“Messieurs, c’est avec les jeunes cons qu’on vait des vieux cons, plus tard…” (Louis Aragon, 1968)
Un célèbre propriétaire de journal aimait répéter à ses collaborateurs : « souvenez-vous que les lecteurs ne relisent jamais le journal de la veille ». Il avait raison. Et pourtant, rien de plus révélateur – et de plus déprimant – que d’éclairer l’analyse des faits d’aujourd’hui à partir des analyses faites par les mêmes hier. Cela n’éclaire pas nécessairement sur les faits eux mêmes, mais sur ceux qui les commentent.
Les émeutes actuelles en Grande-Bretagne sont un excellent exemple de cet oubli sélectif. En 2005, les commentateurs avaient prix prétexte des violences dans les banlieues françaises pour se livrer joyeusement à un de ces exercices de « haine de soi » dont les élites françaises ont le secret. Les émeutes, c’était le signe de l’échec de « l’intégration à la française » (ou plus précisément, du modèle assimilationniste, car la France n’a jamais été vraiment « intégrationniste » dans les faits). La France était « en retard sur l’Europe » (dixit Le Monde (0)) dans l’adoption de « politiques de reconnaissance de la diversité » qui nous venaient du monde anglo-saxon. Il fallait séance tenante achever le peu qui restait du modèle jacobin-méritocratique d’intégration et donner toute leur place aux références communautaires.
Oui, il faut relire à la lumière de ce discours tout ce qui est publié aujourd’hui sur les émeutes en Grande-Bretagne pour comprendre toute l’inanité de ces propos. Voici au contraire un pays ou aucune entreprise n’oserait se passer des services d’un « diversity officer » chargé justement de vérifier que la politique de ressources humains de l’entreprise fait toute sa place aux différentes « communautés ». Voici un pays où ces mêmes « communautés » sont reconnues et prises en compte en tant que telles. Voici un pays où chacun est libre d’arborer à sa convenance tous les signes de son appartenance communautaire ou religieuse. Et pourtant, les voitures flambent et les magasins sont pillés, dans un déchaînement de violence qui n’a rien à envier (plutôt tout le contraire) à celui de nos « sauvageons ». De toute évidence, nos grands sociologues et journalistes se sont foutu – comme très souvent – le doigt dans l’œil. Et pourtant, personne ne semble vouloir faire amende honorable…
Le fil conducteur de ces émeutes ont cependant un élément commun qui devrait sauter aux yeux : ceux qui pillent les magasins et incendient des voitures sont dans leur immense majorité des jeunes. Ce n’est pas une question ethnique : en 2005, on avait vu parmi les émeutiers des jeunes d’origine maghrébine, des jeunes africains, antillais, mais aussi des jeunes blancs, et on voit la même chose aujourd’hui en Grande Bretagne. Par contre, rares dont les adultes qui se livrent à ce genre d’amusement. On ne voit pratiquement que des jeunes. Ce n’est pas l’identité ethnique qui prime, mais l’identité de génération.
Ce fait permet de faire un sort à ceux qui y voient une « révolte ethnique ». Après tout, pourquoi les jeunes noirs ou maghrébins de vingt ans devraient être plus « révoltés » contre le racisme ou la persécution que les quadragénaires de même origine, qui sont soumis eux aussi au même regard raciste et aux mêmes discriminations ? Si telle était l’origine du mouvement, on aurait du voir les adultes se mettre du côté des émeutiers (même si pour des raisons évidentes une participation physique était plus rare). Or, c’est plutôt le contraire qu’on observe toujours : les adultes ont cherché à prévenir et calmer les violences, pas à les attiser. L’identité de génération permet aussi de réfuter les théories qui font de ces émeutes des émeutes de la pauvreté. Dans les émeutes de 2005 en France, les pillages ont été rares et on a assisté plutôt à la destruction gratuite de biens publics ou privés. En Grande Bretagne, les pilleurs n’ont pas saccagé les magasins qui vendent des produits de première nécessité, mais ceux vendant du superflu. On n’a pas pillé les magasins d’alimentation, on est allé chercher des écrans plats et les vêtements de marque. Pour une « émeute de la faim », c’est plutôt curieux (1).
Il faut donc laisser de côté les réponses simplistes – et qui permettent de justifier des préjugés préexistants pour se concentrer sur les faits. Si ce qui réunit les émeutiers c’est leur âge, alors il faut chercher les explications de ce côté-là.
Jeunesse, divin trésor…
D’abord, regardons la réalité en face : même si cela peut défriser quelques « victimistes », il faut admettre que jamais, dans toute l’histoire de nos pays, la jeunesse n’aura été aussi choyée.
D’abord, jamais la jeunesse n’aura jamais été aussi longue : il y a de cela un siècle, une partie non négligeable de la population commençait à travailler dès la sortie de l’école primaire obligatoire, c’est à dire, vers 13 ans. Vers 16 ans, les jeunes gens étaient supposés pouvoir travailler le même horaire qu’un adulte et toucher la même paye. A 18 ans, on partait à l’armée, et au retour on se « mettait en ménage ». A vingt ans, la jeunesse était finie et on faisait partie du monde adulte, avec toutes les responsabilités qui allaient avec. Ce n’est que dans les classes très privilégiées qu’on pouvait se permettre de rester « jeune » est insouciant quelques années de plus, le temps de finir des études longues.
Ensuite, jamais la jeunesse n’aura été matériellement aussi riche. Cela tient à la combinaison de deux facteurs : d’un côté l’enrichissement continu qui en cinquante ans a plus que doublé la richesse disponible et permis à tous, même aux plus pauvres (2), d’atteindre un niveau de vie et de consommation inconcevable pour les générations précédentes. D’un autre coté, la diminution du nombre d’enfants par famille fait que cet enrichissement se partage entre moins de bouches. L’âge d’accès aux divers biens (téléphone, mobylette, voiture, stéréo) ne cesse de baisser, sans compter l’accès à de nouveaux biens et services (téléphone portable, ordinateur) inconnus des générations précédentes. L’obsession de la « marque » qui fait partie aujourd’hui du monde « jeune », y compris dans les quartiers les plus modestes, n’est qu’un signe parmi d’autres de cet enrichissement : dans la mesure où le bien est accessible à tous, le seul signe qui permet de se différentier est la marque. Quand les motos étaient rares, on enviait celui qui en avait une, quelque en fut la « marque ». Ce n’est que quand avoir une moto devient relativement banal que l’on commence à différencier celui qui a une Harley de celui qui doit se contenter d’une Honda…
Enfin, jamais la jeunesse n’aura été aussi chouchouté. Hier, le jeune était confié à des institutions dont la priorité n’était nullement l’épanouissement du jeune, mais la satisfaction d’un besoin social. La famille voulait un jeune qui s’insère dans le tissu économique, qui puisse reprendre la ferme et entretenir ses parents devenus vieux. L’école était là pour former les citoyens et les travailleurs dont le pays et son économie avaient besoin. Sans parler de l’armée, dont le but était de former le soldat qui allait reprendre nos provinces perdues. Aujourd’hui, c’est fondamentalement différent : le monde adulte est sommé de se soucier avant tout de « l’épanouissement » du jeune. C’est le cas dans la famille : avec le fait que l’enfant aujourd’hui est forcément un enfant désiré – puisque grâce au contrôle des naissances on peut choisir – les parents portent une charge émotive écrasante de rendre heureux le petit être qu’ils ont amené au monde, même lorsque ce petit être est devenu une espèce de masse informe affalée sur le canapé du salon. L’école, quant à elle, déclare que le jeune est « au centre » de l’institution, et de savants pédagogues prescrivent de ne pas le traumatiser – par exemple en lui révélant sa totale nullité ou la mauvaise qualité de son travail. Quant à l’armée… la suppression du service militaire obligatoire lui a enlevé tout rôle dans la formation des jeunes.
Comment expliquer alors que cette jeunesse plus riche, plus libre, plus choyée que celles qui l’ont précédée mette le feu à des voitures et pille des magasins ? En fait, la jeunesse a toujours posé un problème, et cela fut vrai dans toutes les civilisations. Les auteurs grecs se plaignaient déjà des « excès de la jeunesse », et on trouve dans la littérature du temps toutes sortes de récits des « dépravités » des jeunes étudiants parisiens en Sorbonne. Car la jeunesse est un âge qui pose un problème particulier : c’est l’âge où l’on accède à l’intégralité de ses capacités physiques et intellectuelles, et ou l’on veut les exercer. Mais le jeune n’arrive pas dans un monde vierge : il arrive au contraire dans un monde peuplé d’adultes qui étaient là avant lui, et qui n’ont aucune raison de changer leur manière de fonctionner simplement parce qu’il y a un nouveau venu. D’autant plus que cette manière de fonctionner fait partie d’une longue chaîne de transmission qui a ses racines dans un passé qui peut être très lointain. Il y a donc une tension inévitable, le temps que le jeune accepte et comprenne la nécessité d’assimiler les règles et les codes qui feront de lui un individu capable de s’insérer dans les limites et les exigences d’une vie sociale.
Ce passage de la jeunesse à l’âge adulte était naguère relativement court : l’armée, l’usine, les obligations de la vie familiale faisaient rapidement entendre raison aux récalcitrants. Et c’était très bien ainsi : en éliminant les traces de la toute-puissance enfantine, on préparait des êtres capables de fonctionner dans le monde réel, avec ses merveilles et ses contraintes. En un mot, le but de la société était de former des adultes.
Mais dans la société du « cocooning » et de l’irresponsabilité dans laquelle nous sommes, la jeunesse s’allonge dangereusement et menace d’occuper une partie importante de la vie. Les « Tanguy » deviennent une légion. Et ce n’est pas étonnant : dans la mesure où notre société encourage l’idée que la jeunesse éternelle serait un idéal, et que le passage à l’âge adulte serait une déchéance et une perte (3), il n’est pas étonnant de voir se multiplier un secteur croissant de la population qui possède les capacités physiques et juridiques de l’adulte, mais qui n’a pas les outils psychologiques et intellectuels pour prévoir et assumer les conséquences de ses actes. Cette population vit dans un monde « ludique », où tout est un jeu sans conséquence. Et lorsque ces « jeux » ont des conséquences tragiques, les « joueurs » en sont les premiers surpris. C’est d’ailleurs ce qu’il y a de plus remarquable dans l’attitude des « émeutiers », mais aussi des jeunes qui participent à des « tournantes » ou à des affrontements entre bandes : la surprise – et souvent l’incrédulité – devant les conséquences de leurs actes. Le jeune vous expliquera : « Monsieur, je n’avais pas voulu le tuer »… mais il lui a enfoncé le couteau dans le ventre quand même. Que croyait-il qu’il allait arriver ? Que l’écriteau « game over » allait s’allumer et que son copain se mettrait debout comme si de rien n’était ?
C’est pourquoi les « émeutes de jeunes » sont des carnavals – au sens médiéval du terme – des fêtes barbares où l’ordre et les hiérarchies du monde adulte sont subverties temporairement. Et comme pour le carnaval, ces fêtes sont sans antécédent et sans lendemain. Elles peuvent être déclenchées par n’importe quel événement ou rumeur, et après une période de tension la fièvre retombe aussi vite qu’elle était montée – souvent lorsque des intérêts économiques souterrains sonnent la fin de la fête – et on revient au statu quo ante. Six ans après 2005, qu’est-ce qui a vraiment changé dans les quartiers ?
La jeunesse, âge sot.
La civilisation humaine progresse par accumulation. Pour reprendre la magnifique formule de Newton, si nous voyons plus loin que nos ancêtres, ce n’est pas parce que nous sommes plus grands qu’eux, mais parce que nous sommes assis sur leurs épaules. Or, la jeunesse est par essence l’âge où l’accumulation est impossible. Chacun de nous se souvient de ses parents adultes. Lorsque nous sommes placés dans la même situation, nous pouvons donc tirer des leçons de la manière dont eux ont vécu. Nous ne pouvons par contre pas, par définition, nous souvenir de nos parents jeunes. Nous ne pouvons donc rien apprendre d’eux sur la manière de vivre notre jeunesse, si ce n’est à travers des histoires que la génération précédente peut nous raconter, histoires toujours corrigées à travers le prisme du monde adulte. Voilà d’une certaine manière le grand problème de la jeunesse : nous apprenons à être adultes de la génération qui nous précède, et nous pouvons donc apprendre de leurs erreurs ; mais pour apprendre à être jeunes, nous n’avons que nos pairs. Chaque génération de jeunes est donc condamnée à refaire les erreurs de celle qui l’a précédée. C’est pourquoi les jeunes d’aujourd’hui ressemblent plus aux jeunes d’il y a un siècle que les adultes d’aujourd’hui aux adultes de 1911.
La génération de mai 1968 marque de ce point de vue une rupture. Les générations précédentes ont aussi eu des jeunesses turbulentes, mais comme disait l’adage, « il faut bien que jeunesse se passe », et effectivement elle se passait : au bout d’un certain temps ces classes d’âge ont intégré un monde adulte et joué leur rôle dans la grande chaîne de la transmission. La génération 1968 a ceci de particulier qu’elle a réussi, comme Peter Pan, à ne pas vieillir. Elle n’a jamais intégré le monde adulte : elle a au contraire imposé son rêve d’éternelle jeunesse au reste de la société. Mais comme disait Marx, un adulte ne peut redevenir enfant sans être puéril. Et comment une génération qui a bâti sa vision sur un rejet de tout ce qui est adulte peut un jour devenir adulte à son tour sans se renier ? Si Cohn-Bendit et ceux qui ont été jeunes avec lui prétendent à 65 ans passés incarner toujours « les valeurs de la jeunesse », comment ceux qui ont aujourd’hui 25 ans pourraient-ils devenir adultes ? Car lorsqu’une génération prétend prolonger sa propre jeunesse indéfiniment et refuse d’assumer les responsabilités, c’est la suivante qui se retrouve sans modèle adulte.
La rupture de 1968 a construit un discours envers la jeunesse empreint d’une monstrueuse démagogie : on explique aux jeunes qu’ils sont l’espoir, l’avenir, la générosité, l’imagination dans un monde adulte présenté comme désespérant, statique, égoïste, cynique (4). Comment dans ces conditions peut-on proposer aux jeunes de devenir adultes ?
Dans l’univers mental « communautariste » dans lequel fonctionnent les classes bavardantes aujourd’hui, on a tendance à faire de « la jeunesse » une communauté de plus. Il n’y a qu’à voir les textes sur « les droits de la jeunesse » et autres balivernes du même style que publient certains partis politiques, dont certains vont jusqu’à proposer un « statut du jeune ». Ce que ces gens oublient, c’est que la jeunesse est par essence un état temporaire et éminemment éphémère. Que le jeune est un être un devenir, pas un être achevé. Que devenir adulte – c’est-à-dire, un être libre de ses actes et capable d’en assumer les conséquences – est un but désirable, et non pas une malédiction qu’il faut fuir. Que ce passage soit douloureux, nul ne le conteste : la prise de conscience que nos désirs ne sont pas tous réalisables, que tous ont un coût, et que beaucoup d’entre eux ne sont pas possibles dans une société civilisée est un processus douloureux. Oui, des jeunes se mettront en danger pour prouver qu’ils sont « capables » de s’assumer. Oui, ils essayeront quelquefois de se faire leur place par la violence pure avant de comprendre que ce n’est pas ainsi que le monde fonctionne. C’est inévitable. A nous, adultes, de trouver les manières de minimiser les dégâts. Si la société a un devoir envers ses jeunes, c’est de les aider à franchir au moindre coût – en termes de violence, de frustrations, de souffrance – le pas qui amène de l’enfance à l’âge adulte. Mais nous ne pouvons le faire que si nous sommes persuadés que ce passage est nécessaire, et que le statut d’adulte est un statut désirable. Il s’agit de donner aux jeunes une perspective dans le monde adulte, et non pas de les encourager par des « droits » en pagaille, des « statuts » démagogiques et un paternalisme qui ne dit pas son nom à rester de leur côté de la barrière. Dans ce monde ou l’on est sommé d’être « fier » de ce qu’on est, nous devrions porter des autocollants « fier d’être adulte ».
Descartes
(0) Ce qui rend d’autant plus comique l’éditorial du Monde daté d’aujourd’hui : dans cet éditorial, on brode sur les méchants médias anglo-saxons qui en 2005 avaient claironné la supériorité de leur modèle. Le « quotidien de référence » oublie un peu vite qu’il avait à l’époque hurlé avec les loups…
(1)A ce propos, il est révélateur de constater que les grandes émeutes sont très espacées dans le temps. Il est rare qu’une même génération fasse deux fois l’expérience : entre les grandes émeutes anglaises de 1980 et celles de 2011 il y a trente ans d’écart, autant dire une génération. Comme si les tensions accumulées auxquelles l’émeute sert d’exutoire mettaient très longtemps à se reconstituer. Cela aussi va contre les explications simplistes « racisme-misère ». Ces causes étant présentes en permanence, les émeutes devraient être quasi continues…
(2) Pour les adeptes de la pleurnicherie continue, voir sur le site de l’INSEE les tableaux du niveau de vie. S’il est exacte que les plus riches se sont enrichis plus rapidement que les plus pauvres, il est incontestable que même les premiers déciles ont vu leur niveau de vie augmenter. Les discours misérabilistes qui racontent que « les pauvres sont toujours plus pauvres » ne sont vrais qu’en termes relatifs. En termes absolus, les pauvres sont chaque fois plus riches…
(3) Quelquefois on va encore plus loin, lorsqu’on encourage les gens à « garder leur âme d’enfant »….
(4) A ceux qui auraient tendance à dire que ce n’est que la vérité, je les invite à considérer la manière dont les « jeunes » organisent leurs petits trafics, les harcèlement par téléphone portable interposé, les embuscades et les coups de couteau pour un regard mal placé. Non, les jeunes ne sont pas plus « généreux » ou moins « cyniques » que les adultes. Plutôt le contraire.
Article remarquable, une nouvelle fois. En tant qu’enseignant, je me retrouve complètement dans votre discours sur l’éducation en général et Nationale en particulier qui amène aujourd’hui les
“jeunes” à ne plus assumer la responsabilité de leurs actes et donc, ainsi que vous le démontrez le refus de devenir adulte, avec de plus l’accord tacite de ceux qui devraient a contrario les
guider vers ce passage à l’état d’adulte.
A lire, à ce sujet, le livre de Didier Plaux et Odile Jacob : “de l’enfant roi à l’enfant tyran’
Merci. Sur ces questions, je ne peux m’empêcher de me souvenir d’un texte devenu classique, les “douze règles pour élever un délinquant” (attribué au Departement de la Police de Houston):
1. Commencez dès l’enfance à donner à l’enfant tout ce qu’il désire. Ainsi, lorsqu’il sera grand, il pensera que tout lui est dû.
2. Quand il dit des gros mots, riez. Cela lui fera croire qu’il est gentil.
3. Ne lui imposez aucun principe moral. Attendez qu’il arrive à 21 ans, pour qu’il puisse “choisir lui même”.
4. Evitez de dire “c’est mal”. Il pourrait développer un complexe de culpabilite. Ainsi, lorsqu’il sera plus tard arrêté pour avoir volé une voiture, il pourra penser que la société est contre
lui et le persecute.
5. Rangez tout ce qu’il laisse trainer. Faites tout à sa place, comme ça il aura l’habitude de rejeter toute responsabilité sur les autres.
6. Laissez-lui lire tout ce qu’il veut. Faites attention à steriliser ses cuillères et ses verres, mais laissez son esprit se nourrir de n’importe quoi.
7. Battez-vous avec votre compagnon devant les enfants. Comme ça, ils ne seront pas traumatisés le jour du divorce.
8. Donnez à votre enfant tout l’argent de poche qu’il veut. Ne lui laissez jamais gagner quelque chose lui même.
9. Il faut satisfaire ses moindres souhaits de nourriture, de boisson et de confort. Veillez à ce que ses moindres désirs sensuels soient satisfaits.
10. Mettez-vous de son côté dans les conflits avec les voisins, les enseignants et les policiers. Tous ces gens-là sont pleins de préjugés contre votre enfant.
11. Lorsqu’il fera une vraie bêtise, excusez vous sur le mode “je n’ai jamais rien pu faire avec lui”.
12. Preparez-vous à une vie pleine de souffrances. Car vous avez toutes les chances de l’avoir.
[Cité par Charles Swindoll. “You and Your Child”. (Nashville, Nelson Pub., 1977) pp. 63-64.]
@ Descartes
Alors là j’ai envie de te dire : “Woh vazy Descartes c abuser !”
Non, globalement, je suis prêt à te suivre sur l’essentiel, mais d’un autre côté je trouve ton propos légèrement caricatural, tout de même.
D’abord, il y a cette (vilaine) habitude consistant à taper sur la génération 68, façon Zemmour – et ce n’est pas ce qu’il fait de mieux. Et dans l’ensemble , je trouve que ton propos est trop
généralisant, voir essentialisant – j’ai bien compris que tu es sur un mode pamphlétaire, et tu fais ça très bien, mais permets-moi de te dire que sur le fond, vazy, t’abuses un peu lol.
Pas de problème quant à la critique du “jeunisme” ambiant. Moi qui étais encore un jeune il n’y a pas si longtemps, je partage tout à fait ton constat selon lequel les jeunes (dont les enfants)
n’ont jamais été si “chouchoutés”, encensés, mis sur piédestal. Quant à moi je suis encore plus navré du peu de considération accordé aux vieux (mais ça va ensemble). Une société qui ne respecte
plus ses vieux, qui ne les écoute plus, est vouée à l’autodestruction par la bêtise.
Je crois qu’on en a une bonne illustration ici (même si en
l’espèce ça va beaucoup plus loin… c’est un exemple un peu extrême !).
Ton analyse sociologique à propos des “émeutiers” britanniques (une histoire de génération plutôt que d'”ethnies”) me semble tout à fait pertinente aussi, mais je n’en dirais pas autant de ton
analyse proprement politique.
Car d’un autre côté, tu ne peux quand même pas nier qu’avec ce marché du travail dramatiquement déséquilibré, avec un droit du travail en voie de démantèlement, avec ces loyers effroyablement
élevés (au moins en région parisienne, sans parler de Londres où c’est bien pire), les jeunes qui débarquent sur le marché du travail – ou de même ceux qui cherchent un logement étudiant – ne
sont pas à la fête. Sur le site de l’INSEE je n’ai d’ailleurs pas trouvé de tableau de niveau de vie prenant en compte, par exemple, le niveau des loyers – pourtant essentiel, en particulier
quand on parle des “Tanguy” (note au passage que le Tanguy de Chatiliez n’est pas du genre à aller péta dans les gasinm).
Tu ne peux pas non plus assimiler tout djeune à une “masse informe affalée sur le canapé du salon” (plaisante expression… tu pensais à quelqu’un en particulier ?). Ni assimiler tout parent
ex-soixante-huitard à un irresponsable puéril.
Pour en revenir à 68, l’autre chose qui me gêne dans ta présentation, c’est qu’on oublie complètement l’autre volet de 68, à savoir le volet ouvrier. D’accord, ce n’était pas ton sujet.
N’empêche, au cours de mes études, j’ai appris que 68, ce n’était pas seulement des milliers de jeunes sur des barricades, mais aussi (surtout) des millions d’ouvriers occupant les usines.
C’était l’époque où on faisait des Grenelle, mais pas de-l’environnement. Encore un truc (parmi beaucoup d’autres) qui a pu contribuer à motiver cette grande contre-offensive
anticommuniste dont je parlais l’autre jour.
Non, globalement, je suis prêt à te suivre sur l’essentiel, mais d’un autre côté je trouve ton propos légèrement caricatural, tout de même.
C’est le propre de tout écrit pamphlétaire… le but est de provoquer et de faire réflechir, pas nécessairement de convaincre à la première passe. Tu l’auras remarqué, je suis plus nuancé dans
mes réponses aux commentaires…
D’abord, il y a cette (vilaine) habitude consistant à taper sur la génération 68,
Je ne vois pas en quoi ce serait une “vilaine” habitude. Au contraire, c’est une habitude salutaire. La “génération 68” – c’est à dire, la jeunesse des classes moyennes qui avait 20 ans en 1968 –
s’est bâtie une légende en s’auto-encensant en permanence. Il ne faut pas permettre que les jeunes générations se fassent manipuler par ce message. Parler de l’égocentrisme et de l’égoisme de
cette “génération” est une oeuvre de salut public.
Quant à moi je suis encore plus navré du peu de considération accordé aux vieux (mais ça va ensemble).
Avant de parler des “vieux”, parlons des adultes. Car ce qu’il faut contraposer au “jeune”, ce n’est pas le “vieux” mais l’adulte. La jeunesse, c’est le pouvoir sans la sagesse,
la vieillesse, la sagesse sans le pouvoir. C’est l’âge adulte qui seul cumule les deux.
Car d’un autre côté, tu ne peux quand même pas nier qu’avec ce marché du travail dramatiquement déséquilibré, avec un droit du travail en voie de démantèlement, avec ces loyers effroyablement
élevés (au moins en région parisienne, sans parler de Londres où c’est bien pire), les jeunes qui débarquent sur le marché du travail – ou de même ceux qui cherchent un logement étudiant – ne
sont pas à la fête.
Certes. Mais quoi de neuf, docteur ? Les jeunes de 1910 ou ceux de 1935 étaient dans une situation bien pire, avec en plus la perspective d’aller laisser leur peau dans les tranchées. Et
pourtant, je ne me souviens pas qu’ils aient jugé nécessaire d’aller piller les magasins ou incendier des bibliothèques. Si l’on veut faire de la situation économique le moteur de la chose, il
faudra expliquer pourquoi ces mêmes causes n’ont pas produit les mêmes effets auparavant. Cela ne veut pas dire que l’état du marche du travail, les loyers et autres variables économiques ne
jouent pas un rôle. Mais ce n’est pas un rôle déterminant.
Sur le site de l’INSEE je n’ai d’ailleurs pas trouvé de tableau de niveau de vie prenant en compte, par exemple, le niveau des loyers
Les tableaux de niveau de vie de l’INSEE prennent en compte le niveau des prix, et celui-ci contient les loyers. Par ailleurs, il ne faut pas croire que la situation du logement pour les jeunes
était meilleure en 1930 qu’elle ne l’est aujourd’hui. C’était encore plus vrai dans les années 1950 avec la pénurie de logements qui a suivi les destructions de guerre. Encore une fois, on a
tendance à croire que la situation des années 1960 et 70 était la règle, alors que c’était l’exception.
Tu ne peux pas non plus assimiler tout djeune à une “masse informe affalée sur le canapé du salon” (plaisante expression… tu pensais à quelqu’un en particulier ?).
Oui… j’en ai un à la maison. Et loin de moi l’idée “d’assimiler tout djeune à une masse informe”. Je rencontre tous les jours des jeunes qui ont envie de faire plein de choses. Ce n’est pas
vers eux que va ma critique, tu l’auras compris, mais vers une génération antérieure qui par inconscience ou par égoisme (ou les deux) a oublié ses devoirs et rompu la chaîne de la transmission.
Si les jeunes d’aujord’hui n’ont pas de repères, ce n’est pas parce qu’ils sont plus bêtes que ceux d’hier, mais parce que la génération qui les a précédé n’a pas voulu assumer son rôle et leur
en donner.
Ni assimiler tout parent ex-soixante-huitard à un irresponsable puéril.
Non, pas tous, non…
Pour en revenir à 68, l’autre chose qui me gêne dans ta présentation, c’est qu’on oublie complètement l’autre volet de 68, à savoir le volet ouvrier.
Je ne l’oublie pas. Mais il faut reconnaître qu’il n’a pas laissé derrière lui un véritable héritage idéologique et politique. Ce fut un puissant mouvement (comme l’ont été ceux de 1947 et de
1953), mais sans véritable postérité.
Bonjour,
j’apprécie ce texte bien ciselé.
Néanmoins j’ai deux critiques :
Vous dites que les causes de ces émeutes ne sont pas sociales ou raciales. Ce sont tout simplement des jeunes.
Cependant, il faut noter que ce sont des émeutes qui éclatent spécifiquement dans les quartiers populaires que ce soit en France ou au Royaume-Uni. On ne voit pas de jeunes des classes moyennes
ou des couches aisées de la population comme cela a pu se produire en 1968. Est-ce à dire qu’il y a plus de jeunes puérils dans les quartiers populaires ? Qu’il y a plus de problème d’éducation
dans ces quariters ? Ou alors y a-t-il un fond de problème social ? Une frustration relative à tous ces biens de consommation qu’on leur fait miroiter ?
Ensuite, vous expliquez que le niveau de vie des plus pauvres a augmenter dans l’absolu. Certes. Mais vous savez très bien que le bonheur recouvre d’autres dimensions. Si la France est un des
pays où l’on consomme le plus d’anxiolitiques c’est qu’il y a une peur du lendemain, une insécurité par rapport à l’emploi, une forte pression dans les entreprises. Alors on a plus de choses
maison n’est pas pour autant plus serein et donc plus heureux. Enfin nous ne pouvons nous satisfaire d’une société où des gens dorment encore dans la rue.
Cependant, il faut noter que ce sont des émeutes qui éclatent spécifiquement dans les quartiers populaires que ce soit en France ou au Royaume-Uni. On ne voit pas de jeunes des classes
moyennes ou des couches aisées de la population comme cela a pu se produire en 1968.
C’est une excellente remarque. Mais la raison de cette différence de comportement est facile à comprendre. Si les classes moyennes ont détruit dans le demi-siècle qui a suivi 1968 l’ensemble des
institutions qui donnaient aux jeunes des repères et des exigences, elles ont fait très attention à conserver ces repères pour leurs propres jeunes: on voit bien ces couches défendre une
éducation nationale “qui met l’enfant au centre” pendant qu’ils envoyent leurs propres enfants dans des écoles privées où discipline et connaissances restent le pivot de l’enseignement. Les
rejetons de la bonne bourgeoisie de Versailles continuent à être fermement contrôlés, encadrés, surveillés. La liberté de traîner jusqu’à pas d’heure le soir ou d’aller à l’école habillés comme
des clowns, ça c’est bon pour les pauvres.
Une frustration relative à tous ces biens de consommation qu’on leur fait miroiter ?
Oui, ça c’est le dernier argument de la bienpensance: tous ces pauvres qui voient les “biens de consommation” miroiter… je te fais remarquer que l’aboutissement de cette théorie est de tuer
toute mixité sociale, puisqu’il est dangereux de mélanger pauvres et riches, puisque les premiers pourraient éprouver de l’envie en voyant comment vivent les seconds. Mieux vaut que chacun reste
entre soi…
Si la France est un des pays où l’on consomme le plus d’anxiolitiques c’est qu’il y a une peur du lendemain, une insécurité par rapport à l’emploi, une forte pression dans les
entreprises.
Ou bien que les anxiolitiques sont bon marché. Ou bien que nous n’avons pas chez nous cet anxiolitique traditionnel qui s’appelle “réligion” (l’opium du peuple, comme disait Marx…).
Franchement, crois-tu que les français, même ceux des couches les plus pauvres, aient plus de raison d’avoir peur pour le lendemain, l’emploi ou l’avenir que les citoyens du Bangladesh ou du
Nigéria ? Et pourtant, ils ne prennent pas d’anxiolitiques, eux…
Alors on a plus de choses maison n’est pas pour autant plus serein et donc plus heureux.
Exactement! On ne peut donc pas conclure que parce que les jeunes de Bobigny ont moins de choses que ceux de Versailles qu’ils soient pas plus “malheureux”. Précisement mon point…
Faut choisir: ou bien tu penses que l’argent ne fait pas le bonheur, et alors difficile de faire un lieu entre les émeutes et la situation économique, ou alors on lie bonheur et argent, et on
peut difficilement contester que la jeunesse actuelle devrait être plus “heureuse” que celle d’il y a trente ans…
Enfin nous ne pouvons nous satisfaire d’une société où des gens dorment encore dans la rue
Certes. Et ensuite ?
@ Descartes
Je propose un petit intermède musical, si
tu permets.
Je n’ai qu’un mot à dire: Beurk! Mais bon, puisqu’il y en a qui aiment…
Bonjour à tous,
Très bon texte sur un sujet qui, comme vous l’évoquez, suscite un questionnement existentiel depuis la nuit des temps.Faut – il adopter à ce sujet une part conséquente de fatalisme ? Et sinon que
peut – on faire pour changer un phénomène que tous nos prédécesseurs ont dut subir ?Eux même, depuis des siècles et des siècles se sont posés la même question et n’ont pas me semble – t – il
apporté de réponse satisfaisante au problème vécu par chaque génération. A vous lire, si l’on prolonge la “ courbe ” de cette évolution déviante, nous – ou plutôt nos successeurs-vont-ils- se
retrouver dans une situation inextricable ?
Eh bien probablement non, ils s’adapteront.
C’est l’histoire même de l’espèce humaine qui nous apporte la réponse. Et c’est l’angoisse que nous ressentons devant des évènements qui nous dépassent qui fait que nous ne pouvons qu’entrevoir
des lendemains funestes.
Même si je partage votre analyse pertinente et réaliste du passé et du présent, je me refuse à insulter l’avenir qui de toute façon se fera sans moi et indépendamment de mes propres options.
Notre devoir d’adulte à l’instant T c’est d’imaginer,et surtout d’accompagner, en fonction de ce que nous savons et avons vécu, ce qui sera bon, par rapport aux “ valeurs ” que nous considérons
bonnes pour nous même et aujourd’hui, les transmissions destinées à un développement harmonieux de la personnalité de nos successeurs. Mais que savons nous de leurs besoins et attentes futures ?
Notre position est un peu celle de Pascal face à son pari, à ceçi près que pour lui il s’agissait de croire ou ne pas croire et que pour les adultes que nous sommes il s’agit d’imprimer la marque
de nos valeurs, d’imposer notre modèle en référence à des êtres humains qui ne sont pas nous et ne vivront pas dans le même contexte.
Personnellement, je suis assez partisan de l’apprentissage par l’erreur, erreur mesurée dans ses conséquences bien sur, car ce qui marque dans “ la chair ” celui qui commet cette erreur est
souvent un enseignement durable et profitable. Et l’adulte que nous sommes-c’est un postulat, concernant vos lecteurs qui commentent ce billet-est condamné à se sentir trahit dans ses intentions
de transmettre ce qui nous paraît un bien.
Dénoncer, comme vous le faites, les dérives et excès des jeunes générations, n’apporte pas pour autant de réponse à la question que faire et comment faire ? Qu’avons nous réellement appliqué des
préceptes de nos parents si on leur posait la question ? Leur réponse serait probablement semblable à la notre concernant nos enfants.
Pour terminer, je reprends une de vos phrases :
“ Car lorsqu’une génération prétend prolonger sa propre jeunesse indéfiniment et refuse d’assumer les responsabilités, c’est la suivante qui se retrouve sans modèle adulte. ”
Sachez tout de même que je ressents ces choses de manière similaire, mais à cette différence près que je résiste et limite ma frustration à ne pas assister à l’évolution idéale à laquelle je
pourrais aspirer.
En annexe, ce petit texte très connu de Mac Arthur, qui mérite d’être, sinon sanctifié, du moins médité.
ÊTRE JEUNE
La jeunesse n’est pas une période de la vie,
elle est un état d’esprit, un effet de la volonté,
une qualité de l’imagination, une intensité émotive,
une victoire du courage sur la timidité,
du goût de l’aventure sur l’amour du confort.
On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années :
on devient vieux parce qu’on a déserté son idéal.
Les années rident la peau ; renoncer à son idéal ride l’âme.
Les préoccupations, les doutes, les craintes et les désespoirs
sont les ennemis qui, lentement, nous font pencher vers la terre
et devenir poussière avant la mort.
Jeune est celui qui s’étonne et s’émerveille. Il demande
comme l’enfant insatiable : Et après ? Il défie les événements
et trouve de la joie au jeu de la vie.
Vous êtes aussi jeune que votre foi. Aussi vieux que votre doute.
Aussi jeune que votre confiance en vous-même.
Aussi jeune que votre espoir. Aussi vieux que votre abattement.
Vous resterez jeune tant que vous resterez réceptif.
Réceptif à ce qui est beau, bon et grand. Réceptif aux messages
de la nature, de l’homme et de l’infini.
Si un jour, votre coeur allait être mordu par le pessimisme
et rongé par le cynisme, puisse Dieu avoir pitié de votre âme de vieillard.
D’après Général Mac Arthur 1945
pour la trouver pertinente et néanmoins y déceler un abus “ sophiste ” en ce sens qu’il est vrai que le désir de rester jeune est omniprésent, mais cependant il existe depuis que le monde est.
Ce n’est pas pour autant qu’un plus grand nombre d’adultes refusent d’assumer leurs responsabilités, ou alors il faut le prouver, et que la génération suivante se retrouve sans modèle, car en fait
le modèle dont elle dispose est le notre, ce que votre affirmation nie donc, et ce n’est pas parce qu’il ne vous convient pas qu’il n’est pas.
Mais que savons nous de leurs besoins et attentes futures ?
Et bien, nous savons une chose fondamentale: que pour satisfaire ces besoins et ces attentes, ils ne peuvent compter que sur les instruments qu’ils auront reçu de nous, et de ceux qu’ils auront
développé contre nous. Mais jamais, jamais, sans nous.
C’est cela qu’il faut comprendre: les jeunes peuvent choisir de nous suivre, ou de se rebeller contre les adultes. Mais pour cela, il faut que l’adulte soit présent. Si l’adulte s’absente, il
prive le jeune de la double possibilité d’adhésion et de rébellion. Comment peut-on se rebeller contre un adulte qui affirme que les jeunes ont toujours raison ?
Personnellement, je suis assez partisan de l’apprentissage par l’erreur, erreur mesurée dans ses conséquences bien sur, car ce qui marque dans “ la chair ” celui qui commet cette erreur est
souvent un enseignement durable et profitable.
Je ne suis pas d’accord. Il y a certaines choses qu’on peut certainement apprendre par l’erreur. Mais si l’on attend que le jeune reconstruise l’ensemble du savoir humain, il lui faudrait pour
cela commettre l’ensemble des erreurs humaines. Et on ne peut pas se permettre ça. L’idée même d’accumulation de la connaissance implique l’idée de transmission.
Dénoncer, comme vous le faites, les dérives et excès des jeunes générations, n’apporte pas pour autant de réponse à la question que faire et comment faire ?
Vous m’avez mal lu. Loin de “dénoncer” les derives et excès des jeunes, j’essaye de les comprendre. Si je “dénonce” quelque chose, ce n’est certainement pas les “dérives” des jeunes mais
l’absence des adultes, ou plutôt d’une génération d’adulescents qui se refusent à prendre leurs responsabilités.
Pour ce qui concerne le texte de McArthur, il est l’exacte illustration de ce que je dénonce: l’idée d’une “jeunesse” désirable opposée à une “vieillesse” détestable. Et entre ces deux pôles,
l’adulte disparaît. Merde! Peut-on être adulte et “réceptif à ce qui est beau, bon et grand” ? Parce que si la réponse est “non”, alors il ne faut pas s’étonner que la génération des “jeunes” ne
veuille pas grandir.
Ce n’est pas pour autant qu’un plus grand nombre d’adultes refusent d’assumer leurs responsabilités, ou alors il faut le prouver,
Mais c’est très facile à “prouver”, justement. Rien qu’à suivre le parcours et le discours d’un “Danny” Cohn-Bendit (connaissez-vous un seul politicien de la génération intérieure qui ait
continué à utiliser son diminutif adolescent ? Imaginez vous “Charlot” De Gaulle ou “Pierrot” Mendes-France ?) vous avez un exemple éclairant.
et que la génération suivante se retrouve sans modèle, car en fait le modèle dont elle dispose est le notre,
Justement, non. Elle ne dispose pas de “notre” modèle tout simplement parce que nous ne le revendiquons pas comme “modèle”. Au contraire: nous lui expliquons à chaque pas qu’il ne faut pas de
modèles…
Votre analyse n’est pas sans me rappeler celle de Michel CLOUSCARD notamment dans “Le capitalisme de la séduction”.
Vous avez remarqué ?
Après une seconde lecture de votre billet et particulièrement “douze règles pour élever un délinquant” (attribué au Departement de la Police de Houston) citées par Charles
Swindoll. “You and Your Child”, ( je recommande à tous mes collègues, vos lecteurs, de relire 1 fois, deux fois, trois fois même, vos billets, ce n’est pas une perte de temps !), je constate avec
une certaine dose de réconfort, mâtinée cependant de septicisme, que je n’observe spontanément aucun des 11 premiers préceptes qui en fait ne sont que de truismes inversés. Mais ceci correspond
assez au caractère évengéliste américain, c’est pour cela probablement qu’on les aime bien.
Puis, “ Avant de parler des “vieux”, parlons des adultes. Car ce qu’il faut contraposer au “jeune”, ce n’est pas le “vieux” mais l’adulte. La jeunesse, c’est le pouvoir sans
la sagesse, la vieillesse, la sagesse sans le pouvoir. C’est l’âge adulte qui seul cumule les deux. ”
Ce qui me gène un peu, c’est cette approche catégorielle qui fige et établit des normes et des attributs. Si, certes de nombreux exemples connus existent, ils ne peuvent prétendre représenter ni
la majorité ni la spécificité de notre société. De tout autant nombreux et édifiants exemples contraires pourraient y être opposés. Seulement voilà, ils ne sont pas médiatiques, ne font pas
l’objet des manchette de la presse. Votre approche me paraît presque toujours teintée de parisianisme.
Je ne saisis pas très bien le sens de votre ” contraposer ”. S’il s’agit de poser contre, en opposition, cela confirme mon impression de catégorisation. Si il est employé dans l’esprit de
contrapuntique , qui adopte et adapte les règles du contrepoint, c’est à dire une harmonie complémentaire , supérieure à la somme des mélodies, différentes et associées dans le contrepoint, alors
là, je partage tout à fait cette position . Car l’homme-ou la femme bien sur- futur dont on souhaite l’avènement, n’est ni un clone de nous même ni un “ Moogly ” laissé se construire à partir de
l’état sauvage, mais cette forme de transcendance dont les lois nous dépassent et qui produit ce que Condorcet exprime dans l’Esquisse : ” …la manière dont les erreurs s’introduisent parmi
les peuples, s’y propagent, s’y transmettent, s’y perpétuent, fait partie du tableau historique des progrès de l’esprit humain. Comme les vérités qui le perfectionnent et qui l’éclairent, elles
sont la suite nécéssaire de son activité, de cette disproportion toujours existante entre ce qu’il connaît, ce qu’il a le désir de connaître, et ce qu’il croit avoir besoin de connaître. ”
Enfin, “ Pour ce qui concerne le texte de McArthur, il est l’exacte illustration de ce que je dénonce: l’idée d’une “jeunesse” désirable opposée à une “vieillesse” détestable. Et entre ces
deux pôles, l’adulte disparaît. Merde! Peut-on être adulte et “réceptif à ce qui est beau, bon et grand” ? Parce que si la réponse est “non”, alors il ne faut pas s’étonner que la génération des
“jeunes” ne veuille pas grandir. ”
Vous altérez, consciemment ou à votre insu, l’esprit dans lequel Mac Arthur a écrit ce texte . Cet homme n’est pas mon modèle. Néanmoins ce texte me convient car, tout à fait en phase avec la
parole d’Aragon que vous citez en préambule et pour paraphraser Brassens : “ le temps ne fait rien à l’affaire, quand on est con, on est con,…..entre nous plus de contreverses, cons caduques ou
cons débutants….. ”, ce n’est pas l’age, le statut générationnel, qui sont déterminants, mais l’esprit, la mentalité sociétale.
Si comme vous le regrettez le mot adulte disparaît, c’est que vous l’utilisez comme nom commun vis à vis de deux adjectifs, jeune et vieux ce qui, à mes yeux, constitue une absurdité de logique.
Arrive-t-il de rencontrer des “ djeunes ” complètement insensibles au beau, au sublime, au grand ? Surement plus souvent qu’à notre tour. Ils sont prématurément devenus des “ viocs ”. Ce n’est
pas pour autant définitif. J’ai un ami de 87 ans, toujours prêt à s’étonner, à l’écoute de tous, gai comme un luron, avec qui je randonne en haute montagne. Eh bien j’envie sa jeunesse et il me
sert quelque part, comme on dit, de modèle. C’est ce genre d’homme exemplaire qui est mis en exergue dans le texte de M.A.
Ce n’est pas la revendication d’un modèle que nous serions bien en peine de décrire qui fait que c’en est un, bon, neutre ou mauvais. Modèle il y a , que cela nous plaise ou non, car il y a
“ spectacle ” permanent de nos comportements, de nos paroles. Et c’est à partir de ça que notre entourage et surtout nos enfants se construisent, comme nous même d’ailleurs, jusqu’à notre fin.
Votre intransigeance pamphlétaire, que vous assumez fort honnêtement par ailleurs, me sert régulièrement, alors que je pense être nettement votre ainé, à mesurer les effets d’une attitude en
recherche d’exellence sur notre entourage. J’avoue avoir souvent cette tendance aussi. Et je découvre que la “ perfection ” lisse d’une boule de billard minimise les possibilités d’accroche.
C’est à partir de nos imperfections que nos proches, aussi, se construisent.
Je persiste à penser qu’une régulation permanente se perpétue et oblige les “ adultes res.pon.sa.bles ” à corriger les déviances dangereuses pour le progrès individuel et collectif. Et même si
nos sociétés occidentales s’engagent dans une phase régréssive, ce ne serait pas la première fois, c’est peut être indispensable pour un rebond ultérieur, condition d’un progrès sur le long
terme.
Cela n’exclu en rien notre devoir de vigilence, d’accompagnement, de bienveillance, de tendresse même, et de fermeté le cas échéant.
p.s. : sur le commentaire n°5, les cinq dernières lignes devaient se placer sous votre réponse, à la suite de : une de vos phrase : ” car…….adulte ”
Bonne journée.
Ce qui me gène un peu, c’est cette approche catégorielle qui fige et établit des normes et des attributs.
C’est le propre de la pensée. Nous ne pouvons penser qu’en fonction de catégories, c’est à dire, d’individus tous différents mais regroupés en fonction de quelques caractéristiques qui leur sont
communes. Et le fait qu’il existent des “nombreux exemples connus” de chiens à trois pattes n’empêchent pas l’affirmation selon laquelle “le chien est un quadrupède” de contenir une réalité
scientifique.
Je ne saisis pas très bien le sens de votre ”contraposer”. S’il s’agit de poser contre, en opposition, cela confirme mon impression de catégorisation.
C’est ce sens qu’il faut retenir. Ce que je trouve curieux, c’est que vous m’accusez de “catégoriser” alors que vous citez un texte de MacArthur qui n’est en fait qu’une longue caractérisation:
“si vous êtes comme ci, vous êtes jeune, si vous êtes comme ça, vous êtes vieux”…
Vous altérez, consciemment ou à votre insu, l’esprit dans lequel Mac Arthur a écrit ce texte . Cet homme n’est pas mon modèle. Néanmoins ce texte me convient car, tout à fait en phase avec la
parole d’Aragon que vous citez en préambule
Certainement pas. C’est exactement le contraire… McArthur dans son texte fait une liste de “vertus” qu’il attribue à la jeunesse, une liste de perversions qu’il attribue à la vieillesse, et
conclue qu’on peut – et même qu’on doit – rester “jeune” à tout âge. Ce n’est nullement le propos d’Aragon, pour qui la vieillesse est une fatalité.
Si comme vous le regrettez le mot adulte disparaît, c’est que vous l’utilisez comme nom commun vis à vis de deux adjectifs, jeune et vieux
Certainement pas. “jeune”, et “vieux” sont en même temps des adjectifs et des noms, au même titre que “adulte”. Je dis “devenir vieux” au même titre que “devenir adulte”.
Arrive-t-il de rencontrer des “djeunes” complètement insensibles au beau, au sublime, au grand ? Surement plus souvent qu’à notre tour. Ils sont prématurément devenus des “viocs”.
NON ! Ils sont jeunes, et ils sont insensibles. La sensibilité, n’en déplaise à McArthur, n’est pas le privilège de la jeunesse, pas plus que l’insensibilité n’est celui de la
vieillesse. C’est précisement mon point: il faut arrêter avec ce “jeunisme” dont le texte de McArthur est un magnifique exemple. Autrement, on finit par avoir des vieilles rombières de 60 ans qui
continuent à se proclamer “jeunes” parce qu’elles sont “sensibles au beau”.
J’ai un ami de 87 ans, toujours prêt à s’étonner, à l’écoute de tous, gai comme un luron, avec qui je randonne en haute montagne. Eh bien j’envie sa jeunesse
Vous avez tort. Parce qu’il n’est pas jeune. Il est vieux. Et il n’y a rien de triste la dedans, la vieillese est une étape de la vie comme une autre.
Ce qui est triste, par contre, c’est que vous – et d’autres avec vous – n’arriviez pas dans votre tête à accepter que quelqu’un puisse en même temps être vieux et “prêt à s’étonner, à l’écoute de
tous, gai comme un luron et randonner en haute montagne”.
Parce que même si à 87 ans on peut s’intéresser à tout et randonner en haute montagne, il y a une différence fondamentale avec le gars de 17 ans qui fait la même chose: cette différence, c’est
l’expérience. C’est qu’à 87 ans on a vu beaucoup de choses, fait beaucoup d’erreurs, et qu’on peut en tirer les leçons. Ce qu’à 17 ans on ne peut pas faire. En prétendant que les deux sont
“djeunes”, on occulte cette différence, qui est pourtant fondamentale.
Modèle il y a , que cela nous plaise ou non, car il y a “spectacle” permanent de nos comportements, de nos paroles.
Cela ne suffit pas. Tout “spectacle” ne devient pas un modèle. Il le devient à partir du moment où il y a un discours qui pousse à l’imitation de ce “spectacle”. Oedipe est une référence, mais
certainement pas un “modèle”…
Je persiste à penser qu’une régulation permanente se perpétue et oblige les “adultes res.pon.sa.bles” à corriger les déviances dangereuses pour le progrès individuel et collectif.
Encore faut-il qu’il y ait des “adultes res.pon.sa.bles”.
Ce que je remarque dans tout cela, que ce soit la jeunesse des quartiers populaires d’angleterre ou la jeunesse de la City. Ils ont au moins un point commun : un besoin de matérialisme exacerbé
et le goût de l’argent facile.
Et dans les deux cas, je me permets de reprendre la phrase : “lorsque ces « jeux » ont des conséquences tragiques, les « joueurs » en sont les premiers surpris.”