De l’agora romaine à l’école sans notes

En montant dans la rame du métro, la publicité avait tout de suite attiré mon œil malgré l’heure matinale et l’état de demi-someil qui caractérise mon trajet de mon domicile à mon travail. Voici ce qu’elle disait : « Alice allait sur des forums bien avant d’étudier l’agora romaine ». J’imagine, hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère, que toi aussi tu as été dérouté. D’abord pour le pluriel de « forum » qui, comme mes lecteurs latinistes vous le feront remarquer, est soumise à la règle qui fait que les mots dérivés du latin et terminés par « -um » forment le pluriel en « -a » (1). Alice visitait donc les « fora » et non les « forums » bien avant d’étudier… quoi ? Et bien oui, « l’agora romaine ». Alice ferait bien de mieux choisir ses études : l’agora est en effet une institution grecque, et non romaine. Il n’y a pas plus d’agora romaine de que calendes grecques…

Si la publicité en question concernait un saucisson du cru ou des petits pois en boîte, l’affaire serait comique. Mais là où elle devient tragique, c’est que l’entreprise qui paye cette publicité n’est autre qu’Acadomia, le mastodonte des cours particuliers destinés à calmer l’angoisse des parents et accessoirement, très accessoirement, à aider les enfants dans leur aventure scolaire. Une entreprise dont le slogan , « les élèves ont changé, les façons d’apprendre aussi », dit tout son ambition pédagogique. Et en effet, les façons d’apprendre ont du beaucoup changer : de mon temps, ils n’étudiaient pas « l’agora romaine » (2). Peut-être qu’en philosophie on leur donnera à lire les écrits de Socrate ?

Cette affaire nous ramène, et je suis désolé si le sujet devient répétitif, à la crise de notre système éducatif. Oui, les gens sont de moins en moins bien éduqués, et pas que chez les publicitaires d’Acadomia. Heureusement qu’il y a toujours dans nos institutions éducatives des grands pédagogues capables de faire des propositions brillantes. La dernière en date et l’idée d’abolir les notes chiffrées. Bon, d’accord, l’idée n’est guère nouvelle. Elle tourne dans la bavardosphère depuis déjà un certain temps. Mais cette fois, nous dit-on, c’est recommandé par un rapport officiel, celui de la Commission Nationale des Programmes (3). Pour un gouvernement qui recherche désespérément quelque gadget pour faire oublier sa gestion désastreuse de presque tout et les turpitudes de quelques conseillers, c’est du pain bénit, d’autant plus que a) cela ne coûte rien et b) cela ne risque pas de provoquer la résistance d’une majorité d’enseignants, ravis d’avoir un motif de moins de conflit avec les parents.

Bien entendu, toute vérité n’est pas bonne à dire, et il faut donc quelques arguments théoriques plus ou moins bidon pour habiller la chose. Heureusement, il ne manque pas des pédagogogues et autres sociologues de l’éducation pour en fournir. Et sur ce point, on ne peut guère dire qu’ils aient fait preuve d’une grande originalité. L’argumentation tourne toujours autour des mêmes questions. La note chiffrée traumatiserait nos chères têtes blondes. Elle les découragerait. Elle encouragerait la compétition. Il faut donc lui substituer une notation « bienveillante », qui « encourage » l’élève, renforce son « estime de soi » et favorise la coopération.

Posons la question franchement. Faut il « encourager » les élèves ? Le simple fait de la poser montre combien elle est absurde. Le verbe « encourager » a besoin d’un complément. On « encourage » quelqu’un à faire quelque chose. Mais les contempteurs des notes chiffrées ne l’ont pas encore remarqué. Il nous répètent que mettre un zéro au mauvais élève pourrait le « décourager ». Mais c’est précisément le but : le « décourager » d’être un cancre. Si l’on veut obtenir de quelqu’un qu’il change son comportement, il faut que ce changement présente pour lui un intérêt. En d’autres termes, qu’un non-changement soit sanctionné et un changement soit récompensé. La sanction et la récompense peuvent varier, être de nature réelle ou symbolique. Il peut se traduire par l’accès à un poste ou à une dignité convoitée, à l’image qu’on donne auprès des gens qu’on aime ou qui nous entourent, par un supplément d’argent de poche ou une visite – horresco referens – à Disneyland. Mais imaginer que l’enfant – ou l’adulte, d’ailleurs – feront spontanément quelque chose à laquelle ils n’ont aucun intérêt juste parce qu’on leur dit qu’il faut la faire est une illusion.

En d’autres termes, il faut un système de sanctions et de récompenses. Si l’élève qui ne travaille pas reçoit les mêmes encouragements et les mêmes récompenses que celui qui travaille, alors personne ne travaillera. Et c’est là, au fonds, que se trouve le problème. Les ennemis des notes – et d’une manière plus générale les partisans des « nouvelles pédagogies » – ne pensent pas en fait que le travail soit si important que cela. L’éveil, la créativité, la participation au groupe, oui. Mais le travail ? Qui a parlé de travail ?

Vous trouvez que j’exagère ? Et bien, je vous conseille la lecture du supplément du journal « Le Monde » – dont l’engagement du côté « pédagogogique » est bien connu – daté du 26 novembre dernier et intitulé « enseigner demain ». Dans ce supplément, tout à la gloire des « nouvelles manières d’enseigner » – beaucoup de tablettes, d’ordinateurs, de tableaux numériques, et peu de connaissances – j’extrais la description d’une classe de sciences du vivant particulièrement révélatrice :

Professeur des sciences de la vie et de la terre, Frédéric Véron fait partie des pionniers. (…) dans ses cours, désormais, « le classeur c’est le portable ». Vaste espace de stockage pour leçons et documents, la machine apporte aussi des outils créatifs qui vont justement être mis à profit. Après avoir découvert les grandes catégories du monde animal comme les vertébrés, incluant les mammifères ou les oiseaux, les élèves doivent les mobiliser pour présenter un spécimen en vidéo. Pour ce travail, ils disposent d’une part de la webcam intégrée à leur machine, d’autre part, selon leur choix, de squelettes de poule, chat et poisson ou encore d’un pigeon empaillé. « La classification des êtres vivant est un chapitre difficile à appréhender. Or, les outils numériques motivent les élèves tout en leur permettant d’aborder les connaissances sous un autre angle ». Effectivement, ils semblent prendre leur mission à coeur.

Un groupe s’interroge sur la meilleure manière de placer le chat devant la caméra : de face ou de profil ? « il est carnivore, il faut montrer ses grosses dents mais aussi dire qu’il a un petit estomac » lance l’un d’eux. « C’est un félin », ajoute son camarade avant de suggérer d’interviewer le professeur dans le petit film. M Véron veut bien se prêter au jeu, mais ont-ils vraiment préparé leurs questions ? Aussitôt, l’un se saisit d’une feuille de papier pour griffonner des idées, l’autre ouvre le traitement de texte de son ordinateur. « Signe que le numérique n’est pas antagoniste de l’écrit », glisse l’enseignant. Ce qui aurait pu être une séance d’observation statique s’est mué dans un petit travail de mise en scène. « Le numérique rompt avec l’organisation frontale de la classe. Le professeur n’est plus celui qui dispense un savoir que les élèves prennent en note, Il les accompagne dans l’acquisition de compétences et remet les savoirs en perspective ».

Admettons. Mais revenons un peu en arrière. Quel était l’objectif de la leçon ? C’était un cours de sciences naturelles. Le but était de permettre aux élèves « d’appréhender la classification des êtres vivants ». Qu’auront appris les élèves de M. Véron en faisant une vidéo sur un squelette de chat incluant une interview du professeur qu’ils n’aient pas su avant de commencer leur mise en scène ? A quelle systématisation des connaissances se prête ce genre d’utilisation des « outils créatifs » ? Aucune, bien entendu. Au contraire, on est dans l’anti-systématisation, ou les bribes de connaissances sont juxtaposées sans aucun lien logique. Un des élèves lie le fait que « c’est un carnivore » avec « ses grosses dents », alors que c’est faux : de nombreux carnivores n’ont pas de grandes dents, et la plupart n’ont pas de dents du tout : l’araignée, le crapaud ou la couleuvre sont tous trois carnivores, et aucun n’a des « grandes dents ». Un autre élève classifie le chat comme un « félin », mais sans en tirer la moindre conclusion. Ce travail rappelle ce texte surréaliste qui classait la table parmi les quadrupèdes.

On n’apprend pas par osmose. L’apprentissage sans effort, sans systématique est un rêve impossible. L’apprentissage nécessite une discipline, une concentration, une systématique. En un mot, l’apprentissage est une ascèse, au sens où il implique une renonciation ne serait-ce que temporaire aux plaisirs immédiats et faciles au nom d’un idéal plus haut qu’on ne peut atteindre que par l’effort. Pour apprendre, l’enfant doit renoncer au moins en partie à la console de jeux, à regarder la télévision, à traîner avec les copains.

Cela n’implique nullement que l’apprentissage doive être une torture. Les « libéraux-libertaires », avec leur détestation du travail, on donné à l’effort une mauvaise réputation, en faisant presque l’antithèse du plaisir. C’est faux. De ma fenêtre, je vois une place située au centre de la cité, où la mairie a construit quelques appareils en béton permettant la pratique du skateboard. Et bien, je suis toujours admiratif devant les heures que certains jeunes passent à s’entraîner, refaisant dix, cinquante, cent fois la même figure, perfectionnant le geste jusqu’à l’obsession, et au prix de pas mal de bleus. N’est-ce pas là une ascèse ? N’est-ce pas là un effort et un sacrifice, librement consenti pour le plaisir de réussir quelque chose de difficile. En quoi est-il si différent de la démonstration du théorème de Cantor ou celui de Pythagore ? (4) ? Et pour ceux qui viendraient me soutenir qu’il y a une différence entre la discipline libre – celle du skateboard – et la discipline notée – celle de l’école, je répondrai que le skate est lui aussi, noté. Parce que le jeune qui réussit une figure particulièrement difficile est connu dans la cité. Il est « cool ». Il reçoit la reconnaissance des ses pairs, qui est une récompense aussi réelle et motivante que le 18/20 octroyé par l’institution scolaire. Et à l’inverse, les moqueries que rencontre celui qui « skate » comme un pied n’ont rien à envier en termes de « démotivation » à un 0/20.

Notre société voue aux gémonies le travail, l’effort, le dépassement de soi. Elle porte au pinnacle au contraire le loisir, le ludique, la satisfaction – et même la fierté – d’être ce qu’on est et de le rester. Elle adore la « créativité » et méprise la transmission. Comment s’étonner dans ces conditions que l’enseignement soit en crise ? Et comment s’étonner aussi que devant la baisse du niveau on cherche la solution du côté des « gadgets » et du jeu, alors qu’il faudrait le chercher dans la direction contraire ?

Dans la plupart des cas, l’échec scolaire est le résultat d’une insuffisance dans le travail. Bien entendu, il y a des enfants qui ont des difficultés d’apprentissage qui relèvent d’une pathologie organique ou psychologique. Mais ils sont en fait peu nombreux. Une amie qui a passé un demi-siècle à étudier les problèmes d’apprentissage et qui a écrit plusieurs livres sur la question me l’a confirmé : 90% des enfants sont parfaitement capables d’assimiler les connaissances nécessaires à une scolarité normale… à condition d’investir le travail et l’effort nécessaire. Dans l’immense majorité des cas, l’enfant n’apprend pas parce qu’il ne travaille pas, ou pas assez. La question essentielle est donc là : quels sont les ressorts qui permettent de faire travailler les élèves ? Comment les pousser à faire l’effort ?

Il y a bien entendu le plaisir d’apprendre. Il ne faut pas le négliger. Mais ce plaisir n’est pas immédiat. Il faut avoir déjà accumulé une certaine masse de savoir, avoir acquis un certain nombre d’automatismes, internalisé un certain nombre de disciplines pour que ce plaisir se révèle. Pour arriver à cette « masse critique », il faut que les institutions poussent l’enfant. D’abord la famille, puis l’école transmettent une certaine vision de la connaissance, du plaisir d’apprendre et d’être savant. On dit souvent que certains enfants sont privilégiés dans leur apprentissage parce que leurs parents ont des livres. Mais ce n’est pas les livres l’essentiel. On peut être entouré de livres et ne pas les lire. Ce qui fait la différence, c’est qu’en général les parents qui habitent des maisons pleines de livres transmettent une certaine image de ce qu’est le savoir et l’apprentissage. Ils la transmettent par l’exemple, ils la transmettent par le fait qu’ils récompensent certains comportements et « découragent » d’autres. Mais le professeur n’est pas le parent. Il n’a pas sur l’enfant l’emprise que peut avoir son père et sa mère. Il a donc besoin d’autres instruments pour dire ce qu’il faut ou ne faut pas faire. En d’autres termes, pour « encourager » ou « décourager » certains comportements. Ces instruments, ce sont les notes. Peu importe la forme qu’elles prennent : chiffres, points de couleur, voire distribution d’images pieuses. Ce qui importe, c’est qu’elles qualifient le travail de l’élève dans une hiérarchie du mérite (5). C’est cette hiérarchie même que les partisans de la suppression des notes entendent nier.

Et bien entendu, cette négation tient à une nécessité sociale. Si Acadomia et autres officines du même type prospèrent, c’est pace qu’elles ont su répondre à l’angoisse des parents des classes moyennes, terrorisées à l’idée que leurs petits rejetons, ne retrouvent pas le « capital immatériel » qu’ils ont pu constituer. C’est là la tragédie des classes moyennes, dont la position repose sur un capital immatériel qui ne bénéficie pas de la transmission automatique dont bénéficie le capital matériel de la bourgeoisie. Et tant que l’accès à certaines places et professions se fait au mérite, les enfants des classes moyennes sont menacés. Il est donc urgent de rendre l’accès à ces places et ces professions héréditaires. Et cela suppose d’éliminer la hiérarchie au mérite. Certains le disent fort clairement. Ainsi, par exemple, voici ce cri du cœur de Bruno Roger-Petit, chroniqueur dans ce magazine typiquement « classes moyennes » qu’est « l’Obs » :

« Il se trouve que l'auteur de ces lignes peut aussi témoigner d'expérience de parent d'élève. L'un des ses enfants est scolarisé dans un établissement où l'on note désormais les élèves de A à D. Les résultats sont stupéfiants. Les enfants apprennent mieux et bien. La concurrence inepte, engendrée par la notation de 0 à 20, a disparu des conversations de cours de récré, et les tensions et exclusions qui l'accompagnaient avec. L'enfant ne sort plus de l'école obsédé par les notes, et les parents avec, angoissés par la "moyenne" qui peut baisser de 0.2 points et le précipitera dans le "mauvais CM1" l'an prochain. L'enfant est confronté à lui-même, et pas aux autres, ce qui l'encourage, le motive, le pousse à faire mieux dans un contexte effectivement "bienveillant". »

Admettez que c’est mignon. Hier, parce qu’on allait de 0 à 20, les enfants ne parlaient que de cela dans la cour de récréation, tout le monde était tendu. Depuis qu’ils ont de D à A, tout le monde est détendu. Celui qui avait 16 et celui qui avait 13 étaient « confrontés à l’autre ». Mais depuis qu’ils ont A et B, ils ne sont que « confrontés à eux-mêmes ». C’est fou ce que la transformation des chiffes aux lettres peut changer les choses. Je me demande s’il ne faudrait pas remplacer les chiffres par des lettres dans les billets de banque. Il est vrai que payer 1000€, ça me stresse. Alors que payer BAAA €, c’est presque indolore…

Mais le plus révélateur, c’est la deuxième partie. Cette « angoisse » de l’enfant « et des parents avec » – dans cet ordre, car tout le monde sait que l’angoisse en question vient d’abord des enfants, et certainement pas des parents – de tomber dans « le mauvais CM1 » l’an prochain du fait d’une moyenne qui baisse de 0,2 points. Mais voyons cela d’un peu plus près. On peut supposer que la transformation des chiffres en lettres n’a rien changé aux qualités comparatives des différents CM1. Certains élèves continueront à aller au « mauvais CM1 » alors que d’autres iront au « bon CM1 ». Et comment seront choisis les uns et les autres ? Voilà la question qui tue. Du temps ou cela se jouait sur les « 0,2 points de moyenne », l’enfant de la concierge avec 10,2 de moyenne avait le pas sur le fils du médecin avec 10,0. Mais si ce n’est plus sur la moyenne que cela se joue, alors sur quoi ? Je laisse mes lecteurs deviner la réponse. En tout cas, je suis prêt à parier que ce ne sera guère sur le mérite…

Descartes

(1) Le pluriel « forums » devient – malheureusement – usuel, mais il n’est pas pour autant correct. En fait, « forum » a deux pluriels considérés par l’académie : une première forme reprenant le pluriel latin (« fora »), une deuxième qui est une forme invariable (« les forum ») qui figure encore au Grevisse.

(2) Acadomia n’est d’ailleurs pas à son coup d’essai. Dans une publicité plus ancienne, elle proclamait fièrement que « 90% des parents qui ont inscrit leurs enfants à Acadomia voient les résultats scolaires s’améliorer ». Ce qui implique qu’il y a parmi les parents qui envoient leur rejetons chez Acadomia qui continuent de payer des grosses sommes d’argent chaque mois alors qu’ils voient les résultats de leurs enfants stagner, voire se dégrader…

(3) Le rapport complet peut être consulté sur le site du ministère de l’éducation (http://cache.media.education.gouv.fr/file/CSP/83/9/evaluation_socle_20_nov_MEF-CSP_371839.pdf). En fait, ce rapport ne propose nulle part l’abolition de la note. Même si on retrouve quelques poncifs sur « l’évaluation positive », on est bien loin de la fin des notes. Tout ce qu’on peut lui reprocher, c’est d’avoir une vision de l’évaluation qui au lieu de partir des réalités reprend comme fondement une fiction, celle de l’élève « au centre du système », doté d’un savoir immanent qu’il s’agit de révéler plus que de transmettre. Ainsi, le rapporteur écrit que :

« Il [l’élève] lui faut aussi apprendre à évaluer lui-même ses travaux tout au long du déroulement de l’apprentissage, afin de se situer par rapport à une demande des enseignants ou à des consignes d’activité. A tout moment, à condition d’être accompagné pour le faire, il devrait pouvoir repérer ce qu’il sait et ce qui lui reste à apprendre, ainsi que corriger ses erreurs. »

Cette exigence est une contradiction dans les termes. Si celui qui ne sait pas savait ce qu’il ne sait pas, il le saurait. Si l’élève qui écrit 2+2=5 pouvait « repérer ce qu’il sait et ce qui lui reste à apprendre », il n’écrirait jamais 2+2=5. Si les élèves ont besoin d’aller à l’école, c’est précisément parce qu’il faut que quelqu’un leur apprenne ce qu’ils ne savent pas. Derrière cette proposition se cache l’idéal de l’élève autodidacte, capable de s’enseigner lui-même et qui n’aurait pas besoin de maître. Ca tombe bien, le nouvel idéal pédagogique est celui du maître qui se met en retrait et n’a plus qu’un rôle de « facilitateur » face à un élève capable de « construire son savoir ».

(4) Si je donne ces deux exemples, c’est parce que ce sont deux choses que j’ai apprises à l’école et qui m’ont absolument passionné. Je me souviens d’avoir passé des heures à vérifier naïvement que tous les triangles rectangles vérifiaient bien la propriété, puis à chercher une démonstration générale…

(5) En fait, derrière la « querelle des notes » se cache une autre querelle, bien plus intéressante, qui est celle de l’école que nous voulons et, plus profondément, de ce que signifie le mot « éduquer ». D’un côté, vous trouverez la vision « postmoderne » d’une école dont l’ambition est de révéler ce qui est déjà dans l’élève, en l’éveillant, en poussant sa créativité, en lui faisant « reconstruire » les savoirs lui-même bref, qui met « l’élève au centre du système ». De l’autre côté, une vision plus classique qui donne à l’école avant tout une fonction de transmission, et pour laquelle il s’agit de développer chez l’élève les mécanismes qui lui permettent d’assimiler ce qu’il y a de mieux dans le savoir accumulé par l’humanité. La première école pourrait faire sienne la devise nietzschéenne du « deviens ce que tu es ». La seconde, au contraire, part de l’hypothèse que l’élève est un individu inachevé dont il importe de finir la construction.

Ce contenu a été publié dans Uncategorized. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

138 réponses à De l’agora romaine à l’école sans notes

  1. Gérard Couvert dit :

    Bel exemple d’un absurde devenu règle afin de ne pas admettre l’erreur, ou pire, que l’on a plus les 20 ans de 68.
    Nous sommes nombreux -ici et ailleurs- à être comme Descartes : des réactionnaires de progrès.

    • Descartes dit :

      @ Gerard Couvert

      [Nous sommes nombreux -ici et ailleurs- à être comme Descartes : des réactionnaires de progrès.]

      J’aime bien la formule "réactionnaires de progrès"… mais je dois la rejeter. Non, je ne suis pas un "réactionnaire", au sens que je n’ai jamais aspiré à un retour en arrière. Réactionnaire, comme disait Michel Simon, est celui qui voudrait garder dans le passé ce qu’il y a de pire. Ce n’est pas mon cas.

      Lorsque je critique l’héritage de 1968, ce n’est pas parce que je voudrais retourner aux années 1950. Non, je voudrais qu’on fasse du neuf. Mais on ne peut pas faire du neuf "hors sol". Faire du neuf implique construire à partir des succès et des échecs du passé. Le problème de certains "progressistes" aujourd’hui c’est qu’ils veulent généraliser les voitures sans rétroviseur. Et on sait ce qui arrive à ce genre de voiture…

  2. bovard dit :

    Merci pour ce texte,excellent.
    Voici,quelques commentaires:les lettres,sont évidemment utilisables comme graduation.
    Rappelons que les agences de notation économiques’ Sachs’ etc..notent les économies nationales AAA ou ABC ou BBC soit 25 possibilités si on note jusqu’à E.
    Cela ne change rien par rapport aux notes sur 20.
    Dans la ‘débilosphère’ que le l’EN construit,le ridicule ne tue pas!
    Heureusement pour Acadomia et Roger-petit auteur du loufoque[‘dans un établissement où l’on note désormais les élèves de A à D. Les résultats sont stupéfiants. Les enfants apprennent mieux et bien.’ ]Par quel miracle,puisque les lettres sont une grille croissante de notation?
    En plus maintenant dans beaucoup de collèges, une nouvelle graduation le’,F’, complète les A,B,C,D,E.
    Or les copies sont notées souvent A+ ou A- ce qui donne 3 posibilités:A+,A,A-.Soit en tout,18 graduations.A+,A,A-;B+,B,B-;C+,C,C-…en tout 6×3=18 graduations.Nous ne sommes pas loin de la notation sur 20 graduations car les 1/2 points sont interdits dans nombre de collèges.
    Pour la petite Histoire,un futur inspecteur notait ,avec des lettres,quand il enseignait avec un’°’ en plus: soit A+,A,A°,A- en tout 4×6=24possibilités.
    Évidemment avec ce ‘ bon professeur’,aucun élève n’avait de E..Il disposait de 16 graduations avec A,B,C,D.
    Autre avantage,la pseudo remontée de l’estime de soi du correcteur car c’est le prof qui se note par la note de son élève d’après les avant gardes pédagogiques..Bien sûr,il en est rien,évidemment,mais plus le mensonge est gros plus il passe chez les enseignants comme chez les autres..
    Mais cet enseignant,d’avant garde a eu une très belle carrière comme inspecteur.Les autres de son groupe de recherche en évaluation sont tous devenus,CPE,adjoint,Proviseurs etc.Aucun,n’est resté ,enseignant.
    En effet,ils avaient préférer ne plus enseigner car au vu des consignes des pédagogues,du ministère,des inspecteurs ,il craignaient de devenir ‘fou’,tant il est devenu impossible d’enseigner.
    Il vaut mieux d’ailleurs,être du coté du manche,qu’être entre les marteaux et l’enclume,comme le sont aujourd’hui,les enseignants qui sont ‘KO debout’,du premier jour de la rentrée à la sortie.Je le sais,je suis enseignant.
    Aujourd’hui,nous faisons de la ‘numériquo-garderie’,si nous nous conformons aux consignes de l’institution.
    D’ailleurs la FSU est passée de 41% en 2011,à 36% ce 5/12/2014 tandis que la participation chutait de 51 % en 2011 à 35% en 2014.En cause ?..une attitude des cadres de la FSU fréquemment béni Oui-Oui.
    Au fait après 1968,dans mon collège,les enseignants se sont mis à noter avec des lettres qui correspondaient évidemment aux notes.
    Normal,sans évaluation,pas d’enseignements.
    Allo,Najat,c’était il y a 47 ans !..
    Bonjour,l’innovation pédagogique!

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Voici, quelques commentaires: les lettres, sont évidemment utilisables comme graduation.]

      Non seulement elles sont utilisables, mais elles sont parfaitement équivalentes aux chiffres. Comme le sait n’importe quel étudiant de mathématiques de 1ère année, tous les ensembles finis de même cardinal sont en bijection. Et si l’on a défini une opération sur l’un d’eux, la même opération peut être définie sur tous les autres. Ainsi, par exemple, le mythe que noter avec des lettres plutôt qu’avec des nombres rend impossibles les moyennes est totalement faux. On peut parfaitement définir une « moyenne » entre lettres…

      [En plus maintenant dans beaucoup de collèges, une nouvelle graduation le’,F’, complète les A,B,C,D,E. Or les copies sont notées souvent A+ ou A- ce qui donne 3 posibilités:A+,A,A-.Soit en tout,18 graduations.A+,A,A-;B+,B,B-;C+,C,C-…en tout 6×3=18 graduations.Nous ne sommes pas loin de la notation sur 20 graduations car les 1/2 points sont interdits dans nombre de collèges.]

      Bien sur. La notation répond à un besoin de différentiation et d’inscription dans une hiérarchie. Si la notation offre peu de niveaux, le notateur sera confronté tôt ou tard avec deux cas qui tombent dans la même case alors qu’ils ne sont pas au même niveau. Et dans ce cas, la tendance naturelle est de créer des sous-niveaux. Si une copie mérite « juste » un B et une autre est à la limite du B et du A, on aura envie de marquer la différence en mettant à la seconde « A- » ou « B+ » pour faire la différence. Et on continuera à créer des sous-niveaux et des sous-sous-niveaux jusqu’à avoir une grille suffisamment fine… c’est-à-dire, à avoir autant de niveaux que d’individus à qualifier. Si l’on note sur vingt des classes qui tournent autour de vingt élèves, alors que lors de la notation du bac on descend au dixième de point c’est précisément à cause de ce mécanisme.

  3. Pablito Waal dit :

    Bonsoir Descartes,

    d’accord avec l’ensemble de votre article. La citation de B. Roger-Petit ne m’étonne guère (on a même envie de lui demander ce qui prouve que les enfants de l’école qu’il cite "apprennent mieux et bien").
    Mais tout cela me fait penser à un sujet connexe : le redoublement. Je lisais récemment un article de Bernard Girard (http://blogs.rue89.nouvelobs.com/journal.histoire/2014/09/27/il-ny-que-des-mauvaises-raisons-pour-faire-redoubler-un-eleve-233562) qui prétend que toutes les études montreraient que le redoublement est mauvais, ne servirait à rien, à part creuser les inégalités sociales (parce que c’est bien connu : si l’application d’une sanction peut faire l’objet de biais sociaux, il faut donc supprimer la sanction).
    Quelle est votre opinion sur le redoublement ?
    Pour ma part, j’ai quelques interrogations : quel est l’effet de l’absence de redoublement sur les "autres" élèves, c’est-à-dire ceux qui n’étaient pas promis à redoubler, et qui verront que leurs efforts étaient en réalité inutiles (du moins jusqu’à l’âge où il faut des notes suffisantes pour constituer un dossier pour accéder à certaines filières post-bac sélectives, mais nos courageux pédagogistes vont sans doute finir par demander l’abolition de la sélection même pour entrer à Maths Sup…) ?
    Et est-ce que le redoublement ne sert pas aussi à préparer les élèves à la réalité de leur vie future, celle où la sanction des performances individuelles existe, sous la forme du licenciement, de la faillite, etc… ?

    Cordialement,
    Pablito Waal

    • Descartes dit :

      @ Pablito Waal

      [Mais tout cela me fait penser à un sujet connexe : le redoublement. Je lisais récemment un article de Bernard Girard (http://blogs.rue89.nouvelobs.com/journal.histoire/2014/09/27/il-ny-que-des-mauvaises-raisons-pour-faire-redoubler-un-eleve-233562) qui prétend que toutes les études montreraient que le redoublement est mauvais, ne servirait à rien, à part creuser les inégalités sociales (parce que c’est bien connu : si l’application d’une sanction peut faire l’objet de biais sociaux, il faut donc supprimer la sanction). Quelle est votre opinion sur le redoublement ?]

      En fait, l’article en question ne critique pas tant le redoublement en tant que tel, mais le fait qu’il est souvent ordonné pour de mauvaises raisons, qui souvent n’ont rien à voir avec une logique pédagogique.

      Si l’empilement des classes correspond à une véritable progression dans les mécanismes intellectuels mis en œuvre et dans les connaissances, il me semble difficile de soutenir qu’il faut promouvoir un élève à un niveau donné alors qu’il ne maîtrise ni les mécanismes ni les connaissances indispensables pour en profiter. Dans d’autres domaines, cela semble évident : on ne met pas les enfants dans le grand bain avant qu’ils aient maîtrisé les fondements de la flottation, la respiration à la pataugeoire. On ne les met pas au départ des pistes noires avant qu’ils aient maîtrisé le chasse-neige puis les pistes vertes, etc. Pourquoi cela pose un tel problème dans l’éducation nationale ?

      La réponse est évidente : parce que le passage à la classe supérieure n’est pas seulement une décision pédagogique qu’on prend pour permettre un meilleur apprentissage, c’est aussi un jugement que l’école envoie à l’enfant et surtout aux parents. Or, dans notre société de l’enfant roi et de l’hyper-investissement des parents dans l’enfant, il est difficile de faire admettre aux parents qu’ils n’ont pas à la maison un petit Mozart ou un petit Einstein. Les parents ont des difficultés à admettre que leur enfant peut être en difficulté, et reportent instantanément la difficulté sur l’institution. Si leur enfant redouble, ce n’est pas parce qu’il est raisonnable d’attendre qu’il ait acquis le bagage nécessaire pour suivre les apprentissages en classe supérieure, mais parce que l’école l’a « découragé » et n’a pas su reconnaître chez l’enfant les incontestables atouts qu’il possède. Ou, pour reprendre la formule de Roger-Petit, parce qu’il lui aura manqué 0,2 points à la moyenne.

      Et l’école, qui ne veut pas d’ennuis, cède aux parents. On élimine le redoublement non pas pour une question pédagogique, mais pour satisfaire une demande sociale, la même en fait qui pointe lorsqu’on demande la fin des notes ou de toute sélection. Il ne faut surtout pas dire aux gens qu’il y a un problème, cela pourrait les traumatiser. Mieux vaut laisser les gens passer, et mettre en place des « séances de mise à niveau », à l’efficacité douteuse. Mais à un moment, il faut bien que la « vérité des prix » se fasse. A l’entretien d’embauche, par exemple.

      Quant à l’égalité sociale… c’est le prétexte invoqué à chaque fois que les classes moyennes cherchent à défendre leurs intérêts. En faisant redoubler un élève qui n’a pas les outils pour passer en classe supérieure pour lui permettre de les acquérir, on lui rend un service, et cela quelque soit son origine sociale. Et c’est encore plus vrai pour les couches populaires : l’enfant d’enseignant qui passe dans une classe trop « supérieure » pour lui peut compter avec un soutien actif à la maison pour combler ses lacunes en cours de route. L’enfant des milieux populaires promu dans une classe supérieure qu’il n’a pas les outils pour suivre sera « largué » et le restera. Il ne rattrapera jamais ses lacunes.

      [Pour ma part, j’ai quelques interrogations : quel est l’effet de l’absence de redoublement sur les "autres" élèves, c’est-à-dire ceux qui n’étaient pas promis à redoubler, et qui verront que leurs efforts étaient en réalité inutiles (du moins jusqu’à l’âge où il faut des notes suffisantes pour constituer un dossier pour accéder à certaines filières post-bac sélectives, mais nos courageux pédagogistes vont sans doute finir par demander l’abolition de la sélection même pour entrer à Maths Sup…) ?]

      Je ne partage pas votre point de vue. Le redoublement ne doit pas être utilisé comme sanction, comme menace. Le redoublement ne devrait faire que constater que l’élève n’a pas les outils pour suivre l’enseignement de la classe supérieure. C’est tout. Passer en classe supérieure, ce n’est pas une récompense, mais la constatation d’un niveau atteint. Bien entendu, il existe un élément de mérite dans cette promotion – puisque le travail personne n’y est pas pour rien – mais il y a aussi une question de maturité que l’enfant ne contrôle pas, et qu’il serait donc injuste de sanctionner.

      [Et est-ce que le redoublement ne sert pas aussi à préparer les élèves à la réalité de leur vie future, celle où la sanction des performances individuelles existe, sous la forme du licenciement, de la faillite, etc… ?]

      Non, je ne crois pas. D’abord, parce que la « réalité de la vie » n’est que très rarement méritocratique, alors que la promotion scolaire devrait l’être. Le licenciement, la faillite ne sanctionnent que très rarement la « performance individuelle » ou le mérite.

  4. serviteur dit :

    "(1) Le pluriel « forums » devient – malheureusement – usuel, mais il n’est pas pour autant correct. En fait, « forum » a deux pluriels considérés par l’académie : une première forme reprenant le pluriel latin (« fora »), une deuxième qui est une forme invariable (« les forum ») qui figure encore au Grevisse."

    Pourquoi "malheureusement" ?

    Par ailleurs, je suis en désaccord. La neuvième édition du dictionnaire de l’Académie française fait référence à "forums" :
    "À Rome, les forums des divers empereurs" (http://www.cnrtl.fr/definition/academie9/forum).

    Ce qui est tout à fait cohérent avec le Rapport de 1990 sur les rectifications orthographiques (rapport approuvé par l’Académie française) :
    "7. Singulier et pluriel des mots empruntés : les noms ou adjectifs d’origine étrangère ont un singulier et un pluriel réguliers : un zakouski, des zakouskis ; un ravioli, des raviolis ; un graffiti, des graffitis ; un lazzi, des lazzis ; un confetti, des confettis ; un scénario, des scénarios ; un jazzman, des jazzmans, etc. On choisit
    comme forme du singulier la forme la plus fréquente, même s’il s’agit d’un pluriel dans l’autre langue.
    Ces mots forment régulièrement leur pluriel avec un s non prononcé (exemples : des matchs, des lands, des lieds, des solos, des apparatchiks). Il en est de même pour les noms d’origine latine (exemples : des maximums, des médias). Cette proposition ne s’applique pas aux mots ayant conservé valeur de citation (exemple : des mea culpa)." (http://fr.wikisource.org/wiki/Rapport_de_1990_sur_les_rectifications_orthographiques/13).

    De plus, selon Dupré (Encyclopédie du bon français dans l’usage contemporain, 1972, p. 1046), qui est relayé par le Trésor de la langue française informatisé (http://www.cnrtl.fr/definition/forum), "forums est tout à fait recevable dans la mesure où le mot a suivi une évolution et ne désigne plus seulement le forum romain mais toute réunion de discussion sur un thème politique ou scientifique".

    • Descartes dit :

      @ serviteur

      ["(1) Le pluriel « forums » devient – malheureusement – usuel, mais il n’est pas pour autant correct. En fait, « forum » a deux pluriels considérés par l’académie : une première forme reprenant le pluriel latin (« fora »), une deuxième qui est une forme invariable (« les forum ») qui figure encore au Grevisse."][Pourquoi "malheureusement" ?]

      Parce que la beauté de la langue vient aussi de ses irrégularités. Imaginerait-on d’uniformiser les ailes du palais du Louvre pour le rendre strictement symétrique ? Non, bien sur. Chacune des ailes du palais témoigne d’une époque différente, et c’est la combinaison de tous ces styles différents qui donne son cachet à l’édifice. Pourquoi croyez-vous qu’aucun poète n’ait écrit en Espéranto ?

      [Par ailleurs, je suis en désaccord. La neuvième édition du dictionnaire de l’Académie française fait référence à "forums" : "À Rome, les forums des divers empereurs" (http://www.cnrtl.fr/definition/academie9/forum).]

      Le dictionnaire de l’Académie se plie souvent aux usages. Mais comme la ressource que vous citez indique, « forums » est considéré comme « admissible », et non comme étant la forme correcte.

      [Ce qui est tout à fait cohérent avec le Rapport de 1990 sur les rectifications orthographiques (rapport approuvé par l’Académie française) :
      "7. Singulier et pluriel des mots empruntés : les noms ou adjectifs d’origine étrangère ont un singulier et un pluriel réguliers : un zakouski, des zakouskis ; un ravioli, des raviolis ; un graffiti, des graffitis ; un lazzi, des lazzis ; un confetti, des confettis ; un scénario, des scénarios ; un jazzman, des jazzmans, etc. On choisit comme forme du singulier la forme la plus fréquente, même s’il s’agit d’un pluriel dans l’autre langue.]

      Je ne sais pas si ce rapport a été approuvé par l’Académie, mais s’il l’a été il l’a été à mon avis à tort. Je me refuse – et je ne suis pas le seul – de parler des « maximums » ou des « minimums ». Et qui utilise le mot « agendums » à la place de « agenda » ?

      [Ces mots forment régulièrement leur pluriel avec un s non prononcé (exemples : des matchs, des lands, des lieds, des solos, des apparatchiks). Il en est de même pour les noms d’origine latine (exemples : des maximums, des médias). Cette proposition ne s’applique pas aux mots ayant conservé valeur de citation (exemple : des mea culpa)." (http://fr.wikisource.org/wiki/Rapport_de_1990_sur_les_rectifications_orthographiques/13).]

      Je ne sais pas qui a écrit ce texte… mais il ne semble pas avoir tout compris. Si on appliquait la règle énoncée, on dirait « médiums » et non « médias ». « média » est déjà un pluriel latin. Le « s » ajouté à la fin est donc une absurdité…

    • serviteur dit :

      [Le dictionnaire de l’Académie se plie souvent aux usages. Mais comme la ressource que vous citez indique, « forums » est considéré comme « admissible », et non comme étant la forme correcte.]
      [[Je ne sais pas si ce rapport a été approuvé par l’Académie]

      Dans votre billet, vous avez écrit : "Le pluriel « forums » devient – malheureusement – usuel, mais il n’est pas pour autant correct".

      Je maintiens que "forums" est bien correct selon l’Académie française. Voici ce qui a été dit à propos des rectifications de 1990 :
      "L’Académie française rappelle que le document officiel, souvent improprement appelé « réforme », document qu’elle a, après examen de sa commission du dictionnaire, approuvé à l’unanimité dans sa séance du 3 mai 1990, ne contient aucune disposition de caractère obligatoire. L’orthographe actuelle reste d’usage, et les « recommandations » du Conseil supérieur de la langue française ne portent que sur des mots qui pourront être écrits de manière différente sans constituer des incorrections ni être considérés comme des fautes."
      (http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http://www.academie-francaise.fr/langue/questions.html#rectifications&title=Position%20de%20l'Acad%C3%A9mie%20fran%C3%A7aise)

      Je constate aussi un glissement sémantique. Vous parlez maintenant de "la forme correcte", ce qui sous-entend qu’il n’y en a qu’une seule. Ce n’est pas cohérent avec ce que vous avez écrit plus haut, où vous reconnaissez qu’il y a deux pluriels possibles : "En fait, « forum » a deux pluriels considérés par l’académie : une première forme reprenant le pluriel latin (« fora »), une deuxième qui est une forme invariable (« les forum ») qui figure encore au Grevisse".

      [Mais comme la ressource que vous citez indique, « forums » est considéré comme « admissible », et non comme étant la forme correcte.]

      Vous déclarez que "forums" est considéré comme "admissible" et non "la forme correcte". Quelle est votre source ? Je n’ai pas trouvé le mot "admissible" dans la ressource que j’ai cité (http://www.cnrtl.fr/definition/academie9/forum).

      Je trouve étrange que le Grevisse avec son "les forum" vous permette de déclarer cette forme comme correcte, alors que différentes sources comme Dupré, L’Académie française ou le TLFi ne sont pas suffisantes à vos yeux pour "forums"…

      [Et qui utilise le mot « agendums » à la place de « agenda » ?]
      [Je ne sais pas qui a écrit ce texte… mais il ne semble pas avoir tout compris. Si on appliquait la règle énoncée, on dirait « médiums » et non « médias ». « média » est déjà un pluriel latin. Le « s » ajouté à la fin est donc une absurdité…]

      Qui utilise le mot "un agendum" à la place de "un agenda" ? Pas grand monde à ma connaissance. Une recherche sur Google donne 218 résultats à "un agendum" et 757 000 à "un agenda". C’est guère mieux sur Google Books où les quelques seuls livres français avec "un agendum" datent au mieux du 19ème siècle.

      Par contre un médium (dans le sens de charlatan), ça fait des médiums. La proposition c’est que le pluriel de mots importés comme "un agenda" devienne "des agendas". Vous me semblez un peu rapide à qualifier d’absurde la règle proposée. On peut peut-être accorder le bénéfice du doute aux experts de la langue française qui ont validé ou approuvé cette règle. Libre à vous de ne pas dire "maximums", mais ça ne fait pas de vous une autorité de la langue française pour rejeter cette forme.

    • @ Descartes,

      "Le « s » ajouté à la fin est donc une absurdité…"
      Je ne le crois pas, pas davantage que pour "forums" d’ailleurs. En intégrant des mots issus de langue étrangère, le français a naturellement tendance à les franciser, et donc à leur appliquer les marques du pluriel "classique" en français. Je ne pense pas qu’il y ait là quelque chose de choquant. D’ailleurs, si l’on était rigoureux, on devrait appliquer le même raisonnement pour "agora". Sans chercher dans un dictionnaire de grec ancien, pouvez-vous m’indiquer le pluriel d’agora en grec (au nominatif, pour faire simple)? A partir du moment où un mot est courant en français, il n’est pas anormal qu’il adopte progressivement une forme en accord avec les règles générales de la langue qui l’a adopté. Sinon, le mot "souk" devrait prendre le pluriel arabe, le mot "bolchevik" le pluriel russe, et ainsi de suite.

      En revanche, je vous fais remarquer que le participe passé employé avec l’auxiliaire "avoir" s’accorde avec le COD lorsque ce dernier est placé avant le verbe. Ainsi vous écrivez: "ce sont deux choses que j’ai appris à l’école", ce qui est incorrect, car ce sont deux choses que vous avez apprises…

    • Descartes dit :

      @ serviteur

      [Je maintiens que "forums" est bien correct selon l’Académie française. Voici ce qui a été dit à propos des rectifications de 1990 : (…) les « recommandations » du Conseil supérieur de la langue française ne portent que sur des mots qui pourront être écrits de manière différente sans constituer des incorrections ni être considérés comme des fautes."]

      On peut admirer le soin de l’Académie pour qualifier ces orthographes alternatives sans jamais utiliser le mot « correct ». Ainsi, ces manières d’écrire « ne constituent pas des incorrections » et « ne doivent pas être considérées comme des fautes ». Mais de là à dire qu’il s’agit d’orthographes « correctes »…

      [Je constate aussi un glissement sémantique. Vous parlez maintenant de "la forme correcte", ce qui sous-entend qu’il n’y en a qu’une seule.]

      C’est un glissement involontaire. Je me plie bien entendu à la sagesse du Grevisse…

      [Mais comme la ressource que vous citez indique, « forums » est considéré comme « admissible », et non comme étant la forme correcte.]

      [Vous déclarez que "forums" est considéré comme "admissible" et non "la forme correcte". Quelle est votre source ? Je n’ai pas trouvé le mot "admissible" dans la ressource que j’ai cité (http://www.cnrtl.fr/definition/academie9/forum).]

      Grand Dictionnaire Encyclopédique Larousse, édition de 1998. Le TLFI citant le Dupré déclare le pluriel forums « admissible ». Personne ne semble associer à cette forme le mot « correct ».

      [Je trouve étrange que le Grevisse avec son "les forum" vous permette de déclarer cette forme comme correcte, alors que différentes sources comme Dupré, L’Académie française ou le TLFi ne sont pas suffisantes à vos yeux pour "forums"…]

      Peut-être parce que ni l’académie, ni le TLFi ne qualifient de « correct » cet usage.

      [Qui utilise le mot "un agendum" à la place de "un agenda" ? Pas grand monde à ma connaissance.]

      Alors, que devient la règle acceptée par l’Académie qui voudrait que le pluriel des mots latins en « -um » formeraient leur pluriel avec « -ums » ?

      [Par contre un médium (dans le sens de charlatan), ça fait des médiums.]

      Oui. Parce que le « médium », dans ce sens, n’est pas un mot latin. Par contre, dans le sens « moyen de diffusion », la télévision est « un médium » et l’ensemble des chaînes constitue « les média ». Mettre un « s » supplémentaire à « média » révèle une certaine méconnaissance de l’origine du terme.

      [La proposition c’est que le pluriel de mots importés comme "un agenda" devienne "des agendas".]

      Non, la proposition est que les mots importes comme « un agendum » aient comme pluriel « des agendums ». « Agenda » est déjà un pluriel.

      [Vous me semblez un peu rapide à qualifier d’absurde la règle proposée. On peut peut-être accorder le bénéfice du doute aux experts de la langue française qui ont validé ou approuvé cette règle.]

      Pourquoi ? Je ne vois pas qu’on accorde le bénéfice du doute aux experts des gaz de schiste, de l’énergie nucléaire, des vaccins ou du maintien de l’ordre. Pourquoi faudrait-il l’accorder aux experts de la langue française ?

      [Libre à vous de ne pas dire "maximums", mais ça ne fait pas de vous une autorité de la langue française pour rejeter cette forme.]

      Depuis quand il faut être une « autorité » pour rejeter quelque chose ? Je pense que vous faites une petite confusion. On est ici sur un blog, ou l’on confronte des opinions et des raisonnements. Pas en conseil des ministres, ou l’on signe des décrets. La question de « l’autorité » ne se pose donc pas. Si vous avez envie de soutenir que la terre est plate, vous n’avez besoin d’aucune « autorité » pour le faire. Et c’est d’autant plus vrai sur une question comme celle de ce qui est admissible ou pas en matière de langue, où le choix est un compromis forcement subjectif entre la beauté et la richesse de la langue et la facilité de l’usage.

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [En intégrant des mots issus de langue étrangère, le français a naturellement tendance à les franciser, et donc à leur appliquer les marques du pluriel "classique" en français. Je ne pense pas qu’il y ait là quelque chose de choquant.]

      Je suis d’accord pour les langues étrangères. Mais le latin n’est pas, à proprement parler, une langue « étrangère »… Oui, il y a une paresse naturelle qu pousse à « régulariser » la langue en limant les irrégularités. Et en réaction, une tendance « élitiste » a préserver au contraire ces irrégularités qui font le charme d’une langue. Un peu comme on construit des boîtes à chaussures pour les pauvres et des villas d’architecte pour les riches. Cela me désole, moi qui ait encore l’espoir qu’on puisse avoir un élitisme pour tous…

      [D’ailleurs, si l’on était rigoureux, on devrait appliquer le même raisonnement pour "agora". Sans chercher dans un dictionnaire de grec ancien, pouvez-vous m’indiquer le pluriel d’agora en grec (au nominatif, pour faire simple)?]

      Certainement pas. Je n’ai jamais fait du grec – et je le regrette amèrement. Mais s’il y a un mot d’origine grecque qui a gardé en français son pluriel d’origine, je le défendrai avec ma vie. Comme je défend les « ph » à la place des « f » dans les mots de cette origine. Chaque « régularisation » est un morceau d’histoire qui s’en va…

      [A partir du moment où un mot est courant en français, il n’est pas anormal qu’il adopte progressivement une forme en accord avec les règles générales de la langue qui l’a adopté. Sinon, le mot "souk" devrait prendre le pluriel arabe, le mot "bolchevik" le pluriel russe, et ainsi de suite.]

      Mais à l’usage, on conserve pourtant certains pluriels étrangers. Ainsi, personne ne parle jamais des « lands » allemands. Tout le monde continue à parler des « lander »…

      [En revanche, je vous fais remarquer que le participe passé employé avec l’auxiliaire "avoir" s’accorde avec le COD lorsque ce dernier est placé avant le verbe. Ainsi vous écrivez: "ce sont deux choses que j’ai appris à l’école", ce qui est incorrect, car ce sont deux choses que vous avez apprises…]

      J’en suis horriblement confus et je cours corriger le texte !

    • serviteur dit :

      @ Descartes

      [On peut admirer le soin de l’Académie pour qualifier ces orthographes alternatives sans jamais utiliser le mot « correct ». Ainsi, ces manières d’écrire « ne constituent pas des incorrections » et « ne doivent pas être considérées comme des fautes ». Mais de là à dire qu’il s’agit d’orthographes « correctes »…]

      J’ai regardé le dictionnaire de l’Académie pour la définition de "correct" (http://www.cnrtl.fr/definition/academie9/correct), un des 4 sens fait explicitement référence au domaine de la langue ce qui semble approprié dans notre contexte :
      "☆1. Qui suit les règles établies, exempt de fautes. Particulièrement dans le domaine de la langue et du style. Écrire d’une manière correcte. Cette phrase n’est pas correcte. Par ext. Un calcul correct. Un raisonnement correct. Une copie correcte, conforme à l’original. Une édition correcte, une traduction correcte, qui est fidèle à l’œuvre originale."

      J’en déduis que si pour l’Académie "forums" n’est ni incorrect, ni une faute, alors c’est correct. "forums" suit en effet la règle proposée en 1990 et avalisée à l’unanimité par l’Académie française.

      [Grand Dictionnaire Encyclopédique Larousse, édition de 1998. Le TLFI citant le Dupré déclare le pluriel forums « admissible ». Personne ne semble associer à cette forme le mot « correct ».]

      Dans le passage où vous me citiez, ma référence était explicitement la 9ème édition du dictionnaire de l’Académie qui ne dit rien sur l’admissibilité ou non de "forums", mais qui utilise un seul exemple de pluriel pour "forum" qui est "forums". Est-ce que l’Académie française s’amuse à glisser des formes de pluriel qui ne sont pas correctes dans son dictionnaire ? Je trouverais ça vraiment étrange…

      [Alors, que devient la règle acceptée par l’Académie qui voudrait que le pluriel des mots latins en « -um » formeraient leur pluriel avec « -ums » ?]
      [Non, la proposition est que les mots importes comme « un agendum » aient comme pluriel « des agendums ». « Agenda » est déjà un pluriel.]

      Le mot "agendum" n’est à ma connaissance pas importé dans la langue française aujourd’hui. J’ai accessoirement essayé de le montrer avec une petite recherche sur Google et Google Books. Ça n’a donc aucun sens de créer un pluriel à "agendum". Mais si des gens commencent à dire "un agendum", alors la règle proposé en 1990 est que son pluriel devienne "agendums".

      [Oui. Parce que le « médium », dans ce sens, n’est pas un mot latin. Par contre, dans le sens « moyen de diffusion », la télévision est « un médium » et l’ensemble des chaînes constitue « les média ». Mettre un « s » supplémentaire à « média » révèle une certaine méconnaissance de l’origine du terme.]

      Le sens de "médium" comme "moyen de diffusion" n’apparait pas dans le dictionnaire de l’Académie française (http://cnrtl.fr/definition/academie9/medium). Et comme pour "forums", l’Académie utilise "médias" pour le pluriel : http://cnrtl.fr/definition/academie9/media.

      [Pourquoi ? Je ne vois pas qu’on accorde le bénéfice du doute aux experts des gaz de schiste, de l’énergie nucléaire, des vaccins ou du maintien de l’ordre. Pourquoi faudrait-il l’accorder aux experts de la langue française ?]

      C’était juste une humble suggestion.

      [Depuis quand il faut être une « autorité » pour rejeter quelque chose ? Je pense que vous faites une petite confusion. On est ici sur un blog, ou l’on confronte des opinions et des raisonnements. Pas en conseil des ministres, ou l’on signe des décrets. La question de « l’autorité » ne se pose donc pas. Si vous avez envie de soutenir que la terre est plate, vous n’avez besoin d’aucune « autorité » pour le faire.]

      Justement, mon raisonnement est fondé sur différentes sources et autorités (plus ou moins reconnues) qui justifient l’emploi de "forums" comme correct. De votre côté, vous soutenez — en généralisant votre propos ("mais il n’est pas pour autant correct") — que l’emploi de "forums" est incorrect sans apporter d’argument. D’un point de vue strictement logique, dire que l’académie et le Grevisse reconnaissent "fora" et "forum" n’implique pas logiquement que "forums" n’est pas correcte. Cela revient donc à vous poser vous-même comme autorité en matière de langue française.

      [Et c’est d’autant plus vrai sur une question comme celle de ce qui est admissible ou pas en matière de langue, où le choix est un compromis forcement subjectif entre la beauté et la richesse de la langue et la facilité de l’usage.]

      vousavé toutafè réson!!!

      [Oui, il y a une paresse naturelle qu pousse à « régulariser » la langue en limant les irrégularités.]

      Et les autres pour paour de labour et par peresce se departent et delaissent a faire les choses qui leur semblent selon raison estre bonnes. (Oresme, 1370)
      Ah, c’était mieux avant !

    • Descartes dit :

      @ serviteur

      [J’ai regardé le dictionnaire de l’Académie pour la définition de "correct" (…) « 1. Qui suit les règles établies, exempt de fautes. Particulièrement dans le domaine de la langue et du style. Écrire d’une manière correcte. Cette phrase n’est pas correcte. Par ext. Un calcul correct. Un raisonnement correct. Une copie correcte, conforme à l’original. Une édition correcte, une traduction correcte, qui est fidèle à l’œuvre originale. » J’en déduis que si pour l’Académie "forums" n’est ni incorrect, ni une faute, alors c’est correct. "forums" suit en effet la règle proposée en 1990 et avalisée à l’unanimité par l’Académie française.]

      Je ne comprend pas comment vous arrivez à déduire cela. La « règle établie » veut que le pluriel des mots latins en « -um » se fasse en « -a ». Si l’on juge « acceptable » la forme « forums », ce n’est pas parce qu’elle est conforme à une « règle établie », mais parce qu’elle est consacrée par l’usage. Maintenant, si vous pensez que l’usage est suffisant pour constituer une « règle établie », alors il faudra considérer « correct » le fait de substituer l’infinitif au participe pour les verbes du premier groupe, puisque tout le monde le fait… je ne suis pas sûr qu’en la matière il faille adhérer au principe « error communis facit jus ».

      [Est-ce que l’Académie française s’amuse à glisser des formes de pluriel qui ne sont pas correctes dans son dictionnaire ? Je trouverais ça vraiment étrange…]

      Bien sûr. Malheureusement, l’Académie a de plus en plus tendance à céder à la pression « postmoderne » qui veut qu’on cède à l’usage puisque le peuple a toujours raison. On y trouve de plus en plus des formes « colloquiales » dans le dictonnaire de l’Académie, quelquefois ave des avertissements du type « XXX peut être accepté » ou « XXX est acceptable », pour souligner ses réticences.

      [Le mot "agendum" n’est à ma connaissance pas importé dans la langue française aujourd’hui.]

      Vous avez raison, l’exemple était mal choisi. J’avais confondu avec l’anglais, ou le mot a été intégré.

      [Justement, mon raisonnement est fondé sur différentes sources et autorités (plus ou moins reconnues) qui justifient l’emploi de "forums" comme correct. De votre côté, vous soutenez — en généralisant votre propos ("mais il n’est pas pour autant correct") — que l’emploi de "forums" est incorrect sans apporter d’argument. D’un point de vue strictement logique, dire que l’académie et le Grevisse reconnaissent "fora" et "forum" n’implique pas logiquement que "forums" n’est pas correcte. Cela revient donc à vous poser vous-même comme autorité en matière de langue française.]

      Pardon, j’ai avancé plusieurs arguments. D’abord, la « règle établie » qui veut que les mots latins intégrés au français conservent dans ce cas le pluriel latin, avec de nombreux exemples (maximum -> maxima, minimum->minima, etc.). Ensuite, les termes fort prudents dans lesquels s’exprime l’Académie sur la forme « -ums », qu’elle qualifie de « admissible » ou « acceptable » mais qu’elle se garde bien de qualifier de « correcte ». J’imagine que s’il y a un endroit ou l’on pèse les mots, c’est bien à l’Académie. Et finalement, j’en appelle à l’Histoire. L’argument de Grevisse est que la forme invariable a été employée pendant très longtemps, que ce n’est que relativement récemment qu’on est revenu à la forme du pluriel latin, et que pendant ce temps la forme invariable a été utilisée par des nombreux auteurs.

      Je pense que nous avons en fait une divergence de fond sur la manière dont la langue doit évoluer. Je ne suis pas contre toute évolution, mais je pense qu’il faut prendre dans les évolutions ce qu’il y a de meilleur. En d’autres termes, une forme devient « correcte » lorsqu’elle est employée par les « meilleurs » utilisateurs de la langue, qui sont les écrivains. Une forme « usuelle » peut devenir acceptable par la force des choses, mais ne deviendra jamais correcte si elle n’est pas reprise par la littérature. C’est pourquoi le raisonnement de l’Académie dans le cadre d’une « mission de simplification » ne me paraît pas constituer une règle de correction, tout juste une règle d’acceptabilité.

      [Oui, il y a une paresse naturelle qu pousse à « régulariser » la langue en limant les irrégularités.][Et les autres pour paour de labour et par peresce se departent et delaissent a faire les choses qui leur semblent selon raison estre bonnes. (Oresme, 1370) Ah, c’était mieux avant !]

      Pourquoi dites-vous ça ? La pression de la simplification n’est pas une nouveauté, et les charlatans qui ont voulu simplifier la langue pour ne pas se donner le travail de l’utiliser correctement ont toujours été légion…

    • serviteur dit :

      [Je ne comprend pas comment vous arrivez à déduire cela.]

      (1) Est correct ce qui suit les règles établies, ce qui est exempt de fautes
      (2) L’Académie française dit que "forums" n’est pas considéré comme une faute ("L’Académie française rappelle que le document officiel, souvent improprement appelé « réforme », document qu’elle a, après examen de sa commission du dictionnaire, approuvé à l’unanimité dans sa séance du 3 mai 1990, ne contient aucune disposition de caractère obligatoire. L’orthographe actuelle reste d’usage, et les « recommandations » du Conseil supérieur de la langue française ne portent que sur des mots qui pourront être écrits de manière différente sans constituer des incorrections ni être considérés comme des fautes.", http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http://www.academie-francaise.fr/langue/questions.html#rectifications&title=Position%20de%20l'Acad%C3%A9mie%20fran%C3%A7aise)
      (3) "forums" est correct

      À partir du moment où on accepte la révision de 1990, "forums" est considéré comme correct. C’est ce qu’a fait l’Académie française. Libre à vous de refuser cette évolution, mais alors l’Académie n’est plus une référence comme vous sembliez le sous-entendre dans votre billet.

      [Ensuite, les termes fort prudents dans lesquels s’exprime l’Académie sur la forme « -ums », qu’elle qualifie de « admissible » ou « acceptable » mais qu’elle se garde bien de qualifier de « correcte »]

      Ce n’est pas l’Académie qui a utilisé les termes "admissible" ou "acceptable". Je constate que dans la dernière édition de son dictionnaire, il n’est utilisé qu’une seule forme de pluriel et il n’y a pas de commentaire. Cette forme de pluriel est cohérente avec la règle approuvée unanimement en 1990 par l’Académie. Moi ça me suffit. Je trouve un peu bizarre votre obsession sur le mot "correct". Avez-vous un écrit de l’Académie pour chaque mot qui pour vous est correct ? Si j’envoie un mail à l’Académie et qu’ils me répondent littéralement "la forme "les forums" est correcte", je doute que cela vous satisfasse pour autant.

      [Je pense que nous avons en fait une divergence de fond sur la manière dont la langue doit évoluer. Je ne suis pas contre toute évolution, mais je pense qu’il faut prendre dans les évolutions ce qu’il y a de meilleur. En d’autres termes, une forme devient « correcte » lorsqu’elle est employée par les « meilleurs » utilisateurs de la langue, qui sont les écrivains. Une forme « usuelle » peut devenir acceptable par la force des choses, mais ne deviendra jamais correcte si elle n’est pas reprise par la littérature. C’est pourquoi le raisonnement de l’Académie dans le cadre d’une « mission de simplification » ne me paraît pas constituer une règle de correction, tout juste une règle d’acceptabilité.]

      "Admirant les forums, les temples, les tombeaux,"
      Auguste Brizeux, http://www.cultivonsnous.fr/chant-troisieme-le-temple/
      Est-ce que Brizeux fait partie des "meilleurs" ?

      Personnellement, je trouve positif le fait que le français absorbe des mots étrangers tout en y appliquant ses règles propres. Je verrais d’un assez mauvais oeil que des règles étrangères à la langue française viennent dicter la manière dont on met au pluriel. Ça montre qu’elle est encore vivace. Je n’adhère pas à votre vision élitiste, même si je reconnais que ceux que vous appelez les "meilleurs" utilisateurs de la langue jouent beaucoup dans ce qui est correct ou non. Mais ils ne sont pas les seuls et c’est heureux ! Par exemple dans le domaine des nouvelles technologies, c’est le boulot des spécialistes (voir même de tout un chacun avec des concours, ce qui a déjà été fait) de proposer des nouveaux termes, puis de les mettre à l’épreuve de l’usage de tous les locuteurs.

      [Pourquoi dites-vous ça ?]

      Le français que vous utilisez est différent de ce qu’il était avant. Regrettez-vous "estre" ou "peresce" ?

    • Descartes dit :

      @serviteur

      [(1) Est correct ce qui suit les règles établies, ce qui est exempt de fautes. (2) L’Académie française dit que "forums" n’est pas considéré comme une faute (…). (3) "forums" est correct]

      Votre syllogisme ignore la subtilité de l’Académie. L’Académie ne dit pas que « forums » n’est pas une faute. Elle dit que « forums » ne doit pas être « considéré comme une faute ». Ce n’est pas tout à fait la même chose. Mais ce n’est pas parce que quelque chose n’est pas considéré comme une faute que c’en est pas une. Et je pense que l’Académie a très soigneusement pesé les mots dans sa déclaration. Après tout, c’est leur métier.

      Votre syllogisme devrait donc être :

      1) Est correct ce qui est exempt de fautes.
      2) L’Académie dit que « forums » n’est pas considéré comme une faute.
      3) « Forums » doit être considéré de l’avis de l’Académie comme correct.

      Et non « « Forums » est correct ».

      Je continue à considérer l’Académie comme l’autorité qui constate ce qui est correct. Je suis plus réservé lorsqu’elle s’exprime sur ce qui doit être « considéré comme correct »…

      [Si j’envoie un mail à l’Académie et qu’ils me répondent littéralement "la forme "les forums" est correcte", je doute que cela vous satisfasse pour autant.]

      Essayez toujours… cela m’obligerait à considérer au moins que c’est un usage correct. Moche, mais correct.

      ["Admirant les forums, les temples, les tombeaux," Auguste Brizeux, http://www.cultivonsnous.fr/chant-troisieme-le-temple/
      Est-ce que Brizeux fait partie des "meilleurs" ?]

      Ce n’est pas Hugo, Proust ou Aragon. La beauté de la langue française n’était pas une de ses principales préoccupations, étant avant tout un poème régionaliste. Mais sans doute, l’usage de la forme « forums » par des poètes et des écrivains de qualité et amoureux de la langue est pour moi un argument plus fort que n’importe quel rapport administratif…

      [Personnellement, je trouve positif le fait que le français absorbe des mots étrangers tout en y appliquant ses règles propres. Je verrais d’un assez mauvais oeil que des règles étrangères à la langue française viennent dicter la manière dont on met au pluriel. Ça montre qu’elle est encore vivace.]

      Je suis d’accord… sauf que pour moi le Latin n’est pas vraiment une « langue étrangère ».

      [Je n’adhère pas à votre vision élitiste, même si je reconnais que ceux que vous appelez les "meilleurs" utilisateurs de la langue jouent beaucoup dans ce qui est correct ou non. Mais ils ne sont pas les seuls et c’est heureux ! Par exemple dans le domaine des nouvelles technologies, c’est le boulot des spécialistes (voir même de tout un chacun avec des concours, ce qui a déjà été fait) de proposer des nouveaux termes, puis de les mettre à l’épreuve de l’usage de tous les locuteurs.]

      Je ne pense pas qu’il faille mélanger ces deux choses différentes. Une chose est la néologie, l’invention de nouveaux termes inexistants dans notre langue pour désigner de nouveaux objets ou de nouvelles idées. Une autre très différente est la modification des anciennes règles d’orthographe ou de grammaire. Lorsqu’il a fallu désigner ce que nous appelons aujourd’hui « ordinateur », il y avait le choix entre adopter un terme étranger (« computer » en anglais, par exemple) en le « francisant », ou bien inventer un mot totalement nouveau à partir des racines disponibles dans notre langue. On a fabriqué « ordinateur » – les premiers ordinateurs étant surtout utilisés pour faire des tris dans des fichiers – et on a eu raison : c’est un mot euphonique, qui s’insère bien dans notre langue, et la meilleure preuve en est qu’il a été adopté par tout le monde, les spécialistes comme les autres. Mais il n’y avait là aucune modification d’une règle ou d’un mot existant, une tentative de « régulariser » la langue en lui faisant perdre sa richesse…

      Je voudrais bien me faire comprendre : je ne suis pas contre l’évolution naturelle de la langue ni contre son enrichissement par des mots étrangers « francisés ». Ce que je n’accepte pas, ce sont les tentatives autoritaires de « régulariser » la langue en l’appauvrissant au nom de la « simplification ».

      [Pourquoi dites-vous ça ?][Le français que vous utilisez est différent de ce qu’il était avant. Regrettez-vous "estre" ou "peresce" ?]

      Non, parce que le remplacement de ces mots par des mots modernes porte lui aussi la marque de l’histoire. Ce changement n’est pas le fruit d’une « simplification », mais d’une évolution qui d’ailleurs a changé la forme sans détruire l’histoire précédente. Ainsi, « estre » a été remplacé par « être », dont l’accent circonflexe marque la place du « s » disparu. Je regretterais par contre « estre » si ce circonflexe venait à « modernisé » comme l’a suggéré une certaine commission, puisque avec lui disparaîtrait le lien qui nous relie à « estre ».

  5. Marcailloux dit :

    Bonjour,
    Admettez-vous, une fois pour toute, la réalité de la lutte des classes et pouvez-vous m’indiquer s’il y a jamais eu, dans l’histoire de l’humanité, un exemple significatif – je veux dire dans la durée et l’étendue –une expérience où cette utopie a été réalisée ?
    Et pouvez-vous nier, contrairement à Marx, qu’elle constitue, parmi d’autres, un facteur d’évolution de nos sociétés. A quelle vitesse son abolition doit-elle s’opérer pour devenir réalité ?
    Alors pourquoi vous offusquez vous systématiquement de sa manifestation dans notre quotidien ?
    Nos sociétés s’améliorent, insensiblement mais de manière non linéaire. Personne ne peut le nier. Et seules les régressions font généralement l’objet de commentaires acides.
    Je ne partage pas vraiment – sans toutefois m’y opposer- votre pessimisme manichéen sur l’enseignement car je lui reproche un manque de nuances. Ce n’est pas en opposant les différentes approches entre l’élève « autodidacte » et l’élève soumis au détenteur d’un savoir qu’il ne possède pas, que l’on trouvera la pierre philosophale universelle qui s’applique indifféremment aux naturellement motivés par les études et ceux dont les centres d’intérêt sont à mille lieues.
    Je lisais, il y a quelques semaines, un article sur Montaigne, dans lequel j’ai relevé cette formule que je trouve très pertinente pour les élèves un tant soit peu dissipés : « Je n’enseigne point, je raconte ».
    Les trois enseignants que j’ai fréquentés dans ma brève scolarité de cancre, avec les résultats les plus féconds tout au long de ma vie, ont été trois conteurs, l’un instituteur qui m’a donné le gout de la géométrie, l’autre – c’était plus naturel – un professeur d’histoire. Le dernier, à l’âge adulte, dans le domaine de la littérature. Ils m’ont donné la niaque d’apprendre, souvent seul, il est vrai. Presque tous les autres étaient des fonctionnaires fonctionnant selon leur définition de fonction. Très ennuyeux !
    Autre point, concernant justement ce que l’on n’apprend probablement pas suffisamment à l’école, c’est la rigueur dans l’emploi du français.
    Exemple, en retenant deux mots souvent rencontrés dans votre texte et dans les citations.
    À partir de la source CNRTL : Centre National de Ressource Textuelles et Lexicales, organisation « filiale » du CNRS, voici ce que l’on peut relever concernant les deux seuls termes de « paresse » et de « courage », fréquemment utilisés dans ce billet :
    Antonymes de « paresse » : activité, allant, application, ardeur, effort, rapidité, travail, énergie…….mais aucunement le terme de courage.
    Ceux de « courage » : cosse, couardise, crainte, découragement (évidemment !), effroi, faiblesse, frousse, lassitude, lâcheté, peur, pleutrerie, poltronnerie, pusillanimité, timidité, écœurement et, bien entendu pas la moindre référence au terme de paresse.
    Et pourtant, ils sont à tout bout de champ utilisés à tort.
    Alors je souhaite ardemment – sans cependant me faire beaucoup d’illusion – que l’on en finisse avec ces libertés que chacun s’octroie quant à la sémantique dans l’utilisation de notre langue.
    Je ne suis pas linguiste, mais chacun a bien conscience qu’une langue est un mode de transmission d’information, au même titre que le tableau de Mendeleïv qui va m’informer précisément sur la configuration électronique des éléments de la matière. Il ne viendrait à l’idée d’aucun ingénieur d’interpréter, à sa discrétion, les informations fournies dans cette table, en vue d’élaborer un nouveau matériau pour construire un avion.
    Eh bien, si l’on examine avec un peu d’attention les écrits des uns et des autres, nous ne tardons pas à découvrir, même chez les meilleurs rédacteurs, toutes sortes d’abus de notre magnifique langue. L’orthographe y est aussi très souvent malmenée, ce qui conduit, dans le cas le plus banal, à perpétuer le syndrome, et dans le pire, à formuler un contresens.
    Et ces contresens peuvent, quelquefois, entraîner des conséquences dramatiques.
    Il est plus aisé, pour la plupart d’entre nous, de consulter le petit Larousse, le Bled de conjugaison, ou le Robert des synonymes, que d’utiliser une table de logarithmes.
    Chaque fois que nous manquons de rigueur dans ce domaine, c’est une incitation subliminale qui pousse notre lecteur à nous imiter. Ne nous plaignons pas ensuite d’un laisser-aller généralisé.

    • Descartes dit :

      @ Marcailloux

      [Admettez-vous, une fois pour toute, la réalité de la lutte des classes et pouvez-vous m’indiquer s’il y a jamais eu, dans l’histoire de l’humanité, un exemple significatif – je veux dire dans la durée et l’étendue –une expérience où cette utopie a été réalisée ?]

      Je ne comprends pas la question. De quelle « utopie » parlez vous ? Par ailleurs, je pense non seulement avoir affirmé mille fois la réalité de la lutte des classes sur ce blog, mais avoir systématiquement utilisé cet outil dans mes analyses. Qu’est ce qui vous fait penser qu’il pourrait en aller autrement ?

      [Et pouvez-vous nier, contrairement à Marx, qu’elle constitue, parmi d’autres, un facteur d’évolution de nos sociétés.]

      « un facteur » ? Marx était plus explicite que cela : il faisait de la lutte des classes « LE moteur de l’histoire », rien de moins… et il se fait que je suis en total accord avec lui. Encore une fois, je me demande ce qui a pu vous faire croire le contraire. Pourquoi croyez-vous que je prends autant de temps à essayer de constituer les couches moyennes comme une « classe » à part entière, si ce n’est pour pouvoir actualiser l’analyse marxiste à la société actuelle ?

      [A quelle vitesse son abolition doit-elle s’opérer pour devenir réalité ?]

      L’abolition de quoi ? De la « lutte des classes » ? La « lutte des classes » ne peut être « abolie » que par la disparition des classes elles-mêmes, et cela suppose qu’on soit au stade ultime de l’évolution humaine, puisque la fin de la lutte des classes laisserait, toujours selon Marx, l’histoire sans moteur. L’abolition de la lutte des classes c’est la fin de l’histoire.

      [Alors pourquoi vous offusquez vous systématiquement de sa manifestation dans notre quotidien ?]

      Pourriez-vous donner un exemple d’une telle « offuscation » ?

      [Nos sociétés s’améliorent, insensiblement mais de manière non linéaire. Personne ne peut le nier. Et seules les régressions font généralement l’objet de commentaires acides.
      Je ne partage pas vraiment – sans toutefois m’y opposer- votre pessimisme manichéen sur l’enseignement car je lui reproche un manque de nuances. Ce n’est pas en opposant les différentes approches entre l’élève « autodidacte » et l’élève soumis au détenteur d’un savoir qu’il ne possède pas, que l’on trouvera la pierre philosophale universelle qui s’applique indifféremment aux naturellement motivés par les études et ceux dont les centres d’intérêt sont à mille lieues.]

      J’avoue que je ne saisis pas très bien le rapport avec la « lutte des classes ». Mais bon, passons, et prenons votre commentaire : vous affirmez que « nos sociétés s’améliorent, insensiblement mais de manière non-linéaire ». Et vous ajoutez que « personne ne peut le nier ». Je me méfie, par principe, des affirmations que « personne ne peut nier ». En général, ce genre de formule cache une affirmation dogmatique. Qu’est ce qui vous fait penser qu’il existe une loi générale de l’histoire qui conduit les sociétés à « s’améliorer » ? Une telle loi serait très problématique, parce qu’elle supposerait qu’on définisse un critère de qualité des sociétés, permettant de dire que telle société est « meilleure » que telle autre. Quels seraient pour vous ces critères ? Moi, je peux à la rigueur admettre que les sociétés tendent à devenir plus riches, plus savantes, plus complexes… mais « meilleures » ?

      Quant à mon « pessimisme manichéen »… je vous ferais remarquer que ce n’est pas moi qui « oppose » les différentes conceptions de l’élève. Ces conceptions s’opposent depuis presque un demi siècle – sinon plus – quotidiennement dans des livres, dans des commentaires, dans des déclarations, dans des politiques publiques. Et cette opposition est normale puisque ce sont deux conceptions antagoniques. L’idée ici n’est pas de trouver une quelconque « pierre philosophale », mais une politique éducative pour une institution, l’éducation nationale. Je ne crois pas faire preuve de « pessimisme manichéen » en disant que l’application de la vison « élèvo-centriste » se traduit par une baisse manifeste du niveau d’opérativité des connaissances, par un affaiblissement de l’institution scolaire, par la montée des inégalités. C’est faire preuve de réalisme. Je serais « pessimiste » si je croyais que cette évolution est inéluctable et irréversible, ce que je ne pense pas.

      [Je lisais, il y a quelques semaines, un article sur Montaigne, dans lequel j’ai relevé cette formule que je trouve très pertinente pour les élèves un tant soit peu dissipés : « Je n’enseigne point, je raconte ».][Les trois enseignants que j’ai fréquentés dans ma brève scolarité de cancre, avec les résultats les plus féconds tout au long de ma vie, ont été trois conteurs, l’un instituteur qui m’a donné le gout de la géométrie, l’autre – c’était plus naturel – un professeur d’histoire. Le dernier, à l’âge adulte, dans le domaine de la littérature. Ils m’ont donné la niaque d’apprendre, souvent seul, il est vrai. Presque tous les autres étaient des fonctionnaires fonctionnant selon leur définition de fonction. Très ennuyeux !]

      Attendez, attendez… ce que vous décrivez, c’est exactement « l’élève soumis à un savoir qu’il ne possède pas ». Parce que votre « professeur conteur » s’adresse à une audience. Il y en a un professeur qui parle et un élève qui écoute. Exactement le rapport pédagogique tel que je le conçois, aux antipodes de celui qui est défendu par les « pédagogogues » aujourd’hui. Que vos autres professeurs eussent moins de talent, je veux bien le croire. Dans tout métier, il y a les bons et les moins bons. Avoir trois professeurs exceptionnels dans sa carrière scolaire, ce n’est déjà pas si mal.

      [Autre point, concernant justement ce que l’on n’apprend probablement pas suffisamment à l’école, c’est la rigueur dans l’emploi du français (…)]

      Je n’ai pas compris ce commentaire. Vous me reprochez d’utiliser « fréquemment » les termes « courage » et « paresse » dans mon billet. Or, je n’ai pas une seule fois utilisé l’un ou l’autre de ces termes.

    • Marcailloux dit :

      Bonjour,
      [ Vous me reprochez d’utiliser « fréquemment » les termes « courage » et « paresse » dans mon billet. Or, je n’ai pas une seule fois utilisé l’un ou l’autre de ces termes.]
      C’est vrai, dont acte, je plaide cependant les circonstances atténuantes vue l’heure de rédaction du billet.
      Néanmoins, c’est l’ utilisation fréquente de la "déclinaison" du mot "courage", en découragement ou encouragement qui m’a fait réagir.
      D’autre part, un rapide dénombrement de petites erreurs d’orthographe ou grammaticales, concentrées dans le premier tiers du texte,ont un peu excité ma "plume". Les meilleurs textes sont toujours altérés par ces menues imperfections dans l’utilisation de notre langue.
      Un diamant dans du papier journal, est toujours un diamant, mais il est plus beau dans un bel écrin !….c’est vrai, je suis sans doute vieux jeu, et sur ce point particulièrement.

  6. dsk dit :

    ["La concurrence inepte, engendrée par la notation de 0 à 20, a disparu des conversations de cours de récré, et les tensions et exclusions qui l’accompagnaient avec. L’enfant ne sort plus de l’école obsédé par les notes, et les parents avec, angoissés par la "moyenne" qui peut baisser de 0.2 points et le précipitera dans le "mauvais CM1" l’an prochain. L’enfant est confronté à lui-même, et pas aux autres, ce qui l’encourage, le motive, le pousse à faire mieux dans un contexte effectivement "bienveillant". »"]

    Aucun problème. Il suffit d’accorder la note bienveillante "D" à ce CM1. Ainsi disparaitront toutes les tensions, et toute la concurrence inepte, et les enfants, et leurs parents avec, ne seront plus du tout, ni obsédés, ni angoissés, à l’idée d’y être "précipités". Plutôt que de "mauvais CM1", il convient d’employer l’expression "CM1 que l’on encourage à faire mieux", et voilà, le tour est joué. Plus sérieusement, je ne sais pas où ce propagandiste délirant a vu que dans le système français, un élève pourrait échouer dans un "mauvais CM1", au motif qu’il lui manquerait 0,2 points dans sa moyenne. Il me semble qu’à ce stade, il n’y a pas encore de sélection.

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Plus sérieusement, je ne sais pas où ce propagandiste délirant a vu que dans le système français, un élève pourrait échouer dans un "mauvais CM1", au motif qu’il lui manquerait 0,2 points dans sa moyenne. Il me semble qu’à ce stade, il n’y a pas encore de sélection.]

      Je ne sais pas, mais au délà du fait le commentaire est révélateur des obsessions des classes moyennes.

    • dsk dit :

      @ Descartes

      ["Je ne sais pas, mais au délà du fait le commentaire est révélateur des obsessions des classes moyennes."]

      Je dirais que si toute cette histoire de "notes bienveillantes" est effectivement caractéristique des stratégies de vos fameuses "classes moyennes", c’est parce qu’elle s’inscrivent typiquement dans cette longue tradition des mesures dites "de gauche", qui paraissent, en trompe l’œil, favorables aux exploités, mais qui ne remettent en rien en cause leur exploitation. Que l’on mette des "pastilles rouges", des "D", ou bien des "smileys", il faudra bien qu’à la fin, certains récoltent les "bonnes places", et d’autres les mauvaises. Faisons donc en sorte qu’il n’y ait plus ces "mauvaises places", c’est-à-dire ces places d’exploités, et enfin cesseront véritablement l’obsession, les angoisses et toute la "concurrence inepte". Peu importera effectivement, à ce moment, que l’on échoue dans un "mauvais CM1", et l’on pourra même, enfin, envisager de regrouper ensemble les "surdoués" qui, plutôt que de s’ennuyer à devoir progresser à un rythme beaucoup trop lent pour eux, pourront donner leur pleine mesure, ce qui permettra à la France de décoller sur le plan scientifique, et de rafler systématiquement tous les prix Nobel.

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Je dirais que si toute cette histoire de "notes bienveillantes" est effectivement caractéristique des stratégies de vos fameuses "classes moyennes", c’est parce qu’elle s’inscrivent typiquement dans cette longue tradition des mesures dites "de gauche", qui paraissent, en trompe l’œil, favorables aux exploités, mais qui ne remettent en rien en cause leur exploitation.]

      Exactement. Comme le disait déjà Marx, toute classe tend à présenter son intérêt sous les traits de l’intérêt général. Les classes moyennes déguisent la stratégie de protection de leurs privilèges sous l’apparence avenante de la « libération des exploités ». Et depuis que la pensée de gauche a été colonisée par les classes moyennes, on en a vu passer des mesures « de gauche » de cet acabit…

      [Que l’on mette des "pastilles rouges", des "D", ou bien des "smileys", il faudra bien qu’à la fin, certains récoltent les "bonnes places", et d’autres les mauvaises. Faisons donc en sorte qu’il n’y ait plus ces "mauvaises places", c’est-à-dire ces places d’exploités, et enfin cesseront véritablement l’obsession, les angoisses et toute la "concurrence inepte". Peu importera effectivement, à ce moment, que l’on échoue dans un "mauvais CM1" (…)]

      Je ne suis pas très sur s’il faut interpréter votre texte sur le mode sérieux ou sur le mode ironique…

    • dsk dit :

      @ Descartes

      ["Je ne suis pas très sur s’il faut interpréter votre texte sur le mode sérieux ou sur le mode ironique…"]

      Je suis tout ce qu’il y a de sérieux. Je pense vraiment que ce qui se joue, au fond, derrière cette histoire de "notes bienveillantes", c’est la distribution des places au sein de la société capitaliste, entre "exploités" et "exploiteurs".
      Supposons un instant qu’une telle problématique n’existe pas. Qu’un élève ait 2 ou 18 de moyenne, il serait quand même assuré de bénéficier d’une place égale dans la société, lui permettant de gagner correctement sa vie, et dans des conditions décentes. On pourrait alors, sans aucune difficulté, regrouper les élèves par niveaux, avec pour seul souci l’apprentissage au maximum des capacités de chacun. C’est alors seulement que les "acquis" et autres "en cours d’acquisition" prendraient tout leur sens, chacun n’étant soucieux que d’apprendre. Et ce qui est assez drôle, c’est de s’apercevoir qu’un tel état de choses – peut-être un peu utopique, j’en conviens – serait incomparablement plus performant, en termes de production de véritables élites, que le système actuel.

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Je suis tout ce qu’il y a de sérieux. Je pense vraiment que ce qui se joue, au fond, derrière cette histoire de "notes bienveillantes", c’est la distribution des places au sein de la société capitaliste, entre "exploités" et "exploiteurs". Supposons un instant qu’une telle problématique n’existe pas. Qu’un élève ait 2 ou 18 de moyenne, il serait quand même assuré de bénéficier d’une place égale dans la société, lui permettant de gagner correctement sa vie, et dans des conditions décentes.]

      Vous n’êtes pas sérieux. La hiérarchisation des emplois n’est pas exclusivement un produit de l’exploitation capitaliste. Elle est surtout le résultat de la division du travail. Même dans une société communiste, il y aura dans les hôpitaux des médecins, des infirmiers et des femmes de ménage. Vous me direz qu’il serait possible que tous les employés de l’hôpital aient une formation complète de médecin, et qu’ils remplissent les trois fonctions à tour de rôle. Mais il est évident qu’une telle solution constitue un énorme gâchis de ressources et de compétences.

      Or, dès lors qu’il y a des médecins, des infirmiers et des femmes de ménage, rien ne vous dit que le nombre de candidats à chacun de ces postes correspondra aux besoins. Ce qui veut dire qu’il y aura pour l’une de ces fonctions plus de candidats que de postes. Il faudra donc une sélection. Et si vous ne faites pas la sélection sur le « 2 ou 18 de moyenne », il faudra m’expliquer sur quel critère vous la ferez…

      [On pourrait alors, sans aucune difficulté, regrouper les élèves par niveaux, avec pour seul souci l’apprentissage au maximum des capacités de chacun.]

      Oui. Mais certains n’atteindront jamais certains niveaux. Parce qu’ils n’ont pas les capacités, ou bien parce qu’ils n’ont pas envie de travailler. Et certaines fonctions, celles qui nécessitent les niveaux de formation les plus hauts et donc les plus prestigieuses, ne seront pas accessibles à tout le monde. Et vous retrouvez donc le problème précédent.

    • dsk dit :

      @ Descartes

      ["Vous n’êtes pas sérieux. La hiérarchisation des emplois n’est pas exclusivement un produit de l’exploitation capitaliste. Elle est surtout le résultat de la division du travail. Même dans une société communiste, il y aura dans les hôpitaux des médecins, des infirmiers et des femmes de ménage."]

      Je n’ai nullement remis en cause la hiérarchisation des emplois. J’ai juste évoqué le fait de gagner correctement sa vie, dans des conditions décentes, ce qui serait le cas, dans mon système, des infirmiers et des femmes de ménage. Dès
      lors, nul besoin, pour eux, de suivre une formation complète de médecin.

      ["Or, dès lors qu’il y a des médecins, des infirmiers et des femmes de ménage, rien ne vous dit que le nombre de candidats à chacun de ces postes correspondra aux besoins. Ce qui veut dire qu’il y aura pour l’une de ces fonctions plus de candidats que de postes. Il faudra donc une sélection. Et si vous ne faites pas la sélection sur le « 2 ou 18 de moyenne », il faudra m’expliquer sur quel critère vous la ferez…"]

      D’abord, j’essaierai de faire en sorte, en amont, que la demande corresponde exactement à l’offre. Premièrement par l’école, qui assumera ouvertement son rôle d’orientation et de sélection. Deuxièmement, si je constate qu’il y a plus de demandes pour des carrières d’infirmiers que de médecins, c’est probablement que ces derniers méritent une meilleure rémunération, ou de meilleures conditions de travail. Et troisièmement, si d’aventure cet ajustement en amont n’était pas parfait, alors j’organiserais un concours. Mais l’impact sur les candidats non retenus serait beaucoup moins
      négatif. Vous aurez bien sûr compris que tout ceci suppose, à tout le moins, une forte capacité d’intervention de l’État.

      ["Oui. Mais certains n’atteindront jamais certains niveaux. Parce qu’ils n’ont pas les capacités, ou bien parce qu’ils
      n’ont pas envie de travailler. Et certaines fonctions, celles qui nécessitent les niveaux de formation les plus hauts et donc les plus prestigieuses, ne seront pas accessibles à tout le monde."]

      Évidemment. Mais c’est justement mon point : supprimons au maximum les conséquences négatives de l’impossibilité d’accéder à certaines fonctions, pour ceux qui n’en ont pas l’envie ou les capacités.

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Je n’ai nullement remis en cause la hiérarchisation des emplois. J’ai juste évoqué le fait de gagner correctement sa vie, dans des conditions décentes, ce qui serait le cas, dans mon système, des infirmiers et des femmes de ménage. Dès lors, nul besoin, pour eux, de suivre une formation complète de médecin.]

      Malheureusement, cela ne suffit pas. Même si infirmiers et femmes de ménage « gagnent correctement leur vie », les médecins continueront à gagner leur vie plus décemment que les infirmiers, et ceux-ci plus décemment que les femmes de ménage. Autrement, vous n’aurez pas assez de médecins. Qui fera neuf ans d’études après le bac si les récompenses sociales et monétaires sont les mêmes avec seulement quatre ans, voire rien du tout ? Bien sûr, il y aura toujours des gens qui auront la vocation et étudieront la médecine sans aucune sorte de récompense sociale ou matérielle, mais rien ne garantit qu’il existera suffisamment pour soigner convenablement la population.

      Pour avoir suffisamment de candidats à des études de médecine – et il en faut plus que de postes, pour pouvoir sélectionner les meilleurs – il faut que le statut de médecin soit désirable. Et s’il est désirable et qu’il n’y en a pas pour tout le monde, il y aura forcément compétition.

      [D’abord, j’essaierai de faire en sorte, en amont, que la demande corresponde exactement à l’offre. Premièrement par l’école, qui assumera ouvertement son rôle d’orientation et de sélection.]

      Bien. Mais si l’école « assume ouvertement son rôle d’orientation et de sélection », alors le fait d’avoir 2 ou 18 redevient important pour aller dans la « bonne » filière. C’était précisément mon point.

    • dsk dit :

      @ Descartes

      ["Malheureusement, cela ne suffit pas. Même si infirmiers et femmes de ménage « gagnent correctement leur vie », les médecins continueront à gagner leur vie plus décemment que les infirmiers, et ceux-ci plus décemment que les femmes de ménage. Autrement, vous n’aurez pas assez de médecins. Qui fera neuf ans d’études après le bac si les récompenses sociales et monétaires sont les mêmes avec seulement quatre ans, voire rien du tout ?"]

      Cela va de soi. Mais cela se résout, à mon avis, par le bon calcul de la juste rémunération. Il faut qu’au bout du compte, on puisse légitimement hésiter entre une rémunération d’infirmier, certes moins importante, mais ne nécessitant pas le même investissement en termes de formation, de stress et de responsabilités, et celle de médecin. Le résultat de cette comparaison coût/avantages étant alors équivalent, ce seront les prédispositions individuelles qui décideront, in fine, de l’orientation.

      ["Bien sûr, il y aura toujours des gens qui auront la vocation et étudieront la médecine sans aucune sorte de récompense sociale ou matérielle, mais rien ne garantit qu’il existera suffisamment pour soigner convenablement la population."]

      En tout cas, c’est ceux là qu’il convient de privilégier, car ce sont les meilleurs. Qu’est-ce qu’un médecin qui ne fait ce métier que pour l’argent ? Il serait mieux à sa place comme vendeur de cravates.

      ["Pour avoir suffisamment de candidats à des études de médecine – et il en faut plus que de postes, pour pouvoir sélectionner les meilleurs – il faut que le statut de médecin soit désirable. Et s’il est désirable et qu’il n’y en a pas pour tout le monde, il y aura forcément compétition."]

      Premièrement, soigner les gens, c’est en soi hautement désirable. Deuxièmement, ce que je propose, ce n’est pas de rendre le statut de médecin moins désirable. C’est de rendre ceux d’infirmier et de femme de ménage également désirables.

      ["Bien. Mais si l’école « assume ouvertement son rôle d’orientation et de sélection », alors le fait d’avoir 2 ou 18 redevient important pour aller dans la « bonne » filière. C’était précisément mon point."]

      Non. Puisqu’il n’y aurait plus de "bonne" ou de "mauvaise" filière.

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Cela va de soi. Mais cela se résout, à mon avis, par le bon calcul de la juste rémunération.]

      C’est très difficile de réguler ces questions par la rémunération. La difficulté est que le choix de faire des études de médecine se fait entre sept et neuf ans avant de prendre son premier poste. Si vous ajustez la rémunération, vous ne pouvez l’ajuster qu’à l’état de l’offre, mais les effets de l’ajustement se feront sentir une décennie plus tard…

      [Il faut qu’au bout du compte, on puisse légitimement hésiter entre une rémunération d’infirmier, certes moins importante, mais ne nécessitant pas le même investissement en termes de formation, de stress et de responsabilités, et celle de médecin. Le résultat de cette comparaison coût/avantages étant alors équivalent, ce seront les prédispositions individuelles qui décideront, in fine, de l’orientation.]

      Dans l’idéal, oui. Mais comme je l’ai expliqué plus haut, plus le choix se fait sur une carrière longue, plus il implique une dose d’anticipation, un pari sur ce que seront les rémunérations à l’avenir… et cela rend la régulation inefficace.

      ["Bien sûr, il y aura toujours des gens qui auront la vocation et étudieront la médecine sans aucune sorte de récompense sociale ou matérielle, mais rien ne garantit qu’il existera suffisamment pour soigner convenablement la population."][En tout cas, c’est ceux là qu’il convient de privilégier, car ce sont les meilleurs.]

      C’est très loin d’être évident. On peut avoir la vocation et être un mauvais médecin, on peut faire ça purement pour l’argent et le statut social, et être un excellent médecin. Et je parle par expérience personnelle.

      [Premièrement, soigner les gens, c’est en soi hautement désirable.]

      « Désirable » pour qui ? Pour les gens qui se font soigner, certainement. Mais en quoi est-ce « désirable » pour ceux qui font ce métier ? Je ne vois rien de « hautement désirable » dans l’affaire. Personnellement, je n’ai aucune envie de soigner les gens.

      [Deuxièmement, ce que je propose, ce n’est pas de rendre le statut de médecin moins désirable. C’est de rendre ceux d’infirmier et de femme de ménage également désirables.]

      Mais s’ils sont « également désirables », pourquoi quelqu’un irait investir neuf ans de sa vie après le bac à faire des études poussés ?

      ["Bien. Mais si l’école « assume ouvertement son rôle d’orientation et de sélection », alors le fait d’avoir 2 ou 18 redevient important pour aller dans la « bonne » filière. C’était précisément mon point."][Non. Puisqu’il n’y aurait plus de "bonne" ou de "mauvaise" filière.]

      Mais si. Si vous faites de la « sélection », cela implique nécessairement qu’il y a plus de gens qui veulent aller dans certaines filières que de places disponibles. Et qu’à l’inverse, d’autres filières ont moins de candidats que de places. Il y a donc bien des « bonnes » et des « mauvaises » filières…

    • BolchoKek dit :

      >Si vous faites de la « sélection », cela implique nécessairement qu’il y a plus de gens qui veulent aller dans certaines filières que de places disponibles. Et qu’à l’inverse, d’autres filières ont moins de candidats que de places. Il y a donc bien des « bonnes » et des « mauvaises » filières…<
      Je me permets une intervention digressive… Nous en avons déjà parlé, mais je pense qu’une mesure nécessaire serait de refondre les filières du lycée général en une seule avec un fort tronc commun, et laisser la sélection par niveaux s’opérer à partir de là. Cela serait non seulement plus efficace tout en étant plus égalitaire (via la garantie d’un enseignement semblable pour tous) et plus clair. Le système actuel est d’une hypocrisie incroyable, on tient le discours que toutes les filières se valent, alors que tout le monde sait le contraire. En L, par exemple, on retrouve quelques très bons élèves… qui très souvent sont des enfants d’immigrés de première génération, qui n’ont pas compris qu’en France, quand le ministère vous dit que votre enfant devrait choisir sa filière selon ses points forts, il ne faut pas le croire.

    • dsk dit :

      @ Descartes

      ["C’est très difficile de réguler ces questions par la rémunération. La difficulté est que le choix de faire des études de médecine se fait entre sept et neuf ans avant de prendre son premier poste. Si vous ajustez la rémunération, vous ne pouvez l’ajuster qu’à l’état de l’offre, mais les effets de l’ajustement se feront sentir une décennie plus tard…"]

      Je reconnais bien volontiers que la question du calcul du niveau souhaitable de rémunération pour chaque profession n’est pas simple. S’agissant de la suite de votre remarque, j’avoue humblement ne pas très bien la comprendre.

      ["Dans l’idéal, oui. Mais comme je l’ai expliqué plus haut, plus le choix se fait sur une carrière longue, plus il implique une dose d’anticipation, un pari sur ce que seront les rémunérations à l’avenir… et cela rend la régulation inefficace."]

      Je ne vous suis toujours pas très bien. Peut-être devrais-je vous préciser que ma proposition revient, en quelque sorte, à "tuer le marché du travail", c’est-à-dire à faire en sorte que la fixation des rémunérations ne soient plus laissée au marché, mais à l’État ?

      ["C’est très loin d’être évident. On peut avoir la vocation et être un mauvais médecin,"]

      Ce serait totalement illogique. Généralement, on aime faire quelque chose parce qu’on le fait bien, et réciproquement. Je veux bien qu’il y ait des cas exceptionnels de personnes qui s’illusionnent totalement sur ce qu’ils croient être leur vocation de médecin, mais je vous répondrais que ce cas de figure ne se présentera certainement pas plus dans mon système que dans le système actuel. Plutôt moins, à vrai dire, avec le moindre "prestige" relatif des médecins qui en découlerait.  

      ["on peut faire ça purement pour l’argent et le statut social, et être un excellent médecin. Et je parle par expérience personnelle."]

      Vous voulez dire que vous avez été bien soigné par un médecin qui était uniquement intéressé par l’argent et le statut social ? Mais comment donc pouvez-vous être sûr que tel était son cas ? Peut-être vous a-t-il donné cette impression, mais avait-il bel et bien "la vocation" ? Quoi qu’il en soit, à supposer qu’un tel profil existe, je crois que l’on pourrait s’en passer sans dommages, car il serait certainement encore meilleur vendeur de cravates que médecin.

      ["« Désirable » pour qui ? Pour les gens qui se font soigner, certainement. Mais en quoi est-ce « désirable » pour ceux qui font ce métier ? Je ne vois rien de « hautement désirable » dans l’affaire. Personnellement, je n’ai aucune envie de soigner les gens."]

      Eh bien, désirable pour ceux qui en ont "la vocation", tout simplement. De même que, sans vouloir vous demander votre profession, j’ai cru comprendre qu’elle était pour vous "désirable" indépendamment de sa rémunération, tandis que d’autres, probablement, n’en voudraient pour rien au monde.

      ["Mais s’ils sont « également désirables », pourquoi quelqu’un irait investir neuf ans de sa vie après le bac à faire des études poussés ?"]

      Parce qu’il serait suffisamment indemnisé de ses neuf années d’études, et parce qu’il aurait "la vocation", ou en tout cas, la volonté et la capacité de faire un métier plus intéressant, de son point de vue, que celui d’infirmier ou de femme de ménage.

      ["Mais si. Si vous faites de la « sélection », cela implique nécessairement qu’il y a plus de gens qui veulent aller dans certaines filières que de places disponibles. Et qu’à l’inverse, d’autres filières ont moins de candidats que de places. Il y a donc bien des « bonnes » et des « mauvaises » filières…"]

      Non, car j’opère la sélection tôt, et de manière autoritaire. Prenons le cas limite des artistes-peintres. Mettons que je m’aperçoive que vingt postes d’artistes-peintres se libèrent chaque année. Eh bien je sélectionne, dès leur plus jeune âge, les vingt les plus doués, qui passeront ensuite le plus clair de leur temps à se perfectionner dans leur art, si bien qu’ils atteindront un niveau inégalable. Personne ne songera, dès lors, à disputer leur place, tout au moins comme artistes d’État.

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Je me permets une intervention digressive… Nous en avons déjà parlé, mais je pense qu’une mesure nécessaire serait de refondre les filières du lycée général en une seule avec un fort tronc commun, et laisser la sélection par niveaux s’opérer à partir de là. Cela serait non seulement plus efficace tout en étant plus égalitaire (via la garantie d’un enseignement semblable pour tous) et plus clair.]

      Je ne suis pas contre. Je dirais même que cela est plus conforme à l’idée que je me fais de l’éducation, que l’on pourrait résumer dans la formule « je suis humain, et rien de ce qui est humain ne m’est étranger ». Pourquoi enseigner à certains lycéens l’économie et la sociologie et à d’autres la physique et les mathématiques ? Définissons un « socle » de connaissances qu’il nous semble nécessaire de donner à tout citoyen, et restons dans un « tronc unique » pour transmettre ce « socle ». Une fois ce niveau atteint, on peut chercher une spécialisation dans telle ou telle matière en fonction d’une orientation professionnelle – qui, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, est aussi une orientation sociale – mais faisons-le le plus tard possible.

      J’ajoute que je suis totalement contre l’idée de matières à « option ». L’argument classique pour défendre cette idée est qu’il faut laisser l’enfant choisir en fonction de ses goûts. Certains aiment plus les mathématiques, d’autres le sport, d’autres telle ou telle expression artistique… Mais cet argument a une sérieuse faiblesse : l’enfant n’est pas un être totalement formé. Il ne peut « aimer » que ce qu’il connaît, et il connaît finalement peu de choses. Il choisira donc ses « options » plus en fonction de critères opportunistes, des choix de son groupe de pairs ou de l’image que donne telle ou telle discipline… ou de la pression des parents. Ce n’est donc pas un véritable choix. Je prends le total contrepied de cet argument. La fonction de l’école est de faire connaître à l’enfant des choses nouvelles et de le pousser à les aimer. Pas de confirmer l’enfant dans les goûts que les parents ou la publicité lui imposent. En laissant l’option, on ne fait que confirmer l’enfant dans ses préjugés.

      [Le système actuel est d’une hypocrisie incroyable, on tient le discours que toutes les filières se valent, alors que tout le monde sait le contraire. En L, par exemple, on retrouve quelques très bons élèves… qui très souvent sont des enfants d’immigrés de première génération, qui n’ont pas compris qu’en France, quand le ministère vous dit que votre enfant devrait choisir sa filière selon ses points forts, il ne faut pas le croire.]

      Le système est forcément d’une « hypocrisie incroyable » parce qu’il proclame un objectif d’égalité alors qu’il est construit pour protéger les intérêts des classes moyennes. Pour que l’hypocrisie soit moins visible, on a construit un système ou tout le monde est dans le même labyrinthe, apparemment en situation d’égalité. Mais certains ont les clés pour s’orienter, et d’autres pas.

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [« Si vous ajustez la rémunération, vous ne pouvez l’ajuster qu’à l’état de l’offre, mais les effets de l’ajustement se feront sentir une décennie plus tard… »][(…) S’agissant de la suite de votre remarque, j’avoue humblement ne pas très bien la comprendre.]

      C’est la question du délai en matière de signaux économiques. Imaginez un marché quelconque, disons celui du blé. Le prix vous donne un signal économique : s’il monte, cela veut dire que l’offre est inférieure à la demande, s’il baisse, que l’offre croit plus vite que la demande. Ce signal sert de guide aux producteurs de blé : si les prix sont hauts, on ensemencera plus – y compris les parcelles les moins productives – alors que si les prix sont faibles, on sèmera moins, et on laissera en jachère les parcelles moins fertiles.

      Seulement voilà : entre la réception du signal et le moment ou les effets se feront sentir, il se passera un an. Imaginez que tout le monde obéisse au signal : si les prix sont hauts l’année N, tout le monde ensemencera chaque parcelle disponible, il y aura donc surproduction et en année N+1 faisant baisser les prix. Du coup, on aura ensemencé des parcelles dont le coût de production est supérieur au prix du marché…

      Il est donc très difficile de réguler lorsqu’il y a un délai long entre le moment où les acteurs font leurs choix en fonction d’un signal et le moment ou ces choix ont un effet sur le signal économique qui sert à la régulation.

      [Je ne vous suis toujours pas très bien. Peut-être devrais-je vous préciser que ma proposition revient, en quelque sorte, à "tuer le marché du travail", c’est-à-dire à faire en sorte que la fixation des rémunérations ne soient plus laissée au marché, mais à l’État ?]

      Vous ne tuez pas le marché. Le marché est toujours là, sauf qu’au lieu de laisser les acteurs trouver par la négociation le prix d’équilibre, vous conférez cette fonction à un « arbitre » (ici l’Etat). C’est la logique du « commissaire-priseur » de Walras.

      ["C’est très loin d’être évident. On peut avoir la vocation et être un mauvais médecin,"][Ce serait totalement illogique. Généralement, on aime faire quelque chose parce qu’on le fait bien, et réciproquement.]

      Ne croyez pas ça. On peut aimer faire quelque chose, et le faire mal. Mon père adorait faire de la menuiserie, mais il n’a jamais produit que des trucs pas bien finis, des tables toujours bancales, des tiroirs qui ne s’ouvraient qu’en priant le saint esprit. Il y a des milliers de peintres du dimanche qui ne font que des croûtes, et qui pourtant adorent ça. Il est évident que lorsqu’on aime faire quelque chose, on est souvent prêt à y consacrer beaucoup de temps et d’efforts, et que cela tend à donner de bons résultats. Mais cela n’a rien de mécanique.

      ["on peut faire ça purement pour l’argent et le statut social, et être un excellent médecin. Et je parle par expérience personnelle."][Vous voulez dire que vous avez été bien soigné par un médecin qui était uniquement intéressé par l’argent et le statut social ? Mais comment donc pouvez-vous être sûr que tel était son cas ?]

      Parce qu’il parle de ses patients comme de ses « clients ». Parce qu’il n’a qu’un sujet de conversation : l’argent. En dehors de cela, je ne lis pas ses pensées. Il ne reste pas moins qu’avec un bistouri à la main, c’est un magicien.
      [Quoi qu’il en soit, à supposer qu’un tel profil existe, je crois que l’on pourrait s’en passer sans dommages, car il serait certainement encore meilleur vendeur de cravates que médecin.]

      Je ne crois pas. Des chirurgiens comme lui, je n’en connais pas beaucoup. Mais le raisonnement que je fais est vrai pour beaucoup de métiers : si mon plombier me fait un bon travail parce qu’il sait que la satisfaction client lui permet de gagner de l’argent plutôt que par vocation, cela m’est parfaitement indifférent.

      [Parce qu’il serait suffisamment indemnisé de ses neuf années d’études, et parce qu’il aurait "la vocation", ou en tout cas, la volonté et la capacité de faire un métier plus intéressant, de son point de vue, que celui d’infirmier ou de femme de ménage.]

      Je ne crois pas, malheureusement, que la « vocation » à elle seule puisse vous fournir suffisamment de médecins. On est donc ramené au besoin de « indemniser suffisamment ».

      ["Mais si. Si vous faites de la « sélection », cela implique nécessairement qu’il y a plus de gens qui veulent aller dans certaines filières que de places disponibles. Et qu’à l’inverse, d’autres filières ont moins de candidats que de places. Il y a donc bien des « bonnes » et des « mauvaises » filières…"][Non, car j’opère la sélection tôt, et de manière autoritaire. Prenons le cas limite des artistes-peintres. Mettons que je m’aperçoive que vingt postes d’artistes-peintres se libèrent chaque année. Eh bien je sélectionne, dès leur plus jeune âge, les vingt les plus doués, qui passeront ensuite le plus clair de leur temps à se perfectionner dans leur art, si bien qu’ils atteindront un niveau inégalable. Personne ne songera, dès lors, à disputer leur place, tout au moins comme artistes d’État.]

      Mais si vous sélectionnez « les vingt plus doués », le vingt-et-unième par ordre de mérite, qui ne pourra pas aller dans la filière de son choix, sera donc placé (du moins de son point de vue) dans la « mauvaise » filière. Vous ne vous en sortez pas : dès lors que vous faites une sélection, le problème se reposera toujours.

    • morel dit :

      Votre débat m’intéresse. Je me suis souvent interrogé sans réponse. Tronc commun ? L’idée du bagage de « l’honnête homme » de notre temps me séduit (une erreur ?) outre le pseudo choix de l’enfant qui résulte de paramètres décrits par Descartes, il est évident qu’on assiste à une sélection par une orientation bien plus insidieuse évoquée par Bolchokek.
      Encore qu’il y a peu d’années, la seconde était « un tronc commun » ensuite la « course vers S » (mais là aussi, les « digues » de niveau requis ont craqué, ceci dit sans vouloir faire de cette voie un absolu ).
      D’un autre côté, le « tronc commun » c’est aussi ce qui est prôné jusqu’en 3e avec le résultat que l’on sait. Et ne croyez pas que je souscrire à une orientation précoce.
      Peut-être aussi qu’il n’y a pas de solution actuellement hors le rétablissement de la valeur des savoirs donc l’autorité des maîtres qui doivent se fixer cette mission laquelle dépend concrètement des directives impulsées par les autorités de tutelle. On en est loin…
      Dans ce contexte, (ce n’est pas la Bible), j’ai, en accord avec les professeurs et en rapport aussi avec mes enfants, assumé inscription aux options facultatives et orientation jusqu’au bac. Les habitudes de travail sont un bagage, particulièrement lorsqu’on n’est pas héritier.
      Réac ? Je m’en fous…

      PS : je sais que vous n’y êtes pour rien mais l’anglicisation de votre héberger m’agace : la date, l’heure, la réponse….

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Votre débat m’intéresse. Je me suis souvent interrogé sans réponse. Tronc commun ? L’idée du bagage de « l’honnête homme » de notre temps me séduit (une erreur ?) outre le pseudo choix de l’enfant qui résulte de paramètres décrits par Descartes, il est évident qu’on assiste à une sélection par une orientation bien plus insidieuse évoquée par Bolchokek.]

      J’insiste, mais c’est un peu mon dada. On fait aujourd’hui une religion du « libre choix de l’enfant ». C’est en fait une fausse bonne idée. On peut choisir valablement lorsqu’on connaît les options. Or, ce qui caractérise l’enfant est précisément qu’il connaît très peu de choses. C’est le rôle de l’adulte de le faire goûter – y compris contre le choix de l’enfant – des choses qu’il ne connaît pas et qui au premier abord peuvent lui déplaire. Si ma mère n’avait eu pour principe « on mange ce que j’ai mis sur la table », je n’aurais certainement pas goûté autant de saveurs différentes. Et bien, pour les connaissances c’est pareil. Toutes les matières peuvent être « intéressantes ». On ne peut donc choisir que lorsqu’on a été initié dans toutes.

      Ce n’est donc pas seulement une question du « bagage de l’honnête home » – quoique – mais surtout de permettre aux jeunes de choisir leur voie d’une manière informée. Je reste toujours un peu effrayé par le nombre de jeunes qui choisissent une voie, puis se découragent, errent de formation en formation… et finissent par trouver leur voie dans un domaine découvert au hasard de rencontres et de stages.

      Quant à la sélection par l’orientation… il y aurait beaucoup à dire. Il est ridicule de « classer » les disciplines. Il n’y a pas de hiérarchie intrinsèque entre les mathématiques et la littérature française. Mais il y a, et c’est regrettable, une hiérarchie dans la manière de les enseigner. Alors que les professeurs de mathématiques ont conscience de transmettre un savoir rigoureux et exigent en conséquence, beaucoup de professeurs de littérature se placent dans une logique de « sensibilité » et sont beaucoup moins exigeants sur la rigueur du raisonnement. Par ce biais, les mathématiques deviennent une discipline « sélective », réservée à l’élite, alors que « tout le monde peut faire de la littérature ».

      [D’un autre côté, le « tronc commun » c’est aussi ce qui est prôné jusqu’en 3e avec le résultat que l’on sait. Et ne croyez pas que je souscrire à une orientation précoce.]

      Comme les experts passent la moitié du temps à vomir le « collège unique » et l’autre moitié à maudire l’orientation précoce, il est assez difficile d’y voir clair. Le collège unique reste pour moi le meilleur modèle… à condition de se donner les moyens. Et je ne parle pas que des moyens matériels : le but du collège unique est de « tirer vers le haut » ceux qui dans un système de sélection précoce n’iraient pas loin dans l’aventure de la connaissance. Or, c’est exactement l’inverse qu’on fait : on baisse le niveau pour que personne ne se sente « découragé ».

      [Peut-être aussi qu’il n’y a pas de solution actuellement hors le rétablissement de la valeur des savoirs donc l’autorité des maîtres qui doivent se fixer cette mission laquelle dépend concrètement des directives impulsées par les autorités de tutelle. On en est loin…]

      Oui, malheureusement. Ni le surmoi des enseignants, ni celui de l’institution ne sont aujourd’hui suffisants pour atteindre cet objectif.

      [PS : je sais que vous n’y êtes pour rien mais l’anglicisation de votre héberger m’agace : la date, l’heure, la réponse….]

      J’enrage aussi… mais je n’y puis rien.

    • dsk dit :

      @ Descartes

      ["Vous ne tuez pas le marché. Le marché est toujours là, sauf qu’au lieu de laisser les acteurs trouver par la négociation le prix d’équilibre, vous conférez cette fonction à un « arbitre » (ici l’Etat). C’est la logique du « commissaire-priseur » de Walras."]

      Ce que j’imagine, ce n’est pas un État "commissaire priseur" qui se bornerait à centraliser les offres et les demandes de carrières. Ce que je verrais – mais je vous accorde que ce serait sans doute plus délicat à mettre au point – ce serait une fixation des rémunérations en fonction de critères rationnels, objectifs, et indépendants des perceptions aléatoires des acteurs. Autrement dit, il faudrait parvenir à déterminer le salaire de base avec ses multiples applicables à telle ou telle profession, et ce une fois pour toutes, dans une logique de justice, et non de marché. Mais que se passerait-il, me direz-vous, si une telle méthode ne permettait pas d’obtenir le nombre requis d’étudiants capables et désireux d’exercer une profession donnée ? Eh bien, j’irais chercher tout simplement de façon autoritaire les étudiants manquants, parmi ceux, bien entendu, qui me paraîtraient correspondre aux exigences de cette profession. Un tel autoritarisme ne serait pas bien "méchant", puisque je vous rappelle qu’il ne ferait qu’orienter les étudiants vers une profession dont le rapport coût/avantages serait supposé strictement égal à celui de toutes les autres. Ceci n’empêche qu’en cas de déficit durable de candidatures dans une filière, tout autant que d’excédent d’ailleurs, il conviendrait, bien entendu, de se demander dans quelle mesure cela ne pourrait pas provenir d’une éventuelle erreur dans le calcul initial de la rémunération.

      ["On peut aimer faire quelque chose, et le faire mal. Mon père adorait faire de la menuiserie, mais il n’a jamais produit que des trucs pas bien finis, des tables toujours bancales, des tiroirs qui ne s’ouvraient qu’en priant le saint esprit. Il y a des milliers de peintres du dimanche qui ne font que des croûtes, et qui pourtant adorent ça."]

      Attention. Remarquez bien que ces gens ne conçoivent pas ces activités comme un véritable travail, mais comme un loisir. "Aimer son travail", cela ne va pas jusqu’à l’aborder comme un pur moyen de repos et de détente. C’est d’ailleurs ce qui fait que, mise à part leur absence de talent, leur production ne saurait être que médiocre. Menuisier ou artiste-peintre, ce sont de véritables métiers, avec leur part de stress et d’efforts, dont vos amateurs du dimanche ne voudraient sans doute à aucun prix.

      ["Parce qu’il parle de ses patients comme de ses « clients ». Parce qu’il n’a qu’un sujet de conversation : l’argent. En dehors de cela, je ne lis pas ses pensées. Il ne reste pas moins qu’avec un bistouri à la main, c’est un magicien."]

      Peut-être vous méprenez-vous sur le compte de ce chirurgien. Les gens passionnés par leur métier ont souvent une conversation très pauvre, car rien d’autre ne les intéresse, et qu’ils peuvent difficilement partager leur passion avec un profane. Toujours-est-il que le cas des chirurgiens n’est pas un problème, car on fait difficilement mieux en termes de longueur de formation, de stress et de responsabilités. Je les placerais donc sans aucune difficulté au sommet de la hiérarchie des revenus, si bien que cette profession continuerait à attirer tout autant ceux qui, le cas échéant, tel le vôtre, auraient pour motivation première l’argent, mais seraient prêts, en contrepartie, à assumer cette lourde charge. J’ajouterais, par ailleurs, que s’il est bien, de toute façon, une profession qui ne me semble pas "voler" son haut niveau actuel de revenus, c’est celle de chirurgien.

      ["Mais le raisonnement que je fais est vrai pour beaucoup de métiers : si mon plombier me fait un bon travail parce qu’il sait que la satisfaction client lui permet de gagner de l’argent plutôt que par vocation, cela m’est parfaitement indifférent."]

      Moi aussi. Mais croyez-moi, un bon garagiste, un bon électricien, un bon maçon etc. cela compte tout autant. Si, à force de trop la rémunérer, vous attirez tous les bons travailleurs manuels vers la profession de plombier, vous n’aurez plus que des mauvais chez les autres. C’est pourquoi, là aussi, il est important que tous ces métiers soient équivalents en termes de comparaison coût/avantages.

      ["Mais si vous sélectionnez « les vingt plus doués », le vingt-et-unième par ordre de mérite, qui ne pourra pas aller dans la filière de son choix, sera donc placé (du moins de son point de vue) dans la « mauvaise » filière. Vous ne vous en sortez pas : dès lors que vous faites une sélection, le problème se reposera toujours."]

      Je ne prétends pas non plus vous fournir ici les clés du paradis sur terre. Il y aurait effectivement toujours, comme aujourd’hui du reste, des personnes dont la vocation serait contrariée, faute d’un nombre de postes suffisant. Mais ces personnes trouveraient toutefois à s’employer ailleurs avec un minimum de dommages. Si vous avez une meilleure solution, je suis preneur.

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [Ce que j’imagine, ce n’est pas un État "commissaire priseur" qui se bornerait à centraliser les offres et les demandes de carrières. Ce que je verrais – mais je vous accorde que ce serait sans doute plus délicat à mettre au point – ce serait une fixation des rémunérations en fonction de critères rationnels, objectifs, et indépendants des perceptions aléatoires des acteurs. Autrement dit, il faudrait parvenir à déterminer le salaire de base avec ses multiples applicables à telle ou telle profession, et ce une fois pour toutes, dans une logique de justice, et non de marché.]

      Mais c’est quoi, une « juste » rémunération ? Quel est le critère de « justice » pour compenser tel travail plutôt que tel autre ? Faut-il prendre le critère de l’utilité sociale ? Et dans ce cas, qui mesure cette utilité et comment ? Faut-il prendre – comme le proposait Marx – le temps de travail, et rémunérer l’heure de l’ouvrier au même tarif que l’heure du chirurgien ? Vous n’aurez pas beaucoup de chirurgiens pour travailler à ce tarif…

      Je crains que l’idée même de « justice » en matière de rémunération n’ait pas de sens. Parler d’une « juste » rémunération, c’est comme parler d’un « juste prix » pour la baguette de pain, le litre d’essence ou l’entrée au concert de Johnny Holliday. Soit je fixe ces prix administrativement, au risque de manquer de pain ou d’essence si je les fixe en dessous du prix d’équilibre du marché, et de manquer d’acheteurs si je les fixe au dessus, soit je laisse le marché – qui reste, quoi qu’on en dise, le mécanisme de régulation le plus efficace dans les domaines où il peut fonctionner – trouver le prix d’équilibre.

      [Mais que se passerait-il, me direz-vous, si une telle méthode ne permettait pas d’obtenir le nombre requis d’étudiants capables et désireux d’exercer une profession donnée ? Eh bien, j’irais chercher tout simplement de façon autoritaire les étudiants manquants, parmi ceux, bien entendu, qui me paraîtraient correspondre aux exigences de cette profession.]

      Et qui choisirait « parmi les étudiants manquants » ceux qui iraient remplir les places d’éboueur délaissées ? Parce qu’il vous faudra bien une procédure de sélection, et qui dit sélection, dit « bonne » ou « mauvaise » filière.

      [Un tel autoritarisme ne serait pas bien "méchant", puisque je vous rappelle qu’il ne ferait qu’orienter les étudiants vers une profession dont le rapport coût/avantages serait supposé strictement égal à celui de toutes les autres.]

      D’abord, vous postulez ici que le « rapport coût/avantages » est objectif. Ce n’est pas le cas : chaque sujet met dans les « coûts » et les « avantages » de chaque métier une valeur différente. Il y a des gens pour lesquels travailler en plein air est un « coût », alors que pour d’autres c’est un « avantage ». C’est là le point d’achoppement des systèmes administrés, et la raison pour laquelle la régulation par le marché – je répète, dans les domaines ou le marché peut fonctionner dans des conditions proches d’un marché pur et parfait – reste la plus efficace. Pour qu’un système administré puisse prendre en compte la subjectivité dans les rapports coût/avantage, il lui faut manipuler une telle masse d’information qu’il devient rapidement inefficace.

      Ensuite, cette idée d’égalisation du « rapport coût/avantage » des différents métiers éclaire votre idée d’une « juste rémunération ». Finalement, votre critère de « justice » est l’égalisation de ce rapport. Ce qui repose la question : qui le mesure, et comment…

      ["On peut aimer faire quelque chose, et le faire mal. Mon père adorait faire de la menuiserie, mais il n’a jamais produit que des trucs pas bien finis, des tables toujours bancales, des tiroirs qui ne s’ouvraient qu’en priant le saint esprit. Il y a des milliers de peintres du dimanche qui ne font que des croûtes, et qui pourtant adorent ça."][Attention. Remarquez bien que ces gens ne conçoivent pas ces activités comme un véritable travail, mais comme un loisir.]

      La plupart de ces gens auraient aimé faire de ce loisir leur véritable travail. Seulement, si mon père était devenu menuisier, il n’aurait jamais trouvé preneur pour ses produits. Et pourtant, il y consacrait – après sa retraite – autant d’heures d’effort et de discipline que n’importe quel professionnel… Je persiste : on peut aimer un métier, une activité, une technique et ne pas le dominer. Ma voisine adore chanter, et je suis persuadé qu’elle aurait adoré être chanteuse. Mais voilà, elle n’a ni l’oreille, ni la voix…

      ["Parce qu’il parle de ses patients comme de ses « clients ». Parce qu’il n’a qu’un sujet de conversation : l’argent. En dehors de cela, je ne lis pas ses pensées. Il ne reste pas moins qu’avec un bistouri à la main, c’est un magicien."][Peut-être vous méprenez-vous sur le compte de ce chirurgien. Les gens passionnés par leur métier ont souvent une conversation très pauvre, car rien d’autre ne les intéresse, et qu’ils peuvent difficilement partager leur passion avec un profane.]

      Certes. Mais les gens passionnés par leur métier ont généralement au moins un sujet de conversation, leur métier. La personne dont je vous parle ne parle que d’argent… et pourtant, c’est un médecin, pas un banquier.

      [Toujours-est-il que le cas des chirurgiens n’est pas un problème, car on fait difficilement mieux en termes de longueur de formation, de stress et de responsabilités. Je les placerais donc sans aucune difficulté au sommet de la hiérarchie des revenus,]

      Ah bon ? Expliquez-moi en quoi en termes de « stress et de responsabilités » un chirurgien est plus malheureux qu’un policier, qu’un pompier, qu’un légionnaire ? J’ai l’impression que votre idée de « justice » dans la fixation des revenus est relativement aléatoire…

      [Je ne prétends pas non plus vous fournir ici les clés du paradis sur terre. Il y aurait effectivement toujours, comme aujourd’hui du reste, des personnes dont la vocation serait contrariée, faute d’un nombre de postes suffisant.]

      Ce n’est pas là la question. Votre projet était de supprimer les « bonnes » et « mauvaises » filières par un réalignement des rémunérations. Je vous ai montré pourquoi cela ne marche pas. Je n’ai pas dit qu’un autre système permettrait de le faire. Pour la raison que j’ai expliqué plus haut et qui tient à la subjectivité dans l’évaluation des coûts et des avantages de chaque métier, je vois mal comment on pourrait avoir une régulation administrative de la question. Autant laisser le marché réguler. La seule difficulté, c’est que ce « marché des compétences » doit être très encadré à cause du décalage dans le temps des signaux économiques. C’est le but des « numérus clausus ».

    • bovard dit :

      merci pour cet échange mais la réalité dans notre second cycle de l’EN est à des années lumières de vos légitimes préoccupations mais au diapason de ce que justement vous dénoncez.
      Voici ce que les enseignants syndiqués come moi,au Snes peuvent lire dans le n° de l’US daté du 13/12/2014.
      Cet éditorial est signé par Frédérique Rolet,cosecrétaire générale du SNES qui vient de perdre plus de 15% de ces électeurs.
      Comment peut-on écrire de telles inepties sauf si son esprit n’est pas englué dans une autophobie véritablement ‘débile’? (Je vous prie de m’excuser mais je ne trouve pas d’autres mots..)
      Je cite:'[‘il faut penser et anticiper les évolutions’].Une responsable en chef du syndicat ,âgée de 60 ans peut elle se comporter comme une cartomancienne naïve qui essaie de discerner l’avenir?
      Au lieu d’analyser les raisons de la récente défaite du Snes aux élections du 5/12/2014,le thème de l’avenir putatif est avancé comme un écran de fumée.Trop facile !Lire l’avenir,chiche mais avec quelles boules de cristal,celles de …DSK,(le vrai pas celui du blog),deJ.d’Attali,de NVB au si beau visage de Madone ethérée?
      Evoquer l’avenir a toujours été l’arme des démagogues et le meilleur des faux fuyants,alors comment une responsable expérimentée peut elle écrire de telles balivernes?
      Et que dire de ce qui suit si ce n’est de nouveau que c’est ‘débile’,indigne d’une dirigeante syndicale;[‘..en ayant le souci de l’égalité entre personnels et élèves’],toujours dans le n° de l’US daté du 13/12/2014.
      Cet éditorial signé par Frédérique Rolet,cosecrétaire générale du SNES .
      Pour moi qui lit l’excellent blog descartes,c’est une preuve de la pertinence du constat fait ici,concernant le sabotage au long terme,de l’EN par’ beaucoup de ces responsables en cogestion.
      Une précision,j’ai protesté auprès de qui de droit mais sans l’ombre du début d’une illusion sur le résultat de mes remarques…merci encore à Descartes et aux intervenants pour leur soutien que les enseignants comme moi apprécient d’autant plus qu’ils baignent dans un climat d’hostilité tous azimuts.C’est indescriptibles:administration,collègues,élèves,parents d’élèves,médias,BD,cinéma,syndicats..bref l’air du temps est anti-prof..et pour longtemps.Tant pis pour nous petits profs pris pour des moins que rien…

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Une précision,j’ai protesté auprès de qui de droit mais sans l’ombre du début d’une illusion sur le résultat de mes remarques…merci encore à Descartes et aux intervenants pour leur soutien que les enseignants comme moi apprécient d’autant plus qu’ils baignent dans un climat d’hostilité tous azimuts. C’est indescriptibles: administration, collègues, élèves, parents d’élèves, médias, BD, cinéma, syndicats…bref l’air du temps est anti-prof. et pour longtemps.]

      Je réagis sur ce point. Oui, l’air est « anti-prof » de la même manière qu’il est « anti-flic », « anti-institution », « anti-expert » bref, anti-tout ce qui peut mettre en cause le droit de l’individu omnipotent de faire ce qui lui chante avec la plus parfaite bonne conscience. Dans un contexte où les idées « libérales-libertaires » sont devenues la vulgate officielle – le doctorat honoris causa conféré par l’Université de Paris à Cohn-Bendit est en ce sens révélateur – comment s’étonner que le professeur, le flic, l’expert soient dévalués ?

      Le plus triste dans l’histoire, c’est la démission des enseignants. Contrairement aux flics et aux experts – qui assument leur rôle d’empêcheurs de « jouir sans entraves » en rond et l’impopularité qui va avec – les enseignants, ou du moins une grosse partie d’entre eux, ont cru qu’en se joignant aux barbares ils allaient les civiliser. Qu’en adoptant les idéologies « libérales-libertaire » ils allaient échapper au mépris du « prof ». Ils ont eu tort. En reniant leur investiture ils ont scié la branche sur laquelle ils étaient assis.

      Je suis en tout cas ravi que vous ayez compris que mon propos n’est pas de descendre les enseignants mais de les soutenir. Je continue à penser qu’enseigner est le plus beau métier du monde, et je regretterai toujours que les hasards de la vie m’aient empêché de le faire. Mais qui aime bien châtie bien, comme dit le dicton. Parce que je tiens la profession en haute estime, je pense devoir exiger d’eux plus de clairvoyance que du pékin moyen.

    • dsk dit :

      @ Descartes

      ["Mais c’est quoi, une « juste » rémunération ? Quel est le critère de « justice » pour compenser tel travail plutôt que tel autre ?"]

      Je dirais qu’au bout du compte, c’est celui de l’effort. Si un travail demande deux fois plus d’efforts qu’un autre, il doit être payé deux fois plus cher. J’en tire une seconde conséquence : la rémunération "au mérite" est souhaitable. On pourrait, par exemple, imaginer que l’employeur ait la possibilité de faire varier les rémunérations du simple au double. Pour éviter les abus, il suffirait de considérer qu’en moyenne, les salaires versés devraient se monter à 1,5 fois le salaire minimal. Si tel n’était pas le cas, la différence devrait être versée par l’employeur à l’État.

      ["Faut-il prendre le critère de l’utilité sociale ?"]

      Je ne le crois pas. Car quelle serait l’utilité sociale d’un chirurgien dans un hôpital où le ménage ne serait pas fait, où personne ne ferait les piqûres, où il n’y aurait pas d’eau courante, pas d’électricité etc.  ? L’utilité sociale ne saurait donc, à mon sens, constituer un critère.

      ["Faut-il prendre – comme le proposait Marx – le temps de travail, et rémunérer l’heure de l’ouvrier au même tarif que l’heure du chirurgien ?"]

      Je ne suis pas sûr que Marx ait été jusqu’à soutenir cette thèse. Il me semble d’ailleurs qu’il a abordé à plusieurs reprises, sans la résoudre, la question de l’évaluation du travail dit "complexe".

      ["Je crains que l’idée même de « justice » en matière de rémunération n’ait pas de sens. Parler d’une « juste » rémunération, c’est comme parler d’un « juste prix » pour la baguette de pain, le litre d’essence ou l’entrée au concert de Johnny Holliday."]

      Je ne le crois pas. Comme Marx, je pense que le "juste prix" de la baguette de pain, c’est celui qui correspond strictement à la quantité de travail socialement nécessaire pour la produire. Quant à la "juste rémunération", je dirais qu’elle correspond au degré d’intensité de la force de travail socialement nécessaire à l’exercice d’une profession. Mais alors, me direz-vous, si le marché, à condition d’être "pur et parfait", permet ainsi de dégager le "juste prix", pourquoi donc ne permettrait-il pas également de dégager la "juste rémunération" ? Eh bien la raison en est, à mon sens, que le marché du travail ne saurait être "pur et parfait", car la bourgeoisie, qui seule achète la force de travail, en est également une productrice, au travers de ses enfants. Elle n’aura donc jamais le comportement d’un acteur rationnel du marché à cet égard. Non seulement elle préférera toujours "acheter" ses propres enfants, peu important leurs mérites véritables et leurs compétences intrinsèques, mais elle voudra même les "acheter" le plus cher possible, puisque ce faisant, elle s’achètera en quelque sorte elle-même. Par conséquent, je pense que paradoxalement, seul l’État est en mesure de ramener la neutralité et l’impartialité nécessaires à l’accomplissement de cet idéal d’un marché du travail réellement "pur et parfait".

      ["Soit je fixe ces prix administrativement, au risque de manquer de pain ou d’essence si je les fixe en dessous du prix d’équilibre du marché, et de manquer d’acheteurs si je les fixe au dessus, soit je laisse le marché – qui reste, quoi qu’on en dise, le mécanisme de régulation le plus efficace dans les domaines où il peut fonctionner – trouver le prix d’équilibre."]

      Sauf que chez moi, l’État ne se bornerait pas à fixer le prix des travailleurs. Il en serait également le producteur unique, au travers du système éducatif. Le seul risque, ce serait donc de "manquer d’acheteurs". Mais ce serait tout de même un comble, étant donné l’élévation incomparable de leurs performances qu’apporteraient leur regroupement par niveaux, ainsi que leur spécialisation précoce et assumée.

      ["Et qui choisirait « parmi les étudiants manquants » ceux qui iraient remplir les places d’éboueur délaissées ?"]

      Eh bien justement, quelqu’un. Ce ne serait plus le mécanisme froid, déshumanisé et déresponsabilisant du marché qui serait censé "décider" de ce genre de choses. Incidemment, puisqu’il est question, actuellement, de "service citoyen", pourquoi ne pas demander à chaque citoyen(ne), à tour de rôle, de s’acquitter de cette tâche ?

      ["Parce qu’il vous faudra bien une procédure de sélection, et qui dit sélection, dit « bonne » ou « mauvaise » filière."]

      Pas du tout. Il m’est arrivé de ne pas être sélectionné pour certaines filières, et je m’en félicite tous les jours, car entre-temps, j’ai réalisé qu’elles n’étaient pas bonnes pour moi.

      ["D’abord, vous postulez ici que le « rapport coût/avantages » est objectif. Ce n’est pas le cas : chaque sujet met dans les « coûts » et les « avantages » de chaque métier une valeur différente. Il y a des gens pour lesquels travailler en plein air est un « coût », alors que pour d’autres c’est un « avantage »."]

      Certes. C’est pourquoi j’avais indiqué que mes critères d’évaluation des rémunérations devaient être "indépendants des perceptions aléatoires des acteurs". C’est le rôle de l’orientation de faire en sorte que ne travaillent en plein air, autant que possible, que ceux pour qui il s’agit d’un "avantage". Il faut, en effet, que l’effort fourni par chaque travailleur soit minimal, sans quoi ce serait un gaspillage d’efforts, et donc de rémunération. Il est absurde de payer quelqu’un plus cher, au prétexte qu’on lui imposerait une contrainte, alors qu’un autre aurait pu voir celle-ci comme un "avantage".

      ["C’est là le point d’achoppement des systèmes administrés, et la raison pour laquelle la régulation par le marché – je répète, dans les domaines ou le marché peut fonctionner dans des conditions proches d’un marché pur et parfait – reste la plus efficace."]

      Peut-être. Mais alors, il me semble que si vous étiez cohérent, vous devriez réclamer la complète privatisation du système éducatif. Vous aboutiriez alors probablement à un système proche de celui que je préconise, avec une spécialisation professionnelle précoce et des regroupements par niveaux, le tout dans un pur objectif de formation des futurs travailleurs. Au lieu de quoi, si je comprends bien, vous voulez maintenir un système dont la raison d’être n’est, au bout du compte, que d’apporter les savoirs livresques dont seules vos fameuses "classes moyennes" auront l’occasion de faire usage durant leurs carrières, tandis que les autres, soumis pendant des années à une compétition que pour la plupart, ils n’ont pas les moyens de gagner, échouent à la sortie de votre prétendu "tronc commun" sans aucun bagage dont ils puissent tirer profit. A ce compte là, c’est du reste le meilleur moyen de les détourner à vie du savoir et de la culture.

      ["Ensuite, cette idée d’égalisation du « rapport coût/avantage » des différents métiers éclaire votre idée d’une « juste rémunération ». Finalement, votre critère de « justice » est l’égalisation de ce rapport."]

      Exactement.

      ["Ce qui repose la question : qui le mesure, et comment…"]

      C’est une question difficile. Peut-être, après tout, pourrait-on s’inspirer de votre fameuse technique du "commissaire-priseur" ? Les acteurs étant par ailleurs parfaitement informés des avantages et inconvénients, pour eux, de chaque métier, les enchères partiraient du salaire minimum. Dès que le quota de candidats capables serait atteint, elles s’arrêteraient, en partant du principe que les candidats les moins exigeants seraient justement les meilleurs, car les plus motivés par la profession en elle-même, indépendamment de sa rémunération.

      ["La plupart de ces gens auraient aimé faire de ce loisir leur véritable travail."]

      Évidemment. Qui n’aimerait pas faire de ses loisirs son "véritable travail" ?

      ["Seulement, si mon père était devenu menuisier, il n’aurait jamais trouvé preneur pour ses produits. Et pourtant, il y consacrait – après sa retraite – autant d’heures d’effort et de discipline que n’importe quel professionnel…"]

      Peut-être aurait-il dû suivre des cours de menuiserie ? Et alors, de deux choses l’une : soit il aurait appris les techniques qui lui manquaient pour enfin réaliser du bon travail, soit son professeur, à force de lui mettre des mauvaises notes, aurait fini par le décourager. Comme quoi, décourager un élève peut parfois être salutaire…

      ["Je persiste : on peut aimer un métier, une activité, une technique et ne pas le dominer. Ma voisine adore chanter, et je suis persuadé qu’elle aurait adoré être chanteuse. Mais voilà, elle n’a ni l’oreille, ni la voix…"]

      Vous devriez d’abord la flatter, puis l’encourager hypocritement à se présenter à la "Nouvelle Star". On la verrait ensuite passer dans les "inoubliables", et vous n’auriez plus à subir un tel trouble de voisinage. A moins qu’ensuite, elle ne décide de s’inviter tous les jours chez vous, et de ne plus chanter qu’à votre intention, car vous auriez été le seul à l’apprécier à sa juste valeur. Plus sérieusement, si je dis qu’on aime généralement faire ce que l’on fait bien, c’est notamment parce que les autres, dans ce cas, vous renvoient une image positive de vous-même. A contrario, lorsque l’image qu’ils vous renvoient est négative, cela vous dissuade.

      ["Certes. Mais les gens passionnés par leur métier ont généralement au moins un sujet de conversation, leur métier. La personne dont je vous parle ne parle que d’argent… et pourtant, c’est un médecin, pas un banquier."]

      Seriez-vous capable de soutenir une conversation qui présente un quelconque intérêt pour lui, à propos de la chirurgie ?

      ["Ah bon ? Expliquez-moi en quoi en termes de « stress et de responsabilités » un chirurgien est plus malheureux qu’un policier, qu’un pompier, qu’un légionnaire ?"]

      Il y a, à proprement parler, très peu de responsabilités dans ces métiers, car on y applique essentiellement des ordres et des procédures qui ne dépendent pas de vous. Le chirurgien, en revanche, est constamment seul face à des décisions ou des gestes qui, en cas d’erreur, peuvent avoir les conséquences les plus dramatiques pour ses "clients".

    • Descartes dit :

      @ dsk

      ["Mais c’est quoi, une « juste » rémunération ? Quel est le critère de « justice » pour compenser tel travail plutôt que tel autre ?"][Je dirais qu’au bout du compte, c’est celui de l’effort. Si un travail demande deux fois plus d’efforts qu’un autre, il doit être payé deux fois plus cher.]

      Vous ne faites que reporter le problème. Comment mesurez-vous « l’effort ». L’éboueur qui ramasse vos poubelles chaque matin qu’il neige ou qu’il vente fait-il plus ou moins « d’efforts » qu’un enseignant, un chef d’orchestre, un notaire ?

      ["Faut-il prendre le critère de l’utilité sociale ?"][Je ne le crois pas. Car quelle serait l’utilité sociale d’un chirurgien dans un hôpital où le ménage ne serait pas fait, où personne ne ferait les piqûres, où il n’y aurait pas d’eau courante, pas d’électricité etc. ? L’utilité sociale ne saurait donc, à mon sens, constituer un critère.]

      Je pense que vous ne comprenez pas ce qu’est l’utilité sociale. L’utilité sociale est la valeur apportée à la société par un individu, dans le contexte du fonctionnement de la société en question. L’utilité sociale d’un chirurgien n’est certainement pas la même dans une société sans hopitaux. Mais dans notre société, les hôpitaux existent, on y fait le ménage et on y fait des piqûres. L’utilité sociale du chirurgien se mesure dans ce contexte.

      ["Faut-il prendre – comme le proposait Marx – le temps de travail, et rémunérer l’heure de l’ouvrier au même tarif que l’heure du chirurgien ?"][Je ne suis pas sûr que Marx ait été jusqu’à soutenir cette thèse. Il me semble d’ailleurs qu’il a abordé à plusieurs reprises, sans la résoudre, la question de l’évaluation du travail dit "complexe".]

      Marx a bien rejeté l’exploitation, définie comme la captation de la plusvalue. Il s’ensuit que la rémunération « juste » était pour lui celle qui correspondait à la valeur produite. Or, la valeur contenue dans un bien est le « temps socialement nécessaire » pour le produire. C’est donc bien le temps de travail qui doit servir de critère pour fixer la rémunération.

      [Sauf que chez moi, l’État ne se bornerait pas à fixer le prix des travailleurs. Il en serait également le producteur unique, au travers du système éducatif.]

      Oui, mais un « producteur » qui n’aurait pas le choix des quantités produites…

      [Le seul risque, ce serait donc de "manquer d’acheteurs". Mais ce serait tout de même un comble, étant donné l’élévation incomparable de leurs performances qu’apporteraient leur regroupement par niveaux, ainsi que leur spécialisation précoce et assumée.]

      Au contraire : plus le travailleur est performant, moins vous en avez besoin…

      ["Et qui choisirait « parmi les étudiants manquants » ceux qui iraient remplir les places d’éboueur délaissées ?"][Eh bien justement, quelqu’un. Ce ne serait plus le mécanisme froid, déshumanisé et déresponsabilisant du marché qui serait censé "décider" de ce genre de choses. Incidemment, puisqu’il est question, actuellement, de "service citoyen", pourquoi ne pas demander à chaque citoyen(ne), à tour de rôle, de s’acquitter de cette tâche ?]

      Mais sur quel critère ?

      ["Parce qu’il vous faudra bien une procédure de sélection, et qui dit sélection, dit « bonne » ou « mauvaise » filière."][Pas du tout. Il m’est arrivé de ne pas être sélectionné pour certaines filières, et je m’en félicite tous les jours, car entre-temps, j’ai réalisé qu’elles n’étaient pas bonnes pour moi.]

      Elles n’étaient pas assez mures, peut-être ?

      ["C’est là le point d’achoppement des systèmes administrés, et la raison pour laquelle la régulation par le marché – je répète, dans les domaines ou le marché peut fonctionner dans des conditions proches d’un marché pur et parfait – reste la plus efficace."][Peut-être. Mais alors, il me semble que si vous étiez cohérent, vous devriez réclamer la complète privatisation du système éducatif.]

      Non, puisque précisément l’éducation est l’un des domaines ou le marché « pur et parfait » est très éloigné de la réalité. Pensez à l’asymétrie d’information entre l’enfant des couches populaires et celui des classes moyennes…

      [Vous aboutiriez alors probablement à un système proche de celui que je préconise, avec une spécialisation professionnelle précoce et des regroupements par niveaux, le tout dans un pur objectif de formation des futurs travailleurs.]

      Je ne le crois pas. Je pense qu’on aboutirait à un système comme vous le décrivez, mais ou le choix entre ceux qui se « spécialiseront précocément » et les autres sera déterminé par l’argent.

      [Au lieu de quoi, si je comprends bien, vous voulez maintenir un système dont la raison d’être n’est, au bout du compte, que d’apporter les savoirs livresques dont seules vos fameuses "classes moyennes" auront l’occasion de faire usage durant leurs carrières,]

      Certainement pas. Ce que vous appelez avec mépris « savoirs livresques », un citoyen s’en sert tous les jours de sa vie. Mon problème, précisement, c’est que le système n’apporte pas assez de « savoirs livresques »…

      [tandis que les autres, soumis pendant des années à une compétition que pour la plupart, ils n’ont pas les moyens de gagner,]

      Mais que faites vous de ceux qui, sans être « la plupart », ont les moyens ? N’ont-ils pas, eux aussi, le droit de sortir de leur condition ?

      [échouent à la sortie de votre prétendu "tronc commun" sans aucun bagage dont ils puissent tirer profit. A ce compte là, c’est du reste le meilleur moyen de les détourner à vie du savoir et de la culture.]

      J’avoue que j’ai du mal à comprendre cette vision binaire. Une chose est d’échouer au tronc commun, une autre de dire que le tronc commun ne leur a rien appris.

      ["Ce qui repose la question : qui le mesure, et comment…"][C’est une question difficile. Peut-être, après tout, pourrait-on s’inspirer de votre fameuse technique du "commissaire-priseur" ? Les acteurs étant par ailleurs parfaitement informés des avantages et inconvénients, pour eux, de chaque métier,]

      Mais comment pourraient-ils l’être ? Comment connaître aujourd’hui les « avantages et inconvénients » d’un métier qu’on exercera dans dix, vingt, trente, quarante ans ?

      ["Seulement, si mon père était devenu menuisier, il n’aurait jamais trouvé preneur pour ses produits. Et pourtant, il y consacrait – après sa retraite – autant d’heures d’effort et de discipline que n’importe quel professionnel…"][Peut-être aurait-il dû suivre des cours de menuiserie ? Et alors, de deux choses l’une : soit il aurait appris les techniques qui lui manquaient pour enfin réaliser du bon travail, soit son professeur, à force de lui mettre des mauvaises notes, aurait fini par le décourager. Comme quoi, décourager un élève peut parfois être salutaire…]

      Certainement. Mais vous m’accordez donc le point : ce n’est pas parce qu’on aime un métier qu’on le fait bien, ce n’est pas parce qu’on ne l’aime pas qu’on le fait mal.

      ["Certes. Mais les gens passionnés par leur métier ont généralement au moins un sujet de conversation, leur métier. La personne dont je vous parle ne parle que d’argent… et pourtant, c’est un médecin, pas un banquier."][Seriez-vous capable de soutenir une conversation qui présente un quelconque intérêt pour lui, à propos de la chirurgie ?]

      Certainement. J’ai une très bonne oreille, et une grande patience…

      ["Ah bon ? Expliquez-moi en quoi en termes de « stress et de responsabilités » un chirurgien est plus malheureux qu’un policier, qu’un pompier, qu’un légionnaire ?"][Il y a, à proprement parler, très peu de responsabilités dans ces métiers, car on y applique essentiellement des ordres et des procédures qui ne dépendent pas de vous.]

      Je ne sais pas si vous connaissez le métier de chirurgien, mais vous ne connaissez certainement pas celui d’un policier ou d’un militaire. Si dans une situation réelle ces gens se contentaient d’appliquer des ordres et des procédures…

      [Le chirurgien, en revanche, est constamment seul face à des décisions ou des gestes qui, en cas d’erreur, peuvent avoir les conséquences les plus dramatiques pour ses "clients".]

      Le policier, aussi.

  7. Jean-François dit :

    Râté 🙂

    http://odysseus.culture.gr/h/3/eh351.jsp?obj_id=2402

    Je rebondis sur ce passage :

    "Si l’on veut obtenir de quelqu’un qu’il change son comportement, il faut que ce changement présente pour lui un intérêt. En d’autres termes, qu’un non-changement soit sanctionné et un changement soit récompensé."

    Il me semble qu’il existe d’autres moyens que la récompense et la punition. Personnellement, je me suis intéressé aux maths parce que j’ai trouvé la résolution d’équations amusante. Auparavant j’avais de très mauvaises notes et je m’étais persuadé que je faisais partie des "nuls en maths". Je me suis intéressé à la littérature parce que je me suis mis à écrire des poèmes quand les filles me faisaient souffrir. Je me suis intéressé à l’histoire parce que ma mère m’a dit que le meilleur moyen d’aider les clochards est de s’intéresser à la politique et que la politique est liée à l’histoire. Et je ne crois pas du tout être une exception.

    • Descartes dit :

      @ Jean-François

      [Râté 🙂 http://odysseus.culture.gr/h/3/eh351.jsp?obj_id=2402%5D

      Eh non… même s’il existait quelque part dans le monde un « agora » qu’on appelle « romain » (ce qui est le cas à athènes, ou l’on appelle « agora romaine » un agora construit pendant l’occupation romaine… mais qui est bien un agora grec), la formule utilisé par Acadomia serait fausse. La publicité dit qu’Alice étudie « l’agora romain ». Elle fait donc référence à « l’agora » comme institution, et non à un agora particulier. Et en tant qu’institution, l’agora n’est pas romaine, mais grecque.CQFD 😉

      ["Si l’on veut obtenir de quelqu’un qu’il change son comportement, il faut que ce changement présente pour lui un intérêt. En d’autres termes, qu’un non-changement soit sanctionné et un changement soit récompensé."][Il me semble qu’il existe d’autres moyens que la récompense et la punition. Personnellement, je me suis intéressé aux maths parce que j’ai trouvé la résolution d’équations amusante.]

      Sans doute. Mais le problème en discussion n’est pas de savoir si quelqu’un peut changer de comportement spontanément et faire quelque chose parce que cela l’amuse. C’est de savoir quels sont les outils qu’une institution comme l’école peut utiliser pour changer un comportement dans un sens donné. La société ne peut pas se contenter d’espérer que les enfants trouveront « amusantes » les choses qu’elle estime devoir leur transmettre. Cela ne veut pas dire que je néglige le plaisir comme élément pédagogique. Au contraire, je pense qu’on peut trouver « amusante » pratiquement toute connaissance humaine. Mais pour cela, il faut avoir acquis certaines disciplines, avoir accumulé un certain capital qui permet de manipuler les nouvelles connaissances avec une certaine aisance. C’est pour pousser les gens à acquérir ce bagage minimal que la question des carottes et des bâtons se pose…

      [Auparavant j’avais de très mauvaises notes et je m’étais persuadé que je faisais partie des "nuls en maths". Je me suis intéressé à la littérature parce que je me suis mis à écrire des poèmes quand les filles me faisaient souffrir. Je me suis intéressé à l’histoire parce que ma mère m’a dit que le meilleur moyen d’aider les clochards est de s’intéresser à la politique et que la politique est liée à l’histoire. Et je ne crois pas du tout être une exception.]

      Exception non… mais il faudrait que vous reveniez aux souvenirs de l’âge ou vous avez acquis les disciplines et les fondements… mon cas est un peu comme le votre, mais je me souviens clairement du « surmoi » scolaire que mes parents m’ont injecté.

    • Anne Iversaire dit :

      @ Jean-François

      [Il me semble qu’il existe d’autres moyens que la récompense et la punition.]

      Il ne faut pas caricaturer les sens de ces mots. On sait aujourd’hui que le comportement humain obéit à des "lois".
      Et récompense et punition ne doivent pas seulement être comprises comme "administrées par autrui" ; ainsi, vous avez vous-même été "récompensé" de votre intérêt pour les maths parce que la résolution d’équations vous a paru "amusante". Vous vous êtes en quelque sorte auto-administré une récompense, une satisfaction.

    • Descartes dit :

      @ Anne Iversaire

      [Et récompense et punition ne doivent pas seulement être comprises comme "administrées par autrui" ; ainsi, vous avez vous-même été "récompensé" de votre intérêt pour les maths parce que la résolution d’équations vous a paru "amusante". Vous vous êtes en quelque sorte auto-administré une récompense, une satisfaction.]

      Justement pas. La « récompense » comme la « punition » doivent bien être entendus comme ayant été administrées par autrui.

      Le problème est simple : une société a besoin que ses membres partagent un bagage minimal de connaissances, de compétences, de valeurs. Tout cela implique une transmission. Mais une société ne peut pas compter sur les « satisfactions » comme unique moteur pour ces apprentissages. D’abord, parce que certaines connaissances sont indispensables, que cela nous plaise ou pas. On ne peut se contenter de dire « ah bon, cet enfant ne retire aucun plaisir de lire et d’écrire ? pas grave, il n’a qu’à rester analphabète ». En d’autres termes, il faut pousser à apprendre certaines choses même ceux qui ne retirent aucun plaisir. Et cela implique donc que la société dispose d’une gradation de sanctions et de récompenses pour obtenir ce résultat.

      Mais on ne peut compter sur le plaisir comme seul moteur parce que le plaisir vient avec le temps. On a « plaisir » a faire du skateboard ou des mathématiques lorsqu’on a atteint un certain niveau de maîtrise de la chose. Mais pour arriver à ce niveau, c’est souvent aride et pénible. Nous n’y arriverions jamais si nous n’étions pas encouragés ou poussés à le faire par une exigence sociale ou institutionnelle. Là aussi, les carottes et les bâtons sont indispensables.

    • bovard dit :

      La première remarque immédiate,est qu’en France à cause du numérus clausus ,de la baisse des crédits universitaires;le système préfère recruter des médecins formés à l’étranger,que de former suffisamment de médecins en France.La deuxième remarque qui me vient à l’esprit en lisant l’échange Dsk et Descartes ,concerne la pratique en cours dans les pays collectivistes.
      Là,les rémunérations des médecins pouvaient être inférieures à celles d’un métallurgiste ou d’un militaire.En plus des avantages en prestige ou places dans la hiérarchie pouvaient être attribués en fonction de la docilité sociale.
      A Cuba,c’est le cas aussi au détail supplémentaire que les personnels médicaux sont utilisés sous forme de troc :médecine cubaine contre pétrole vénuezellien ou diplomatique dans le cas de la lutte contre la propagation du virus d’Ebolla.
      En France,la rémunération d’un enseignant du secondaire est inférieure à celle d’un gendarme ou d’un CRS.
      En Allemagne ,les métallurgistes ont ,dans l’industrie automobile au moins des salaires convenables;les enseignants aussi.Il n’y a pas de crises de vocations dans ces deux domaines en Allemagne.
      Car la question du salaire compte effectivement dans nos sociétés actuelles.Dsk et Descartes en tiennent compte ce qui rend cet échange intéressant car il ne situe pas ‘hors sol’ dans un improbable ailleurs utopique.

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [La première remarque immédiate, est qu’en France à cause du numérus clausus, de la baisse des crédits universitaires; le système préfère recruter des médecins formés à l’étranger, que de former suffisamment de médecins en France.]

      C’est beaucoup plus compliqué que ça. Les « numerus clausus » sont imposés en général pour réguler les professions, et éviter que les rémunérations soient livrées à la loi du marché. En effet, qui s’engagera dans des études longues, difficiles et coûteuses si en bout de chaîne on n’est pas assuré d’avoir un emploi et une rémunération décente ? Lorsqu’on fait un BEP, on peut choisir en fonction du marché de l’emploi en projetant raisonnablement sur la durée des études. Mais qui sait ce que sera l’équilibre offre/demande de médecins dans neuf ou dix ans ?

      Le numerus clausus a donc pour but de maintenir la rémunération des médecins en régulant l’offre sur le marché. Mais du côté des cliniques et de la sécurité sociale, les intérêts ne sont pas tout à fait les mêmes : en tant qu’employeurs, ils ont tout intérêt à une augmentation de l’offre de main d’œuvre pour faire baisser les rémunérations. Et il utilise la même méthode que le patronat dans les années 1960 : importer de la main d’œuvre, dans ce cas, des médecins.

      [Là, les rémunérations des médecins pouvaient être inférieures à celles d’un métallurgiste ou d’un militaire. En plus des avantages en prestige ou places dans la hiérarchie pouvaient être attribués en fonction de la docilité sociale.]

      Il faut pas exagérer. La pyramide des rémunérations était certainement plus plate que dans les pays occidentaux, avec des rémunérations des « professions » qui n’étaient pas très supérieures à celles des travailleurs manuels. Mais il ne reste pas moins qu’il y avait une hiérarchie des salaires en pratique très liée au « mérite » académique. Ainsi, les chercheurs scientifiques étaient relativement bien payés, et cela même lorsqu’ils ne faisaient pas preuve d’une quelconque « docilité sociale ». Sakharov avait beau être un dissident, je ne me souviens pas qu’il ait vécu dans un bidonville.

      A cela s’ajoute une reconnaissance sociale beaucoup plus nette que dans notre occident marchand, ou l’argent devient la seule mesure du succès. Dans les pays du « socialisme réel », les professions bénéficiaient d’une véritable reconnaissance sociale. Si vous appreniez que celui qui vous suit dans la queue aux caisses du supermarché est membre de l’Académie des sciences, lui céderiez-vous la place ?

      [A Cuba, c’est le cas aussi au détail supplémentaire que les personnels médicaux sont utilisés sous forme de troc : médecine cubaine contre pétrole vénézuélien ou diplomatique dans le cas de la lutte contre la propagation du virus d’Ebolla.]

      L’assistance technique est utilisée par tous les pays comme instrument politique. Quelle est la différence entre un coopérant français envoyé au Gabon et un médecin cubain envoyé au Vénézuela ?

      [En France,la rémunération d’un enseignant du secondaire est inférieure à celle d’un gendarme ou d’un CRS.]

      Je crois savoir qu’ils n’ont pas tout à fait les mêmes sujétions, ni les mêmes risques professionnels. Mais j’aimerais savoir d’où tirez vous cette information. Si je regarde les grilles, le gendarme de base va de l’indice 306 au 479 de la fonction publique (soit de 1400 à 2200 € par mois). Un professeur certifié va de l’indice 349 au 658 (soit de 1615 à 3046 € par mois). J’ajoute que si l’on calcule les traitements horaires en prenant compte les obligations de présence et les vacances des enseignants, le fossé est encore plus profond. Alors arrêtons le misérabilisme. Les enseignants sont peut-être mal payés par rapport aux postes ayant une formation équivalente dans le privé, mais c’est le cas dans l’ensemble de la fonction publique. Et les policiers et gendarmes restent moins bien payés que les enseignants.

      [En Allemagne, les métallurgistes ont, dans l’industrie automobile au moins des salaires convenables, les enseignants aussi. Il n’y a pas de crises de vocations dans ces deux domaines en Allemagne.]

      Pour ce qui concerne les métallurgistes de l’industrie automobile, je ne crois pas qu’il y ait une véritable crise des vocations en France. Ce serait plutôt le contraire : pour chaque poste vacant, il y a des centaines de candidats.

      Je crois me souvenir, mais vous pourriez me le confirmer, qu’en Allemagne les enseignants ne sont pas protégés par un statut leur garantissant la sécurité de l’emploi. Pour que la comparaison soit juste, il faudrait peut-être rajouter à la rémunération des enseignants français une estimation monétaire de cet avantage. Personnellement, si les profs français sont prêts à faire les mêmes heures de cours que les allemands (+10%) et renoncer à la sécurité de l’emploi en échange des salaires allemands, moi je dis banco.

    • bovard dit :

      Voici la réponse que la direction du Snes m’a mailé suite à ma ptrotestation contre l’édito de Rollet qui exprimé’l’égalité entre les personnels et les enfants’.
      ‘Malheureusement, il y a dans l’édito de Frédérique une coquille, car il s’agit de l’égalité entre les personnels et entre les élèves. On sait aujourd’hui que notre système ne parvient pas à réduire les inégalités sociales devant l’accès aux savoirs et à une qualification. Le SNES-FSU a toujours réfléchi aux évolutions possibles du second degré avec un double souci : celui de la défense individuelle et collective des personnels en assurant leur égalité en terme de nominations, promotions, conditions de travail, salaires… et celui de l’égalité des jeunes devant l’Ecole’…

      dont acte,c’était une coquille mais le malaise persiste quant à l’ambiguïté de la cogestion d’une EN où les enseignants souffrent trop…Bonnes fêtes de fin d’année à tous et particulièrement à Descartes qui a fait preuve d’une indéniable uevre d’utilité publique avec ce blog.Bravo!

  8. Bruno dit :

    "Notre société voue aux gémonies le travail, l’effort, le dépassement de soi. Elle porte au pinacle au contraire le loisir, le ludique, la satisfaction – et même la fierté – d’être ce qu’on est et de le rester. Elle adore la « créativité » et méprise la transmission."

    Je suis d’accord avec vous sur ce point Descartes. Cela étant dit, sans vouloir donner des excuses aux "jeunes", il m’apparait aujourd’hui comme très difficile pour eux de se mettre au travail. Oui cela demande, comme vous le rappelez, une ascèse, une discipline, une concentration et un effort soutenu. Or, tout dans notre société contemporaine, tout, est fait pour le loisir et le ludique, tout, est fait pour distraire les plus jeunes.

    J’avais cette discussion pas plus tard qu’il y a une semaine avec mon père, âgé de près de 60 ans, qui ne voyait pas comment un adolescent d’aujourd’hui pouvait se concentrer et travailler avec toutes les distractions auquel il était "soumis" ou plutôt potentiellement sujet. Les écrans, internet, cette tendance à l’instentanéisation (désolé pour ce possible barbarisme) de tout et à la sollicitation permanente (sms, écrans, sms, écrans…) ne pouvait que nuire voire rendre un impossible l’effort, pour un jeune non-encadré de très près.

    A cela, il m’opposait sa jeunesse, dans la campagne Française des années 50/60, dans une petite ville, où, sans internet, télévision, écrans et autres, ses seuls loisirs étaient les livres, qui occupaient ses journées d’hiver ou de vacances, et, la pêche et le sport en général. Le travail, alors, n’était pas pour lui un corvée mais bien un plaisir, il apprenait et apprécier d’élargir le champ de ses connaissances. Issu d’une famille populaire, l’école rimait pour lui avec savoir et il aimait apprendre.
    Son histoire rejoint d’ailleurs un peu votre article en ce que grâce à l’école et à son travail il a pu se distinguer, avoir son bac, aller à l’université, puis trouver un emploi de cadre et réaliser une ascension sociale dans la France des années 70. C’est loin tout ça.

    Dans une moindre mesure, âgé de 24 ans, je suis heureux de ne pas avoir connu l’omniprésence des écrans lors de ma prime jeunesse ou encore du collège. Tout ça empêche de travailler ou dissipe l’attention de façon vraiment problématique. Je ne sais pas où j’irai aujourd’hui si j’avais 7 ans. Je vois tous ces mômes, parfois encore illettré mais déjà accaparés par une tablette, un téléphone ou je ne sais quoi. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose.
    D’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi on insiste tant pour faire "entrer" le numérique à l’école dès le plus jeune âge. Bon je ne suis pas bête et me doute que c’est une histoire de gros sous…. Toutefois en termes d’acquisitions des connaissances, franchement, apprendre sur un écran, écrire avec un claviers… Je ne suis pas pédagogue, certes, mais bon j’ai quand même des doutes. Mon père a appris à l’encre, moi au stylo bille, et nous, enfin surtout lui, on n’écrit pas si mal que ça!

    • Descartes dit :

      @ Bruno

      [Je suis d’accord avec vous sur ce point Descartes. Cela étant dit, sans vouloir donner des excuses aux "jeunes", il m’apparait aujourd’hui comme très difficile pour eux de se mettre au travail. Oui cela demande, comme vous le rappelez, une ascèse, une discipline, une concentration et un effort soutenu. Or, tout dans notre société contemporaine, tout, est fait pour le loisir et le ludique, tout, est fait pour distraire les plus jeunes.]

      Bien entendu, ça n’a jamais été mon propos de rejeter une quelconque « faute » sur les jeunes. Au contraire : parce que je pense qu’il y a un devoir de transmission, j’aurais tendance à rejeter la faute, si faute il y a, sur les générations précédentes, qui ont manqué à leur devoir d’éducation et de transmission. C’est à ces générations – dont la mienne, mea culpa – qu’il incombait de créer les conditions et de fournir les répères.

      [J’avais cette discussion pas plus tard qu’il y a une semaine avec mon père, âgé de près de 60 ans, qui ne voyait pas comment un adolescent d’aujourd’hui pouvait se concentrer et travailler avec toutes les distractions auquel il était "soumis" ou plutôt potentiellement sujet. Les écrans, internet, cette tendance à l’instentanéisation (désolé pour ce possible barbarisme) de tout et à la sollicitation permanente (sms, écrans, sms, écrans…) ne pouvait que nuire voire rendre un impossible l’effort, pour un jeune non-encadré de très près.]

      Certainement. Mais comme disait un personnage de fiction, lorsque la télévision est rentrée chez quelqu’un, c’est qu’elle avait un complice à l’intérieur. Ce ne sont pas des pervers installés à la porte de l’école qui distribuent des portables aux enfants. Ce sont les parents qui leur donnent. Si les enfants restent jusqu’à 23h à regarder des séries et des films où les meurtres et les viols sont monnaie courante, c’est parce que les parents le permettent. Mes parents n’étaient peut-être pas très modernes, mais à la maison on ne regardait la télévision que s’il y avait vraiment quelque chose de spécial à voir, et on allait au lit à 21h (avec le droit de lire jusqu’à 22h).

      [A cela, il m’opposait sa jeunesse, dans la campagne Française des années 50/60, dans une petite ville, où, sans internet, télévision, écrans et autres, ses seuls loisirs étaient les livres, qui occupaient ses journées d’hiver ou de vacances, et, la pêche et le sport en général. Le travail, alors, n’était pas pour lui un corvée mais bien un plaisir, il apprenait et apprécier d’élargir le champ de ses connaissances. Issu d’une famille populaire, l’école rimait pour lui avec savoir et il aimait apprendre. Son histoire rejoint d’ailleurs un peu votre article en ce que grâce à l’école et à son travail il a pu se distinguer, avoir son bac, aller à l’université, puis trouver un emploi de cadre et réaliser une ascension sociale dans la France des années 70. C’est loin tout ça.]

      Oui, très loin. C’est presque incroyable comment en à peine deux générations le rapport au travail, au savoir, au plaisir, aux institutions a changé du tout au tout.

      [Dans une moindre mesure, âgé de 24 ans, je suis heureux de ne pas avoir connu l’omniprésence des écrans lors de ma prime jeunesse ou encore du collège. Tout ça empêche de travailler ou dissipe l’attention de façon vraiment problématique. Je ne sais pas où j’irai aujourd’hui si j’avais 7 ans. Je vois tous ces mômes, parfois encore illettré mais déjà accaparés par une tablette, un téléphone ou je ne sais quoi. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose.]

      Moi non plus. Oui, cela doit être très dur d’être jeune aujourd’hui. J’avais fait un papier avec ce titre même sur ce blog il y a déjà quelque temps, et je ne peux pas dire que j’aie changé d’avis.

      [D’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi on insiste tant pour faire "entrer" le numérique à l’école dès le plus jeune âge. Bon je ne suis pas bête et me doute que c’est une histoire de gros sous….]

      Il n’y a pas que ça. Il y a surtout que l’école a changé de nature. L’école laïque, gratuite et obligatoire apparaît comme un instrument de développement. Au moment où la France commence sa tardive révolution industrielle, il faut donner au pays une main d’œuvre formée, mais aussi des cadres intellectuels, administratifs, scientifiques et techniques. Il y a de la place donc pour la promotion sociale, et l’école est là pour ça. C’est pourquoi cette école fait du savoir un bien social, et organise la promotion autour de la notion de mérite.

      Aujourd’hui, nous vivons au contraire dans une société de stagnation économique et de chômage massif. Il n’y a donc pas d’appel d’air vers le haut. La bourgeoisie et les classes moyennes entendent rester là où elles sont, et cela bloque la voie pour la promotion des couches populaires. L’école n’est donc plus là pour promouvoir au mérite ou transmettre des connaissances qui pourraient permettre aux gens de progresser, mais pour s’assurer que chacun reste à sa place. Lorsque Sarkozy avait déclaré qu’il était inutile de faire lire « la princesse de Clèves » aux futurs rédacteurs de la fonction publique, cela avait provoqué un scandale. Mais en pratique, Sarkozy n’avait fait que dire tout haut ce que les classes moyennes pensent tout bas. Plus la peine de former des « savants », alors que pour tenir une caisse de supermarché – ou pour remplir une fiche à Pole Emploi – des « compétences » sont largement suffisantes.

      L’école devient donc une sorte de lieu de socialisation, où l’essentiel est de garder les enfants pendant que les parents travaillent. Et pour garder les enfants, l’amusement et le caractère hypnotique de l’écran font des merveilles. On s’en sert pour tenir tranquilles les enfants lors des longs voyages en train ou en voiture : un film sur DVD, un jeu sur écran, et le tour est joué. Pourquoi pas à l’école, alors ? Vous remarquerez d’ailleurs qu’on voit fleurir ces gadgets pédagogiques dans les lycées de banlieue, mais pas à Herni IV ou Louis Le Grand. Il semblerait que ce soient les classes les plus cultivées qui se méfient le plus des méthodes pédagogiques les plus modernes… curieux, non ?

      [Toutefois en termes d’acquisitions des connaissances, franchement, apprendre sur un écran, écrire avec un claviers… Je ne suis pas pédagogue, certes, mais bon j’ai quand même des doutes. Mon père a appris à l’encre, moi au stylo bille, et nous, enfin surtout lui, on n’écrit pas si mal que ça!]

      Je partage. J’irais même jusqu’à dire que l’utilisation d’un outil très complexe pour faire une opération très simple ruine d’une certaine manière le contenu qu’on veut transmettre. L’écriture est un miracle précisément parce qu’avec des instruments très simples on peut faire des choses très complexes. Mais l’essence de l’écriture est dans l’acte de tracer les lettres. Pas dans le traitement de texte. D’ailleurs, vous noterez que tous ceux qui écrivent bien à la main arrivent à bien écrire au traitement de texte, alors que l’inverse n’est pas vraie.

      J’avais eu une interrogation similaire au sujet de la règle à calcul. Alors qu’elle a été chassée impitoyablement de l’école comme un objet digne du musée, la règle à calcul reste un instrument pédagogique de premier plan, bien plus que la calculette. D’abord, parce que l’élève qui utilise la calculette n’a pas la moindre idée de comment le calcul est fait dans celle-ci, alors que dans la règle à calcul il s’agit de la simple application de propriétés des fonctions logarithmiques enseignées en cours. Ensuite, parce que la règle donne une vision très graphique de ce qu’est une approximation. Souvent, on voit des élèves utilisant la calculette donner le résultat avec cinq, six, voire neuf chiffres après la virgule, alors qu’une telle précision est tout à fait inutile. Cela n’arrivera jamais à celui qui utilise la règle à calcul, parce que l’inutilité apparaît dans ce cas évidente à partir de la représentation graphique des nombres sur la règle.

      A l’école, l’important ce ne sont pas les outils, mais les concepts. Un enfant qui maîtrise conceptuellement les opérations et les fonctions mathématiques n’aura aucune difficulté à utiliser une calculette, de la même manière qu’un enfant qui maîtrise syntaxe, grammaire et orthographe n’aura la moindre difficulté à se mettre au traitement de texte. C’est là où la dérive des « savoirs » vers les « compétences » se révèle néfaste. Et l’exemple que j’ai cité dans mon papier le montre : la « compétence » de réaliser une mise en scène d’un squelette de chat occulte le savoir qu’on veut – mais le veut-on ? – transmettre, celui de la classification des êtres vivants.

  9. Ribus dit :

    Cette affaire de suppression des notes fait couler beaucoup d’encre et est effectivement un vieux serpent de mer. Tout le monde sait bien que la justification officielle est bidon et je pense qu’ils ne se sont pas beaucoup foulés pour l’inventer persuadés qu’ils étaient qu’elle ne convaincrait personne.

    Il y a forcément une ou des raisons non dites et votre analyse porte là dessus. Je pense que la vraie raison de cette décision est plus vicieuse car Vallaud Belkacem est très vicieuse.

    Cela fait des décennies que des parents en grand nombre soutiennent scolairement leurs enfants, soit en payant des cours, soit en faisant l’école eux-mêmes.

    Dans leur guerre idéologique, les socialistes veulent interdire ces faits de résistance en empêchant aux bons élèves d’avoir de bonnes notes. Comme cela tout le monde est sur un pied d’égalité et il devient inutile de se décarcasser pour obtenir de bons résultats.
    Les critères d’évaluation seront changés et remplacés par des critères d’adhésion au système. Le ministère de l’Education nationale devient le ministère de l’éducation politique.

    Les socialistes français font du socialisme quand ils ont de l’argent à gaspiller ; quand ils sont coincés et en déroute, ils font du communisme.

    • Descartes dit :

      @ Ribus

      [Il y a forcément une ou des raisons non dites et votre analyse porte là dessus. Je pense que la vraie raison de cette décision est plus vicieuse car Vallaud Belkacem est très vicieuse.]

      Je n’aime pas trop ce genre de procès personnel. D’ailleurs, si comme vous le dites vous-même la suppression des notes est « un vieux serpent de mer », alors les raisons de la décision sont bien plus anciennes que la nomination de Vallaud-Belkacem au ministère de l’Education.

      [Cela fait des décennies que des parents en grand nombre soutiennent scolairement leurs enfants, soit en payant des cours, soit en faisant l’école eux-mêmes. Dans leur guerre idéologique, les socialistes veulent interdire ces faits de résistance en empêchant aux bons élèves d’avoir de bonnes notes.]

      « Résistance » ? Allons, soyons sérieux : les parents qui « en grand nombre » soutiennent scolairement leurs enfants appartiennent pour une grande majorité aux couches privilégiées. Ce sont donc eux qui ont le plus à gagner avec la suppression des notes, puisque la sélection par l’argent ou par les « contacts » leur est bien plus favorable que la sélection au mérite. Vous semblez croire que les socialistes seraient, dans cet affaire, prêts à privilégier les couches populaires sur les classes moyennes et supérieures. Je vous rassure tout de suite, ce n’est pas le cas.

      [Les socialistes français font du socialisme quand ils ont de l’argent à gaspiller ; quand ils sont coincés et en déroute, ils font du communisme.]

      Pourquoi tant de gens de droite sont-ils bêtement de droite ?

    • BolchoKek dit :

      >Pourquoi tant de gens de droite sont-ils bêtement de droite ?<
      J’ai remarqué que le mot "communisme" sert d’épouvantail aux gens de droite entre eux, un peu comme "ultralibéralisme" ou autre chose du même genre à gauche.
      A noter que le gouvernement est simultanément accusé des deux selon d’où vient la critique… comme quoi, il n’y a pas que les socialistes qui sont à court d’idées.

  10. BolchoKek dit :

    J’ai moi-même beaucoup souffert des "gadgets" pédagogiques dans le secondaire. Ce sont en fait surtout ces derniers qui m’ont, dans bien des cas, découragé. C’est en fait lié à mon caractère : je déteste mal faire les choses, et je déteste encore plus cela lorsqu’il s’agit de les faire à plusieurs. Car cette histoire de "mettre l’élève

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      Désolé, mais ton message est arrivé incomplet

    • BolchoKek dit :

      Flûte, je vais essayer de reprendre ma pensée…

      […]Car cette histoire de "mettre l’élève au coeur du système" comporte une contradiction : puisque l’élève et non plus la connaissance est au centre du système pédagogique, ça suppose comme tu le dis d’abandonner toute systématique, toute méthodologie de transmission du savoir pour s’adapter aux besoins de l’élève. Or, il semble que cette partie soit complètement remplacée par la conviction doctrinaire (et arbitraire) que tous, absolument tous les élèves sont opprimés par le système du cours classique et que par conséquent, l’apprentissage par des gadgets éducatifs "participatifs" comme ceux de l’extrait du Monde que tu cites aura forcément des meilleurs résultats. C’est assez comique de voir des gens qui critiquent la rigidité du modèle de transmission "à la papa" qui a lui une justification méthodologique, pour ensuite les voir privilégier un modèle particulier de façon totalement arbitraire, avec la certitude que "quand c’est ludique, c’est mieux". En n’imaginant même pas la possibilité, cette fois-ci, que les élèves aient des facilités avec certaines méthodes…
      Je faisais partie de ces élèves qui avaient plus de facilité à assimiler beaucoup de connaissances théoriques. J’aimais lire et qu’on m’explique les choses, et j’ai toujours ressenti comme une frustration tout type d’exercice où l’on doit "construire son savoir".

    • Descartes dit :

      @ BolchoKek

      [Or, il semble que cette partie soit complètement remplacée par la conviction doctrinaire (et arbitraire) que tous, absolument tous les élèves sont opprimés par le système du cours classique et que par conséquent, l’apprentissage par des gadgets éducatifs "participatifs" comme ceux de l’extrait du Monde que tu cites aura forcément des meilleurs résultats.]

      En fait, on est dans la logique post soixante-huitarde qui vomit le travail et l’effort comme catégories formatives au nom d’une logique hédoniste. Le plaisir, c’est « jouir sans entraves ». Sans les entraves d’une systématique, d’une discipline, d’un savoir constitué par d’autres. Cela conduit nécessairement à un élève supposé trouver tout dans lui-même. La pédagogie devient une pure maïeutique. Il s’agit non pas de transmettre le savoir et les disciplines accumulées par l’espèce humaine pendant des siècles, mais de lui permettre d’accoucher le savoir et la discipline qu’il a déjà en lui-même. Le savoir, les systématiques, les disciplines deviennent « immanentes » : un groupe d’élèves munis d’une caméra et d’un squelette de chat arriveront par eux-mêmes – avec un professeur « en retrait » pour les guider – à reconstruire et à comprendre l’idée de classification du vivant.

      [C’est assez comique de voir des gens qui critiquent la rigidité du modèle de transmission "à la papa" qui a lui une justification méthodologique, pour ensuite les voir privilégier un modèle particulier de façon totalement arbitraire, avec la certitude que "quand c’est ludique, c’est mieux". En n’imaginant même pas la possibilité, cette fois-ci, que les élèves aient des facilités avec certaines méthodes…]

      Soyons matérialistes. Lorsque quelqu’un dit « c’est mieux », cela implique en général que c’est mieux du point de vue de ses intérêts. Et il est clair que pour beaucoup d’enseignants, le « gadget » est une solution de facilité : certes, les élèves n’apprennent rien, mais l’enseignant peut « se mettre en retrait » et regarder ses élèves s’amuser sans avoir à imposer une discipline ou à faire l’effort considérable que nécessite la transmission. Le débat méthodologique est souvent un débat faussé, parce que ceux qui résistent certaines méthodologies ou en défendent d’autres ne le font pas nécessairement pour des raisons purement pédagogiques.

      [Je faisais partie de ces élèves qui avaient plus de facilité à assimiler beaucoup de connaissances théoriques. J’aimais lire et qu’on m’explique les choses, et j’ai toujours ressenti comme une frustration tout type d’exercice où l’on doit "construire son savoir".]

      Mon expérience personnelle a été celle d’un système d’enseignement encore très marqué par les méthodes classiques. Je n’ai eu que quelques professeurs « soixante-huitards » (notamment en philosophie, matière maudite…) et j’en garde un souvenir plutôt horrifiant de personnages incapables de garder une posture d’enseignement, se voyant eux-mêmes en « thérapeutes » de leurs élèves.

      Et je dois dire que je garde de cet enseignement « rigide » un excellent souvenir. J’avais des professeurs qui connaissaient bien leur matière et qui, en moyenne, étaient convaincus de l’intérêt de ce qu’ils avaient à transmettre et le faisaient honnêtement. Parmi eux, j’ai eu quelques profs exceptionnels – en mathématiques, en physique, en histoire, en littérature – auxquels je rend hommage chaque jour. Mais l’exceptionnel n’est pas, par définition, donné à tout le monde. Je n’ai jamais ressenti l’exposé du professeur comme une imposition arbitraire ou comme une limitation de ma liberté intellectuelle, et j’ai toujours partagé l’idée que si je n’étais pas d’accord avec le professeur, c’était probablement moi qui n’avait pas compris, et pas lui. Et je continue à me demander comment certains pensent pouvoir bâtir un rapport éducatif qui ne soit pas fondé sur l’idée que le professeur sait, et que l’élève ne sait pas…

  11. morel dit :

    « Cela ne change rien par rapport aux notes sur 20. Dans la ‘débilosphère’ que le l’EN construit… »
    Que Bovard veuille m’excuser, je ne pense pas que cela soit débile au regard de l’idéologie prônée et en rapport avec les mesures prises par les gouvernements successifs.
    La proscription du redoublement évoquée par Pablito Waal est un des éléments qui vient compléter le tableau (on nous dit que ça coûte cher avant d’avancer que ça ne servirait à rien).
    Autre élément important évoqué par Descartes : « l’élève au centre du système éducatif » formule qui me déroutait intuitivement jusqu’à ce que Eurêka ! la transmission du savoir est la raison d’être du système éducatif. Descartes a absolument raison (et quoique que l’on veuille nous faire croire, cela n’a jamais impliqué de traiter l’élève comme un chien).
    Pour clarifier les choses, je n’énonce pas une énième théorie du complot mais, sous couvert d’une idéologie « progressiste », on assiste à un approfondissement des inégalités dues à la naissance et cela n’a rien de « naturel » (c’est, à mon sens, le volet scolaire de ce qui se passe dans d’autres domaines de la société).

    Réponse de Descartes :
    « Vous remarquerez d’ailleurs qu’on voit fleurir ces gadgets pédagogiques dans les lycées de banlieue, mais pas à Henri IV ou Louis Le Grand »

    Tout à fait vrai. Et surtout on y demande (au-delà de ces établissements prestigieux, à juste titre) de la rigueur et du travail faute de quoi, on reste scolairement ce qu’on est. Comment transmettre aussi la satisfaction des parents malgré les âneries débitées par les fédérations de parents d’élèves ?
    Non exclusif, d’autres demandent la même chose, il ne s’agit que de la fédération majoritaire :

    http://www.fcpe.asso.fr/index.php/actualites/item/1300-la-fcpe-demande-une-evaluation-positive-pour-les-eleves

    Conforté par certaines fédérations enseignantes (aussi exemple non exclusif, idem) :

    http://www.snuipp.fr/Depasser-les-notes-pour

    • Descartes dit :

      @ morel

      [La proscription du redoublement évoquée par Pablito Waal est un des éléments qui vient compléter le tableau (on nous dit que ça coûte cher avant d’avancer que ça ne servirait à rien).]

      Le problème du redoublement est que c’est un pis aller. C’est un fait que chaque enfant a son propre rythme de maturation et d’apprentissage. A un âge donné, certains enfants ont déjà développé certains mécanismes de la pensée alors que d’autres n’en disposeront que plus tard. Ce n’est pas seulement une question de stimulation – même si cela a une importance – mais une question d’horloge du développement qui n’est pas le même pour tous. Et d’ailleurs, le fait qu’un enfant soit « en retard » ou « en avance » par rapport à la moyenne ne préjuge pas de ce qu’il sera plus tard : certains retards se rattrapent, certaines avances se perdent.

      Dans un monde idéal donc, chaque enfant apprendrait à son rythme, et les parents ne seraient pas stressés parce qu’à un moment donné il n’est pas au dessus de la moyenne de sa classe d’âge. Mais dans le monde réel, c’est un peu plus compliqué. D’une part, l’éducation nationale est un service de masse. Il est difficile d’assurer un suivi personnalisé lorsqu’il faut faire rentrer dans le système plus d’un demi-million d’élèves chaque année. C’est donc à l’élève de s’insérer dans l’un des niveaux « discrets » définis par l’éducation nationale, et à l’enseignant de moduler son enseignement, dans la mesure du possible, pour tenir compte de l’hétérogénéité de sa classe. La logique voudrait qu’on fasse des « classes de niveau », mais les parents – et surtout les parents des classes moyennes – résistent parce qu’ils vivent le placement de leur enfant dans une classe « faible » pour leur âge à la fois comme un reproche et comme une sanction. Ces parents préfèrent paradoxalement que leur petit chéri aille dans la classe des « forts » où il est perdu, plutôt que dans la classe des « faibles » il aurait appris quelque chose.

      [Pour clarifier les choses, je n’énonce pas une énième théorie du complot mais, sous couvert d’une idéologie « progressiste », on assiste à un approfondissement des inégalités dues à la naissance et cela n’a rien de « naturel » (c’est, à mon sens, le volet scolaire de ce qui se passe dans d’autres domaines de la société).]

      Ce n’est pas un complot, mais le métabolisme naturel du système. Le processus a été décrit parfaitement par la théorie marxienne : parce que les individus d’une même classe partagent un intérêt de classe, ils tendent à agir pour protéger cet intérêt sans pour autant avoir besoin de se concerter. La destruction de l’école comme instrument de promotion social par les classes moyennes ne provient pas d’une décision prise par on ne sait quel « Comité Central des Classes Moyennes » en secret dans un hôtel quelconque. La cohérence de l’action est assurée par la cohérence de l’intérêt qui se trouve derrière. Et pour soutenir socialement cette action, la classe en question produit aussi une idéologie, idéologie qui fait apparaître ses intérêts comme étant « naturels » et coïncidant avec l’intérêt général.

      [Comment transmettre aussi la satisfaction des parents malgré les âneries débitées par les fédérations de parents d’élèves ?]

      La question des parents d’élèves est passionnante. Pendant très longtemps, on a compris que les intérêts des parents ne coïncident pas forcément avec ceux des enfants, et que loin de faire du développement de l’enfant ou de son bonheur leur priorité, les parents poursuivent leurs propres intérêts. La meilleure preuve de cette prise de conscience est que – et cela est vrai partout dans le monde, et non seulement en France – il a fallu rendre l’école obligatoire pour permettre une alphabétisation totale des populations. Si on part du postulat que les parents feront toujours ce qui est meilleur pour l’enfant, quel besoin de les forcer à envoyer l’enfant à l’école ?

      L’école doit – et Ferry déjà l’avait compris – créer avec les parents un rapport de confiance. Mais cette confiance n’implique nullement que l’école fasse ce que les parents veulent. L’école publique – et c’est cela sa supériorité sur l’école privée – n’est pas au service des parents, mais au service de la société toute entière. Et l’intérêt de la société est que les enfants se développent comme travailleurs capables et comme citoyens autonomes, ce qui n’est pas forcément la priorité des parents. On le voit bien sur la question des rythmes scolaires, ou les parents font passer les questions d’organisation domestique – et notamment du départ en week-end ou en vacances – bien avant les arguments pédagogiques.

      La cogestion de l’école avec les parents est un cancer. L’intérêt des institutions comme l’école ou la conscription étaient précisément d’arracher l’enfant au cocon familial pour lui donner l’expérience d’une collectivité dont la logique n’est pas celle du clan. Si les parents font la loi à l’école, si l’école devient une extension de la famille, alors cette expérience est annulée. Et alors, qui fera sortir les enfants des jupes de leurs parents ?

      [Non exclusif, d’autres demandent la même chose, il ne s’agit que de la fédération majoritaire : http://www.fcpe.asso.fr/index.php/actualites/item/1300-la-fcpe-demande-une-evaluation-positive-pour-les-eleves%5D

      Un paragraphe de cette demande a retenu mon attention : « L’Ecole doit se donner pour mission prioritaire de faire acquérir à tous les élèves, en fin de 3e, les compétences et les connaissances issues du socle commun, et pour cela, nul besoin de les mettre en compétition les uns avec les autres. L’évaluation doit permettre à chaque élève d’être valorisé dans ce qu’il sait déjà et d’identifier là où il doit encore progresser ».

      C’est toujours curieux de voir qu’il y a des gens qui croient dans la possibilité d’évaluer sans comparer. Surtout lorsqu’il s’agit des parents, qui sont les premiers à vouloir savoir comment se place leur enfant par rapport à une « normale », ce qui implique de savoir comment il se place par rapport aux autres. Imaginons la scène. M. et Mme X sont devant la maîtresse de leur enfant, qui leur explique que leur enfant domine les compétences A,B,C,D, a des difficultés avec les compétences E,F,G et n’y arrive vraiment pas avec les compétences H,I,J,K. Qu’elle est à votre avis la première question que M. et Mme X poseront ? Elle est évidente : est que mon enfant est dans la moyenne ? Au dessous ? Au dessus ? En d’autres termes, « est ce que mon enfant est normal » ? Et comment réagiront-ils si la réponse était « je ne peux pas vous répondre, puisqu’on ne compare pas les élèves » ?

      Ce que le parent exige de l’école – et tous mes amis qui sont dans la profession le disent, l’un des rares sujets d’unanimité chez les enseignants – c’est qu’elle le rassure sur le fait que son enfant est « normal » voire – pour les parents des classes moyennes pour qui le rendement scolaire est fondamental – meilleur que la moyenne. Ce qui implique une évaluation permettant de comparer les élèves, et à partir de là la compétition est inévitable, puisque l’enfant est poussé à se situer dans la « bonne moyenne » pour faire plaisir à ses parents. Imaginer dans ces conditions qu’on puisse concevoir une véritable évaluation non compétitive est un rêve. Pour en finir avec la « compétition », il faut finir avec l’évaluation elle-même. Par exemple, en la remplaçant par une pseudo-évaluation « positive » style « école des fans ». Jacques Martin aurait-il été un précurseur ?

    • bovard dit :

      @morel
      ‘Débilosphère’ ne s’oppose pas aux propos de Descartes,ni aux vôtres en voici une illustration puis une interprétation.
      Un enseignant de collège de 56 ans se croyait sur de lui et commit une erreur.
      Alors que depuis des années,ses cours se passaient bien,il en vint à ne plus supporter que certains collègues se fassent plus que chahuter(jets de poubelles,renversements de tables,de chaises,hurlements,intrusions,hystéries).
      Il répondit favorablement aux demandes d’une de ces collègues,humiliées,en pleurs à la fin de nombreux cours.
      Il prit l’habitude après chaque cours chahuté de la classe dont il était prof principal,d’informer les parents des élèves odieux.
      Il exerçait pendant des mois,des pressions afin de faire rectifier ces comportements indignes.
      Tous les élèves en question ici sont européens,de cultures judéo-chrétiennes,aux familles de cadres sup.
      Cette précision est importante même si c’est difficile à croire lorsque vous aurez lu les faits..
      Pourquoi ne pas avoir averti l’administration face à ces comportements abusifs,de maltraitance de l’enseignate?
      Cela avait été fait pendant des semaines,sans résultat au contraire ,l’enseignante était culpabilisée.
      Parceque justement à cause de la centration de l’élève ,l’administration n’apporte pas de solutions mais au contraire augmente les problèmes face à ces situations.Ce sont les autres élèves qui en patissent,mais ça c’est pas grave..
      Une des profs ‘bordélisées’ chroniquement étaient non titulaire mais à l’heure de l’enfant’ au centre du système,ç’est fréquent qu’ente cet immatériel et théorique ‘élève au centre,le prof et les autres élèves soient oubliés.Voilà pourquoi le prof de sci-physiques où les cours se passaient bien ,avait décidé d’agir par delà l’administration.
      Au bout de plusieurs mois,le prof principal se mit à subir en représaille,des perturbations venant d’autres élèves. Bruits,cris,déplacement intempestifs.Un jour,pour couvrir les hurlements que sciemment une gamine,(pour se faire remarquer de ses camarades,autrement que par sa petite taille qui l’a complexée),ce prof de 56 ans hurla plus fort ..Un autre jour, il se plaça durant son cours, sur la trajectoire d’un gaillard de 4ième,redoublant,qui se déplaçait en roulant des mécaniques alors que les élèves travaillaient.Plusieurs fois auparavant le prof lui avait dit de ‘s’assoir’.
      Lorsque l’élève arriva sur lui,le prof ne bougea pas.
      Un choc corporel se produisit et le prof,en appuyant sur l’épaule fit asseoir le gamin.
      Ccelui ci hurla qu’il avait été frappé.
      Le prof envoya les délégués chercher le CPE,mais ce fut la principale qui vint.
      Elle dit sur un ton sec au professeur qu’elle mènerait une enquête.Elle ordonna au prof de quitter les lieux car il devait rentrer chez lui..se reposer!!!
      Les parent téléphonèrent en disant que ce prof était dépassé,trop vieux,sans autorité naturelle etc…
      Rien n’advint,aucune sanction contre les perturbateurs si ce n’est que ce prof principal 6 mois après les faits n’a pas repris le boulot.Il avait,avec ses collègues pourtant rédigé de multiples rapports.
      Tous les enseignants même ceux qu’il a aidé, et l’administration font motus et bouche cousue maintenant…L’Omerta..
      Comment interpréter cela?
      Il m’est revenu le vieil adage d’autorité:’Qui protège,oblige.’.
      Or en plaçant l’élève au centre du système,avec ses comportements infantiles,à cause du groupe ,l’autorité de l’enseignant n’existe plus.0 élèves contre un enseignant,le rapport de force c.a.d de conduite du groupe,sont aux mains des élèves.
      Si en Maths,ils protègent le cours à cause du statut social des maths,ils ne protègent plus en arts plastiques..
      C’est ce qui est arrivé à la prof d’arts plastiques,avec la complicité active de part sa passivité de l’administration des parents .
      Avant 68,le professeur avait le rapport de force.Il protégeait les élèves et leur travail contre les perturbations.Il avait l’autorité.Il ne l’a plus.Aucun prof ne peut en aider un autre réellement actuellement.
      C’est ce qui est arrivé au prof principal.Chaque enseignant est seul ,sans solidarité corporatiste,classé en bon ou mauvais prof.
      Restent l’autre mode de ‘gouvernance’:La confiance!
      Elle peut être brisée si par son comportement,hurlement ou geste physique,le prof se dévalorise aux yeux de ces élèves alors qu’il essaie stérilement de récupérer son autorité sabotée.
      Voilà pourquoi le terme de ‘débilosphère’ a été utilisé.
      Le secondaire actuel n’appartient il pas à une débilosphère?

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Pourquoi ne pas avoir averti l’administration face à ces comportements abusifs,de maltraitance de l’enseignante? Cela avait été fait pendant des semaines, sans résultat au contraire, l’enseignante était culpabilisée.]

      Le véritable problème est là. Le professeur seul devant sa classe n’a aucune chance. Si l’école était facultative, la question pourrait se discuter, mais dans le contexte d’une école obligatoire, la légitimité de l’enseignant est conférée par l’institution. Malheureusement, beaucoup d’enseignants croient encore que la légitimité est une question personnelle, ce qui les amène quelquefois à jouer contre l’institution, en se posant en médiateurs entre leurs élèves et l’institution. Et en faisant cela, ils scient sans toujours en être conscients la branche sur laquelle ils sont assis.

      [Tous les enseignants même ceux qu’il a aidé, et l’administration font motus et bouche cousue maintenant… L’Omerta… Comment interpréter cela?]

      L’interprétation me semble assez simple. Les enseignants ont oublié que l’école est une institution. Que leur propre légitimité n’est pas personnelle, mais institutionnelle. Et chacun joue donc un jeu individuel.

      [Avant 68, le professeur avait le rapport de force. Il protégeait les élèves et leur travail contre les perturbations. Il avait l’autorité. Il ne l’a plus. Aucun prof ne peut en aider un autre réellement actuellement.]

      Oui, mais il faut se poser la question de fond. Pourquoi avant 1968 le professeur « avait le rapport de force » ? Les profs ne venaient pas en cours à cette époque avec la Kalachnikov dans le cartable, que je sache. S’ils avaient « le rapport de force », c’est parce qu’ils avaient les institutions derrière eux. Pas seulement l’institution scolaire, mais aussi l’institution familiale.

    • morel dit :

      « ‘Débilosphère’ ne s’oppose pas aux propos de Descartes, ni aux vôtres en voici une illustration puis une interprétation »

      Ma défiance ne s’appliquait à vous mais au terme mis entre parenthèses. Une situation jugée ubuesque découle souvent de la mise en œuvre d’une logique cohérente sous-tendue par des intérêts particuliers. C’est ce que j‘ai tenté de montrer en reliant proscription de la note chiffrée, interdiction du redoublement et « centralité » de l’élève. Liste, hélas, non limitative à laquelle il faudrait aussi adjoindre, ce qui semble général à nos sociétés, la montée de « droits » individuels infondés ainsi celui d’opposition des parents au redoublement (qui peut croire, sauf exception, que si le niveau n’est pas acquis que la classe suivante avec ses objectifs nouveaux permettra de résorber le retard ? Et que fait alors un élève qui ne peut suivre à votre avis ?), celui aussi qui permet l’intégration d’enfants atteints de troubles psychiques nécessitant une classe adaptée (comportement ou autre) dans des classes banalisées (mais il paraît que cela « coûte cher »).
      L’idéologie mise en œuvre que j’évoquais pourrait prêter à rire, à parler de « débilosphère » si elle n’était pas mise en musique à travers des lois.

      Pour en revenir à l’évaluation, un lien nous montre que l’initiative en revient à un ministre de De Gaulle (c’est ce dont vos collègues parlaient à propos d’ABCDE, mais pas que) :

      http://rue89.nouvelobs.com/sites/news/files/assets/document/2014/12/evaluation_circulaire_edgar-faure_notation_356423.pdf

      Ceci pour faire rager les pédagos résolument « modernistes » et de « gauche ».

      Bon courage pour votre travail.

    • Descartes dit :

      @ morel

      [celui aussi qui permet l’intégration d’enfants atteints de troubles psychiques nécessitant une classe adaptée (comportement ou autre) dans des classes banalisées (mais il paraît que cela « coûte cher »).]

      Surtout, il faut voir là un symptôme supplémentaire de cette difficulté de notre société à se résigner à la force des choses. Nous sommes dans une société d’un volontarisme absolu, ou tout est possible à condition de le vouloir. Quotidiennement, on nous bassine avec des culs-de-jatte qui courent le marathon, des sourds qui font de la musique, des trisomiques qui deviennent acteurs et des homosexuels qui deviennent parents par la simple opération de la volonté. Ne serait-ce plus raisonnable de pousser les culs-de-jatte à faire de la musique et les sourds à courir le marathon, plutôt que l’inverse ? Mais non, mais non, mais non, vous n’avez rien compris : un cul-de-jatte qui fait de la musique, un sourd qui court le marathon, c’est banal, c’est normal, ca n’a rien d’extraordinaire. Il faut faire ce que la réalité matérielle nous empêche de faire, rien que pour démontrer… démontrer quoi au juste ?

      Les parents d’élèves ne sont pas exempts de cette idéologie. Et c’est particulièrement vrai pour les parents d’enfants handicapés. Il est difficile pour un parent de se résigner au fait que son enfant ne sera jamais comme les autres. Dans l’ancien temps, ces parents recevaient le secours de la religion, mais dans notre société sans dieu, cette voie nous est fermée. Il y a alors deux méthodes pour résoudre le problème. La première, c’est le diluer en faisant de tous les enfants des handicapés. Et c’est ainsi qu’on voit fleurir des « dysorthographiques » par centaines, des « dyslexiques » par milliers, et toute une faune de « dys-quelque-chose » qui permettent à chacun de se satisfaire de son sort avec le tampon scientifique. La seconde, plus vicieuse, est de nier que le problème existe en supprimant l’instrument qui met en évidence les problèmes, à savoir, les notes.

      Oui, mettre les enfants atteints de troubles ou simplement nécessitant un appui renforcé dans des classes adaptées est cher. Mais le coût n’est pas le seul problème : mettre l’enfant en classe adaptée implique que les parents se résignent à ce que leur enfant ne soit pas « performant », comme on dit aujourd’hui.

      [Pour en revenir à l’évaluation, un lien nous montre que l’initiative en revient à un ministre de De Gaulle (c’est ce dont vos collègues parlaient à propos d’ABCDE, mais pas que) :]

      Enfin, la date du texte ne vous aura pas échappé… pas plus que le nom du ministre. Edgar Faure n’était pas à proprement un « ministre de De Gaulle ». Il avait été appelé au ministère de l’Education après les événements de mai 1968 pour donner un gage aux classes moyennes « libérales » en conduisant une réforme scolaire et universitaire conforme à leurs vœux. Ce fut la fin de l’âge d’or de l’université française, et le début de la fin pour l’enseignement primaire et secondaire…

  12. Jean-François dit :

    [Eh non… même s’il existait quelque part dans le monde un « agora » qu’on appelle « romain » (ce qui est le cas à athènes, ou l’on appelle « agora romaine » un agora construit pendant l’occupation romaine… mais qui est bien un agora grec), la formule utilisé par Acadomia serait fausse. La publicité dit qu’Alice étudie « l’agora romain ». Elle fait donc référence à « l’agora » comme institution, et non à un agora particulier. Et en tant qu’institution, l’agora n’est pas romaine, mais grecque.CQFD ;-)]

    Je m’incline.

    [Sans doute. Mais le problème en discussion n’est pas de savoir si quelqu’un peut changer de comportement spontanément et faire quelque chose parce que cela l’amuse. C’est de savoir quels sont les outils qu’une institution comme l’école peut utiliser pour changer un comportement dans un sens donné. La société ne peut pas se contenter d’espérer que les enfants trouveront « amusantes » les choses qu’elle estime devoir leur transmettre. Cela ne veut pas dire que je néglige le plaisir comme élément pédagogique. Au contraire, je pense qu’on peut trouver « amusante » pratiquement toute connaissance humaine. Mais pour cela, il faut avoir acquis certaines disciplines, avoir accumulé un certain capital qui permet de manipuler les nouvelles connaissances avec une certaine aisance. C’est pour pousser les gens à acquérir ce bagage minimal que la question des carottes et des bâtons se pose…]

    De mon point de vue, le problème en discussion était plutôt de savoir si l’école doit se contenter de récompenses et de punitions, car votre formulation m’avait donné l’impression que c’était votre avis. Mais il semble que vous soyez d’accord pour dire que les deux sont importants.

    Mince, on est déjà d’accord. Je vais essayer de défendre un côté plus que l’autre.

    Je pense que les influences respectives que peuvent avoir les deux moyens sont incomparables : l’effet sur mon implication en lettres et en histoire n’aurait jamais pu être aussi grand avec des notes que quand j’ai fait le lien avec quelque chose qui me touchait. Je crois aussi qu’il n’existe aucun enfant qui n’est touché par rien. Donc dans l’absolu il me semble possible de procéder ainsi pour toute discipline et tout enfant, sans « capital », carotte ou bâton.

    Le problème est alors qu’il n’est pas souvent facile de déceler cela, et surtout cela peut prendre beaucoup trop de temps, même avec un enseignant par élève. Bref, on en revient à la nécessité de la carotte et du bâton…

    Je poste quand-même, écrire cela m’a pris un peu de temps 🙂

    • Descartes dit :

      @ Jean-François

      [Mince, on est déjà d’accord. Je vais essayer de défendre un côté plus que l’autre. Je pense que les influences respectives que peuvent avoir les deux moyens sont incomparables : l’effet sur mon implication en lettres et en histoire n’aurait jamais pu être aussi grand avec des notes que quand j’ai fait le lien avec quelque chose qui me touchait. Je crois aussi qu’il n’existe aucun enfant qui n’est touché par rien. Donc dans l’absolu il me semble possible de procéder ainsi pour toute discipline et tout enfant, sans « capital », carotte ou bâton.]

      Je pense que vous pensez la carotte et le bâton comme deux catégories séparées, alors qu’elles sont en fait intimement liées. Lorsqu’un enfant est touché par un sujet, c’est aussi souvent parce qu’il est touché par le professeur qui le porte. L’effet du charisme du professeur est très loin d’être négligeable. Et dans ce cas, l’élève cherche aussi l’approbation du professeur qu’il admire et craint de le décevoir. Dans ce contexte, l’expression d’une approbation, d’un encouragement devient une « carotte », son absence, voire l’expression contraire, un « bâton ». Mais on ne peut « défendre un côté plutôt que l’autre ». Chacun est inséparable de l’autre, et c’est le réglage du curseur entre l’un et l’autre qui permet à l’enseignant de pousser l’élève vers les bons comportements et lui éviter les mauvais.

      J’ajoute que, comme le disait Beaumarchais, « sans liberté de blâmer il n’y a pas d’éloge flatteur ». Les élèves ne sont pas idiots, et sont parfaitement conscients qu’un 10 obtenu chez Monsieur X, connu par sa rigueur, vaut plus qu’un 19 chez Madame Y, dont la démagogie à la notation est connue de tous. Je me souviens avoir été motivé en mathématiques par un professeur qui était particulièrement exigeante. Toujours impeccable, son cours était toujours bien préparé, bien exposé et d’une rigueur absolue. Et ce qu’elle exigeait d’elle-même elle l’exigeait des autres. Obtenir son approbation, c’était un véritable défi. Un défi bien plus motivant que des tombereaux d’éloges immérités et de notation « positive ». Trente ans plus tard, je suis encore capable de démontrer les théorèmes que j’ai appris avec elle. Mais surtout, je ne me souviens pas d’avoir souffert dans sa classe. Au contraire, j’en garde le souvenir d’un ravissement permanent.

    • bovard dit :

      @Morel
      Merci pour le lien:http://rue89.nouvelobs.com/sites/news/files/assets/document/2014/12/evaluation_circulaire_edgar-faure_notation_356423.pdf
      Effectivement dès 1969 une circulaire permettait de noter avec A,B,C,D,E.
      Il y a presque 46 ans;Bonjour l’innovation pédagogique car cette façon de noter a déjà été utilisée puis abandonnée!
      Comme en Suisse où après 7 ans de notation par A,B,C,D,E,le système éducatif est revenu à une notation sur 20.
      1969,c’ l’année où,Jacques Duclos candidat aux présidentielles a utilisé inhabituellement, le mot ‘Gauche’ !
      En effet,les communistes préféraient utiliser le terme de camp progressiste,camp de la paix voire Union du peuple de France plutôt que gauche.
      Or J.Duclos PCF avec 21% des voix savait qu’il devancerait G.Deferre de le sfio (futur PS).
      L’électorat du PCF de l’époque était très large.
      Avec quelques dixièmes % de voix en plus, venant de ‘gauche’,Duclos aurait pu être au second tour.Alain Poher ne le devança que de 1% pour figurer au second tour.
      Ce mot de’ Gauche’ qui m’écorche encore les oreilles aujourd’hui (alors que je vote à gauche..à cause de la droite).
      En effet la sfio,disait ‘les communistes ne sont pas à gauche,ils sont à l’est,ce sont des Moscoutaires’.Pour les communistes les socialistes étaient des ‘socio-traitres’.
      Cette ‘Gauche de Duclos, préfigure la ‘révolution’ engendrée par 68,dès 1969.
      -départ de de Gaulle
      -gestation du futur PS
      -mise en place du démantèlement de l’EN par (entre autre) cette notation par des lettres..
      -début de la domination médiatique des discours pan-cohn bendistes

  13. CVT dit :

    Bonsoir Descartes,
    petit hors-sujet (quoi que…): Lionel Jospin vient d’être nommé au Conseil Constitutionnel!
    Après tout ce qu’il a fait pour l’école public, dont nous voyons l’aboutissement avec la fin des notes, ces maudits socialistes (pour rester poli…) ont réussi à le recaser dans l’institution garante de notre Constitution!
    Croyez-vous qu’il a été parachuté pour finir sa sale besogne: achever de mettre le pays par terre?
    Franchement, je commence à prendre peur…

    • Descartes dit :

      @ CVT

      [Croyez-vous qu’il a été parachuté pour finir sa sale besogne: achever de mettre le pays par terre?]

      Je ne le crois pas. Il fallait nommer quelqu’un à a place laissée vacante par J. Barrot, et il est vrai qu’il est difficile de trouver parmi les socialistes une figure d’une certaine dimension qui soit irréprochable du point de vue moral et civique…

    • morel dit :

      @ Bovard

      Je ne suis ni n’ai jamais été communiste. Trop de divergences. Je ne connais 68 que par l’histoire.
      Il faudrait faire un long historique de ce mot « gauche » qui, de toute façon, depuis le tournant de la rigueur, recouvre toutes les politiques de régression.

  14. Françoise, enseignante dit :

    En me connectant ce matin, l’article de Descartes avait tout de suite attiré mon œil malgré l’heure matinale et l’état de demi-someil qui caractérise mon trajet de mon domicile à mon travail. Voici ce qu’il disait : "Pour un gouvernement qui recherche désespérément quelque gadget pour faire oublier sa gestion désastreuse de presque tout et les turpitudes de quelques conseillers, c’est du pain béni, d’autant plus que a) cela ne coûte rien et b) cela ne risque pas de provoquer la résistance d’une majorité d’enseignants, ravis d’avoir un motif de moins de conflit avec les parents."
    Avant de critiquer le système scolaire et les mots latins (dont on se fiche pas mal, bien que "forums" existe bel et bien dans le Larousse) sachez que l’adjectif qualificatif "bénit" ne s’écrit pas comme le participe passé "béni".
    L’évaluation permet d’établir si la compétence exigée est acquise ou non (on peut aussi y rajouter "en cours d’acquisition") à un temps donné, qui peut être reprise dans les mois ou années suivantes; elle est personnelle et n’a rien à voir avec un classement de 0 à 20 qui ne permet à l’enfant, et surtout aux parents (!), que de se situer au sein du groupe classe.
    Quant à la gestion désastreuse, elle est le fruit d’années de (dé)construction du Mammouth et non de deux ans de Peillon ou NVB.

    • Descartes dit :

      @ Françoise, enseignante

      [Avant de critiquer le système scolaire et les mots latins (dont on se fiche pas mal, (…)]

      Qu’une enseignante déclare qu’elle « se fiche pas mal » des mots latins – j’ose imaginer que cette formule ne s’applique pas au « système scolaire », mais étant donné la manière dont la phrase est rédigée, la question se pose… – me laisse songeur.

      [sachez que l’adjectif qualificatif "bénit" ne s’écrit pas comme le participe passé "béni".]

      Je vous remercie de la correction, que j’ai portée sur le texte. Je vous assure qu’elle aurait été prise en compte de la même manière si la remarque avait été faite sur un ton moins désagréable.

      [L’évaluation permet d’établir si la compétence exigée est acquise ou non (on peut aussi y rajouter "en cours d’acquisition") à un temps donné, qui peut être reprise dans les mois ou années suivantes; elle est personnelle et n’a rien à voir avec un classement de 0 à 20 qui ne permet à l’enfant, et surtout aux parents (!), que de se situer au sein du groupe classe.]

      Ah bon ? La qualification « non acquise » place l’élève dans le groupe qui n’a pas acquis la compétence. La qualification « en cours d’acquisition » place l’élève dans le groupe de ceux qui sont en train de l’acquérir ». Et la qualification « acquise » place l’élève dans le groupe de ceux qui ont acquis la compétence en question. Et comme il y a tout de même une hiérarchie assez évidente entre les différents statuts, l’élève qui aura « acquis » la compétence se « situera » au sein du « groupe classe ». La seule chose que vous faites avec ce système est de substituer un classement à vingt échelons par un système à trois échelons. Rien d’autre.

      Seulement, comme rapidement les enseignants – et les parents – éprouveront le besoin d’en savoir un peu plus, ils inventeront le « acquis + » et le « acquis – » (car il y a façon et façon d’acquérir une compétence). Et ce n’est pas la même chose d’être « en cours d’acquisition » près du début et près de la fin. On créera donc une échelle qui va du « en cours d’acquisition -– » au « en cours d’acquisition ++ » avec tous les grades intermédiaires. Et finalement, on reconstitue une échelle qui permet de « classer » les élèves. Parce que c’est ce que les parents, les enseignants et le système demandent.

      [Quant à la gestion désastreuse, elle est le fruit d’années de (dé)construction du Mammouth et non de deux ans de Peillon ou NVB.]

      C’est en partie vrai. Beaucoup parmi les ministres successifs ont enlevé une pierre à l’édifice. Ceux qui l’on fait portent tous une partie de la responsabilité du naufrage. Et cela inclut Peillon ou NVB au même titre que Ferry, Lang ou Jospin.

    • Stéphane dit :

      Bonjour,

      [… remarque avait été faite sur un ton moins désagréable. ] Heu, là, il me semble que la violence, c’est tout relatif. Pourquoi votre texte, Descartes, ne pourrait-il pas apparaître comme violent ? 😉

      Ceci dit, je suis vraiment d’accord avec vous, Descartes, pour dire que notre société tend à un hédonisme hasardeux. Et que la classe moyenne fera tout pour garder la tête hors de l’eau, y compris en utilisant les moyens les plus hypocrites. Mais évaluer sans comparer est une voie d’émancipation. En cela, je voudrais remercier Françoise pour son intervention, qui enrichit parfaitement votre texte. En Belgique, nous comparons cela à la réussite de l’examen théorique du permis de conduire : si vous avez répondu correctement à un nombre suffisant de questions, vous avez réussi, et obtenez la possibilité de passer à l’étape suivante (l’examen pratique). On rate, ou on réussit … sans avoir besoin de se comparer à son voisin.

      Bien cordialement,

    • Descartes dit :

      @ Stéphane

      [… remarque avait été faite sur un ton moins désagréable. ][Heu, là, il me semble que la violence, c’est tout relatif. Pourquoi votre texte, Descartes, ne pourrait-il pas apparaître comme violent ? ;)]

      Je suis souvent critique dans mon texte, et je conçois parfaitement que des gens puissent se sentir critiqués. Mais j’essaye – vous jugerez si je réussis – de ne jamais être désagréable envers mes lecteurs, et encore moins « violent ».

      [Mais évaluer sans comparer est une voie d’émancipation.]

      J’ai toujours aussi mal à voir comment on peut « évaluer sans comparer ». A mon avis, c’est une utopie. Evaluer, par définition, implique une comparaison avec une norme. Et dès lors qu’on invente une méthodologie pour comparer les performances d’un individu à une norme, la même méthodologie permet nécessairement de comparer deux individus entre eux. Imaginer une évaluation qui ne créerait en même temps un instrument de comparaison me paraît impossible.

      Maintenant, peut-on imaginer qu’on invente un tel outil et qu’on ne s’en serve pas ? Que les parents acceptent qu’on leur donne l’évaluation de leur enfant sans leur donner en même temps son positionnement dans son groupe ou sa classe d’âge ? Que les enseignants eux-mêmes n’utilisent pas ces ressources une fois qu’elles sont disponibles ? Je crains que non.

      [En cela, je voudrais remercier Françoise pour son intervention, qui enrichit parfaitement votre texte. En Belgique, nous comparons cela à la réussite de l’examen théorique du permis de conduire : si vous avez répondu correctement à un nombre suffisant de questions, vous avez réussi, et obtenez la possibilité de passer à l’étape suivante (l’examen pratique). On rate, ou on réussit … sans avoir besoin de se comparer à son voisin.]

      On peut faire cela pour les évaluations de certification, c’est-à-dire, lorsque l’objectif est de certifier une capacité – que ce soit à conduire un véhicule, à suivre un enseignement supérieur, à exercer tel ou tel métier. Mais l’évaluation à l’école n’a pas en général un objectif unique de certification. L’évaluation scolaire a aussi et surtout comme fonction de permettre un suivi et éventuellement une rectification du processus d’apprentissage. On ne met pas une mauvaise note à un élève seulement pour lui dire qu’il ne sait pas, on le fait aussi avec l’espoir qu’elle le poussera à se mettre au travail.

      Par ailleurs, à supposer même qu’on puisse imaginer une notation qui ne permette pas de comparaison, une telle notation serait-elle une bonne chose ? Pourquoi rejeter par avance toute forme de compétition ? Pourquoi accepter comme un dogme révélé que la compétition « découragerait » les élèves ? Après tout, la compétition existe dans le sport et personne à ma connaissance ne propose de l’abolir au prétexte qu’elle « découragerait » les sportifs. Au contraire, on nous présente cette compétition comme une incitation à se dépasser, à aller « plus haut, plus loin, plus fort » selon la devise olympique.

      La gauche a toujours eu un problème avec l’éthique de la compétition. Il y a là un dogme, celui qui dit que la compétition est par essence mauvaise, et qu’il faudrait l’abolir dans tous les domaines de l’activité humaine. Le monde idéal pour ce courant de pensée ressemble à l’Ecole des Fans : tout le monde essaye et à la fin tout le monde gagne. Et pourtant, la compétition est dans l’ordre des choses, tout simplement parce que nous vivons dans un monde ou les ressources, les biens, les plaisirs sont limités. Même dans la société la plus parfaite qu’on puisse imaginer, il y aura toujours deux hommes qui aimeront la même femme et qui chercheront à la séduire. Et cette course ne peut être gagnée que par une seule personne.

    • Stéphane dit :

      [Que les parents acceptent qu’on leur donne l’évaluation de leur enfant sans leur donner en même temps son positionnement dans son groupe ou sa classe d’âge ? Que les enseignants eux-mêmes n’utilisent pas ces ressources une fois qu’elles sont disponibles ? Je crains que non.] … [Pourquoi rejeter par avance toute forme de compétition ?]

      Parce que, tout simplement, il en va de notre humanisation : dépasser (autant que faire se peut) cette pulsion de rivalité et de compétition ! Laissons cela dans les domaines bien cadrés que sont, par exemple, le sport …

      Apprendre, c’est changer (sa façon de penser, par exemple). Aider à apprendre demande donc, avant tout, que l’adulte (modèle) soit lui-même capable de changer 😉

    • Descartes dit :

      @ stéphane

      [Pourquoi rejeter par avance toute forme de compétition ?][Parce que, tout simplement, il en va de notre humanisation : dépasser (autant que faire se peut) cette pulsion de rivalité et de compétition ! Laissons cela dans les domaines bien cadrés que sont, par exemple, le sport …]

      Mais pourquoi abolir dans les autres matières du parcours scolaire ce que vous laissez dans le sport ? Soyez cohérent : si vous pensez que notre « humanisation » passe par un « dépassement de la pulsion de rivalité et de compétition », alors vous devriez proposer de l’abolir dans le domaine où elle est la plus évidente et la plus forte, celui du sport. Et pourtant, on reconnaît en général – et je pense que vous partagerez cet avis – que le sport est une activité très éducative, qui aide à former dans l’enfant l’éthique de l’effort, l’esprit d’équipe, le respect des règles… comment le sport arrive-t-il à concilier une haute valeur éducative et sans nullement sacrifier « la pulsion de rivalité et de compétition » ?

      Je suis totalement en désaccord avec vous. D’une manière générale, je pense que la gauche – enfin, pas toute : les pédagogues communistes avaient beaucoup travaillé sur la notion d’émulation, par exemple – a raté la marche en refusant dogmatiquement l’idée de compétition au lieu d’essayer de l’analyser et de la comprendre. Ce qui nous « humanise », ce n’est pas le « dépassement de la pulsion de rivalité et de compétition », mais notre capacité à tirer profit de cette pulsion en faisant un moteur du développement de tous. Et cette transformation se fait par le biais de la symbolisation et la ritualisation. Cela est évident pour le sport, activité ultra-ritualisée. Ce fut vrai aussi à l’école, avec tout le rituel des notes, de l’examen, de la remise de prix.

      [Apprendre, c’est changer (sa façon de penser, par exemple).]

      Ah bon ? Diriez-vous par exemple que si demain je changeais ma façon de penser pour rejoindre les négationnistes, ce serait le signe d’un apprentissage ? De grâce, évitons les poncifs. Apprendre peut, dans certains cas, nous conduire à changer de façon de penser. Mais ce n’est pas toujours le cas. Il n’y a donc pas équivalence entre les deux notions.

      [Aider à apprendre demande donc, avant tout, que l’adulte (modèle) soit lui-même capable de changer ;)]

      Encore un poncif… L’instituteur ENSEIGNE l’addition pendant que les élèves APPRENNENT. Il ne peut donc pas constituer un « modèle » en matière d’apprentissage pour ses élèves, puisqu’il n’apprend pas l’addition avec eux. L’adulte – j’imagine qu’on parle de l’enseignant – n’est pas en situation d’apprentissage, mais d’enseignement. L’adulte peut être un modèle en matière de comportement. Mais en matière d’apprentissage, non.

  15. Françoise, enseignante dit :

    Merci pour votre rectificatif, "errare humanum est"!

    Pour en revenir aux compétences, cela ne va encore pas vous plaire mais elles découlent d’une préconisation de l’OCDE (cf PISA), puis d’une décision du Parlement Européen, entérinée en France par la loi Fillon en 2005 (tiens, encore un autre!)
    Oui, les compétences évaluent individuellement les élèves, sur des points très précis du style "connaître les instruments de mesure" ou "identifier les mots selon leur nature", elles ont grosso modo 3 ans pour être acquises par paliers (palier 1 fin CE1, palier 2 fin CM2, palier 3 fin collège).
    Le livret de compétences personnelles, un vrai casse-tête à remplir pour les enseignants, est très fourni car chaque compétence à acquérir se subdivise en moultes sous-parties à chaque point du programme, par exemple "je sais différencier l’adjectif qualificatif du participe passé" (ça c’est de l’humour gratuit et méchant). Ainsi, avec un document de 300 pastilles vertes rouges ou orange, ou des lettres, ou des chiffres si ça vous chante, il est impossible comme vous le suggérez de se situer dans le groupe classe au vu d’un seul critère.
    Je vous rejoins sur ce point que les parents sont perdus; c’est tellement plus facile d’avoir 5 sur 20 en maths: on sait qu’on est nul… mais cela ne nous avance pas sur les points à retravailler!!

    Dans votre liste de ministres, je rajouterais aussi Luc Chatel qui nous avait sucré les 3 heurs de cours du mercredi matin sans alléger pour autant les programmes, une vraie course contre la montre… Peillon a gardé ce volume horaire tout en le reportant principalement sur les 5 matinées, ouf merci; on attend maintenant de voir ce que nous concocte NVB en matière de programmes.

    • Descartes dit :

      @ Françoise, enseignante

      [Merci pour votre rectificatif, "errare humanum est"!]

      Perseverare diabolicum…

      [Pour en revenir aux compétences, cela ne va encore pas vous plaire mais elles découlent d’une préconisation de l’OCDE (cf PISA), puis d’une décision du Parlement Européen, entérinée en France par la loi Fillon en 2005 (tiens, encore un autre!)]

      Je doute qu’il s’agisse d’une « décision du Parlement Européen », étant donné que le Parlement européen n’a pas de pouvoir autonome de prendre des « décisions ». Mais pour vous répondre sur le fond, je ne doute pas qu’il se trouvent de très doctes institutions – qui par ailleurs depuis trente ans martèlent le crédo libéral, mais c’est certainement une coïncidence – pour « préconiser » un système éducatif fondé sur des « compétences ». C’est ce que les employeurs veulent : des travailleurs capables de suivre des consignes et de résoudre des problèmes bien concrets, avec un minimum de connaissances. Après tout – remarque mesquine – les mots latins, tout le monde s’en fout, non ?

      Rappelez-vous Philippe Meirieu et son projet d’enseigner aux enfants à lire sur les notices d’utilisation des appareils électroniques…

      [Le livret de compétences personnelles, un vrai casse-tête à remplir pour les enseignants, est très fourni car chaque compétence à acquérir se subdivise en moultes sous-parties à chaque point du programme, par exemple "je sais différencier l’adjectif qualificatif du participe passé" (ça c’est de l’humour gratuit et méchant). Ainsi, avec un document de 300 pastilles vertes rouges ou orange, ou des lettres, ou des chiffres si ça vous chante, il est impossible comme vous le suggérez de se situer dans le groupe classe au vu d’un seul critère.]

      Impossible n’est pas français. Il suffit de compter le nombre de pastilles vertes, rouges ou orange. Cela vous fait trois chiffres, ce qui fait un indicateur synthétique qui vous permet de situer chaque élève de la classe. Ou bien vous donnez une valeur numérique à chaque lettre ou à chaque couleur, et vous faites une moyenne qui vous permet de classer. Je m’étonne toujours qu’on puisse croire qu’il existe un système d’évaluation qui rende les comparaisons entre sujets évalués impossible. Evaluer implique mesure l’écart d’un individu par rapport à une norme. Et dès lors qu’un système permet de mesurer cet écart, il permet de mesurer l’écart entre deux individus.

      [Je vous rejoins sur ce point que les parents sont perdus; c’est tellement plus facile d’avoir 5 sur 20 en maths: on sait qu’on est nul… mais cela ne nous avance pas sur les points à retravailler!!]

      Bien sur que si. Du moins, si l’évaluation est bien faite. Mes professeurs ne se sont jamais contentés de mettre « 5/20 » ou « 16/20 » sur mes copies. Ils prenaient la peine de marquer quel exercice était juste et quel exercice était faux, d’indiquer les points faibles et les points forts d’un raisonnement ou d’une dissertation. Sans avoir besoin pour autant de toute une mécanique de « compétences ». Mais in fine, ils donnaient une idée de l’écart global entre le travail fourni et la norme.

      [Dans votre liste de ministres, je rajouterais aussi Luc Chatel qui nous avait sucré les 3 heurs de cours du mercredi matin sans alléger pour autant les programmes, une vraie course contre la montre… Peillon a gardé ce volume horaire tout en le reportant principalement sur les 5 matinées, ouf merci; on attend maintenant de voir ce que nous concocte NVB en matière de programmes.]

      Juste pour vous titiller… le reproche que vous faites à Luc Chatel est d’avoir « sucré » trois heures d’enseignement ? Ou de ne pas avoir allégé les programmes en conséquence ? Si j’avais quelque chose à reprocher à Chatel, ce serait le premier point. Mais telle que votre phrase est rédigée, on a l’impression que c’est plutôt le second…

      On peut reprocher beaucoup de choses à chacun des ministres qui se sont succédés Rue de Grenelle depuis Jules Ferry. Cependant, il y a des degrés dans l’horreur. Avoir « sucré » trois heures, c’est pas bien. Mais comparé à la capitulation pédagogique en rase campagne qu’est la doctrine Jospin de « l’élève au centre du système » ou la dérive initiée du temps de Lang qui fait de l’école une sorte de foire ou les savoirs fondamentaux et les connaissances scientifiques se trouvent mêlées à tout un catéchisme idéologique qui mélange écologie, théorie du genre, expression artistique et préparation au permis de conduire, c’est un pêché très bénin.

    • morel dit :

      Désolé d’intervenir dans votre discussion mais un point me semble incroyable : vouloir à tout prix interdire toute comparaison.
      Aussi loin que vont mes souvenirs scolaires (je ne suis pas enseignant) chacun des élèves savaient fort bien qui était fort par ex en maths ou en français ; qui était en haut du classement et en bas (et il n’est nul besoin d’en instituer un pour cela). Plus avant dans la scolarité, si on séchait dans tel ou tel domaine, on savait qui trouver à moins qu’il ne soit pas coopératif…
      Je n’ai pas observé de différence pour mes enfants quand ceux-ci ont été scolarisés et déjà, dans nombre de classes, la notation chiffrée n’existait plus au primaire.
      Dans mon milieu de travail, chacun, de même, sait qui produit un excellent travail ou autre (suis-je gagné par l’évaluation positive ou soucieux de ne pas dévaluer ?).
      Si j’ai besoin d’acheter un service (sens économique), je me renseigne pour tenter de trouver le bon artisan (sens large) ; en politique si vous n’avez pas toujours le meilleur, vous votez pour le moins mauvais. Généralisez à tous les domaines de la vie.

      Aussi, interdisez la comparaison, elle reviendra au galop. Ne me dites pas que vous ne savez pas vous-même « situer » chacun de vos élèves, ce qui est indispensable pour les aider à progresser.
      Et surtout, il me semble qu’à travers cette proscription affichée, on cherche à brouiller plus encore la norme (entendez ce qui doit être acquis dans telle classe, d’où le raisonnement par cycles en primaire) car il ne s’agit pas au final d’un jugement de valeurs : l’élève a-t-il oui ou non acquis le bagage qui lui permettra de suivre correctement sa scolarité dans la classe supérieure (zut ! j’ai formulé un classement !)

    • Descartes dit :

      @morel

      [Désolé d’intervenir dans votre discussion mais un point me semble incroyable : vouloir à tout prix interdire toute comparaison.]

      Et pourtant… C’est bien la logique qui se cache derrière la « suppression des notes ». Que voulez vous, nous vivons dans une société tellement narcissique que les individus ne peuvent supporter qu’on leur dise que ce qu’ils font n’est pas bien. Et ce n’est pas un problème qui se pose seulement à l’école. Cela se pose partout. Essayez de dire à un collègue ou à un collaborateur – on ne dit plus « subordonné », politiquement correcte oblige – qu’un travail n’est pas bien fait, et vous verrez la réaction : l’indignation ou les larmes. Rarement la reconnaissance que, oui, on aurait pu faire les choses mieux. Essayez de dire à une personne croisée dans le métro qu’elle ne devrait pas fumer sur le quai, et au lieu d’éteindre sa cigarette avec une pointe de honte elle vous répondra grossièrement comme si c’était vous qui êtes en faute.

      Dans cette société narcissique, personne ne supporte qu’on lui rappelle qu’il n’est pas parfait, qu’il n’a pas fait son travail parfaitement, que ses enfants ne sont pas parfaits, que son chien n’est pas le chien idéal. Et la meilleure manière de ne pas se retrouver dans cette situation, c’est bien entendu de ne pas comparer. On nous répète que les notes sont « traumatisantes », sans se poser la question fondamentale : POURQUOI le fait d’avoir un 5/20 pour une copie dont on sait pertinemment qu’elle est mal faite – en général, parce qu’on n’a pas assez travaillé – devait nous « traumatiser » ? Qu’est ce que cette copie nous dit que nous ne sachions déjà ?

      [Aussi loin que vont mes souvenirs scolaires (je ne suis pas enseignant) chacun des élèves savaient fort bien qui était fort par ex en maths ou en français ; qui était en haut du classement et en bas (et il n’est nul besoin d’en instituer un pour cela). Plus avant dans la scolarité, si on séchait dans tel ou tel domaine, on savait qui trouver à moins qu’il ne soit pas coopératif…]

      Bien entendu. Relisez Louis Pergaud – qui était instituteur, lui – ou le Goscinny du « Petit Nicolas ». Tout le monde sait qui sont les Clotaires et les Aignans, sans qu’il soit besoin d’avoir des notes pour ça. Pire : lorsque Aignan, par un accident du hasard, se paye un 5/20, personne n’imagine qu’il soit devenu un Clotaire, tout comme personne ne croit que Clotaire soit devenu un Aignan parce qu’une fois dans sa vie il se voit gratifier d’un 20/20. Les enfants eux-mêmes savent faire la part des choses entre l’accident et la normalité, entre celui qui travaille et celui qui ne travaille pas, entre celui qui comprend tout et celui qui a du mal.

      [Dans mon milieu de travail, chacun, de même, sait qui produit un excellent travail ou autre (suis-je gagné par l’évaluation positive ou soucieux de ne pas dévaluer ?).]

      Et personne chez vous ne produit un travail médiocre, mauvais, à chier ? Ou bien vous avez de la chance, ou cet « autre » couvre une volonté – fort compréhensible – de ne pas avoir des ennuis.

      [Et surtout, il me semble qu’à travers cette proscription affichée, on cherche à brouiller plus encore la norme (entendez ce qui doit être acquis dans telle classe, d’où le raisonnement par cycles en primaire) car il ne s’agit pas au final d’un jugement de valeurs : l’élève a-t-il oui ou non acquis le bagage qui lui permettra de suivre correctement sa scolarité dans la classe supérieure (zut ! j’ai formulé un classement !)]

      C’est que le but inavoué de ces réformes est précisément de « brouiller la norme ». Ou pour être plus précis, de situer la norme ailleurs. La sélection au mérite est pour les classes moyennes une menace, parce que rien ne garantit au médecin que son fils pourra passer le concours de médecine. Alors, mieux vaut que la sélection se fasse sur d’autres critères : la cooptation par un réseau d’amitiés, par exemple. Sous prétexte d’abolir sélection et classement, on ne fait que déplacer la sélection et le classement ailleurs, là où on peut en contrôler les résultats.

    • Marcailloux dit :

      @ Descartes,
      Bonsoir,
      [POURQUOI le fait d’avoir un 5/20 pour une copie dont on sait pertinemment qu’elle est mal faite – en général, parce qu’on n’a pas assez travaillé – devait nous « traumatiser » ? Qu’est ce que cette copie nous dit que nous ne sachions déjà ?]
      Je retiens cette phrase, et j’aurais pu le faire de bien d’autres dans les commentaires de ce billet, car nous avons là, l’illustration de la dérive de notre société vers un hyper égocentrisme doublé de cécité. Le sujet mériterait – et je vous en subodore le talent et la capacité – la rédaction d’un essai sur le sujet.
      J’ai fai mienne la formule de Detoeuf : "Au lieu de discuter, calculons". Car le calcul, c’est à dire la mesure objective des faits est trop remplacé par le verbe, outil improbable et malléable à l’usage des virtuoses de salon pour la description de la réalité. Que ne reproche-t-on pas aux "politiques" leur langue de bois qui nous enfume et qui bien entendu se gardent bien de préciser par les chiffres ce qu’ils pensent, ce qu’ils savent, ce qu’ils projettent.
      Bien sûr qu’il faut des mots et des phrases pour écrire, mais on a besoin des chiffres pour graduer l’implication des mots.
      Néanmoins, je suggère – afin de concilier les différentes parties – de bannir impitoyablement les chiffres dans l’évaluation et les remplacer par les mots: un, deux, trois, quatre,……………..dix sept, etc. Comme ça tout le monde sera content.

  16. Françoise, enseignante dit :

    D’accord pour votre remarque sur le mot "décision", c’est une "recommendation" du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne.
    Oui, on s’en fiche de vos remarques sur les mots latins. La culture est un héritage à partager, soit ce qu’on appelle la tradition, et vos élucubrations sont inintelligibles pour votre auditoire. Allez au bout de votre raisonnement et au lieu de parler, par exemple, des commentaires des forums, dites plutôt commentaires fororum, tant que vous y êtes! Mais vous ne transmettrez rien que votre nostalgie inadaptée de réac’…

    "Evaluer implique [de mesurer] l’écart d’un individu par rapport à une norme. Et dès lors qu’un système permet de mesurer cet écart, il permet de mesurer l’écart entre deux individus."
    La norme est donnée par ces sept compétences:
    1. La maîtrise de la langue française
    2. La pratique d’une langue vivante étrangère
    3. Les principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technologique
    4. La maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication
    5. La culture humaniste
    6. Les compétences sociales et civiques
    7. L’autonomie et l’initiative
    Rien de bien nouveau sous le soleil, à part la place de la langue en numéro 2, qui témoigne de l’urgence d’adapter l’enseignement au monde moderne, ainsi que la 7, sans que vous puissiez en faire un raccourci rapide avec ce que veulent les employeurs, soi disant "des travailleurs capables de suivre des consignes et de résoudre des problèmes bien concrets, avec un minimum de connaissances" car le but de l’Education Nationale ne se borne pas à faire appliquer des consignes mais "développe la capacité des élèves à apprendre tout au long de la vie."( décret Robien 2006, encore un autre…).
    Quel est l’intérêt de se mesurer avec son ou ses voisins? Les années d’apprentissage ne sont pas là pour sanctionner négativement ou positivement mais préparer des adultes responsables de leurs actes et capables de s’adapter au monde qui les entoure.
    Vous voulez savoir comment on évalue et l’utilisation qu’on en fait?
    Quand une notion est à l’étude, il y a des "interrogations" intermédiaires qui servent à l’enfant, les parents, et nous pour évaluer son assimilation. Celles-ci peuvent être notées ou non, de toute façon corrigées en rouge dans la marge, cela va de soi et rassurez-vous sur ce point par rapport à ce que vous avez connu, cela n’a pas changé et ne changera pas. Ainsi, chacun sait ce qu’il doit retravailler, ce qui s’applique surtout à nous car l’enseignant sait se remettre en cause, contrairement à ce que vous croyez. Quand arrive l’évaluation finale, celle qui va nous permettre de valider et passer à une autre notion puisqu’il ne faut pas oublier qu’on a un programme à parcourir avec un temps compté, on décompose la compétence en une petite grille de 5 lignes, 5 sous-compétences maximum, en haut de la copie, avec 3 cases chacune, acquis, non acquis et en cours. C’est ce qui est reporté dans le livret d’évaluation de 300 lignes, qui est autrement plus fourni que notre bon vieux bulletin de 10 lignes avec 3 cm2 pour remplir "peut mieux faire". 5 non acquis est rare et serait vraiment un constat d’échec cuisant. Pour autant, sans comparer de façon si méprisante à l’Ecole des Fans, cela n’a rien de définitif car en avançant par compétences sur 3 ans (cf précédemment), les non acquis évoluent positivement, grâce aux programmes qui sont conçus de telle façon que les notions sont reprises et approfondies chaque année. Je le répète, il est impossible, français ou non mais j’habite en Allemagne et mes enfants sont évalués de la même façon, de faire une moyenne pour situer l’enfant dans la classe avec ce système, et je n’en ai pas besoin pour prendre l’enfant en soutien ou pour prévenir les parents d’un souci sur telle ou telle compétence ("votre fils n’est pas nul en maths, il a besoin de revoir la numération").
    Il me reste à répondre sur les programmes et les 3 heures: les deux mon général! Qui est capable d’accomplir le même travail avec 10% de temps en moins? Les élèves? Non. Les enseignants? Non plus! J’aurais préféré qu’il ne touche pas au volume horaire mais ce qui est fait n’est pas à défaire, sinon on n’avance pas.
    Mon discours a peut-être pour vous des relents de 68, désolée pour les vieux barbons que vous êtes mais je n’étais pas née, mais j’avoue avoir franchement rigolé sur votre vision machiste, voire animale, de la société au dernier paragraphe de votre réponse à Stéphane, que je remercie au passage d’avoir remarqué l’agression méprisante du texte initial. Je suis également choquée par votre petite phrase sur "l’école une sorte de foire ou les savoirs fondamentaux et les connaissances scientifiques se trouvent mêlées à tout un catéchisme idéologique qui mélange écologie, théorie du genre, expression artistique et préparation au permis de conduire, c’est un [péché] très bénin": comment faites vous la différence entre les savoirs? Par leur degré à inculquer dans le crâne de nos enfants? Tous les savoirs aident l’enfant devenu adulte à prendre sa place dans la société.
    La société avance mais vous restez au bord du chemin!

    • Descartes dit :

      @ Françoise, enseignante

      [Oui, on s’en fiche de vos remarques sur les mots latins.]

      Attendez, attendez… je remarque un petit glissement sémantique. Au départ, « on se fichait pas mal des mots latins ». Maintenant, cela devient « on se fiche de vos remarques sur les mots latins ». Je constate qu’il y a un certain progrès…

      [La culture est un héritage à partager,]

      Mais pour qu’un héritage puisse être partagé, il faut d’abord qu’il soit transmis. Or, vous semblez « vous ficher pas mal » de ce processus essentiel qui s’appelle la transmission…

      [et vos élucubrations sont inintelligibles pour votre auditoire.]

      Je laisserai mon auditoire juger, si vous le voulez bien.

      [Allez au bout de votre raisonnement et au lieu de parler, par exemple, des commentaires des forums, dites plutôt commentaires fororum, tant que vous y êtes! Mais vous ne transmettrez rien que votre nostalgie inadaptée de réac’…]

      Franchement, les étiquettes m’ont toujours laissé indifférent. Si vous croyez que je vais changer d’avis pour échapper au qualificatif « réac », vous me connaissez mal. J’aime beaucoup la phrase de Roland Bartes : « soudain, il m’est devenu indifférent d’être moderne ». Si aimer les belles choses que les générations précédentes nous ont transmises et vouloir les transmettre à mon tour fait de moi un « réac », et bien soit, j’en suis un. Quel est le problème ? Mon seul regret, au contraire, c’est de ne pas avoir plus de choses à transmettre.

      [La norme est donnée par ces sept compétences:
      1. La maîtrise de la langue française
      2. La pratique d’une langue vivante étrangère
      3. Les principaux éléments de mathématiques et la culture scientifique et technologique
      4. La maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication
      5. La culture humaniste
      6. Les compétences sociales et civiques
      7. L’autonomie et l’initiative]

      Cela ne constitue pas une « norme ». Qu’est ce qu’on appelle « maîtrise de la langue française » ? Savoir écrire une page sans une faute d’orthographe ? Etre capable d’exprimer une idée abstraite à l’aide d’un texte structuré ? Pouvoir raconter ses vacances en une page avec moins de vingt fautes ? Etre capable d’écrire une lettre au père noël en écriture phonétique ?

      [Rien de bien nouveau sous le soleil, à part la place de la langue en numéro 2, qui témoigne de l’urgence d’adapter l’enseignement au monde moderne,]

      Ah bon ? Parce que dans le monde « ancien » on parlait une seule langue ? Sans vouloir vous offenser, on apprend des langues vivantes étrangères à l’école depuis fort longtemps. Votre « modernité » me semble légèrement surfaite…

      [ainsi que la 7, sans que vous puissiez en faire un raccourci rapide avec ce que veulent les employeurs,]

      La 7 (on dirait une chaîne de télévision) est surtout utilisé, si je crois un ami enseignant, pour pouvoir mettre un point vert aux élèves qui ne comprennent rien à rien. On pourra toujours dire « il est dyslexique, dysorthographique, nul en mathématiques, en anglais, en physique, n’arrive pas à se servir d’un ordinateur, n’a aucune culture et est autiste. Mais il est très autonome et a beaucoup d’initiative, la preuve, il a tiré les cheveux de Mlle X tout seul ! ». Quant aux « compétences civiques », elles se réduisent généralement à l’apprentissage d’un catéchisme politiquement correct qui donne envie de vomir.

      [soi disant "des travailleurs capables de suivre des consignes et de résoudre des problèmes bien concrets, avec un minimum de connaissances" car le but de l’Education Nationale ne se borne pas à faire appliquer des consignes mais "développe la capacité des élèves à apprendre tout au long de la vie."( décret Robien 2006, encore un autre…).]

      Ah… si c’est dans le décret… Vous savez, on écrit souvent de belles choses, dans les décrets. Après, dans les faits, c’est autre chose.

      [Quel est l’intérêt de se mesurer avec son ou ses voisins?]

      Demandez-le aux sportifs, qui ne font que ça. Pourquoi, à votre avis ? Pourquoi les enfants passent leur temps en cour de récréation à se « mesurer » de mille et une façons ? Pourquoi sont ils si intéressés pour savoir qui est celui qui cour le plus vite, qui est le plus fort, qui crache le plus loin, qui grimpe plus haut dans l’arbre, qui a le plus beau cartable ? Parce que, ma chère dame, nous sommes dans un monde de ressources limitées. Il n’y a qu’un qui réussira à séduire la plus belle fille de la classe…

      [Les années d’apprentissage ne sont pas là pour sanctionner négativement ou positivement mais préparer des adultes responsables de leurs actes et capables de s’adapter au monde qui les entoure.]

      Seulement ? Je trouve que vous avez des ambitions fort limitées. Personnellement, je pense qu’ils sont là aussi pour produire des individus capables de comprendre le monde qui les entoure et d’agir sur lui pour le changer, et non pas se contenter de « s’adapter » à un monde perçu comme une contrainte extérieure sur laquelle on n’a aucun contrôle. Voilà toute la différence entre la vision basée sur les compétences et celle fondée sur les savoirs. La première construit un individu « adaptable » aux contraintes externes, la seconde un individu actif capable d’agir sur ces contraintes.

      Bien sur, les années d’apprentissage ne sont pas la « pour » sanctionner. La sanction n’est pas un but en soi, c’est un moyen. Mais la sanction – comme la récompense – sont indispensables pour tracer la frontière entre les comportements que la société veut encourager et ceux qu’elle préfère décourager. Sans sanction, il n’y a pas d’interdit. Et sans interdit, pas de subversion, car comme disait Lacan, « la où tout est permis, rien n’est subversif ».

      [Vous voulez savoir comment on évalue et l’utilisation qu’on en fait?]

      Vous voulez dire si je veux savoir comment VOUS évaluez et quelle utilisation VOUS en faites ? Parce que je suis convaincu que le « on » ici est excessif. Certains évaluent comme vous, d’autres pas.

      [Quand une notion est à l’étude, il y a des "interrogations" intermédiaires qui servent à l’enfant, les parents, et nous pour évaluer son assimilation. Celles-ci peuvent être notées ou non, de toute façon corrigées en rouge dans la marge, cela va de soi et rassurez-vous sur ce point par rapport à ce que vous avez connu, cela n’a pas changé et ne changera pas.]

      Vous avez le pouvoir de me promettre que cela « ne changera pas » ? Je vous trouve bien téméraire…

      [Ainsi, chacun sait ce qu’il doit retravailler, ce qui s’applique surtout à nous car l’enseignant sait se remettre en cause, contrairement à ce que vous croyez.]

      Certains oui, d’autres non… pourquoi généralisez-vous tout le temps ?

      [Quand arrive l’évaluation finale, celle qui va nous permettre de valider et passer à une autre notion puisqu’il ne faut pas oublier qu’on a un programme à parcourir avec un temps compté, on décompose la compétence en une petite grille de 5 lignes, 5 sous-compétences maximum, en haut de la copie, avec 3 cases chacune, acquis, non acquis et en cours. C’est ce qui est reporté dans le livret d’évaluation de 300 lignes, qui est autrement plus fourni que notre bon vieux bulletin de 10 lignes avec 3 cm2 pour remplir "peut mieux faire".]

      Le « vieux bulletin avec dix lignes » avait certainement beaucoup de défauts. Mais je me demande si le parent d’aujourd’hui est mieux informé sur les problèmes que rencontre son enfant et les moyens d’y faire face après avoir lu les 300 lignes d’évaluation d’aujourd’hui que ne l’était le parent d’hier après avoir lu les dix lignes et les remarques des profs sur 3 cm2. Entre parenthèses, je trouve curieux que vous mettiez autant de cœur à défendre les professeurs d’aujourd’hui mais que vous vous permettiez aussi facilement de dévaloriser celui des enseignants d’hier. Ceux que j’ai eu allaient bien plus loin que le simple « peut mieux faire » dans leurs appréciations.

      [5 non acquis est rare et serait vraiment un constat d’échec cuisant.]

      Pour qui ? Pour l’élève ? Pour le professeur ? Pour le parent ?

      [Pour autant, sans comparer de façon si méprisante à l’Ecole des Fans,]

      Si quelqu’un est « méprisant » envers l’Ecole des Fans, c’est vous, pas moi. Moi je trouve au contraire que l’Ecole des Fans était une excellente émission. Les enfants étaient bien reçus, on ne leur disait que des choses gentilles, ils chantaient une chanson et en étaient félicités même si leur chant était aussi faux qu’un billet de deux euros, et à la fin tout le monde gagnait, ce qui évitait tout « traumatisme » et ne pouvait que les encourager dans une activité artistique. Certes, ils n’apprenaient pas grand-chose, mais ils gagnaient certainement en « confiance en soi », en « autonomie », en « compétences sociales » et toute une série de « compétences » fort importantes. Tiens… exactement les objectifs que les tenants du « pas de notes » assignent à l’école. Quelle coïncidence, n’est ce pas ?

      [Je le répète, il est impossible, français ou non mais j’habite en Allemagne et mes enfants sont évalués de la même façon, de faire une moyenne pour situer l’enfant dans la classe avec ce système,]

      La répétition n’est pas un argument. Je vous ai déjà expliqué la procédure pour transformer fort simplement votre système à 300 compétences notées « acquise », « en cours » et « non acquise » en une moyenne qui permet de situer les enfants sur une échelle. Je vous la réexplique : Vous prenez chaque compétence, et vous comptez deux points pour un « acquis », un point pour « en cours » et zéro point pour « non acquis ». Vous faites la somme, vous divisez par 30 et vous aurez une superbe moyenne qui va de zéro à vingt.

      [et je n’en ai pas besoin pour prendre l’enfant en soutien ou pour prévenir les parents d’un souci sur telle ou telle compétence ("votre fils n’est pas nul en maths, il a besoin de revoir la numération").]

      Je suis sur que cela soulage beaucoup les parents et vous-même. Mais je ne suis pas convaincu que cela permette aux enfants d’apprendre mieux. Cela étant dit, depuis quand l’apprentissage est la priorité du système ?

      J’ajoute que votre commentaire est très révélateur sur un point. Si l’enfant a besoin de « soutien », c’est qu’il y a un problème pour acquérir les notions en question. Et ce problème existe quelque soit le système de notation. Or, vous affirmez que parce que le système de notation change, « vous n’avez pas besoin de prendre l’enfant en soutien ». Ce qui laisse supposer que l’ancien système révélait des difficultés qui sont cachées par le nouveau…

      [Mon discours a peut-être pour vous des relents de 68, désolée pour les vieux barbons que vous êtes mais je n’étais pas née,]

      Vous savez, l’immense majorité des chrétiens vivants n’étaient pas nés quand Jésus est mort, et cela ne les empêche nullement de propager son message. J’ajoute que cela fait la deuxième fois que vous vous permettez une injure personnelle envers les participants de ce blog. Je ne suis pas persuadé que cela enrichit le débat, et je peux vous assurer que cela ne constitue pas un argument.

      [mais j’avoue avoir franchement rigolé]

      C’est très courant ces jours-ci. Plein de gens rigolent de ce qu’ils ne comprennent pas. C’est assez triste, d’ailleurs…

      [sur votre vision machiste, voire animale, de la société au dernier paragraphe de votre réponse à Stéphane, que je remercie au passage d’avoir remarqué l’agression méprisante du texte initial.]

      Ah… « machiste », l’injure suprême… Mais j’avoue que j’ai du mal à comprendre. J’avais écrit : « Même dans la société la plus parfaite qu’on puisse imaginer, il y aura toujours deux hommes qui aimeront la même femme et qui chercheront à la séduire ». J’aimerais bien savoir ce que vous trouvez « machiste ». Est-ce l’idée que deux hommes puissent aimer la même femme ? Ou est-ce qu’ils cherchent à la séduire ? Si je comprends bien, pour ne pas être traité de « machiste » il faudrait que ma société idéale soit les hommes n’aiment pas les femmes, soit ils ne cherchent pas à les séduire. Je trouve que ce serait une société assez triste, non ?

      Allez, ne dites pas de bêtises. L’étiquette « machiste » tout comme les « agressions méprisantes » font partie de l’arsenal du terrorisme intellectuel d’aujourd’hui. Je trouve désolant qu’une enseignante utilise ce type de méthodes d’argumentation.

      [Je suis également choquée par votre petite phrase sur "l’école une sorte de foire ou les savoirs fondamentaux et les connaissances scientifiques se trouvent mêlées à tout un catéchisme idéologique qui mélange écologie, théorie du genre, expression artistique et préparation au permis de conduire, c’est un [péché] très bénin": comment faites vous la différence entre les savoirs?]

      J’imagine, par le ton de la question, que pour vous l’écologie, la théorie du genre, l’expression artistique et la préparation au permis de conduire sont des « savoirs ». Je n’aurais pas utilisé ce terme, mais admettons. Je fais une différence entre les « savoirs » fondée sur la méthode. D’un côté, il y a les « savoirs » qui sont construits à partir d’une méthode cartésienne. Ils sont construits par l’usage de la raison et sont soumis au doute et au débat, et peuvent être falsifiés – au sens poppérien du terme – par l’expérience ou par un raisonnement logique. De l’autre côté, il y a les savoirs qui sont affirmés dogmatiquement, qui ne sont pas soumis à débat mais doivent être acceptés comme des vérités.

      Pour donner un exemple, l’affirmation « la terre décrit une ellipse autour du soleil » appartient au premier type de « savoir ». Cette affirmation n’est vraie que parce qu’elle est cohérente avec une théorie et confirmée par l’observation. L’élève a le droit de la mettre en doute, et l’enseignant doit lui apporter les arguments qui la soutiennent. Par contre, l’affirmation « il y a un devoir moral de préserver la nature » est un dogme, qui est enseigné comme une vérité qui ne supporte discussion.

      A mon sens, seuls les « savoirs » du premier type ont droit de cité à l’école. Les autres relèvent de l’endoctrinement. Aucun savoir ne devrait être enseigné à l’école si l’enseignant n’est pas capable à son sujet de répondre à la question « pourquoi ».

      [Tous les savoirs aident l’enfant devenu adulte à prendre sa place dans la société.]

      « Sa place » ? L’enfant a donc une « place » désignée à l’avance pour lui ? Encore une fois, je trouve ce commentaire très révélateur. Il est parfaitement conforme à celui où vous disiez que l’objectif de l’école était de former des individus « capables de s’adapter au monde qui les entoure ». Dans les deux cas, ces commentaires montrent votre conception des choses : le monde, la société sont des données immuables, auxquelles l’homme doit « s’adapter ». Il doit « prendre sa place » qui est déjà déterminée pour lui…

      [La société avance mais vous restez au bord du chemin!]

      Quand la société avance vers le précipice, c’est la conduite la plus raisonnable il me semble…

    • Françoise, enseignante dit :

      Cette discussion devient stérile mais tant pis, je réponds…

      "Mais pour qu’un héritage puisse être partagé, il faut d’abord qu’il soit transmis. Or, vous semblez « vous ficher pas mal » de ce processus essentiel qui s’appelle la transmission…"
      Je n’ai jamais dit cela et pour moi, les mots partager et transmettre sont synonymes de tradition.

      Pour les compétences du BO 2008 dont je n’ai reproduit que les sept chapeaux du socle commun, je vous laisse consulter les pages du site eduscol ou http://www.education.gouv.fr/bo/2008/hs3/programme_CE2_CM1_CM2.htm car ce serait trop long. C’est la norme officielle de l’Education Nationale.
      Pour l’apprentissage des langues étrangères, je vous laisse à votre aveuglement ou à votre mauvaise foi…
      Pour les bons conseils de votre "ami enseignant", oubliez-les, il n’aime pas les enfants.
      Pour les textes officiels, loi ou décrets, désolée mais par respect envers l’Etat et les citoyens qui nous confient leurs enfants, on se contente de les appliquer, sans rajouter de "catéchisme politiquement correct".
      Il serait effectivement intéressant de demander aux sportifs ce qui les motive: être plus fort que son voisin ou brandir la coupe du meilleur? J’ose espérer qu’ils répondraient la deuxième proposition.
      Pour la différence entre compétences et savoirs, vous avez raison: écrire fora au lieu de forums vous place-t-il en position d’adulte intelligent, c’est à dire capable de communiquer avec l’autre, ou d’adulte sachant, c’est à dire imposant son savoir?

      Pour votre phrase "sans sanction il n’y a pas d’interdit", le débat glisse dangereusement sur la notion de faute morale qui n’a rien à voir avec des erreurs d’apprentissage à l’école.
      Pour "ma" façon d’évaluer (sachez que dans le primaire on y est tous obligés depuis 2009 mais vos "amis enseignants" n’appliquent peut-être pas les textes officiels), elle n’a rien d’original ou personnel et soyez convaincu que, vu le boulot que ça me demande d’être à ce point attentive à l’évaluation de chaque compétence, je préfererais largement balancer sur le bulletin un 5 sur 20 en maths… et débrouillez-vous avec! Vous pouvez toujours m’expliquer que je peux faire une moyenne: oui mais pour quoi faire? L’enfant sera-t-il plus avancé de savoir qu’il a 2 sur 3 (ou 13 sur 20) dans la case "je sais différencier l’adjectif qualificatif du participe passé"? Il faudrait le faire pour 30 élèves sur 300 items (9000…), je vous laisse le soin de créer un nouvel emploi dans l’Education Nationale, calculateur de moyennes, car cela ne sert à rien pour les enseignants, à part une activité chronophage de plus. (quand je parle d’échec cuisant, c’est évidemment pour l’enseignant, même si c’est l’enfant qui en pâtit.)
      "Depuis quand l’apprentissage est la priorité du système?": vous vous foutez vraiment de l’école, vous ne vous vous complaisez que dans le mépris.
      Pour l’école des Fans, c’est vous qui en parlez à Stéphane, en critiquant le manque de compétition; puis ici vous dites qu’"ils gagnaient certainement en « confiance en soi », en « autonomie », en « compétences sociales » et toute une série de « compétences » fort importantes": trop de bla bla font que vous vous emmêlez un peu les pinceaux, à moins que votre colère vous fasse dire n’importe quoi!
      "Or, vous affirmez que parce que le système de notation change, « vous n’avez pas besoin de prendre l’enfant en soutien »: ai-je dit cela? Non, je vous ai dit que je n’avais pas besoin de moyenne sur 20 pour prendre l’enfant en soutien. Ce n’est pas pareil, attention à ne pas lire en diagonale, cela vous éviterait le contre sens.

      "La Terre décrit une ellipse autour du Soleil": intéressant débat que vous soulevez et permettez-moi d’y répondre différemment. Cette affirmation, connue des Anciens, au moins depuis Ptolémée, était cependant indémontrable à leur époque; pourtant, c’était un savoir certain, admis, dogmatique si je suis votre raisonnement, jusqu’à Galilée qui a pu le vérifier. Savoir n’est donc pas que science.
      "Il y a un devoir moral de préserver la nature": vous ajoutez sournoisement le mot "moral" alors que ce devoir pourrait se démontrer scientifiquement, partant même de votre assertion "nous vivons dans un monde ou les ressources, les biens, les plaisirs sont limités".
      Pour la théorie du genre, ne me faites pas croire que vous souscrivez aux discours de Farida Belghoul et cie. Elle est enseignée au lycée mais n’a aucun écho en maternelle, primaire ou collège. L’égalité des sexes devant les tâches en société, oui, c’est le rôle de l’Education Nationale, mais cela ne conteste en rien la différence des sexes.
      C’est pourquoi je rigole sur votre course à la séduction: et si c’était l’inverse?

    • Descartes dit :

      @ Françoise, enseignante

      [Cette discussion devient stérile mais tant pis, je réponds…]

      Personne ne vous oblige. Si vous pensez que la discussion est « stérile », vous n’êtes pas forcée à répondre. Si vous continuez, c’est que la discussion vous intéresse. Elle n’est donc pas si « stérile » que ça…

      ["Mais pour qu’un héritage puisse être partagé, il faut d’abord qu’il soit transmis. Or, vous semblez « vous ficher pas mal » de ce processus essentiel qui s’appelle la transmission…" Je n’ai jamais dit cela et pour moi, les mots partager et transmettre sont synonymes de tradition.]

      Dont acte.

      [Pour les compétences du BO 2008 dont je n’ai reproduit que les sept chapeaux du socle commun, je vous laisse consulter les pages du site eduscol ou http://www.education.gouv.fr/bo/2008/hs3/programme_CE2_CM1_CM2.htm car ce serait trop long. C’est la norme officielle de l’Education Nationale.]

      Je n’ai pas attendu vos encouragements pour le faire. Mais le fait que cela se trouve dans le site de l’éducation nationale n’en fait pas parole d’évangile. C’est, comme vous dites, « la norme officielle de l’Education Nationale ». Lorsqu’on sait comment – et par qui – la norme officielle est faite…

      [Pour l’apprentissage des langues étrangères, je vous laisse à votre aveuglement ou à votre mauvaise foi…]

      Je trouve cet argument particulièrement faible, surtout venant d’une enseignante. Et malhonnête : autant admettre que vous n’avez aucun argument sérieux. J’ose espérer que vous ne faites pas le coup de « l’aveuglement et mauvaise foi » à vos élèves…

      [Pour les bons conseils de votre "ami enseignant", oubliez-les, il n’aime pas les enfants.]

      Dans le texte cité, mon « ami enseignant » ne donnait aucun conseil. Il ne faisait que décrire une pratique. Je trouve par ailleurs curieux votre argument : en quoi le fait de « ne pas aimer les enfants » rendrait son analyse moins pertinente ? Je me demande par ailleurs de quel droit vous vous permettez de stigmatiser de cette manière l’un de vos collègues sans le connaître. Je n’ose imaginer comment vous évaluez vos élèves…

      [Pour les textes officiels, loi ou décrets, désolée mais par respect envers l’Etat et les citoyens qui nous confient leurs enfants, on se contente de les appliquer, sans rajouter de "catéchisme politiquement correct".]

      Vraiment ? Encore une fois, je me demande qui est ce « on » au nom de qui vous parlez. Detenez-vous un mandat de vos collègues pour parler à leur place, ou s’agit-il d’un pluriel de majesté ? Non, les enseignants n’appliquent pas toujours les « textes officiels, lois et décrets », et ils s’en vantent. Je vous rappelle l’affaire des « désobéisseurs », qui ont reçu un assez fort soutien de la profession dans leur refus d’appliquer une instruction ministérielle. Je vous rappelle aussi, que l’article 40 du Code de Procédure Pénale précise que « tout fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République ». Je crois savoir que cet article est rarement appliqué par les enseignants, notamment lorsque les délits concernent l’usage de stupéfiants, l’infraction à la législation des étrangers… Alors de grâce, ne jouez pas les Ponce Pilate sur le mode « nous ne faisons qu’appliquer les textes officiels ». Aucun « texte officiel » ne rend obligatoire d’inviter des « féministes de genre » pour débiter leur propagande devant les classes.

      [Il serait effectivement intéressant de demander aux sportifs ce qui les motive: être plus fort que son voisin ou brandir la coupe du meilleur? J’ose espérer qu’ils répondraient la deuxième proposition.]

      Je n’imagine pas comment ils pourraient « brandir la coupe du meilleur » sans entrer en compétition avec leurs voisins. « Meilleur » implique nécessairement une comparaison, d’être « plus fort », « plus rapide », plus quelque chose que son voisin.

      [Pour la différence entre compétences et savoirs, vous avez raison: écrire fora au lieu de forums vous place-t-il en position d’adulte intelligent, c’est à dire capable de communiquer avec l’autre, ou d’adulte sachant, c’est à dire imposant son savoir?]

      De la même manière qu’écrire « 2+2=4 » au lieu de « 2+2=5 ». De la même manière qu’écrire « la capitale de la France est Paris » plutôt que « la capitale de la France est Strasbourg ». De la même manière qu’écrire « pinceaux » plutôt que « pinços ». Ce n’est pas l’adulte sachant qui « impose son savoir ». Le savoir s’impose par lui-même. C’est pourquoi une école fondée sur les savoirs impose le respect, alors que l’école fondée sur les opinions et les sentiments de l’élève se ridiculise. Le savoir s’impose parce qu’il est utile, parce qu’il permet de comprendre le monde, parce qu’il est élégant, pour beaucoup de raisons. Et l’adulte « sachant » n’est que le vecteur de la transmission de ce trésor accumulé par l’espèce humaine pendant des générations.

      Je me demande d’ailleurs, au vu de vos commentaires, comment vous faites pour enseigner. Si « l’adulte sachant » n’est pas légitime pour « imposer son savoir », de quel droit imposez vous à vos élèves de vous écouter ? Quelle est votre légitimité pour les retenir dans la salle de classe ?

      [Pour votre phrase "sans sanction il n’y a pas d’interdit", le débat glisse dangereusement sur la notion de faute morale qui n’a rien à voir avec des erreurs d’apprentissage à l’école.]

      Je ne sais pas ce que c’est les « erreurs d’apprentissage » à l’école, mais je peux vous assurer qu’il n’y a aucune question de « faute morale » dans mon commentaire. L’élève qui ne travaille pas ne commet nullement une « faute morale ».

      [Pour "ma" façon d’évaluer (sachez que dans le primaire on y est tous obligés depuis 2009 mais vos "amis enseignants" n’appliquent peut-être pas les textes officiels), elle n’a rien d’original ou personnel et soyez convaincu que, vu le boulot que ça me demande d’être à ce point attentive à l’évaluation de chaque compétence, je préférerais largement balancer sur le bulletin un 5 sur 20 en maths… et débrouillez-vous avec!]

      Voyons si je comprends bien : vous préféreriez la notation chiffrée sur vingt, mais c’est parce que les « textes officiels » vous l’ordonnent que vous utilisez la méthode du « carnet de compétences ». Ais je bien compris ? Mais dans ce cas, je ne comprends pas pourquoi vous défendez la notation par compétences. Après tout, si le « textes officiels » vous ordonnent de l’appliquer, ils ne vous ordonnent pas de la défendre, non ? Je constate avec étonnement combien les « textes officiels » semblent pour vous tout justifier.

      [Vous pouvez toujours m’expliquer que je peux faire une moyenne: oui mais pour quoi faire?]

      Vous, vous n’en avez pas besoin, j’en suis sur. Vous connaissez suffisamment vos élèves pour avoir en tête un « classement » informel. Mais pour que les élèves puissent se placer dans le groupe, cela est important. Tout comme pour les parents.

      [L’enfant sera-t-il plus avancé de savoir qu’il a 2 sur 3 (ou 13 sur 20) dans la case "je sais différencier l’adjectif qualificatif du participe passé"?]

      Non, mais il sera plus avancé lorsqu’il saura que, sur les trois cents critères, il a une moyenne de 2 sur 3 (ou de 13 sur 20). C’est ce qu’on appelle un « indicateur synthétique ».
      [l faudrait le faire pour 30 élèves sur 300 items (9000…), je vous laisse le soin de créer un nouvel emploi dans l’Education Nationale, calculateur de moyennes, car cela ne sert à rien pour les enseignants, à part une activité chronophage de plus.]

      Sans vouloir vous offenser, noter « 1,2,3 » plutôt que « point vert, point orange, point jaune » prend exactement le même temps. Quant au calcul de la moyenne, point n’est besoin de créer des emplois, il y a des logiciels qui calculent cela en un click.

      [quand je parle d’échec cuisant, c’est évidemment pour l’enseignant, même si c’est l’enfant qui en pâtit.)]

      Mais pourquoi, bon dieu ? L’enseignant n’est pas le bon dieu, qui peut faire des miracles et redresser les bossus. Pas plus qu’il n’est alchimiste, pour transformer le plomb en or. Il y a des enfants qui, parce qu’ils ont des problèmes organiques, parce qu’ils auront été abîmés par les accidents de la vie ou par des familles dysfonctionnelles n’apprendront pas, quelque soit le génie et les efforts de l’enseignant. Pourquoi devrait-il alors se sentir coupable, ressentir cela comme un « échec » ?

      Votre commentaire est révélateur parce qu’il montre l’une des raisons pour laquelle certains enseignants ont tendance à soutenir la « notation bienveillante ». Dès lors que la mauvaise note de l’élève est un « échec cuisant » pour l’enseignant, supprimer la note pour la remplacer par une « évaluation bienveillante » c’est aussi supprimer le reproche de l’échec. En d’autres termes, l’objet de la « bienveillance » n’est pas celui qu’on croit…

      ["Depuis quand l’apprentissage est la priorité du système?": vous vous foutez vraiment de l’école, vous ne vous vous complaisez que dans le mépris.]

      Plutôt dans la lucidité. Parmi les objectifs déclarés par nos chers ministres, je ne vois pas « l’apprentissage » parmi les priorités du système. Je n’entends que « réussite », jamais « apprentissage ». Vous-mêmes, lorsque vous m’avez parlé des objectifs, m’avez dit que c’était « de former des élèves capables de s’adapter au monde », « de former des citoyens » et ainsi de suite. Pas une vois vous avez fait référence aux savoirs et leur acquisition.

      [Pour l’école des Fans, c’est vous qui en parlez à Stéphane, en critiquant le manque de compétition; puis ici vous dites qu’"ils gagnaient certainement en « confiance en soi », en « autonomie », en « compétences sociales » et toute une série de « compétences » fort importantes": trop de bla bla font que vous vous emmêlez un peu les pinceaux, à moins que votre colère vous fasse dire n’importe quoi!]

      Ne prenez pas votre cas pour une généralité. Si je comprends bien, vous partagez l’idée qu’un rapport pédagogique doit en priorité permettre à l’élève « de la confiance en soi », de « l’autonomie » et des « compétences sociales ». Dans ces conditions, je ne vois pas en quoi mon commentaire sur l’école des fans pouvait être considéré « méprisant » par vous, puisque je lui reconnais de transmettre les « compétences » que vous valorisez hautement…

      ["Or, vous affirmez que parce que le système de notation change, « vous n’avez pas besoin de prendre l’enfant en soutien »: ai-je dit cela? Non, je vous ai dit que je n’avais pas besoin de moyenne sur 20 pour prendre l’enfant en soutien. Ce n’est pas pareil, attention à ne pas lire en diagonale, cela vous éviterait le contre sens.]

      Le problème n’est pas tant que je lis en diagonale, mais que votre syntaxe est approximative. Voilà ce que vous avez écrit exactement : « Je le répète, il est impossible, français ou non mais j’habite en Allemagne et mes enfants sont évalués de la même façon, de faire une moyenne pour situer l’enfant dans la classe avec ce système, et je n’en ai pas besoin pour prendre l’enfant en soutien ou pour prévenir les parents d’un souci sur telle ou telle compétence ("votre fils n’est pas nul en maths, il a besoin de revoir la numération") ». Vous avouerez que le sens de cette phrase n’est pas évidente.

      ["La Terre décrit une ellipse autour du Soleil": intéressant débat que vous soulevez et permettez-moi d’y répondre différemment. Cette affirmation, connue des Anciens, au moins depuis Ptolémée, était cependant indémontrable à leur époque; pourtant, c’était un savoir certain, admis, dogmatique si je suis votre raisonnement, jusqu’à Galilée qui a pu le vérifier. Savoir n’est donc pas que science.]

      Vous avez une curieuse idée des choses. D’abord, pour commencer, le fait que la terre décrit une ellipse autour du soleil est aussi « indémontrable » aujourd’hui qu’à l’époque des Anciens. Un fait n’a pas d’ailleurs besoin de « démonstration », il est là, on l’observe ou pas. « Démontrer » que la terre décrit une ellipse autour du soleil c’est un peu comme « démontrer » que le soleil se lève à l’est. Contrairement à une idée trop répandue, ce sont les lois physiques qui se déduisent de l’observation, et non l’inverse.

      Ensuite, votre affirmation laisse penser que vous croyez que Ptolémée adhérait au modèle héliocentrique. Le système de Ptolémée (1er siècle après JC) – qui reprend une proposition d’Hipparque – est au contraire fondé sur une terre fixe, et un soleil qui tourne autour d’elle. Il y a des astronomes qui envisagent un modèle héliocentrique bien avant, comme Aristarque de Samos (vers le 3ème siècle avant JC).

      Enfin, j’ai l’impression que pour vous toute opinion est un « savoir ». Si vous admettez que l’affirmation « la terre décrit une ellipse autour du soleil » était un « savoir » alors qu’elle était invérifiable, il vous faut admettre que l’affirmation « la terre est plate et le soleil tourne autour d’elle » était, elle aussi, un « savoir ». Car comment les gens de l’époque pouvaient-ils déterminer laquelle de ces deux opinions était la bonne ? A moins que vous pensiez que les « savoirs » ne peuvent être qualifiés qu’à posteriori. Mais dans ce cas, vous avez un autre problème : qu’est ce qui vous garantit que ce que vous appelez « savoir » aujourd’hui ne sera prouvé faux demain ?

      Il faut revenir aux fondamentaux. Il n’existe pas de « savoir dogmatique ». Il y a des savoirs, et puis il y a des dogmes. Les premiers sont soumis au test de la logique et de l’expérience, les autres non.

      ["Il y a un devoir moral de préserver la nature": vous ajoutez sournoisement le mot "moral" alors que ce devoir pourrait se démontrer scientifiquement, partant même de votre assertion "nous vivons dans un monde ou les ressources, les biens, les plaisirs sont limités".]

      Pourquoi « sournoisement » ? Je n’ai pas utilisé des caractères plus petits pour mettre le mot, je ne l’ai pas mis en pointillé… J’ajoute qu’il est impossible de « démontrer scientifiquement » un devoir. La science, par définition, n’est pas prescriptive. Elle dit ce qu’on peut faire, comment le faire, mais elle est impuissante à nous dire si on doit ou non le faire. La physique ne peut nous dire s’il faut ou non utiliser la bombe atomique. Aucune science ne peut vous dire qu’il est de notre devoir de préserver la nature ». Vous me dite que nous vivons dans un monde ou les ressources, les biens et les plaisirs sont limités ? Et bien, consommons alors ces ressources, ces biens, ces plaisirs, et après nous disparaîtrons. Quel est le problème ? Il n’y a pas de réponse « scientifique » à cette question…

      [Pour la théorie du genre, ne me faites pas croire que vous souscrivez aux discours de Farida Belghoul et cie.]

      Pour l’amour du ciel, êtes vous capable d’argumenter sans utiliser des étiquettes ? Que vos soyez en désaccord avec moi, je peux le comprendre. Mais les amalgames avec tel out tel, ça devient fatigant et n’apporte pas grande chose à la discussion. Au cas ou vous ne le sauriez pas, on peut parfaitement considérer que la « théorie du genre » est une aberration sans pour autant adhérer aux discours de Farida Belghoul.

      [Elle est enseignée au lycée mais n’a aucun écho en maternelle, primaire ou collège.]

      Elle est quelquefois enseignée aussi en collège, comme l’affaire des soi-disants « ABCD de l’égalité » l’a montré. Mais même si elle était enseignée uniquement au lycée, ce serait déjà assez grave.

      [L’égalité des sexes devant les tâches en société, oui, c’est le rôle de l’Education Nationale, mais cela ne conteste en rien la différence des sexes.]

      J’aimerais que vous m’expliquiez en quoi enseigner « l’égalité des sexes devant les tâches en société » serait le rôle de l’éducation nationale. La question de savoir si les sexes doivent être « égaux devant les tâches » n’est pas une question scientifique, qu’on peut résoudre par la méthode cartésienne. Il s’agit d’une question morale et civique où toutes les opinions se valent. Et sur les questions morales, je ne peux que penser à la circulaire de Jules Ferry du 17 novembre 1883 dite « lettre aux instituteurs » qui n’a pas pris une ride : « Si parfois vous étiez embarrassé pour savoir jusqu’où il vous est permis d’aller dans votre enseignement moral, voici une règle pratique à laquelle vous pourrez vous tenir. Au moment de proposer aux élèves un précepte, une maxime quelconque,
      demandez-vous s’il se trouve à votre connaissance un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu’il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire, sinon, parlez hardiment : car ce que vous allez communiquer à l’enfant, ce n’est pas votre propre sagesse ; c’est la sagesse du genre humain, c’est une de ces idées d’ordre universel que plusieurs siècles de civilisation ont fait entrer dans le patrimoine de l’humanité ».

      On ne saurait mieux dire. Il y a d’un côté l’enseignement des connaissances, des « savoirs ». Et il y a les sujets qui sont matière à opinion. Et sur ces derniers, la prudence s’impose. L’école ne saurait prendre parti que lorsque ce parti pris est consensuel dans la société. Dans le cas contraire, mieux vaut s’abstenir. Et la question de la répartition des tâches ménagères n’est certainement pas une question consensuelle.

      [C’est pourquoi je rigole sur votre course à la séduction: et si c’était l’inverse?]

      Et si c’était l’inverse quoi ? Ah, j’y suis ! Au lieu de « il y aura toujours deux hommes qui aimeront la même femme et qui chercheront à la séduire » j’aurais du plutôt écrire « il y aura toujours deux hommes (femmes) qui aimeront la-le même femme (homme) et qui chercheront à la-le séduire » pour satisfaire les dragons de vertu du politiquement correct…

    • bovard dit :

      [Elle est enseignée au lycée mais n’a aucun écho en maternelle, primaire ou collège.]
      Non,la théorie du genre (qui n’existe pas) n’est pas enseignée au lycée.Heureusement!
      En première L ,le thème du genre subjectif est juste …effleuré.
      C’est déjà trop pour les enseignants de SVT comme moi.
      Je l’ai déjà évoqué sur le blog Descartes…
      Par ailleurs chère Françoise,je vous conseille de lire attentivement les corrections trés instructives de Descartes.
      Il s’agit ni plus ,ni moins que d’un premier pas vers la révolution Copernicienne qui a concerné l’ensemble de l’Humanité.
      Le système de Ptolémée où le Soleil tourne autour de la Terre,est bien sûr faux.
      Pourtant nos sens ,nous le font percevoir comme juste.
      Vous même,en avez fait un abus d’interprétation,très commun comme Descartes l’a relevé,avec beaucoup de délicatesse comme à son habitude.C’est un sujet passionnant débattu dès l’antiquité,surtout en ce qui concerne la rotondité de la Terre .
      La circonférence de la Terre(aux alentours de 40000 km) a même était calculée,(justement pas loin de l’époque de Ptolémée),à quelques % d’erreurs près.
      Mais ce n’était pas l’Héliocentrisme.
      Ce fut par ,Eratosthène lorsqu’ils constata,avec un télégraphe optique, que l’ombre à Midi,à Thèbes était plus verticale qu’à Memphis,plus au Nord.Il calcula et démontra alors la rotondité de la Terre.
      En effectuant,ces mêmes mesures,à des saison différentes au même endroit,il est possible de démontrer qu’il existe des mouvements mais pas de démontrer le système héliocentrique.
      Pour cela,il a fallu attendre Copernic et Keppler qui ont expliqué les mouvements des planètes (illogiques en apparence avant leurs travaux.)
      Voici ce qu’en dit Wikipédia.’Bien que quelques précurseurs, comme Aristarque de Samos vers -280, aient envisagé le mouvement de la Terre autour du Soleil, l’héliocentrisme prend son véritable essor avec les travaux de Nicolas Copernic, qui fut le premier à proposer un modèle héliocentrique incluant la Terre et toutes les planètes connues à l’époque. On doit à Galilée les observations astronomiques et les premiers principes mécaniques justifiant l’héliocentrisme, et à Johannes Kepler un modèle bien plus précis du système solaire, se démarquant notamment par l’introduction d’orbites elliptiques des planètes admettant le Soleil comme un de leurs foyers, et non plus circulaires’.

    • Françoise, enseignante dit :

      Bon… Je vois que vous aimez la controverse donc continuons.

      Si la Nation, par l’intermédiaire de son Parlement, donne mission à l’Education Nationale d’enseigner un programme commun à tous ses enfants, futurs citoyens, je ne vois pas de quel droit vous vous permettez de le contredire, de le mettre en doute ou de vous étonner que je l’applique. Je n’ai pas la prétention de définir moi-même le contenu de l’enseignement et en serais bien incapable. Vous pouvez avoir un avis divergent mais le Parlement qui vote la loi est souverain. On enseigne cela en éducation civique et ce n’est pas du "catéchisme du politiquement correct qui donne envie de vomir".

      Pour les langues étrangères, je vous laisse à la lecture, en anglais, du rapport d’une étude menée en 2012 par la Commision européenne, http://ec.europa.eu/languages/library/studies/executive-summary-eslc_en.pdf , et vous verrez bien si vous avez raison.

      Pour vos "féministes de genre débitant leur propagande devant les classes", je veux bien un exemple précis, pas pris sur le site de Farida B., s’il vous plait. Pour en revenir d’ailleurs à cette dame, elle s’est pris un blâme, ce qui prouve bien que les "désobéisseurs" sont punis. Pour ma part, je suis trop fière de servir mon pays pour oser aller contre ma mission, même quand celle-ci est exigeante, et tant pis si ce discours vous choque.

      Pour "l’adulte sachant", le métier d’enseignant est justement d’être un "adulte intelligent", capable de transmettre "ses" savoirs (en réalité pas les siens propres car les siens peuvent être plus (ou moins?) larges et donc inadaptés) donnés par la loi donc par la Nation, ou nos aïeux si vous préférez! En primaire, nous enseignons toutes les matières: qui peut prétendre être le meilleur et le plus savant dans tous les domaines? Nous devons faire le tri des savoirs à transmettre et la loi nous guide en cela en fonction de l’âge des enfants. C’est la légitimité de notre enseignement. Pas question de blablater comme vous le laissez entendre, en fonction de "l’opinion et des sentiments de l’élève" qui a un droit de savoir mais aussi un devoir de savoir, s’il veut être citoyen de son pays.

      Pour votre marotte des moyennes, je le répète encore une fois (si la répétition n’est pas un argument pour vous, c’est en tout cas le meilleur moyen pour enseigner, rappelez-vous comment vous avez appris vos tables de multiplication et votre conjugaison!) il est impossible de situer l’enfant au sein du groupe avec ce système: vous pouvez le situer face à son objectif de compétence à acquérir (c’était le sens de la coupe du sportif, non de sa comparaison avec son adversaire) mais de là à lui dire "tu es le premier en maths", non seulement ça n’a pas de sens mais en plus, malgré ce que vous croyez, je n’ai pas le temps de remplir mon livret de trois pages par enfant, puis de tout rentrer dans l’ordi pour cliquer sur "moyenne" en bas de la page (9000 items dans le doc papier + 9000 items dans le doc informatique=18000 et ce 3 fois par an, au secours!!!!!!!). On en revient donc à mon premier commentaire, oui, ce sont les parents qui sont perdus et je vous remercie d’admettre finalement que la notation par moyennes ne sert qu’aux parents à situer leur enfant au sein du groupe classe.
      Mais arrêtons de délirer, il y a d’autres moyens de le savoir: nous ne sommes pas des robots et nous croisons les parents quotidiennement aux entrées et sorties d’école; nous sommes tout à fait capables de nous parler et de faire le point sur le niveau de leur enfant, même si cela sera moins précis scientifiquement parlant qu’une moyenne mathématique!
      Quant à moi, dois-je vous avouer si ce système me convient? Il me suffit de me persuader que c’est celui qui convient à l’enfant pour progresser; nul n’est censé ignorer la loi (2009 pour le primaire je vous rappelle) et tout le monde l’acceptera.

      "D’un côté, il y a les « savoirs » qui sont construits à partir d’une méthode cartésienne. Ils sont construits par l’usage de la raison et sont soumis au doute et au débat, et peuvent être falsifiés – au sens poppérien du terme – par l’expérience ou par un raisonnement logique. De l’autre côté, il y a les savoirs qui sont affirmés dogmatiquement, qui ne sont pas soumis à débat mais doivent être acceptés comme des vérités."
      "Il n’existe pas de « savoir dogmatique ». Il y a des savoirs, et puis il y a des dogmes. Les premiers sont soumis au test de la logique et de l’expérience, les autres non." Vous voyez? Vous vous contredisez à 24h d’intervalle! Désolée, vous n’êtes pas intelligible. Les Anciens n’avaient pas besoin de preuve scientifique pour imposer leur savoir, ils avaient en revanche une arme imparable, la rhétorique, qui leur permettait d’asseoir leurs affirmations sur leur réputation et leur art de convaincre. Que la Terre soit plate ou ronde, qu’elle tourne autour du Soleil ou l’inverse, leurs observations sont devenues des savoirs acceptés car imposés dogmatiquement, qui ne seront démontrés scientifiquement qu’aux Temps Modernes. Oui, les savoirs évoluent et j’espère que les chercheurs trouveront encore à l’avenir de quoi confirmer ou infirmer nos certitudes d’aujourd’hui.

    • Descartes dit :

      @ Françoise, enseignante

      [Bon… Je vois que vous aimez la controverse donc continuons.]

      Si vous continuez, c’est que vous aussi, vous aimez la controverse…

      [Si la Nation, par l’intermédiaire de son Parlement, donne mission à l’Education Nationale d’enseigner un programme commun à tous ses enfants, futurs citoyens, je ne vois pas de quel droit vous vous permettez de le contredire, de le mettre en doute ou de vous étonner que je l’applique.]

      Je ne m’étonne pas. Je suis ravi de trouver un enseignant finalement qui applique rigoureusement les décisions de la Nation par l’intermédiaire de son Parlement. Tiens, une question en passant : lorsque vous voyez l’un des vos élèves – ou l’un de vos collègues – fumer un petit joint, vous les dénoncez à la police ? Lorsque vous apprenez que l’un de vos élèves étrangers résident, eux ou leurs parents, irrégulièrement sur le territoire, vous les dénoncez à la police ? Non ? Alors, là, je suis très surpris. Parce que la Nation, par l’intermédiaire de son Parlement, vous en a donné la mission. Et si vous ne me croyez pas, lisez l’article 40 du Code de Procédure Pénale.

      Alors de deux choses l’une. Ou bien vous dénoncez les délits que vous constatez autour de vous, et je ne peux que vous féliciter, ou bien vous ne le faites pas, et vous prouvez par là que vous vous permettez de choisir, parmi les ordres données par la Nation par l’intermédiaire de son Parlement, celles que vous obéissez et celles que vous n’obéissez pas. Et alors, je vois mal de quel droit vous reprocheriez aux autres de faire de même…

      [Je n’ai pas la prétention de définir moi-même le contenu de l’enseignement et en serais bien incapable. Vous pouvez avoir un avis divergent mais le Parlement qui vote la loi est souverain. On enseigne cela en éducation civique et ce n’est pas du "catéchisme du politiquement correct qui donne envie de vomir".]

      Alors vous soit votre professeur d’éducation civique avait des conceptions bien à lui de sa matière, soit vous n’étiez pas suffisamment attentive. Seul le peuple est « souverain », puisque lui seul a la propriété de n’être juridiquement soumis qu’aux normes qu’il fait lui-même, et aucune autre. Le Parlement, lui, n’est pas souverain puisqu’il exerce le pouvoir législatif dans les limites fixées par la Constitution. Je ne sais pas si connaître la signification du mot « souveraineté » est une compétence, mais je crains que si c’en est une vous n’ayez eu un point rouge…

      [Pour les langues étrangères, je vous laisse à la lecture, en anglais, du rapport d’une étude menée en 2012 par la Commision européenne, http://ec.europa.eu/languages/library/studies/executive-summary-eslc_en.pdf , et vous verrez bien si vous avez raison.]

      Raison sur quoi ? Vu que le document en question est une évaluation du niveau des élèves en première et deuxième langue dans divers pays de l’Union Européenne et que je n’ai jamais exprimé la moindre opinion sur la question, je vois mal comment ce texte pourrait me montrer que si j’ai « raison » ou « tort »… Mais peut-être ne lisez-vous pas assez bien l’anglais pour comprendre correctement le document que vous citez ?

      [Pour vos "féministes de genre débitant leur propagande devant les classes", je veux bien un exemple précis, pas pris sur le site de Farida B., s’il vous plait.]

      Charmé de vous obliger. Dans le lycée que fréquente ma nièce, il a été organisé – j’ignore à l’initiative de qui – l’intervention de représentants d’une association féministe qui ont débité pendant une heure les poncifs habituels de la « théorie du genre » devant un panel d’adolescents incrédules médusés d’entendre que « si vous êtes fille ou garçon, c’est parce que vos parents et la société vous ont éduqué ainsi, et que s’ils vous avaient éduqué différemment les filles seraient garçons et les garçons seraient des filles ». Je vous rapporte ce que ma nièce a compris, je ne peux vous garantir que c’est ce qui a été dit. Mais comme c’est une fille intelligente et qu’en général elle ne raconte pas des salades, j’ai tendance à la croire. Cet exemple vous suffit ? Ah, je vous garantis qu’il ne figure pas sur le site de Farida B..

      [Pour en revenir d’ailleurs à cette dame, elle s’est pris un blâme, ce qui prouve bien que les "désobéisseurs" sont punis.]

      Pas vraiment. Tout au plus, cela prouve que CERTAINS désobéisseurs sont punis.

      [Pour ma part, je suis trop fière de servir mon pays pour oser aller contre ma mission, même quand celle-ci est exigeante, et tant pis si ce discours vous choque.]

      Au contraire, je le trouve excellent. J’ose espérer que vous appliquerez rigoureusement le même principe lorsque vous apprendrez dans l’exercice de vos fonctions que l’un de vos élèves est un « sans papiers ».

      [Pour "l’adulte sachant", le métier d’enseignant est justement d’être un "adulte intelligent", capable de transmettre "ses" savoirs (en réalité pas les siens propres car les siens peuvent être plus (ou moins?) larges et donc inadaptés) donnés par la loi donc par la Nation, ou nos aïeux si vous préférez! En primaire, nous enseignons toutes les matières: qui peut prétendre être le meilleur et le plus savant dans tous les domaines? Nous devons faire le tri des savoirs à transmettre et la loi nous guide en cela en fonction de l’âge des enfants. C’est la légitimité de notre enseignement. Pas question de blablater comme vous le laissez entendre, en fonction de "l’opinion et des sentiments de l’élève" qui a un droit de savoir mais aussi un devoir de savoir, s’il veut être citoyen de son pays.]

      La, je en comprends plus rien. La loi votée par le Parlement a mis « l’élève au centre du système ». Il ne s’agit donc pas de lui transmettre des « savoirs », mais de lui permettre de construire ses propres « savoirs ». J’ai l’impression que vous prenez dans la loi ce qui vous arrange, et vous oubliez un peu vite ce qui ne vous arrange pas.

      [Pour votre marotte des moyennes, je le répète encore une fois (si la répétition n’est pas un argument pour vous, c’est en tout cas le meilleur moyen pour enseigner, rappelez-vous comment vous avez appris vos tables de multiplication et votre conjugaison!)]

      L’ennui, c’est que cela marche que le concept répété soit vrai, ou qu’il soit faux, comme c’est le cas ici.

      [il est impossible de situer l’enfant au sein du groupe avec ce système: vous pouvez le situer face à son objectif de compétence à acquérir (c’était le sens de la coupe du sportif, non de sa comparaison avec son adversaire) mais de là à lui dire "tu es le premier en maths", non seulement ça n’a pas de sens mais en plus, malgré ce que vous croyez, je n’ai pas le temps de remplir mon livret de trois pages par enfant, puis de tout rentrer dans l’ordi pour cliquer sur "moyenne" en bas de la page (9000 items dans le doc papier + 9000 items dans le doc informatique=18000 et ce 3 fois par an, au secours!!!!!!!).]

      Je vais vous dire un secret : il existe des moyens d’entrer directement les évaluations sur l’ordi, et ensuite d’imprimer le livret. Et le logiciel vous fait la moyenne en plus. Mais même si vous continuez à faire cela sur papier (comment c’était, « il faut former des élèves capables de s’adapter au monde qui bouge »…), vous n’avez pas besoin de calculer les moyennes. Vos élèves le feront pour vous. Ou leurs parents.

      [On en revient donc à mon premier commentaire, oui, ce sont les parents qui sont perdus et je vous remercie d’admettre finalement que la notation par moyennes ne sert qu’aux parents à situer leur enfant au sein du groupe classe.]

      Je n’ai jamais rien admis de tel. J’ai bien précisé, au contraire, que cela servait aux élèves et aux parents. Le seul qui n’a pas besoin – parce qu’il connaît les performances de chacun de ses élèves – est le professeur. D’ailleurs, je me demande si finalement tout ce système ne sert aussi à cela : à donner au professeur un sentiment de puissance puisque lui seul connaît la place de chacun…

      ["D’un côté, il y a les « savoirs » qui sont construits à partir d’une méthode cartésienne. Ils sont construits par l’usage de la raison et sont soumis au doute et au débat, et peuvent être falsifiés – au sens poppérien du terme – par l’expérience ou par un raisonnement logique. De l’autre côté, il y a les savoirs qui sont affirmés dogmatiquement, qui ne sont pas soumis à débat mais doivent être acceptés comme des vérités."
      "Il n’existe pas de « savoir dogmatique ». Il y a des savoirs, et puis il y a des dogmes. Les premiers sont soumis au test de la logique et de l’expérience, les autres non." Vous voyez? Vous vous contredisez à 24h d’intervalle!]

      La seule chose que je vois, c’est que vous ne savez pas lire. Les deux commentaires disent exactement la même chose sous une forme très légèrement différente. Ce que vous semblez avoir oublié, c’est mon avertissement qui précédait le premier commentaire sur votre utilisation du mot « savoirs » pour désigner tout et n’importe quoi. C’est pourquoi j’ai mis « savoirs » entre guillemets, et j’ai réutilisé le terme pour me référer aux dogmes, que vous persistez à appeler « savoirs ». Dans le deuxième commentaire, j’ai utilisé le terme « savoir » (sans guillemets) dans le sens que je lui donne, moi : celui d’une connaissance construite à l’aide de la méthode et confrontable à la logique et à l’expérience.

      [Les Anciens n’avaient pas besoin de preuve scientifique pour imposer leur savoir, ils avaient en revanche une arme imparable, la rhétorique, qui leur permettait d’asseoir leurs affirmations sur leur réputation et leur art de convaincre.]

      Ah bon ? C’était par la réputation et l’art de convaincre que les Anciens imposaient l’idée que les théorèmes de Pythagore et de Thalès étaient vrais ? Franchement, vous dites n’importe quoi…

      [Que la Terre soit plate ou ronde, qu’elle tourne autour du Soleil ou l’inverse, leurs observations sont devenues des savoirs acceptés car imposés dogmatiquement, qui ne seront démontrés scientifiquement qu’aux Temps Modernes.]

      J’ignorais qu’aux temps modernes on avait démontré que la terre était plate et que le soleil tournait autour d’elle… décidément, nous n’avons pas fréquenté la même école.

      Je le regrette pour vous, mais les Anciens étaient parfaitement capables de démontrer « scientifiquement » un certain nombre de résultats. Ainsi, par exemple, les grecs savaient qu’il n’existe aucune fraction dont le carré soit égal à 2. Ce n’était pas un résultat « accepté » ou « imposé dogmatiquement », c’est un théorème dont la démonstration est toujours valable deux mille ans plus tard. Et le fait que la somme des carrés des côtés du triangle rectangle est égale au carré de l’hypoténuse idem.

      [Oui, les savoirs évoluent et j’espère que les chercheurs trouveront encore à l’avenir de quoi confirmer ou infirmer nos certitudes d’aujourd’hui.]

      De quelles « certitudes » parlez vous ? Vous voulez dire que vous pensez possible que des chercheurs demain trouvent une fraction dont le carré soit égal à 2 ? La quadrature du cercle ? La trisection de l’angle ?

    • Françoise, enseignante dit :

      Désolée pour vos fantasmes sur la drogue ou les sans papiers, je ne suis qu’une petite enseignante de primaire et n’ai jamais été confrontée à ce genre de problème en presque 20 ans de travail; la seule anecdote que je puisse vous raconter, c’est d’avoir repris mon directeur adjoint, quand il était responsable de la buvette le jour de la fête de l’école, pour avoir vendu une bouteille de bière à ma fille de 15 ans, mais pas de quoi engager des poursuites judiciaires pour cela, non?
      Pour la définition du mot souverain, merci pour le rectificatif. Je reprends: la loi, expression de la volonté générale, votée par le Parlement représentant le peuple souverain, s’applique pour tous, n’en déplaise aux intérêts individuels.
      Pour le document sur les langues étrangères, il nous apprend que les Français sont avant-derniers dans l’apprentissage de la LV1, juste avant la Grande Bretagne (tant pis pour ces derniers car à force de croire qu’ils étaient les rois du monde avec leur anglais, ils sont très peu nombreux dans le corps des fonctionnaires européens qui exige la pratique de 3 langues); vous n’avez donc pas raison de dire que nous savons enseigner les langues en France "depuis fort longtemps" et il est urgent de s’ouvrir au monde.
      Pour votre nièce, qui doit avoir quand même 17 ans si elle a entendu parler de la théorie du genre en première, elle a donc retenu, si vos propos sont exacts, ce que les chercheurs sur le genre dégagent de leurs études. Sur ce sujet je rejoins ce que dit Bovard que ce n’est pas enseigné en tant que vérité à appliquer mais comme un domaine de recherche parmi d’autres (il n’empêche, Bovard, que même "effleurées", on peut dire que ces études sont proposées aux lycéens et font donc partie de l’enseignement). On est cependant loin des ABCD de l’Egalité qui étaient testés en primaire et non au collège comme vous l’avez dit plus haut, qui n’ont rien à voir avec ce genre de discours.
      "La loi votée par le Parlement a mis « l’élève au centre du système ». Il ne s’agit donc pas de lui transmettre des « savoirs », mais de lui permettre de construire ses propres « savoirs ».": dans quelle loi avez vou lu cela? Une sorte d’enseignement à la carte? Au lycée peut-être, et encore, le choix est plutôt restreint, mais en primaire il n’en a jamais été question! Peut-être avez vous mal compris une phrase qui voulait dire qu’on développe des compétences plutôt qu’une montagne de connaissances? Je veux bien une source, merci.
      Je vais vous dire un autre secret: le Livret de compétences est un doc officiel publié par les CNDP qui suit l’enfant depuis sa maternelle jusqu’au CM2, donc pas simplement 3 feuilles imprimées par l’instit de l’année mais un cahier A4 de 50 pages. Mais bon, ce sujet devient vraiment stérile donc j’arrête.

    • Descartes dit :

      @ Françoise, enseignante

      |Désolée pour vos fantasmes sur la drogue ou les sans papiers,]

      Ah… parce que c’est des « fantasmes », pas une réalité. Les sans papiers, ça n’existe pas. Les « fumettes » dans les toilettes des établissements scolaires, non plus. Merci de cette précision, qui montre votre profonde connaissance de notre système éducatif…

      [je ne suis qu’une petite enseignante de primaire et n’ai jamais été confrontée à ce genre de problème en presque 20 ans de travail;]

      Cela explique certainement votre attitude. Si vous aviez été confrontée à ce genre de problème, vous auriez réfléchi un peu à la question des lois légitimes, et vous n’auriez certainement pas une position aussi rigide concernant l’obéissance absolue aux lois votés par le Parlement.

      [la seule anecdote que je puisse vous raconter, c’est d’avoir repris mon directeur adjoint, quand il était responsable de la buvette le jour de la fête de l’école, pour avoir vendu une bouteille de bière à ma fille de 15 ans, mais pas de quoi engager des poursuites judiciaires pour cela, non?]

      Beh oui. Les articles L3342-1 et L3342-3 (le « L » devant le numéro de l’article vous dit qu’il s’agit d’une mesure législative, donc votée par le Parlement) interdit de vendre ou d’offrir à titre gratuit de l’alcool aux mineurs de moins de 18 ans. L’infraction constitue un délit, puni de 7.500 € d’amende pour la première infraction, d’un an de prison et 15.000€ d’amende en cas de récidive. Le fait qu’il s’agit d’une personne chargée d’un service public en position d’autorité est certainement une circonstance aggravante. L’affaire rentre donc parfaitement dans les dispositions de l’article 40 du CPP. Vous auriez du le dénoncer.

      Je remarque donc que vous vous réservez le droit de décider qu’il n’y a « pas de quoi engager des poursuites judiciaires » dans un cas où il est manifeste que le législateur a prévu le contraire. Et si vous pouvez prendre une décision aussi grave dans le domaine pénal, vous pouvez difficilement vous cacher derrière l’obéissance absolue à la loi en matière de programmes ou d’évaluation…

      [Pour la définition du mot souverain, merci pour le rectificatif. Je reprends: la loi, expression de la volonté générale, votée par le Parlement représentant le peuple souverain, s’applique pour tous, n’en déplaise aux intérêts individuels.]

      C’est vrai. Qu’attendez vous pour dénoncer votre directeur adjoint ? Il a bien commis un délit, et l’article 40 du CPP vous fait obligation de le dénoncer. Le Parlement « représentant le peuple souverain » vous l’ordonne. Comment ? Vous ne le faîtes pas ? Alors arrêtez de vous cacher derrière l’obéissance à la loi.

      [Pour le document sur les langues étrangères, il nous apprend que les Français sont avant-derniers dans l’apprentissage de la LV1,]

      Certainement pas. Il nous apprend que les Français sont les derniers dans l’évaluation faite par l’Union Européenne. La question de savoir si cette évaluation révèle une réalité, et si une autre évaluation fondée sur d’autres critères donnerait les mêmes résultats est une question ouverte. Ici, vous semblez avoir une confiance absolue dans les méthodes d’évaluation, au point que vous confondez le résultat de l’évaluation et l’apprentissage lui-même.

      [juste avant la Grande Bretagne (tant pis pour ces derniers car à force de croire qu’ils étaient les rois du monde avec leur anglais, ils sont très peu nombreux dans le corps des fonctionnaires européens qui exige la pratique de 3 langues);]

      D’abord, l’entrée dans la fonction publique européenne n’exige nullement la pratique de « trois langues » mais seulement de deux. Ensuite, les anglais sont fort bien représentés dans la fonction publique européenne, particulièrement aux grades les plus élevés. Révisez vous données…

      [vous n’avez donc pas raison de dire que nous savons enseigner les langues en France "depuis fort longtemps" et il est urgent de s’ouvrir au monde.]

      Je n’ai jamais dit que « nous savons enseigner les langues en France ». J’ai dit que nous les enseignons depuis fort longtemps, et que le fait de mettre cette priorité dans les « piliers » dont vous avez donné la liste ne changera rien à la situation. Et c’est la pure vérité. Maintenant, si votre point est qu’on enseigne mal les langues étrangères en France, je ne vous contredirai pas. Au contraire, l’abandon de la systématique ces trente dernières années, la disparition du Latin et le faible niveau d’exigence a tué la discipline. Sans compter qu’il est difficile d’apprendre une langue étrangère lorsqu’on ne domine pas bien la sienne…

      [Pour votre nièce, qui doit avoir quand même 17 ans si elle a entendu parler de la théorie du genre en première, elle a donc retenu, si vos propos sont exacts, ce que les chercheurs sur le genre dégagent de leurs études.]

      Je ne sais pas ce que c’est un « chercheur sur le genre ». Je crois que vous confondez « chercheur » et « idéologue ». Ce que ma nièce a retenu n’est pas le résultat d’une recherche, c’est au contraire un postulat dogmatique qui précède toute étude. Un résultat de recherche est par essence soumis à discussion et à contradiction. Lorsque toute contradiction est reçue non pas avec des arguments mais avec des noms d’oiseau (« machiste », « vieux barbon », « défenseur du patriarcat ») nous sommes en général en présence d’un dogme.

      [Sur ce sujet je rejoins ce que dit Bovard que ce n’est pas enseigné en tant que vérité à appliquer mais comme un domaine de recherche parmi d’autres]

      Certainement pas. Lorsqu’on se lance dans un « domaine de recherche », on ne sait pas à quelle conclusion on aboutira. Le propre du travail scientifique est d’explorer le réel et d’essayer d’en tirer des lois générales. Et non d’énoncer une conclusion et de piocher ensuite dans le réel tout ce qui peut justifier cette thèse en ignorant tout ce qui la contredit. Il y a des chercheurs sérieux qui ont écrit l’histoire des rapports entre les sexes, des philosophes, des psychologues qui ont traité la question fort sérieusement, et dont les travaux reçoivent une diffusion confidentielle précisément parce que personne n’est intéressée par des études sérieuses. Et de l’autre côté, vous trouvez une maffia de qui a fait de la « théorie du genre » une affaire fort rentable en termes de pouvoir et de places. Car il ne faut pas se tromper : cette affaire fait vivre beaucoup de monde, et fournit à des dizaines de médiocres des places rémunérées au sein des « départements d’études de genre » en plein développement dans nos universités. Mais en termes de travail de recherche sérieux, zéro.

      [On est cependant loin des ABCD de l’Egalité qui étaient testés en primaire et non au collège comme vous l’avez dit plus haut, qui n’ont rien à voir avec ce genre de discours.]

      Je persiste : le matériel fourni avec les « ABCD de l’égalité » était utilisé par certains enseignants de collège, même si l’expérimentation officielle concernait le prmiaire. Là encore, je vous parle d’expérience personnelle.

      ["La loi votée par le Parlement a mis « l’élève au centre du système ». Il ne s’agit donc pas de lui transmettre des « savoirs », mais de lui permettre de construire ses propres « savoirs ».": dans quelle loi avez vou lu cela? Une sorte d’enseignement à la carte?]

      Le texte de référence est la loi d’orientation du 10 juillet 1989 (dite « loi Jospin »). Il ne couvre pas l’idée de « l’enseignement à la carte », mais l’idée que le système scolaire doit être construit pour satisfaire les élèves, et non en fonction d’une délibération sociale sur les savoirs et valeurs à transmettre. Cette idée dérive de la vision « constructiviste » selon laquelle l’élève doit construire ses savoirs, défendue par le courant « pédagogiste » dont Philippe Meirieu était à l’époque le porte-drapeau.

      [Je vais vous dire un autre secret: le Livret de compétences est un doc officiel publié par les CNDP qui suit l’enfant depuis sa maternelle jusqu’au CM2, donc pas simplement 3 feuilles imprimées par l’instit de l’année mais un cahier A4 de 50 pages.]

      J’ai cru comprendre qu’en imprimant plusieurs fois trois pages on arrive à 50. Mais ce n’est peut-être pas vrai. Vous savez, je n’ai jamais été très bon en mats…

      [Mais bon, ce sujet devient vraiment stérile donc j’arrête.]

      Je trouve votre évaluation de vos commentaires un peu sévère, mais si vous le dites…

    • Françoise, enseignante dit :

      Je n’ai pas lu dans la loi Jospin que l’élève construit ses propres savoirs mais en revanche j’ai lu ceci:" Les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d’enseignement supérieur sont chargés de transmettre et de faire acquérir connaissances et méthodes de travail."
      Je persiste, les fonctionnaires européens doivent maîtriser 3 langues, dont la leur évidemment.

    • Descartes dit :

      @ Françoise, enseignante

      [Je n’ai pas lu dans la loi Jospin que l’élève construit ses propres savoirs mais en revanche j’ai lu ceci:" Les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d’enseignement supérieur sont chargés de transmettre et de faire acquérir connaissances et méthodes de travail."]

      La formule figure dans l’exposé des motifs. Elle figure aussi en filigrane dans l’extrait que vous citez. Pour les rédacteurs de la loi, « transmettre » et « faire acquérir » ne sont pas synonymes. Il y a donc des connaissances qu’on « acquiert » à l’école sans qu’elles soient « transmises »…

      [Je persiste, les fonctionnaires européens doivent maîtriser 3 langues, dont la leur évidemment.]

      La persistance dans l’erreur est un grave péché. Sur le site officiel « service public » (http://www.fonction-publique.gouv.fr/score/autres-recrutements/recrutement-des-autres-fonctions-publiques/devenir-fonctionnaire-europeen) sont indiquées les conditions d’inscription aux concours de la fonction publique européenne. Parmi elles, il est indiqué que « maîtriser 2 langues officielles de l’Union européenne, voire 3 pour la filière linguistique ». Il en résulte avec une implacable logique que seule une petite minorité de fonctionnaires européens – ceux de la « filière linguistique », c’est-à-dire les interprètes et traducteurs – sont tenus de maîtriser trois langues. Tous les autres n’en maîtrisent obligatoirement que deux.

      A la page C60/A6 du journal officiel des communautés européennes du 1er mars 2014 (consultable sur http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:C:2014:060A:FULL&from=FR), dans le texte concernant les concours généraux de recrutement de fonctionnaires européens on peut lire que « En règle générale, vous devrez disposer de connaissances solides dans l’une des langues officielles de l’UE et de connaissances satisfaisantes dans une autre. Toutefois, l’avis de concours peut imposer des exigences plus strictes (c’est notamment le cas pour les profils de linguistes) ». Encore une fois, le cas général est l’exigence de deux langues, les exigences « plus strictes » ne concernant que des profils très particuliers.

      J’imagine qu’avant de déclarer – et de persister – dans l’affirmation que « les fonctionnaires européens doivent maîtriser trois langues » vous avez consulté des sources. Pourriez-vous m’indiquer lesquelles, à titre de curiosité ?

    • Françoise, enseignante dit :

      Je ne sais pas où trouver "l’exposé des motifs"…?
      Pour les langues, vous pouvez être fonctionnaire européen avec 2 langues, mais il n’y a pas de promotion sans maîtriser 3 langues.

    • Descartes dit :

      @ Françoise, enseignante

      [Je ne sais pas où trouver "l’exposé des motifs"…?]

      D’habitude, il est placé en tête d’un projet de loi. On trouve les dossiers législatifs complets sur le site de l’Assemblée Nationale.

      [Pour les langues, vous pouvez être fonctionnaire européen avec 2 langues, mais il n’y a pas de promotion sans maîtriser 3 langues.]

      Juste par curiosité… ça vous arrive de temps en temps d’admettre que vous avez parlé trop vite et fait une erreur ? Ou réagissez-vous toujours comme ça en essayant de vous rattraper aux branches ?

      Je vous rappelle votre affirmation originale : « les fonctionnaires européens doivent maîtriser 3 langues ». Maintenant, vous admettez – façon de parler, parce que vous faites comme si rien n’avait changé – que les fonctionnaires européens ne « doivent » rien de tel, mais que c’est simplement une condition pour avoir une « promotion »…

    • Françoise dit :

      Non décidément, je ne vois nulle part un exposé des motifs avec un savoir à construire ni dans le préambule, ni ailleurs… auriez-vous menti? Ou disposez vous d’un écran ultra performant qui fasse apparaître en filigrane les pensées des rédacteurs de la loi?
      Mon affirmation sur les langues n’est pas fausse, ni entâchée d’un quelconque péché, elle est vraie et tous les fonctionnaires ont trois langues. Si vous croyez qu’une personne choisit d’être fonctionnaire au même grade toute sa carrière, vous vous trompez et j’ajoute même que vous êtes ainsi en complète contradiction avec ce que vous nous bassinez depuis une semaine, à savoir les bienfaits de la compétition ou la recherche de se situer toujours mieux que son voisin, ou encore l’adulte qui ne devrait pas avoir "sa place" dans la société mais " personnellement, je pense qu’ils sont là aussi pour produire des individus capables de comprendre le monde qui les entoure et d’agir sur lui pour le changer, et non pas se contenter de « s’adapter » à un monde perçu comme une contrainte extérieure sur laquelle on n’a aucun contrôle.": votre discours s’appliquerait-il donc à tous sauf aux fonctionnaires européens?
      Ne tenez pas compte de mes points d’interrogation, je n’attends plus aucune réponse de votre part.

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [Non décidément, je ne vois nulle part un exposé des motifs avec un savoir à construire ni dans le préambule, ni ailleurs… auriez-vous menti?]

      Je ne répondrai même pas à une question posée avec une telle grossièreté. Je laisse mes lecteurs juges.

      [Mon affirmation sur les langues n’est pas fausse, ni entâchée d’un quelconque péché, elle est vraie et tous les fonctionnaires ont trois langues. Si vous croyez qu’une personne choisit d’être fonctionnaire au même grade toute sa carrière, vous vous trompez]

      Vous vous enfoncez. Le statut de la fonction publique européenne fait la différence entre la « promotion » – l’équivalent du changement de « classe » dans la fonction publique française – et « l’avancement », qui équivaut au changement d’échelon dans notre fonction publique. L’article 44 du statut précise que l’avancement se fait strictement à l’ancienneté, d’un échelon tous les deux ans. Certains fonctionnaires de la commission font toute leur carrière dans la même « classe », et n’ont donc aucune obligation de dominer « 3 langues étrangères ». Votre affirmation sur les « 3 langues » est donc fausse.

      [Ne tenez pas compte de mes points d’interrogation, je n’attends plus aucune réponse de votre part.]

      Après m’avoir menacé dix fois de « ne plus continuer ce débat stérile » – sans que cela soit jamais suivi d’effet – vous prétendez maintenant m’interdire de répondre ? Vous en avez, du culot… Ce n’est pas parce que vous n’attendez pas de réponse que vous n’en aurez pas une. C’est la règle de ce blog : vous êtes libre d’intervenir, mais les autres sont libres de vous répondre. Ce qui de toute évidence ne vous fait pas trop plaisir. Il est vrai qu’il est tellement plus facile, lorsqu’on dit n’importe quoi, d’avoir un auditoire muet…

    • Françoise dit :

      Extrait du rapport annexé à la loi 10 juillet 1989 (c’est ça un exposé des motifs?):
      "L’école a pour rôle fondamental la transmission des connaissances."
      "l’école primaire a pour objectif fondamental l’apprentissage des bases de la lecture, de l’écriture et du calcul. Elle permet à l’enfant d’étendre sa conscience du temps, de l’espace, des objets du monde moderne et de son propre corps. L’initiation à une langue étrangère contribue à l’ouverture de l’élève sur le monde"
      "L’école doit permettre à l’élève d’acquérir un savoir et de construire sa personnalité par sa propre activité."
      Mensonge ou mauvaise lecture?

      Fonction publique européenne: 4 échelons par grade donc 8 ans maxi, c’est un peu court pour une "carrière"…
      "Le changement de grade (promotion) est fait uniquement au choix compte tenu notamment des évaluations périodiques (notations) dont le fonctionnaire fait l’objet, en principe chaque année. Un fonctionnaire ne sera promu que s’il maîtrise 3 langues officielles de l’Union européenne."

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [Extrait du rapport annexé à la loi 10 juillet 1989 (c’est ça un exposé des motifs?): (…)]

      Je vous l’ai déjà dit : je ne supporte pas la grossièreté. Si vous croyez que vous pouvez accuser les gens de « menteurs » à votre aise et ensuite continuer l’échange comme si de rien n’était, vous vous trompez. Je n’ai pas l’intention de continuer un débat dans ces conditions. Pour cette raison, la discussion sur ce point est pour moi close.

      [Fonction publique européenne: 4 échelons par grade donc 8 ans maxi, c’est un peu court pour une "carrière"…]

      L’article 66 du statut précise qu’il y a 5, et non 4 échelons par grade. Un fonctionnaire européen peut donc exercer son métier pendant dix ans avant que le problème de la « promotion » se pose. Je vous le répète, vous vous enfoncez : vous aviez affirmé que TOUS les fonctionnaires européens dominaient trois langues, et vous vous êtes gourée. Ceux qui souhaiteraient une promotion ont tout loisir d’étudier une troisième langue après sept ou huit ans de carrière, mais ne sont guère obligés de la connaître dès leur recrutement.

      Tiens, cette fois-ci le couplet final genre « cette discussion est stérile » ou « pas la peine de répondre » n’apparaît pas… oubli ou changement d’avis ?

    • Françoise dit :

      Non, ni oubli ni changement d’avis, d’ailleurs je vous remercie de n’avoir répondu à aucune de mes interrogations, ce qui ne vous a pas empêché de répondre à côté de la plaque.
      Vous n’êtes toujours pas capable de me donner la justification de votre phrase "l’élève doit construire ses savoirs" dans une loi, donc j’en conclus qu’il n’y en a pas.
      Ok pour les 5 échelons, vous avez raison: donc après 10 ans, il faut apprendre une langue étrangère, ce qui revient à l’idée première de mettre la priorité 2 sur les compétences à acquérir à l’école, cela évite les soucis à 35 ans!
      Jeu, set et match!
      Je ne vous salue pas…

    • Descartes dit :

      @ Françoise

      [Non, ni oubli ni changement d’avis,]

      Le propre des imbéciles, si je me réfère à une formule souvent citée…

      [d’ailleurs je vous remercie de n’avoir répondu à aucune de mes interrogations,]

      C’était la moindre des choses. C’est vous qui m’avez indiqué que vous ne souhaitiez pas de réponse. Je n’ai fait que suivre votre demande.

      [Vous n’êtes toujours pas capable de me donner la justification de votre phrase "l’élève doit construire ses savoirs" dans une loi, donc j’en conclus qu’il n’y en a pas.]

      Vous pouvez « conclure » ce qui vous chante. Quant à moi, je vous ai déjà indiqué ma position, qui a toujours été la même depuis que ce blog existe : je ne tolère pas la grossièreté. Quand sur un point mon interlocuteur profère une injure, je considère le débat sur ce point comme clos. C’est aussi simple que cela. Depuis que ce blog existe, cela a permis de garder aux débats sur ce blog un climat amical. Je n’ai donc pas l’intention de le changer. Et si cela vous donne l’illusion d’avoir « gagné » quelque chose – comme l’expression « jeu, set et match » que vous utilisez plus bas le suggère – j’en suis ravi pour vous. Cela vous donnera l’illusion d’avoir fait quelque chose de votre vie, et on a bien besoin de cela, par les temps qui courent.

      [Ok pour les 5 échelons, vous avez raison: donc après 10 ans, il faut apprendre une langue étrangère, ce qui revient à l’idée première de mettre la priorité 2 sur les compétences à acquérir à l’école, cela évite les soucis à 35 ans!]

      Je remarque que tout à coup vous cessez de « persister » sur le fait que TOUS les fonctionnaires européens dominent trois langues. Mais sans admettre que vous aviez tort. Faut pas trop demander, votre « confiance en vous » pourrait en souffrir…

      [Jeu, set et match!]

      Si cela vous fait plaisir de le croire… Mais si vous voulez mon avis – et si vous ne le voulez pas je vous le donne quand même – ce n’est pas parce qu’on s’occupe d’enfants qu’il faut agir comme l’un d’eux.

      [Je ne vous salue pas]

      Cela ne fait que montrer les lacunes de votre éducation.

  17. bovard dit :

    Cohn-Bendit vient d’être élevé au grade de Docteur honoris causa,pour la quatrième fois .
    Cette fois,c’est à l’université de Nanterre,celle où il n’obtint aucun diplome.
    Pour prolonger,cet esprit humoristique qui a saisi ses amis,certains ont fait circuler ce questionnaire.
    Que les lecteurs de Descartes,en profitent aussi.
    Après tout rigoler,est une vertu,pas assez pratiquée surtout à l’approche de la fin décembre.
    Merci aux vénérables universitaires de Nanterre, d’avoir si bien évalué ‘ dany ‘à qui seule la légion d’honneur manque maintenant.
    Sachez qu’il n’a pas eu le temps de corriger le questionnaire suivant,et en plus qu’il a trouvé la cinquième question attentatoire à sa subjectivité :
    Q1. A quelle bataille Charles le téméraire est-il mort ?
    Sa dernière bataille
    Q2. Où a été signée la déclaration d’indépendance américaine ?
    Au bas de la dernière page
    Q3. Dans quel état se trouve la rivière Rio-Grande ?
    Liquide
    Q4. Comment expliquer autant de divorces ?
    Trop de mariages
    Q5.Quelle est la raison principale de l’échec scolaire?
    Les examens
    Q6. Qu’est-ce que vous ne pouvez jamais manger au petit déjeuner ?
    Un dîner ou un souper
    Q7. Qu’est-ce qui ressemble le plus à une demi-pomme ?
    L’autre moitié
    Q8. Comment pouvez-vous soulever un éléphant avec une seule main ?
    Impossible, ça n’existe pas, un éléphant avec une seule main
    Q9 Si vous aviez trois pommes et quatre oranges dans une main, et quatre
    pommes et trois oranges dans l’autre, qu’auriez-vous?
    De grandes mains
    Q10 Il a fallu 8 heures à 10 hommes pour construire un mur. Combien de temps
    faudrait-il à quatre hommes pour le construire ?
    Inutile, le mur est déjà construit
    Q11 Complète la phrase : "Certains hommes n’ont que ce qu’ils méritent…"
    "…les autres sont célibataires !"
    Q12 Votre oncle achète 12 bouteilles de vin à 6,80 EUR. Pour combien en
    a-t-il?
    Pour 2 jours !!!

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Cohn-Bendit vient d’être élevé au grade de Docteur honoris causa,pour la quatrième fois .
      Cette fois,c’est à l’université de Nanterre,celle où il n’obtint aucun diplome.]

      Dis moi qui tu honores, et je te dirai qui tu est. Cela donne une petite idée de l’état de l’Université comme institution. Franchement, si j’avais été diplôme de l’Université de Nanterre, j’aurais renvoyé mon diplôme.

    • TIEPOLO dit :

      Bonjour,
      Je vous remercie Descartes et Françoise pour vos échanges sur le rôle de l’enseignement et les modalités d’évaluation qui sont passionnés (et passionnants) mais restent courtois et d’une argumentation judicieuse… je lis avec beaucoup d’intérêt ce blog depuis longtemps mais je n’ai pas suffisamment de temps et de maîtrise rhétorique ou de clarté de vue pour me mêler à tous ces débats, veuillez excuser ma crainte d’abaisser la qualité de ces discussions. Si je passe outre ces réticences c’est que je pense qu’un des rôles de l’évaluation n’est pas ou peu évoqué dans ces échanges, elle n’est pas uniquement destinée aux élèves ou aux parents mais également à l’orientation, à l’admission dans certaines filières. L’évaluation par compétences se met petit à petit en place au niveau du collège et se profile même au lycée. Le recrutement actuel dans certaines filières rares, la mienne par exemple, se fait par dossier scolaire et traitement informatique ce qui est garant d’une certaine égalité de chance basée sur les notes obtenues au collège. Cela est en effet un gage de neutralité basée sur un certain mérite, discutable je le conçois, mais qui limite les pressions et manœuvres des parents désireux de permettre à leurs enfants d’accéder à ces classes contingentées et de fait « élitistes ». Abandonner une évaluation chiffrée pour l’orientation me fait craindre un retour à un arbitraire que soulignait Descartes… Par contre je constate que cette évaluation chiffrée de certaines compétences entraine une surreprésentation féminine dans ma filière qui est anormalement élevée (plus de 2 tiers de filles) et en décalage avec l’attrait de la filière et ses perspectives professionnelles (métiers autant masculins que féminins)… le système actuel n’est pas parfait et n’évite pas les mauvaises orientations mais il reste à trouver une évaluation qui permette une lecture claire, synthétique et non arbitraire ou subjective des savoirs et compétences des élèves, je ne sais si le nouveau système le permettra.
      Je rejoins Descartes également dans la conception de l’enseignement comme d’abord une transmission de savoirs, et j’essaye d’avoir la rigueur d’exigence qu’il évoque un peu nostalgiquement pour forcer sur son personnage conservateur : tenue, cours magistraux, respect de l’individu… mais cela ne fonctionne que dans le cadre de certains cours, d’autres mettent en œuvre d’autres pratiques et donc d’autres rapports ce qui ne signifie pas perte de valeurs ni de transmission… et par expérience d’enseignant je sais, également, qu’il est difficile de ne se contenter que d’un rôle de transmetteur, les élèves attendent parfois autre chose surtout si vous avez gagné leur estime, et cette attente dépasse parfois les questions de savoir pour dériver en questions personnelles ou de conception de vie, difficile de rejeter ces demandes ou de ne pas intervenir lors de conflits ou manifestations inacceptables (racisme ou autre injustice), difficile donc de limiter le rôle de l’enseignant au seul savoir, il est vite confronté au problème de l’éducation…
      Voilà un peu de mes doutes, j’envie vos certitudes et je vous remercie de m’aider à clarifier mes réflexions,
      cordialement

    • Françoise, enseignante dit :

      "et je te dirai qui tu [es]"…
      signé: une diplômée de Nanterre.

    • Descartes dit :

      @ TIEPOLO

      [je lis avec beaucoup d’intérêt ce blog depuis longtemps mais je n’ai pas suffisamment de temps et de maîtrise rhétorique ou de clarté de vue pour me mêler à tous ces débats, veuillez excuser ma crainte d’abaisser la qualité de ces discussions.]

      La rhétorique et la clarté de vue, ça se construit en participant, justement. N’hésitez pas à le faire, et surtout n’ayez aucune « crainte d’abaisser la qualité ».

      [Si je passe outre ces réticences c’est que je pense qu’un des rôles de l’évaluation n’est pas ou peu évoqué dans ces échanges, elle n’est pas uniquement destinée aux élèves ou aux parents mais également à l’orientation, à l’admission dans certaines filières.]

      On a un peu parlé. Outre sa fonction pédagogique, l’évaluation a une fonction de « certification », c’est-à-dire, de certifier que l’élève possède telles ou telles connaissances, telles ou telles compétences. Cette information sert aux employeurs pour déterminer la capacité d’un candidat à assumer telles ou telles fonctions, à certaines institutions à savoir si le candidat peut suivre tel ou tel enseignement. C’est une fonction non négligeable, mais qui se manifeste à certains passages critiques (en général, à la fin des cycles) et bien entendu à la fin des études…

      [L’évaluation par compétences se met petit à petit en place au niveau du collège et se profile même au lycée. Le recrutement actuel dans certaines filières rares, la mienne par exemple, se fait par dossier scolaire et traitement informatique ce qui est garant d’une certaine égalité de chance basée sur les notes obtenues au collège. Cela est en effet un gage de neutralité basée sur un certain mérite, discutable je le conçois, mais qui limite les pressions et manœuvres des parents désireux de permettre à leurs enfants d’accéder à ces classes contingentées et de fait « élitistes ». Abandonner une évaluation chiffrée pour l’orientation me fait craindre un retour à un arbitraire que soulignait Descartes…]

      Mais… c’est précisément pourquoi la suppression des notes est si populaire dans certaines couches sociales. Celles – quelle coïncidence, n’est ce pas ? – qui ont les moyens d’organiser les « pressions et manœuvres » auxquelles vous faites référence… le « retour à l’arbitraire » ne fait pas peur à tout le monde, parce que le choix arbitraire – qui n’est pas si arbitraire que ça au bout du compte – profite à certains. Il ne faut jamais l’oublier : derrière la confrontation des idées s’occulte souvent une confrontation d’intérêts.

      [Je rejoins Descartes également dans la conception de l’enseignement comme d’abord une transmission de savoirs, et j’essaye d’avoir la rigueur d’exigence qu’il évoque un peu nostalgiquement pour forcer sur son personnage conservateur : tenue, cours magistraux, respect de l’individu… mais cela ne fonctionne que dans le cadre de certains cours, d’autres mettent en œuvre d’autres pratiques et donc d’autres rapports ce qui ne signifie pas perte de valeurs ni de transmission…]

      Permettez-moi d’en douter. La transmission implique nécessairement un rapport asymétrique entre celui qui transmet et celui qui reçoit. Et cette asymétrie nécessite un certain rituel. La tenue, le vouvoiement, les marques de respect ne sont pas une question de « nostalgie ». Elles matérialisent le fait que dans la tant vantée « communauté éducative » tous les membres ne sont pas égaux. Que certains savent, et d’autres ne savent pas. Et que ceux qui savent méritent un respect et une écoute particuliers, parce que c’est eux qui transmettent.

      La familiarité, le tutoiement, le « prof copain » détruisent le rapport de transmission. Si le professeur se présente comme un « pair » – censé lui-même « apprendre » pendant qu’il fait cours – pourquoi l’élève devrait-il l’écouter lui plutôt que son copain assis à côté de lui ? Quelle légitimité a le professeur s’il n’est que l’égal de ses élèves ? La légitimité du savoir n’est pas naturelle, elle est instituée. Et cette institution nécessite des marques symboliques.

      [et par expérience d’enseignant je sais, également, qu’il est difficile de ne se contenter que d’un rôle de transmetteur, les élèves attendent parfois autre chose surtout si vous avez gagné leur estime, et cette attente dépasse parfois les questions de savoir pour dériver en questions personnelles ou de conception de vie,]

      Ce n’est pas parce que les élèves demandent qu’il faut satisfaire cette demande. Si l’un de vos élèves se blesse en classe, même s’il demande de vous des soins, vous appelez l’infirmière ou le médecin. L’enseignant n’est pas – et ne doit pas chercher à apparaître – tout puissant. Son métier, c’est de transmettre des connaissances. Point à la ligne. Si l’élève a des demandes concernant sa « conception de vie », l’enseignant doit lui expliquer qu’il n’est pas ni compétent ni mandaté pour traiter de telles demandes. Ce n’est qu’à ce prix qu’il reste légitime dans son rôle.

      [difficile de rejeter ces demandes ou de ne pas intervenir lors de conflits ou manifestations inacceptables (racisme ou autre injustice), difficile donc de limiter le rôle de l’enseignant au seul savoir, il est vite confronté au problème de l’éducation…]

      Je ne suis pas d’accord. L’enseignant peut intervenir dans ce que vous appelez « conflits ou manifestations inacceptables ». Mais il doit intervenir toujours, j’insiste, du point de vue du savoir. Il n’est pas là pour dire son opinion, mais pour transmettre une connaissance. Lorsque devant un « conflit ou manifestation » raciste il rappelle l’histoire du racisme, l’inanité des biologies racistes, la réflexion philosophique qui a conduit à interdire la discrimination raciale dans notre droit, il est dans son rôle. Lorsqu’il dit aux enfants « il faut aimer ceux qui ne nous ressemblent pas », il sort de son rôle avec une injonction qu’aucune connaissance, aucune logique ne justifie.

      [Voilà un peu de mes doutes, j’envie vos certitudes et je vous remercie de m’aider à clarifier mes réflexions,]

      Vous confondez « convictions » et « certitudes »… je peux vous assurer que je n’ai aucune « certitude », et que je suis tout à fait prêt, et même impatient de voir mes écrits confrontés à la logique et l’expérience des autres…

      [cordialement]

      De même. Et n’hésitez surtout pas à participer aux discussions. C’est la diversité des points de vue qui permet de les enrichir.

    • Descartes dit :

      @ Françoise, enseignante

      [signé: une diplômée de Nanterre.]

      Tout s’explique…
      Ne me dites pas que vous aussi vous avez un diplôme "honoris causa". Il paraît qu’ils sont pas chers, cette année…

  18. Jean-François dit :

    [Je pense que vous pensez la carotte et le bâton comme deux catégories séparées, alors qu’elles sont en fait intimement liées.]

    Je me suis mal exprimé. Mes deux catégories étaient (1) punition et récompense pour qu’un changement présente un intérêt et (2) les autres moyens. C’est la seconde catégorie que j’avais entrepris de défendre. Je suis bien sûr d’accord avec vous pour dire que récompense et punition sont liées.

    [Je me souviens avoir été motivé en mathématiques par un professeur qui était particulièrement exigeante. Toujours impeccable, son cours était toujours bien préparé, bien exposé et d’une rigueur absolue. Et ce qu’elle exigeait d’elle-même elle l’exigeait des autres. Obtenir son approbation, c’était un véritable défi. Un défi bien plus motivant que des tombereaux d’éloges immérités et de notation « positive ».]

    Cela correspond en effet à la catégorie 1 🙂 Mais pas seulement. Je pense que quand un enseignant se donne autant de mal à préparer et exposer ses cours, il ressent fatalement une grande frustration si ses élèves ne s’investissent pas suffisamment, et que cette frustration est palpable par ses élèves. D’expérience, je sais que dans ce contexte, l’empathie des élèves peut être une source incroyable de motivation pour eux.

    • Descartes dit :

      @Jean-François

      [Cela correspond en effet à la catégorie 1 🙂 Mais pas seulement. Je pense que quand un enseignant se donne autant de mal à préparer et exposer ses cours, il ressent fatalement une grande frustration si ses élèves ne s’investissent pas suffisamment, et que cette frustration est palpable par ses élèves. D’expérience, je sais que dans ce contexte, l’empathie des élèves peut être une source incroyable de motivation pour eux.]

      Je suis d’accord. J’irai plus loin : dans ma vie professionnelle j’ai remarqué un trait très humain, qu’on retrouve souvent chez les gens. Ce trait, c’est l’envie d’être à la hauteur. Lorsqu’un chef professionnellement respecté déclare sa confiance en un collaborateur pour accomplir une tache difficile, celui-ci fera d’énormes efforts pour ne pas décevoir cette confiance. Brighelli décrit le même schéma dans « La fabrique du crétin » : il faut exiger des élèves des choses difficiles, qui constituent un véritable défi, si l’on veut les mobiliser. Et si on fait ça bien, ils feront un énorme effort pour être à la hauteur. Bien entendu, le chef ou le professeur doivent faire preuve envers eux-mêmes de la même exigence dont ils font preuve envers les autres, autrement ils ne sont pas crédibles.

      La légitimité de l’enseignant dérive à mon avis aussi de cette exigence. J’ai eu des profs « à l’ancienne » – en mathématiques, en histoire, en géographie, en physique, en français – qui venaient en classe impeccablement habillés, toujours ponctuels, leur cours peaufiné, et qui nous vouvoyaient. Et dans leurs cours on entendait voler les mouches. Et puis j’ai eu des profs « soixante-huitards » – en philosophie, en sciences naturelles – qui arrivaient toujours cinq minutes en retard, mal fagotés, le cours ni fait ni à faire – quand ils ne nous demandaient pas de faire des « exposés », le truc parfait pour ne pas avoir un cours à préparer – , qui nous tutoyaient et nous appelaient par notre prénom et prétendaient se mêler de notre vie personnelle – et particulièrement de notre vie sexuelle – avec l’histoire de « je vous donne mon téléphone personnel, vous pouvez toujours m’appeler si vous avez un problème »…

  19. jules denis dit :

    qui pousse les skateurs à faire du skate ?

    • Descartes dit :

      @jules denis

      [qui pousse les skateurs à faire du skate ?]

      C’est une jolie question… je note que vous ne demandez pas « quoi » mais « qui » pousse certains adolescents à se livrer à cette activité, ce qui suggère qu’ils le font non pas pour satisfaire un désir intérieur, mais bien sous un stimulus extérieur, qui plus est venant d’une personne…

      Et vous avez bien raison : il y a bien sur le plaisir de l’activité physique, l’adrénaline de la mise en danger… mais il y a aussi le regard de l’autre. On ne fait pas du skate pour soi, et on ne le fait d’ailleurs pas dans des endroits isolés. On le fait dans des lieux publics, des lieux où l’on est vu. Les skates ne sont pas des objets neutres. On les travaille, on les bichonne, on les décore. Pour soi, mais aussi pour le regard de l’autre. Faire du skate c’est « cool », et en faire bien, être capable de faire des figures complexes et difficiles, c’est être valorisé aux yeux de ses pairs.

      Il est difficile de comprendre pourquoi ce mécanisme de compétition, si évident à observer, est nié par nos « pédagogogues ». Pourquoi cette logique du défi, qui fait que des adolescents passent des heures et des heures à s’entraîner au skate, ne peut être utilisée pour les pousser dans l’acquisition des connaissances. Brighelli défend ce point de vue en racontant son expérience de professeur de français en ZEP : il explique que les programmes « allégés » qu’on sert à nos jeunes de banlieue sous prétexte de leur simplifier l’apprentissage aboutissent à la démobilisation. Il faut au contraire enseigner des choses difficiles, parce que la difficulté est mobilisatrice.

  20. Maxime dit :

    On retrouve l’ensemble des "arguments" pro "élève au centre" dans cet article du Monde paru le 04 septembre.
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/09/04/pourquoi-moi-professeur-de-lettre-histoire-je-demissionne-de-l-education-nationale_4482124_3232.html
    Le passage sur Facebook comme vecteur privilégié de tolérance, par rapport à l’école, est assez croustillant !

    • Descartes dit :

      @ Maxime

      [On retrouve l’ensemble des "arguments" pro "élève au centre" dans cet article du Monde paru le 04 septembre.]

      L’article est absolument passionnant. Et effrayant : on a du mal à croire qu’un professeur de « lettres-histoire » puisse à ce point méconnaître à la fois les lettres et l’histoire. Pour ne prendre qu’une exemple, voici comment il justifie sa démission de l’Education Nationale : « L’école dans laquelle je pourrais enseigner, ce ne serait peut-être pas l’école de la République, mais la vraie école des Lumières, c’est-à-dire l’école de l’individu. Une école qui mettrait au centre de son action la sensibilité de l’élève ». C’est faire un énorme contresens que d’associer les Lumières avec la « sensibilité de l’élève ». Les Lumières, c’est au contraire le primat de la raison sur la sensibilité. C’est le romantisme qui, prenant le complet contrepied des Lumières, fera appel à la sensibilité par-dessus la raison. C’est assez révélateur en fait : sous prétexte d’opposer « l’école de la République » et « l’école des Lumières », l’auteur oppose en fait l’école de la République à la vision romantique de l’éducation. Et rappelez-moi… le romantisme, c’est l’idéologie de quelle classe sociale, déjà… ?

      L’accent mis sur la « sensibilité » n’est pas le seul élément « romantique » du discours de cet ex-professeur. Il y a aussi la référence à la « nature ». Ainsi, les « valeurs de la République » devraient « s’imposer d’elles-mêmes dans une école qui se fixerait pour mission de faire surgir des différences et de confronter des sensibilités ». Et c’est là qu’on arrive au bouquet : « D’ailleurs, en dehors de l’école les élèves sont déjà habitués à exprimer leur sensibilité, à découvrir et à accepter celle des autres. De ce point de vue, facebook fait aujourd’hui bien mieux que l’école pour faire de la tolérance un réflexe naturel ». Ceux qui connaissent le sujet savent que la toile rengorge au contraire de sites où les jeunes expriment « naturellement » leur haine et leur intolérance. La tolérance n’est pas un réflexe, et n’a rien de « naturel », au contraire.

      En fait, l’auteur n’a qu’une idée et la martèle : notre école, héritée de la IIIème République, est entachée du péché originel d’avoir été construite pour former des « citoyens-soldats » dociles qu’on pouvait envoyer « mourir pour la Patrie » selon les besoins. Il se demande, faussement naïf, si « la folie sanguinaire qu’a été la première guerre mondiale aurait-elle été possible sans l’école de la République ? ». Il est étonnant qu’un professeur d’histoire puisse poser une question aussi stupide. Si ma mémoire ne me trompe pas, ce n’est pas qu’en France que la « folie sanguinaire » s’est déployée en 1914-18. La première guerre mondiale a fait des centaines de milliers de morts sur le front russe, par exemple. Et pourtant, ni les allemands ni les russes n’avaient une « école de la République » pour alimenter leur « folie sanguinaire ». J’ajoute par ailleurs que ce sont les soldats du Kaiser, et non les citoyens-soldats de la République, qui ont traversé la frontière et envahi le pays voisin. Pourtant, nulle « école de la République » chez Guillaume II…

      Sa détestation de la nation en particulier et des institutions en général est évidente. Voici par exemple qu’il déclare : « Elle donnerait au groupe formé par la classe toute l’importance qui doit être la sienne, plutôt qu’à la nation, fantasme collectif agonisant depuis cent ans ». Tout est dans l’individu et dans « le groupe formé par la classe ». Seulement voilà, pour que ce « groupe » puisse fonctionner, il y a quelqu’un qui paye. Le professeur n’est pas un bénévole, pas plus que les bâtiments ne se construisent tous seuls. L’école existe parce qu’elle est voulue et payée par ce « fantasme collectif agonisant » qu’est la Nation.

      La même erreur de raisonnement est faite concernant l’enseignant : une telle école « ferait surgir la valeur de la parole du professeur dans le dialogue avec sa classe. Sa maturité et sa formation lui assureraient bien-sûr la domination de l’espace laissé à la parole. Sa parole, par la maîtrise qu’il possède du langage, doit évidemment avoir valeur d’exemple ». Il faut ne rien connaître à la dynamique institutionnelle pour penser que « la maturité et la formation » suffisent pour assurer au professeur « la domination de l’espace laissé à la parole ». Il faut le dire et le répéter : la légitimité de l’enseignant n’est pas personnelle. Elle est instituée. Les élèves ne viennent pas écouter le maître parce qu’ils en ont envie, ils le font parce qu’un ordre institutionnel les y contraint. Si l’on ne croit pas à cela, il n’y a pas d’école.

      L’école n’est pas un univers clos. Elle est créée et maintenue à grands frais par une société. Et si cette société accepte de payer des impôts pour maintenir cette institution, c’est parce qu’elle ttendent quelque chose. Qu’elle produise des citoyens capables de s’insérer dans l’ordre du monde et de payer nos retraites, par exemple. Et certainement pas pour faire le bonheur des élèves. L’école proposée par l’auteur de l’article, centrée sur l’individu, n’existe que par et pour l’élève. La question de l’utilité sociale d’une telle école n’est jamais posée. Et pourtant, c’est une question essentielle.

      En fait, l’école idéale de cet ex-enseignant, c’est une non-école. D’ailleurs il explique lui-même que « désormais toute connaissance est accessible à tout le monde, tout de suite et tout le temps », que l’élève « pourrait choisir lui-même les connaissances qu’il veut conserver parce qu’elles s’imposent à lui, comme autant d’outils d’interprétation de sa sensibilité personnelle » et que le professeur, dans ce processus, n’est plus qu’un « documentaliste ». En fait, à quoi sert-il puisque Google peut le remplacer ?

      Une idée cruelle me taraude quand même. Comment se fait-il qu’une personne avec des idées aussi absurdes sur l’éducation et une méconnaissance évidente de l’histoire ait pu passer les concours et les sélections de l’Education Nationale, qui plus est pour enseigner l’histoire, précisément ? En tout cas, on est ravi d’apprendre qu’elle est démissionnaire…

    • Anne Iversaire dit :

      @ Maxime et Descartes

      Le pire n’est pas qu’un enseignant (visiblement jeune et très narcissique) puisse écrire de pareilles âneries : c’est plutôt que "Le Monde" ait jugé bon de les publier, en un article qui est quand même rester plusieurs semaines sur la page "idées" du site internet du quotidien…

    • Descartes dit :

      @ Anne Iversaire

      [Le pire n’est pas qu’un enseignant (visiblement jeune et très narcissique) puisse écrire de pareilles âneries : c’est plutôt que "Le Monde" ait jugé bon de les publier,(…)]

      Je n’ai pas eu le temps de commenter ce point, mais effectivement le narcissisme de l’auteur de l’article est frappant. Du genre « c’est à l’institution de s’adapter à moi, et non l’inverse ». Du fait que l’école réelle ne correspond pas à ses désirs, il ne tire pas la conclusion qu’il lui faut s’atteler à la changer, mais qu’il faut partir. Un peu « on joue comme je veux ou je ne joue plus, nan ! ». Je me demande d’ailleurs dans quel emploi compte-t-il partir pour se sentir plus « utile »…

      Quant au « Monde » et sa page « idées »… je ne tire pas sur les ambulances, et encore moins sur les corbillards.

    • "Rappelez-moi… le romantisme, c’est l’idéologie de quelle classe sociale, déjà… ?"

      Le romantisme est un phénomène complexe qu’on peut grosso modo associé aux couches intellectualisées qui porte un regard hostile sur les processus d’industrialisation et d’urbanisation au XIXème et XXème siècle. Mais oui, il s’agit plus ou moins de vos classes moyennes.

      Parfois le déclassement de ces dernières peut aboutir à des choses nettement plus sinistres que l’apologie rousseauiste de la sensibilité. Voyez plutôt comment George L. Mosse analyse les causes du développement des mouvements völkisch en Allemagne :

      « Avant 1918, l’idéologie centrée sur le Volk avait imprégné la plus importante de ces institutions, le système éducatif. […] Au début, les jeunes se rassemblaient en bande pour de simples randonnées dans la campagne, mais leurs activités revêtirent bientôt un aspect idéologique: reconstruire le Volk selon des principes plus naturels et plus authentiques que ceux qu’offrait la modernité. Avant la guerre, les effectifs de ces groupes de jeunes s’élevaient à environ soixante mille membres ; après la guerre, ils dépassèrent cent mille. Il s’agissait de l’élite de la jeunesse bourgeoise et le Mouvement exerça une influence formatrice sur nombre d’intellectuels de premier plan nés entre les
      années 1880 et 1920. L’influence du Mouvement de jeunesse fut considérable parmi les enseignants et les élèves.[…]

      Ce n’était pas la haute bourgeoisie ou les nouveaux riches qui protestaient, mais ceux que la révolution industrielle avait acculés : le boutiquier, pas le propriétaire d’un grand magasin ; le petit entrepreneur traditionnel, pas le directeur d’industrie en expansion ou de grandes banques entre les mains duquel le pouvoir économique semblait se concentrer. Ces bourgeois de la classe moyenne furent rejoint par la classe des artisans en voie de prolétarisation accélérée et qui se sentaient isolés depuis 1848. Pour eux, la modernité menaçait le statut de bourgeois qui était le leur. Ils se découvrirent des alliés tout trouvés parmi les propriétaires fonciers, qui voyaient leur monopole sur l’alimentation menacé par les demandes de réduction des tarifs douaniers et d’expansion du commerce mondial. Ainsi, ceux qui prônaient un retour à la culture et préconisaient une « révolution allemande » n’étaient pas issus des classes inférieures de la population. Au contraire, c’étaient des hommes et des femmes désireux de conserver leurs biens et un statut supérieur à celui de la classe ouvrière. L’idée d’une révolution sociale authentique leur était insupportable, si mécontents fussent-ils de leur propre monde. […] Finalement, la révolution nazie fut la révolution bourgeoise "idéale": elle était une "révolution de l’âme", qui ne menaçait en réalité aucun des intérêts économiques de la classe moyenne. »
      -George Mosse, Les racines intellectuelles du Troisième Reich.

      Oh, pendant que j’y suis, cette polémique sur la notation semble vraiment dans l’air du temps, elle était débattue dans L’Humanité de vendredi dernier (quelques pages après l’étonnante confrontation Gattaz-Laurent).

    • Descartes dit :

      @ Johnathan R. Razorback

      [Parfois le déclassement de ces dernières peut aboutir à des choses nettement plus sinistres que l’apologie rousseauiste de la sensibilité. Voyez plutôt comment George L. Mosse analyse les causes du développement des mouvements völkisch en Allemagne : (…)]

      Tout à fait. Le romantisme allemand a joué un rôle non négligeable dans l’apparition des idéologies d’extrême droite, dont le nazisme, mais aussi des idéologies écologiques. Luc Ferry, dans « le nouvel ordre écologique » avait très bien mis en évidence cette filiation, en étudiant les premières lois de protections de la nature, qui datent de 1933.

    • Maxime dit :

      Oui c’est vrai que l’article fait froid dans le dos. On pourrait le prendre comme une caricature.
      Néanmoins il y a des raisons de se réjouir :
      1) Si ce monsieur a démissionné, c’est que l’école qu’il appelle de ses vœux n’est pas (encore ?) en place.
      2) La majorité des commentaires dénoncent son discours

      Le point sur le romantisme est très pertinent je trouve, c’est ce qui ressort du discours de cet ex-professeur, comme de celui d’une bonne partie des zadistes (voir par exemple cette courte vidéo sur les opposants au projet de stockage des déchets nucléaires à bure : http://vimeo.com/68620146 ).

      Mais peut être pourrait on aussi faire un lien avec les philosophies antiques (et particulièrement celles venant d’Asie, très à la mode). L’idée d’un Grand Tout et d’un ordre naturel des choses qu’il faudrait absolument conserver sous peine de rompre l’équilibre.
      Quant on sait que ce type de spiritualité légitime grandement les sociétés de castes (tout le monde à sa place), cela donne à réfléchir. Car une société de castes, pour des personnes voulant éviter à tout prix le déclassement, a tout de la solution idéale vers laquelle il faudrait tendre.

      Mais au final je me demande si ces philosophies (romantisme et philosophie antique du Grand Tout) sont vraiment des cadres de pensée parfaitement intériorisés par ces personnes. Ou alors, seulement des moyens temporaires pour défendre leurs intérêts. En résumé, croient-ils ce qu’ils disent ?

      Dans tous les cas le défi sera de répondre à ces « spiritualités », qu’elles servent (ou non) d’hôte, car je craint que leur avancée ne puisse se faire qu’au détriment de l’humanisme et de la raison.

    • Descartes dit :

      @ Maxime

      Le point sur le romantisme est très pertinent je trouve, c’est ce qui ressort du discours de cet ex-professeur, comme de celui d’une bonne partie des zadistes (…). Mais peut être pourrait on aussi faire un lien avec les philosophies antiques (et particulièrement celles venant d’Asie, très à la mode). L’idée d’un Grand Tout et d’un ordre naturel des choses qu’il faudrait absolument conserver sous peine de rompre l’équilibre.]

      Bien entendu. En fait, le romantisme allemand a ouvert la voie à la fascination pour les « philosophies antiques » plus ou moins ésotériques qu’il a revisitées à sa sauce. En général, on a cherché ces « savoirs anciens » dans la tradition locale (les anciennes mythologies, les druides, etc.) mais aussi dans l’exotisme oriental. Mais je ne pense pas qu’il faille surinterpréter, en confondant la recherche d’exotisme et une véritable conversion. Les bobos d’aujourd’hui utilisent les « philosophies exotiques » d’aujourd’hui comme ils utilisaient les grandes idéologies hier pour se fournir une justification idéologique. Hier, la libération du prolétariat justifiait qu’on détruise l’école et l’université, les deux institutions qui assuraient une – relative – possibilité de promotion sociale méritocratique. Aujourd’hui, les « philosophies orientales » expliquent qu’il faut chercher les réponses à l’intérieur de soi-individu, et certainement pas dans une réflexion collective. Comme c’est opportun…

      [Mais au final je me demande si ces philosophies (romantisme et philosophie antique du Grand Tout) sont vraiment des cadres de pensée parfaitement intériorisés par ces personnes. Ou alors, seulement des moyens temporaires pour défendre leurs intérêts. En résumé, croient-ils ce qu’ils disent ?]

      Bien sur que si. Les cyniques sont une minorité. Lorsqu’une couche sociale construit une idéologie pour justifier le service de ses intérêts, elle commence par y croire elle-même. Les gens qui vous expliquent que l’école sans notes permettra le succès de tous (alors qu’elle est en fait construite pour assurer que les enfants des classes populaires ne viennent pas concurrencer les leurs) sont généralement sincèrement convaincus qu’ils sont en train de faire le bien… d’où le dicton qui veut que le chemin de l’enfer soit pavé de bonnes intentions.

      [Dans tous les cas le défi sera de répondre à ces « spiritualités », qu’elles servent (ou non) d’hôte, car je craint que leur avancée ne puisse se faire qu’au détriment de l’humanisme et de la raison.]

      Tout à fait.

  21. morel dit :

    Quelques remarques et réflexions :

    1/ « égalité filles-garçons » :

    Françoise enseignante :

    « Pour la théorie du genre, ne me faites pas croire que vous souscrivez aux discours de Farida Belghoul et cie. Elle est enseignée au lycée mais n’a aucun écho en maternelle, primaire ou collège »

    Je ne suis pas un expert en matière de théorie du genre et ne prétends discourir à ce sujet. Pragmatiquement : une amie instit m’a indiqué où trouver les préconisations en cette matière d’ « égalité » :

    http://www.reseau-canope.fr/outils-egalite-filles-garcons/reperer-les-stereotypes-et-les-prejuges-dans-le-quotidien-scolaire/introduction.html

    Par curiosité j’ai « feuilleté ». Quelques citations non exhaustives :
    « On observe parfois qu’une fille est placée à côté d’un garçon non dans un souci de mixité, mais afin d’isoler le garçon de ses pairs. L’élève est ainsi utilisée, pour ne pas dire instrumentalisée, pour une fonction sociale sans rapport avec ses apprentissages ou son épanouissement personnel. »
    « Il est parfois tentant pour l’adulte de donner la parole à un garçon qui la demande ostensiblement, au risque de s’exposer à des manifestations de dépit, plutôt qu’à une fille qui lève patiemment la main ».
    « En classe, on peut observer que l’enseignant-e ne donne pas nécessairement la parole aux élèves filles ou garçons pour les mêmes raisons : aux filles le rappel des savoirs, aux garçons la proposition de solutions innovantes. »

    Chacun se fera son opinion. Quant à moi, j’hésite entre porter plainte car mon fils, plutôt calme en classe, a souvent hérité d’un voisin turbulent ou le soumettre à une expertise psychologique.

    2/ Evaluation.

    Je peux témoigner que des parents modestes sont fort déroutés devant les tableaux de compétence mais qui s’en soucie ?

    3/ L’homme nouveau ?

    Stéphane :
    « Parce que, tout simplement, il en va de notre humanisation : dépasser (autant que faire se peut) cette pulsion de rivalité et de compétition ! Laissons cela dans les domaines bien cadrés que sont, par exemple, le sport …
    Apprendre, c’est changer (sa façon de penser, par exemple). Aider à apprendre demande donc, avant tout, que l’adulte (modèle) soit lui-même capable de changer 😉 »

    Comme pour « l’égalité filles-garçons », attention, le risque de « façonnage » n’est pas loin. Y compris en direction « l’adulte (modèle) » qui devrait s’expurger de tout défaut.

    4/ Cartésien.

    Descartes :

    « Impossible n’est pas français. Il suffit de compter le nombre de pastilles vertes, rouges ou orange. »
    Les enfants en primaire d’un copain ont droit, eux, aux smileys…

    • Descartes dit :

      @ morel

      [Pragmatiquement : une amie instit m’a indiqué où trouver les préconisations en cette matière d’ « égalité » : http://www.reseau-canope.fr/outils-egalite-filles-garcons/reperer-les-stereotypes-et-les-prejuges-dans-le-quotidien-scolaire/introduction.html%5D

      Je ne peux que recommander ce site. Il est d’un comique – involontaire, bien entendu – irrésistible. Supposé s’adresser à des adultes – des enseignants – il est rédigé comme s’il s’adressait à des enfants de dix ans. Voici un extrait savoureux :

      « Bleu et rose ne sont pas des couleurs qui ont la même valeur sociale. En Europe, le bleu est la couleur royale, la couleur de l’Europe, la couleur considérée comme neutre. Le rose est une couleur diluée, dérivée du rouge, qui n’est pas associée à une distinction valorisante. Si une fille peut s’habiller indifféremment dans l’une ou l’autre couleur, un garçon non. Il en va de même pour les équipements : un garçon ne pourra pas utiliser un vélo rose. »

      Difficile de voir clair dans ce tissu d’approximations. D’abord, le bleu n’est pas « la couleur royale » en Europe, ne serait-ce que parce que les différentes cours européennes n’avaient pas – et comprend aisément pourquoi – choisi les mêmes couleurs comme emblème. En Grande-Bretagne, la « couleur royale » est le rouge – le pourpre, pour être précis – alors qu’en France c’était le blanc (et non le bleu). Ensuite, comme le signalait Bourdieu la valorisation est associée à ce qui distingue. Si le rose ne peut être porté que par les filles, alors que le bleu peut être porté par les deux sexes, le rose est donc un signe de distinction, donc valorisant.

      On notera aussi ce délicieux avertissement : « La valorisation de la compétition ou de l’abstraction — en mathématiques par exemple – socialement encore associé à un univers plus masculin, pourra réduire l’implication des filles dans l’activité proposée ». Bannissons l’abstraction en mathématiques, au nom de l’égalité…

  22. v2s dit :

    @Descartes

    Concernant les discriminations hommes / femmes, malgré le déballage de références érudites qui étayent les brillantes démonstrations logiques de vos échanges, les faits sont têtus : les discriminations hommes / femmes persistent, régressent beaucoup trop lentement. Les efforts maladroits du ministère de l’Éducation Nationale, auront au moins l’avantage de convaincre les enfants des deux sexes que l’égalité des chances parfaite entre garçons et filles reste un objectif dans la société française.

    Quand au système d’évaluation, notes ou pas notes, couleurs ou smileys, c’est effectivement un sujet bien secondaire, bien futile au regard de ce qu’est la réalité du naufrage de l’école : une catastrophe nationale.
    Pour certains, dont je suis, le bon indicateur de la faillite c’est la contradiction ahurissante entre notre record mondial du coût par élève (par exemple 7900€ par an et par élève au collège, rien que pour le ministère, c’est à dire hors coûts des bâtiments et des transports, payés par les régions) et notre recul constant dans les tests d’évaluation.
    Même si, et nous avons eu des échanges animés sur le sujet, les tests pisa ne disent certainement pas tout du recul relatif de notre système éducatif, il reste que notre record mondial de dépense par élève est choquant au regard des 12 à 15% de décrocheurs, d’échecs scolaires et au final de quasi illettrés qui sortent de notre système dispendieux, gaspilleur des ressources de la nation. En plus de leur place dans les bâtiments et les transports scolaires, ces 12 à 15% de décrocheurs (soit 140000 jeunes français par an) ont, eux aussi, eu droit chacun à 7900€ par an pendant leurs 4 années de collège.
    De là a affirmer que la responsabilité en revient aux profs « soixante-huitards », c’est carrément caricatural.
    Les profs dont vous parlez, ceux qui [arrivaient toujours cinq minutes en retard, mal fagotés, le cours ni fait ni à faire], ceux qui [nous tutoyaient et nous appelaient par notre prénom] représentent, en 2014, une infime minorité du corps enseignant.
    La majorité des profs bosse, prépare ses cours, soigne sa présentation, arrive à l’heure et vouvoie ses élèves sortis de l’enfance.
    Fidèle à votre explication passe-partout, vous voyez, dans la faillite de l’école, la main invisible des classes moyennes.
    Essayons pour une fois, une autre explication.
    Dans l’école, comme dans beaucoup d’autres administrations, Il faudrait chercher les causes des dysfonctionnements dans l’absence d’une saine gestion des ressources.
    Qui évalue réellement l’efficacité des services administratifs pléthoriques des rectorats ?
    Qui évalue réellement les résultats d’une école ? D’un collège ? D’un enseignant ? Chacun connaît-il sa mission, l’a-t-il clairement acceptée, sait-il énoncer clairement les résultats que la nation attend de lui ? Les métiers et les carrières s’inscrivent-ils dans une démarche d’amélioration continue ? Savent-ils s’auto-évaluer, évaluer leurs performances ? Sont-ils capables de proposer, pour eux mêmes, des pistes d’amélioration de leurs résultats ?
    La réponse à toutes ces questions est « Non ! »
    Dans l’Éducation Nationale, comme dans la plupart des administrations, c’est l’habitude et le fatalisme qui font loi : « Ce n’est pas de ma faute, à mon petit niveau, je n’y peux rien ! ».
    Nos administrations et avec elles leurs ministres de tutelle, ont des comportements propres à un ancien pays riche, le discours c’est : « Augmentons régulièrement les budgets et il n’y a aucune raison pour que les résultats ne s’améliorent pas » : C’est le degré zéro de la gestion efficace.
    La réalité du déclin économique de notre pays devrait logiquement nous ramener à plus pragmatisme. Encore quelques coupes budgétaires et, bientôt, le mot « efficacité », dans l’Éducation Nationale comme ailleurs, ne devrait plus être un gros mot.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Concernant les discriminations hommes / femmes, malgré le déballage de références érudites qui étayent les brillantes démonstrations logiques de vos échanges, les faits sont têtus : les discriminations hommes / femmes persistent, régressent beaucoup trop lentement.]

      C’est quoi « trop lentement » ? « Trop lentement » par rapport à quelle norme ? Ce serait quoi, la « bonne » vitesse de régression ?

      Ce simple exemple montre combien le discours dont vous vous faites l’écho est un discours fait de clichés, au point qu’on le répète sans même se poser une question sur sa logique interne. Avant de gloser sur les « discriminations », il faudrait commencer par définir ce qu’est exactement une « discrimination ». Ma voisine de bureau, par exemple, porte certains jours une jupe, et d’autres un pantalon. Et tout le monde trouve cela parfaitement normal. A votre avis, quelle serait la réaction de mon chef si je venais en jupe au travail ? Pensez-vous qu’il y a là une « discrimination » ?

      [Les efforts maladroits du ministère de l’Éducation Nationale, auront au moins l’avantage de convaincre les enfants des deux sexes que l’égalité des chances parfaite entre garçons et filles reste un objectif dans la société française.]

      J’ignorais que « l’égalité des chances parfaite entre garçons et filles reste un objectif dans la société française ». Si c’est le cas, il y a du boulot : ce n’est pas demain la veille qu’un homme pourra enfanter. Voilà une « chance » qui est et sera refusée aux hommes du moins dans un avenir concevable. Pensez-vous que ce soit une mauvaise chose ? Même chose avec l’espérance de vie : pensez-vous qu’il faille se fixer comme objectif d’aligner l’espérance de vie des hommes sur celle des femmes ?

      Encore une fois, vous raisonnez par clichés. Non, l’égalité des chances « parfaite » n’est pas et ne peux pas être un objectif de toute société raisonnable. Il y a une différence, et cette différence est, n’en déplaise aux théoriciens du genre, irréductible. On peut se fixer comme objectif l’égalité juridique. Mais il est difficile d’aller au delà sans tomber dans une société kafkaïenne.

      [Pour certains, dont je suis, le bon indicateur de la faillite c’est la contradiction ahurissante entre notre record mondial du coût par élève (par exemple 7900€ par an et par élève au collège, rien que pour le ministère, c’est à dire hors coûts des bâtiments et des transports, payés par les régions) et notre recul constant dans les tests d’évaluation.]

      Personnellement, c’est le recul des connaissances des jeunes sortis du système scolaire, de leur connaissance de leur propre langue, leur manque de culture commune qui me préoccupe. Les « tests d’évaluation », je vous ai dit par ailleurs ce que j’en pense. Je ne suis pas persuadé que le système scolaire qui aurait 20/20 au test Pisa est celui que je voudrais pour mon pays.

      [Même si, et nous avons eu des échanges animés sur le sujet, les tests pisa ne disent certainement pas tout du recul relatif de notre système éducatif, il reste que notre record mondial de dépense par élève est choquant au regard des 12 à 15% de décrocheurs, d’échecs scolaires et au final de quasi illettrés qui sortent de notre système dispendieux, gaspilleur des ressources de la nation.]

      C’est vrai. Quand on pense au temps et l’effort que notre système scolaire consacre à toutes sortes de gadgets – qu’ils soit « diversitaires », « pédagogogiques » ou autres – et ce qu’on pourrait faire si cet effort était consacré à la transmission des méthodes et des savoirs, j’en pleure.

      [En plus de leur place dans les bâtiments et les transports scolaires, ces 12 à 15% de décrocheurs (soit 140000 jeunes français par an) ont, eux aussi, eu droit chacun à 7900€ par an pendant leurs 4 années de collège.]

      C’est vrai. Il faudrait faire comme les anglais : on les fait décrocher dès la fin de l’école primaire, et on peut alors économiser pas mal d’argent. Et sans que les résultats s’en ressentent.

      [De là à affirmer que la responsabilité en revient aux profs « soixante-huitards », c’est carrément caricatural.]

      Vous avez raison : c’est aussi la faute aux « pédagogogues » soixante-huitards…

      [Les profs dont vous parlez, ceux qui [arrivaient toujours cinq minutes en retard, mal fagotés, le cours ni fait ni à faire], ceux qui [nous tutoyaient et nous appelaient par notre prénom] représentent, en 2014, une infime minorité du corps enseignant.]

      Je ne sais pas. Pourriez-vous m’indiquer sur quelle statistique vous fondez votre affirmation ?

      [La majorité des profs bosse, prépare ses cours, soigne sa présentation, arrive à l’heure et vouvoie ses élèves sortis de l’enfance.]

      A votre avis, quelle proportion parmi les professeurs fait aujourd’hui cours en costard cravate ? Et ne venez pas me dire que c’est trop formel. N’importe quel vendeur d’aspirateurs ou courtier d’assurances se présente devant son client costumé et cravaté. Si la cravate est exigée pour vendre des aspirateurs, alors pourquoi serait-elle facultative pour enseigner Voltaire ?

      [Fidèle à votre explication passe-partout, vous voyez, dans la faillite de l’école, la main invisible des classes moyennes. Essayons pour une fois, une autre explication.]

      Essayons, essayons…

      [Dans l’école, comme dans beaucoup d’autres administrations, Il faudrait chercher les causes des dysfonctionnements dans l’absence d’une saine gestion des ressources. Qui évalue réellement l’efficacité des services administratifs pléthoriques des rectorats ? Qui évalue réellement les résultats d’une école ? D’un collège ? D’un enseignant ? Chacun connaît-il sa mission, l’a-t-il clairement acceptée, sait-il énoncer clairement les résultats que la nation attend de lui ? Les métiers et les carrières s’inscrivent-ils dans une démarche d’amélioration continue ? Savent-ils s’auto-évaluer, évaluer leurs performances ? Sont-ils capables de proposer, pour eux mêmes, des pistes d’amélioration de leurs résultats ? La réponse à toutes ces questions est « Non ! »]

      Je n’en suis pas si sûr. Je ne crois pas qu’on puisse répondre à la question « qui évalue ? » avec un « non » sans défier la logique 😉 Plus sérieusement : vous semblez avoir une confiance absolue dans les méthodes du management à l’américaine. Mais vous connaissez mal l’administration : aujourd’hui, tout cela est évalué. On ne fait pratiquement plus que cela, remplir des questionnaires de toutes sortes d’inspections, recevoir des missions de l’IGA, de l’IGF, de l’Autorité Environnementale, de la Cour des comptes. Chaque ministère a maintenant sa propre structure d’audit qui passe son temps à évaluer. Les « démarches d’amélioration continue » sont légion, portées par toutes sortes de cabinets et de consultants qui arrivent à en vivre, ma foi, fort convenablement. Est-ce que cela a amélioré quelque chose ? La réponse, là oui, est un « non » franc et massif. La « saine gestion des ressources » ne passe pas par là. Le problème, ce n’est pas que les enseignants ou les fonctionnaires « ne sachent pas énoncer clairement ce que la Nation attend d’eux ». Au contraire, ils le savent parfaitement : ce qu’on attend d’eux, c’est qu’ils ne fassent pas de vagues et qu’ils permettent si possible au ministre du jour de se pavaner. Et si je vous le dit, c’est parce que je vois cela tous les jours. Si le diable se présentait à Najat Vallaud-Belkacem et lui offrait le choix entre rendre le système éducatif français le plus performant du monde ou bien de la faire élire président de la République, à votre avis, qu’est ce qu’elle choisirait ?

      L’administration française, comme le système éducatif, est un outil merveilleux. Mais un outil ne fabrique rien de sa propre volonté. Il est au service de la volonté de celui qui le contrôle. Quand ceux qui le contrôlaient avaient des idées et des projets, il a superbement marché, et cela malgré une totale absence de tout ce « management à l’américaine » dont vous listez les éléments essentiels. Depuis qu’il n’y a plus de projets, il reste là, à gérer mal que mal le quotidien, et cela malgré tous les contrôles, le « management par objectifs » et les audits.

      [Dans l’Éducation Nationale, comme dans la plupart des administrations, c’est l’habitude et le fatalisme qui font loi : « Ce n’est pas de ma faute, à mon petit niveau, je n’y peux rien ! ».]

      Faudrait lire un peu moins Courteline et faire un petit stage dans les administrations réelles. Vous seriez étonné de voir avec quelle énergie – et quelquefois en y laissant la santé, car on se suicide beaucoup dans certains ministères – les fonctionnaires essayent de palier à l’opportunisme et à la lâcheté des décideurs politiques.

      [Nos administrations et avec elles leurs ministres de tutelle, ont des comportements propres à un ancien pays riche, le discours c’est : « Augmentons régulièrement les budgets et il n’y a aucune raison pour que les résultats ne s’améliorent pas » : C’est le degré zéro de la gestion efficace.]

      Vous croyez vraiment que ce sont les administrations qui soufflent leurs discours aux « ministres de tutelle » ? Comment expliquez-vous alors que les futurs ministres, lorsqu’ils sont dans l’opposition, tiennent exactement le même discours alors qu’ils n’ont guère de contacts avec l’administration ?

      D’ailleurs, vous faites erreur. Cela fait des années qu’on coupe les budgets. Et on y arrive parfaitement… dans les domaines qui n’intéressent pas les classes moyennes. Ainsi, par exemple, la politique industrielle se trouve réduite à la potion congrue. Par contre, dès que vous essayez de toucher les budgets qui font vivre les classes moyennes, tout à coup rien ne va plus.

      [La réalité du déclin économique de notre pays devrait logiquement nous ramener à plus pragmatisme.]

      Qui c’est, « nous » ? « Nous » les ouvriers ? « Nous » les classes moyennes ? Croyez-moi, en ce qui concerne les services et budgets qui touchent les couches populaires, nous sommes et depuis bien longtemps en plein « pragmatisme ».

    • v2s dit :

      [il faudrait commencer par définir ce qu’est exactement une « discrimination »]
      Pardon, mais ce n’est pas sérieux de faire mine de ne pas voir la différence qu’il y a entre la liberté de porter une jupe ou un pantalon et le fait de gagner, pour une femme, 20% de moins qu’un homme, à travail égal, (source enquête 2012 de l’observatoire des inégalités).

      [J’ignorais que « l’égalité des chances parfaite entre garçons et filles reste un objectif dans la société française ».]
      Il existe effectivement, dans la société française, un fort courant anti parité homme / femme, dont Zemmour, par exemple, est l’un des chefs de file.
      Ce courant minoritaire, mais de plus en plus visible et décomplexé, déplore l’évolution de la société vers l’égalité un homme = une femme et voudrait revenir à ce qu’il considère une « domination naturelle des hommes ».

      [Personnellement, c’est le recul des connaissances des jeunes sortis du système scolaire, de leur connaissance de leur propre langue, leur manque de culture commune qui me préoccupe]
      Revoilà le fameux recul du niveau !
      Je crois que vous nous avez dit un jour, être arrivé tardivement en France, c’est peut être pourquoi vous avez tendance, ne l’ayant pas connue, à idéaliser la France d’avant.
      La réalité c’est que le niveau d’études et de culture des français n’a pas cessé de monter et ce, de façon continue et quasi exponentielle.
      J’étais personnellement au lycée technique de Cluny, de la 5eme à la terminale, dans les années 60. Vers 1963, le concours d’entrée aux Arts et Métiers de Cluny, qui se faisait jusqu’alors au niveau BAC, est passé, en quelques années, au niveau « prépa » (qu’on appelait alors math sup, math spé). En plus de ce relèvement du niveau, le nombre d’ingénieurs Arts et Métiers est passé de 350, dans les années 50, à 950 par an de nos jours.
      Donc, dans ce cas particulier, le niveau de recrutement s’élève et le nombre de diplômés augmente. Mais ce n’est pas tout, parallèlement à ce fort renforcement en volume et en niveau des grandes écoles, la France a créé, dans ces 50 dernières années, des dizaines de nouvelles écoles d’ingénieurs, certes moins prestigieuses que les grandes anciennes, mais qui, elles aussi, recrutent par concours, à la sortie des très sélectives classes prépa.
      Objectivement, de façon mesurable, le niveau moyen ne cesse pas de monter.
      Il est indispensable de garder, comme vous le faites, un œil critique sur ce qui se passe dans les universités, et votre dénonciation des universités garderies des enfants des classes moyennes, est justifiée. Néanmoins, le fait que des légions de « glandeurs » encombrent à grand frais les amphithéâtres des facs, et que nombre d’entre eux en sortent sans aucun diplôme, ne dévalorise en rien le niveau des bosseurs qui obtiennent leurs diplômes. Or, le nombre des diplômés de l’enseignement supérieur ne cesse d’augmenter. Qu’il s’agisse des DUT, des BTS des DEUG ou des Licences « traditionnelles », le nombre annuel des diplômés de l’enseignement supérieur, en France, double tous les quinze ans !
      Non ! le niveau ne baisse pas.
      Dans l’enseignement primaire non plus, le niveau ne baisse pas. Certes, le « bon vieux » certificat d’études était le gage d’un niveau très correct en français et en arithmétique. Mais …. Là non plus, ne vous laissez pas berner par les récits romantiques. Le vaillant hussard de la république qui consacrait sa vie à sortir de l’ignorance des hordes de fils d’agriculteurs et d’ouvriers, ça fait joli dans les films et les feuilletons télévisés. La réalité était un peu moins romantique.
      Dans mon village, dans ma classe unique de CM1 / CM2, en 1955, nous étions une vingtaine d’élèves. Sur les 15 élèves de CM2, seuls 4 avaient 10 ans, tous les autres avaient de 11 à 14 ans et redoublaient inlassablement jusqu’à 14 ans. La moitié d’entre eux ne réussissaient jamais leur certif, d’ailleurs l’instit ne présentait que ceux qu’il estimait capables de le réussir. Les autres partaient dans la vie active sans rien.
      Pour les jeunes de 10/11 ans, qui n’avaient jamais redoublé, le déterminisme social était encore plus fort qu’aujourd’hui : Pour les fils et filles du médecin ou du maire du village, entrepreneur de TP, c’était l’inscription en 6ème , il partait interne, en pension dans le lycée de la ville la plus proche. Pour tous les autres, à quelques rares et notoires exceptions, c’était l’apprentissage en alternance ou en centre d’apprentissage, ou même la vie active sans aucun diplôme.
      C’est beaucoup plus tard, dans les années Jospin, que la mise en place de l’objectif des 80% d’une tranche d’âge au BAC, a concrétisé l’avènement d’un changement d’époque.
      L’incapacité d’atteindre cet objectif, a fait apparaître d’autres difficultés que l’institution de l’Éducation Nationale n’a jamais pu surmonter.
      Si le niveau baisse, c’est effectivement beaucoup plus récent que vous ne le dites et la vraie mesure du phénomène, c’est bien notre régression (en pourcentage, pas en valeur absolue !) aux tests pisa.
      Ne vous y trompez pas, les jeunes de 16 ans qui passent les tests pisa, alors qu’ils sont dans un lycée d’enseignement général, ceux-là réussissent les tests pisa sans aucune difficultés.
      La baisse est ailleurs : La baisse et le scandale c’est bien l’inefficacité des budgets colossaux consacrés à vouloir amener coûte que coûte une tranche d’âge au BAC, assortie d’une impuissance chronique à réduire le décrochage et l’échec scolaire.

      [[En plus de leur place dans les bâtiments et les transports scolaires, ces 12 à 15% de décrocheurs (soit 140000 jeunes français par an) ont, eux aussi, eu droit chacun à 7900€ par an pendant leurs 4 années de collège.] [C’est vrai (dites-vous). Il faudrait faire comme les anglais : on les fait décrocher dès la fin de l’école primaire, et on peut alors économiser pas mal d’argent. Et sans que les résultats s’en ressentent.]]
      J’ignore si les anglais font décrocher, comme vous le dites, à la fin du primaire et je vous crois. Mais ce que je sais, parce que ça découle d’un simple calcul, c’est que 7900€ fois 1400000 décrocheurs par tranche d’âge, fois 4 ans de collège, ça représente prés de 4 milliards et demi d’euros par an. Dénoncer ce gaspillage et exiger, au regard des sommes engagées, des résultats en progression c’est une attitude normale pour un citoyen responsable.

      [Quand ceux qui le contrôlaient avaient des idées et des projets, il a superbement marché, et cela malgré une totale absence de tout ce « management à l’américaine » dont vous listez les éléments essentiels.]
      Je ne vois pas ce qui vous permet d’affirmer qu’avant ça a [superbement marché] ? Méfiez vous, là encore d’idéaliser une période révolue : « c’était tellement mieux avant ! »
      Je ne sais pas très bien ce que vous appelez le « management à l’américaine ». Mais quand vous dites que les dirigeants doivent avoir [des idées et des projets] vous ne faites qu’ajouter un élément (essentiel !) à ce que vous appelez ma liste d’éléments. En effet, comment mesurer l’efficacité si on n’a pas défini le projet.
      En clair, si un ministre confiait 4 milliards et demi par an à un responsable dont le de projet serait de réduire le décrochage avec des objectifs intermédiaires mesurables moi je trouverais ça efficace, libre à vous de trouver ça « américain » (donc forcément diabolique ! n’est-ce pas ?).

      [Qui c’est, « nous » ? « Nous » les ouvriers ? « Nous » les classes moyennes ? Croyez-moi, en ce qui concerne les services et budgets qui touchent les couches populaires, nous sommes et depuis bien longtemps en plein « pragmatisme ».]
      Le gaspillage des budgets de l’Éducation Nationale ne profitent pas plus aux classes moyennes qu’à personne autre. Je ne vois pas en quoi les classes moyennes gagnent quoi que ce soit à voir s’enfoncer notre pays. Si les politiques nationales (enseignement, industrie, formation continue …) étaient plus efficaces, les classes moyennes seraient les premières à en profiter et à s’en réjouir.
      Après tout, les classes moyennes, ce sont les commerçants, les cadres des entreprises, les professions libérales, les professeurs … toutes professions qui ont tout à gagner à la bonne santé retrouvée de l’économie française. Ou, pour dire ça autrement, qui auraient beaucoup à perdre dans la récession ou le recul du pays.
      Affirmer, article après article, que les classes moyennes torpillent consciemment ou inconsciemment la réussite de la société française me paraît aussi pertinent que d’affirmer que ça leur fait du bien de se tirer une balle dans le pied.

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [il faudrait commencer par définir ce qu’est exactement une « discrimination »][Pardon, mais ce n’est pas sérieux de faire mine de ne pas voir la différence qu’il y a entre la liberté de porter une jupe ou un pantalon et le fait de gagner, pour une femme, 20% de moins qu’un homme, à travail égal, (source enquête 2012 de l’observatoire des inégalités).]

      Le gambit de « mais voyons, c’est évident… » est souvent utilisé pour ne pas définir précisément les choses. Admettons qu’il y ait une différence entre la liberté de s’habiller comme on veut – même si vous noterez que le combat féministe a commencé par l’habillement bien avant l’égalité salariale – et l’égalité dans la paye. Mais vous n’avez pas répondu à la question : le fait que les femmes aient le choix de porter la jupe et pas les hommes est-il, oui ou non, une « discrimination » ?

      Et puisque mon exemple ne vous agrée pas, pensez-vous que la différence d’espérance de vie supérieure à 10% entre les hommes et les femmes constitue, là aussi, une « discrimination » ?

      [J’ignorais que « l’égalité des chances parfaite entre garçons et filles reste un objectif dans la société française ».][Il existe effectivement, dans la société française, un fort courant anti parité homme / femme, dont Zemmour, par exemple, est l’un des chefs de file.]

      Ah… après le « mais voyons, c’est évident… », on a droit à l’amalgame. Avec Zemmour, rien de moins. Qu’est ce qui se passe, Jean-Marie Le Pen n’était pas disponible ?

      [Ce courant minoritaire, mais de plus en plus visible et décomplexé, déplore l’évolution de la société vers l’égalité un homme = une femme et voudrait revenir à ce qu’il considère une « domination naturelle des hommes ».]

      L’avantage de l’amalgame est qu’il dispense de répondre sérieusement à la question. Vous avez affirmé que « l’égalité des chances parfaite entre garçons et filles reste un objectif dans la société française ». Or, « l’égalité parfaite des chances » implique la même chance d’accéder aux joies de l’enfantement. Est-ce pour vous un objectif raisonnable ?

      [Personnellement, c’est le recul des connaissances des jeunes sortis du système scolaire, de leur connaissance de leur propre langue, leur manque de culture commune qui me préoccupe][Revoilà le fameux recul du niveau ! Je crois que vous nous avez dit un jour, être arrivé tardivement en France, c’est peut être pourquoi vous avez tendance, ne l’ayant pas connue, à idéaliser la France d’avant. La réalité c’est que le niveau d’études et de culture des français n’a pas cessé de monter et ce, de façon continue et quasi exponentielle.]

      Le « niveau d’études » s’est certainement accru. Par contre, j’aimerais bien que vous m’indiquiez d’où vous tirez que « le niveau de culture » n’ait cessé de monter « de façon continue et quasi exponentielle ». D’ailleurs, si je suis votre remarque, on aurait tort de réformer notre système éducatif. Pourquoi toucher un système qui nous assure une montée quasi continue de la culture, des connaissances et du niveau d’études de nos concitoyens ? Faudrait savoir…

      Ce que je sais, c’est que lorsque je lis une lettre écrite dans les années 1940 et 1950, je retrouve une orthographe et une syntaxe parfaite. Alors que lorsque je lis une lettre écrite aujourd’hui… je préfère ne pas commenter par charité chrétienne. Mais peut-être que l’orthographe et la syntaxe ne font pas partie de la « culture » ou des « connaissances » ?

      [J’étais personnellement au lycée technique de Cluny, de la 5eme à la terminale, dans les années 60. Vers 1963, le concours d’entrée aux Arts et Métiers de Cluny, qui se faisait jusqu’alors au niveau BAC, est passé, en quelques années, au niveau « prépa » (qu’on appelait alors math sup, math spé). En plus de ce relèvement du niveau, le nombre d’ingénieurs Arts et Métiers est passé de 350, dans les années 50, à 950 par an de nos jours. Donc, dans ce cas particulier, le niveau de recrutement s’élève et le nombre de diplômés augmente.]

      En ce cas particulier, oui. Je n’ai aucun problème avec le niveau de formation de l’élite. Je suis persuadé que le polytechnicien d’aujourd’hui n’est pas plus mauvais que celui des années 1950. C’est l’enseignement dispensé à l’enfant de monsieur tout le monde qui me préoccupe.

      [Objectivement, de façon mesurable, le niveau moyen ne cesse pas de monter.]

      Je suis impatient de voir les chiffres qui montrent « de façon mesurable » que le niveau moyen en langue française monte.

      [Or, le nombre des diplômés de l’enseignement supérieur ne cesse d’augmenter. Qu’il s’agisse des DUT, des BTS des DEUG ou des Licences « traditionnelles », le nombre annuel des diplômés de l’enseignement supérieur, en France, double tous les quinze ans ! Non ! le niveau ne baisse pas.]

      Vous confondez « niveau » et « diplôme ». Si l’on exigeant aux examens le même niveau que dans les années 1950, ce serait l’hécatombe. Alors, on donne des « consignes », on demande aux correcteurs de noter « positivement » et ainsi de suite. Soutiendriez vous que le bac aujourd’hui est au même niveau d’exigence qu’il y a soixante ans ? La licence ? la Maîtrise ? Le doctorat ? Allons, soyons sérieux. Il y a soixante ans, les bacheliers n’avaient pas besoin d’un « cours de remise à niveau » en français pour pouvoir suivre l’enseignement universitaire. Aujourd’hui, plusieurs universités ont mis ce genre de dispositif en place pour pallier au fait que le bac ne sélectionne plus.

      Vous me rappelez la célèbre plaisanterie qui disait que les américans sont devenus beaucoup plus forts en un siècle. En 1914, il fallait deux hommes pour transporter dix dollars de pain. Aujourd’hui, un enfant peut le faire…

      [Dans l’enseignement primaire non plus, le niveau ne baisse pas. Certes, le « bon vieux » certificat d’études était le gage d’un niveau très correct en français et en arithmétique. Mais …. Là non plus, ne vous laissez pas berner par les récits romantiques.]

      Décidez-vous : le certificat d’études était, oui ou non, le gage d’un niveau très correct en français ? Et aujourd’hui, à quel niveau de diplôme trouvez-vous le « gage » équivalent ? Il n’y a aucun « récit romantique » là dedans. C’est une pure question factuelle : aujourd’hui, les bacheliers ont une maîtrise de leur langue inférieure à celle que donnait le certificat d’études naguère.

      [Le vaillant hussard de la république qui consacrait sa vie à sortir de l’ignorance des hordes de fils d’agriculteurs et d’ouvriers, ça fait joli dans les films et les feuilletons télévisés. La réalité était un peu moins romantique. Dans mon village, dans ma classe unique de CM1 / CM2, en 1955, nous étions une vingtaine d’élèves. Sur les 15 élèves de CM2, seuls 4 avaient 10 ans, tous les autres avaient de 11 à 14 ans et redoublaient inlassablement jusqu’à 14 ans. La moitié d’entre eux ne réussissaient jamais leur certif, d’ailleurs l’instit ne présentait que ceux qu’il estimait capables de le réussir. Les autres partaient dans la vie active sans rien.]

      Oui… aujourd’hui, ils partent dans la vie active avec un diplôme qui ne vaut rien, puisqu’il est donné à tout le monde. Est-ce qu’ils sont plus savants pour autant ? Seulement, la moitié qui avait son certificat, elle, allait loin. Parce que ce certif, qu’on ne donnait pas à tout le monde, valait quelque chose.

      [Pour les jeunes de 10/11 ans, qui n’avaient jamais redoublé, le déterminisme social était encore plus fort qu’aujourd’hui : Pour les fils et filles du médecin ou du maire du village, entrepreneur de TP, c’était l’inscription en 6ème , il partait interne, en pension dans le lycée de la ville la plus proche. Pour tous les autres, à quelques rares et notoires exceptions, c’était l’apprentissage en alternance ou en centre d’apprentissage, ou même la vie active sans aucun diplôme.]

      Et maintenant, c’est comment ? Les fils et filles de médecin ou d’entrepreneur vont au « bon » collège puis au « bon » lycée, les autres chaufferont les bancs du lycée général ou professionnel, passeront un bac dévalué, échoueront aux premières années d’université et se retrouveront chômeurs, mais bien sur, avec un diplôme.

      Encore une fois, le « diplôme » semble pour vous plus important que les connaissances. Donner des diplômes à tout le monde, ce n’est pas là le point difficile. On pourrait faire une loi donnant le bac à tout jeune français le jour de ses dix-huit ans, et nous aurions 100% d’une classe d’âge au bac. La difficulté, c’est de mener une proportion croissante des jeunes au niveau du bac sans baisser ce niveau.

      [Si le niveau baisse, c’est effectivement beaucoup plus récent que vous ne le dites et la vraie mesure du phénomène, c’est bien notre régression (en pourcentage, pas en valeur absolue !) aux tests pisa.]

      Attendez… si nous ne régressons pas « en valeur absolue », alors cela montrerait que le niveau continue à monter. Soyez au moins cohérent.

      [Ne vous y trompez pas, les jeunes de 16 ans qui passent les tests pisa, alors qu’ils sont dans un lycée d’enseignement général, ceux-là réussissent les tests pisa sans aucune difficulté.
      La baisse est ailleurs :]

      Ou ça ?

      [Quand ceux qui le contrôlaient avaient des idées et des projets, il a superbement marché, et cela malgré une totale absence de tout ce « management à l’américaine » dont vous listez les éléments essentiels.][Je ne vois pas ce qui vous permet d’affirmer qu’avant ça a [superbement marché] ? Méfiez vous, là encore d’idéaliser une période révolue : « c’était tellement mieux avant ! »]

      Je ne fais que prendre vos propres critères : je constate simplement que ce système scolaire a fourni à la société les travailleurs et les cadres dont elle avait besoin pour reconstruire le pays. Qu’elle a formé une génération intellectuelle que le monde entier a envié – et copié. Qu’elle a assuré le fonctionnement d’une promotion sociale bien plus importante que dans les pays voisins. On peut donc dire qu’elle a tenu ses objectifs, et tout cela à un coût raisonnable.

      [En clair, si un ministre confiait 4 milliards et demi par an à un responsable dont le de projet serait de réduire le décrochage avec des objectifs intermédiaires mesurables moi je trouverais ça efficace, libre à vous de trouver ça « américain » (donc forcément diabolique ! n’est-ce pas ?).]

      Moi, avant de trouver cela « efficace », j’attendrai de voir les résultats… par ailleurs, pour moi « américain » n’est pas synonyme de « diabolique », mais plutôt de « naïf et schématique ».

      [Qui c’est, « nous » ? « Nous » les ouvriers ? « Nous » les classes moyennes ? Croyez-moi, en ce qui concerne les services et budgets qui touchent les couches populaires, nous sommes et depuis bien longtemps en plein « pragmatisme ».][Le gaspillage des budgets de l’Éducation Nationale ne profitent pas plus aux classes moyennes qu’à personne autre.]

      Mais bien sur que si. D’abord, la plus grande partie des budgets de l’Education Nationale passent dans la paye des enseignants, enseignants qu’il mes semble assez difficile de classer dans les couches populaires. Ensuite, une part non négligeable des budgets finance des institutions et des programmes dont les classes moyennes sont les premiers à profiter. Qui croyez-vous qui fréquente les lycées de prestige ou les grandes écoles ?

      [Je ne vois pas en quoi les classes moyennes gagnent quoi que ce soit à voir s’enfoncer notre pays.]

      En rien. Les classes moyennes ne sont pas machiavéliques. Elles ne veulent pas ruiner le pays et n’éprouvent aucun plaisir à le voir sombrer. Mais elles défendent jalousement leurs intérêts particuliers et ce faisant elles provoquent la ruine et le naufrage qu’elles regrettent par ailleurs à longueur de livres et de magazines.

      [Si les politiques nationales (enseignement, industrie, formation continue …) étaient plus efficaces, les classes moyennes seraient les premières à en profiter et à s’en réjouir.]

      Si les politiques nationales d’enseignement étaient plus efficaces, par exemple, les enfants des classes populaires viendraient concurrencer leurs propres enfants. Pas de quoi se réjouir.

      [Après tout, les classes moyennes, ce sont les commerçants, les cadres des entreprises, les professions libérales, les professeurs … toutes professions qui ont tout à gagner à la bonne santé retrouvée de l’économie française. Ou, pour dire ça autrement, qui auraient beaucoup à perdre dans la récession ou le recul du pays.]

      C’est le problème des classes moyennes : elles préfèrent un gros morceau d’un petit gâteau plutôt que l’inverse. Et elles se battront pour avoir une portion plus grande, même si ce combat les amène à réduire la taille totale du gâteau. Oui, les classes moyennes ont beaucoup à perdre dans la récession. Mais elles auraient – ou du moins elles le croient – encore plus à perdre dans une politique d’expansion qu’il faudrait financer par une restriction de leur consommation. Ou dans une politique éducative qui donnerait aux enfants des classes populaires de quoi se battre à armes égales contre leurs propres enfants.

      C’est en cela que la dictature des classes moyennes est finalement bien plus néfaste que celle de la bourgeoisie. Comme le disait déjà Marx, la bourgeoisie est une classe révolutionnaire, poussée à faire grandir le gâteau. Lorsque le rapport de forces était équilibré – comme ce fut le cas pendant les « trente glorieuses » – cette compulsion à faire grandir le gâteau a profité à tout le monde, puisque le gâteau était partagé. Avec les classes moyennes, rien de tel. Ce qui intéresse les classes moyennes, ce n’est pas la taille du gâteau, mais la taille de leur part.

    • odp dit :

      @ Descartes, v2s

      [Le « niveau d’études » s’est certainement accru. Par contre, j’aimerais bien que vous m’indiquiez d’où vous tirez que « le niveau » n’ait cessé de monter.]

      Je vous recommande pour cela de lire les ouvrages de Christian Baudelot qui s’appuient sur des éléments vérifiables et incontestables (l’analyse des test des conscrits aux "3 jours" en 1967, 1982 et 1994) et qui concluent tous à une augmentation continue et significative du "niveau" médian (de 35% entre 1967 et 1982 et de 19.3% entre 1982 et 1994).

      Sinon, vous pouvez tout simplement vous fiez à votre observation. Il me semble par exemple évident que jamais auparavant autant d’enfants d’une classe d’âge n’ont été capables de résoudre une équation du second degré ou un problème de physique des ondes, de maîtriser une langue étrangère ou de comprendre les mécanismes de l’économie; sans parler de l’augmentation continue du niveau dans les matières artistiques (musique notamment) et sportives. Quant aux strictes capacités cognitives, il suffit de mettre un enfant de 5 ans et un septuagénaire devant un ordinateur pour mesurer le chemin parcouru au cours des 70 dernières années.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Je vous recommande pour cela de lire les ouvrages de Christian Baudelot qui s’appuient sur des éléments vérifiables et incontestables (l’analyse des test des conscrits aux "3 jours" en 1967, 1982 et 1994) et qui concluent tous à une augmentation continue et significative du "niveau" médian (de 35% entre 1967 et 1982 et de 19.3% entre 1982 et 1994).]

      Les épreuves n’ont pas varié entre 1967 et 1994 ? Par ailleurs, s’agit-il du niveau médian ou du niveau moyen ? Le fait même que Baudelot parle du niveau « médian » aurait tendance à me rendre méfiant…

      [Sinon, vous pouvez tout simplement vous fiez à votre observation. Il me semble par exemple évident que jamais auparavant autant d’enfants d’une classe d’âge n’ont été capables de résoudre une équation du second degré ou un problème de physique des ondes, de maîtriser une langue étrangère ou de comprendre les mécanismes de l’économie; sans parler de l’augmentation continue du niveau dans les matières artistiques (musique notamment) et sportives.]

      Ou d’écrire un texte d’une page avec une orthographe et une syntaxe correctes ? Ce n’est pas tout à fait ce que disent les chiffres. D’ailleurs, je me demande pourquoi, si le niveau a autant monté, il faut donner des directives d’indulgence de plus en plus fortes chaque année aux correcteurs du bac pour éviter l’hécatombe. Mais bon, admettons que vous ayez raison. Dans ce cas, il ne faut surtout rien toucher au système éducatif. Pourquoi changer quelque chose qui fonctionne aussi bien ?

      [Quant aux strictes capacités cognitives, il suffit de mettre un enfant de 5 ans et un septuagénaire devant un ordinateur pour mesurer le chemin parcouru au cours des 70 dernières années.]

      Et si vous mettez un enfant de 2 ans et un jeune de trente ans, vous mesureriez la dégradation au cours des trente dernières années ? Franchement, votre raisonnement m’a laissé perplexe…

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Quant aux strictes capacités cognitives, il suffit de mettre un enfant de 5 ans et un septuagénaire devant un ordinateur pour mesurer le chemin parcouru au cours des 70 dernières années.]

      Cette dernière phrase de votre commentaire m’a trotté dans la tête toute la nuit, et je me permets donc d’ajouter un « droit de suite ». Je ne comprends pas très bien en quoi le fait de mettre un enfant de 5 ans et un septuagénaire devant un ordinateur vous permettrait d’évaluer le « chemin parcouru au cours des 70 dernières années ». Les « capacités cognitives » n’évoluent pas – du moins à l’échelle de la vie humaine – avec le temps. Elles sont caractéristiques de chaque espèce. A cinq ans, votre septuagénaire avait en moyenne exactement les mêmes « capacités cognitives » que l’enfant de cinq ans aujourd’hui.

      Mais plus profondément, quelles sont les « capacités cognitives » que vous pourriez mettre en évidence « en mettant un enfant devant un ordinateur » ? L’utilisation que font les enfants et les adolescents de l’ordinateur est essentiellement une mémorisation. Les logiciels qu’ils utilisent sont essentiellement « intuitifs », et il s’agit d’apprendre par essai et erreur, et de mémoriser après beaucoup d’essais la séquence qui conduit au bon résultat. Une expérience récente a montré qu’un chimpanzé était parfaitement capable de mémoriser une séquence et de la reproduire, et même qu’il était plus performant que l’être humain dans cette tâche. Ce n’est donc pas une « capacité cognitive » de très haut niveau.

      Pourquoi au lieu de mettre l’enfant de cinq ans et le septuagénaire devant un ordinateur vous ne les mettez plutôt devant une feuille de papier et un crayon ? Qu’est ce qu’il y a de si magique dans l’ordinateur qui ferait appel à des « capacités cognitives » plus importants que la simple feuille de papier ? En quoi faudrait-il plus de « capacités cognitives » pour mémoriser les séquences de touches de l’ordinateur que pour mémoriser et contrôler les gestes qui permettent l’écriture ? Je crains que vous ne cédiez à l’illusion numérique, cette maladie qui fait voir aux pédagogues des visions où grâce à l’ordinateur nous accéderions à des « capacités cognitives » nouvelles, impossibles de révéler avec les outils traditionnels.

      Bien entendu, tout cela n’est que poudre aux yeux. Les structures logiques de la pensée, les mécanismes de l’apprentissage sont indépendants des outils. Ecrire une dissertation ou consulter un document sur ordinateur fait appel aux mêmes « capacités cognitives » de haut niveau que de l’écrire à la plume d’oie ou consulter une encyclopédie sur papier. La seule différence est que dans le premier cas il faut mémoriser des séquences de touches, et dans l’autre des séquences de gestes. L’ordinateur en tant qu’outil n’apporte pas grande chose au processus.

      L’ordinateur pourrait être un extraordinaire instrument pédagogique si seulement il n’était pas simplement pris comme outil, mais comme objet de compréhension. En d’autres termes, si l’on pouvait amener l’élève ou l’étudiant à comprendre comment l’ordinateur fonctionne. Car cette compréhension, elle, fait appel à des « capacités cognitives » de haut niveau : les opérations de la logique mathématique, la gestion des séquences, etc. Mais pour utiliser cette ressource encore faudrait-il que les enseignants eux-mêmes dominent ces objets…

      On arrive ici au débat sur l’enseignement de la programmation à l’école. Je ne suis pas contre, à condition qu’on enseigne la logique de la programmation, et non simplement un langage. Malheureusement, nos « pédagogogues » préfèrent le deuxième terme au premier, au nom des « savoirs concrets ». Or, enseigner un langage de programmation ne sert strictement à rien. Encore une fois, c’est faire appel à la mémorisation d’une séquence d’instructions.

  23. odp dit :

    Bonjour,

    J’arrive bien tardivement dans un débat qui a déjà déclenché de biens pénibles échanges.

    Je souhaitais m’abstenir d’y participer, par pitié pour moi et mes contradicteurs ; mais, ayant accompagné ma fille de 7 ans à la piscine avec sa classe ce matin, je me suis dit que je me devais d’apporter, comme tribut à son admirable institutrice, une correction de taille aux arguments que vous apportez.

    Ainsi dites-vous:

    "Et comment seront choisis les uns et les autres ? Voilà la question qui tue. Du temps ou cela se jouait sur les « 0,2 points de moyenne », l’enfant de la concierge avec 10,2 de moyenne avait le pas sur le fils du médecin avec 10,0. Mais si ce n’est plus sur la moyenne que cela se joue, alors sur quoi ? Je laisse mes lecteurs deviner la réponse. En tout cas, je suis prêt à parier que ce ne sera guère sur le mérite…"

    Et bien il suffit d’avoir fréquenté un tout petit peu l’institution scolaire pour se rendre compte qu’aujourd’hui comme hier, la très grande majorité des professeurs et de instituteurs sont animés d’un idéal méritocratique qui fait que, contrairement à ce que vous écrivez, entre un enfant "méritant" issu des classes populaires (surtout si il est d’origine étrangère) et le rejeton un peu "facile" de membres des classes moyennes, leur choix sera vite fait; et au détriment du fils de médecin. Et je ne parle pas des profs communistes dont le passe-temps principal est de faire payer aux fils de bourgeois les vices de leurs parents…

    Ceci dit, il y a autre chose que je ne m’explique pas dans votre raisonnement.

    Toutes les enquêtes et comparaison internationales montrent, qu’en Europe de l’Ouest, les systèmes scolaires où la prévalence de la classe sociale dans les résultats est la plus faible et où les performances des enfants "défavorisés" sont les meilleurs sont également ceux qui sont le plus "centrés sur l’enfant" (i.e. pays scandinaves, Royaume-Uni, Allemagne) ; alors qu’a contrario, la France, qui se distingue par une pédagogie qui reste très "verticale" est également l’un des pays où la prévalence de la classe sociale est la plus forte et où les résultats des enfants des classes populaires sont les plus médiocres.

    Ce qui amène 2 questions:

    a) quel est donc l’intérêt des classes dominantes (bourgeoises et moyennes) à vouloir changer ce système qui va en définitive si bien à leurs enfants et si mal aux enfants des classes populaires?

    b) ne sont-ce pas plutôt les tenants de la pédagogie "verticale" et du statu quo qui craignent qu’un abaissement des "barrières à l’entrée" qui maintiennent actuellement en lisière les enfants des classes populaires ne nuisent à leurs rejetons qui font si bien fructifier le capital scolaire qui leur a été légué?

    • Descartes dit :

      @ odp

      [J’arrive bien tardivement dans un débat qui a déjà déclenché de biens pénibles échanges.]

      Pourquoi « pénibles » ?

      [Et bien il suffit d’avoir fréquenté un tout petit peu l’institution scolaire pour se rendre compte qu’aujourd’hui comme hier, la très grande majorité des professeurs et de instituteurs sont animés d’un idéal méritocratique qui fait que, contrairement à ce que vous écrivez, entre un enfant "méritant" issu des classes populaires (surtout si il est d’origine étrangère) et le rejeton un peu "facile" de membres des classes moyennes, leur choix sera vite fait; et au détriment du fils de médecin.]

      Je vois mal comment le fait de « fréquenter un tout petit peu » l’institution scolaire peut permettre de tirer des conclusions sur « la très grande majorité des professeurs et des instituteurs. J’ai bien sur rencontré des instituteurs et professeurs « républicains » qui font honneur à leur profession, et d’autres qui le font moins. Mais je crains que vous ne sous-estimiez le problème. La question n’est pas tant de savoir quel serait le « choix » entre un enfant « méritant » issu des classes populaires et le fils du médecin (ou de l’instituteur). Pour que ce choix ait un sens, encore faut-il que l’école révèle des enfants « méritants » des couches populaires avant que le « choix » puisse avoir lieu. Car cet enfant « méritant » est comme un diamant brut : c’est lorsqu’il est taillé qu’on apprécie l’éclat. Avant de « choisir » il y a donc tout un travail préalable. Et c’est ce travail-là que le système d’enseignement ne fait plus. Le « choix » dont vous parlez est donc déterminé à l’avance en faveur de l’enfant des classes moyennes.

      [Et je ne parle pas des profs communistes dont le passe-temps principal est de faire payer aux fils de bourgeois les vices de leurs parents…]

      « Profs communistes » ? Eh, oh ! Le mur de Berlin est tombé. Les communistes ne mangent plus les enfants crus…

      [Toutes les enquêtes et comparaison internationales montrent, qu’en Europe de l’Ouest, les systèmes scolaires où la prévalence de la classe sociale dans les résultats est la plus faible et où les performances des enfants "défavorisés" sont les meilleurs sont également ceux qui sont le plus "centrés sur l’enfant" (i.e. pays scandinaves, Royaume-Uni, Allemagne) ; alors qu’a contrario, la France, qui se distingue par une pédagogie qui reste très "verticale" est également l’un des pays où la prévalence de la classe sociale est la plus forte et où les résultats des enfants des classes populaires sont les plus médiocres.]

      Il ne faut pas oublier que les « enquêtes et comparaisons internationales » ne concernent en général que les systèmes d’enseignement publics. Dans les pays où les classes supérieures envoient leurs enfants dans le système privé, et ou seules les couches populaires fréquentent l’école publique, il est normal de trouver une « prévalence de la classe sociale » plus faible, puisque l’écrémage est fait en amont…

      Accessoirement, on voit mal comment les enquêtes en question séparent ce qui vient de l’école et ce qui vient de la société. Car il ne faut pas surestimer la capacité de l’école à compenser les différences sociales. Que faut il déduire du fait que les différences entre les enfants riches et pauvres sont moins grandes en Suède qu’en France ? Que l’école est plus égalitaire ? Ou bien que la différence culturelle entre les classes est plus grande en France qu’en Suède ?

      [a) quel est donc l’intérêt des classes dominantes (bourgeoises et moyennes) à vouloir changer ce système qui va en définitive si bien à leurs enfants et si mal aux enfants des classes populaires?]

      Il faut croire que les « évaluations internationales » ne nous disent pas la vérité. Encore une fois, ces évaluations ne sont pas neutres. Elles dessinent en creux ce que devraient être les objectifs de l’enseignement pour ceux qui les conçoivent. Et cela au service de leurs intérêts. Ou pour le dire autrement, que les critères que ces évaluations évaluent sont choisis avec un certain soin pour aboutir à justifier un certain type d’école.

      [b) ne sont-ce pas plutôt les tenants de la pédagogie "verticale" et du statu quo qui craignent qu’un abaissement des "barrières à l’entrée" qui maintiennent actuellement en lisière les enfants des classes populaires ne nuisent à leurs rejetons qui font si bien fructifier le capital scolaire qui leur a été légué?]

      Mais alors, pourquoi les couches populaires sont plutôt du côté des « tenants du statu quo » ? Ce serait quand même drôle que ce soient les classes moyennes et supérieures qui voudraient transformer l’éducation pour la rendre plus égalitaire, alors que les classes populaires veulent au contraire le maintien du système qui les discrimine… curieux, non ?

      Les classes supérieures ont besoin d’une école duale : une école pour tous qui enseigne des « compétences » permettant de fournir une main d’œuvre flexible et docile, et une école de haut niveau réservée à leurs enfants. L’école publique « inclusive » scandinave ou britannique, adossée à un système privé qui, lui, reste totalement « vertical » est parfaite pour cela. Le système français, avec une prétention d’universalité, reste une menace pour la reproduction des classes moyennes.

    • odp dit :

      @ Descartes

      [Il ne faut pas oublier que les « enquêtes et comparaisons internationales » ne concernent en général que les systèmes d’enseignement publics. Dans les pays où les classes supérieures envoient leurs enfants dans le système privé, et ou seules les couches populaires fréquentent l’école publique, il est normal de trouver une « prévalence de la classe sociale » plus faible, puisque l’écrémage est fait en amont…]

      Pour autant que je sache, les fameuses enquêtes de l’OCDE (PISA et autres) ne concernent pas exclusivement l’enseignement public mais l’ensemble de la population scolarisée. La plus grande prévalence de la classe sociale constatée en France ne s’explique donc pas par le biais statistique que vous évoquez.

      [Accessoirement, on voit mal comment les enquêtes en question séparent ce qui vient de l’école et ce qui vient de la société. Car il ne faut pas surestimer la capacité de l’école à compenser les différences sociales. Que faut il déduire du fait que les différences entre les enfants riches et pauvres sont moins grandes en Suède qu’en France ? Que l’école est plus égalitaire ? Ou bien que la différence culturelle entre les classes est plus grande en France qu’en Suède ?]

      C’est une objection tout à fait pertinente. Cependant, comme vous le savez, la France ne se distingue pas au sein de l’OCDE, par une forte inégalité de revenus ; c’est même plutôt l’inverse. Ce qui est tout à fait possible, en revanche, c’est que la distribution du capital culturel soit fortement inégalitaire dans notre pays et que cette inégalité provienne justement de l’accent porté sur la culture "classique" et la "sélection" des élèves. Le "système" se donnerait ainsi les moyens de sa préservation et condamnerait les enfants des classes populaires à l’échec perpétuel.

      [Il faut croire que les « évaluations internationales » ne nous disent pas la vérité. Encore une fois, ces évaluations ne sont pas neutres. Elles dessinent en creux ce que devraient être les objectifs de l’enseignement pour ceux qui les conçoivent. Et cela au service de leurs intérêts. Ou pour le dire autrement, que les critères que ces évaluations évaluent sont choisis avec un certain soin pour aboutir à justifier un certain type d’école.]

      Je suis partiellement d’accord avec vous: il n’existe pas de neutralité méthodologique parfaite. En revanche, la "philosophie de soupçon", pour être pertinente, mérite un peu plus de subtilité et d’arguments factuels. Or, on voit bien qu’en l’espèce, plutôt que de partir des faits pour tenter de construire une analyse, vous partez d’un présupposé invérifiable (la pédagogie "inclusive" est néfaste pour les classes populaires) et balayez comme "non conformes" ou "non-recevables" tous les éléments factuels qui l’infirmeraient; quitte à frôler la tautologie. J’aurai, à vrai dire, plus de sympathie pour une défense franche de la culture classique pour ce qu’elle est et quoiqu’il en coûtât aux "classes populaires" plutôt que la posture un tantinet hypocrite que vous adoptez où vous souhaitez avoir le beurre (un système vertical à forte intensité en capital culturel) et l’argent du beurre (l’égalité des chances).

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Pour autant que je sache, les fameuses enquêtes de l’OCDE (PISA et autres) ne concernent pas exclusivement l’enseignement public mais l’ensemble de la population scolarisée. La plus grande prévalence de la classe sociale constatée en France ne s’explique donc pas par le biais statistique que vous évoquez.]

      Auriez-vous une référence ? Je crois avoir lu au contraire que l’enquête PISA ne concerne que les systèmes publics d’enseignement.

      [Ce qui est tout à fait possible, en revanche, c’est que la distribution du capital culturel soit fortement inégalitaire dans notre pays et que cette inégalité provienne justement de l’accent porté sur la culture "classique" et la "sélection" des élèves. Le "système" se donnerait ainsi les moyens de sa préservation et condamnerait les enfants des classes populaires à l’échec perpétuel.]

      Vous soulevez un point important. Dans les pays ou la hiérarchie sociale est exclusivement liée à l’argent – les Etats-Unis par exemple – les écarts de revenu sont énormes alors que les écarts culturels entre l’élite sociale et les couches populaires sont plus faibles. Non parce que les couches populaires sont plus cultivées, mais parce que les élites le sont beaucoup moins. En France, où la promotion sociale est largement méritocratique, les écarts de fortune sont moindres alors que les écarts culturels sont plus forts. On s’attend logiquement à ce que les écarts soient plus grands sur le critère qui permet l’ascension sociale.

      C’est là où la lecture qu’on fait des résultats de Pisa sont néfastes. Qu’est ce qui est mieux : un système « égalitaire » ou les pauvres et les riches sont tous ignorants, ou un système « inégalitaire » ou les pauvres sont savants et les riches très, très savants ? L’égalité, lorsqu’elle se fait par nivellement par le bas, ce n’est pas forcément une bonne idée.

      [En revanche, la "philosophie de soupçon", pour être pertinente, mérite un peu plus de subtilité et d’arguments factuels. Or, on voit bien qu’en l’espèce, plutôt que de partir des faits pour tenter de construire une analyse, vous partez d’un présupposé invérifiable (la pédagogie "inclusive" est néfaste pour les classes populaires) et balayez comme "non conformes" ou "non-recevables" tous les éléments factuels qui l’infirmeraient; quitte à frôler la tautologie.]

      Ce n’est pas le cas. Je ne pars d’aucun « présupposé invérifiable ». Je pars au contraire de constatations très factuelles. D’abord, les « pédagogies inclusives » sont les plus présentes dans les sociétés ou les barrières de classe sont les plus fortes et/ou la promotion sociale la moins méritocratique. Je constate ensuite qu’on pratique les « pédagogies inclusives » dans les écoles pour les pauvres, mais les classes riches et cultivées tiennent à voir leurs rejetons éduqués suivant les « pédagogies verticales ». Pourquoi à votre avis on essaye les innovations des « pédagogos » dans les lycées de banlieue, et non à Louis le Grand ou à Henri IV ? Et ce n’est pas seulement vrai en France : Eton et Winchester, les deux grands lycées de prestige britannique, continuent à enseigner de manière fort classique. Pourquoi, à votre avis ?

      D’ailleurs, je ne me contente pas de constater des faits, je propose aussi une explication cohérente des mécanismes qui font que les « pédagogies inclusives » ne font que maintenir chacun à sa place.

      [J’aurai, à vrai dire, plus de sympathie pour une défense franche de la culture classique pour ce qu’elle est et quoiqu’il en coûtât aux "classes populaires" plutôt que la posture un tantinet hypocrite que vous adoptez où vous souhaitez avoir le beurre (un système vertical à forte intensité en capital culturel) et l’argent du beurre (l’égalité des chances).]

      Mais précisément, c’est la « culture classique » qui donne – ou plutôt qui s’approche le mieux – de l’égalité des chances. C’est le « système vertical » qui représente pour les enfants des couches populaires la seule, l’unique chance d’assimiler un capital culturel qui n’est pas celui de leurs parents. Les « pédagogies inclusives » sont précisément l’instrument pour que chacun reste à sa place. La fin de la « pédagogie verticale », c’est la fin de la transmission à l’école, et le début d’une situation ou chacun n’aura que ce que ses parents lui auront transmis.

      L’hypocrisie est en fait du côté de ceux qui, au prétexte de « l’égalité des chances », proposent une école qui ne fera que figer la société. D’ailleurs, cela fait trente ans qu’on va dans cette direction, je trouve que les résultats sont assez parlants.

    • bovard dit :

      Cette question de l’informatique à l’école me ‘titille’ aussi.
      En 1968-1969,en CM,mon instituteur nous a fait visionner une émission pédagogique ORTF-CNDP,où les ordinateurs étaient au programme.4 ans plus tard,lors de la présentation de ce qu’étaient les Maths modernes,qui faisaient beaucoup débat à l’époque,notre professeur de Mathématiques nous expliqua que cela servait en informatique.
      Plus tard à Jussieu en 1980,je fis de la programmation FortranCobolt.
      Depuis,j’utilise mon PC sous windows,aussi sous Linux,mais sans autre forme de mobilisation intellectuelle que la mémoire simple comme,vous l’exprimez clairement,Descartes.
      Professionnellement,j’utilise l’expérience assisée par ordinateur et les réseaux pédagogiques.
      Ces temps ci j’utilise votre blog dont je sais que vous trouvez le format perfectible.
      Mais je ne vois pas à quel type d’enseignement de l’informatique vous vous référez bien que j’imagine que ce soit trés intéressant.Serait il possible que vous éclairiez votre problématique car ça me taraude..
      Merci,pour tous vos apports ,cher Descartes-
      Fréquenter votre blog est un plaisir intellectuel hors-pair dans un monde de brutes idéologiques.
      Sachez que,votre activité est un bienfait surtout en cette période d’abêtissement totalitaire pour cause de Noël ,niaseux.
      Je vais d’ailleurs mailé à mon nietzchéen de fils cette remarquable citation de vous pour conclure brillamment:[En fait, derrière la « querelle des notes » se cache une autre querelle, bien plus intéressante, qui est celle de l’école que nous voulons et, plus profondément, de ce que signifie le mot « éduquer ». D’un côté, vous trouverez la vision « postmoderne » d’une école dont l’ambition est de révéler ce qui est déjà dans l’élève, en l’éveillant, en poussant sa créativité, en lui faisant « reconstruire » les savoirs lui-même bref, qui met « l’élève au centre du système ». De l’autre côté, une vision plus classique qui donne à l’école avant tout une fonction de transmission, et pour laquelle il s’agit de développer chez l’élève les mécanismes qui lui permettent d’assimiler ce qu’il y a de mieux dans le savoir accumulé par l’humanité. La première école pourrait faire sienne la devise nietzschéenne du « deviens ce que tu es ». La seconde, au contraire, part de l’hypothèse que l’élève est un individu inachevé dont il importe de finir la construction.]

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Mais je ne vois pas à quel type d’enseignement de l’informatique vous vous référez bien que j’imagine que ce soit trés intéressant. Serait il possible que vous éclairiez votre problématique car ça me taraude…]

      Je vais essayer. Il y a à mon sens deux manières d’utiliser l’ordinateur. On peut l’utiliser comme un appareil domestique de plus, au même titre que la télévision, le magnétoscope ou la chaîne hi-fi. Dans ce cas, point n’est besoin de comprendre comment cela marche, on s’en sert pour les finalités pour lesquels ils sont conçus. Et dans ce cas, il n’y a rien de plus « pédagogique » dans l’ordinateur qu’il n’y avait hier dans le magnétoscope

      Mais l’ordinateur peut être un outil pédagogique extraordinaire par lui-même. Car l’ordinateur est dans son principe un objet extrêmement simple : c’est une machine qui exécute séquentiellement des instructions simples sur des données stockées dans une mémoire. La complexité apparente de son comportement vient de la complexité – et de la rapidité – des suites d’instructions qu’on lui fait exécuter. Cela donne à l’ordinateur une grande plasticité : il suffit de changer la séquence d’instructions pour changer le comportement. Alors que pour changer le comportement d’un mécanisme ou d’un circuit électronique cablé, par exemple, il faut des modifications souvent importantes et longues, on peut essayer un programme quasi instantanément.

      L’ordinateur permet donc de mettre en pratique toute un pan de la logique mathématique, et d’ouvrir la porte à deux branches des mathématiques, l’algorithmique et l’analyse numérique, branches qui font appel à toutes les autres… Bien entendu, pour utiliser ainsi l’ordinateur il faut sortir de l’aspect « ludique », des belles couleurs et des personnages animés, et rentrer dans les entrailles de la chose. Et donc de revenir à une véritable discipline intellectuelle. Exactement ce que nos « pédagogogues » partisans de l’ordinateur en classe détestent.

  24. v2s dit :

    Descartes,
    Sur le pluriel des mots d’origine étrangère, vous avez mille fois raison.
    Quand je mange des nouilles italiennes et que, malencontreusement, l’une d’entre elles s’échappe de ma fourchette, ma femme, qui, comme vous, se méfie de ce qui est admissible et préfère, comme vous, s’en tenir à ce qui est correct, me lance :
    « Fais attention, maladroit ! Tu as encore fait tomber un spaghetto sur tes godasses ! ».
    De même, nous n’achetons jamais deux pizzas, mais bien deux pizze. Et tant pis si mon pizzaiolo ne comprend pas de quoi nous parlons, l’important c’est, comme vous le dites, de toujours privilégier la forme « correcte » sur la forme « admissible » ou « acceptable ».

    • Descartes dit :

      @ v2s

      [Sur le pluriel des mots d’origine étrangère, vous avez mille fois raison.]

      Comment pourrais-je « avoir raison » sur un sujet sur lequel je n’ai jamais écrit un seul mot ? Je n’ai pas d’avis sur le pluriel des mots étrangers, même si je trouve que « bussineswomans » sonne plutôt moins bien que « bussineswomen ». Mon commentaire touchait le pluriel des mots latins incorporés à la langue française. J’ai même pris soin d’insister que la langue latine avait un statut particulier, étant la « langue mère » du français, et que les mots latins ne peuvent être considéré comme « des mots d’origine étrangère ». Avant de faire de l’ironie à quatre sous, vous feriez mieux de lire avec une certaine attention ce que les autres écrivent.

    • bovard dit :

      Merci,pour votre définition limpide,de l’ordinateur que mes inspecteurs eux appellent’la boîte noire’:[c’est une machine qui exécute séquentiellement des instructions simples sur des données stockées dans une mémoire. La complexité apparente de son comportement vient de la complexité – et de la rapidité – des suites d’instructions qu’on lui fait exécuter. Cela donne à l’ordinateur une grande plasticité : il suffit de changer la séquence d’instructions pour changer le comportement. ]
      Savez vous qu’avec le système linux,il est possible d’utiliser un avatar d’ordinateur Linux,sur W8?
      Ainsi si le système Linux plante,en testant différentes instructions sur l’avatar,son comportement s’y exprime et il est possible de rechercher la consigne réparatrice.
      Lorsque,la bonne ‘réaction’ est obtenue sur l’Avatar , il suffit de retourner sur le système qui a planté pour y rentrer la consigne adéquate.

    • Descartes dit :

      @ bovard

      [Merci, pour votre définition limpide,de l’ordinateur que mes inspecteurs eux appellent ‘la boîte noire’:[c’est une machine qui exécute séquentiellement des instructions simples sur des données stockées dans une mémoire. La complexité apparente de son comportement vient de la complexité – et de la rapidité – des suites d’instructions qu’on lui fait exécuter. Cela donne à l’ordinateur une grande plasticité : il suffit de changer la séquence d’instructions pour changer le comportement.]

      En fait, bien peu de gens réalisent qu’un ordinateur (ou toute autre machine programmable) n’est que cela : une machine capable d’effectuer très rapidement une suite d’instructions très basiques, incluant d’un côté les quatre opérations de l’arithmétique et les deux opérations logiques, les comparaison, et tout cela sur des entiers seulement. Et puis un certain nombre d’instructions qui contrôlent la séquence d’instructions exécutées (branchements). C’est tout. Toute la complexité de l’ordinateur se trouve en fait dans le raffinement de la suite d’instructions qu’on lui fait exécuter.

      Que vos inspecteurs appellent l’ordinateur « la boite noire » montre combien notre système éducatif utilise l’ordinateur non pas comme un objet d’étude, mais comme un simple outil. C’est très dommage.

      [Savez vous qu’avec le système linux, il est possible d’utiliser un avatar d’ordinateur Linux, sur W8? Ainsi si le système Linux plante,en testant différentes instructions sur l’avatar,son comportement s’y exprime et il est possible de rechercher la consigne réparatrice.
      Lorsque,la bonne ‘réaction’ est obtenue sur l’Avatar , il suffit de retourner sur le système qui a planté pour y rentrer la consigne adéquate.]

      J’avoue que je ne saisis pas bien l’intérêt de la chose…

  25. Jean-François dit :

    Bonjour Descartes,

    J’espère que vous avez passé un bon Noël.

    Je viens de lire ce commentaire à l’un de vos lecteurs :

    [Je ne fais que prendre vos propres critères : je constate simplement que ce système scolaire a fourni à la société les travailleurs et les cadres dont elle avait besoin pour reconstruire le pays. Qu’elle a formé une génération intellectuelle que le monde entier a envié – et copié. Qu’elle a assuré le fonctionnement d’une promotion sociale bien plus importante que dans les pays voisins. On peut donc dire qu’elle a tenu ses objectifs, et tout cela à un coût raisonnable.]

    Auriez-vous une référence sous la main pour la "promotion sociale bien plus importante que dans les pays voisins" ?

    • Descartes dit :

      @ jean-françois

      [« Je ne fais que prendre vos propres critères : je constate simplement que ce système scolaire a fourni à la société les travailleurs et les cadres dont elle avait besoin pour reconstruire le pays. Qu’elle a formé une génération intellectuelle que le monde entier a envié – et copié. Qu’elle a assuré le fonctionnement d’une promotion sociale bien plus importante que dans les pays voisins. On peut donc dire qu’elle a tenu ses objectifs, et tout cela à un coût raisonnable ». Auriez-vous une référence sous la main pour la "promotion sociale bien plus importante que dans les pays voisins" ?]

      Oui, bien sur. Je me réfère à l’exemple de l’Angleterre, par exemple, ou les divisions de classe sont restées bien plus prononcées que chez nous et cela jusqu’à nos jours. D’ailleurs, la plupart des historiens anglais parlent de « class society » pour caractériser leur propre société. Lorsque vous comparez les patrimoines et les parcours des élites anglaises et françaises, la différence est évidente. Les parcours d’un Bourdieu, d’un Seguin, d’un Pompidou ou d’un Camus sont impensables en Grande Bretagne. Souvenez-vous aussi que jusqu’aux années 1980, les couches populaires représentaient autour de 15% des élèves des grandes écoles. A la même époque, leurs équivalents anglais sont payants – et coûtent une fortune – ce qui leur permet de rester socialement homogènes. Avec l’Allemagne, la comparaison est plus difficile parce que la guerre a bouleversé les structures anciennes. Mais jusqu’à la prise au pouvoir du nazisme, la possibilité pour un ouvrier de suivre un enseignement supérieur et d’accéder par cette voie aux plus hautes responsabilités est extrêmement réduite. La domination des classes supérieures et particulièrement de l’aristocratie sur les universités et sur les responsabilités est totale.

      Si le système français a pendant longtemps encouragé la promotion sociale au delà de ce qu’ont fait nos voisins, ce n’est pas parce que nous serions plus intelligents que les autres. Pour des raisons historiques – le fait que les élites traditonnelles ont été balayées par les révolutionnaires en 1789-93 puis une deuxième fois par les anticléricaux à la fin du XIXème, le fait que l’aristocratie française a raté le tournant de la révolution industrielle, les destructions de guerre – la France a eu besoin de former de nouvelles élites, et elle ne pouvait le faire que par promotion sociale. La France s’est donc doté d’un système éducatif méritocratique, brassant les classes et permettant aux pauvres « méritants » d’accéder à l’élite. Nos voisins, eux, n’en avaient aucun besoin puisque les élites traditionnelles, aristocratie et bourgeoisie marchande, sont apparues il y a bien longtemps et ont réussi à se perpétuer.

      Mais que se passe-t-il en France lorsque les nouvelles élites sont constitués et ne songent qu’à se reproduire ? Lorsque l’école de la promotion sociale a été perçue par les classes moyennes – qu’elle avait largement contribué à former – comme une menace, celles-ci ont commencé à lui tirer dessus. Et comme souvent, elles l’ont fait au nom de ce à quoi ils voulaient en fait tordre le cou… c’est-à-dire, de la promotion sociale. Ce fut d’abord la guerre contre la « sélection », supposé être un instrument de discrimination sociale. Ce qu’on ne nous a pas dit, c’est que lorsque la sélection ne se fait pas au mérite, elle se fait sur des critères sociaux qui sont bien plus injustes. Mais cela ne suffit pas : donner aux couches populaires une bonne formation pour ensuite leur refuser l’ascension sociale fait surgir une frustration sociale dangereuse. Pour que chacun accepte de rester à sa place, il faut empêcher les couches populaires d’accéder au savoir. C’est aujourd’hui largement fait. Je me suis amusé ces jours-ci à regarder les programmes de mathématiques pour le cycle terminal du lycée… ça donne vraiment envie de pleurer.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *