Le départ du gouvernement de François Rebsamen peut paraître anecdotique. Après tout, l’intéressé ne laissera certainement pas un souvenir inoubliable dans le poste ministériel qu’il a eu l’honneur – car c’est bien un honneur, j’insiste – d’occuper. On ne connaît pas et on ne connaîtra sans doute jamais de « projet Rebsamen », de « doctrine Rebsamen ». Après plus de douze mois passés à son poste, on ne sait même pas ce qu’il pense de l’état du dialogue social ou de la législation du travail en France. Bien sûr, on ne demande pas à chaque homme politique qui devient ministre d’attacher son nom à une loi, détestable habitude qui multiplie les lois obèses et bavardes, mais on lui demande au moins d’avoir une ou deux idées marquantes. Rebsamen n’aura même pas réussi ce test-là. Il faut dire à sa décharge qu’il est membre d’un gouvernement qui se distingue essentiellement par sa capacité à se concentrer sur les affaires courantes et son incapacité à faire quoi que ce soit d’autre. Quand on fonctionne suivant la politique du chien crevé au fil de l’eau, difficile d’avoir des idées.
Il serait injuste cependant de reprocher à François Rebsamen – comme le font certains – l’aggravation du chômage. Les clés de la politique de l’emploi ne se trouvent pas, elles ne se sont jamais trouvées, au ministère du Travail. Elles se trouvent dans la politique économique, monétaire, industrielle. Le ministre du travail est l’observateur du chômage, mais il dispose de maigres leviers pour lutte contre lui. Le ministre du Travail a le douteux privilège d’avoir à commenter les chiffres est les statistiques d’un phénomène sur lequel il n’a guère le contrôle. Il a, c’est vrai, la tutelle sur Pole Emploi, mais cette vénérable institution ne peut pas, quelque soit son efficacité, trouver des emplois qui n’existent pas. On peut certainement améliorer considérablement le fonctionnement de Pôle Emploi, mais en dernière instance cette institution ne fait que mettre en contact des chômeurs à la recherche d’emplois et les employeurs à la recherche de main d’œuvre. Et quand les employeurs qui ont envie d’embaucher se font rares, la meilleure organisation est impuissante.
Ce qui rend le départ de Rebsamen remarquable, c’est qu’il est volontaire. Personne ne le poussait vers la sortie, personne ne demandait sa tête. On remarquera d’ailleurs que depuis que François Hollande est président, on a perdu l’habitude de demander la tête des ministres, tant les citoyens ont finalement assimilé l’idée qu’ils font tout ce dont ils sont capables, c'est-à-dire, pas grande chose, et que leur remplacement ne ferait que changer la tête de turc sans changer de turc. Non, si Rebsamen part, c’est qu’il échange son ministère contre un poste bien plus exaltant, celui de maire de Dijon, préfecture de la Côte-d’Or, 150.000 habitants.
Cela peut paraître à première vue étrange, n’est ce pas ? Un homme politique, ministre de la République et à ce titre huitième membre dans l’ordre protocolaire du petit cénacle qui, autour du Premier ministre, détermine et conduit la politique de la Nation, préfère finalement quitter ses fonctions pour s’occuper du bonheur de la centaine et demie de milliers de dijonnais. Il faut croire que ces jours-ci il vaut mieux être le premier à Dijon que le douzième à Paris. Sera-t-il le seul à faire ce choix ? Des langues vipérines susurrent que Jean-Yves Le Drian se verrait mieux en duc de Bretagne qu’en successeur de Louvois et Vauban. Et il y en a d’autres.
Il y a bien entendu dans ces choix une perspective purement alimentaire. Ou plus vulgairement, une manifestation de cet instinct qui pousse certains rongeurs à quitter les vaisseaux auxquels ils voient un destin funeste. C’est que le mandat électif local est un mandat à temps, et avec une gestion intelligente des clientèles, un mandat à vie. Le mandat ministériel est un mandat par essence précaire, soumis au bon vouloir du président et aux aléas des alliances politiques, et certains mauvais esprits insinuent qu’il serait bientôt l’heure pour Hollande de constituer le gouvernement « de combat » qui fera sa campagne électorale pour un deuxième mandat. Mais l’alimentaire n’explique pas tout. Les différentes vagues de décentralisation, la construction européenne, l’affaiblissement de l’Etat républicain ont beaucoup changé les choses. On a bien plus de marge de manœuvre, bien plus de liberté et bien plus de possibilités de flatter les clientèles en étant un « grand féodal » en province qu’en étant ministre à Paris, coincé entre les oukases tatillons de la Commission européenne, la pression des lobbies de toutes sortes (économiques, médiatiques, associatifs…), les faiblesses d’une haute administration à laquelle on a systématiquement coupé les ailes depuis des années en poussant les meilleurs éléments à partir dans le privé, et un président qui court aux abris dès que le temps se couvre. Etre ministre, cela n’a jamais été facile. Mais aujourd’hui, c’est devenu une tâche particulièrement ingrate, surtout lorsqu'on n'a pas une idée à faire avancer, un projet à mettre en œuvre, et qu'on est là avec un seul objectif: être promu.
Mais cela ne justifie rien. Ministre, ce n’est pas un emploi, c’est une mission. Un ministre n’a pas que des avantages – la belle voiture, l’appartement de fonction dans un bâtiment historique – il a aussi et surtout des devoirs. Par exemple, celui de ne pas abandonner le navire en pleine panade sous prétexte qu’il a trouvé ailleurs un poste où le travail est plus intéressant et la sécurité de l’emploi meilleure. En abandonnant son poste pour courir les honneurs municipaux, Rebsamen banalise la fonction ministérielle qu’il exerce, la réduisant à un simple emploi de cadre supérieur. Et encore : un cadre supérieur qui trouve une meilleure planque doit à son employeur trois mois de préavis, censés assurer la continuité des affaires en cours. Il est vrai qu’on ne fait plus prêter serment aux ministres en France. Et on a peut-être tort. Une prestation de serment permettrait de leur rappeler que la fonction qu’ils acceptent implique non seulement des avantages, mais aussi des contraintes et des devoirs.
Lorsque François Hollande est devenu président de la République, certains ont souligné le fait qu’il n’avait aucune expérience ministérielle. Mais ces commentateurs n’ont pas été jusqu’au bout de l’analyse. François Hollande appartient à une génération de socialistes pour qui la France n’est qu’un Conseil général. Un gros conseil général, certes, avec plus de soixante millions d’habitants, mais un Conseil général tout de même. Tout ce qui est démesuré, tragique, exceptionnel dans le gouvernement d’une Nation et qui fait qu’un poste de président ou de ministre est incomparable à tout autre leur est parfaitement étranger. Sous le « président normal », qui nomme à l’Elysée un conseiller spécialement consacré au suivi des questions corréziennes, il n’est pas absurde de considérer que Dijon vaut bien non pas une messe, mais toutes les messes du monde. Un ministre, dans le contexte actuel, c’est une espèce de secrétaire national du PS, dont la nomination tient plus aux équilibres entre courants qu’à un véritable projet politique, dont le portefeuille n’a aucun rapport ni avec ses compétences, ni avec ses envies, et qui peut quitter son poste quand ça lui chante en fonction des contraintes de court terme. C’est d’ailleurs le seul avantage d’avoir des ministres médiocres : ils peuvent partir à tout moment et être remplacés par d’autres sans que personne ne s’en aperçoive.
Mais il reste que le départ de Rebsamen est une insulte aux citoyens. Lorsque Rebsamen a accepté de devenir ministre, il s’est engagé à servir les citoyens de ce pays en dirigeant un département ministériel important. Aujourd’hui, il quitte son poste sans un mot d’explication, sans un mot d’excuses, juste pour convenance personnelle. Et le président de la République et son Premier ministre tolèrent qu’un ministre annonce publiquement son départ avec trois semaines d’anticipation – ce qui implique que son poste est vacant, puisque personne n’ira discuter ou négocier avec un ministre en sursis – sans le relever immédiatement de ses fonctions et nommer son successeur. Remarquez, sous Hollande et Valls, on peut parfaitement vivre trois semaines sans ministre du Travail…
Descartes
Vous évoquiez,cher Descartes,la perte du sens du tragique,en politique,avec un contributeur dans votre précédent texte,au sujet de l’affiche,joliment,nommée, Pandable..
A ce moment,je pensais à la destinéee des ministres de Hollande qui ne manqueront pas un jour d’̈́tre moqué.L’aspect tragique de l’Histoire,cependant ne risque pas de les affecter car leur couanne est déjà durcie,de part leur histoire familiale.
Mais ce ne serait rien,si ça arrivait, à côté de ce qu’on connut les parents Jamets,Druillet,Dujardin,Modiano ,Brückner etc,
Tous anciens collabos pro Nazis,dont les enfants ont porté + ou -,la culpabilité.
C’est aussi le cas de Rebsamen avec en plus le mensonge et le déni d’après le site à l’adresse ci-dessous.
Justement,le cas de Rebsamen,me semble emblématique.
https://www.google.com/search?client=ubuntu&channel=fs&q=p%C3%A8re+de+rebsamen&ie=utf-8&oe=utf-8
Pour moi,aussi,comme pour vous,’le départ de Rebsamen est une insulte aux citoyens’,
Jospin,lui,avait pensé marqué et assumé l’Histoire en 2002,c’était différent.
Mais délà,la nomination de Rebsamen,en 2012,et son maintien étaient aussi une insulte.
En effet, il a beaucoup menti,ce Rebsamen,comme l’ensemble de la Mitterrhollandie..
Entendons-nous bien, personne ne peut être tenu pour responsable des actes de son père.
C’est le fait que François Rebsamen, ancien ministre du Travail, de l’Emploi et du Dialogue social, ait menti qui est scandaleux. Après DSK,Cahuzac, Moscovici et Hollande sur le compte en Suisse du premier, Taubira et Valls sur les écoutes de Nicolas Sarkozy, Vallaud-Belkacem et Peillon sur la théorie du genre à l’école, cela commençait à faire beaucoup de menteurs à la présidence et au gouvernement, vous ne trouvez pas ?
Rebsamen,sait que la chute de la Hollandie approche,
il assure ses arrières puisque c’est la principale qualité politique contemporaine,n’est ce pas?
Son père a connu une chute beaucoup plus vertigineuse.Son fils s’en tire mieux,et n’en sera pas affecté,au contraire..
@ maurice
[A ce moment, je pensais à la destinée des ministres de Hollande qui ne manqueront pas un jour d’être moqués.]
Même pas. Qui prendra la peine de se moquer de Pinel, de Rebsamen, de Sapin, de Macron ? On ne se moque véritablement que des gens qui laissent une empreinte. Mongénéral ou Mitterrand étaient du pain béni pour les caricaturistes. Mais parmi les ministres du gouvernement actuel, combien seraient reconnus par les citoyens dans la rue ? Essayez – sans regarder sur le net – d’écrire une liste des ministres du gouvernement actuel. A combien arrivez-vous ?
Avec Hollande-Valls, nous atteignons le summum dans l’indifférence. Personne dans la rue pour crier « Untel démission ». Quel intérêt à faire démissionner Untel alors qu’on sait à peine qu’il existe ?
[C’est aussi le cas de Rebsamen avec en plus le mensonge et le déni d’après le site à l’adresse ci-dessous.]
(L’article cité soulève la question des activités du père de François Rebsamen, né à Stuttgart et qui fut agent de la Gestapo à Dijon pendant la guerre).
Je dois dire que je n’aime pas ce genre d’insinuations. On est responsable de ce qu’on fait, des amis qu’on choisit de fréquenter et des fonctions qu’on a soi-même occupé. Mais personne n’est responsable de ce qu’on fait ses parents. La question posée à Rebsamen sur les activités de son père est ignoble, et s’il a répondu d’une manière inexacte, je serai le premier à lui reconnaître des circonstances atténuantes.
[En effet, il a beaucoup menti, ce Rebsamen, comme l’ensemble de la Mitterrhollandie…]
Il y a mensonge et mensonge. Lorsque Mitterrand ment sur sa Francisque, sur ses activités de collaborateur, sur sa fréquentation de Bousquet ou sur l’attentat de l’Observatoire, il cherche à cacher des choses qu’il a fait lui-même et donc ses responsabilités. Ce faisant, il trompe l’opinion sur son propre personnage. Lorsque Rebsamen ment sur les activités de son père, il ne fait que chercher pieusement à protéger sa mémoire. Ce n’est pas du tout la même chose.
[C’est le fait que François Rebsamen, ancien ministre du Travail, de l’Emploi et du Dialogue social, ait menti qui est scandaleux. Après DSK,Cahuzac, Moscovici et Hollande sur le compte en Suisse du premier, Taubira et Valls sur les écoutes de Nicolas Sarkozy, Vallaud-Belkacem et Peillon sur la théorie du genre à l’école, cela commençait à faire beaucoup de menteurs à la présidence et au gouvernement, vous ne trouvez pas ?]
Au risque de me répéter, il y a mensonge et mensonge. Dans tous vos exemples, il s’agit de mensonges sur les choix qu’on a fait soi-même. Le « mensonge » de Rebsamen n’est pas dans cette catégorie.
@ Maurice
Détrompez moi si je fais erreur, et si je me suis assoupi lors d’un épisode récent dans lequel il était question d’un plagiat, pire même, d’une trahison, car certains types de relations obligent, et au cours duquel tel “Bovard” se serait mensongèrement attribué la paternité de textes simplement copiés-collés, puis se serait métamorphosé sous un pseudo éponyme du nom d’une ile de l’océan indien proche de la Réunion. Ou alors quelque chose m’aurait échappé ?
@ Marcailloux
[Détrompez moi si je fais erreur, et si je me suis assoupi lors d’un épisode récent dans lequel il était question d’un plagiat, pire même, d’une trahison (…)]
Sur cette affaire, tout le monde s’est exprimé, et l’on s’est partagé les cordes et les pendus. Ne rallumez pas la mèche, s’il vous plait…
Clair et net! Oui, tout cela est bien petit mais l’epoque a les hommes politiques qu’elle mérite.
@Descartes,
je suis content que nous fassions la même remarque à propos de la démission de F.Rebsamen de sa charge (et oui, le terme “charge” semble à propos…) de ministre.
Je suis quarantenaire, et il me semble qu’il n’y a pas si longtemps que ça, être ministre était un accomplissement dans la carrière d’un homme politique, et surtout un honneur, dont on se vantait dans son entourage, jusqu’à la fin de ses jours…
Aujourd’hui, il semblerait que devenir ministre, c’est déchoir, puisque le sieur Rebsamen réclame à cors et à cris de récupérer un poste de maire, alors que n’importe qui parmi les membres du conseil municipal de Dijon aurait fait l’affaire: décidément, la médiocrité est la VRAIE signature de la présidence Hollande!
Je suis donc triste de constater que la fonction ministérielle n’attire plus, pire, qu’elle ne sert qu’à garnir son carnet d’adresses pour des destinations futures, mais surtout de constater que la Res Publica, dans les faits, n’existe plus…
En tout cas, il faut bien constater que Hollande abaisse l’Etat à ce point qu’il n’arrive même pas à retenir ses ministres démissionnaires, y compris ceux qui sont supposés être les plus proches de lui, comme Rebsamen: combien de temps ces simagrées vont elles encore durer?
@ CVT
[Je suis quarantenaire, et il me semble qu’il n’y a pas si longtemps que ça, être ministre était un accomplissement dans la carrière d’un homme politique, et surtout un honneur, dont on se vantait dans son entourage, jusqu’à la fin de ses jours…]
Tout à fait. Le fait d’avoir siégé au gouvernement vous donnait le droit à l’appellation « monsieur le ministre » a vie. Et même dans les périodes de gouvernement parlementaire, ou les ministères ne duraient guère, le nombre de « ministres » était relativement réduit, les présidents du conseil successifs puisant dans un petit réservoir de gens considérés comme « compétents » pour gérer un département ministériel. La cinquième République, en renforçant l’exécutif dans une logique de responsabilité directe devant le peuple, a renforcé encore le prestige de la fonction. Il faut se rappeler qu’il fut une époque où le ministre qui faisait une grosse bêtise était prié de démissionner sur le champ…
[Aujourd’hui, il semblerait que devenir ministre, c’est déchoir, puisque le sieur Rebsamen réclame à cors et à cris de récupérer un poste de maire, alors que n’importe qui parmi les membres du conseil municipal de Dijon aurait fait l’affaire: décidément, la médiocrité est la VRAIE signature de la présidence Hollande!]
Je crois que vous avez parfaitement résumé la situation : les intelligences sont mieux utilisées à diriger la ville de Dijon que le ministère du Travail de la République.
[Je suis donc triste de constater que la fonction ministérielle n’attire plus, pire, qu’elle ne sert qu’à garnir son carnet d’adresses pour des destinations futures, mais surtout de constater que la Res Publica, dans les faits, n’existe plus…]
Ne soyons pas pessimistes : ce n’est pas parce que la Res Publica n’intéresse plus les apparatchiks du PS qu’elle a disparu chez nos concitoyens. Je pense d’ailleurs que les socialistes vont payer très cher ce genre de désinvolture.
[En tout cas, il faut bien constater que Hollande abaisse l’Etat à ce point qu’il n’arrive même pas à retenir ses ministres démissionnaires, y compris ceux qui sont supposés être les plus proches de lui, comme Rebsamen: combien de temps ces simagrées vont elles encore durer?]
Mai 2017, je le crains.
Peut-être vous souvenez-vous de cet article que j’avais trouvé intéressant alors :
http://www.causeur.fr/paris-contre-le-desir-francais-28505.html
@ Ruben
C’est en effet un EXCELLENT article… comme souvent les articles de fond du “causeur”.
“Après plus de douze mois passés à son poste, on ne sait même pas ce qu’il pense de l’état du dialogue social ou de la législation du travail en France. Bien sûr, on ne demande pas à chaque homme politique qui devient ministre d’attacher son nom à une loi, détestable habitude qui multiplie les lois obèses et bacardes, mais on lui demande au moins d’avoir une ou deux idées marquantes. Rebsamen n’aura même pas réussi ce test-là.”
Renseignez-vous avant d’écrire cela, la loi Rebsamen sur le dialogue social a été votée en juillet.
Si j’en crois Eric Zemmour – je n’ai pas vérifié – la SFIO était déjà un parti d’élus locaux.
@xc
C’est exact. La fondation du PS sur les cendres de la SFIO fut une tentative de sortir d’un parti “fédéralisé” par des barons locaux pour en faire une force nationale. Et ça n’a pas mal marché.