Rétrospectivement, il est difficile de comprendre pourquoi le sondage Harris Interactive qui place Marine Le Pen en tête si le premier tour de l’élection présidentielle avait lieu aujourd’hui a provoqué un tel tollé. Depuis le 21 avril 2002, nous savons que l’hypothèse de l’arrivée du candidat du Front National au deuxième tour n’a rien d’utopique. Au délà des critiques, pertinentes ou non, qui ont plu sur le sondage en question, celui-ci ne revèle rien qui soit véritablement surprenant. Tous les militants politiques ou syndicaux présents sur le terrain remontent depuis des semaines une même impression: Marine Le Pen attire de plus en plus d’électeurs, notamment dans les couches populaires.
Cette remontée traduit en fait deux phénomènes: le premier, c’est une mutation profonde du discours du Front National, le second l’incapacité des partis politiques dits “républicains” à produire un discours crédible et entendable par les couches populaires. C’est la combinaison de ces deux éléments qui fait le succès de Marine super-star.
D’abord, la mutation. Il suffit de suivre les interventions de Marine Le Pen dans les médias ou même de lire les documents distribués ou affichés sur le site du Front National pour constater à quel point le discours a changé. Finies les vitupérations contre l’Etat et les impôts, si apprécié des petits commerçants, artisans et professions libérales qui ont fait les beaux jours du poujadisme. Finies les évocations de Sainte Jeanne-d’Arc destinées à attirer les intégristes catholiques, les clins d’oeil aux anciens du pétainisme ou de l’Algérie Française. Que ce soit par choix idéologique assumé (après tout, Marine Le Pen appartient à une autre génération que son père, et les idées ne sont pas héréditaires) ou par simple calcul politique (raisonnable compte tenu des moyennes d’âge des poujadistes, pétainistes et intégristes), le fait est que le discours change. Même sur des question sociétales, le discours à changé: avec Marine Le Pen, le retour des femmes à la cuisine en a pris un sérieux coup.
Sur les sujets économiques et sociaux, sur les questions institutionnelles, le Front National est en train de reprendre une vision que rappelle furieusement, horresco referens, le “compromis gaullo-communiste” de la Libération et des trente glorieuses. Peut-être le texte le plus intéressant de ce point de vue est la “lettre aux fonctionnaires” signée de al présidente du Front National. Permettez moi de la citer in extenso:
La lettre aux fonctionnaires
Longtemps, il a existé entre nous un malentendu. Peut-être parce que nous n’avons pas eu les bons mots pour vous parler, et surtout parce que nos idées ont été caricaturées, beaucoup d’entre vous ont cru de bonne foi que le Front National était votre ennemi, l’ennemi des fonctionnaires.
Je m’adresse à vous pour clarifier les choses.
En réalité, nous avons vocation à travailler ensemble, à nous retrouver dans des combats communs pour la France.
En effet, la plupart d’entre vous ont fait le choix de la fonction publique parce qu’ils veulent servir l’intérêt général, dans des conditions de plus en plus difficiles. Cette noble motivation, qui vous honore, nous la partageons. Quand les partis au pouvoir depuis tant d’années se déconsidèrent dans des querelles permanentes d’appareils, quand ils s’accrochent à des dogmes éculés et ne donnent pas le sentiment d’être au service de la République française, le Front National s’efforce de toujours garder le cap de l’intérêt général, du bien public.
Au service de l’intérêt général, nous le croyons fermement, l’État a un rôle central à jouer. Au cœur de notre identité, l’État est la colonne vertébrale de notre pays depuis des siècles, des rois bâtisseurs à la Cinquième République. C’est vers lui que les Français se tournent quand ils vont mal. C’est de lui qu’on attend une ligne directrice dans la conduite des affaires du pays. À travers ses institutions, au premier rang desquels l’école, c’est lui qui assure l’unité de la nation et la formation de citoyens éclairés et libres.
Le Front National propose de bâtir un État fort
L’État fort, c’est d’abord un État stratège, qui aiguillonne notre pays vers l’innovation, la prospérité, et assure son rayonnement.
L’État fort, c’est ensuite un État protecteur, qui se donne les moyens de développer pour tous l’économie et l’emploi.
L’État fort, c’est enfin un État solidaire, garant notamment des services publics auxquels nous sommes tous tellement attachés.
Il n’y a pas d’État fort, sans fonction publique formée, organisée, cohérente et motivée.
Malheureusement, vous le constatez chaque jour dans vos fonctions : l’État et la fonction publique ont été gravement affaiblis par des années de conduite irresponsable des affaires.
Imposée par des élites de plus en plus coupées du peuple, la fuite en avant vers la mondialisation débridée a progressivement entraîné le démantèlement de l’État. L’Union européenne n’est rien d’autre qu’un catalyseur de ce mouvement désastreux.
Sous la présidence actuelle, cette dangereuse évolution, cette irresponsable volonté de s’attaquer à l’État, connaissent une accélération inédite. Avec le processus de révision générale des politiques publiques (RGPP), l’État a été désorganisé et ses fonctions essentielles atteintes.
Ainsi, le réseau local de l’État n’est plus que l’ombre de lui-même. 16.000 postes de policiers et de gendarmes ont déjà été supprimés depuis 2005, et une menace sérieuse pèse désormais sur l’existence même de la gendarmerie. L’armée se rétracte partout, à l’instar de nos services diplomatiques dans le monde. L’École est saignée à blanc, au moment précis où la chute du niveau des élèves, la progression continue des violences scolaires et le relâchement des valeurs exigent au contraire un effort de la Nation. L’hôpital public est exsangue, et nombre de professionnels de santé s’alarment des conditions de travail et d’accueil des patients qui sont aujourd’hui celles d’un système de soins amenuisé. Comment ne pas évoquer enfin ce qui serre le cœur de tous les Français : la grande braderie de notre patrimoine national, engagée à vive allure depuis 2005. La cession au secteur privé de nos trésors nationaux constitue un crime impardonnable contre le peuple de France.
Cette anémie organisée de l’État s’accompagne d’un effritement du sens de l’intérêt général parmi les élites administratives, et plus encore politiques.
Beaucoup d’entre vous me le disent : attachés au service public, ils se lamentent de voir leurs hauts responsables agir selon des valeurs qui ne sont plus celles du sens de l’État.
N’ayant plus foi en leur propre pays, les dirigeants politiques ont organisé la sélection d’élites administratives qui trop souvent n’ont plus vraiment foi en l’État.
J’en appelle pour ma part au retour du sens de l’État, à l’esprit de ses grands commis, à la culture des hussards noirs de la République, à la passion du bien public qui continue heureusement encore d’animer la conduite de nombreux agents publics, œuvrant souvent dans la discrétion, mais avec la farouche volonté de servir l’intérêt général.
Il faudra tourner la page de la RGPP, et donner à l’État les instruments juridiques et techniques de sa puissance.
La fonction publique sera vivifiée par une sélection plus à même de valoriser le sens de l’État et du service public.
Gage d’indépendance, le statut sera préservé, et des règles seront fixées pour éradiquer les conflits d’intérêt aux plus haut échelons de l’administration.
Les fonctions essentielles de l’État verront leurs effectifs restaurés, alors que le marché de dupes -baisse des effectifs contre hausse des traitements- jamais tenu, sera dénoncé. Il est possible de revaloriser les salaires les plus faibles de la fonction publique, en cessant notamment de traiter de façon uniforme l’ensemble des agents publics. Le gel des rémunérations pour tous, petits ou hauts fonctionnaires, est ainsi particulièrement choquant quand on connaît la faiblesse des traitements réservés en bas de la hiérarchie. Les situations devront être différenciées.
Redresser l’État, permettre à la fonction publique de retrouver confiance, seront nos principes directeurs. Ils ne se confondent pas avec une course aux effectifs. Le sens des responsabilités, et l’exigence de justice sociale que nous portons, nous obligent à une bonne gestion des deniers publics. À cet égard, la fuite en avant des collectivités territoriales, dans un contexte de décentralisation irresponsable depuis trente ans, devra cesser. Les collectivités locales devront enfin maîtriser leurs effectifs, et un rééquilibrage se fera au bénéfice de l’État, appelé à reprendre des compétences stratégiques. Le Front National a le sens des priorités, et n’acceptera nulle part les dérives induites par le clientélisme et la reconstitution de baronnies locales.
Confrontés comme tous les Français aux terribles difficultés que traverse notre pays, plus que les autres peut-être, vous percevez les causes de son affaissement.
Mais peut-être aussi plus que les autres, vous connaissez les immenses atouts de la France, et la noblesse que recèle le service public, le service de tous les Français. C’est pourquoi je souhaite avant tout aujourd’hui, par cet appel que je lance à l’ensemble des agents publics, vous porter un message d’espérance. Le redressement qui vient ne pourra pas se faire sans vous. Je sais les immenses réserves de dévouement et de courage de notre fonction publique, celle que le monde nous envie. La France compte sur vous, comme vous pourrez compter sur elle !
Vive la République, vive la France !
Voilà ce qu’est le discours du Front National sur une question qui intéresse beaucoup les français, à savoir le rôle de l’Etat et celui de la fonction publique (1). L’homme de gauche qui lira ce texte aura l’impression de lire un texte très familier. Cela pourrait être à quelques mots près un discours du général De Gaulle, il aurait aussi pu être prononcé par Maurice Thorez, ministre de la fonction publique à la libération, par Jean-Pierre Chévenement ou par Pierre Mendes-France.
La question qui se pose est bien entendu la sincérité de cette conversion idéologique. La plupart des commentateurs verra dans cette transformation une conversion purement tactique, destinée à capitaliser le désarroi de l’électorat et la faiblesse – j’y reviendrai – des partis “républicains”. Au fonds, la question n’a guère d’importance, et cela pour deux raisons: la première, c’est que le Front National n’a aucune chance dans un délai prévisible d’accéder au pouvoir d’Etat. Savoir si Marine Le Pen devenue présidente de la république appliquerait ce nouveau “programme” est donc une question oiseuse. Pour un parti tribunitien, le discours a plus d’influence que les actes.
La deuxième raison qui rend la question de la “sincérité” sans intérêt est qu’il y a une dialectique entre discours et actes: dans la mesure où le Front National assume un discours “gaullo-communiste” à la place du registre “pétaino-catho-algérie française”, il attirera vers lui des militants et des électeurs différents de ceux qu’on avait l’habitude de voir. Pour ceux nouveaux militants, l’adhésion au nouveau discours ne sera pas cynique ou tactique, mais véritable. Il sera alors difficile à la direction du FN de trahir par ses actes son nouveau discours sans encourir la colère de ses militants et de l’électorat nouvellement conquis. Un parti qui modifie en profondeur son discours ne peut éviter une modification aussi profonde de ses militants. C’est cette transformation qui sera intéressante à regarder dans les années qui viennent. Ma prédiction est que le FN cessera d’être un parti d’extrême droite traditionnel pour devenir de plus en plus un parti “populaire-populiste”, allant peut-être même jusqu’à une sorte de néo-gaullisme. La “lettre aux fonctionnaires” en donne les prémisses.
Mais un tel positionnement, une telle imposture n’est possible que parce que l’ensemble des organisations politiques “républicaines”, de droite comme de gauche, semblent incapables d’articuler un discours qui réponde aux attentes de l’électorat populaire avec un minimum de crédibilité. C’est vrai à droite, où le discours passablement gaullien de Nicolas Sarkzoy lors de la campagne présidentielle de 2007 s’est traduit par une politique à la petite semaine, faite de “coups” médiatiques et d’une avalanche législative conçue en réponse aux émotions publiques sans véritable “vision” pour lui donner une cohérence. C’est aussi vrai à gauche, où la domination absolue des classes moyennes produit soit des discours “sociaux-libéraux” qui ont perdu toute crédibilité, soit des discours utopico-gauchistes qui n’en ont jamais eu. L’électorat populaire se sent aujourd’hui abandonné. A droite, par des gens qui ont promis un Etat fort qui protège et une revalorisation de la valeur travail, et qui ont fait exactement le contraire. A gauche, par des gens qui leur expliquent que les “véritables” problèmes sont la parité dans les entreprises du CAC40 et la régularisation de tous les sans-papiers. Comment dans ces conditions s’étonner que Marine Le Pen caracole en tête ?
Comment combattre Marine Le Pen ? Il est clair que la stratégie de la diabolisation n’agit plus. Dans la mesure où le discours se rapproche d’un discours conservateur-jacobin classique, il sera de plus en plus difficile de caractériser le Front National de “fasciste” ou “nazi” et de le mettre au ban de la société. Reprendre les thèmes du FN est suicidaire, parce que les électeurs préfèrent toujours l’original à l’imitation. Mais les ignorer revient de se couper d’un électorat pour qui ces questions sont importantes. A mon sens – et la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 l’a montré – on ne peut combattre le FN qu’en lui disputant son électorat populaire. Ce qui suppose de proposer une vision et un projet qui répondent d’une manière réaliste aux questions que cet électorat se pose. Pour la gauche, cela implique aborder avec réalisme des questions qu’elle a soigneusement évité depuis trente ans: immigration et assimilation, sécurité et cadre de vie, chômage et emploi, Etat et autorité. Son handicap, c’est qu’une réflexion réaliste sur ces questions implique quelque part une remise en cause de l’héritage “libéral-libertaire” cher aux classes moyennes. Autant dire que ce n’est pas près d’arriver.
Ces réalités, tout le monde les connaît. Mais personne n’a envie de les assumer. C’est pourquoi le sondage Harris Interactive a provoqué un tel scandale: le sondeur a dit la vérité, il doit être exécuté.
Descartes
(1) J’imagine que la publication de ce texte va me valoir une volée de bois vert. Cependant, je crois qu’il faut arrêter de se voiler la face. Il faut comprendre pourquoi le discours du FN est aujourd’hui aussi attractif, et pour le comprendre il faut commencer par le lire.
Bonjour,
“Un parti qui modifie en profondeur son discours ne peut éviter une modification aussi profonde de ses militants”
Qu’entendez vous par « modification profonde de ses militants » ? s’agit il des personnes ou de leur opinion ? Si par quelque malheureuse circonstance MLP approchait d’une hypothétique victoire,
tout à l’enthousiasme d’ un avènement si longtemps attendu, les militants seraient, à mon humble avis, tout prêts à infléchir illico presto leurs convictions.
La victoire à des talents tellement persuasifs.
Cette tempête dans un verre d’eau n’étant pas toutefois anodine, ne faudrait il pas redessiner une carte du/des champs politiques en France comme en Europe. Ils ne se déclinerait plus par le
spectre du rouge sombre au noir, de l’extrême gauche à l’extrême droite, tel qu’on les représentent depuis des décennies.
Un bouleversement du paradigme de la représentation politique qui est le notre me parait souhaitable et ce n’est pas le changement du numéro de la République qui résoudra la question.
Des lignes de force sont à (r)établir sur une nouvelle carte. Mais lesquelles ? Et comment situées les unes par rapport aux autres ? Nous sommes dans un maelström culturel, spirituel, sociétal,
cause et/ou explication de la versatilité des opinions, ouvre la porte ouverte à tous les possibles.
Après des décennies de consumérisme à tous crins, l’aspiration à une éthique humaniste et naturaliste devient émergente. La rareté des matières sur la planète, ou en tout cas leur renchérissement
va nous conduire plus rapidement peut être que prévu vers ces changements profonds de nos systèmes de valeurs. Les partis de gouvernement semblent complètement désemparés devant ce futur
insaisissable. Leurs atermoiements le confirment. Face à cela, la bouée de sauvetage que constitue un parti comme le FN, qui implicitement pour beaucoup, n’exige pas trop de réflexion, fait
florès.
Le meilleurs, peut être, que l’on puisse espérer, c’est un deuxième électrochoc, sous une forme ou une autre pour les présidentielles, qui mettrait en péril la pérennité des organisations
actuelles. Un évolution profonde de leur approche politique est elle à ce prix ?
Cordialement.
Qu’entendez vous par « modification profonde de ses militants » ? s’agit il des personnes ou de leur opinion ?
Les deux, mon général, mais principalement une modification des personnes. En d’autres termes, le FN va perdre les militants (et les électeurs) les plus attachés au pétainisme, à l’Algérie
Française (et donc à l’anti-gaullisme), au régionalisme de droite, à l’intégrisme catolique. Et il va gagner au contraire des militants (et des électeurs) plus proches d’une vision républicaine,
jacobine, gaullo-communiste (pour reprendre le terme à la mode). Ce changement de public ne peut pas ne pas changer à terme l’organisation elle même. Un parti qui dépend de militants et
d’électeurs d’une certaine orientation ne peut pas impunément les défier…
Si par quelque malheureuse circonstance MLP approchait d’une hypothétique victoire, tout à l’enthousiasme d’ un avènement si longtemps attendu, les militants seraient, à mon humble avis, tout
prêts à infléchir illico presto leurs convictions.
En partie. Mais je ne crois pas que les élécteurs et militants du FN soient plus disposés à infléchir leurs convictions que ceux de n’importe quel autre parti. De la même manière que ceux de la
“gauche radicale” ne deviendront pas des groupies de DSK s’il gagne demain la présidentielle, je ne crois pas que les électeurs FN deviendront tout à coup partisans de l’Euro si MLP “approchait
d’une hypothétique victoire”. Par ailleurs, dans la mesure où le FN se positionne de plus en plus dans un rôle tribunitien, je ne vois pas d’arrivée au pouvoir dans un avenir prévisible…
Un bouleversement du paradigme de la représentation politique qui est le notre me parait souhaitable
Sans aucun doute. En particulier, le fait qu’un parti clairement positionné à droite devienne le porte-parole des couches populaires met sérieusement en cause la fracture droite/gauche comme
paradigme de lecture de notre représentation politique. Plus que jamais, la fracture girondins/jacobins semble beaucoup plus pregnante.
Après des décennies de consumérisme à tous crins, l’aspiration à une éthique humaniste et naturaliste devient émergente.
Bof. C’est peut-être le cas chez les bobos qui ont vendu leur âme au diable libéral-libertaire et qui se cherchent aujourd’hui une âme de substitution. Mais je ne vois pas au niveau de la société
en général une telle “aspiration” se faire jour.
La rareté des matières sur la planète, ou en tout cas leur renchérissement va nous conduire plus rapidement peut être que prévu vers ces changements profonds de nos systèmes de valeurs.
Re-bof. Cela fait plus de cinquante ans qu’on nous répète cette chanson. Faut voir les rapports du Club de Rome dans les années 1960 qui prédisaient le grand chamboulement de nos “valeurs” avant
l’an 2000. En fait, le changement des “valeurs” est un processus incroyablement lent et finalement assez indépendant du prix des matières premières.
Le meilleurs, peut être, que l’on puisse espérer, c’est un deuxième électrochoc, sous une forme ou une autre pour les présidentielles, qui mettrait en péril la pérennité des organisations
actuelles. Un évolution profonde de leur approche politique est elle à ce prix ?
Je ne sais pas. Par tempérament, je me méfie de la politique du pire et des raisonnements qui essayent de dégager le positif de chaque catastrophe. Tu vois bien que “l’électrochoc” de 2002 n’a
servi absolument à rien. Trois mois de dépression et de bonnes résolutions (“il faut écouter les français”, “il faut proposer des nouvelles solutions”) et puis chacun est revenu à sa petite
politiquerie de quartier. Que ce soit au PS, au PCF ou dans la “gauche radicale”, c’est “business as usual”.
Bonjour
je vous approuve à 200% ; une question : quand je discute autour de moi, il me semble que , dans leur immense majorité,mes interlocuteurs partagent le même sentiment d’indignation républicaine ,
sur les sujets que vous évoquez . peut-être mes relations ne sont pas un échantillon représentatif de la société française , mais tout de même / comment expliquez vous le faible écho du combat de
JP Chevènement, et la faible implantation du MRC?
comment expliquez vous le faible écho du combat de JP Chevènement, et la faible implantation du MRC?
JPC est un technocrate dans la meilleure tradition des grands commis de l’Etat, et a fait le choix de travailler les sujets au fonds en technochrate. Sous ma plume, ce n’est nullement une
critique, au contraire. On a besoin d’experts qui réflechissent sérieusement aux sujets, et de technochrates qui organisent cette réflexion et JPC est l’un d’entre eux. Ses travaux, qui se fait
essentiellement à travers la fondation Res Publica, est influent parmi les hauts fonctionnaires (même parmi ceux qui ne sont pas de son bord…).
Le MRC souffre de cette “dépolitisation” de son leader, qui a bien compris les limites de l’action politique lorsqu’il s’est essayé à une campagne présidentielle en 2002.
la majorité des français reproche aux politiques de ne pas voir Leur réalité. Ils ont l’impression que les politiques vivent dans un autre monde. Or, il est clair qu’on ne peut régler des problèmes
qu’on occulte. Le plus gros problème est que les partis politiques ne veulent pas régler les problèmes car ce sont leur politique justement qui a créé les problèmes. Une remise en question n’est
pas à l’ordre du jour pas plus qu’une évolution des idées politiques de droite comme de gauche. Nous sommes à la fin d’un système et cela personne n’a envie de l’entendre. C’est toujours l’intérêt
personnel qui prône sur l’intérêt général. Pour moi, la gauche, la droite, ça ne veut plus rien dire. C’est pourquoi les deux parts majoritaires français ont autant de mal à se différencier.
La majorité des français reproche aux politiques de ne pas voir Leur réalité. Ils ont l’impression que les politiques vivent dans un autre monde. (…) Le plus gros problème est que les
partis politiques ne veulent pas régler les problèmes car ce sont leur politique justement qui a créé les problèmes.
Tu m’obliges à prendre la défense des politiques… vaste programme, n’est ce pas ?
En fait, les français ont un rapport schizophrène avec la politique. Comme le remarquait déjà mongénéral, “les français attendent tout de l’Etat, mais ils le détestent. Ils ne se comportent pas
en adultes”. Et la même chose peut être dite du rapport des français et des politiques. Nous avons eu, dans ce pays, des politiques courageux qui ont parlé des problèmes et qui ont cherché à les
résoudre. Qu’est ce que les français en ont fait ? Ils les ont marginalisé. On oublie un peu trop vite aujourd’hui que ce sont “les français” qui ont renvoyé De Gaulle dans ses foyers (deux
fois), qui ont fait à des personnalités comme Jean-Pierre Chévenement ou Philippe Séguin des maigres scores. C’est très joli de dire que “ce sont leurs politiques qui ont créés les problèmes”.
Seulement, ces politiques ont été plebiscitées par “les français”. Qui est sorti dans la rue pour protester contre la privatisation des services publics ? Personne.
Pour citer encore De Gaulle, les français aiment les révolutions mais détestent le changement. Au fonds, le politicien idéal, c’est Chirac: beaux discours et pas d’action. Résoudre les problèmes
implique du changement, de remettre en cause des positions acquises. Et cela, personne ne le veut, pas plus les politiques que “les français”. C’est pourquoi les programmes politiques se
traduisent en un “toujours plus de moyens” permanent. Donner “plus de moyens à l’école”, ça fait plaisir à tout le monde et ça ne fait de peine à personne. Par contre, proposer de “réformer
l’école” implique du changement… et donc de changer la manière dont les gens travaillent. Avec ça, tu as des millions de protestataires dans les rues. Autant donc s’en tenir au “plus de
moyens”.
Les politiques sont ce que les français en ont fait. S’ils “ne voient pas leur réalité”, alors ils n’ont qu’à s’en prendre à eux mêmes et à mieux voter la prochaine fois.
Pour moi, la gauche, la droite, ça ne veut plus rien dire
Pour moi non plus: la fracture girondins/jacobins me semble aujourd’hui un prisme de lecture de la réalité politique bien plus pertinent.
Bonjour,
Vous évoquez souvent les jacobins, je vois à peu près ce que vous voulez dire. Mais voila que vous écrivez deux fois,dans ce billet ou ses commentaires, “la fracture girondin/jacobin”.
Il me semble qu’il y a derrière ce vocable une notion originale que j’aimerais voire développée.
Dans mon “coran” Wikipédia,ce n’est pas évoqué, et pourtant,on y trouve habituellement presque tout.
Merci cordial par avance.
Il me semble qu’il y a derrière ce vocable une notion originale que j’aimerais voire développée.
Mon idée est que le spectre politique en France est dominé par deux oppositions. Il y a la coupure droite/gauche, qui traditionnellement oppose les partisans du changement à ceux du statu-quo,
les progressistes aux conservateurs. Mais il y a une deuxième, qui est orthogonale à la première, qui est celle que j’appelle jacobins/girondins. Qui est une coupure qui se fait plus sur
une question d’organisation de la société: d’un côté ceux qui pensent la société comme étant un “tout” indivisible, d’où leur préférence pour un état fort, leur attachement à la souverainété
nationale, à une société exigeante vis à vis des individu. De l’autre côté ceux qui voient dans l’individu la mesure de toute chose et qui préfèrent donc une société morcelée (en régions, en
communes, en individus autonomes) ou le pouvoir est dispersé au plus près des individus (1).
En d’autres termes, là où dans d’autres pays le débat est bipolaire (gauche/droite, republicains/démocrates) en France il est quadripolaire: jacobins de gauche, girondins de gauche, girondins de
droite, jacobins de droite. Avec des alliances qui traversent l’une ou l’autre division selon les époques: ainsi pendant la IVème République gaullistes et communistes (“jacobins” de gauche et de
droite) se sont trouvés affronter une “troisième force” qui regroupait l’ensemble des “girondins”. L’Union de la Gauche fut au contraire une alliance entre les girondins et les jacobins de gauche
contre l’ensemble de la droite.
Aujourd’hui, après une longue prédominance de la logique droite/gauche on tend de plus en plus à revenir à une opposition girondin/jacobin qui se traduit par d’étranges traversées de la frontière
droite/gauche.
(1) J’ai choisi d’appeller cette opposition jacobins/girondins parce qu’en 1789 les jacobins représentaient le premier pôle et les girondins le second. Mais il est évident que les “jacobins” et
les “girondins” de 2011 ne sont pas à strictement parler en continuité avec leurs prédecesseurs.
Mélenchon vient, sur son blog, de pondre un deuxième article coup sur coup au sujet du sondage qui pointe une avancée significative du FN. Mélenchon fait une critique des sondages, mais à aucun
moment il n’admet que le FN marque des points et de facto il ne fait pas l’analyse de ce phénomène (1).
Personnellement, je suis pour l’essentiel d’accord avec ton analyse.
Les sondages sont certes critiquables, mais il est stérile de ne pas admettre que le FN progresse dans l’opinion.
Face au néolibéralisme et à ses corolaires pour notre pays (pertes d’emplois, destruction du tissu industriel et agricole, dérégulations, régression des protections sociales, casse des services
publics ….) le FN propose des solutions qui sont claires (protectionnisme, sortie de l’euro, contrôle des frontières, arrêt de l’immigration …). On peut discuter de la pertinence et du réalisme
des propositions faites par le FN, mais force est de constater qu’elles ont le mérite de la clarté et qu’elles font écho aux préoccupations des classes populaires qui sont en première ligne face à
la crise du système.
Face à ces préoccupations des classes populaires, mettre en avant un smic européen et ne pas dire comment on compte rompre avec la mondialisation néolibérale, ne peut pas avoir la même portée ; et
au pire cela peut conforter ceux qui pensent que Mélenchon ménage le PS pour le moment venu avoir son strapontin dans un éventuel gouvernement de gauche plurielle.
On est à 14 mois de l’élection présidentielle, c’est court , la gauche radicale doit d’urgence se ressaisir, il ne faudrait plus perdre de temps ; hélas elle n’en prend pas le chemin.
(1) J’ai essayé d’exprimer mon point de vue sur son blog, mais je me suis fait « shooté » par le webmestre. Je ne sais pas si le webmestre m’a dans le nez, ou bien s’il a la consigne d’éliminer les
messages trop discordants avec le billet de Mélenchon?
Mélenchon vient, sur son blog, de pondre un deuxième article coup sur coup au sujet du sondage qui pointe une avancée significative du FN. Mélenchon fait une critique des sondages, mais à
aucun moment il n’admet que le FN marque des points et de facto il ne fait pas l’analyse de ce phénomène
Si. C’est justement la bizarrerie de ce deuxième article. Mélenchon écrit: “Dans le vide, ce qui avance c’est la seule force cohérente qui combine en un tout une organisation, la notoriété
d’un nom et une aptitude à donner un sens à la colère du grand nombre à droite et parmi les désorientés. (…) Elle [Marine Le Pen] est en train de réussir dans son camp ce que nous, l’autre
gauche, n’arrivons pas à faire dans le notre : siphonner les dominants et prendre leur place, pour pouvoir enfin agir autrement que d’après les vieilles routines qui ont échoué”. Ce
demi-aveu est lourd de sens: non seulement il admet que MLP “est en train de réussir”, mais il admet aussi que “dans notre camp” le FdG n’arrive pas “à donner un sens à la colère du plus grand
nombre”.
Comme toi, j’ai remarqué que cette fois-ci tous les messages (il n’y a pas que le tien, je me suis amusé à consulter le site toutes les cinq minutes pour voir les messages avant qu’ils
disparaissent, il y en a plusieurs…) qui critiquaient cette focalisation sur le sondage comme technique en ignorant le fait que le sondage en question reflète une réalité qui correspond tout à
fait aux remontées de terrain et dont Jean-Luc lui même partage (on le voit dans la citation précédente) la conclusion.
Je vais me permettre une conjecture sur cette réaction. La colère de Jean-Luc est une colère purement tactique. Comme ces oiseaux qui à l’approche du prédateur s’éloignent de leur nid et se
mettent à faire du bruit pour tromper le prédateur sur la vraie position des oeufs, Jean-Luc se concentre sur le messager pour nous faire oublier le message. Car il a vu le danger de la
situation: dès lors que les scores de MLP lui permettent de rester au deuxième tour de l’élection présidentielle, la pression sera énorme sur les électeurs de gauche au premier pour “voter utile”
et éviter la répétition du scénario de 2002. Or, toute la stratégie du FdG était construite sur l’idée de faire un bon score au premier tour pour ensuite pouvoir faire pression sur le candidat
socialiste.
Quelque soit le score réel de Marine Le Pen dans l’opinion, il est vital pour le FdG que les électeurs soient convaincus qu’elle n’a aucune chance d’être au second tour. D’où l’attaque préventive
sur les sondages.
On est à 14 mois de l’élection présidentielle, c’est court , la gauche radicale doit d’urgence se ressaisir, il ne faudrait plus perdre de temps ; hélas elle n’en prend pas le chemin.
Oui. JLM a beau être un tacticien de premier ordre, je commence à me demander s’il n’est pas un piètre stratège.
Grand merci pour votre éclairage sur la fracture girondins/jacobins qui me parait pertinente.
Néanmoins, cette approche peut expliquer, voire justifier une dissolution du caractère démocratique de notre république.
La rupture d’un équilibre entre jacobinisme et « girondinisme »-excusez le néologisme dans l’organisation de la classe politique actuelle, ne risque t-elle pas de conduire le pays vers la situation
que vivent les pays arabes ?.
L’oligarchie de fait qui règne plus qu’elle ne gouverne n’est elle pas ce que, d’une manière certes plus justifiée, les peuples arabes rejettent avec vigueur ?
L’élite gouvernante en place, mérite t-elle sa prééminence dans les pouvoirs qu’elle exerce ? Une république jacobine, donc un tantinet « nobiliaire » ne devrait elle pas impliquer un niveau
d’excellence de ses dirigeants hors de portée de beaucoup des titulaires actuels.
Je suis assez d’accord avec votre description du « profil »des experts et des technocrates, ceux qui savent les choses, ceux qui savent les organiser – si je fais un peu court- mais quid de ceux
qui ont la mission de les décider[les choses] au nom du peuple ?
Témoin comme nous tous des atermoiements de tous, je dis bien tous les dirigeants actuels, je me demande, si un petit contrepouvoir permanent n’existait plus, à quelles extrémités nous serions
exposés.
La « bulle » des palais parisiens dans lesquels ils vivent et les réactions « incestueuses » qu’ils entretiennent, ne sont pas un gage de fiabilité de l’exercice de leur fonction. Si on leur
appliquait, avant tout le monde, le principe d’une république modeste, peut être seraient ils mieux enclins, prédisposés à mener une existence un peu plus ascétique qu’exige l’honneur de diriger
ses concitoyens. A cette principale condition une république jacobine pourrait en effet produire du progrès social et économique.
Ces quelques mots n’épuisent évidemment pas le sujet du type de comportement des dirigeants d’une démocratie moderne.
La rupture d’un équilibre entre jacobinisme et « girondinisme »-excusez le néologisme dans l’organisation de la classe politique actuelle, ne risque t-elle pas de conduire le pays vers la
situation que vivent les pays arabes ?.
Je ne vois pas par quel miracle. Faire ce genre de paralèlle revient à ignorer des différences historiques fondamentales. L’Etat français n’a pas du tout la même histoire (ni la même fonction)
que les Etats des pays arabes.
L’oligarchie de fait qui règne plus qu’elle ne gouverne n’est elle pas ce que, d’une manière certes plus justifiée, les peuples arabes rejettent avec vigueur ?
D’abord, faudrait savoir à quelle “oligarchie” vous faites référence. Quelque soit la définition que vous retenez, les français ont l’opportunité de renvoyer cette “oligarchie” à ses chères
études tous les cinq ans, ce que les peuples arabes ne pouvaient pas faire. D’où il résulte, avec une totale inévitabilité, que si notre “oligarchie” reste au pouvoir, c’est parce que les
français le veulent bien.
L’élite gouvernante en place, mérite t-elle sa prééminence dans les pouvoirs qu’elle exerce ?
Dans la mesure où elle détient son pouvoir du peuple souverain, la réponse est sans ambigüité: oui.
Une république jacobine, donc un tantinet « nobiliaire » ne devrait elle pas impliquer un niveau d’excellence de ses dirigeants hors de portée de beaucoup des titulaires actuels.
Je vois mal pourquoi une république jacobine serait “un tantinet nobiliaire”. Evidement, une république est toujours mieux gouvernée lorsqu’elle a des dirigeants de qualité. Mais en dernière
instance, c’est le peuple qui choisit.
Je suis assez d’accord avec votre description du « profil »des experts et des technocrates, ceux qui savent les choses, ceux qui savent les organiser – si je fais un peu court- mais quid de
ceux qui ont la mission de les décider[les choses] au nom du peuple ?
C’est au peuple de décider. On peut recruter par concours les hauts fonctionnaires et les grands commis de l’Etat. Mais le peuple est souverain à l’heure de choisir ceux en qui il délègue le
pouvoir de choisir en son nom. En ce sens, on peut dire qu’en démocratie les peuples ont les gouvernements qu’ils méritent.
La « bulle » des palais parisiens dans lesquels ils vivent et les réactions « incestueuses » qu’ils entretiennent, ne sont pas un gage de fiabilité de l’exercice de leur fonction.
Faudrait tout de même pas trop exagérer en reprenant le discours anti-élites à la mode. Les “élites” françaises sont beaucoup plus mélangées qu’on veut bien le dire, et elles sont loin de vivre
dans une “bulle”.
Si on leur appliquait, avant tout le monde, le principe d’une république modeste, peut être seraient ils mieux enclins, prédisposés à mener une existence un peu plus ascétique qu’exige
l’honneur de diriger ses concitoyens.
Faudrait qu’on m’explique ce qu’une “république modeste” veut dire. Je ne vois pas pourquoi “l’honneur de diriger ses concitoyens” exigerait une “vie ascétique”. Ce genre de principes sentent à
plein nez des relents catho. Les gouvernants n’ont pas à être des saints. D’ailleurs, comment un gouvernant “ascétique” pourrait représenter correctement des citoyens qui, eux, ne le sont pas ?
Non: on demande au dirigeant d’être compétent, d’être honnête, et de prendre ses décisions pour le bien public. On ne lui demande pas de donner la moitié de son manteau aux pauvres.
bonjour et merci de m’avoir répondu. je suis bien d’accord que ce sont les français qui élisent leurs gouvernants. Mais alors, ne serait-ce pas la Ve république qui poserait problème, et donc le
suffrage universel ? La Ve république a été faite par De Gaulle, pour De Gaulle, mais De Gaulle était le président de tous les français, les présidents qui ont suivi n’ont été que des chefs du
parti dit majoritaire. Chirac a bien peaufiné le système en raccourcissant le mandat présidentiel et en plaçant les législatives juste derrière. Sarkozy est le summum de l’incarnation du président
d’un parti et non pas des français.
Je veux bien qu’on dise que les français sont des veaux et ils ont certainement été très naïfs pendant des années, pendant les trente glorieuses par exemple, où tout allait bien finalement, on
n’avait pas vraiment besoin des “politiques” et ceux-ci ont pu aussi peaufiner leur talent de combinard.
Je n’ai pas votre érudition, mes propos sont donc assez “secs” dirons-nous. J’essaie de réfléchir par moi-même juste. et je ne dois pas être la seule. On ne peut se mettre à genoux et se frapper la
poitrine, cela ne sert à rien. On en est au bilan, il n’est pas brillant, tout est à changer. C’est la fin d’un système. C’est pourquoi ces futures élections sont capitales pour l’avenir de notre
Pays. Je pense que les français en sont conscients.
Finalement, le mieux ne serait-il pas de refaire de la France une monarchie ? La monarchie est peut être plus démocratique que le système actuel qui vise à donner tous les pouvoirs à un parti qui
ne représente même pas la moitié des français. Un roi n’est pas l’homme de tous les pouvoirs comme on voudrait le faire croire. Le chef du gouvernement serait élu et non nommé, il n’y aurait pas de
parti majoritaire mais une assemblée représentative de la totalité des français. Bien sûr, ce sont des propos “bruts” de décoffrage. Mais j’attends vos réflexions toujours pertinentes. D’ailleurs
j’allais sur le site de Mélenchon en partie pour vous lire…..
Mais alors, ne serait-ce pas la Ve république qui poserait problème, et donc le suffrage universel ?
Ah… le suffrage universel a toujours été un sérieux problème… si seulement on pouvait reserver le vote à ceux qui sont d’accord avec nous…
Bon, plaisanterie à part, j’imagine que ce que vous voulez dire c’est que ce qui pose problème, c’est l’élection du président de la République au suffrage universel. La question qu’il faudrait se
poser c’est: quel est exactement le problème que ça pose ? Après tout, Margaret Thatcher exerça le pouvoir dans le cadre d’un système théoriquement “collégial” (parlement+cabinet). Et on ne voit
pas que son exercice du pouvoir ait été dans les faits plus “démocratique” que celui de Mitterrand ou de Sarkozy. L’idée qu’un régime d’assemblée est par essence plus “démocratique” que le régime
présidentiel est fausse: il faut se rappeller de la IVème République, ou les gouvernements se faisaient et se défaisaient en fonction des magouilles de couloir entre les partis et sous
l’influence des lobbys sans que les citoyens aient leur mot à dire. On oublie aujourd’hui que l’élection du président au suffrage universel a été très populaire précisement parce qu’elle
apparaissait comme une rupture avec le régime honni de la “combinazione” parlementaire qui caractérisa la IVème République.
Personnellement, je pense que la question qu’il faut se poser est la balance pouvoir/responsabilité. Plus on multiplie les contre-pouvoirs, plus on met de garde-fous et de structures de contrôle,
et moins l’homme politique est responsable des politiques qu’il met en oeuvre. Pour prendre un exemple limite, un gouvernement tout-puissant est en même temps tout-responsable: dans la mesure où
les politiques qu’il met en oeuvre sont celles qu’il a choisi sans interférence, il ne peut pas rejeter la responsabilité des échecs sur quelqu’un d’autre. Par contre, un gouvernement qui est
obligé en permanence de composer avec un ensemble complexe de contre-pouvoirs ne met pas en oeuvre un projet conçu par lui, mais un projet amendé, fruit de négociations et de compromis. Si la
politique en question échoue, qui en porte la responsabilité ? Le gouvernement qui l’a proposée ? Ceux qui l’ont amendée ?
La Vème République dans sa “version originale” instaurait un régime de responsabilité: un président élu pour une longue période au suffrage universel, un gouvernement disposant d’instruments
exceptionnels pour empêcher le Parlement de dénaturer ses projets sur les détails (art 34) ou de le mettre devant ses responsabilités (art 49-3, dissolution), on voit bien qui est “responsable”.
C’est Mitterrans qui rompt avec ce modèle en acceptant la cohabitation en 1986. Ses successeurs, en racourcissant le mandat présidentiel, en multipliant toutes sortes de “autorités
administratives indépendantes” et en encourageant un transfert continu de compétences vers l’Europe, ont renforcé encore cette rupture. Il faut relire Maurice Duverger (“la nostalgie de
l’impuissance”)…
Je veux bien qu’on dise que les français sont des veaux et ils ont certainement été très naïfs pendant des années, pendant les trente glorieuses par exemple, où tout allait bien finalement,
on n’avait pas vraiment besoin des “politiques” et ceux-ci ont pu aussi peaufiner leur talent de combinard.
Je pense que c’est extrêmement injuste. D’abord, les français n’ont jamais été “naïfs”. Ils ont au contraire défendu avec hargne leurs intérêts. Le problème, c’est que “les français” ne sont pas
un groupe homogène. Et que certains groupes, vers la fin des “trente glorieuses”, ont réalisé que leur intérêt était dans l’affaiblissement de l’Etat. Ensuite, on oublie que beaucoup de
“politiques” des “trente glorieuses”, loin d’être des purs “combinards”, ont mis leur talent au service du bien public. On oublie aujourd’hui des gens comme Lucien Newirth, comme Robert Galley…
bien sur, le service public, ce n’est pas médiatique…
On en est au bilan, il n’est pas brillant, tout est à changer. C’est la fin d’un système.
Personnellement, je ne crois pas que “tout soit à changer”. Je me méfie des tendances nihilistes à faire “table rase” du passé. Nous avons un héritage institutionnel qui est magnifique,
mais qui est aussi fragile. Ayons pour lui l’émerveillement et le soin du jardinier.
Finalement, le mieux ne serait-il pas de refaire de la France une monarchie ?
C’est une idée que De Gaulle lui même avait caressé après son exil forcé à Londres, où il avait vu fonctionner la monarchie britannique. La monarchie constitutionnelle a l’immense avantage de
séparer le pouvoir symbolique et le pouvoir politique et crée une autorité “d’ultime recours” qui est protégée des intérêts particuliers par son statut exceptionnel à tous égards. Seulement, en
matière institutionnelle c’est l’histoire qui commande, et l’identité française s’est bâtie sur un (ou plusieurs) régicides. De Gaulle comprit très vite qu’en France aucune légitimité ne peut se
construire qui ne vienne du peuple lui-même.
C’est que la France est essentiellement un pays politique. Nous ne concevons pas nos gouvernants comme des “arbitres” entre les différents intérêts, mais comme une force agissante à qui on
demande de résoudre les problèmes. Or, il ne faut jamais oublier que l’essence de l’institution monarchique se trouve dans le pouvoir d’arbitrage. Le Roi est avant tout une “fontaine de justice”,
et la monarchie se construit d’abord pour organiser le pouvoir judiciaire et arbitrer dans les querelles des seigneurs. Dès Louis XI, la France s’écarte de ce modèle. Il est trop tard pour y
revenir…
La Vème République organisait d’une certaine façon un substitut: la “monarchie républicaine”, en donnant au Président une légitimité incontestable (celle du suffrage universel et du recours
au peuple par le référendum ou la dissolution) et en l’inscrivant dans le temps long.
D’ailleurs j’allais sur le site de Mélenchon en partie pour vous lire…..
Pas la peine. En ce moment la censure frappe sévèrement tout ce qui ne va pas dans le sens du vent. Or, j’essaie d’écrire des commentaires avec un certain soin de la qualité. C’est du boulot et
j’estime qu’on manque de respect lorsqu’on fait disparaître ce travail sans explications. Je me suis fait une règle: chaque fois qu’un billet à moi est censuré sans explication, je m’interdis de
publier un autre commentaire sur le même billet de JLM. Mais vous êtes la bienvenue à débattre ici, même si c’est “brut de décoffrage”
« Faudrait qu’on m’explique ce qu’une “république modeste” veut dire. »
Une république modeste est, pour moi comme pour le petit Larousse,« une forme d’organisation politique modérée, éloignée de toute exagération », modérée ne veut pas dire timorée et exagération
n’est pas synonyme d’ambition.
Si vous trouvez qu’affirmer à tout bout de « chant » les louanges de l’argent roi, fumer des havanes sur le budget d’un ministère, utiliser un avion privé pour traverser l’Atlantique, en équipe
pour « prendre l’apéro », vendre des terrains des domaines de manière prêtant à suspicion, traficoter avec des affairistes mafieux proche de Ben Ali, en prenant les Français pour des naïfs, imposer
ou presque son fils à des responsabilités manifestement hors de portée de ses compétences démontrées, etc, etc ……,si vous trouvez cela « normal » et banal, alors là je ne suis absolument pas
d’accord avec vous.
Je ne dis pas que cela concerne la majorité des élites, mais que fait cette majorité silencieuse ? Elle s’accommode un peu trop de ces turpitudes et ne réagit qu’après le scandale publié dans la
presse. De deux choses l’une, ou elle est aveugle ou elle est lâche et/ou complice. Dans les deux cas, le citoyen lambda –athée mâtiné d’agnosticisme que je suis- ne peu y reconnaitre la moindre
vertu et mes doutes sur la « modestie » de la république me paraissent fondés.
Concernant ces élites, bien évidemment il ne s’agit pas de condamner l’excellence qu’elles représentent mais il serait pertinent de bien définir en effet, comme pour l’oligarchie par ailleurs, ce
que cela représente. Entre « vie ascétique » et « une prédisposition à mener une existence un peu plus ascétique », il y a une nuance que je ne peux laisser, sans réagir, se retourner contre
l’opinion que je souhaite développer.
Ne confondez vous pas morale et éthique ? Vaste sujet…….
Je considère qu’il n’est pas convenable qu’une équipe dirigeante entretienne en son sein, sans réaction si le scandale n’est pas révélé par la presse, des comportements relevant ordinairement dans
les entreprises du détournement de fonds sociaux, de corruption, ou de conflit majeur d’intérêt. J’ai cité peu de cas, tout le monde connait les autres.
Entre une vie dispendieuse et ostentatoire et l’ascétisme, il y a une juste mesure à respecter strictement car il s’agit d’argent public, celui de tous, alors que l’argent privé des « citoyens »,
ils n’ont de comptes à rendre à personne.
Quel est le rang de la France en matière de corruption ? Est il pertinent de le comparer à celui de ses « performances » en matière d’éducation ?
Par ailleurs un blog, votre blog, n’est pas un colloque. Peut être fais-je erreur, mais il me semble que la forme de communication qu’on y rencontre, est plus proche de l’oral que de l’écrit, avec
un certain « amateurisme » qui caractérise « normalement » les commentaires. Le contraire pourrait nuire à l’expression spontanée. Ce qui n’exclut pas un minimum de rigueur que chacun doit
s’imposer.
Votre action est « active », dans vos billets, résultat de votre choix sur le sujet, de votre expertise, sinon ils seraient sans intérêt,et enfin de l’expression d’une conviction qui est la
votre.
Nous, vos lecteurs, sommes par nature « réactifs », c’est-à-dire que nous ne sommes pas forcément sur notre terrain de compétence, avec comme corolaire l’emploi « vulgaire » de mots qui recouvrent
souvent des significations biens plus complexes. Un exemple récent ici même concernant les termes « besoins, désir, envie » en témoigne, et pourtant la discussion aurait put justifier de longs
développements. Dans un billet précédent les mots valeurs et plus value pouvaient aussi se décliner de différentes façons sans toutefois mettre en cause l’interprétation « marxisante » que vous en
avez fait.
Pour rester néanmoins dans le cadre de ce billet, je crains que beaucoup de citoyens, en effet,ne se donne pas la peine d’aller au delà de leurs pulsions – sinon vous auriez quelques milliers de
lecteurs – et qu’ils sont pour beaucoup à se laisser bercer par un discours devenu lénifiant- j’allais écrire lepénifiant- et qui satisfait plus leur instinct que leur raison.JLM, me semble t-il
est plus considéré comme un agité (merçi, on donne déjà)qu’un agitateur d’idées claires, ordonnées, cohérentes et crédibles.D’où un certain “flottement” à peine perceptible
Pour conclure, je persiste et signe, les différences d’interprétations que l’on peut avoir sur votre blog, enrichissent plus en capacité de réflexion qu’ils ne coutent en énergie et en temps à
commenter. Toute ma reconnaissance pour votre « production d’entropie».
Cordialement.
Une république modeste est, pour moi comme pour le petit Larousse,« une forme d’organisation politique modérée, éloignée de toute exagération » (…) ,si vous trouvez cela « normal » et
banal, alors là je ne suis absolument pas d’accord avec vous.
Non, je ne trouve cela ni banal, ni “normal”. Mais pas pour une question de “modestie” ou de “modération”. Je ne trouve cela ni banal ni “normal” parce que l’Etat n’est pas là pour le bénéfice
personnel de ceux qui sont censés le servir, et encore moins de ceux qui sont censés le diriger. Mais cela ne veut pas dire que l’Etat doive être “modeste”, c’est à dire, “modéré, éloigne de
toute exagération”. Lorsque Louis XIV bâtit Versailles comme instrument politique, il rend service au pays en étant immodeste. L’influence de ce bâtiment de prestige sur le reste de l’Europe fut
en effet énorme, et on retrouve dans bon nombre de pays européens des bâtiments construits “pour imiter Versailles”.
Je n’aime pas cette idée “d’Etat modeste” parce que derrière elle se cache une idéologie de réduction de l’Etat à ses aspects utilitaires. Or, l’Etat c’est aussi une symbolique.
Entre une vie dispendieuse et ostentatoire et l’ascétisme, il y a une juste mesure à respecter strictement car il s’agit d’argent public, celui de tous, alors que l’argent privé des «
citoyens », ils n’ont de comptes à rendre à personne.
Sur ce point, on est d’accord. L’argent public doit être dépensé pour le bien public et le peuple par ses représentants doit exiger des comptes. Seulement, dans certains cas le bien public exige
une certaine “immodestie”. Oui, le président pourrait parfaitement voyager dans un avion de ligne et faire la queue comme tout le monde à l’enregistrement. Seulement, est-ce que cela renforcerait
en dernière instance l’institution présidentielle ? Or, nous avons tous un intérêt à ce que nos institutions soient fortes…
Quel est le rang de la France en matière de corruption ?
Je ne sais pas. Mais pour avoir vécu de longues années dans des pays où la corruption est endémique, je peux te dire que la différence est sidérale. Et surtout, nous avons l’avantage d’avoir une
haute fonction publique honnête, ce qui n’est pas si courant. Au lieu de se frapper la poitrine, on ferait bien de la préserver.
Pour conclure, je persiste et signe, les différences d’interprétations que l’on peut avoir sur votre blog, enrichissent plus en capacité de réflexion qu’ils ne coutent en énergie et en temps
à commenter. Toute ma reconnaissance pour votre « production d’entropie».
Je vous remercie beaucoup, et vous m’encouragez à continuer d’essayer d’animer cet espace. J’ai senti cependant un petit reproche dans votre remarque concernant l’usage de la langue, et je veux y
répondre. De par ma formation, j’ai tendance à penser qu’il est impératif de se donner les mots justes pour exprimer des idées justes. L’à-peu-près est souvent le masque derrière lequel se
cachent souvent des idées creuses, des raisonnements approximatifs, des “prémisses cachées”. C’est pourquoi j’ai tendance dans ces échanges à reprendre certains termes ou à demander à mon
interlocuteur de les définir. Bien entendu, des fois c’est moi qui commet le pêché en question… nobody is perfect. Mais je vous prie de croire qu’il n’y a aucune volonté maligne dans mes
remarques sur les questions de terminologie.
Comme quoi, ne pas hésiter à mettre courtoisement “les points sur les i” ne peut qu’améliorer la qualité du débat. Je suis entièrement d’accord avec vous sur le rôle de l’État, et ce que je
reprocherais au notre actuel, c’est de favoriser les dépenses quotidiennes, de “poches” remarquez que je ne dis pas “de fonctionnement” au détriment des réalisations ambitieuses matérielles ou
immatérielles. Avoir cette chance inouïe d’être né en France,oblige, comme dirait Camus, et particulièrement nos dirigeants, de qque bord qu’ils soient.
Pour le vocabulaire, notre patrimoine parmi les plus précieux, doit être respecté. Simplement, je comprend très bien qu’il n’est pas possible, dans le cadre de ces lignes , de développer la
sémantique de notre vocable, et chacun doit bien sur en tenir compte.
“Ma patrie, c’est la langue française”
Albert Camus, discours de Stockholm
“Ma patrie, c’est la langue française”
A mettre en exergue au fronton des écoles.