus souvent d’ailleurs, c’est le terme “disculpatoire” qui est utilisé.
    “exculpatoire” semble être une traduction un peu trop littérale de l’anglais “exculpatory”
    Mais en dehors du jargon juridique, “disculpatoire” n’est présent dans aucun dico.

    Inversement, il existe l’adjectif “culpabilisant”. On pourrait alors penser que son antonyme est “déculpabilisant”
    Mais, las ! “déculpabilisant” n’existe pas plus (tout comme “disculpant”, d’ailleurs).
    Alors, “exculpatoire”, “disculpatoire”, “déculpabilisant”, “disculpant” ?
    Curieux que la langue française n’ait pas d’adjectif qui fasse perdre le sentiment de culpabilité à quelqu’un…

    • Descartes dit :

      @B. Javerliat

      [Curieux que la langue française n’ait pas d’adjectif qui fasse perdre le sentiment de culpabilité à quelqu’un…]

      Vous avez raison: j’ai entendu utiliser le terme “exculpatoire” dans des cours de droit, mais ce n’est pas un mot français. Probablement un anglicisme. Le mot est utilisé dans un sens bien plus large que “disculpant” ou “déculpabilisant”…

    • CVT dit :

      @Descartes,

      [Curieux que la langue française n’ait pas d’adjectif qui fasse perdre le sentiment de culpabilité à quelqu’un…]

      Probablement parce que le mot français le plus courant est… L’EXCUSE :-).

  34. B. Javerliat dit :

    Commentaire à ne pas diffuser
    En cliquant sur envoyer, j’ai reçu “Le jeton CSRF est invalide. Veuillez renvoyer le formulaire.” comme réponse.
    Je ne sais pas ce qu’est un “jeton CSRF”…

    • Descartes dit :

      Juste pour vous répondre: d’autres utilisateurs ont eu le même problème. Je ne connais pas la cause, je pense que ça doit être un problème avec les “cookies”, mais je n’ai pas d’autres détails.

    • Jean-François dit :

      A mon avis, c’est probablement dû à ce que le moment où le formulaire est envoyé est trop éloigné du temps où la page est chargée : https://openclassrooms.com/courses/securisation-des-failles-csrf

      Cela peut se produire si vous mettez, par exemple, plus de 15 minutes à rédiger un message.

      Si c’est bien la source du problème, il n’y a pas vraiment de moyen d’éviter cela. Le mieux est de rédiger les réponses dans un logiciel de traitement de texte au cas où………. ou que Descartes change d’hébergeur 😀

    • Descartes dit :

      @ Jean-François

      [ou que Descartes change d’hébergeur :D]

      Tout arrive à qui sait attendre…

  35. Soleil vert dit :

    A l’auteur de ce blog,

    Les débordements d’hier sont le fait de casseurs, de ceux qui justement ne reçoivent pas d’éducation de leurs parents, qu’on peut aisément cataloguer de laxistes. Ces mêmes parents qui estiment n’avoir aucun devoirs envers la société qui les nourris, mais que des droits aux allocations de toutes sortes !

    Il ne faudrait pas confondre manifestants avec casseurs et vous savez très bien que la plupart des manifs finissent mal, surtout à cause des casseurs ! Ce jeune mis à terre dont la vidéo circule sur le net, était-il un casseur ? l’enquête, j’espère nous le dira !

    Oui si la solution pour que les familles j’m’en foutistes soient obligées de faire leurs devoirs de parents passe par la menace de leur sucrer leurs allocations diverses et variées, et bien c’est toujours mieux que de laisser les choses dériver ! Ils les ont voulus leurs mômes, bien souvent pour d’autres raisons que celles du coeur, et bien qu’ils assument ! et puisqu’ils ne sont pas assez responsables pour le faire d’eux-mêmes, pas d’autres choix que de leur mettre en quelque sorte, un peu de plomb dans la tête ! Ce n’est donc pas histoire de marchandiser mais de RESPONSABILISER ! J’y tiens à cette notion de responsabilisation !

    Et puis, quand on est des parents “respectueux des règles de la République”, les chiens ne faisant pas des chats, la plupart du temps, les enfants de ces parents là, par mimétisme, deviennent des adultes “corrects” ! Et l’inverse est vrai aussi !

    • Descartes dit :

      @ Soleil Vert

      [Les débordements d’hier (…)]

      Ah… ce ne sont que des « débordements » ? Quand un policier frappe un lycéen, c’est une insupportable violation des droits de la personne. Quand des jeunes dégradent un commissariat, ce n’est qu’un « débordement ». Je vous trouve bien indulgente dans cette affaire.

      [(…) sont le fait de casseurs,]

      Connaîtriez-vous l’indentité de ceux qui ont attaqué les commissariats ? Dans ce cas, vous devriez prendre contact immédiatement avec les services judiciaires. Et si vous ne la connaissez pas, comment savez-vous qu’il s’agit de « casseurs » et non de lycéens comme ceux qui bloquaient le lycée Bergson ?

      [Ce jeune mis à terre dont la vidéo circule sur le net, était-il un casseur ? l’enquête, j’espère nous le dira !]

      Oui. Mais quelque soit le résultat de l’enquête, il ne sera pas accepté. Regardez ce qui s’est passé dans l’affaire des deux adolescents électrocutés dans un transformateur EDF. L’enquête et les juges ont innocenté les policiers. Et pourtant, pour une large partie de la bienpensance, ils sont coupables.

      [Oui si la solution pour que les familles j’m’en foutistes soient obligées de faire leurs devoirs de parents passe par la menace de leur sucrer leurs allocations diverses et variées, et bien c’est toujours mieux que de laisser les choses dériver !]

      Sauf que vous supposés que la menace suffira. Rien n’est moins vrai. Les parents « qui ne font pas leurs devoirs de parents » en général ne le font pas parce qu’ils n’ont pas les moyens, non seulement matériels, mais aussi intellectuels. Les menacer de couper les allocations n’a aucun effet, et toutes les expérimentations convergent sur ce point.

  36. Soleil vert dit :

    @Morel

    J’en dis que vous êtes la famille type, que j’évoquais, dont les parents ont été à la hauteur ou les mômes ont été méritants ou les deux à la fois ! Il ne me semble pas que j’ai méprisé qui que ce soit en disant cela !

    Certains réussissent aussi, indépendamment de l’implication de leurs parents mais ceux là sont dotés de facultés intellectuelles supérieures à la moyenne et peuvent donc s’émanciper très tôt et de leurs parents et du système scolaire ! ceux là, ils tracent leur route de manière autodidacte (profs bons ou médiocres) mais ils sont une minorité, j’en conviens !

    Pour les “dans la moyenne”, si la famille s’en tape et que les profs sont médiocres, il n’y aura que la volonté de s’en tirer qui jouera en leur faveur !

    et puis il y a le cas de figure de parents qui malgré toute la bonne volonté du monde, ne peuvent afficher qu’une impuissance à aider leurs enfants, intellectuellement et financièrement et là pareil, l’amour et l’encouragement de ses parents (ce qui est déjà pas mal) ne suffira pas au môme de voir où est son potentiel, il devra alors aussi bûcher 2 fois plus qu’un autre et ne compter que sur lui (et avec un peu de chance avec l’appui de profs compétents (ce qui n’est pas automatique) qui pourront le guider et là je rejoins Descartes sur ce point particulier où l’institution pourrait venir à la rescousse de celui qui en veut !

    Il y a plusieurs facteurs qui entrent en ligne de compte, dont la chance, qui n’est pas à négliger ! il y a ceux qui savent la saisir et ceux qui baissent les bras, c’est une question de nature aussi ! Et puis on peut avoir raté quelques coups et rencontrer en chemin des opportunités qu’on croyait impossibles à une époque pas si lointaine !

    Quant à moi, qu’en savez-vous de mon parcours de vie ? est-il tant à l’opposé du vôtre ? allez savoir ? On peut tenir certains discours que quand on en a dépassé l’aspect théorique, il me semble !

    • morel dit :

      Peut-être suis-je un peu trop « à cran » en ce moment mais soyez assuré que je ne suis intervenu que contre des propos, pas la personne et si vous le ressentez ainsi, j’en serais désolé.

      Au-delà de mon cas personnel qui n’a que peu d’intérêt, ces propos, pour porter le débat à un autre niveau me semblent ressortir de la discussion entre la responsabilité et d’autres paramètres dont il faut tenir compte.
      Ainsi, un célèbre animateur tv avait, il y quelques années affirmé (je goûte fort peu les mots vulgaires mais suis obligé de reproduire la phrase) : « la bite des noirs est responsable de la famine en Afrique ». Imbécilité sombre que vous et moi condamnons.
      Plus largement, la prédominance de familles très nombreuses cesse avec l’atteinte d’un certain niveau de vie concomitamment à une « déprise » de la tradition incluant sa forme religieuse.
      Les immigrés de seconde génération, par ex, convergent vers la tendance statistique des natifs.
      Il y a bien des paramètres extérieurs importants au-delà de cas particuliers. Et c’est pourquoi, il ne me semble pas satisfaisant de partir de l’individu et de sa seule responsabilité qui, bien entendu existe mais doit être resituée au bon niveau.
      A l’inverse, une petite anecdote de mes débuts syndicaux : en fin de réunion syndicats-direction, dans les fameuses « questions diverses », un délégué a soulevé le problème d’un collègue ayant des ennuis avec sa hiérarchie en raison de l’alcool. Certains délégués en ayant fait « un peu trop », le responsable d’établissement a glissé cette phrase « vous savez, en matière d’alcoolisme, il faut aussi être ferme ». Peut-on lui donner tort sans besoin d’être pro-patronal ?
      Autre anecdote : discussion avec un ancien dans un village : « l’instituteur et le curé ne s’entendaient guère mais pour nous faire « filer »… ».
      Il ne s’agit pas de nostalgie pour une période que je n’ai pas connue mais une certaine pression sociale (à bon escient, bien entendu) peut aussi contribuer à mieux mais que peut-on faire dans des quartiers où peu se lèvent le matin pour aller au travail ? Rien à voir avec ce que j’ai connu.
      Je ne nie pas la responsabilité personnelle mais où la situer avec justice ?

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Plus largement, la prédominance de familles très nombreuses cesse avec l’atteinte d’un certain niveau de vie concomitamment à une « déprise » de la tradition incluant sa forme religieuse.]

      Ce n’est pas tant le niveau de vie que la productivité qui est déterminante, tout comme la mortalité. Cela passe par une perception personnelle : dans un contexte de faible productivité et de forte mortalité, un couple sait que, s’il veut être nourri et soigné dans ses vieux jours, lorsqu’il ne pourra plus travailler, il lui faut une nombreuse descendance. Comment un ou deux enfants pourraient dans ce contexte non seulement nourrir leur propre famille, mais entretenir leurs parents ? L’augmentation de la productivité, les régimes de protection sociale, la réduction massive de la mortalité en bas âge sont les principales causes de la baisse de la natalité et de la disparition des familles nombreuses.

      [Les immigrés de seconde génération, par ex, convergent vers la tendance statistique des natifs.]

      C’est la preuve que la question est économique, et non culturelle.

      [Je ne nie pas la responsabilité personnelle mais où la situer avec justice ?]

      Mais justement, la position de Soleil Vert est la négation de toute « responsabilité personnelle ». Que nous dit elle ? Que les vices des enfants sont en fait la faute des parents, qui n’ont pas fait leur boulot. Si on admet ce raisonnement, alors les parents sont eux aussi irresponsables, puisque leurs vices sont la faute des grands-parents qui, eux non plus, n’ont pas fait leur boulot. Et par récurrence, on arrive ainsi à dire que personne n’est responsable de rien, sauf bien entendu Adam et Eve. S’ils avaient vérifié que Caïn et Abel faisaient leurs devoirs et ne tiraient pas la queue du chat, tout ça ne serait pas arrivé…

    • morel dit :

      « Ce n’est pas tant le niveau de vie que la productivité qui est déterminante »

      J’ai l’impression que nos positions ne sont pas si éloignées. Le « certain niveau de vie » est la conséquence de ce que vous évoquez et c’est sur cette base que se construit la nouvelle perception,
      «les conditions d’existence déterminent la conscience » (comme l’écrivait quelqu’un de notre connaissance) et avec les progrès accomplis la conscience peut s’ouvrer aussi à la remise en cause des dogmes ancestraux (ex : « La détresse religieuse est, pour une part, l’expression de la détresse réelle et, pour une autre, la protestation contre la détresse réelle. » (dixit le même).

      « C’est la preuve que la question est économique, et non culturelle. »

      J’imagine mal les changements économiques importants non accompagnés de changements « culturels » (terme retenu par défaut).

      « Mais justement, la position de Soleil Vert est la négation de toute « responsabilité personnelle »

      Le problème que je voulais poser et pour lequel, faute de références philosophiques, je sais mal cerner, est : entre déterminisme et responsabilité où est exactement la « frontière » ?

      PS : aurais des choses à dire sur Jaurès (votre discussion plus haut) trop facilement présenté parfois comme un Saint Antoine de Padoue du pacifisme. Son « Armée nouvelle » outre qu’elle prend à revers de forts courants bêtement antimilitaristes dans son propre camp souligne sa préoccupation de défense nationale mais…fatigue.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [« Ce n’est pas tant le niveau de vie que la productivité qui est déterminante » J’ai l’impression que nos positions ne sont pas si éloignées. Le « certain niveau de vie » est la conséquence de ce que vous évoquez et c’est sur cette base que se construit la nouvelle perception,]

      Oui et non. N’oubliez pas les économies de rente. Il y a des pays où le niveau de vie est élevé alors que la productivité est faible. Prenez par exemple les pétromonarchies : en Arabie Saudite, les familles restent nombreuses alors que le niveau de vie est élevé.

      [Le problème que je voulais poser et pour lequel, faute de références philosophiques, je sais mal cerner, est : entre déterminisme et responsabilité où est exactement la « frontière » ?]

      Au fond, cela pose le problème des limites de notre liberté. Il est admis que nous ne sommes responsables d’un choix que dans la mesure où ce choix existe, en d’autres termes, dans la mesure ou nous sommes libres de choisir. Admettre un déterminisme absolu revient à nous retirer toute liberté, et donc de transférer toute responsabilité à ceux qui nous déterminent (la société, nos parents, les dieux…). Admettre au contraire la liberté absolue revient à charger chaque individu de la responsabilité intégrale de tout ce qui lui arrive.

      Le curseur doit se trouver entre ces deux extrêmes. Mais son placement n’est pas une question purement intellectuelle. Au-delà de la vérité scientifique on se trouve dans un problème d’utilité sociale. Nous avons intérêt à ce que les individus soient responsables, et ma tendance est donc à pousser autant que faire se peu dans le sens de la liberté.

      [PS : aurais des choses à dire sur Jaurès (votre discussion plus haut) trop facilement présenté parfois comme un Saint Antoine de Padoue du pacifisme. Son « Armée nouvelle » outre qu’elle prend à revers de forts courants bêtement antimilitaristes dans son propre camp souligne sa préoccupation de défense nationale mais…fatigue.]

      Il faut replacer Jaurès dans son contexte, celui d’une France qui se sent mutilée après le conflit de 1870 dont elle attend « la revanche », et qui partage une frontière avec un voisin à la démographie dynamique – alors qu’en France le déclin démographique est entamé. Un voisin dont la construction nationale s’accompagne d’une politique agressive. Jaurès a pu voir pendant l’affaire Dreyfus combien ces éléments de contexte peuvent alimenter le militarisme français. Il sait que la perspective d’une guerre augmente le poids des militaires, et que ce pouvoir peut être dangereux pour la République.

      « L’armée nouvelle » de Jaurès est une tentative impossible d’assurer la défense de la nation tout en retirant du pouvoir aux militaires. Du point de vue militaire, ce n’est pas une proposition sérieuse et le conflit de 1914-18 le montrera, en mettant en évidence les limites des formations de conscription en comparaison avec les formations d’active.

    • Antoine dit :

      @Descartes

      > Il faut replacer Jaurès dans son contexte, celui d’une France qui se sent mutilée après le conflit de 1870 dont elle attend « la revanche », et qui partage une frontière avec un voisin à la démographie dynamique – alors qu’en France le déclin démographique est entamé

      En passant, comment expliquez-vous ce fait historique (la France a fait sa transition démographique un siècle avant l’Allemagne : la population française a augmenté seulement d’un tiers au XIXè siècle, pendant que celle de l’Allemagne était multipliée par 2,5) sachant que l’Allemagne était un pays au moins aussi industrialisé que la France, donc la productivité y était probablement aussi bonne ?

      Il semble qu’il faudrait invoquer un autre facteur, social ou culturel peut-être, pour expliquer le fossé de natalité entre les deux pays au XIXè siècle.
      (lorsqu’on lit Emmanuel Todd, qui n’est pas infaillible mais qui dont la compétence en démographie est reconnue, il affirme que la chute de la natalité est en général liée à l’alphabétisation et à la chute de la religiosité, cette dernière ayant eu lieu beaucoup plus tôt en France qu’en Allemagne)

    • morel dit :

      « Oui et non. N’oubliez pas les économies de rente. Il y a des pays où le niveau de vie est élevé alors que la productivité est faible. Prenez par exemple les pétromonarchies : en Arabie Saudite, les familles restent nombreuses alors que le niveau de vie est élevé. »
      C’était vrai antan : 7,3 enfants par femme en moyenne en en 1975 ; 3,38 en 2007 selon l’INED. Là aussi, « le certain niveau de vie » est à l’œuvre malgré l’idéologie wahhabite même si souvent on constate un certain effet « retard », les « habitudes « se modifiant avec un temps de décalage (idem en économie pour les variations du revenu).
      Pour rester au Moyen-Orient, l’avènement des El Assad en Syrie a promu les Alaouites, de parias à forte natalité en pourvus avec une natalité fortement déclinée ; de l’autre côté, les sunnites du Nord aux régions pauvres multiplient leur descendance.

      Sur Jaurès : le terme antimilitariste que j’ai employé ne convient pas. La morgue de ces castes d’officiers, les « culottes de peau » qui n’hésiteront pas à envoyer sans regret à la mort la troupe pour un « gain » de quelques mètres sans que cela ne leur donne à réfléchir durant le conflit ; les mêmes qui faisaient tirer sur les grévistes et les manifestations n’est pas à prouver.
      Jaurès n’en tirait pas la conclusion comme certains gauchistes d’alors et de maintenant qu’il ne faut plus d’armée, de militaires ou de grades etc…
      Je n’ai cité « L’armée nouvelle » que pour souligner que Jaurès l’était pas le pacifiste bêlant qu’on veut nous faire accroire.

      Et puisque nous parlons de l’homme de la « République sociale » permettez-moi cette digression :
      Dans une République, la hiérarchie du droit s’impose : pour simplifier : constitution – lois – règlements (décrets et arrêtés) – actes administratifs (circulaires et directives).
      Il va de soi qu’une circulaire contredisant une loi ou même un décret serait frappé de nullité.
      C’est exactement l’inverse que propose le projet de loi travail en ouvrant chaque entreprise (où le rapport de force entre salariat et patronat est le plus souvent en faveur du dernier) à la négociation d’éléments actuellement du ressort supérieur et plus si les syndicats d’entreprise s’y refusent, il pourra recourir à l’arme du référendum dans une situation où la perte d’emploi ou la délocalisation est le premier souci des salariés.
      L’adoption de la loi travail signerait, pour cette raisons et bien d’autres, le détricotage des éléments sociaux de notre République.

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [En passant, comment expliquez-vous ce fait historique (la France a fait sa transition démographique un siècle avant l’Allemagne : la population française a augmenté seulement d’un tiers au XIXè siècle, pendant que celle de l’Allemagne était multipliée par 2,5) sachant que l’Allemagne était un pays au moins aussi industrialisé que la France, donc la productivité y était probablement aussi bonne ?]

      On a proposé beaucoup d’explications. La réforme foncière qui a suivi la Révolution en est une : les paysans propriétaires tendent à avoir moins d’enfants pour empêcher la partition du domaine. On a aussi parlé de l’affaiblissement de l’influence de l’église catholique, ce qui a facilité l’usage de la contraception et l’avortement (largement pratiqué même s’il est resté clandestin jusqu’à 1976). Mais je pense que l’explication essentielle est la productivité de l’économie. L’Allemagne était aussi industrialisée que la France – et même plus – mais tout au long du XXème siècle c’est l’agriculture qui reste l’activité dominante. Et l’agriculture française est nettement plus productive que l’agriculture allemande. En fait, il serait intéressant de comparer la démographie ouvrière et la démographie paysanne dans les deux pays. Je n’ai pas de chiffres à ce sujet.

      [Il semble qu’il faudrait invoquer un autre facteur, social ou culturel peut-être, pour expliquer le fossé de natalité entre les deux pays au XIXè siècle.]

      Bien entendu. Mais les facteurs « sociaux et culturels » ne sont pas totalement indépendants des facteurs économiques. Il y a un rapport dialectique entre les deux. Si l’alphabétisation et la sécularisation ont avancé en France plus vite qu’en Allemagne, c’est en contact d’une économie qui est devenue plus productive.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [« Prenez par exemple les pétromonarchies : en Arabie Saudite, les familles restent nombreuses alors que le niveau de vie est élevé. » C’était vrai antan : 7,3 enfants par femme en moyenne en en 1975 ; 3,38 en 2007 selon l’INED.]

      Et 3,38 ça ne vous paraissent pas « nombreux » ? Quand même…

      [Jaurès n’en tirait pas la conclusion comme certains gauchistes d’alors et de maintenant qu’il ne faut plus d’armée, de militaires ou de grades etc…]

      Je crois que c’est plus compliqué. Je pense que Jaurès était « spirituellement » contre l’armée, la discipline militaire et tout ce qui va avec. En même temps, il n’était pas totalement coupé du réel et se rendait bien compte que devant l’agressivité allemande il fallait bien prévoir un moyen de se défendre. Son « armée nouvelle » – en fait une milice populaire – cherche le meilleur compromis entre ces deux convictions.

      [Dans une République, la hiérarchie du droit s’impose : pour simplifier : constitution – lois – règlements (décrets et arrêtés) – actes administratifs (circulaires et directives).]

      C’est ce qu’on appelle « la hiérarchie des normes ». Je vous signale juste une erreur de vocabulaire : l’appellation « actes administratifs » couvre l’ensemble des actes du pouvoir exécutif dérivé du premier ministre. Décrets et arrêtés sont donc des « actes administratifs » tout comme les circulaires et directives.

      [C’est exactement l’inverse que propose le projet de loi travail en ouvrant chaque entreprise (où le rapport de force entre salariat et patronat est le plus souvent en faveur du dernier) à la négociation d’éléments actuellement du ressort supérieur et plus si les syndicats d’entreprise s’y refusent, il pourra recourir à l’arme du référendum dans une situation où la perte d’emploi ou la délocalisation est le premier souci des salariés.]

      C’est un peu plus compliqué que ça. La « hiérarchie des normes » établit une hiérarchie entre les normes édictées par l’Etat, mais pas entre les normes édictées par l’Etat et celles faites par les acteurs privés. Contrairement à ce que vous croyez, une norme privée peut parfaitement être contraire à une disposition législative ou réglementaire. On dit qu’une telle disposition est « d’ordre public » lorsqu’il est interdit aux personnes d’y déroger par des actes privés.

      La logique de cette construction est claire. Dans notre droit, la réglementation est en principe supplétive : on règle les rapports entre personnes privées seulement lorsqu’on pense que celles-ci ne sont pas capables de les régler entre elles. Et notamment lorsque le rapport de forces entre les parties est tel que l’une d’elles pourrait imposer à l’autre des conditions léonines. Dans ces cas, l’Etat fait des règles auxquelles il est interdit aux parties de déroger. Mais lorsqu’une réglementation n’a pour but de réguler la relation entre parties égales en force, il est admis qu’elles puissent y déroger par accord commun, la réglementation ne s’appliquant qu’en cas de désaccord.

      En droit du travail, cette logique se manifeste dans le « principe de faveur ». Celui-ci permet toujours à l’employeur de déroger à la législation dans un sens favorable au salarié. Dans la mesure ou la législation du travail est conçue pour protéger le salarié, placé dans un rapport de forces défavorable, le législateur ne voit pas d’inconvénient à ce que l’employeur s’affranchisse de la loi lorsqu’il le fait au bénéfice du salarié.

      En permettant d’y déroger par accord particulier aux dispositions générales, la loi travail porte atteinte au principe même du droit du travail, qui est qu’il s’agit d’un droit construit pour protéger une partie vulnérable – le salarié – de l’arbitraire de l’autre. Au-delà du texte, il s’agit d’un glissement idéologique : à l’image du salarié exploité par un patron tout puissant s’est substitué l’image d’un patron opprimé par des salariés que le Code du travail aurait rendu tout-puissants. Ce n’est pas neutre…

    • odp dit :

      @ Descartes

      [On a proposé beaucoup d’explications. La réforme foncière qui a suivi la Révolution en est une : les paysans propriétaires tendent à avoir moins d’enfants pour empêcher la partition du domaine. On a aussi parlé de l’affaiblissement de l’influence de l’église catholique, ce qui a facilité l’usage de la contraception et l’avortement (largement pratiqué même s’il est resté clandestin jusqu’à 1976). Mais je pense que l’explication essentielle est la productivité de l’économie. L’Allemagne était aussi industrialisée que la France – et même plus – mais tout au long du XXème siècle c’est l’agriculture qui reste l’activité dominante. Et l’agriculture française est nettement plus productive que l’agriculture allemande. En fait, il serait intéressant de comparer la démographie ouvrière et la démographie paysanne dans les deux pays. Je n’ai pas de chiffres à ce sujet.]

      Bonjour,

      Excusez-moi d’intervenir à brûle-pourpoint dans ce débat démographique mais votre explication de la démographie française au 19ème siècle par la productivité agricole a le mérite de l’originalité mais ne résiste ni à la comparaison avec l’Angleterre ni à l’examen des disparités régionales. Les hypothèses anthropologico-culturelles (système familiaux et emprise religieuse) et juridico-foncières (Code Civil et petite propriété) me paraissent bien plu solides.

    • morel dit :

      « Et 3,38 ça ne vous paraissent pas « nombreux » ? Quand même… »

      Ce qui est ici intéressant, c’est la tendance confirmée par les derniers chiffres : 2,8 en 2013 (à contrario, Niger : 7,6 par ex).

      S’il s’agit de dire que la proposition de loi contenue dans « L’armée nouvelle » est très discutable, je n’ai pas de divergence à ce sujet. Il y a là, sans doute, d’une référence induite par la Révolution française qui a tant marqué le mouvement ouvrier, et plus particulièrement en France.
      Ce que je regrette, en fait, c’est la méconnaissance d’une figure attachante du socialisme. Trop de fois on entend que Jaurès était colonialiste, un pur pacifiste etc… Trop s’en réclament, face à l’échec social-démocrate ou bolchevique, recherche d’une figure « pure »?
      Jaurès, homme d’une époque, avec ses erreurs mais aussi son absence de dogmatisme et ses intuitions parfois fécondes. Son républicanisme socialiste me semble rester une source d’inspiration d’actualité.

      Sur la loi travail, parlons franchement. J’avais voulu glisser un dernier message avant la manifestation sur un sujet qui m’inquiète. Ne voulant pas agir comme un malotru puisque que ce n’était pas le sujet et qu’aucun autre participant ne l’évoquait, j’ai procédé avec un artifice sous forme de transition logique d’un discours. Le rapprochement est assurément mauvais, vous avez raison. Le vrai message est contenu dans le dernier paragraphe où je ne pense pas avoir dit des bêtises même s’il s’agit de très condensé.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Excusez-moi d’intervenir à brûle-pourpoint dans ce débat démographique mais votre explication de la démographie française au 19ème siècle par la productivité agricole a le mérite de l’originalité mais ne résiste ni à la comparaison avec l’Angleterre ni à l’examen des disparités régionales. Les hypothèses anthropologico-culturelles (système familiaux et emprise religieuse) et juridico-foncières (Code Civil et petite propriété) me paraissent bien plus solides.]

      Mon point est justement que l’évolution des « systèmes familiaux et emprise religieuse » et « juridico-foncières » sont dialectiquement déterminées par l’évolution du mode de production, et donc de la productivité. La question de la propriété de la terre est de ce point de vue un bon exemple : la petite propriété ne se développe pas par hasard. Elle apparaît avec les techniques qui permettent d’augmenter la productivité et donc à une famille de prospérer en cultivant une petite surface. « L’emprise religieuse », elle aussi, s’affaiblit lorsque le progrès des sciences apportent de réponses non seulement aux grandes questions, mais aussi aux besoins immédiats : quand le médecin soigne efficacement, on allume moins de cierges. Or, les sciences apportent aussi des réponses aux questions de productivité : meilleure sélection des semences, rotation des cultures, lutte contre les maladies…

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Ce que je regrette, en fait, c’est la méconnaissance d’une figure attachante du socialisme. Trop de fois on entend que Jaurès était colonialiste, un pur pacifiste etc… Trop s’en réclament, face à l’échec social-démocrate ou bolchevique, recherche d’une figure « pure »?]

      La pureté de Jaurès tient aussi au fait qu’il n’a pas connu cette malédiction qu’est pour un homme de gauche l’exercice du pouvoir. Il est toujours facile d’avoir les mains pures quand on n’a pas de mains. J’avoue que je goûte fort peu cette tradition de gauche qui se cherche des figures sacrificielles. Les « purs » qui n’ont jamais confronté leurs idées au réel me font plus peur qu’autre chose. J’ai tendance au contraire à me passionner pour ceux qui ont eu à porter la couronne et à mettre leurs idées à l’épreuve du pouvoir. Jaurès est pour moi un homme attachant, aux qualités d’esprit et de cœur indéniables. Mais je reste sur ma faim lorsqu’il s’agit de savoir ce qu’il aurait fait s’il avait eu les manettes…

      [Jaurès, homme d’une époque, avec ses erreurs mais aussi son absence de dogmatisme et ses intuitions parfois fécondes. Son républicanisme socialiste me semble rester une source d’inspiration d’actualité.]

      Oui. Mais pour les raisons dont j’ai parlé plus haut, avec précaution…

      [Sur la loi travail, parlons franchement. J’avais voulu glisser un dernier message avant la manifestation sur un sujet qui m’inquiète. Ne voulant pas agir comme un malotru puisque que ce n’était pas le sujet et qu’aucun autre participant ne l’évoquait,]

      Mais… vous êtes un vieux participant de ce blog. Vous savez que je n’ai rien contre le hors-sujet lorsqu’il est intelligent, et que j’encourage mes lecteurs a amener des nouveaux sujets dans les commentaires, quitte à les traiter plus tard dans un papier ! Alors, ne vous excusez pas et si vous voulez traiter un sujet « qu’aucun participant n’aborde », ne vous gênez pas !

    • odp dit :

      @ Descartes

      Plusieurs choses:

      1/ Comme vous le verrez dans ce document de Paul Bairoch, (http://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1989_num_44_2_283596) l’agriculture française n’était au 19ème siècle pas plus productive que l’agriculture allemande et était même sensiblement moins productive que les agricultures britanniques (de loin la plus productive en Europe), Danoise ou Néerlandaise.

      2/ Ce qui a permis le développement de la petite propriété en France après la Révolution, ce n’est pas l’accroissement de la productivité mais la spoliation des biens ecclésiastiques et nobiliaires ainsi que la modification du régime fiscal. Si le loyer de la terre tombe à zéro et que la répartition des impôts devient plus “équitable”, alors il est mécaniquement plus facile de faire vivre une petite propriété que précédemment.

      3/ D’une manière générale, si le développement de la petite propriété par morcellement successif d’exploitations familiales peut être un signe d’un accroissement de la productivité, ce n’est évidemment pas le cas quand elle est le fruit d’une “réforme agraire” par laquelle le terre est distribuée aux paysans qui l’exploitaient.

      C’est donc bien la RF, et pas l’accroissement de la productivité qui “créé” la petite propriété ; et celle-ci qui, associée au Code Civil, détruit la démographie française et précipite le déclin de notre cher et beau pays.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [1/ Comme vous le verrez dans ce document de Paul Bairoch, l’agriculture française n’était au 19ème siècle pas plus productive que l’agriculture allemande]

      Merci du document passionnant de Bairoch, mais en le consultant je vois exactement le contraire de ce que vous dites. La productivité de l’agriculture française est au contraire supérieure à celle de l’agriculture allemande jusqu’en 1870. Cela explique parfaitement le déficit de la natalité française, qui commence dans la première moitié du XIXème siècle.

      La comparaison avec la Grande Bretagne est difficile, parce que l’industrialisation précoce du pays à réduit rapidement la population agricole, ce qui a un effet sur le rendement agricole et donc sur la productivité (car les terres les moins fertiles sont abandonnées en premier).

      [2/ Ce qui a permis le développement de la petite propriété en France après la Révolution, ce n’est pas l’accroissement de la productivité mais la spoliation des biens ecclésiastiques et nobiliaires ainsi que la modification du régime fiscal. Si le loyer de la terre tombe à zéro et que la répartition des impôts devient plus “équitable”, alors il est mécaniquement plus facile de faire vivre une petite propriété que précédemment.]

      Encore une fois, il y a une dialectique entre les deux phénomènes. L’expérience des réformes agraires en Amérique Latine montre que lorsque la productivité de la terre est trop faible, la « petite propriété » se concentre rapidement, pour reconstituer des grands domaines. Cela tient au fait que la faible productivité ne permet pas aux paysans de survivre avec des petites parcelles.

      [3/ D’une manière générale, si le développement de la petite propriété par morcellement successif d’exploitations familiales peut être un signe d’un accroissement de la productivité, ce n’est évidemment pas le cas quand elle est le fruit d’une “réforme agraire” par laquelle le terre est distribuée aux paysans qui l’exploitaient.]

      Sauf à congeler le foncier et empêcher les regroupements, vous pouvez créer des petites propriétés par morcellement, mais vous ne pouvez pas maintenir ce morcellement contre la loi des rendements croissants. Si les grandes propriétés ne se sont pas reconstituées, c’est parce que le paysan propriétaire de son lopin de terre tirait de celui-ci une subsistance suffisante pour ne pas être obligé de le vendre et de se louer comme journalier. C’est moins la manière comme le morcellement s’est crée que le fait qu’il se soit maintenu qui vous parle de la productivité.

    • odp dit :

      @ Descartes

      Très cher et honorable hôte de ces lieux, penser qu’une différence de productivité estimée inférieure à 2% (i.e. 9.40 million de calories produites par actifs agricole en France entre 1800 et 1860 contre 9.22 pour l’Allemagne), puisse justifier de qualifier l’agriculture française “de nettement plus productive” que l’agriculture allemande (je reprends vos termes initiaux), relève, j’imagine que vous en conviendrez, de l’exagération manifeste.

      Pour tout dire, au regard des difficultés méthodologiques que soulèvent la reconstitution de la productivité agricole au 19ème siècle en France et en Allemagne, tout commentateur “raisonnable” estimerait que les agricultures françaises et allemande étaient, sur la période, de productivité équivalentes.

      Quoiqu’il en soit, même si vous tenez mordicus à cet écart de 2% de productivité estimée, il est bien évidemment insuffisant pour expliquer le différentiel de 200% entre les taux de croissance des populations françaises et allemandes au cours de la période.

      Enfin, dernier clou dans le cercueil de l’explication de la baisse de la fécondité par la hausse de la productivité agricole, je joins un graphe d’évolution comparée des fécondités françaises et anglaise sur la période 1750-1900 (https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/18719/pop_et_soc_francais_346.fr.pdf) grâce auquel vous verrez que, de 1750 à 1800, pendant que la fécondité française baissait de 25%, la fécondité britannique augmentait de 15% alors même que la productivité agricole d’Albion augmentait massivement sur la période. Accessoirement, l’évolution de la fécondité allemande de 1800 à 1860 (https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19155/487.fr.pdf) montre également l’absence total de lien avec l’évolution de la productivité agricole.

      Bref, les secrets de cœurs et des reins sont bien plus complexes que votre lecture strictement matérialiste, voire économiste, ne l’implique. D’une manière plus générale, je suis surpris de vous voir à ce point ignorant des dynamiques démographiques de nos grands voisins Européens: vous m’avez habitué à bien mieux!

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Très cher et honorable hôte de ces lieux, penser qu’une différence de productivité estimée inférieure à 2% (i.e. 9.40 million de calories produites par actifs agricole en France entre 1800 et 1860 contre 9.22 pour l’Allemagne), puisse justifier de qualifier l’agriculture française “de nettement plus productive” que l’agriculture allemande (je reprends vos termes initiaux), relève, j’imagine que vous en conviendrez, de l’exagération manifeste.]

      Je ne fait que citer l’article de Bairoch que vous avez proposé en référence. On y lit que « Ces différences de rythmes de croissance de la productivité amènent des bouleversements dans les rangs des pays. (…) La France qui, jusqu’en 1860 devançait l’Allemagne, se voit donc dépassée par ce pays (…) ». Si cette avance n’était pas « nette », on voit mal pourquoi cette inversion constitue un « bouleversement »…

      [Pour tout dire, au regard des difficultés méthodologiques que soulèvent la reconstitution de la productivité agricole au 19ème siècle en France et en Allemagne, tout commentateur “raisonnable” estimerait que les agricultures françaises et allemande étaient, sur la période, de productivité équivalentes.]

      Ce n’est pas ce que fait un spécialiste aussi important que Bairoch, comme le montre l’extrait cité ci-dessus. Au contraire, celui-ci semble estimer que l’écart était suffisamment significatif pour parler de « bouleversement » lorsqu’il s’inverse.

      [Enfin, dernier clou dans le cercueil de l’explication de la baisse de la fécondité par la hausse de la productivité agricole, je joins un graphe d’évolution comparée des fécondités françaises et anglaise sur la période 1750-1900]

      L’article de Bairoch montre aussi pourquoi cette comparaison n’a pas de sens. L’industrialisation précoce de la Grande Bretagne fait que la démographie britannique n’est plus dominée par les paysans dès les premières décennies du XIXème siècle. Pour que votre comparaison soit valable, il faudrait comparer la fécondité des paysans britanniques à celle des paysans français… L’article de l’INED que vous citez indique d’ailleurs explicitement ce lien.

      [Bref, les secrets de cœurs et des reins sont bien plus complexes que votre lecture strictement matérialiste, voire économiste, ne l’implique.]

      Mais ce ne sont pas les cœurs et les reins que font la démographie, comme dirait l’autre…

      [D’une manière plus générale, je suis surpris de vous voir à ce point ignorant des dynamiques démographiques de nos grands voisins Européens: vous m’avez habitué à bien mieux!]

      Pitié… pas le gambit du « je suis déçu, je m’attendais à mieux »…

    • odp dit :

      @ Descartes

      Vous êtes décidément incorrigible : comme je l’ai expliqué par ailleurs, je sais et j’accepte qu’il existe une forme d’axiomatique qui veut que j’aie tort et que vous ayez raison, mais tout de même, pour des sujets aussi mineurs, vous pourriez relaxer un peu la règle…

      Ceci dit, et puisqu’il faut alimenter la machine, je constate tout d’abord qu’il est surprenant qu’un scientifique comme vous attache plus d’importance au commentaire d’une série de données qu’à cette série de données elle-même. Si vous aviez pris soin de regarder les chiffres de Bairoch plutôt que de lire (trop ?) rapidement son analyse, vous auriez constaté que, comme je l’ai démontré, l’avance française sur la période 1800-1860 n’était que « nominale » et que le « bouleversement » que décrit Bairoch se situe APRES 1860, avec l’explosion de la productivité de l’agriculture allemande et la relative stagnation de celle de la France. D’ailleurs, quand il s’agit de commenter la période qui nous occupe (le début du 19ème siècle), Bairoch indique que « compte tenu de la marge d’erreur des données » France et Allemagne sont à ranger dans la même catégorie de « grands pays à situation assez positive » avec une productivité moyenne « de l’ordre de 6-7 ».

      Fin du commentaire sur le commentaire.

      Si nous retournons à nos moutons (français ou allemands peu importe) et que nous nous focalisons sur les chiffres, il faudra que vous m’expliquiez comment alors que les productivités agricoles en France et en Allemagne sont identiques en 1800 et 1860 (6.5 et 12.2) et de « même ordre » (cf. Bairoch) en 1830 et 1850 (7.9 vs 7.8 et 11.0 vs 10.4), cette variable peut expliquer une différence d’accroissement annuel de la population de 4.4x sur la période (0.5% par an dans un cas contre 2.2% dans l’autre).

      En un mot comme en 100, c’est impossible : ni les écarts de productivité agricole ni leur évolution ne peuvent expliquer les différences de trajectoire démographique de la France et de l’Allemagne au cours de la première partie du 19ème siècle, il y a autre chose.

      Quelle fut la raison de cet effondrement relatif de la natalité française à partir de 1750 et plus encore de 1790 ? Nul ne le sait précisément. Il put y avoir des facteurs culturels (déprise religieuse, développement de l’hédonisme, mode aristocratique…), institutionnels (Révolution, Code Civil), économiques (augmentation des impôts et du loyer de la terre)… Mais la productivité agricole, non ; pas plus d’ailleurs que celle-ci ne peut expliquer pourquoi, entre 1789 et 1914, la France ne fût jamais un pays de forte émigration quand toute l’Europe le fut, ou connût « 11 constitutions, 3 coups d’Etat, 5 révolution, 11 guerres étrangères et 6 guerres civiles » (J. Dupâquier).

      Cela ne veut pas dire qu’en simplifiant, les « conditions de production » ne puissent expliquer bien des choses ; mais cette simplification quand elle est, comme ici, poussée à l’extrême devient une caricature sans intérêt.

      Quant au « gambit », même si je concède une formulation peut-être un peu maladroite, cela correspond à une vraie interrogation. J’ai en effet pu constater à maintes reprises votre très fine connaissance de l’histoire du 20ème siècle. Or, quand vous indiquez a) que l’agriculture française au 19ème siècle était « nettement plus productive » que l’agriculture allemande et b) que ce différentiel de productivité explique le différentiel démographique entre les deux pays sur la période, je ne peux constater que a) votre hypothèse de départ est tout simplement fausse (cf. supra) mais surtout b) que les données démographiques de la France, de l’Angleterre et de l’Allemagne sur la période contredisent tellement ce raisonnement que seule une ignorance totale desdites données peut expliquer que vous le teniez. Ce qui, je le répète m’étonne.

      Est-ce à dire que pensez-vous que l’histoire du monde ne commence qu’en 1917 ? J’en doute mais peut-être. Ou alors que vous avez une telle confiance dans votre explication stylisée et matérialiste des événements que vous estimez que connaître la réalité est sans intérêt ou, pire encore, une perte de temps, que vous préférez laisser aux naïfs qui pensent que celle-ci importe ? Plus probablement, mais dans ce cas je trouve dommage, au regard du rôle de prescripteur que vous jouez pour nombre des lecteurs de ce blog et qui prendront ce que vous dites pour argent comptant, que, face à une erreur manifeste, vous n’admettiez votre tort.

    • Descartes dit :

      @odp

      [Vous êtes décidément incorrigible : comme je l’ai expliqué par ailleurs, je sais et j’accepte qu’il existe une forme d’axiomatique qui veut que j’aie tort et que vous ayez raison, mais tout de même, pour des sujets aussi mineurs, vous pourriez relaxer un peu la règle…]

      Je vous fais remarquer que la même « axiomatique » marche dans les deux sens… si vous n’étiez pas persuadé d’avoir raison, la discussion serait impossible. Alors, faisons chacun la moitié du chemin…

      [Ceci dit, et puisqu’il faut alimenter la machine, je constate tout d’abord qu’il est surprenant qu’un scientifique comme vous attache plus d’importance au commentaire d’une série de données qu’à cette série de données elle-même.]

      Ca ne devrait pas vous surprendre, pourtant. Dans la mesure où je ne dispose d’aucun élément sur la méthodologie utilisée pour établir la série, je suis obligé de faire une certaine confiance aux interprétations de l’auteur qui, lui, le sait. En particulier, vu que l’Allemagne n’existe que depuis 1870, je m’interroge sur les territoires que Bairoch prend en compte pour établir une « Allemagne virtuelle » avant cette date.

      [Si nous retournons à nos moutons (français ou allemands peu importe) et que nous nous focalisons sur les chiffres, il faudra que vous m’expliquiez comment alors que les productivités agricoles en France et en Allemagne sont identiques en 1800 et 1860 (6.5 et 12.2) et de « même ordre » (cf. Bairoch) en 1830 et 1850 (7.9 vs 7.8 et 11.0 vs 10.4), cette variable peut expliquer une différence d’accroissement annuel de la population de 4.4x sur la période (0.5% par an dans un cas contre 2.2% dans l’autre).]

      Si vous voulez expliquer la démographie de la période 1800-1830 vous devriez regarder ce qu’était la productivité dans la période 1750-1800. La démographie est presque toujours une génération en retard par rapport aux causes qui lui donnent naissance parce que, comme vous l’avez bien dit, les habitudes et les perceptions ne se changent pas en un jour. Mais plus fondamentalement, si j’ai fait le lien entre productivité et démographie, ce lien n’est pas exclusif et la démographie dépend bien entendu d’autres paramètres économiques. Les phénomènes de baby-boom après les grands conflits ou les grandes pestes en sont un bon exemple. Mon point fondamental, au-delà des exemples particuliers, est que le principal moteur économique de la natalité est le besoin pour les parents d’assurer leurs vieux jours. Et c’est pourquoi une guerre, une peste, la faible productivité poussent dans le sens d’une natalité élevée. Mais il ne faut pas y voir une détermination mécanique comme vous semblez le faire…

      [Est-ce à dire que pensez-vous que l’histoire du monde ne commence qu’en 1917 ? J’en doute mais peut-être. Ou alors que vous avez une telle confiance dans votre explication stylisée et matérialiste des événements que vous estimez que connaître la réalité est sans intérêt ou, pire encore, une perte de temps, que vous préférez laisser aux naïfs qui pensent que celle-ci importe ? Plus probablement, mais dans ce cas je trouve dommage, au regard du rôle de prescripteur que vous jouez pour nombre des lecteurs de ce blog et qui prendront ce que vous dites pour argent comptant, que, face à une erreur manifeste, vous n’admettiez votre tort.]

      Comme je vous l’ai dit, faisons la moitié du chemin : mon explication n’est pas aussi mécaniste que cela a pu vous paraître, et ne je nie pas le caractère multifactoriel du phénomène. La productivité de l’économie (donc de l’agriculture au début du XIXème siècle) est un facteur important, mais ne suffit pas à déterminer mécaniquement les comportements.

    • odp dit :

      @ Descartes

      Une fois de plus nous sommes, en réalité, d’accord sur l’essentiel. Bien sûr qu’une étude ne fait pas la réalité. De même, je reconnais qu’en général, la dimension “matérielle” des choses est souvent sous-estimée (y compris par moi) et que vous avez tout à fait raison d’insister dessus.

      Ceci dit, très franchement, si je me fie à la géographie physique des 2 pays, je ne crois pas que l’on puisse dire que l’agriculture française a des chances d’être sensiblement plus productive que son homologue allemande. Après tout en France, l’importance des massifs montagneux et des terres pauvres au sud de la Loire rend de très larges portions de notre territoire faiblement productif. D’ailleurs, au début du 17ème siècle, la population de l’Allemagne était à peu près similaire à celle de la France (aux alentours de 20 millions), indiquant une “capacité” agricole similaire pour les deux pays.

      Il est même fort probable, si je me fie à ce que je lis dans un livre très topique intitulé “La Révolution, la France et l’Allemagne” (http://www.editions-msh.fr/livre/?GCOI=27351100872500 – activez la fonction google aperçu pour le détail) sur le rôle d’exportation agricole des territoires situés à l’Est de l’Elbe, que c’est l’INSUFFISANTE productivité de l’agriculture française, couplée au retard pris dans l’industrialisation, qui pourrait expliquer du point de vue “matérialiste” le déclin de la natalité française.

      C’est que suggère le compte-rendu dans Les Annales du livre susdit (http://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1991_num_46_2_278947_t1_0322_0000_000). C’est également une partie de l’explication de Braudel dans l’identité de la France sur ce sujet fort complexe: en 1750 la France est déjà un “monde plein”; ce qui n’est le cas ni l’Angleterre ni de l’Allemagne.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Ceci dit, très franchement, si je me fie à la géographie physique des 2 pays, je ne crois pas que l’on puisse dire que l’agriculture française a des chances d’être sensiblement plus productive que son homologue allemande. Après tout en France, l’importance des massifs montagneux et des terres pauvres au sud de la Loire rend de très larges portions de notre territoire faiblement productif.]

      Pour être rigoureux, l’effet est beaucoup plus compliqué qu’on ne peut le croire. Les parents cherchent à avoir des enfants qui leur garantissent un niveau de vie « raisonnable » dans leurs vieux jours. Mais la définition de « raisonnable » change bien évidement avec la productivité elle-même ainsi qu’avec les traditions, l’habitat, etc. Ainsi, si avec l’augmentation de la productivité il faut un nombre d’enfants plus faible pour assurer le même niveau de protection, le niveau d’exigence augmente lui-même avec la productivité et est dépendant de beaucoup de paramètres. Je continue à penser qu’on peut établir un lien entre démographie et productivité à l’intérieur d’une même société, mais je ne suis pas sur qu’on puisse faire des comparaisons entre sociétés et économies très différentes.

      La remarque sur le “monde plein” me paraît très intéressante.

  37. @Descartes
    “Il est vrai que du point de vue de la « réussite » (mot à prendre avec beaucoup de guillemets) la famille nombreuse ne permettait pas aux parents de consacrer autant de temps à chacun des enfants individuellement, et c’est d’autant plus vrai que dans les familles modestes les parents n’avaient souvent pas les moyens ni la formation pour assurer un accompagnement efficace. L’école de la IIIème République s’est construite en grande partie sur le mandat de fournir à ces enfants la stimulation et l’exigence que les parents ne pouvaient pas fournir.”

    J’ai l’impression que vous avez une vision un peu idéalisée de l’école de la IIIème République. Elle a certainement eu un impact positif en termes d’opportunités de mobilité sociale, mais la médaille a son revers. C’était aussi une école produisant une vision “neutralisée” de l’histoire française, ce roman national que vous semblez regretter et dont le but avoué était de détourner les classes populaires (terme que vous semblez curieusement préférer à celui de classe ouvrière ou de prolétariat), d’idéologies contestatrices:

    « Dans les écoles confessionnelles, les jeunes reçoivent un enseignement dirigé tout entier contre les institutions modernes. Si cet état des choses se perpétue, il est à craindre que d’autres écoles ne se constituent, ouvertes aux fils d’ouvriers et de paysans, où l’on enseignera des principes totalement opposés, inspirés d’un idéal socialiste ou communiste emprunté à des temps plus récents, par exemple à cette époque violente et sinistre comprise entre le 18 mars et le 24 mai 1871. »
    -Jules Ferry, Discours de Jules Ferry devant le Conseil général des Vosges, 1879.

    « Ferry est avant tout un homme d’ordre et son action pédagogique s’inscrit dans une perspective délibérément conservatrice. S’il a œuvré pour le prolétariat, ce fut, avant tout, par souci de discipline collective, pour améliorer le fonctionnement de l’organisme social, en un mot et conformément à l’inspiration positiviste, pour mettre fin à la révolution. »
    -Louis Legrand, L’influence du positivisme dans l’œuvre scolaire de Jules Ferry, Rivière, 1961.

    C’est cet endoctrinement d’Etat qui a grandement contribué à la formation de ce que vous appelez une “solidarité nationale inconditionnelle”, avec pour conséquence directe de faire accepter au mouvement ouvrier d’aller se faire tuer pour le drapeau en 1914, plutôt que de suivre le pacifisme de Jaurès ou le “défaitisme révolutionnaire” de Lénine. Je trouve étrange qu’un marxiste tel que vous soit nostalgique d’une telle école…

    • Descartes dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      [J’ai l’impression que vous avez une vision un peu idéalisée de l’école de la IIIème République. Elle a certainement eu un impact positif en termes d’opportunités de mobilité sociale, mais la médaille a son revers. C’était aussi une école produisant une vision “neutralisée” de l’histoire française, ce roman national que vous semblez regretter et dont le but avoué était de détourner les classes populaires (terme que vous semblez curieusement préférer à celui de classe ouvrière ou de prolétariat), d’idéologies contestatrices:]

      L’école de la IIIème, comme toute école républicaine, est un compromis. Votre citation de Ferry est très éclairante : les couches populaires n’accepterait pas une école réactionnaire, et la bourgeoisie n’était pas prête à financer une école qui forme des révolutionnaires. Et d’ailleurs, comment former une nation, une communauté solidaire, si chacun a « son » école et ne partage donc pas des références avec ses concitoyens ? La réponse à ces dilemmes, c’est une école « neutralisée », qui dans le meilleur des cas – et l’école de la IIIème l’était – donne à chacun, à côté du « roman national » qui fait l’unité du pays, les instruments intellectuels pour faire ses propres choix. L’école de la IIIème a formé autant des leaders révolutionnaires que des leaders réactionnaires. C’est là probablement sa plus grande réussite.

      [« Ferry est avant tout un homme d’ordre et son action pédagogique s’inscrit dans une perspective délibérément conservatrice. S’il a œuvré pour le prolétariat, ce fut, avant tout, par souci de discipline collective, pour améliorer le fonctionnement de l’organisme social, en un mot et conformément à l’inspiration positiviste, pour mettre fin à la révolution. »]

      Sans doute. Mais l’objectif d’une école républicaine n’est pas de former des révolutionnaires.

      [C’est cet endoctrinement d’Etat qui a grandement contribué à la formation de ce que vous appelez une “solidarité nationale inconditionnelle”, avec pour conséquence directe de faire accepter au mouvement ouvrier d’aller se faire tuer pour le drapeau en 1914, plutôt que de suivre le pacifisme de Jaurès ou le “défaitisme révolutionnaire” de Lénine. Je trouve étrange qu’un marxiste tel que vous soit nostalgique d’une telle école…]

      Peut-être parce qu’en 1940 les « pacifistes » et autres « défaitistes » ont pu mettre en œuvre leur vision. Je ne suis pas persuadé que la classe ouvrière s’en soit trouvé mieux servie. Je pense que beaucoup de « marxistes » se sont trompés sur la signification du fait national et de cette « solidarité inconditionnelle », dans laquelle ils voyaient une solidarité à sens unique. Ce n’est pas le cas : si les ouvriers sont allés se faire tuer pour le drapeau – et ce qu’il signifie – ils ne sont pas les seuls à l’avoir fait. La mitraille allemande a décimé des promotions entières de l’Ecole polytechnique et de Saint-Cyr, dont le moins qu’on puisse dire est que ce n’étaient pas très ouvertes au prolétariat.

      Oui, l’école de la IIIème République, en fournissant aux français des références communes quelque soit leur origine sociale, leur religion, leur région, a été essentielle dans la construction de la Nation. Je reste persuadé que cette construction a beaucoup profité au prolétariat. D’ailleurs, il n’y a qu’à voir ce qui se passe lorsque cette solidarité inconditionnelle se trouve affaiblie par la mondialisation…

    • Descartes dit :

      @Johnathan R. Razorback (suite)

      Ma réponse à votre précédent commentaire m’a laissé une certaine insatisfaction. J’avais l’impression de ne pas avoir répondu totalement à votre objection, et c’est pourquoi je vais faire un développement un peu plus long.

      Historiquement, il y a deux types de postures “révolutionnaires”. Il y a le révolutionnaire “apocalyptique”, comme pouvaient l’être les marxistes de la fin du XIXème et début du XXème, mais aussi les chrétiens des premiers siècles de notre ère. Persuadés que la fin de l’ancien monde est proche, ils consacrent tous leurs efforts à la préparation du monde qui vient. Mais il y a aussi le révolutionnaire “attentiste”, persuadé que le monde ancien a encore de longs jours devant lui. On pourrait ranger dans cette catégorie les communistes de l’après 1945, par exemple.

      La vision du monde de ces deux types de révolutionnaires est très différente. Pour les premiers, la société actuelle est moribonde et il n’y a donc aucune raison de chercher avec elle des “compromis vivables”. Au contraire, plus on polarise les affrontements, plus la situation de la classe ouvrière est invivable, et plus la transition sera rapide et facile. Pour les seconds, puisque le capitalisme est là pour une longue période, autant trouver les meilleurs accommodements possibles pour permettre aux prolétaires de vivre le mieux possible en attendant.

      C’est dans cette dernière perspective que je me place. L’école républicaine, la “solidarité inconditionnelle” qui s’attache à la Nation relèvent de ce type d’accommodements. C’est pourquoi il n’y a pas de contradiction entre “être marxiste” et admirer la construction républicaine.

    • @ Descartes,

      “puisque le capitalisme est là pour une longue période, autant trouver les meilleurs accommodements possibles pour permettre aux prolétaires de vivre le mieux possible en attendant.”
      Mais… en permettant aux prolétaires de “vivre mieux”, vous risquez fort de leur faire perdre le goût du changement, et de favoriser au final le pérennisation de l’exploitation capitaliste, non? Si la situation est vivable, pourquoi vouloir la révolution? Cela revient à repousser le grand soir aux calendes grecques. Cette accusation est celle qu’adressent les révolutionnaires aux réformistes. Que répondez-vous à cela?

    • Descartes dit :

      @ nationaliste-ethniciste

      [Mais… en permettant aux prolétaires de “vivre mieux”, vous risquez fort de leur faire perdre le goût du changement, et de favoriser au final le pérennisation de l’exploitation capitaliste, non? Si la situation est vivable, pourquoi vouloir la révolution?]

      Comme le disait déjà Marx, « la misère est la cause de révoltes, mais jamais des révolutions ». La disette de 1789 n’était ni pire ni meilleure que les nombreuses disettes qui sont arrivées dans la France de l’Ancien Régime. Si elle a provoqué une révolution, c’est parce que les structures féodales étaient devenues un obstacle à l’expansion des forces productives portées par une nouvelle classe dominante, la bourgeoisie. Les révolutions sont le résultat des contradictions d’un ordre social, et non de la « misère ». Si la misère était le moteur des révolutions, le pays le plus révolutionnaire du monde serait le Bangladesh.

      L’expérience montre au contraire que les « classes révolutionnaires » sont en général les classes ayant atteint un niveau de vie raisonnable. En effet, les gens misérables ont une priorité qui chasse toutes les autres : survivre. Pour commencer à s’intéresser à l’avenir collectif, il faut à l’individu avoir dépassé le stade de la survie. En ce sens, en permettant aux prolétaires de « vivre mieux » on avance vers la révolution puisqu’on le libère des besoins immédiats et on lui permet donc de s’intéresser au reste…

    • @ Descartes,

      Réponse convaincante, merci.

    • Bruno dit :

      Bonjour Descartes,

      Ne pensez-vous pas que l’idée révolutionnaire est perdue d’avance dès lors que le rêve du prolétaire est de devenir un bourgeois? De fait, dès lors que le prolétariat n’a plus un contre-modèle culturel à opposer à celui des classes moyennes et de la bourgeoisie, il est condamné, en cas d’ascension sociale, à le reproduire. Ni plus ni moins.

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [Ne pensez-vous pas que l’idée révolutionnaire est perdue d’avance dès lors que le rêve du prolétaire est de devenir un bourgeois?]

      Pas du tout. Chaque bourgeois sous l’ancien régime rêvait de devenir noble, et pourtant la Révolution a eu lieu quand même…

      De tout temps les membres de la classe dominée ont rêvé de devenir membres de la classe dominante. L’idée d’un « contre modèle culturel » est un mythe : le « modèle culturel » de la bourgeoisie d’ancien régime – caricaturé avec génie par Molière dans « le bourgeois gentilhomme » – était celui défini par l’aristocratie. Ce n’est qu’une fois que le modèle ancien s’est effondré qu’un nouveau modèle peut devenir dominant.

      Les révolutions arrivent non pas parce que les dominés ne rêvent plus de vivre comme les dominants, mais lorsque les dominés prennent conscience qu’une telle chose est impossible dans le système tel qu’il est, parce que celui-ci est devenu un frein à l’expansion des forces productives.

      [De fait, dès lors que le prolétariat n’a plus un contre-modèle culturel à opposer à celui des classes moyennes et de la bourgeoisie, il est condamné, en cas d’ascension sociale, à le reproduire. Ni plus ni moins.]

      Je ne vois pas bien quel était ce « contre-modèle culturel » que le prolétariat avait et qu’il n’aurait plus. Pourriez-vous être plus précis ?

    • Bruno dit :

      @ Descartes

      [Pas du tout. Chaque bourgeois sous l’ancien régime rêvait de devenir noble, et pourtant la Révolution a eu lieu quand même…]

      Ok pour ce point, toutefois je pense que la Révolution s’explique en grande partie par le constat que vous faites plus bas, celui de l’impossibilité de parvenir pour l’immense majorité des aspirants à la noblesse. Cette Révolution, qui porte à mon sens assez mal son nom, a avant tout consisté au remplacement d’une classe dominante par une autre.
      L’expression « contre-modèle culturel » est peut-être maladroite. Je voulais par-là simplement évoquer les sociétés des pays « socialistes » au XXème siècle. Le fait que l’alternative à l’est, quoi qu’on en pensait, ait disparu, marque la fin, pour beaucoup, de la possibilité d’une société différente.
      Plus généralement je déplore que les libertés publiques soient appréhendées uniquement par le prisme d’un libéralisme égoïste. J’ai lu récemment « l’homme unidimensionnel » de Marcuse, qui bien que confus, m’a fait réfléchir, particulièrement sur son idée de la pensée close, unidimensionnelle.
      Pour citer sa réflexion sur les libertés économiques, j’ai été dérouté par un propos que je vais tenter de rapporter : « si la liberté économique consistait en le fait de ne pas dépendre de l’économie, de ne pas être contraint à un travail salarié, de ne pas avoir à gagner sa vie… » Bref si la liberté était autre. Pour revenir à mon idée de base, le problème tient au fait que le modèle culturel actuel propose une lecture très orientée, très individualiste et au final très restrictive des libertés…

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [Cette Révolution, qui porte à mon sens assez mal son nom, a avant tout consisté au remplacement d’une classe dominante par une autre.]

      Au contraire. Elle porte très bien son nom, puisque une « Révolution » c’est précisément le changement du mode de production, et donc un changement de la classe dominante.

      [Je voulais par-là simplement évoquer les sociétés des pays « socialistes » au XXème siècle. Le fait que l’alternative à l’est, quoi qu’on en pensait, ait disparu, marque la fin, pour beaucoup, de la possibilité d’une société différente.]

      L’échec des premières tentatives de construire une société fondée sur un mode de production socialisé repose la question de la faisabilité d’une telle société. C’est normal. Mais il ne faudrait pas oublier que le capitalisme lui-même ne s’est pas imposé en un jour, et qu’il a fallu là aussi beaucoup de marches et de contre-marches avant de construire une véritable alternative au féodalisme. L’évolution s’est faite d’ailleurs d’une manière bien moins « révolutionnaire » qu’on le croit, les premières expériences du « capitalisme naissant » coexistant pendant longtemps avec les structures féodales. La Révolution française n’est en fait que la consécration d’un processus entamé depuis l’époque de Louis XIV.

      [Plus généralement je déplore que les libertés publiques soient appréhendées uniquement par le prisme d’un libéralisme égoïste.]

      Je suis d’accord. A mon avis, la pensée de la « gauche » en général et marxiste en particulier a mal compris la pensée libérale et par reflexe de rejet de celle-ci est tombé dans un holisme insupportable. L’analyse de classe est utile pour comprendre la dynamique sociale, mais en dernière instance, les classes sont constituées d’individus. Quel est alors l’objectif de l’organisation sociale ? Pour les libéraux, c’est de donner à ces individus le maximum de possibilités et de choix avec pour seule limite le fait de ne pas empiéter sur les possibilités et les choix des autres. La pensée de la « gauche » n’a pas été capable de proposer un objectif alternatif. Il nous faut donc admettre que l’objectif « libéral » est toujours d’actualité. Une société « socialiste » a donc pour objectif la liberté individuelle, et ne peut fonctionner seulement sur la base d’un raisonnement collectif. Le « bonheur collectif », ça n’existe pas.

      [Pour citer sa réflexion sur les libertés économiques, j’ai été dérouté par un propos que je vais tenter de rapporter : « si la liberté économique consistait en le fait de ne pas dépendre de l’économie, de ne pas être contraint à un travail salarié, de ne pas avoir à gagner sa vie… » Bref si la liberté était autre.]

      La formule veut dire une chose très simple : la « liberté » absolue n’existe pas, du moment où l’homme est un être matériel soumis à des besoins matériels. En d’autres termes, la véritable limite à notre liberté est la malédiction divine : « tu gagneras le pain à la sueur de ton front ».

      [Pour revenir à mon idée de base, le problème tient au fait que le modèle culturel actuel propose une lecture très orientée, très individualiste et au final très restrictive des libertés…]

      Plus précisément, le modèle actuel propose une lecture qui oppose individu et collectivité, avec l’idée que l’individu ne peut être « libre » que si la collectivité – et ses institutions – est faible. C’est pourquoi l’attentat contre « Charlie Hebdo » a été un moment si intéressant : la société a brusquement réalisé que la menace contre les libertés ne venait pas de la collectivité – et de ses institutions : police, justice, armée – mais d’autres « individus ». La logique hobbesienne est apparue tout à coup dans une clarté éblouissante : nos libertés INDIVIDUELLES sont le résultat d’un pacte COLLECTIF, par lequel chacun de nous s’engage à ne pas piétiner les libertés des autres, et accepte l’érection d’institutions chargées de réprimer les contrevenants.

  38. Trublion dit :

    Bonsoir Descartes.

    Il y a quelques semaines, je fumais un Cohiba avec des amis dans le fumoir d’un hôtel restaurant huppé d’une station de ski. Pour une raison inconnue, la discussion a dérivé vers le terrain politique pour évoquer la Loi Travail. L’un des amis, un type charmant, chef d’entreprise, se plaint que la France n’était décidément pas réformable, que rien de bougeait dans ce pays depuis des décennies.
    C’est alors que j’intervins pour faire voler en éclat cette assertion. Dans un premier je leur expliqua que la France a beaucoup changé, que la France des années 70 n’a plus rien à voir avec la France des années 2010.
    Mon ami rectifia alors sa pensée, en expliquant que les choses avaient évolué sous Mitterrand, mais depuis les choses seraient restées figées.
    J’intervins encore pour leur dire que ce n’est pas vrai et que la fin des années 90 a vu par exemple la libéralisation des marchés de l’énergie. Mon ami entrepreneur me rétorqua qu’on faisait des choses mais qui allaient dans le mauvais sens. Lui qui a travaillé chez un grand énergéticien français quelques années auparavant m’expliqua que l’énergie est un domaine stratégique et que l’état aurait dû en garder le contrôle.
    Dans le TGV du retour à Paris je me suis beaucoup interrogé sur cette discussion et quel sens lui donner. J’étais sidéré qu’on puisse parler et agir comme s’il ne s’était rien passé en en quarante ans. Le tournant de la rigueur, l’Acte Unique, Maastricht, Schengen, l’Euro…
    Ensuite je ne comprenais pas cette insistance à vouloir dépouiller les gens de tout. En quarante ans le rapport de force entre employeur et salarié s’est profondément inversé au profit de ces derniers, qu’est-ce qu’on gagne à humilier les gens toujours plus, à vouloir leur reprendre tout ce qu’ils ont conquis (les virer facilement, les faire travailler le dimanche)

    L’argument selon lequel les employeurs ne recruteraient pas à cause de la soi-disante impossibilité de licencier ne tient pas à l’analyse. Moi qui ai été manager, dans les cas de doute j’embauchais en CDD, lequel CDD peut durer jusqu’à 18 mois, ça laisse le temps de s’organiser en cas de retournement de la conjoncture.

    • Descartes dit :

      @ Trublion

      [Il y a quelques semaines, je fumais un Cohiba avec des amis dans le fumoir d’un hôtel restaurant huppé d’une station de ski.]

      Eh beh… ce blog est d’un mondain…

      [J’intervins encore pour leur dire que ce n’est pas vrai et que la fin des années 90 a vu par exemple la libéralisation des marchés de l’énergie. Mon ami entrepreneur me rétorqua qu’on faisait des choses mais qui allaient dans le mauvais sens. Lui qui a travaillé chez un grand énergéticien français quelques années auparavant m’expliqua que l’énergie est un domaine stratégique et que l’état aurait dû en garder le contrôle.]

      Je crois que cet exemple illustre bien les causes du désamour entre une certaine partie du patronat et l’UE. Lorsque l’UE a libéralisé les marchés des biens, le patronat a applaudi des deux mains. Mais lorsque l’UE a commencé – par idéologie pure – à s’attaquer aux domaines des souveraineté (ce que votre ami appelle « stratégiques »), l’accueil n’a pas été le même. Le patronat a soutenu sans faille la privatisation des banques, des assurances, des industries. Il a été bien plus modéré lorsqu’il s’est agi d’EDF, dont tout le monde s’accorde à dire que le bon fonctionnement est un facteur fondamental de compétitivité…

      [Dans le TGV du retour à Paris je me suis beaucoup interrogé sur cette discussion et quel sens lui donner. J’étais sidéré qu’on puisse parler et agir comme s’il ne s’était rien passé en en quarante ans. Le tournant de la rigueur, l’Acte Unique, Maastricht, Schengen, l’Euro…]

      Je me demande quel était l’âge moyen de votre auditoire. Souvenez-vous que nous vivons dans la civilisation de l’instantanée, qui a perdu contact avec l’histoire. Les gens qui ont quarante ans aujourd’hui ne savent pas qu’il y avait un monde avant l’Acte Unique, ceux qui ont trente ans ne savent pas que pendant des siècles la France a eu sa monnaie. La civilisation de l’instantanée a permis de « naturaliser » des éléments récents et de faire croire aux gens qu’ils ont toujours été là. Et qu’ils sont éternels.

      [Ensuite je ne comprenais pas cette insistance à vouloir dépouiller les gens de tout. En quarante ans le rapport de force entre employeur et salarié s’est profondément inversé au profit de ces derniers, qu’est-ce qu’on gagne à humilier les gens toujours plus, à vouloir leur reprendre tout ce qu’ils ont conquis (les virer facilement, les faire travailler le dimanche)]

      Cela tient en une seule formule : Vae Victis. La bourgeoisie et les « classes moyennes » sont en position de force, alors elles prennent tout. Pire : elles distillent l’idée que seuls les ringards peuvent être attachés à l’emploi à vie, la protection sociale et autres vieilleries, et que le progrès c’est l’emploi précaire – quand ce n’est pas « l’auto-entrepreneuriat » – et la flexibilité.

      [L’argument selon lequel les employeurs ne recruteraient pas à cause de la soi-disante impossibilité de licencier ne tient pas à l’analyse. Moi qui ai été manager, dans les cas de doute j’embauchais en CDD, lequel CDD peut durer jusqu’à 18 mois, ça laisse le temps de s’organiser en cas de retournement de la conjoncture.]

      Et surtout, le CDI n’est pas aussi inflexible qu’on ne le croit. La durée moyenne d’un CDI en France est aujourd’hui de trois ans. Si le patronat veut pouvoir licencier plus facilement, ce n’est pas pour pouvoir embaucher, mais pour exercer une pression à la baisse sur les salaires…

  39. luc dit :

    [Eh beh… ce blog est d’un mondain…]..Savez vous que ,pour moi qui vit entre 2 immenses tours HLM,au milieu de personnes préoccupés à 90% par le’ qu’en dira t on ‘salafiste’,sachez cher Descartes,que votre blog est d’un exotisme rassénérant..Je retrouve les gens que j’ai connu dans ma jeunesse,où aller au sport d’hiver et fumer un Cohiba n’était pas;.Haram!
    Merci à Trublion,pour son texte savoureux.Pour moi,enseignant dans un quartier peu francophone,peu favorisé et encore moins catholique,c’est un plaisir que de lire les textes du blog de Descartes!Vous comprendrez que ce plaisir est d’autant plus grand que j’ai 3 maladies chroniques,une affection buccale,une carte d’Handicapé mais le pire du pire,c’est que je suis enseigant ,loin de la retraite depuis les maudites réformes.Je l’avoue le texte de Trublion m’a beaucou plu!
    Justement,je rêve d’un retour aux années 60,ou enfant je proférai un athéisme à tout crin qui serait adapté de nos jours.
    Vos échanges cher Descartes,avec Johnathan R. Razorback ont réveillé en moi,la fibre athéiste militant.Je me rêve en unThuriféraire,vociférant,admonestant,réprimant,quasi totalitaire,juge des âmes et des reins,pour le triomphe de l’athéisme.Je sens que je me trompe et qu’il faut éviter ça surtout dans mes cours,n’est ce pas?
    Ne croyez vous pas qu’il faudrait tenir des discours comme JUles Ferry dans les vosges aujourd’hui,dans la France de 2016,anomique pour beaucoup?
    Or je pressens ,pour le moins,des réactions trés hostiles face à un discours aussi brut,le meilleur enseignement de la laîcité ne doit il pas être celui de l’intransigeance vis à vis du respect de la laïcité à la française,sous des allures d’indifférence non agressives?
    Le poids de nos institutions ,n’est il pas suffisant pour que sans bourrage de crâne dans les lycées et collèges,la laïcité ,au top en France,ne soit pas remise en cause?

    • Descartes dit :

      @ luc

      [Justement, je rêve d’un retour aux années 60, ou enfant je proférai un athéisme à tout crin qui serait adapté de nos jours.]

      Ah… on ne guérit pas de son enfance, comme disait l’autre. Mais le temps passe, et laisse des cicatrices… j’ai été moi aussi un athée « à tout crin », et puis un jour mon père est décédé, et alors j’ai compris combien il est terrible de ne pas avoir de religion, de ne pas pouvoir se consoler avec l’idée d’un « au-delà » ou les êtres chers que nous avons perdu nous attendent. Depuis, je suis toujours athée, parce que la croyance ne se commande pas. Mais je suis peut-être un peu plus tolérant envers les gens qui croient.

      [Ne croyez vous pas qu’il faudrait tenir des discours comme Jules Ferry dans les vosges aujourd’hui, dans la France de 2016, anomique pour beaucoup?]

      Certainement… mais qui aujourd’hui serait crédible pour les tenir ? Najat Vallaud-Belkacem ?

      [Or je pressens, pour le moins, des réactions très hostiles face à un discours aussi brut, le meilleur enseignement de la laïcité ne doit il pas être celui de l’intransigeance vis à vis du respect de la laïcité à la française, sous des allures d’indifférence non agressives?]

      Des réactions « très hostiles » ? Peut-être dans les classes bavardantes. Mais je ne pense pas qu’un tel discours, s’il était suivi par les actes, serait accueilli avec hostilité par l’immense majorité de nos concitoyens. Le problème est précisément là, dans l’articulation entre le discours et les actes : les gens sont fatigués des hommes politiques qui prêchent la laïcité mais qui sont prêts à tous les arrangements avec le communautarisme pour avoir la paix ou ramasser des voix.

      [Le poids de nos institutions, n’est il pas suffisant pour que sans bourrage de crâne dans les lycées et collèges, la laïcité, au top en France, ne soit pas remise en cause?]

      Non. La laïcité est un combat quotidien, parce que le propre des religions est de vouloir s’approprier la sphère publique, et qu’elles empiètent sur lui à la moindre distraction. Le problème est que les combattants laïques sont aujourd’hui mal formés et mal soutenus par leurs propres institutions. Je discute souvent avec des enseignants sur ce sujet, et je peux vous dire que chacun a une idée personnelle de la laïcité différente des autres, et surtout différente de ce que ce concept représente dans nos institutions. Comment voulez-vous que les jeunes s’y retrouvent, entre le professeur qui leur explique que la laïcité « c’est la tolérance de toutes les croyances », celui qui leur explique que la laïcité « c’est traiter toutes les croyances à égalité », et celui qui, connaissant l’histoire, leur montrera que la laïcité c’est l’INDIFFERENCE DE LA SPHERE PUBLIQUE A LA RELIGION ?

  40. Trublion dit :

    Bonjour,

    Je me suis posé une question saugrenue aujourd’hui. Et si le meilleur élève des économies communistes n’avait pas été l’ex URSS mais la France des années 60 – 80 ?
    En effet les secteurs stratégiques (banques, énergie, etc) étaient sous le contrôle de l’Etat et donc de la nation. Les effets de l’exploitation dans le secteur privé étaient en partie contrebalancés par l’impôt progressif et la redistribution qui s’en suivait. La DATAR et le commissariat au PLAN planifiaient l’aménagement du territoire et les orientations économiques du pays.
    Sans le savoir, la France aurait donc été un pays communiste qui a compris qu’à certains endroits il avait besoin de la régulation des prix par le marché.

    • Descartes dit :

      @ Trublion

      [Je me suis posé une question saugrenue aujourd’hui. Et si le meilleur élève des économies communistes n’avait pas été l’ex URSS mais la France des années 60 – 80 ?]

      Il ne faudrait tout de même pas exagérer. Le communisme en tant que mode de production se caractérise par la fin de l’exploitation du travail humain, c’est-à-dire, de l’extraction de plus-value par le propriétaire du capital. La France des « trente glorieuses » reste une économie capitaliste, ou les propriétaires du capital gagnent de l’argent en dormant grâce au travail de leurs salariés. Ce n’est en rien une « économie communiste ».

      On peut par contre soutenir que la France de cette époque a pousse presque aussi loin que l’on peut la socialisation de l’économie sans franchir le pas vers une économie socialiste. Oui, dans la France des « trente glorieuses » presque la moitié du PIB était socialisé, dont une partie des « grands moyens de production et d’échange ». Oui, pour gouverner cette économie socialisée la France a repris les idées « planistes » aux mêmes sources que les économistes soviétiques des années 1930. Oui, l’organisation du marché du travail avait permis une répartition de la valeur ajoutée entre capital et travail qui mettait la plus-value extraite à un niveau très raisonnable. Mais cela ne fait pas pour autant un socialisme clandestin…

      Cela étant dit, cet exemple montre qu’une économie socialisée et bien régulée est possible !

  41. @Descartes
    « Les couches populaires n’accepteraient pas une école réactionnaire. »

    La citation ne disait pas exactement cela. Et le développement de l’éducation populaire à la fin du XIXème illustre une vraie réticence des classes populaires à confier leurs enfants à l’Instruction publique.

    « Comment former une nation, une communauté solidaire, si chacun a « son » école et ne partage donc pas des références avec ses concitoyens ? »

    Si l’on suit votre raisonnement, la nation française n’existait pas avant la Troisième République… La formation d’une culture nationale et de références partagées ne découlent pas simplement d’une éducation homogène.

    « L’école de la IIIème a formé autant des leaders révolutionnaires que des leaders réactionnaires. »

    A partir du moment où elle était obligatoire, on ne peut guère s’en étonner.

    « Peut-être parce qu’en 1940 les « pacifistes » et autres « défaitistes » ont pu mettre en œuvre leur vision. »

    Il ne vous aura pas échappé que le contexte était très différent. Par exemple, l’Action française, prompte à rejoindre l’Union Sacrée en 1914, était curieusement devenue très « pacifiste » au cours des années 30 et 40… Inversement, la position de Blum face à une guerre contre l’Allemagne n’était plus celle de Jaurès.

    « Je pense que beaucoup de « marxistes » se sont trompés sur la signification du fait national et de cette « solidarité inconditionnelle ». »

    Au risque de vous agacer, les guillemets sont encore de trop. Ni Marx ni aucun marxiste de la période 1880-1920 n’ont jamais mis en valeur la Nation, et surtout pas en lieu et place d’une solidarité de classe internationale (« les prolétaires n’ont pas de patrie », dit le Manifeste)… Les tentatives de formation d’un « socialisme national » se font en rupture avec le marxisme, comme le montre l’exemple du belge Henri de Man (Au-delà du marxisme, 1926), qui finira par rejoindre la collaboration… Ce n’est qu’après 1945 que les choses changent, et encore, uniquement pour le P.C.F et ses compagnons de route, qui n’ont pas le monopole du marxisme :

    « L’Etat a été l’instance super structurale de la répression capitaliste. C’est pourquoi Marx le dénonce. Mais aujourd’hui, avec la mondialisation, le renversement est total. Alors que l’Etat-Nation a pu être le moyen d’oppression d’une classe par une autre, il devient le moyen de résister à la mondialisation. C’est un jeu dialectique. » -Michel Clouscard, Entretien avec Aymeric Monville, « Le génie marxiste d’aujourd’hui », in L’évadé n° 8.

    « Il n’y a qu’à voir ce qui se passe lorsque cette solidarité inconditionnelle se trouve affaiblie par la mondialisation… »

    Ce n’est pourtant pas la main invisible de la mondialisation qui guide les réformes de l’Éducation nationale.

    « J’avais l’impression de ne pas avoir répondu totalement à votre objection, et c’est pourquoi je vais faire un développement un peu plus long. »

    Je vous en remercie. Il est vrai que j’ai tendance à écrire avec un certain nombre de sous-entendus qui peuvent susciter ce type d’impression.

    « Historiquement, il y a deux types de postures “révolutionnaires”. »

    Vous avez tout à fait raison de faire cette distinction, qui est d’autant plus intéressante qu’elle ne recoupe pas l’opposition entre « communisme de parti » (Lénine, Mao, etc.) et « communisme de conseils » (Rosa Luxembourg, Castoriadis, les situationnistes, etc.). On peut néanmoins douter que l’attentisme soit aussi révolutionnaire que le millénarisme. C’est à vrai dire un vieux débat (cf la polémique contre Bernstein, ou les attaques répétés de Georges Sorel contre Jaurès).

    • Descartes dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      [« Les couches populaires n’accepteraient pas une école réactionnaire. ». La citation ne disait pas exactement cela.]

      Non, mais elle le suggérait. L’idée qu’une école « réactionnaire » pourrait conduire à l’apparition d’écoles alternatives ou l’on « enseignera des principes totalement opposés, inspirés d’un idéal socialiste ou communiste » impose cette interprétation.

      [Et le développement de l’éducation populaire à la fin du XIXème illustre une vraie réticence des classes populaires à confier leurs enfants à l’Instruction publique.]

      Je ne vois pas où vous voyez ces « réticences ». Chez les paysans, l’école a du s’adapter au fait que les enfants avaient une fonction économique, notamment à certaines époques de l’année où l’exploitation manquait de bras. Mais chez les ouvriers il n’y a pas de véritable résistance dès lors que la loi interdit aux enfants de moins de 12 ans de travailler. Si résistance il y a eu, c’est moins du fait des contenus enseignés à l’école que de la valeur économique des enfants.

      [« Comment former une nation, une communauté solidaire, si chacun a « son » école et ne partage donc pas des références avec ses concitoyens ? ». Si l’on suit votre raisonnement, la nation française n’existait pas avant la Troisième République… La formation d’une culture nationale et de références partagées ne découlent pas simplement d’une éducation homogène.]

      D’abord l’école ne commence pas avec la IIIème République. La Révolution se pose déjà avec acuité le problème, et cherche à développer un système d’éducation accessible à l’ensemble des classes sociales. Avec Napoléon, on a déjà un lycée d’Etat dans chaque préfecture. Le mérite de la IIIème République est d’unifier et de rendre systématique la scolarisation.

      Dans le sens moderne du terme, la France ne devient une nation unifiée qu’au cours du XIXème siècle. Et l’école a été, avec l’armée, un instrument essentiel de cette unification.

      [« Peut-être parce qu’en 1940 les « pacifistes » et autres « défaitistes » ont pu mettre en œuvre leur vision. ». Il ne vous aura pas échappé que le contexte était très différent.]

      La seule « différence », c’était l’expérience de la première guerre mondiale. En 1914, ce sont les « bellicistes » qui l’ont emporté, et la France n’a pas connu la défaite et l’occupation. En 1940, le poids du grand massacre de 14-18 a renforcé les « pacifistes ». La France a connu la défaite et l’occupation.

      [Inversement, la position de Blum face à une guerre contre l’Allemagne n’était plus celle de Jaurès.]

      Quand ? Lorsqu’il fut au pouvoir en 1936, Blum s’est conduit dans la droite ligne du pacifisme jaurésien. Et s’il a changé d’avis en 1939, c’était plus par antisoviétisme qu’autre chose.

      [« Je pense que beaucoup de « marxistes » se sont trompés sur la signification du fait national et de cette « solidarité inconditionnelle ». ». Au risque de vous agacer, les guillemets sont encore de trop. Ni Marx ni aucun marxiste de la période 1880-1920 n’ont jamais mis en valeur la Nation, et surtout pas en lieu et place d’une solidarité de classe internationale (« les prolétaires n’ont pas de patrie », dit le Manifeste)… ]

      Ca ne « m’agace » nullement. Nous sommes d’accord. Les guillemets que vous critiqués ne sont pas des guillemets de citation, mais une manière de marquer qu’il ne s’agit pas d’une expression consacrée et que je l’utilise avec un sens particulier que j’ai défini par ailleurs.

      Pour en revenir au fond, je suis d’accord avec vous : ni Marx ni les marxistes de la période 1880-1920, avec de rares exceptions, ne mettent en valeur la Nation, pas plus qu’ils n’en font un concept fondamental de leur réflexion, confondant allègrement « nation » et « patrie ». On peut accordera à Marx des circonstances atténuantes : lorsqu’il écrit le « manifeste », la nation est un concept nouveau, une entité en formation. Ses successeurs de 1920, eux, méritent moins mon indulgence… La question se retrouve avec la notion d’Etat, qui du temps de Marx est une entité essentiellement répressive, mais qui avec la formation des « nations de citoyens » prend un caractère très différent…

      [Les tentatives de formation d’un « socialisme national » se font en rupture avec le marxisme, comme le montre l’exemple du belge Henri de Man (Au-delà du marxisme, 1926), qui finira par rejoindre la collaboration…]

      Oui, enfin… vous oubliez une tentative interne au marxisme, celle du « socialisme dans un seul pays » du camarade Joseph Vissarionovitch…

      [Ce n’est qu’après 1945 que les choses changent, et encore, uniquement pour le P.C.F et ses compagnons de route, qui n’ont pas le monopole du marxisme :]

      Vous parlez de la France, je suppose. Mais ce mouvement est commun à l’ensemble des partis communistes. La dissolution de l’Internationale communiste, la transformation des partis communistes de « sections de l’internationale » en institutions nationales revendiquant les symboles et l’histoire de chaque pays a été une constante de la branche léniniste du marxisme.

      Oui, 1945 marque une double rupture : la prise de conscience que le processus de constitution d’une « nation de citoyens », commencé au XIXème siècle, a abouti, et que par voie de conséquence le rôle de l’Etat a changé. Personnellement, je trouve dommage que les partis communistes aient mis du temps à faire un retour critique sur le marxisme, et notamment qu’ils aient continué si longtemps d’utiliser des textes sur l’Etat ou sur la « patrie » qui parlaient en fait d’institutions d’un autre temps, qui n’existaient plus que sur une forme très différente de celle que Marx avait connue.

      [« Il n’y a qu’à voir ce qui se passe lorsque cette solidarité inconditionnelle se trouve affaiblie par la mondialisation… ». Ce n’est pourtant pas la main invisible de la mondialisation qui guide les réformes de l’Éducation nationale.]

      Bien sur que si, et cette main invisible s’appelle « classes moyennes ». La couche sociale qui bénéficie considérablement de la mondialisation…

      [On peut néanmoins douter que l’attentisme soit aussi révolutionnaire que le millénarisme.]

      Pourquoi ? Comme disait je ne sais plus qui, la fonction du révolutionnaire est de faire la révolution. Un « millénariste » qui ne fait pas la révolution, genre Arlette Laguillier, est donc aussi « révolutionnaire » qu’un « attentiste » comme Georges Marchais. La supposition implicite dans votre affirmation est que les « millénaristes » tendent à accélérer les révolutions, alors que les « attentistes » tendent à la ralentir. Mais cela n’a rien d’évident. Les révolutions ont une dynamique propre, et si les révolutionnaires peuvent – c’est la thèse de Lénine – influencer leur issue, ils n’ont aucun moyen d’en fixer la date…

      [C’est à vrai dire un vieux débat (cf la polémique contre Bernstein, ou les attaques répétés de Georges Sorel contre Jaurès).]

      Et un débat qui n’a jamais été tranché d’une manière convainquante…

    • Françoise dit :

      au “révolutionnaire attentiste” (j’aime beaucoup cette expression qui vous caractérise tout à fait!)

      Votre analyse de la réticence des classes populaires à confier leur enfant à l’Instruction Publique est erronée et vous faites un contresens historique en l’attribuant à l’absentéisme estival dû aux travaux des champs. En 1870, 90% des enfants étaient scolarisés, c’est à dire inscrits à l’école, qu’ils s’en absentent un jour ou un mois ou pas du tout, ce processus de massification ayant été amorcé par la loi Guizot 1833.
      Il faut replacer le discours de Jules Ferry dans le contexte anticlérical de l’époque et dans sa volonté de laïciser l’enseignement non seulement dans l’élaboration des programmes (cf le manuel d’instruction civique de Paul Bert) mais surtout dans l’exclusion des congrégations religieuses qui enseignaient dans les écoles publiques subventionnées par les communes.
      La laïcisation a entraîné un large mouvement de désaffection de l’école publique par de nombreuses familles effrayées par la perte de la morale religieuse et l’arrivée des idées révolutionnaires au sein de l’école; ces familles ont suivi les congrégations dans des écoles privées nouvellement créées pour contourner cette laïcisation.

      (toute ressemblance avec des faits postérieurs n’est pas tout à fait fortuite…)

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      Je me demandais combien de temps « Soleil Vert » allait attendre pour reprendre son pseudo habituel…

      [Votre analyse de la réticence des classes populaires à confier leur enfant à l’Instruction Publique est erronée]

      Si vous le dites… cela étant dit, vous ne détaillez ni en quoi consiste mon « erreur », ni les éléments factuels sur lesquels vous vous fondez pour arriver à cette conclusion. Vous semblez toujours croire qu’il vous suffit de déclarer « vous vous trompez » pour que le fait soit établi…

      [et vous faites un contresens historique en l’attribuant à l’absentéisme estival dû aux travaux des champs.]

      Je ne fais aucun « contresens historique ». Le fait que les écoles publiques adaptaient leur calendrier aux besoins économiques locaux est un fait historique, rapporté par plusieurs historiens de l’éducation mais aussi par des témoins de l’époque. Je vous recommande le livre de Gaston Bonheur, « qui a cassé le vase de Soissons ? » où il l’explique avec beaucoup d’humour. Louis Pergaud, qui fut instituteur au début du XXème siècle, en parle aussi.

      [En 1870, 90% des enfants étaient scolarisés, c’est à dire inscrits à l’école, qu’ils s’en absentent un jour ou un mois ou pas du tout, ce processus de massification ayant été amorcé par la loi Guizot 1833.]

      J’aimerais bien connaître l’origine de ce chiffre. Parce que la question ici est la durée de la scolarisation. Envoyer à l’école un enfant de six à neuf ans ne représentait pas pour les parents une grande perte économique. Mais dans certains métiers, un enfant de dix ans pouvait commencer à travailler et apporter à la marmite familiale. L’envoyer à l’école représentait donc une charge économique non négligeable.

    • Françoise dit :

      Pas d’embrouille s’il vous plait: je ne suis pas “soleil vert” et n’ai jamais changé de pseudo; d’ailleurs je ne me reconnais pas du tout dans son verbiage maladroit.
      En revanche vous pourriez changer le vôtre en “révolutionnaire attentiste” qui vous va comme un gant, bien mieux que cette usurpation de Descartes.
      Jonathan R Razorback vous parlait de la vague de méfiance des familles française vis à vis de l’école publique à l’arrivée des républicains en 1877, je vous en explique la raison que vous pouvez aller vérifier par vous même au lieu de vous fier à votre roman national, ainsi que les chiffres qui ne sortent pas de mon chapeau;
      Ainsi, vous auriez le droit pour votre part d’affirmer que “Si résistance il y a eu, c’est moins du fait des contenus enseignés à l’école que de la valeur économique des enfants.”, sans sources, sans chiffres, et vous m’incendiez quand je vous dis que vous vous trompez?
      Quand vous parlez de techniques EPR et bidule machin, je n’interviens pas car je n’y connais rien et, en outre, cela ne m’intéresse pas, mais ne venez pas pérorer des idées fausses dans un domaine que je connais car votre mauvaise foi est évidente.
      fin de l’épisode et prenez des vitamines.

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [Pas d’embrouille s’il vous plait: je ne suis pas “soleil vert” et n’ai jamais changé de pseudo; d’ailleurs je ne me reconnais pas du tout dans son verbiage maladroit.]

      Si ça vous amuse de jouer à ce jeu là…

      [En revanche vous pourriez changer le vôtre en “révolutionnaire attentiste” qui vous va comme un gant, bien mieux que cette usurpation de Descartes.]

      Comme d’habitude, avec vous l’agression n’est jamais loin. Adieu.

  42. Souvarine dit :

    Descartes,

    Vous n’avez donc rien à dire Descartes sur cette loi du 8 mars 2016 ? votre blog n’est-il pas justement le lieu où l’on devrait débattre de sujets qui sont, et pour cause, cachés au peuple : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=F45BEE660BD1B7636BDEA58FE0C3E614.tpdila14v_1?cidTexte=JORFTEXT000032164264&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000032164261

    Citation : “L’article 17 de la loi crée une carte de séjour pluriannuelle de quatre (ou deux ans) qui sera délivrée «au terme d’une première année de séjour régulier». Jusqu’alors, le système français reposait sur la délivrance d’une carte de séjour d’un an renouvelable pendant cinq ans, avant d’accéder au titre de résident de dix ans. Les cinq ans de séjour temporaire constituaient une période probatoire, destinée à s’assurer d’une bonne intégration. Désormais, dès l’expiration du visa de long séjour d’un an, l’étranger obtient le droit à un titre de séjour consolidé, ne nécessitant pas un renouvellement annuel, d’une durée de quatre années, avant l’obtention du titre de dix ans.”

    http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2016/03/08/31001-20160308ARTFIG00241-immigration-cette-loi-votee-en-catimini-qui-elargit-le-droit-du-sol.php

    MLP, toute aussi muette comme une carpe que les Républicains, mais c’est bien sûr ! Pas étonnant que le père tâche de lui mettre des bâtons dans les roues !

    Heureusement que les plus hardis ne se contentent pas des paroles creuses des politiques !

    • Descartes dit :

      @ Souvarine

      [Vous n’avez donc rien à dire Descartes sur cette loi du 8 mars 2016 ? votre blog n’est-il pas justement le lieu où l’on devrait débattre de sujets qui sont, et pour cause, cachés au peuple :]

      Franchement, on ne peut pas dire raisonnablement qu’une loi publiée au journal officiel soit « cachée au peuple ».

      Je n’ai pas très bien compris ce qui vous gêne dans cette loi. Jusqu’ici, les étrangers résidant régulièrement en France recevaient pendant les cinq premières années une carte de séjour d’une durée d’un an. Le renouvellement de ces titres imposait une lourde charge aux préfectures et une perte de temps considérable aux demandeurs, et comme l’administration n’arrivait pas à suivre les étrangers concernés vivaient la moitié du temps sans carte de séjour, avec des récépissés temporaires émis par les préfectures dans l’attente de l’émission de la carte en bonne et due forme.

      Le nouveau système institue une première carte d’un an, puis une carte pluriannuelle de quatre ans pour compléter cette première période de cinq ans. Cela ne change pas grande chose en pratique. Car la carte pluriannuelle instituée par le texte n’est pas un droit acquis : « L’étranger titulaire d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de séjour pluriannuelle doit être en mesure de justifier qu’il continue de remplir les conditions requises pour la délivrance de cette carte. L’autorité administrative peut procéder aux vérifications utiles pour s’assurer du maintien du droit au séjour de l’intéressé et, à cette fin, convoquer celui-ci à un ou plusieurs entretiens. Si l’étranger cesse de remplir l’une des conditions exigées pour la délivrance de la carte de séjour dont il est titulaire, fait obstacle aux contrôles ou ne défère pas aux convocations, la carte de séjour peut lui être retirée ».

      De même, sur la naturalisation, « le figaro » exagère en voyant un bouleversement du droit. En pratique, la loi ne fait que préciser le principe d’unité de nationalité dans la famille, qui est un principe fondamental de notre droit de la nationalité, en accordant la possibilité de naturalisation par déclaration des enfants qui auront vécu en France entre l’âge de six et dix-huit ans (soit douze ans de résidence), qui ont suivi leur scolarité obligatoire dans un établissement français sous contrôle de l’Etat, et qui ont un frère né en France. Une personne qui se retrouverait dans ces conditions aurait toutes les chances de se voir naturalisée si elle faisait la demande. La disposition ne fait donc que simplifier les démarches.

  43. Soleil vert dit :

    A l’auteur de ce blog,

    “Mais justement, la position de Soleil Vert est la négation de toute « responsabilité personnelle ». Que nous dit elle ? Que les vices des enfants sont en fait la faute des parents, qui n’ont pas fait leur boulot”

    Je n’ai pas du tout mis l’accent sur la négation de toute responsabilité personnelle !
    J’ai appuyé sur le fait que ceux qui décident de mettre des enfants au monde étaient les premiers responsables des échecs de leurs enfants, si faute de moyens ou de volonté, ils ne mettaient pas tout en oeuvre pour que ceux-ci ne restent pas à quai, comme eux ! Et mieux pour que leur avenir soit plus radieux que n’a été le leur !

    J’ai aussi précisé que ceux qui étaient affublés d’une famille j’men foutiste, pouvaient aussi ne pas s’apitoyer sur leur sort et se battre, avec le soutien des institutions ou non, armés de leur seule volonté ! mais bon, pour parvenir à s’émanciper d’un climat familial tirant vers le bas, il faut déjà avoir pour fortune, quelques bonnes prédispositions pour les études !
    Ceux qui n’ont même pas la chance d’avoir un bon patrimoine neuronal, effectivement, ils sont foutus en cas d’insouciance et d’irresponsabilité de la famille !

    Ceux que je fustige, ce ne sont pas à tout prix ceux qui décident d’avoir une famille nombreuse mais ceux qui s’en lavent ensuite les mains du sort de leur progéniture (allocations multiples aidant à ce laxisme). Qu’on limite les allocations familiales à 3 enfants et on verra si certains continueront d’en avoir au-delà !

    Sinon, à suivre votre raisonnement, c’est comme si on considérait qu’un maitre ayant abandonné son animal, n’est pas responsable de cet abandon ! Ce serait donc le pauvre animal qui serait à blâmer pour ne pas avoir réussit à rendre son maître meilleur !

    Cela participe du même comportement pernicieux, le fait de faire des enfants sans se soucier des conséquences quant au coût de leurs études futures, et celui d’abandonner lâchement son animal, parce qu’adopté à la légère, sans aucune projection quant au coût de son entretien !

    Et par rapport aux enfants, futurs nourriciers de leurs parents, il y a pourtant des hommes et des femmes qui restent célibataires et n’ont pas de désirs d’enfants ! Et bien ceux-là ne se préoccupant pas de savoir qui s’occupera d’eux sur leurs vieux jours, vous voyez bien que vos clichés datent un peu !

    “Je me demandais combien de temps « Soleil Vert » allait attendre pour reprendre son pseudo habituel…”
    Bonjour, la parano…..

    • Descartes dit :

      @ Soleil Vert

      [Je n’ai pas du tout mis l’accent sur la négation de toute responsabilité personnelle ! J’ai appuyé sur le fait que ceux qui décident de mettre des enfants au monde étaient les premiers responsables des échecs de leurs enfants,]

      En d’autres termes, leurs enfants ne sont nullement responsables de leurs propres échecs. Ils ne sont que des victimes de leurs parents. Mais les parents eux-mêmes, sont ils responsables de leur échec comme parents ? Non plus, puisque ce sont leurs propres parents qui en sont « les premiers responsables ». Et ainsi, on remonte jusqu’à Adam et Eve… remarquez, eux aussi ont eu un père caractériel, qui leur a interdit on ne sait pas pourquoi de manger le fruit de l’arbre du jardin sans qu’on sache très bien pourquoi.

      [Sinon, à suivre votre raisonnement, c’est comme si on considérait qu’un maitre ayant abandonné son animal, n’est pas responsable de cet abandon !]

      Les enfants ne sont pas tout à fait des animaux, même si certains se donnent une certaine peine pour le faire oublier.

      [Et par rapport aux enfants, futurs nourriciers de leurs parents, il y a pourtant des hommes et des femmes qui restent célibataires et n’ont pas de désirs d’enfants ! Et bien ceux-là ne se préoccupant pas de savoir qui s’occupera d’eux sur leurs vieux jours, vous voyez bien que vos clichés datent un peu !]

      Pas vraiment. Les hommes et femmes célibataires ont toujours été beaucoup plus rares dans les couches populaires que dans les classes fortunées (eh oui, quand vous avez de la fortune, vous n’avez pas besoin d’enfants pour vous entretenir). Et ils sont encore moins nombreux dans les couches populaires là où il n’existe pas des systèmes de prévision vieillesse. Désolé si ça vous choque, mais le « désir d’enfant » est une invention de sociétés riches et à forte protection sociale. Chez les pauvres, c’est moins un « désir » qu’un « besoin ».

      [“Je me demandais combien de temps « Soleil Vert » allait attendre pour reprendre son pseudo habituel…”. Bonjour, la parano…..]

      Comme on connaît ses saints on les honore…

  44. Soleil vert dit :

    “En d’autres termes, leurs enfants ne sont nullement responsables de leurs propres échecs. Ils ne sont que des victimes de leurs parents. …”

    J’ai développé dans mon mail précédent, à propos de ceux qui justement s’en sortent et ne sont nullement les victimes de parents toxiques, parce qu’ils sont, entre autres, intelligents (et oui, heureusement ce n’est pas réservé qu’aux riches) et capables donc de rompre la spirale infernale…mais visiblement vous essayez, sans succès, de me faire dire ce que je ne pense pas du tout…et non, je ne suis pas “Françoise” !

    • Descartes dit :

      @ Soleil Vert

      [« En d’autres termes, leurs enfants ne sont nullement responsables de leurs propres échecs. Ils ne sont que des victimes de leurs parents… ». J’ai développé dans mon mail précédent, à propos de ceux qui justement s’en sortent et ne sont nullement les victimes de parents toxiques,]

      Attendez : s’ils ne s’en sortent pas, c’est la faute des parents. Mais s’ils s’en sortent, c’est grâce à eux-mêmes. J’ai bien compris ? Moralité : tout ce qui est mauvais chez moi est la faute des autres, tout ce qui est bon est mon propre mérite. Plus irresponsable que ça, tu meurs.

      [mais visiblement vous essayez, sans succès, de me faire dire ce que je ne pense pas du tout…]

      Au contraire : vous dites assez facilement ce que vous pensez vraiment. Et c’est bien là le problème…

      [et non, je ne suis pas “Françoise” !]

      Methinks the lady doth protest too much… Avouez que c’est curieux : vous avez le même style abrasif, vous exposez les mêmes idées… et pour couronner le tout votre apparition coïncide avec un retour du pseudo « Françoise » qui avait été muet pendant des mois. Ajoutez que la chère Françoise s’est déjà caché sous un faux pseudo… Je laisse les lecteurs juges.

    • Françoise dit :

      au faux descartes,

      Deux mois sans vous parler et je m’aperçois que je vous ai manqué… quelle bonne blague.
      Mais voyez-vous, j’ai horreur du blabla et vos derniers billets ne m’intéressaient pas.

      A quel jeu jouez-vous? A qui pensez-vous quand vous dites que j’ai un autre pseudo?
      Comment pouvez-vous affirmer de telles accusations sans preuve?
      Vous pouvez pourtant bien tracer mon IP et voir que ce n’est pas celle de “soleil vert”, non?

      Quant aux “idées” de “soleil vert”:
      Mes cinq enfants s’en sortent pas mal en tout cas, ni plus intelligents ni plus cons que leur camarades, et ne se reconnaîtraient dans aucun de ses cas de figure.

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [au faux descartes,]

      C’est ce genre d’agressions infantiles qui rend votre présence désagréable. Dernier avertissement. Je profite pour vous signaler que les messages n’apportant rien au débat et ne contenant que des invitations à me faire soigner et autres du même genre vont directement à la poubelle.

      [Deux mois sans vous parler et je m’aperçois que je vous ai manqué… quelle bonne blague.]

      En effet, c’est une bonne blague. Non, vous ne m’avez absolument pas manqué. Plutôt le contraire, en fait.

      [A quel jeu jouez-vous? A qui pensez-vous quand vous dites que j’ai un autre pseudo?]

      Je ne vais pas perdre mon temps avec vos petits jeux. Je vous rappelle que vous avez-vous-même admis avoir utilisé le pseudo « Germaine » en mars de l’année dernière.

      [Vous pouvez pourtant bien tracer mon IP et voir que ce n’est pas celle de “soleil vert”, non?]

      Je ne le peux pas, et quand bien même je le pourrais cela ne prouverait rien. Un numéro IP caractérise un ordinateur donné à un moment donné, et non une personne. Je note en tout cas, en plus des « coïncidences » que j’ai signalé, que vos messages et ceux de Soleil Vert sont en général séparés d’un délai très court, de l’ordre de la quinzaine de minutes. Vous êtes donc deux personnes qui, par un étrange hasard, vous connectez en même temps… étonnant, non ?

      [Mes cinq enfants s’en sortent pas mal]

      Normal, ils ont une mère exceptionnelle…

    • Antoine dit :

      @Descartes

      “Je laisse les lecteurs juges.”

      Puisque vous nous laissez cette prérogative, je me permets de vous trouver un peu parano sur ce coup 😉 S’il y a des ressemblances dans la prose de “Françoise” et de “Soleil Vert”, il y a aussi des dissemblances (notamment le style : beaucoup de points d’exclamation chez l’une, de l’ironie froide et de petites piques qui vous font tourner en bourrique chez l’autre…).

      Quant à la similarité des idées exprimées, vous savez bien que la panoplie des idées disponibles à “gauche” n’est pas si large… surtout les idées dominantes chez les “classes moyennes”. Difficile d’être très discriminant à partir de quelques messages de forum.

      Bref, s’il m’est arrivé de remarquer quelque très forte similarité (par exemple entre “luc” et quelque ancien pseudo), je ne trouve pas que ce soit le cas ici. “Your mileage may vary”, comme disent nos amis américains…

    • Descartes dit :

      @ Antoine

      [Puisque vous nous laissez cette prérogative, je me permets de vous trouver un peu parano sur ce coup 😉 S’il y a des ressemblances dans la prose de “Françoise” et de “Soleil Vert”, il y a aussi des dissemblances (notamment le style : beaucoup de points d’exclamation chez l’une, de l’ironie froide et de petites piques qui vous font tourner en bourrique chez l’autre…).]

      Avant de fermer ce sujet, je rappelle que la dite Françoise avait déjà, sous le pseudonyme de « Germaine » joué ce jeu de se créer un personnage, et que là aussi elle avait joué sur le style pour donner une crédibilité à sa création. Mais je ne voudrais pas que ce blog devienne le lieu d’échange sur ce genre de jeux pervers : ce blog ne deviendra pas « le blog où l’on discute si Françoise et Soleil Vert sont la même personne », sujet qui, vous me l’accorderez, présente fort peu d’intérêt. On voit dans beaucoup de blogs des personnalités narcissiques qui cherchent à devenir LE sujet de discussion…

  45. Soleil vert dit :

    “Attendez : s’ils ne s’en sortent pas, c’est la faute des parents. Mais s’ils s’en sortent, c’est grâce à eux-mêmes. J’ai bien compris ?”

    Non, vous n’avez pas bien compris, mieux, vous faites de la broderie.
    Je pense juste (oh, horreur) que le statut de “victime”, n’est pas une obligation face à une situation désavantageuse, pour soi ! rien de plus, rien de moins. Pour le reste, je ne retire pas un mot de ce que j’ai dit quant à la responsabilité des parents !

    “vous dites assez facilement ce que vous pensez vraiment. Et c’est bien là le problème…”

    Ah, parce que pour vous, c’est un problème que des opinions différentes des vôtres soient exprimées, OK ! Pour ma part, je ne cherche à convaincre personne ! mes idées sont ce qu’elles sont et ce sont les miennes ! Si je viens sur le net, ce n’est pas pour m’entendre dire que j’ai tort ou raison, mais bien pour élargir le champ de ma vision sur un sujet donné ! Libre à moi ensuite de bifurquer si je l’estime nécessaire, si les propos d’untel m’ont convaincus ou de rester sur mon cheminement. Je veux bien prendre d’autres chemins que le mien mais côte à côté, ni devant, ni derrière !

    Vous faites erreur en me prenant pour Françoise. C’est surtout elle que ça n’honore pas, cette confusion que vous faites, vu qu’elle trouve mon verbiage maladroit. Nous ne sommes toutes les deux pas du tout sur le même registre mais si on traite de sujets similaires, si vous y regardez de plus près ! elle, elle truffe ses interventions de faits historiques et moi je me situe davantage dans une approche philosophique !
    Dites-vous que tout ça n’est pas bien grave ! Vous ne tenez qu’un simple blog (trop élitiste ? au point que toute parole n’est pas bonne à dire ?) ! pas de quoi en faire une montagne d’essuyer des propos (trop cinglants ?) que vous n’approuvez pas, tant que ni l’irrespect, ni l’impolitesse ne viennent remplacer l’argumentation !

    Là où je rejoins la dénommée Françoise, c’est sur le fait que vous êtes de mauvaise foi !

    Visiblement, vous ne vous battriez pas jusqu’à la mort pour que ceux avec qui vous n’êtes pas d’accord, aient le droit de dire ce qu’ils pensent, trop ouvertement !
    Du moins c’est plus tordu que ça encore ! vous jugez de travers ceux qui ont l’honnêteté d’exposer des idées bien à eux, contraires aux vôtres et divergeant assurément de celles de la masse et qui sont, de votre point de vue, forcément mauvaises et donc illégitimes !

    Quelle ouverture d’esprit !

    • Descartes dit :

      @ Soleil Vert

      [« Attendez : s’ils ne s’en sortent pas, c’est la faute des parents. Mais s’ils s’en sortent, c’est grâce à eux-mêmes. J’ai bien compris ? » Non, vous n’avez pas bien compris,]

      C’est pourtant ce que vous avez écrit. D’abord, vous avez soutenu que les échecs des enfants sont la responsabilité des parents, qui ne font pas le nécessaire. Ensuite, vous avez écrit que certains enfants arrivent tout de même à s’en sortir malgré leurs parents « parce qu’ils sont intelligents ». Assumez ce que vous écrivez…

      [Pour le reste, je ne retire pas un mot de ce que j’ai dit quant à la responsabilité des parents !]

      La persistance dans l’erreur n’est pas forcément une qualité.

      [« vous dites assez facilement ce que vous pensez vraiment. Et c’est bien là le problème… ». Ah, parce que pour vous, c’est un problème que des opinions différentes des vôtres soient exprimées,]

      Pour moi, non. Je n’ai pas dit que c’était « là le problème » pour moi. En fait, c’est le problème pour vous. Parce que vous exprimez des « opinions » que vous regrettez ensuite, d’où d’innombrables contorsions sur le mode « je n’ai pas dit ce que j’ai dit mais tout le contraire », et pour finir, quand vous êtes dos au mur, l’agression de votre interlocuteur. C’est une routine qu’on commence à bien connaître…

      [OK ! Pour ma part, je ne cherche à convaincre personne ! mes idées sont ce qu’elles sont et ce sont les miennes ! Si je viens sur le net, ce n’est pas pour m’entendre dire que j’ai tort ou raison, mais bien pour élargir le champ de ma vision sur un sujet donné !]

      Dans ce cas, je ne comprends pas trop l’intérêt d’exprimer vos opinions. En quoi cette expression « élargit le champ de votre vision sur un sujet donné » ? Si c’était là votre objectif, vous poseriez plus de questions et porteriez moins de jugements. Non, quiconque lit vos commentaires voit bien que votre but est non seulement d’exprimer votre opinion, mais de l’imposer aux autres.

      [Vous faites erreur en me prenant pour Françoise. C’est surtout elle que ça n’honore pas,]

      Qu’est ce que vous en savez, vous ne la connaissez même pas… du moins c’est ce que vous dites.

      [vu qu’elle trouve mon verbiage maladroit.]

      Ca aussi, je me suis demandé. Si j’avais dit que votre « verbiage » était « maladroit », je doute fort que vous eussiez laissé passer ça. Mais lorsque Françoise le dit, vous ne réagissez même pas, pire, vous vous en servez comme citation. Encore une coïncidence…

      [Visiblement, vous ne vous battriez pas jusqu’à la mort pour que ceux avec qui vous n’êtes pas d’accord, aient le droit de dire ce qu’ils pensent, trop ouvertement !]

      Je vous fais remarquer que vous vous exprimez sur mon blog très librement, et que je n’ai jamais censuré vos propos tant qu’ils restent dans les limites de la courtoisie. Ce jugement est donc non seulement faux, mais injurieux.

  46. Soleil vert dit :

    A l’auteur de ce blog

    Je ne parle jamais à la légère et franchement quand d’autres prennent la toile pour une grande aire de jeux, d’autres, comme moi, s’échinent à extirper ce qui les met en ébullition, que ça plaise ou non !

    “D’abord, vous avez soutenu que les échecs des enfants sont la responsabilité des parents qui ne font pas le nécessaire”

    Et je le soutiens toujours ! je ne regrette rien, contrairement à ce que vous extrapolez, de ce que j’ai dit ! Mettre des enfants au monde en grand nombre de surcroît, tout en sachant qu’ils auront peu de chance de gravir l’ascenseur social, c’est les condamner par avance à une mort sociale certaine et c’est égoïste et irresponsable !

    Maintenant il y a Françoise qui vient en disant “moi j’en ai cinq”, comme pour me contrer et j’imagine qu’elle fait tout pour eux, pour qu’ils soient au mieux dans leur vie d’adultes, et bien alors je lui tire mon chapeau (elle n’est pas concernée qu’elle en ait un ou cinq) !

    Je n’ai rien spécialement contre ceux qui ont une famille nombreuse, tant qu’ils assument leurs responsabilités, sinon ce sont les mômes qui n’ont rien demandé qui vont trinquer !

    Le but de “bons” parents, c’est de favoriser l’expansion de leurs enfants, de leur permettre de prendre leur envol, de ne pas les conditionner à se restreindre d’être intégralement eux-mêmes !

    Moi j’en ai même pas deux et je peux vous dire que c’est du boulot, mêlé a de la fierté que de viser le mieux pour son enfant et de constater qu’il tient la route, grâce déjà à ses propres mérites ! Le soutien et l’encouragement des parents, la fierté dans leurs yeux, c’est un bonus pour le môme, OUI !

    Et en quoi est-ce si extraordinaire de reconnaitre que certains sont plus intelligents que d’autres ? comme d’autres sont plus beaux ou d’autres en meilleur santé ! C”est comme ça, il n’y a pas de justice et dès la naissance, vous devez portez votre croix !
    Les parents doivent permettre justement à ses enfants de tirer le meilleur d’eux-mêmes, à partir de leurs caractéristiques et capacités propres !

    “vous poseriez plus de questions”
    Je comprends que vous préféreriez avoir le (beau) rôle de celui qui répond aux interrogations d’une citoyenne, forcément en manque de lumière ! Ben non, je suis suffisamment éclairée et autonome dans mon fonctionnement ! cela ne m’empêche pas que de vouloir me frotter à mon prochain ! Si ça pique un peu, pas bien grave !

    Vous non plus, vous ne me connaissez pas, et donc vouloir à tout prix raccrocher un pseudo à une personnalité donnée, née de votre imagination ne sert strictement à rien ! vous vous fatiguez pour rien à imaginer qu’untel vous double ou pas ! l’important sur un blog de débats, c’est de lancer un sujet et de provoquer l’envie, le déclic d’où en découleront d’autres sujets… mais je remarque que chacun s’adresse à vous seul et peu aux autres lecteurs ou alors de manière non assidue !

    Vous ne m’avez jamais censurée, dites-vous ? Pour quel motif, franchement, l’auriez-vous fait ? C’est votre façon à vous de m’offrir des fleurs ? et bien j’accepte le bouquet (pas empoisonné, j’espère) alors 🙂

    • Descartes dit :

      @ Soleil Vert

      [Je ne parle jamais à la légère (…)]

      Vous donnez l’exemple contraire ci-dessus :

      [« D’abord, vous avez soutenu que les échecs des enfants sont la responsabilité des parents qui ne font pas le nécessaire ». Et je le soutiens toujours !]

      Dont acte. Et si les échecs des enfants sont la responsabilité des parents, il s’ensuit avec une implacable logique que les enfants n’ont pas de responsabilité dans leurs propres échecs. Ce qui contredit ce que vous aviez écrit dans votre avant dernier message. A part ça, vous ne parlez jamais à la légère.

      [Moi j’en ai même pas deux et je peux vous dire que c’est du boulot,]

      Je vous assure que vos problèmes domestiques sont pour moi, et je pense pour la plupart des lecteurs de ce blog, un sujet de suprême indifférence.

      [« vous poseriez plus de questions ». Je comprends que vous préféreriez avoir le (beau) rôle de celui qui répond aux interrogations d’une citoyenne, forcément en manque de lumière !]

      Pas particulièrement. Je me borne à constater que pour une personne qu’il y a une contradiction entre votre manière de procéder par affirmations taxatives, et votre discours selon lequel vous venez sur ce blog pour apprendre. C’est tout. Vous avez cette manie de tout ramener à une question de rapports interpersonnels. Je peux vous l’assurer : je me fous éperdument de ce que vous posiez ou non des questions.

      [Vous non plus, vous ne me connaissez pas, (…)]

      En tout cas, ce qu’on peut lire ici de vous n’en donne pas envie.

      Par ailleurs, je trouve que j’ai assez sacrifié à votre penchant narcissique qui consiste à mettre votre petite personne au centre de tout débat. C’est pourquoi c’est la dernière réponse que vous aurez de moi.

  47. Marcailloux dit :

    @Descartes,

    Bonjour,

    [Au secours, je ne comprends plus rien !]
    Bon, déjà ça me rassure
    Serait-ce le premier constat nécessaire au passage d’un univers à l’autre ?
    S’il y a une chose à comprendre de ce monde effervescent, c’est peut-être que notre capacité à l’appréhender est maintenant dépassée par la fulgurance des événements qui nous percutent, amplifiée par une médiatisation à croissance exponentielle, et qui s’applique aussi bien pour le citoyen lambda que pour nos élites.
    Si je puis me permettre cette métaphore, nous (les sociétés occidentales, à des degrés divers) sommes comme un fleuve. Et voilà, par la grâce ou l’ironie du destin que se profile, un événement prévisible ou non, en l’occurrence un barrage, organisation matérielle destinée à servir le besoin en progrès des hommes. Les masses d’eau qui se présentent sur le bief d’amont puis dans la conduite sont composées d’origines multiples et sont la conséquence d’histoires singulières qui coexistaient côte à côte en se bousculant, s’opposant, se combinant au gré des circonstances. En arrivant à la prise d’eau et à la conduite forcée ou l’accélération est telle que les lois physiques régissant l’écoulement du fleuve ne sont plus tout à fait applicables à ces nouvelles conditions. L’ordre précédent, bien établit malgré ses turbulences n’est plus en vigueur. Il va maintenant falloir passer dans les turbines qui vont accentuer le désordre pour produire en même temps une richesse : l’énergie électrique nécessaire à la poursuite du progrès, avec pour corollaire l’abolissement de l’ordre établit de l’amont.
    Et si l’eau à une quelconque intelligence, elle doit se dire : « Au secours, je ne comprends plus rien ! »
    Nous vivons probablement cette fin de cycle qui doit nous faire passer de l’avant à l’après avec la crainte des nouvelles règles qui se précisent, l’attachement aux anciennes qui nous rassurent, l’incompréhension de ce dérèglement que constitue la mutation avec le mouvement brownien qui s’y attache et nous perturbe profondément.
    J’en veux pour preuve le quasi-monopole du passé dans les commentaires de ce blog, sans tenir compte des crises d’hystérie de certaines, comme dans le discours des politiques ou des intellectuels, actuellement. Chacun se raccroche aux branches d’un passé révolu, dans l’incapacité à imaginer un futur à créer. Et les plus dangereux d’entre nous, surtout s’ils ont des responsabilités politiques, sont ceux qui prétendent justement y comprendre quelque chose de fondamental.
    Etre dépassé par les événements n’est pas une tare. C’est ne pas le reconnaître qui en est une.
    Le maillage des infinies composantes qui régissent nos sociétés est devenu tellement dense que la lumière ne passe plus à travers les lignes et que nous ne pouvons plus rien distinguer, tout se mélange, se ressemble, s’oppose, se confond, enfin bref, c’est le noir absolu.
    La technologie de l’information, pourvoyeuse de connaissances sans limite apporte en même temps la confusion et nous sommes dans l’incapacité de maîtriser cette abondance. L’émotion s’est substituée à la réflexion devant la déferlante continue d’informations stimuli et nos cerveaux n’ont plus les moyens ni le temps de faire le tri puis l’analyse.
    Les questions se bousculent bien plus vite que nous n’avons de capacité à répondre et nous voilà, la nature humaine ayant horreur du vide selon l’adage, des proies faciles pour les fournisseurs de réponses prêtes à l’emploi.
    C’est d’une révolution copernicienne dont nous avons l’impératif besoin. Et peut-être d’un nouveau Descartes qui nous ouvre la voie d’une philosophie appropriée au XXIème siècle et dont les élites pourront s’inspirer. Loin, très loin des BHL et consorts qui pérorent aujourd’hui.
    Nous sommes en présence sur ce blog, comme sur les média en général, d’un combat de rhétoriciens qui s’est peu à peu imposé à l’exposé-débat dialecticien du début. Il ne faudrait pas se diriger vers une copie internet du film « Ridicule »
    Car enfin, quelle est la question qui taraude chacun d’entre nous ? C’est la distinction du bien et du mal, tout simplement, ainsi que la désignation du point de vue suivant lequel on décide de se placer.
    Qui a raison, qui a tort, et sur quel critères ? Qui est légitime ou ne l’est pas ? Qui gagne et qui perd, et sur quel laps de temps doit-on considérer le phénomène ? Que souhaite la collectivité ? Y-a-t-il encore une collectivité ? des collectivités, une infinité de collectivités ?, c’est-à-dire un assemblage hétéroclite d’individus esseulés.
    Tout semble avoir été dit et pourtant rien n’a encore été construit du monde qui nous attend. Les penseurs et intellectuels semblent en état de sidération et ne produisent plus que du commentaire.
    La révolution numérique que nous vivons, avec ses opportunités infinies et ses risques incommensurables, ses effets impérieux sur les modes d’existence de tous les pays, ne semble pas inspirer plus que cela la fibre visionnaire de nos futurs dirigeants, ou tout au moins ceux qui prétendent le devenir. Le discours est d’un conventionnel affligeant, même chez les « quadra ». La grande majorité de la population balance entre le sentiment que son sort n’est pas si détestable que ce qui est exprimé par la bouche de certaines élites et le sentiment que la situation n’est pas éternellement durable, et qu’ainsi il lui faudra bien accepter de briser, ici ou là les bonnes vieilles habitudes et pratiques qui nous conduisent inexorablement à l’impasse. Or tout le monde se tient par la barbichette. Le premier qui . . . . . . . .
    Je reprends une autre métaphore pour exprimer ce que je ressens de notre pays. C’est le gars, un peu gras, timoré et accoutumé au confort qui doit franchir d’un bond le ruisseau. Par crainte naturelle, par pessimisme et manque de confiance, il ne se résout pas à s’élancer dans les airs en quittant momentanément la berge où il se trouve pour atterrir sur la berge opposée et ainsi il cherche à franchir l’obstacle en gardant le pied gauche sur un côté en essayant de poser le pied droit sur l’autre. Et quand bien même il y arriverait, le grand écart ainsi pratiqué le condamnerait à ne pouvoir s’extraire de cette position et à choir en fin de compte dans le ruisseau. C’est ce qui nous attend d’autant plus que l’obstacle s’élargit en permanence jusqu’à devenir bientôt une rivière.
    La France est un pays de rentiers et se comporte comme tel. Frilosité, conservatisme, égoïsme, pourraient devenir la devise nationale.
    Alors pourquoi ne pas désirer adopter une devise telle que : imagination, audace, confiance, et qui va nous tracer le paysage auquel chacun en son for intérieur souhaite que le pays accède.
    Or pour cela, il sera nécessaire de réviser et infléchir les mentalités, établir des règles précises des droits et des devoirs de tous les citoyens, appliquer une véritable équité dans l’accès et la rémunération des acteurs économiques, et surtout faire des choix de société clairs et sans ambiguïté sur l’éducation, l’économie, la citoyenneté.
    Entre les discours irréalistes des extrêmes de droite comme de gauche et les cautères sur des jambes de bois des partis de pouvoir, il n’y a actuellement aucune issue crédible.
    Voyez-vous Descartes, ce que je déplore pour la France est un peu à l’image de ce que tend à devenir votre excellent blog : un lieu de lamentation, replié sur le passé, les querelles frisant un égocentrisme puéril, quasi pathologique. Des pistes que diable, des propositions, des utopies même. Je crois sincèrement qu’il est temps que le peuple se libère de l’emprise des pouvoirs impuissants et construise les bases d’une véritable démocratie participative.
    Et tant pis pour les caciques de tous poils qui ne demandent qu’une chose : que cela dure !

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [S’il y a une chose à comprendre de ce monde effervescent, c’est peut-être que notre capacité à l’appréhender est maintenant dépassée par la fulgurance des événements qui nous percutent, amplifiée par une médiatisation à croissance exponentielle, et qui s’applique aussi bien pour le citoyen lambda que pour nos élites.]

      Je ne crois pas que notre capacité à appréhender le monde soit aujourd’hui moins grande qu’hier. Autrement, il faudrait conclure qu’il suffirait de rendre l’information moins abondante et sa transmission moins rapide pour rendre le monde plus compréhensible, ce qui semble intuitivement absurde. Mais il est vrai que les modes de médiatisation imposent au citoyen une attitude plus sélective et plus rationnelle, s’il ne veut pas se laisser saturer.

      [Nous vivons probablement cette fin de cycle qui doit nous faire passer de l’avant à l’après avec la crainte des nouvelles règles qui se précisent,]

      Une lecture attentive des textes anciens vous montrera que chaque écrivain, chaque philosophe a eu l’impression de vivre « une fin de cycle ». « Toute époque aime à se penser comme singulière », disait je ne sais plus qui. Je ne pense pas que la vision des contemporains soit très claire lorsqu’il s’agit de percevoir les transformations.

      [J’en veux pour preuve le quasi-monopole du passé dans les commentaires de ce blog, sans tenir compte des crises d’hystérie de certaines, comme dans le discours des politiques ou des intellectuels, actuellement. Chacun se raccroche aux branches d’un passé révolu, dans l’incapacité à imaginer un futur à créer.]

      A mon sens, c’est plutôt sain. On ne peut analyser une situation que sur la base du savoir accumulé à partir des situations passées. Le physicien, le chimiste, ne peuvent penser de nouvelles lois et des nouvelles expériences qu’à partir des résultats des expériences déjà faites. On ne peut « imaginer un futur » qu’à partir du passé. Déclarer le passé hors jeu est la meilleure manière de se casser la gueule. Après tout, si nous ne sautons pas par la fenêtre pour voler comme des oiseaux c’est parce que nous savons ce qui est arrivé à ceux qui l’ont tenté.

      [C’est d’une révolution copernicienne dont nous avons l’impératif besoin. Et peut-être d’un nouveau Descartes qui nous ouvre la voie d’une philosophie appropriée au XXIème siècle et dont les élites pourront s’inspirer.]

      Mais cette « nouveau Descartes », comme l’ancien, sera forcément autant en rupture qu’en continuité avec l’histoire de la pensée. Je détecte dans votre position l’idée que nous vivrions une époque singulière, que le XXIème siècle serait en rupture avec le XXème, bien plus que le XXème ne l’a été avec le XIXème. Je ne partage pas cette vision. Le changement que nous vivons nous paraît extraordinaire parce que c’est le seul que nous connaissons. Mais objectivement l’internet n’est pas plus « révolutionnaire » que ne le fut l’invention du télégraphe, de la radio ou de la télévision. Et si on a pu penser le monde tu télégraphe, de la radio et de la télévision sans un « nouveau Descartes », on pourra s’en passer pour penser celui de l’Internet.

      [Nous sommes en présence sur ce blog, comme sur les média en général, d’un combat de rhétoriciens qui s’est peu à peu imposé à l’exposé-débat dialecticien du début. Il ne faudrait pas se diriger vers une copie internet du film « Ridicule »]

      Bien sur que non. Mais je ne crois pas qu’on soit sur ce blog dans un échange purement rhétorique. Il y a un véritable effort – de ma part mais aussi et surtout de certains participants – pour amener des raisonnements, des arguments, des exemples substantiels. Je vous trouve personnellement un peu sévère sur nos échanges.

      [Car enfin, quelle est la question qui taraude chacun d’entre nous ? C’est la distinction du bien et du mal, tout simplement, ainsi que la désignation du point de vue suivant lequel on décide de se placer.]

      Ce n’est certainement pas une question qui me taraude. J’ignorais que vous aviez une position essentiellement morale…

      [Tout semble avoir été dit et pourtant rien n’a encore été construit du monde qui nous attend. Les penseurs et intellectuels semblent en état de sidération et ne produisent plus que du commentaire.]

      Vous semblez avoir une pensée téléologique. Aucun monde ne nous « attend ». Nous construisons en marchant le monde dans lequel nous allons vivre, que cela nous plaise ou pas. La France et le monde ont beaucoup changé ces trente dernières années, et ces changements doivent beaucoup aux « penseurs et intellectuels » qui ont fabriqué l’idéologie qui accompagne ce changement. Que maintenant certains d’entre eux soient horrifiés des résultats et déclarent hautement « ce n’est pas ça que nous voulions », c’est leur problème. Mais les idéologies « libérales-libertaires », multiculturalistes, anti-institutionnelles ne sont pas tombées du ciel. Les « penseurs et intellectuels » ne se contentent nullement de « commentaire ». Ils ont toujours produit et continuent à produire de l’idéologie.

      [La révolution numérique que nous vivons, avec ses opportunités infinies et ses risques incommensurables, ses effets impérieux sur les modes d’existence de tous les pays, ne semble pas inspirer plus que cela la fibre visionnaire de nos futurs dirigeants, ou tout au moins ceux qui prétendent le devenir. Le discours est d’un conventionnel affligeant, même chez les « quadra ».]

      Peut-être parce que le numérique n’est pas aussi « révolutionnaire » que les philospophes-gourous du genre Serres veulent nous faire croire. Pour le moment, le numérique n’a qu’un effet quantitatif. On fait la même chose qu’hier, en plus vite. Mais la transformation qualitative tarde à venir. La presse a imprimer, la radio, le cinéma ont créé des arts nouveaux. Le numérique n’a rien créé de tel : on fait du livre, de la radio, du cinéma « en numérique », mais les canons d’expression restent les mêmes.

      [Je reprends une autre métaphore pour exprimer ce que je ressens de notre pays. C’est le gars, un peu gras, timoré et accoutumé au confort qui doit franchir d’un bond le ruisseau. Par crainte naturelle, par pessimisme et manque de confiance, il ne se résout pas à s’élancer dans les airs en quittant momentanément la berge où il se trouve pour atterrir sur la berge opposée et ainsi il cherche à franchir l’obstacle en gardant le pied gauche sur un côté en essayant de poser le pied droit sur l’autre.]

      Mais allons jusqu’au bout de votre métaphore : demandons nous pourquoi le gars un peu gras, timoré et accoutumé au confort « doit » franchir d’un bond le ruisseau. D’où lui vient ce « devoir » ? Pourquoi ne peut-il confortablement rester du côté du ruisseau où il est ? Qu’est ce qu’il y a de l’autre côté du ruisseau qui vaut la peine de prendre le risque de la traversée ?

      L’un des problèmes de la pensée moderne est justement qu’on se pose la question des moyens sans au préalable se poser la question des buts. On nous explique qu’il faut faire telle ou telle chose pour « être compétitifs », sans jamais se demander pourquoi il faudrait entrer dans cette « compétition ». On veut une « école de la réussite » sans qu’on nous dise en quoi et pourquoi « réussir » serait plus désirable que « rater ». A la question « il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée », le dialecticien répond « je n’en vois pas la nécessité ».

      [La France est un pays de rentiers et se comporte comme tel. Frilosité, conservatisme, égoïsme, pourraient devenir la devise nationale. Alors pourquoi ne pas désirer adopter une devise telle que : imagination, audace, confiance, et qui va nous tracer le paysage auquel chacun en son for intérieur souhaite que le pays accède.]

      Quand l’imagination, l’audace, la confiance ne paient pas, on peut difficilement reprocher aux français de ne pas en faire leur devise. Les français sont en ce domaine comme dans les autres très rationnels. Ils tirent les leçons de l’expérience. Et l’expérience montre que l’audace, l’imagination, la confiance ne payent pas. Où sont les hommes politiques imaginatifs, audacieux, confiants ? Ils sont marginalisés par leur propre camp. Où sont les intellectuels qui sortent du « politiquement correct » ? On les traine devant les tribunaux où on lance contre eux des fatwas dans les colonnes de « Le Monde ». Et puis, c’est un principe connu depuis la Rome antique : les hommes partent d’autant plus facilement à l’aventure qu’ils savent qu’une maison bien tenue les attendra à leur retour. Une société qui n’offre comme perspective que l’insécurité permanente n’encourage pas à l’aventure, au contraire.

      [Or pour cela, il sera nécessaire de réviser et infléchir les mentalités, établir des règles précises des droits et des devoirs de tous les citoyens, appliquer une véritable équité dans l’accès et la rémunération des acteurs économiques, et surtout faire des choix de société clairs et sans ambiguïté sur l’éducation, l’économie, la citoyenneté.]

      Oui. Mais surtout, il faudrait avoir la capacité de créer des institutions. Parce que les règles, les droits, les devoirs, l’équité, la continuité des choix n’est concevable que si elles ont légitimées et garantis par des institutions fortes et respectées. Dans une société ou les policiers, les professeurs, les juges, les fonctionnaires se font cracher dessus, les « droits » et les « devoirs » deviennent vite des fictions.

      [Voyez-vous Descartes, ce que je déplore pour la France est un peu à l’image de ce que tend à devenir votre excellent blog : un lieu de lamentation, replié sur le passé, les querelles frisant un égocentrisme puéril, quasi pathologique.]

      Je ne vois pas dans les débats qui ont lieu ici un « égocentrisme puéril, quasi pathologique », mais peut-être ne suis-je pas assez sensible. Mais je trouve dans votre discours une sorte de « horreur du passé » qui me paraît très critiquable. La présence du passé n’a jamais empêché une société de se tourner vers l’avenir. Au contraire : il est indispensable de savoir d’où on vient pour savoir où on va. Dans mon travail, je m’affronte souvent à des gens qui veulent « réformer » et qui font n’importe quoi tout simplement parce qu’ils ne connaissent pas l’histoire de l’existant, et qu’ils le méprisent. On ne peut bien réformer que ce qu’on aime… or, la plupart des « réformateurs » d’aujourd’hui ont la conviction qu’il y a un « avant eux » qui ne vaut rien, et un « après eux » qui sera radieux.

      [Des pistes que diable, des propositions, des utopies même. Je crois sincèrement qu’il est temps que le peuple se libère de l’emprise des pouvoirs impuissants et construise les bases d’une véritable démocratie participative.]

      Je pense que vous cédez à cette tentation si terrible de croire que les gens qui n’ont individuellement pas d’idées en auraient si seulement on les mettait ensemble pour décider. Au risque de vous paraître élitiste, je ne crois pas à cette « démocratie participative ». Les gens qui ont été disposés à faire le sacrifice de leur temps et de leur travail pour penser des pistes, des propositions, des utopies ne sont pas nombreux. Et ce n’est pas non plus à la portée de tout le monde.

  48. Anne Iversaire dit :

    Dernier agacement en date : le tournant mélenchonophile de Jacques Sapir :

    http://russeurope.hypotheses.org/4834

    Cet article montre, me semble-t-il, les limites de l’argumentation sapirienne, avec un auteur capable d’une certaine mauvaise foi, lorsqu’il ne trouve pas d’autres moyens pour justifier ses choix : son “Dès lors, le seul candidat de l’unité pour les forces de gauche ne peut être que Jean-Luc Mélenchon. Tout autre candidat ne sera qu’un candidat de division.” est une merveille du genre !

    • Descartes dit :

      @ Anne Iversaire

      [Dernier agacement en date : le tournant mélenchonophile de Jacques Sapir :]

      « Mélenchonophile » ? Je ne le pense pas… Et surtout, je pense qu’il faut comprendre pourquoi un homme comme Sapir, aussi lucide sur l’état de la société et de l’économie, se tourne tout à coup vers Jean-Luc Mélenchon. Je pense qu’il a la même réaction que j’ai pu avoir il y a quelques années, celle de vouloir à tout prix croire que dans la grisaille ambiante il y a encore une opportunité d’un choix différent.

      Et on voit ce phénomène dans la manière dont son raisonnement est construit. Ainsi, par exemple, il voit la débâcle du PS au pouvoir et tire comme conclusion que « [la décision de Mélenchon] de rompre avec la direction du PCF et, de fait, de liquider le Front de Gauche miné par les pratiques petites-politiciennes de ses « alliés », s’est trouvée largement validée dans les faits ». Soit. Mais si on part comme ça, les « faits » ont encore plus validé la décision du NPA ou de LO de ne pas rentrer dans le Front de Gauche. Lorsque Sapir conclut que « A gauche, un homme échappe – pour l’instant – à ce désastre : c’est Jean-Luc Mélenchon » il abuse. En quoi Mélenchon « échappe au désastre » mieux que Poutou ou Arthaud ?

      Lorsque Sapir conclue que « le seul candidat de l’unité pour les forces de gauche ne peut être que Jean-Luc Mélenchon », il énonce une tautologie. Dès lors que Mélenchon a annoncé qu’il sera candidat et que rien ne l’empêchera de l’être, tout autre candidat surgi postérieurement à lui ne peut être qu’un candidat de « division ». Mais l’unité n’est pas une fin en soi, et Sapir se trompe s’il croit que cette « gauche » dont Mélenchon pourrait être le candidat est unie par autre chose que la détestation commune envers Hollande et les siens. En particulier, je trouve que Sapir s’auto-persuade lorsqu’il parle d’un « tournant vers l’exigence de la souveraineté » chez Mélenchon. Rien dans le discours de ce dernier ne permet de parler d’un tel « tournant ». Pire, l’utilisation obsessionnelle d’une terminologie bâtie autour du « peuple » fait penser qu’on essaye à tout prix d’écarter un concept qui fait peur, celui de nation. Or – et Sapir l’a écrit autant ou plus que moi – la souveraineté n’a de contenu que si elle est assumée par une communauté politique.

      Sapir veut croire en une alternative, et comme il n’y a dans l’horizon que Mélenchon, il se persuade qu’on peut accrocher le char souverainiste à sa candidature. Je le sais, parce que j’ai été dans la même position il y a quelques années. Ce processus est intéressant, parce qu’il montre comment Mélenchon pourrait aujourd’hui rééditer le « coup » de Mitterrand en 1981, en jouant sur les ambigüités pour permettre à chacun de croire qu’il partage ses idées. On comprend alors mieux pourquoi il n’y a chez le candidat Mélenchon pas de projet, pas de programme. Publier un texte, ce serait prendre position et donc mécontenter des gens. Si on veut faire croire aux souverainistes qu’on est souverainiste, et aux eurolâtres qu’on croit à l’Europe fédérale, il faut éviter de prendre position. Et Mélenchon fait ça très bien.

    • Anne Iversaire dit :

      @ Descartes

      Sur Sapir, je n’aurais su mieux dire : tu as parfaitement expliqué ce qui m’a agacée dans son texte, en particulier certains biais de raisonnement (tautologie, auto-persuasion, etc.). Agacée d’autant plus que je ne le croyais pas capable de cela et me dis qu’il est probable que certaines de ses oeuvres précédentes sont probablement entachées des mêmes travers…

      Le dépit de la groupie, en quelque sorte…

    • Descartes dit :

      @ Anne Iversaire

      [Le dépit de la groupie, en quelque sorte…]

      J’essaie d’être bienveillant avec les gens. Nous avons tous en nous au moins en germe cette « envie de croire » qui, je le répète, est la plus puissante des forces que le monde connaisse. Une force capable d’abolir tout jugement critique, de faire oublier l’histoire pour ne laisser subsister qu’une réalité fantasmée, inventée pour satisfaire notre envie. Si la gauche a pu voir en Mitterrand l’homme qui allait « changer la vie », alors Sapir peut bien voir en Mélenchon celui qui nous sortira de l’Euro…

  49. Soleil vert dit :

    A l’auteur de ce blog,

    Avare en humour assurément, vous êtes !

    Antoine est bien meilleur observateur que vous !

    “c’est la dernière réponse que vous aurez de moi.”
    Vous devriez, au contraire, n’être pas si mécontent de filer ainsi la pêche à une gourmande citoyenne, plutôt que de la voir filer un mauvais coton ! Pas grave, je me rattraperai sur les poires, bien juteuses 🙂

    Il ne me sera pas difficile cependant d’abandonner la couleur verdâtre et de briller de mille feux rougeoyants ou mieux, de me cacher derrière la lune, vous savez !

    Taisez-vous si vous le voulez, çà ne mange pas de pain de le dire.

    Dommage de ne pouvoir fliquer vos lecteurs/contradicteurs, hein (surtout ceux dont les idées vous heurtent) !

    De toute façon, c’est ridicule, vos lecteurs n’existant pour vous que durant le temps de l’échange (si ils leur arrivent quelque chose de fâcheux entre temps, vous n’en saurez rien) ! Vouloir à tout prix leur attribuer un numéro et qu’ils s’en tiennent aux limites qu’ils se sont fixées, ne tient pas debout, selon moi.

    Au plaisir de vous voir me répondre donc, bien malgré vous 🙂

    • odp dit :

      @ Soleil vert

      Madame,

      Permettez-moi de me faire d’une certaine façon le porte-parole de Descartes et de vous expliquer les “règles du jeu” telles qu’en tout cas je les comprends. Cela vous évitera peut-être de vous noyer dans le premier verre d’eau venu et accessoirement de mieux “calibrer” vos interventions futures.

      La règle numéro 1 est qu’en effet Descartes est de “mauvaise foi”: vous ne le verrez jamais, ou presque, concéder un pouce de terrain. Cela correspond probablement à son caractère et à l’idée pas forcément médiocre qu’il se fait de lui même mais surtout au fait que ce blog est un blog “politique”. Le but dudit Descartes n’est en effet pas de raconter ses vacances ou de donner son opinion sur la dernière série télé mais de faire oeuvre “militante” et de gagner la “bataille culturelle” sur les thèmes qui lui sont chers. Or, si vous voulez convaincre, la nature humaine est ainsi faite que le mieux est de ne jamais concéder une seule faille dans son armure. Vous pourrez trouver ça désagréable mais le contrepoint est que nulle part ailleurs sur le web (à ma connaissance en tout cas) vous ne trouverez d’hôtes capables et volontaires pour engager le débat sur des sujets aussi variés et avec autant de pertinence et de culture générale que ne le fait ledit Descartes. Je considère comme le prix à payer pour ce “service”; car d’une certaine façon on n’a rien sans rien.

      La règle numéro 2 découle de la règle numéro 1: l’objet de ce blog n’est pas réellement d’échanger ses “opinions” sur tout et n’importe quoi comme l’éducation des enfants, la recette du gâteau au chocolat ou les meilleures aiguilles à tricoter pour l’écharpe du petit mais plutôt d’échanger des arguments et si possible des “faits” sur les grands sujets qui font le monde tel qu’il est et va.

      Aussi, si vous intégrez la règle numéro 3 qui consiste à essayer, tant que faire se peut, de proportionner l’énergie que l’on met dans les échanges à l’intérêt de ces mêmes échanges (ce qui, je vous l’accorde, n’est pas toujours évident), vous en tirerez vous-même la conclusion que le sujet n’est pas tant que Descartes refuse les opinions divergentes mais qu’il n’a pas envie de se laisser embarquer dans des discussions à n’en plus finir sur un sujet que même des piliers de café du commerce trouveraient d’un intérêt fort modeste.

  50. Marcailloux dit :

    @ Descartes,
    Bonsoir

    [Je ne crois pas que notre capacité à appréhender le monde soit aujourd’hui moins grande qu’hier . . . . . . . . . . . . imposent au citoyen une attitude plus sélective et plus rationnelle, s’il ne veut pas se laisser saturer.]
    La complexité s’accompagne généralement d’une lenteur à saisir et synthétiser le réel et d’une difficulté amplifiée à trouver des réponses acceptable, ce qui semble intuitivement évident. S’ajoute à cela l’effet perpétuel de l’opinion publique qui s’impose aux élites pour des raisons purement électoralistes, ce qui conduit à l’impuissance.

    [Une lecture attentive des textes anciens vous montrera que chaque écrivain, chaque philosophe a eu l’impression de vivre « une fin de cycle ». « Toute époque aime à se penser comme singulière », disait je ne sais plus qui . . . . ..]
    Chaque époque est par essence singulière. Comparer 2016 à 1916 ou 1816 n’aurait aucun sens et chacune présente une singularité qui lui est propre. Si « toute époque aime à se penser comme singulière », c’est que chaque époque l’est, en effet. L’économie mondiale a été, si je me souviens bien, théorisée sous la forme de cycles successifs, ceux de Kondratief en particulier avec un cycle d’environ 50 ans, et en mesurant l’effet de l’économie sur la politique des nations, il n’y a rien d’étonnant que de multiple auteurs s’en soient inspirés. De tels cycles se produisent probablement sous d’autres formes dans des domaines tels que la sociologie, la science, les arts, etc.

    [On ne peut analyser une situation que sur la base du savoir accumulé à partir des situations passées. . . . . . . . . . .Déclarer le passé hors jeu est la meilleure manière de se casser la gueule. Après tout, si nous ne sautons pas par la fenêtre pour voler comme des oiseaux c’est parce que nous savons ce qui est arrivé à ceux qui l’ont tenté.]

    Ce n’est pas la référence au passé qui m’interpelle, c’est la fixité du regard vers ce passé qui me fait m’interroger sur notre capacité à construire un avenir voulu consciemment. D’autre part, je ne déclare pas le passé « hors-jeu », et le considère cependant comme une référence, non comme un modèle. Clément Ader pour reprendre votre métaphore, a su s’affranchir du passé pour imaginer quelque chose qui allait à l’encontre des pratiques habituelles.

    [Mais ce « nouveau Descartes », comme l’ancien, sera forcément autant en rupture qu’en continuité avec l’histoire de la pensée. Je détecte dans votre position l’idée que nous vivrions une époque singulière, que le XXIème siècle serait en rupture avec le XXème, bien plus que le XXème ne l’a été avec le XIXème. Je ne partage pas cette vision. Mais objectivement l’internet n’est pas plus « révolutionnaire » que ne le fut l’invention du télégraphe, de la radio ou de la télévision . . . . . . . . . ]
    Si nous lissons la courbe de l’évolution du progrès depuis l’antiquité, à quelques inflexions historiques près, le taux d’accroissement – la dérivée pour les matheux – n’a fait qu’augmenter. Personne ne peut nier que les progrès réalisés entre le début du XXIème siècle et le début du XXème sont plus importants – quelques soient les critères de comparaison – que ceux entre les siècles consécutifs précédents.
    Peut-être que la notion même de progrès sera révisée par un nouveau grand philosophe.

    [Je vous trouve personnellement un peu sévère sur nos échanges.]
    Un peu sévère en effet, je ne visais dans mon propos que quelques « fâcheu(x)(ses) »

    [Ce n’est certainement pas une question qui me taraude. J’ignorais que vous aviez une position essentiellement morale…]
    Cela nous différentie car je balance toujours entre le bien, le mal, le bon et le mauvais. Mon matérialisme est nuancé par l’idée que je me fais de la vertu.

    [Vous semblez avoir une pensée téléologique. Aucun monde ne nous « attend ». Nous construisons en marchant le monde dans lequel nous allons vivre, que cela nous plaise ou pas.]
    Bien sûr, et la notion de finalité doit néanmoins rester présente dans nos esprits, que ce soit à titre individuel ou à titre collectif. Si aucun monde ne nous attend, j’en suis persuadé, il peut ressembler à l’idée que nous nous faisons de ce qui est bien et bon pour le plus grand nombre. C’est le sujet même du débat politique à mon avis. Ai-je tort ?

    [. Pour le moment, le numérique n’a qu’un effet quantitatif. On fait la même chose qu’hier, en plus vite.]
    Lorsque plusieurs milliards d’êtres humains ont instantanément accès à la même information, pensez-vous vraiment que la conséquence est uniquement quantitative ?.
    La vedette actuelle des média, Daesch serait-elle qualitativement ce qu’il est si cette organisation ne disposait pas de l’outil médiatique ? les gouvernants agiraient-ils de la même façon si ces événements ne pouvaient à leur bénéfice, être hyper exploités par l’émotion véhiculée sur les ondes ?

    [Qu’est ce qu’il y a de l’autre côté du ruisseau qui vaut la peine de prendre le risque de la traversée ?]
    La question en effet est de la plus grande pertinence et seule la philosophie peut y répondre.

    [A la question « il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée », le dialecticien répond « je n’en vois pas la nécessité ».]
    J’y verrais plutôt la réponse d’un rhétoricien ou d’un sophiste. Le dialecticien me dira « pourquoi faut-il » Nos références ne sont sans doute pas les mêmes.

    [Dans mon travail, je m’affronte souvent à des gens qui veulent « réformer » et qui font n’importe quoi tout simplement parce qu’ils ne connaissent pas l’histoire de l’existant, et qu’ils le méprisent. On ne peut bien réformer que ce qu’on aime… or, la plupart des « réformateurs » d’aujourd’hui ont la conviction qu’il y a un « avant eux » qui ne vaut rien, et un « après eux » qui sera radieux.]
    Vous en connaissez, vous, de véritables réformateurs ? Pas ceux, bien sûr qui n’envisagent que la réforme de leur position personnelle dans la hiérarchie de l’Etat évidemment.

    [Je pense que vous cédez à cette tentation si terrible de croire que les gens qui n’ont individuellement pas d’idées en auraient si seulement on les mettait ensemble pour décider. Au risque de vous paraître élitiste, je ne crois pas à cette « démocratie participative ». Les gens qui ont été disposés à faire le sacrifice de leur temps et de leur travail pour penser des pistes, des propositions, des utopies ne sont pas nombreux. Et ce n’est pas non plus à la portée de tout le monde.]
    En accord avec vous, néanmoins je caresse l’idée qu’une vague de fond peut, à partir d’initiatives isolées – votre blog en est une -, prospérer dans le cerveau de nombreux citoyens, qui à leur tour informent et influencent leur entourage, et ainsi permettre l’émergence de forces politiques nettement progressistes. Exemple supplémentaire de l’influence qualitative d’internet pour le peuple qui ne peut accéder facilement aux lieux de la connaissance et de la culture.
    Je ne suis personnellement pas vraiment parmi les moins lotis sur les plans de la connaissance, néanmoins je n’hésite pas à affirmer que la fréquentation de votre blog, principalement, ainsi que quelques autres accessoirement, m’ont beaucoup permis d’acquérir une opinion étayée sur le plan politique.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [La complexité s’accompagne généralement d’une lenteur à saisir et synthétiser le réel et d’une difficulté amplifiée à trouver des réponses acceptable, ce qui semble intuitivement évident.]

      J’avoue que je ne saisis pas très bien le sens de ce commentaire. Il faut arrêter de croire que le monde hier était « simple » et qu’il est devenu « complexe ». Le monde a toujours été complexe. Simplement, nos instruments d’observation étaient moins fins, moins précis, et cette complexité tendait à nous échapper. C’est la métaphore du microscope : avant lui, une goute d’eau nous paraissait morte. Après, nous savons qu’elle grouille de vie. Mais ce grouillement était là avant l’invention du microscope, et son invention n’a pas rendu la goutte d’eau plus « complexe ».

      Le discours de la « complexité » tend à nous faire croire que plus nous avons les moyens de connaître le monde qui nous entoure, et plus il est difficile de « saisir le réel ». C’est l’inverse qui est vraie : la connaissance du monde nous donne des moyens jusqu’ici inconnus de prendre des décisions rationnelles et fondées sur une véritable connaissance du réel. Si nous n’arrivons pas à le faire, ce n’est pas dans la « complexité » qu’il faut chercher les explications.

      [« Une lecture attentive des textes anciens vous montrera que chaque écrivain, chaque philosophe a eu l’impression de vivre « une fin de cycle ». « Toute époque aime à se penser comme singulière », disait je ne sais plus qui… ». Chaque époque est par essence singulière.]

      Oui et non. Oui, dans le sens où une situation historique ne se répète jamais. Non, dans le sens ou les constantes historiques sont extraordinairement durables. Il serait difficile de trouver une seule institution actuelle qui ne plonge ses racines dans une institution ancienne…

      [Ce n’est pas la référence au passé qui m’interpelle, c’est la fixité du regard vers ce passé qui me fait m’interroger sur notre capacité à construire un avenir voulu consciemment.]

      Personnellement, je serais tenté d’y voir l’inverse : c’est la volonté d’effacement du passé et le refus de l’analyser qui alimente mes interrogations. Dans les contacts avec mes collègues, dans les débats publics, tout le monde vous parle en permanence du « nouveau », de « l’inédit », du « révolutionnaire ». Pratiquement personne ne s’assume comme conservateur. Je pense que cette « fixité du regard vers le passé » que vous évoquez est une construction artificielle, une sorte de Yeti : tout le monde en a peur mais personne ne l’a vu.

      [Si nous lissons la courbe de l’évolution du progrès depuis l’antiquité, à quelques inflexions historiques près, le taux d’accroissement – la dérivée pour les matheux – n’a fait qu’augmenter.]

      C’est discutable. Si on parle « progrès » en termes d’accroissement des richesses ou des connaissances disponibles, c’est certainement vrai. Mais si on parle en termes de développement des idées ou des formes institutionnelles, c’est loin d’être évident. La créativité politique et institutionnelle du XIXème siècle est bien plus grande que celle du XXème…

      [Si aucun monde ne nous attend, j’en suis persuadé, il peut ressembler à l’idée que nous nous faisons de ce qui est bien et bon pour le plus grand nombre. C’est le sujet même du débat politique à mon avis. Ai-je tort ?]

      Pas complètement… 😉 Mais à mon avis, vous sautez une étape. Vous tenez pour établi que l’objectif du politique est « de faire ce qui est bien et bon pour le plus grand nombre ». Mais cela n’a rien d’évident. Certains vous diront que le but de la politique est de faire ce qui est « bien et bon » pour la cité, considérée comme une collectivité dont l’intérêt n’est pas la pure addition des intérêts de ses membres.

      [« Pour le moment, le numérique n’a qu’un effet quantitatif. On fait la même chose qu’hier, en plus vite ». Lorsque plusieurs milliards d’êtres humains ont instantanément accès à la même information, pensez-vous vraiment que la conséquence est uniquement quantitative ?]

      J’avoue que je n’ai pas trouvé beaucoup de raisons de penser le contraire. Je ne vois pas que cet « accès instantané à l’information de plusieurs milliards d’êtres humains » ait sensiblement modifié les modes de pensée ou les institutions. Peut-être pourriez m’illustrer avec quelques exemples ?

      [La vedette actuelle des média, Daesch serait-elle qualitativement ce qu’il est si cette organisation ne disposait pas de l’outil médiatique ? les gouvernants agiraient-ils de la même façon si ces événements ne pouvaient à leur bénéfice, être hyper exploités par l’émotion véhiculée sur les ondes ?]

      Mais quelle est la différence « qualitative » entre Daesch et d’autres mouvements de guérilla du passé qui ont eux aussi constitué des « zones libérées » ? En quoi le Régis Debray qui va combattre avec le « Che » en Bolivie est « qualitativement » différent du jeune qui va combattre pour le « Califat » de Daesch ? L’affaire du radeau de la Méduse a provoqué un scandale et fait vaciller le pouvoir du fait de l’émotion véhiculée par les médias de son époque…

      [« Qu’est ce qu’il y a de l’autre côté du ruisseau qui vaut la peine de prendre le risque de la traversée ? » La question en effet est de la plus grande pertinence et seule la philosophie peut y répondre.]

      Peut-être, mais il est difficile de reprocher aux gens de ne pas avoir envie de traverser le ruisseau aussi longtemps qu’on n’a pas apporté une réponse.

      [« A la question « il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée », le dialecticien répond « je n’en vois pas la nécessité » ». J’y verrais plutôt la réponse d’un rhétoricien ou d’un sophiste. Le dialecticien me dira « pourquoi faut-il » Nos références ne sont sans doute pas les mêmes.]

      Je pense que vous avez mal compris la formule. C’est bien entendu sur le « il faut » que porte la question. Cette formule implique l’existence d’une nécessité que le reste de la phrase ne justifie pas. En effet, il n’y a pas de « nécessité » à ce qu’une porte soit ouverte ou fermée. La formule correcte serait « une porte EST soit ouverte, soit fermée »…

      [Vous en connaissez, vous, de véritables réformateurs ? Pas ceux, bien sûr qui n’envisagent que la réforme de leur position personnelle dans la hiérarchie de l’Etat évidemment.]

      Bien sur que oui. Discutez avec les dirigeants du MEDEF, et vous verrez qu’ils ont plein de « réformes » à vous proposer pour améliorer la rentabilité de leurs entreprises. Parlez avec les syndicats d’enseignants, et ils vous proposeront nombre de réformes pour que leurs adhérents travaillent moins et gagnent plus. Le mot « réforme » n’est pas lié à l’intérêt général. Il faut d’ailleurs noté qu’en trente ans la France s’est beaucoup « réformée »…

      [En accord avec vous, néanmoins je caresse l’idée qu’une vague de fond peut, à partir d’initiatives isolées – votre blog en est une -, prospérer dans le cerveau de nombreux citoyens, qui à leur tour informent et influencent leur entourage, et ainsi permettre l’émergence de forces politiques nettement progressistes.]

      Je crois qu’il ne faut pas confondre le fait de permettre l’émergence de forces politiques avec la question de l’émergence des idées. La démocratie participative souffre à mon sens de cette confusion.

      [Exemple supplémentaire de l’influence qualitative d’internet pour le peuple qui ne peut accéder facilement aux lieux de la connaissance et de la culture.]

      Parce que vous pensez qu’Internet augmente objectivement l’accès du « peuple » à la connaissance et à la culture ? Je crains que vous ne vous fassiez beaucoup d’illusions. Internet pourrait permettre, en théorie, un tel accès. Mais dans la pratique, les « lieux de connaissance et de culture » sur internet sont noyés entre les photos de chatons et les vedettes d’un jour. In fine, le changement n’est que quantitatif : ceux qui hier allaient aux bibliothèques publiques et avaient accès à 10.000 livres, maintenant vont sur Gallica et ont accès à des millions. Ceux qui n’y allaient pas… n’y vont toujours pas.

      [Je ne suis personnellement pas vraiment parmi les moins lotis sur les plans de la connaissance, néanmoins je n’hésite pas à affirmer que la fréquentation de votre blog, principalement, ainsi que quelques autres accessoirement, m’ont beaucoup permis d’acquérir une opinion étayée sur le plan politique.]

      C’est très gentil à vous de le dire, et cela m’encourage à continuer un travail d’animation que je trouve – peut-être est-ce l’ambiance de fin de règne dans laquelle on baigne – de plus en plus difficile.

    • Jean-François dit :

      [Parce que vous pensez qu’Internet augmente objectivement l’accès du « peuple » à la connaissance et à la culture ? Je crains que vous ne vous fassiez beaucoup d’illusions. Internet pourrait permettre, en théorie, un tel accès. Mais dans la pratique, les « lieux de connaissance et de culture » sur internet sont noyés entre les photos de chatons et les vedettes d’un jour. In fine, le changement n’est que quantitatif : ceux qui hier allaient aux bibliothèques publiques et avaient accès à 10.000 livres, maintenant vont sur Gallica et ont accès à des millions. Ceux qui n’y allaient pas… n’y vont toujours pas.]

      Ce n’est pas tout à fait vrai. De plus en plus de vidéos de vulgarisation prennent de l’importance en ce moment. Il y en a sur les sciences (par exemple les chaînes Youtube de e-penser, veritasium, minutephysics, …), sur la philosophie (Cyrus North), sur l’histoire (Nota Bene), etc. Leur nombre de vues rivalise presque avec les vidéos de chatons et de célébrités. Cela ne vaut pas la qualité et le sérieux des livres que l’on peut trouver à la bibliothèque, mais cela contribue à intéresser beaucoup plus de monde à beaucoup plus de choses.

    • Descartes dit :

      @ Jean-François

      [Ce n’est pas tout à fait vrai. De plus en plus de vidéos de vulgarisation prennent de l’importance en ce moment. Il y en a sur les sciences (par exemple les chaînes Youtube de e-penser, veritasium, minutephysics, …), sur la philosophie (Cyrus North), sur l’histoire (Nota Bene), etc. Leur nombre de vues rivalise presque avec les vidéos de chatons et de célébrités.]

      J’avoue que les rares vidéos que j’ai visionnées par curiosité m’ont laissé très sceptique. Plus que d’une vulgarisation qui donnerait envie d’approfondir, il s’agit plutôt d’une sorte de « Reader’s Digest » culturel, qui vous permet de parler du sujet sans avoir lu le livre…

      [Cela ne vaut pas la qualité et le sérieux des livres que l’on peut trouver à la bibliothèque, mais cela contribue à intéresser beaucoup plus de monde à beaucoup plus de choses.]

      Je me demande plutôt si cela ne contribue à faire croire aux gens qu’ils comprennent un sujet alors qu’ils ne font que l’effleurer. Est-ce que le développement de l’internet fait vendre plus de livres scientifiques ? Je ne le crois pas.

  51. Carnot dit :

    Je contemple depuis ce matin atterré la dernière pantomime gauchiste dont nous gratifie une partie de la jeunesse parisienne avec le happening « nuit debout ». Ce midi lors du journal de France culture la journaliste qu’ils avaient envoyé sur place avait l’air tellement conquise qu’on pouvait presque voir les étoiles dans ses yeux à travers le poste de radio, on aurait dit une maoïste de 1968 tout juste de retour de voyage organisé dans la Chine du Grand timonier…

    Je constate que mon allergie au gauchisme ne s’arrange pas et pour cause, ce fantasme de la désinstitutionnalisation m’apparaît comme l’exemple de la régression politique absolue : on se rassemble en cercle au milieu de la ville et on discute parce qu’on est pas content, sans trop savoir pourquoi, replacé dans le processus de civilisation ça ressemble plus aux tribus papoues qu’à la République française…

    Je suis de plus convaincu que le combat idéologique le plus essentiel aujourd’hui, la condition de tout progrès réel, est d’abord de vaincre cette détestation régressive des institutions qui est véritablement une maladie infantile libérale-libertaire et qu’on retrouve autant chez les libéraux actuels (les libéraux « classiques » du XIXe à la Tocqueville ou Rémusat n’étaient quant à eux pas comme ça) que chez les gauchistes. Le progrès ne peut venir qu’appuyé sur des institutions solides, légitimes, qui soient à même de servir de base à nos sociétés complexes. Fort heureusement la France a depuis des siècles un certain génie de l’institutionnalisation – disons depuis que le rex francorum a commencé à se faire appeler rex franciae – et notre histoire nous a bien pourvu mais il est plus que temps d’en finir avec le fantasme d’auto-organisation des lycéens en mal de cause et des révolutionnaires d’opérette comme Lordon.

    La caricature de Xavier Gorce d’aujourd’hui à ce sujet touchait très juste, non sans une certaine cruauté :
    http://xaviergorce.blog.lemonde.fr/2016/04/04/rassemblement-spontane/

    Aurons-nous le plaisir de vous lire sur ce sujet ? J’avoue m’en délecter par avance tant le potentiel de schadenfreude me paraît grand, à ce titre votre article sur la « pandarévolution » était un grand cru.

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [Je contemple depuis ce matin atterré la dernière pantomime gauchiste dont nous gratifie une partie de la jeunesse parisienne avec le happening « nuit debout ». Ce midi lors du journal de France culture la journaliste qu’ils avaient envoyé sur place avait l’air tellement conquise qu’on pouvait presque voir les étoiles dans ses yeux à travers le poste de radio, on aurait dit une maoïste de 1968 tout juste de retour de voyage organisé dans la Chine du Grand timonier…]

      Oh, ne soyez pas « atterré »… il faut bien que jeunesse se passe…
      Plus qu’atterrant, je trouve l’épisode très drôle. Toutes ces vieilles barbes post soixante-huitardes devenues des pontes des médias qui ont la larme à l’œil et qui retrouvent les accents épiques de leur jeunesse ! Dans des moments comme ceux-ci, je regrette de ne pas être un grand écrivain. Je suis sur qu’on pourrait tirer de l’affaire une merveilleuse nouvelle…

      Cela étant dit, il faut se demander « de quoi la nuit debout est elle le nom », pour utiliser une formule bien galvaudée. Personne ne peut croire aujourd’hui que quelques centaines de « djeunes » issus des « classes moyennes » – parce que je peux vous assurer que les cites ouvrières sont largement sous représentées – changeront les choses en France en installant une colonie de vacances avec cantine et ramassage des ordures autogérés sur la place de la République. Or, si vous lisez un peu ce qui s’échange sur les forums gauchistes, on est parti loin : on y voit déjà la création d’une « nouvelle forme » de luttes, indépendante des partis politiques – vieille antienne bien connue de la gauche anti-institutionnelle – qui viendrait « bousculer les vieux cadres ». Même le père Jorion est allé jouer les gourous…

      In fine, le problème le plus sérieux est la définition du « nous ». On parle beaucoup de « la jeunesse » comme s’il s’agissait d’une classe sociale, ce qui revient à oublier qu’entre le jeune entrepreneur et le jeune ouvrier il y a tout de même quelques différences en termes d’intérêt à changer le monde. En fait de jeunesse on trouve surtout des lycéens et des étudiants universitaires (il faut lire dans Le Monde d’hier l’article sur l’université de Paris VIII, ça vaut la peine…). C’est-à-dire, une couche sociale bien particulière qui peut difficilement prétendre à représenter sa génération – si tant est qu’une « génération » soit une catégorie politique pertinente. Depuis que mai 1968 a chassé le prolétariat de son rôle de « force virile de l’histoire », la galaxie gauchiste se cherche une masse de substitution.

      [Je constate que mon allergie au gauchisme ne s’arrange pas et pour cause, ce fantasme de la désinstitutionnalisation m’apparaît comme l’exemple de la régression politique absolue : on se rassemble en cercle au milieu de la ville et on discute parce qu’on est pas content, sans trop savoir pourquoi,]

      Comme vous pouvez l’imaginer, je partage totalement. On est dans la logique de l’indignation comme force politique.

      [Je suis de plus convaincu que le combat idéologique le plus essentiel aujourd’hui, la condition de tout progrès réel, est d’abord de vaincre cette détestation régressive des institutions qui est véritablement une maladie infantile libérale-libertaire et qu’on retrouve autant chez les libéraux actuels (les libéraux « classiques » du XIXe à la Tocqueville ou Rémusat n’étaient quant à eux pas comme ça) que chez les gauchistes. Le progrès ne peut venir qu’appuyé sur des institutions solides, légitimes, qui soient à même de servir de base à nos sociétés complexes.]

      Comme vous vous en doutez, j’adhère 100% à ce discours. Ce sont les institutions qui permettent de résoudre la contradiction entre la tentation d’un individu absolument libre et donc absolument seul contre tous, et celle d’un individu holiste aliéné par un rapport direct au collectif. L’institution, en instaurant des rapports abstraits entre les individus, en séparant ce qui relève du public de ce qui relève du privé, crée le cadre dans lequel la liberté peut être exercée. Il faudrait relire Hobbes…

      [La caricature de Xavier Gorce d’aujourd’hui à ce sujet touchait très juste, non sans une certaine cruauté :]

      Excellent !

      [Aurons-nous le plaisir de vous lire sur ce sujet ? J’avoue m’en délecter par avance tant le potentiel de schadenfreude me paraît grand, à ce titre votre article sur la « pandarévolution » était un grand cru.]

      Peut-être… si le travail m’en laisse le temps !

    • Carnot dit :

      Merci pour votre conseil de lecture, je viens de lire l’article du Monde sur Paris VIII. Je cite :

      “Vendredi 1er avril, l’atelier « Retour sur des propos polémiques : racisme anti-blanc, hétérophobie, androphobie » a dû être reporté, l’AG du jour traînant en longueur. Ce n’est que partie remise pour Léa, Imène, Thomas et Farah, les étudiants qui l’ont préparé : « Nous avons choisi les thèmes sur lesquels nous sommes chacun les plus à l’aise, et liés à notre expérience vécue. Nous nous sommes ensuite appuyés sur les travaux des chercheurs », expliquent-ils. « L’idée de ces ateliers c’est de garder au moins la moitié du temps pour le débat. Tout le monde peut nous interrompre. On n’est pas obligés de prendre de notes. Il y a une introduction par un intervenant mais on casse la hiérarchie prof-élève : nous sommes toutes et tous des apprenants », précisent ces jeunes, très enthousiastes sur leur université.”

      La “rêvelution” aux frais de l’Etat, bel idéal en vérité… Nous sommes enthousiastes d’apprendre que l’argent public sert à ça tandis que, si l’on en croit le Garde des Sceaux, certains tribunaux n’impriment même plus leurs jugements faute de crédits budgétaires…

      Et je suis toujours fasciné par l’aura qu’ont les “études postmodernes” à l’américaine sur beaucoup d’étudiants alors même que leur vacuité intellectuelle saute aux yeux en dehors de toute préférence idéologique. Le pire c’est que chez les plus atteints c’est vraiment malsain, quand ont lit certains textes des “postcolonial studies” je trouve qu’on est terrifié par le racialisme forcené de leurs tenants les plus radicaux. Je ne sais pas par exemple si vous avez entendu parler du concept “d’appropriation culturelle” mais j’avoue que quand j’ai découvert ça récemment les bras m’en sont tombés.

    • tmn dit :

      Bonjour

      @Carnot @Descartes

      [on se rassemble en cercle au milieu de la ville et on discute parce qu’on est pas content, sans trop savoir pourquoi, replacé dans le processus de civilisation ça ressemble plus aux tribus papoues qu’à la République française…]

      C’est sévère, mais drôle et vraiment très bien vu !

      En effet ça semble partir loin, ce matin j’ai entendu à la radio que “des jeunes avaient réécrit la constitution pendant la nuit”… Sans commentaire. En même temps c’est le résultat quasi direct de sottises à la Chouard ou M6R et du (bad) trip “rien de tout ça n’est vraiment compliqué, réunissons nous et on fera mieux que tous ceux d’avant”.

      Et en effet beaucoup d’intervenants (j’écoute ça sur internet) ont l’air très “anti institutions”, c’est étonnant qu’ils ne réfléchissent pas que le mouvement espagnol dont il s’inspirent a finalement accouché d’un… parti politique. Ils gagneraient quelques mois. C’est marrant au moindre souci logistico/organisationnel (genre : le tour de paroles), on rappelle tout de suite que “on est un mouvement horizontal, pas de chef”.

      A noter que François Ruffin, du journal Fakir que j’estime beaucoup, qui prône depuis longtemps le protectionnisme entre autres, a fait une intervention sur le thème “attention à ne pas rester dans l’entre soi”… Comme quoi certains ont bien vu le souci.

      Ceci dit si ça aboutit à dégager la loi el khomri ce sera toujours ça de pris on va dire… Et puis honnêtement il y a 10 ans à peine, j’aurais été parmi eux…

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [« « L’idée de ces ateliers c’est de garder au moins la moitié du temps pour le débat. Tout le monde peut nous interrompre. On n’est pas obligés de prendre de notes. Il y a une introduction par un intervenant mais on casse la hiérarchie prof-élève : nous sommes toutes et tous des apprenants », précisent ces jeunes, très enthousiastes sur leur université. »]

      Il y a une formule qui vous a peut-être échappé : « on n’est pas obligés de prendre des notes ». Mais « obligés » par quoi ? Il y a bien longtemps que dans les universités de France et de Navarre les étudiants sont libres de prendre ou non des notes. Aucun règlement, aucun professeur ne les y contraint. La prise de notes n’est donc pas une « obligation », mais une « nécessité ». A l’université, on prend des notes non parce qu’un règlement nous y contraint, mais parce que nous aurons besoin de ces notes plus tard pour pouvoir réviser les notions enseignées en cours. Dire « on n’est pas obligés de prendre des notes » dans ce contexte revient à dire « ce qui est dit ne mérite pas qu’on y revienne plus tard »… révélateur, n’est ce pas ?

      Quand à l’idée de « casser la hiérarchie prof-élève », je me souviens toujours du texte de Roger Scruton, qui disait que pour que la transmission du savoir soit possible, il faut qu’il y ait consensus sur trois choses : que le professeur sait, que l’élève ne sait pas, et que ce que le professeur sait mérite d’être connu.

      [La “rêvelution” aux frais de l’Etat, bel idéal en vérité… Nous sommes enthousiastes d’apprendre que l’argent public sert à ça tandis que, si l’on en croit le Garde des Sceaux, certains tribunaux n’impriment même plus leurs jugements faute de crédits budgétaires…]

      L’université tend à devenir une garderie pour les enfants des « classes moyennes », et Paris VIII est l’université ou la transformation est la plus avancée.

      [Et je suis toujours fasciné par l’aura qu’ont les “études postmodernes” à l’américaine sur beaucoup d’étudiants alors même que leur vacuité intellectuelle saute aux yeux en dehors de toute préférence idéologique.]

      L’avantage des « études postmodernes » c’est qu’une fois qu’on a compris la technique, on peut fabriquer un discours pseudo-intellectuel avec un effort minimal. Sans compter avec les innombrables possibilités de se placer soi-même dans la position moralement inattaquable de la « victime »…

      [Le pire c’est que chez les plus atteints c’est vraiment malsain, quand ont lit certains textes des “postcolonial studies” je trouve qu’on est terrifié par le racialisme forcené de leurs tenants les plus radicaux.] [Je ne sais pas par exemple si vous avez entendu parler du concept “d’appropriation culturelle” mais j’avoue que quand j’ai découvert ça récemment les bras m’en sont tombés.]

      Le postmodernisme nous vient des Etats-Unis, pays dont la société est obsédée par la question ethno-raciale. L’implantation de ces théories en France installe dans notre débat universitaire une problématique qui chez nous se trouve être complètement hors-sol. Combien de chevaliers des « postcolonial studies » connait la biographie de Gaston Monnerville ? Né en 1897, après des études brillants à l’école publique à Cayenne d’abord, à Toulouse ensuite comme boursier, sera reçu docteur en droit en 1921 et réçu la même année au prestigieux concours des secrétaires de la Conférence du barreau de Toulouse puis en 1923 au même concours à la cour d’Appel de Paris. En 1932 il est député. En 1937, sous-secrétaire d’Etat. Résistant, siégera à l’Assemblée consultative puis sera élu aux deux assemblées constituantes en 1946. Elu la même année au Conseil de la République (sénat) pour le département du Lot, il devient président de cette assemblée en 1947, et le restera jusqu’à la fin de la IVème République. Il est alors le deuxième personnage de l’Etat, et le restera après 1958, comme président du Sénat jusqu’en 1968. Ah oui, il était noir et petit fils d’esclave, et cela ne semble pas l’avoir gêné outre-mesure.

      Je ne dis pas que le racisme français n’ait pas existé. Mais il n’a jamais été une politique d’Etat comme cela a pu être le cas – et l’est toujours d’ailleurs – aux Etats-Unis, pas plus qu’il n’a été un facteur déterminant dans la vie des gens.

      [Je ne sais pas par exemple si vous avez entendu parler du concept “d’appropriation culturelle” mais j’avoue que quand j’ai découvert ça récemment les bras m’en sont tombés.]

      Oui, j’ai vu ça. Dans le genre délirant…

    • Descartes dit :

      @ tmn

      [En effet ça semble partir loin, ce matin j’ai entendu à la radio que “des jeunes avaient réécrit la constitution pendant la nuit”… Sans commentaire.]

      Si quelqu’un a le texte en question, je suis preneur…

      [En même temps c’est le résultat quasi direct de sottises à la Chouard ou M6R et du (bad) trip “rien de tout ça n’est vraiment compliqué, réunissons nous et on fera mieux que tous ceux d’avant”.]

      Tout à fait. Je pense qu’il y a un paquet d’universitaires qui ne se rendent pas compte à quel point une telle idéologie est destructrice pour la connaissance. Après tout, à quoi bon se crever le cul à faire des années d’études de droit si on peut « réécrire la constitution pendant une nuit » et si « rien de tout ça n’est vraiment compliqué » ?

      [C’est marrant au moindre souci logistico/organisationnel (genre : le tour de paroles), on rappelle tout de suite que “on est un mouvement horizontal, pas de chef”.]

      C’est un élément qui me semble intéressant à souligner : le discours « alternatif » est chaque fois moins un discours sur le fond et chaque fois plus un discours sur la procédure. Peut importe finalement le résultat, ce qui importe est que la procédure soit « démocratique ». On retrouve cette obsession dans le M6R mais aussi dans l’obsession mélenchonienne de convocation d’une constituante.

      [Ceci dit si ça aboutit à dégager la loi el khomri ce sera toujours ça de pris on va dire…]

      « La pire trahison, c’est de faire une bonne chose pour une mauvaise raison »…

      [Et puis honnêtement il y a 10 ans à peine, j’aurais été parmi eux…]

      Soyons bienveillants avec les jeunes… qui d’entre nous à cet âge n’a pas eu envie de rêver à tous les possibles ? « Celui qui a vingt ans n’est pas révolutionnaire n’a pas de cœur. Celui qui a quarante ans est encore révolutionnaire n’a pas de tête » (GB Shaw).

      Ce que je trouve moins sympathique, c’est quand les Jorion & Co, qui ont dépassé l’âge ingrat depuis longtemps, jouent le même jeu pour pouvoir les manipuler. “Un adulte ne peut redevenir enfant sans être puéril” (K. Marx)

    • Carnot dit :

      [Il y a une formule qui vous a peut-être échappé : « on n’est pas obligés de prendre des notes ». Mais « obligés » par quoi ? ]

      Effectivement, je n’avais pas fait attention mais maintenant que vous le dites c’est très révélateur. Je trouve ça très triste, au fond tous ces jeunes gens ne connaîtront jamais le plaisir d’avoir eu de vrais maîtres, ceux qu’on admire et dont les cours, et le savoir qu’ils nous ont transmis, nous marquent à vie pour le meilleur.

      [Le postmodernisme nous vient des Etats-Unis, pays dont la société est obsédée par la question ethno-raciale. L’implantation de ces théories en France installe dans notre débat universitaire une problématique qui chez nous se trouve être complètement hors-sol. Combien de chevaliers des « postcolonial studies » connait la biographie de Gaston Monnerville ?]

      Tout à fait, j’ai toujours été très frappé de voir à quel point le fait d’avoir un africain ministre de la République dès 1932 avec Blaise Diagne, le maire de Dakar, mais aussi le recours aux troupes coloniales sur le sol métropolitain pendant la première guerre mondiale n’avaient en France soulevé aucun scandale. J’ai le sentiment que la conception française de la Nation ainsi que plus largement sa culture ouverte en ont fait un des pays les moins racistes d’Europe dès la première moitié du XXe siècle. D’ailleurs les thèses racialistes de Gobineau sont très loin d’avoir eu en France l’écho qu’elles trouvèrent en Allemagne où même aux Etat-Unis.

      Je ne connais rien au football mais j’avais été interpellé par contraste par les réactions hostiles en Italie il y a 2 ou 3 ans quand pour la première fois un joueur noir allait être sélectionné dans l’équipe nationale. En France ce fut le cas dès les années 30 également, à ma connaissance dans l’indifférence générale. J’ai aussi découvert récemment dans un livre sur les suites de la Première Guerre mondiale l’ampleur de la campagne raciste de grande ampleur menée en Allemagne contre le recours à des troupes coloniales d’Afrique noire lors de l’occupation de la Rhénanie, campagne qui été allé jusqu’à des accusations fausses de viols massifs. L’armée française a mené son enquête qui a totalement blanchi les soldats concernés mais par la suite pour les protéger et éviter de créer des troubles on a privilégié des régiments métropolitains en Rhénanie.

      De même dans Premier combat Jean Moulin raconte également comment des soldats Allemands cherchent à mettre un massacre de civils sur le dos de tirailleurs sénégalais, et comment ceux d’entre eux qui ont été fait prisonniers ont été pour beaucoup massacrés au mépris des lois de la guerre. A un moindre degré chacun sait également que l’armée américaine de nos « libérateurs » était ségréguée et qu’on refusait presque toujours aux noirs le droit de se battre. Même s’il est évident qu’il y a eu en France du racisme à ces époques j’en ai assez qu’on essaie de faire passer notre pays pour un cloaque raciste et borné alors que globalement le peuple français a été globalement remarquable sur ce point tandis que l’Etat et les institutions n’ont jamais mené de politique raciste.

      https://www.en-marche.fr/parcours/#/0/1

      J’en profite pour attirer votre attention sur le site du nouveau « mouvement » lancé par Emmanuel Macron. Le clip vaut son pesant d’or en termes de vacuité satisfaite sur le thème « libérer les énergies pour en finir avec la société bloqué ». Je n’aurais pas cru dire ça mais en entendant ce clip j’ai soupiré en regrettant Peyrefitte, je ne considère l’ouvrage Le mal français comme un jalon majeur dans la remise en cause puis l’abaissement du modèle républicain classique et je suis diamétralement opposé à ce qu’il préconise mais on ne peut nier à ses critiques une ampleur, une réflexion. Maintenant nous voilà condamnés à un gloubi-boulga qui n’est même pas libéral, simplement « bougiste » et jeuniste, c’est blasant.

      Vous verrez aussi le « parcours » à choix multiple que le site propose, avec des arguments solides pour nous pousser à nous « mettre en marche » …

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      [Effectivement, je n’avais pas fait attention mais maintenant que vous le dites c’est très révélateur. Je trouve ça très triste, au fond tous ces jeunes gens ne connaîtront jamais le plaisir d’avoir eu de vrais maîtres, ceux qu’on admire et dont les cours, et le savoir qu’ils nous ont transmis, nous marquent à vie pour le meilleur.]

      J’ai toujours eu un grand plaisir à décortiquer le discours de la « vraie gauche » parce que c’est peut-être la partie du spectre politique où l’inconscient s’exprime le plus. La plupart des autres mouvements sont soit cadrés par un langage traditionnel qui évite les embardées, soit par une conscience que chacun de vos mots sera scruté et interprété, et qu’il faut surveiller son langage. La « vraie gauche », avec son culte du « naturel », laisse souvent libre cours à l’expression…

      Ici, je trouve très révélatrice cette affaire de « on n’est pas obligé de prendre des notes ». Rien ne nous « oblige » à prendre des notes, si ce n’est les nécessités de la mémoire. Nous prenons des notes quand nous ressentons le besoin de nous souvenir des paroles prononcées. Ce besoin peut être pratique – passer un examen, noter les consignes de notre patron – mais de toute évidence cela ne s’applique pas dans le contexte d’une activité intellectuelle libre. Si on prend des notes dans un meeting politique ou dans une conférence, c’est parce qu’on trouve les paroles de l’orateur dignes d’être préservées. Et avouer que dans les débats des « Nuits debout » on « n’est pas obligé de prendre des notes » c’est admettre que ce qui se dit n’est nullement mémorable.

      Il y a d’ailleurs un autre élément qui dit beaucoup sur l’idée que les organisateurs de la chose ont de l’expression et du débat : c’est la règle des « trois minutes ». Elle veut que toute intervention dans les « groupes de discussion » soit limitée à trois minutes. Cela révèle le choix de la quantité sur la qualité. Il y a certainement dans une telle foule des gens qui ont des choses à dire qui ne peuvent être compressées en trois minutes et qui pourtant seraient passionnantes. Et il y a des gens dont la pensée ne suffit probablement pas à remplir une minute de discours. La logique voudrait qu’on entende longuement les unes, et pas les autres. Le choix du temps fixe égalise le débat par le bas : le philosophe, le scientifique qui ont passé trente ans à penser ont le même temps pour faire passer leurs réflexions que Madame Michu. Le but étant que « tout le monde s’exprime » à égalité. Sauf que, on le sait par expérience, il s’agit d’une « fausse égalité » : Madame Michu et le Philosophe sortiront de la réunion aussi « inégaux » qu’ils seront rentrés, et Madame Michu aura perdu l’opportunité d’apprendre quelque chose du Philosophe. Et le pire, c’est que ce système tue le débat : avec trois minutes, impossible d’exposer un raisonnement ou de réagir au raisonnement de l’autre.

      [Tout à fait, j’ai toujours été très frappé de voir à quel point le fait d’avoir un africain ministre de la République dès 1932 avec Blaise Diagne, le maire de Dakar, mais aussi le recours aux troupes coloniales sur le sol métropolitain pendant la première guerre mondiale n’avaient en France soulevé aucun scandale.]

      On peut y ajouter que la question « raciale » disparaît définitivement de notre droit à la fin du XVIIIème siècle. Ni le Code civil ni le Code pénal napoléoniens ne contiennent des dispositions spécifiques à telle ou telle « race ». Il n’est pas inutile de rappeler que jusqu’au jour d’aujourd’hui un américain a des droits différentiés en fonction de son ethnie d’appartenance.

      [J’ai le sentiment que la conception française de la Nation ainsi que plus largement sa culture ouverte en ont fait un des pays les moins racistes d’Europe dès la première moitié du XXe siècle. D’ailleurs les thèses racialistes de Gobineau sont très loin d’avoir eu en France l’écho qu’elles trouvèrent en Allemagne où même aux Etat-Unis.]

      Je ne sais pas si l’on peut parler de pays « plus » ou « moins » racistes, mais le racisme français est certainement très différent de celui de l’Allemagne ou celui du monde anglo-saxon. Il y a bien entendu chez nous un « xénophobie populaire » qui est la manifestation classique de la méfiance pour « l’étranger », celui qui venant d’ailleurs n’est pas soumis à la surveillance collective par le jeu des liens de famille et de connaissance, et qui représente un concurrent éventuel pour les ressources. Mais on appelle cela du « racisme » par paresse intellectuelle, parce qu’il n’y a là aucun rapport à la « race » : ce rejet s’est manifesté autant envers les « blancs » espagnols, portugais, italiens ou polonais qu’envers les noirs ou les arabes.

      A côté de ce sentiment, il y a en France un « racisme » lié aux stéréotypes – positifs ou négatifs, d’ailleurs. « Les juifs aiment l’argent » ou « les noirs ont le rythme dans la peau » sont deux exemples de ce type de pensée. Mais la pensée française est plus « culturaliste » que « racialiste ». Ce qui est après tout parfaitement cohérente avec l’idée du citoyen comme individu abstrait sans religion, sans origines, sans appartenance ethnique ou communautaire titulaire de droits et redevable de devoirs. Cette pensée empêche d’étendre le raisonnement du groupe à l’individu. On a beau stéréotyper les noirs comme dans la publicité de Banania, on ne s’étonne pas qu’un noir brillant puisse être normalien, ministre ou président du Sénat.

      Ce qu’on ne trouve pas en France est un véritable « racisme politique », comme on peut le voir en Allemagne, aux Etats-Unis ou en Israel. C’est-à-dire une formalisation de l’idée de « race » en une catégorie juridique, donc généralisable à l’ensemble des personnes reconnues comme étant membres d’un groupe. Même Vichy a refusé cette conception : l’illustration la plus notable est l’exception faite à l’application du « statut des juifs » pour les juifs anciens combattants de la première guerre mondiale, ce qui revient à dire que le comportement de l’individu prime sur la détermination « raciale » collective…

      [Je ne connais rien au football mais j’avais été interpellé par contraste par les réactions hostiles en Italie il y a 2 ou 3 ans quand pour la première fois un joueur noir allait être sélectionné dans l’équipe nationale. En France ce fut le cas dès les années 30 également, à ma connaissance dans l’indifférence générale.]

      Je ne connaissais pas cette histoire, mais c’est effectivement très intéressant. Le mot important est je pense « indifférence ». Les Etats-Unis étaient aussi représentés par des noirs aux jeux olympiques dans les années 1930… mais cela n’est pas allé de soi, que ce soit d’ailleurs du côté des noirs ou des blancs. C’est cette « indifférence » à la religion, à la couleur de peau, à l’origine qui est l’un de nos capitaux sociaux les plus précieux. Ce qui est triste, c’est de voir aujourd’hui que cette « indifférence » est attaquée précisément par ceux qui se prétendent défenseurs de ceux qui justement en sont les premiers bénéficiaires.

      [J’en profite pour attirer votre attention sur le site du nouveau « mouvement » lancé par Emmanuel Macron. Le clip vaut son pesant d’or en termes de vacuité satisfaite sur le thème « libérer les énergies pour en finir avec la société bloquée ».]

      Je pense qu’il faut lire ce site en parallèle avec celui de Mélenchon. Au-delà des différences évidentes de conception et de trajectoire entre les deux personnages, on peut se dire que tous deux se situent sur le même créneau idéologique, celui du « mouvement pour le mouvement ». Du côté Macron, on « libère les énergies pour en finir avec les blocages ». Du côté Mélenchon on convoque une assemblée constituante pour faire « sauter les verrous ». Et ensuite, on fait quoi ? Ni l’un ni l’autre répondent précisément. A priori, on s’attaque à tout ce qui est mal et on fait tout ce qui est bien. Et ça devrait suffire…

      Macron/Mélenchon c’est l’homme qui s’affranchit de tout lien avec une organisation collective, qui établit directement le contact avec le Peuple. Ce mépris des partis n’a rien à voir avec la logique gaullienne : De Gaulle ne niait pas le rôle essentiel des partis politiques – qu’il a fait d’ailleurs inscrire dans la Constitution. Mais il voyait le danger qu’il y avait dans un système constitutionnel donnant aux appareils des partis le pouvoir. Macron/Mélenchon vont beaucoup plus loin, en déniant aux partis leur fonction de médiateurs entre le citoyen et le politique. A quoi bon avoir des structures qui plongent leurs racines dans la communauté des citoyens pour élaborer un projet puisque nous avons des sites Internet ?

      [Maintenant nous voilà condamnés à un gloubi-boulga qui n’est même pas libéral, simplement « bougiste » et jeuniste, c’est blasant.]

      Tout à fait. Les politiques ont compris que les gens sont exaspérés par l’existant, et surfent sur cette vague avec des discours « bougistes ». L’ennui c’est que ces mêmes politiques n’ont aucun projet, ni même la moindre idée de comment s’y prendre pour en élaborer un. Ils essayent donc des idées prises ici et là pour voir ce que ça donne, mais toujours dans une logique de « faut tout changer ».

  52. @Descartes
    « L’utilisation obsessionnelle d’une terminologie bâtie autour du « peuple » fait penser qu’on essaye à tout prix d’écarter un concept qui fait peur, celui de nation. »

    Sans doute « peuple » permet-il, en faisant un certain usage du terme, de réintroduire un discours sur la conflictualité sociale sans recourir au concept, beaucoup plus technique et connoté, de « classe ». La Nation a une dimension unitaire. La notion de souveraineté nationale a été introduite par Sieyès (puis reprise par Raymond Carré de Malberg) contre la souveraineté égalitariste à la Rousseau (liée à la démocratie directe). Or vous savez bien que le métier des politiciens est de vendre une cible qui canalise la colère de leur électorat. Avec “Nation”, on ne voit guère qui est l’ennemi, sinon l’étranger (intérieur ou extérieur). En revanche, avec peuple, il est plus facile d’expliquer qu’il y a quelque part un obscur « monde de la finance » qui est responsable de tous les maux… Une fois cette opposition manichéenne et assez peu structurelle construite, plus besoin de programme, il suffira de « rassembler le peuple », qui, à l’image de la vision rousseauiste, va « sentir l’intérêt général » naturellement…

    • Descartes dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      [Sans doute « peuple » permet-il, en faisant un certain usage du terme, de réintroduire un discours sur la conflictualité sociale sans recourir au concept, beaucoup plus technique et connoté, de « classe ». La Nation a une dimension unitaire.]

      Vous avez en partie raison. Cependant, l’utilisation du mot « peuple » dans le discours moderne est aussi très largement « unitaire ». En devenant le siège de la « souveraineté », le « peuple » mélenchonien inclut pratiquement tout le monde, exception faite de quelques centaines de méchants. Il est vrai que les concepts de « classe » et « nation » ont fait l’objet d’analyses et débats consistants et sont donc moins « plastiques » que le terme « peuple », auquel on peut faire dire à peu près ce qu’on veut. Je pense que c’est surtout pour cette raison qu’il revient à la mode.

      [En revanche, avec peuple, il est plus facile d’expliquer qu’il y a quelque part un obscur « monde de la finance » qui est responsable de tous les maux… Une fois cette opposition manichéenne et assez peu structurelle construite, plus besoin de programme, il suffira de « rassembler le peuple », qui, à l’image de la vision rousseauiste, va « sentir l’intérêt général » naturellement…]

      Je partage votre analyse. Mais je pense aussi que la reprise du concept de « peuple » tient à la logique anti-institutionnelle de la « vraie gauche ». Le concept de « nation » conduit naturellement à l’idée de constitution, comme le souligne Carré de Malberg. La « nation » n’est pas un simple rassemblement de gens qui partagent telle ou telle caractéristique, c’est une communauté politique qui possède le pouvoir instituant autant que constituant. Le « peuple », lui, est immanent et n’a pas besoin d’institutions pour exister.

  53. @Descartes
    “Depuis que mai 1968 a chassé le prolétariat de son rôle de « force virile de l’histoire », la galaxie gauchiste se cherche une masse de substitution.”

    Pourtant Castoriadis, que vous citez à l’occasion, préfigurait nettement ce basculement de paradigme:

    « Il est capital de le dire fortement et calmement : en Mai 68 en France le prolétariat industriel n’a pas été l’avant-garde révolutionnaire de la société, il en a été la lourde arrière-garde. Si le mouvement étudiant est effectivement parti à l’assaut du ciel, ce qui a plaqué par terre la société à cette occasion a été l’attitude du prolétariat, sa passivité à l’égard de ses directions et du régime, son inertie, son indifférence par rapport à tout ce qui n’est pas revendication économique. Si l’horloge de l’histoire devait s’arrêter à cette heure, il faudrait dire qu’en Mai 68 la couche la plus conservatrice, la plus mystifiée, la plus prise dans les rets et les leurres du capitalisme bureaucratique moderne a été la classe ouvrière, et plus particulièrement sa fraction qui suit le P.C. et la C.G.T. Sa seule visée a été d’améliorer sa situation dans la société de consommation. Même cette amélioration, elle n’imagine pas qu’elle puisse l’accomplir par une activité autonome. Les ouvriers se sont mis en grève, mais en ont laissé aux organisations traditionnelles la direction, la définition des objectifs, le choix des méthodes d’action. Tout naturellement, ces méthodes sont devenues des méthodes d’inaction. Lorsque l’histoire des événements sera écrite, on découvrira dans telle ou telle entreprise, dans telle ou telle province, une tentative d’un secteur ouvrier d’aller au-delà. Mais l’image massive, sociologique, est nette et certaine : les ouvriers n’ont même pas été physiquement présents. »

    « Le personnage central de la pièce -personnage collectif et complexe, comme toujours dans le théâtre de l’histoire, à l’aspect et au caractère inédits – n’a pas d’ancêtres chez les classiques. Il incarne la jeunesse, étudiante mais pas seulement, et une partie des couches modernes de la société, surtout l’intelligentsia intégrée dans les structures productrices de « culture ». Certes, si ce personnage peut créer autour de lui et animer un vrai drame, et non un incident, c’est qu’il se rencontre avec d’autres personnages prêts à entrer en action et, comme toujours, pour des motifs et des fins qui leurs sont propres.
    […] L’expérience de l’aliénation dans le travail, celle de l’usure de la société de consommation, le prolétariat n’est plus le seul à la faire : elle est faite par toutes les couches de la société. On est même en droit de se demander si cette expérience n’est pas faite de façon plus aiguë hors du prolétariat proprement dit. La saturation par rapport à la consommation, le dévoilement de l’absurdité de la course vers toujours plus, toujours autre chose, peuvent être plus facilement acquis par des catégories moins défavorisées quant au revenu. L’aliénation dans le travail, l’irrationalité et l’incohérence de « l’organisation » bureaucratique peuvent être plus facilement perçues par des couches qui travaillent hors de la production matérielle ; dans celle-ci, en effet, la matière elle-même impose une limite à l’absurde bureaucratique, cependant que celui-ci tend à devenir infini dans les activités non-matérielles qui ne connaissent aucun sol, aucune butée matériels.
    […] Il faut briser les cadres traditionnels de la réflexion sociologique (y compris marxiste), et dire : dans les sociétés modernes la jeunesse est comme telle une catégorie sociale sous-tendue par une division de la société à certains égards plus importante que sa division en classes. […] La division pertinente devient aujourd’hui celle entre ceux qui acceptent le système et ceux qui le refusent. »
    -Cornelius Castoriadis, Mai 68 – La Révolution anticipée. Texte diffusé sous forme de brochure par des anciens camarades de Socialisme ou Barbarie à la fin du mois de mai, repris avec des textes d’Edgar Morin et de Claude Lefort dans La Brèche, Fayard, juin 1968.

    • Descartes dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      [« Depuis que mai 1968 a chassé le prolétariat de son rôle de « force virile de l’histoire », la galaxie gauchiste se cherche une masse de substitution. ». Pourtant Castoriadis, que vous citez à l’occasion, préfigurait nettement ce basculement de paradigme:]

      Le « pourtant » est de trop. Castoriadis dans ce texte expose exactement ce que sera le crédo idéologique des gauchistes issus des « classes moyennes », à savoir, que le prolétariat étant devenu une « classe réactionnaire », il fallait s’appuyer sur d’autres groupes sociaux. Ce crédo est le résultat d’un échec : celle de l’OPA des soixante-huitards sur la classe ouvrière. En 1968, les ouvriers préféré faire confiance à leurs propres organisations, le PCF et la CGT, pour défendre leurs intérêts plutôt que de s’embarquer dans le bateau « révolutionnaire » piloté par les « classes moyennes » libérales-libertaires. Cela leur a valu d’être chassées du panthéon révolutionnaire du gauchisme, et remplacés par les nouveaux prototypes de l’opprimé – les femmes, les migrants, les SDF – idéologiquement plus faciles à utiliser.

      Dans ce texte, Castoriadis ne fait que donner un habillage théorique à ce choix politique. La légitimité « révolutionnaire » se trouve ainsi transférée aux « couches modernes de la société » (!!!) puisque « l’aliénation dans le travail, l’irrationalité et l’incohérence de « l’organisation » bureaucratique peuvent être plus facilement perçues par des couches qui travaillent hors de la production matérielle » (!!!!). Terra Nova n’aurait pas dit mieux…

  54. Antoine dit :

    Bonjour Descartes,

    Rien à voir avec votre texte, mais je me permets de signaler cette interview sur l’histoire du voile islamique (comparativement, notamment, à la question du voile dans la chrétienté) :
    http://jefklak.org/?p=2823

    Un extrait :

    « Mon livre ne prétend certainement pas que les femmes jouissent, dans le monde islamique, d’une plus grande liberté qu’ailleurs. Je ne suis pas un ardent défenseur de l’islam. Je ne suis d’ailleurs, à titre personnel, l’ardent défenseur d’aucune religion. Ma position n’est pas celle des musulmans libéraux ou « modérés » comme on dit aujourd’hui stupidement, comme si une croyance quelle qu’elle soit pouvait être modérée. Cet argument consisterait à dire : bien comprise, c’est quand même une religion formidable – or je ne vois pas l’intérêt de ce type de justifications.

    Ce qui est sûr, c’est que c’est sous l’autorité de cette religion que des femmes – celles dont l’époux était suffisamment aisé pour se le permettre – ont été rigoureusement enfermées dans des harems pendant une douzaine de siècles. La question du voile se modalise donc différemment. Ce n’est pas un symbole religieux de la soumission voulue par Dieu, c’est une cellule mobile, une réclusion portative, un cache que l’on revêt pour se rendre au hammam ou chez le médecin, quand il est absolument nécessaire de sortir. »

  55. odp dit :

    Bonjour Descartes,

    Je vais me permettre de rebondir, certes avec retard, mais rebondir tout de même, sur votre texte. Il y a, je pense, 2 critiques à faire à votre approche.

    La première, qui a été développée par Antoine, est que votre présupposé est tout simplement faux. Non, la concurrence pure et parfaite ne mène pas à la ruine; mais, en bonne logique Darwino-Schumpeterienne, à l’innovation technologique et à l’amélioration des conditions de vie. De fait, on ne saurait nier qu’a contrario la rente mène à la sclérose ou que les guerres (compétition exacerbée s’il en est) ont souvent été un adjuvant très fort pour l’innovation (la caricature étant cet atome qui vous est si cher). Il n’y donc pas de loi économique qui montrent que la concurrence est néfaste au bien commun.

    La deuxième est critique est que nos gouvernants sont conscients, qu’en l’état actuel, le problème des pays développés (le cadre si vous préférez) n’est pas un problème d’offre mais un problème de demande mais que dans le cas très particulier de la France, le problème principal en relatif est un problème d’offre. C’est une nouvelle version du dilemme du prisonnier ou de la fameuse maxime de Julien Freund qui veut que même si vous ne désignez pas l’ennemi, lui vous désigne. Autrement dit, comme dans les années 30, on peut regretter la course aux armements; mais l’ignorer est suicidaire: si tous nos concurrents se lancent dans un vaste mouvement de flexibilisation du travail il est criminel de ne pas nous adapter, à moins de changer radicalement les règles du jeu (par le biais de la mise en place d’une forme de protectionnisme), mais vous conviendrez que ce n’est pas sur cette plateforme que nos gouvernants ont été élus.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [La première, qui a été développée par Antoine, est que votre présupposé est tout simplement faux. Non, la concurrence pure et parfaite ne mène pas à la ruine; mais, en bonne logique Darwino-Schumpeterienne, à l’innovation technologique et à l’amélioration des conditions de vie.]

      Bon, la profession de foi est proclamée. Et maintenant, pourrions nous avoir quelques arguments pour soutenir cette affirmation ?

      La « bonne logique Darwino-Schumpéterienne » ne dit nullement ce que vous essayez de lui faire dire. Il ne vous aura pas échappé qu’un certain nombre d’espèces se sont éteintes, ce qui tendrait à faire penser que si la « bonne logique » en question conduit certains à vivre mieux, il conduit d’autres à vivre moins bien, voire pas du tout.

      Comme je l’ai expliqué à Antoine, le marché « pur et parfait » conduit – c’est un raisonnement purement mathématique que même les libéraux les plus acharnées admettent – à la compression de la rémunération du travail comme celle du capital. Si les salaires ne descendent pas au niveau de survie et la rémunération du capital ne tombe pas à zéro, c’est parce que « la bonne logique Darwino-Schumpéterienne » s’ingénie à pervertir les marchés, en les éloignant du caractère « pur et parfait ». Par exemple, en permettant à ceux qui apportent des nouvelles idées ou de nouvelles technologies d’en disposer exclusivement par le biais du copyright ou du brevet, deux « barrières à l’entrée » qui défient la définition du marché « pur et parfait ».

      Et puis, bien sur, il y a les domaines « matures », ou les nouvelles idées et les découvertes technologiques sont rares… et dans ces domaines-là, lorsque les marchés fonctionnent bien, la profitabilité et les salaires sont faibles. Ce n’est pas une coïncidence…

      [De fait, on ne saurait nier qu’a contrario la rente mène à la sclérose ou que les guerres (compétition exacerbée s’il en est) ont souvent été un adjuvant très fort pour l’innovation (la caricature étant cet atome qui vous est si cher). Il n’y donc pas de loi économique qui montrent que la concurrence est néfaste au bien commun.]

      Je vous rappelle que la discussion ne tournait pas autour de l’idée de « concurrence », mais de « marché », et plus précisément des effets d’un « marché pur et parfait ». Je ne me souviens pas d’avoir écrit que « la concurrence est néfaste au bien commun ». Je me souviens par ailleurs avoir défendu la méritocratie, qui est un système de sélection fondée sur la concurrence…

      [La deuxième est critique est que nos gouvernants sont conscients, qu’en l’état actuel, le problème des pays développés (le cadre si vous préférez) n’est pas un problème d’offre mais un problème de demande mais que dans le cas très particulier de la France, le problème principal en relatif est un problème d’offre.]

      Là encore, j’aimerais bien entendre votre argumentation. Parce que votre affirmation n’a rien d’évident. En quoi le problème principal serait en France un problème d’offre ?

      [C’est une nouvelle version du dilemme du prisonnier ou de la fameuse maxime de Julien Freund qui veut que même si vous ne désignez pas l’ennemi, lui vous désigne. Autrement dit, comme dans les années 30, on peut regretter la course aux armements; mais l’ignorer est suicidaire: si tous nos concurrents se lancent dans un vaste mouvement de flexibilisation du travail il est criminel de ne pas nous adapter, à moins de changer radicalement les règles du jeu (par le biais de la mise en place d’une forme de protectionnisme), mais vous conviendrez que ce n’est pas sur cette plateforme que nos gouvernants ont été élus.]

      J’en conviens. Mais vous conviendrez que si nos gouvernants n’ont pas été élus sur une plateforme protectionniste, ils n’ont pas non plus été élus sur une plateforme « liberale » fondée sur la politique de l’offre… alors, quitte à trahir les électeurs, autant le faire dans un sens que d’ans l’autre, non ?

    • Antoine dit :

      Bonjour odp,

      > La première, qui a été développée par Antoine, est que votre présupposé est tout simplement faux. Non, la concurrence pure et parfaite ne mène pas à la ruine; mais, en bonne logique Darwino-Schumpeterienne, à l’innovation technologique et à l’amélioration des conditions de vie.

      Ce n’est pas l’argument que j’ai développé. J’ai dit que la théorie du marché pur et parfait ne conduisait pas à la ruine *à la condition* qu’il y ait une perturbation régulière sous forme de changements technologiques ou industriels (plus généralement, bouleversement inégal des paramètres de production permettant de re-différencier les producteurs). Je n’ai pas dit qu’un marché pur et parfait entraînait *automatiquement* de tels changements.

      On peut parfaitement imaginer un marché de petits producteurs où il n’y aurait que très peu d’améliorations de productivité (et il est possible que cette situation ait déjà existé, par exemple durant l’Antiquité ou le haut Moyen-Âge), soit par manque d’accumulation de capital, soit par manque de support scientifique et théorique pour des améliorations.

    • yann dit :

      @odp

      Le beau raisonnement tautologique libéral que voilà. Et de quelle concurrence parlez-vous exactement? La concurrence réelle n’a de sens qu’entre égaux. Dans une compétition sportive, l’on fait concourir des gens dont le niveau est à peu près le même. On ne fait pas courir un handicapé avec un champion olympique, cela n’aurait aucun sens. La mondialisation actuelle ce n’est pas de la concurrence entre entreprises qui cherche à améliorer sans cesse leurs produits. Au contraire c’est une machine à n’organiser la concurrence qu’entre systèmes sociaux sur le coût salarial et l’optimisation fiscale. Parce que les capitalistes n’aiment pas la concurrence, ils aiment les rentes et les rendements délirants totalement déconnectés de la croissance réelle. Une compétition sans règle, voilà qui mènent à la loi du plus fort qui finit par obtenir un monopole mondial. Dans une compétition sportive, ceux qui perdent ne sont pas abattus. Ils repartent chez eux et copient les efforts des meilleurs pour gagner la prochaine fois. C’est ça une concurrence saine, c’est une émulation. Il s’agit de pousser les entreprises à donner le meilleur d’elles même, ce n’est pas un jeu de massacre où l’on tue les plus faibles pour qu’il n’en reste qu’un à la fin qui domine tous.

      Dans le raisonnement de Shumpeter et des penseurs de la concurrence, il y a le présupposé que cette fameuse concurrence porte avant tout sur la qualité des produits, des services de la technique et de l’organisation. Les gens qui ont inventé ces théories ne pensaient d’ailleurs pas qu’il serait un jour possible de déplacer les facteurs de production. Vous notez d’ailleurs que la concurrence n’a pas de fin dans leur théorie, il y a toujours des concurrents. Or dans le monde réel, on assiste au contraire à la création de monopole et d’oligopole. Pire que ça la mondialisation a créé la pire des choses qui soit des monopoles mondiaux à l’image de Microsoft ou Google. Le marché laissé à lui même conduit à un communisme privatisé favorisant les rentes. La vraie concurrence ne doit pas porter sur les salaires et le coût du travail. Une entreprise extrêmement performante dans son organisation qui finalement perd parce qu’elle paie correctement ces salariés, c’est un système économique absurde. Au final la mondialisation libérale finira par justifier le retour à l’esclavage et au travail des enfants.

      Les protectionnistes dont je fais partie ne sont pas contre la concurrence. Mais pour une organisation de celle-ci. Pour que la concurrence amène un progrès réel, elle doit se faire sur une base égalitaire . Deux entreprises partageant un même système social se différencieront réellement par leur efficacité. La concurrence entre des entreprises dont les pays ont des systèmes sociaux complètement différents ne peut conduire qu’à la domination du pays aux pratiques les moins solidaires. C’est d’ailleurs bien pour ça que la mondialisation a été créée à la base pour casser les salaires et les systèmes sociaux dans les pays avancés. Malheureusement pour les capitalistes à courte vue ils ont reconstruit les conditions d’une crise supérieure à celle de 1929. De toute façon, le réel finira par s’imposer même aux plus doctrinaires des libéraux, la mondialisation capote sous nos yeux. Il n’y a plus de croissance mondiale faute de demande. Vous pouvez toujours inventer ou créer de nouveaux produits, si en face il n’y a pas de demande solvable il n’y aura pas de reprise.

    • Descartes dit :

      @ yann

      [Le beau raisonnement tautologique libéral que voilà. Et de quelle concurrence parlez-vous exactement? La concurrence réelle n’a de sens qu’entre égaux. Dans une compétition sportive, l’on fait concourir des gens dont le niveau est à peu près le même.]

      Pas nécessairement. La preuve est qu’on peut prédire avec une quasi-certitude que certains partants dans une course olympique ne seront pas sur le podium. La concurrence implique que tous les concurrents soient placés dans une situation d’égalité vis-à-vis des contraintes extérieures (même distance, même surface, mêmes équipements, etc.). Pas qu’ils soient « égaux ». D’ailleurs, un simple raisonnement de symétrie montre que votre raisonnement a un problème : si on mettait en compétition des « égaux » bénéficiant non seulement du même niveau mais des mêmes conditions, alors le résultat ne peut être que le fruit du hasard…

      Contester le principe de compétition au nom du fait que tout le monde ne peut pas gagner ne me parait pas être l’argument le plus sérieux. La question est de savoir si un processus compétitif maximise non pas le bonheur individuel des acteurs, mais le bonheur global de la société. Le fait de sélectionner les médecins par concours de mérites rendra peut-être malheureux les étudiants moins doués, mais permettra à al société dans son ensemble de bénéficier de meilleurs médecins. Le processus compétitif se justifie donc. Faudrait-il y renoncer pour pouvoir donner aux mauvais étudiants leur chance ?

      [La mondialisation actuelle ce n’est pas de la concurrence entre entreprises qui cherche à améliorer sans cesse leurs produits. Au contraire c’est une machine à n’organiser la concurrence qu’entre systèmes sociaux sur le coût salarial et l’optimisation fiscale. Parce que les capitalistes n’aiment pas la concurrence, ils aiment les rentes et les rendements délirants totalement déconnectés de la croissance réelle.]

      Tout le monde aime les rentes et les « rendements délirants » de ses actifs, et pas seulement les capitalistes. Il faut se méfier des descriptions simplistes ou moralisantes : il n’y a pas que « les capitalistes » qui n’aiment pas la concurrence. C’est pourquoi le rapport entre le libéralisme théorique et la pratique du capitalisme est à peu près aussi étroite que le rapport entre le socialisme théorique et les socialismes réels. Ainsi, par exemple, si les libéraux voulaient être conséquents, ils seraient contre les brevets et les marques – qui sont une barrière au marché – et contre l’héritage…

      [Dans le raisonnement de Shumpeter et des penseurs de la concurrence, il y a le présupposé que cette fameuse concurrence porte avant tout sur la qualité des produits, des services de la technique et de l’organisation. Les gens qui ont inventé ces théories ne pensaient d’ailleurs pas qu’il serait un jour possible de déplacer les facteurs de production.]

      Bien sur que si. La globalisation n’a pas commencé au XXème siècle : lorsque l’empire britannique amène le coton indien aux manufactures de Manchester, il déplace déjà les « facteurs de production »… Les théoriciens de la concurrence ne postulent nullement que la concurrence se ferait sur « la qualité des produits », mais plutôt sur leur prix et donc sur l’efficacité du processus de production. La théorie libérale se fonde sur cette idée que la pression concurrentielle poussera le capital et le travail à aller vers les secteurs et les techniques qui permettent de produire moins cher, c’est-à-dire, les plus efficaces.

      [Vous notez d’ailleurs que la concurrence n’a pas de fin dans leur théorie, il y a toujours des concurrents. Or dans le monde réel, on assiste au contraire à la création de monopole et d’oligopole.]

      Pas nécessairement. Prenez les bistrots parisiens : ils sont en concurrence depuis six siècles, et pourtant on ne voit surgir aucun « monopole » à l’horizon. La concurrence aboutit à un monopole seulement dans les activités où l’efficacité croît avec la taille. Dans ces domaines, la fusion de deux concurrents aboutit toujours à une production plus efficace, et de fusion en fusion on reconstitue un monopole (dit « monopole naturel »). Mais dans les activités ou l’efficacité décroît avec la taille (la resstauration, par exemple) les nouveaux entrants au marché, qui sont petits, ont un avantage par rapport aux gros, et c’est pourquoi le marché ne tend pas à constituer un monopole.

      [Pire que ça la mondialisation a créé la pire des choses qui soit des monopoles mondiaux à l’image de Microsoft ou Google.]

      Les monopoles n’ont pas attendu le XXème siècle pour apparaître. Les « compagnies des Indes » étaient autrement plus puissantes que Microsoft ou Google : non seulement c’étaient des monopoles légaux, mais elles avaient la permission de lever des armées et d’armer des bateaux de guerre ! Microsoft ou Google sont l’illustration de ce que j’ai exposé plus haut : ce sont des « monopoles naturels ». Et l’idée que les monopoles naturels doivent être contrôlées par les Etats est admise même par certains libéraux…

      [Les protectionnistes dont je fais partie ne sont pas contre la concurrence. Mais pour une organisation de celle-ci. Pour que la concurrence amène un progrès réel, elle doit se faire sur une base égalitaire. Deux entreprises partageant un même système social se différencieront réellement par leur efficacité.]

      Comme vous, je ne suis pas contre la concurrence. Les mécanismes de marché sont des mécanismes de régulation efficaces sous certaines conditions et dans certains domaines, et il n’y aucune raison de s’en priver. Mais je ne crois pas que la condition d’égalité que vous proposez soit ni nécessaire, ni suffisante, ni même possible. Vous savez bien que l’agriculteur dispose de terrains qui ont des rendements différents. Comment mettre ces différents terrains « à égalité » ? Si vous subventionnez les moins productifs, vous enlevez l’incitation a cultiver d’abord ceux qui ont le meilleur rendement, ce qui est absurde.

      Je ne crois pas qu’on puisse défendre le protectionnisme comme vous le faites avec une argumentation fondée sur l’égalité des conditions. Une égalité qui d’ailleurs n’a aucun fondement clair. Pour moi, le protectionnisme est nécessaire non pas pour assurer une compétition « juste », mais pour assurer l’équilibre des échanges extérieurs, autrement dit, pour assurer qu’au niveau de chaque nation on consomme exactement ce qu’on produit, ni plus, ni moins. Pourquoi faire cet équilibre au niveau national ? Parce que c’est à ce niveau qu’on peut décider de la redistribution de la richesse produite en fonction d’une conception partagée de la justice sociale.

    • yann dit :

      @Descartes

      « Contester le principe de compétition au nom du fait que tout le monde ne peut pas gagner ne me parait pas être l’argument le plus sérieux »

      Excusez-moi, mais vous me faites dire ce que je n’ai pas dit. Je parle du fait qu’une bonne compétition est une compétition qui se fait avec des règles. La mondialisation actuelle à transférer la concurrence sur le dos des salariés vous le savez très bien. L’absence totale de régulation du commerce entraîne mécanique la victoire des pays dont les salaires sont les plus faibles. L’une des raisons étant que les facteurs de production sont aujourd’hui largement mobiles. Les usines qui ouvrent en Chine ou au Maroc sont aussi productives qu’en France. Les pays avancés dont les systèmes sociaux ont mis des décennies à être mis en place pour accompagner la poussée progressive de la productivité n’ont aucune chance. Et la logique même du système conduira les industriels à installer leurs usines toujours plus loin à la recherche d’un coût salarial toujours plus faible. Avec pour corollaire un effondrement de la demande mondiale qui a déjà commencé.

      Vous vous amusez à comparer la mondialisation actuelle avec les précédentes, mais elle est très différente à cause du rythme que la technique permet d’atteindre. Pendant la mondialisation britannique, les usines de Londres n’ont pas été délocalisées en Inde parce que ce n’était pas possible physiquement et parce que ces pays avaient un trop faible niveau d’instruction. Ils importaient des matières premières et exporter des produits finis. Ils n’exportaient pas les biens d’équipements et les fabriques qui leur donnaient un avantage. On n’est plus du tout dans ce cas de figure. Comme le disait Friedrich List si l’on écoute les libéraux un pays qui n’a aucune spécialisation dans aucun domaine possible dans le commerce mondial n’aura plus qu’à prostituer ses femmes et ses enfants. Est-ce le sort que vous voulez pour la France ? D’ailleurs maintenant la France exporte du bois vers la Chine et importe des meubles provenant de ce même pays. N’est-ce pas le signe d’une tiers-mondisation avancée ?

      D’autre part je trouve assez drôle de parler comme s’il n’y avait pas de distorsion de concurrence. Que faites-vous des flottements monétaires ? Une dévaluation n’est-elle pas une forme de protectionnisme ? La mondialisation du commerce s’est toujours accompagnée d’un ralentissement économique, celle-ci ne fait pas exception. Je vous invite à lire les livres de Paul Bairoch à ce sujet, les chiffres sont catégoriques. Il n’y a aucune optimisation de quoi que ce soit avec la mondialisation. Elle sert essentiellement à favoriser certaines classes sociales au détriment d’autres, en aucun cas elle n’augmente la richesse globale. Elle permet par contre de grassement enrichir les intermédiaires et les trafiquants humains des temps modernes. Le monde régulé d’après-guerre avait une croissance nettement plus forte, c’était un monde qui n’était pas fermé, mais régulé. Comme le disait Keynes :
      « Que les idées, la connaissance, l’art, l’hospitalité, les voyages : ce sont là des choses qui, par nature, doivent être internationales . Mais produisons les marchandises chez nous chaque fois que c’est raisonnablement et pratiquement possible ; et, surtout, faisons en sorte que la finance soit en priorité nationale. « 

      « Prenez les bistrots parisiens : ils sont en concurrence depuis six siècles, et pourtant on ne voit surgir aucun « monopole » à l’horizon. »

      Que représentent ces activités à côté des activités industrielles en terme de poids économique ? Pas grand-chose. Vous illustrez ici les propos de John Kenneth Galbraith sur le fait que la concurrence est une vue de l’esprit passéiste qui ne concerne plus qu’une toute petite partie de l’activité humaine. Des secteurs où il y a seulement deux ou trois fabricants sur la planète sont-ils réellement encore des marchés ? L’accroissement du niveau technique a créé des nécessités d’immenses appareillages qui rendent caduque la possibilité de concurrence. Dès lors parler de compétition mondiale est devenu absurde. Votre ordinateur fonctionne avec un processeur AMD ou Intel. Vous ne pouvez pas acheter d’autre marque, il n’y en a pas. Ce n’est qu’un exemple. Et aucun nouvel acteur ne risque de naître parce que le coût de départ pour créer une telle entreprise est trop grand, vous êtes avec des monopoles de fait, mais privés. Dans la théorie des marchés les acteurs ne sont-ils pas supposés être suffisamment petits pour ne pas en distordre le fonctionnement ? Entre la théorie libérale et le monde réel, il y a un tel gouffre que j’ai du mal à prendre au sérieux ces thèses.

    • odp dit :

      @ Antoine, Descartes, Yann

      Mon cher Antoine, je n’ai jamais dit que la concurrence pure et parfaite menait “automatiquement” à l’innovation technologique et à l’amélioration des conditions de vie mais simplement suggéré qu’il s’agissait du meilleur moyen pour y arriver. Comme vous l’avez dit, on peut “imaginer” une concurrence stérile; mais on peut encore plus facilement “imaginer” comment l’absence de concurrence est la meilleure recette pour le déclin. Parlez-en aux dodos de Madagascar, ils vous expliqueront.

      D’ailleurs cher Descartes, certes au cours de l’évolution certaines espèces ont disparu; mais qui, justement, regrette les dodos? Si les français doivent être les dodos du 21ème siècle et disparaître comme nation influente par refus d’adaptation à la concurrence internationale et bien qu’il en soit ainsi: ils n’auront à s’en prendre qu’à eux-mêmes. C’est d’ailleurs le raisonnement que font ces gouvernants que vous vilipendez tant de Hollande à Juppé en passant par Macron, Valls, Lemaire et autres Fillon: nous éviter le destin des dodos. Mais il est vrai qu’à force de CGT, FO, ATTAC, NPA, PCF, FDG et autre SUD, la pente est raide et glissante qui nous entraîne vers l’abîme…

      Plus généralement, qui peut nier que les 30 dernières années ne soient AUSSI une publicité vivante pour le libéralisme? Demandez aux Chinois, aux Indiens, aux Indonésiens, aux Nigérians et même à ses bons à rien de Brésiliens (pour ne citer que les plus gros) ce qu’ils en pensent. Ils adorent! Des centaines de millions de gens ont été sorti de la pauvreté, l’espérance de vie, le pouvoir et l’alphabétisation augmentent, tout roule! A contrario, quand on voit la trajectoire des (derniers) réfractaires: quelle catastrophe (Corée du Nord, Venezuela), quelle capitulation (Cuba). En parlant de ça, connaissez vous la dernière blague du pouvoir Chaviste? Décréter des weekend de 3 jours pour “économiser” l’électricité… Tout est dit: l’incurie, l’ubuesque, le grotesque. Et ces gens ont les premières réserves pétrolières du monde…

      De fait, mon cher Yann, Descartes a déjà commencé à enterrer votre idée que toute compétition doit se faire “entre égaux” mais je vais ajouter ma pelletée de terre. Demandez à Alexandre, Jules César, Attila, Charlemagne, Gengis Kahn, Cortez, Napoléon ou Hitler s’ils pensent que les seules batailles qui méritent d’être livrées sont celles qui sont “équilibrées”? Vaste blague. La meilleure bataille, c’est celle où l’on gagne à tous les coups, où l’on écrase l’adversaire. Austerlitz, pas Verdun. De même, votre analogie sportive est un contresens total. Non les jeux Olympiques ne correspondent pas à une compétition “entre égaux”. Il s’agit d’une compétition mondiale à laquelle vous participez en vous abstenant. Le champion Olympique est le meilleur du monde: il a battu tout le monde, y compris l’handicapé qui préfère regarder la compétition devant se télé. D’une manière plus générale, le sport est justement LE lieu d’expérimentation d’une concurrence pure et parfaite (c’est d’ailleurs pour ça que riches et pauvres respectent tant les sportifs) et qui “prouve” les bienfaits. Si le niveau des compétitions ne cesse de monter et les records d’être battus, c’est bien parce que la compétition est acharnée et sans entrave.

      Ceci dit, je n’ai en réalité aucun intérêt pour ces débats théoriques qui me paraissent stériles et incapable de rendre de compte de la réalité et c’est justement là qu’était ma critique du papier de Descartes: le débat sur la loi El-Khomri n’a que faire d’une réflexion théorique sur la concurrence pure et parfaite. De fait des millions de pages ont été écrites sur les bienfaits ou méfaits du libre-échange, mobilisant toutes les données empiriques possibles et impliquant des Nobel, dans un camp comme dans l’autre. Dans l’ensemble, ces études ont plutôt conclu aux bienfaits du libre-échange; mais comme la science économique n’est justement pas une science mais un lieu d’affrontement idéologique, rien de tout ceci n’est réellement conclusif car rien n’est vrai “de tous temps et en toutes circonstances”: tout est affaire d’équilibre.

      Aussi, mon opinion personnelle est que le “libéralisme” doit être la pierre angulaire de notre système politique et économique mais que cela ne doit en rien vouloir dire qu’il est légitime sacrifier des pans entiers et toujours croissant de notre économie et de notre population pour le simple plaisir d’enrichir les asiatiques et, accessoirement, les 0,1%. C’est pourquoi l’organisation économique actuelle me paraît délétère, sans qu’il paraisse toutefois évident de savoir ou de pouvoir en changer. Probablement à l’occasion d’une prochaine crise financière ou d’un soubresaut géopolitique mais qui sait.

      Il n’empêche, le droit du travail en France est un cauchemar pour les employeurs et une feuille de vigne pour les employés, qui, de part et d’autre, créé d’incalculables externalités négatives. Tant qu’il existera des parasites comme les CGT d’Amiens-Nord et des imbéciles pour les acclamer, il méritera d’être réformé et “flexibilisé”.

    • Descartes dit :

      @ yann

      [« Contester le principe de compétition au nom du fait que tout le monde ne peut pas gagner ne me parait pas être l’argument le plus sérieux ». Excusez-moi, mais vous me faites dire ce que je n’ai pas dit. Je parle du fait qu’une bonne compétition est une compétition qui se fait avec des règles.]

      J’ai peut-être poussé votre raisonnement un peu loin, et je m’excuse si ce faisant je l’ai dénaturé. Mais votre commentaire allait plus loin que la simple demande de « règles ». Pour vous, la compétition nécessite aussi que les concurrents soient placés en situation d’égalité. Vous donniez d’ailleurs comme exemple le fait que dans les compétitions sportives on ne fait courir que des concurrents de niveau équivalent.

      [La mondialisation actuelle à transférer la concurrence sur le dos des salariés vous le savez très bien. L’absence totale de régulation du commerce entraîne mécanique la victoire des pays dont les salaires sont les plus faibles.]

      C’est un pue plus compliqué que ça. Les salaires au Mali ou en Afghanistan sont aussi faibles qu’en Inde ou en Chine – voire plus faibles – et pourtant on ne voit pas de « victoire » économique dans ces pays-là. Le capital va chercher les pays ou les profits sont les plus importants, et non les pays ou les salaires sont les plus faibles. Les salaires ne sont qu’un élément de la compétitivité, et pas le seul.

      Mais en dehors de ce détail, je suis d’accord avec vous sur le point principal : la mobilité du capital fait qu’il peut mettre en compétition les conditions de production dans différents pays, et cela exerce une pression à la baisse sur les salaires et sur les conditions de travail, du moins dans les industries de main d’œuvre.

      [Et la logique même du système conduira les industriels à installer leurs usines toujours plus loin à la recherche d’un coût salarial toujours plus faible. Avec pour corollaire un effondrement de la demande mondiale qui a déjà commencé.]

      C’est pourquoi le système n’est pas stable : pour faire des profits, le capital a besoin que le travail soit bon marché et qu’il y ait des clients qui aient de l’argent pour acheter ses produits. Depuis des années, le système fonctionne parce que les pays dits développés vivent sur le crédit et sur les infrastructures bâties au cour des décennies précédentes pour maintenir un niveau de demande raisonnable. Aujourd’hui, le système est en crise.

      [Vous vous amusez à comparer la mondialisation actuelle avec les précédentes, mais elle est très différente à cause du rythme que la technique permet d’atteindre. Pendant la mondialisation britannique, les usines de Londres n’ont pas été délocalisées en Inde parce que ce n’était pas possible physiquement et parce que ces pays avaient un trop faible niveau d’instruction.]

      C’est inexact. On a délocalisé bien avant le XXème siècle. Au XVIIème siècle, déjà, on n’importait pas en Europe de la canne a sucre. La canne était traitée sur place et on importait le produit transformé. Par ailleurs, pourquoi se limiter à l’industrie ? Certaines cultures – le coton, le lin – ont été « délocalisées » parce que le rendement était meilleur et la main d’œuvre moins chère dans les colonies. Cette « délocalisation agricole » avait le même effet qu’aujourd’hui la délocalisation industrielle.

      [Ils importaient des matières premières et exporter des produits finis.]

      Qu’est ce que cela change ?

      [On n’est plus du tout dans ce cas de figure. Comme le disait Friedrich List si l’on écoute les libéraux un pays qui n’a aucune spécialisation dans aucun domaine possible dans le commerce mondial n’aura plus qu’à prostituer ses femmes et ses enfants.]

      Ricardo lui a répondu : un pays a toujours intérêt à se spécialiser dans les productions dans lesquels il est le meilleur, même s’il est moins productif dans ce domaine que ses voisins. De toute manière, et quelque soit la mécanique qu’on utilise, le niveau de vie d’un pays ne peut être durablement supérieur à celui que sa productivité peut lui assurer…

      [Est-ce le sort que vous voulez pour la France ? D’ailleurs maintenant la France exporte du bois vers la Chine et importe des meubles provenant de ce même pays. N’est-ce pas le signe d’une tiers-mondisation avancée ?]

      Je ne le crois pas. Il y a dans l’affaire une question subjective : si nous achetons des meubles chinois, c’est parce que c’est moins cher, et non parce que nous ne savons pas fabriquer des meubles. D’ailleurs, nous achetons en Chine les meubles bon marché, mais continuons à faire chez nous les meubles de haute qualité. Nous délocalisons en fait les activités qui ont la plus faible valeur ajoutée, exactement le contraire d’une « tiers mondisation »…

      Je pense que la critique de la mondialisation doit être rationnelle. Il n’y a rien de mauvais dans le fait que chaque pays se spécialise dans ce qu’il fait le mieux : on ne va pas planter des orangers à Norvège, mieux vaut le faire en Espagne. Et on ne va pas élever des saumons en Espagne, mieux vaut le faire en Norvège. Faut-il obliger les norvégiens à manger des oranges élevées en serre et donc très coûteuses, alors qu’ils pourraient bénéficier de la productivité des orangers espagnols ? Je suis pour le protectionnisme, mais pour un protectionnisme intelligent, qui garantit à chaque pays l’équilibre de ses échanges extérieurs. Mais cela n’exclut pas le commerce international et la spécialisation.

      [D’autre part je trouve assez drôle de parler comme s’il n’y avait pas de distorsion de concurrence.]

      Qui parle « comme s’il n’y avait pas de distorsion de concurrence » ?

      [Que faites-vous des flottements monétaires ? Une dévaluation n’est-elle pas une forme de protectionnisme ?]

      Vous faites je pense une petite confusion. Le « flottement monétaire » consiste à laisser la parité des monnaies s’établir sur les marchés. Il est donc impossible de « dévaluer ». Une dévaluation implique une parité monétaire fixée réglementairement.

      [La mondialisation du commerce s’est toujours accompagnée d’un ralentissement économique, celle-ci ne fait pas exception. Je vous invite à lire les livres de Paul Bairoch à ce sujet, les chiffres sont catégoriques. Il n’y a aucune optimisation de quoi que ce soit avec la mondialisation.]

      Attendez…vous m’avez expliqué que la mondialisation est un phénomène nouveau, incomparable aux ouvertures commerciales du passé. Comment alors dire que la mondialisation du commerce « s’est TOUJOURS accompagné d’un ralentissement économique » ? J’aimerais que vous m’indiquiez une référence précise ou Bairoch dirait pareille chose. Parce que l’évidence va contre votre théorie. Ainsi, diriez-vous que l’ouverture de la Chine au commerce mondial s’est accompagnée d’un « ralentissement » de son économie ?

      [Elle sert essentiellement à favoriser certaines classes sociales au détriment d’autres, en aucun cas elle n’augmente la richesse globale.]

      Vous dites qu’il n’y a « aucune optimisation de quoi que ce soit avec la mondialisation » ou que cela « n’augmente pas la richesse globale ». Pourtant, le raisonnement de Ricardo semble difficile à contester. C’est quoi vos arguments pour montrer que ce raisonnement est faux ? Il est difficile de soutenir qu’on crée plus de richesse en cultivant des oranges en Norvège…

      [Le monde régulé d’après-guerre avait une croissance nettement plus forte, c’était un monde qui n’était pas fermé, mais régulé. Comme le disait Keynes :]

      Keynes dont il faudrait rappeler qu’il n’était pas contre le libre échange…

      « Que les idées, la connaissance, l’art, l’hospitalité, les voyages : ce sont là des choses qui, par nature, doivent être internationales. Mais produisons les marchandises chez nous chaque fois que c’est raisonnablement et pratiquement possible ; et, surtout, faisons en sorte que la finance soit en priorité nationale. »

      Pourriez-vous m’indiquer d’où est extraite cette citation ? Elle me semble très suspecte…

      [« Prenez les bistrots parisiens : ils sont en concurrence depuis six siècles, et pourtant on ne voit surgir aucun « monopole » à l’horizon. ». Que représentent ces activités à côté des activités industrielles en terme de poids économique ? Pas grand-chose.]

      Vous vous trompez, la restauration, l’hotellerie représentent un poids économique qui est loin d’être aussi négligeable que vous le pensez. Par ailleurs, il y a beaucoup de secteurs industriels ou l’on ne voit pas se constituer des monopoles. Pensez par exemple à la réparation automobile…

      [Vous illustrez ici les propos de John Kenneth Galbraith sur le fait que la concurrence est une vue de l’esprit passéiste qui ne concerne plus qu’une toute petite partie de l’activité humaine.]

      A quel ouvrage de JKG pensez vous ?

      [Des secteurs où il y a seulement deux ou trois fabricants sur la planète sont-ils réellement encore des marchés ?]

      Peut-être pas, mais que représentent ces secteurs en termes de poids économique ? Très peu de secteurs industriels sont aujourd’hui aussi concentrés. Même le secteur du pétrole, pourtant pendant longtemps un secteur oligopolistique…

      [L’accroissement du niveau technique a créé des nécessités d’immenses appareillages qui rendent caduque la possibilité de concurrence. Dès lors parler de compétition mondiale est devenu absurde. Votre ordinateur fonctionne avec un processeur AMD ou Intel.]

      Admettons que ce soit le cas pour certains secteurs économiques. Je voudrais vous poser une question :dans les autres domaines, dans ceux où la concurrence est réelle, pensez-vous qu’il faut laisser le marcher réguler l’activité économique ?

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Mon cher Antoine, je n’ai jamais dit que la concurrence pure et parfaite menait “automatiquement” à l’innovation technologique et à l’amélioration des conditions de vie mais simplement suggéré qu’il s’agissait du meilleur moyen pour y arriver.]

      Là encore, on peut s’interroger. Une très grande partie des innovations connues pendant le XXème siècle sont venues de l’industrie des armements, qui est celle ou l’intervention de l’Etat est la plus forte et les marchés les plus « impurs et imparfaits » qui soient. Et cela dans tous les pays du monde. De même, l’industrie pétrolière – oligopole s’il en est – a été particulièrement innovante. Idem pour l’industrie nucléaire, domaine ou la présence de l’Etat est partout dominante. Pourquoi ? Parce que l’imperfection de ces marchés a permis aux entreprises de dégager des marges importantes pour financer la recherche. Dans beaucoup d’activités, la nécessité de survivre dans des marchés hypercompétitifs finit par manger les marges et donc les capacités d’innovation.

      [D’ailleurs cher Descartes, certes au cours de l’évolution certaines espèces ont disparu; mais qui, justement, regrette les dodos?]

      Beaucoup de monde, puisqu’on continue à en parler. Cela étant dit, il est probable que si l’espèce humaine disparaissait, il n’y aurait personne pour la regretter. Est-ce une raison pour aller vers son extinction ?

      [Si les français doivent être les dodos du 21ème siècle et disparaître comme nation influente par refus d’adaptation à la concurrence internationale et bien qu’il en soit ainsi: ils n’auront à s’en prendre qu’à eux-mêmes.]

      Je ne me souviens pas que les dodos aient « refusé » quoi que ce soit. Et si le prix pour devenir une « nation influente » est une adaptation qui ferait de nous des bangladeshis ou des américains, et bien, la disparition ne me paraît pas un prix si lourd à payer. Au fond, votre formulation suggère que nous n’avons qu’un choix : disparaître. Soit en devenant comme les autres, soit en perdant notre influence. Et bien, je préfère la deuxième solution. Si le modèle social, le style de vie, les valeurs que nous avons forgé au cour de notre histoire n’ont plus de postérité au XXIème siècle, et bien, autant disparaître.

      [C’est d’ailleurs le raisonnement que font ces gouvernants que vous vilipendez tant de Hollande à Juppé en passant par Macron, Valls, Lemaire et autres Fillon: nous éviter le destin des dodos.]

      Vous avez oublié Pétain et les siens. Parce qu’en 1940, c’était déjà le raisonnement qui était tenu : « l’Europe nouvelle est en train de se construire sous la direction de l’Allemagne, si nous ne nous adaptons nous allons disparaître, comme la Pologne ». Ca ne vous rappelle rien ? La formulation du choix en termes d’un dilemme apocalyptique que vous utilisez n’est guère nouvelle. Elle revient périodiquement dans notre histoire. Et à chaque fois il se trouve des Juppé, des Macron, des Valls et des Fillon pour « faire don de leur personne à la France » en prêchant la résignation à l’inévitable. Pardonnez-moi donc de me mettre du côté de ceux qui refusent ce genre d’alternative, qui sont persuadés qu’il y a encore une place pour une France fidèle à son histoire, et qui envisage la modernité en ses termes, et pas comme une « adaptation ».

      [Mais il est vrai qu’à force de CGT, FO, ATTAC, NPA, PCF, FDG et autre SUD, la pente est raide et glissante qui nous entraîne vers l’abîme…]

      Vous avez oublié le FN. Quitte à faire dans l’amalgame, autant mettre tous les gens infréquentables dans la même liste…

      [Plus généralement, qui peut nier que les 30 dernières années ne soient AUSSI une publicité vivante pour le libéralisme?]

      Moi. Et je ne suis pas le seul, je pense.

      [Demandez aux Chinois,]

      Je trouve admirable qu’on puisse donner la Chine comme « publicité vivante pour le libéralisme ». Voici un pays ou l’Etat contrôle l’essentiel des secteurs économiques stratégiques, les banques, les assurances, dont le marché intérieur est largement fermé, ou le pouvoir politique est fermement concentré dans les mains d’une caste bureaucratique. C’est ça, le « libéralisme » ? Faudrait pas trop exagérer, tout de même…

      [aux Indiens, aux Indonésiens, aux Nigérians et même à ses bons à rien de Brésiliens (pour ne citer que les plus gros) ce qu’ils en pensent. Ils adorent!]

      C’est vrai… souvent ils adorent jusqu’au jour où les résultats se font sentir. C’est un peu le problème des programmes de libéralisation : au début, ça marche du tonnerre. D’une part, les privatisations permettent aux agents privés de mettre la main à bas prix sur le patrimoine public patiemment construit pendant des décennies. D’autre part, la libéralisation du crédit permet de vivre très au dessus de ses moyens aussi longtemps qu’on trouve des prêteurs pour alimenter la fête. L’Argentine sous Menem ou la Grèce pré-2008 donnent une bonne idée de ce que cela peut donner. Seulement voilà, une fois qu’on a tout vendu et qu’il faut commencer à rembourser les prêts, les choses se gâtent. Et là, les gens changent leur « adoration » du libéralisme pour une saine méfiance…

      Dans le débat sur le libéralisme, je ne suis pas sectaire. Il y a des contextes ou la libéralisation apporte incontestablement des bénéfices, parce que la régulation par un marché fonctionnel est plus économique qu’une régulation administrative. Dans d’autres domaines, le marché ne peut fonctionner pour des raisons structurelles, et dans ces cas la libéralisation est souvent désastreuses.

      [Des centaines de millions de gens ont été sorti de la pauvreté,]

      Puis replongés. Regardez encore la Grèce…

      [A contrario, quand on voit la trajectoire des (derniers) réfractaires: quelle catastrophe (Corée du Nord, Venezuela), quelle capitulation (Cuba).]

      Vous semblez oublier que si la vie est difficile à Cuba, elle reste bien meilleure que celle au Honduras ou au Salvador, pays « libéraux » s’il en est…

      [En parlant de ça, connaissez vous la dernière blague du pouvoir Chaviste? Décréter des weekend de 3 jours pour “économiser” l’électricité… Tout est dit: l’incurie, l’ubuesque, le grotesque. Et ces gens ont les premières réserves pétrolières du monde…]

      Vous savez bien que je n’ai jamais défendu l’expérience chaviste. Ne me faites pas l’injure de penser que parce que je critique le modèle libéral je suis prêt à soutenir n’importe quel « antilibéral ». Je vous accorde volontiers qu’il existe des antilibéraux aussi irrationnels et sectaires que certains libéraux…

    • Descartes dit :

      @ odp (suite)

      [Ceci dit, je n’ai en réalité aucun intérêt pour ces débats théoriques qui me paraissent stériles et incapable de rendre de compte de la réalité et c’est justement là qu’était ma critique du papier de Descartes: le débat sur la loi El-Khomri n’a que faire d’une réflexion théorique sur la concurrence pure et parfaite.]

      Je trouve curieux votre mépris pour les débats théoriques. Ainsi, la théorie serait condamnée à « ne pas rendre compte de la réalité ». Mais alors, à quoi sert-elle ? Pourquoi pensez-vous que l’être humain s’adonne à ce travail théorique depuis des générations, puisque les questions politiques « n’ont que faire de la réflexion théorique » ?

      Personnellement, je ne partage pas ce mépris je dois dire largement répandu. La réflexion théorique n’est peut-être pas capable de rendre compte parfaitement de la réalité, quelle est l’alternative ? « c’est mon opinion et je la partage » ? « j’ai l’argent, alors je fais ce que je veux » ? Non, croyez moi, une réflexion fondée sur la théorie n’est peut-être pas l’idéal, mais c’est nettement mieux que les alternatives.

      [Aussi, mon opinion personnelle est que le “libéralisme” doit être la pierre angulaire de notre système politique et économique]

      Evidement… le débat théorique est incapable de « rendre compte de la réalité ». Par contre, votre opinion personnelle…

      [mais que cela ne doit en rien vouloir dire qu’il est légitime sacrifier des pans entiers et toujours croissant de notre économie et de notre population pour le simple plaisir d’enrichir les asiatiques et, accessoirement, les 0,1%.]

      Là, je ne vous comprends plus. D’un côté vous m’expliquez que le libéralisme et le libre échange crée plus de richesse que tout autre système, et que les « dodos » n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes s’ils ne sont pas capables de s’adapter à la concurrence, et d’un autre vous m’expliquez qu’il faut intervenir pour empêcher qu’il enrichisse les 0,1% et les asiatiques. Faudrait savoir…

      [C’est pourquoi l’organisation économique actuelle me paraît délétère, sans qu’il paraisse toutefois évident de savoir ou de pouvoir en changer.]

      Je comprends votre perplexité. Après avoir tressé des couronnes au libéralisme, vous n’êtes pas content du résultat. Mais comment en changer, sans porter atteinte au dogme ? Connaissez-vous Bossuet ?

      [Il n’empêche, le droit du travail en France est un cauchemar pour les employeurs et une feuille de vigne pour les employés,]

      Curieusement, les employés y sont attachés, à cette « feuille de vigne ». Peut-être que contrairement à ce que pensent nos chers libéraux, il n’est pas si peu protecteur que ça ?

      Quant aux employeurs… je comprends que l’obligation de payer leurs employés un salaire minimum, de ne pas pouvoir leur faire travailler quand ils veulent et comme ils veulent et de ne pas pouvoir les virer à leur convenance puisse être pour eux un « cauchemar ». Cela étant dit, je ne suis pas sur que j’ai envie de vivre dans une société ou les patrons ne font que de beaux rêves.

      [Tant qu’il existera des parasites comme les CGT d’Amiens-Nord et des imbéciles pour les acclamer, il méritera d’être réformé et “flexibilisé”.]

      C’est vrai. Tout le monde sait que sans la CGT, le patronat aurait déjà fait le bonheur des salariés. Salauds de syndicalistes !

    • BolchoKek dit :

      @ Descartes

      >Je trouve admirable qu’on puisse donner la Chine comme « publicité vivante pour le libéralisme ». Voici un pays ou l’Etat contrôle l’essentiel des secteurs économiques stratégiques, les banques, les assurances, dont le marché intérieur est largement fermé, ou le pouvoir politique est fermement concentré dans les mains d’une caste bureaucratique. C’est ça, le « libéralisme » ? Faudrait pas trop exagérer, tout de même…< N’est-ce pas ? On entend trop souvent les discours du type “la Chine est un pays ultralibéral qui ne conserve un discours communiste radical que par hypocrisie”. C’est doublement faux, déjà comme tu le fais remarquer parce que la Chine dispose d’une économie “mixte”, mais aussi parce que c’est parfaitement assumé depuis un certain temps déjà. On dirait que certains n’ont pas remarqué Deng et font comme si le discours des gouvernants chinois est resté le même depuis Mao…

    • odp dit :

      @ Descartes

      Vous m’avez mal compris; mais c’est essentiellement parce que je me suis mal exprimé, notamment par une formulation trop polémique.

      Pour faire simple, quand vous dites: “dans le débat sur le libéralisme, je ne suis pas sectaire. Il y a des contextes ou la libéralisation apporte incontestablement des bénéfices, parce que la régulation par un marché fonctionnel est plus économique qu’une régulation administrative. Dans d’autres domaines, le marché ne peut fonctionner pour des raisons structurelles, et dans ces cas la libéralisation est souvent désastreuse”, je suis d’accord à 100% avec vous – même s’il est possible (probable) que nous ne fixions pas les bornes aux mêmes endroits.

      Et c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles je n’aime pas les débats théoriques sur le “libre-échange” car, de mon point de vue, tout est affaire de circonstances, d’opportunités mais également de degré. Une autre raison, c’est que si l’on se fie exclusivement à la théorie, on a tendance à opter, à force de métaphores sportives ou de comparaisons zoologiques, pour la doxa libérale, avec les dégâts que l’on constate actuellement.

      Car oui, comme tout le monde sur ce blog je ne peux que constater les ravages du turbo-capitalisme financier et de la marchandisation à outrance de toute forme d’activité humaine. Mais cela ne veut pas dire qu’il faille jeter le “libéralisme” ou la concurrence (puisque c’est de ça dont nous parlons) à la poubelle. Aussi, mon opinion est-elle en effet que le libéralisme, tant politique qu’économique, doit être la pierre angulaire de l’organisation de notre société, mais pas sous la forme monstrueuse qu’il revêt depuis une quinzaine d’années et dont les prémisses datent des années 70.

      Il me semble d’ailleurs que, depuis 1830, la France s’inscrit dans un contexte “libéral”, à l’exception (tiens tiens) de Vichy qui fut clairement planiste, corporatiste et protectionniste. Aussi, je ne vois pas trop comment on peut glorifier la IIIème République ou l’expérience Gaulliste (qui correspondit, notamment par rapport à la IVème République et sous l’impulsion de Rueff, à une véritable “ouverture des frontières”) tout en rejetant intégralement le “libéralisme”.

      De même, qui peut contester que le monde dans lequel nous vivons et auquel nous tenant tant, fait d’opulence matérielle, de progrès scientifiques, techniques et médicaux, de développement de la connaissance et de l’autonomie soit l’enfant de la Révolution libérale du XVIIIème siècle? Qui veut sérieusement retourner dans le monde d’avant la Révolution bourgeoise?

      Une autre façon de dire la même chose, c’est que si j’avais à choisir de vivre dans un pays ultra-libéral (le Royaume Uni ou les Etats-Unis) ou un pays ultra-antilibéral (la Corée du Nord ou le Venezuela) je choisirai sans état d’âmes le premier et j’imagine que la plupart des gens sur ce blog, tout aussi antilibéraux qu’ils fussent, feraient de même. Que les candidats au départ lèvent le doigt…

      Enfin, en ce qui concerne la loi El-Khomry, son seul défaut est selon moi de risquer d’accentuer les tendances déflationnistes actuellement à l’oeuvre dans l’économie française. Sinon, comme je l’ai dit, quel salarié se sent vraiment “protégé” dans les entreprises françaises? C’est une fiction et pour le coup pas nécessaire mais mortifère, qui infantilise et pervertit les salariés, toujours la complainte à la bouche et la sébile à la main. La véritable protection, ce n’est pas le droit du travail mais un marché du travail moins asymétrique entre offre et demande. Je lisais à ce titre ce matin au café un article fort intéressant dans le Figaro sur le droit du travail en Suisse: 40 articles, pas de salaire minimum ni d’indemnités de licenciement ou de durée légale du travail. Or, chose étrange, malgré ce pays où les patrons font de (très) beaux rêves, je n’ai pas vu, parmi les migrants récents, de salariés suisses fuyant cet enfer… Il me semble même que l’économie suisse accueille de très nombreux français qui sont ravis d’y travailler; mais peut-être suis-je mal renseigné…

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      Bonjour, ça fait un bout de temps qu’on ne te voyait pas par ici, je commençais à m’inquiéter…

      [On entend trop souvent les discours du type “la Chine est un pays ultralibéral qui ne conserve un discours communiste radical que par hypocrisie”. C’est doublement faux, déjà comme tu le fais remarquer parce que la Chine dispose d’une économie “mixte”, mais aussi parce que c’est parfaitement assumé depuis un certain temps déjà. On dirait que certains n’ont pas remarqué Deng et font comme si le discours des gouvernants chinois est resté le même depuis Mao…]

      Non seulement l’économie de la Chine est « mixte », avec un contrôle de l’Etat sur tous les secteurs jugés essentiels, mais la Chine protège totalement son marché dans tous les secteurs jugés stratégiques, que cette protection soit formelle ou informelle. Sans compter avec le fait que la monnaie chinoise n’est pas librement convertible… et que l’Etat contrôle le crédit. Difficile d’en faire un exemple de succès pour le « modèle libéral ».

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Vous m’avez mal compris; mais c’est essentiellement parce que je me suis mal exprimé, notamment par une formulation trop polémique.]

      Vous ne m’aviez pas habitué à une politesse aussi exquise… faut-il que je me méfie ?

      [(…) je suis d’accord à 100% avec vous – même s’il est possible (probable) que nous ne fixions pas les bornes aux mêmes endroits.]

      Probablement. Mais nous pouvons donc acter notre accord sur le fait qu’il existe des domaines de l’économie où le marché est le mécanisme de régulation le plus efficient, et d’autres ou le marché est structurellement défaillant, et nécessitent donc une régulation administrative. Reste ensuite le débat de savoir quels sont précisément ces secteurs, et je vous accorde que ce n’est pas un débat simple.

      [Et c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles je n’aime pas les débats théoriques sur le “libre-échange” car, de mon point de vue, tout est affaire de circonstances, d’opportunités mais également de degré.]

      Oui et non. Toute théorie est construite sur un modèle qui simplifie la réalité. Le débat théorique est intéressant, mais on fait une erreur lorsqu’on imagine qu’une théorie peut par elle-même donner une réponse à un problème de terrain. C’est vrai dans n’importe quelle discipline d’ailleurs : la physique des matériaux permet de dessiner des ponts tout à fait solides mais impossibles à construire en pratique. La théorie est utile dans la mesure où on comprend les écarts entre le modèle et la réalité, et qu’on est capable d’adapter les conclusions en tenant compte de ces écarts. Ricardo n’a pas tort, mais sa théorie ne répond pas à toutes les questions que le libre-échange pose dans la pratique.

      [Une autre raison, c’est que si l’on se fie exclusivement à la théorie, on a tendance à opter, à force de métaphores sportives ou de comparaisons zoologiques, pour la doxa libérale, avec les dégâts que l’on constate actuellement.]

      Cela dépend de la « théorie » qu’on choisit ! Prenez celle de Marx, et vous n’aboutirez certainement pas à cette conclusion… personnellement, je me méfie des métaphores. Ce sont des bons outils pédagogiques, mais ils n’aident pas vraiment à la réflexion.

      [Car oui, comme tout le monde sur ce blog je ne peux que constater les ravages du turbo-capitalisme financier et de la marchandisation à outrance de toute forme d’activité humaine. Mais cela ne veut pas dire qu’il faille jeter le “libéralisme” ou la concurrence (puisque c’est de ça dont nous parlons) à la poubelle.]

      Je ne pense jamais avoir suggéré pareille chose. J’ai trop souvent critiqué sur ce blog – et sur d’autres – le sectarisme « antilibéral » pour mériter ce reproche. D’une manière plus générale, je déteste les sectarismes. Je ne suis ni libéral ni antilibéral. Nier l’importance du libéralisme dans l’histoire de l’économie, du droit, des institutions me paraît une absurdité, tant nous sommes – et quand je dis « nous » je pense autant aux marxistes qu’aux néo-libéraux, aux jacobins comme aux girondins – les héritiers de la tradition libérale. Cela ne veut pas dire en faire la fin de l’histoire, ou penser qu’on peut détacher le libéralisme de son contexte historique. Dans certains contextes la concurrence et le marché sont les mécanismes de régulation et de stimulation les plus efficaces. Pourquoi alors s’en priver ? En même temps, dans d’autres domaines ils conduisent au désastre. Pourquoi alors vouloir les imposer au forceps. Franchement, sur ces questions, je pense être totalement ouvert et rejeter tous les dogmes à égalité !

      [Aussi, mon opinion est-elle en effet que le libéralisme, tant politique qu’économique, doit être la pierre angulaire de l’organisation de notre société, mais pas sous la forme monstrueuse qu’il revêt depuis une quinzaine d’années et dont les prémisses datent des années 70.]

      Là, nous ne sommes plus d’accord. Je ne vois aucune raison de sacraliser l’ensemble de la vision « libérale » de la société. Autant certains éléments – par exemple la séparation des sphères publique et privée – me paraissent à graver dans le marbre, autant d’autres idées comme le caractère absolu des droits me paraît dangereux. En particulier, je suis très attaché à l’équilibre que la tradition française a trouvé autour de la notion « d’intérêt général » et « d’ordre public », équilibre qui s’écarte considérablement d’une vision libérale traditionnelle.

      [Il me semble d’ailleurs que, depuis 1830, la France s’inscrit dans un contexte “libéral”, à l’exception (tiens tiens) de Vichy qui fut clairement planiste, corporatiste et protectionniste.]

      C’est très discutable. Prenez par exemple la notion d’intérêt général tout comme celle d’ordre public, qui organise notre droit public et notre droit constitutionnel. Ces deux concepts sont profondément contraires à la vision « libérale », en ce qu’ils font de la collectivité une personne douée d’intérêts qui ne sont pas la simple addition des intérêts individuels, mais aussi en ce qu’ils permettent la limitation des droits individuels au nom non seulement des droits des autres individus, mais aussi de « l’utilité sociale » pour reprendre les termes de la Déclaration de 1789.

      La France a eu la chance d’avoir de grands théoriciens mais d’être gouvernée par des grands pragmatiques. Il en résulte un certain syncrétisme idéologique : notre République est à la fois soucieuse des libertés individuelles mais en même « planiste » et jacobine. Là où l’Allemagne est le pays des grands systèmes idéologiques, nous sommes le pays des synthèses dialectiques.

      Quant à Vichy, je pense que vous l’affublez abusivement des étiquettes qui ne vous plaisent pas. Vichy n’a pas été particulièrement « protectionniste ». Pas plus qu’il n’a repris les idées « planistes » de l’entre-deux guerres, même si beaucoup d’hommes liés au « planisme » ont occupé des postes de responsabilité.

      [Aussi, je ne vois pas trop comment on peut glorifier la IIIème République ou l’expérience Gaulliste (qui correspondit, notamment par rapport à la IVème République et sous l’impulsion de Rueff, à une véritable “ouverture des frontières”) tout en rejetant intégralement le “libéralisme”.]

      Je ne me souviens pas d’avoir « rejeté intégralement le libéralisme ».

      [Qui veut sérieusement retourner dans le monde d’avant la Révolution bourgeoise?]

      A part les écologistes, personne j’imagine.

      [Une autre façon de dire la même chose, c’est que si j’avais à choisir de vivre dans un pays ultra-libéral (le Royaume Uni ou les Etats-Unis) ou un pays ultra-antilibéral (la Corée du Nord ou le Venezuela) je choisirai sans état d’âmes le premier]

      Votre formulation est légèrement tendancieuse. Pourquoi ne pas choisir comme exemples un pays « ultra-libéral » pauvre – et oui, ça existe, prenez la Colombie, par exemple – et un pays ultra-antilibéral riche – Dubai, au hasard ? Par ailleurs, je trouve assez curieux que vous classiez les Etats-Unis parmi les pays « ultra-libéraux ». Les USA restent un pays farouchement protectionniste, pourtant…

      J’aurais tendance à vous faire une réponse « à la Rawls ». Avant de dire ou vous préférez vivre, il serait intéressant de savoir si vous vous classez parmi les riches ou parmi les pauvres. Parce qu’être pauvre dans un pays « ultra-libéral » peut être bien plus difficile que dans un pays « ultra-antilibéral »… personnellement, je refuse ce genre de choix. Je préfère vivre dans un pays rationnel, qui trouve le bon équilibre entre l’économie administrée et la loi de la jungle.

      [Enfin, en ce qui concerne la loi El-Khomry, son seul défaut est selon moi de risquer d’accentuer les tendances déflationnistes actuellement à l’oeuvre dans l’économie française.]

      C’est certainement un de ses défauts, mais c’est loin d’être le seul.

      [Sinon, comme je l’ai dit, quel salarié se sent vraiment “protégé” dans les entreprises françaises?]

      Au hasard, celui d’EDF, d’Engie ou de Total, pour ne parler de ce que je connais. Le secteur de l’énergie est traditionnellement un secteur qui paye relativement mal, mais ou les travailleurs sont relativement protégés tout simplement parce que le personnel formé est rare et les entreprises cherchent à le fidéliser.

      [C’est une fiction et pour le coup pas nécessaire mais mortifère, qui infantilise et pervertit les salariés, toujours la complainte à la bouche et la sébile à la main.]

      J’ignorais que votre idéal de société était celle ou personne ne se plaint et personne ne demande rien. Joseph Staline serait fier de vous…

      [La véritable protection, ce n’est pas le droit du travail mais un marché du travail moins asymétrique entre offre et demande.]

      Oui et non. La question de fond est celle du rapport de forces entre le travailleur et l’employeur. Ce rapport de forces est par nature asymétrique d’une part le travailleur a besoin de l’emploi pour survivre, et pas l’employeur ; et d’autre part le capital peut se déplacer pour chercher des travailleurs moins chers bien plus facilement que l’employé ne peut se déplacer pour trouver un travail mieux payé. Le contrat de travail n’est donc pas un contrat entre égaux. Le droit du travail est là pour éviter que cette inégalité aboutisse à des contrats léonins.

      Il est clair que le rapport est moins asymétrique lorsque la demande de travail dépasse largement l’offre. Dans ce cas, le travailleur a un véritable pouvoir de négociation. Mais c’est là une exception : historiquement, les périodes de plein emploi sont relativement rares, alors que les périodes de chômage massif sont très fréquentes.

      [Je lisais à ce titre ce matin au café un article fort intéressant dans le Figaro sur le droit du travail en Suisse: 40 articles, pas de salaire minimum ni d’indemnités de licenciement ou de durée légale du travail.]

      Oui, mais ça ne veut rien dire. On peut avoir 40 articles dans le code du travail, et ensuite 4000 pages de convention collective… sans compter le poids du droit coutumier, comme en Grande Bretagne ou les contrats de 500 pages comme aux Etats-Unis. Il faut arrêter de croire qu’on peut régler simplement des problèmes compliqués. Le rapport de travail est compliqué, et cette complexité se niche forcément quelque part. Chez nous c’est dans la loi, chez d’autres dans la convention ou dans le contrat.

      [Or, chose étrange, malgré ce pays où les patrons font de (très) beaux rêves, je n’ai pas vu, parmi les migrants récents, de salariés suisses fuyant cet enfer…]

      C’est drôle combien les travailleurs sont bien traités dans les paradis fiscaux. Croyez-moi, il doit y avoir une raison…

      [Il me semble même que l’économie suisse accueille de très nombreux français qui sont ravis d’y travailler; mais peut-être suis-je mal renseigné…]

      Ce qu’on ne vous a pas dit, c’est que ces français ne peuvent résider en territoire suisse. Et que les rares travailleurs étrangers autorisés à résider en territoire helvétique sont tenus de quitter le territoire dès qu’ils perdent leur emploi. Pensez-vous que nous devrions appliquer la même règle en France ?

    • BolchoKek dit :

      @Descartes

      >ça fait un bout de temps qu’on ne te voyait pas par ici, je commençais à m’inquiéter…< C’est vrai, je pourrais me manifester plus souvent, si ça se trouve j’aurais pu être renversé par un bus, rejoindre daesh, ou dieu nous en garde, prendre ma carte au PS…
      Plus sérieusement, je n’interviens que quand j’ai quelque chose à dire, généralement c’est le cas mais Banette ou un autre commentateur aura été plus rapide. Je suis toujours les discussions avec autant d’attention, ne t’en fais pas.
      Et je suis toujours d’accord si d’autres commentateurs veulent organiser une rencontre sur Paris d’ailleurs. Je suis partant pour organiser, bien sûr…

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [C’est vrai, je pourrais me manifester plus souvent, si ça se trouve j’aurais pu être renversé par un bus, rejoindre daesh, ou dieu nous en garde, prendre ma carte au PS…]

      Franchement, votre engagement chez Daesh ou, pire, au PS ne me préoccupait pas, tant il me semble improbable…

      [Et je suis toujours d’accord si d’autres commentateurs veulent organiser une rencontre sur Paris d’ailleurs. Je suis partant pour organiser, bien sûr…]

      On pourrait peut-être se faire un « café politique » vers la fin mai…

    • Carnot dit :

      En ce qui concerne l’idée d’un “café politique” prochainement je serais vivement intéressé !

    • Descartes dit :

      @ Carnot

      Avec BolchoKek, on est déjà trois!

    • Jean-François dit :

      Je suis intéressé aussi !

    • odp dit :

      @ Descartes, bolchokek

      Sur la Chine et le libéralisme: je sais que la pente naturelle de l’être humain est de prendre ceux qui affichent des opinions différentes pour des imbéciles, mais il me semble que là vous y allez un peu fort. Evidemment que je sais que la Chine n’est pas “libérale”, ni sur le plan politique ni sur le plan économique. Pas plus que l’Inde, le Brésil, le Nigéria ou l’Indonésie d’ailleurs. Je n’ai jamais écrit ça. Ce que j’ai dit c’est que Chinois, Indiens, Indonésiens Nigérians et Brésiliens ont adoré la vague néolibérale puisque c’est ce qui leur a permis, grâce à l’ouverture des frontières, de sortir de la misère – au détriment, bien évidemment des Occidentaux. Que le néolibéralisme ait permis, après l’épuisement des 30 glorieuses et le coup d’arrêt des chocs pétroliers, une augmentation de la croissance et la richesse mondiale par habitant est indéniable. Que cette croissance soit “fragile” et “instable” car créatrice de grands déséquilibres, financée par de la dette et ultra-financiarisée l’est également.

    • odp dit :

      @ Descartes

      En fait, nous sommes d’accord sur l’essentiel: ce que j’appelle “libéralisme”, c’est, politiquement, la liberté de la presse, l’Etat de droit et des élections ouvertes et, économiquement, une place “centrale” du marché dans le fonctionnement de l’économie, rien de plus.

      Sur la sanctification de l’individus et de ses droits, je suis complètement sur votre ligne: j’appartiens à une famille qui, à chaque génération, a donné nombre de militaires et de prêtres. Même si je n’en suis pas, et loin de là; l’éthique de responsabilité ne m’est clairement pas complètement étrangère. Je suis par exemple plutôt favorable à la peine de mort, car son abolition correspond selon moi beaucoup plus à une capitulation de la société devant l’individu qu’à un conquête “humaniste”. A contrario, il me semble que l’Affaire Dreyfus est une bonne illustration de jusqu’où le droit des individus doit aller et celui de la collectivité s’arrêter.

      Quant à l’organisation de l’économie, je pense qu’il faut être conscient des défauts des deux systèmes: le sous-investissement, l’exploitation et l’instabilité pour le “marché” et le parasitage, le clientélisme et la stagnation pour “l’administré”. J’ai par exemple du mal à penser que les dockers du port de Marseille, les balayeurs “fini-partis” de la Mairie de la même ville ou les marins de la SNCM, puissent être donnés en exemple… Nier les vices de l’administré est, de mon point de vue, tout aussi aberrant que de fermer les yeux sur les folies du marché. Idéalement, il faudrait un système de “check and balance” de chaque côté.

    • Marcailloux dit :

      Excellente idée, et puis c’est l’occasion d’une éventuelle virée à Paris ! ! !
      . . . . . ou ailleurs si l’opportunité se présente.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [je sais que la pente naturelle de l’être humain est de prendre ceux qui affichent des opinions différentes pour des imbéciles,]

      Cela dépend de l’être humain. Ne prenez pas votre cas pour une généralité…

      [Evidemment que je sais que la Chine n’est pas “libérale”, ni sur le plan politique ni sur le plan économique. Pas plus que l’Inde, le Brésil, le Nigéria ou l’Indonésie d’ailleurs. Je n’ai jamais écrit ça.]

      Cela n’a rien d’évident. Et vous l’avez bien écrit. Je vous cite : « Plus généralement, qui peut nier que les 30 dernières années ne soient AUSSI une publicité vivante pour le libéralisme? Demandez aux Chinois(…) ce qu’ils en pensent. Ils adorent ». Comment les chinois auraient-ils pu bénéficier de la « publicité vivante pour le libéralisme » si leur système n’est pas « libéral » ?

      [Ce que j’ai dit c’est que Chinois, Indiens, Indonésiens Nigérians et Brésiliens ont adoré la vague néolibérale puisque c’est ce qui leur a permis, grâce à l’ouverture des frontières, de sortir de la misère – au détriment, bien évidemment des Occidentaux.]

      J’ai l’impression que vous avez l’habitude de discuter avec des voyants extralucides. Parce que pour déduire de ce que vous aviez écrit ce que vous prétendez avoir dit, il faut être un Nostradamus moderne. D’abord, vous aviez parlé de « libéralisme » et non de « néo-libéralisme ». Ensuite, vous aviez parlé de « adorer le libéralisme » dont ils auraient aimé la « publicité vivante », et non pas d’adorer la « vague néolibérale » qu’ils n’auraient pas vécue…

      En fait, ce que vous semblez dire est que les chinois ont « adoré » les trente dernières années et les réformes économiques dans leur pays, qui lui a permis de s’insérer dans le commerce mondial. Fort bien. Mais cela n’a aucun rapport avec le « libéralisme » ou le « néo-libéralisme ».

      [Que le néolibéralisme ait permis, après l’épuisement des 30 glorieuses et le coup d’arrêt des chocs pétroliers, une augmentation de la croissance et la richesse mondiale par habitant est indéniable.]

      On n’en sait rien. La seule chose qu’on peut constater factuellement, c’est que la croissance de la richesse mondiale dans la période 1980-2016 a été bien plus lente que lors des trois décennies qui l’ont précédé. La question de savoir si c’est le néolibéralisme qui a « permis » cette faible croissance ou si au contraire elle a été aussi faible de son fait reste ouverte.

    • BolchoKek dit :

      @ odp

      Vous êtes un peu trop généreux dans votre attribution des vertus du développement au néolibéralisme – je pense que vous faites référence à la vague libérale dans les opinions occidentales dans les années 80. De plus vous choisissez vos exemples : le Brésil, l’Indonésie, le Nigéria, la Chine et l’Inde, qui ont tous en commun un effort productiviste public massif depuis les années 40-50, et vous semblez croire que cette “ouverture des frontières” a eu une sorte d’effet miraculeux sur leurs économies. Mais c’est la doxa actuelle : le développement de ces pays simultanément est un “miracle”, et pas le résultat d’un effort collectif pendant des années. D’ailleurs si on choisit d’autres exemples – Haïti, l’Afghanistan, le Niger, le Tchad – je ne sais pas s’ils seraient même au courant d’une vague libérale hypothétique… Même pire : les occidentaux leur envoient souvent des “conseillers” qui conseillent quasi systématiquement de liquider le maigre secteur public pour aboutir au miracle, que l’on attend encore.

      @ Descartes

      odp a été très poli, je t’ai trouvé un peu cassant pour le coup…

      Pour ce qui est d’une rencontre fin mai, il faudrait que chaque personne intéressée utilise le bouton “contact” en haut à droite de l’interface de ce blog. Descartes, il serait bien plus facile pour toi je pense que tu me passe les mails des gens qui se manifestent et je me chargerai de combiner tout le monde pour que ça soit bien organisé (manie qui me reste du Parti), pas besoin de te charger de ça en plus. En tout état de cause, tu as mon numéro.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [En fait, nous sommes d’accord sur l’essentiel: ce que j’appelle “libéralisme”, c’est, politiquement, la liberté de la presse, l’Etat de droit et des élections ouvertes et, économiquement, une place “centrale” du marché dans le fonctionnement de l’économie, rien de plus.]

      Je ne suis pas persuadé que nous « soyons d’accord sur l’essentiel », ni même sur ce qui constitue l’essentiel… la définition que vous donnez est trop vague pour être opératoire. Prenons par exemple « la liberté de la presse ». En quoi consiste-t-elle exactement ? S’agit-il d’une liberté formelle, c’est à dire la possibilité théorique pour chaque individu de publier ses opinions sans crainte d’être jeté en prison ou lynché par la foule, ou d’une liberté réelle, c’est-à-dire l’accès effectif aux moyens matériels permettant une telle publication ? Même question avec l’idée de « élections ouvertes » : nous savons que tous les candidats ne sont pas à égalité en termes de ressources pour faire campagne ou d’accès aux médias publics ou privés. A partir de quel niveau d’inégalité le principe « d’élections ouvertes » se trouve réduit à une fiction formelle. Prenons un exemple concret : avec de très rares exceptions, tous les présidents américains étaient millionnaires lors de leur élection. Qu’est ce que cela vous dit quand à « l’ouverture » du processus électoral ?

      Pour moi, en termes politiques le « libéralisme » est la doctrine qui fonde le système politique et social sur les choix effectués librement par un individu supposé rationnel. Tout le reste, Etat de droit, élections ouvertes, liberté d’expression, régulation par le marché est la conséquence de ce principe. Et comme tout principe, il n’est jamais intégralement réalisé. On peut dire que telle ou telle société s’approche ou s’éloigne de la vision libérale plus ou moins qu’une autre. Mais il n’existe pas de « société libérale ».

      [Sur la sanctification de l’individu et de ses droits, je suis complètement sur votre ligne: j’appartiens à une famille qui, à chaque génération, a donné nombre de militaires et de prêtres. Même si je n’en suis pas, et loin de là; l’éthique de responsabilité ne m’est clairement pas complètement étrangère.]

      J’avoue que j’ai toujours trouvé drôle d’entendre les libéraux parler d’éthique individuelle. La vision libérale est profondément a-ethique pour ce qui concerne les individus. Les hommes font des choix libres, en fonction de leurs intérêts, de leurs penchants, de leurs envies, et ils ne rendent compte à personne. Et ces choix sont légitimes du fait même qu’ils ont été pris librement, sans avoir besoin d’une justification éthique. D’ailleurs, les libéraux classiques ont souvent été effrayés où séduits, c’est selon, par ce problème. Certains l’ont résolu en postulant que l’homme était « naturellement » éthique, d’autres en montrant que « les vices privés » sont transformés en « vertus publiques » par la magie du marché.

      Pour moi, c’est là l’une des grandes contradictions de la vision libérale : parler d’éthique implique que le choix des hommes n’est pas libre, mais déterminé par un ensemble de règles qui leur sont imposées par sa famille, sa communauté, son histoire… que reste-t-il alors de la vision libérale du choix ?

      [A contrario, il me semble que l’Affaire Dreyfus est une bonne illustration de jusqu’où le droit des individus doit aller et celui de la collectivité s’arrêter.]

      Mais l’affaire Dreyfus, justement, ne donne pas de véritable réponse à la question qu’elle pose, celle de savoir si la réputation et la cohésion d’une institution vaut le sacrifice d’un seul homme. Répondre « oui » ou « non » est simplifier à l’extrême une réalité qui est par essence complexe.

      [Quant à l’organisation de l’économie, je pense qu’il faut être conscient des défauts des deux systèmes: le sous-investissement, l’exploitation et l’instabilité pour le “marché” et le parasitage, le clientélisme et la stagnation pour “l’administré”.]

      Sur ce point, nous sommes d’accord. Mais à partir de là, on peut penser des gardes-fous contre ces défauts, et aussi les domaines ou la régulation par l’un ou par l’autre est préférable. Je ferai la même réponse que pour l’affaire Dreyfus : les réponses extrêmes prétendent simplifier un monde qui est par essence complexe. Le « tout marché » est aussi aberrant que le « tout administré ».

      [J’ai par exemple du mal à penser que les dockers du port de Marseille, les balayeurs “fini-partis” de la Mairie de la même ville ou les marins de la SNCM, puissent être donnés en exemple…]

      C’est une question de distribution de la rente. Avant, les dockers du port de Marseille bénéficiaient d’une rente. Avec la fin du statut, la rente se trouve transférée aux actionnaires des entreprises de manutention. Cet arrangement est-il plus « exemplaire » que l’ancien ? Personnellement, je réserve mon jugement…

      [Nier les vices de l’administré est, de mon point de vue, tout aussi aberrant que de fermer les yeux sur les folies du marché. Idéalement, il faudrait un système de “check and balance” de chaque côté.]

      Je ne sais pas si un système de « check and balances » est possible. Je pense que c’est surtout une question de domaine. Il y a des domaines – les monopoles naturels, les investissements à très long terme, les équipements stratégiques, les domaines régaliens par exemple – que le marché régule mal, et qu’il vaut mieux laisser à la régulation administrative. Il y a aussi une question d’histoire et de tradition nationale : on trouve plus facilement des « grands commis » pour gérer le secteur public en France qu’aux Etats-Unis.

    • Antoine dit :

      > On pourrait peut-être se faire un « café politique » vers la fin mai…

      Je serais intéressé… même si je resterais, probablement, majoritairement spectateur.

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [odp a été très poli, je t’ai trouvé un peu cassant pour le coup…]

      Vous trouvez « poli » de dire aux autres qu’ils prennent ceux qui ne sont pas d’accord avec eux pour des imbéciles ? Moi pas.

      [Pour ce qui est d’une rencontre fin mai, il faudrait que chaque personne intéressée utilise le bouton “contact” en haut à droite de l’interface de ce blog. Descartes, il serait bien plus facile pour toi je pense que tu me passe les mails des gens qui se manifestent et je me chargerai de combiner tout le monde pour que ça soit bien organisé (manie qui me reste du Parti), pas besoin de te charger de ça en plus. En tout état de cause, tu as mon numéro.]

      Oui pas de problème un certain nombre de personnes ont répondu directement par commentaire, je te transmets les autres.

    • Combeferre dit :

      Très enthousiaste à l’idée d’un café politique également !

    • odp dit :

      @ Bolchokek

      Excusez-moi de ne pas vous avoir répondu avant mais je n’avais pas remarqué votre commentaire.

      En ce qui concerne le rôle du productivisme des années 40-50 dans le développement récent de la Chine, de l’Inde, du Brésil ou du Nigéria, je vous avoue que je n’ai pas sous la main les données “définitives” qui me permettraient de valider ou d’invalider mes intuitions, mais il me semble que le mythe des “industries industrialisantes” ou du “développement autocentré” s’est justement effondré à partir des années 70 et qu’en effet c’est le néolibéralisme (i.e. l’ouverture des frontières) qui a permis le retour de la croissance en Afrique et et son accélération spectaculaire en Asie.

      Vous trouverez ici (http://www.worldeconomics.com/papers/Global%20Growth%20Monitor_7c66ffca-ff86-4e4c-979d-7c5d7a22ef21.paper) des données agrégées de 1960 à 2015 qui, me semble-t-il, montrent bien ce phénomène, avec une croissance du PIB par habitant qui, en Asie comme en Afrique, ralentit très fortement dans les années 70 et 80 pour ré-accélérer dans les années 90 et “exploser” à partir de 2000. Cela ne veut pas dire que les investissements “productivistes” des années 40/50 n’aient pas eu leur rôle à jouer dans ce phénomène (après tout, même le libéralisme a besoin de routes, de ponts et de centrales électriques pour produire ses bienfaits…), mais clairement ils n’en sont pas le moteur.

      Par ailleurs, il faut être cohérent, si on accuse, à mon avis à juste titre, le néolibéralisme d’avoir fait perdre des millions d’emplois au monde développé à cause de la concurrence “déloyale” des pays émergents, il faut bien accepter que ledit néolibéralisme ait bien “créé” ces emplois dans les pays en voie de développement.

      Enfin, un point que je n’avais pas abordé mais qui est lui aussi une publicité vivante pour le néolibéralisme: c’est l’effondrement du taux de pauvreté dans les pays en voie de développement: divisé par 3.5 (i.e. de 44% à 13%) entre 1981 et 2015 (http://www.inegalites.fr/spip.php?article381). A cette aune, on peut franchement dire que la vague néolibérale est la meilleure chose qui soit arrivé aux pays pauvres depuis l’abolition de la décolonisation.

    • odp dit :

      @ Descartes

      Excusez mon retard mais j’ai pris quelques jours de vacances.

      Sur le libéralisme politique, je ne suis pas sûr de voir exactement où vous voulez en venir. J’ai introduit cette notion parce qu’en effet les deux choses (l’économie et le politique) me paraissent étroitement liées et qu’il y a peu d’exemples dans l’histoire d’économie autarcique qui soit “libérale” sur le plan politique (l’autarcie est même, de Hitler en passant par Mussolini, Staline et Mao, le grand rêve de tous les dictateurs). Je ne comptais pas me lancer dans une dissertation sur le libéralisme politique mais simplement dire qu’en ce qui concerne l’exercice de mes droits de citoyen, je préfère vivre en France, en Allemagne ou au Royaume-Uni qu’en Corée du Nord, au Venezuela, en RDC ou encore en Russie. Cela dit, je trouve votre définition du libéralisme politique comme doctrine qui fonde le système politique sur les choix d’un individu libre et rationnel tout à fait intéressante; il me semble que c’est assez proche de l’idéal athénien et exactement en ligne avec l’idéal républicain.

    • Descartes dit :

      @ odp

      Je réagis sur votre réponse à BolchoKek.

      [mais il me semble que le mythe des “industries industrialisantes” ou du “développement autocentré” s’est justement effondré à partir des années 70 et qu’en effet c’est le néolibéralisme (i.e. l’ouverture des frontières) qui a permis le retour de la croissance en Afrique et et son accélération spectaculaire en Asie.]

      Je pense que vous confondez ici ce qui relève de la contrainte politique et ce qui vient d’une contrainte économique. Personne n’a jamais prétendu que le « développement autocentré » était, du point de vue économique, la meilleure manière de faire grandir une économie, et je ne connais aucun économiste sérieux qui conteste la théorie ricardienne des avantages comparatifs. La contrainte n’était pas économique, mais politique : beaucoup d’interventions de la puissance impérialiste dominante passent par le canal économique, et une économie « ouverte » est beaucoup plus sensible à ces mesures de sabotage – blocus, embargo, etc. – qu’une économie « fermée ». Et beaucoup de pays ont préféré une croissance plus faible plutôt que de prendre le risque de se rendre vulnérable aux pressions des grandes puissances, et d’abord des Etats-Unis. Avec la fin de la guerre froide et un retour à des rapports internationaux plus « civilisés », un certain nombre de pays ont accepté de prendre à nouveau le risque de l’ouverture. L’avenir dira s’ils avaient raison. Mais le « néo-libéralisme » n’a rien à voir là dedans.

      [Par ailleurs, il faut être cohérent, si on accuse, à mon avis à juste titre, le néolibéralisme d’avoir fait perdre des millions d’emplois au monde développé à cause de la concurrence “déloyale” des pays émergents, il faut bien accepter que ledit néolibéralisme ait bien “créé” ces emplois dans les pays en voie de développement.]

      Pas « ces » emplois, « d’autres » emplois. C’est bien là le problème.

      [Enfin, un point que je n’avais pas abordé mais qui est lui aussi une publicité vivante pour le néolibéralisme: c’est l’effondrement du taux de pauvreté dans les pays en voie de développement: divisé par 3.5 (i.e. de 44% à 13%) entre 1981 et 2015]

      Pour savoir si c’est une « publicité vivante », il faudrait comparer avec l’évolution du même taux dans les périodes antérieures. Tiens, par exemple entre 1945 et 1979… je n’ai pas trouvé des chiffres pour l’ensemble du monde, mais par exemple aux Etats-Unis on passe de 22% en 1959 à 12% en 1968, soit une division par deux en à peine neuf ans. A aucun autre moment de l’histoire la décrue n’avait été aussi rapide. Ce qui tend à montrer que la période « keynésienne » a fait bien plus pour la réduction de al pauvreté que la période néolibérale…

      [A cette aune, on peut franchement dire que la vague néolibérale est la meilleure chose qui soit arrivé aux pays pauvres depuis l’abolition de la décolonisation.]

      « Abolition de la décolonisation » ? Il y a des lapsus qui tuent…

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Sur le libéralisme politique, je ne suis pas sûr de voir exactement où vous voulez en venir. J’ai introduit cette notion parce qu’en effet les deux choses (l’économie et le politique) me paraissent étroitement liées et qu’il y a peu d’exemples dans l’histoire d’économie autarcique qui soit “libérale” sur le plan politique (l’autarcie est même, de Hitler en passant par Mussolini, Staline et Mao, le grand rêve de tous les dictateurs).]

      Vous faites une grosse erreur. Staline n’a jamais été un défenseur de « l’autarcie ». Au contraire : dans les années 1930, l’URSS essaye par tous les moyens d’établir des rapports commerciaux avec le reste du monde, et ce sont les pays occidentaux qui refusent de reconnaître le régime ou de commercer avec lui. En 1949 Staline constitue avec les pays du bloc socialiste le COMECON, organisme destiné à gérer les échanges économiques et coordonner la planification industrielle. Rien dans l’idéologie stalinienne ne pousse vers l’autarcie, et celle-ci n’a jamais été revendiquée par le régime.

      Comme je vous l’ai dit ailleurs, je pense que vous confondez un choix économique et un choix de sécurité. Les régimes qui choisissent l’autarcie ne le font pratiquement jamais pour des raisons économiques, et je ne connais personne qui soutienne l’autarcie comme programme économique. Ces pays ont fait ce choix pour des raisons stratégiques. Il s’agit de protéger leurs économies d’un éventuel embargo commercial ou d’un blocus.

      [Je ne comptais pas me lancer dans une dissertation sur le libéralisme politique mais simplement dire qu’en ce qui concerne l’exercice de mes droits de citoyen, je préfère vivre en France, en Allemagne ou au Royaume-Uni qu’en Corée du Nord, au Venezuela, en RDC ou encore en Russie.]

      En d’autres termes, vous préferez être riche que pauvre. Un excellent choix, si vous me permettez le commentaire. Cela étant dit, ou préféreriez vous vivre ? A Singapour où au Bangladesh ? Au Lichtenstein ou au Burkina Faso ? Je crains que dans ces cas, vous ne préfériez la dictature à la démocratie…

      [Cela dit, je trouve votre définition du libéralisme politique comme doctrine qui fonde le système politique sur les choix d’un individu libre et rationnel tout à fait intéressante; il me semble que c’est assez proche de l’idéal athénien et exactement en ligne avec l’idéal républicain.]

      Vous m’honorez en pensant que c’est « ma » définition. Je n’ai fait que mettre en forme la logique qui sous-tend l’esprit des lumières, et qui s’exprime dans la Déclaration de 1789. Mais je suis content de voir qu’on coïncide finalement sur quelque chose… encore quelques années d’échanges, et nous pourrons fonder ensemble un parti politique!

  56. Marcailloux dit :

    @ Descartes,

    Bonsoir,

    [« Lorsque plusieurs milliards d’êtres humains ont instantanément accès à la même information, pensez-vous vraiment que la conséquence est uniquement quantitative ? » «J’avoue que je n’ai pas trouvé beaucoup de raisons de penser le contraire. . . . . . Peut-être pourriez m’illustrer avec quelques exemples ? » ]
    Quatre exemples simplistes mais universels :
    – L’information en continue de populations importantes, d’un risque naturel, améliore la sécurité (notion qualitative) de ces gens-là.
    – Lorsqu’il m’est possible, du fond de ma province et loin d’une grande ville, de parcourir les blogs, les forums, les débats, excellents, médiocres ou affligeant, j’ai accès en permanence à un échantillonnage de l’état d’esprit et de l’opinion de mes concitoyens. Qualitativement, ma connaissance s’affine.
    – Le paiement de mes impôts par internet libère, je l’espère si les élites de Bercy sont compétentes, de nombreux agents affectés précédemment à des tâches administratives fastidieuses pour les affecter à la détection des fraudeurs. L’efficience est une qualité attendue de l’administration.
    – Pour mon perfectionnement dans le sport, assez technique, que je pratique, j’ai accès, pour un coût modique à des leçons par les meilleurs pros et pratiquement sans limite. Sans internet je ne pourrais, au mieux, m’offrir que quelques séances de « coaching » par an, sans grande efficacité.
    Il serait possible de multiplier les exemples à l’infini.
    Je connais assez bien votre scepticisme à ce sujet. Vous semblez cependant jouir, par vos conditions personnelles, d’un accès très large aux sources des connaissances. Je vous demande de bien comprendre qu’un grand nombre, la majorité, de vos concitoyens n’ont pas votre capacité ou facilité à accéder aux différents savoirs. Et le monde n’est pas à votre image.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Quatre exemples simplistes mais universels :]

      Avant d’examiner les exemples que vous proposez, entendons nous bien sur ce que les mots « qualitatif et quantitatif veulent dire. Un changement est « quantitatif » lorsqu’il porte sur la quantité, la vitesse, l’intensité d’une propriété. Le changement est « qualitatif » lorsqu’il porte sur la nature même de la propriété en question. Ainsi, par exemple, entre la lettre et le courrier électronique il y a un changement quantitatif (la vitesse). Entre la radio et la télévision il y a un changement qualitatif, puisque la nature même du service est changée…

      [- L’information en continue de populations importantes, d’un risque naturel, améliore la sécurité (notion qualitative) de ces gens-là.]

      Quelle est la différence « qualitative » dans ce contexte entre l’information par internet et celle par radio ou télévision ? Par ailleurs, en matière de risques l’information par internet n’améliore pas la sécurité : dans l’internet, l’information vraie se trouve noyée dans les rumeurs et les fausses informations. Dans les questions de risque, la communication doit venir d’une source légitime et facilement identifiable…

      [- Lorsqu’il m’est possible, du fond de ma province et loin d’une grande ville, de parcourir les blogs, les forums, les débats, excellents, médiocres ou affligeant, j’ai accès en permanence à un échantillonnage de l’état d’esprit et de l’opinion de mes concitoyens. Qualitativement, ma connaissance s’affine.]

      En quoi s’affine-t-elle « qualitativement » par rapport à celle que vous pourriez acquérir dans le zinc du café du commerce de votre choix ? Vous avez plus de choix, certes (et qui dit « plus », dit quantitatif) mais sur le fond, c’est la même chose.

      [- Le paiement de mes impôts par internet libère, je l’espère si les élites de Bercy sont compétentes, de nombreux agents affectés précédemment à des tâches administratives fastidieuses pour les affecter à la détection des fraudeurs. L’efficience est une qualité attendue de l’administration.]

      En d’autres termes, vous avez moins d’agents pour faire le même travail. Mais le service rendu est de même nature que celui du guichet. Nous sommes encore dans une question quantitative…

      [- Pour mon perfectionnement dans le sport, assez technique, que je pratique, j’ai accès, pour un coût modique à des leçons par les meilleurs pros et pratiquement sans limite. Sans internet je ne pourrais, au mieux, m’offrir que quelques séances de « coaching » par an, sans grande efficacité.]

      C’est moins cher et plus rapide, mais vous pourriez avoir le même service avec des cassettes vidéo…

      En fait, tous ces exemples illustrent des changements quantitatifs. A chaque fois, il ne s’agit pas de faire quelque chose qu’il est impossible de faire autrement, mais de le faire plus vite, plus efficacement, avec plus de choix… Pour illustrer par un exemple, aujourd’hui avec une liseuse numérique je peux avoir sur moi une bibliothèque entière. Mais les livres que je peux lire ainsi ont été écrits avec la même structure, le même langage, les mêmes techniques que les livres destinés à être imprimés.

      Marx a montré que l’accumulation de changements quantitatifs finit par provoquer des changements qualitatifs, mais pour le moment je ne vois pas beaucoup d’exemples au sujet du numérique.

      [Vous semblez cependant jouir, par vos conditions personnelles, d’un accès très large aux sources des connaissances. Je vous demande de bien comprendre qu’un grand nombre, la majorité, de vos concitoyens n’ont pas votre capacité ou facilité à accéder aux différents savoirs. Et le monde n’est pas à votre image.]

      Toute ma formation, je l’ai faite en ayant accès à des sources accessibles à tout le monde : les bibliothèques publiques, les cinémas, les théâtres, les musées… lorsque l’internet est arrivé dans ma vie, j’étais déjà un adulte.

      Je ne dis pas que l’internet soit inutile, bien au contraire. Je m’en sers beaucoup, et pas seulement pour tenir mon blog. Grâce à des sites comme Gallica j’ai accès à des bibliothèques et des fonds documentaires d’une richesse exceptionnelle. Je peux vérifier une statistique sur le site de l’INSEE instantanément alors que cela me prendrait une semaine si je devais le faire sur papier. Mais je persiste à croire que l’internet n’a pas créé quelque chose qui soit d’une nature différente de ce qu’on faisait avant. Et je suis d’accord avec Finkielkraut sur le fait que l’internet enrichit culturellement ceux qui sont déjà riches mais appauvrit ceux qui sont culturellement pauvres.

    • Bruno dit :

      @ Descartes

      Je suis partant également pour un café politique!

  57. @Descartes
    « Quand à l’idée de « casser la hiérarchie prof-élève », je me souviens toujours du texte de Roger Scruton, qui disait que pour que la transmission du savoir soit possible, il faut qu’il y ait consensus sur trois choses : que le professeur sait, que l’élève ne sait pas, et que ce que le professeur sait mérite d’être connu. »

    Vous parlez bien de R. V. Scruton, l’auteur de The Meaning of Conservatism ? Il serait quelque peu amusant de voir un conservateur tomber d’accord avec un libéral (« La notion même des privilèges des professeurs ne va pas sans équivoque. Si le professeur a une compétence par rapport à ses étudiants, il ne doit pas abandonner une autorité qui équivaut à l’exercice d’une fonction nécessaire. Un journaliste de l’Humanité écrivait récemment: la relation d’enseignement est par essence inégalitaire. » ; « La relation d’enseignement n’a guère de sens dès lors que l’on postule l’égalité du savoir. » -Raymond Aron, La Révolution introuvable. Réflexions sur les événements de mai, Paris, Fayard, 1968, p.65 et 70) et un communiste (« La fonction pédagogique a pour objet de transmettre un savoir déterminé à des sujets qui ne possèdent pas ce savoir. La situation pédagogique repose donc sur la condition absolue d’une inégalité entre un savoir et un non-savoir. » -Louis Althusser, « Problèmes étudiants », Nouvelle Critique ; N°152, janvier 1964, pp. 80-111, p. 90).

    A comparer avec l’obscurantisme postmoderne (le rejet de Socrate et du cartésianisme en dit long) du « philosophe » Jacques Rancière :

    « Il faut renverser la logique du système explicateur. L’explication n’est pas nécessaire pour remédier à une incapacité à comprendre. C’est au contraire cette incapacité qui est la fiction structurante de la conception explicatrice du monde. C’est l’explicateur qui a besoin de l’incapable et non l’inverse, c’est lui qui constitue l’incapable comme tel. Expliquer quelque chose à quelqu’un, c’est d’abord lui démontrer qu’il ne peut pas le comprendre par lui-même. Avant d’être l’acte du pédagogue, l’explication est le mythe de la pédagogie, la parabole d’un monde divisé en esprits savants et esprits ignorants, esprits mûrs et immatures, capables et incapables, intelligents et bêtes. Le tour propre à l’explicateur consiste en ce double geste inaugural. D’une part, il décrète le commencement absolu : c’est maintenant seulement que va commencer l’acte d’apprendre. D’autre part, sur toutes les choses à apprendre, il jette ce voile de l’ignorance qu’il se charge lui-même de lever. Jusqu’à lui, le petit homme a tâtonné à l’aveuglette, à la devinette. Il va apprendre maintenant. Il entendait des mots et les répétait. Il s’agit de lire maintenant et il n’entendra pas les mots s’il n’entend les syllabes, les syllabes s’il n’entend les lettres que ni le livre ni ses parents ne sauraient lui faire entendre mais seulement la parole du maître. Le mythe pédagogique, disions-nous, divise le monde en deux. […] L’enfant qui ânonne sous la menace des coups obéit à la férule, et voilà tout : il appliquera son intelligence à autre chose. Mais le petit expliqué, lui, investira son intelligence dans ce travail du deuil : comprendre, c’est-à-dire comprendre qu’il ne comprend pas si on ne lui explique pas. Ce n’est plus à la férule qu’il se soumet, c’est à la hiérarchie du monde des intelligences. » (Jacques Rancière, Le maître ignorant – cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle, 1987, p.5-6)

    “Qui enseigne sans émanciper abrutit. Et qui émancipe n’a pas à se préoccuper de ce que l’émancipé doit apprendre. Il apprendra ce qu’il voudra, rien peut-être. Il saura qu’il peut apprendre parce que la même intelligence est à l’œuvre dans toutes les productions de l’art humain, qu’un homme peut toujours comprendre la parole d’un autre homme.” (p.12)

    “Socrate, par ses interrogations, amène l’esclave de Ménon à reconnaître les vérités mathématiques qui sont en lui. Il y a là peut-être le chemin d’un savoir, mais aucunement celui d’une émancipation. Au contraire, Socrate doit prendre l’esclave par la main pour que celui-ci puisse retrouver ce qui est en lui-même. La démonstration de son savoir est tout autant celle de son impuissance : il ne marchera jamais seul, et d’ailleurs personne ne lui demande de marcher, sinon pour illustrer la leçon du maître. Socrate, en lui, interroge un esclave qui est destiné à le rester.
    Le socratisme est ainsi une forme perfectionnée de l’abrutissement. Comme tout maître savant, Socrate interroge pour instruire. Or qui veut émanciper un homme doit l’interroger à la manière des hommes et non à celle des savants, pour être instruit et non pour instruire. Et cela, seul le fera exactement celui qui effectivement n’en sait pas plus que l’élève, n’a jamais fait avant lui le voyage, le maître ignorant.” (p.19)

    “J’ai des idées quand je veux. Descartes connaissait bien le pouvoir de la volonté sur l’entendement. Mais il le connaissait justement comme pouvoir du faux, comme cause d’erreur : la précipitation à affirmer alors que l’idée n’est pas claire et distincte. Il faut dire à l’inverse que c’est le défaut de la volonté qui fait errer l’intelligence. Le péché originel de l’esprit, ce n’est pas la précipitation, c’est la distraction, c’est l’absence.” (p.35)

    “Le problème n’est pas de faire des savants. Il est de relever ceux qui se croient inférieurs en intelligence, de les sortir du marais où ils croupissent : non pas celui de l’ignorance, mais celui du mépris de soi, du mépris en soi de la créature raisonnable.” (p.64)

    “Toute institution est une explication en acte de la société, une mise en scène de l’inégalité.” (p.66)

    « L’université tend à devenir une garderie pour les enfants des « classes moyennes », et Paris VIII est l’université où la transformation est la plus avancée. »

    Étant personnellement diplômé en sciences politiques grâce à cette université, je ne peux pas ne pas émettre une protestation polie. A l’exception d’un cours de sociologie du genre dégoulinant de dogmatisme, je peux vous assurer que mon cursus était parfaitement sérieux. Professionnalisant, c’est une autre histoire, mais c’est encore loin d’être une « garderie ». Quant à la sélectivité sociale, je ne crois pas que le taux de fils d’ouvriers à l’université ait beaucoup varié depuis 1945.

    • Descartes dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      [Vous parlez bien de R. V. Scruton, l’auteur de The Meaning of Conservatism ?]

      Tout à fait…

      [Il serait quelque peu amusant de voir un conservateur tomber d’accord avec un libéral (…) et un communiste (…).]

      Pas tant que ça, en fait. Ce qui oppose un conservateur, un communiste et un libéral est une vision différente des mécanismes qui font évoluer la société. Mais il y a d’autres lignes de fracture, et celle qui oppose les rationnalistes et les anti-rationnalistes est tout aussi pregnante… Ma conception de l’école est certainement plus proche de celle d’un illuministe de droite que d’un gauchiste postmoderne…

      [A comparer avec l’obscurantisme postmoderne (le rejet de Socrate et du cartésianisme en dit long) du « philosophe » Jacques Rancière :]

      Oui. En fait, l’opposition ici se pose entre ceux qui pensent que la connaissance est un processus cumulatif, et par conséquent que nous sommes des êtres historiques, et ceux qui pensent que chaque individu se constitue par lui-même. C’est assez clair dans le texte de Rancière que vous citez. Par exemple, lorsqu’il dit : « Expliquer quelque chose à quelqu’un, c’est d’abord lui démontrer qu’il ne peut pas le comprendre par lui-même ». Si c’est la connaissance accumulée par les générations qui nous ont précédé qui nous permet de « comprendre » le monde qui nous entoure, alors PERSONNE n’est capable de « comprendre par lui-même », sauf à être capable « par lui-même » de reconstruire l’ensemble de la connaissance humaine.

      Cette vision anhistorique se trouve encore plus clairement dans votre deuxième citation : « Il saura qu’il peut apprendre parce que la même intelligence est à l’œuvre dans toutes les productions de l’art humain, qu’un homme peut toujours comprendre la parole d’un autre homme ». Mais l’expérience montre au contraire qu’un homme ne peut comprendre la parole d’un autre homme sans avoir au préalable appris sa langue. Et c’est là un apprentissage, une transmission de celui qui connaît cette langue vers celui qui ne la connaît pas…

      [« L’université tend à devenir une garderie pour les enfants des « classes moyennes », et Paris VIII est l’université où la transformation est la plus avancée. » Étant personnellement diplômé en sciences politiques grâce à cette université, je ne peux pas ne pas émettre une protestation polie.]

      Je vous prie de croire que ma remarque n’était en rien une attaque personnelle. J’ai eu l’opportunité de participer à des enseignements universitaires, et j’ai été frappé par le climat de « laisser faire » et le manque d’exigence – pour ne pas dire la démagogie – de beaucoup d’enseignants, qui plutôt que de coller un étudiants préfèrent lui mettre la moyenne « pour ne pas le décourager » et surtout pour ne pas avoir des ennuis. Beaucoup traitent les étudiants comme si c’était des écoliers qu’il faut encore dorloter, et non des citoyens majeurs appelés à prendre leurs responsabilités. Si les gens n’ont pas le niveau pour suivre les cours, c’est à eux de se « remettre à niveau ». Ce n’est pas le problème de l’université !

      [Quant à la sélectivité sociale, je ne crois pas que le taux de fils d’ouvriers à l’université ait beaucoup varié depuis 1945.]

      Cela dépend où. Dans les formations sélectives et qui assurent un emploi, le taux est tombé en flèche. Dans les autres, je ne saurais pas trop vous dire.

  58. Mohican dit :

    Au sujet du post-modernisme, vous dites : “L’avantage des « études postmodernes » c’est qu’une fois qu’on a compris la technique, on peut fabriquer un discours pseudo-intellectuel avec un effort minimal. “
    Eh bien, réjouissez-vous ! On peut en effet se passer de tout effort, même minimal, grâce à un logiciel qui produit ce même type de discours en assemblant façon aléatoire des bouts de phrase contenant les mots clés les plus fréquents du champ sémantique des “cultural studies” : il s’agit du PoMo generator.
    Illustration :

    http://www.elsewhere.org/pomo/

    Enjoy !

    • Descartes dit :

      @ Mohican

      [Eh bien, réjouissez-vous ! On peut en effet se passer de tout effort, même minimal, grâce à un logiciel qui produit ce même type de discours en assemblant façon aléatoire des bouts de phrase contenant les mots clés les plus fréquents du champ sémantique des “cultural studies” : il s’agit du PoMo generator.]

      Oui, il y a plusieurs logiciels de ce type en circulation. Ils produisent en un clin d’œil un texte respectant les règles de grammaire et de syntaxe, avec le vocabulaire qu’il faut, mais totalement dépourvu de signification. Que cela soit possible confirme le résultat de l’expérience faite par Sokal avec son célèbre article : le postmodernisme n’est pas un cadre théorique permettant d’analyser le réel, mais un langage. On est « postmoderne » non pas parce qu’on dit quelque chose de différent, mais parce qu’on le dit d’une manière différente. En d’autres termes, c’est un style, une esthétique. Bien entendu, cela ne veut pas dire qu’il ne propage pas une idéologie…

  59. luc dit :

    Quelques exemples personnels pour montrer que le bonheur des uns fait le malheur des autres:Le voisin qui est parti avec la femme de mon collègue a fait son bonheur au dépend de mon collègue…
    Le dealer qui vend de l’héroïne à mon enfant a fait son bonheur au dépend de mon enfant et du mien.
    la personne( peut être migrante ou pas),qui m’a volé mon ordinateur avec toutes mes photos souvenirs a fait son bonheur au dépend du mien.
    La personne qui m’a racketté 100 euros ,a fait son petit bonheur,au dépend du mien.
    L’allemagne qui depuis environ 1968 a transféré toute la fabrication française des machines outils vers son territoire,a fait le bonheur des métallurgistes allemands et le malheur des métallurgistes français comme mon père,avc la complicité de l’UE.
    Eh,Oui!
    L’anglais locke du 17ième siécle,disait a juste raison que ‘L’Homme est un loup pour l’homme’!
    Les citoyens des lumières,leurs contemporains en lutte contre l’absolutisme royal savait qu’il s’agissait d’une lutte à mort entre des intérêts divergents voire opposés.Pour s’imposer la république a été obligé de passer par la Terreur puis la guerre civile et internationale.
    La loi,la raison doivent permettre de lutter contre cette injuste fatalité,que le malheur des uns fasse le bonheur des autres!
    Merci à Descartes de le rappeler,dans cette époque anomique où les voix comme la sienne sont si précieuses..

  60. Marcailloux dit :

    @ Descartes,
    Bonjour,
    [Marx a montré que l’accumulation de changements quantitatifs finit par provoquer des changements qualitatifs, mais pour le moment je ne vois pas beaucoup d’exemples au sujet du numérique.]
    C’est avec plaisir que je découvre que Marx a théorisé ce que je ressens intuitivement. Cette accumulation, en vrac, d’une masse de connaissances diverses, de qualité très variable, permet l’accroissement de la lucidité et le scepticisme du citoyen lambda.
    Cette lucidité est une lame à double tranchant. Elle induit à la fois, chez nos concitoyens le sentiment qu’ils ont une vie individuellement satisfaisante et paradoxalement le sentiment que la société dans laquelle ils vivent va mal.
    Cet état d’esprit, que d’une certaine façon vous relayez en écrivant : « Au secours, je ne comprends plus rien », est-il quantitatif ou qualitatif ?
    Ses conséquences sont, et quantitatives et qualitatives. Il s’agit d’état d’esprit, et là on est forcément dans le flou.
    Il est exact que la question qui se pose est la différence entre le qualitatif et le quantitatif, et sur le plan rhétorique, vous aurez toujours l’avantage de pouvoir ramener quelque phénomène que ce soit à une dimension matérielle dans son observation. Or, la vie ne doit-elle n’être que réduite à une comptabilité d’affects mesurables en termes de pulsions de fréquence f et d’intensité i ?
    La dernière initiative d’Emmanuel Macron en créant son mouvement « En marche » pourrait révéler un changement de paradigme dans le tréfonds de la population et constituer un contrefeu à l’émergence du F.N. .
    D’un côté, un parti renfermé sur lui-même, en butte à tout son environnement, clanique et pessimiste, d’un autre un mouvement ouvert, réformateur, moderne, progressiste, dans l’obédience du numérique. Du moins, c’est ce qui nous est montré.
    Il y a là, me semble-t-il une différence qualitative de nature.
    Le clavier remplace le porte-voix et la langue se substitue aux biceps. OK, je frise l’outrance, mais à peine !
    Sans faire de psychologie de comptoir, ne seriez-vous pas viscéralement, en qualité de matérialiste et jacobin déclaré, hostile à cette forme dématérialisée de communication qui tend à abroger le caractère centralisateur de notre société ?
    Internet me parait un vecteur libertaire qui ne sied pas, me semble-t-il avec votre vision de la société. Est-ce une position tenable ? Ne serait-ce pas une cause à « je ne comprends plus rien ? ».
    C’est la question de la démocratie qui se pose actuellement.Par qui devons nous être gouvernés ? par des élites qui n’y comprennent plus rien – les plus honnêtes le reconnaissent les autres font semblant de comprendre – et prétendent diriger la masse en qualité de détenteurs de savoirs au demeurant contradictoires et incompatibles entre les différentes factions ou par les représentants fidèles de la population qui ne sait pas vraiment ce qu’elle veut ( tout et son contraire) et qui sont donc condamnés à pratiquer un populisme dangereux ?
    Internet procède largement de ces interrogations chez un peuple qui a tendance à tout intellectualiser, et contribue à modifier insensiblement la conscience des individus, au grand dam des partis traditionnels, fondés et s’appuyant sur des dogmes qui sont de plus en plus démonétisés.

    • Descartes dit :

      @ marcailloux

      [Cet état d’esprit, que d’une certaine façon vous relayez en écrivant : « Au secours, je ne comprends plus rien », est-il quantitatif ou qualitatif ?]

      La question est mal posée. Les adjectifs « quantitatif » et « qualitatif » s’applique à une transformation, à un critère, pas à un « état d’esprit ».

      [Il est exact que la question qui se pose est la différence entre le qualitatif et le quantitatif, et sur le plan rhétorique, vous aurez toujours l’avantage de pouvoir ramener quelque phénomène que ce soit à une dimension matérielle dans son observation. Or, la vie ne doit-elle n’être que réduite à une comptabilité d’affects mesurables en termes de pulsions de fréquence f et d’intensité i ?]

      Je n’ai rien compris.

      [La dernière initiative d’Emmanuel Macron en créant son mouvement « En marche » pourrait révéler un changement de paradigme dans le tréfonds de la population et constituer un contrefeu à l’émergence du F.N.]

      Ah bon ? Vous y croyez ? Pensez-vous vraiment que les citoyens d’Hénin-Beaumont se passionneront pour un « premier de la classe » multi-millionnaire qui leur explique que les rares protections sur lesquelles ils peuvent compter sont une chose du passé, et que son but est que les jeunes rêvent d’être milliardaires ?

      [Il y a là, me semble-t-il une différence qualitative de nature.]

      Oui, mais qui n’a aucun rapport avec le « numérique ».

      [Sans faire de psychologie de comptoir, ne seriez-vous pas viscéralement, en qualité de matérialiste et jacobin déclaré, hostile à cette forme dématérialisée de communication qui tend à abroger le caractère centralisateur de notre société ?]

      J’avoue que je vois mal en quoi l’internet abolirait « le caractère centralisateur de notre société » plus que le bistro ou la place du marché. Vous savez, cela fait des millénaires que les hommes échangent sans la moindre hiérarchie dans ces lieux. Facebook n’est qu’un bistro un peu plus grand, c’est tout. Par ailleurs, il ne vous aura pas échappé que l’internet est dominé par quelques grandes entreprises, qu’on peut compter avec les doigts d’une main. Il serait grand temps d’arrêter de voir l’internet comme un monde « libertaire et décentralisé ».

      [Internet me parait un vecteur libertaire]

      En quoi est il plus « libertaire » que le bistrot ou le tract ?

      [C’est la question de la démocratie qui se pose actuellement. Par qui devons nous être gouvernés ? par des élites qui n’y comprennent plus rien]

      Ne croyez pas ça. Nos élites comprennent parfaitement un grand nombre de choses, et en particulier comment servir leurs intérêts. La preuve : par une étrange coïncidence les politiques poursuivies ces trente dernières années sont remarquablement cohérentes dans cet aspect…

  61. Soleil vert dit :

    Fréquenter assidûment les bibliothèques, Descartes, ne transforme pas tout le monde en “érudit” !
    Vous, comme d’autres, possédez à la base un bon potentiel intellectuel, vous permettant d’ingurgiter et de redistribuer, sous forme d’analyses argumentées et pertinentes, le fruit de vos nombreuses lectures !

    Ayez cependant à l’esprit, que sont plus nombreux ceux qui ne retiendront même pas le quart de ce qu’ils auront lu ! du moins l’exploitation et la synthétisation issues de leurs lectures ne se feront pas sans mal ! Mais tout le monde n’éprouve pas le besoin non plus de faire rejaillir leur idées sur les autres !

    Maintenant le net offre, oui, au plus désireux d’en découdre avec son milieu d’origine, de quoi lui faire oublier son handicap ! Comme autrefois, la télé offrait au jeune issu d’un milieu modeste, donc privé de culture avec un grand C, de quoi être, indirectement, bénéficiaire de “déclics” salvateurs, sur le plan intellectuel !

    La télé offrait, il est vrai, hier, plus souvent qu’aujourd’hui (à part Arté, entre autres programmes) de quoi hisser de la sorte, quiconque était réceptif à ce genre d’appel ! Il n’était pas si rare, en effet, que le visionnage d’un simple téléfilm retraçant l’oeuvre d’une personnalité (de la littérature, par exemple), ou avec des références historiques, pouvait provoquer chez les plus avides de culture, une envie d’aller accentuer ce déclic, en allant se procurer en bibliothèque, de quoi affiner leur compréhension de l’auteur ou de l’oeuvre ! Ce qui était déjà bien, vu que la famille ne pouvait rien apporter en ce domaine précis ! Aujourd’hui, ce sera par l’intermédiaire d’internet et c’est heureux !

    C’est l’usage (intelligent) que l’on fait des choses qui prime ! Alors oui la télé, oui le net, comme vecteurs incontournables en matière culturelle, scientifique, philosophique… pour les “sur la touche”, à la condition, bien sûr, d’avoir quelques exigences de base ! et de cela surtout, les gens (pénalisés sur le plan intellectuel, dès la naissance), sont responsables !

    Se donner les moyens, en somme, de s’extraire du monde qui vous entoure et qui ne vous correspond pas tout-à-fait ! une sorte d’impulsion, de fuite (telle que décrite par Henri Laborit dans son ouvrage “éloge de la fuite, très justement), pour mieux se donner une chance d’être soi-même, tout entier livré à ses désirs propres de progression et d’harmonie, tant d’un point de vue purement égoïste que dans ses rapports aux autres !

  62. Soleil vert dit :

    A l’auteur de ce blog,

    Dans mon intervention précédente, je voulais dire “pénalisés sur le plan culturel (et non pas intellectuel) dès la naissance”, bien entendu.

    Parce qu’en effet, il n’est pas encore né celui qui pourra inciter les bonnes fées et rien que les bonnes, à venir se pencher sur son berceau ! Par contre, il est de sa responsabilité d’homme en devenir, de toujours prendre le soin de décocher les cases vous promettant grisaille et désespoir morbide, sans pour autant viser, dans un monde frelaté comme le nôtre, monts et merveilles.
    D’où l’important d’essayer de trouver, le plus souvent, matière à rire et surtout quand la situation ne s’y prête guère !
    Quand on s’interdit d’être dans l’inhibition, on s’évite la somatisation et le déclin en découlant, et là aussi démonstration en a été faite par Laborit (belle référence, cela dit, en passant). Pourvoir prendre la fuite, s’évader est une chance, même si mince, au départ.

  63. Soleil vert dit :

    Encore une petite précision quant à ce que j’entends par “déclic”, si vous le voulez bien…. Pressée par le temps, qui m’est autant précieux que celui de mes compatriotes, tous pris dans les mêmes engrenages du quotidien, je ne me focalise pas tant que cela sur le fait de n’être pas totalement comprise ou de ne pas trouver d’échos suffisants à mes constats ou expériences ! Le poison extirpé, tout va bien mieux pour la santé et là est l’essentiel !

    En effet, évoluer dans un milieu où sorties culturelles (théâtre, opéra, visites de musées…) et vacances à l’étranger, sont la règle, les déclics conduisant à “l’envie de se gaver d’encore plus gratifiant” sont directement déclenchés. Jusqu’ici, tout va bien ! point d’efforts à fournir, il n’y a qu’à se servir et le frigo est rempli à bloc ! miam miam !

    Dans un monde, dis-je, où culture rime avec nourriture (principalement intellectuelle), nul besoin de chercher plus loin que ce qui est proposé sur un plateau d’argent !

    Ce fameux “déclic”, dans les milieux défavorisés, par contre, il est indispensable qu’il se produise (même par un canal jugé de moindre qualité : télévision/internet) sinon point de salut !

    Tout commence par là ! trouver à l’extérieur (et pas obligatoirement par le biais des institutions) de quoi se nourrir davantage et s’autoriser à quitter la route, pleine d’embûches, promise ! Pas facile mais oh combien révélateur pour soi !

    Alors d’office, prétendre que par le biais de la télé et du net, personne n’y trouvera matière à changer la face de son monde, c’est un peu trop facile et réducteur comme affirmation !

    Certes, peu seront capables d’un tel élan, mais encore une fois et dans ce cas présent, qu’importe le nombre ! si il s’en trouve un seul qui a pu briser ses chaines de cette façon là, et bien il aura montré l’exemple et aux autres de faire de même ! Comme tout dans la vie, il suffit que le premier agisse et tout le monde suit….pour le meilleur ou pour le pire…. et comme on ne sait jamais si le pire ou le meilleur nous attend, autant laisser ses peurs de côté…et FONCER.

  64. Marcailloux dit :

    @ Descartes,
    Bonjour,
    [Il est exact que la question qui se pose est la différence entre le qualitatif et le quantitatif, et sur le plan rhétorique, vous aurez toujours l’avantage de pouvoir ramener quelque phénomène que ce soit à une dimension matérielle dans son observation. Or, la vie ne doit-elle n’être que réduite à une comptabilité d’affects mesurables en termes de pulsions de fréquence f et d’intensité i ?] . . . [Je n’ai rien compris.]

    Vous ne me donniez pas cette image de niaiserie !
    Ce qui dans de nombreux cas fait changer de nature un phénomène (une réalité sensible), est souvent lié à l’évolution de sa dimension quantitative. L’aspect qualitatif de ce phénomène, ce qui en fait son apparence, ce que l’on en perçoit est fréquemment la conséquence d’une quantité.
    Prenons un sujet qui fait souvent débat ici, l’immigration. Un million d’ « étrangers » va, dans une population de soixante-cinq millions, apporter une diversité profitable alors qu’à partir de cinq ou six millions, cette population voit son caractère originel s’altérer dangereusement.
    Dans un domaine plus psychologique, un peu de scepticisme favorise la lucidité, alors qu’à partir d’une certaine intensité, cela devient du nihilisme.
    En politique, un minimum d’ordre public est indispensable pour l’expression de la vie démocratique. Un maximum nous conduit au totalitarisme dictatorial.
    La qualité d’une couleur que vous percevez (rouge, vert, violet, . . . .) est liée à la fréquence des photons que votre œil perçoit.
    Je pense que le qualitatif et le quantitatif sont liés et interdépendants.

    Quand vous écrivez :
    [Et je suis d’accord avec Finkielkraut sur le fait que l’internet enrichit culturellement ceux qui sont déjà riches mais appauvrit ceux qui sont culturellement pauvres.], vous approuvez un prédicat qui en fait n’exprime de la part de son auteur qu’un pessimisme pathologique. De tous temps les : « c’était mieux avant » et « les vieux sont des cons » ont fait florès et Finkielkraut le laisse largement ressortir dans son ouvrage « l’identité malheureuse » dont vous faites allusion. Il n’a pas complètement tort mais il considère implicitement que tout est foutu et qu’il n’y a pas d’évolution créatrice, pour reprendre les termes de Bergson, à espérer. Il est toujours à craindre les effets normatifs de telles assertions qui abrogent la notion d’ « élan vital » propre à toute organisation humaine.

    [La dernière initiative d’Emmanuel Macron] . . . [Ah bon ? Vous y croyez ?]
    Vous me faites dire des choses que je n’ai pas dites.
    Ce que j’imagine, peut-être à tort, l’avenir confirmera ou non, c’est que l’image de modernité véhiculée par Macron avec son corollaire la numérisation dans la société pourrait avoir des conséquences notables sur la physionomie de la politique en France.
    Les récents sondages à ce sujet sembleraient aller dans ce sens.

    [Nos élites comprennent parfaitement un grand nombre de choses, et en particulier comment servir leurs intérêts. La preuve : par une étrange coïncidence les politiques poursuivies ces trente dernières années sont remarquablement cohérentes dans cet aspect…]
    Pensez-vous réellement que l’arrivée au pouvoir d’un parti comme le FN change quoi que ce soit en mieux la situation actuelle ? Pour les gens de Hénin-Beaumont en particulier ?

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Vous ne me donniez pas cette image de niaiserie !]

      Vous ne me donniez pas cette image d’impolitesse… je vous dis que je ne comprends pas ce que vous avez écrit, et cela me vaut d’être « niais » ? Merci beaucoup…

      [Je pense que le qualitatif et le quantitatif sont liés et interdépendants.]

      Marx préfère parler d’une « relation dialectique »

      [« Et je suis d’accord avec Finkielkraut sur le fait que l’internet enrichit culturellement ceux qui sont déjà riches mais appauvrit ceux qui sont culturellement pauvres. », vous approuvez un prédicat qui en fait n’exprime de la part de son auteur qu’un pessimisme pathologique.]

      Mais il arrive que les pessimistes, même pathologiques, aient raison.

      [De tous temps les : « c’était mieux avant » et « les vieux sont des cons » ont fait florès et Finkielkraut le laisse largement ressortir dans son ouvrage « l’identité malheureuse » dont vous faites allusion.]

      L’idée que l’internet enrichit culturellement ceux qui sont déjà riches et appauvrit ceux qui sont pauvres culturellement n’a aucun rapport avec le « c’était mieux avant ». En elle-même, elle ne contient aucun jugement de valeur.

      [Il n’a pas complètement tort mais il considère implicitement que tout est foutu et qu’il n’y a pas d’évolution créatrice, pour reprendre les termes de Bergson, à espérer. Il est toujours à craindre les effets normatifs de telles assertions qui abrogent la notion d’ « élan vital » propre à toute organisation humaine.]

      Je pense que vous êtes injuste avec Finkielkraut. Dans son livre, il ne se contente pas d’exprimer une opinion personnelle, il expose une théorie qui soutient sa conclusion. On peut penser qu’il a tort, mais cela nécessite quand même de contre-argumenter, et franchement je n’ai pas vu beaucoup de travaux qui le fassent sérieusement. Je dois dire que je partage en grande partie son pessimisme – même si par ailleurs je soutient un optimisme méthodologique. Je ne vois pas beaucoup d’évolutions créatrices…

      [Vous me faites dire des choses que je n’ai pas dites. Ce que j’imagine, peut-être à tort, l’avenir confirmera ou non, c’est que l’image de modernité véhiculée par Macron avec son corollaire la numérisation dans la société pourrait avoir des conséquences notables sur la physionomie de la politique en France.]

      C’est bien ce que je « vous faisais dire ». Je répète ma question : vous y croyez, vous ? Pensez-vous vraiment qu’une « image de modernité » ait un tel pouvoir ?

      [Pensez-vous réellement que l’arrivée au pouvoir d’un parti comme le FN change quoi que ce soit en mieux la situation actuelle ? Pour les gens de Hénin-Beaumont en particulier ?]

      Je ne sais pas. Tout ce que je peux dire, c’est qu’eux l’ont cru, et qu’ils ne semblent pas avoir été déçus puisqu’ils plébiscitent le maire qu’ils se sont donnés il y a deux ans. A partir de là, tout n’est qu’hytpothèse.

  65. Marcailloux dit :

    @Descartes
    Bonjour,
    [Vous ne me donniez pas cette image de niaiserie !] . . . .[Vous ne me donniez pas cette image d’impolitesse… je vous dis que je ne comprends pas ce que vous avez écrit, et cela me vaut d’être « niais » ? Merci beaucoup…]
    Confus à la lecture de votre réponse, je vous demande sincèrement de me pardonner ce qui ne voulait au départ n’être qu’une plaisanterie. Plaisanterie maladroite, j’en conviens !

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      Vous êtes tout pardonné. Il arrive souvent que la plume trahisse notre pensée, surtout quand on essaye de répondre rapidement, et si cela peut vous rassurer je n’ai jamais pensé que votre intention fut d’être désagréable. On se connait depuis trop longtemps…

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