Le choix de la défaite

Mes amis, je suis très déprimé. Et c’est étrange, parce qu’un pessimiste ne devrait jamais être déprimé, particulièrement lorsque les faits lui donnent raison. Mais si je suis déprimé, ce n’est pas à cause du discours de politique général de Jean-Marc Ayrault ou des premiers pas de la présidence Hollande. Je n’en attendais rien, je ne peux donc pas être déçu. Ce qui m’énerve, m’attriste et finalement me déprime c’est l’incapacité de nos élites politiques, journalistiques et – pour partie seulement – administratives à élaborer une analyse globale, qui aille au delà de telle ou telle mesure, de tel ou tel impôt, de telle ou telle loi. Avant de dire ce qu’il faut – ou faudrait – faire, il est absolument nécessaire de poser un diagnostic: qu’est ce qui se passe exactement ? Pourquoi en sommes nous là ? Quels sont les mécanismes à l’œuvre ?

En juin 1940, De Gaulle prononce au micro de la BBC les mots suivants (1):

Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement.

Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s’est mis en rapport avec l’ennemi pour cesser le combat. Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l’ennemi. Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd’hui.

Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non !

Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n’est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.

Car la France n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l’Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l’Angleterre, utiliser sans limites l’immense industrie des Etats-Unis.

Cette guerre n’est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n’est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n’empêchent pas qu’il y a, dans l’univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd’hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l’avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là“.

Et seulement alors il conclut:

Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi.

Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas.

Rien ne vous frappe dans ce texte ? Moi si: la disproportion entre les deux parties. La première, qui occupe l’essentiel du texte, est une analyse. L’auteur explique ce qui se passe, pourquoi cela s’est passé, et quels sont les leviers possibles d’une action future. Et ce n’est qu’une fois cette analyse posée que De Gaulle appelle à une action concrète. Que dans des conditions aussi dramatiques De Gaulle ait accordé une telle importance à l’analyse et une place secondaire à l’action n’est pas anecdotique. C’est une démarche politique saine adressée à un peuple adulte.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que soixante-deux ans et deux semaines plus tard, les successeurs de Mongénéral ont choisi un discours bien différent. Voici l’intégralité du seul paragraphe qui parle de la situation actuelle:

Députés de la majorité comme de l’opposition, vous détenez une part égale de la souveraineté nationale, je sais que vous en serez dignes, à chacune et à chacun de faire preuve de courage et de responsabilité. Dans une période qui exige de chacun qu’il élève sa réflexion, son discours et ses propositions, au niveau d’une crise sans précédent et qui menace de nous faire perdre ce que le siècle passé nous a légué, notre modèle social et républicain.
Je suis venu aujourd’hui pour vous appeler, et à travers vous, appeler l’ensemble de notre peuple à une mobilisation, car il n’est pas trop tard pour agir et pour réussir. Je suis ici pour vous appeler à retrouver confiance dans notre destin. Notre pays s’est affaibli économiquement, il s’est dégradé socialement, il s’est divisé politiquement, il s’est abîmé moralement. La France ce sont près de trois millions de salariés qui ne retrouvent pas de travail, ces femmes à qui il n’est proposé que des emplois très partiels, ces jeunes pour qui l’entrée dans la vie active s’apparente à un parcours d’obstacles, ces seniors qui se voient fermer toutes les portes alors qu’ils ont encore tant à apporter à la société. Et ce sont ces plans sociaux opportunément retardés et qui font courir le risque du chômage, à plusieurs dizaines de milliers de familles supplémentaires.
Depuis 2007, depuis 2007 la dette a augmenté de 600 milliards d’euros, 600 milliards d’euros, et cette dette atteint aujourd’hui près de 1800 milliards d’euros, soit 90 % de la richesse produite par la France chaque année. Le poids de la dette est devenu écrasant : l’Etat verse ainsi près de 50 milliards d’euros par an à ses créanciers. Cette somme représente la première dépense juste devant le budget de l’Education nationale, elle est supérieure aux budgets de la recherche, de la justice et de la sécurité réunis. Et bien cette situation je ne l’accepte pas.

La curieuse formule qui conclut le paragraphe est en elle même tout un programme. Ayrault prétend dans ce paragraphe décrire une situation réelle. Or, “ne pas accepter” une réalité, cela veut dire quoi ? On peut mettre “cette situation, je ne m’en satisfais pas”, ou bien “cette situation, je veux la changer”. Mais ne pas “accepter” la réalité, c’est une drôle de base pour une politique.

Mais le plus important n’est pas là. le Premier ministre décrit une situation, une réalité. Mais il ne l’analyse pas. Il n’y a rien dans ce paragraphe qui réponde à la question “pourquoi”. On nous dit que le pays est affaibli, dégradé, divisé, abîmé, que le chômage est massif, que la dette nous écrase. Mais quelle est le mécanisme qui nous a amené là ? Quelle est la “force mécanique, les chars, les avions” qui nous écrasent ? Quelle est la “tactique qui a surpris nos chefs” ? A ces questions, point de réponse.

Je veux bien qu’un discours de politique générale ne soit pas une conférence économique ou politique. Mais il semble difficile de donner une cohérence à l’action d’un gouvernement censé résoudre un certain nombre de problèmes si l’on n’a pas une vision des mécanismes qui les ont créés. Sans cette analyse, on est irrésistiblement ramené à un catalogue de mesures, qui peuvent être bonnes ou mauvaises, mais sans cohérence ni hiérarchie les unes par rapport aux autres, quand elles ne se contredisent pas. On trouve ainsi d’un côté des mesures dont le but déclaré est de faire repartir la croissance et dans le paragraphe suivant des mesures visant à réduire le déficit et la dette qui sont de nature nettement dépressive. Comment dans ces conditions pourrait-on y croire ?

Il faut poser les problèmes clairement, et cela suppose d’avoir une vision macro-économique d’abord, sans aller tout de suite regarder telle ou telle allocation, telle ou telle dépense. Le fait est qu’il n’existe que trois manières de consommer plus qu’on ne produit: on peut puiser dans ses réserves (c’est à dire, consommer aujourd’hui la valeur qu’on s’était abstenu de consommer hier); on peut emprunter (c’est à dire, trouver quelqu’un qui renonce à consommer pendant un certain temps pour que nous puissions consommer à sa place); et on peut voler (c’est à dire, prélever de la valeur sur quelqu’un d’autre sans contrepartie). Un fois exclu le vol, qui est non seulement immoral, mais surtout difficile à pratiquer aujourd’hui, il ne nous reste que l’emprunt et la réserve.

Pendant ces dix dernières années,les français ont globalement consommé plus qu’ils n’ont produit. Il est de ce point de vue instructif de regarder l’évolution de la balance des échanges courants (2): Le solde était largement positif à la fin des années 1990, et atteint son plus haut niveau en 1999 avec 43 Md€. Il décroît régulièrement depuis cette date (3). A partir de 2005 le solde devient négatif, et atteint presque 40 Md€ en 2011. Mais si l’on va dans le détail, c’est encore plus inquiétant: pour ce qui concerne les échanges de biens – c’est à dire les produits industriels importés et exportés – la dégradation est beaucoup plus spectaculaire: on est passé d’un excédent de 24 Md€ en 1997 à un déficit de 60 Md€ en 2011. Ce sont les revenus du capital investi à l’étranger, qui eux sont passés de 6 Md€ en 1997 à 36 Md€ en 2011 qui font la différence. En d’autres termes, la France non seulement vit à crédit depuis 2005, mais pour la partie qui n’est pas financée par le crédit elle se finance de moins en moins de son travail, et de plus en plus de la rente des capitaux qu’elle investit à l’étranger (4).

Pour financer cette vie à crédit, on a eu recours aux réserves et à la dette. La dette, ce n’est pas la peine d’en dire plus, tout le monde reconnait son existence. La question des réserves est plus subtile, et n’est jamais abordée dans les discours politiques. Le fait est que nous bénéficions aujourd’hui encore d’énormes investissements en infrastructures qui datent des années 1960-70. Ces infrastructures sont une forme de “réserve”, dans laquelle nous puisons tous les jours. Cependant, ces infrastructures arrivent en fin de vie utile, et il faudra tôt ou tard consentir les investissements nécessaires à leur renouvellement sous peine de voir leur performance se dégrader. Or, personne ne semble prendre en compte cette réalité. D’où sortira l’argent pour reconstruire le parc de production électrique ou pour renouveler le parc de traction ferroviaire, par exemple ?

Notre Premier ministre, et l’ensemble de notre classe politique tournent comme des poulets sans tête autour du déficit et de la dette, mais ne se demandent jamais d’où elle vient. La cause de ces deux problèmes est la même: une consommation excessive par rapport à la production, sous l’effet de deux forces opposées: du côté consommation, des politiques de concurrence et de libre-échange qui ont stimulé la consommation , et notamment celle des classes moyennes, qui arrive à des extrémités indécentes – et si vous me trouvez dur, pensez au marché du téléphone portable. D’un autre côté, une politique économique qui a favorisé une désindustrialisation accélérée et la délocalisation des investissements. Lorsque la production ne couvre pas la consommation, il se génère forcément une dette. Celle-ci est ensuite distribuée entre la dette publique et la dette privée: si l’Etat prélève les impôts nécessaires pour équilibrer ses finances, il réduira la dette publique et augmentera la dette privée. Si l’Etat choisit de préserver les finances des acteurs privés – vous et moi – alors c’est lui qui s’endettera. Appauvrir l’Etat pour enrichir les citoyens – enfin, certains citoyens, ceux des couches moyennes en particulier – voilà la politique suivie par tous les gouvernements de droite comme de gauche depuis trente ans.

Il faut donc réduire la consommation et augmenter la production. Le premier terme de l’équation pose la question de la distribution de l’effort. La tentation du PS, au delà des beaux discours, sera certainement celle recommandée par Alphonse Allais: “il faut aller chercher l’argent là où il est, chez les pauvres”. L’alternative, qui est d’aller chercher l’argent chez les classes moyennes, est trop dangereuse électoralement. Quant aux “riches” diabolisés par le discours gauchiste, ils ont beaucoup d’argent, mais ils sont peu nombreux. On leur demandera un sacrifice pour des raisons symboliques, mais du point de vue économique leur contribution ne peut être que limitée.

Reste la question de la production. Dans le contexte de libre-échange qui est le notre, il n’y a pas beaucoup de solutions. On en arrivera toujours au même problème: dans un contexte de libre circulation des capitaux, produire en France implique créer des conditions qui rendent les investissements industriels compétitifs par rapport à ce qui se fait en Chine, en Inde, en Corée ou en Roumanie. Et cela suppose nécessairement de baisser les coûts de main d’oeuvre tels qu’ils sont vus côté employeur. Non pas au niveau des coûts salariaux chinois, indiens ou roumains, parce qu’il faut aussi tenir en compte la productivité du travailleur français et l’effet bénéfique de nos infrastructures, mais il faut gagner entre 10 et 20% si l’on veut avoir un chance de reconstruire un appareil industriel. Pour obtenir ce résultat, il n’y a pas dix façons de faire: il faut transférer une partie du coût de la main d’oeuvre ailleurs. Et cet “ailleurs” ne peut être que le consommateur. Sauf à sortir de la logique de libre-échange, il n’y a pas d’autre solution qu’un transfert des coûts salariaux – par le biais d’une reprise des charges sociales, des cotisations retraite voire des aides salariales type RSA – vers la fiscalité de la consommation et du revenu. Jean-Marc Ayrault semble avoir exclu cette hypothèse, et la gauche “traditionaliste” est contre. C’est très dommage.

Faute de faire ces choix, je crains que le discours ayraultien annonce une politique du chien crevé au fil de l’eau. Et cela était déjà visible dans le domaine productif, avec la disparition du ministère de l’industrie, remplacé par un ministère “du redressement productif” dont on voit chaque jour plus qu’il aura pour rôle non pas de concevoir une politique industrielle, mais de jouer les pompiers auprès des entreprises en difficulté. Ayrault le confirme en annonçant une austérité généralisée, un paupérisation de l’Etat sauf dans les domaines “payants” électoralement (des profs pour les classes moyennes, des flics pour le peuple des cités) et avec quelques sucettes “sociétales” pour faire passer la pilule. Bienvenus à la présidence “normale”…

Descartes

(1) Il y a un débat historique sur les mots exactement prononcés ce jour-là. Aucun enregistrement du discours n’a survécu, et celui-ci a été relu plusieurs fois à quelques jours d’intervalle et sous des formes légèrement différentes. Mais l’essentiel y est.

(2) Rappelons que la balance des échanges courants comptabilise les échanges avec l’extérieur de biens, de services et de revenus du capital investi. Elle se distingue de la balance commerciale (qui ne prend en compte que les échanges de biens) et de le compte financier (qui prend en compte les entrées et sorties de capitaux).

(3) Tiens…  1999 est l’année où l’Euro est introduit comme monnaie unique pour les échanges commerciaux et financiers. Mais c’est certainement une coïncidence.

(4) Bien entendu, cette transformation traduit un transfert de revenu entre ceux qui travaillent – les ouvriers et employés – et ceux qui investissent – les classes moyennes et supérieures.

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43 réponses à Le choix de la défaite

  1. Trubli dit :

    J’ai tendance à penser que les politiques sont des personnes intelligentes. Peut-être suis-je trop optimiste. Et qu’ils connaissent les causes de la situation actuelle. En faire une analyse
    sincère les amèneraient à se dédire. Et quel est le politique qui va dire “Nous avons fait une connerie”

    L’attitude de la gauche au sujet de la TVA sociale m’énerve. La question à leur poser est au nom de quel principe les produits importés ne participent pas au financement de la protection sociale
    ?

    La gauche se focalise sur les inégalités de revenus qui peuvent être à juste titre une cause d’inefficience de l’économie lorsque certains gagnent trop et qu’ils thésaurisent. Cependant dans
    l’ordre des choses il faut d’abord s’attaquer au déséquilibres de la balance des transactions courantes, car aujourd’hui si on donnait plus de pouvoir d’achat à la majeure partie de la population
    au détriment de quelques uns, le surplus de revenus serait consommé dans des produits qui détérioreraient encore plus la balance commerciale. 

    • Descartes dit :

      J’ai tendance à penser que les politiques sont des personnes intelligentes.

      Si je crois mon expérience, en moyenne ils ne sont pas plus bêtes que la population générale, mais pas plus intelligents non plus.

      Et qu’ils connaissent les causes de la situation actuelle.

      Je crois que tu idéalises les politiques. Tu sais, c’est un métier comme un autre. Tu trouves là dedans des gens supérieurement intelligents et cultivés, mais ils sont une minorité. Tu trouves
      aussi des imbéciles et des ignorants, qui doivent leur carrière à l’astuce, l’intuition, la capacité d’empathie… ou plus banalement la chance d’avoir croisé la bonne personne au bon moment.

      Beaucoup d’entre eux ont le comportement d’un cadre supérieur. Ils n’ont pas une grande curiosité, et ne cherchent pas forcément à comprendre le monde qui les entoure, particulièrement lorsque
      cette compréhension ne leur est pas utile dans leur carrière. N’oublie pas que, comme disait le président Queuille, “la politique n’est pas l’art de résoudre les problèmes mais de faire taire
      ceux qui les posent”.

      En faire une analyse sincère les amèneraient à se dédire. Et quel est le politique qui va dire “Nous avons fait une connerie”

      On en voit, de temps en temps. Souvent dans un moment de sincérité involontaire – comme ce fut le cas de Mélenchon sur Maastricth – mais quelquefois sincèrement.

      L’attitude de la gauche au sujet de la TVA sociale m’énerve. La question à leur poser est au nom de quel principe les produits importés ne participent pas au financement de la protection
      sociale ?

      Paradoxalement, la gauche est alignée – comme les classes moyennes – sur la logique de l’intérêt du consommateur, et non du producteur. Faire reposer la protection sociale sur l’ensemble des
      produits, et non plus sur les seuls produits français, implique qu’on n’aura plus les chemisettes chinoises, les téléphones portables coréens et les voitures roumaines bon marché faisant
      concurrence à des produits français chers.

       

  2. Marencau dit :

    Cher Descartes,

     

    On ne peut pas dire que ton billet soit une invitation à l’optimisme…

     

    “et si vous me trouvez dur, pensez au marché du téléphone portable”

     

    Tu veux dire le joujou que certains s’amusent à changer parce que la nouvelle version a changé de couleur ?

     

    Je suis “instinctivement” d’accord, cela dit je ne vois pas au nom de quoi on pourrait affirmer que cette consommation est excessive, ridicule, maladive, etc. (certains décroissants parlent comme
    les anciens ascètes…)

     

    Après tout, si c’est qui fait le bonheur de la population ? Qui sommes-nous pour dire qu’ils devraient être plus heureux d’aller au théâtre que d’être fiers de leur nouvelle coque de téléphone ?

     

    En revanche, si cette consommation débridée met en péril la pérennité du modèle économique (via la balance commerciale), il est clair qu’il faut la freiner.

     

    “si l’Etat prélève les impôts nécessaires pour équilibrer ses finances, il réduira la dette publique et augmentera la dette privée”

     

    Pas tout à fait d’accord. En prélevant les impôts nécessaires dans une période dépressive comme aujourd’hui, cela risque surtout de fragiliser la demande, donc l’activité économique, donc les
    rentrées fiscales… c’est tout le problème de l’austérité. L’austérité amène plus d’austérité jusqu’à ce que le patient meurt guérit.

     

    En revanche, en période de croissance, on peut prélever cet impôt de manière “inflationnaire” ou carrément via les impôts… sans casser le moteur économique.

     

    “Il faut donc réduire la consommation et augmenter la production”

     

    Je pense qu’il faut réduire la consommation importée et augmenter la consommation locale (ce qui dans un premier temps est juste réduire sa consommation tout court, nous sommes d’accord). Avec
    une dévaluation (et éventuellement un protectionnisme sur certains secteurs stratégiques définis par une politique industrielle), on peut remettre sur pied la balance des paiements. Ensuite, on
    pourra organiser une relance keynésienne tout en s’assurant que l’offre puisse suivre…

     

    Mais tout cela implique une politique “anti-classes moyennes” synthétisée par ta phrase suivante:

     

    “il faut transférer une partie du coût de la main d’oeuvre ailleurs. Et cet “ailleurs” ne peut être que le consommateur”

     

    Entièrement d’accord. Nous en avons déjà discuté récemment d’ailleurs… tu penses que ce sera difficile à faire avaler par les classes moyennes. Je suis un peu plus optimiste sur ce point
    précis, à long terme tout du moins.

     

    Nous avons tous en chacun de nous une dialectique entre le consommateur et le salarié/producteur. Quand l’un rit d’une dévaluation, l’autre pleure. Sauf que voilà: il y en a qui n’ont pas ce
    problème de dualité: les retraités/rentiers et les chômeurs.

     

    En France, nous avons une très grande force par rapport à l’Allemagne: notre démographie. Plus le consommateur sera privilégié, plus il y aura de chômeurs. Plus le temps avance, moins il y aura
    de retraités (enfin là ils vont augmenter pour le moment, d’accord).

     

    De plus, les jeunes des classes moyennes vont se rendre compte petit à petit que sur le long terme, à quoi bon pouvoir importer pour pas cher si on ne peut pas trouver de boulot ? A mon avis il y
    a de l’espoir car une partie de la classe moyenne va se retrouver avec les même intérêts que les classes populaires à mesure qu’elle va perdre son pouvoir de négociation….

     

    Mais avant que ce retournement arrive, on va probablement toucher le fond avec le délire Européen et compagnie. J’espère que l’agonie ne sera pas trop lente sinon on le payera très cher.

     

    Pour la TVA “sociale”, le problème c’est qu’un tel mécanisme laisse à la discrétion des entreprises le fait de répercuter la baisse sur le prix. On sait ce qu’il en serait. Et, à mon avis, le
    second problème est qu’elle soit uniforme sur tous les secteurs qui n’ont pas les mêmes besoins (et avec Bruxelles on ne peut faire de différenciation). Enfin, les ménages les plus modestes
    devront payer proportionnellement plus que les autres (vu qu’elle dépensent tout et ont des difficultés à épargner), ce qui n’est socialement pas juste.

     

    “un ministère “du redressement productif” dont on voit chaque jour plus qu’il aura pour rôle non pas de concevoir une politique industrielle, mais de jouer les pompiers auprès des entreprises
    en difficulté”

     

    Qui en doutait ? Je pense que Hollande a voulu un peu jouer un tour à Montebourg qui était pénible pendant la primaire PS. Ca va être assez humiliant pour lui de se trainer ventre à terre pour
    implorer les patrons mondialisés…

     

    En tout cas pas de quoi se faire des glorieux faits d’arme pour le mettre en piste pour 2017…

    • Descartes dit :

      On ne peut pas dire que ton billet soit une invitation à l’optimisme…

      Je sais… j’ai bien peur à force d’écrire des papiers pessimistes d’éloigner certains de mes lecteurs… mais je m’arrache les cheveux, je cherche des sujets plus gais, j’essaie de faire de
      l’humour… et rien ne sort. Il me faut peut-être des vacances ! 

      Il faut dire que j’accepte mal l’impuissance. Sarkozy était un désastre, mais un désastre actif, qui essayait de faire des choses, qui avait quelque chose à dire. On pouvait l’aimer ou le
      détester, mais il était profondément humain. Le côté moralisant et “normal” de la gauche, sa tendance à revendiquer le monopole du coeur – tout en veillant au portefeuille – m’énerve et
      me déprime en même temps.

      Je suis “instinctivement” d’accord, cela dit je ne vois pas au nom de quoi on pourrait affirmer que cette consommation est excessive, ridicule, maladive, etc. (certains décroissants parlent
      comme les anciens ascètes…)

      Vous avez raison. Il est difficile de trouver un critère universel qui permette de décider qu’il est “excessif” de s’acheter un nouveau portable pour changer de couleur, mais qu’il est au
      contraire louable de s’acheter une nouvelle version de “l’Or du Rhin”. On peut essayer d’établir une hiérarchie entre les plaisir esthétiques en fonction de l’ouverture et l’enrichissement qu’ils
      nous procurent, et ceux-ci sont en général liés à la complexité. Plus un plaisir est complexe, plus il est riche. Ainsi, contempler son téléphone procure un plaisir infiniment plus simple que
      d’écouter “l’Or du Rhin”.

      Après tout, si c’est qui fait le bonheur de la population ? Qui sommes-nous pour dire qu’ils devraient être plus heureux d’aller au théâtre que d’être fiers de leur nouvelle coque de
      téléphone ?

      Nous sommes des politiques. Nous parlons – moi en tout cas, mais je pense que vous aussi – au nom d’une vision de société qui cherche à procurer à tous les plaisirs les plus complexes et les plus
      raffinés. S’il faut sacrifier les coques de téléphone pour pouvoir donner accès au théatre, je le ferais sans hésiter. Mais vous avez raison de dire que cela revient à imposer une éthique qui n’a
      rien d’universel.

      Pas tout à fait d’accord. En prélevant les impôts nécessaires dans une période dépressive comme aujourd’hui, cela risque surtout de fragiliser la demande, donc l’activité économique, donc les
      rentrées fiscales…

      On parle de deux choses différentes. Je faisais référence à la manière dont la dette est partagée entre dette publique et dette privée ab initio: l’Etat peut laisser les citoyens vivre au dessus
      de leurs moyens en s’endettant lui même, ou il peut au contraire exiger d’eux les impôts qui équilibrent ses comptes ce qui obligera les citoyens à s’endetter eux mêmes s’ils veulent continuer à
      consommer plus qu’ils en produisent. Vous, vous faites référence au bouclage macro-économique, c’est à dire, aux effets “de deuxième tour”.

      Je pense qu’il faut réduire la consommation importée et augmenter la consommation locale

      Je crains que cela ne suffise pas. Même si on arrivait à équilibrer les échanges en important moins, il faudrait quand même dégager des moyens pour reconstituer nos “réserves” en faisant de
      l’investissement. Et on ne peut pas continuer à consommer au niveau actuel et dégager des ressources pour investir. Et c’est là que se joue la “politique anti-classes moyennes” que vous me
      reprochez…

      Nous avons tous en chacun de nous une dialectique entre le consommateur et le salarié/producteur. Quand l’un rit d’une dévaluation, l’autre pleure. Sauf que voilà: il y en a qui n’ont pas ce
      problème de dualité: les retraités/rentiers et les chômeurs.

      Et les classes moyennes, qui ont pour une large part le privilège de travailler sur des activités non-délocalisables. Comme consommateurs ils bénéficient de l’ouverture des frontières, comme
      travailleurs ils ne sont pas menacés.

      De plus, les jeunes des classes moyennes vont se rendre compte petit à petit que sur le long terme, à quoi bon pouvoir importer pour pas cher si on ne peut pas trouver de boulot ?

      Encore faudrait-il que les enfants des classes moyennes ne trouvent pas de boulot. Penses-tu que ce soit le cas ? Personnellement, j’en doute…

      Pour la TVA “sociale”, le problème c’est qu’un tel mécanisme laisse à la discrétion des entreprises le fait de répercuter la baisse sur le prix.

      Non. Les prix sont fixés par le marché, au point où la “courbe d’offre” et la “courbe de demande” se croisent. En réduisant le coût du travail, je déplace la “courbe d’offre” et j’obtiens, par
      l’équilibre de marché, un prix inférieur. Cela bien entendu marche si le marché est “pur et parfait”. Dans les marchés réels, il faudrait probablement une intervention publique et/ou un petit
      coup d’inflation pour dépasser l’effet “cliquet” qui fait que les prix ne baissent jamais.

      Et, à mon avis, le second problème est qu’elle soit uniforme sur tous les secteurs qui n’ont pas les mêmes besoins (et avec Bruxelles on ne peut faire de différenciation).

      C’est un problème, en effet.

      Enfin, les ménages les plus modestes devront payer proportionnellement plus que les autres (vu qu’elle dépensent tout et ont des difficultés à épargner), ce qui n’est socialement pas
      juste.

      C’est un raisonnement fallacieux. Il est vrai que les ménages modestes dépensent cent pour cent de leur revenu (et payent la TVA sur ce cent pour cent) alors que les ménages plus riches épargnent
      une partie du revenu et ne dépensent (et donc payent la TVA) que sur une fraction de celui-ci. Mais cette épargne est destinée à être dépensée un jour (sinon, on se demande à quoi elle sert…).
      Et le jour où elle sera dépensée, elle payera la TVA. Donc in fine tout le monde paye la TVA sur l’ensemble de son revenu… au même taux.

       

       

  3. Jb Brignoli dit :

    Bonsoir,

    Je suis plutôt convaincu par votre point de vue sur la TVA sociale mais je doute de l’efficacité d’une telle mesure si elle ne s’inscrit pas dans un ensemble plus large de décisions. 

    Et puis, je suis tout à fait prêt à “acheter français” mais encore faut-il qu’il y ait une offre plus locale justement. Je ne dis pas qu’il n’y a plus de biens et services produits en France mais
    si je voulais, pour reprendre votre exemple me procurer une chemisette fabriquée dans le coin plutôt qu’en Chine, je serais bien en peine…

    Voilà voilà. 

    • Descartes dit :

      Je suis plutôt convaincu par votre point de vue sur la TVA sociale mais je doute de l’efficacité d’une telle mesure si elle ne s’inscrit pas dans un ensemble plus large de décisions.

      Je partage tout à fait votre remarque. Mais il faut bien commencer par quelque chose. Je pense qu’il faut faire comprendre à nos concitoyens – et à nos décideurs – que la politique qui consiste à
      prélèver le coût de la solidarité sur le travailleur et non sur le consommateur nous a conduit vers la désindustrialisation et le chômage de masse. Et que sauf à sortir du contexte
      libre-échangiste, c’est l’un des rares leviers qui nous restent pour jouer sur la compétitivité.

      Et puis, je suis tout à fait prêt à “acheter français” mais encore faut-il qu’il y ait une offre plus locale justement. Je ne dis pas qu’il n’y a plus de biens et services produits en France
      mais si je voulais, pour reprendre votre exemple me procurer une chemisette fabriquée dans le coin plutôt qu’en Chine, je serais bien en peine…

      C’est la demande qui créé l’offre, et non l’inverse. Personne ne va investir pour construire une usine “locale” s’il n’a pas une chance raisonnable de vendre ses produits. Or, le différentiel des
      prix est trop grand pour avoir un espoir de rentabiliser l’investissement. Et personne ne va investir sur la foi du patriotisme des consommateurs qui iraient acheter des chemisettes françaises –
      même plus chères – s’ils en avaient la possibilité.

       

  4. Victor dit :

    Petite intervention d’un écolo :

    “En revanche, si cette consommation débridée met en péril la pérennité du modèle économique (via la balance commerciale), il est clair qu’il faut la freiner.”

    Outre qu’il est certain et non hypothétique que cela désequilibre la balance commerciale, il est tous aussi certain que notre modèle économique n’est pas viable pour des raisons écologiques. Nous
    vivons dans un monde aux ressources matérielles limitées, les tensions sont croissantes sur le marché du lithium (composant essentiel de la batterie du portable) et des terres rares (extraits
    pour 80% par la Chine). Vous n’êtes pas sans ignorer que la belle coque du téléphone portable est faîte en PVC, matériau issu du raffinage d’hydrocarbures dont le stock conventionnel a dépassé
    son pic maximal de production, et dont la consommation destabilise le climat à l’échelle mondial, menaçant la vie de centaines de millions de personnes.

    Les écolos que Marencau peint plaisemment comme nouveaux ascètes ont un critère fort simple pour déterminer ce qu’est un faux et un vrai besoin. Un besoin qui disparaît si cesse d’exister la
    publicité est un faux besoin. Evidemment supprimer la publicité c’est une mesure radicale, et je le sens vous allez me tomber dessus à bras raccourcis. Je ne vais pas réciter mon catéchèse
    écosocialiste pour vous convaincre, je vous invîte à lire André Gorz ou Michael Lowy pour vous faire votre propre idée si le coeur vous en dit.

    Dans tous les cas un espace de discussion politique, abordant l’économie mais faisant l’impasse sur les problématiques environnementales (fût-ce pour dénoncer les écolos) me semble borgne.

    • Descartes dit :

      il est tous aussi certain que notre modèle économique n’est pas viable pour des raisons écologiques. Nous vivons dans un monde aux ressources matérielles limitées,

      Votre affirmation n’a rien de “certain”. Depuis Malthus, les prophètes qui ont fait ce genre de prédictions n’ont pas manqué, et tous sans exceptions se sont plantés. Malthus lui même soutenait
      que le niveau de vie des pauvres ne pouvait pas croître, puisque toute amélioration serait immédiatement annulée par l’augmentation de la population et donc des bouches à nourrir. On peut
      constater qu’il avait tort. Ses successeurs ont soutenu que la planète ne pourrait jamais supporter plus d’un milliard d’habitants. Eux aussi se sont gourrés.

      Le pensée malthusienne oublie que si la planète est limitée, l’ingéniosité humaine ne l’est pas. Les réserves de lithium sont finies ? Certainement. Mais avant qu’elles s’épuisent, on aura trouvé
      d’autres moyens pour faire des batteries. Après tout, les réserves de silex, indispensables à l’homme des cavernes sont elles aussi finies, et pourtant l’homme a appris à s’en passer bien avant
      qu’elles arrivent à épuisement…

      Les écolos que Marencau peint plaisemment comme nouveaux ascètes ont un critère fort simple pour déterminer ce qu’est un faux et un vrai besoin. Un besoin qui disparaît si cesse d’exister la
      publicité est un faux besoin.

      La question évidente posée par cette affirmation est: comment sait-on que le besoin de téléphone portable “disparaît si cesse d’exister la publicité” ? J’attire votre attention sur un point
      intéressant: dans l’ancienne URSS, il n’y avait pas de publicité pour les jeans. Et pourtant, il était courant que des visiteurs étrangers se voient offrir des sommes considérables par des
      citoyens soviétiques en échange de leurs jeans. Si j’applique votre règle, le jean américain est un “vrai besoin”, puisqu’il apparaît même en l’absence de toute publicité… paradoxal, non ?

      Le problème avec beaucoup de “décroissants” est qu’ils attribuent à la publicité un pouvoir qu’elle n’a pas. Un peu comme si nous étions tous des imbéciles qui iraient acheter ce dont ils n’ont
      pas besoin simplement parce que la publicité nous dit de le faire. C’est un peu plus compliqué que cela. Les “marques de distinction” existent dans toutes les cultures. Vous trouverez dans des
      cultures primitives des objets, des masques, des parures qui, rapportées à la productivité moyenne dans ces civilistions, coûtent infiniment plus que nos téléphones portables aux belles couleurs,
      qui jouent le même rôle. Et pourtant, ces civilisations ne connaissent pas la publicité…

      Dans tous les cas un espace de discussion politique, abordant l’économie mais faisant l’impasse sur les problématiques environnementales (fût-ce pour dénoncer les écolos) me semble
      borgne.

      Je suis d’accord avec vous. Mais il faut remettre les “problématiques environnementales” à leur juste place, et ne pas en faire une nouvelle religion.

  5. Victor dit :

    Je vous réponds succintement relativement à l’ampleur des questions soulevées.

    1) Les auteurs que j’ai cité ne sont pas malthusiens.
    a)Leur recommandation n’est pas de restreindre la natalité.
    b) Leur raisonnement n’est pas celui de Malthus.  Ce n’est pas une simple projection abstraite de tendances observées, il est basé sur des mécanismes découverts par l’écologie scientifique,
    discipline qui n’existait pas à l’époque de Malthus. La prédiction de Malthus a été contre-carrée grâce à la synthèse d’engrais azotés (progrès de la chimie allemande à la fin du XIXe siècle,
    notamment procédé Haber-Bosch). Cela a bouleversé le cycle de l’azote et propulsé l’homme comme force géologique. Contrôler les autres cycles biogéochimiques – en particulier le cycle du carbone
    – et le climat est une affaire fort difficile, si ce n’est impossible. On entre dans des projets d’hybris dimiurgique du type, panneaux géants en orbite. Sans entrer dans le détail, il y a de
    nombreux phénomènes d’hysteresis et d’irréversibilité. (Je vous conseille vivement de lire un ou deux bouquins d’introduction à l’écologie globale) Mais ce qui est certain c’est que si des
    projets technologiques seraient mis en oeuvre, il est certain qu’ils devront faire l’objet d’une gouvernance mondiale (et oui, c’est la vilaine planification qui pointe le bout de son nez).

    c) Si Malthus s’est planté, les climatologues et écologues non. Leurs travaux ne sont pas faits que de lontaines prévisions catastrophiques. Dès aujourd’hui, il existe des réfugiés climatiques.
    Dès aujourd’hui, il existe une desertification. Dès aujoud’hui, la biodiversité s’effondre. Les catastrophes sont en cours.

    Le problème de votre joli phrase “Le pensée malthusienne oublie que si la planète est limitée, l’ingéniosité humaine ne l’est pas” c’est que la première proposition recouvre un contenu
    scientifique, la seconde n’est qu’affaire de foi. La religion n’est peut-être pas là où vous le croyez. L’écologiste lambda vous répondrez que c’est vous qui faîtes du progrès technique un credo,
    sans mener aucune analyse scientifique des conditions du progrès technique. 

    “Si j’applique votre règle, le jean américain est un “vrai besoin”, puisqu’il apparaît même en l’absence de toute publicité… paradoxal, non ?”
    Non, l’URSS était productiviste. Elle n’a absolument pas mis en oeuvre des politique contre le désir de consommer (sauf à considérer que maitenir dans une certaine pauvreté ces citoyens 
    soit une politique volontaire de réduction du désir de consommation). C’est un changement de civilisation, bien plus large que supprimer la publicité que propose les pourfendeurs de la société de
    consommation.

    “Le problème avec beaucoup de “décroissants” est qu’ils attribuent à la publicité un pouvoir qu’elle n’a pas.”

    C’est vrai, les choses sont plus complexes que la simple règle que j’ai ci-dessous sans la faire mienne. Je vous réinvite à lire Gorz dont les analyses sont bien plus riches que ce que l’on
    présente généralement de la décroissance. Je ne suis pas rentré dans les mécanismes psychologiques de la reconnaissance ; vous évoquez me semble-t-il les sociétés à Potlach. Je vous invite à
    relire l’essai sur le don de Mauss, celui-ci montre bien que la consommation/destruction ostentatoire est un phénomène fort restreint géographique (dans les sociétés traditionnelles, évidemment
    avant que nous exportions nos coutumes sur tous les continents). La distinction se réalise dans bien des sociétés autrement que par des signes de richesse, que cela soit la possession ou la
    destruction d’objets matériels. Mais il est vrai que le succès universel de la société de consommation pose une vraie question. Pour ma part, je fais le pari que nous pouvons nous satisfaire
    d’une reconnaissance symbolique, nous épanouir dans des activités sportives, ludiques, culturelles, érotiques, etc, faire primer l’être sur l’avoir. Mais, nous quittons là l’écologie pour
    l’anthropologie, mais aussi une certaine part de foi, reconnaissons-le 😉

    • Descartes dit :

      1) Les auteurs que j’ai cité ne sont pas malthusiens.
      a)Leur recommandation n’est pas de restreindre la natalité.
      b) Leur raisonnement n’est pas celui de Malthus.

      Le terme “malthusien” ne s’applique pas seulement à ceux qui reprennent le raisonnement de Malthus, mais aussi à ceux qui en reprennent les premisses. La pensée malthusienne est fondée sur l’idée
      que les ressources dont dispose l’homme sont limitées, et que la politique consiste à repartir ces ressources.

      Contrôler les autres cycles biogéochimiques – en particulier le cycle du carbone – et le climat est une affaire fort difficile, si ce n’est impossible.

      A peu près aussi “difficile” que l’était pour Malthus de contrôler le “cycle de l’azote”. C’est en ce sens que les auteurs que vous citez – et les écologistes en général – sont “malthusiens”:
      dans leur manque de confiance dans la capacité de l’espèce humaine à résoudre les problèmes qui se posent à elle.

      On entre dans des projets d’hybris dimiurgique du type, panneaux géants en orbite.

      Pour quoi faire ? La fission nucléaire (et demain la fusion) suffisent très largement…

      Sans entrer dans le détail, il y a de nombreux phénomènes d’hysteresis et d’irréversibilité.

      Et alors ? Nous savons bien que le soleil consomme son hydrogène et qu’un jour il s’éteindra. Mourir est notre destin à tous, et c’est aussi vrai pour les individus que pour les espèces. Il faut
      l’accepter. D’une certaine manière, l’écologie politique est une illusion: celle de croire qu’on peut battre la mort, qu’on peut arrêter le temps.

      Mais ce qui est certain c’est que si des projets technologiques seraient mis en oeuvre, il est certain qu’ils devront faire l’objet d’une gouvernance mondiale (et oui, c’est la vilaine
      planification qui pointe le bout de son nez).

      Vous utilisez un peu trop les formules “c’est certain”, “c’est évident”. Je ne vois nullement en quoi une “gouvernance mondiale” est nécessaire.

      c) Si Malthus s’est planté, les climatologues et écologues non.

      Ca, on n’en sait rien. On verra d’ici un ou deux siècles ce que valent leurs prédictions.

      Leurs travaux ne sont pas faits que de lontaines prévisions catastrophiques. Dès aujourd’hui, il existe des réfugiés climatiques. Dès aujourd’hui, il existe une desertification. Dès
      aujoud’hui, la biodiversité s’effondre.

      Le problème, c’est que cela s’est produit dejà plusieurs fois. A la fin de la dernière glaciation, il y eut aussi des “réfugiés climatiques” (parmi eux, nos lointains ancêtres), la
      désertification de certaines régions, l’effondrement de la biodiversité (pensez aux dinosaures…). Et à l’époque, il n’y avait pas de révolution industrielle pour en prendre la responsabilité.
      La question de savoir si ce qu’on observe aujourd’hui est d’origine purement anthropique ou bien est la conséquence d’un cycle climatique naturel reste ouverte.

      Le problème de votre joli phrase “Le pensée malthusienne oublie que si la planète est limitée, l’ingéniosité humaine ne l’est pas” c’est que la première proposition recouvre un contenu
      scientifique, la seconde n’est qu’affaire de foi.

      Pas tout à fait. Disons que c’est une loi déduite de l’expérience… jusqu’ici, l’ingéniosité humaine est venue à bout de tout. Il n’y a aucune raison de penser que cela doive changer.

      L’écologiste lambda vous répondrez que c’est vous qui faîtes du progrès technique un credo, sans mener aucune analyse scientifique des conditions du progrès technique.

      Il aurait tort: le progrès technique n’est pas une question de foi, c’est une variable observable. Quant à “l’analyse scientifique des conditions du progrès technique”, je ne vois pas très bien
      de quoi vous voulez parler.

      Non, l’URSS était productiviste. Elle n’a absolument pas mis en oeuvre des politique contre le désir de consommer (sauf à considérer que maitenir dans une certaine pauvreté ces citoyens 
      soit une politique volontaire de réduction du désir de consommation).

      Ne changez pas les termes du débat: vous aviez posé comme règle pour juger si un besoin était “vrai” ou non le fait qu’il cesse lorsqu’il n’y a pas de publicité pour le soutenir. Et
      bien, le fait est qu’en URSS il n’y avait pas de publicité pour les jeans. Or, le besoin a de toute évidence subsisté, puisque les jeunes soviétiques étaient prêts à payer des sommes
      considérables pour avoir un jean. Ergo, si j’applique votre règle, je dois conclure que le jean est un “vrai besoin”. Le fait que l’URSS soit “productiviste” n’a aucun rapport avec la choucroute.

      Je ne suis pas rentré dans les mécanismes psychologiques de la reconnaissance ; vous évoquez me semble-t-il les sociétés à Potlach.

      Non, absolument pas. Je n’ai à aucun moment évoqué un schéma d’échanges. Dans toute société il existe des objets qui marquent une distinction sociale. Dans la notre, le téléphone portable joue ce
      rôle.

      Pour ma part, je fais le pari que nous pouvons nous satisfaire d’une reconnaissance symbolique, nous épanouir dans des activités sportives, ludiques, culturelles, érotiques, etc, faire primer
      l’être sur l’avoir.

      C’est vous qui me parliez de “religion” ?

       

       

  6. Victor dit :

    Sincèrement, je vous invîte à lire un ouvrage d’écologie, vous sortez tous les contre-sens communs et je n’ai pas le temps de vous donner des cours.

     

    Le projet de panneaux géants en orbite ce n’est pas pour produire de l’électricité, c’est pour moduler le rayonnement incident sur la Terre (et ainsi contrôler le climat). Nous n’avons qu’une
    seule atmosphère, une seule circulation thermosaline, une seule banquise, si une modification est abordée en un point du global sur les grands cycles biogéochimiques cela se répercuterait sur
    l’ensemble de la surface terrestre. C’est certain, et si vous ne me croyez pas apprenez de l’éco et de la géol.

    Effectivement il y a déjà eu des crises d’extinction massive (ie perte de plus des 3/4 des organismes terrestres et marins). 5 en 540 millions d’années. La sixième est en cours, avec une vitesse
    d’extinction 50 à 100 fois plus rapide que lors des précédentes fois. Je vous renvoie votre “pensez aux dinosaures” : voulez-vous finir comme eux ? (soyons honnêtes, je ne pense pas que la survie
    de l’humanité soit engagée – nous sommes très dispersés, une population nombreuse, et des ressources technologiques). Pour vous donnez une idée, citons la fin d’un article parmi des centaines
    d’autres :

    Multiple factors acting synergistically are contributing to the loss of amphibians. But we can be sure that behind all of these activities is one weedy species, Homo sapiens, which has
    unwittingly achieved the ability to directly affect its own fate and that of most of the other species on this planet. It is an intelligent species that potentially has the capability of
    exercising necessary controls on the direction, speed, and intensity of factors related to the extinction crisis. Education and changes of political direction take time that we do not have, and
    political leadership to date has been ineffective largely because of so many competing, short-term demands. A primary message from the amphibians, other organisms, and environments, such as the
    oceans, is that little time remains to stave off mass extinctions, if it is possible at all.   http://www.pnas.org/content/105/suppl.1/11466.long

    ” La question de savoir si ce qu’on observe aujourd’hui est d’origine purement anthropique ou bien est la conséquence d’un cycle climatique naturel reste ouverte.”
    Non. Là, encore j’assène gratuitement et vous invîte à vous renseigner. Vous ne trouverez aucun article remettant en cause l’origine anthropique du réchauffement climatique publiée dans une
    grande revue scientifique (typiquement Nature ou Science). Pour ce qui est de la déforestation, de la destruction des habitats naturels, de la fragmentation écopaysagère, du rejet de CFC, de la
    surpêche, de la dystrophie des eaux de surface, des pluies acides, de la mauvaise gestion des sols, et j’en passe le doute n’est même pas possible.

    “Disons que c’est une loi déduite de l’expérience… jusqu’ici, l’ingéniosité humaine est venue à bout de tout. Il n’y a aucune raison de penser que cela doive changer.”

    On croirait lire du mauvais Auguste Comte ou Marx sur les “lois de l’histoire”.

    PV = nRT, E =mc2, ça se sont des lois. Tous ce que vous pouvez affirmer de l’histoire ce sont des tendances. Or la tendance que vous affirmez a été contredite : des civilisations se sont déjà
    effondrées pour cause (entre autres) d’une mauvaise gestion de leur environnement. Pensons à la fertile Mésopotamie aujourd’hui désertifiée à cause d’une mauvaise gestion des sols. Aux habitants
    de l’île de Paque et leur frénesie religieuse de déboisement (qui n’explique pas tous, soit). Ou plus modestement au déclin du monde musulman faute de bois (certes la Grande-Bretagne a su à la
    même époque résoudre ce problème avec l’exploitation du charbon). Je vous conseille sur ce sujet l’excellent Collapse: How Societies Choose To Fail Or Succeed de Jared Diamond, dont l’analyse est
    nuancée (ne faisant pas de mauvaises conditions environnementales une condition suffisante du déclin).

    Il y a à mon avis une part d’utopie, de pari, dans tous projet politique d’envergure, fut-il appuyé sur un constat scientifique. Je préfère le reconnaître pleinement plutôt que de le nier. Je
    n’échangerai pas plus, faute de temps pour. J’espère que vous aurez quand même apprécié l’échange, même si je suis venu un peu par effraction avec mes gros sabots et mes certitudes.

    • Descartes dit :

      Sincèrement, je vous invîte à lire un ouvrage d’écologie, vous sortez tous les contre-sens communs et je n’ai pas le temps de vous donner des cours.

      Sincèrement, j’en ai lu un bon paquet, et aucun ne répond aux objections que vous appelez des “contresens”. Et si je peux me permettre, je vous invite à un peu plus de modestie: vous n’êtes pas
      professeur ici, et vous n’avez pas à “donner des cours” à personne. Vous exprimez une opinion, qui ne vaut ni plus ni moins que celles des autres. Pourquoi diable on trouve chez les écologistes
      cette prétension à détenir la vérité révelée, et à “donner des cours” au reste du monde ?

      Le projet de panneaux géants en orbite ce n’est pas pour produire de l’électricité, c’est pour moduler le rayonnement incident sur la Terre

      “Le” projet ? Il y a beaucoup de projets de “panneaux géants sur orbite”, et l’un d’eux est effectivement de produire de l’électricité et de la transmettre vers la terre par faisceau microondes.
      Si vous ne vous exprimez pas clairement, ce n’est pas ma faute. Je ne suis pas devin.

      Nous n’avons qu’une seule atmosphère, une seule circulation thermosaline, une seule banquise, si une modification est abordée en un point du global sur les grands cycles biogéochimiques cela
      se répercuterait sur l’ensemble de la surface terrestre.

      Le projet de panneaux géants en orbite ce n’est pas pour produire de l’électricité, c’est pour moduler le rayonnement incident sur la Terre (et ainsi contrôler le climat). Nous n’avons qu’une
      seule atmosphère, une seule circulation thermosaline, une seule banquise, si une modification est abordée en un point du global sur les grands cycles biogéochimiques cela se répercuterait sur
      l’ensemble de la surface terrestre. C’est certain, et si vous ne me croyez pas apprenez de l’éco et de la géol.

      Encore un “c’est certain” ? Je vous admire d’avoir autant de “certitudes” là ou je n’ai que des doutes… il est vrai que je n’ai pas, comme vous, appris l’éco et la géol…

      Effectivement il y a déjà eu des crises d’extinction massive (ie perte de plus des 3/4 des organismes terrestres et marins). 5 en 540 millions d’années.

      Et à chaque fois la terre s’en est remise.

      Je vous renvoie votre “pensez aux dinosaures” : voulez-vous finir comme eux ?

      Non, mais c’est quelque chose qui nous arrivera forcément. Un jour, le soleil s’éteindra et la terre sera détruite par son explosion. C’est la vie. En attendant, nous avons sur les dinousaures un
      grand avantage: nous sommes des êtres capables de s’adapter.

      Multiple factors acting synergistically are contributing to the loss of amphibians. But we can be sure that behind all of these activities is one weedy species, Homo sapiens (…)

      “We can be sure”… once again…

      A primary message from the amphibians, other organisms, and environments, such as the oceans, is that little time remains to stave off mass extinctions, if it is possible at all.

      Ce le genre de discours irrationnel que je déteste. Non, les amphibiens pas plus que les autres organismes ou les “environnements” ne nous adressent aucun “message”. Un “message” suppose une
      intelligence, et la nature en est dépourvue. Cette vision déiste d’une nature qui nous adresserait des “messages” nous ramène au romantisme le plus réactionnaire. Vous devriez lire “le nouvel
      ordre écologique” de Luc Ferry. Un livre un peu ancien, mais qui pose très justement le problème. Il rappelle, et ce n’est pas inutile de le faire, que la première loi de protection de la nature
      est la Naturschutzgesetz de 1933 prise par un certain chancelier d’Allemagne qui aimait beaucoup les animaux…

       

  7. Jard dit :

    Vous semblez considérer les classes populaires comme totalement dominées électoralement. Si on privilégie le consommateur des classes moyennes, il n’est pas possible de faire les réformes,
    apparemment simples, dont vous parlez à la fin. Quel pourcentage de la population représente-ces classes moyennes?  

    Vous n’êtes pas un jeune non plus et je trouve que vous en demandez beaucoup. La lutte sociale évolue avec une lenteur folle. Seuls les pauvres veulent que cela change, mais une bonne
    partie s’abstient, les autres ânnonent le conformisme, “Europe ou libéralisme, glop, glop!” et il nous faut vivre dans cette médiocrité monstrueuse. 

    • Descartes dit :

      Vous semblez considérer les classes populaires comme totalement dominées électoralement.

      Cela dépend ce que vous appelez “dominées électoralement”. Le fait est que depuis le début des années 1980, les couches populaires ont perdu toute représentation dans la sphère politique, avec
      l’effacement progressif – accéléré par la “mutation” – du PCF. Aujourd’hui, elles ne peuvent s’exprimer qu’à travers un vote protestataire pour une organisation qui ne reprend leurs intérêts que
      très partiellement, le FN. La meilleure illustration de ce fait est la substitution dans l’imaginaire et le discours de la gauche de la figure de l’ouvrier par celle de “l’exclu” (SDF,
      sans-papiers, discriminés divers…).

      Quel pourcentage de la population représente-ces classes moyennes?  

      J’avoue ne pas avoir à ma disposition de véritable instrument statistique pour répndre à votre question. J’ai essayé de donner des “classes moyennes” une définition purement économique, mais il y
      a peu d’éléments dans la statistique officielle qui permettent de mettre des chiffres sur cette définition. A partir de certains indicateurs (salaire, consommation) je les estimerai autour de 20
      à 30%. Mais le poids d’une catégorie n’est pas fonction du nombre, mais de son poids économique et de sa capacité à établir une hégémonie idéologique. Pour cela, les classes moyennes sont très
      bien équipées: d’un côté, elles peuvent exercer sur les classes dominantes une forte pression en jouant de leur rôle pivot dans le conflit entre exploiteurs et exploités; d’un autre côté elles
      ont les moyens intellectuels et matériels pour s’approprier le forum idéologique.

      Vous n’êtes pas un jeune non plus et je trouve que vous en demandez beaucoup.

      Que voulez-vous, avec l’âge, on devient exigeant…

      La lutte sociale évolue avec une lenteur folle.

      Au contraire: elle évolue extraordinairement vite. Elle se présente aujourd’hui d’une manière qui était simplement inconcevable il y a seulement vingt ans. Qui aurait cru en 1990 que dix ans plus
      tard la “gauche radicale” défendrait l’Euro ?

      Seuls les pauvres veulent que cela change, mais une bonne partie s’abstient, les autres ânnonent le conformisme, “Europe ou libéralisme, glop, glop!” et il nous faut vivre dans
      cette médiocrité monstrueuse. 

      Que les pauvres s’abstiennent, c’est logique. Ils ont pu expérimenter dans leur propre chair l’utilité de leur vote. Le privilège de ne pas “être un jeune”, comme vous dites, c’est de se souvenir
      ce que fut pour la classe ouvrière l’espoir – irrationnel – de 1981 et sa trahison. Des gens qui avaient mené la gauche au pouvoir par leur vote ont vu leur vie, leur environnement social, et
      même leur image de soi ravagée par la conversion de la gauche au libéralisme. La tragédie d’un Bérégovoy trahissant tout ce en quoi il avait cru n’est qu’une illustration de ce que
      furent ces années-là.

      Dans les couches populaires, le traumatisme des deux septennats de François Mitterrand est très profond. Les gens ont tout simplement cessé de croire que le politique pouvait – ou voulait –
      changer leur vie. Chacun s’est refermé sur la défense de ses petits intérêts et notre société, qui avait été si “politique” dans les années 1945-1981 s’est progressivement dépolitisée. On a du
      mal à croire aujoud’hui qu’il y a seulement trente ans des questions véritablement politiques (la force de frappe, le libre échange, le “centralisme démocratique”, les libertés en URSS) étaient
      débattus dans les quartiers populaires. Aujourd’hui, essayez d’organiser une réunion sur ce genre de sujets et vous aurez deux pelés et trois tondus, tous d’âge vénérable.

      Je partage votre angoisse devant cette “médiocrité monstrueuse” qui est celle du désintérêt pour les questions véritablement politiques, remplacées par des débats “sociétaux” sur des questions
      qui concernent bon an mal an quelques dizaines de personnes (combien de transexuels y a-t-il en France ?). Ce n’est pas une raison de désespérer et de cesser de ramer à contre-courant. D’abord –
      et c’est à mon sens la responsabilité de ma génération, celle qui “n’est plus jeune” mais adulte et qui devrait être fière de l’être – en rappelant que les choses n’ont pas toujours été ainsi.
      Nous sommes les gardiens du passé, et le mieux que nous puissions faire est de transmettre à la jeunesse leur histoire, celle que certains prétendent faire oublier, soit en la diabolisant, soit
      en l’occultant.

  8. Marencau dit :

    @Victor

    (Descartes, pas de souci si tu ne publies pas ce commentaire sachant que c’est un peu une réponse directe)

    “Les écolos que Marencau peint plaisemment comme nouveaux ascètes”

    Ça dépend des écolos. Certains sont des “ascètes”, d’autres pas. Chez les décroissants, je trouve qu’il y a deux aspects qui peuvent se recouvrir mais pas forcément:

    – Les malthusiens, avec le raisonnement “croissance infinie impossible dans un monde fini” et toutes les erreurs contenues dans cette simple phrase.

    – Les ascètes, avec un aspect quasi religieux de la chose. Notre société consumériste nous mène à notre perte, nous sommes des choses méprisables qui s’agitent comme des fourmis pour consommer le
    plus possible et ne pas se concentrer sur l’être au lieu de l’avoir… En bref: pardonnez nous Seigneur (dame nature ?) car nous avons pêché…

    Pour les malthusiens, le problème est purement écologique et se pose en terme de ressources disponibles. Il faut “décroître” pour obtenir une société “durable”. Soit. Mais il y a une
    différence entre nier tout problème et vouloir la décroissance…

    Oui, en effet, si tout le monde vivait comme des Américains, il faudrait plusieurs planètes. Mais si ça devenait le cas, les prix seraient tellement hauts que personne ne le pourrait à cause de
    la rareté de ces biens. Ce serait alors une catastrophe pour l’économie, mais alors d’autres moyens deviendraient économiquement plus rentables etc. jusqu’à ce que l’offre
    soit tellement rare qu’on préfère se passer des moyens “non durables”. On serait de fait dans la société voulue par les décroissants, plus austère. Mais est-ce souhaitable ?

    Au lieu de vouloir produire la catastrophe économique tout de suite en prônant des politiques déflationnistes, faisons en sorte que nous allons résoudre le problème en créant les conditions pour
    que les solutions apparaissent ! Investissons massivement dans la recherche (appliquée ET fondamentale), etc. tiens, et pourquoi pas aller chercher du métal (par exemple) sur des astéroïdes ? Ça
    peut paraître fou comme ça, mais qui sait ? Un jour peut-être ? Grâce aux technologies nucléaires, nous disposons d’une vaste quantité d’énergie. Et qui dit énergie abondante, dit opérations
    énergivores à grande échelle de plus en plus possibles… “il n’y a qu’à” voir ce qu’on peut en faire. Ne posons pas de limite à l’avance à propos de jusqu’où l’Humain peut aller. Sans
    parler du côté déprimant de ce genre d’idées: “ben voilà ! On est arrivé au bout de ce qu’on pouvait faire…”

    Si par malheur nous devions trouver aucune solution, eh bien… la catastrophe économique arrivera par elle-même. Et point besoin d’être “décroissant” pour cela. La planète ? Elle s’en remettra.
    Nous n’avons pas à son égard quelque devoir que ce soit. Nous avons un devoir envers nous-même de sauvegarder un environnement et ses ressources pour nos descendants (y compris la biodiversité
    qui est riche d’enseignement si ce n’est de simple plaisir de la découverte, la pollution qui pose des problèmes de santé publique, etc.).

    Quant aux ascètes, je n’ai absolument pas envie de voir ces fanatiques “religieux” et intolérantes au pouvoir… consommer a toujours été un impératif pour l’être humain ainsi que très tôt un
    plaisir. Là aussi, il y a une différence entre consommer certaines choses non indispensables pour le plaisir et la “boulimie de consommation” qui s’empare d’une partie de la société. Ne mettons
    pas tout dans le même sac…

  9. Marencau dit :

    “Je sais… j’ai bien peur à force d’écrire des papiers pessimistes d’éloigner certains de mes lecteurs…”

    Oh non, loin de là ! Continue à écrire un maximum, tes billets sont toujours très enrichissants ! D’ailleurs, j’espère ne pas poster trop de commentaires… merci pour le temps consacré en
    tout cas.

    En fait c’est juste déprimant parce que la solution est “bloquée” et il n’y a pas grand chose qu’on puisse faire. L’histoire a sa propre dynamique: je pense que les choses se renverseront quand
    les classes moyennes seront touchées. Et ça peut prendre un moment. D’ici là, il n’y a aucune force majeure représentant les “républicains des deux rives”. Alors que faire ? De l’entrisme au PS ?
    Pas mon truc… de la politique groupusculaire ? Non plus. Mais alors quoi ? Car si on ne veut faire ni l’un ni l’autre, ça veut dire qu’on compte sur la scission ou l’évolution radicale d’un des
    gros !

    “Le côté moralisant et “normal” de la gauche, sa tendance à revendiquer le monopole du coeur – tout en veillant au portefeuille – m’énerve et me déprime en même temps. “

    Personellement elle me fait vomir. Mais si ça permet de montrer la faillite des idées sociales-démocrates pour que certains acceptent de se tourner vers autre chose, ça aura au moins servi à
    quelque chose…

    “S’il faut sacrifier les coques de téléphone pour pouvoir donner accès au théatre, je le ferais sans hésiter. Mais vous avez raison de dire que cela revient à imposer une éthique qui n’a rien
    d’universel. “

    Je suis tout à fait d’accord, mais la question de la limite de ce raisonnement est très délicat. Comment évaluer la complexité du plaisir ? Comment selon ce raisonnement ne pas finir par
    restreindre tout plaisir matériel, qui est tout de même nécessaire ?

    En tout cas par pure curiosité, j’aimerais voir l’émeute qu’une telle mesure déclencherait 😉

    “Vous, vous faites référence au bouclage macro-économique, c’est à dire, aux effets “de deuxième tour”. “

    Mea culpa ! Mais tu peux me tutoyer… (ce que je fais moi depuis quelques messages avec ton aimable autorisation)

    “Et c’est là que se joue la “politique anti-classes moyennes” que vous me reprochez… “

    Je ne te reproche rien du tout vu que je milite pour le même genre de politique. La différence entre nous sur ce sujet, c’est que je pense qu’on pourra convertir une partie de la classe moyenne à
    ces idées, même si ça prend du temps.

    “Encore faudrait-il que les enfants des classes moyennes ne trouvent pas de boulot.”

    Ca commence, doucement, doucement (ce n’est bien sûr pas une “bonne” nouvelle)… dans quelques années, ils pourraient retourner leur veste. Bien sûr, sans aucun retour critique. Mais si on veut
    jouer à la dépression et à l’austérité, il faudra bien que ces classes moyennes passent à la caisse à un moment ou à un autre.

    “Donc in fine tout le monde paye la TVA sur l’ensemble de son revenu… au même taux. “

    Je suis d’accord que tout le monde paye sur l’ensemble de son revenu au même taux. Le souci c’est qu’entre le moment où le moment est perçu le revenu et où il est dépensé, il est plus long pour
    ceux qui gagnent plus. Et donc ils ont le temps de se faire des intérêts, donc, in fine, payer moins de taxes relativement par rapport au revenu global. Ce n’est pas le fond de la proposition qui
    me dérange. C’est juste que c’est un protectionnisme approximatif. On peut faire mieux !

     

    P.S: rien à voir, mais connaitrais-tu un bon bouquin sur le rôle des jacobins pendant la révolution ? Je n’arrive pas à trouver quoi que ce soit de satisfaisant…

    • Descartes dit :

      L’histoire a sa propre dynamique: je pense que les choses se renverseront quand les classes moyennes seront touchées.

      Ce n’est pas encourageant. Les classes moyennes ont évité de se faire bouffer par le crocodile en jettant les autres dans la gueule du reptile en question. Quand elles se feront bouffer, ce sera
      le signe que tous les autres seront passés avant…

      D’ici là, il n’y a aucune force majeure représentant les “républicains des deux rives”. Alors que faire ? De l’entrisme au PS ? Pas mon truc… de la politique groupusculaire ? Non plus. Mais
      alors quoi ?

      C’est bien la question que je me pose… et pour laquelle je n’ai pas de réponse.

      P.S: rien à voir, mais connaitrais-tu un bon bouquin sur le rôle des jacobins pendant la révolution ? Je n’arrive pas à trouver quoi que ce soit de satisfaisant…

      Il faut regarder dans les livres de Georges Lefevbre (“Histoire de la Révolution Française,”,1951) ou d’Albert Soboul, en particulier “Comprendre la Révolution”, 1981.

  10. buridan dit :

    Cher Descartes

    Vous êtes déprimé parce que votre camp, la gauche radicale, est dans la pure démagogie. Il y a un lien consubstantiel entre la gauche et la démagogie, même si la gauche ne se réduit pas à la
    démagogie. Etre de gauche et être hostile à la démagogie, c’est être voué au malheur politique. Ne croyez pas qu’on puisse tellement opposer là les grands ancêtres aux petits épigones. Quand on
    demandait à Guesdes ce qu’il ferait s’il était au pouvoir, il répondait que hardiment il doublerait tous les salaires, et que tout irait bien… Jaurès, à ma connaissance, n’a consacré que
    quelques lignes vagues à décrire comment fonctionnerait l’économie socialiste… Comme Mélenchon ou Besancenot, Jaurès et Guesdes (ou Lénine, ou Marx…) passaient leur temps à fustiger le
    capitalisme. Ce qu’ils voulaient mettre à sa place, ils en parlaient surtout négativement (la fin de…, l’abolition de…) et ils y pensaient le moins possible. 

    Mais vous êtes déçu parce que la gauche modérée oscille entre démagogie et gestion identique à celle de la droite. De ce point de vue, vous êtes comme les keynesiens des années 30, qui
    cherchaient à convaincre la gauche qu’une politique non orthodoxe était possible, et serait moins douloureuse, spécialement pour les classes populaires. Le discours keynesien était
    plausible, car il pouvait s’appuyer sur des expériences : celle de Roosevelt, et celle de Schacht et de Hitler, même si on en parle moins. Quels sont les pays qui appliquent avec succès
    une politique semblable à celle que vous préconisez ?    

    • Descartes dit :

      Vous êtes déprimé parce que votre camp, la gauche radicale, est dans la pure démagogie.

      “Mon camp” ? Je ne pense pas que la “gauche radicale” ait jamais été “mon camp”. J’ai été communiste, d’abord par tradition familiale. Je le suis resté parce que même si je n’ai jamais
      partage la croyance dans le mythique “paradis soviétique” (je suis né un peu trop tard pour cela) j’ai trouvé qu’au nom de ce paradis lointain le PCF permettait aux couches populaires d’être
      representées dans le champ politique, et en même temps avait un rôle d’éducateur de l’électorat populaire, avec des politiques de diffusion de la culture et des valeurs rationnalistes. Le PCF
      avait alors une revue, “La Pensée” dont le sous-titre était “la revue du rationnalisme moderne”. Tout un programme…

      Je suis déprimpé parce qu’après la longue nuit de la “mutation”, le PG pouvait reprendre le flambeau. Je me suis laissé emporter par une illusion: si j’avais tiré les conclusions de mes analyses,
      j’aurais du comprendre que c’était impossible. C’est cela qui me “déprime”.

      Il y a un lien consubstantiel entre la gauche et la démagogie, même si la gauche ne se réduit pas à la démagogie.

      Pourquoi réserver ce commentaire à la gauche ? Je dirais qu’il y a un lien consubstantiel entre la politique et la démagogie. Il est vrai que les démagogies de gauche et de droite sont
      différentes: celle de droite repose souvent sur l’illusion qu’on peut perpétuer les rapports existants, celle de droite sur le messianisme.

      Jaurès, à ma connaissance, n’a consacré que quelques lignes vagues à décrire comment fonctionnerait l’économie socialiste… Comme Mélenchon ou Besancenot, Jaurès et Guesdes (ou Lénine, ou
      Marx…) passaient leur temps à fustiger le capitalisme.

      On peut difficilement reprocher aux théoriciens politiques d’étudier d’abord ce qui existe. Marx, Lénine, Jaurès et Guesde étaient des théoriciens et des politiques, pas des prophètes. Ils
      partaient de l’analyse du capitalisme existant, et en déduisaient ce qu’il fallait changer. Quant à savoir ce qu’il faut mettre à la place… on voit toujours en marchant. Ce n’est pas qu’ils
      évitent, mais il est si difficile de prévoir aujourd’hui quel sera le contexte dans lequel des changements radicaux seraient possibles…

      Mais vous êtes déçu parce que la gauche modérée oscille entre démagogie et gestion identique à celle de la droite.

      Non. Je n’ai jamais rien attendu de la “gauche modérée”, alors je peux difficilemen être déçu. Ils m’énervent, mais ils ne me “déçoivent” certainement pas.

      De ce point de vue, vous êtes comme les keynesiens des années 30, qui cherchaient à convaincre la gauche qu’une politique non orthodoxe était possible, et serait moins douloureuse,
      spécialement pour les classes populaires.

      Vous faites erreur: les keynésiens ne cherchaient pas à convaicre “la gauche”. Ils cherchaient au contraire à convaincre la droite que pour sauver le capitalisme il fallait lâcher du lest. La
      gauche dans les années 1930 était spontanément “keynésienne” même si c’était pour des mauvaises raisons.

      Quels sont les pays qui appliquent avec succès une politique semblable à celle que vous préconisez ?    

      Il y en a un paquet. La Chine, pour commencer…

       

       

       

  11. Jérémy dit :

    Bonjour,

    Je vous prie de m’excuser de poser une nouvelle fois une question très ouverte sans vraiment apporter au débat, mais je me demandais: pourquoi une telle déception vis-à-vis du PG ? A vous lire,
    je vous sentirais plus proche du MRC ? Qu’attendiez-vous donc du PG que vous ne trouvez pas dans le MRC ? Est-ce l’aspect “groupusculaire” du MRC qui vous rebute tant ?

    Cordialement,

    Jérémy

    • Descartes dit :

      pourquoi une telle déception vis-à-vis du PG ? A vous lire, je vous sentirais plus proche du MRC ? Qu’attendiez-vous donc du PG que vous ne trouvez pas dans le MRC ? Est-ce l’aspect
      “groupusculaire” du MRC qui vous rebute tant ?

      En fait, je n’ai jamais été “très proche du MRC”. Je suis, oui, très proche de Jean-Pierre Chèvenement. Mais Chèvenement et le MRC ne se confondent pas. Localement, les militants et dirigeants du
      MRC que j’ai connu faisaient preuve d’un tel opportunisme et d’un tel sectarisme que je n’ai jamais été véritablement séduit. En particulier, j’ai retrouvé au MRC ce même culte du mitterrandisme
      qui pour moi est rédhibitoire.

      Le PG m’avait séduit avec l’idée du “parti creuset” qui pourrait fondre ce qu’il y a de mieux dans les différentes traditions de la gauche. Contrairement au MRC, le PG m’avait paru renoncer à la
      tradition anticommuniste des socialistes français. Il y avait là de bonnes bases pour “dépoussiérer” l’héritage communiste et partir à la renconquête de l’électorat populaire.

       

  12. Gugus69 dit :

    “Le PG m’avait séduit avec l’idée du “parti creuset” qui pourrait fondre ce qu’il y a de mieux dans les différentes traditions de la gauche. Contrairement au MRC, le PG m’avait paru renoncer
    à la tradition anticommuniste des socialistes français. Il y avait là de bonnes bases pour “dépoussiérer” l’héritage communiste et partir à la renconquête de l’électorat populaire.”

    Tu parles d’un parti creuset ! Cette amicale d’anciens socialos qui n’ont d’autre but que de faire payer cher au PS le peu de cas qu’il fait du grand leader Jean-Luc ? Allons ! En fait de fondre
    les traditions de la gauche, on y recycle toutes les aneries décroissantes et “négawattiennes” des écolos les plus obtus, avec l’obsession permanente de sauver l’Euro et l’Union européenne qui
    n’a jamais quitté ces maastrichtiens mal repentis.

    Quant à “renoncer à la tradition anticommuniste des socialistes français”, tu repasseras. J’ai passé des heures à lire le blog de Mélenchon depuis deux ans, et surtout les commentaires qu’on y
    trouve par centaines (un gros succès, de ce point de vue-là…). Tout ce petit monde adore les communistes… qui se renient. Déclarez que vous êtes communiste, mais que vous êtes sidéré par la
    hauteur de vue et l’aura quasi messianique du candidat à la présidence, et vous êtes congratulé chaudement. Déclarez que le PCF n’a de raison d’être que par le soutien qu’il apporte au Front de
    gauche et à son leader : on vous applaudira avec des larmes d’émotion retenue. Par contre, osez l’avis que le parti communiste a peut-etre quelque-chose à dire à la classe ouvrière et aux masses
    populaires, de façon autonome et sans demander l’aval du PG, de la FASE et de la GU, qu’on pourrait envisager la fin de l’Euro, et qu’une centrale nucléaire peut être utile à la société, vous
    verrez ce que vous prendrez dans la poire, vil stalinien productiviste, avant d’être ipso facto, interdit de forum !

    Voilà les “bases” sur lesquelles, cher Descartes, vous voudriez “dépoussiérer l’héritage communiste” et partir à la reconquête de l’électorat populaire ?

    Moi, je suis communiste. Vous m’avez parfois mis sans ménagement devant mes erreurs ou contradictions, au fil du débat. Cela m’a poussé à quelques corrections, réévaluations de mes opinions.
    Mais, vous, au PG ? C’était pour déconner…

    • Descartes dit :

      Voilà les “bases” sur lesquelles, cher Descartes, vous voudriez “dépoussiérer l’héritage communiste” et partir à la reconquête de l’électorat populaire ?

      Bien sur que non! C’est exactement pourquoi je suis déçu, et j’en veux aux dirigeants du PG. Vous me direz peut-être qu’il était absurde de croire que le PG pouvait être autre chose que ce qu’il
      est… et vous aurez raison. Mais quand on a envie de croire…

      Mais, vous, au PG ? C’était pour déconner…

      Quand même pas. J’avais peut-être envie de croire, mais je ne suis pas fou. J’ai observé de loin, je suis allé à des réunions, j’ai lu des documents… et j’ai compris.

  13. dsk dit :

    “Il est vrai que les démagogies de gauche et de droite sont différentes: celle de droite repose souvent sur l’illusion qu’on peut perpétuer les rapports existants, celle de droite sur le
    messianisme.”

     

    Je crois qu’on peut dire aussi qu’elles s’adressent, tout simplement, à un public différent. Rappelons, à cet égard, la baisse de la TVA dans la restauration, la défiscalisation des heures
    supplémentaires ou le bouclier fiscal…

    • Descartes dit :

      Je crois qu’on peut dire aussi qu’elles s’adressent, tout simplement, à un public différent. Rappelons, à cet égard, la baisse de la TVA dans la restauration, la défiscalisation des heures
      supplémentaires ou le bouclier fiscal…

      Faudrait s’entendre sur ce qu’on appelle “démagogie”. En général, on appelle “démagogique” une promesse qui soit est irréalisable, soit on n’a aucune intention de réaliser. Pris dans ce sens, on
      ne peut raisonnablement dire que la baisse de la TVA dans la restauration, la défiscalisation des heures supplémentaires ou le bouclier fiscal étaient des promesses “démagogiques”, puisqu’elles
      ont été effectivement réalisées.

      Je crois que vous confondez clientélisme – le fait de prendre des mesures qui vous attirent une catégorie particulière, une “clientèle” – avec la démagogie. Les mesures dont vous parlez peuvent
      être taxées de clientélisme, mais non de démagogie.

  14. Louis dit :

    Bonjour,

    Comme vous parlez ici du MRC j’ose vous demander votre avis sur une question “locale” qui me trotte dans la tête depuis les legislatives car elle me semble intéresssante du point de vue de
    la stratégie, de la tactique politique et de l’orientation idéologique des classes moyennes.

    Près de chez moi, dans la circonscription de Devedjian (13ème des hauts de seine), le PS a donné son investiture à un jeune candidat du MRC, Mr Landfried. Or , la circonscription
    possède une sociologie qui n’est pas forcement très receptive au discours du MRC (des bourgeois “classiques”, des bobos et des classes populaires issues de l’immigration [un lumpenproletariat
    plus qu’un prolétariat “classique” me semble t’il]). Si l’on pense qu’un bon indicateur de la sociologie éléctorale est le vote sur le TCE, le fait oui a récolté 65% des voix dans la
    circonscription montre que la place des classes populaires “classiques” (employés et ouvriers) y est très faible.

    Je comprends votre point de vue sur la tactique politique (on peut/doit s’allier avec un parti avec lequel on ne partage pas le meme programme pour pouvoir agir et “faire bouger les lignes”) et
    je le partage. Le problème que je me pose apparait lorque l’on change de discours pour gagner une élection (on abandonne sa stratégie pour une victoire tactique?). Je me suis intéressé (de loin)
    à la campagne menée par ce candidat, Mr Landfried et j’ai vu un alignement total sur le programme de Mr Hollande (élu député, il aurait voté sans aucun états d’ame pour le vote des étrangers aux
    éléctions locales, la “transition énergétique” et donc la fermeture de Fessenheim, etc…) et adressait un discours destiné à l’éléctorat bobo qui seul pouvait lui faire gagner l’éléction. Au
    cours de la réunion auquelle j’ai assistée, j’ai été frappé par cet alignement radical. Mais mais en discutant avec lui j’ai cru sentir que ce n’était pas vraiment sincère(il
    était d’accord pour dire qu’il n’y avait aucune logique dans la fermeture de Fessenheim par exemple).

    Je  me demande donc si un politicien peut s’implanter dans un territoire qui lui est sociologiquement et idéologiquement hostile, cela en prononcant un discours clair?
    (personnelement je ne peux m’empêcher de penser que si un député MRC avait été élu dans une circonscription telle que la 13ème des hauts de seine, il serait vite devenu un insipide député
    socialiste, poussé en cela par ses militants, ses élécteurs, les élus locaux qui voient en un souverainiste un “nationaliste mangeur d’enfant”. Et j’exagère à peine, ça faisait presque de la
    peine de le voir devoir s’excuser de penser que le communautarisme n’est pas la panacée et que Delors ne mérite pas forcement l’inhumation au Panthéon)

    Le fait d’adapter son discours à la sociologie de son éléctorat est t-il selon vous une tactique comme une autre qui n’est pas condamnable car elle doit permettre d’agir sur le réel? ou un
    reniement?

    • Descartes dit :

      Je  me demande donc si un politicien peut s’implanter dans un territoire qui lui est sociologiquement et idéologiquement hostile, cela en prononcant un discours clair?

      La question que vous posez est très subtile. La politique, au sens noble du terme, implique d’éduquer et de convaincre l’électeur. Mais pour cela, il faut d’abord être entendu. En d’autres
      termes, le politique doit commencer par parler un langage qui soit non seulement compréhénsible pour l’électeur, mais qui soit entendable par celui-ci. C’est pourquoi un véritable
      politique n’injurie jamais, n’insulte jamais les convictions des électeurs, même de ceux qui ne lui sont pas à priori favorables. Car injurier une personne, c’est couper par avance toute
      possibilité de communication.

      Il y a des élus qui, ayant réussi à s’implanter à partir d’un discours plutôt “attrappe-tout” ont réussi avec le temps et un véritable travail de terrain à éduquer et convaincre ses électeurs ou
      du moins à obtenir leur soutien pour des idées qu’ils auraient rejetté si on leur avait exposé “nues” dès le départ. Prenez par exemple Nicolas Dupont-Aignan: sa circonscription (Yerres, dans
      l’Essonne) n’a rien de particulièrement “souverainiste”. C’est une ville relativement riche dont la sociologie n’est pas très différente de celle d’Anthony, à laquelle vous faites référence. Et
      le moins qu’on puisse dire est que Dupont-Aignant y est solidement implanté…

      Je ne sais pas si Lanfried a la carrure – et surtout la tenacité, parce qu’il s’agit de labourer le terrain pendant des années avant de voir les résultats – pour faire ce qu’a fait Dupont-Aignan.
      Mais l’exemple de ce dernier montre qu’on n’est pas obligé, en politique, de devenir un “insipide député”. Un politique a pour rôle de conduire ses électeurs, et non de les suivre.

      Le fait d’adapter son discours à la sociologie de son éléctorat est t-il selon vous une tactique comme une autre qui n’est pas condamnable car elle doit permettre d’agir sur le réel? ou un
      reniement?

      Cela dépend des objectifs. Si le but de l’adaptation est d’être entendu par l’électorat au service d’un objectif pédagogique et politique de plus long terme, c’est à mon sens non seulement
      parfaitement acceptable, mais l’essence même de la démocratie. Ce n’est un “reniement” que si le politique abandonne ses objectifs. Personnellement, je reste un léniniste: la fin justifie les
      moyens. Cela ne veut pas dire – comme l’interprètent abusivement certains – que tout moyen est légitime dès lors que le but l’est. Mais cela signifie qu’on doit juger les moyens en fonction du
      but, et non en eux mêmes. Ceux qui vous disent que “jamais on s’alliera avec X ou Y” parce qu’une telle alliance serait “déshonorante” ou “un réniement” sont des imbéciles. La politique n’est ni
      une question d’honneur, ni une question de pureté. C’est une question d’efficacité.

       

  15. Louis dit :

    Je m’attendais au contre-exemple de Dupont-Aignan et je vous accorde qu’il est très impressionnant (les scores qu’il obtient aux legislatives mais aussi aux municipales, cantonales et européennes
    montrent qu’il a réussi un grand travail d’éducation politique et sans doute aussi à créer un attachement de ses administrés envers sa personne).

    Mais je pense qu’il est plus facile de convaincre la bourgeoisie de droite d’adhérer à un programme souverainiste que les bobos. Pasqua, Seguin ou encore aujourd’hui Guaino n’ont pas à ce
    que je sache été confronté à une forte animosité de la part des électeurs de leurs circonscriptions respectives (tout du moins pas pour des motifs idéologiques) car la matrice
    gaulliste/patriotique et son anticommunautarisme choque moins les bourgeois de droite que leurs homologues de gauche. Les bourgeois de droite (dans leur majorité) n’ont pas atteinds le
    même degré “d’aliénation mentale” que les bobos, qui les faits s’écrier que tout ce qui ressemble de près ou de loin au programme du FN est “mal” et que donc la lutte contre le
    communautarisme, la critique de l’Europe fédérale, etc… relèvent du fascisme le plus pur. Cette même (petite-)bourgeoisie de droite ne partage pas les marrottes sociétales de la gauche. Ce qui
    fait que la victoire de Dupont-Aignan n’est pas forcement un modèle reproductible pour quelqu’un qui se positionne “à gauche” (puissante barrière mentale que cette division droite/gauche) car si
    le travail d’éducation politique peut porter ses fruits j’ai bien peur qu’à un moment un éléctorat trop largement aliéné (qui ne pense plus, mais qui “croit” au sens religieux, en l’Europe,
    la diversité, etc…) ne puisse que rejetter ce “greffon” devenu député ou maire si celui-ci ne se convertit pas.

    La question se pose alors non plus au politique en lui-même mais à l’organisation, au Parti de savoir s’il est responsable d’envoyer un de ses cadres prommetteurs (car c’est ce qui est fait par
    le MRC dans les circonscriptions données à lui par le PS) dans un environnement aussi “hostile”.

    • Descartes dit :

      Mais je pense qu’il est plus facile de convaincre la bourgeoisie de droite d’adhérer à un programme souverainiste que les bobos.

      Je vous l’accorde… raison de plus, lorsqu’on se présente pour le MRC, de chercher à capturer l’attention d’une partie de l’électorat de droite.

      Ce qui fait que la victoire de Dupont-Aignan n’est pas forcement un modèle reproductible pour quelqu’un qui se positionne “à gauche”

      Vous raisonnez comme si celui qui se positionne “à gauche” ne pouvait que se faire élire avec l’électorat “de gauche”. Je ne crois pas que ce soit le cas. Dupont-Aignan est l’élu d’une ville qui
      a plusieurs fois par le passé élu des maires socialistes. Etant donné ses scores, il est évident qu’il doit attirer des gens qui autrefois ont voté à gauche. Pourquoi un candidat MRC ne pourrait
      pas capturer une partie de l’électorat de droite ? Bien sur, cela nécessite un langage et une campagne bien pensée, mais ce n’est nullement impossible.

      Aujourd’hui, je pense qu’il faut arrêter de réflechir comme si les électorats étaient “de gauche” ou “de droite”. Il faut s’adresser à tous les électeurs, et faire confiance à
      leur capacité de choisir.

      La question se pose alors non plus au politique en lui-même mais à l’organisation, au Parti de savoir s’il est responsable d’envoyer un de ses cadres prommetteurs (car c’est ce qui est fait
      par le MRC dans les circonscriptions données à lui par le PS) dans un environnement aussi “hostile”.

      Je ne vois pas pourquoi, à une condition: de le représenter systématiquement dans cette circonscription, et de faire du travail de terrain même entre deux éléctions. On peut – les exemples sont
      nombreux – conquérir une circonscription “hostile”. Mais on ne fait pas ça du premier coup: il faut des années et des années de présence et de travail. Ce que je crains, c’est qu’aucun des partis
      de la “gauche radicale” n’a conscience aujourd’hui de ce problème. J’imagine mal Mélenchon faisant du porte-à-porte tous les samedis à Hénin-Beaumont pendant les cinq années qui
      viennent.

  16. dsk dit :

    “Faudrait s’entendre sur ce qu’on appelle “démagogie”. En général, on appelle “démagogique” une promesse qui soit est irréalisable, soit on n’a aucune intention
    de réaliser. Pris dans ce sens, on ne peut raisonnablement dire que la baisse de la TVA dans la restauration, la défiscalisation des heures supplémentaires ou le bouclier fiscal étaient des
    promesses “démagogiques”, puisqu’elles ont été effectivement réalisées.”

    Désolé de vous contredire, mais le terme “démagogique” n’est pas réservé qu’aux promesses électorales. Une politique effectivement appliquée peut parfaitement être
    démagogique, lorsqu’elle ne vise qu’à complaire aux électeurs, au détriment de l’intérêt général. Voyez donc sur ce point la définition donnée par le dictionnaire du Trésor de la langue française
    :

    A.− INSTITUTIONS

    1.Exercice du pouvoir par des factions populaires ou par
    leurs meneurs, avec les abus qui en résultent; système de gouvernementcorrespondant. Démagogie effrénée. Les peuples roulaient dans les alternatives d’une démagogie furieuse et d’une tyrannie
    atroce(Michelet, Hist. romaine, t. 1, 1831, p. 167).

    […]

    B.− Usuel

    1.Recherche de la faveur du peuple pour obtenir ses suffrages et le dominer. Faire de la démagogie.Par une démagogie facile, les impôts furent à peu près supprimés
    (Bainville, Hist. Fr.,t. 1, 1924, p.
    184).

     

     

    http://www.cnrtl.fr/definition/d%C3%A9magogie

     

     

    Je suis donc en droit d’affirmer que par une démagogie facile, la droite a diminué la TVA sur la restauration, défiscalisé les heures supplémentaires, et renforcé le
    bouclier fiscal…

     

    • Descartes dit :

      Désolé de vous contredire, mais le terme “démagogique” n’est pas réservé qu’aux promesses électorales. Une politique effectivement appliquée peut parfaitement
      être démagogique, lorsqu’elle ne vise qu’à complaire aux électeurs, au détriment de l’intérêt général.

      Pour ce genre de politique, on parle plus de “clientélisme” que de “démagogie”. J’attire par ailleurs votre attention sur le
      fait que votre idée selon laquelle la démagogie se fait “au détriment de l’intérêt général” ne figure nulle part dans la définition que vous citez en référence. Si l’on retient votre définition,
      une politique peut parfaitement être “démagogique” alors qu’elle va dans le sens de l’intérêt général. Une politique qui sert l’intérêt général peut parfaitement rechercher en même temps
      “la faveur du peuple pour obtenir ses suffrages et le dominer”…

      Je suis donc en droit d’affirmer que par une démagogie facile, la droite a diminué la TVA sur la restauration, défiscalisé les heures supplémentaires, et
      renforcé le bouclier fiscal…

      Seulement si vous arrivez à démontrer que le but de ces mesures était la recherche de “la faveur du peuple”. Je doute fortement que le “bouclier fiscal”, qui ne
      profitait qu’à quelques milliers de privilégiés, ou la défiscalisation des heures supplémentaires, qui ne touche que quelques centaines de miliers, aient fait beaucoup pour “gagner la faveur du
      peuple”…

  17. Louis dit :

    Vous raisonnez comme si celui qui se positionne “à gauche” ne pouvait que se faire élire avec l’électorat “de gauche”

    Si vous avez compris cela, c’est que j’ai du mal exprimé ma pensée. En bon gaulliste (à tendance RadSoc) je pense bien sur qu’un homme de droite peut être élu avec des voix de
    gauche et vice-versa (heureusement qu’un simple positionnement ne cache pas entièrement les questions programmatiques). Mais je faisais juste remarquer que le clivage droite/gauche
    est une”barrière mentale” puissante, comme vous l’avez vous même écrit sur votre blog à plusieurs reprises.

    A partir de ce constat je voulais juste vous faire remarquer qu’un candidat étiqueté à “droite” avait plus de chance d’être élu sur un programme souverainiste qu’un candidat de
    “gauche”et sur ce point, il me semble que vous n’êtes pas tout à fait en désaccord.

     

    Pourquoi un candidat MRC ne pourrait pas capturer une partie de l’électorat de droite ?

    Il le peut, et je pense que quelqu’un comme Hutin dans sa circonscription l’a sans doute très bien réussi (il s’est toute fois fait élire la première fois sous l’étiquette RPR, donc de “droite”
    ) mais dans sa circonscription il n’a pas à porter un discours à la fois vers un éléctorat de “droite” et une
    base éléctorale de gauche boboisée. Et le problème “sociologique” dont je parlais prends là toute sa mesure, car comment réussir ce miracle de parler à un éléctorat de droite et à un
    éléctorat bobo (en assumant l’ensemble du programme d’Hollande)? Je pense que l’énergie des militants et hommes politiques est une ressource “rare” et qu’un parti comme le MRC ferait bien mieux
    d’essayer de s’implanter à Henin-Beaumont ou dans une autre circonscription populaire, et bien sur, s’y adresser à l’ensemble des élécteurs.

     

     Je dois être encore plus pessimiste que vous (si, si )mais que voulez-vous, je connais bien cet électorat de classe moyenne boboisé (tout du moins dans sa version “jeune”). Etant moi
    même élève-fonctionnaire, je côtoie de nombreux gauchistes de salon (Mélenchon est à 30% des voix dans les sondages “internes”) et des socialistes bien-pensants qui ne peuvent pas
    envisager une seconde que l’euro ne soit pas notre avenir (même au sein du département d’économie, on CROIT, …), le vote des étrangers un progrès nécessaire et qui ne remmettent pas en
    question une seconde le dogme libéral-libertaire à tel point que le travail d’éducation politique me parait très difficile en leur direction (d’autant plus qu’ils sont déjà éduqués, avec des
    références politiques et idéologiques très éloignées du républicanisme). Et j’ai peur que cette situation soit celle d’une part importante des classes moyennes. 

    Et il me parait donc plus profitable de concentrer ses moyens en terme de militants et de cadres (surtout s’il sont faibles) dans des circonscriptions où les classes dont l’on prétend
    défendre les intérêts sont présentes, afin de présenter un message plus clair et un retour sur investissement plus élevé (vous voyez que moi aussi je m’interresse au rapport des fins et des
    moyens ).

     

    • Descartes dit :

      Mais je faisais juste remarquer que le clivage droite/gauche est une”barrière mentale” puissante, comme vous l’avez vous même écrit sur votre blog à plusieurs reprises.

      Oui, chez les politiques et les militants. Je ne suis pas persuadé qu’elle soit si forte que ça chez les électeurs.

      Et le problème “sociologique” dont je parlais prends là toute sa mesure, car comment réussir ce miracle de parler à un éléctorat de droite et à un éléctorat bobo (en assumant l’ensemble
      du programme d’Hollande)?

      Je ne nie pas la difficulté. Mais si ce n’était pas un problème difficile, on l’aurait dejà résolu et on serait dans le meilleur des mondes. Mon point est que qu’on peut se faire élire dans ces
      conditions, mais seulement à l’issu d’un travail très long et très systématique. Il faut arrêter de croire qu’on peut se présenter une fois et gagner du premier coup. Ca ne sert à rien: lorsqu’on
      veut représenter des gens, il faut leur donner le temps de vous connaître. Surtout lorsqu’on entend leur proposer des idées auxquelles ils ne sont pas habitués. Pour que cela marche, il faut
      avoir créé une confiance personnelle.

      Je pense que l’énergie des militants et hommes politiques est une ressource “rare” et qu’un parti comme le MRC ferait bien mieux d’essayer de s’implanter à Henin-Beaumont ou dans une autre
      circonscription populaire, et bien sur, s’y adresser à l’ensemble des élécteurs.

      Je suis d’accord. Il faudrait une véritable réflexion sur le choix des circonscriptions sur lesquelles on veut concentrer un effort de conquête de longue haleine, au lieu de fonctionner par
      “coups”.

      Je dois être encore plus pessimiste que vous (si, si )mais que voulez-vous, je connais bien cet électorat de classe moyenne boboisé (tout du moins dans sa version “jeune”) (…)

      J’imagine. J’ai connu une situation similaire, et ça donne envie de se flinguer…

  18. dsk dit :

    “Seulement si vous arrivez à démontrer que le but de ces mesures était la recherche de “la faveur du peuple”. Je doute fortement que le “bouclier fiscal”, qui ne
    profitait qu’à quelques milliers de privilégiés, ou la défiscalisation des heures supplémentaires, qui ne touche que quelques centaines de miliers, aient fait beaucoup pour “gagner la faveur du
    peuple”…”

     

    Et bien je vous l’explique simplement : avant de pouvoir se présenter devant les électeurs de base, encore faut-il d’abord gagner le leadership de la droite, ce qui
    suppose, notamment, l’obtention préalable des suffrages de ces “grands électeurs” que sont les organisations patronales.

    • Descartes dit :

      Et bien je vous l’explique simplement : avant de pouvoir se présenter devant les électeurs de base, encore faut-il d’abord gagner le leadership de la droite, ce
      qui suppose, notamment, l’obtention préalable des suffrages de ces “grands électeurs” que sont les organisations patronales.

      Peut-être, mais cela n’a aucun rapport. La définition de “démagogie” que vous donniez dans votre précédent message parlait de “gagner la faveur du
      peuple”, pas des “grands élécteurs” de quelque nature que ce soit. Les exemples que vous aviez donné ne sont donc pas, si l’on applique votre
      propre définition, des cas de “démagogie”. Tout au plus, de clientélisme…

  19. dsk dit :

    “La définition de “démagogie” que vous donniez dans votre précédent message parlait de “gagner la faveur du
    peuple”, pas des “grands élécteurs” de quelque nature que ce soit.  Les exemples que vous aviez
    donné ne sont donc pas, si l’on applique votre propre définition, des cas de “démagogie”. Tout au plus, de clientélisme…”

     

     

    Soit. Mais si je suis bien votre raisonnement, la droite, en tant qu’elle ne viserait que des clientèles plus ou moins bourgeoises, ne ferait nécessairement que du
    clientélisme, tandis que  la gauche seule, en tant qu’elle chercherait à s’adresser au “peuple”, pourrait faire de la démagogie. Toutefois, je ne suis pas sûr que c’est ainsi que Buridan
    l’entendait lorsqu’il vous disait qu’ “Il y a un lien consubstantiel entre la gauche et la démagogie”, sauf à ce
    qu’il n’ait formulé là qu’une tautologie.

    • Descartes dit :

      Mais si je suis bien votre raisonnement, la droite, en tant qu’elle ne viserait que des clientèles plus ou moins bourgeoises, ne ferait nécessairement que du
      clientélisme, tandis que  la gauche seule, en tant qu’elle chercherait à s’adresser au “peuple”, pourrait faire de la démagogie.

      Ce n’est pas ce que j’ai dit. Je pense que droite et gauche font toutes les deux de la démagogie. Même si vos exemples relèvent du clientélisme, il n’est pas difficile de trouver d’autres exemples qui illustrent la démagogie chez l’un et l’autre camp. Pensez par exemple au discours de la “francture sociale” chez
      Chirac, ou de la “réussite scolaire pour tous” chez Jospin-Lang.

      Ce que je disais, c’est que la démagogie de droite et la démagogie de gauche reposent sur des bases différentes. La gauche tend au messianisme, alors que la droite
      tend – du moins jusqu’à ces dernières années – au conservatisme. C’est cette différence qui donne l’impression d’un lien “consubstantiel” entre la gauche et la démagogie: la démagogie messianique
      se remarque toujours plus que la démagogie conservatrice.

  20. dsk dit :

    “La gauche tend au messianisme, alors que la droite tend – du moins jusqu’à ces dernières années – au conservatisme.”

     

    J’avoue avoir quelque difficulté à saisir ce que vous entendez par démagogie “messianique” ou “conservatrice”. Si je puis entrevoir, en effet, une certaine démagogie
    “messianique” chez Mélenchon ou chez Jack Lang, par exemple, je n’en aperçois pas en revanche chez François Hollande. Quant à la “démagogie conservatrice” de la droite, pourriez-vous en donner
    des exemples ?   

    • Descartes dit :

      J’avoue avoir quelque difficulté à saisir ce que vous entendez par démagogie “messianique” ou “conservatrice”.

      Pour schématiser: la démagogie “messianique” consiste à promettre de tout changer (par analogie avec l’idée du messie dans la tradition juive, qui vient sur terre
      pour tout changer), la démagogie “conservatrice” consiste à faire croire qu’on peut revenir en arrière. Le pétainisme est une démagogie conservatrice, le discours gauchiste, une démagogie
      messianique.

      Si je puis entrevoir, en effet, une certaine démagogie “messianique” chez Mélenchon ou chez Jack Lang, par exemple, je n’en aperçois pas en revanche chez
      François Hollande.

      Il y a quelques éléments chez hollande de messianisme. Son slogan, par exemple: “le changement, c’est maintenant”… mais d’une manière générale, c’est beaucoup
      moins prononcé que dans d’autres dirigeants de gauche. Peut-être parce que son adhésion à la gauche est purement tactique, et qu’au fond c’est un homme de droite…

      Quant à la “démagogie conservatrice” de la droite, pourriez-vous en donner des exemples ?  

      Le discours sarkozyen sur le “retour à la valeur travail”.

  21. dsk dit :

    “la démagogie “conservatrice” consiste à faire croire qu’on peut revenir en arrière.”

     

    Pour caractériser la “démagogie conservatrice”, il faut donc que l’on sache le retour en arrière effectivement impossible. Or si l’on prend l’exemple du retour au
    franc, certains l’estiment impossible, d’autres non, ce qui m’amène au Front National : selon votre définition, il serait ainsi, à le supposer insincère, du côté de la “démagogie conservatrice”.
    Or il faut remarquer qu’un tel retour en arrière a plutôt de quoi séduire un électorat populaire, a priori de gauche, tandis que le discours sur l’ouverture des frontières et la
    mondialisation “irréversibles” semble charmer un électorat bourgeois, a priori de droite. Autrement dit, la “démagogie conservatrice” n’est-elle pas en passe de devenir de gauche ?
    Symétriquement, n’y a-t-il pas aujourd’hui une sorte de messianisme de la mondialisation, largement adopté par la droite ?

    • Descartes dit :

      Or si l’on prend l’exemple du retour au franc, certains l’estiment impossible, d’autres non, ce qui m’amène au Front National : selon votre définition, il serait
      ainsi, à le supposer insincère, du côté de la “démagogie conservatrice”.

      Le “retour au franc” n’est pas à strictement parler un “retour en arrière”. Personne – même pas le FN – ne croit qu’on pourrait revenir au franc comme si l’euro n’avait jamais existé.

      Or il faut remarquer qu’un tel retour en arrière a plutôt de quoi séduire un électorat populaire, a priori de gauche, tandis que le discours sur l’ouverture des
      frontières et la mondialisation “irréversibles” semble charmer un électorat bourgeois, a priori de droite. Autrement dit, la “démagogie conservatrice” n’est-elle pas en passe de devenir de gauche
      ?

      Je ne comprends pas très bien le raisonnement. La gauche ne parle pas d’un retour aux vieilles valeurs ou aux vieilles manières de faire. Parler d’une “démagogie conservatrice” de gauche me
      paraît donc peu réaliste. Par contre, il est vrai que la droite, depuis ce qu’on appelle à tort la “révolution conservatrice”, a repris un certain messianisme qu’on croyait reservé à la gauche.
      Le discours sur la “réforme” et sur le fait de “vaincre les résistances aux changements nécessaires” pourrait être un discours de gauche.

      Aujourd’hui, le “changement” est devenu le prétexte pour liquider les conquêtes sociales mises en place par l’Etat gaullo-communiste. Pas étonnant dans ces conditions que les couches populaires
      deviennent “conservatrices”…

       

       

       

  22. dsk dit :

    “Aujourd’hui, le “changement” est devenu le prétexte pour liquider les conquêtes sociales mises en place par l’Etat gaullo-communiste. Pas étonnant dans ces conditions que les couches
    populaires deviennent “conservatrices”…”

     

    Si l’on admet, avec Marx, que la bourgeoisie est “la classe révolutionnaire”, on peut se demander par quel espèce de paradoxe la droite a-t-elle pu, tout à la fois, défendre les valeurs
    conservatrices et les intérêts de la bourgeoisie. Le conservatisme, en toute logique, devrait être l’apanage de la gauche, du moins si l’on admet que la gauche aurait pour fonction de défendre
    les intérêts des classes populaires, qui seraient nécessairement contraires à ceux de la bourgeoisie.

    Je sais que vous-même n’admettez que partiellement ce conflit d’intérêts, puisque vous considérez que le capitalisme représente tout de même, pour les travailleurs, un progrès vis-à-vis de
    l’Ancien régime. Mais personnellement, je vois là toute la contradiction de la gauche, qui se revendique de la révolution bourgeoise de 1789 – songeons à la prise de la Bastille par Mélenchon –
    tout en ambitionnant de s’attaquer aux bourgeois.

    • Descartes dit :

      Si l’on admet, avec Marx, que la bourgeoisie est “la classe révolutionnaire”, on peut se demander par quel espèce de paradoxe la droite a-t-elle pu, tout à la fois, défendre les valeurs
      conservatrices et les intérêts de la bourgeoisie.

      Pour comprendre cela, il faut se souvenir qu’une classe peut être “révolutionnaire” comme classe, sans que cela préjuge du comportement individuel de ses membres. En tant que classe, la
      bourgeoisie a brisé – c’est ce que dit Marx dans le “manifeste” – les rapports paternalistes et corporatifs pour leur substituer “la froide dictature du paiement comptant”. Ce qui n’empêche pas
      les bourgeois, à titre individuel, de regretter les rapports paternalistes et d’aller à la messe. Et de voter pour des gens qui, tout en dynamitant les rapports anciens, les rassurent sur la
      préservation des “valeurs” d’autrefois.

      Le conservatisme, en toute logique, devrait être l’apanage de la gauche, du moins si l’on admet que la gauche aurait pour fonction de défendre les intérêts des classes populaires, qui
      seraient nécessairement contraires à ceux de la bourgeoisie.

      Pas tout à fait. Ce n’est pas parce que la bourgeoisie est une classe fontamentalement révolutionnaire que le prolétarait doit être fondamentalement réactionnaire. Les deux sont révolutionnaires,
      mais représentent une révolution différente. Par ailleurs, si Marx dit bien que la bourgeoisie des on époque est une classe révolutionnaire, ce qui était vrai en 1850 ne l’était pas en 1950, même
      si cela l’est redevenu en 1981.

      Je sais que vous-même n’admettez que partiellement ce conflit d’intérêts, puisque vous considérez que le capitalisme représente tout de même, pour les travailleurs, un progrès vis-à-vis de
      l’Ancien régime.

      Pas tout à fait. Comme Marx, je considère que les intérêts de la bourgeoisie en tant que classe (schématiquement, d’augmenter le taux d’exploitation) est parfaitement antagonique avec ceux du
      prolétariat (schématiquement, réduire le taux d’exploitation). Mais il ne faut pas nier – et Marx ne le faisait pas – que la recherche du profit par le capitalisme s’est traduit dans certaines
      phases de son développement par un enrichissement de l’ensemble de la société.

      Mais personnellement, je vois là toute la contradiction de la gauche, qui se revendique de la révolution bourgeoise de 1789 – songeons à la prise de la Bastille par Mélenchon – tout en
      ambitionnant de s’attaquer aux bourgeois.

      C’est certainement la contradiction d’une certaine gauche, qui n’admet pas le fait que l’histoire est trop complexe pour être enfermée dans une description manichéenne. Pour obtenir ce résultat,
      cette gauche réécrit l’histoire: la Révolution de 1789 devient, grâce à une lecture décontextuée, une “révolution prolétarienne” trahie par ce salaud de Napoléon. C’est bien entendu faux. La
      Grande Révolution est la victoire de la bourgeoisie sur l’aristocratie, et Napoléon ne fait qu’institutionnaliser cette victoire. Ce fut un énorme progrès, puisqu’en ce temps-là la bourgeoisie
      était la classe qui portait les idées nouvelles. En voulant diaboliser la bourgeoisie partout et toujours, comme si les classes étaient “bonnes” ou “mauvaises” en dehors de tout contexte
      historique, on se prive des instruments de compréhension des changements, passés et présents.

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