Le discours de la méthode (X): de la formation du militant

L’idée de cet article m’est venue de la demande de l’un des commentateurs de ce blog, qui plusieurs fois m’a mis au défi d’indiquer ce que serait pour moi la “bibliothèque indispensable du militant”. Tel que j’ai compris le défi, il ne s’agit pas de donner une liste de livres que le militant conscient rangerait chez lui dans une belle étagere pour montrer combien il les apprécie, mais les livres qu’un militant devrait avoir lu pour être un agent conscient, capable de comprendre le monde qui l’entoure et d’agir en conséquence, et non simplement un croyant qui suit un dogme. Un objectif certes ambitieux, mais nécessaire.

 

Et non, je n’ai pas réussi à compiler une “bibliothèque” comme il m’était demandé. Si vous lisez cet article jusqu’au bout, vous comprendrez pourquoi.

 

 

L’Histoire, mère de toutes les disciplines

 

Il existe un vieux courant à gauche pour défendre l’idée que l’émancipation humaine passe avant tout par l’étude de la philosophie. Je m’inscris clairement contre cette idée: c’est l’histoire, et non la philosophie, qui devrait passer en premier. L’opposition entre les deux conceptions n’est pas anecdotique: la Philosophie – en étant schématique – nous dit ce qui est souhaitable. L’Histoire, en démontant les enchaînements du passé, nous dit ce qui est possible. L’opposition entre Histoire et Philosophie est l’opposition entre ceux qui veulent faire de la politique à partir du réel et ceux qui veulent la faire à partir de “principes”. Je m’inscris sans ambiguïté dans le premier courant.

 

D’autant plus qu’on ne peut pas comprendre la Philosophie sans une solide culture historique. On ne peut pas lire Platon, Hobbes et Montesquieu comme s’ils étaient contemporains et citoyens du même pays. Chacun de ces auteurs a écrit pour répondre à des interrogations et pour résoudre des problèmes qui étaient ceux de leur lieu et de leur époque. Pour comprendre leurs raisonnements, il faut pouvoir replacer leurs écrits dans les problématiques de leur temps. Et c’est cela qui est le plus difficile. Il suffit pour s’en convaincre de faire un petit tour sur les sites militants sur la toile: on retrouvera a foison des citations prises hors de leur contexte, à qui on fait dire des choses que jamais leurs auteurs n’auraient imaginé.

 

Le manque de culture historique dans les organisations politiques associé à cette tendance à exprimer les rapports historiques en termes manichéens a pour effet “d’aplatir” l’histoire: on juge – et on condamne – Voltaire ou Napoléon en fonction de critères modernes (oui, ils étaient racistes et machistes…), comme s’il était un crime de ne pas avoir anticipé ce que le monde serait 200 ans après leur mort. La compréhension des années 1930 et de la France de Vichy devient pratiquement impossible aujourd’hui parce qu’on juge les acteurs de ces tragédies comme s’ils avaient pu lire l’avenir alors qu’en fait ils étaient les prisonniers de l’aveuglement de leur époque. Nous nous refusons en fait d’admettre une vérité nécessaire: que nous sommes les jouets de l’Histoire. Que nous essayons péniblement de comprendre ce qui se passe autour de nous, et d’apporter les remèdes qui nous paraissent nécessaires, sans aucune garantie de ne pas être démentis par les évènements. C’est cette leçon de modestie qui est à mon sens à la base de tout militantisme conscient.

 

Du besoin de la lecture critique

 

Il faut donc lire l’Histoire. Ou plutôt “les” histoires. Car l’Histoire, comme toute discipline, a des courants et des écoles qui ne sont pas d’accord entre elles. Il est donc essentiel de faire une lecture critique, ce qui suppose de lire des auteurs qui ne sont pas d’accord entre eux. Lire les historiens marxistes c’est bien, mais il faut aussi lire les pré-marxistes et les anti-marxistes, ne serait-ce pour comprendre en quoi les marxistes ont apporté quelque chose de nouveau.

 

Un des problèmes dans la formation – si l’on peut appeler cela formation – que les partis de gauche offrent à leurs militants est précisément de ne proposer que des auteurs “dans la ligne”. Ce qui donne au militant l’idée – fausse – qu’il n’y a qu’une manière de voir les problèmes, et que tout ce qui sort du discours de son parti est irrationnel ou pire, sert d’obscurs intérêts. C’est une énorme faiblesse: pour convaincre un adversaire (ou même un indifférent), il est nécessaire de partir de son raisonnement, ce qui suppose de pouvoir le comprendre. Et pour cela, il faut pouvoir se placer dans la sphère mentale de son interlocuteur. Il m’est arrivé de faire de la politique dans une région où les rapatriés d’Algérie étaient nombreux. Beaucoup d’entre eux étaient ouvriers ou petits employés, exactement le genre de sociologie qu’un parti de la “vrai gauche” devrait rechercher. Mais pour établir le contact, il fallait connaître un peu la guerre d’Algérie telle qu’elle a été vécue du côté des “pieds noirs”, et non seulement les discours sur les “glorieux combattants du FLN qui ont conquis leur liberté contre le colonialisme français”. Un tel discours rendait tout échange impossible avec des gens qu’on aurait parfaitement pu gagner à nos idées.

 

Combien de militants “de gauche” ont pris par exemple la peine de lire les mémoires de ceux qui ont participé au gouvernement de Vichy ? Et pourtant, ce sont des écrits indispensables si l’on veut comprendre exactement ce qui s’est passé et comment. Bien plus utiles en tout cas que de nombreux écrits hagiographiques sur tel ou tel résistant, qui trouvent une place de choix dans la bibliothèque de beaucoup de militants. Car lire et comprendre, ce n’est pas disculper.

 

Original ou commentaire ?

 

Faut-il lire le texte original ou ses commentateurs ? Là encore, c’est un débat éternel. Les puristes insistent souvent sur le besoin impératif de faire lire aux militants Marx, Trotsky ou Mao dans l’original, pour éviter la “corruption” qui pourrait être introduite par les commentateurs. Cette position, qui vient d’une tradition exégétique judeo-chrétienne, repose sur l’idée que les “textes sacrés” contiennent des sens cachés et que l’altération d’un seul mot pourrait corrompre ces significations. Cette position est à mon avis intenable. La “corruption” est inévitable: d’une part, très peu de militants peuvent lire Marx, Trotsky et Mao dans la langue originale, ce qui introduit déjà la trahison qu’est la traduction. Et d’autre part, parce que toute lecture est forcément une interprétation. Mais le militant n’a pas nécessairement la culture philosophique et historique qui lui permet d’interpréter le texte en le plaçant dans son contexte, alors que les commentateurs, souvent des universitaires qui ont consacré leur vie au sujet peuvent, eux, replacer le texte dans son époque, dans son courant d’idées.

 

Lire Marx dans le texte, c’est très difficile. Pour le comprendre, il faut connaître à fonds la philosophie allemande du XIXème siècle, parce que Marx dans ses écrits répond à des questions soulevées par d’autres, et qu’on ne comprend pas les réponses si l’on n’a pas les questions. Par contre, lire Sève ou Quiniou commentant Marx, c’est déjà beaucoup plus accessible. Est-ce que pour un militant lambda l’effort de lire les textes originaux se justifie ? Je ne le pense pas. Il faut par contre lire les bons commentateurs, ceux qui font une lecture critique et non pas une lecture exégétique – souvent orientée politiquement.

 

Ce que doit savoir un honnête homme

 

L’Histoire, bien entendu, ne suffit pas. Mais lorsqu’on réfléchit  ce qu’un militant doit savoir, on tombe rapidement sur ce que devrait être dans les programmes scolaires. Peut-on être un militant conscient sans avoir un peu de philosophie, d’économie, de droit, mais aussi de physique, de chimie et bien entendu de cette méta-science que sont les mathématiques ? Non, bien sur que non. Le militant aujourd’hui doit être formé à l’image de “l’honnête homme” des lumières. C’est à dire, accéder à un savoir encyclopédique, mais surtout, et c’est le plus important, aux instruments fondamentaux qui lui permettent d’acquérir de nouvelles connaissances si le besoin se fait sentir. Ces instruments, c’est précisément ce qu’on peut appeler une “méthode”: la connaissance des méthodes hypothético-deductive et inductive, avec leurs forces et leurs limites. La logique de ce qu’est une démonstration et de ce qu’est une vérité scientifique – à l’opposé de ce qu’est une opinion. Ce sont ces éléments qui permettent de penser.

 

Bien entendu, il y a dans le projet des Lumières une ambition irréalisable. Nous n’arriverons pas à amener tous les militants au niveau requis par cette ambition. Il n’empêche qu’il faut en faire un objectif et essayer d’y aller le plus loin possible dans cette voie.

 

Pour des militants curieux

 

Mais au fond, ce qui devrait caractériser le militant et ce que les systèmes de formation devraient lui insuffler, c’est cette rare qualité qui est la curiosité. C’est à dire, l’attitude qui consiste à penser que les questions sont beaucoup plus intéressantes que les réponses. Nous sommes dans une société qui tue la curiosité, et la formation dispensée dans les organisations politiques aujourd’hui suit malheureusement cette pente fatale. Comme le personnage de “Farenheit 451” qui accuse les livres de rendre les gens malheureux, notre société distille un conformiste qui prétend convaincre chacun qu’il a en lui les réponses à toutes les questions.

 

La curiosité est la mère de toutes les connaissances. C’est pourquoi je ne peux proposer une “bibliothèque idéale”. Celle que j’ai, je l’ai constituée au fur et à mesure de mes “curiosités”. En histoire, par exemple, je me suis passionné tour à tour pour la Révolution Française, pour la période de la guerre civile anglaise et du Commonwealth (1640), pour la période Louis XIII-Louis XIV, pour la IVème République, pour les années 1920-40 puis pour 1900-1920 (oui, dans l’ordre inverse: c’est que chaque fois qu’on lit sur une période, on se trouve à aller chercher les racines dans les périodes précédentes…) et enfin mai 1968. On le voit, il y a dans ma “bibliothèque” d’énormes trous. Et si vous constituez la votre à partir de vos curiosités, les trous ne seront pas au même endroit. Je n’ai nullement la prétention de dire que mon choix serait meilleur que le votre.

 

Le militant ne prépare pas un examen universitaire, il a besoin d’instruments d’analyse du réel. Le militant curieux ira donc spontanément chercher ce qui lui permet de répondre aux questions que l’époque lui pose. Il ne peut donc y avoir de “programme” ou de “bibliothèque idéale”. Chacun constituera la “bibliothèque” dont il aura besoin, à condition d’avoir les instruments et la curiosité pour le faire.

 

La curiosité, me direz vous, ne se forme pas. Je suis en total désaccord avec cette idée. La curiosité peut être stimulée, cultivée, où au contraire étouffée. On la cultive en encourageant les gens à la spéculation intellectuelle, c’est à dire, à se poser des questions et à chercher en dehors d’eux mêmes des réponses. On l’étouffe en leur répétant que seule l’action et le résultat comptent et que la réflexion est au mieux inutile, au pire dangereuse. Car les partis politiques – et notamment à gauche – sous des dehors démocratiques fonctionnent sur un modèle fort autoritaire: le “leader” en haut, les militants qui font ce qu’on leur dit en bas (1). Et les leaders ont fort ont bien compris que réfléchir, c’est déjà désobéir.

 

 

Descartes

 

 

 

(1) L’exemple quasi-caricatural est celui du “programme populaire partagé”, document élaboré par on ne sait pas qui, et qui n’a jamais été soumis au moindre débat des militants. Les militants sont priés d’aller défendre un candidat et un programme qui ont été largement imposés par le “haut”.

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27 réponses à Le discours de la méthode (X): de la formation du militant

  1. alacoure dit :

    D’abord quelques précisions :

    1-j’apprécie énormément vos textes

    2-je réagis à la première idée qui fait tilt dans ma petite tête. Ma réaction ne donne donc pas une idée générale de mon opinion vis à vis de l’ensemble du texte que je viens de
    lire. Sinon, je réagirais plusieurs jours après.

    L’idée qui vient de tilter est la suivante : Un des problèmes dans la formation – si l’on peut appeler cela formation – que les partis de gauche offrent à leurs militants est précisément de
    ne proposer que des auteurs “dans la ligne”.

    Je sollicite un instant de méditation. La partie inférieure de la pyramide sociale est par définition plus ignorante que la partie supérieure. Ceux qui savent (notamment dans les syndicats
    et les partis et en particulier les partis de gauche) ne tarissent pas de critiques envers ce peuple ignare qui se laisse manipuler, manque de conscience, etc… 

    Si on avait des organisations qui voulait sincèrement que les choses changent en bien, elles commenceraient par rendre hommage à cette partie ignare du peuple dont je fais partie car si
    elle ne sait pas grand chose, elle sait au moins ce que vous venez d’écrire, la phrase qui a fait tilt dans mon esprit.  

    Les ignares comme moi ont toujours fait plus ignares encore qu’ils ne sont depuis les années 70 parce qu’ils savent que ceux qui voulaient les mener par le bout du nez étaient eux-mêmes menésde
    la sorte grâce à un manque évident d’ompartialité.

    • Descartes dit :

      1-j’apprécie énormément vos textes

      Je vous remercie beaucoup. C’est encourageant de voir son travail apprecié…

      Ceux qui savent (notamment dans les syndicats et les partis et en particulier les partis de gauche) ne tarissent pas de critiques envers ce peuple ignare qui se laisse manipuler, manque
      de conscience, etc… 

      “Ceux qui savent” se permettent très rarement de telles critiques: je n’imagine pas un Charpak ou un Jolliot-Curie parler du “peuple ignare”. Il ne faut pas confondre “ceux qui savent” avec les
      charlatans comme Attali ou Minc.

      Si on avait des organisations qui voulait sincèrement que les choses changent en bien, elles commenceraient par rendre hommage à cette partie ignare du peuple dont je fais partie
      car si elle ne sait pas grand chose, elle sait au moins ce que vous venez d’écrire, la phrase qui a fait tilt dans mon esprit.

      Comme je l’ai dit plusieurs fois dans mes papiers, les couches populaires ont beaucoup de bon sens. En particulier, ils ont l’intelligence de faire confiance à “ceux qui savent” beaucoup plus
      souvent qu’on ne le croit chez la “vraie gauche”. Ce n’est pas un hasard si en France le consensus nucléaire a été constant depuis quarante ans…

  2. alacoure dit :

    Je ne sais pas par quel bout aborder le problème tant je vois que tout ce dont on parle est lié. Il me semble donc que pour faire le moins compliqué possible il faudrait trouver le point
    d’attaque le plus judicieux. L’idée de démarrer à un point qui ne serait pas le meilleur et donc contribuerait à compliquer la réflexion, déjà bien touffue comme ça, me stresse.

    Je suis d’accord avec, on va dire, 90% de ce que vous dîtes. Tellement d’accord que je ne considère pas cette partie comme un simple point de vue personnel parmi les autres. Pourquoi alors
    ne pas dire que je suis complètement d’accord avec vous. Les 10% restant ne devraient pas peser lourd dans la balance ?… 

    Justement si, ils pèsent lourd et c’est ce qui m’attriste voire me désespère. Et je le constate depuis toujours dans ma propre personne. Et je vois que l’immense majorité de ceux que j’ai
    entendu s’exprimer tout au long de ma vie le constatent autant que moi. On a beau partager 90% de son opinion avec certains, les 10% restants peuvent être si lourds qu’ils empêchent un accord.

    Je ne n’ai jamais entendu, par exemple, une personne ordinaire composant cette multitude qu’on appelle “la majorité silencieuse” dire, dans un climat propice à la liberté d’expression de ces
    gens qui se taisent d’habitude, qu’elle trouve normal que quelqu’un gagne en un mois ce que d’autres gagneraient en un siècle et qu’il est normal de mourir de froid dans la rue quand on ne gagne
    rien. Ces propos qu’on pourraient qualifier de gauchiste s’ils étaient martelés du haut d’une tribune ou de révolutionnaire du haut d’une barricade, sont les propos les plus communs issus du bon
    sens populaire.

    Qu’est-ce qui fait que ces propos restent du domaine de la confidence, du domaine de la vie privée alors qu’ils sont éminemment politiques (au sens noble du terme) et très largement partagés
    ?

    C’est que certains se sont arrogés le droit de parler pour ceux qui se taisent. En se hissant au dessus des autres dans le but de les représenter, il s’est produit un certain nombre de
    métamorphoses dans leur comportement dont certaines sont tout à fait logiques. Une d’entre elles est que, pour continuer légitimement à réprésenter les gens qui se taisent, il faut que ces
    derniers continuent à se taire. Et le mieux pour s’en assurer est évidemment de les faire taire soi-même. Et je pense que c’est ainsi qu’apparaît le terrorisme intellectuel.

    Le pouvoir économique n’a jamais prétendu être démocratique. C’est un problème qu’il ne le soit pas et c’est du domaine de la politique de tâcher à ce qu’il le devienne. Mais certains ne veulent
    pas dutout de la démocratie, qu’ils oient dans le pouvoir économique ou qu’ils en soient exclus. Ceux qui, n’ayant pas ce pouvoir non démocratique sous sa forme économique peuvent toujours penser
    à l’acquérir sous sa forme politique.

    Vous en parlez merveilleusement, par exemple, avec le prétendu féminisme dans l’affaire DSK, avec la prétendue “lutte des classes” dans l’affaire de Bruay. Mais lorsqu’il s’agit de parler du
    PCF, vous parlez de vos regrets de le voir péricliter. Voilà une partie importante des 10% qui mettent à mal nos 90%.

    Ce désaccord avec vous m’attriste parce que je vois toute la richesse de votre réflexion et que je crains de devoir m’en passer tant ce désaccord pourrait rendre notre
    échange impossible.

    • Descartes dit :

      Ce désaccord avec vous m’attriste parce que je vois toute la richesse de votre réflexion et que je crains de devoir m’en passer tant ce désaccord pourrait rendre notre
      échange impossible.

      Mais pourquoi ce désaccord devrait rendre notre échange impossible. Je ne vois pas ce qui nous empêcherait d’échanger quand bien même nous serions en désaccord sur tout. C’est précisement mon
      point: même si vous n’êtes en rien d’accord avec moi, cela m’intéresse de comprendre pourquoi. Ne trouvez-vous pas que ce soit une base suffisante pour un échange ?

  3. alacoure dit :

    Vous dîtes exactement ce que je pense. Et quand je le dis, je passe pour un extraterrestre. Puis comme j’insiste, je me fais envoyer sur les roses (et elles ne sont pas socialistes).

    Je pensais en disant cela que si j’insistais sur les 10% de désaccord, je finirais par masquer les 90% d’accord.

    Mais si vous apprécieriez même un désaccord de 100%, alors allons-y ! Ce ne sont pas ces quelques malheureux 10% qui vont nous perturber.

  4. Marcailloux dit :

    Bonsoir

    L’Histoire, mère de toutes les disciplines

    Il existe un vieux courant à gauche pour défendre l’idée que l’émancipation humaine passe avant tout par l’étude de la philosophie.

    Avant même qu’il y ait eu l’histoire, il lui fallait un objet. Cet objet, c’est la vie consciente et organisée de la race humaine. .Elle s’est construite à partir de cette prise de conscience sur
    son existence, d’une réflexion sur le monde et la nature proche puis d’une adaptation à ceux ci pour bénéficier d’un progrès, puis une organisation avec d’autres humains pour optimiser les
    premiers moyens matériels et intellectuels dont elle disposait.

    Vous exprimez avec excès, au moyen de termes tendancieux, une vérité sans la moindre ombre de preuve, révélatrice, éventuellement, ( je ne suis pas psychanalyste) de l’influence aliénante de
    quelques décennies de militantisme hautement dogmatique.

    Pourquoi utiliser le terme « vieux », induisant l’idée d’obsolescence ;

    Pourquoi « à gauche » axe central de toutes – ou presque – vos critiques ;

    Pourquoi « défendre » alors que cette idée ne fait pas vraiment l’objet d’attaque ;

    Pourquoi « avant tout », ce terme excluant toute cohabitation harmonieuse entre différentes disciplines complémentaires ;

    Pourquoi même enfin le terme d’ « étude », pour beaucoup rébarbatif alors que la pratique quotidienne de la réflexion, du questionnement, de la logique première, constituent les
    premiers pas de la philosophie. Vous l’avez vous même assez souvent prôné dans ce blog.

    La philosophie est à la respiration ce que l’histoire est à la déglutition. Dans la vie d’un être humain, l’une précède et conditionne l’autre et chacune a sa place indispensable .
    Néanmoins, toutes les organisations humaines ont été fondée sur des approches mythiques, représentation du bien ou du mal précurseurs de la philosophie . Ce sont la succession des situations
    vécues à partir de ces motivations et leur transmission orale qui ont ensuite crée l’histoire.

    D’autre part, la philosophie est plus une affaire individuelle que l’histoire dont le caractère est bien plus collectif. Mais même si le collectif peut avoir une influence sur l’individuel, il ne
    peut se développer qu’à partir de celui ci. Il ne peut donc être la mère de son géniteur.

     Votre art, parce que vous possédez à l’évidence cette capacité, vous permet de donner un ton à votre propos, diamétralement opposé à l’approche cartésienne que l’on peut
    attendre de votre lecture.  (Wikipédia :Le Discours de la méthode s’ouvre sur la fameuse phrase « le bon sens est la chose du monde la mieux
    partagée ». R. Descartes nous explique  que le bon sens-puissance ou pouvoir de juger- est réparti également chez chaque être humain, mais dépend de la manière dont chaque individu utilise cette faculté. C’est cela même qui crée la divergence
    des opinions.)

     Je m’inscris clairement contre cette idée: c’est l’histoire, et non la philosophie, qui devrait passer en premier.

    Vous confondez là, en employant le terme d’idée, avec le terme de réalité, car si vous remontez le temps, les premières traces de réflexion démontrent que l’homo sapiens s’est intéressé d’abord à
    des questions existentialistes plutôt qu’à l’évocation de son histoire.

    C’est l’histoire de cette démarche qui ultérieurement a constitué la discipline «histoire » de l’humanité. Sans réflexion sur lui même, l’homme n’aurait en rien progressé et par conséquent
    il n’aurait pas eut le loisir de récapituler son passé et ainsi construire une histoire.

    La philosophie est d’abord individuelle. Etymologiquement, c’est un rappel, elle est l’amour de la sagesse, condition première – sinon prééminente- de la condition humaine. Un animal peut-il être
    considéré comme sage ? Et c’est le fruit de cette sagesse qui a engendré des organisations de la race humaine qui elles mêmes ont construit une histoire. Si l’on procède à un rapide
    inventaire des disciplines histoire et philosophie, on constate, et ce n’est pas une opinion contestable que les premiers philosophes, présocratiques,sont considérés comme les fondateurs de la
    philosophie occidentale. et ont précédés de près de 2 siècles le premier historien (Hérodote, né vers 480 avant J.C.,reconnu généralement comme tel).

    Voyez vous Descartes, malgré tout le plaisir et l’intérêt que me procure la lecture de vos textes, vous me rappelez, à l’occasion de ce billet, les multiples étonnements que j’ai vécu en début,
    et même au delà, de carrière, avec les comptables d’entreprise. Alors qu’ils ne faisaient que compter les actes, les couts, les produits, ils cherchaient inconsciemment sans doute, à donner
    l’impression qu’ils étaient à l’origine des productions parce que c’étaient eux qui en révélaient l’existence ou le prix. Ils n’étaient pourtant en rien acteur de l’acte de création de richesse
    dont ils ne faisaient que constater l’existence, au service de l’exploitant industriel, qui décidait de ses propres règles de calcul des différents couts,-outil de gestion tendancieux du rapport
    de force socio économique dans l’entreprise- et ne faisaient par là qu’écrire l’ « histoire économique et financière » de l’entreprise, selon un filtre, un paradigme favorable aux
    intérêts de celui qui rétribuait ce travail d’ « historien » financier.

    Lorsque vous exprimez votre souhait de voir passer l’histoire, en priorité devant la philosophie, vous admettez implicitement que la philosophie actuellement la précède, ce qui comme je cherche à
    le démontrer, me parait être le résultat d’une logique généralisée.

    Or, si vous fondez la science politique sur le réel, comme vous l’indiquez plus loin, je vous invite à mettre vos actes en conformité avec vos déclarations.

     L’opposition entre les deux conceptions n’est pas anecdotique: la Philosophie – en étant schématique – nous dit ce qui est souhaitable.

    Ce n’est plus un schéma, c’est de la caricature. Vous appliquez à la discipline philosophique les espérances, les souhaits, les attentes de certains de ses auteurs qui se prévalent du titre de
    philosophe. La philosophie me

    • Descartes dit :

      Vous exprimez avec excès, au moyen de termes tendancieux, une vérité sans la moindre ombre de preuve, révélatrice, éventuellement, ( je ne suis pas psychanalyste) de l’influence aliénante de
      quelques décennies de militantisme hautement dogmatique.

      Dites donc, vous êtes bien méchant ce soir… non, je n’exprime “vérité sans ombre de preuve”. Je n’ai fait qu’exprimer une opinion personnelle, et j’ai essayé d’argumenter ce qui me conduit à
      prendre cette position. Je ne prétends pas que ce soit une “vérité”. Et je ne vois pas en quoi d’ailleurs j’aurais utilisé des termes “tendancieux”.

      J’attire par ailleurs votre attention sur le fait que ce n’est pas parce que chronologiquement le développement de la philosophie a précédé celui de l’histoire qu’il faut l’apprendre dans cet
      ordre. Autrement, il faudrait commencer par la théologie, qui après tout est la plus ancienne des disciplines d’étude…

      Pourquoi utiliser le terme « vieux », induisant l’idée d’obsolescence

      Vous êtes vraiment paranoïaque. “Vieux” n’induit aucune idée d’obsolescence. On parle d’un “vieux cognac”, d’une “vieille tradition”, d’un “vieille jurisprudence”, et loin d’être dévalorisants,
      ces termes donnent au contraire un sens de profondeur, de poids, d’autorité… et je pourrais dire la même chose des autres termes auxquels vous attribuez une drôle d’interprétation. Je retiens
      le dernier:

      Pourquoi même enfin le terme d’ « étude », pour beaucoup rébarbatif alors que la pratique quotidienne de la réflexion, du questionnement, de la logique première, constituent
      les premiers pas de la philosophie.

      Parce que pour mois le terme “étude”, loin d’être “rébarbatif”, est l’essence de toute activité intellectuelle. Bien avant la réflexion ou le questionnement. Parce que pour réflechir, pour
      questionner, il faut d’abord avoir étudié. Autrement on serait condamné, pour faire quelque chose de nouveau, de reconstruire tout ce que nos prédécesseurs ont fait avant nous,
      et la vie serait trop courte pour cela. Et cela vaut autant pour la philosophie que pour l’histoire. Ou pour n’importe quelle autre discipline. On ne peut pas “réflechir” ex nihilo.

      La philosophie est à la respiration ce que l’histoire est à la déglutition. Dans la vie d’un être humain, l’une précède et conditionne l’autre et chacune a sa place indispensable.

      C’est là où nous ne sommes pas d’accord. Il me semble impossible d’étudier la philosophie grecque sans rien connaître de l’histoire grecque.

       Votre art, parce que vous possédez à l’évidence cette capacité, vous permet de donner un ton à votre propos, diamétralement opposé à l’approche cartésienne que l’on peut
      attendre de votre lecture.

      Je ne crois pas que Descartes ait pris position sur cette question… et la citation sur le “bon sens” est plutôt ironique: « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée :
      car chacun pense en etre bien pourvu, que ceux mêmes qui sont les plus difficiles à contenter en toutes autre chose n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont »

      Vous confondez là, en employant le terme d’idée, avec le terme de réalité, car si vous remontez le temps, les premières traces de réflexion démontrent que l’homo sapiens s’est intéressé
      d’abord à des questions existentialistes plutôt qu’à l’évocation de son histoire.

      Questions “existentialistes” ? Sartre chez Neanderthal ? 😉

      Désolé, mais “les premières traces de réflexion” ont été plutôt historiques. Lorsque l’homme a su écrire, la première chose qu’il a écrit ce sont les généalogies. Plus tard, sont venues les
      “histoires” de la création du monde et des hommes.  Bien sur, l’histoire a cessé d’être mythique pour devenir scientifique bien plus tard. Mais la question “d’ou venons nous”, qui est la
      question fondamentale de l’Histoire, est l’une des premières que l’homme se soit posée.

      Lorsque vous exprimez votre souhait de voir passer l’histoire, en priorité devant la philosophie,

      Je n’exprime rien de tel. Je ne prétend pas que l’Histoire doive passer devant la Philosophie dans tous les domaines. Je ne m’occupais dans mon papier que du domaine précis de la formation des
      militants.

       

       

  5. Trubli dit :

    Bonsoir,

    Je ne suis pas d’accord avec les deux phrases suivantes :

     « une vérité nécessaire: que nous sommes les jouets de l’Histoire » je nuancerais fortement ce propos. Je ne pense pas
    qu’un Hayek ou un Delors soient les jouets de l’histoire ou de forces qui les dépassent. On pourrait dire cela d’un Frédéric Lefèvre, Nicolas Sarkozy ou Laurence Parisot. Mais on ne peut pas dire
    ça de personnes ayant un bagage intellectuel très poussé et qui savaient parfaitement ce qu’ils faisaient. Les architectes d’un système ; les théoriciens ou idéologues ne sont pas les jouets
    de l’histoire. Ils font l’histoire.

     

    « L’Histoire, en démontant les enchaînements du passé, nous dit ce qui est
    possible »
    Pour
    moi l’histoire est seulement la chambre d’enregistrement de ce qui fut. Elle ne nous dit pas ce qui est possible, mais quel « possibilité » l’a emporté parmi tant
    d’autres. 

    • Descartes dit :

      « une vérité nécessaire: que nous sommes les jouets de l’Histoire » je nuancerais fortement ce propos.
      Je ne pense pas qu’un Hayek ou un Delors soient les jouets de l’histoire ou de forces qui les dépassent.

      Je précise ma pensée: je ne dis pas “jouets de l’histoire” dans le sens où ils n’auraient eu aucune prise sur les
      événnements. Ce que j’ai dit, c’est que quelque prise qu’ils aient pu avoir, ils ont pris des décisions en fonction de leur vision personnelle des faits, qui n’est pas forcément celle qu’auront
      les générations à venir avec le bénéfice du temps passé. Ce n’est pas une question de “bagage intellectuel”. C’est tout simplement que l’analyse que nous faisons du présent n’est certainement pas
      celle que nous ferions de cette même situation si elle était dans le passé…

      Pour moi l’histoire est seulement la chambre d’enregistrement de ce qui fut.
      Elle ne nous dit pas ce qui est possible, mais quel « possibilité » l’a emporté parmi tant d’autres.

      On peut soutenir que seul ce qui a été était “possible”… mais c’est un débat
      complexe qui sort du cadre de mon propos.

  6. Marcailloux dit :

     

    Bonjour à Descartes et à tous,

    Je découvre en lisant votre réponse sur mon commentaire, qu’une partie de celui ci avait été amputée. Était ce du à sa longueur excessive?…….toujours est il que malgré toutes mes précautions,
    je constate que des perturbations se glissent dans la transmission des textes. Ayant appliqué vos précédentes instructions suivie d’un refus du système de les appliquer, j’en déduis que seule, la
    vieillesse facteur d’obsolescence, entrave la bonne marche en avant de l’implantation des nouvelles technologies.

    Donc, suite du texte:

    ……La philosophie me parait beaucoup plus répondre à la question : « pourquoi ceci plutôt que cela? » qu’à la question : « Que faut-il faire ou
    penser ? »

    La seule chose réellement souhaitable en philosophie me semble être la capacité de celui qui s’y adonne, à quelque niveau que ce soit, c’est l’indépendance d’esprit, la conservation autant que
    faire se peut d’un libre arbitre individuel, la faculté de se forger une opinion qui ne soit pas dictée par des dogmes, des rancœurs, des intérêts mesquins.

     Pour ce qui est de l’histoire, vous ne nous dites pas vraiment ce qu’elle dit. Elle nous raconte généralement celle rédigée par les vainqueurs, les plus forts ou les plus
    influents. Elle est toujours à multiples facettes et il ne peut en être autrement. A l’inverse, la philosophie possède, au même titre que la musique ou les mathématiques, une dimension
    universelle que ne possède pas ou peu l’histoire.

    Comment pouvez vous affirmer que Sénèque , Marc Aurèle , Aristote , Montaigne et Descartes enfin, dans sa philosophie du doute rationnel, n’aient parlés au nom du genre humain dans son ensemble.
    Personne de sensé, ou presque, ne réfute la pertinence de leurs écrits ou enseignements –du moins ramenés à l’état des connaissances de leurs époques-, seuls des ajouts, des précisions, des
    visions différentes du même monde ont en philosophie, fait l’objet de débats quelquefois acharnés. On ne rencontre pas cette acceptation généralisée des thèses d’autrui, de la même façon, en
    histoire où les querelles, les excommunications, les procès en sorcellerie font bien plus souvent florès. Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer la simple période du XXème siècle.

    La pratique de la philosophie ne prétend pas exiger la lecture des auteurs souvent abscons et particulièrement beaucoup des siècles derniers. Sa pratique a pour ambition la recherche permanente
    d’un peu plus de sagesse, de curiosité, de capacité d’étonnement, de souplesse d’esprit, de compréhension des évènements qui nous submergent avec de plus en plus d’intensité.

    L’Histoire, en démontant les enchaînements du passé, nous dit ce qui est possible.

    Ah bon ! Je crois entendre là les paroles de mon arrière grand père. C’est du conservatisme pur jus. C’en serait même désespérant car ce serait la preuve d’un déterminisme restreint sans
    possibilité d’évolution malgré les formidables outils dont nous disposons actuellement et ceux dont nous disposeront bientôt, malgré tous les dangers qu’ils véhiculent.

    Lorsque l’on démonte une mécanique, nous somme devant l’alternative de soit remonter à l’identique, ce qui est, en effet de toute évidence possible, soit de nous questionner sur la pertinence de
    la fonction satisfaite par ladite mécanique dans les circonstances actuelles, et là on peut être amené à se poser des questions de type philosophique.

    Exemple : dans quelle mesure, le remplacement systématique d’un salarié, qu’il fusse fonctionnaire ou du secteur privé, s’impose – t- il au nom du passé alors que pour assurer les fonctions,
    évolutives elles mêmes, nous disposons de moyens technologiques extraordinairement supérieurs à celui de nos prédécesseurs ?

    Bon ! OK, je reconnais que ce n’est peut être pas exactement ce que vous avez voulu dire. Mais je suis à mon tour tenté par une touche de sophisme.

     

    L’opposition entre Histoire et Philosophie est l’opposition entre ceux qui veulent faire de la politique à partir du réel et ceux qui veulent la faire à partir de “principes”. Je m’inscris
    sans ambiguïté dans le premier courant.

    Cette assertion sonne comme une maxime destinée à passer à la postérité . Chacun peut y trouver tout ce qu’il désire et même son contraire.

    La route n’est pas la carte, mais sans la carte, il n’y a que de l’empirisme, du hasard et le bon vouloir de la providence.

    Très peu pour moi. Lorsque je pars en montagne, j’emmène toujours une carte d’état major au 1/25000ème et une boussole.

    Je préfère, sans mépriser l’empirisme issu de l’expérience, évoluer dans ma réflexion politique, à partir de quelques principes qui sont les miens, sans prétendre qu’ils soient les meilleurs pour
    le plus grand nombre, mais je le souhaite toutefois.

    A la différence de vous, je pratique un cocktail constitué des deux ingrédients, car sans principe à appliquer au réel, on ne fait qu’entériner le réel ou s’y opposer aveuglément, encore que dans
    ces deux cas, on observe tout de même un principe absurde, soit de répétition, soit de déconstruction. Vous me rétorquerez : « bien entendu » mais alors, sans principe, sur quoi
    bâtissez vous les décisions qui sont la raison d’être des politiques ?

    Reconnaissez – mais là je suis sans illusion et tiens donc compte du réel – qu’il y a là dans vos propos, une très forte dose d’ambigüité.

    A regarder trop intensément l’histoire, le passé donc, on en arrive à ne plus se voir d’avenir.

    Cela ne m’empêche pas de posséder et de consulter une bonne sélection de livres d’histoire.

    Pour finir, deux petites citations :

    « La philosophie est la science qui nous apprend à vivre . » dit Montaigne.

    “Je m’intéresse à l’avenir car c’est là que j’ai décidé de passer le restant de mes jours.” Woody Allen

     

     

    • Descartes dit :

      toujours est il que malgré toutes mes précautions, je constate que des perturbations se glissent dans la transmission des textes.

      Apparament il y a un problème global sur over-blog. Si vous avez des difficultés, envoyez-moi votre contribution par message, je me charge de la publier.

      Pour ce qui est de l’histoire, vous ne nous dites pas vraiment ce qu’elle dit. Elle nous raconte généralement celle rédigée par les vainqueurs, les plus forts ou les plus influents

      Pitié, pas ces lieux communs…

      On peut lire d’excellents travaux sur l’histoire de la guerre de 1914-18 écrits par des historiens allemands ou autrichiens. Cette idée selon laquelle “l’histoire est celle des vainqueurs” est
      une négation de l’histoire comme discipline scientifique. Un livre d’histoire, ce n’est pas un simple recit. C’est une reconstruction faite des véritables scientifiques à partir de témoignages,
      de documents, d’indices de toutes sortes.

      A l’inverse, la philosophie possède, au même titre que la musique ou les mathématiques, une dimension universelle que ne possède pas ou peu l’histoire.

      J’ai du mal à vous suivre. Où est la “dimension universelle” de la musique ? Avez-vous essayé d’écouter de la musique classique chinoise ou japonaise ? J’ai essayé, poussé par des amis chinois.
      Et je dois avouer qu’à ma grande honte je n’y ais rien ressenti. Moi qui adore la musique, ça m’a laissé complêtement froid, alors que mes amis pleuraient presque d’émotion. Non, la musique n’a
      rien d’universel: elle est au contraire liée à la culture dans laquelle nous avons été éduqués.

      Les sciences ont, elles, une dimension universelle: mais cela et aussi vrai de l’Histoire que de la physique ou les mathématiques (qui ne sont pas, stricto sensu, une science). Le théorème de
      Pythagore est aussi vrai en France qu’en Chine. Mais pas plus que l’affirmation “Napoléon est mort à Sainte Hélène”.

      Comment pouvez vous affirmer que Sénèque , Marc Aurèle , Aristote , Montaigne et Descartes enfin, dans sa philosophie du doute rationnel, n’aient parlés au nom du genre humain dans son
      ensemble.

      Je ne sais pas très bien ce que vous appelez “parler au nom du genre humain”. Je pense que ces philosophes ont parlé a l’humanité dans son ensemble (et non “au nom de”). Mais c’est aussi le cas
      des historiens, des physiciens, des mathématiciens… je ne reconnais pas plus “d’universalité” à Sénèque qu’à Einstein.

      Personne de sensé, ou presque, ne réfute la pertinence de leurs écrits ou enseignements –du moins ramenés à l’état des connaissances de leurs époques-,

      Voilà précisement le noeud de mon propos: pour comprendre la pertinence de leurs écrits ou enseignements, il faut “les ramener à l’état des connaissances de leurs époques”. Et comment voulez-vous
      faire ça si vous n’avez pas l’Histoire pour vous y aider ? Comment “ramener à leur époque” ces penseurs sans connaître justement comment était leur époque ? Vous comprenez maintenant pourquoi
      l’Histoire est pour moi la mère de toutes les autres disciplines: parce que pour comprendre la pensée d’un homme, il faut le replacer en son époque. Et seule l’histoire nous permet de faire
      ça…

      La pratique de la philosophie ne prétend pas exiger la lecture des auteurs souvent abscons et particulièrement beaucoup des siècles derniers. Sa pratique a pour ambition la recherche
      permanente d’un peu plus de sagesse, de curiosité, de capacité d’étonnement, de souplesse d’esprit, de compréhension des évènements qui nous submergent avec de plus en plus d’intensité.

      Je regrette, mais je ne vous rejoins pas dans cette vision new age de la philosophie. La philosophie n’est pas une méthode de “personal improvement”. C’est une connaissance, et comme dans toute
      connaissance on ne peut aller plus loin qu’en incorporant au préalable ce qui s’est fait avant nous. Ce qui veut dire lire des “auteurs abscons”. Il n’y a pas de profit sans effort, comme disent
      les anglais…

      Ah bon ! Je crois entendre là les paroles de mon arrière grand père. C’est du conservatisme pur jus.

      Pourquoi, votre arrière grand père était-il conservateur ?

      Je trouve votre argumentation étrange. D’un côté vous défendez l’idée d’un universalisme intemporel (seule manière de parler de philosophie sans y mêler l’histoire), d’un autre côté vous semblez
      considérer que les paroles de votre arrière grand-père sont inévitablement périmées… Sénèque est actuel, mais votre arrière grand-père est “passé” ?

      L’Histoire nous permet d’évaluer ce qui est possible non pas sur la base d’un “déterminisme” étroit qui serait celui de “l’histoire se repète”, mais justement parce que l’Histoire permet de
      séparer ce qui dans un évènement est lié à la conjoncture, et ce qui au contraire est lié à la structure. Il y a dans l’histoire humaine des constantes qui se repètent, et il y a des variables
      nouvelles qui apparaissent. Lorsqu’on reconnait aujourd’hui à l’oeuvre certains mécanismes qu’on avait déjà observé lors de la crise de 1929 et des années trente, on peut tirer un certain nombre
      de conclusions pour savoir ce qui est faisable et ce qui ne l’est pas.

      J’attire votre attention sur le fait que soutenir la position inverse nous conduit à agir en aveugle. Si l’histoire ne peut dégager des constantes, s’il est impossible d’établir le moindre lien
      entre les causes et les conséquences à l’échelle historique, alors il est impossible de prévoir ce que nos actes donneront comme résultat. Et nous sommes donc réduits à faire de la politique en
      aveugle…

  7. alacoure dit :

    Je constate une fois de plus que n’importe quel détail peut faire débat et engendrer de profonds antagonismes. ici, l’histoire contre la philosophie.

    Or en lisant vos arguments défendant la primauté de l’histoire et ceux défendant la primauté de la philo, je constate qu’ils sont aussi fondés les uns que les autres. Comme si chacun ne pouvait
    dire qu’une partie de la vérité alors que chacun a l’intention (moi le premier) de la décrire en entier à lui seul.

    Je constate que chacun apporte un enrichissement là ou on semble au contraire voir un affrontement destiné à faire disparaître l’argument opposé.

    J’ai tellement souvent constaté ça que j’ai émis une idée ou plutôt un principe que je tente d’appliquer le plus possible. Ce principe est loin d’être un instinct qui me
    serait naturel… J’ai comme tout le monde un penchant à prendre pour ennemi ou au moins adversaire celui qui émet une idée opposée à la mienne. Ce défaut est chez moi certainement plus fort
    que la moyenne. c’est sans doute pour cela que j’ai dû élaborer ce principe-remède. Car non seulement, je constate qu’un affrontement grandissant conduit à une rupture donc à la fin des débats
    donc à la fin de l’enrichissement de l’esprit. Mais en plus, lorsque l’affrontement est encore supportable, ce défaut empêche l’assimilation des arguments opposés et finalement contribue à
    l’extinction du débat. C’est un cercle vicieux.

    Voilà le principe qui me fait durer dans les débats. Il fonctionne tellement bien que je voudrais le transmettre à tout le monde avant même de commencer à débattre afin de rendre service à ceux
    qui se font piéger par ce défaut et ils sont très nombreux…J’ai craint hier que vous, Descartes, en fassiez partie. Votre réponse m’a tout à fait rassuré sur ce point.

    Ce principe-remède fonctionne très bien mais malheureusement rien que pour moi la plupart du temps car je le transmets à mes “adversaires” au moment où je les sens à
    l’agonie et ils croient que c’est une dernière ruse pour les achever. Donc ils ne le prennent pas en considération car venu trop tard et le débat périclite rapidement. 

    Trève de commentaires, le voici :

    La vérité se trouve entre les gens. Personne n’a accès à la vérité. Tout le monde la voit mais à partir de son propre point de vue individuel que personne ne peut quitter. Chacun se
    fait donc une opinion à partir de ce point de vue qui est tout à fait unique. Ce qui rend unique le témoignage de chaque individu et légitime la liberté d’expression. Personne ne peut rendre
    mieux compte de ce qu’on voit à partir d’un point de vue que celui qui l’occupe. Personne n’a donc à se mettre à la place d’un autre si ce n’est pour lui ravir sa part de liberté d’expression. Ce
    que chacun voit de son propre point de vue constitue son opinion. Elle n’a pas à être contestée. L’opinion de quelqu’un ne peut être modifiée que par lui-même lors de la prise en compte de
    l’opinion des autres. Biensûr, l’opinion qu’on se fait ne peut être que très majoritairement subjective puisque la vision qu’on a de la vérité est extrêment partielle. D’innombrables facettes de
    la vérité ne sont pas accessibles à un point de vue donné.Et de plus, ce qui est vu peut être interpreté de manière erronée. La seule solution pour confirmer et si possible augmenter la
    part d’objectivité de notre opinion est la multiplication des échanges de témoignages de ce que chacun voit à partir de son point de vue. Des points de vues proches les uns des autres auront
    une partie de leur champ de vision en commun.Leur témoignage donnera donc une perspective différente aux autres, comme une vision en trois dimension. Si des points de vues n’ont absolument aucun
    champ de vision commun, il sera peut-être possible d’en conclure qu’ils sont diamétralement opposés et donc qu’on commence à cerner la vérité.

    Ce principe me semble être nécessaire afin de sortir de la logique de “la raison du plus fort” dans laquelle deux points de vues opposés sont destinés à se combattre en vue de l’élimination d’un
    des deux. Dans cette logique, si l’un a raison c’est que l’autre a tort. Celui qui a raison est forcément le plus fort. Tous les autres points de vues doivent se ranger sous la bannière des deux
    protagonistes. Ils doivent donc faire leur la vision du plus fort de leur plein gré ou de s’y soumetter par la suite. “La raison du plus fort” impose la subjectivité du plus fort à tous les
    autres.

    Ce principe-remède permet de remplacer la logique de “la raison du plus fort” par la quête de la Raison qui n’appartinet à personne et dans laquelle la confrontation des diverses opinions
    enrichit l’opinion de chacun par un accroissement de sa part d’objectivité.

    Je vais mettre ce principe dans le forum escouade de jlm. Si vous le trouvez utile et que vous vouliez y apporter des améliorations, n’hésitez pas.

    • Descartes dit :

      Je constate une fois de plus que n’importe quel détail peut faire débat et engendrer de profonds antagonismes. ici, l’histoire contre la philosophie.

      Je ne vois pas un “profond antagonisme” là dedans. Marcailloux et moi aimons le débat “chaud”, et on exprime chacun notre position avec force. Cela ne nous empêche pas d’être profondément
      d’accord sur beaucoup de choses, et notamment sur la nature du débat.

      Or en lisant vos arguments défendant la primauté de l’histoire et ceux défendant la primauté de la philo, je constate qu’ils sont aussi fondés les uns que les autres.

      Bien sur. Simplement, nous partons d’hypothèses différentes. Le débat permet justement de comprendre quelles sont ces hypothèses. Marcailloux part d’une hypothèse “universaliste” (d’ailleurs avec
      une contradiction que j’ai signalé dans ma réponse) selon laquelle chaque penseur s’exprime en dehors du temps. Il n’a donc pas besoin de l’Histoire pour le comprendre. Moi, je pars d’une vision
      historiciste dans laquelle un penseur n’est compréhensible que dans la mesure où l’on connaît son contexte, et c’est pourquoi j’ai besoin de l’Histoire…

      Je constate que chacun apporte un enrichissement là ou on semble au contraire voir un affrontement destiné à faire disparaître l’argument opposé.

      Je ne pense pas, justement, que ni Marcailloux ni moi voudrions voir disparaître l’argument opposé. En ce qui me concerne, un monde où tout le monde serait d’accord avec moi est le plus proche
      que je puisse imaginer d’un enfer.

      Personne n’a accès à la vérité.

      Non. Mais certaines en ont moins accès que d’autres…

      Je ne partage pas votre oecumenisme. Non, chacun n’a pas un morceau de la vérité. Chacun fait des hypothèses, construit son raisonnement et arrive à ses conclusions. Et si personne ne possède la
      vérité, il y a des hypothèses plus conformes aux faits que d’autres, des raisonnements plus absurdes que d’autres. Et donc des conclusions plus valables que d’autres. Celui qui observe les faits
      et construit un raisonnement logique ne possède pas pour autant la vérité. Mais il a plus de chances de s’y approcher que celui dont l’hypothèse de base est “mon opinion est vraie”.

       

  8. marc malesherbes dit :

    n’étant pas militant, je me mèle à ce débat d’une façon bien externe.

    Ce qui m’intéresserai serait de mieux savoir ce que sont les militants d’aujourd’hui, et surtout le sens que l’on donne à ce terme.

    Prenons le parti socialiste, (ou le PCF).
    Comment définir les militants ?
    Ils sont adhérents, ils distribuent des tracts, font du porte à porte, assistent aux réunions, écrivent sur internet ?
    Il y a aussi les salariés d’une “collectivité” PS (PCF). Ils sont adhérents par “précaution”. Ils participent un peu (le moins possible).
    Il y a enfin les élus et aspirants élus. Ils sont très actifs. Est-ce ceux-là les vrais militants ?

    Et que dire de tous les “militants” que l’on trouve dans les associations diverses dites “apolitique” (ex: resto du coeur …)

    Bref j’aimerai avoir vos éclaircissements

    nb: d’accord pour la curiosité, et les lectures variées. Mais c’est très difficile. Il est en effet très couteux “psychologiquement” de remettre en cause sa vision du monde, ses “certitudes”.
    Pour vous tâquiner, votre vision “dogmatique” des classes moyennes me fait sourire. Elle fait partie de ce qui serait très coûteux pour vous d'”interroger”.

    • Descartes dit :

      Ce qui m’intéresserai serait de mieux savoir ce que sont les militants d’aujourd’hui, et surtout le sens que l’on donne à ce terme.

      J’utilise ce mot dans le sens qu’on lui donne traditionnellement dans le mouvement ouvrier: le militant est celui qui, pour ce qui concerne l’action politique, se soumet volontairement à la
      discipline d’une organisation. Bien entendu, cette discipline est différente selon les organisations: le “militant” de LO est bien plus encadré que le “militant” radical. C’est pourquoi le mot
      “militant” n’a pas la même signification selon l’organisation.

      Mais c’est très difficile. Il est en effet très couteux “psychologiquement” de remettre en cause sa vision du monde, ses “certitudes”. Pour vous tâquiner, votre vision “dogmatique” des
      classes moyennes me fait sourire. Elle fait partie de ce qui serait très coûteux pour vous d'”interroger”.

      Il serait certainement “couteux”, non pas pour la raison que vous mentionnez, mais parce que j’ai beaucoup travaillé dessus pour essayer de construire une théorie – qui vaut ce qu’elle vaut. On
      n’aime pas voir son travail détruit. Mais je ne considère pas ma théorie comme un “dogme” et je suis “psychologiquement” prêt à entendre une contestation raisonnée.

  9. alacoure dit :

    L’histoire permet d’expliquer beaucoup de chose, c’est indiscutable. Mais elle doit expliquer une chose et son contraire, bien souvent. Donc dire qu’on peut tirer des enseignements de l’histoire
    est vrai mais à condition de ne pas être absolu.

    Comment expliquer qu’il y avait entre 1940 et 1945 des collabos, des résistants et surtout des gens qui n’étaient ni l’un ni l’autre ? c’est facile de répondre que l’immense majorité avait peur
    de s’engager, de prendre partie pour l’un des deux protagonistes.

    Mais alors comment expliquer sur cette base de la peur ou du manque de courage, que parmi ces gens qui ne se sont pas engagés, certains ont caché des gens recherchés et même des
    gens persécutés. Quand on s’engage on prend des risques mais aussi on en fait courir à ceux d’en face. On ne met pas sa peau en jeu gratuitement. Ce n’est pas à sens unique.

    Mais celui qui justement ne s’est pas engagé, son action de cacher faisait de lui une cible sans la contrepartie de pouvoir se défendre. Je dirais que parmi les prétendu manque de
    courage, se cachait le courage le plus grand. Quel enseignement historique en tirer ? 

    Dans les années 30 le communisme était un des protagonistes de l’affrontementt politique. Pas le pire. Mais était-il inconcevable pour quelqu’un de la gauche radicale
    de soupçonner que l’URSS n’était pas le paradis espéré ?

    On peut se laisser porter par le courant de l’histoire….mais pourquoi des gens comme Souvarine avait déjà dénoncé ce système liberticide pendant que d’autres beaucoup plus nombreux
    espéraient son avénement ? Rudolph Rocker, certes anarchiste et pas communiste, décrivait le communisme en 1938 comme des gens aujourd’hui encore n’y parviennent pas. Non seulemnt
    l’histoire ne semble pas permettre de rendre compte de la complexité humaine mais lorsqu’elle le peut de manière indiscutable elle peut être contestée par ceux que la vérité n’arrange pas.

    • Descartes dit :

      Comment expliquer qu’il y avait entre 1940 et 1945 des collabos, des résistants et surtout des gens qui n’étaient ni l’un ni l’autre ? c’est facile de répondre que l’immense majorité avait
      peur de s’engager, de prendre partie pour l’un des deux protagonistes.

      Il y avait la peur, il y avait surtout l’intérêt. Si l’histoire enseigne quelque chose, c’est que les gens qui s’engagent pour une idée sont en général très minoritaires. L’immense majorité des
      gens s’engage par intérêt. Or, quel était l’intérêt de l’immense majorité des français ? Il ne faut pas oublier que le STO a poussé bien plus de gens dans la résistance que la persécution des
      communistes, des francs-maçons ou des juifs. Pourquoi ? Parce qu’elle touchait beaucoup plus de monde…

      On peut se laisser porter par le courant de l’histoire….mais pourquoi des gens comme Souvarine avait déjà dénoncé ce système liberticide pendant que d’autres beaucoup plus
      nombreux espéraient son avénement ?

      Parce que les gens avaient envie de croire. Et quand on a envie de croire, toute rationnalité disparaît. Quand on relit ce que des gens très intelligents et cultivés ont écrit à l’époque, on voit
      qu’ils professaient de croire en une URSS qui était matériellement impossible. Ils ne pouvaient donc pas ignorer que ce qu’ils croyaient était faux. Et ils le croyaient quand même…

      Plus près de nous, une majorité de français – gauche et droite confondue, d’ailleurs – a cru, en 1981 qu’un ancien cagoulard, vichiste, algérie française et escroc allait “changer la vie”. Quand
      on veut croire…

       

  10. alacoure dit :

    Je ne vois pas un “profond antagonisme” là dedans. Marcailloux et moi aimons le débat “chaud”, et on exprime chacun notre position avec force. Cela ne nous empêche pas d’être profondément
    d’accord sur beaucoup de choses, et notamment sur la nature du débat.

    J’ai utilisé votre échange avec Marcailloux pour illustrer mon propos. C’est probablement abusif en effet de parler de profond antagonisme entre vous. Que voulez-vous… les faits sont les
    faits comme vous dîtes… mais les faits sont parfois utilisés de manière abusive et ici c’est moi qui en ai abusé. D’autre part, il faut que je vous prévienne : je n’ai pas une utilisation des
    mots très rigoureuse. Je n’ai pas un niveau irréprochable d’instruction. Mon parcours a été cahotique. Ne prenez pas mes mots au pied de la lettre. N’hésitez pas à me corriger, ça me fera
    progresser. Si pour débattre, c’est l’intention qui compte on s’entendra toujours. Quand ma femme n’a pas envie de parler, elle “accroche” sur un mot que j’ai mal employé et la conversation
    dégénère. Mon fils, au contraire, qui est adorable me dit : “papa, je comprends ce que tu veux dire, mais ce n’est pas le bon mot pour le dire”. Ca change tout, n’est-ce pas ? 

    Marcailloux part d’une hypothèse “universaliste”. Moi, je pars d’une vision historiciste

    J’avais bien compris ça. Je ne fais qu’insiter pour que ces deux approchent s’additionnent car elles sont autant valables l’une que l’autre.Elles seraient nulles, au contraire, si elles
    supposaient que l’autre est exclue. C’est même un excellent exercice que de penser soi-même parfois en s’affranchissant de l’histoire et parfois en étant totalement dépendant d’elle. A
    un moment, réfléchir à ce qui serait souhaitable indépendamment de ce qui a déjà été réalisé dans le passé. Et à un autre moment, considérer que ce qui est réalisable doit
    trouver un exemple dans le passé. La vérité doit certainement être entre les deux. A quelle distance de l’un et de l’autre reste à déterminer. Mais je n’imagine pas un instant que vous
    vouliez dire que tout ce qui peut arriver dans l’avenir doit se retrouver dans l’histoire. L’histoire elle-même est pleine de nouveauté, de choses qui sont apparue, à un moment donné, pour la
    première fois.

    Je ne partage pas votre oecumenisme.

    Le paragraphe qui suit cette déclaration me paraît en contradiction avec elle. Car je n’y trouve rien à redire. Ce paragraphe me donne l’impression que nous parageons la même façon de voir. Vous
    dîtes que personne ne possède la vérité (moi aussi). Vous dîtes qu’on ne peut que s’en approcher (moi aussi); Ah…c’est peut-être que lorsque je dis qu’elle se trouve entre les gens, vous pensez
    que cela signifie pour moi qu’elle est à égale distance de tous, de celui qui réfléchit, s’instruit, échange, etc…comme de l’ignorant qui refuse d’aquérir le moindre savoir ? Il faut que
    je me relise car si j’ai oublié ça c’est grave. Non, je pense qu’elle est entre les gens (ce qui fait que tout le monde est convié à s’exprimer) mais bien entendu elle est plus proche de certains
    que d’autres. Mais attention au hiérarchisme ! si on part de l’idée que celui qui est instruit est plus près de la vérité, on aboutit immanquablement à ce que l’ignorant se taise. Et c’est ce
    qu’il fait depuis toujours et qui fait qu’il le reste. Et là nous rentrons peut-être dans ces 10% de désaccord…(voir le post concernant le stress)

    • Descartes dit :

      Je ne fais qu’insiter pour que ces deux approchent s’additionnent car elles sont autant valables l’une que l’autre.

      Non, NOn, NON ! Pourquoi vouloir à tout prix nier les différences et trouver une unité là où elle n’existe pas ? Nos deux approches ne “s’additionnent” pas puisqu’elles s’excluent. Admettons nos
      différences et essayons de les comprendre. Cela me paraît bien plus productif que de les ignorer.

       

       

  11. alacoure dit :

    Pourquoi vouloir à tout prix nier les différences et trouver une unité là où elle n’existe pas ? Nos deux approches ne “s’additionnent” pas puisqu’elles s’excluent. Admettons nos différences
    et essayons de les comprendre. Cela me paraît bien plus productif que de les ignorer.

    Non seulement je ne veux pas nier les différences mais en plus je fais tout ce que je peux pour promouvoir l’expression de ces différences. La liberté d’expression de chaque individu
     passera de la théorie à la réalité lorsque chaque individu sera absolument convaincu de son droit à émettre une opinion différente de celle qu’il entend.Je ne parle évidemment pas de la
    liberté d’expression du plus fort car celle ci à toujours existé. Je parle de la liberté d’expression du plus faible qui n’existe toujours pas deux siècles après la révolution. Elle existe sur le
    papier seulement.

    Pour admettre les différences et les comprendre ne faudrait-il pas justement commencer par cesser de croire qu’elles s’excluent. Si vous regardez une mapemonde et que vous voyez l’Europe, celui
    placé diamétralement opposé à vous dira qu’il voit l’océan pacifique. En quoi ces deux témoignages s’exclueraient-ils ?

    Vos deux témoignages décriraient la même réalité (ici la Terre) vue de deux points aux antipodes l’un de l’autre. Il est faux de dire qu’il n’y a sur Terre que l’Europe et il est aussi faux de
    dire qu’il n’y a que le Pacifique.

    Peut-être pensez-vous que ce que je dis signifie la nécessité de faire des concessions, qu’on s’approche de la réalité par une série de concessions. Ce que je veux dire est le contraire
    : dans la mesure ou celui en face de soi est assuré de sa liberté totale de dire les choses comme il les voit, il n’y a alors plus la moindre concession à faire sur ce qu’on voit. Et
    c’est évidemment réciproque. Il est impossible dès lors d’en venir à penser “ah oui maintenant que vous le dîtes peut-être bien que je vois le Pacifique et la France tous
    mélangés”. La seule concession à faire est avant le débat. Elle s’appelle “la liberté d’expression”.

    En ne faisant aucune concession dans son témoignage (en présence d’une réelle liberté d’expression, évidemment) on finirait par avoir un témoignage le moins influencé possible et donc le plus
    intéressant possible pour être additionné à tous les autres.

    • Descartes dit :

      Si vous regardez une mapemonde et que vous voyez l’Europe, celui placé diamétralement opposé à vous dira qu’il voit l’océan pacifique. En quoi ces deux témoignages s’exclueraient-ils ?

      En rien, parce qu’ils ne portent pas sur le même objet. Il est évident que “les coquelicots sont rouges” et “les tournesols sont jaunes” sont des affirmations qui ne s’excluent nullement. Mais ce
      n’est pas ce qui est en cause ici. La question ici, c’était deux analyses contradictoires du même objet. Il est clair que “les coquelicots sont rouges” et “les coquelicots sont jaunes” sont deux
      affirmations qui s’excluent mutuellement. Elles ne peuvent pas être simultanément vraies.

       

  12. alacoure dit :

    En rien, parce qu’ils ne portent pas sur le même objet.

    Mais que si ! L’objet commun est la Terre. Les coquelicots et les tournesols n’ont rien à faire dans cet exemple.

    Lorsque deux personnes sont amenées à dire comme elles voient la Terre (d’après une mapemonde), si elles sont diamétralement opposées, elles voient ce même objet tout à fait différemment et
    pourtant elles ont toutes deux raison. Et elles auraient toutes deux tort si elles voulaient s’exclure l’une l’autre. 

    • Descartes dit :

      Mais que si ! L’objet commun est la Terre.

      Mais non! L’objet de leur observation ne peut pas être la terre, puisqu’ils ne peuvent pas la voir entière. L’objet de l’observation de chacun des observateurs dans votre example est une partie
      de la terre. Et comme ils n’obserent pas la même partie, ils ne parlent pas du même objet.

       

  13. Marcailloux. dit :

    Bonjour à tous et particulièrement à Alacoure,

    Je ne voudrais pas paraitre voler au secours de Descartes, qui n’en a, au demeurant pas besoin, or, l’opposition apparente de deux points de vue antagonistes procède, pour ma part en tout cas,
    d’une volonté stratégique. Le terme est fort. L’enjeu me parait vital. Nous vivons dans un univers qui nous submerge d’informations, de stimulis, d’évènements qui accélèrent le temps. Ma grand
    mère, qui était une croyante assidue vivait dans la première partie du XXème siècle dans un triangle dont les sommets étaient mon grand père, sa maison et le curé. C’est un peu une image.
    Aujourd’hui, son petit fils que je suis, est en contact, par média interposés, avec chaque jour des centaines d’acteurs sur la planète.Tous agissent avec le sentiment légitimite d’être dans le
    vrai. Se pose alors le problème pour chacun d’entre nous, d’avoir à se forger une conviction. Elle ne sera jamais que le résultat d’un ensemble de croyances, car la vérité est rarement
    accessible. Elle sera construite à partir de notre équation génétique – pour faire simple – ainsi que de notre passé. Mais cet édifice est instable, il ne repose que sur deux pieds: le monde et
    moi même. Pour renforcer cet ancrage dans le réel, j’organise – c’est là que la stratégie personnelle intervient – un troisième point d’appui constitué par une confrontation de mon raisonnement
    par le débat. Encore faut-il que cette confrontation soit productive. Et alors j’intègre un, ou plutôt des points de vue qui augmentent, même si je ne les fait pas systématiquement miens, mon
    champ de compréhension du monde dans lequel je suis plongé.

    Descartes, par son blog, représente un élément important pour moi, dans cette démarche vers l’objectivité. Les réponses sont souvent comme un gand de crin. Ça cuit, mais ça décrasse. Puisque sur
    son blog, il est le patron, il choisit le sujet, la thèse qu’il développe, l’antithèse qu’il suggère de notre part et,  finalement, par ses réponses il apporte la synthèse porteuse de sa
    vérité. Le gagnant, dans l’affaire, sera celui ou ceux qui sauront tirer profit intellectuel de la contreverse, et c’est pourquoi je n’ai de cesse de le remercier de son action.

    Bonne journée à tous.

  14. Debon dit :

    “L’opposition entre Histoire et Philosophie est l’opposition entre ceux qui veulent faire de la politique à partir du réel et ceux qui veulent la faire à partir de “principes””.

    Au secours ! Burke a pris le contrôle du blog de Descartes.

  15. alacoure dit :

    à Mercailloux,

    Avez-vous la moindre impression d’être en désaccord avec moi ? Pour ma part, je n’ai pas un mot à critiquer de votre texte d’avant-hier. Et notamment les compliments à l’égard du bolg présent et
    de l’esprit général de Descartes.

    Il n’y a entre lui et moi que 10% (à la louche) de désaccord. Mais c’est du lourd. Je condamne l’autoritarisme et le hiérarchisme qui va avec. Lui, prétend (si j’ai
    bien compris) qu’ils sont à la base de tout et donc de ce qui est bon. Pour moi, la clé du déblocage du progrès entre les humains se trouve dans l’affaiblissement de ces
    deux maux.

    Pour en revenir à vos propos : je tente avec mes modestes moyens de trouver une planche de salut pour notre culture occidentale. Comment lui faire accepter de trouver sa place dans un monde
    qu’elle ne domine plus. Comment faire en sorte qu’elle se sente l’égale des autres, que cette descente vertigineuse de son piédestal ne soit vécue comme une infériorité. Car comment vivre la
    fin de notre supériorité supposée éternelle sans tomber dans l’idée que pour avoir commis une telle erreur de jugement, il fallait être inférieur. Comment faire en sorte de ne pas
    passer d’une extrême à l’autre ?

    Notre opinion est forgée par une domination de 500 ans. Dîtes à n’importe quel de nos concitoyens que d’être tous égaux signifie que tous les hommes sur Terre sont égaux et vous déclencherez
    automatiquement un petit sourire gêné. Personne ne croit en l’égalité. Deux cents ans après la révolution ! Tous savent bien qu’ils l’ont appris et que c’est la base de la république. Mais c’est
    une phrase qui ressemble à une de ces phrases qu’on récitait à l’église. La vérité c’est que personne ne croit qu’on puisse dominer tous les autres peuples pendant 500 ans sans être supérieurs.

    Et si vous êtes môche et que vous dîtes à un beau que nous sommes tous égaux, il sourira de la même gêne. Ce sentiment de supériorité que nous avons vis à vis des autres peuples existe aussi
    entre les individus à l’intérieur de notre peuple. Et jusqu’à cette futilité qu’est l’apparence physique. 

    La raison du plus fort a forgé des chaînes à l’esprit humain. Tout le monde redoute plus que tout l’égalité qui prouverait la fausseté de notre supériorité et serait le basculement possible
    vers notre infériorité.

    Il faut trouver les changements, dans notre considération d’autrui, indispensables pour faire de l’égalité un état stable. L’égalité dans la mentalité de la raison du plus fort est l’état le plus
    instable. Il n’est que le point de basculement entre supériorité et infériorité qui sont des états extrêment stables, qui peuvent durer des siècles.

    Si nous ne parvenions pas à rehausser notre degré de civilisation qui permettrait d’accepter les autres autour de la table, nous serions perdus.

      

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