En suivant le débat sur le voile islamique provoqué par l’intervention en séance du conseiller régional RN de Bourgogne-Franche-Comté Julien Odoul, on se sent un peu comme le personnage incarné dans le film « Un jour sans fin » par Bill Murray. Journaliste minable envoyé par sa chaine pour couvrir dans un bled perdu la « fête de la marmotte », il se trouve piégé dans une anomalie temporelle qui fait que chaque matin c’est la même journée qui recommence. Chaque matin, le monde est revenu au même point dans le temps, et seul le personnage principal se souvient de ce qu’il a fait pendant les journées précédentes.
Avec le voile, c’est pareil. A chaque fois, les mêmes personnages agissent de la même manière, comme si le temps n’avait pas passé. Trente ans après Creil, le débat n’a pas avancé d’un pouce. La bienpensance paternaliste et victimaire qui met en avant les « droits des minorités », et se bat contre les moulins à vent de l’islamophobie est toujours là. Le discours qui fait – à tort, à mon avis – du voile une question de laïcité ou de droits de la femme aussi. On entend les mêmes bêtises, les mêmes outrances. On voit les mêmes gens de bonne volonté s’engager dans les mêmes faux combats. On dirait à chaque fois que les gens ont tout oublié, et rien appris. Alors, chers lecteurs, excusez-moi si je me répète moi aussi, mais il y a des choses qu’on ne peut laisser passer.
D’abord, revenons-en aux faits qui ont provoqué cette nouvelle polémique. La publication de la vidéo tournée dans l’enceinte du Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté (1) nous permet de voir exactement ce qui s’est dit ce jour-là. Les bruits, les cris et les interruptions rendent quelquefois la compréhension aléatoire, mais on peut entendre Julien Odoul prendre la parole en ces termes : « Madame la présidente, je vais vous demander s’il vous plait, au nom de nos principes laïques, de bien vouloir demander (l’orateur est ici interrompu par des cris divers et un brouhaha), de bien vouloir demander à l’accompagnatrice qui vient de rentrer dans cette salle de bien vouloir retirer son voile islamique, s’il vous plait. (Nous sommes) dans un bâtiment public, nous sommes dans une enceinte démocratique. Madame a tout le loisir de porter son voile chez elle, dans la rue, mais pas ici, pas aujourd’hui. Au nom de la démocratie républicaine, au nom aussi des femmes qui luttent dans le monde (contre) la dictature islamique, je vous demande de demander à cette personne de bien vouloir retirer son voile. » (suit un brouhaha où il est difficile d’entendre ce qui est dit). »
Le ton est calme, la parole posée. On ne peut pas dire la même chose de la réponse qui n’a pas terdé. Car cette simple demande a suffi pour faire sortir dans l’arène l’ensemble de la bienpensance, toujours prête à défendre la veuve et l’orphelin à condition qu’ils appartiennent à un groupe minoritaire. Peut-être la plus emblématique de ces manifestations fut la tribune publiée par « Le Monde » et signée par 90 personnalités intitulée « Jusqu’où laisserons nous passer la haine des musulmans ? » (2). Que nous disent les auteurs de ce texte ? Que « cette scène, ces mots, ce comportement sont d’une violence et d’une haine inouïes ». Franchement, relisez l’intervention d’Odoul. Où voyez-vous la « haine » ou la « violence », et qui plus est, « inouïe » ? Et surtout, en quoi l’intervention de Julien Odoul fait référence « aux musulmans » en général ?
Ce qui est pour moi est le plus intéressant, c’est que les pétitionnaires estiment nécessaire de rappeler dès le départ de leur diatribe que « rien, ni dans le règlement ni dans la loi, ne justifiait que cette femme soit poussée vers la sortie de l’assemblée régionale. Elle avait tout à fait le droit d’y être, vêtue de son foulard ». Admettons un instant que ce soit le cas (3). Outre le fait que personne n’a « poussé cette femme vers la sortie », ce que les auteurs de cette tribune – et l’ensemble de la bienpensance avec eux – oublient est que dans une société la loi et le règlement ne condensent pas toutes les normes que les personnes sont tenues de respecter. Aucune loi ne m’oblige à dire « bonjour » lorsque je m’adresse à quelqu’un, ou à lui serrer la main lorsqu’il me la tend. Aucun règlement ne m’oblige à tenir la porte pour laisser la personne qui vient derrière moi, ou à vouvoyer les personnes que je ne connais pas. Il n’empêche que refuser ostensiblement de le faire m’expose à une remarque désagréable. Qui irait se scandaliser devant une telle remarque ? Qui irait invoquer le « droit » de chacun de ne pas saluer ou celui de tutoyer ?
C’est entendu, « Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas ». Mais il existe une marge importante entre « empêcher » et « contraindre » d’un côté, et de tolérer en silence de l’autre. Je n’ai pas le droit de frapper celui qui refuse de serrer ma main ou de me dire bonjour, mais j’ai parfaitement le droit de lui dire ce que je pense de son attitude, et de lui demander d’en changer. Et cela ne constitue ni un geste de « haine », ni une manifestation de « violence ».
Faire société, c’est aussi partager une sociabilité commune. Une sociabilité faite de gestes qui ne sont pas obligatoires au sens que je pourrais être emprisonné ou mis à l’amende si je refusais de les accomplir, mais dont le refus m’expose à entendre les reproches de mes concitoyens, à perdre leur confiance ou leur bienveillance. Car de la même manière qu’aucune loi n’oblige une femme à se dévoiler, aucune loi ne m’oblige à avoir pour une femme voilée la moindre bienveillance, la moindre confiance. La loi vous assure le droit d’être protégé, et cette protection vous est due. Mais aucune loi ne vous donne le droit d’être apprécié, respecté, aimé, considéré par vos concitoyens. Si vous voulez tout cela, alors il faut faire un peu plus, et en particulier, vous plier aux règles de sociabilité qui sont celles de la société ou vous vivez.
Le problème que pose le voile islamique n’est donc pas une question de laïcité, pas plus qu’une question de droits des femmes. Ce n’est pas une question de laïcité parce que la laïcité suppose l’indifférence de l’Etat envers les religions et leur relégation à la sphère privée, et non pas l’occultation par les personnes privées de leurs pratiques religieuses. Ce n’est pas une question de droit des femmes parce que les femmes qui se voilent le font volontairement, et qu’il est absurde de défendre le « droit » d’une personne à faire ce qu’elle ne souhaite elle-même pas faire. Non, si le voile pose un problème c’est parce que la femme voilée proclame le refus des règles de sociabilité du pays où elle vit (4), établissant une barrière étanche entre la communauté des gens qui se voilent et le reste de la collectivité nationale. Et le problème n’a rien de « musulman » : il se pose chaque fois qu’une communauté se renferme sur elle-même et établit par des symboles des frontières étanches entre elle et le reste de la société. Que ces symboles soient religieux, politiques ou autres.
La véritable question que pose l’intervention de Julien Odoul est celle de savoir si nous reconnaissons aux citoyens le droit d’exercer une pression sociale pour maintenir une forme de sociabilité qui permet à tous ceux qui vivent en France de dialoguer entre eux, ou si au contraire nous sommes prêts à admettre le droit de chacun de s’enfermer dans sa communauté et de rejeter les règles de la collectivité nationale tout en continuant à bénéficier des droits et avantages que l’appartenance à celle-ci offre. Aimons nous assez notre façon d’être nous mêmes collectivement pour la défendre, ou nous résignons au contraire à laisser le tissu social se déliter en nous réfugiant dans notre “ça m’suffit” protégé par des lois ?
Sous la pression des libéraux, c’est la deuxième solution qui a les faveurs de l’opinion – ou du moins de l’opinion de ceux dont l’opinion compte. L’individualisme exacerbé rejette de plus en plus l’idée qu’on puisse imposer socialement des comportements qui ne soient pas inscrits dans la loi, au nom du sacro-saint principe de liberté individuelle. Ce qui, par contrecoup, conduit y une société hyper-juridique, ou toute règle doit être écrite et sanctionnée par le législateur. Pendant des décennies le voile a été banni des écoles par la simple pression sociale. Puis il a fallu légiférer. Bientôt, on fixera par décret les conditions dans lesquelles il faut céder le passage aux anciens, dire bonjour aux commerçants et faire un compliment à une femme. Cette hyper-juridisation finit par détruire l’idée même de sociabilité, pour ouvrir la porte à une logique ou les individus ne se parlent entre eux que par avocat interposé. Bientôt, on ne pourra coucher avec un autre être humain – quel que soit d’ailleurs son sexe – qu’avec un notaire dans la pièce qui prendra note du consentement des deux partenaires à chaque étape de l’acte – on a envie d’écrire « procédure » – sexuel, sous peine d’être plus tard accusé de viol.
C’est cette sociabilité commune qu’il faut préserver à tout prix face à tous les séparatismes, parce que c’est elle qui rend la société aimable et agréable à vivre. Et cela suppose une bienveillance qui n’est possible que si tous les membres de la société acceptent l’échange, et donc de respecter les règles communes qui le rendent possible. Cela suppose aussi qu’on fasse remarquer poliment mais fermement à ceux qui ne les respectent pas. C’est à mon sens ce qu’a fait Julien Odoul. Et c’est pourquoi je ne peux que m’interroger sur les motifs de ceux qui agitent les épouvantails d’une « haine » et d’une « violence » qui, dans le cas d’espèce, ne sont guère visibles. Il est d’ailleurs amusant de voir un texte signé par Rokayha Diallo dénoncer la violence et la haine, étant donné la pratique assidue de l’une et de l’autre par cette dame…
Ce qui reste pour moi incompréhensible, c’est que les soi-disant progressistes ne comprennent pas l’importance de ces combats. Pendant des siècles, les progressistes se sont battus pour empêcher le port par des minorités le port d’un signe distinctif qui les mette en marge de la société (4). Il est paradoxal de constater que ce sont aujourd’hui les gens qui se disent progressistes qui se battent pour défendre un sacro-saint droit des minorités à s’auto-stigmatiser en portant de tels signes. Que la FCPE, dont le projet était naguère l’émancipation des hommes et des femmes par l’éducation, fasse campagne pour défendre le « droit » des femmes à se voiler – à accompagner voilées des sorties scolaires – est pour le moins paradoxal. Mais guère surprenant, lorsqu’on regarde les évolutions d’un certain nombre d’organisations. Ainsi, on avait vu le MRAP, qui fut lui aussi un haut lieu du combat progressiste, se joindre à la plainte contre « Charlie Hebdo » pour avoir publié les caricatures de Mahomet. Plainte dont le but, ne l’oublions pas, était de faire rentrer par la petite porte le délit de blasphème dans notre droit. Avec comme conséquence, puisque le blasphème est une question éminemment subjective, de rendre impossible tout dialogue, tout débat sur la question religieuse.
Dans une édition récente, « Le Point » titrait à la une la question « Sommes-nous devenus lâches » ? Il y a certainement de la lâcheté dans cette paralysie qui nous empêche de dire à un jeune qui ne cède pas son siège à un vieillard de se lever, et à une femme voilée qu’elle ferait mieux d’enlever son voile. Mais à cette lâcheté s’ajoute quelque chose de bien pire : l’indifférence. Une indifférence massive à ce qui se passe autour de nous. On lutte contre le réchauffement climatique, sujet sur lequel on ne peut pas grand-chose, pour ne pas avoir à lutter pour préserver notre écosystème humain, sur lequel nous pouvons quelque chose. Pour préserver, il faut aimer. Et nos élites n’aiment pas la France telle que la chantait Ferrat – ou Sardou pour ceux qui seraient de l’autre persuasion – sauf lorsqu’elle est prise par le prisme de la nostalgie. Nos élites – ou prétendues telles – ont admis le fractionnement de notre société de la même façon qu’ils ont accepté la mondialisation, comme un changement naturel auquel on ne peut que s’adapter. Deux cents ans après avoir proclamé l’unité du peuple français et le refus des statuts personnels, elles acceptent qu’il y ait des gens à qui on ne peut serrer la main, des gens dont on ne peut voir les cheveux ou le visage, des quartiers ou l’on ne peut pas se promener librement. Pire : elles nous expliquent que dénoncer cet état c’est faire preuve de « haine » et de « violence ». C’est cela, l’impardonnable crime des gens comme Odoul ou Finkielkraut. Personne n’aime qu’on lui rappelle ses capitulations.
Descartes
(1) on peut voir cette vidéo ici : https://www.lefigaro.fr/politique/bourgogne-franche-comte-un-elu-rn-s-en-prend-a-une-femme-voilee-20191012
(2) Le texte complet peut être consulté sur le site du « Monde » (https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/15/jusqu-ou-laisserons-nous-passer-la-haine-des-musulmans_6015557_3232.html) mais sa lecture est réservée aux abonnés. Il est d’ailleurs intéressant de lire la liste des signataires. On y trouve les voix traditionnelles du victimisme bienpensant, d’Eric Fassin à Vikash Dorassoo, d’Elsa Faucillon à Omar Sy. On trouve aussi la signature de Rokayha Diallo, passionaria du discours racialiste extrême. Fassin, Faucillon et Sy feraient mieux de réfléchir un peu avant de signer un texte qui les met en si douteuse compagnie…
(3) Ce qui est très loin d’être évident. Le « droit » à se présenter voilé dans les tribunes réservées au public est en fait plus discutable que les auteurs de la tribune ne le pensent. Je n’ai pas pu me procurer le règlement intérieur du Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, mais ces textes exigent en général du public qui assiste aux séances qu’il porte une tenue correcte et s’abstienne de toute provocation (le règlement de l’Assemblée nationale est plus précis : « Pour être admis dans les tribunes, le public doit porter une tenue correcte. Il se tient assis, DECOUVERT et en silence » (c’est moi qui souligne)). Or, on peut se demander si dans le contexte d’une assemblée délibérante le voile est une tenue « correcte » et s’il ne constitue pas une « provocation ».
(4) On notera d’ailleurs que le pendant masculin du voile – le refus de serrer la main à une femme – fait l’objet d’un rejet bien plus large incluant cette fois-ci les bienpensants, et cela malgré le fait qu’il est tout aussi légal que le voile. Peut-être parce que les femmes musulmanes ont le statut enviable de « victime », et pas les hommes ?
(5) Pour les juifs, par exemple, la rouelle, le chapeau pointu jaune pour les hommes et le foulard jaune pour les femmes est porté jusqu’à la Révolution. C’est grâce à l’action des jacobins que les juifs sont émancipés. En 1797, « Quand Napoléon et son armée entrèrent à Ancône, il fut frappé de constater que certaines personnes portaient des bonnets jaunes et des brassards avec l’étoile de David. Napoléon ordonna immédiatement que les bonnets jaunes et les brassards soient enlevés et il les remplaça par la rosette tricolore. Il supprima le ghetto et donna des instructions pour que les Juifs puissent pratiquer ouvertement leur religion et vivre librement là où ils le souhaitaient. Les Juifs d’Ancône furent surpris et ravis de constater que les premiers soldats français qui entrèrent dans le ghetto étaient des Juifs. Plus tard, Napoléon libéra également les Juifs des ghettos de Rome, Venise, Vérone et Padoue. »
@Descartes,
[Personne n’aime qu’on lui rappelle ses capitulations.]
Capitulation? En êtes-vous si sûr? Je crois plutôt qu’on recule pour mieux sauter😱🥶…
C’est vrai qu’on vient de loin: trente années de harcèlement et d’acharnement de l’appareil méditico-judiciaire, qui se comporte ici en auxiliaire zélé des islamistes, faisant ainsi de l’islam la nouvelle religion d’Etat de facto.
Mais on pourrait prendre aussi le problème à l’envers: malgré tout ça, j’ai quand même la sensation que les Français rejettent furieusement l’islam et toutes ses manifestations que sont le voile islamique, le kémi et autres “joyeusetés” halal, et ils ne se privent pas de le faire savoir dès qu’ils en ont la moindre possibilité comme par exemple dans le soutien tacite à Eric Zemmour ou Julien Odoul. Oui, ce n’est pas bien courageux et surtout c’est facile d’envoyer au feu des soldats isolés…
Mais cette lâcheté que vous évoquez dans votre poste risque un jour de se retourner en furie incontrôlable face à l’islamo-gauchisme, et là, pour le coup, j’ai bien peur d’un remake du conflit entre les calvinistes et les catholiques qui a ensanglanté le XVIè siècle, car en matière de sectarisme, les revendications séparatistes des islamistes rappellent furieusement celles des seigneurs protestants désirant imposer des lois conformes à leurs dogmes… Le cardinal de Richelieu avait mis bon ordre à tout cela, en proclamant qu’il ne pouvait y avoir qu’un seul Etat (“Pas d’Etat dans l’Etat”).
Je sais que votre blog refuse délibérément d’envisager cet extrémité, mais en refusant une confrontation POLITIQUE et pas MORALE sur ce sujet, où les points de vues seraient LIBREMENT débattus, nos “élites” prennent le risque de nous emmener vers une prochaine St Barthélémy; et le pire, si par malheur cela devait se produire, irresponsables et comprador comme elles sont, elles seront les premières à prendre les chaloupes de secours en ayant bien pris soin de saboter les autres…
@ CVT
[C’est vrai qu’on vient de loin: trente années de harcèlement et d’acharnement de l’appareil médiatico-judiciaire, qui se comporte ici en auxiliaire zélé des islamistes, faisant ainsi de l’islam la nouvelle religion d’Etat de facto.]
Encore une fois, je ne crois pas que la question soit celle de l’islam, ou de l’imposition d’une nouvelle religion. J’insiste lourdement : ce qui est en jeu ici n’est pas la laïcité, mais la préservation d’une forme de sociabilité particulière, qui est celle de la France. Je pense que cette question de la sociabilité – c’est-à-dire, de ce qui fait que les hommes qui vivent dans un même territoire arrivent à dialoguer entre eux et à « faire société » – est la grande oubliée des débats d’aujourd’hui. J’ai découvert la problématique à travers Finkielkraut, et j’en arrive à penser qu’elle est aujourd’hui fondamentale pour comprendre la question de l’identité.
[Mais on pourrait prendre aussi le problème à l’envers: malgré tout ça, j’ai quand même la sensation que les Français rejettent furieusement l’islam et toutes ses manifestations que sont le voile islamique, le kémi et autres “joyeusetés” halal, et ils ne se privent pas de le faire savoir dès qu’ils en ont la moindre possibilité comme par exemple dans le soutien tacite à Eric Zemmour ou Julien Odoul. Oui, ce n’est pas bien courageux et surtout c’est facile d’envoyer au feu des soldats isolés…]
Je ne dirais pas que les Français rejettent « l’Islam » en tant que religion. La plupart d’entre eux connaissent fort mal les fondements de l’Islam ou les textes sacrés de cette réligion – ou de toute autre, d’ailleurs, y compris la leur. Mais je suis d’accord sur le fait que les Français dans leur grande majorité rejettent le séparatisme musulman, mais là encore rien de spécifique : les Français dans leur grande majorité rejettent aussi les autres séparatismes, religieux ou régionaux…
[Mais cette lâcheté que vous évoquez dans votre poste risque un jour de se retourner en furie incontrôlable face à l’islamo-gauchisme, et là, pour le coup, j’ai bien peur d’un remake du conflit entre les calvinistes et les catholiques qui a ensanglanté le XVIè siècle, car en matière de sectarisme, les revendications séparatistes des islamistes rappellent furieusement celles des seigneurs protestants désirant imposer des lois conformes à leurs dogmes… Le cardinal de Richelieu avait mis bon ordre à tout cela, en proclamant qu’il ne pouvait y avoir qu’un seul Etat (“Pas d’Etat dans l’Etat”).]
Je ne vois pas de Richelieu pointer à l’horizon, malheureusement. Je crains moins le scénario que vous décrivez qu’une forme d’apartheid mou, sur le modèle américain, c’est-à-dire deux pays qui coexistent sans échanger, chacun nourrissant son amertume et son aigreur et accusant l’autre de tous ses maux.
[Je sais que votre blog refuse délibérément d’envisager cette extrémité,]
Je ne « refuse » pas de l’envisager, je refuse de la souhaiter, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Je suis persuadé qu’on peut éviter la guerre civile. Mais le risque existe, et il ne faut pas le sous-estimer.
@Descartes,
[Mais je suis d’accord sur le fait que les Français dans leur grande majorité rejettent le séparatisme musulman, mais là encore rien de spécifique : les Français dans leur grande majorité rejettent aussi les autres séparatismes, religieux ou régionaux…]
Rien de spécifique? En dehors du nombre estimé d’adeptes du séparatisme musulman? A ceci près que l’islam, tant d’un point de vue cultuel que CULTUREL, est EXOGENE et largement étranger, pour ne pas dire antagoniste à la culture et à l’histoire de la France, contrairement aux régionalismes et aux multiples schismes chrétiens répertoriés au cours de notre longue histoire.
Et vous avez entièrement raison, la laïcité n’est pas la réponse pertinente (encore que la laïcité fait partie non seulement de nos principes politiques, mais surtout de nos usages…), car la question posée à tous les musulmans qui vivent en France est la suivante: doivent-ils choisir entre leur foi et une communauté de destin avec le reste des Français ? Selon moi, si ce n’est pas encore fait ils DEVRONT CHOISIR, parce que j’estime que la fameuse supplique du comte de Clermont-Tonnerre reste d’actualité: “Tout en tant que citoyen, rien en tant que nation”. C’est usant de devoir rappeler cette évidence à certains musulmans nés sur notre sol!
Encore une fois, tant que la foi n’amène pas un musulman à se séparer du reste de la société française, à savoir respecter les lois écrites, mais surtout les lois NON ECRITES, ces us et coutumes qui font réellement de nous des Français; et enfin, tant qu’ils n’essaient surtout pas de nous imposer LEURS interdits religieux au nom de cette fameuse culture de l’indignation (appelée par antiphrase « tolérance »: au secours, Orwell, revient…), alors on pourra encore sauver les meubles. Et que ces ignares de bobos islamo-macronisto-gauchistes ne viennent pas me dire qu’ils ignorent ce que le mot « Français » veut dire, eux qui ont décidé de jeter aux orties de plus de 1500 ans d’histoire…
Mais à titre strictement personnel, c’est déjà bien tard: le séparatisme territorial engendré par la « loi des quartiers » et qui a transformé notre pays en « peau de léopard », est de plus en plus mal supporté par les Français « de souche » et de « branche », qui ne goûteront plus trop longtemps de payer le train de vie de gens qu’ils finiront par considérer comme des colons; et la solidarité inconditionnelle, qui vous est si chère (ainsi qu’à moi, d’ailleurs…) ne sera plus qu’un lointain et beau souvenir de notre unité nationale…
@ CVT
[Rien de spécifique? En dehors du nombre estimé d’adeptes du séparatisme musulman?]
Je ne connais pas le nombre de « séparatistes » musulmans, mais je sais par exemple qu’en Corse une majorité de citoyens a voté pour des candidats qui se proposent d’établir un droit « séparé » réservant aux « vrais Corses » le droit de propriété foncière. Et qu’il existe aujourd’hui des quotas qui ne disent pas leur nom pour les femmes et les « minorités » dans les entreprises et dans la haute fonction publique. Croyez-moi, les « séparatismes » sont bien plus courants que vous ne le croyez, même si certains sont moins visibles que d’autres.
[A ceci près que l’islam, tant d’un point de vue cultuel que CULTUREL, est EXOGENE et largement étranger, pour ne pas dire antagoniste à la culture et à l’histoire de la France, contrairement aux régionalismes et aux multiples schismes chrétiens répertoriés au cours de notre longue histoire.]
Cela dépend des limites que vous vous fixez entre ce qui est exogène et ce qui ne l’est pas. On peut se demander en quoi le séparatisme musulman serait plus « exogène » que le séparatisme corse, par exemple. Et ou placeriez-vous le séparatisme juif ? Est-il exogène ou endogène, du point de vue « cultuel et culturel » ?
[Et vous avez entièrement raison, la laïcité n’est pas la réponse pertinente (encore que la laïcité fait partie non seulement de nos principes politiques, mais surtout de nos usages…), car la question posée à tous les musulmans qui vivent en France est la suivante: doivent-ils choisir entre leur foi et une communauté de destin avec le reste des Français ?]
Non. Le choix ne concerne pas la foi. La question se pose entre deux formes de sociabilité. On peut parfaitement être musulman, juif ou évangélique tout en participant à la communauté de destin avec le reste des Français. Ce qu’on ne peut pas admettre, c’est qu’une communauté s’enferme sur elle-même et refuse de socialiser avec le reste. Peu importe que le prétexte de cet enfermement soit religieux, politique, social. C’est l’enfermement qu’il faut combattre, et non la « foi ».
Cela étant dit, il y a une dialectique entre la foi et la sociabilité qui l’accompagne. Rentrer dans la sociabilité française n’implique pas de cesser de croire que Allah est grand et Mahomet son prophète. Mais cela implique d’admettre que cette croyance ne peut pas régler la vie civile. C’est là pour moi la seule spécificité de l’Islam, et celle qui rend l’assimilation des musulmans plus complexe que celle des autres communautés.
[Selon moi, si ce n’est pas encore fait ils DEVRONT CHOISIR, parce que j’estime que la fameuse supplique du comte de Clermont-Tonnerre reste d’actualité: “Tout en tant que citoyen, rien en tant que nation”. C’est usant de devoir rappeler cette évidence à certains musulmans nés sur notre sol!]
Je suis d’accord avec vous sur le fait que la formule de Clermont-Tonnerre – qui en fait n’était nullement une « supplique », mais un principe – est toujours d’actualité. L’assimilation ne se fait jamais naturellement : elle doit être imposée par la société d’accueil qui, comme le dit la formule que vous citez, ne doit « rien » donner sans exiger en contrepartie l’adoption par l’étranger de ses règles. La citoyenneté n’est pas seulement des droits, c’est aussi des devoirs. Cela étant dit, il faut comprendre pourquoi notre société depuis maintenant quarante ans n’exerce plus cette pression salutaire.
[Encore une fois, tant que la foi n’amène pas un musulman à se séparer du reste de la société française, à savoir respecter les lois écrites, mais surtout les lois NON ECRITES, ces us et coutumes qui font réellement de nous des Français; et enfin, tant qu’ils n’essaient surtout pas de nous imposer LEURS interdits religieux au nom de cette fameuse culture de l’indignation (appelée par antiphrase « tolérance »: au secours, Orwell, revient…), alors on pourra encore sauver les meubles.]
Encore une fois, je pense que vous faites une confusion entre la « foi » et la « sociabilité ». Même si les deux ne sont pas totalement déconnectées, elles ne se confondent pas. Une majorité de musulmans dans notre pays ne se voilent pas, consomment à l’occasion de l’alcool, serrent la main des femmes. Sont-ils pour autant de « mauvais musulmans » ? Pas plus que les catholiques qui mangent gras le vendredi ou pendant le carême ne sont de « mauvais catholiques », ou que les juifs qui allument les lumières le samedi ne sont des « mauvais juifs ». Il ne faut pas confondre la « foi », qui est une croyance intime, et la manifestation de cette foi aux yeux des autres, et qui font partie d’une sociabilité. On peut avoir une foi profonde et se dispenser de l’imposer aux autres.
[Et que ces ignares de bobos islamo-macronisto-gauchistes ne viennent pas me dire qu’ils ignorent ce que le mot « Français » veut dire, eux qui ont décidé de jeter aux orties de plus de 1500 ans d’histoire…]
C’est bien là le problème : une société ne peut assimiler que si elle s’aime elle-même. On ne peut tenir en permanence un discours de haine de soi et en même temps demander aux gens de devenir comme vous. Le paradoxe des bobos, c’est qu’ils raillent les bigotes catholiques qui vont à la messe couvertes tous les jours, mais défendent comme des lions le droit des bigotes musulmanes de faire l’équivalent.
[Mais à titre strictement personnel, c’est déjà bien tard: le séparatisme territorial engendré par la « loi des quartiers » et qui a transformé notre pays en « peau de léopard », est de plus en plus mal supporté par les Français « de souche » et de « branche », qui ne goûteront plus trop longtemps de payer le train de vie de gens qu’ils finiront par considérer comme des colons; et la solidarité inconditionnelle, qui vous est si chère (ainsi qu’à moi, d’ailleurs…) ne sera plus qu’un lointain et beau souvenir de notre unité nationale…]
J’aime beaucoup votre formule « les Français de souche ou de branche ». Sur le fond, je ne peux que partager votre diagnostic. La tension entre l’attachement des Français à un modèle Républicain et universaliste et la transformation de notre société dans une logique communautariste à l’anglo-saxonne est clairement visible pour ceux qui veulent voir, et le fait qu’elle aboutisse à une crise grave ne peut être exclue. La solidarité inconditionnelle ne peut être maintenue lorsqu’une partie de la société n’accepte pas les règles communes
[“On peut se demander en quoi le séparatisme musulman serait plus « exogène » que le séparatisme corse, par exemple.”]
Vous plaisantez, Descartes? Hélas, je crois que non!
@ Pierre Albertini
[Vous plaisantez, Descartes? Hélas, je crois que non!]
Non, je ne plaisante pas. Combien de siècles faut-il pour qu’un séparatisme “exogène” devienne “endogène” ?
[Combien de siècles faut-il pour qu’un séparatisme “exogène” devienne “endogène” ?]
Plusieurs éléments de réponse sur la Corse, Descartes, puisque vous persistez, mais résumables pour l’essentiel à :
La “culture” corse n’est pas une “civilisation”, extérieure à l’Occident et comparable à la civilisation musulmane. Donc nous restons massivement dans “l’endogène” entre Corses et Français.
Le séparatisme corse vise donc à maintenir une distance géographiquement incontournable mais culturellement mineure. Et n’est pas une tête de pont d’un ensemble extérieur (exogène) puissant, contrairement aux islamistes de France.
@ Albert
[La “culture” corse n’est pas une “civilisation”, extérieure à l’Occident et comparable à la civilisation musulmane. Donc nous restons massivement dans “l’endogène” entre Corses et Français.]
Je vous crois sur parole. Pourtant, vous noterez l’apparition dans le nouveau bac d’une spécialité « langue, littérature et civilisation corse », qui laisse à penser que la Corse abrite une « civilisation » spécifique. J’ajoute que des enseignements de « civilisation corse » existent aussi et depuis quelques années à l’Université d’Aix-Marseille. Vous m’accorderez donc que, du moins dans la tête de certains militants, la culture corse constitue bien une « civilisation » différente, bien séparée de la « civilisation » française.
Or, il me semble que lors des dernières élections, les Corses ont choisi de donner la majorité à l’Assemblée de Corse aux tenants de cette thèse, et ont renvoyé trois députés sur trois partageant cette orientation. Alors, je veux bien qu’on reste « endogène entre Corses et Français » comme vous le dites, mais vous admettrez que cette vision ne semble pas majoritairement partagée par les intéressés.
[Le séparatisme corse vise donc à maintenir une distance géographiquement incontournable mais culturellement mineure. Et n’est pas une tête de pont d’un ensemble extérieur (exogène) puissant, contrairement aux islamistes de France.]
Certainement. Je n’ai pas dit que tous les séparatismes se valent en termes géopolitiques. Mais cela ne veut pas dire qu’on ne puisse déceler chez eux des mécanismes similaires.
[“Vous m’accorderez donc que, du moins dans la tête de certains militants,…”.]
Je vous accorde volontiers que “dans la tête de certains militants…”. Mais c’est une opinion très minoritaire, et qui s’est développée pour deux raisons principales, contingentes à mon avis et liées d’une part au comportement quelque peu “colonial” de l’Etat français, notamment (mais pas seulement) lors de l’affaire d’Aleria en 1975 et d’autre part au “déclassement” de la place de la France dans le monde ainsi qu’à la liquéfaction de l’Etat en interne.
Pour ce qui est de l’élection de 3 députés nationalistes ou autonomistes sur 4, je pense qu’il ne faut pas en exagérer la portée et ce pour 2 raisons: la première est le fort pourcentage d’abstention, la seconde est qu’il s’agit là aussi d’un vote “dégagiste”, c-à-d un vote protestataire plus que de conviction. J’en veux pour preuve le vote pour Marine Le Pen à la Présidentielle.
Mais pour ce qui est de l’élection de
@ Albert
[Je vous accorde volontiers que “dans la tête de certains militants…”. Mais c’est une opinion très minoritaire,]
Comment ça, « minoritaire ». Ce sont bien les indépendantistes qui ont la majorité à l’Assemblée de Corse et qui occupent trois sièges de députés sur quatre. Si c’est cela être « minoritaire »…
[et qui s’est développée pour deux raisons principales, contingentes à mon avis et liées d’une part au comportement quelque peu “colonial” de l’Etat français, notamment (mais pas seulement) lors de l’affaire d’Aleria en 1975 et d’autre part au “déclassement” de la place de la France dans le monde ainsi qu’à la liquéfaction de l’Etat en interne.]
J’aimerais que vous me détailliez en quoi le comportement de l’Etat français aurait été « colonial », que ce soit dans l’affaire d’Aléria ou ailleurs. En quoi le comportement de l’Etat en Corse est-il différent du comportement de l’Etat en Corrèze ou en Seine-Saint-Denis ?
Oh pardon, j’allais oublier : en Corrèze ou en Seine-Saint-Denis, on paye les impôts de droit commun. En Corse, on bénéficie de toutes sortes d’exonérations, dont la plus connue est celle sur l’impôt sur les successions instituée par l’arrêté Miot de 1801, qui a pris fin tout récemment. Si l’on veut parler de « comportement colonial », ce serait plutôt à l’envers : la Corse est une colonie portée à bout de bras par l’injection de subventions de l’Etat français, c’est-à-dire, par les impôts de l’ensemble des « continentaux », ces mêmes continentaux auxquels on veut maintenant refuser le droit d’acheter des propriétés foncières en Corse.
Franchement, si cela ne tenait qu’à moi, je proposerais à mes compatriotes de Corse un référendum avec deux options : soit l’indépendance pleine et entière – et donc la fin des subventions de toutes sortes payés par l’Etat français – soit l’alignement intégral du régime administratif, fiscal et légal sur le continent. Qu’on subventionne les transports ou l’électricité pour que les habitants de la Corse bénéficient des mêmes conditions que les autres citoyens, je suis d’accord. Mais pourquoi faudrait-il qu’un héritage paye des taxes sur le continent et soit exonéré en Corse ?
[Pour ce qui est de l’élection de 3 députés nationalistes ou autonomistes sur 4, je pense qu’il ne faut pas en exagérer la portée et ce pour 2 raisons: la première est le fort pourcentage d’abstention, la seconde est qu’il s’agit là aussi d’un vote “dégagiste”, c-à-d un vote protestataire plus que de conviction.]
D’autres votes « protestataires » étaient possibles. Pourquoi choisir celui-là en particulier ?
[J’en veux pour preuve le vote pour Marine Le Pen à la Présidentielle.]
Je ne me souviens pas qu’il y ait eu de candidat autonomiste à cette élection. Difficile donc de tirer des conclusions.
[Mais pour ce qui est de l’élection de]
Votre commentaire est arrivé incomplet…
@Albert
“Et n’est pas une tête de pont d’un ensemble extérieur (exogène) puissant, contrairement aux islamistes de France”
En êtes vous sûr ?
Les “nationalistes” corses veulent l’indépendance “dans le cadre de l’UE”
On remarque que les nationalistes écossais aussi jouent dans la main de l’UE contre la majorité du peuple britannique qui a voté majoritairement pour le Brexit.
Les nationalistes bretons, catalans, etc sont-ils d’ailleurs si différents ?
@ Descartes:
[“Ce sont bien les indépendantistes qui ont la majorité à l’Assemblée de Corse et qui occupent trois sièges de députés sur quatre.”]
Il faut distinguer deux tendances chez les “corsistes”(expression peu connue sur le continent): les indépendantistes avec Talamoni et les autonomistes avec Siméoni. Talamoni est nettement minoritaire, et chacun utilise l’autre sur le plan politicien.
[“J’aimerais que vous me détailliez en quoi le comportement de l’Etat français aurait été « colonial », que ce soit dans l’affaire d’Aléria ou ailleurs.”]
Vous n’avez pas vécu l’affaire d’Aleria sans doute, et la façon dont a réagi le gvt d’alors, Ponia étant alors Premier ministre par intérim. Tous les Corses ont été stupéfaits, je puis vous l’assurer. L’affaire d’Aleria a été un détonateur puissant alors que, gérée autrement, ce n’eut pas été le cas et elle aurait vite été oubliée.
Quant à l’affaire des arrêtés Miot, c’était un résidu de l’Histoire et rien d’autre. Après, renoncer à un avantage acquis depuis plus de deux siècles,…vous voyez bien comment dans tout notre pays la remise en cause de “droits acquis” est difficile (indépendamment du mode d’acquisition ou du changement des circonstances).
@ Albert
[Il faut distinguer deux tendances chez les “corsistes”(expression peu connue sur le continent): les indépendantistes avec Talamoni et les autonomistes avec Siméoni. Talamoni est nettement minoritaire, et chacun utilise l’autre sur le plan politicien.]
J’avoue que je trouve ce genre de nuances assez subtiles. Lorsqu’il s’agit d’exiger des droits particuliers pour les « vrais corses » et une séparation la plus grande possible de la Corse par rapport au continent, on les trouve toujours unis.
[« J’aimerais que vous me détailliez en quoi le comportement de l’Etat français aurait été « colonial », que ce soit dans l’affaire d’Aléria ou ailleurs. » Vous n’avez pas vécu l’affaire d’Aleria sans doute, et la façon dont a réagi le gvt d’alors, Ponia étant alors Premier ministre par intérim. Tous les Corses ont été stupéfaits, je puis vous l’assurer.]
Pourquoi, parce que l’Etat a réagi contre une poignée de nationalistes armés (armes de poing, fusils de chasse et une mitraillette) qui ont occupé une exploitation agricole et pris le personnel en otage pour se faire justice eux-mêmes ? Ajoutons que l’affaire a fait trois morts, TOUS fonctionnaires de l’Etat. Et que les coupables de ces assassinats n’ont jamais été punis.
Pensez-vous vraiment que si une occupation armée avait eu lieu en Bourgogne ou en Provence elle aurait été admise ? Qu’elle aurait été « traitée autrement » ? Il n’y a rien de « colonial » là-dedans, au contraire. Si de tels évènements s’étaient produits sur le continent, les peines auraient été bien plus lourdes.
[L’affaire d’Aleria a été un détonateur puissant alors que, gérée autrement, ce n’eut pas été le cas et elle aurait vite été oubliée.]
Ah bon ? Gérée comment ? Fallait laisser une bande armée faire sa loi, prendre des otages, réduire une ferme en cendres sans réagir ?
[Quant à l’affaire des arrêtés Miot, c’était un résidu de l’Histoire et rien d’autre. Après, renoncer à un avantage acquis depuis plus de deux siècles,…]
C’est fou comment cet Etat colonial préserve les « avantages acquis » des habitants de la Corse – et crée en permanence de nouveaux – alors qu’il les supprime partout ailleurs… Franchement, à ce tarif là j’aimerais bien que l’Etat colonial vienne coloniser l’Ile de France, pour changer…
@ VI 059
“Les “nationalistes” corses veulent l’indépendance “dans le cadre de l’UE”
On remarque que les nationalistes écossais aussi jouent dans la main de l’UE… idem pour les Catalans, etc]
Votre observation est fondée, et je déplore personnellement cette stupidité des uns et des autres, mais je relève que tout ceci se passe dans un ensemble européen, donc occidental, et reste un mouvement “endogène” au second degré en quelque sorte. Le “séparatisme” sur place qu’est l’islamisme en Europe est d’une autre nature, “exogène”. Mais il est vrai que l’UE se sert des autonomismes en tous genres pour détruire les nations européennes.
@ Descartes
[Ah bon ? Gérée comment ? Fallait laisser une bande armée faire sa loi, prendre des otages, réduire une ferme en cendres sans réagir ?”]
Apparemment nous n’avons pas les mêmes informations sur l’affaire. A ce que j’en sais (je n’y étais pas, mais vous non plus, je suppose), il n’y a pas eu de prise d’otages, mais une simple mise à l’écart, par précaution, des ouvriers agricoles qui étaient sur place; La ferme n’a été brulée que le lendemain de l’affrontement; quant à la “bande armée”, il faut savoir que les Corses ont toujours aimé les armes et que certaines(dont la mitraillette) étaient alors des restes des armes de la Résistance. Je ne me souviens plus qui a ouvert le feu en premier, mais le contexte “chaud” a sûrement excité certains esprits (comme à Bastia le surlendemain d’ailleurs). Pour ce qui est du but de l’opération d’Aleria, côté corse, il s’agissait seulement de lancer une conférence de presse (ou quelque chose comme ça) pour dénoncer des magouilles de viticulteurs pieds-noirs, notamment les propriétaires de ladite ferme.
Soyons clairs: bien que Corse moi-même, et y passant deux mois par an (1 seul à l’époque) je ne suis pas de cette mouvance, mais j’ai des informations assez variées sur les problèmes locaux et c’est pas simple. Mais pour moi, il n’y a pas photo avec le séparatisme islamique dans l’Hexagone. Je vous remercie de cet échange, introuvable sur d’autres blogs politiques.
@ Albert
[Apparemment nous n’avons pas les mêmes informations sur l’affaire. A ce que j’en sais (je n’y étais pas, mais vous non plus, je suppose),]
Non, bien sûr. Vous comme mois ne pouvons que nous fier à nos lectures ou à ce que des témoins qu’on aurait pu croiser dans notre vie nous ont raconté.
[il n’y a pas eu de prise d’otages, mais une simple mise à l’écart, par précaution, des ouvriers agricoles qui étaient sur place;]
La famille des propriétaires a pu quitter la ferme, pas les employés. Même si l’on suppose qu’ils n’ont pas été retenus pour garantir la sécurité des occupants – ce qui en ferait des otages – ils ont retenu. Je veux bien changer le chef de mise en examen de « prise d’otage » par « séquestration ».
[La ferme n’a été brulée que le lendemain de l’affrontement;]
Pas tout à fait. Les destructions par le feu ont commencé pendant l’occupation.
[quant à la “bande armée”, il faut savoir que les Corses ont toujours aimé les armes et que certaines (dont la mitraillette) étaient alors des restes des armes de la Résistance.]
Je vois mal le sens de cette remarque. Le fait que les membres d’une bande armée « aiment les armes », ou que ces armes proviennent des stocks constitués lors de la Résistance changerait-il quelque chose à la qualification des faits ? Le fait n’en demeure pas moins qu’un groupe lourdement armé a occupé une exploitation agricole, et que les armes en question ont été utilisées contre les forces de l’ordre.
Cette remarque finalement apporte résolument de l’eau à mon moulin. Ici, vous semblez affirmer que la loi de la communauté (« l’amour des Corses pour les armes ») permettrait de déroger à la loi républicaine, qui interdit le port et l’usage des armes par les citoyens hors de circonstances bien précises. J’ajoute qu’on pourrait ajouter le contexte : l’incident d’Aléria tenait à l’affrontement entre les « Corses de souche » et les rapatriés d’Algérie, souvent bien plus industrieux et qui avaient mis en valeur des terrains laissés en friche par les locaux pendant des décennies. Comme souvent dans ces cas, on a accusé les rapatriés de chaptalisation ou d’escroquerie. Les accusations étaient probablement vraies… mais je doute que de ce point de vue les rapatriés fussent plus délinquants que la moyenne des cultivateurs corses. Seulement voilà, c’étaient des « estrangers »…
[Je ne me souviens plus qui a ouvert le feu en premier, mais le contexte “chaud” a sûrement excité certains esprits (comme à Bastia le surlendemain d’ailleurs).]
On n’est pas dans une cour de récréation, à se demander « c’est qui qui a commencé ». Le fait que les morts soient tous du côté des forces de l’ordre laisse penser que ce ne sont pas elles qui ont tiré les premiers, mais on ne le saura jamais. Et cela n’a aucune importance : le simple fait de l’occupation armée justifie l’utilisation de la force par l’Etat. Ou alors il faut mettre en cause l’idée même de monopole de l’Etat sur la violence légitime.
[Pour ce qui est du but de l’opération d’Aleria, côté corse, il s’agissait seulement de lancer une conférence de presse (ou quelque chose comme ça) pour dénoncer des magouilles de viticulteurs pieds-noirs, notamment les propriétaires de ladite ferme.]
Et pour lancer une conférence de presse on a besoin d’armes de poing, de fusils de chasse, de mitraillettes ? Combien de cas d’occupation armée pourriez-vous me citer sur le continent ?
[Soyons clairs: bien que Corse moi-même, et y passant deux mois par an (1 seul à l’époque) je ne suis pas de cette mouvance, mais j’ai des informations assez variées sur les problèmes locaux et c’est pas simple. Mais pour moi, il n’y a pas photo avec le séparatisme islamique dans l’Hexagone.]
Sans vouloir vous offenser, je pense que vous souffrez de ce qu’on peut appeler hypermétropie politique, affection qui fait qu’on voit toujours mieux au loin que de près. On perçoit très facilement le séparatisme chez les autres communautés, mais on ne le voit pas chez celle à laquelle on appartient ou qui nous est proche. Tel juif jugera avec indulgence ceux qui portent à Paris la tenue des haredim et se font enterrer en Israel mais verra avec sévérité le port du voile ou le fait de se faire enterrer en terre d’Islam. Vous, vous voyez le séparatisme musulman, mais trouvez tout au plus folklorique le fait qu’on puisse organiser en Corse une expédition armée impensable sur le continent au motif que « les Corses aiment les armes », ou qu’on dispense les Corses de certains impôts payés par l’ensemble de leurs concitoyens continentaux au nom des « avantages acquis ».
Le séparatisme, c’est la volonté d’une communauté de délimiter un territoire dans lequel les règles communes cèdent le pas devant les règles communautaires. Et de ce point de vue, le séparatisme musulman et le séparatisme corse sont frères de sang.
[Je vous remercie de cet échange, introuvable sur d’autres blogs politiques.]
Ne me remerciez pas, ce fut un plaisir pour moi aussi.
[“On peut parfaitement être musulman, juif ou évangélique tout en participant à la communauté de destin avec le reste des Français.”]
C’est vrai en théorie, “sur le papier” comme on disait jadis à la veille des matchs de foot. Mais ce n’est pas l’avis d’un grand nombre d’islamistes -quoi qu’ils en disent- comme d’un certain nombre d'”identitaires” hexagonaux, et c’est bien là le problème.
@ Albert
[« On peut parfaitement être musulman, juif ou évangélique tout en participant à la communauté de destin avec le reste des Français. » C’est vrai en théorie, “sur le papier” comme on disait jadis à la veille des matchs de foot. Mais ce n’est pas l’avis d’un grand nombre d’islamistes -quoi qu’ils en disent- comme d’un certain nombre d’”identitaires” hexagonaux, et c’est bien là le problème.]
Tout à fait. Mais il faut raison garder : les islamistes sont minoritaires dans l’ensemble des musulmans français. Une majorité parmi les « issus de l’immigration » sont largement assimilés. Et c’est d’ailleurs à mon sens pourquoi le combat contre le voile et tout ce qu’il représente est si important: parce que le voile est aussi un reproche muet adressé à tous les “assimilés”. C’est essentiel pour l’avenir que les citoyens français soutiennent moralement ceux qui ont fait ce choix. Il nous faut proclamer à chaque opportunité que les femmes musulmanes qui ont fait le choix de se dévoiler ont raison, que nous les accueillons comme des sœurs, et que celles qui ont fait le choix contraire ont tort, et que nous les rejetons. Si le fait de se dévoiler ne vous apporte que des ennuis de la part de votre communauté et l’indifférence du reste, on verra de plus en plus de musulmanes voilées.
Tout à fait d’accord.
Bonsoir Descartes
Que pensez-vous de l’analyse de Ph. d’Iribarne sur le problème du voile, en rapport direct et spécifique -qu’on le veuille ou non – avec les problèmes de l’intégration de l’islam -ou des islamistes- en France (analyse donnée au site Causeur en date du 23 octobre)?
Vous dites notamment, dans une réponse à un commentaire de votre texte cette phrase: “Et c’est pourquoi je ne peux que m’interroger sur les motifs de ceux qui agitent les épouvantails d’une « haine » et d’une « violence » qui, dans le cas d’espèce, ne sont guère visibles”.
Mon avis personnel sur cette interrogation est que les signataires des “90” du Monde et ceux qui pensent comme eux ne font que projeter leur propre haine sur leurs opposants afin de pouvoir les haïr “en retour”. Et ceci est très préoccupant à mon avis, pour l’avenir de la paix civile en France.
@ Pierre Albertini
[Que pensez-vous de l’analyse de Ph. d’Iribarne sur le problème du voile, en rapport direct et spécifique -qu’on le veuille ou non – avec les problèmes de l’intégration de l’islam -ou des islamistes- en France (analyse donnée au site Causeur en date du 23 octobre)?]
Je suis d’accord qu’il faut examiner le port du voile non pas du point de vue religieux, mais du point de vue social. Le fait de le porter – ou de refuser de l’enlever dans des circonstances ou pourtant ce serait logique de le faire – est révélateur d’une ambition sociale et politique, et non spirituelle.
[Mon avis personnel sur cette interrogation est que les signataires des “90” du Monde et ceux qui pensent comme eux ne font que projeter leur propre haine sur leurs opposants afin de pouvoir les haïr “en retour”. Et ceci est très préoccupant à mon avis, pour l’avenir de la paix civile en France.]
Tout à fait inquiétant. On dirait que le but est de rendre tout débat impossible.
Si j’aimais le lait je dirais que la lecture de votre texte m’en à fait boire des litres de “petit”. Votre article est une merveille de sensibilité politique et sociale qui mériterait une diffusion plus large que votre blog, n’avez-vous jamais tenté, ou voulu, proposer vos écrits ailleurs, à Causeur, par exemple ?
Le “camp du Bien” commence à puer sérieusement, ils pourrissent ! Leur saloperie humaine et intellectuelle ne se dément plus jamais, je pense notamment au fait, jamais exprimé, que J. Odoul ne s’est aucunement adressé à cette provocatrice et que donc il ne l’a pas agressé, pas plus que son gamin n° 6 (chiffre aléatoire).
“Et le problème n’a rien de « musulman » ” vous avez d’autres exemples fréquents, instrumentalisés et aussi nets ?
Si l’aspect culturel -comme G. Colomb l’a rappelé- est fondamental dans cette “affaire” on ne peut néanmoins rejeter l’argument d’entrave à la laïcité car comme vous le dites celle-ci agit sur la religion par “relégation à la sphère privée” or une assemblée élue appartient par nature à la sphère publique.
La Loi de la Citée est battue en brèche par la loi des citées et cela n’a rien d’étonnant, l’islam ne permet pas la possibilité d’une Loi autre que naissant de la Sunna, toutes les constitutions des pays musulmans l’expriment, plus ou mins fortement.
Mais il y a aussi la double certitude d’être “meilleur des Peuples” et qu’une situation d’infériorité ne peut être que le résultat d’un dol, provisoire et légitimement combattue par la violence, sociale, mais aussi militaire si cela est possible.
“Aimons nous assez notre façon d’être” bien sur mais la pression sociale s’exerce normalement par le truchement de corps intermédiaires et des médias, or les uns et les autres sont sous contrôle de forces opposées à ce qu’exprimerait la pression sociale “naturelle” ; avec une telle propagande et une telle mise sous-boisseau, si l’objet était le mode de vie des Inuits, nous serions tous dans des igloo.
“Il y a certainement de la lâcheté”, l’occupation manifeste, volontaire et ostensible de la “rue” par les minorité, la violence verbale ou physique, immédiate dés qu’une amorce de désapprobation se fait jour -avec les attentats en bout du fil “islam”-, sont là pour inscrire la “peur” et diminuer drastiquement le nombre des résistants ; ce sont les Nubiens, esclaves et convertis, qui eurent raison du christianisme en Tunisie.
Bonaparte, détesté par les “progressistes” avait prévu -et même écrit la proclamation- un royaume Juif en Judée, c’est la non-victoire de Saint-Jean d’Acre qui fit que l’Histoire fut ce que nous savons.
Pour finir une question à la Delfeil de Ton et si on remplaçait dans ce débat “islam par homosexualité”
@ Gérard Couvert
[Si j’aimais le lait je dirais que la lecture de votre texte m’en à fait boire des litres de “petit”. Votre article est une merveille de sensibilité politique et sociale qui mériterait une diffusion plus large que votre blog, n’avez-vous jamais tenté, ou voulu, proposer vos écrits ailleurs, à Causeur, par exemple ?]
J’ai eu quelques échanges avec eux. Je sais que dans la rédaction de Causeur des gens apprécient mes articles, mais je n’ai jamais eu une offre de collaboration.
[« Et le problème n’a rien de « musulman » » vous avez d’autres exemples fréquents, instrumentalisés et aussi nets ?]
Des exemples de séparatisme, cela ne manque pas dans l’histoire. On a parlé sur ce blog des protestants sous Richelieu. Mais même en s’en tenant au présent, allez à Londres, et vous verrez le même phénomène dans la communauté indienne, qui pourtant n’est pas musulmane. Ou bien les noirs américains, pourtant chrétiens dans leur grande majorité. Pour revenir à la France, on pourrait conter le combat épique dans la collectivité juive entre les « communautaires » et les progressistes. Les premiers rejetaient les mariages mixtes, voulaient que les enfants fassent toute leur scolarité dans des institutions communautaires, s’effrayaient à l’idée qu’un juif puisse prendre des responsabilités dans les institutions publiques, refusaient toute socialisation hors de la communauté… bref, qui voulaient reconstituer le ghetto médiéval. Les seconds militaient au contraire pour l’assimilation, voulaient prendre leur place à côté de leurs concitoyens, envoyaient leurs enfants à l’école publique…
[Si l’aspect culturel -comme G. Colomb l’a rappelé- est fondamental dans cette “affaire” on ne peut néanmoins rejeter l’argument d’entrave à la laïcité car comme vous le dites celle-ci agit sur la religion par “relégation à la sphère privée” or une assemblée élue appartient par nature à la sphère publique.]
Oui. Mais la femme voilée en question n’avait probablement pas l’intention de pratiquer le culte musulman dans l’enceinte du conseil régional. Au risque de me répéter, je crois qu’on fait une erreur en faisant du voile une question religieuse. Le voile est d’abord un signe d’appartenance communautaire, et non religieuse.
[La Loi de la Cité est battue en brèche par la loi des citées et cela n’a rien d’étonnant, l’islam ne permet pas la possibilité d’une Loi autre que naissant de la Sunna, toutes les constitutions des pays musulmans l’expriment, plus ou moins fortement.]
C’est là à mon avis la seule spécificité qui sépare l’Islam des autres religions abrahamiques. Judaïsme et christianisme ont admis, de gré ou de force, la nécessité de coexistence avec une autorité civile détachée de l’autorité religieuse. L’Islam, historiquement, n’a pas fait cette expérience et de toute évidence l’acceptation de cette réalité n’a pas l’air facile.
[Mais il y a aussi la double certitude d’être “meilleur des Peuples” et qu’une situation d’infériorité ne peut être que le résultat d’un dol, provisoire et légitimement combattue par la violence, sociale, mais aussi militaire si cela est possible.]
Oui, enfin, là il n’y a rien de spécifique. C’est le lot commun des religions abrahamiques. Les juifs se considèrent le « peuple élu » (rien que ça !) et les chrétiens ont repris cette idée en se plaçant en continuateurs du message israélite.
[“Il y a certainement de la lâcheté”, l’occupation manifeste, volontaire et ostensible de la “rue” par les minorité, la violence verbale ou physique, immédiate dés qu’une amorce de désapprobation se fait jour -avec les attentats en bout du fil “islam”-, sont là pour inscrire la “peur” et diminuer drastiquement le nombre des résistants ;]
Là encore, c’est plus compliqué que ça. Nous n’osons pas dire leur fait devant cette « occupation manifeste, volontaire et ostensible » par des musulmans, mais nous n’osons pas non plus dire leur fait au jeune parfaitement « gaulois » qui ne dit pas bonjour, qui ne cède pas son siège aux anciens, ou qui met les pieds sur la banquette. Vous voulez absolument faire de l’Islam LE problème. Mais le problème est bien plus vaste. Nous ne sommes même pas prêts à défendre notre « sociabilité » devant nos propres jeunes !
[Pour finir une question à la Delfeil de Ton et si on remplaçait dans ce débat “islam par homosexualité”]
ON aboutirait à des conclusions similaires : il y a un séparatisme sexuel, tout aussi communautariste que les séparatismes ethniques ou religieux. D’ailleurs, on peut dire que le séparatisme sexuel est le séparatisme parfait, puisque l’endogamie lui est consubstantielle. C’était bien là mon point : notre société favorise les séparatismes, la société idéale des néo-libéraux étant précisément une non-société (comme l’a résumé Thatcher : « il n’y a pas de société, il n’y a que des individus et des familles). Les islamistes ne font que profiter de l’opportunité qui leur est offerte. Et ils ne sont pas les seuls.
“Des exemples de séparatisme … ” vous citez des exemples nationaux anciens ou étrangers, ce n’est guère convainquant !
“Le voile est d’abord un signe d’appartenance communautaire”, allons donc ! Demandez à cette femme si elle s’est sentie offensée en tant que magrébine ou en tant que musulmane et vous verrez sa réponse : musulmane. Vous négligez le fait que l’appartenance première d’un musulman, particulièrement dans un environnement non-musulman est l’oumma ; sa mère au bled était voilée, mais pas en France car la pression sociale n’était pas bridée, c’était l’époque où les filles se changeaient dans l’avion trans-méditéranéen. Disons que nous faisons une distinction entre les deux, parce que nous sommes laïques et avons l’idée d’un citoyen indistinct en race, sexe, etc., l’islam ne dispose d’aucun instrument le leur permettant. Pour cette femme, magrébin ou musulman sont synonymes (malgré les juifs ou les chrétiens d’Afrique du nord.
“Judaïsme et christianisme ont admis, de gré ou de force, la nécessité de coexistence avec une autorité civile” que nenni ; il y a dans le christianisme des mécanismes qui permettent cela, particulièrement dans le catholicisme (vous remarquerez que les seuls pays réellement laïques sont de culture catholique). Tertulien défend cette idée, Augustin et les Thonistes tentent de la minorer mais le Gallicisme, la réaction contre Port-Royal montrent que le ferment existait pour un État non-chrétien et s’imposant aux croyants (les chrétiens sont apparus dans un contexte d’un État civil puissant). Le toast d’Alger n’a fait que mettre un terme à une parenthèse réactionnaire. Pour ce qui est de la Judaïté il y a depuis 100 ans (et un peu plus en France) un réel questionnement de ce qui constitue l’identité juive (http://www.lyber-eclat.net/lyber/Scholem/scholem13.html) car, comme pour les musulmans, c’est la capacité, même théorique, à ne plus être un sujet religieux, qui conditionne l’acceptation d’une Loi civile. Le débat est très vif en Israël alors que 45 % des israéliens se considèrent comme laïques, 25% étant athées.
Sans vouloir faire mon sophiste je dirais que “meilleur des Peuples” et « peuple élu » n’est pas tout à fait la même chose (souvenons-nous de De Gaulle). Les réminiscences judaïques dans l’islam sont nombreuses, et souvent les pires ! Quand à vouloir encore et toujours -on croirait entendre un présentateur de BFM – établir des comparaisons avec les chrétiens cela me semble en l’espèce encore plus spécieux que d’ordinaire : le message christique est fondamentalement universel. Par ailleurs les exemples d’unité chrétienne, à ce titre religieux, contre d’autres, non-chrétiens, sont rares, trés rares.
La sourate Al A-raf (l’une des plus absconses) verrouille tout moyen de tolérer la coexistence de l’islam avec d’autres croyances, c’est là que nait la notion de la Maison de la Trêve (Dâr as-sulh’ ou Dâr al-‘ahd) dont la compréhension est fondamentale pour percevoir la pensée des musulmans.
“Là encore, c’est plus compliqué que ça.” Oui et non, je ne prive pas de faire des remarques aux impolis, mais, avec l’age, je deviens plus prudent dés lors que je suppose que la personne est musulmane ; sauf si elle seule, ou que les regards ne sont pas incendiaires.
Jouons : j’ai deux chemisettes, l’une avec écrit “j’encule Mahomet”, l’autre avec “j’encule le Christ”, celui qui choisira la première ira devant une mosquée le vendredi, l’autre devant une église le dimanche … vous choisissez laquelle ?
@ Gérard Couvert
[« Des exemples de séparatisme … » vous citez des exemples nationaux anciens ou étrangers, ce n’est guère convainquant !]
Le séparatisme corse n’est ni ancien ni étranger. Le séparatisme juif est encore très vivace dans une partie de la collectivité juive française.
[« Le voile est d’abord un signe d’appartenance communautaire », allons donc ! Demandez à cette femme si elle s’est sentie offensée en tant que magrébine ou en tant que musulmane et vous verrez sa réponse : musulmane.]
Je ne sais pas. Lui avez-vous posé la question ? Non ? Alors, qu’est-ce qui vous permet d’anticiper la réponse ?
Si le voile était un signe religieux, il serait porté par toutes les musulmanes. Or, en France, une majorité de femmes musulmanes ne portent pas le voile. Seules celles qui appartiennent à certaines communautés, qui vivent dans certains quartiers, le portent. C’est d’ailleurs la même chose dans les autres collectivités religieuses. Une petite croix est un signe chrétien, et presque tous les chrétiens en portent une. Mais rares sont ceux qui portent une grosse croix pectorale, et ceux qui la portent marquent ainsi une appartenance à une communauté, et non à une religion.
[Vous négligez le fait que l’appartenance première d’un musulman, particulièrement dans un environnement non-musulman est l’oumma ; sa mère au bled était voilée, mais pas en France car la pression sociale n’était pas bridée, c’était l’époque où les filles se changeaient dans l’avion trans-méditéranéen.]
Tout à fait. Mais cela vous montre que porter le voile est une contrainte sociale, et non une obligation religieuse. Si vous êtes un bon musulman, que craignez-vous plus ? La « pression sociale » ou la colère divine ? Les filles qui se changeaient dans l’avion avaient tout compris : au bled on pratique la sociabilité du bled, en France on pratique la sociabilité française. La foi n’intervient nulle part là-dedans.
[Disons que nous faisons une distinction entre les deux, parce que nous sommes laïques et avons l’idée d’un citoyen indistinct en race, sexe, etc., l’islam ne dispose d’aucun instrument le leur permettant. Pour cette femme, magrébin ou musulman sont synonymes (malgré les juifs ou les chrétiens d’Afrique du nord.]
Tout à fait. L’Islam a toujours été une religion dominante. Contrairement au christianisme et au judaïsme, l’Islam n’a pas fait l’expérience de devoir coexister avec un pouvoir civil puissant. La romanité a obligé juifs et chrétiens à réfléchir à la question et à trouver des voies pour rendre compatible la pratique religieuse avec le pouvoir civil. Quand les évangiles appellent à « donner au César ce qui est au César, et à Dieu ce qui est à Dieu », ils condensent dans une formule cette logique de séparation. L’Islam n’a pas fait ce saut : a l’exception de la Turquie d’Atatürk, les états à majorité musulmane restent des états où loi civile et loi religieuse se confondent, et les musulmans ne font l’expérience de la séparation que dans les états où ils sont très minoritaires. C’est là la grande difficulté spécifique à l’assimilation des musulmans.
[“Judaïsme et christianisme ont admis, de gré ou de force, la nécessité de coexistence avec une autorité civile” que nenni ; il y a dans le christianisme des mécanismes qui permettent cela, particulièrement dans le catholicisme (vous remarquerez que les seuls pays réellement laïques sont de culture catholique).]
Je pense que nous sommes d’accord. Quand je dis que le christianisme a accepté « de gré ou de force » je ne pensais pas seulement à la séparation moderne des églises et de l’Etat. Je pense surtout aux rapports des premiers chrétiens avec la romanité. C’est une différence fondamentale : Jésus est le prophète d’une religion minoritaire, qui doit s’accommoder de l’autorité romaine « païenne ». Mahomet est le prophète d’une religion combattante qui devient dominante de son vivant. Cette origine marque le destin des deux religions : d’un côté, le christianisme arrive à s’imposer comme religion d’Etat, mais la tension entre le pouvoir religieux et un pouvoir civil qui s’estime héritier des institutions romaines se maintient tout au long du moyen-âge. La Renaissance puis la modernité légitimeront le pouvoir civil en ayant de moins en moins recours à dieu, donnant ainsi à ce dernier un avantage décisif. En terre d’Islam, cette tension n’a jamais existé. La concentration du pouvoir religieux et du pouvoir civil dans les mêmes mains a été très rapide, et n’a pas laissé de place aux alternatives.
[Pour ce qui est de la Judaïté il y a depuis 100 ans (et un peu plus en France) un réel questionnement de ce qui constitue l’identité juive (…) car, comme pour les musulmans, c’est la capacité, même théorique, à ne plus être un sujet religieux, qui conditionne l’acceptation d’une Loi civile. Le débat est très vif en Israël alors que 45 % des israéliens se considèrent comme laïques, 25% étant athées.]
La question juive est beaucoup plus compliquée, parce que les juifs ont cessé d’avoir un Etat pendant deux mille ans, et leur expérience historique est essentiellement celle d’un peuple minoritaire dont l’assimilation était rendue impossible par l’hostilité des pays d’accueil. Pour les juifs, la séparation entre leur religion et la loi civile était une douloureuse réalité, et un état théocratique une menace tout aussi réelle. Chaque fois que la porte de l’assimilation a été ouverte, les juifs se sont assimilés… tout en conservant une spécificité qui est autant culturelle que religieuse. Au point qu’on considère « juifs » des penseurs comme Marx (qui était converti) ou Freud (qui n’avait aucune activité religieuse).
La création de l’Etat d’Israel a été un traumatisme pour les communautés juives, parce qu’avoir un état les met dans une position tout à fait contraire à leur expérience historique, et accessoirement les réinterroge sur les devoir qu’en tant que citoyens les juifs ont envers les états qui les ont accueillis et assimilés. La très grande majorité des juifs « culturels » n’ont aucune envie de vivre dans un « état juif », et ce n’est pas par hasard si là où les juifs sont les mieux assimilés l’immigration a été la plus faible.
[Quand à vouloir encore et toujours -on croirait entendre un présentateur de BFM – établir des comparaisons avec les chrétiens cela me semble en l’espèce encore plus spécieux que d’ordinaire : le message christique est fondamentalement universel. Par ailleurs les exemples d’unité chrétienne, à ce titre religieux, contre d’autres, non-chrétiens, sont rares, trés rares.]
Je ne vois pas très bien en quoi le message christique serait plus « universel » que celui de l’Islam. Dans les deux cas, le salut est ouvert à tous ceux qui se convertissent, sans distinction. Je sais que les comparaisons avec le christianisme vous énervent parce que vous tenez à faire du christianisme quelque chose de « spécial », la seule religion vraiment civilisée. Et que les comparaisons montrent qu’elle n’est pas si spéciale que ça, particulièrement lorsqu’il s’agit de la tolérance envers les autres religions.
[La sourate Al A-raf (l’une des plus absconses) verrouille tout moyen de tolérer la coexistence de l’islam avec d’autres croyances, c’est là que nait la notion de la Maison de la Trêve (Dâr as-sulh’ ou Dâr al-‘ahd) dont la compréhension est fondamentale pour percevoir la pensée des musulmans.]
Vous trouvez le même type de théories chez les juristes chrétiens du moyen-âge, en particulier l’idée qu’aucun traité conclu avec les infidèles n’est sacré. Quant au monisme, on retrouve aussi dans le christianisme primitif l’idée d’une communauté des chrétiens unique, reconnaissant une seule doctrine et une seule autorité. De ce point de vue, les différences entre Islam et christianisme sont assez minces…
[Jouons : j’ai deux chemisettes, l’une avec écrit “j’encule Mahomet”, l’autre avec “j’encule le Christ”, celui qui choisira la première ira devant une mosquée le vendredi, l’autre devant une église le dimanche … vous choisissez laquelle ?]
Cela dépend de l’église et de la mosquée. Je pense que vous risquez moins avec le premier devant la grandes mosquée de Paris qu’avec la seconde dans certains villages de Vendée ou à Versailles…
—[Jouons : j’ai deux chemisettes, l’une avec écrit “j’encule Mahomet”, l’autre avec “j’encule le Christ”, celui qui choisira la première ira devant une mosquée le vendredi, l’autre devant une église le dimanche … vous choisissez laquelle ?]—
Moi je n’en choisirais aucune, car j’aurais honte de moi, de provoquer ainsi des croyants chez eux (je suis athée…).
Mais posez la question autrement : mettez le premier T-Shirt devant… l’église, et le deuxième… devant la mosquée : Où serez-vous félicité ?
@ Gugus69
[Moi je n’en choisirais aucune, car j’aurais honte de moi, de provoquer ainsi des croyants chez eux (je suis athée…).]
Il ne me viendrait bien entendu pas à l’idée de faire une telle expérience. Je suis un laïque de stricte obédience, ce qui suppose le respect d’un pacte précis: toutes les croyances et les pratiques religieuses sont respectables tant qu’elles restent dans la sphère privée. Et aussi longtemps que les croyants respectent leur part du pacte, je respecte la mienne. Cela ne me viendrait pas à l’idée de perturber un office dans une église, et je pense que ceux qui le font – je pense aux Femen, par exemple – doivent être poursuivis et sévèrement condamnés.
Je répondais simplement à la proposition d’une expérience imaginaire, qui prétendait démontrer que certaines religions seraient plus intolérantes que d’autres ou plus sensibles au blasphème. Je ne partage pas ce point de vue: je pense que toutes les croyances religieuses sont également intolérantes dans leur principe, et que c’est la pratique humaine qui varie. Vous pouvez trouver des musulmans intolérants, mais aussi des catholiques ou des juifs prêts à taper – et même à assassiner – ceux qui ne pensent pas comme eux.
“je pense que toutes les croyances religieuses sont également intolérantes dans leur principe, et que c’est la pratique humaine qui varie”.
Il n’y a pas besoin d’être docteur en théologie pour réfuter cette assertion. Ce n’est tout simplement pas vrai, pardon de cette formule aussi abrupte. Parce que si effectivement toutes les religions proclament leur vérité (on n’adore qu’un seul dieu), elles n’ont pas la même attitude face à la contestation.
Il se trouve que je suis catholique, mais quand bien même ne le serais-je pas que je ne m’avancerais pas en affirmant que la religion chrétienne est plus tolérante que l’Islam, ce qui ne veut évidemment pas dire que tous les musulmans sont des graines de terroristes.
Alors bien sûr me direz-vous, la pratique humaine varie et fait qu’à certaines époques, la “tolérance” catholique était plus que restreinte alors que dans l’histoire, il est effectivement arrivé que des régimes musulmans soient plus tolérants, au point de recueillir des réfugiés juifs chassés des royaumes chrétiens.
C’est bien sûr arrivé, et je vous rejoins donc sur la variation dans les pratiques humaines. Mais le fait est que si l’on ouvre le Nouveau Testament, on ne retrouve pas les imprécations fulminantes du Coran. Jésus Christ n’a jamais tué personne là où le prophète Mahomet se glorifie d’avoir tué ses ennemis. Jésus Christ cherche à convertir les cœurs et respecte le libre arbitre de ceux qui se détournent de lui ou refusent son enseignement, alors que Mahomet ne laisse pas d’autres choix qu’entre la conversion ou la mort.
Les textes sont ce qu’ils sont, et si on trouvera toujours de savants docteurs pour les tordre autant qu’ils le peuvent, le fait est que le musulman intolérant dont vous parlez trouvera beaucoup plus de fondements à son approche dans leur lecture que le chrétien ou le juif intolérant que vous envisagez.
@ Tythan
[« je pense que toutes les croyances religieuses sont également intolérantes dans leur principe, et que c’est la pratique humaine qui varie » Il n’y a pas besoin d’être docteur en théologie pour réfuter cette assertion. Ce n’est tout simplement pas vrai,]
Je ne vous comprends pas. Après cette mâle assertion, vous écrivez : « Il se trouve que je suis catholique, mais quand bien même ne le serais-je pas que je ne m’avancerais pas en affirmant que la religion chrétienne est plus tolérante que l’Islam », puis « la pratique humaine varie et fait qu’à certaines époques, la “tolérance” catholique était plus que restreinte alors que dans l’histoire, il est effectivement arrivé que des régimes musulmans soient plus tolérants, au point de recueillir des réfugiés juifs chassés des royaumes chrétiens ».
Donc, vous êtes d’accord que toutes les religions sont dans leur principe également intolérantes, et que la pratique des fidèles a varié très largement au cours des siècles. Nous sommes donc d’accord ?
[Mais le fait est que si l’on ouvre le Nouveau Testament, on ne retrouve pas les imprécations fulminantes du Coran. Jésus Christ n’a jamais tué personne là où le prophète Mahomet se glorifie d’avoir tué ses ennemis.]
Pardon, pardon : « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison ». (Mathieu, 10 :34-36)
[Jésus Christ cherche à convertir les cœurs et respecte le libre arbitre de ceux qui se détournent de lui ou refusent son enseignement, alors que Mahomet ne laisse pas d’autres choix qu’entre la conversion ou la mort.]
Tout est une question d’opportunité : Jesus pouvait difficilement les menacer de mort étant donné qu’il n’avait pas le pouvoir de mettre en œuvre une telle menace, vu que la force était du côté des Romains. C’est pourquoi il se contente de les menacer des feux de l’enfer : « C’est pourquoi, quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai aussi devant mon Père qui est dans les cieux; mais quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai aussi devant mon Père qui est dans les cieux » (Mathieu, 10 :32-33). Mahomet pouvait se permettre le luxe de menacer ses adversaires avec la mort parce qu’il avait une armée et donc les moyens de mettre sa menace à exécution. Mais ni l’un ni l’autre n’ont le moindre respect pour ceux qui se détournent ou refusent leur enseignement.
@Descartes
> Donc, vous êtes d’accord que toutes les religions sont dans leur principe également intolérantes, et que la pratique des fidèles a varié très largement au cours des siècles.
Pour le coup, et cela diffère de l’argument avancé par Tythan, cela dépend si l’on parle uniquement des religions _actuelles_. Les paganismes antiques, par exemple, se distinguaient par une grande tolérance les unes vis-à-vis des autres. Elles n’exigeaient pas non plus un investissement moral et émotionnel du fidèle, juste éventuellement sa participation à quelques rites. Comme dit Paul Veyne, c’étaient des pratiques essentiellement « contractuelles » (je t’offre un sacrifice et en échange tu interviens en ma faveur dans telle ou telle affaire).
@ Ian Brossage
[Pour le coup, et cela diffère de l’argument avancé par Tythan, cela dépend si l’on parle uniquement des religions _actuelles_. Les paganismes antiques, par exemple, se distinguaient par une grande tolérance les unes vis-à-vis des autres.]
Je parlais des religions abrahamiques. Les polythéismes avaient une fonction politique et sociale très différente : le rapport du fidèle au dieu était comme vous le dites contractuelle et personnelle.
“Donc, vous êtes d’accord que toutes les religions sont dans leur principe également intolérantes, et que la pratique des fidèles a varié très largement au cours des siècles. Nous sommes donc d’accord ?”
Mon accord avec vous se limite à l’assertion suivante : “la pratique des fidèles a varié très largement au cours des siècles”.
Pour le reste, non, je ne suis pas d’accord avec vous. La tolérance en matière religieuse signifie respecter ce que croit autrui alors même que ces croyances heurtent les nôtres.
Les religions ne sont pas égales à cet égard : alors que l’Islam prescrit d’utiliser la violence contre les mécréants et de ne pas le faire uniquement lorsque c’est utile, on ne trouve pas de telles imprécations dans la bible.
En revanche, la tolérance ne signifie pas le relativisme : le catholicisme et le christianisme en général cherche à convertir tous les hommes, et proclame bien entendu face aux autres religions qu’elle seule détient la vérité. Simplement, le christianisme se soucie de préserver le libre arbitre des hommes, là où c’est beaucoup plus ambigu s’agissant de l’Islam : s’il y a bien une sourate qui dit qu’il n’y a point de contraintes en matière de religion, on ne compte pas dans le Coran les récits de massacres de ceux ayant refusé le message de Mahomet.
C’est donc uniquement grâce aux fondements textuels, en me basant sur les livres fondateurs d’une part de la religion catholique et d’autre part de l’Islam que je me permets d’affirmer que la première est plus tolérante que la seconde.
[Sur votre citation de Matthieu]
Cette citation ne remet en rien en cause ce que j’ai dit : Jésus Christ assume porter une parole clivante, divisant les croyants de ceux qui ne croient pas.
“Tout est une question d’opportunité : Jesus pouvait difficilement les menacer de mort étant donné qu’il n’avait pas le pouvoir de mettre en œuvre une telle menace, vu que la force était du côté des Romains. C’est pourquoi il se contente de les menacer des feux de l’enfer”
Je trouve que vous mettez des intentions dans la tête de Jésus là où aucun texte ne vous permet de fonder cette intuition, et même à l’inverse : il y a de nombreux textes où Jésus explique que son message est uniquement spirituel (“ma royauté n’est pas de ce monde” ou bien le trop fameux “rends à César ce qui est à César”). En fait, pas plus moi que vous n’en savez rien lorsque vous affirmez cela. Si je rentrais dans votre jeu, je pourrais dire que le contexte politique en Judée était très instable et était favorable à ce qu’un leader religieux prenne la tête d’une insurrection contre les Romains comme ce sera le cas 30 ans plus tard.
“ni l’un ni l’autre n’ont le moindre respect pour ceux qui se détournent ou refusent leur enseignement.”
On retrouve là ce qui fait l’une des caractéristiques des religions : elles proclament un message qui se fonde en dernier ressort sur quelque chose d’inexplicable, hors de la raison : la foi. Et qui ne souffre donc pas de contestation.
Ceci étant dit, je crains qu’on ne puisse étendre ce jugement a bien des philosophes, en premier lieu Karl Marx.
@ Tythan
[Pour le reste, non, je ne suis pas d’accord avec vous. La tolérance en matière religieuse signifie respecter ce que croit autrui alors même que ces croyances heurtent les nôtres.]
Mais ça veut dire quoi « respecter » dans ce contexte ? Proclamer que les incroyants iront en enfer est une manifestation de « respect », par exemple ?
[Les religions ne sont pas égales à cet égard : alors que l’Islam prescrit d’utiliser la violence contre les mécréants et de ne pas le faire uniquement lorsque c’est utile, on ne trouve pas de telles imprécations dans la bible.]
Je vous ai copié dans une réponse précédente un extrait de l’évangile selon Matthieu d’une grande violence contre les mécréants. Bien entendu, vous ne trouverez pas un appel au meurtre explicite dans le nouveau testament, pour la simple raison qu’à l’époque de leur écriture le culte chrétien était un culte minoritaire, et qu’un tel appel l’aurait exposé à une répression bien plus violente de la part des autorités romaines. C’est pourquoi il est écrit en termes métaphoriques, appelant plutôt la violence divine sur la tête des mécréants que la violence humaine. Mais si vous reprenez des textes postérieurs, écrits alors que l’Eglise catholique avait le pouvoir d’infliger la violence sur les infidèles, vous trouvez des appels bien plus explicites…
[En revanche, la tolérance ne signifie pas le relativisme : le catholicisme et le christianisme en général cherche à convertir tous les hommes, et proclame bien entendu face aux autres religions qu’elle seule détient la vérité. Simplement, le christianisme se soucie de préserver le libre arbitre des hommes,]
Oui, mais il leur promet l’enfer s’ils s’en servent. Peut-on considérer cela une forme de « respect » ?
[Sur votre citation de Matthieu : Cette citation ne remet en rien en cause ce que j’ai dit : Jésus Christ assume porter une parole clivante, divisant les croyants de ceux qui ne croient pas.]
Il suggère aussi que dans cette division les non croyants seront passés par le glaive…
[“Tout est une question d’opportunité : Jesus pouvait difficilement les menacer de mort étant donné qu’il n’avait pas le pouvoir de mettre en œuvre une telle menace, vu que la force était du côté des Romains. C’est pourquoi il se contente de les menacer des feux de l’enfer” Je trouve que vous mettez des intentions dans la tête de Jésus là où aucun texte ne vous permet de fonder cette intuition,]
Pardon : je ne peux m’empêcher de constater que les textes écrits postérieurement, lorsque le christianisme avait pris le pouvoir, sont bien plus explicites sur ce qu’on peut valablement infliger à ceux qui se refusent à croire. Sauf à croire que le christianisme des siècles suivants ait trahi la parole de Jesus…
[et même à l’inverse : il y a de nombreux textes où Jésus explique que son message est uniquement spirituel (“ma royauté n’est pas de ce monde” ou bien le trop fameux “rends à César ce qui est à César”).]
Pardon, mais « ma royauté n’est pas de ce monde » n’a rien d’un « message spirituel ». Pour lui comme pour ceux qui l’écoutaient, « l’autre monde » n’était pas moins réel que celui-ci, et un châtiment promis dans « l’autre monde » n’était pas moins réel – et moins violent – qu’une punition dans celui-ci. Quant à « rends à César ce qui est à César », c’est une réponse habile à ceux qui voulaient faire de lui un séditieux contre le pouvoir civil. J’ai bien souligné dans mon commentaire que cette réflexion sur la séparation d’avec le pouvoir civil est l’une des spécificités du christianisme par rapport à l’Islam. Mais cela n’a rien à voir avec la « tolérance »…
[En fait, pas plus moi que vous n’en savez rien lorsque vous affirmez cela. Si je rentrais dans votre jeu, je pourrais dire que le contexte politique en Judée était très instable et était favorable à ce qu’un leader religieux prenne la tête d’une insurrection contre les Romains comme ce sera le cas 30 ans plus tard.]
Rappelez-moi… qu’est-il arrivé à celui qui a pris la tête de l’insurrection 30 ans plus tard ? Si Jesus avait pris cette position, il serait lui aussi oublié.
[Ceci étant dit, je crains qu’on ne puisse étendre ce jugement a bien des philosophes, en premier lieu Karl Marx.]
Pourtant, Karl Marx a rendu hommage à pas mal de penseurs avec lesquels il était en désaccord : Hegel (qui fut son maître), Ricardo… Je dirais même plus: l’historicisme de Marx l’empêche d’ériger sa pensée en dogme intemporel…
Cher Descartes,
Tout d’abord, permettez-moi de vous remercier pour votre réponse, qui donne à réfléchir (comme à chaque fois).
[Tythan : “Pour le reste, non, je ne suis pas d’accord avec vous. La tolérance en matière religieuse signifie respecter ce que croit autrui alors même que ces croyances heurtent les nôtres”.
Descartes : ‘Mais ça veut dire quoi « respecter » dans ce contexte ?”]
En tout premier lieu, cela signifie ne pas contraindre l’autre à renier ses croyances pour qu’il adopte les vôtres. Mais cela va évidemment plus loin : ne pas juger et donc discriminer (au sens actuel du terme, en lui refusant des services auquel il aurait eu accès s’il avait votre religion : logement, emploi mais aussi éducation, les établissements catholiques accueillant les élèves de toute religion en France par ex, etc.) l’autre à raison de la différence de ces croyances.
“Proclamer que les incroyants iront en enfer est une manifestation de « respect », par exemple ?”
D’une certaine manière oui : parce que je me soucie de votre salut, je vous préviens de ce qui va vous arriver si ma religion est la bonne si vous refusez de croire. En réalité, c’est plus complexe que cela : n’iront évidemment pas en enfer ceux qui n’ont pas pu être converti en raison du contexte de leur existence. Tout le monde n’a pas eu la chance de vivre en Palestine au début du 1er siècle et de rencontrer Jésus!
“Bien entendu, vous ne trouverez pas un appel au meurtre explicite dans le nouveau testament, pour la simple raison qu’à l’époque de leur écriture le culte chrétien était un culte minoritaire, et qu’un tel appel l’aurait exposé à une répression bien plus violente de la part des autorités romaines.”
Etant donné la répression qui a frappé le culte chrétien très rapidement dans l’empire romain, on peut constater que ce que vous prenez pour une sage précaution n’a pas été très efficace…
Je n’irais pas jusqu’à dire que le rasoir d’Ockham invalide totalement votre hypothèse, mais je pense qu’elle est moins probable que celle de la sincérité de Jésus.
“C’est pourquoi il est écrit en termes métaphoriques, appelant plutôt la violence divine sur la tête des mécréants que la violence humaine. Mais si vous reprenez des textes postérieurs, écrits alors que l’Eglise catholique avait le pouvoir d’infliger la violence sur les infidèles, vous trouvez des appels bien plus explicites…”
Ces textes auxquels vous faites référence, qui existent sûrement même si je ne les connais pas, n’ont évidemment pas la même importance (le fait que je ne les connaisse pas est en soi significatif).
Au bout d’un moment, il faut se raccrocher à ce que l’on sait : il est établi que Jésus Christ a toujours récusé la violence, en des termes explicites, jusqu’au jour de son arrestation.
Que des commentateurs postérieurs, quelle que soit leur autorité sur les chrétiens de leur époque, aient écrit en sens contraire ne peut pas renverser cette réalité historique.
“Pardon : je ne peux m’empêcher de constater que les textes écrits postérieurement, lorsque le christianisme avait pris le pouvoir, sont bien plus explicites sur ce qu’on peut valablement infliger à ceux qui se refusent à croire. Sauf à croire que le christianisme des siècles suivants ait trahi la parole de Jesus…”
C’est exactement cela : la parole de Jésus Christ a été trahie. Il n’y a aucun doute là dessus, et c’est bien la différence entre les Catholiques et l’Islam : L’église catholique, qui est hiérarchisée, a pu sans aucun problème déceler les erreurs et les corriger. C’est malheureusement doublement impossible dans l’Islam, puisque d’une part Mahomet lui-même a appelé explicitement à la violence et d’autre part qu’il n’existe pas d’autorité centrale capable non seulement de reformuler la pensée de Mahomet (c’est interdit), mais même d’abolir les interprétations erronées qui leurs sont antérieures.
“Pour lui comme pour ceux qui l’écoutaient, « l’autre monde » n’était pas moins réel que celui-ci, et un châtiment promis dans « l’autre monde » n’était pas moins réel – et moins violent – qu’une punition dans celui-ci.”
Je crois déceler une confusion : lorsque Jésus parle d’autre monde pour parler de sa royauté, il parle du domaine spirituel, du domaine de l’âme. Vous, vous parlez de la vie après la mort du corps charnel, à laquelle les chrétiens croient. Il y a bien sûr un lien puisque c’est bien cette âme qui perdure après la mort, mais vous comprenez bien que vous ne parlez pas de la même chose.
Bien sûr, l’enfer, pour un chrétien, est un repoussoir, quelque chose de désagréable. Mais à vrai dire, à part quelques illumin – oups, quelques saints – ayant eu des visions, personne ne sait vraiment ce que c’est, si on peut vraiment qualifier de violence ce qu’y subissent les âmes qui ont sont jetées. C’est une tout autre dimension.
Jésus Christ, qui prêche à une foule de pouilleux analphabètes, emploie des images adaptées à son auditoire, on ne peut pas lui en vouloir de chercher à faire peur.
“J’ai bien souligné dans mon commentaire que cette réflexion sur la séparation d’avec le pouvoir civil est l’une des spécificités du christianisme par rapport à l’Islam. Mais cela n’a rien à voir avec la « tolérance »…”
Au contraire, c’est l’un des éléments clés qui explique la tolérance dont font preuve les sociétés occidentales aujourd’hui, à la différence des sociétés du monde musulman.
“Rappelez-moi… qu’est-il arrivé à celui qui a pris la tête de l’insurrection 30 ans plus tard ? Si Jesus avait pris cette position, il serait lui aussi oublié.”
La plupart des leaders de la grande révolte des juifs ont été tués au combat ou exécutés (enfin, pas tous : le fameux Flavius Joseph, par lequel nous connaissons l’histoire de cette révolte et qui est la première source extérieure attestant de l’existence historique de Jésus, a fait au départ partie de l’insurrection avant de se retourner).
Mais je vous ferais respectueusement remarquer que Jésus Christ a été tué trois ans à peine après le début de sa vie publique, là où la grande révolte a duré 7 ans… Donc bon, à suivre votre suggestion, il a plutôt perdu à l’affaire…
@ Tythan
[En tout premier lieu, [respecter] signifie ne pas contraindre l’autre à renier ses croyances pour qu’il adopte les vôtres. Mais cela va évidemment plus loin : ne pas juger et donc discriminer (au sens actuel du terme, en lui refusant des services auquel il aurait eu accès s’il avait votre religion : logement, emploi mais aussi éducation, les établissements catholiques accueillant les élèves de toute religion en France par ex, etc.) l’autre à raison de la différence de ces croyances.]
En d’autres termes, vous réduisez le « respect » à la simple indifférence à la religion. Respecter, c’est de traiter indifféremment les gens qui ont ma religion et les autres. Dans cette optique, on peut difficilement dire qu’une religion déterminée « respecte » les autres, puisque toutes les religions appellent à un traitement différentié des croyants et des non croyants.
[“Proclamer que les incroyants iront en enfer est une manifestation de « respect », par exemple ?” D’une certaine manière oui : parce que je me soucie de votre salut, je vous préviens de ce qui va vous arriver si ma religion est la bonne si vous refusez de croire.]
La, je ne vous comprends pas. Vous m’expliquez que le respect implique « de ne pas discriminer ». Or, dire que les croyants iront au paradis et les incroyants en enfer, c’est bien « discriminer », non ?
[“Bien entendu, vous ne trouverez pas un appel au meurtre explicite dans le nouveau testament, pour la simple raison qu’à l’époque de leur écriture le culte chrétien était un culte minoritaire, et qu’un tel appel l’aurait exposé à une répression bien plus violente de la part des autorités romaines.” Etant donné la répression qui a frappé le culte chrétien très rapidement dans l’empire romain, on peut constater que ce que vous prenez pour une sage précaution n’a pas été très efficace…]
En fait, pas tant que ça. La tradition chrétienne a beaucoup exagéré les persécutions antichrétiennes – eh oui, le « victimisme » ne date pas d’hier. Mais lorsqu’on revient aux faits historiques, on découvre que l’attitude romaine envers les sectes chrétiennes a été celle d’une indifférence polie et plutôt bienveillante, et l’est resté aussi longtemps que les chrétiens n’ont pas cherché à perturber le fonctionnement politique et social de l’Empire. D’ailleurs, pourquoi voudriez-vous que l’Empire romain se soucie d’une secte qui au départ n’était qu’une parmi des dizaines ? Vous savez, des messies autoproclamés dans la Palestine du Ier siècle, ce n’est pas ça qui manque…
L’acceptation par les premiers chrétiens de la primauté césarienne en matière civile n’est pas une simple pirouette. Ce n’est pas par hasard si cette réplique en apparence banale a été reprise par les évangélistes, et figure dans trois évangiles sur quatre (Marc, Mathieu, Luc). C’est ce qui a assuré la bienveillance de l’autorité romaine, et a donc donné aux chrétiens un certain avantage sur d’autres sectes juives plus « subversives ». La précaution prise par Jésus a été donc particulièrement efficace.
[Je n’irais pas jusqu’à dire que le rasoir d’Ockham invalide totalement votre hypothèse, mais je pense qu’elle est moins probable que celle de la sincérité de Jésus.]
A rien ne sert de poser des questions qui n’ont pas de réponse. Nous n’avons aucun moyen de savoir si Jésus était sincère lorsqu’il s’est abstenu d’appeler au meurtre, ou s’il l’a fait par opportunité politique. Tout ce que nous pouvons savoir est qu’il ne l’a pas fait, qu’il avait d’excellentes raisons politiques de ne pas le faire, et que ses successeurs l’ont fait dès que la situation politique a changé. Le reste…
[Au bout d’un moment, il faut se raccrocher à ce que l’on sait : il est établi que Jésus Christ a toujours récusé la violence, en des termes explicites, jusqu’au jour de son arrestation.]
Pas tout à fait. Nous ne savons pas si Jésus a « toujours » récusé la violence. Des paroles de Jésus, nous ne savons que ce que les évangélistes ont bien voulu rapporter. Et comme les évangélistes avaient un but politique, on peut donc raisonnablement supposer qu’ils ont cherché à présenter leur leader disparu et son enseignement sous une lumière qui pouvait contribuer à l’atteinte de ce but. Dans le contexte romain du Ier siècle, les chrétiens avaient tout intérêt à se présenter comme une secte pacifique, rendant à César ce qui était à César et ne cherchant des noises à personne, plutôt que comme une secte agressive ayant pour but de conquérir le pouvoir à feu et à sang.
Imaginez par exemple que vous lisiez dans deux mille ans le stalinisme exclusivement à travers de ce que les partisans de Staline ont écrit de lui avant sa prise du pouvoir. Vous trouveriez un homme jovial, partisan de la paix et la concorde universelle… Il nous manque malheureusement les rapports de ce que Jésus disait dans les réunions du Bureau Politique de la secte.
[“Pardon : je ne peux m’empêcher de constater que les textes écrits postérieurement, lorsque le christianisme avait pris le pouvoir, sont bien plus explicites sur ce qu’on peut valablement infliger à ceux qui se refusent à croire. Sauf à croire que le christianisme des siècles suivants ait trahi la parole de Jésus…” C’est exactement cela : la parole de Jésus Christ a été trahie.]
En d’autres termes, c’est une question d’opportunité. Jésus n’a pas pris le pouvoir, et n’a donc pas eu l’opportunité d’exercer la violence sur les incroyants. Ce seront ses disciples qui le feront, après avoir pris le pouvoir. Chez les musulmans, Mahomet a eu l’avantage de prendre le pouvoir de son vivant, et a donc eu le loisir de déclencher cette violence lui-même. Mais sur le fond, il n’y a pas véritablement de différence : dès qu’elles ont l’opportunité, les religions abrahamiques ont tendance à imposer aux mécréants la conversion y compris par des moyens violents.
[Il n’y a aucun doute là-dessus, et c’est bien la différence entre les Catholiques et l’Islam : L’église catholique, qui est hiérarchisée, a pu sans aucun problème déceler les erreurs et les corriger.]
Je ne me souviens pas que l’Eglise catholique ait jamais reconnu des « erreurs » sur un point de doctrine. Je crois même me souvenir que l’infaillibilité pontificale fait partie du dogme. En d’autre termes, l’église peut faire des « erreurs » dans la mise en œuvre de la doctrine, mais la doctrine elle-même ne peut contenir d’erreur.
[C’est malheureusement doublement impossible dans l’Islam, puisque d’une part Mahomet lui-même a appelé explicitement à la violence et d’autre part qu’il n’existe pas d’autorité centrale capable non seulement de reformuler la pensée de Mahomet (c’est interdit), mais même d’abolir les interprétations erronées qui leurs sont antérieures.]
Vous exagérez un peu. D’abord, si l’Islam n’a pas d’autorité centrale aujourd’hui, il en a eu dans le passé : le Calife. Et si l’Islam n’a pas d’autorité centrale, elle a tout de même des écoles doctrinales capables d’imposer des interprétations particulières ou d’abolir éventuellement une interprétation considérée comme erronée. Par contre, vous avez raison de souligner que le dogme de l’incréation du Coran empêche toute contestation du texte coranique lui-même, censé être la parole textuelle de dieu. Mais il faut noter que chez les chrétiens et les juifs, la contestation du texte même des Ecritures est relativement rare.
[Je crois déceler une confusion : lorsque Jésus parle d’autre monde pour parler de sa royauté, il parle du domaine spirituel, du domaine de l’âme.]
Désolé, mais là vous faites une interprétation que rien dans le texte même ne rend certaine. Lorsque Jésus dit que les récompenses et les punitions qu’il promet « ne sont pas de ce monde », on peut raisonnablement interpréter qu’il parle de la vie après la mort. C’est d’ailleurs l’interprétation qui a prévalu tout au long de l’histoire.
[Bien sûr, l’enfer, pour un chrétien, est un repoussoir, quelque chose de désagréable. Mais à vrai dire, à part quelques illumin – oups, quelques saints – ayant eu des visions, personne ne sait vraiment ce que c’est, si on peut vraiment qualifier de violence ce qu’y subissent les âmes qui ont sont jetées. C’est une tout autre dimension.]
L’apocalypse donne une petite idée de ce qui attend les incroyants, quand même… et au-delà des paroles de Jésus lui-même, l’Eglise catholique a pris un grand soin de décrire aux foules les punitions qui attendaient dans l’autre monde ceux qui se refusaient de la rejoindre, en sus des punitions dans ce bas monde, of course.
[Jésus Christ, qui prêche à une foule de pouilleux analphabètes, emploie des images adaptées à son auditoire, on ne peut pas lui en vouloir de chercher à faire peur.]
Mais alors, pourquoi en vouloir à Mahomet d’avoir fait la même chose à l’adresse des bédouins pouilleux et analphabètes auxquels il s’adressait- et dont il était !
[« J’ai bien souligné dans mon commentaire que cette réflexion sur la séparation d’avec le pouvoir ivil est l’une des spécificités du christianisme par rapport à l’Islam. Mais cela n’a rien à voir avec la « tolérance » » Au contraire, c’est l’un des éléments clés qui explique la tolérance dont font preuve les sociétés occidentales aujourd’hui, à la différence des sociétés du monde musulman.]
Vous croyez ? Rappelez-vous ce qui est arrivé au Chevalier de la Barre pour avoir refusé de se découvrir devant une procession… et cela dans une « société occidentale » qui était bien plus influencée par la doctrine chrétienne que ne le sont les sociétés actuelles. Il est exact que la séparation plus ou moins grande des églises et de l’Etat dans le monde occidental a pu être pensée en grande partie à partir de cette réflexion originale de séparation entre le civil et le religieux. Mais de là à dire que cela « explique la tolérance »… non. Vous noterez que la « tolérance » religieuse dans nos sociétés ne vient pas d’une volonté spontanée des institutions catholiques, mais d’un combat féroce au cours duquel les institutions catholiques ont été vaincues et ont dû concéder par la force. Et que l’Eglise catholique n’a jamais tout à fait accepté cette logique de « tolérance », et ne perd pas d’opportunité pour chercher à rétablir l’ordre ancien.
[“Rappelez-moi… qu’est-il arrivé à celui qui a pris la tête de l’insurrection 30 ans plus tard ? Si Jesus avait pris cette position, il serait lui aussi oublié.” La plupart des leaders de la grande révolte des juifs ont été tués au combat ou exécutés]
Oui, et aujourd’hui ils sont oubliés, leur révolte n’ayant pas eu d’héritiers idéologiques, philosophiques ou politiques. Jésus et ses disciples ont fait un choix bien plus astucieux, celui de refuser toute contestation des institutions romaines, pour essayer de les noyauter de l’intérieur.
[Mais je vous ferais respectueusement remarquer que Jésus Christ a été tué trois ans à peine après le début de sa vie publique, là où la grande révolte a duré 7 ans… Donc bon, à suivre votre suggestion, il a plutôt perdu à l’affaire…]
Sauf que, deux mille ans plus tard, on se souvient encore de lui et ses successeurs ont argent et pouvoir, alors que les révoltés n’ont rien obtenu. Pour un révolutionnaire, le succès se mesure à la postérité. Si on veut vivre vieux, on ne cherche pas le pouvoir…
—Nous n’avons aucun moyen de savoir si Jésus était sincère…—
Certes ! D’autant que nous n’avons aucun moyen de savoir si Jésus était… tout court !
Bien entendu, ami, j’avais parfaitement compris votre réponse…
[“Une petite croix est un signe chrétien, et presque tous les chrétiens en portent une.”]
Alors c’est que nous ne parlons pas des mêmes chrétiens, pour paraphraser une phrase mémorable de J. Gabin (sur l’Europe) dans je ne sais plus quel rôle.
Parlez-vous des chrétiens de foi vive, de foi molle, ou simplement de “culture chrétienne”?
@ Albert
[« Une petite croix est un signe chrétien, et presque tous les chrétiens en portent une. » Alors c’est que nous ne parlons pas des mêmes chrétiens, pour paraphraser une phrase mémorable de J. Gabin (sur l’Europe) dans je ne sais plus quel rôle. Parlez-vous des chrétiens de foi vive, de foi molle, ou simplement de “culture chrétienne”?]
Des trois à la fois. Je me souviens quand j’étais enfant et qu’on allait à la piscine avec l’école avoir été surpris par le fait que presque tous petits camarades qui portaient autour du cou une chaine avec une petite croix ou une médaille, qu’ils gardaient sous leurs vêtements. On m’avait d’ailleurs expliqué que beaucoup de grands parents offraient à leurs petits-enfants ce bijou à la naissance ou bien lors de leur première communion. Pourtant j’étais dans un collège moyen, dans un quartier parisien plutôt modeste… Je ne sais pas si cette tradition se conserve, mais dans ma génération et les générations antérieures c’était encore très largement le cas. Il serait intéressant de savoir combien de Français se déclarant chrétiens portent sur eux un signe quelconque matérialisant cette adhésion.
Comme vous le dites précisément, Descartes:
“Je me souviens quand j’étais enfant “…C’était il y a longtemps …(on n’en est plus là, croyez-moi).
@ Albert
[Comme vous le dites précisément, Descartes: “Je me souviens quand j’étais enfant “…C’était il y a longtemps …]
Je ne suis pas aussi décrépit que vous le croyez! Je vous parle des années 1980. Et je ne suis pas persuadé que cela ait changé autant que vous le pensez. Quelqu’un connaît-il une étude sur le port des signes religieux dans les différentes “communautés” ? Ca doit exister…
@Descartes
Comme je suis d’accord avec vous sur l’essentiel, je chipote sur ce qui me reste à critiquer…
[Au risque de me répéter, je crois qu’on fait une erreur en faisant du voile une question religieuse. Le voile est d’abord un signe d’appartenance communautaire, et non religieuse.]
Et je crois que vous faites erreur en vous posant la question de savoir si le voile est un signe d’appartenance religieux ou communautaire, ou d’origine, ou je ne sais pas quoi encore.
En tant que société française, ce n’est pas à nous de nous poser la question sur la signification du voile. Quand bien même celui ci serait un signe strictement religieux, cela ne changerait rien à l’affaire…
Le problème est la volonté d’afficher une différence, en montrant aux autres : “je ne suis pas comme vous”. La conséquence logique de cette posture est que les premiers diront : “elle n’est pas comme nous”. Et du coup, seront racistes…
Illustration : Si demain, je déclare que je me considère comme faisant partie de la religion naturiste. Et que, en conséquence, je vais faire mes courses dans la tenue que le Dieu des naturistes leur a imposé (*). Je risque de me faire embarquer, car la loi interdit ce type de tenue.
J’irai naturellement voir Libé pour faire une tribune pour dénoncer la naturistophobie de la société française… Mais globalement, à part peut être quelques fêlés, tout le monde dira que je me fous du monde.
Et en particulier, si je suis une femme de religion naturiste, et que je vais me promener dans certains quartiers particulièrement à cheval sur le droit pour les femmes d’afficher librement leur religion dans la rue… Je ne suis pas certain que je ne risque pas quelques quolibets (au moins) !
J’aimerais bien poser la question en ces termes à des Dialo et consors…
(*)même s’ils ont le droit de se couvrir un peu quand il fait trop froid, à condition que la tenue soit proportionnée à la température extérieure ; ce n’est tout de même pas une religion extrémiste…
@ Vincent
[Et je crois que vous faites erreur en vous posant la question de savoir si le voile est un signe d’appartenance religieux ou communautaire, ou d’origine, ou je ne sais pas quoi encore. En tant que société française, ce n’est pas à nous de nous poser la question sur la signification du voile. Quand bien même celui-ci serait un signe strictement religieux, cela ne changerait rien à l’affaire… Le problème est la volonté d’afficher une différence, en montrant aux autres : “je ne suis pas comme vous”.]
Je suis tout à fait d’accord que le véritable problème se trouve dans l’utilisation d’un symbole pour marquer une séparation. Mais justement, pour décider si un symbole a ou non cette signification, il faut bien s’interroger sur son sens et le but poursuivi par ceux qui le portent. Une croix gamme n’a pas le même sens tatouée dans le bras d’un skinhead ou sur la cravate d’un hindou.
[J’aimerais bien poser la question en ces termes à des Dialo et consors…]
En tant que Pastafari mon Dieu me demande de porter une passoire sur la tête. Pour tenter une approche différente, je propose que je me rende au conseil régional de la même région et nous verrons si mon couvre chef est respect ou non, s’il suscite un tollé, et qui défendra mon droit a le porter…
Cependant…
[Le problème est la volonté d’afficher une différence, en montrant aux autres : “je ne suis pas comme vous”. ]
Les gamins gothiques sont-ils Français ? Les skilhead le sont-ils ? Les bourgeois s’habillent pour se différencier (sans parler de toute les activités qu’ils se sont approprié de la culture au golf), sont-ils français ?
Est-ce possible de faire société dans la différence, sans être tous des clones, et sans que sa pose problème du moment que des règles universels sont respectées ?
@ Yoann Kerbrat
[En tant que Pastafari mon Dieu me demande de porter une passoire sur la tête. Pour tenter une approche différente, je propose que je me rende au conseil régional de la même région et nous verrons si mon couvre-chef est respect ou non, s’il suscite un tollé, et qui défendra mon droit a le porter…]
J’avoue que l’envie me démange quelquefois de revêtir un hidjab complet et me présenter ainsi à une séance de mon conseil municipal. Après tout, si l’on a le droit de s’habiller comme on veut, pourquoi un homme ne pourrait se promener voilé ?
[« Le problème est la volonté d’afficher une différence, en montrant aux autres : “je ne suis pas comme vous ». Les gamins gothiques sont-ils Français ? Les skinheads le sont-ils ? Les bourgeois s’habillent pour se différencier (sans parler de toutes les activités qu’ils se sont approprié de la culture au golf), sont-ils français ?]
La question se poserait si un gamin gothique, un skinhead ou un bourgeois refusait d’enlever ses vêtements pour aller à la mer ou à l’école, par exemple. Mais les rares skinheads que je connais enlèvent leurs bottes pour aller à la plage, et les gamins gothiques de ma voisine s’abstiennent de porter leurs piercings à l’école. Nous portons tous des signes sur nous pour nous reconnaître comme membres d’une classe sociale, d’un groupe, d’une communauté. Le problème commence quand ces signes deviennent un moyen de séparation, une forme du refus de contact. Or, on ne peut pas parler d’un séparatisme skinhead ou gothique : les gothiques n’aspirent pas à vivre entre gothiques, à acheter leur nourriture dans des magasins gothiques, à aller à des écoles et centres de loisir gothiques. Au contraire : être gothique dans un monde où tout le monde est gothique est extrêmement ennuyeux. Etre gothique n’a de sens que si vous choquez les non-gothiques qui vous regardent – dont vos parents !.
[Est-ce possible de faire société dans la différence, sans être tous des clones, et sans que sa pose problème du moment que des règles universels sont respectées ?]
Oui, et heureusement les Français ont toujours été divers. Mais cette diversité n’est enrichissante que s’il existe une sociabilité qui s’impose à tous et qui permet aux divers de se parler entre eux. La sociabilité est comme un langage: on peut coexister avec des accents différents… mais si chacun parle sa langue, on ne peut plus se comprendre.
Merci de vos réponses en tout cas, ça me fait réfléchir. Une dernière remarque :
[Or, on ne peut pas parler d’un séparatisme skinhead ou gothique : les gothiques n’aspirent pas à vivre entre gothiques, à acheter leur nourriture dans des magasins gothiques, à aller à des écoles et centres de loisir gothiques]
Et la bourgeoisie n’est pas concerné par cela ?
@ Yoann Kerbrat
[Et la bourgeoisie n’est pas concerné par cela ?]
Non, pas vraiment. Une classe qui aspire à dominer la société ne peut se payer le luxe du séparatisme. Par ailleurs, je vois mal quels sont les signes que les bourgeois porteraient sur eux pour bien marquer leur refus de partager la sociabilité des autres…
[ Une classe qui aspire à dominer la société ne peut se payer le luxe du séparatisme]
Les flux de capitaux sont ouverts et sans limites pourtant…
[je vois mal quels sont les signes que les bourgeois porteraient sur eux]
Les signes extérieurs de richesse ? Sans parler des différences culturelles savamment entretenues…
@ Yoann Kerbrat
[“Une classe qui aspire à dominer la société ne peut se payer le luxe du séparatisme” Les flux de capitaux sont ouverts et sans limites pourtant…]
Peut-être. Mais on peut difficilement accuser les bourgeois de vouloir créer un Code civil particulier pour eux. Au contraire: une classe dominante tend à faire de ses règles les règles de toute la société.
[“je vois mal quels sont les signes que les bourgeois porteraient sur eux” Les signes extérieurs de richesse ? Sans parler des différences culturelles savamment entretenues…]
Mais justement, le comportement des bourgeois est l’inverse: ils font tout leur possible pour cacher leurs “signes extérieurs”, pour ne pas être vus comme “bourgeois”. Et lorsque l’un d’entre eux se montre trop, il encourt la condamnation sociale (souvenez-vous du “bling bling” sarkozien). Non, parler de “séparatisme” bourgeois au sens ou l’on parle de séparatisme musulman n’a pas de sens. Les bourgeois tendent à l’entre-soi, mais ce n’est pas tout à fait la même chose.
Bonjour ami et camarade, (Voyez : je dis “bonjour”…)
Un détail intéressant de la tribune du Monde est que les signataires assimilent le rejet du voile à une attitude contre l’islam. Il faut donc admettre que pour eux le voile et l’islam sont consubstantiels. Or, en France, deux musulmanes sur trois ne portent pas de voile ! On devra donc admettre que pour Omar Sy et consort, ces femmes ne sont pas musulmanes. Sinon, il leur faudrait accepter l’idée que s’en prendre au seul voile, c’est militer contre l’islamisme, le fondamentalisme… Mais pas contre l’islam !
@ Gugus69
[Bonjour ami et camarade, (Voyez : je dis “bonjour”…)]
Je n’ai jamais douté que vous fussiez un homme courtois. Vous noterez que j’ai toujours beaucoup incité sur ce blog sur le besoin de garder le débat dans les limites de la courtoisie, qui est pour moi le fondement de toute société civilisée…
[Un détail intéressant de la tribune du Monde est que les signataires assimilent le rejet du voile à une attitude contre l’islam. Il faut donc admettre que pour eux le voile et l’islam sont consubstantiels. Or, en France, deux musulmanes sur trois ne portent pas de voile !]
Je n’avais pas noté le point, mais je trouve que vous avez tout à fait raison. Il y a dans le camp des « bienpensants » une grande confusion sur le lien entre le voile et l’Islam. Effectivement, deux tiers des musulmanes françaises ne portent pas le voile. Sont-elles donc de « mauvaises musulmanes » ? C’est ce que pensent les femmes voilées – puisqu’elles montrent en portant le voile et en refusant de se dévoiler même dans les enceintes publiques qu’elles considèrent le fait d’enlever le voile comme une infraction grave. En leur donnant raison, les bienpensants se rangent à cette interprétation. On pourrait donc dire que leur tribune est une manifestation « de haine et de violence » envers les musulmanes non voilées…
Bonjour Descartes, j’étais hier à la manif pour la défense de General Electric et de la défense de l’industrie en France.
J’aurais pu croisé, mais je n’ai pas vu Marie-Marguerite Dufay, présidente de la région (Bourgogne) Franche-Comté et ex adjointe aux affaires sociales PS à Besançon et syndicaliste CFDT à l’ANPE (ou aux ASSEDIC, je ne sais plus).
La CGT GE-ALSTOM, toujours influencée par les retraités communistes « maintenus », n’a pas été lâche.
Le DS CGT a fait part que le rapport de force a permis de sauver 300 emplois, mais qu’il était hors de question de se résoudre aux dernières propositions de la direction de GE auxquelles sont sensibles la CFE CGC et SUD (ah, cette extrême gauche libérale!). La CGT a alors quitté les marches de la Maison du Peuple mettant fin symboliquement à l’intersyndicale. Nous sommes alors partis en cortège rejoindre le piquet de grève. C’était le cortège des déplorables, comme aurait pu dire Hillary Clinton, la CGT et les Gilets Jaunes. Un millier. Les belles personnes seront 2000 avec la belle personne Jean-Luc Mélenchon.
La CGT a dit à la face de tous, sans voiler le message, qu’elle n’était pas dupe, que c’était l’État français qu’elle interpellait et qui devait en répondre. Dans L’Est Républicain de ce matin, DUFAY disait : « Si on ne va pas dans le sens de l’union, on revient au point de départ avec un PSE très brutal. Mais je comprends que ce soit difficile à encaisser d’arrêter une action d’autant que c’est grâce à l’occupation de l’usine qu’il y a eu des avancées ». Le DS de la CGT avait dit précédemment que même si la reprise du travail était votée lundi, cela serait toujours bagarre, bagarre, bagarre.
Indifférente à ce que dit le représentant des salariés du premier syndicat de GE, DUFAY souffrirait-elle d’un voile auditif ?
@ Lejeun
[J’aurais pu croisé, mais je n’ai pas vu Marie-Marguerite Dufay, présidente de la région (Bourgogne) Franche-Comté et ex adjointe aux affaires sociales PS à Besançon et syndicaliste CFDT à l’ANPE (ou aux ASSEDIC, je ne sais plus).]
Y était-elle ? Je sais – parce qu’elle l’a dit à la presse – qu’elle est allée rendre visite à la femme voilée prise à partie indirectement par Julien Odoul. Son absence à la manifestation pour Alstom donnerait une curieuse idée des priorités de cette dame.
[La CGT GE-ALSTOM, toujours influencée par les retraités communistes « maintenus », n’a pas été lâche.]
J’ai le plus grand respect pour les Alstom qui se battent pour leur usine et leur emploi. Mais j’ai grande peur que ce soit un combat perdu. Alstom a été sacrifié sur l’autel de la mondialisation – et des intérêts américains – par ses actionnaires, dans l’indifférence la plus complète de l’Etat. Que peut-on sauver encore ? Cela ne veut pas dire qu’il faille arrêter le combat : il y a des combats qu’on s’honore à perdre, et si la bagarre est dure peut-être d’autres réfléchiront à deux fois avant de s’embarquer sur la même voie. Mais sans prolongement politique, les résultats qu’on peut obtenir sont maigres.
[Indifférente à ce que dit le représentant des salariés du premier syndicat de GE, DUFAY souffrirait-elle d’un voile auditif ?]
Un voile très sélectif, probablement…
DUFAY était présente.
La reprise du travail et la proposition devraient être votées par les salariés demain.
Avoir mené la lutte et reprendre le travail avec dignité, c’est important quand l’inéluctable va tomber sur certains d’ici quelques mois et sur d’autres dans plusieurs mois.
@ Lejeun
[Avoir mené la lutte et reprendre le travail avec dignité, c’est important]
Tout à fait. Le combat, c’est aussi un des fondements de la sociabilité.
Je note une elle complaisance avec un elu RN
Je note un haut mepris pour une elu FI
Je note que le RN s’opppse aux greves.
Les faits juste les faits.
@ factuel
[Je note une complaisance avec un élu RN. Je note un haut mépris pour une élu FI. Je note que le RN s’oppose aux grèves. Les faits juste les faits.]
Pas vraiment. Si vous citez les paroles de M. Untel, vous énoncez un fait. Mais lorsque vous qualifiez ses paroles de « complaisance » ou « mépris », vous énoncez un jugement subjectif, et non un fait.
Maintenant, venons-en au fond. Je vais d’abord répondre à l’accusation de « complaisance avec un élu RN ». Je ne vois pas en quoi mon texte serait « complaisant ». Je me contente de citer les propos de Julien Odoul tels qu’il les a prononcés – j’ai même donné le lien pour que mon lecteur puisse juger par lui-même – et j’essaye de comprendre pourquoi ces propos ont provoqué une réaction totalement disproportionné. En particulier, je ne vois pas en quoi les propos d’Odoul seraient « violents » ou « haineux ». Mais si vous pensez que les auteurs de la tribune qui l’accuse ont raison, j’aimerais connaître vos arguments. L’échange serait bien plus intéressant qu’un procès ad-hominem sur mes « complaisances » supposées.
Je vais ensuite aborder l’accusation de « mépris pour une élue FI ». D’abord, vous noterez qu’Elsa Faucillon n’est pas une élue FI. En apposant sa signature sur la tribune en question, elle a précisé « députée (PCF) des Hauts de Seine ». Ensuite, je ne vois pas en quoi j’aurais été « méprisant » envers elle. Je me contente de constater qu’elle signe une tribune dénonçant « la haine et la violence » avec une certaine Rokayha Diallo, qui a fait de la haine et de la violence son fond de commerce, et qui a par exemple soutenu l’organisation de conférences ouvertes exclusivement aux « personnes non-blanches ». Si Faucillon et Diallo peuvent signer la même tribune, au moins l’une des deux n’a pas bien lu ce qu’elle signe.
Et finalement, quel est le rapport entre le fait que « le RN s’oppose aux grèves » et l’affaire en discussion ?
“Et finalement, quel est le rapport entre le fait que « le RN s’oppose aux grèves » et l’affaire en discussion ?”
Et bien c’est juste qu’avec ça je me retrouve plus proches des idées de Rokayha Diallo que du RN.
après si ça te pose pas de problème les parti casseurs de grèves, C’est ton droit le plus stricte.
@ factuel
[« Et finalement, quel est le rapport entre le fait que « le RN s’oppose aux grèves » et l’affaire en discussion ? » Et bien c’est juste qu’avec ça je me retrouve plus proches des idées de Rokayha Diallo que du RN.]
Lorsque Diallo soutien l’organisation de conférences réservés aux « personnes non blanches », et que le RN proteste contre une telle conférence, de qui « vous retrouvez-vous plus proche » ?
La gauche française doit une partie de sa débâcle à la pensée manichéenne qui l’a poussée à dire « blanc » au seul motif que le FN disait « noir ». Puisque le FN parlait d’immigration, il ne fallait surtout pas en parler. Puisque le FN reprenait la Marseillaise et le drapeau Bleu-Blanc-Rouge, il fallait cracher dessus. C’est ainsi qu’on a laissé à l’extrême droite s’approprier les symboles et les sujets qui intéressent les couches populaires.
Vous avez parfaitement le droit de vous sentir obligé de défendre Rokayha Diallo au prétexte qu’elle dit le contraire que le RN. Mais je ne peux que vous inviter à relire ce qu’elle a dit et ce qu’elle a écrit. Et vous verrez qu’elle est aussi toxique que le RN, sinon plus.
[après si ça te pose pas de problème les parti casseurs de grèves, C’est ton droit le plus stricte.]
Je pourrais vous retourner l’argument en disant que si le discours racialiste et les ateliers « réservés aux non blancs » ne vous posent pas de problème, c’est votre droit le plus strict. Mais ce genre de ping-pong ne m’intéresse pas. Ce qui me gêne dans votre position, c’est l’idée qu’il faudrait apprécier un discours non pas en fonction de son contenu, mais en fonction de celui qui le prononce. Le racisme de Rokayha Diallo est tolérable parce qu’elle est du « bon » côté, la demande d’Odoul est condamnable parce que son auteur a sa carte au RN. C’est avec ce genre de raisonnement qu’on a vu la gauche soutenir les privatisations des gouvernements socialistes, après avoir condamné les mêmes privatisations lorsque c’était la droite qui les faisait.
@factuel
[Et bien c’est juste qu’avec ça je me retrouve plus proches des idées de Rokayha Diallo que du RN.]
Grand bien vous en fasse!
Parce que Racailla Diallo est le pire de ce que la nature humaine a à offrir: raciste, félonne, irresponsable, ingrate et de mauvaise foi (dans mon cas, j’ai toujours pensé que l’islam est une foi mauvaise 🙂 )…
Dieu sait si je n’aime pas les identitaires “blancs” ou “européens” mais je la tiens comme bien plus dangereuse et nocive que ces derniers, car elle se comporte avec les Français comme un colon, mais surtout, elle a énormément de relais juridico-politico-médiatiques! Et c’est un descendant d’Africains qui vous l’affirme!!!
Pour revenir à des sujets plus politiques, par construction, et je parle sous le contrôle de l’hôte de ce blog, tout politique immigrationniste est une politique de guerre de classe anti-ouvrière, et un partisan de l’immigration incontrôlé est soit un jaunard, soit un briseur de grève! Historiquement, depuis le début de l’industrialisation, le patronat a toujours eu recours à l’immigration pour diviser les travailleurs en général, et surtout, ponctuellement, pour briser les grèves!
Alors partagez les opinions de cette odieuse raciste si ça vous chante, mais vos leçons d’anti-racisme francophobe sont largement à contre-temps, et commence à porter sur les nerfs des Français: les prochaines élections en seront la démonstration…
@ CVT
[Pour revenir à des sujets plus politiques, par construction, et je parle sous le contrôle de l’hôte de ce blog, tout politique immigrationniste est une politique de guerre de classe anti-ouvrière, et un partisan de l’immigration incontrôlé est soit un jaunard, soit un briseur de grève! Historiquement, depuis le début de l’industrialisation, le patronat a toujours eu recours à l’immigration pour diviser les travailleurs en général, et surtout, ponctuellement, pour briser les grèves!]
Non, les politiques « immigrationnistes » ne sont pas forcément des politiques de guerre contre la classe ouvrière. En situation de plein emploi, lorsque l’économie manque de bras, importer de la main d’œuvre permet d’augmenter la demande globale en même temps que l’offre, puisque les immigrés sont immédiatement employés, reçoivent un salaire et consomment. Du coup, l’effet à la baisse sur les salaires par une plus grande offre de travail est compensé par une plus grande demande de travail.
Les politiques immigrationnistes deviennent désastreuses pour la classe ouvrière lorsqu’on s’éloigne du plein emploi, parce qu’elles ont pour effet d’augmenter l’offre de travail sans augmenter la demande globale dans la même proportion. Pour chaque immigré qui travaille et consomme, il y a un travailleur français qui ne travaille pas et ne consomme pas (ou plutôt consomme à partir d’un prélèvement sur les actifs). L’effet à la baisse des salaires n’est donc pas compensé.
C’est d’ailleurs ce qui explique pourquoi les organisations représentatives de la classe ouvrière n’ont pas objecté à l’importation de main d’oeuvre pendant les “trente glorieuses”, mais ont changé d’avis pour favoriser des politiques restrictives au tournant des années 1970, quand le chômage est devenu massif.
“casseurs de grèves” mais où, ou plutôt quand vous croyez-vous ? Sur qu’avec des “en retard” comme vous Macron à encore au moins 10 ans devant lui.
[Elsa Faucillon]
Je sais même pas pourquoi on refuse de la dégager du parti… Elle a tout de la FI, elle est juste la pour dissoudre le PCF dans la FI (et les Cocos ne l’entendent pas comme ça).
Pardon, je rage dès que j’entends parler d’elle et de sa copine Autain…
@ Yoann Kerbrat
[Je sais même pas pourquoi on refuse de la dégager du parti…]
Vous savez, un député qui veut bien appartenir au groupe PCF, c’est si rare…
Merci, Paul, pour cet éclairage parfaitement documenté et irréfutable!
@ Pierrard
[Merci, Paul, pour cet éclairage parfaitement documenté et irréfutable!]
Je n’ai pas très bien compris à qui vous répondez…
Doit-on forcément récuser toute forme de violence (peut-être pas de haine, et c’est pourtant un moteur de l’individu) que peuvent sous-tendre les discours s’opposant au fractionnement social ? Le combat pour la laïcité a pu être violent il y a un siècle, la Révolution française évidemment, la Résistance…
Ce qui importe est que le discours soit constructif, qu’il nous amène à progresser vers cette décence commune nécessaire à la cohésion sociale.
Merci donc pour ce texte, frappé du bon sens républicain.
@ Paul
[Doit-on forcément récuser toute forme de violence (peut-être pas de haine, et c’est pourtant un moteur de l’individu) que peuvent sous-tendre les discours s’opposant au fractionnement social ? Le combat pour la laïcité a pu être violent il y a un siècle, la Révolution française évidemment, la Résistance…]
Dans mon papier, je ne rentre pas dans cette discussion. Le fait est que l’intervention de Julien Odoul ne contient le moindre appel à la violence, contrairement à ce que prétendent les auteurs de la tribune publiée par « Le Monde ».
Maintenant, la question de la violence est complexe. La violence physique a un coût, et le progrès de la civilisation humaine a consisté à réduire les niveaux de violence, d’une part en la symbolisant, d’autre part en confiant à un acteur institutionnel le monopole de la violence légitime. Aussi longtemps que cet acteur est légitime et répond à son mandat, toute violence physique doit être considérée comme illégitime. Le combat laïque a été violent, c’est vrai, mais la violence était verbale, et non physique. La Révolution et la Résistance sont des situations où l’Etat a cessé de jouer son rôle de garant.
Personnellement, je suis prêt à admettre que la violence puisse être, dans certaines circonstances, l’accoucheuse de l’histoire. Mais étant donné son coût social, il faut beaucoup réflechir avant de franchir le pas.
Les coups de haches des gendarmes pour entrer dans les congrégations étaient des violences physiques, de mêmes les raids contres les processions en Bretagne.
@ Gérard Couvert
[Les coups de haches des gendarmes pour entrer dans les congrégations étaient des violences physiques,]
Oui, mais elles étaient exercées par l’Etat en application d’une loi régulièrement votée, et devant la résistance des congrégations. Elle était donc légitime.
[de mêmes les raids contres les processions en Bretagne.]
Je n’ai pas retrouvé de référence. En quoi consistaient ces “violences” ?
de mêmes les raids contres les processions en Bretagne.
Même légitimes, et même légales, il n’en reste pas moins que les actions contre les congrégations étaient violentes et désignaient des points d’échecs. Pourtant Léon XIII et son Rerum Novarum avait amorcé quelque chose qui aurait pu mieux aboutir ; c’est aussi le cas de Benoit XVI.
J’ai en tête des images de solides “républicains” accrochés bras-a-bras et barrant le chemin d’une procession ; c’est un souvenir d’enfance, donc très ancien ; bien avant Internet et ses facilités (pour nous qui sommes de la civilisation de l’écrit).
@ Gérard Couvert
[Même légitimes, et même légales, il n’en reste pas moins que les actions contre les congrégations étaient violentes]
Dans le cadre de cette discussion, on parlait de l’utilisation de la violence en dehors du cadre légal. Il est trivial je pense de dire que nous sommes tous d’accord sur le fait que l’Etat peut – et même doit – utiliser la violence pour faire appliquer la loi.
[Pourtant Léon XIII et son Rerum Novarum avait amorcé quelque chose qui aurait pu mieux aboutir ; c’est aussi le cas de Benoit XVI.]
Je ne vois pas le rapport. Les actions contre les congrégations visaient à inventorier leur patrimoine en vue d’une nationalisation de celui-ci. Je ne vois pas très bien le rapport avec Rerum Novarum, qui portait essentiellement sur les questions sociales…
[J’ai en tête des images de solides “républicains” accrochés bras-a-bras et barrant le chemin d’une procession ; c’est un souvenir d’enfance, donc très ancien ; bien avant Internet et ses facilités (pour nous qui sommes de la civilisation de l’écrit).]
La procession en question était-elle autorisée ? Parce que si ma mémoire ne me trompe pas, ce type d’action dérivait en général du refus de l’église de déclarer ses processions au même titre que n’importe quelle autre manifestation sur la voie publique.
Maintenant, la question de la violence est complexe. La violence physique a un coût, et le progrès de la civilisation humaine a consisté à réduire les niveaux de violence, d’une part en la symbolisant, d’autre part en confiant à un acteur institutionnel le monopole de la violence légitime. Aussi longtemps que cet acteur est légitime et répond à son mandat, toute violence physique doit être considérée comme illégitime. Le combat laïque a été violent, c’est vrai, mais la violence était verbale, et non physique. La Révolution et la Résistance sont des situations où l’Etat a cessé de jouer son rôle de garant.
Personnellement, je suis prêt à admettre que la violence puisse être, dans certaines circonstances, l’accoucheuse de l’histoire. Mais étant donné son coût social, il faut beaucoup réflechir avant de franchir le pas”.]
Pleinement d’accord avec vous, Descartes.
Je ne partage pas toutes vos analyses, mais je vous reconnais bien volonté honnêteté
et rigueur intellectuelles (entre autres)- ce qui ne court pas les rues .
Descartes vous écrivez : « L’individualisme exacerbé rejette de plus en plus l’idée qu’on puisse imposer socialement des comportements qui ne soient pas inscrits dans la loi, au nom du sacro-saint principe de liberté individuelle. Ce qui, par contrecoup, conduit y une société hyper-juridique, ou toute règle doit être écrite et sanctionnée par le législateur ».
Alexandre Soljénitsyne : ” Le Déclin du courage” – édition Les Belles Lettres
Extraits du discours prononcé à Harvard le 8 juin 1978.
« La société occidentale s’est choisie l’organisation la plus appropriée à ses fins, une organisation que j’appellerais légaliste. Les limites des droits de l’homme et de ce qui est bon sont fixées par un système de lois ; ces limites sont très lâches. Les hommes à l’Ouest ont acquis une habileté considérable pour utiliser, interpréter et manipuler la loi, bien que paradoxalement les lois tendent à devenir bien trop compliquées à comprendre pour une personne moyenne sans l’aide d’un expert. Tout conflit est résolu par le recours à la lettre de la loi, qui est considérée comme le fin mot de tout. Si quelqu’un se place du point de vue légal, plus rien ne peut lui être opposé ; nul ne lui rappellera que cela pourrait n’en être pas moins illégitime. Impensable de parler de contrainte ou de renonciation à ces droits, ni de demander de sacrifice ou de geste désintéressé : cela paraîtrait absurde. On n’entend pour ainsi dire jamais parler de retenue volontaire : chacun lutte pour étendre ses droits jusqu’aux extrêmes limites des cadres légaux.
J’ai vécu toute ma vie sous un régime communiste, et je peux vous dire qu’une société sans référent légal objectif est particulièrement terrible. Mais une société basée sur la lettre de la loi, et n’allant pas plus loin, échoue à déployer à son avantage le large champ des possibilités humaines. La lettre de la loi est trop froide et formelle pour avoir une influence bénéfique sur la société. Quand la vie est tout entière tissée de relations légalistes, il s’en dégage une atmosphère de médiocrité spirituelle qui paralyse les élans les plus nobles de l’homme ».
@ PenArBed
[Alexandre Soljénitsyne : ” Le Déclin du courage” – édition Les Belles Lettres (…)]
Intéressante citation… mais contrairement à Soljénitsyne, ce n’est pas la médiocrité spirituelle qui m’inquiète…
Les libéraux vous diraient qu’en Angleterre, les agents publics portent des voiles et des turbans et que ça ne dérange personne. Et qu’en conséquence le combat des Français contre le voile est au mieux rétrograde.
@ Koko
[Les libéraux vous diraient qu’en Angleterre, les agents publics portent des voiles et des turbans et que ça ne dérange personne. Et qu’en conséquence le combat des Français contre le voile est au mieux rétrograde.]
Bien entendu. Si voiles et turbans nous gênent chez nous, c’est parce que nous avons une ambition pour notre société qui implique les mêmes droits et les mêmes possibilités pour tous. Mais si on est prêt à renoncer à cette ambition, si on accepte que chacun soit lié à sa communauté et contraint de rester à sa place, alors le système britannique ou américain sont parfaits. De là à dire que cela « ne dérange personne »… il faudrait savoir ce qu’en pensent les noirs des ghettos…
Bonsoir Descartes,
Quand je repense à cette affaire, que j’ai très vaguement suivi, je suis partagé entre deux postulats.
Soit les gens ont atteint le niveau de réflexion d’un poulet sans tête et se contentent donc de faire n’importe quoi en tournant en rond, soit, au contraire, il y a une forme de machiavélisme au détriment de tous les acteurs de cette histoire dans le seul but de préparer le round de 2022.
L’humain étant… humain, si on surexpose une minorité pour “sa défense” on obtient toujours une forme d’agacement d’une fraction de la majorité qui estime qu’on l’oublie un peu trop au détriment de la minorité.
Du coup, j’ai le sentiment que l’intervention de cet élu RN a été utilisée pour remettre de l’huile sur le feu autour des tensions générée par les amalgames entre islam, islamisme et islamophobie et qu’au final cette femme voilée devient le chiffon rouge qui permettra de garder l’extrême droite mobilisée pour les prochaines élections.
Ceci dit, j’énonce peut être une énormité. Je ne suis pas assez fin connaisseur de la politique et ses rouages pour être sur de mon coup…
@ B225
[Du coup, j’ai le sentiment que l’intervention de cet élu RN a été utilisée pour remettre de l’huile sur le feu autour des tensions générée par les amalgames entre islam, islamisme et islamophobie et qu’au final cette femme voilée devient le chiffon rouge qui permettra de garder l’extrême droite mobilisée pour les prochaines élections.]
Vous voulez dire que Julien Odoul serait un partisan résolu de la diversité et du droit à porter le voile, mais qu’il aurait dit le contraire par opportunisme, sans autre objectif que de récupérer et d’exploiter les préoccupations de l’électorat sur ces questions ? Franchement, je ne le pense pas. Ou alors il fait un calcul de très, très long terme. Parce que dans le court terme, il est bien plus rentable pour un homme politique de porter les idéologies « diversitaires » que l’inverse.
Cela étant dit, les raisons de Julien Odoul m’importent peu. Ce qui m’intéresse plus c’est le discours de ses adversaires. Pourquoi ont-ils un tel besoin de déformer son discours ? Après une tribune qui parlait à son propos d’expression « de haine et de violence inouïe », ce matin, l’éditorial du Monde parle de ses « invectives » à l’encontre de la femme voilée. Relisez son discours : où sont les « invectives » ? Où est la « haine » ? Où est la « violence » ? Nulle part.
Ceux qui publient dans « Le Monde » savent lire aussi bien que moi. Ils peuvent eux aussi écouter l’intervention de Julien Odoul comme je l’ai fait avant de prendre la plume. Alors, pourquoi cette falsification ? On est obligé de constater que si Odoul est jugé dangereux, c’est précisément à cause de sa modération. C’est parce qu’il n’offre plus le visage grimaçant du racisme de l’extrême droite – celui que la bienpensance adore détester tout en lui faisant la courte-échelle lorsqu’il s’agit de se donner un diable de confort – mais qu’il exprime avec modération un point de vue rationnel qu’il est beaucoup plus difficile de démonter. Attaquer la forme – en la falsifiant – dispense de parler du fond.
[Ceci dit, j’énonce peut être une énormité. Je ne suis pas assez fin connaisseur de la politique et ses rouages pour être sur de mon coup…]
Ne vous en faites pas. Quand on voit les énormités que les doctes docteurs profèrent tous les jours dans les médias, on se dit qu’on aurait tort de se gêner.
[ Parce que dans le court terme, il est bien plus rentable pour un homme politique de porter les idéologies « diversitaires » que l’inverse]
Voyez vous je ne suis pas certain. Comme vous le dite, la majorité des Français n’adhère point a ces questions de voiles. Quant au RN il a totalement abandonné sa ligne “social” pour se concentrer sur sa ligne identitaire, à l’image du reste de l’extrême droite européen (sans doute sa plus grande erreur).
@ Yoann Kerbrat
[Voyez vous je ne suis pas certain. Comme vous le dite, la majorité des Français n’adhère point a ces questions de voiles.]
Peut-être. Mais ce ne sont pas ceux qui tiennent un discours carré sur cette question qui occupent les ministères, les sièges de député, les mairies… on peut adhérer à une organisation d’extrême droite pour beaucoup de raisons, mais ceux qui le font avec l’espoir de décrocher un poste de pouvoir sont des rêveurs. Au moins sur le moyen terme, on ne voit pas un militant RN accéder à un ministère…
[Au moins sur le moyen terme, on ne voit pas un militant RN accéder à un ministère…]
Moi je pensais 2017 ou 2022…
Vu la politique de Macron, la gueule de la gauche (toujours quelque part entre 6 et 10%), vu la gueule de la social-démocratie-libéral-écolo (malheureusement appelé “gauche”, qui fait 15% des voies), vu la gueule de LR (qui n’a que peu d’espace entre LaREM libéral, le RN avec sa ligne identitaire et sa fibre “gaulliste’), j’ai peu de mal a imaginer le second tour des élections présidentielles : Macron en face de Le Pen.
En 2022 à la différence de 2017 une parti des électeurs du vote “contre” ne veulent plus de ce chantage infâme (voter contre étant pour un certain Macron un vote d’adhésion… ). Et la peur de MLP disparaît…
Le seul cas de figure ou je n’imagine pas le RN au second tour c’est si Marion-Maréchal (isolée malgré tout) et son petit Zemour se lance à l’aventure, se qui irait prendre des voies au RN. Nul doute que Marine Le Pen empêchera cela le plus possible…
Dite moi si je me trompe. Ou si vous pensez que Macron peut être réélu… Après une surprise est toujours possible.
@ Yoann Kerbrat
[[Vu la politique de Macron, la gueule de la gauche (toujours quelque part entre 6 et 10%), vu la gueule de la social-démocratie-libéral-écolo (malheureusement appelé “gauche”, qui fait 15% des voies), vu la gueule de LR (qui n’a que peu d’espace entre LaREM libéral, le RN avec sa ligne identitaire et sa fibre “gaulliste’), j’ai peu de mal a imaginer le second tour des élections présidentielles : Macron en face de Le Pen.]
Oui, mais dans cette optique, c’est Macron qui gagne. Le RN aujourd’hui est moins bien placé que le FN de 2017 pour persuader les Français qu’il est capable de gouverner mieux que les autres. L’ouverture que représentait un Philippot ou un Messiha pouvait faire penser que le FN était prêt à construire une expertise de bon niveau indispensable pour gouverner un Etat moderne. Le retour aux « fondamentaux » frontistes fait penser le contraire.
Je pensais plus à ceux qui essaient de dénoncer la violence supposée de Julien Odoul, en ayant lancé cette tribune et trouvé des bonnes âmes pour la signer, qu’à lui-même.
Mais pour le coup, ça fait quand même un brin complotiste, d’où l’impression de dire une énormité.
@ B225
[Mais pour le coup, ça fait quand même un brin complotiste, d’où l’impression de dire une énormité.]
Vos scrupules vous honorent… mais dans le cas présent, il y a bien évidence d’une forme de “complot”. Une tribune de ce type ne s’écrit pas toute seule. Quelqu’un a bien rédigé le texte de la tribune, puis est allé à la chasse aux signatures. Il y a donc bien une action concertée.
Bonjour Descartes,
Il y a selon moi une différence fondamentale entre les différentes impolitesses que vous évoquez (dire bonjour, céder sa place, tenir la porte, retirer sa casquette…) et le port du voile.
Dans le premier cas, une remarque extérieure permet de rappeler des règles de politesse établies. Elle possède quelques chances d’être efficace parce qu’elle s’attaque directement à la CAUSE : l’absence de savoir-vivre.
Dans le second cas, la remarque extérieure (celle de Julien Odoul ou d’un autre) NE PEUT PAS être efficace parce qu’elle ne s’attaque qu’ au SYMPTOME d’un problème beaucoup plus complexe qui peut être différents selon les femmes (interprétation religieuse particulière, trouble identitaire, médiocrité spirituelle, effacement des repères : les mécanismes identitaires, religieux ou psychologiques qui poussent une femme sont complexes et j’en connais dans mon entourage des exemples extrêmement variés). Et ce sont ces problèmes que notre société doit résoudre.
Aussi même si je suis plutôt opposé pour les mêmes raisons que vous au port du voile, je crois qu’Odoul aurait dû s’abstenir. Cela n’aurait été ni une lâcheté, ni une capitulation. Sa remarque n’avait aucune chance d’être prise au sérieux et au contraire toutes celles de créer une énorme polémique. On ne doit la vérité ( ou ce qu’on prend pour la vérité, ou son opinion) qu’à ceux qui sont capables de la comprendre. Les politiques sont supposés l’être, la femme voilée du public du conseil régional non. La première bataille pour les adversaires du voile ( dont vous semblez être) est donc un combat sur le terrain des idées en matière d’intégration et d’identité.
@ Antoine
[Il y a selon moi une différence fondamentale entre les différentes impolitesses que vous évoquez (dire bonjour, céder sa place, tenir la porte, retirer sa casquette…) et le port du voile.]
Je ne partage pas votre point de vue. Je crains que, malheureusement, une remarque extérieure ne suffit pas aujourd’hui pour rappeler le délinquant à des meilleurs sentiments. C’était vrai naguère, ce n’est plus vrai aujourd’hui. Et pourquoi c’était vrai autrefois ? Parce que celui qui reprenant le jeune qui ne cédait pas son siège dans le bus avait derrière lui l’opinion publique unanime, y compris les parents du délinquant. Ne pas céder son siège à une personne âgée, c’était faire honte à ses propres parents, à sa famille.
Si la remarque n’est guère efficace aujourd’hui, c’est parce que la société ne peut plus se prévaloir d’une telle unité, d’un tel consensus. Vous trouverez toujours des gens pour excuser le délinquant, ou pour considérer que l’affaire ne le concerne pas. Aujourd’hui, quand un contrôleur trouve un jeune voyageant sans billet, de qui les autres passagers prennent le parti ? Exactement…
Et avec le voile, c’est pareil. Lorsque la société était unanime à faire connaître sa réprobation, les femmes se dévoilaient – un commentateur a raconté ici-même comment les jeunes immigrées rentrant en France après des vacances au pays se changeaient dans l’avion – et les jeunes enlevaient leur casquette. Quand la société excuse le port du voile ou le considère avec indifférence, les femmes restent voilées et les jeunes casquettés.
[Dans le premier cas, une remarque extérieure permet de rappeler des règles de politesse établies. Elle possède quelques chances d’être efficace parce qu’elle s’attaque directement à la CAUSE : l’absence de savoir-vivre.]
Vous parlez comme si le « savoir-vivre » était une essence immuable. Mais non, le savoir-vivre, c’est une règle établie par la société. Avoir du savoir-vivre, c’est respecter cette règle. Et c’est exactement pareil pour le voile.
[Dans le second cas, la remarque extérieure (celle de Julien Odoul ou d’un autre) NE PEUT PAS être efficace parce qu’elle ne s’attaque qu’ au SYMPTOME d’un problème beaucoup plus complexe qui peut être différents selon les femmes (interprétation religieuse particulière, trouble identitaire, médiocrité spirituelle, effacement des repères : les mécanismes identitaires, religieux ou psychologiques qui poussent une femme sont complexes et j’en connais dans mon entourage des exemples extrêmement variés).]
Mais en quoi seraient-ils plus complexes que ceux qui poussent un jeune à ne pas dire « bonjour », par exemple ? Il peut ne pas dire « bonjour » parce qu’on a oublié, parce qu’il considère que c’est une règle hypocrite de la société bourgeoise, parce qu’il est en rébellion contre ses parents, parce qu’il trouve que c’est moins cool que « Ta’ man »… La question n’est pas de savoir pourquoi vous ne respectez pas les règles. La question est qu’une société organisée a besoin de règles, et d’en exiger qu’elles soient obéies.
[Aussi même si je suis plutôt opposé pour les mêmes raisons que vous au port du voile, je crois qu’Odoul aurait dû s’abstenir. Cela n’aurait été ni une lâcheté, ni une capitulation.]
Admettons. Mais dans ce cas, qui dira à cette femme que le port du voile lors d’une sortie scolaire est une mauvaise idée ? Si personne ne lui dit, comment saura-t-elle que son comportement nous heurte ? Si je comprends votre position, nous devons ménager des gens qui ne font aucun effort pour nous ménager, eux. Une femme a le droit de me dire « je ne veux pas être comme vous », mais je n’ai pas le droit de lui dire que cela me déplait.
[Sa remarque n’avait aucune chance d’être prise au sérieux et au contraire toutes celles de créer une énorme polémique.]
Je ne suis pas d’accord. Je pense que sa remarque aura poussé cette femme à réfléchir, et lui aura fait comprendre que son voile heurte des gens. Après, elle en fera ce qu’elle voudra de cette connaissance, mais au moins elle saura.
[On ne doit la vérité (ou ce qu’on prend pour la vérité, ou son opinion) qu’à ceux qui sont capables de la comprendre.]
Vous pensez que le jeune qui met les pieds sur la banquette du bus est capable de « comprendre » votre opinion sur son geste ? Croyez-moi, s’il en était capable, il ne mettrait pas ses pieds là ou d’autres vont s’asseoir plus tard.
[Les politiques sont supposés l’être, la femme voilée du public du conseil régional non.]
Donc, si je comprends bien, le fait de ne pas les comprendre vous dispense d’obéir aux règles ? Comme c’est commode…
[La première bataille pour les adversaires du voile (dont vous semblez être) est donc un combat sur le terrain des idées en matière d’intégration et d’identité.]
Je ne comprends pas très bien cette dernière remarque. Pourriez-vous être plus explicite ?
“Mais en quoi seraient-ils plus complexes que ceux qui poussent un jeune à ne pas dire « bonjour », par exemple ?”
=> Elles ne sont pas toujours plus complexes mais contrairement au jeune homme qui n’enlève pas sa casquette, elle ne sont jamais simples. Contrairement au jeune homme à la casquette, la femme voilée ne le fait jamais par paresse ou par distraction. Un jeune homme qui ne dit pas bonjour reconnaîtra le plus souvent qu’il aurait dû le faire alors que la femme voilée n’acceptera jamais ou rarement d’enlever son voile.
“Vous parlez comme si le « savoir-vivre » était une essence immuable. Mais non, le savoir-vivre, c’est une règle établie par la société. Avoir du savoir-vivre, c’est respecter cette règle. Et c’est exactement pareil pour le voile.”
=> Vous avez raison, le savoir-vivre n’est pas une essence immuable. Cependant, il existe un consensus politique sur la nécessité de saluer son interlocuteur, il n’en existe pas sur la question du voile.
“Je pense que sa remarque aura poussé cette femme à réfléchir, et lui aura fait comprendre que son voile heurte des gens. Après, elle en fera ce qu’elle voudra de cette connaissance, mais au moins elle saura.”
=> Pour la jeune femme, je n’en sais rien. Pour ce qui est de l’opinion publique, c’est dévastateur. L’éventualité d’avoir humilié une jeune accompagnatrice scolaire empêche toute réflexion. La compassion pour sa souffrance supposée se substitue à tout argument rationnel. Notre société idéalise les victimes et c’est ainsi.
“Vous pensez que le jeune qui met les pieds sur la banquette du bus est capable de « comprendre » votre opinion sur son geste ?”
=> Bien sûr que oui, j’ai moi-même été la cible d’une remarque de ce genre. Et j’en ai adressé plusieurs. Ce n’est pas toujours compris certes, et peut-être en effet de moins en moins, mais assez souvent quand même. Croyez-vous qu’un adolescent humilié par une remarque alors qu’il avait ses pieds sur un siège pourrait bénéficier d’une tribune de soutien dans le Monde ? Ce jour-là, j’admettrai vos comparaisons entre incivilités et port du voile.
“Donc, si je comprends bien, le fait de ne pas les comprendre vous dispense d’obéir aux règles ?”
=> Non, bien sûr que non. Si des sanctions sont prévues, il importe peu que vous ayez compris ou non la règle et vous les méritez. Cependant si ce n’est qu’une règle, disons tacite, il importe à mon sens à celui qui souhaite faire une remarque de mesurer les conséquence de celle-ci. Comment sera-t-elle comprise ? Repose-t-elle sur une règle universelle ?
“Pourriez-vous être plus explicite ?”
=> Bien sûr, c’était peu clair en effet. Comme j’ai commencé à le développer plus haut, il existe un consensus social et politique sur la nécessité de saluer son interlocuteur ou de ne pas s’essuyer les pieds sur la banquette d’un bus. Il n’en existe pas concernant le voile. Ce qui est gênant avec la déclaration d’Odoul, tout comme dans le sens inverse, avec l’affiche de la FCPE, c’est que les deux considèrent que le consensus social existe. D’un côté, c’est “oui, je porte mon voile et alors ?” de l’autre c’est “le voile est une atteinte à la bienséance, il faut le chasser autant que possible de la sphère publique”.
Il faut travailler à un consensus ( je n’ai pas de solution miracle), avant de faire croire qu’il en existe un. A ce stade-là, dans un monde idéal, chacun peut exprimer ses opinions (le voile est souhaitable ou il ne l’est pas), mais personne ne devrait les utiliser pour légitimer une injonction. Les questions du voile sont des symptômes de la difficulté de notre pays à intégrer ses immigrés. Non seulement être intransigeant à ce sujet, ne résoudra pas les problèmes de fond, mais en plus cela envenimera le débat.
En pratique, je trouve assez saine la position de Blanquer qui tout en condamnant Odoul, affirme que le voile n’est pas souhaitable, demande à la FCPE de changer ses affiches et demande un travail d’explication/réflexion localement.
@ Antoine
[Contrairement au jeune homme à la casquette, la femme voilée ne le fait jamais par paresse ou par distraction. Un jeune homme qui ne dit pas bonjour reconnaîtra le plus souvent qu’il aurait dû le faire alors que la femme voilée n’acceptera jamais ou rarement d’enlever son voile.]
Je pense que vous pêchez par un grand optimisme. Oui, il fut un temps où le jeune aurait enlevé sa casquette parce que votre commentaire lui aurait fait honte. Et il lui aurait fait honte parce qu’en ce temps-là on était soucieux du regard de l’autre. Et si on était soucieux du regard de l’autre, c’est parce qu’en ce temps-là la société pouvait sanctionner lourdement celui qui se faisait mal voir. Non pas en le mettant en prison, mais en le mettant en marge des réseaux de confiance et d’entraide sur lesquels la qualité de la vie repose. Aujourd’hui, le plus probable est que vous obteniez une réponse du genre « casse-toi, vieux con », et la casquette restera visée sur la tête. Parce qu’au fond, le regard des autres dans une société individualiste, on s’en fout.
Il reste un endroit où le regard de l’autre compte : c’est le monde du travail. Et c’est à mon sens là que se trouve l’origine d’une forme nouvelle d’inadaptation des jeunes au monde du travail. Il suffit de lire des lettres de motivation ou de faire passer des entretiens d’embauche pour constater combien de jeunes candidats se présentent comme ayant un « droit » à être embauchés, sans faire aucun effort pour donner une bonne image d’eux-mêmes. Et si vous leur faites remarquer qu’une lettre de motivation remplie de fautes d’orthographe ou le fait de garder la casquette sur la tête n’est pas forcément le moyen de séduire un éventuel employeur, ils se fâchent…
La femme voilée refusera d’enlever son voile pour la même raison que le jeune de banlieue refusera d’enlever la casquette : parce que dans une société fractionnée et qui ne propose plus une forme d’identité nationale, ce sont des signes qui permettent de s’inclure dans un groupe, dans une communauté. C’est pour cela que je pense que la question du voile n’a rien de « religieux » et tout de « l’identitaire ». Et qu’à mon sens il n’y a qu’une solution au problème, c’est de proposer une véritable identité nationale.
[Cependant, il existe un consensus politique sur la nécessité de saluer son interlocuteur, il n’en existe pas sur la question du voile.]
Vos deux affirmations sont discutables. On croise de plus en plus des gens qui ne saluent pas. Comment expliquer que personne ne leur en fasse la remarque, si selon vous il existe un consensus général sur la question ? Oui, l’immense majorité des gens pense que saluer les gens est une bonne chose, mais je suis sûr que vous trouverez aussi une majorité pour penser qu’avoir des femmes dévoilées est une bonne chose. Mais sommes-nous prêts à exercer une surveillance sociale pour pousser les gens à se saluer et les femmes à se dévoiler ? C’est là toute la question. Et sur ce point, il n’y a pas consensus ni pour le salut, ni pour le voile…
[« Je pense que sa remarque aura poussé cette femme à réfléchir, et lui aura fait comprendre que son voile heurte des gens. Après, elle en fera ce qu’elle voudra de cette connaissance, mais au moins elle saura. » Pour la jeune femme, je n’en sais rien. Pour ce qui est de l’opinion publique, c’est dévastateur.]
Je ne vois pas en quoi ce serait « dévastateur ». Il ne faut pas confondre « l’opinion publique » et « l’opinion de Le Monde ».
[L’éventualité d’avoir humilié une jeune accompagnatrice scolaire empêche toute réflexion. La compassion pour sa souffrance supposée se substitue à tout argument rationnel. Notre société idéalise les victimes et c’est ainsi.]
Quand je dis à un jeune – ou un moins jeune, parce que cela arrive aussi – d’enlever ses pieds de la banquette du métro, et cela devant tout le monde, c’est une « humiliation » du même ordre. Dois-je m’en abstenir donc ? Là encore, j’insiste, il ne faut pas confondre l’opinion publique et l’opinion du « Monde ». Je ne suis pas persuadé que la masse de nos concitoyens soit si sensible à la souffrance de l’accompagnatrice en question. Les habitants du VII arrondissement ont la larme facile pour la veuve et l’orphelin, mais les gens qui se coltinent le problème au quotidien dans les quartiers n’auront pas forcément le même point de vue.
[« Vous pensez que le jeune qui met les pieds sur la banquette du bus est capable de « comprendre » votre opinion sur son geste ? » Bien sûr que oui, j’ai moi-même été la cible d’une remarque de ce genre. Et j’en ai adressé plusieurs. Ce n’est pas toujours compris certes, et peut-être en effet de moins en moins, mais assez souvent quand même.]
Chez certains jeunes, qui s’inscrivent encore de par leur héritage familial dans une tradition de courtoisie française, peut-être. Mais essayez de faire la remarque dans un bus à Grigny ou à Aulnay, et vous verrez le résultat.
[Croyez-vous qu’un adolescent humilié par une remarque alors qu’il avait ses pieds sur un siège pourrait bénéficier d’une tribune de soutien dans le Monde ? Ce jour-là, j’admettrai vos comparaisons entre incivilités et port du voile.]
Je crains qu’on n’en soit pas très loin. Lorsque vous lisez certains papiers de Luc Bronner, par exemple, qui vous présente les petits délinquants de banlieue comme « persécutés » par des forces de l’ordre, vous vous dites que le droit sacré à mettre les pieds sur la banquette n’est pas très loin.
[« Pourriez-vous être plus explicite ? » Bien sûr, c’était peu clair en effet. Comme j’ai commencé à le développer plus haut, il existe un consensus social et politique sur la nécessité de saluer son interlocuteur ou de ne pas s’essuyer les pieds sur la banquette d’un bus. Il n’en existe pas concernant le voile.]
Je vous repose la question : qu’est-ce qui vous fait penser qu’il existe un « consensus » sur le fait de saluer ou de ne pas mettre les pieds sur la banquette ? Comment expliquez-vous, si un tel consensus existe, qu’il y ait autant de gens pour ne pas saluer et pour mettre les pieds, et si peu de gens pour leur faire la remarque ? Au risque de me répéter : vous trouverez une majorité de gens pour dire qu’il est bon de saluer et de ne pas salir les banquettes, mais vous trouverez aussi une majorité pour penser qu’il est bon qu’une femme ne se voile pas. Mais une majorité, ce n’est pas la même chose qu’un « consensus ».
[Ce qui est gênant avec la déclaration d’Odoul, tout comme dans le sens inverse, avec l’affiche de la FCPE, c’est que les deux considèrent que le consensus social existe. D’un côté, c’est “oui, je porte mon voile et alors ?” de l’autre c’est “le voile est une atteinte à la bienséance, il faut le chasser autant que possible de la sphère publique”.]
Je ne crois pas que la FCPE s’imagine que son affiche sera bien accueillie par l’ensemble des Français, pas plus que Julien Odoul n’imagine que son intervention rencontrera un accueil consensuel. Chacun parle à son public : la FCPE cherche à gagner le vote « ethnique » en caressant dans le sens du poil les « minorités », et le vote des bienpensants en montrant son engagement dans la cause multiculturaliste. Julien Odoul s’adresse à un électorat populaire excédé par le séparatisme musulman. Et chacun sait que son geste fera le buzz.
[Il faut travailler à un consensus (je n’ai pas de solution miracle), avant de faire croire qu’il en existe un.]
Un « consensus » entre qui et qui, et sur quoi ? Nous sommes un vieux pays, qui a une histoire, qui a fondé une sociabilité, qui a ses règles. Au nom de quoi faudrait-il demander aux français d’accepter de voir cette sociabilité rejetée, ces règles violées par des gens venus de l’extérieur ? Pourquoi les gens se sentiraient-ils solidaires de gens qui refusent catégoriquement de leur ressembler ?
[A ce stade-là, dans un monde idéal, chacun peut exprimer ses opinions (le voile est souhaitable ou il ne l’est pas), mais personne ne devrait les utiliser pour légitimer une injonction.]
Pourquoi ? Si les végans peuvent m’expliquer que manger de la viande c’est mauvais pour la planète, pourquoi je ne puis pas expliquer que porter le voile dans une enceinte démocratique est mauvais pour la société ? Au nom de quoi les habitudes vestimentaires seraient-elles plus respectables que les habitudes alimentaires ?
[Les questions du voile sont des symptômes de la difficulté de notre pays à intégrer ses immigrés.]
Au contraire. Les questions du voile sont le symptôme d’une société qui ne se résigne pas à ne pas les intégrer. Si nous étions capables de nous résigner à ce que notre société devienne une mosaïque de communautés étanches, chacune imposant sa loi à ses membres, la question du voile disparaîtrait. Parce que si on se place dans une optique égoïste, le fait que dans leur communauté les femmes musulmanes soient enfermées dans une prison de toile est leur problème, pas le mien.
C’est d’ailleurs comme cela que ça va se terminer: chacun dans son ghetto. Et puis les gens se diront: “je n’ai pas envie de payer pour les gens du ghetto d’à côté, je ne paye que pour ceux du mien”, et ce sera la fin services publics universels, avec une communautarisation de plus en plus grande des mécanismes de solidarité. Cela a déjà commencé, d’ailleurs. Et vous verrez, le jour ou les riches payeront pour les soins des riches et les pauvres pour les soins des pauvres…
[Non seulement être intransigeant à ce sujet, ne résoudra pas les problèmes de fond, mais en plus cela envenimera le débat.]
J’aimerais bien voir une argumentation démontrant que « le fait d’être intransigeant à ce sujet ne résoudra pas les problèmes de fond ». Pourriez-vous développer ?
[En pratique, je trouve assez saine la position de Blanquer qui tout en condamnant Odoul, affirme que le voile n’est pas souhaitable, demande à la FCPE de changer ses affiches et demande un travail d’explication/réflexion localement.]
Comme exercice de ménagement de la chèvre et du chou, c’est parfait. De Retz avait raison : « on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment ».
“Je vous repose la question : qu’est-ce qui vous fait penser qu’il existe un « consensus » sur le fait de saluer ou de ne pas mettre les pieds sur la banquette ? Comment expliquez-vous, si un tel consensus existe, qu’il y ait autant de gens pour ne pas saluer et pour mettre les pieds, et si peu de gens pour leur faire la remarque ? ”
=> J’enseigne dans un collège REP+ de SSD. Dans la salle des profs, les règles en la matière sont claires et partagées par tous. Il est indispensable de demander aux élèves de saluer et d’enlever leur casquette à l’entrée au collège. Le discours de tous mes collègues est unanime. Ce sont des règles de base qui permettent de construire un corps social vivant et apaisé. Je l’entends face aux parents, face aux élèves, à l’intérieur des murs du collège aussi bien qu’à l’extérieur.
J’ai habité en cité et je ne crois pas être naïf en pensant que cet exemple est applicable partout. Mon voisin délinquant, le dealeur an bas de ma tour, ma voisine voilée partageait tous cette idée-là. La quasi-totalité des citoyens français estiment que dire bonjour est une règle juste. Même Luc Bronner ou ses semblables ne diraient pas le contraire. Lorsqu’ils défendent A. qui ne dit pas bonjour, ils le font parce que A. est une victime qui aurait des raisons valables de ne pas respecter les règles et non parce qu’ils contestent l’existence de la règle qui imposerait à A. de dire bonjour. Puisque la règle n’est pas contestée, c’est bien qu’elle fait consensus.
Pour un certain nombre de raison, la règle n’est pas toujours appliquée, et de moins en moins de gens se battent pour qu’elle le soit, mais cela ne veut pas dire qu’elle n’est pas reconnue.
Pour le voile, c’est une toute autre histoire. Quand bien même vous auriez sous la main un sondage IFOP concluant qu’une majorité de Français jugerait qu’il n’est pas souhaitable qu’une femme se voile, je doute fort que cette majorité regroupe des personnes d’une très grande diversité sociale.
“Un « consensus » entre qui et qui, et sur quoi ? …Pourquoi les gens se sentiraient-ils solidaires de gens qui refusent catégoriquement de leur ressembler ?”
=> Un consensus entre tous les Français, en utilisant le moins possible la force de la loi sur ce qu’il est juste et bon d’attendre de l’attitude d’un étranger résidant durablement en France. Personne ne doit demander aux Français de rejeter telle ou telle forme de sociabilité, mais ils peuvent ensemble décider d’en modifier les règles suite à une évolution du contexte social, politique, démographique, etc. Et pourquoi les immigrés devraient-ils vouloir ressembler à des gens qui se détestent ? Je crois que nous devons aussi interroger l’image que nous renvoyons de nous-mêmes”
“Si les végans peuvent m’expliquer que manger de la viande c’est mauvais pour la planète, pourquoi je ne puis pas expliquer que porter le voile dans une enceinte démocratique est mauvais pour la société ?”
=> J’essaye d’être cohérent. Les végans peuvent expliquer qu’il n’est pas bon de manger de la viande comme les uns expliquer aux autres que porter le voile n’est pas souhaitable. Seulement, je me répète, ces opinions ou ces échanges ne devraient pas selon moi se faire sur le mode injonctif. Un vegan ne peut pas me demander de m’abstenir de viande comme un anti-voile ne peut pas me demander de retirer mon voile.
“Les questions du voile sont des symptômes de la difficulté de notre pays à intégrer ses immigrés.] Au contraire. Les questions du voile sont le symptôme d’une société qui ne se résigne pas à ne pas les intégrer.”
=> Où est la contradiction ? Vous avez raison, il y a une question du voile parce que la société ne se résigne pas à ne pas intégrer ses immigrés mais si ce n’était que cela, il n’y aurait plus de question du voile du tout puisque toutes les immigrées musulmanes auraient acceptés de retirer le voile. C’est donc aussi le symptôme d’un échec, -partagé certes entre immigrés et pays-hôte- de l’intégration.
“J’aimerais bien voir une argumentation démontrant que « le fait d’être intransigeant à ce sujet ne résoudra pas les problèmes de fond ». Pourriez-vous développer ?”
=> L’objectif d’une démocratie est d’arriver à un consensus. Il faut donc trouver entre opposants et partisans du voile ( je simplifie à dessein les termes du débat) un terrain d’entente. Or les propos comme ceux d’Odoul et éventuellement de ceux qui le défendent, favorisent, je le vois dans mon entourage, des réactions excessives, épidermiques. Soit sur l’air de “ce pays part en cacahuète, on ne peut plus rien dire, la bienpensance nous empoisonne, les élites sont des collabos…” soit sur celui de “le poison de l’extrême droite islamophobe et raciste se répand, toute façon le pouvoir n’aime pas les musulmans, c’est donc qu’il faut les défendre”. Les propos excessifs, en ce qu’ils éloignent la perspective d’un terrain d’entente sont nuisibles. Le fait d’être intransigeant à ce sujet ( exiger le retrait d’un voile sans base consensuelle ou légale) est donc néfaste.
Je précise que chacune de ces positions précédemment mentionnée, pourrait faire l’objet d’un débat argumenté et posé. Mais la réalité m’oblige à dire que de plus en plus rares sont ceux qui acceptent de se poser, de se documenter, de réfléchir puis d’exprimer -comme l’espace de ce blog le permet, je vous en remercie ici- son avis. Et on en reste au stade du cliché ou pire de l’anathème.
@ Antoine
[J’enseigne dans un collège REP+ de SSD. Dans la salle des profs, les règles en la matière sont claires et partagées par tous. Il est indispensable de demander aux élèves de saluer et d’enlever leur casquette à l’entrée au collège. Le discours de tous mes collègues est unanime. Ce sont des règles de base qui permettent de construire un corps social vivant et apaisé. Je l’entends face aux parents, face aux élèves, à l’intérieur des murs du collège aussi bien qu’à l’extérieur.]
Une salle des profs n’est pas un échantillon représentatif de la société, et que ce n’est pas parce que les profs d’un collège sont d’accord sur un point que celui-ci fait « consensus » dans la société ».
[J’ai habité en cité et je ne crois pas être naïf en pensant que cet exemple est applicable partout. Mon voisin délinquant, le dealeur an bas de ma tour, ma voisine voilée partageait tous cette idée-là.]
Vous voulez dire que votre voisin délinquant ou le dealer en bas de votre tour enlèvent leur casquette et saluent les passants ? Et si ce n’est pas le cas, comment expliquez-vous qu’alors qu’ils partagent cette idée-là, ils ne la mettent pas en pratique ? Je pense effectivement que vous êtes très naïf. Si les parents dans votre cité reprennent leurs enfants lorsqu’ils ne saluent pas et leur font enlever leur casquette lorsqu’ils sont à la maison, comment expliquez-vous qu’il soit si difficile de leur imposer cette discipline à l’école ?
[La quasi-totalité des citoyens français estiment que dire bonjour est une règle juste.]
Il y a une grande différence entre le fait d’estimer qu’une règle est « juste », et d’estimer qu’il faut imposer son observance à tous. La quasi-totalité des français estime que le voile est une mauvaise chose, et pourtant vous ne trouverez pas une majorité pour l’interdire dans l’espace public.
[Même Luc Bronner ou ses semblables ne diraient pas le contraire. Lorsqu’ils défendent A. qui ne dit pas bonjour, ils le font parce que A. est une victime qui aurait des raisons valables de ne pas respecter les règles et non parce qu’ils contestent l’existence de la règle qui imposerait à A. de dire bonjour. Puisque la règle n’est pas contestée, c’est bien qu’elle fait consensus.]
Encore une fois, la discussion ici ne portait pas sur le consensus sur la règle, mais sur le consensus pour en imposer l’observance. C’est pour cela que j’ai parlé de « lâcheté et capitulation » : ce n’est pas que les gens aient abandonné la règle, c’est qu’ils n’ont pas la volonté ou le courage pour la faire appliquer.
[Pour un certain nombre de raison, la règle n’est pas toujours appliquée, et de moins en moins de gens se battent pour qu’elle le soit, mais cela ne veut pas dire qu’elle n’est pas reconnue.]
Du point de vue des effets, que la règle ne soit pas reconnue ou qu’elle ne soit pas appliquée ne fait aucune différence.
[Pour le voile, c’est une toute autre histoire. Quand bien même vous auriez sous la main un sondage IFOP concluant qu’une majorité de Français jugerait qu’il n’est pas souhaitable qu’une femme se voile, je doute fort que cette majorité regroupe des personnes d’une très grande diversité sociale.]
Selon un sondage Elabe diffusé le 16 octobre dernier, 71% des français se déclare d’accord avec la formule « le voile en soi n’est pas souhaitable dans notre société ». Difficile de constituer une telle majorité des Français qui soit socialement homogène.
[Et pourquoi les immigrés devraient-ils vouloir ressembler à des gens qui se détestent ? Je crois que nous devons aussi interroger l’image que nous renvoyons de nous-mêmes]
Sur ce point, je ne peux qu’être d’accord avec vous.
[Seulement, je me répète, ces opinions ou ces échanges ne devraient pas selon moi se faire sur le mode injonctif. Un vegan ne peut pas me demander de m’abstenir de viande comme un anti-voile ne peut pas me demander de retirer mon voile.]
Mais pourquoi donc ? Vous énoncez ce « ne peut pas » comme si c’était une évidence. Mais cela n’a rien d’évident. Vous m’expliquiez plus haut que vous et vos collègues enseignants étiez d’accord sur le fait qu’il faut que les élèves enlèvent leur casquette dans l’établissement. Maintenant, mettez vous en œuvre cette conviction sur le mode de l’injonction ? Où vous contentez-vous de leur indiquer qu’il serait bon qu’ils le fassent, mais que c’est leur choix ?
Si vous voulez qu’il y ait des règles de comportement – et sans ces règles, il n’y a pas de sociabilité possible – alors il faut une injonction. La société ou les gens respectent les règles simplement parce qu’on leur explique que c’est mieux n’existe pas.
[« Les questions du voile sont des symptômes de la difficulté de notre pays à intégrer ses immigrés.] Au contraire. Les questions du voile sont le symptôme d’une société qui ne se résigne pas à ne pas les intégrer. » => Où est la contradiction ?]
Dans le fait que si nous nous résignions à ne pas intégrer, alors le voile ne poserait pas de problème quand bien même l’intégration ne marcherait pas. Si le voile est un problème, ce n’est pas parce que nous n’intégrons pas. C’est parce que nous n’arrivons pas à nous résigner à ce fait.
[« J’aimerais bien voir une argumentation démontrant que « le fait d’être intransigeant à ce sujet ne résoudra pas les problèmes de fond ». Pourriez-vous développer ? » => L’objectif d’une démocratie est d’arriver à un consensus.]
Absolument pas. D’où tirez-vous cette idée ? Je vous conseille la lecture du livre de Slama « le siècle de Monsieur Pétain ». Dans ce bouquin, il démontre de manière très convaincante que la démocratie est un moyen d’arbitrer des différences irréductibles, et non de les effacer. Le consensus, l’unanimité est au contraire la caractéristique des régimes totalitaires.
[Il faut donc trouver entre opposants et partisans du voile (je simplifie à dessein les termes du débat) un terrain d’entente.]
Et pourquoi ne pas chercher un terrain d’entente avec les partisans de l’excision, du mariage forcé ou de l’esclavage ? Si la démocratie c’est la recherche du compromis, pourquoi exclure certaines catégories et pas d’autres ?
Non, la démocratie ne consiste pas à chercher des « compromis » entre le renard et la poule. La démocratie se fonde sur une défense de l’intérêt général, qui N’EST PAS un simple « compromis » entre les intérêts particuliers.
“Une salle des profs n’est pas un échantillon représentatif de la société, et que ce n’est pas parce que les profs d’un collège sont d’accord sur un point que celui-ci fait « consensus » dans la société ».”
=> C’est bien pour cela que j’ai élargi mon exemple. Je vous fais remarquer cependant que sur le voile la salle des profs ne serait pas unanime. Et le discours, très clair sur les règles de politesse ( je dis bien sur les règles et pas nécessairement sur les manières de les faire appliquer), ne l’est pas du tout sur les règles du voile. Je veux dire ici que l’école ne sait pas elle-même ce qu’elle doit inculquer/transmettre en la matière. La charte de la laïcité existante est une patate chaude que chacun cuisine à sa sauce.
“Si les parents dans votre cité reprennent leurs enfants lorsqu’ils ne saluent pas et leur font enlever leur casquette lorsqu’ils sont à la maison, comment expliquez-vous qu’il soit si difficile de leur imposer cette discipline à l’école ?”
=> Je maintiens mon exemple, j’ai vu des gros caïds reprendre leurs petits frères pour un bonjour ou une casquette. Je pourrais développer des heures ici mais ce n’est je crois, pas le sujet. Le père de famille qui se lève après ses gosses, qui le retrouve avachi devant la télé à leur retour n’a pas une crédibilité dingue pour les reprendre. Les jeunes en perte de repères défient les cadres traditionnels de la société.
“Encore une fois, la discussion ici ne portait pas sur le consensus sur la règle, mais sur le consensus pour en imposer l’observance.”
=> Mais justement c’est l’objet de mon désaccord. Il n’y a pas de consensus pour imposer l’observance ni des règles de politesse ni du voile. Seulement ce sont deux problématiques différentes que vous ne pouvez pas comparer parce que dans le cas des règles de politesse, il y a un consensus sur l’existence de règles, alors que pour le voile, vous n’avez même pas ce consensus !
“Du point de vue des effets, que la règle ne soit pas reconnue ou qu’elle ne soit pas appliquée ne fait aucune différence.”
=> En effet, mais on ne peut pas réfléchir qu’aux effets pour poser un diagnostic. Le médecin ne vous dira pas du point de vue des effets que vous ayez une gastro ou une appendicite ne fait aucune différence, vous avez mal au ventre.
“Selon un sondage Elabe diffusé le 16 octobre dernier, 71% des français se déclare d’accord avec la formule « le voile en soi n’est pas souhaitable dans notre société ». Difficile de constituer une telle majorité des Français qui soit socialement homogène.”
=> La polémique et les précautions oratoires des politiques montrent pourtant bien qu’il faut ménager la chèvre et le chou. Je me méfie de ces sondages qui en fonction des questions et du contexte peuvent donner des réponses différentes. Il n’ y a plus que 61 % de gens contre l’idée “je n’ai pas de difficulté avec le voile en sortie scolaire”. De plus, il y a un fort clivage générationnel dans la répartition des réponses.
“Vous énoncez ce « ne peut pas » comme si c’était une évidence. Mais cela n’a rien d’évident. (…) Maintenant, mettez vous en œuvre cette conviction sur le mode de l’injonction ? Où vous contentez-vous de leur indiquer qu’il serait bon qu’ils le fassent, mais que c’est leur choix ?”
=> Cela n’a rien d’évident peut-être , mais c’est ce qui est moralement souhaitable pour moi. Avec mes élèves, je peux être injonctif parce qu’il y a des règles qu’ils ont accepté ou que leurs parents ont accepté de respecter en début d’année. Je ne peux légitimement imposer qqch à qqn qu’en vertu de la loi ou d’un accord plus ou moins explicite au préalable sur les règles.
“Si vous voulez qu’il y ait des règles de comportement – et sans ces règles, il n’y a pas de sociabilité possible – alors il faut une injonction. La société ou les gens respectent les règles simplement parce qu’on leur explique que c’est mieux n’existe pas.”
=> C’est selon moi le point le plus intéressant du débat. A mon sens, la société où les gens respectent les règles simplement parce qu’ils reçoivent une injonction n’existe pas non plus ou en tout cas plus.
Je ne dis pas qu’il ne faut pas d’injonction, je dis que nous ne sommes pas arrivés encore au stade où l’injonction était possible/souhaitable/efficace.
” Si le voile est un problème, ce n’est pas parce que nous n’intégrons pas. C’est parce que nous n’arrivons pas à nous résigner à ce fait.”
=> Certes, nous sommes d’accord sur le fond.
“Absolument pas. D’où tirez-vous cette idée ? Je vous conseille la lecture du livre de Slama « le siècle de Monsieur Pétain ».”
=> Je mets ça dans ma liste merci. Je suis en fait assez d’accord avec ce que vous en présentez. Pas question d’effacer les différences irréductibles. Mais comment arbitrer s’il n’y a plus d’arbitre légitime ? Votre arbitre légitime ne peut pas être un sondage ELABE. La société est trop fracturée, ne fait plus confiance à ses représentants. Il y a une potestas sans auctoritas. J’aurais du remplacer ici consensus par confiance.
“Et pourquoi ne pas chercher un terrain d’entente avec les partisans de l’excision, du mariage forcé ou de l’esclavage ? Si la démocratie c’est la recherche du compromis, pourquoi exclure certaines catégories et pas d’autres ?”
Votre question est résolue par la loi qui a tranché. Le mariage doit être librement consenti, l’excision est interdite, l’esclavage aussi. Pour le voile, particulièrement en cas de sortie scolaire, ce n’est pas le cas.
“Non, la démocratie ne consiste pas à chercher des « compromis » entre le renard et la poule. La démocratie se fonde sur une défense de l’intérêt général, qui N’EST PAS un simple « compromis » entre les intérêts particuliers.”
=> Je ne voudrai pas que vous croyiez que je pense cela. Ma formulation hâtive et douteuse a certes pu le laisser comprendre.
@ Antoine
[Je vous fais remarquer cependant que sur le voile la salle des profs ne serait pas unanime. Et le discours, très clair sur les règles de politesse (je dis bien sur les règles et pas nécessairement sur les manières de les faire appliquer), ne l’est pas du tout sur les règles du voile.]
Et à l’inverse, si vous allez chez les jeunes de certaines cités, le discours sera « unanime » concernant le voile et ne le sera pas concernant les règles de politesse. C’était bien là mon point : il n’y a pas consensus sur les règles de politesse A L’ECHELLE DE LA SOCIETE, même s’il y en a dans votre salle des professeurs. Je me permets aussi d’insister sur la différence qu’il y a entre avoir un consensus sur le fait que saluer ou enlever sa casquette soient des choses à faire, et le fait d’avoir un consensus pour imposer cette règle à tous. Combien de vos collègues seraient d’accord pour qu’on prononce une sanction contre l’élève qui refuse de saluer ou d’enlever sa casquette ?
[La charte de la laïcité existante est une patate chaude que chacun cuisine à sa sauce.]
Bien entendu, parce que les enseignants ne comprennent pas toujours ce qu’est la laïcité – qu’ils confondent souvent avec la tolérance, l’empathie, et autres concepts bisounoursiens. D’autant plus que beaucoup d’enseignants se permettent des prises de position dogmatiques sur beaucoup de sujets (le multiculturalisme, le féminisme) sans tenir forcément compte du principe de neutralité inséparable de celui de laïcité.
[“Si les parents dans votre cité reprennent leurs enfants lorsqu’ils ne saluent pas et leur font enlever leur casquette lorsqu’ils sont à la maison, comment expliquez-vous qu’il soit si difficile de leur imposer cette discipline à l’école ?” => Je maintiens mon exemple, j’ai vu des gros caïds reprendre leurs petits frères pour un bonjour ou une casquette.]
Si vous vivez dans un quartier ou les « gros caïds » s’assurent que les petits frères enlèvent leurs casquettes, disent bonjour et cèdent le siège aux vieilles dames, vous avez de la chance. Mais mon expérience et celle d’autres commentateurs sur ce blog n’est pas tout à fait celle-là. Sans aller jusqu’aux exemples d’enseignants agressés par les parents pour avoir fait une remarque sur la coiffure de leurs rejetons…
[Je pourrais développer des heures ici mais ce n’est je crois, pas le sujet.]
Au contraire : j’aimerais bien que vous développiez, parce que c’est précisément le sujet.
[Le père de famille qui se lève après ses gosses, qui le retrouve avachi devant la télé à leur retour n’a pas une crédibilité dingue pour les reprendre. Les jeunes en perte de repères défient les cadres traditionnels de la société.]
Il ne faudrait pas exagérer. Si le chômage frappe durement dans les quartiers, surtout les jeunes, il y a quand même une majorité de parents qui travaillent. Le problème serait plutôt qu’ils travaillent trop, qu’ils rentrent à la maison trop fatigués pour s’occuper de leurs gosses.
[“Encore une fois, la discussion ici ne portait pas sur le consensus sur la règle, mais sur le consensus pour en imposer l’observance.” => Mais justement c’est l’objet de mon désaccord. Il n’y a pas de consensus pour imposer l’observance ni des règles de politesse ni du voile. Seulement ce sont deux problématiques différentes que vous ne pouvez pas comparer parce que dans le cas des règles de politesse, il y a un consensus sur l’existence de règles, alors que pour le voile, vous n’avez même pas ce consensus !]
C’est ce que vous dites, mais vous ne me citez aucun fait à l’appui, en dehors du consensus que vous constatez en salle des profs.
[« Vous énoncez ce « ne peut pas » comme si c’était une évidence. Mais cela n’a rien d’évident. (…) Maintenant, mettez-vous en œuvre cette conviction sur le mode de l’injonction ? Où vous contentez-vous de leur indiquer qu’il serait bon qu’ils le fassent, mais que c’est leur choix ? » => Cela n’a rien d’évident peut-être , mais c’est ce qui est moralement souhaitable pour moi. Avec mes élèves, je peux être injonctif parce qu’il y a des règles qu’ils ont acceptées ou que leurs parents ont accepté de respecter en début d’année. Je ne peux légitimement imposer qqch à qqn qu’en vertu de la loi ou d’un accord plus ou moins explicite au préalable sur les règles.]
Ce n’est pas tout à fait vrai. Je peux imposer à quelqu’un quelque chose comme contrepartie de ma bienveillance. C’est d’ailleurs de cette manière que les règles de sociabilité ont toujours été imposées. Aucune loi, aucun texte réglementaire n’oblige une personne à saluer lorsqu’elle rentre dans un commerce, à tenir la porte, à céder son siège à une personne âgée. Ces règles étaient imposées parce que le reste du corps social en faisait une condition de sa bienveillance. Vous étiez libre de violer ces règles, mais en retour vos interlocuteurs étaient libres de ne pas vous faire confiance, de ne pas vous inviter chez eux, de ne pas vous proposer pour des postes ou des distinctions, en un mot, de vous battre froid. Même si l’injonction n’est pas clairement exprimée, elle existe et est perçue comme telle.
Dire aux gens qu’ils ont le libre choix – en d’autres termes, qu’ils auront le même traitement quel que soit le choix qu’ils feront, c’est la fin de toute sociabilité. Pourquoi céder le siège aux anciens si vous n’obtenez rien en échange ?
[C’est selon moi le point le plus intéressant du débat. A mon sens, la société où les gens respectent les règles simplement parce qu’ils reçoivent une injonction n’existe pas non plus ou en tout cas plus.]
Je n’ai pas été clair. Pour moi, l’injonction implique nécessairement l’annonce d’une pénalité ou d’une récompense. On ne respecte pas les règles « simplement parce qu’on reçoit une injonction ». On les respecte parce que cette injonction est accompagnée…
[Je mets ça dans ma liste merci. Je suis en fait assez d’accord avec ce que vous en présentez. Pas question d’effacer les différences irréductibles. Mais comment arbitrer s’il n’y a plus d’arbitre légitime ?]
En constituant un, par exemple ?
[« Et pourquoi ne pas chercher un terrain d’entente avec les partisans de l’excision, du mariage forcé ou de l’esclavage ? Si la démocratie c’est la recherche du compromis, pourquoi exclure certaines catégories et pas d’autres ? » Votre question est résolue par la loi qui a tranché. Le mariage doit être librement consenti, l’excision est interdite, l’esclavage aussi. Pour le voile, particulièrement en cas de sortie scolaire, ce n’est pas le cas.]
Vous revenez donc à l’idée d’une société totalement juridique, où toute règle légitime doit être inscrite dans la loi. Si on veut que les gens disent « bonjour » lorsqu’ils se rencontrent, alors il faut faire une loi réglementant les cas où le salut est du et je suppose les formules de salutation acceptables. Si l’on veut que les gens ne mettent pas les coudes sur la table, il faut écrire un texte juridique qui décrive les positions admissibles et celles qui sont interdites, avec bien entendu les peines prévues à la clé, le tribunal compétent pour juger les infractions et les voies de recours. Je ne suis pas persuadé de vouloir vivre dans une telle société.
Mais si l’on admet votre point de vue, alors une loi sur le voile, particulièrement en cas de sortie scolaire, s’impose.
[“Non, la démocratie ne consiste pas à chercher des « compromis » entre le renard et la poule. La démocratie se fonde sur une défense de l’intérêt général, qui N’EST PAS un simple « compromis » entre les intérêts particuliers.”=> Je ne voudrai pas que vous croyiez que je pense cela. Ma formulation hâtive et douteuse a certes pu le laisser comprendre]
Je vous en donne acte volontiers.
“C’était bien là mon point : il n’y a pas consensus sur les règles de politesse(…)Combien de vos collègues seraient d’accord pour qu’on prononce une sanction contre l’élève qui refuse de saluer ou d’enlever sa casquette ?
=> C’est bien là mon désaccord: il y a un consensus sur ces règles. Pour les sanctions, je crois qu’il y aurait une large majorité, peut-être pas une unanimité. Mais je suis tout à fait d’accord qu’il n’y pas de consensus sur les moyens de les faire appliquer. Peut-être pas dans la salle des profs, alors encore moins dans les quartiers.
“Si vous vivez dans un quartier ou les « gros caïds » s’assurent que les petits frères enlèvent leurs casquettes, disent bonjour et cèdent le siège aux vieilles dames, vous avez de la chance. Mais mon expérience et celle d’autres commentateurs sur ce blog n’est pas tout à fait celle-là. Sans aller jusqu’aux exemples d’enseignants agressés par les parents pour avoir fait une remarque sur la coiffure de leurs rejetons (…) Au contraire : j’aimerais bien que vous développiez, parce que c’est précisément le sujet.”
=> Vous ne comprenez pas, je n’ai pas dit qu’ils disaient bonjour et cédaient la place aux vieilles dames, j’ai dit qu’ils savent qu’il faudrait le faire et qu’ils admettent volontiers que c’est une bonne chose. Ce qui est tout à fait différent. Et les exemples d’enseignants agressés pour une remarque quelconque ne viennent pas contredire ce point.
Les gens des cités que j’évoque et qui seraient potentiellement concernés par cette question du voile, ont comme tout le monde un besoin d’appartenance et d’amour à satisfaire. Mais on est encore loin. Les vecteurs d’intégration identitaire que sont l’Etat/la Nation/ le sentiment national, la famille/les amis, le travail/l’école, la religion le cas échéant sont complètement fracassés. J’ai cité l’exemple du père au chômage (et je vous assure que ça touche là où j’étais, une petite majorité des parents, et quand ils travaillent, c’est souvent très précaire) mais j’aurais pu citer l’échec scolaire généralisé, le rejet de la France et de l’Etat ou l’éclatement des familles, décomposées-recomposées plusieurs fois. Comme ils se sentent en marge de la société, et qu’ils ont par ailleurs une volonté d’huître, faire un effort pour respecter une règle devient coûteux et inutile. Ils reconstruisent un sentiment d’appartenance, en marge, dans la rue avec le doigt d’honneur comme étendard.
“C’est ce que vous dites, mais vous ne me citez aucun fait à l’appui, en dehors du consensus que vous constatez en salle des profs.”
=> J’évoque même le consensus dans les cités, mais vous voulez pas me croire.
“Ce n’est pas tout à fait vrai. Je peux imposer à quelqu’un quelque chose comme contrepartie de ma bienveillance. C’est d’ailleurs de cette manière que les règles de sociabilité ont toujours été imposées. Pourquoi céder le siège aux anciens si vous n’obtenez rien en échange ?
”
=> Je suis d’accord, mais je ne vous parle pas de la manière d’imposer, je vous parle de la possibilité de l’imposer. Je ne peux céder ma place aux anciens que parce que je connais l’accord que nous avons tacitement passé: mon geste contre leur bienveillance. Ce que vous dites n’est pas contradictoire avec ce que je dis moi.
“On les respecte parce que cette injonction est accompagnée…”
=> Ce n’est pas toujours complètement suffisant. Quand le gouvernement impose les 80km/h, la règle est accompagnée, ce qui n’empêche pas certains individus de mettre la plupart des radars hors d’usage. Il est parfois aussi nécessaire que la règle soit comprise et reconnue comme juste pour qu’elle soit appliquée. De toute façon, dans le cas du voile pour les sorties scolaires, la règle n’est même pas accompagnée (ni par une sanction pénale, ni par une réprobation générale.
“Vous revenez donc à l’idée d’une société totalement juridique, où toute règle légitime doit être inscrite dans la loi.”
=> Je ne crois pas avoir dit cela. Dans le cas de vos exemples les débats sont clos par l’existence d’une loi, mais dans l’exemple du bonjour, le débat est clos par l’existence de règles de sociabilité. Précédemment, je m’étais mal exprimé. Il n’est pas question de trouver un compromis ou un terrain d’entente, nous ne sommes pas en relations internationales, mais de savoir ce qui est correspond au bien commun.
“Mais si l’on admet votre point de vue, alors une loi sur le voile, particulièrement en cas de sortie scolaire, s’impose.”
=> Non je ne vois pas pourquoi vous en déduisez cela. Je suis contre pour les mêmes raisons que vous. Il y a des cas où le port du voile doit être interdit par la loi: école, emplois publics et il y en a d’autres où on devrait pouvoir faire comprendre à ces femmes qu’il n’est pas souhaitable de porter le voile. Quand c’est un conseiller RN qui le dit, la femme n’a aucune chance de le comprendre et toutes de se victimiser et d’aller pleurer dans les jupes du CCIF. Dans ma classe, je ne vais pas demander à un élève en échec scolaire de fournir quantitativement et qualitativement le même travail que le meilleur de ses camarades, il n’y arriverait pas, serait humilié et perdrait encore davantage confiance. C’est un petit peu la même chose avec le voile, dans une grande partie des cas, ce sont des gens déracinés qui cherchent une identité et un sentiment d’appartenance. On ne peut pas leur demander directement sans les humilier de retirer leur voile et de se conduire en parfait français du jour au lendemain.
@ Antoine
[C’est bien là mon désaccord: il y a un consensus sur ces règles. Pour les sanctions, je crois qu’il y aurait une large majorité, peut-être pas une unanimité. Mais je suis tout à fait d’accord qu’il n’y pas de consensus sur les moyens de les faire appliquer. Peut-être pas dans la salle des profs, alors encore moins dans les quartiers.]
En d’autres termes, il y a un consensus « idéaliste » : dans un monde idéal il serait bon que les gens enlèvent leur casquette, disent bonjour et cèdent le siège aux vieilles dames. Mais ce consensus n’a aucune traduction dans le monde réel, parce qu’au-delà de l’idéalisme seule une minorité est prête à payer le prix pour leur donner une traduction effective. Je pense que c’est exactement la même chose pour le voile : vous trouverez peu de gens pour affirmer que dans un monde idéal il serait bon qu’il y ait des femmes voilées…
[Vous ne comprenez pas, je n’ai pas dit qu’ils disaient bonjour et cédaient la place aux vieilles dames, j’ai dit qu’ils savent qu’il faudrait le faire et qu’ils admettent volontiers que c’est une bonne chose. Ce qui est tout à fait différent. Et les exemples d’enseignants agressés pour une remarque quelconque ne viennent pas contredire ce point.]
Pourriez-vous m’expliquer pourquoi des gens qui « savent qu’il faudrait » retirer sa casquette ou dire bonjour ne le font pas, alors même que cela ne leur coûterait qu’un effort minime ? Je pense que la réponse se trouve dans votre formulation : ce n’est pas parce que vos élèves « admettent volontiers » une formule qu’ils sont d’accord avec elle. On peut « admettre » beaucoup de choses pour que votre enseignant vous lâche la grappe…
[Les gens des cités que j’évoque et qui seraient potentiellement concernés par cette question du voile, ont comme tout le monde un besoin d’appartenance et d’amour à satisfaire. Mais on est encore loin. Les vecteurs d’intégration identitaire que sont l’Etat/la Nation/ le sentiment national, la famille/les amis, le travail/l’école, la religion le cas échéant sont complètement fracassés.]
Nous sommes tout à fait d’accord sur ce point, et c’est la position que j’ai défendue systématiquement dans ce blog. Mais s’ils sont « fracassés », c’est aussi en grande partie parce qu’on a renoncé à proposer un contrat clair, à imposer des références et des règles claires, alors qu’adolescents et jeunes cherchent précisément ces règles. Qu’est-ce que la société propose ? Un discours mou et hédoniste de « tolérance » et « acceptation des différences », là où d’autres prêchent au contraire le rigorisme et le sacrifice de soi. Pourquoi à votre avis des jeunes bien de chez nous sont allés combattre en Syrie ou en Irak plutôt que de s’engager dans la police ou l’armée française ? Qu’est-ce que l’Etat Islamique propose que l’Etat Français n’offre pas ? Pas la réussite scolaire et économique. Il y a là autre chose.
[J’ai cité l’exemple du père au chômage (et je vous assure que ça touche là où j’étais, une petite majorité des parents, et quand ils travaillent, c’est souvent très précaire) mais j’aurais pu citer l’échec scolaire généralisé, le rejet de la France et de l’Etat ou l’éclatement des familles, décomposées-recomposées plusieurs fois.]
Admettons. Mais regardons le passé : la précarité, le chômage, la misère c’était quelque chose dans les années 1910 ou 1930. Et pourtant, la classe ouvrière de l’époque ne s’est pas réfugiée dans la religion, c’est le moins qu’on puisse dire. Au contraire, ils ont fondé les grandes organisations ouvrières. Pourquoi ? Parce qu’il y avait une puissante logique sociale, faite de droits et de devoirs. Parce qu’il y avait des institutions puissantes, une organisation des hiérarchies et des âges avec des cérémonies de passage qui donnaient aux gens un statut. Encore une fois, c’est la tolérance qui nous tue, et non la règle. Parce qu’une règle organise le monde, qu’on l’admette ou qu’on se rebelle contre elle, on se définit par rapport à elle. La tolérance molle ou tout se vaut rend la rébellion comme l’obéissance inutiles. J’aime beaucoup la formule de Lacan : « là où tout est permis, rien n’est subversif ».
C’est pourquoi j’insiste tellement sur les règles, et d’abord les règles de sociabilité parce que ce sont celles qui servent de colonne vertébrale à la société. Et dans ce cadre, tolérer le voile n’est qu’un clou de plus dans le cercueil de notre coexistence. Je préfère de loin un rejet qui oblige celles qui le portent à se poser des questions qu’une tolérance molle.
[“On les respecte parce que cette injonction est accompagnée…” Ce n’est pas toujours complètement suffisant. Quand le gouvernement impose les 80km/h, la règle est accompagnée, ce qui n’empêche pas certains individus de mettre la plupart des radars hors d’usage.]
Oui, « certains individus ». Il y a toujours « certains individus » qu’aucune mesure répressive ne forcera à respecter les règles. Mais l’immense majorité de nos concitoyens les applique, et surtout trouve normale que les « certains individus » qui ne les respectent pas soient punis. J’ajoute que la règle des 80 km résulte d’une loi, et non d’une injonction sociale. Or, contrairement aux injonctions sociales, l’application des lois est déléguée aux forces de l’ordre, et du coup les citoyens n’estiment pas devoir le faire eux-mêmes. Et la pression sociale, parce qu’elle est permanente, est souvent bien plus efficace que celle des forces de l’ordre, qui est nécessairement dispersée. Vous pouvez rouler longtemps au-dessus de la vitesse limitée sans croiser un gendarme, mais si vous ne cédez pas le siège dans le métro, votre geste sera immédiatement remarqué.
[Il est parfois aussi nécessaire que la règle soit comprise et reconnue comme juste pour qu’elle soit appliquée.]
Cela peut faciliter les choses, mais ce n’est nullement nécessaire. Les lois régissant les relations dans l’entreprise sont massivement considérées comme injustes, et sont pourtant très largement appliquées. Je pense que vous sous-estimez la puissance institutionnelle de la loi. On applique les règles non pas parce qu’elles sont justes, mais parce qu’on s’imagine ce que serait un monde ou chacun choisirait, selon son sens particulier de la justice, quelles règles appliquer.
[De toute façon, dans le cas du voile pour les sorties scolaires, la règle n’est même pas accompagnée (ni par une sanction pénale, ni par une réprobation générale).]
C’est bien cela le problème : la réprobation est, sinon générale, assez largement partagée. Mais elle ne peut s’exprimer, parce que celui qui l’exprime est lourdement sanctionné socialement. Voyez ce qui est arrivé à Julien Odoul… D’où mon commentaire : il faut finir avec la lâcheté ou l’indifférence qui empêchent la réprobation sociale de s’exprimer.
[“Vous revenez donc à l’idée d’une société totalement juridique, où toute règle légitime doit être inscrite dans la loi.” Je ne crois pas avoir dit cela. Dans le cas de vos exemples les débats sont clos par l’existence d’une loi,]
Vous avez bien dit cela, et vous le redites ici sous une autre forme lorsque vous supposez qu’une loi peut clore un débat. Ce qui suppose qu’on ne sait jamais ce qu’il est ou non permis de faire jusqu’à ce qu’un acte juridique vienne l’indiquer. Or, un débat n’est jamais clos par l’existence d’une loi, tout simplement parce que la loi peut être changée. Et quand bien même une loi vous autoriserait à faire certaines choses, cela n’oblige nullement les autres à approuver votre comportement ou à s’abstenir d’exprimer leur opinion.
[mais dans l’exemple du bonjour, le débat est clos par l’existence de règles de sociabilité.]
Mais ça veut dire quoi, « le débat est clos » ? Est-ce que le Code Napoléon a « clos » le débat sur l’avortement en l’interdisant ? Non, une loi – et en général une norme quelconque – ne « clôture » jamais un débat. Elle ne représente qu’un équilibre atteint à un moment donné, et rien de plus. Non, le débat sur le voile n’est pas clos, pas plus que celui sur le salut. Certaines personnes peuvent ne pas saluer, par paresse, par rejet, ou par acte militant – souvenez-vous du major de l’Ecole normale refusant de serrer la main de De Gaulle. Et de la même façon, un conseiller régional peut indiquer qu’à son avis une personne ne devrait pas assister à la séance ou accompagner une classe voilée, quoi que dise la loi.
[Il y a des cas où le port du voile doit être interdit par la loi: école, emplois publics et il y en a d’autres où on devrait pouvoir faire comprendre à ces femmes qu’il n’est pas souhaitable de porter le voile.]
Pardon, mais c’est qui ce « il » pour qui la chose n’est pas souhaitable ? Vous parlez comme si le voile « n’était pas souhaitable » d’une façon abstraite et universelle. Non, ce qu’il s’agit de faire comprendre, c’est que les règles de NOTRE SOCIETE rendent le voile est indésirable. Et que les gens qui aspirent à rejoindre NOTRE SOCIETE sont tenus d’appliquer ses règles. Pour le dire autrement, les règles doivent être obéies non pas parce qu’elles sont bonnes, mais parce que ce sont les nôtres.
[Quand c’est un conseiller RN qui le dit, la femme n’a aucune chance de le comprendre]
Je ne suis pas d’accord. Je pense que la femme en question a parfaitement compris que dans notre société le voile est rejeté. Au fond, je me fous de savoir si elle considère la norme juste ou injuste, aussi longtemps qu’elle comprend que c’est la norme.
[Dans ma classe, je ne vais pas demander à un élève en échec scolaire de fournir quantitativement et qualitativement le même travail que le meilleur de ses camarades, il n’y arriverait pas, serait humilié et perdrait encore davantage confiance.]
Je ne vois pas le rapport, franchement…
[C’est un petit peu la même chose avec le voile, dans une grande partie des cas, ce sont des gens déracinés qui cherchent une identité et un sentiment d’appartenance.]
Et bien, vous n’allez pas les enraciner sans leur dire clairement et sans ambiguïté quelles sont les règles à appliquer pour « s’enraciner ». En maintenant l’ambiguïté, en considérant des gestes qui ne font que renforcer leur déracinement comme acceptables, on ne fait qu’empirer les problèmes.
[On ne peut pas leur demander directement sans les humilier de retirer leur voile et de se conduire en parfait français du jour au lendemain.]
Au contraire, il le faut. Comme le dit Brighelli, toute éducation trouve son origine dans une humiliation. C’est dans les sociétés où ne pas savoir est une humiliation que la pression pour étudier est la plus forte.
[ces règles violées par des gens venus de l’extérieur ? ]
Quid de celle violées par des gens venus de l’intérieur ? (c’est souvent le grand père et la grand mère qui sont extérieurs pour les questions de voiles; et les musulmans n’ont pas le monopole des incivilités, a ce jeu la le Français moyen peut être le roi des cons).
@ Yoann Kerbrat
[ces règles violées par des gens venus de l’extérieur ? Quid de celle violées par des gens venus de l’intérieur ?]
Le cas est très différent. Les gens « venus de l’intérieur » ont intériorisé une sociabilité dès le plus jeune âge dans leur famille, avec leurs amis. Une bonne partie des règles de sociabilité françaises leur sont « naturelles ». Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de jeunes « de souche » très mal élevés. Mais aussi mal élevés soient-ils, ils ont naturalisé des comportements que ceux « de l’extérieur » n’ont pas.
[“La question est qu’une société organisée a besoin de règles, et d’en exiger qu’elles soient obéies.”]
Exact , Descartes. Une anecdote en illustration:
Lors de mon seul voyage en URSS, c’était en 1977, j’ai remarqué le nombre impressionnant de jeunes qui ne jouaient pas le jeu consistant, dans les bus, à estampiller un ticket de transport sans le moindre contrôle, ce qui indignait une bonne partie des Anciens -qui restaient cependant discrets dans leur désapprobation.
Quelques 12/13 ans plus tard, l’URSS s’effondrait. Conclusion…
[ Conclusion…]
L’idée de chute d’empire est toujours une idée forte hérité du 19e siècle, même en 2019…
@Descartes
Pas de désaccord de fond. Mais il me semble que tout ceci est un vœu pieux. En gros : Si la société française cherchait à mettre une pression sociale sur ses membres, au delà de la simple obligation juridique, tout pourrait rentrer dans l’ordre.
Mais, de même que vous le mentionniez à propos du cacique Raoni, les gens d’aujourd’hui cherchent à s’émanciper de la pression du groupe social, et ne veulent pas non plus en exercer. Dès lors, n’est ce pas un combat perdu d’avance ?
N’y aurait il pas un modus operandi permettant d’arriver aux fins que vous souhaitez (fin du séparatisme ostensible) sans passer par un préalable irréaliste, qui serait le retour d’une pression sociale ?
Je vois 2 pistes :
– Les lois d’affirmation, qui affirment un principe difficilement pénalisable, mais qui permet de redire formellement que : “non, il n’est pas vrai que vous respectez scrupuleusement la loi”. Ce type de loi pourrait être, par exemple que :
– les habitants sur le territoire français doivent, dans l’espace public, faire preuve de discrétion quand à leurs opinions politiques, idéologiques, ou religieuses, en dehors des lieux dédiés ou des manifestations encadrées en relation avec ces opinions,
– Sauf mention expresse contraire dans le règlement intérieur de l’entreprise, les salariés sont tenus à la même obligation de discrétion sur leur lieu de travail,
– Que, en cas de dispute, insulte, etc. le fait d’avoir manqué aux obligations précédentes peut être considéré comme une provocation (autrement dit, en cas d’insulte verbale, on pourra dire 1 partout balle au centre, puisque la personne en question avait commencé par insulter tout le monde pas sa tenue).
Cela permettrait à des personnes souhaitant exercer une pression gentille sur ces individus de ne pas se retrouver automatiquement du mauvais coté de la loi, ce qui est le cas aujourd’hui, et dissuade pas mal de vouloir faire respecter les valeurs dantan.
@ Vincent
[Pas de désaccord de fond. Mais il me semble que tout ceci est un vœu pieux. En gros : Si la société française cherchait à mettre une pression sociale sur ses membres, au-delà de la simple obligation juridique, tout pourrait rentrer dans l’ordre.]
Ma position n’est pas prescriptive. Plus que de dire ce qu’il faudrait faire, je trouve intéressant de s’interroger sur le fait de savoir pourquoi ce n’est pas fait. Parce que, soyons sérieux, la difficulté n’est pas de trouver une solution miracle à la question mais de trouver dans la société les forces pour la mettre en œuvre. La solution, on la connaît, on l’a même mise en œuvre pendant des lustres : c’est la bonne vieille assimilation. Seulement voilà l’assimilation a un prix, et les classes intermédiaires ne veulent pas le payer.
[Mais, de même que vous le mentionniez à propos du cacique Raoni, les gens d’aujourd’hui cherchent à s’émanciper de la pression du groupe social, et ne veulent pas non plus en exercer. Dès lors, n’est-ce pas un combat perdu d’avance ?]
Oui et non. Les gens veulent s’émanciper de la pression du groupe social, et une fois émancipés ils s’aperçoivent que la vie est dure lorsqu’on ne peut pas compter avec la solidarité du groupe, et meurent d’angoisse à l’idée de devoir assumer tous seuls la responsabilité de leurs décisions. En d’autres termes, les gens veulent jouir de la liberté totale tout en continuant à bénéficier de la solidarité du collectif. Or, il y a là une contradiction : si vous n’êtes pas lié par des obligations envers les autres, pourquoi les autres le seraient-ils envers vous ?
La réponse à cette contradiction se trouve dans l’équilibre dans le cadre national entre la sphère privée, celle où l’individu est à la fois totalement libre et totalement responsable, et la sphère publique où l’individu est soumis aux règles écrites et non écrites dictées par la société, et peut compter en échange avec la solidarité inconditionnelle de ses concitoyens. C’est lorsque le cadre national s’affaiblit, lorsque la sphère publique ne garantit plus l’équilibre entre droits et devoirs, que le phénomène communautaire relève la tête.
[N’y aurait il pas un modus operandi permettant d’arriver aux fins que vous souhaitez (fin du séparatisme ostensible) sans passer par un préalable irréaliste, qui serait le retour d’une pression sociale ?]
Si vous renoncez à la pression sociale, il ne vous reste plus pour imposer une norme que le chemin juridique. Mais c’est un chemin trompeur : une règle, même écrite, n’est applicable et appliquée que s’il existe un véritable consensus social pour le faire. Vous pouvez toujours faire une loi contre le voile dans la rue, si les citoyens n’exercent pas une pression sur leurs politiques, et eux-mêmes sur leurs policiers pour qu’ils collent des amendes, si les citoyens prennent à chaque fois fait et cause pour la femme voilée contre les forces de l’ordre, la loi ne sera pas appliquée.
La question ici n’est pas celle du consensus sur le voile : ce consensus est acquis et la grande majorité de nos concitoyens pense, comme Blanquer, que c’est une mauvaise chose. La question sur laquelle le consensus n’est pas acquis est celle de savoir s’il faut effectivement faire une norme contre le voile et l’appliquer. La loi sur le voile à l’école a été efficace parce que le consensus pour la mettre en œuvre était acquis. C’est beaucoup moins évident qu’il le soit pour chasser le voile des assemblées délibératives, par exemple…
[– Les lois d’affirmation, qui affirment un principe difficilement pénalisable, mais qui permet de redire formellement que : “non, il n’est pas vrai que vous respectez scrupuleusement la loi”.]
Ce type de loi est parfaitement inutile en dehors d’une pression sociale pour la faire appliquer.
[– les habitants sur le territoire français doivent, dans l’espace public, faire preuve de discrétion quand à leurs opinions politiques, idéologiques, ou religieuses, en dehors des lieux dédiés ou des manifestations encadrées en relation avec ces opinions,]
Le remède est ici pire que le mal. Moi, je ne veux pas d’une société aseptisée. Je veux une société où une femme puisse aller voilée si elle pense que c’est la chose à faire, et où un citoyen puisse l’interpeller s’il estime qu’elle a tort de le faire. En d’autres termes, je veux une société ou les opinions s’expriment et la confrontation a lieu, et non une société où l’on cache les différences d’opinion parce qu’on a peur de cette confrontation. Plus que le principe de « discrétion », c’est au contraire le principe de libre débat qu’il faut réaffirmer. Dans l’espace public, chacun de nous est libre de faire ce que la loi n’interdit pas. Mais cette liberté ne nous protège de la liberté des autres de nous dire ce qu’ils en pensent !
Il faut d’ailleurs raison garder. La confrontation porte sur un morceau de tissu. Si l’on ne peut pas débattre publiquement d’une question de ce niveau de peur de mettre le pays à feu et à sang, cela devient grave.
[En d’autres termes, je veux une société ou les opinions s’expriment et la confrontation a lieu, et non une société où l’on cache les différences d’opinion parce qu’on a peur de cette confrontation.]
Cela sous entend bien entendu que cette expression s’opère avec le respect de l’autre… Une collègue de travail (Sénégalaise, étudiante en agronomie en France) c’était faite enlevé son voile publiquement dans le métro dans la foulée du 13 novembre. Après une ou des agressions sur ce sujet, ce n’est pas une avalanche de remarques publique de la part d’inconnus qui peut aider la discussion.
Sans parler de ce drôle d’effet psychologique qu’est la réactance : plus Barbara Streisand veut nous cacher sa villa plus on la partage; plus Zemmour cri publiquement sur tout les médias à la censure plus ses idées s’imposent; plus on cherche a dévoiler les femmes ou les confronter sur ce sujet et plus elles le porteront.
J’ai l’impression que sous le prisme médiatique ou sur les réseaux sociaux les débats (ou le cas hypothétique d’une rencontre dans la rue, ou… a une région publique d’un conseil régionale), peut importe le sujet abordé, cela peut prendre une tournure dramatique. A l’opposé de mes propres confrontations personnelles sur le sujet du voile et de la religion, qui se sont toujours passé dans le respect…
@ Yoann Kerbrat
[Cela sous-entend bien entendu que cette expression s’opère avec le respect de l’autre…]
Absolument pas. Cela suppose que cette expression s’opère avec civilité. Le « respect », c’est autre chose. La loi et les règles de sociabilité m’interdisent de porter atteinte à l’intégrité physique et à la dignité de l’autre. Mais rien ne m’oblige à le « respecter ». Le respect se gagne.
[Une collègue de travail (Sénégalaise, étudiante en agronomie en France) c’était faite enlevé son voile publiquement dans le métro dans la foulée du 13 novembre. Après une ou des agressions sur ce sujet, ce n’est pas une avalanche de remarques publique de la part d’inconnus qui peut aider la discussion.]
Je ne crois pas avoir défendu les voies de fait. Et si vous prenez l’expression de Julien Odoul, lui non plus n’appelle pas à l’agression physique. Mais j’estime qu’on fait œuvre pédagogique lorsqu’on exprime la désapprobation devant une femme voilée. Après tout, pourquoi auraient-elles la possibilité d’exprimer leur adhésion à un modèle communautaire, et nous serions privés du droit de dire ce que nous en pensons ?
[Sans parler de ce drôle d’effet psychologique qu’est la réactance :]
Il ne faut pas prendre les gens pour des enfants. Si vous partez sur cette logique, alors il ne faudrait pas dire aux jeunes d’enlever les pieds des banquettes du métro, d’enlever la casquette en entrant au collège ou de ne pas utiliser le portable, au prétexte qu’on les pousserait ainsi à le faire.
[A l’opposé de mes propres confrontations personnelles sur le sujet du voile et de la religion, qui se sont toujours passé dans le respect…]
Ces « confrontations » ont abouti à quelque chose ?
[Ces « confrontations » ont abouti à quelque chose ?]
Celle de Mr Odoul a-t-elle abouti a quelque chose ?
[Si vous partez sur cette logique, alors il ne faudrait pas dire aux jeunes d’enlever les pieds des banquettes du métro, d’enlever la casquette en entrant au collège ou de ne pas utiliser le portable, au prétexte qu’on les pousserait ainsi à le faire.]
Je pense que jusque la tout ces débats et ces discussions on probablement plus fait pour déchirer la société et augmenter le nombre de voile sur la place publique. De même qu’à chaque fois qu’on a voulu censurer Zemmour ou Le Pen on leur a donner des voies. C’est autrement différent de l’éducation des enfants.
Il faut de l’intelligence politique sur ce sujet. Je ne pense pas que l’appelle a se dévoiler puisse fonctionner, ni de demander aux gens de faire comme si rien de spécial ne se passait. Ayant dit ça je ne sais guère quelle est l’intelligence politique tant le sujet divise, est complexe, et touche intimement les gens…
@ Yoann Kerbrat
[« Ces « confrontations » ont abouti à quelque chose ? » Celle de Mr Odoul a-t-elle abouti a quelque chose ?]
Quand vous daignerez répondre à ma question, je me ferais un plaisir de répondre à la votre…
[« Si vous partez sur cette logique, alors il ne faudrait pas dire aux jeunes d’enlever les pieds des banquettes du métro, d’enlever la casquette en entrant au collège ou de ne pas utiliser le portable, au prétexte qu’on les pousserait ainsi à le faire. » Je pense que jusque-là tous ces débats et ces discussions ont probablement plus fait pour déchirer la société et augmenter le nombre de voile sur la place publique.]
Je n’en sais rien et vous non plus. Votre « probablement » ne fait pas illusion : nous n’avons aucun moyen de savoir s’il y aurait plus ou moins de voiles dans les rues si cette conduite était traitée avec bienveillance. Mais si on regarde ailleurs, on tendrait à aboutir à la conclusion opposée : on voit plus de voiles dans les rues Londres que dans celles de Paris.
Accessoirement, vous ne répondez pas à mon objection.
[De même qu’à chaque fois qu’on a voulu censurer Zemmour ou Le Pen on leur a donner des voix.]
C’est inexact. Pendant des années la télévision publique française a censuré Le Pen, et celui-ci faisait au mieux quelques pourcents aux élections. Et puis un jour Mitterrand a décidé de lui ouvrir la radio et la télé pour emmerder la droite… et oh ! miracle, Le Pen a fait plus de dix pour cent… Votre principe d’action et réaction semble être moins fiable que vous ne le pensez.
[Quand vous daignerez répondre à ma question, je me ferais un plaisir de répondre à la votre…]
De la compréhension mutuelle et l’acceptation du point de vue de l’autre, ou des désaccord. Mais rien qui fasse du voile une barrière symbolique empêchant la socialisation, ou qui fasse du voile une barrière mystique. Cependant, j’admets que cela concerne le voile que je vais appeler classique. Celui qui enferme totalement le visage et qui est totalement noir me met plus mal a l’aise, les grands sacs noirs c’est clairement un marqueur communautaire, et les quelques burqua que j’ai vu dans ma vie je n’ose imaginer a quel point ils me détestent moi mécréant…
[ nous n’avons aucun moyen de savoir s’il y aurait plus ou moins de voiles dans les rues si cette conduite était traitée avec bienveillance]
Le port du voile va de paire avec une défiance envers la République (conflit entre les valeurs annoncées et la réalité), associé a la monté des pressions religieuses dans le sillage du recule de l’état. Suffit de parler avec la jeunesse de banlieue ou d’écouter leurs productions musicales engagées… Et je ne dis pas que c’est de la bienveillance qu’il faut, mais des perspectives d’avenir et une présence de la République a l’image de ce qu’elle dit être (égalité, fraternité… ).
La Grande Bretagne c’est autre chose : leur tolérance leur a fait fermer les yeux sur le militantismes de prêcheurs les plus dingues, qu’ils ont laissé prospérer au nom d’un relativisme culturelle débile… Modèle a ne surtout pas reproduire chez nous.
[Votre principe d’action et réaction semble être moins fiable que vous ne le pensez]
C’était mal expliqué. C’est un jeu hypocrite. Evidemment qu’ils ne sont pas censuré, mais l’appelle à la censure à chaque déclaration les renforces, car ils n’ont plus qu’à dire partout qu’on cherche à les faire museler car ils dérangent.
Je regardais une fois n’est pas coutume TPMP hier. C’est magnifique le groupe Canal, il donne la parole a Zemmour sur CNEWS. Celui-ci fait une sortie provoquante. Et sur C8 le lendemain on en parle avec comme sujet “doit-on l’interdire de parole”.
C’est ça la puissance du polémiste, et bien que la ficelle soit énorme elle fonctionne. Et elle est exploité commercialement, sinon politiquement (je ne me doute pas un instant de quel camp est l’extrême droite, pas celui des travailleurs… ).
Je rajouterais a cela Monsieur Alain Soral, qui lui est vraiment victime de censure, mais qui a un débouché formidable par internet, ce qui en retour en fait un des écrivains les plus lus en France. Ses livres ne sont évidemment pas censuré… De même que son ami Dieudonné, qui lui aussi utilise de grosse ficelle (comme transformer un jugement pour avoir créer une entreprise frauduleuse d’arnaque, l’ananassurance, en complot contre lui).
Ce qui compte aujourd’hui ce n’est pas la recherche de la vérité objectif, mais la vérité qu’on se construit. Eux ont réussi a vendre un monde ou ils sont victime de censure car ils dérangent “le système”.
@ Yoann Kerbrat
[De la compréhension mutuelle et l’acceptation du point de vue de l’autre, ou des désaccord. Mais rien qui fasse du voile une barrière symbolique empêchant la socialisation, ou qui fasse du voile une barrière mystique. Cependant, j’admets que cela concerne le voile que je vais appeler classique.]
Voyons si je comprends bien : après avoir « confronté » vos opinions avec les leurs, les femmes voilées ont « compris » que vous n’aimiez pas ça, et vous avez « compris » qu’elles continueraient à le porter. Est-ce bien cela ? Et sinon, cela veut dire quoi exactement la « compréhension mutuelle » ?
Le voile est OBJECTIVEMENT une barrière à la socialisation, parce que c’est précisément pour cela qu’il est porté. J’ai l’impression que pour vous il ne devient une barrière que parce que les méchants Français « de souche » n’acceptent pas cette coiffure. Mais il faut se poser la question symétrique : pourquoi une population porte se signe qui la stigmatise, et refuse catégoriquement de l’enlever même dans des enceintes – comme l’école ou l’hôpital – où la logique commanderait de l’enlever ? Les gens qui portent ce carré de toile comme si c’était une obligation sacrée, pourquoi le font-ils ? Quel résultat veulent-t-ils obtenir avec cette action ?
[Celui qui enferme totalement le visage et qui est totalement noir me met plus mal a l’aise, les grands sacs noirs c’est clairement un marqueur communautaire, et les quelques burqua que j’ai vu dans ma vie je n’ose imaginer à quel point ils me détestent moi mécréant…]
Alors là, je ne vous comprends plus. Si vous considérez que seule la « compréhension mutuelle et l’acceptation du point de vue de l’autre » peuvent résoudre le problème, pourquoi ce principe s’appliquerait au voile « ordinaire » et non à la burqua ? A partir de quel pourcentage de visage caché doit-on juger que le moment de la confrontation par la force est venu ?
Vous voyez bien qu’il faut revenir à un principe de base : soit le voile est une simple exhibition d’une opinion religieuse, sociale ou politique, et il doit être admis dans une société libérale quand bien même il cacherait l’intégralité du visage et serait noir – je laisse de côté la problématique de l’ordre public – ou bien c’est un outil de séparation d’une communauté, et alors il doit être découragé fortement, quelle que soit la partie du visage qu’il couvre.
Et maintenant, puisque vous avez répondu à ma question, je réponds à la votre. Qu’a-t-on gagné avec la confrontation suscitée par J. Odoul ? Et bien, on a gagné qu’on parle de ce sujet. Parce que je vous rappelle – et croyez bien que ce constat ne me fait aucun plaisir – que sans l’action de l’extrême droite on ne parlerait pas de ces problèmes-là. Qu’après l’effondrement du PCF dans les années 1980, tout ceux qui comptent dans la « gauche » ont endormi l’opinion avec les discours rassurants de « l’intégration » façon SOS-Racisme, et qu’on ne s’est résigné à regarder le problème en face – et encore, certaine parlent encore de la « lépénisation des esprits » – que sous la pression d’interventions comme celle de Julien Odoul.
[« nous n’avons aucun moyen de savoir s’il y aurait plus ou moins de voiles dans les rues si cette conduite était traitée avec bienveillance » Le port du voile va de pair avec une défiance envers la République (conflit entre les valeurs annoncées et la réalité), associé a la monté des pressions religieuses dans le sillage du recule de l’état.]
Peut-être. Mais une coïncidence n’implique pas une causalité. On voit dans d’autres pays fleurir le voile – et plus fortement que chez nous – sans qu’on puisse l’associer à une défiance envers la République. Pensez à la Grande Bretagne… et là-bas, on ne peut parler de « conflit entre les valeurs annoncées et la réalité », puisque le libéralisme thatchérien a été « annoncé » sans complexes.
Mais j’avoue que je ne vois pas dans votre réponse le rapport à la question posée, à savoir, les effets du traitement « bienveillant » du port du voile par l’opinion. Je vous rappelle que votre théorie était que si la société acceptait le port du voile, celui serait moins courant. Je ne vois pas en quoi votre remarque soutien cette thèse.
[Suffit de parler avec la jeunesse de banlieue ou d’écouter leurs productions musicales engagées… Et je ne dis pas que c’est de la bienveillance qu’il faut, mais des perspectives d’avenir et une présence de la République a l’image de ce qu’elle dit être (égalité, fraternité…).]
Quel rapport avec le voile ? Par ailleurs, on peut soutenir que la dernière chose que les communautés séparatistes veulent, c’est une présence de la République. Il n’y a qu’à voir comment les représentants de la République sont traités lorsqu’ils se rendent sur les lieux que la communauté estime être son « territoire ». Parce que la République, voyez-vous, ce ne sont pas que des droits, ce sont aussi des obligations. Celle d’obéir aux lois, pour commencer. Pensez-vous vraiment que ces communautés soient disposées à obéir aux lois en échange de l’égalité et de la fraternité ?
[La Grande Bretagne c’est autre chose : leur tolérance leur a fait fermer les yeux sur le militantisme de prêcheurs les plus dingues, qu’ils ont laissé prospérer au nom d’un relativisme culturelle débile… Modèle à ne surtout pas reproduire chez nous.]
Attendez… là aussi vous proposez « la compréhension mutuelle et l’acceptation du point de vue de l’autre » comme remède ? Faut être cohérent : si vous vous refusez à exiger qu’on enlève le voile au nom d’un principe d’évitement du conflit, je ne vois pas sur quelle logique vous vous appuyez ensuite pour dire qu’il faut empêcher les « prêcheurs les plus dingues » ou laisser prospérer le « relativisme culturel ». Pire : n’étais-ce pas vous qui énonciez un principe d’action et réaction selon lequel plus on interdit, plus les gens font ce qui est interdit ? Comment concilier ce principe avec des poursuites contre les « prêcheurs les plus dingues » ?
[C’était mal expliqué. C’est un jeu hypocrite. Evidemment qu’ils ne sont pas censuré, mais l’appel à la censure à chaque déclaration les renforces, car ils n’ont plus qu’à dire partout qu’on cherche à les faire museler car ils dérangent.]
Mais OBJECTIVEMENT ils dérangent, du moins si on se fie à la montagne de réactions dont a accouché l’intervention de Julien Odoul, alors que franchement il n’y avait dans celle-ci de quoi casser trois pattes à un canard. Franchement, on l’aurait traitée avec la plus grande indifférence intellectuelle et médiatique, et l’affaire aurait été vite oubliée. Alors, pourquoi ces réactions ? Pourquoi ne laisse-t-on pas Zemmour parler dans le désert, en se disant qu’il y a toujours eu des fous pour dire n’importe quoi, et qu’un de plus ne changera pas la face de la terre ? Comme on l’a fait d’ailleurs pendant des années, avant que Mitterrand décide qu’il était temps de donner du relief au FN pour emmerder la droite ?
Ce qui a changé, c’est que dans les années 1970 le discours du FN ne portait pas, parce que la société était fondamentalement assimilatrice, et que le populo n’avait pas vraiment peur de l’immigré – qui d’ailleurs, sous la pression assimilatrice, faisait tout pour ne pas se faire remarquer. Le discours raciste du FN ne séduisait à l’époque que les rapatriés d’Algérie qui avaient une dent contre les Arabes, et les nostalgiques de Vichy écrases par l’histoire. Aujourd’hui, parce que la société n’est plus assimilatrice et que les couches populaires sont abandonnées à leur sort, le séparatisme a cessé d’être un fantasme pour devenir un véritable problème, au point de mettre en danger l’équilibre précaire sur lequel le bloc dominant fonde sa situation.
[C’est ça la puissance du polémiste, et bien que la ficelle soit énorme elle fonctionne.]
Mais posez-vous la question : POURQUOI CETTE FICELLE FONCTIONNE ? Pourquoi ce polémiste, qui hier n’aurait hier rempli une cabine téléphonique, tient aujourd’hui le haut du pavé ? L’intéressant dans cette affaire, c’est moins de savoir pourquoi Zemmour dit ce qu’il dit, que pourquoi la société – ou du moins une partie de la société – a envie de l’entendre. Et si on se contente de condamner ses propos sans chercher à savoir pourquoi ils sont écoutés, on fait fausse route.
[(je ne me doute pas un instant de quel camp est l’extrême droite, pas celui des travailleurs… ).]
Si vous savez aujourd’hui qui est « dans le camp des travailleurs », je vous prie de me le faire savoir. En tout cas, les travailleurs eux-mêmes semblent considérer qu’aujourd’hui l’extrême droite est plus proche de leurs intérêts que n’importe quelle autre organisation politique. Là encore, au lieu de qualifier moralement le fait, on devrait chercher à le comprendre.
[Ce qui compte aujourd’hui ce n’est pas la recherche de la vérité objectif, mais la vérité qu’on se construit. Eux ont réussi a vendre un monde ou ils sont victime de censure car ils dérangent “le système”.]
Mais encore une fois, vous êtes-vous demandé pourquoi l’on trouve tant de gens pour acheter ce monde, alors qu’on ne trouve personne pour acheter le monde proposé par les idéologues du PCF, par exemple ?
[ : soit le voile est une simple exhibition d’une opinion religieuse, sociale ou politique, et il doit être admis dans une société libérale quand bien même il cacherait l’intégralité du visage et serait noir – je laisse de côté la problématique de l’ordre public – ou bien c’est un outil de séparation d’une communauté, et alors il doit être découragé fortement, quelle que soit la partie du visage qu’il couvre.]
Cela me semble juste comme analyse.
Merci de pointer mes contradictions du doigts.
[Là encore, au lieu de qualifier moralement le fait, on devrait chercher à le comprendre.]
Pour savoir qui est dans le camp des travailleurs il suffit de trouver la ligne sur les cotisations sociales. Si c’est écrit “baisse des charges patronales” (ou parfois plus subtilement baisse des cotisations sur les salaires), alors c’est contre les travailleurs. C’est en ce sens que le RN est une arnaque.
Ceci dit c’est un vote pragmatique : en l’absence de preuve qu’on peut remplir les caisses, c’est plus simple de diminuer le nombre de bénéficiaire d’aides et de financement en tout genre. Dans les années 80 le PC découvrait au travers d’un sondage que les gens se faisait a l’idée qu’il faut ce serrer la ceinture, et ça a du s’accentuer depuis.
La gauche, ou l’idée que les gens sont font (caricaturé par la droite, sans trop de difficulté parfois vu son état), c’est dépenser de l’argent qu’on promet d’avoir… Et les promesses hein.
@ Yoann
[Pour savoir qui est dans le camp des travailleurs il suffit de trouver la ligne sur les cotisations sociales. Si c’est écrit “baisse des charges patronales” (ou parfois plus subtilement baisse des cotisations sur les salaires), alors c’est contre les travailleurs. C’est en ce sens que le RN est une arnaque.]
Franchement, faire du positionnement vis-à-vis des charges patronales l’indicateur unique de l’appartenance au « camp des travailleurs » me paraît très réducteur. Tenez, par exemple, ceux qui proposent d’abolir complètement les charges calculées sur le salaire – qu’elles soient patronales ou non – et de financer la protection sociale sur l’impôt se placeraient, selon vous, « dans le camp des patrons ». Pourtant, ce serait socialement bien plus juste : une partie des charges serait ainsi payée par l’impôt sur le revenu – qui est progressif, alors que les charges sont au contraire régressives du fait du plafond – et une autre partie sur la TVA, qui étant aussi payable sur les produits étrangers permettrait de payer de meilleurs salaires sans affecter la compétitivité.
J’ai l’impression que pour vous les « charges patronales » sont sacrées parce qu’il y a dedans le mot « patronales », qui vous donne l’illusion qu’on punit le patron. Mais c’est faux : les charges, qu’elles soient patronales ou salariales, sont in fine des prélèvements sur le travail. In fine, elles entrent dans le coût de production et donc dans le prix des biens, et est payée par le consommateur.
@ Descartes
[J’ai l’impression que pour vous les « charges patronales » sont sacrées parce qu’il y a dedans le mot « patronales », qui vous donne l’illusion qu’on punit le patron.]
Il faut dire pour être honnête qu’on retrouve la même confusion “de l’autre côté de la barricade”, chez les libéraux. Combien de fois j’ai lu et entendu des dirigeants d’entreprise sortir la rengaine “mais je suis saigné à blanc, mes salariés ne se rendent pas compte que pour leur salaire brut, moi je paye beaucoup de charges”…
D’ailleurs, une question, ça vient d’où cette division entre charges patronales et salariales ? Il me semble que le salarié accepte de fournir un travail donné pour un salaire donné – le salaire net, et le patron accepte de payer une somme plus élevée pour ce travail, la différence étant le montant total des charges.
Pourquoi définir deux parts différentes dans ce contexte ? En quoi un financement qui vient de la même source et a la même destination a-t-il besoin d’être scindé en deux ? En quoi serait une partie de ce financement plus “patronal” et l’autre plus “salarial” ? Si on groupait les deux sous “charges” et qu’on n’attribuait à personne en particulier, le résultat serait économiquement exactement le même. J’ai la franche impression qu’il s’agit en fait d’outils de comptabilité fiscale à la nomenclature malheureuse, puisqu’elle génère des débats et des arguments complètement à côté de la plaque. Dis-moi si je me trompe…
@ BolchoKek
[D’ailleurs, une question, ça vient d’où cette division entre charges patronales et salariales ? Il me semble que le salarié accepte de fournir un travail donné pour un salaire donné – le salaire net, et le patron accepte de payer une somme plus élevée pour ce travail, la différence étant le montant total des charges.]
Du point de vue économique, le fait de qualifier une partie des cotisations calculées sur le salaire en « patronales » ou « salariales » n’a aucune signification. Le seul paramètre important est le montant total des cotisations, qui crée une différence entre le coût du travail vu par le patron et le salaire payé au travailleur, différence qui modifie le fonctionnement optimal du marché du travail, et qui fait que le point d’équilibre n’est pas l’optimum en termes de masse de travail échangé.
En fait, le découpage des cotisations en « part salariale » et « part patronale » est l’héritage des années 1940 et tient à un message politique. Il s’agissait de fonder le paritarisme sur l’illusion que patrons et salariés contribuaient également au fonctionnement des organismes de protection sociale. Le paritarisme permettait aux partenaires sociaux d’exclure l’Etat – dont patrons et syndicats professionnels se méfiaient pour des raisons opposées – de la gestion des organismes sociaux.
Ce paritarisme, qui a relativement bien fonctionné lorsque la croissance permettait d’assurer facilement l’équilibre des systèmes de protection sociale, a fonctionné de moins en moins bien lorsque la croissance est devenue faible et que l’Etat a dû être appelé à la rescousse, et que le côté illusoire du paritarisme est apparu de plus en plus nettement.
Bonsoir Descartes et désolé d’avance pour ce coup de gueule,
Ce qui me gêne en plus dans cette affaire, c’est la tartufferie dont font preuve les défenseurs du voile, puisqu’il semblerait que remettre en cause le port de ce couvre-chef soit une intolérable atteinte à la liberté vestimentaire, où sont-ils pour exiger l’abrogation de l’article R645-1 du code pénal ainsi que tous les arrêtés municipaux prohibant la nudité dans l’espace publique ?
Remarque supplémentaire à tous ceux qui pensent que le voile n’est qu’un bout tissu, un simple couvre-chef (dont vous ne faites bien entendu pas parti Descartes) : lorsque je suis monté en région parisienne, il a fallu que je loue pour quelques jours une chambre, chez de gentils, mais bons musulmans (le mari était rasé de près toutefois). La première chose que la femme a fait lorsqu’elle ma vu le matin a été de cacher la mèche de cheveux qui dépassait sous sous hijab…
Enfin, à celui qui compte remettre en place des politiques assimilationnistes, je lui souhaite bon courage, dans la mesure où l’on n’a plus à faire à quelques ghettos, mais des pans entiers de notre territoire où les allogènes vivent avec LEUR sociabilité propre. Je vois mal quelle contrainte sociale les forcerait à vivre selon la sociabilité française dans leur quartiers. De plus au nom de quoi pouvez-vous les obliger d’abandonner leur sociabilité, dans la mesure où ils s’estiment citoyens français de plein droit ? Comment réagiriez-vous Descartes si demain, on vous interdisait de boire de l’alcool sur la terrasse d’un débit de boissons, vous obligeait de donner des prénoms coraniques à vos enfants, obligeait vos filles de porter une tenue « décente » sur la voie publique alors que cela fait plusieurs générations que vous êtes installés au pays ? Personnellement je le prendrais très mal…
De plus, les Chinois n’y vont pas de main morte pour vouloir assimiler les ouïghours, qui est une bien petite minorité pour ce pays, qui plus est ils n’ont pas tout l’appareil médiatico-judiciaro-associatif pour leur mettre des bâtons dans les roues. Alors imaginez ce qu’il se passerait si en France on essayait de faire ne serait-ce que le dixième de ce qu’ils font. On voit bien les difficultés que Trump rencontre, seulement pour tarir le flux migratoire vers les États-Unis.
De toute façon, les jeux sont pliés, il n’y aura pas de personne à la magistrature suprême mettant en œuvre des politiques assimilationnistes, tant les Français ont peur de leur ombre, et l’évolution éthno-démographique de la France rendant l’élection de ce genre de personne de plus en plus improbable. Ainsi, tout combat en faveur de politiques assimilationnistes ne peut être qu’un combat pour l’honneur, l’avenir de la France étant ces paradis multiculturels que sont l’Afrique du Sud, le Liban…
Quant à la lâcheté (et l’indifférence), permettez moi de vous raconter quelques anecdotes : au lendemain du premier tour des élections présidentielles de 2017, je prenais le métro à gare de Vénissieux pour rentrer du travail, des « Chances Pour la France », ont voulu frauder en forçant le passage derrière moi. Je ne me suis pas laissé faire et je les ai bloqués, pour qu’ils ne passent pas le portique. D’autres passagers ayant – pardonnez moi la vulgarité – une tolérance à l’enculage plus élevée que la mienne, ils finissent par passer. Ils me font alors remarquer j’ai voté pour MLP la veille. Voilà où nous en sommes en 2019 : on est un facho dès que l’on cherche à vouloir faire respecter un minimum le civisme dans les transports en commun !
Une autre fois, cela a viré au pugilat dans la rame de métro, les CPF m’ayant demander de sortir à la prochaine station, histoire de régler les comptes à l’abri des caméras de vidéo-surveillance… Je n’ai eu droit qu’à l’indifférence absolue de tous les autres passagers, si ça n’est une collègue qui m’a dit avant de monter dans la rame que j’avais bien fait, les fraudeurs n’ayant aucune excuse compte tenu l’existence de tarifs sociaux.
Bref le pire dans tout cela, c’est que les incivilités ne sont plus honteuses, elles sont assumées, qui plus ceux qui s’y opposent étant considérés en tort, comme l’a fait remarquer avec insistance, même auprès de l’agent de sécurité quelqu’un qui a tenté de frauder derrière moi.
Plus généralement, je ne sais pas si vous avez lu Isaac Asimov, mais l’état de la France et de l’Occident en général me fait penser au déclin de l’Empire trantorien : désagrégation du corps social, montée des incivilités, déliquescence des infrastructures, perte de savoir faire. Seulement, il n’y a pas de psycho-histoire pour amortir la chute.
@ François
[Bonsoir Descartes et désolé d’avance pour ce coup de gueule,]
Ne soyez pas désolé, j’aime bien les coups de gueule surtout lorsqu’ils sont intelligents ! 😉
[Ce qui me gêne en plus dans cette affaire, c’est la tartufferie dont font preuve les défenseurs du voile, puisqu’il semblerait que remettre en cause le port de ce couvre-chef soit une intolérable atteinte à la liberté vestimentaire, où sont-ils pour exiger l’abrogation de l’article R645-1 du code pénal ainsi que tous les arrêtés municipaux prohibant la nudité dans l’espace publique ?]
Effectivement, il y a beaucoup de tartuferie dans toute cette affaire. L’argument de « la liberté de s’habiller comme on veut » a été abondamment utilisé par les défenseurs du voile, sans que personne dans les médias ne fasse remarquer que la liberté en question est tout simplement inexistante. Elle ne figure dans aucun texte, et différents autorités ne se gênent pas pour la réglementer pour des motifs purement esthétiques. Ainsi, de nombreuses villes balnéaires interdisent de se promener torse nu dans les rues…
[Enfin, à celui qui compte remettre en place des politiques assimilationnistes, je lui souhaite bon courage, dans la mesure où l’on n’a plus à faire à quelques ghettos, mais des pans entiers de notre territoire où les allogènes vivent avec LEUR sociabilité propre. Je vois mal quelle contrainte sociale les forcerait à vivre selon la sociabilité française dans leur quartiers.]
Le problème est justement que ces allogènes ont beau ne pas vivre selon la sociabilité française, ils n’ont pas réussi à recréer la sociabilité de leurs pays d’origine. D’abord, parce qu’ils ne viennent pas des mêmes pays, mais surtout parce qu’ils sont confrontés à des conditions économiques et sociales qui ne sont pas celles du lieu d’origine. La sociabilité des quartiers est une sociabilité dysfonctionnelle, qui ne permet pas aux gens de s’épanouir. C’est pourquoi la sociabilité française peut être un pôle d’attraction pour peu qu’on se donne les moyens.
[De plus au nom de quoi pouvez-vous les obliger d’abandonner leur sociabilité, dans la mesure où ils s’estiment citoyens français de plein droit ? Comment réagiriez-vous Descartes si demain, on vous interdisait de boire de l’alcool sur la terrasse d’un débit de boissons, vous obligeait de donner des prénoms coraniques à vos enfants, obligeait vos filles de porter une tenue « décente » sur la voie publique alors que cela fait plusieurs générations que vous êtes installés au pays ? Personnellement je le prendrais très mal…]
Si j’habitais en Arabie Saoudite, je trouverais cela parfaitement normal. La légitimité pour imposer la sociabilité française à tous ceux qui qui veulent vivre en France est inscrite dans l’histoire. En 1789 les juifs de France étaient installés depuis des générations dans leurs ghettos, vivant leur sociabilité et obéissant à leurs lois. La Révolution puis l’Empire leur a imposé l’assimilation en échange de la citoyenneté, et cela s’est fait sans trop de problème.
[De toute façon, les jeux sont pliés, il n’y aura pas de personne à la magistrature suprême mettant en œuvre des politiques assimilationnistes, tant les Français ont peur de leur ombre, et l’évolution éthno-démographique de la France rendant l’élection de ce genre de personne de plus en plus improbable. Ainsi, tout combat en faveur de politiques assimilationnistes ne peut être qu’un combat pour l’honneur, l’avenir de la France étant ces paradis multiculturels que sont l’Afrique du Sud, le Liban…]
L’avenir le dira. Dans tous les cas, je regretterais de perdre le combat faute de l’avoir engagé…
[Plus généralement, je ne sais pas si vous avez lu Isaac Asimov,]
Non. Je n’ai jamais mordu à la science-fiction.
Isaac Asimov n’était pas qu’un écrivain de science-fiction. C’était aussi un grand scientifique et un vulgarisateur de grand talent, ainsi qu”un philosophe rationaliste tout-à-fait éminent.
Je vous recommande deux de ses ouvrages : “Les moissons de l’intelligence” et “Homo obsoletus” (“The roving mind”). C’est remarquable !
@ Gugus69
Je veux bien faire un effort… mais j’avoue que je n’accroche pas.
@ Descartes,
Si je peux me permettre de vous poser la question, pourquoi n’accrochez vous pas à la S-F ? Personnellement, même si je suis conscient qu’elle a des sources d’inspiration philosophiques diverses et variées, le premier mot qui me vient à l’esprit la concernant est « positivisme ». A contrario, le premier mot qui me vient à l’esprit concernant la Fantasy, dont vous êtes semble t-il un amateur, est « réactionnaire ».
Concernant Asimov, en plus de ce qu’a dit Gugus69, il me semble que c’était un grand adepte du matérialisme historique 😉
@ François
[Si je peux me permettre de vous poser la question, pourquoi n’accrochez vous pas à la S-F ? Personnellement, même si je suis conscient qu’elle a des sources d’inspiration philosophiques diverses et variées, le premier mot qui me vient à l’esprit la concernant est « positivisme ». A contrario, le premier mot qui me vient à l’esprit concernant la Fantasy, dont vous êtes semble-t-il un amateur, est « réactionnaire ».]
Vous faites fausse route. Ce qui me rebute dans la S-F, c’est surtout une question esthétique. Le « fantastique » a des auteurs qui sont des véritables poètes, qui se sont souciés autant de la qualité de l’histoire que du « son » de la langue. Tolkien est peut-être l’exemple le plus achevé : un homme qui n’a écrit dans toute sa vie que deux livres, et qui a passé un temps infini à les polir pour qu’ils soient parfaits non seulement du point de vue de la cohérence du récit, mais surtout du point de vue de la langue. Chez Tolkien il y a même l’invention d’un anglais faussement archaïque mais qui sonne comme tel… et il n’y a pas que les auteurs du fantastique « magique ». Prenez un Goldring par exemple, un Bradbury, un Burgess…
[Concernant Asimov, en plus de ce qu’a dit Gugus69, il me semble que c’était un grand adepte du matérialisme historique.]
Je ne parlais pas de philosophie, mais de littérature…
@Descartes
[[Bonsoir Descartes et désolé d’avance pour ce coup de gueule,]
Ne soyez pas désolé, j’aime bien les coups de gueule surtout lorsqu’ils sont intelligents ! 😉]
Me voilà flatté ! 🙂
[[Je vois mal quelle contrainte sociale les forcerait à vivre selon la sociabilité française dans leur quartiers.]
Le problème est justement que ces allogènes ont beau ne pas vivre selon la sociabilité française, ils n’ont pas réussi à recréer la sociabilité de leurs pays d’origine.]
Le fait est qu’ils ont leur sociabilité propre. Après, s’ils n’ont que partiellement réussi à recréer la sociabilité de leur pays d’origine, ils s’en réfèrent à celle de l’oumma. Ces populations, y compris dans leurs pays d’origine, subissent ce que j’appelle une « mac-halalisation », à savoir un mélange de l’orthopraxie islamique avec la sous-culture américaine. On peut manger de la fast-food à condition qu’elle soit halal. A contrario, les pratiques culturelles desdits pays, si elles sont incompatibles avec cette orthopraxie, sont bannies. On le voit avec le combat contre la danse du ventre que pratiquent les autorités égyptiennes.
[La sociabilité des quartiers est une sociabilité dysfonctionnelle, qui ne permet pas aux gens de s’épanouir. C’est pourquoi la sociabilité française peut être un pôle d’attraction pour peu qu’on se donne les moyens.]
Mais la sociabilité dans leurs pays d’origine est elle aussi très largement dysfonctionnelle.
Qui plus est, quand ils quittent leurs « quartiers » pour s’installer dans des quartiers plus « gaulois », ils n’abandonnent pas leurs us et coutumes alors qu’il n’y a plus de contrainte sociale. Dans la paisible commune où j’ai grandi, j’y vois désormais désormais des femmes voilées sans même qu’il y ait l’émergence de « quartiers » et l’hypermarché a maintenant son rayon halal (ce qui cocasse, c’est qu’il est juste à côté du rayon végan).
« Pour peu qu’on se donne les moyens » Quels moyens concrètement ?
[Comment réagiriez-vous Descartes si demain, on vous interdisait de boire de l’alcool (…)
Si j’habitais en Arabie Saoudite, je trouverais cela parfaitement normal. La légitimité pour imposer la sociabilité française à tous ceux qui qui veulent vivre en France est inscrite dans l’histoire.]]
Que vous soyez personnellement prêt à vous conformer à la sociabilité exigée par le souverain de votre pays est une chose. Seulement je ne crois pas que le commun de l’humanité y soit prêt. On le voit bien avec la vigueur avec laquelle les autorités chinoises imposent leur sociabilité aux ouïghours.
[En 1789 les juifs de France étaient installés depuis des générations dans leurs ghettos, vivant leur sociabilité et obéissant à leurs lois. La Révolution puis l’Empire leur a imposé l’assimilation en échange de la citoyenneté, et cela s’est fait sans trop de problème.]
Seulement en 1789, outre le fait que je pense que les juifs étaient en demande d’assimilation en plus de n’être que quelques dizaines de milliers, les autorités de l’époque avaient la pleine citoyenneté à leur offrir en échange de l’abandon de leur sociabilité judaïque. Or en 2019, les individus des populations en question sont déjà pour la plupart citoyens français de plein droit…
@ François
[« Le problème est justement que ces allogènes ont beau ne pas vivre selon la sociabilité française, ils n’ont pas réussi à recréer la sociabilité de leurs pays d’origine. » Le fait est qu’ils ont leur sociabilité propre.]
Je ne suis pas persuadé. Il y a la vision romantique qui parle d’une sociabilité des quartiers comme on parlait naguère de la sociabilité des milieux criminels, supposés avoir leurs règles et leur « code d’honneur ». Mais dans la réalité, les quartiers sont plutôt des déserts sociaux. Une sociabilité c’est d’abord un ensemble de règles dont la collectivité impose le respect et qui permettent de réduire les tensions, protéger les individus et rendre possible l’échange organisé. La loi de la jungle ne constitue pas une « sociabilité ».
[Après, s’ils n’ont que partiellement réussi à recréer la sociabilité de leur pays d’origine, ils s’en réfèrent à celle de l’oumma.]
Oui, mais au-delà de la référence symbolique, que reste-t-il dans la réalité ? Je vais vous donner un exemple : on trouve des communautés qui ont une sociabilité forte, par exemple la communauté gitane. Autant on peut voler les « gadjos », les extérieurs à la communauté, autant qu’on veut. Mais le vol à un membre du groupe est sévèrement puni. Vous ne trouvez pas ce genre de fonctionnement dans les cités : les vols intra-communautaires sont quotidiens. Dans ces communautés, seul le rapport de force fait loi. Tout le contraire d’une sociabilité.
[« La sociabilité des quartiers est une sociabilité dysfonctionnelle, qui ne permet pas aux gens de s’épanouir. C’est pourquoi la sociabilité française peut être un pôle d’attraction pour peu qu’on se donne les moyens. » Mais la sociabilité dans leurs pays d’origine est elle aussi très largement dysfonctionnelle.]
Je ne vois pas très bien en quoi.
[« Pour peu qu’on se donne les moyens » Quels moyens concrètement ?]
Ceux de l’assimilation : accès strictement méritocratique aux emplois en échange de l’adoption de la sociabilité du pays. Et pour ceux qui n’acceptent pas ce pacte, le départ.
[Que vous soyez personnellement prêt à vous conformer à la sociabilité exigée par le souverain de votre pays est une chose. Seulement je ne crois pas que le commun de l’humanité y soit prêt.]
C’est bien mon point. L’assimilation ne peut être un geste strictement volontaire. Elle doit être imposée par une pression sociale.
[Seulement en 1789, outre le fait que je pense que les juifs étaient en demande d’assimilation en plus de n’être que quelques dizaines de milliers, les autorités de l’époque avaient la pleine citoyenneté à leur offrir en échange de l’abandon de leur sociabilité judaïque. Or en 2019, les individus des populations en question sont déjà pour la plupart citoyens français de plein droit…]
A la fin du XVIIIème siècle, les juifs n’étaient pas « en demande d’assimilation ». Ils auraient été ravis de bénéficier d’une intégration à la citoyenneté tout en conservant leur statut personnel. Pourquoi croyez-vous que Clermont-Tonnerre ait cru nécessaire de fixer les termes du deal ? Pourquoi croyez vous que Napoléon ait jugé nécessaire de confronter la collectivité juive avec les « douze questions » qui aboutissaient en pratique à conditionner l’octroi de la citoyenneté à l’assimilation ? La question s’est d’ailleurs posée dans les mêmes termes lors des décrets Crémieux, qui offraient le même choix aux musulmans… qui ne l’ont pas accepté.
Pour ce qui concerne votre dernière remarque, si les individus en question sont en droit citoyens français, on ne peut que noter – et ce sont les intéressés qui le disent le plus fort – qu’ils ne sont pas « pleinement » français… La question de leur “assimilation” se pose dans les mêmes termes que se posait la question de “l’assimilation intérieure” des paysans patoisants par la IIIème République.
Il y a UNE sociabilité Française, et pas “des” ? Entre un bourgeois et un ouvrier du nord il y a tant en commun culturellement ? Vraiment ?
Les sociabilités existantes en banlieues sont le produits d’une histoire particulière, pas franchement glorieuse, dans des conditions socio-économiques dégradés, dans un monde ou l’impuissance face aux dégâts économique règne. On imposera aucune forme de sociabilité commune entre les “allogènes” et les “chances pour la france” (comme si la France ne comportait pas de sécessionniste à commencer par la bourgeoisie, ou les faf qui ont une imagine totalement imaginaire de la France, sa culture et ses valeurs républicaine qui passent à la trappe; comme si tout les jeunes de banlieus étaient de pauvre con – et qu’il n’y avait pas les mêmes cassos partout ailleurs dans la société Française) qu’avec des mesures économiques fortes. L’intégration est un produit de la rencontre, de l’échange, du travail ensemble (c’est pour ça que ça se passe très bien dans les milieux CSP+, ce qui tend en effet à les déconnecter de réalités plus complexes… Le rapport à l’immigration n’est point le même).
@ Yoann Kerbrat
[Il y a UNE sociabilité Française, et pas “des” ? Entre un bourgeois et un ouvrier du nord il y a tant en commun culturellement ? Vraiment ?]
Oui, vraiment. Pensez par exemple à ce qui se passait quand le bourgeois et l’ouvrier se trouvaient ensemble au service militaire. Ils avaient de quoi parler, ils avaient des choses à faire ensemble. La solidarité inconditionnelle entre le bourgeois et l’ouvrier français peut exister à cause de ça. Oui, il y a des tendances séparatistes à l’intérieur de la société française, mais on n’en est pas encore là.
[Les sociabilités existantes en banlieues sont le produits d’une histoire particulière, pas franchement glorieuse, dans des conditions socio-économiques dégradés, dans un monde ou l’impuissance face aux dégâts économique règne.]
Vous voulez dire la non-sociabilité des banlieues. Parce que l’un des grands problèmes des banlieues est précisément qu’il n’y a pas de véritable sociabilité. Ce sont plutôt les rapports de force qui y rythment la vie.
[l’avenir de la France étant ces paradis multiculturels que sont l’Afrique du Sud, le Liban…]
L’exemple est il bien choisi en ce moment ? Des manifestations d’une ampleur jamais vues se déroulent au Liban, qui visent plus ou moins à la fin de la structuration religieuse de la société, les manifestants souhaitant un état laïc…
En vrac et pas trop de temps :
On ne peut nier qu’il existe un lien d’opposition entre laïcité, égalité des sexes et les diverses manifestations d’islamisme, même si ce lien n’est pas direct et peut être contourné, Ainsi on dira qu’il peut être aussi de la liberté des femmes de se voiler, comme si une prescription s’appliquant à elles seules et son explicitation religieuse n’était pas une forme de discrimination sexuelle, elle même parfois intériorisée. Au passage, on notera que plus une religion revêt une forme « radicale», plus elle tend à encadrer jusqu’à la caricature les comportements de ses croyants, à ne leur laisser aucun espace de réflexion, de liberté… ennemis comme on le sait des abrutissants diktats et surtout qui a l’avantage pour les chefs communautaires de créer le fossé avec le reste de l’humanité. Pour finir mon propos, la laïcité qui est bien la séparation des institutions publiques d’avec les religieuses et les religions mais promeut aussi la liberté de conscience qui faisant de cette dernière, l’arbitre chez chacun ouvre l’esprit à tout un monde où la religion peut-être singulièrement absente.
« Le voile est d’abord un signe d’appartenance communautaire, et non religieuse. »
En fait d’appartenance à… une communauté religieuse.
« Pour cette femme, magrébin ou musulman sont synonymes (malgré les juifs ou les chrétiens d’Afrique du nord. »
J’ai l’impression que c’est bien plus compliqué : regardez les combats d’influence au CFCM entre Turcs, Algériens, Marocains etc.
Ce qui a de plus intolérable dans ces histoires de marquage vestimentaire, c’est souvent leur « non négociabilité » qui trahit l’enfermement quel qu’en soit le motif : purement religieux ou identitaire. C’est pourquoi il convient parfois d’interdire ( voile à l’école par ex) sans que cela ne soit suffisant,
La différence christianisme/islam c’est aussi que ce dernier à travers l’exemple de son « prophète » se construit dans l’unicité du chef de guerre-chef d’état-chef législateur.
@ morel
[Ainsi on dira qu’il peut être aussi de la liberté des femmes de se voiler, comme si une prescription s’appliquant à elles seules et son explicitation religieuse n’était pas une forme de discrimination sexuelle, elle même parfois intériorisée.]
Si vous entendez « discrimination » dans le sens de « faire une différence », c’est une tautologie. De la même manière que la règle envoyant exclusivement les individus de sexe masculin à la guerre était une « discrimination ». Etre homosexuel ou hétérosexuel c’est une forme de discrimination, puisqu’on ne s’accouple qu’avec un sexe à l’exclusion de l’autre. Seuls les bisexuels ne discriminent pas…
[« Le voile est d’abord un signe d’appartenance communautaire, et non religieuse. » En fait d’appartenance à… une communauté religieuse.]
Dans la mesure où l’on peut appartenir à cette « communauté religieuse » sans porter le voile, je vois mal comment le voile pourrait être le signe d’appartenance à une « communauté religieuse ». Alors, que veulent nous dire les femmes voilées ? Non pas qu’elles sont musulmanes – puisqu’il y a des musulmanes sans voile – mais qu’elles appartiennent à une communauté séparé, à une fraction particulière de la collectivité musulmane, à celle qui refuse la sociabilité française.
[Ce qui a de plus intolérable dans ces histoires de marquage vestimentaire, c’est souvent leur « non négociabilité » qui trahit l’enfermement quel qu’en soit le motif : purement religieux ou identitaire. C’est pourquoi il convient parfois d’interdire ( voile à l’école par ex) sans que cela ne soit suffisant,]
Tout à fait. Lorsque des gens estiment qu’il est plus essentiel de garder un carré de tissu sur la tête que d’aller à l’école, on peut parler d’enfermement sectaire.
[La différence christianisme/islam c’est aussi que ce dernier à travers l’exemple de son « prophète » se construit dans l’unicité du chef de guerre-chef d’état-chef législateur.]
Tout à fait. Jesus aurait probablement fait la même chose… si les romains n’avaient pas été là !
[Tout à fait. Jesus aurait probablement fait la même chose… si les romains n’avaient pas été là !]
Remarque intéressante… Effectivement, quand il a dit “Il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu”, il n’avait pas trop d’autres solutions pour s’en sortir, car s’il disait que l’obéissance à César était prioritaire, il réduisait son Dieu à pas grand chose, et s’il disait qu’il ne fallait rien devoir à César, il se faisait crucifier…
Du coup, la notion de séparation du temporel et du spirituel de la religion chrétienne viendrait non pas de Jésus, mais des romains, qui, en tolérant que les peuples soumis conservent leurs dieux, ont permis l’apparition de cette notion…
@ Vincent
[Remarque intéressante… Effectivement, quand il a dit “Il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu”, il n’avait pas trop d’autres solutions pour s’en sortir, car s’il disait que l’obéissance à César était prioritaire, il réduisait son Dieu à pas grand chose, et s’il disait qu’il ne fallait rien devoir à César, il se faisait crucifier…]
D’ailleurs, les docteurs de la loi juive qui lui posent cette question essayent d’obtenir une réponse « subversive » qui leur permettrait de dénoncer Jesus aux romains comme prêchant la sédition.
[Du coup, la notion de séparation du temporel et du spirituel de la religion chrétienne viendrait non pas de Jésus, mais des romains, qui, en tolérant que les peuples soumis conservent leurs dieux, ont permis l’apparition de cette notion…]
Tout à fait. Le christianisme porte dans sa doctrine la trace des conditions politiques dans lesquelles il est né et s’est développé au départ. Les premiers penseurs chrétiens ont dû réfléchir aux rapports entre le pouvoir religieux qu’ils exerçaient et un pouvoir civil qui leur était extérieur. Les juifs, réligion minoritaire et persécutée pendant deux millénaires, ont eux aussi eu le temps de réfléchir à la question. L’Islam, au contraire, concentre dès le début en une seule main le pouvoir civil et le pouvoir religieux avec le califat.
« Si vous entendez « discrimination » dans le sens de « faire une différence », c’est une tautologie. »,
Discrimination, latin discriminus, séparation, ce qui s’applique tout à fait en matière d’obligation faite aux femmes de porter le voile mais aussi avec ce sens de traiter de manière défavorable. C’est pourquoi j’explicite son contenu religieux , qui s’appliquait aussi aux chrétiennes dans l’histoire : la chevelure des femmes est un attribut important de la séduction qui dérange les cafards religieux : les femmes sont donc sommées de la cacher, de faire preuve de soumission, d’obéissance, accusées systématiquement de vouloir provoquer les hommes, de mettre le feu… Les bigots mahométants parlent de « pudeur » (curieux jeu de malades sur-sexualisant la chevelure), de « modestie ».
Le fait que des femmes elles-mêmes, intègrent ces propos, n’enlèvent rien à l’aliénation.
« Dans la mesure où l’on peut appartenir à cette « communauté religieuse » sans porter le voile, je vois mal comment le voile pourrait être le signe d’appartenance à une « communauté religieuse »,
Il ne vous aura pas échappé que les femmes portant le voile n’appartiennent pas à tout à fait à la même communauté religieuse que celles ne le portant pas mais le danger vient de la force d’entraînement actuel du courant salafiste qui produit un « continuum » dans l’ensemble de la communauté musulmane. Voyez la suite de sondages inquiétants au fil du temps réalisés chez les adeptes de cette religion. La montée des visions rigoristes souligne par ailleurs l’irresponsabilité totale des idiots utiles de l’islamisme.
« Jesus aurait probablement fait la même chose… si les romains n’avaient pas été là ! »
Je suis pour ma part, persuadé que le totalitarisme est une tentation lourde de toute religion, c’est pourquoi il faudrait que tout un chacun puisse enfin comprendre quel précieux et fragile héritage nous ont laissé nos prédécesseurs : la laïcité et quel pays sinon le nôtre est allé aussi loin en la matière !
@ morel
[les femmes sont donc sommées de la cacher, de faire preuve de soumission, d’obéissance, accusées systématiquement de vouloir provoquer les hommes, de mettre le feu…]
Mais les hommes sont eux aussi « sommés de se cacher ». Que je sache, aucun pays chrétien ne permet aux hommes de se promener avec leurs attributs sexuels à l’air. Je ne suis pas assez calé en anthropologie pour vous dire pourquoi il en est ainsi, mais toutes les civilisations régulent ce que les femmes ET LES HOMMES peuvent montrer, et ce qu’ils doivent cacher. Le fait de cacher certaines parties du corps – ou d’imposer des obligations équivalentes – n’est pas exclusivement au détriment des femmes. En quoi l’obligation de porter le voile est-elle plus « discriminante » que l’obligation de porter la barbe ?
[« Dans la mesure où l’on peut appartenir à cette « communauté religieuse » sans porter le voile, je vois mal comment le voile pourrait être le signe d’appartenance à une « communauté religieuse » Il ne vous aura pas échappé que les femmes portant le voile n’appartiennent pas à tout à fait à la même communauté religieuse que celles ne le portant pas]
Non, cela ne m’a pas frappé. Je pensais que toutes deux appartenaient à la communauté musulmane. Je veux bien admettre que les musulmanes voilées et les musulmanes non voilées appartiennent à des communautés différentes, mais ce qui différentie ces communautés n’est pas la religion.
[mais le danger vient de la force d’entraînement actuel du courant salafiste qui produit un « continuum » dans l’ensemble de la communauté musulmane. Voyez la suite de sondages inquiétants au fil du temps réalisés chez les adeptes de cette religion. La montée des visions rigoristes souligne par ailleurs l’irresponsabilité totale des idiots utiles de l’islamisme.]
Oui, mais vous noterez une montée générale des « rigorismes » de toute espèce. C’est vrai chez les juifs, par exemple, ou les communautés haredim reprennent le poil de la bête. C’est aussi vrai chez les végans, chez les féministes, chez les gauchistes… nous vivons une époque de fanatismes.
[Je suis pour ma part, persuadé que le totalitarisme est une tentation lourde de toute religion, c’est pourquoi il faudrait que tout un chacun puisse enfin comprendre quel précieux et fragile héritage nous ont laissé nos prédécesseurs : la laïcité et quel pays sinon le nôtre est allé aussi loin en la matière !]
100% d’accord !
« En quoi l’obligation de porter le voile est-elle plus « discriminante » que l’obligation de porter la barbe ? »
Très honnêtement, je suis loin d’être expert es religion et ne sais si le port de barbe est une obligation mais si c’est le cas, dont acte mais il nous faut dépasser le détail : l’islam définit par un ensemble de règles ce qui s’apparente à un statut de la femme qui ne semble guère enviable et, si le voile en est un détail, il n’en fait pas moins partie de cet ensemble.
« Je veux bien admettre que les musulmanes voilées et les musulmanes non voilées appartiennent à des communautés différentes, mais ce qui différencie ces communautés n’est pas la religion. »
Oui, mais l’interprétation des règles et obligations de cette religion mais au-delà, à quelques exceptions près, je crois que l’expression de refus explicite du voile par des gens extérieurs à cette religion, rencontre la condamnation quasi-unanime sous le prétexte fallacieux « d’islamophobie ».
« mais vous noterez une montée générale des « rigorismes » de toute espèce. C’est vrai chez les juifs, par exemple, ou les communautés haredim reprennent le poil de la bête. C’est aussi vrai chez les végans, chez les féministes, chez les gauchistes… nous vivons une époque de fanatismes. »
C’est vrai et aussi inquiétant. J’enrage que le combat social, bien plus important que toutes ces bêtises aliénantes ne soit pas porté à leur place (sans fanatisme : c’est non seulement une question d’humanité mais aussi d’efficacité).
La détresse religieuse est, pour une part, l’expression de la détresse réelle et, pour une autre, la protestation contre la détresse réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple. L’abolition de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est l’exigence que formule son bonheur réel. Exiger qu’il renonce aux illusions sur sa situation c’est exiger qu’il renonce à une situation qui a besoin d’illusions. La critique de la religion est donc en germe la critique de cette vallée de larmes dont la religion est l’auréole.”
Oui, Marx a encore bien des choses à nous dire !
Bonsoir cher Descartes.
Encore Merci , pour la qualité de vos textes et de votre blog.
Pour moi il est temps que la laïcité soit respectée.
Ni croix ni bure ni cornette ni kipa ni voile ni Burns lors d’activités scolaires.
Ni parti chrétien , musulman ou bouddhiste.
Pas de confétionnalisme aux élections.
Les monothéistes complotent entre eux,se soutiennent et veulent abolir la gueuse laïque,qu’est notre admirable et chère République.
Bonjour Descartes,
Merci pour cet article et pour la hauteur de vue dont vous faites preuve !
Je me permets de rebondir sur un détail (qui a en réalité son importance) de nature juridique.
“Ce n’est pas une question de droit des femmes parce que les femmes qui se voilent le font volontairement, et qu’il est absurde de défendre le « droit » d’une personne à faire ce qu’elle ne souhaite elle-même pas faire.”
Ce n’est pas si absurde que cela. Vous n’êtes peut-être pas sans savoir que le Conseil d’État a consacré le principe de dignité humaine au titre d’une des composantes de l’ordre public. Il s’agit donc d’un moyen de contraindre la liberté individuelle. Cette composante avait ainsi été employée par le juge en 1995, dans la fameuse affaire du “lancer de nain”, pour empêcher cette pratique, alors même que le principal intéressé y consentait. Or, par la suite, à l’occasion de l’affaire Dieudonné de 2014, le même Conseil d’État en est venu à rattacher le principe de la dignité humaine à la Déclaration des droits de l’Homme. Autrement dit, ce principe présente un double visage : à la fois une liberté (dont sont titulaires les citoyens) et une composante de l’ordre public (utilisable par l’autorité de police compétente).
Il n’est donc pas complètement idiot de considérer qu’au nom d’une forme de dignité (en particulier celle de la femme), qui est un des fondements de notre société libérale, il faille contraindre les individus à adopter un comportement qui en soit respectueux, quitte à ce que cela empiète sur leur liberté individuelle. Il ne me semble donc pas délirant de soutenir que le voile, parce qu’il véhicule l’image dégradante d’une femme dont il faudrait amputer l’apparence au motif qu’elle serait à l’origine des de tous les vices charnels, devrait être limité au nom de cette dignité. Il s’agit ici non pas seulement de préserver le caractère agréable de la vie en société, mais aussi d’empêcher une dégradation de la femme au travers de symboles qui ne correspondent pas à l’idéal républicain d’émancipation et d’égalité.
Je comprends donc et adhère à votre point de vue “extra-juridique”, mais je ne crois pas que la question des droits de la femme (contrairement à celle de la laïcité) puisse être totalement exclue du débat.
@ Advocare
[Ce n’est pas si absurde que cela. Vous n’êtes peut-être pas sans savoir que le Conseil d’État a consacré le principe de dignité humaine au titre d’une des composantes de l’ordre public. Il s’agit donc d’un moyen de contraindre la liberté individuelle. Cette composante avait ainsi été employée par le juge en 1995, dans la fameuse affaire du “lancer de nain”, pour empêcher cette pratique, alors même que le principal intéressé y consentait.]
Vous avez tout à fait raison. Selon cette jurisprudence, un acte attentatoire contre la dignité humaine est illicite quand bien même la personne y consentirait. Mais ce n’est pas une véritable innovation. Ainsi, on avait déjà appliqué ce principe à l’intégrité du corps humain : une mutilation, une blessure ne devient pas licite du fait que celui qui la subit y consent. En France – ce n’est pas le cas ailleurs – la liberté est toujours limitée par l’ordre public. D’ailleurs, la plupart des penseurs libéraux ont souligné combien la Déclaration de 1789 s’éloigne des idées libérales de ce fait.
[Il ne me semble donc pas délirant de soutenir que le voile, parce qu’il véhicule l’image dégradante d’une femme dont il faudrait amputer l’apparence au motif qu’elle serait à l’origine des de tous les vices charnels, devrait être limité au nom de cette dignité.]
Ce n’est pas ce que j’ai dit. Ma formule était qu’il était absurde de constituer un « droit » en faveur d’une catégorie qui ne souhaite pas l’exercer. Et par conséquence, le voile n’est pas une question du « droit des femmes », même si on peut considérer que c’est une question du statut de la femme.
[Il s’agit ici non pas seulement de préserver le caractère agréable de la vie en société, mais aussi d’empêcher une dégradation de la femme au travers de symboles qui ne correspondent pas à l’idéal républicain d’émancipation et d’égalité.]
On pourrait en discuter. Mais dans ce cas, vous aboutissez à une position bien plus extrême. Si le voile est attentatoire à la dignité de la personne, alors il devrait être interdit MEME DANS LES LIEUX PRIVES. Est-ce raisonnable d’aller aussi loin ?
[Je comprends donc et adhère à votre point de vue “extra-juridique”, mais je ne crois pas que la question des droits de la femme (contrairement à celle de la laïcité) puisse être totalement exclue du débat.]
Je persiste. Les femmes ont déjà le « droit » de se dévoiler. Et si elles ne le font pas, ce n’est pas à cause d’une question juridique, mais d’une question sociale.
“Mais ce n’est pas une véritable innovation. Ainsi, on avait déjà appliqué ce principe à l’intégrité du corps humain : une mutilation, une blessure ne devient pas licite du fait que celui qui la subit y consent. En France – ce n’est pas le cas ailleurs – la liberté est toujours limitée par l’ordre public. D’ailleurs, la plupart des penseurs libéraux ont souligné combien la Déclaration de 1789 s’éloigne des idées libérales de ce fait.”
Exact, mais l’important dans mon propos était la jurisprudence de 2014 qui avait érigé cette composante de l’ordre public en composante des droits et libertés protégées au titre de la DDHC. Le concept de dignité humaine ne se rattache donc pas seulement à l’ordre public mais également à la liberté des individus.
“Ma formule était qu’il était absurde de constituer un « droit » en faveur d’une catégorie qui ne souhaite pas l’exercer. Et par conséquence, le voile n’est pas une question du « droit des femmes », même si on peut considérer que c’est une question du statut de la femme.”
D’où l’importance du rattachement de la dignité à la DDHC. Il ne s’agit pas de défendre le droit des femmes à se dévoiler, mais le droit des femmes à ce que leur dignité soit préservée. Je ne sais pas vous, mais quand je vois une voilée, ça ne me renvoie pas une image très positive de la femme en général. Et si j’étais une femme, j’aimerais peut-être qu’une telle image cesse d’être véhiculée, en tout cas dans notre République.
On peut éventuellement questionner le point de savoir si on ne protège que la liberté de la femme, ou la liberté de tous les citoyens de manière générale, la dignité humaine étant par essence universelle. Mais à mon sens la question des libertés ne peut pas être totalement écartée, ne serait-ce que parce qu’elles sont essentielles à la sociabilité dont vous parlez.
“On pourrait en discuter. Mais dans ce cas, vous aboutissez à une position bien plus extrême. Si le voile est attentatoire à la dignité de la personne, alors il devrait être interdit MEME DANS LES LIEUX PRIVES. Est-ce raisonnable d’aller aussi loin ?”
Au contraire, la protection de la dignité humaine ne trouve à s’appliquer que dans les espaces publics. Dans l’affaire du lancer de nain par exemple, il s’agissait d’une discothèque. Mais il aurait été par exemple impossible au pouvoir de police de prendre une mesure interdisant la pratique dans une demeure privée, fermée au public. Autrement dit, ce qu’on veut empêcher c’est avant tout l’exposition des autres à une image dégradante de l’être humain. C’est cette dimension publique qui justifie des mesures restrictives. Sinon, comme vous le soulignez, l’atteinte à la liberté serait disproportionnée.
Il en va de même pour le voile. A titre personnel je ne suis pas nécessairement favorable à l’interdiction absolue du voile dans les espaces publics, parce que je pense que le droit ne peut pas tout régler. Toutefois, vous serez d’accord pour dire que le propre du droit est de sanctionner les évolutions sociales, de coller à elles et de les inclure dans un système rationnel donc susceptible de les légitimer. Il n’est par conséquent pas vain de réfléchir à la forme juridique que pourrait prendre la “pression sociale” à laquelle vous appelez. Vous remarquerez d’ailleurs que sans fondement juridique, une telle pression serait rapidement assimilée à une discrimination. Si l’on ne peut s’appuyer ni sur la liberté ni sur l’ordre public, rien ne pourrait contrebalancer la sanction à laquelle s’exposerait un comportement semblable à celui de Julien Odoul.
@ Advocare
[Exact, mais l’important dans mon propos était la jurisprudence de 2014 qui avait érigé cette composante de l’ordre public en composante des droits et libertés protégées au titre de la DDHC. Le concept de dignité humaine ne se rattache donc pas seulement à l’ordre public mais également à la liberté des individus.]
Vous noterez que la décision de 2014 n’est qu’une décision du juge des référés, et que la valeur jurisprudentielle d’une décision de référé est relativement mince. La décision de référence reste donc l’arrêt « Commune de Morsang-sur-Orge » de 1995, qui est une décision d’assemblée, et qui rattache clairement la dignité humaine à l’ordre public.
[D’où l’importance du rattachement de la dignité à la DDHC. Il ne s’agit pas de défendre le droit des femmes à se dévoiler, mais le droit des femmes à ce que leur dignité soit préservée. Je ne sais pas vous, mais quand je vois une voilée, ça ne me renvoie pas une image très positive de la femme en général. Et si j’étais une femme, j’aimerais peut-être qu’une telle image cesse d’être véhiculée, en tout cas dans notre République.]
Mais dans ce cas, vous n’avez qu’à enlever le voile, puisque la loi vous le permet. Je ne souhaite pas faire de l’Etat le juge des « images » que les gens donnent d’eux-mêmes.
[On peut éventuellement questionner le point de savoir si on ne protège que la liberté de la femme, ou la liberté de tous les citoyens de manière générale, la dignité humaine étant par essence universelle. Mais à mon sens la question des libertés ne peut pas être totalement écartée, ne serait-ce que parce qu’elles sont essentielles à la sociabilité dont vous parlez.]
Ce qu’on défend à mon sens, c’est l’ordre public. Le fait qu’une communauté se mette en dehors de la collectivité nationale et prétende vivre selon ses règles et refuser la sociabilité avec le reste est pour moi une menace d’abord à l’ordre public. Il ne menace les libertés que parce que l’ordre public est la condition de l’exercice de ces dernières.
[“On pourrait en discuter. Mais dans ce cas, vous aboutissez à une position bien plus extrême. Si le voile est attentatoire à la dignité de la personne, alors il devrait être interdit MEME DANS LES LIEUX PRIVES. Est-ce raisonnable d’aller aussi loin ?” Au contraire, la protection de la dignité humaine ne trouve à s’appliquer que dans les espaces publics.]
Je n’en suis pas persuadé. Je doute que vous puissiez organiser un « lancer de nain » dans un restaurant d’entreprise, qui est pourtant un lieu privé. Les injures prononcées devant témoins, quand bien même elles seraient prononcées dans un lieu privé – par exemple, le lieu de travail – sont punies par la loi, ce qui laisse à penser que la protection de la dignité des personnes ne se réduit pas aux lieux publics.
[Dans l’affaire du lancer de nain par exemple, il s’agissait d’une discothèque. Mais il aurait été par exemple impossible au pouvoir de police de prendre une mesure interdisant la pratique dans une demeure privée, fermée au public. ]
Vous noterez que rien, dans la décision « Morsang sur Orge » ne limite la décision à un lieu public. Et que d’autres actes considérés attentatoires à la dignité humaine (par exemple, l’asservissement ou l’esclavage) sont illégales même commises dans un lieu privé.
[Autrement dit, ce qu’on veut empêcher c’est avant tout l’exposition des autres à une image dégradante de l’être humain. C’est cette dimension publique qui justifie des mesures restrictives. Sinon, comme vous le soulignez, l’atteinte à la liberté serait disproportionnée.]
Je n’en suis pas persuadé. Si une exhibition peut être dégradante, tout ce qui est dégradant n’est pas forcément une exhibition.
[Vous remarquerez d’ailleurs que sans fondement juridique, une telle pression serait rapidement assimilée à une discrimination.]
Oui, mais je vois dans cette assimilation un cancer social qu’on ne guérira pas en transformant toute norme en règle juridique. Oui, il faut assumer que notre société « discrimine » entre les gens polis et les gens malpolis, entre les travailleurs et les fainéants, entre les gens honnêtes et les gens malhonnêtes. En d’autres termes, qu’il y a des « discriminations justes », qui sont indispensables pour que la société puisse encourager certains comportements et décourager d’autres sans passer par le juge. Aussi longtemps qu’on n’aura admis et fait admettre ce principe, on ira vers une société de plus en plus juridicisée, jusqu’au jour où l’on n’osera pas sortir de chez soi sans avocat. Ce qui, sans vouloir vous offenser, ferait l’affaire d’abord des avocats.
[Si l’on ne peut s’appuyer ni sur la liberté ni sur l’ordre public, rien ne pourrait contrebalancer la sanction à laquelle s’exposerait un comportement semblable à celui de Julien Odoul.]
Dans ce cas, quand fera-t-on une loi obligeant les gens à dire « bonjour » en montant dans le bus ?
“Je n’en suis pas persuadé. Je doute que vous puissiez organiser un « lancer de nain » dans un restaurant d’entreprise, qui est pourtant un lieu privé. Les injures prononcées devant témoins, quand bien même elles seraient prononcées dans un lieu privé – par exemple, le lieu de travail – sont punies par la loi, ce qui laisse à penser que la protection de la dignité des personnes ne se réduit pas aux lieux publics.”
Oui, sauf qu’un lieux privé peut être un “espace public” dès lors qu’il est ouvert au public. C’est pour cela qu’il est interdit de fumer dans certains lieux privés, comme les casinos ou les hôtels, alors qu’il est loisible de le faire chez soi. C’est aussi pour cela qu’on a pu interdire le port du voile intégral, le Conseil constitutionnel jugeant que l’atteinte à la liberté était proportionnée dès lors qu’elle se limitait aux espaces publics (avec une réserve concernant les espaces cultuels).
L’ordre public, comme son nom l’indique, vise à prévenir des troubles *publics*. Il n’est donc pas question d’interdire le voile de façon absolue. Et de toutes façons les mesures de protection de l’ordre public peuvent toujours prévoir des dérogations pour les espaces privés, notamment intimes ou cultuels. Ce n’est donc pas un véritable problème.
Quant à la question de savoir si la dignité est une liberté, je pense, comme vous l’avez souligné, que la dignité doit être préservée parce qu’elle est la source des libertés. C’est là l’essentiel. Le reste de la question relève surtout de l’ergotage juridique.
En revanche est plus intéressante la question de l’immixtion du droit dans les rapports sociaux. J’adhère totalement à votre critique de la juridicisation de la société, qui est à mon sens l’avatar de l’extrême individualisation de celle-ci. La disparition des institutions formant un cadre de vie collective entraîne nécessairement la disparition des devoirs moraux et des rapports naturels existant entre les membres de la société. Dès lors qu’il n’existe plus de tels liens d’interdépendance, les seules obligations qui subsistent sont régies par les intérêts privés (personnels ou communautaires), lesquels ne peuvent être arbitrés que par le droit.
Cet état de fait est déplorable, mais il existe bel et bien. Et dans certaines situations il faut savoir combattre le feu par le feu. Comment voulez-vous maintenir un rejet du voile dans la société dès lors que ce comportement risque de tomber sous le coup de la sanction juridique, si ce n’est en se prévalant d’une règle de valeur supérieure ? Sur ce point, vous êtes nécessairement d’accord avec moi puisque vous rappelez vous-même que “ce qu’on défend à mon sens, c’est l’ordre public”.
“[Si l’on ne peut s’appuyer ni sur la liberté ni sur l’ordre public, rien ne pourrait contrebalancer la sanction à laquelle s’exposerait un comportement semblable à celui de Julien Odoul.]
Dans ce cas, quand fera-t-on une loi obligeant les gens à dire « bonjour » en montant dans le bus ?”
Vous voyez bien que les deux situations ne se situent pas sur le même plan. Assimiler le port du voile à une méconnaissance des règles de vie en société est une évidence pour vous, mais pour beaucoup de gens ça ne l’est pas. Pour beaucoup (à tort ou à raison), le voile est avant tout un signe religieux, et exercer une discrimination (surtout de la part d’un élu) sur le fondement d’un tel critère revient à discriminer systématiquement UNE religion en particulier. Vous voyez bien que le droit s’immisce beaucoup plus facilement dans ce cas de figure que s’il s’était agit d’une règle de politesse ordinaire.
Est-ce donc réellement la manifestation d’une juridicisation de la société ? Et même si c’était le cas, doit-on pour autant se priver d’une réflexion sur le cadre juridique pour ne pas entrer dans le jeu des communautaristes, ou faut-il au contraire être pragmatique en répondant sur le terrain du droit ? Ce sont de vraies questions que je me pose.
@ Advocare
[“Je n’en suis pas persuadé. Je doute que vous puissiez organiser un « lancer de nain » dans un restaurant d’entreprise, qui est pourtant un lieu privé. Les injures prononcées devant témoins, quand bien même elles seraient prononcées dans un lieu privé – par exemple, le lieu de travail – sont punies par la loi, ce qui laisse à penser que la protection de la dignité des personnes ne se réduit pas aux lieux publics.” Oui, sauf qu’un lieux privé peut être un “espace public” dès lors qu’il est ouvert au public.]
Mon expression était malheureuse. Un restaurant d’entreprise est un « espace privé » (puisque l’accès est réservé à une certaine catégorie de personnes). Pourtant, je doute que vous puissiez organiser un « lancer de nain » dans un tel espace.
[L’ordre public, comme son nom l’indique, vise à prévenir des troubles *publics*.]
Non. Même si vous violez une femme dans votre chambre à coucher – lieu privé s’il en est – les dispositions d’ordre public du Code pénal s’appliquent. Ce n’est pas parce qu’un acte se déroule dans un espace privé qu’il est par nature dans la sphère privée, et l’Etat peut parfaitement régler par des dispositions d’ordre public ce que vous pouvez ou ne pouvez pas faire dans votre espace privé. Une loi interdisant le voile dans l’espace privé ne serait donc inconstitutionnelle par essence, même si elle le serait probablement par disproportion entre l’atteinte à la liberté et le but poursuivi.
[En revanche est plus intéressante la question de l’immixtion du droit dans les rapports sociaux. J’adhère totalement à votre critique de la juridicisation de la société, qui est à mon sens l’avatar de l’extrême individualisation de celle-ci. La disparition des institutions formant un cadre de vie collective entraîne nécessairement la disparition des devoirs moraux et des rapports naturels existant entre les membres de la société. Dès lors qu’il n’existe plus de tels liens d’interdépendance, les seules obligations qui subsistent sont régies par les intérêts privés (personnels ou communautaires), lesquels ne peuvent être arbitrés que par le droit.]
Je partage votre analyse jusqu’à un certain point. Le point de désaccord est la question de l’interdépendance : je pense au contraire que nous n’avons jamais été, au cours de l’histoire de l’humanité, aussi interdépendants les uns des autres. A tel point que son contraire, l’autarcie (produire son énergie, cultiver ses légumes, fabriquer ou réparer ses équipements), devient un véritable fantasme social. Non, la juridisation de la société est la conséquence d’un type d’individualisme bien particulier, qui s’est imposé graduellement à partir de la fin des années 1960, celui d’un individu infantile et donc tout-puissant. Nous sommes dans une société qui idéalise celui qui « s’affranchit des règles » (dans ses différentes figures : le créateur, l’aventurier, le lanceur d’alerte…). Règles qu’on conçoit toujours comme un carcan inutile, et non sous leur aspect organisateur et créateur.
C’est de là que vient la juridisation paradoxale de notre société : c’est une juridisation sans règle. Nous voulons que le juge règle nos conflits, mais nous voulons qu’il le fasse en appliquant une sorte de « sens commun », et non par l’application de la règle de droit. C’est ainsi qu’on voit des juges prononcer de plus en plus des décisions qui s’écartent du droit positif (voire la récente décision sur les « décrocheurs » invoquant un « état de nécessité »). Ce ne sont pas seulement les « devoirs moraux et les rapports naturels » qui disparaissent, ce sont les devoirs tout court.
[Cet état de fait est déplorable, mais il existe bel et bien. Et dans certaines situations il faut savoir combattre le feu par le feu. Comment voulez-vous maintenir un rejet du voile dans la société dès lors que ce comportement risque de tomber sous le coup de la sanction juridique, si ce n’est en se prévalant d’une règle de valeur supérieure ? Sur ce point, vous êtes nécessairement d’accord avec moi puisque vous rappelez vous-même que “ce qu’on défend à mon sens, c’est l’ordre public”.]
Je ne suis pas contre le fait qu’on règle certains problèmes par la loi. Mais dans le cas présent, je pense qu’une loi ne règle pas le problème. Ce serait une loi-alibi plutôt qu’une loi efficace, parce qu’elle ne serait pas appliquée. Si notre société était prête à imposer le dévoilement des femmes musulmanes dans l’espace public, on n’aurait pas besoin d’une loi. Le recours à la loi apparaît nécessaire précisément parce que la société voudrait que quelqu’un d’autre fasse le sale boulot.
[« Dans ce cas, quand fera-t-on une loi obligeant les gens à dire « bonjour » en montant dans le bus ? » Vous voyez bien que les deux situations ne se situent pas sur le même plan. Assimiler le port du voile à une méconnaissance des règles de vie en société est une évidence pour vous, mais pour beaucoup de gens ça ne l’est pas.]
Votre argument est bizarre. Ce n’est pas parce que le fait que les deux situations soient équivalentes « n’est pas une évidence » pour beaucoup de monde que ce n’est pas le cas. Il n’est pas évident pour beaucoup de monde que le diamant et le graphite soient deux formes d’un même élément, et pourtant c’est vrai.
[Pour beaucoup (à tort ou à raison), le voile est avant tout un signe religieux, et exercer une discrimination (surtout de la part d’un élu) sur le fondement d’un tel critère revient à discriminer systématiquement UNE religion en particulier.]
Vous voulez dire que les élus ne doivent dire que ce qui est approuvé par « beaucoup » ? Je pense qu’il y a là une confusion entre le politique et le publicitaire. Je ne demande pas aux élus de me dire ce que je veux entendre, je leur demande de me dire ce qu’ils pensent être bon et juste. Et je trouve personnellement effrayant qu’il faille se tourner vers l’extrême-droite pour entendre une opinion que beaucoup de gens partagent – à gauche comme à droite – mais que personne n’ose exprimer.
[Vous voyez bien que le droit s’immisce beaucoup plus facilement dans ce cas de figure que s’il s’était agit d’une règle de politesse ordinaire.]
Je n’ai pas dit le contraire. Mais non pas parce que les deux situations « ne seraient pas sur le même plan ». Deux actes de même nature peuvent être traités très différemment par le droit en fonction du contexte. On a condamné lourdement des gens qui ont passé des secrets à Moscou, alors que des gens qui l’ont fait au bénéfice de Washington non seulement n’ont pas été inquiétés, mais ont reçu pour leur peine la Légion d’honneur. Pourtant, dans le Code pénal, il s’agit dans les deux cas du même crime.
[Est-ce donc réellement la manifestation d’une juridicisation de la société ? Et même si c’était le cas, doit-on pour autant se priver d’une réflexion sur le cadre juridique pour ne pas entrer dans le jeu des communautaristes, ou faut-il au contraire être pragmatique en répondant sur le terrain du droit ? Ce sont de vraies questions que je me pose.]
Et ce sont des questions très légitimes. Mais j’ajoute un point à votre réflexion : ne dévalue-t-on pas la loi en dictant des dispositions qu’on n’est pas disposé à faire appliquer ?
“Mon expression était malheureuse. Un restaurant d’entreprise est un « espace privé » (puisque l’accès est réservé à une certaine catégorie de personnes). Pourtant, je doute que vous puissiez organiser un « lancer de nain » dans un tel espace.”
Tout à fait, dans l’arrêt de 1995 il s’agissait d’une discothèque, donc un lieu privé qui n’était pas ouvert à tous. Il s’agissait toutefois d’un espace public au sens large (non au sens du droit de propriété). Dès lors le maire a pu intervenir pour faire cesser le trouble.
“Non. Même si vous violez une femme dans votre chambre à coucher – lieu privé s’il en est – les dispositions d’ordre public du Code pénal s’appliquent. Ce n’est pas parce qu’un acte se déroule dans un espace privé qu’il est par nature dans la sphère privée, et l’Etat peut parfaitement régler par des dispositions d’ordre public ce que vous pouvez ou ne pouvez pas faire dans votre espace privé.”
Je crois que nous utilisons les mêmes termes mais sans parler de la même chose. Je parlais pour ma part de l’ordre public au sens du droit administratif, c’est-à-dire ce sur quoi se fondent les autorités de police générale (maire ou ministre) pour restreindre les libertés via des mesures administratives. Mais bien entendu il existe un “ordre public” au sens large, politique en quelque sorte, qui est en réalité une manifestation de l’intérêt général sous-tendant toute action de l’Etat. En ce sens, oui, bien entendu l’Etat peut intervenir pour régler des comportements strictement privés. Mais cela a peu à voir avec l’ordre public au sens de la police administrative, qui ne peut agir que pour prévenir des troubles dans la sphère publique, et non dans la sphère intime. Dans mon idée, la contrainte sur le voile ne s’exercerait donc que dans cet espace public. Mais il est en effet plus probable qu’une telle question soit tranchée par la loi.
“Le point de désaccord est la question de l’interdépendance : je pense au contraire que nous n’avons jamais été, au cours de l’histoire de l’humanité, aussi interdépendants les uns des autres.”
Je me suis peut-être mal exprimé. La mondialisation des échanges humains a en effet provoqué un niveau d’interdépendance inédit dans l’Histoire. Mais je pense que l’interdépendance que nous connaissons n’a rien à voir avec celle sur laquelle pouvait se fonder l’idéal de solidarité républicaine, dans les théories d’un Léon Bourgeois ou d’un Léon Duguit par exemples. L’interdépendance a aujourd’hui changé d’échelle, et ce changement tend à écarteler la sociabilité entre un niveau international – celui des classes supérieures mondialisées -, et un niveau beaucoup plus étroit ou du moins localisé, qu’on pourrait qualifié d’identitaire. Pour ce qui est du premier niveau, prenez l’élite parisienne ou new-yorkaise : elle ne dépend quasiment plus (ou en tout cas de moins en moins) du sort du prolétaire français ou américain. La compétition économique internationale (surtout déloyale), la division internationale du travail et l’ouverture des frontières suffisent à soutenir ses intérêts. Dans cette équation, le pauvre du pays développé n’a pas (ou n’a plus) sa place. Il n’y a donc plus d’interdépendance. De même, l’immigré n’a aucun intérêt à inculquer la culture de son pays d’accueil à ses enfants si sa communauté d’origine est suffisamment forte pour se perpétuer sans interagir avec le reste de la communauté nationale. Le contrecoup de ces deux phénomènes est l’apparition d’un identitarisme au sein même des pays développés, fondé sur une conception essentialiste et xénophobe de l’identité (le fameux “repli sur soi” qui, au bout du compte, n’est qu’une variante du communautarisme).
L’interdépendance entre les êtres humains s’est donc renforcée sous le régime de la mondialisation, oui, mais elle tend plus à former des communautés infra ou supra nationales qu’à renforcer les liens au sein de la nation. Je ne doute d’ailleurs pas un instant que les rapports de sociabilité et de solidarité entre les élites mondialisées ou les immigrés qui n’aspirent pas à intégrer la nation se portent à merveille.
Ce sont ces nouveaux rapports sociaux, reflets de la domination idéologie du couple libéralisme-individualisme, qui ont à mon sens sapé les liens d’interdépendance propre à la société (entendons société nationale-républicaine). Or c’est bien dans le vide laissé par la disparition de tels liens que viennent s’immiscer des rapports de nature juridique. C’est un peu comme un vieux couple divorcé qui aurait passé la moitié de sa vie ensemble et l’autre devant les tribunaux…
“Nous sommes dans une société qui idéalise celui qui « s’affranchit des règles » (dans ses différentes figures : le créateur, l’aventurier, le lanceur d’alerte…). Règles qu’on conçoit toujours comme un carcan inutile, et non sous leur aspect organisateur et créateur.
C’est de là que vient la juridisation paradoxale de notre société : c’est une juridisation sans règle. Nous voulons que le juge règle nos conflits, mais nous voulons qu’il le fasse en appliquant une sorte de « sens commun », et non par l’application de la règle de droit.”
Je ne suis pas tout à fait convaincu de cela. Peut-on vraiment parler d’un recul de la règle alors que le thème de l’inflation normative est aussi récurrent (et réel) ?
On peut à la rigueur parler d’une instrumentalisation croissante des normes par le juge, mais ce phénomène ne me semble pas nécessairement être le reflet d’une volonté individualiste d’échapper aux règles. Pour en revenir à notre fameux arrêt Morsang-sur-Orge, le juge avait fait preuve d’une instrumentalisation total des règles applicables au maintien de l’ordre public. Il n’avait jamais été dit ni écrit auparavant que la dignité en faisait partie. Et surtout, le juge a utilisé ce concept qui est par essence universel, alors que le pouvoir de police du maire ne peut par définition être employé que pour répondre à des circonstances locales. Ici le juge fait incontestablement prévaloir son “sens commun” sur la stricte règle juridique, parce que son sens commun lui dicte que jeter des nains pour faire rire la galerie n’est pas conforme à la conception qu’il se fait de la société. Et pourtant la décision tranche dans un sens clairement illibéral : la pratique est prohibée malgré le consentement de l’intéressé. Instrumentaliser la norme, ce n’est pas nécessairement chercher à s’en défaire. Cela peut aussi conduire à la renforcer.
Aussi noterez-vous que l’instrumentalisation de la règle ne la fait en rien disparaître. Je ne connaissais par exemple pas la décision sur les décrocheurs. Malgré le fait qu’elle soit scandaleusement politique (ce qui, soit dit en passant, nous rappelle à quel point le maintien de juridictions administratives seules capables de juger l’action publique est nécessaire pour préserver celle-ci), vous noterez qu’il s’agit bien d’une règle de droit qui est appliquée. Cette règle est outrancièrement instrumentalisée, certes, mais elle est tout de même appliquée. Je ne vois donc pas très bien de quelle “juridisation sans règle” vous voulez parler.
Ce que je perçois pour ma part c’est moins une recherche de l’affranchissement des règles qu’une recherche de *l’appropriation* des règles : chacun veut que la norme soit interprétée dans le sens de ses intérêts, c’est-à-dire dans une perspective essentiellement subjective et individualiste (là où par exemple le contentieux administratif était essentiellement fondé sur un critère objectif, c’est-à-dire le respect strict de la légalité). Le but n’est pas de supprimer la règle mais de s’en prévaloir pour défendre ses intérêts, ce qui est la conséquence nécessaire d’une société dépouillée des liens d’interdépendance qui en forment normalement la base.
“Mais dans le cas présent, je pense qu’une loi ne règle pas le problème. Ce serait une loi-alibi plutôt qu’une loi efficace, parce qu’elle ne serait pas appliquée.”
Sur ce point je vous rejoins totalement ! C’est pour cela, entre autres, que je ne suis pas nécessairement favorable à l’interdiction juridique du voile. J’ai déjà pu entendre des témoignages de policiers expliquant que la loi sur le burqa (dont le port est pourtant largement rejeté en France, y compris par la majorité des gauchistes) ne peut tout simplement pas être appliquée dans certaines situations. Ils ont beau repérer des femmes intégralement voilées, s’ils sont sur un quai de métro à Aubervilliers, procéder à une interpellation suscitera à coup sûr un plus grand trouble encore à l’ordre public (cette forme de dissuasion étant bien entendu intolérable).
“Votre argument est bizarre. Ce n’est pas parce que le fait que les deux situations soient équivalentes « n’est pas une évidence » pour beaucoup de monde que ce n’est pas le cas. Il n’est pas évident pour beaucoup de monde que le diamant et le graphite soient deux formes d’un même élément, et pourtant c’est vrai.”
Vous m’avez mal compris : ce que je voulais dire c’est que pour beaucoup de gens, il s’agira d’une discrimination fondée sur la religion. Que ce soit vrai ou non (pour autant qu’il y ait une vérité politique) n’est pas le problème : le fait est que ces gens se croiront fondés à engager une action en justice, et ce beaucoup plus facilement que s’il s’agissait d’un “bonjour”. Il y a une différence sur le plan des conséquences sociales. D’où la nécessité de se prémunir juridiquement contre de telles actions en justice, là où la question ne se poserait pas pour un “bonjour”.
“Vous voulez dire que les élus ne doivent dire que ce qui est approuvé par « beaucoup » ? Je pense qu’il y a là une confusion entre le politique et le publicitaire. Je ne demande pas aux élus de me dire ce que je veux entendre, je leur demande de me dire ce qu’ils pensent être bon et juste. Et je trouve personnellement effrayant qu’il faille se tourner vers l’extrême-droite pour entendre une opinion que beaucoup de gens partagent – à gauche comme à droite – mais que personne n’ose exprimer.”
Là encore, vous m’avez mal compris. Je ne suis certainement pas partisan de la confusion entre le politique et le “publicitaire”. Je n’ai jamais dit que les élus doivent dire seulement ce qui est approuvé par la multitude (horreur !). Encore une fois, je constate simplement qu’une telle situation (comme la séquence de l’accompagnatrice voilée) prête beaucoup plus facilement le flanc à une querelle juridique que s’il s’agissait d’une question de politesse “ordinaire”.
“Je n’ai pas dit le contraire. Mais non pas parce que les deux situations « ne seraient pas sur le même plan ». Deux actes de même nature peuvent être traités très différemment par le droit en fonction du contexte.”
Sauf mécompréhension de ma part, votre dernière phrase semble contredire l’avant-dernière : si les deux situations ne se situent pas (à mon sens) sur le même plan, c’est bien parce que le contexte est différent.
Porter un voile est un signe de rejet des règles de sociabilité françaises, mais c’est aussi un signe religieux, qui plus est d’une religion minoritaire (quoique). Ne pas dire bonjour est un rejet des règles de politesse “tout court” si je puis dire. La différence de contexte explique donc que les rapports sociaux soient beaucoup plus susceptibles de prendre une teneur juridique dans le premier cas, et non dans le second. Autrement dit, par votre exemple sur les règles de politesse, vous comparez l’incomparable.
Même si pour vous (et je suis d’accord sur ce point) le voile ne doit pas être appréhendé sous l’angle religieux, on ne peut nier que la question a une incidence sur une pratique religieuse. Il ne s’agit donc pas de faire une loi sur chaque règle de politesse, mais d’interroger l’équilibre entre d’une part une règle de sociabilité indispensable à la vie commune, et d’autre part la protection de la liberté de culte. Je suis personnellement plutôt favorable à faire prévaloir la première sur la seconde. Mais pour se prononcer en ce sens, il est bien indispensable d’analyser la question sous un angle juridique.
Je maintien donc mon scepticisme vis-à-vis du lien que vous attribuez entre cette question du voile et le problème (que je ne nie pas) de la judiciarisation de la société.
“j’ajoute un point à votre réflexion : ne dévalue-t-on pas la loi en dictant des dispositions qu’on n’est pas disposé à faire appliquer ?”
Je suis pour ma part un grand adepte de Portalis et je pense qu’il faudrait obliger nos parlementaires à lire, relire et apprendre par cœur le Discours préliminaire du Code civil… Et je souscris totalement à Retz pour qui “les lois désarmées tombent dans le mépris”.
Mais poussons l’interrogation plus loin : légifère-t-on parce que les lois sont aisées à exécuter, ou parce qu’il y a une nécessité de le faire ? Dans le premier cas, il est évident qu’on renoncera à adopter des dispositions chaque fois que leur application posera problème. Dans le second cas, on ne renoncera qu’aux lois qui ne sont pas nécessaires ; et les lois qui sont nécessaires seront impérativement mises en œuvre.
C’est pour cela que j’adhère également à votre opinion sur la nécessité de maintenir une forme de pression sociale : une loi n’est jamais aussi efficace dans sa mise en œuvre que lorsqu’elle est conforme aux mœurs. Mais, au bout du bout, dans un système légal-rationnel, on ne peut pas seulement compter sur la “spontanéité” des gens, et il est toujours préférable que les nécessités d’intérêt général soient garanties par des normes juridiques autrement légitimes que les demandes répétées d’un obscur élu local.
@ Advocare
[Je crois que nous utilisons les mêmes termes mais sans parler de la même chose. Je parlais pour ma part de l’ordre public au sens du droit administratif, c’est-à-dire ce sur quoi se fondent les autorités de police générale (maire ou ministre) pour restreindre les libertés via des mesures administratives. Mais bien entendu il existe un “ordre public” au sens large, politique en quelque sorte, qui est en réalité une manifestation de l’intérêt général sous-tendant toute action de l’Etat.]
Je pense que ces deux « ordres publics » sont une et même chose. Pourquoi voulez-vous les séparer ? Lorsque les autorités administratives exercent leur fonction de police générale, elles l’exercent dans le but de protéger l’intérêt général, au même titre que l’autorité politique lorsqu’elle légifère.
[En ce sens, oui, bien entendu l’Etat peut intervenir pour régler des comportements strictement privés.]
Il faut préciser : l’Etat est légitime à intervenir dans la sphère publique. La sphère privée lui est interdite. Mais il ne faut pas confondre « sphère privée » et « lieu privé ». Si par « comportement privé » vous entendez des comportements faisant partie de la sphère privée (par exemple, les opinions philosophiques ou religieuses ou les préférences sexuelles), alors l’Etat n’a aucune légitimité à intervenir. Si par contre vous entendez par « comportement privé » le comportement des individus dans un lieu privé, bien évidement l’Etat peut intervenir. Ainsi, l’Etat peut vous interdire de tuer ou de mutiler votre partenaire – puisque l’intégrité du corps humain et la vie font partie de la sphère publique. Mais l’Etat ne peut vous imposer le sexe de votre partenaire ou les orifices que vous souhaitez utiliser, puisque ces choix relèvent du privé.
[Mais cela a peu à voir avec l’ordre public au sens de la police administrative, qui ne peut agir que pour prévenir des troubles dans la sphère publique, et non dans la sphère intime. Dans mon idée, la contrainte sur le voile ne s’exercerait donc que dans cet espace public. Mais il est en effet plus probable qu’une telle question soit tranchée par la loi.]
Là encore, vous confondez « sphère publique » et « espace public ». L’ordre public, par définition, ne concerne que la sphère publique. La question ici posée est de savoir si le port du voile dans l’ESPACE public est ou non une question qui relève de la SPHERE publique et donc susceptible d’être réglementé en termes d’ordre public. On sait que la décence ou le port de certains symboles dans l’espace public, par exemple, est une question d’ordre public et que l’Etat est donc légitime à interdire la nudité, l’exhibition des parties génitales ou le port de croix gammées dans les lieux publics. Par contre, le choix de vos vêtements dans les limites de la décence est considéré comme relevant de la sphère privée, et une loi imposant aux hommes le port de la cravate ou interdisant aux femmes de porter du jaune avec du marron aurait toutes les chances d’être déclarée inconstitutionnelle.
Maintenant, quid du voile ? En tant que vêtement, le choix de le porter ou non relève clairement de la sphère privée, et son interdiction dans l’espace public est donc impossible. Par contre, si on le considère comme un symbole séparatiste, un emblème de la volonté d’une communauté de se scinder du reste de la nation, alors on peut considérer qu’il s’agit d’une question qui se place dans la sphère publique, et qui intéresse donc l’ordre public, puisque l’unité de la nation est explicitement abordée dans l’article 1er de la Constitution. Une loi sur ce fondement me paraît donc possible, même si pour les raisons que j’ai expliqué ailleurs je ne suis pas persuadé qu’elle soit souhaitable.
[“Le point de désaccord est la question de l’interdépendance : je pense au contraire que nous n’avons jamais été, au cours de l’histoire de l’humanité, aussi interdépendants les uns des autres.” Je me suis peut-être mal exprimé. La mondialisation des échanges humains a en effet provoqué un niveau d’interdépendance inédit dans l’Histoire.]
Ce n’est pas là la question. La véritable interdépendance ne se situe pas au niveau international, mais au niveau national, et tient à une division du travail de plus en plus poussée. A la Révolution, une majorité de français vivaient dans des communautés – la ferme, le village – presque autarciques. Un paysan savait réparer sa maison, élever des bêtes, cultiver la terre, produire de l’énergie pour cuisiner et se chauffer, réparer ou faire ses outils… Aujourd’hui, cela est clairement impossible : la complexité de notre société implique nécessairement une division poussée du travail, et donc une spécialisation et une concentration de la production. Personne n’est capable de fabriquer lui-même son téléphone portable ou produire son électricité sans aide extérieure. Le discours sur l’interdépendance qui aurait été amenée par la mondialisation occulte en fait une interdépendance croissante à l’intérieur même des sociétés.
[Mais je pense que l’interdépendance que nous connaissons n’a rien à voir avec celle sur laquelle pouvait se fonder l’idéal de solidarité républicaine, dans les théories d’un Léon Bourgeois ou d’un Léon Duguit par exemples.]
Bien sûr que si, voir ci-dessous. Je dépends de mon médecin, du réparateur de télé, des travailleurs de l’EDF ou de la SNCF, des travailleurs du pétrole… tous des gens qui sont mes concitoyens. Ne trouvez-vous pas qu’il y a de quoi fonder un idéal de solidarité républicaine bien plus fort que du temps ou les paysans vivaient cloîtrés dans des fermes dans une quasi-autarcie ?
Non, ce n’est pas dans une faible interdépendance – ou dans un éloignement de celle-ci qu’il faut chercher les causes du délitement de la solidarité républicaine. C’est plutôt dans une logique capitaliste qui réduit les rapports humains à des rapports d’argent. La solidarité n’a plus de sens dès lors que les rapports d’interdépendance sont monétisés. Dès lors, je ne dépends plus d’individus avec lesquels j’ai une certaine sociabilité, mais d’un marché.
[Pour ce qui est du premier niveau, prenez l’élite parisienne ou new-yorkaise : elle ne dépend quasiment plus (ou en tout cas de moins en moins) du sort du prolétaire français ou américain.]
Mais même lorsqu’elle en dépend – car l’électricité est aujourd’hui largement produite et les trains conduits par des prolétaires « nationaux » – elle ne se sent aucun lien de solidarité. C’est la monétisation des rapports qui veut ça : pourquoi dire « merci » alors qu’on a payé, et que ce paiement couvre le coût du service ?
[Ce sont ces nouveaux rapports sociaux, reflets de la domination idéologie du couple libéralisme-individualisme, qui ont à mon sens sapé les liens d’interdépendance propre à la société (entendons société nationale-républicaine). Or c’est bien dans le vide laissé par la disparition de tels liens que viennent s’immiscer des rapports de nature juridique. C’est un peu comme un vieux couple divorcé qui aurait passé la moitié de sa vie ensemble et l’autre devant les tribunaux…]
Là encore, je coïncide dans le constat mais non dans l’explication. Pour moi, c’est surtout la monétisation des rapports qui conduit à la juridisation. On ne peut pas exiger devant un juge l’amour de ses parents, mais on peut leur demander de l’argent.
[« C’est de là que vient la juridisation paradoxale de notre société : c’est une juridisation sans règle. Nous voulons que le juge règle nos conflits, mais nous voulons qu’il le fasse en appliquant une sorte de « sens commun », et non par l’application de la règle de droit. » Je ne suis pas tout à fait convaincu de cela. Peut-on vraiment parler d’un recul de la règle alors que le thème de l’inflation normative est aussi récurrent (et réel) ?]
Mais vous savez bien que l’inflation normative est une sorte de village Potemkine. On fait beaucoup de règles pour compenser le fait qu’elles ne sont pas appliquées, essentiellement parce qu’elles sont inapplicables. C’est le Conseil d’Etat je crois qui a dénoncé régulièrement dans ses rapports la multiplication de normes purement déclaratives. Pour le politique, faire une loi est devenu plus un moyen de montrer à l’opinion qu’on fait quelque chose qu’une véritable construction normative. On peut donc bien parler d’un recul de la règle.
[Pour en revenir à notre fameux arrêt Morsang-sur-Orge, (…). Instrumentaliser la norme, ce n’est pas nécessairement chercher à s’en défaire. Cela peut aussi conduire à la renforcer.]
Lorsque je parle de l’affaiblissement de la norme, je ne pense pas à l’arrêt « Morsang sur Orge » (qui après tout date d’un quart de siècle maintenant) mais plutôt des affaires plus récentes ou l’on a plaidé avec succès le droit de s’affranchir des règles au nom d’un intérêt supérieur subjectif.
[Aussi noterez-vous que l’instrumentalisation de la règle ne la fait en rien disparaître. Je ne connaissais par exemple pas la décision sur les décrocheurs. Malgré le fait qu’elle soit scandaleusement politique (ce qui, soit dit en passant, nous rappelle à quel point le maintien de juridictions administratives seules capables de juger l’action publique est nécessaire pour préserver celle-ci), vous noterez qu’il s’agit bien d’une règle de droit qui est appliquée.]
Vous êtes vous-même juriste. Vous savez donc combien il est facile de trouver une « règle de droit » qui avec un peu de gymnastique peut justifier au moins formellement à peu près n’importe quoi.
[Cette règle est outrancièrement instrumentalisée, certes, mais elle est tout de même appliquée. Je ne vois donc pas très bien de quelle “juridisation sans règle” vous voulez parler.]
Non. Cette règle est instrumentalisée pour NE PAS APPLIQUER la règle qui veut que celui qui soustrait une propriété doit être puni.
[Ce que je perçois pour ma part c’est moins une recherche de l’affranchissement des règles qu’une recherche de *l’appropriation* des règles : chacun veut que la norme soit interprétée dans le sens de ses intérêts, c’est-à-dire dans une perspective essentiellement subjective et individualiste]
En d’autres termes, chacun veut que la norme objective ne soit pas appliquée, et qu’à la place on applique une norme qu’il fabriquerait lui-même. C’est en ce sens que je dis que la volonté est de s’affranchir des règles. Lorsque les « décrocheurs » se donnent le droit de soustraire le portrait du président de la République, ils s’affranchissent des règles du Code pénal. Le fait « d’interpréter » une règle dans le sens contraire de ce qu’elle dit objectivement est une forme d’affranchissement. Oui, bien sûr, on peut soutenir qu’on applique formellement la règle, mais sur le fond on fait le contraire.
[Vous m’avez mal compris : ce que je voulais dire c’est que pour beaucoup de gens, il s’agira d’une discrimination fondée sur la religion. Que ce soit vrai ou non (pour autant qu’il y ait une vérité politique) n’est pas le problème : le fait est que ces gens se croiront fondés à engager une action en justice, et ce beaucoup plus facilement que s’il s’agissait d’un “bonjour”.]
Et alors ? Le juge ne pourra que constater que s’il y a le droit de s’habiller comme on veut, il y a aussi un droit à exprimer son opinion. Si on se place du point de vue du droit, ni la femme voilée ni Julien Odoul ne sont en faute.
[« Je n’ai pas dit le contraire. Mais non pas parce que les deux situations « ne seraient pas sur le même plan ». Deux actes de même nature peuvent être traités très différemment par le droit en fonction du contexte. » Sauf mécompréhension de ma part, votre dernière phrase semble contredire l’avant-dernière : si les deux situations ne se situent pas (à mon sens) sur le même plan, c’est bien parce que le contexte est différent.]
J’ai du mal vous comprendre. Lorsque vous me disiez que la question du salut et la question du voile ne se situaient sur le même plan, j’avais compris que cette différence était intrinsèque aux deux questions, et donc indépendante du contexte. Si maintenant vous me dites que ce sont deux questions de même nature, et que seul le contexte les différentie, je ne serais pas en désaccord.
[Porter un voile est un signe de rejet des règles de sociabilité françaises, mais c’est aussi un signe religieux, qui plus est d’une religion minoritaire (quoique). Ne pas dire bonjour est un rejet des règles de politesse “tout court” si je puis dire.]
Tout à fait. Et c’est pourquoi je propose que la société exerce une pression pour que le voile soit abandonné en tant signe de rejet des règles de sociabilité françaises. Le jour ou les femmes musulmanes accepteront sans problème de serrer la main ou de se faire soigner par un membre de l’autre moitié de l’humanité, le jour où elles accepteront de participer à une fête ou l’on boit de l’alcool et on mange du porc (quand bien même elles n’en mangeraient pas elles mêmes), ce jour-là le voile ne me gênera pas plus que ne me gêne le fichu ou les coiffes.
[La différence de contexte explique donc que les rapports sociaux soient beaucoup plus susceptibles de prendre une teneur juridique dans le premier cas, et non dans le second. Autrement dit, par votre exemple sur les règles de politesse, vous comparez l’incomparable.]
Le fait qu’on fasse des procès pour une chose et pas pour l’autre ne les rend pas « incomparables ». Encore une fois, je persiste à penser que les deux actes sont de même nature, même si pour des raisons contextuelles elles ne sont pas traitées juridiquement de la même manière. Je me demande d’ailleurs ce que donnerait une plainte pour discrimination déposée par une personne qui se ferait interpeller par un passant pour ne pas avoir cédé son siège à une personne âgée…
[Même si pour vous (et je suis d’accord sur ce point) le voile ne doit pas être appréhendé sous l’angle religieux, on ne peut nier que la question a une incidence sur une pratique religieuse.]
Oui, mais cette incidence n’est pas le problème de l’Etat. C’est une affaire purement privée. Lorsqu’on a interdit l’excision des fillettes, lorsqu’on a interdit aux hommes de frapper leur femme – ce que la loi religieuse juive ordonne pourtant – on ne s’est pas posé la question des conséquences sur la pratique religieuse. Pourquoi faudrait-il se la poser au sujet du voile.
[Il ne s’agit donc pas de faire une loi sur chaque règle de politesse, mais d’interroger l’équilibre entre d’une part une règle de sociabilité indispensable à la vie commune, et d’autre part la protection de la liberté de culte. Je suis personnellement plutôt favorable à faire prévaloir la première sur la seconde. Mais pour se prononcer en ce sens, il est bien indispensable d’analyser la question sous un angle juridique.]
Seulement si vous entendez faire prévaloir la première sur la seconde par des moyens juridiques. C’est là que nous différons : à mon sens, sur ce genre de questions la pression sociale est bien plus efficace que la règle de droit. Il y a plein de choses que nous pouvons juridiquement faire, mais dont nous nous abstenons prudemment par attention pour le regard de l’Autre.
“Maintenant, quid du voile ? En tant que vêtement, le choix de le porter ou non relève clairement de la sphère privée, et son interdiction dans l’espace public est donc impossible. Par contre, si on le considère comme un symbole séparatiste, un emblème de la volonté d’une communauté de se scinder du reste de la nation, alors on peut considérer qu’il s’agit d’une question qui se place dans la sphère publique, et qui intéresse donc l’ordre public, puisque l’unité de la nation est explicitement abordée dans l’article 1er de la Constitution. Une loi sur ce fondement me paraît donc possible, même si pour les raisons que j’ai expliqué ailleurs je ne suis pas persuadé qu’elle soit souhaitable.”
C’est précisément ce que je vous dis depuis le début. Une législation portant sur le voile est théoriquement possible si elle n’empêche pas la liberté de culte, donc si elle s’intéresse à la dimension politique/culturelle (et non cultuelle) de son port, ce qui implique de ne pas entrer dans la sphère des croyances. Le but n’est pas de lutter contre une religion mais contre un signe de désunion nationale.
Et si une telle législation n’est pas nécessairement souhaitable, c’est aussi et surtout parce que le voile n’est pas l’origine du problème, il n’en n’est qu’un des symptômes.
“La véritable interdépendance ne se situe pas au niveau international, mais au niveau national, et tient à une division du travail de plus en plus poussée. A la Révolution, une majorité de français vivaient dans des communautés – la ferme, le village – presque autarciques. Un paysan savait réparer sa maison, élever des bêtes, cultiver la terre, produire de l’énergie pour cuisiner et se chauffer, réparer ou faire ses outils… Aujourd’hui, cela est clairement impossible : la complexité de notre société implique nécessairement une division poussée du travail, et donc une spécialisation et une concentration de la production. Personne n’est capable de fabriquer lui-même son téléphone portable ou produire son électricité sans aide extérieure. Le discours sur l’interdépendance qui aurait été amenée par la mondialisation occulte en fait une interdépendance croissante à l’intérieur même des sociétés.
(…) Je dépends de mon médecin, du réparateur de télé, des travailleurs de l’EDF ou de la SNCF, des travailleurs du pétrole… tous des gens qui sont mes concitoyens. Ne trouvez-vous pas qu’il y a de quoi fonder un idéal de solidarité républicaine bien plus fort que du temps ou les paysans vivaient cloîtrés dans des fermes dans une quasi-autarcie ?”
Vous semblez raisonner à l’échelle de plusieurs siècles, au moins depuis la révolution industrielle. Il est évident que l’interdépendance nationale s’est accru depuis cette époque, le développement de l’idée nationale et de l’État-nation ayant accompagné celui du système productif moderne.
Mais pour ma part je raisonne à l’échelle des quatre ou cinq dernières décennies qui se sont écoulées. Et force est de constater que la tendance n’est plus celle du XIXe siècle : elle est à la réduction de “l’intersolidarité” nationale. Vous en conviendrez d’ailleurs : je crois avoir pu lire ici-même que l’intérêt des classes supérieures s’est, sous le coup de la mondialisation économique, autonomisé par rapport à celui des classes populaires, que le capitalisme contemporain n’a plus besoin d’acheter la paix sociale pour que l’ouvrier français accepte de faire tourner l’usine et éventuellement tuer à la guerre. Dans ces conditions il est évident qu’il n’y a plus d’INTERdépendance, mais tout au plus une dépendance à sens unique – celui des pauvres envers les riches.
“Non, ce n’est pas dans une faible interdépendance – ou dans un éloignement de celle-ci qu’il faut chercher les causes du délitement de la solidarité républicaine. C’est plutôt dans une logique capitaliste qui réduit les rapports humains à des rapports d’argent.”
C’est-à-dire ? Les rapports d’interdépendance ne sont-ils pas toujours des rapports matériels, donc d’argent ? Vous preniez l’exemple de votre médecin, des réparateurs de télé, des électriciens ou des cheminots : je n’y vois que des services monnayés, le cas échéant par l’impôt.
“Mais vous savez bien que l’inflation normative est une sorte de village Potemkine. On fait beaucoup de règles pour compenser le fait qu’elles ne sont pas appliquées, essentiellement parce qu’elles sont inapplicables. C’est le Conseil d’Etat je crois qui a dénoncé régulièrement dans ses rapports la multiplication de normes purement déclaratives. Pour le politique, faire une loi est devenu plus un moyen de montrer à l’opinion qu’on fait quelque chose qu’une véritable construction normative.”
C’est tout à fait vrai, le cas (heureusement banni) des lois mémorielles en est la parfaite illustration ; mais il est plus exact alors de parler d’un recul de la normativité de la règle que d’un recul de la norme elle-même. Et je ne crois pas que ce soit tout à fait notre sujet.
“Vous êtes vous-même juriste. Vous savez donc combien il est facile de trouver une « règle de droit » qui avec un peu de gymnastique peut justifier au moins formellement à peu près n’importe quoi.”
Bien sûr, mais la malléabilité de la règle est vieille comme Rome, et elle ne signifie nullement que la règle n’est pas appliquée. On peut ne pas appliquer une loi parce qu’on fait valoir une autre règle à laquelle on donne un sens qu’elle ne présentait pas jusque-là, mais dans ce cas on reste toujours dans un cadre juridique. On concilie deux normes.
Après, la question de savoir s’il est pertinent ou non de faire prévaloir telle norme sur une autre relève d’un autre débat : celui de la conciliation entre les intérêts subjectifs garantissant les droits individuels d’une part, et les règles objectives garantissant l’ordre public d’autre part. Mais quoiqu’il en soit, on ne peut pas dire que la règle est en recul.
“[Ce que je perçois pour ma part c’est moins une recherche de l’affranchissement des règles qu’une recherche de *l’appropriation* des règles : chacun veut que la norme soit interprétée dans le sens de ses intérêts, c’est-à-dire dans une perspective essentiellement subjective et individualiste]
En d’autres termes, chacun veut que la norme objective ne soit pas appliquée, et qu’à la place on applique une norme qu’il fabriquerait lui-même. C’est en ce sens que je dis que la volonté est de s’affranchir des règles.”
Je pense que poser les termes du débat de cette façon est déjà plus pertinent. Il ne faut pas confondre le recul de la règle et le recul de la règle OBJECTIVE. A mon sens la judiciarisation de la société est aussi et surtout le reflet du recul de la règle objective au profit des intérêts subjectifs. C’est la tendance dans toutes les branches du droit, y compris devant les juges pénaux et administratifs. Le droit européen, surtout celui de la CEDH, y joue une grande part. Et c’est à mettre, je pense, en parallèle avec la dissolution diffuse de la solidarité nationale et de l’Etat : si la règle objective ne parvient plus à s’imposer c’est parce que l’intérêt général s’efface devant les intérêts privés. Et ce n’est pas étonnant dans un système où l’on croit que l’addition des intérêts de chaque élément de la société suffit à dégager un intérêt général (ce que les élites néolibérales appellent la “gouvernance”, avec toutes les “logiques partenariales” qu’elle suppose).
Vous noterez d’ailleurs que cette question du recul de la règle objective est distincte de celle du recul de la normativité : au nom des intérêts subjectifs, certains actes qui n’avaient pas autrefois valeur juridique peuvent désormais être contestés devant les tribunaux en tant, justement, qu’ils portent atteinte à ces intérêts (je pense notamment aux actes de droit souple des autorités de régulation).
“Lorsque les « décrocheurs » se donnent le droit de soustraire le portrait du président de la République, ils s’affranchissent des règles du Code pénal. Le fait « d’interpréter » une règle dans le sens contraire de ce qu’elle dit objectivement est une forme d’affranchissement.”
Vous entrez là dans un débat plus que complexe : d’abord, la norme a-t-elle un quelconque sens objectif ? Et si oui, qui est le garant de son interprétation ? Le législateur ? Mais lequel : celui qui a tenu la plume, celui qui a voté la loi, celui qui l’a débattue ? Que se passe-t-il en cas de changement de majorité ? Et quelle est la marge du juge : n’est-il que la simple “bouche de la loi” voulue par Montesquieu, ou occupe-t-il un office autrement pragmatique, celui défini par Portalis ? Dans le cas des décrocheurs il est relativement manifeste que la règle a été vidée de son sens ; mais vous voyez bien que parler d’un sens objectif de la règle pour la pratique “normale” du droit soulève un nombre infini de questions.
“Si on se place du point de vue du droit, ni la femme voilée ni Julien Odoul ne sont en faute.”
Je ne sais pas. Le droit sanctionne de plus en plus les discriminations de fait, c’est-à-dire les actes qui ne discriminent pas formellement mais qui imposent des distinctions qui, de facto, créent une inégalité fondée sur un critère illégal. Si les décideurs publics (par exemple les élus locaux) font systématiquement pression sur les femmes voilées au nom du vivre-ensemble, il n’est pas sûr qu’on ne puisse pas tomber sous le coup d’une condamnation.
“Le jour ou les femmes musulmanes accepteront sans problème de serrer la main ou de se faire soigner par un membre de l’autre moitié de l’humanité, le jour où elles accepteront de participer à une fête ou l’on boit de l’alcool et on mange du porc (quand bien même elles n’en mangeraient pas elles mêmes), ce jour-là le voile ne me gênera pas plus que ne me gêne le fichu ou les coiffes.”
Je ne sais pas où vous avez vu que “les femmes musulmanes” dans leur généralité s’adonnaient à ce type de pratiques, mais je pense que la plupart d’entre elles n’ont pas de problème à serrer la main à un homme ou à côtoyer des gens qui boivent de l’alcool et mangent du porc. Ce n’est pas parce qu’il y a des français de confession musulmane qui tendent à ce degré de radicalité qu’il faut tous les ranger dans le même panier, sans quoi il ne faudra pas s’étonner que certains finissent par se replier vers des communautés qui les accueilleront à bras ouverts.
“Oui, mais cette incidence n’est pas le problème de l’Etat. C’est une affaire purement privée. Lorsqu’on a interdit l’excision des fillettes, lorsqu’on a interdit aux hommes de frapper leur femme – ce que la loi religieuse juive ordonne pourtant – on ne s’est pas posé la question des conséquences sur la pratique religieuse. Pourquoi faudrait-il se la poser au sujet du voile.”
Peut-être parce qu’il y a une légère différence de degré entre se recouvrir les cheveux d’un bout de tissu et mutiler un enfant ou sa femme ?
@ Advocare
[C’est précisément ce que je vous dis depuis le début. Une législation portant sur le voile est théoriquement possible si elle n’empêche pas la liberté de culte, donc si elle s’intéresse à la dimension politique/culturelle (et non cultuelle) de son port, ce qui implique de ne pas entrer dans la sphère des croyances. Le but n’est pas de lutter contre une religion mais contre un signe de désunion nationale.]
Nous sommes donc d’accord sur ce point.
[Vous semblez raisonner à l’échelle de plusieurs siècles, au moins depuis la révolution industrielle. Il est évident que l’interdépendance nationale s’est accrue depuis cette époque, le développement de l’idée nationale et de l’État-nation ayant accompagné celui du système productif moderne. Mais pour ma part je raisonne à l’échelle des quatre ou cinq dernières décennies qui se sont écoulées.]
Même sur une période aussi courte à l’échelle historique mon point demeure. Il y a vingt ans, on pouvait encore réparer soi-même sa voiture ou construire soi-même un poste de radio à partir de composants simples. Il suffit d’un matériel limité pour tirer un tract, il faut une infrastructure d’une redoutable complexité pour soutenir les réseaux sociaux.
[Et force est de constater que la tendance n’est plus celle du XIXe siècle : elle est à la réduction de “l’intersolidarité” nationale.]
Tout à fait. Mais faire d’un affaiblissement de l’interdépendance la cause de cette réduction me parait erroné, puisque l’interdépendance n’a fait que se renforcer alors que « l’intersolidarité » se réduit. Il faut donc chercher une autre cause.
[ Vous en conviendrez d’ailleurs : je crois avoir pu lire ici-même que l’intérêt des classes supérieures s’est, sous le coup de la mondialisation économique, autonomisé par rapport à celui des classes populaires, que le capitalisme contemporain n’a plus besoin d’acheter la paix sociale pour que l’ouvrier français accepte de faire tourner l’usine et éventuellement tuer à la guerre. Dans ces conditions il est évident qu’il n’y a plus d’INTERdépendance, mais tout au plus une dépendance à sens unique – celui des pauvres envers les riches.]
Tout à fait. Mais il ne faut pas confondre l’interdépendence entre les INDIVIDUS et l’interdépendance entre les CLASSES SOCIALES. Le bourgeois dépend bien plus de son plombier aujourd’hui qu’il y a un demi-siècle. Mais il peut le faire venir de Pologne.
“Non, ce n’est pas dans une faible interdépendance – ou dans un éloignement de celle-ci qu’il faut chercher les causes du délitement de la solidarité républicaine. C’est plutôt dans une logique capitaliste qui réduit les rapports humains à des rapports d’argent.”
[C’est-à-dire ? Les rapports d’interdépendance ne sont-ils pas toujours des rapports matériels, donc d’argent ? Vous preniez l’exemple de votre médecin, des réparateurs de télé, des électriciens ou des cheminots : je n’y vois que des services monnayés, le cas échéant par l’impôt.]
Là encore, il ne faut pas confondre les rapports entre classes sociales et les rapports entre individus. Le rapport entre le voyageur de la SNCF et le cheminot n’est pas un pur rapport d’argent, puisque le cheminot n’est pas directement payé par vous, et que sa paye ne dépend pas de votre bon vouloir. Le rapport avec le médecin non plus : personne ne choisit son médecin en fonction du tarif. Et nous choisissons notre réparateur télé ou notre électricien parce qu’il nous inspire confiance, parce qu’il nous est sympathique, ou parce qu’on est habitué à lui. Mais de plus en plus cette logique archaïque est remplacée par une logique qui regarde d’abord et uniquement le prix.
[“Vous êtes vous-même juriste. Vous savez donc combien il est facile de trouver une « règle de droit » qui avec un peu de gymnastique peut justifier au moins formellement à peu près n’importe quoi.” Bien sûr, mais la malléabilité de la règle est vieille comme Rome, et elle ne signifie nullement que la règle n’est pas appliquée.]
Cela dépend si vous vous placez du point de vue formel ou substantiel. Bien sûr, du point de vue formel, la règle – même interprétée à l’opposé de la volonté du législateur – est appliquée. Mais du point de vue de la substance de la norme, dès lors que le juge trahit la volonté du législateur on peut dire que la norme n’est pas appliquée, et que l’arbitraire du juge se substitue à elle.
[On peut ne pas appliquer une loi parce qu’on fait valoir une autre règle à laquelle on donne un sens qu’elle ne présentait pas jusque-là, mais dans ce cas on reste toujours dans un cadre juridique. On concilie deux normes.]
Formellement, oui. Mais si la norme a une substance, et cette substance lui est donnée par le législateur, on peut difficilement dire que la norme est appliquée lorsqu’on l’ignore au prétexte qu’une autre norme dont on trahit la substance s’impose à elle. Je pense que nous avons ici un désaccord fondamental sur la nature de la norme : pour moi, c’est le législateur qui fait la norme, et le juge n’est là que pour interpréter le texte en se demandant ce que le législateur a voulu, et non ce qui serait le mieux pour la société.
[Après, la question de savoir s’il est pertinent ou non de faire prévaloir telle norme sur une autre relève d’un autre débat : celui de la conciliation entre les intérêts subjectifs garantissant les droits individuels d’une part, et les règles objectives garantissant l’ordre public d’autre part.]
La question est surtout qui doit faire cette « conciliation » : le législateur ou le juge ?
[Mais quoiqu’il en soit, on ne peut pas dire que la règle est en recul.]
Encore une fois, cela dépend si vous vous placez du point de vue formel ou substantiel. Du point de vue formel, vous avez raison. Mais du point de vue substantiel, non : peut-on dire que la volonté du législateur – seul habilité à faire les normes – soit aujourd’hui mieux respectée qu’hier ? La multiplication de décisions ou la vision morale du juge prime sur la volonté du législateur semble indiquer le contraire.
C’est là où réside la racine de notre désaccord. Pour vous, la « règle » est ce que le juge décide. Pour moi, c’est ce que le législateur arrête. Et donc lorsque le juge s’affranchit de la volonté du législateur, il s’affranchit de la règle.
[Vous entrez là dans un débat plus que complexe : d’abord, la norme a-t-elle un quelconque sens objectif ? Et si oui, qui est le garant de son interprétation ? Le législateur ? Mais lequel : celui qui a tenu la plume, celui qui a voté la loi, celui qui l’a débattue ? Que se passe-t-il en cas de changement de majorité ? Et quelle est la marge du juge : n’est-il que la simple “bouche de la loi” voulue par Montesquieu, ou occupe-t-il un office autrement pragmatique, celui défini par Portalis ? Dans le cas des décrocheurs il est relativement manifeste que la règle a été vidée de son sens ; mais vous voyez bien que parler d’un sens objectif de la règle pour la pratique “normale” du droit soulève un nombre infini de questions.]
Je ne dis pas le contraire. Mais on ne peut pas mettre ces questions sous le tapis. Je ne vois pas une opposition si forte que vous entre Montesquieu et Portalis. N’est-ce ce dernier qui a dit dans la présentation du Code civil « En matière criminelle, il faut des lois précises et point de jurisprudence » ? Je connais peu de juristes dans la tradition française – instruits par les abus des Parlements d’ancien régime – qui n’aient pas craint l’usurpation du pouvoir législatif par les juges. Je pense être dans l’esprit de Portalis lorsque je dis que la norme vient du législateur, et que plus le juge s’estime libre de s’affranchir de sa volonté, plus la norme s’affaiblit.
[“Si on se place du point de vue du droit, ni la femme voilée ni Julien Odoul ne sont en faute.” Je ne sais pas. Le droit sanctionne de plus en plus les discriminations de fait, c’est-à-dire les actes qui ne discriminent pas formellement mais qui imposent des distinctions qui, de facto, créent une inégalité fondée sur un critère illégal.]
Sauf que le discours d’Odoul n’impose aucune « distinction ». Encore une fois, Odoul ne s’est pas adressé à la femme voilée, mais à la présidente de l’assemblée pour lui demander de prendre une mesure de police. Si une telle demande est considérée en elle-même – même si elle n’est suivie d’aucun effet – comme une « discrimination », alors personne n’est à l’abri ! Cela conduirait à supposer que le simple fait d’ouvrir le débat sur le voile constitue en soi une discrimination. Tous ceux qui se sont déclarés favorables à une loi contre le voile tomberaient sous le coup de cette disposition. Car quelle est la différence entre demander à une présidente de Conseil régional d’interdire le voile et de demander au législateur de faire de même ?
[Si les décideurs publics (par exemple les élus locaux) font systématiquement pression sur les femmes voilées au nom du vivre-ensemble, il n’est pas sûr qu’on ne puisse pas tomber sous le coup d’une condamnation.]
Pas si on applique la loi telle que le législateur l’a faite… mais je vous accorde que dans la mesure ou les juges s’avisent de faire les normes, on ne peut exclure qu’on trouve un juge pour décider à peu-près n’importe quoi… 😉
[Je ne sais pas où vous avez vu que “les femmes musulmanes” dans leur généralité s’adonnaient à ce type de pratiques, mais je pense que la plupart d’entre elles n’ont pas de problème à serrer la main à un homme ou à côtoyer des gens qui boivent de l’alcool et mangent du porc.]
Je ne me souviens pas d’avoir parlé des « femmes musulmanes en général », mais seulement de celles qui portent le voile, comme l’indique clairement le dernier membre de ma phrase. Et pour ce qui concerne cette population, un bon ami à moi est depuis plus de dix ans médecin aux urgences de l’hôpital Avicenne à Bobigny (entre parenthèses, vous noterez que c’est le seul hôpital parisien à ma connaissance à porter le nom d’un médecin étranger…). Son vécu ne coïncide pas vraiment avec votre diagnostic, et c’est un euphémisme.
[Ce n’est pas parce qu’il y a des français de confession musulmane qui tendent à ce degré de radicalité qu’il faut tous les ranger dans le même panier, sans quoi il ne faudra pas s’étonner que certains finissent par se replier vers des communautés qui les accueilleront à bras ouverts.]
Loin de moi cette idée. Je ne manque jamais de préciser qu’à mon avis la majorité des musulmans français sont largement assimilés. Ma remarque ne faisant référence qu’à ceux qui portent le voile.
[“Oui, mais cette incidence n’est pas le problème de l’Etat. C’est une affaire purement privée. Lorsqu’on a interdit l’excision des fillettes, lorsqu’on a interdit aux hommes de frapper leur femme – ce que la loi religieuse juive ordonne pourtant – on ne s’est pas posé la question des conséquences sur la pratique religieuse. Pourquoi faudrait-il se la poser au sujet du voile.” Peut-être parce qu’il y a une légère différence de degré entre se recouvrir les cheveux d’un bout de tissu et mutiler un enfant ou sa femme ?]
Pourtant, vous noterez que notre droit admet parfaitement la mutilation religieuse dans d’autres cas. La circoncision, par exemple, est largement pratiquée autant par les musulmans que par les juifs, et cela ne suscite aucune réaction particulière. Ce n’est donc pas cette différence de degré qui est en cause.
Bonsoir Descartes,
Je signale cette tribune, à mon avis bienvenue :
« “Le voile est sexiste et obscurantiste” : l’appel de 101 musulman(e)s de France »
https://www.marianne.net/debattons/tribunes/le-voile-est-sexiste-et-obscurantiste-l-appel-de-101-musulmanes-de-france
@ Ian Brossage
[Je signale cette tribune, à mon avis bienvenue : « “Le voile est sexiste et obscurantiste” : l’appel de 101 musulman(e)s de France »]
Elle est intéressante en effet, et je trouve que les signataires sont courageux de la faire publier. Mais je ne suis pas vraiment d’accord avec le fond. Les signataires font de la question du voile un conflit religieux entre musulmans. Pour ce qui me concerne, je ne crois pas que ceux qui poussent les femmes à se voiler – et celles qui se voilent – soient intéressés à faire prévaloir une interprétation du Coran plutôt qu’une autre. Je pense que leur souci est bien plus séculier : ce qui se joue, c’est le pouvoir sur sa « communauté ». Voiler la femme et imposer la barbe aux hommes, c’est une façon d’empêcher qu’ils cèdent aux sirènes d’une sociabilité différente qui enlèverait aux autorités traditionnelles de la communauté leur pouvoir.
Je confirme
Bonjour,
Merci encore pour le temps passé à répondre, qui enrichit tout les lecteurs et fait de ce blog une matière vivante (le blob ?).
Mal poser les questions permet de n’apporter aucune réponse claire, comme vos propos le montrent bien.
Il y a probablement plusieurs composantes qui jouent sur l’islamisation croissante de la société, mais je ne crois en revanche pas au vernis religieux qu’on lui appose. Travaillant à Nanterre pas loin de la mosquée, je croise à la fois des collègues magrébins très bien intégrés, et des habitants qui se rendent en grand apparat à la mosquée le vendredi.
Pour moi, le prurit islamiste est essentiellement du à l’absence quasi complète dans la société française (et européenne ?) de ce que les américains appellent un “rôle model”, c’est à dire une figure issu de votre milieu et qui a réussi. Si vous naissez français en Touraine, vous avez une galerie d’ancêtres bienveillants qui sont là au milieu de vous, de grands rois, des écrivains de première force, des savants, vous avez de magnifiques demeures…et cette réussite vous appelle à vous mettre à la hauteur.
A quoi vous renvoie l’identité magrébine ? Je discutais récemment avec un ami travaillent chez un grand acteur du web et qui a pour coutume de changer ses pages d’accueil en fonction de l’actualité du pays et de ses figures historiques, et il me disait qu’ils avaient un énorme souci avec le monde magrébin, ou ces grandes figures … n’existaient pas.
Si vous naissez petit garçon magrébin, quelle figure tutélaire vous donne envie de réussir ? quel auteur ? scientifique ? homme d’affaires ? Même dans le sport facteur d’intégration (Kopa, Piantoni, Platini…), regardez les destinées de Benzema et Ben Arfa, qui n’ont pas réussi à s’intégrer dans des groupes, voire même on bousculé sérieusement l’équipe de France de Domenech. Je crois que dans tout le monde musulman, il n’y a eu qu’un prix Nobel en sciences (un américano – égyptien). Il n’y a qu’un domaine ou cela marche à peu près, c’est « l’humour » où je mets des guillemets, et éventuellement le journalisme. Les figures de l’immigration que poussent en avant nos chers médias donnent dans le plus pur style cliché séparatiste (le bondy blog, Yassine Bellatar…) à défaut de talent : regardez par exemple quelques éléments sur Sami Naceri
***********************Le 15 octobre 2005, Naceri participe à l’enregistrement de l’émission Tout le monde en parle pour France 2. Pendant son entrevue avec l’écrivain Salman Rushdie, l’animateur Thierry Ardisson pose une question au sujet de la fatwa de 2,8 millions de dollars dont il a été frappé après la parution de son ouvrage Les Versets sataniques. Présent sur le plateau, Naceri aurait alors déclaré à Rushdie : « Pour 50 balles, moi, je te fume. » d’après le journal Le Point24. Interrogé à ce sujet, Ardisson déclare que Naceri « ne l’a jamais menacé de mort » mais confirme qu’il a été très agressif envers l’auteur britannique et qu’il a coupé plusieurs extraits lors du montage de l’émission. À la suite de l’incident, l’acteur aurait adressé une lettre à l’animateur pour s’excuser de son comportement lors du tournage25.
Cette confrontation a été citée par Audrey Pulvar le 22 janvier 2015 sur D8, lors d’un plateau auquel participait Samy Naceri au sujet de l’assassinat des caricaturistes de l’hebdomadaire Charlie Hebdo. L’acteur a décidé à cette occasion de prendre position publiquement et, tout en condamnant l’attentat du 7 janvier, a déclaré que l’hebdomadaire n’avait pas à caricaturer le prophète26.
En 2019, son attitude durant l’émission Kotbi Tonight sur Chada TV est remarquée. Alors que le chanteur Adil Miloudi y déclare que « celui qui ne tabasse pas sa femme n’est pas un homme » et qu’« au Maroc, cela est normal, chacun peut faire ce qu’il veut de sa femme, la frapper, la tuer », la presse relève que Samy Naceri adopte un comportement complice et amusé***********************
Je ne fais pas d’autre commentaires.
Alors que quand vous naissez petit garçon dans un pays d’Afrique subsaharienne, vous avez en permanence la musique noire américaine, ou les exploits des sportifs noirs américains et toute cette magnifique créativité. Jusqu’à l’emblématique Président Obama et avant lui Powell. Et notre équipe de France est formée de joueurs issus de différentes ethnies. Certes là aussi vous avez des Obono ou des Diallo qui travaillent au séparatisme. Mais au moins, vous avez des figures de la communauté qui ont réussi, et qui d’ailleurs remercient la France.
C’est donc pour moi une affaire qui est avant tout “identitaire” : quand on est musulman et qu’on veut affirmer une identité différente de l’identité française par souci de se singulariser, ou bien de se retrouver, hors la religion, il n’y a pas d’identité de secours en magasin, hors peut être pour certains celle du ressentiment contre les juifs, et contre la France, deux identités pas très positives que G. Bensoussan a abordé dans ces livres.
Et vous avez une gauche qui dramatiquement vous incite à jouer la carte de la victimisation, toute aveuglée qu’elle est par son tropisme trotskyste de destruction de la société (Plenel !).
@ DR
[Merci encore pour le temps passé à répondre, qui enrichit tous les lecteurs et fait de ce blog une matière vivante (le blob ?).]
C’est l’un des choix à la base de ce blog. Si j’ai créé ce blog, c’est parce qu’à un moment de ma vie je me suis trouvé sans interlocuteurs, sans forum ou confronter mes idées avec d’autres. C’est pourquoi je consacre autant de temps à faire les papiers qu’à les discuter ensuite…
[Il y a probablement plusieurs composantes qui jouent sur l’islamisation croissante de la société, mais je ne crois en revanche pas au vernis religieux qu’on lui appose. Travaillant à Nanterre pas loin de la mosquée, je croise à la fois des collègues magrébins très bien intégrés, et des habitants qui se rendent en grand apparat à la mosquée le vendredi.]
A la rigueur, que les gens se rendent en grand apparat à la mosquée le vendredi, à la synagogue le samedi, au temple ou à l’église le dimanche ne me gêne pas particulièrement. L’intégration et l’assimilation ne se jugent pas à cela. Les problèmes se posent quand ce « grand apparat » déborde du lieu de culte, et que des fidèles prétendent appliquer les lois qui régissent l’espace privé qu’est le lieu de culte dans la sphère publique. Qu’on se voile pour aller à la mosquée pour se dévoiler lorsqu’on la quitte, voilà un comportement « assimilé ».
[Pour moi, le prurit islamiste est essentiellement dû à l’absence quasi complète dans la société française (et européenne ?) de ce que les américains appellent un “rôle model”, c’est à dire une figure issue de votre milieu et qui a réussi. Si vous naissez français en Touraine, vous avez une galerie d’ancêtres bienveillants qui sont là au milieu de vous, de grands rois, des écrivains de première force, des savants, vous avez de magnifiques demeures…et cette réussite vous appelle à vous mettre à la hauteur. A quoi vous renvoie l’identité magrébine ?]
Je ne suis pas d’accord avec vous. La question du « rôle model » dérive d’une conception de la société qui suppose que les individus ne peuvent s’identifier qu’à des gens ayant les mêmes « origines » (qui est l’expression politiquement correct pour ne pas parler de « race »). Pour moi, le problème n’est pas de fournir aux jeunes maghrébins des « role models » maghrébins, aux jeunes noirs des « role models » noirs et ainsi de suite. Le défi universaliste, c’est de rendre capable les maghrébins, les noirs, les blancs, les juifs, les musulmans, les protestants, les catholiques à se trouver des « role models » dans l’ensemble de notre histoire, INDEPENDAMENT de leur religion ou de leur couleur de peau.
Faut-il être Corse pour se donner Napoleon comme « role model » ? Faut-il être catholique pour être fasciné par la figure de Richelieu ? Non, je ne le pense pas. Moi-même, qui suis arrivé dans ce pays qui est maintenant le mien comme immigré, je n’ai jamais été particulièrement attiré par les figures venues de ma « communauté ». Ceux qui faisaient répéter à tous les enfants de France et de son Empire « nos ancêtres les gaulois » savaient parfaitement ce qu’ils faisaient, et il faut admirer cette conception qui permettait à un petit noir ou maghrébin d’avoir symboliquement Vercingétorix comme ancêtre.
Le problème de notre société n’est pas qu’elle ne propose pas aux jeunes des « role models » issus « de leur milieu ». C’est qu’elle ne propose pas de « role models » DU TOUT. Napoléon ? Un affreux raciste. Richelieu ? Un faux curé corrompu. Ferry ? Un affreux colonialiste. Les jeunes maghrébins ou noirs ne sont pas moins bien traités de ce point de vue que les jeunes « gaulois ».
[Si vous naissez petit garçon magrébin, quelle figure tutélaire vous donne envie de réussir ? quel auteur ? scientifique ? homme d’affaires ?]
Napoléon, Mazarin, Marie Curie – trois figures de notre histoire qui sont venues « d’ailleurs » avant de s’assimiler parfaitement à la civilisation française. Mais on pourrait aussi dire Richelieu, De Gaulle ou Boiteux. Pourquoi faudrait-il se choisir une « figure tutélaire » en fonction de votre couleur de peau ?
[Et vous avez une gauche qui dramatiquement vous incite à jouer la carte de la victimisation, toute aveuglée qu’elle est par son tropisme trotskyste de destruction de la société (Plenel !).]
Peu de mariages ont produit une descendance aussi monstrueuse que le mariage entre la gauche et les classes intermédiaires…
Je suis musulman vivant en France, et j’approuve votre argumentation à 99,9 % (la référence à Finkielkraut à la fin ne passe pas, du fait qu’à mon avis, ce personnage est plus dans un militantisme douteux plutôt que dans une démarche intellectuellement respectable et honnête ; ça n’engage que moi…).
@ Sami
[Je suis musulman vivant en France, et j’approuve votre argumentation à 99,9 % (la référence à Finkielkraut à la fin ne passe pas, du fait qu’à mon avis, ce personnage est plus dans un militantisme douteux plutôt que dans une démarche intellectuellement respectable et honnête]
On peut vivre avec une différence de 0,1%… 😉
Mais je voudrais tout de même clarifier ma position par rapport à Finkielkraut. Je ne partage pas, loin de là, à 100% sa position sur tous les sujets. Je suis en désaccord total par exemple avec sa position sur Israel, ou sur le communisme. Mais j’avais trouvé très intéressant son livre “Nous les modernes”, et je partage pas mal des choses qu’il a écrit dans “l’Identité malheureuse”. Je vous conseille la lecture de ce dernier ouvrage, je pense que vous le trouverez intéressant.
Je n’en doute pas. Merci pour le conseil (et comme d’habitude, pour vos analyses passionnantes).
Félicitations pour votre prise de position initiale et les nombreuses précisions et réflexions fort pertinentes que vous proposez ensuite dans vos réponses à vos interlocuteurs.
Voici quelques points où, tout en tenant à vous appuyer, je proposerai parfois un prolongement :
[l’ensemble de la bienpensance, toujours prête à défendre la veuve et l’orphelin à condition qu’ils appartiennent à un groupe minoritaire]
[Peut-être parce que les femmes musulmanes ont le statut enviable de « victime », et pas les hommes ?]
Il se trouve que les femmes musulmanes appartenant à un groupe minoritaire (et peu envié semble-t-il, en effet), n’est-il pas normal que “les défenseurs de la veuve et de l’orphelin” se ruent, aveuglement, à leur secours ? N’est-ce pas parce que les “travailleurs immigrés” sont l’incarnation de la classe prolétarienne exploitée et stigmatisée, et de la mauvaise conscience que nous avons encore de les avoir exploités, colonisés naguère ou de les exploiter encore qu’ils doivent être si aveuglément défendus, parce que “victimes essentielles” ?
Que ces immigré.e.s puissent en outre être séduit.e.s par quelque opium consolateur ou identitairement valorisant, voire faisant un peu (ou très) peur comme l’islamisme ou la hardiesse du prosélytisme musulman, ne posera pas problèmes à des Don Quichotte surtout en quête de pouvoir s’exhiber dans leur combat pour les pauvres victimes et contre le méchant Etat.
[Je n’ai pas le droit de frapper celui qui refuse de serrer ma main ou de me dire bonjour, mais j’ai parfaitement le droit de lui dire ce que je pense de son attitude, et de lui demander d’en changer. Et cela ne constitue ni un geste de « haine », ni une manifestation de « violence ».]
Parfaitement d’accord. Néanmoins, si j’avais un collègue (dont la pratique religieuse ne m’aurait pas frappé ou pas inquiété) que j’aurais invité à casser une croûte chez moi et qui me présenterait alors sa femme voilée, oserais-je lui dire “ce que je pense” du prosélytisme islamiste que manifeste à mes yeux une musulmane voilée ? Me permettrais-je de la morigéner, chez moi, à ma table, pour son prosélytisme idéologique (qu’il fût ou non à l’insu de sa pleine conscience) contre lequel j’appelle dès que je le peux à mener une lutte idéologique implacable ? Certainement pas. (Mais, gardons le développement de cette expérience imaginaire plus longuement sur mon propre blog, pour ne pas alourdir le vôtre).
[Faire société, c’est aussi partager une sociabilité commune. Une sociabilité faite de gestes qui ne sont pas obligatoires au sens que je pourrais être emprisonné ou mis à l’amende si je refusais de les accomplir, mais dont le refus m’expose à entendre les reproches de mes concitoyens, à perdre leur confiance ou leur bienveillance. Car de la même manière qu’aucune loi n’oblige une femme à se dévoiler, aucune loi ne m’oblige à avoir pour une femme voilée la moindre bienveillance, la moindre confiance. La loi vous assure le droit d’être protégé, et cette protection vous est due. Mais aucune loi ne vous donne le droit d’être apprécié, respecté, aimé, considéré par vos concitoyens. Si vous voulez tout cela, alors il faut faire un peu plus, et en particulier, vous plier aux règles de sociabilité qui sont celles de la société ou vous vivez. ]
Parfaitement envoyé. Mais si la loi ne dicte pas le savoir-vivre (ni réciproquement), on nous dira que le savoir-vivre implique beaucoup de patience de la part d’un hôte accueillant une personne non acculturée à ce savoir-vivre inconnu, et que nul ne lui aura encore ni n’ose peut-être lui enseigner, de crainte de le blesser ou de passer pour un impatient malotru ou un xénophobe.
[Si le voile pose un problème c’est parce que la femme voilée proclame le refus des règles de sociabilité du pays où elle vit, établissant une barrière étanche entre la communauté des gens qui se voilent et le reste de la collectivité nationale.]
Là vous êtes au cœur du problème : par son voile, une femme musulmane affiche qu’elle n’est pas destinée à fréquenter ou épouser un citoyen lambda de notre pays mais qu’elle se réserve à un membre de sa communauté confessionnelle. Elle affiche ainsi une idéologie prônant l’endogamie religieuse alors qu’un des ressorts de l’évolution culturelle du monde moderne, c’est le principe, du moins l’encouragement, à l’exogamie. Idéologie endogamique qu’il est hautement légitime de dénoncer pour quiconque promeut la fraternité humaine universelle. Même si l’islam n’est pas la seule religion ou culture à prôner ce genre d’endogamie, le prosélytisme actuel de l’islam(isme) est celui qui est le plus fermé ou rétrograde sur cette question et mérite qu’on lui oppose résistance avec l’énergie nécessaire.
[L’individualisme exacerbé rejette de plus en plus l’idée qu’on puisse imposer socialement des comportements qui ne soient pas inscrits dans la loi, au nom du sacro-saint principe de liberté individuelle. Ce qui, par contrecoup, conduit y une société hyper-juridique, ou toute règle doit être écrite et sanctionnée par le législateur]
Dans le mille, une fois de plus : Le pire, le comble de l’imposture ou de la tartuferie, c’est quand le communautarisme (au moment même où il impose ses comportements, conduites et valeurs à toute une collectivité communautaire) joue, sous nos latitudes, sur le sophisme du respect des libertés individuelles de femmes dont ce serait le choix personnel de se voiler… et recourt à tout le juridisme possible pour faire jouer la loi de notre pays contre elle-même en s’appuyant sur toute faille ou flou de cette loi qu’on pourra tourner à son avantage. Alors que nul ne peut plus ignorer que l’idéologie islamiste impose, sans exception, le voile dès qu’elle en a socialement, politiquement ou militairement le pouvoir.
Dans votre dernier §, je regrette que vous y rapprochiez Finkielkraut (authentique humaniste, malgré certaines maladresses et prises de positions avec lesquelles il tend parfois de gros bâtons pour se faire battre et “honnête homme” de gauche même s’il déplore lui-même de ne plus pouvoir se dire à gauche) d’Odoul (qui s’est conduit, fût-ce en toute civilité, mais contrairement à la loi, en vrai provocateur d’extrême-droite).
On pourrait aussi, à la consternante tribune des 90 assez incompréhensiblement promue par Monde, mettre un lien sur la réponse des 101 musulmans publiée dans Marianne (libre d’accès) :
https://www.marianne.net/debattons/tribunes/le-voile-est-sexiste-et-obscurantiste-l-appel-de-101-musulmanes-de-france
Bien à vous.
@ Claustaire
[N’est-ce pas parce que les “travailleurs immigrés” sont l’incarnation de la classe prolétarienne exploitée et stigmatisée, et de la mauvaise conscience que nous avons encore de les avoir exploités, colonisés naguère ou de les exploiter encore qu’ils doivent être si aveuglément défendus, parce que “victimes essentielles” ?]
Le surgissement du « travailleur immigré » comme VAD (« victime à défendre ») des classes intermédiaires à la fin des années 1960 a une toute autre utilité. Elle permet d’effacer la classe ouvrière comme telle, en transformant les ouvriers en « privilégiés ». C’est après 1968, lorsque les classes intermédiaires ont essayé – et échoué, du fait de la force du PCF – à faire de la classe ouvrière leur masse de manœuvre que cette transformation s’est faite. Le femme musulmane est doublement une VAD, puisqu’elle est à la fois femme et membre d’un groupe caractérisé comme opprimé.
Les VAD fonctionnent comme substitut de cette classe ouvrière qui, décidément, n’a pas répondu aux attentes que les classes intermédiaires avaient placé en elle. C’est de cette déception que surgissent à la fois le « beauf » de Cabu, imagine caricaturale de l’ouvrier, et en contrepartie l’image idéalisée de l’immigré, censé représenter les « vraies » vertus du travailleur.
[Parfaitement d’accord. Néanmoins, si j’avais un collègue (dont la pratique religieuse ne m’aurait pas frappé ou pas inquiété) que j’aurais invité à casser une croûte chez moi et qui me présenterait alors sa femme voilée, oserais-je lui dire “ce que je pense” du prosélytisme islamiste que manifeste à mes yeux une musulmane voilée ?]
D’abord, vous noterez que la situation que vous proposez est invraisemblable. Un collègue qui voile sa femme a toutes les chances de refuser de venir « casser la croûte » chez vous avec elle. C’est là où se trouve la contradiction : vous considérez une personne qui à la fois applique les règles de la sociabilité française – venir casser la croûte chez vous avec sa femme – mais en même temps ne les appliquerait pas.
Mais si la situation venait à se produire, oui, je lui dirais ce que je pense. Bien sûr, je n’arracherais pas le voile de sa femme, je ne le « morigénerais » pas. Mais je ne lui cacherais pas la gêne dans laquelle me place le fait d’être insulté dans ma propre maison.
[Parfaitement envoyé. Mais si la loi ne dicte pas le savoir-vivre (ni réciproquement), on nous dira que le savoir-vivre implique beaucoup de patience de la part d’un hôte accueillant une personne non acculturée à ce savoir-vivre inconnu, et que nul ne lui aura encore ni n’ose peut-être lui enseigner, de crainte de le blesser ou de passer pour un impatient malotru ou un xénophobe.]
Vous savez que je suis la courtoisie même. Lorsque je dis que la société doit exercer une ferme pression pour obliger les gens à s’assimiler, cela n’exclue nullement la patience ou la courtoisie. Mais il faut une pédagogie, et la pédagogie passe aussi par un énoncé ferme des règles de façon à les faire connaître à ceux qui n’en sont pas familiers.
[Même si l’islam n’est pas la seule religion ou culture à prôner ce genre d’endogamie, le prosélytisme actuel de l’islam(isme) est celui qui est le plus fermé ou rétrograde sur cette question et mérite qu’on lui oppose résistance avec l’énergie nécessaire.]
Oui, et c’est pourquoi je n’estime pas faire preuve dans mon opinion d’une quelconque « islamophobie ». Pour moi, tous les séparatismes sociaux doivent être traités de la même façon.
[d’Odoul (qui s’est conduit, fût-ce en toute civilité, mais contrairement à la loi, en vrai provocateur d’extrême-droite).]
Je ne vois pas, une fois encore, en quoi Odoul se serait conduit « contrairement à la loi ». La loi, à ma connaissance, n’interdit pas un conseiller régional de demander à la présidente de l’assemblée un acte de police qu’il juge utile. J’insiste : Julien Odoul ne s’est pas adressé à la femme voilée, il s’est adressé à la présidente du Conseil régional pour lui demander de demander elle-même à la femme en question non pas de quitter la salle, mais de se dévoiler. Imaginez qu’à la place du voile, elle eut porté un T-shirt imprimé « j’encule Macron ». Pensez-vous qu’un conseiller régional aurait été en droit de demander à la présidente d’exiger que l’expression soit couverte ? Je pense que vous seriez d’accord avec moi que la réponse est positive. Alors, pourquoi un conseiller violerait la loi en demandant que soit enlevée une tenue qui proclame « j’encule la sociabilité française » ?
[On pourrait aussi, à la consternante tribune des 90 assez incompréhensiblement promue par Monde, mettre un lien sur la réponse des 101 musulmans publiée dans Marianne (libre d’accès) :]
Sauf que je ne suis pas d’accord avec le point de vue adopté par les 101 musulmans – même si je leur reconnais le grand courage de ramer contre le courant. Les signataires de la tribune dans Marianne se placent sur le plan religieux, ce qui à mon avis est une erreur.
Sur la provocation d’Odoul et l’art avec lequel elle aura été récupérée par les islamistes et le CCIF, on pourra lire cette page de la revue des deux mondes.
https://www.revuedesdeuxmondes.fr/mater-dolorosa-etoile-jaune-et-show-biz-la-guerre-mediatique-de-lislam-politique/
@ Claustaire
[Sur la provocation d’Odoul et l’art avec lequel elle aura été récupérée par les islamistes et le CCIF, on pourra lire cette page de la revue des deux mondes.]
L’article que vous citez ressort un argument classique: il ne faut surtout pas critiquer les comportements de certains individus pour ne pas en faire des “victimes”, voire des martyrs. Le problème, c’est que si l’on applique cet argument, on finit par ne plus rien critiquer. Peut-on dénoncer le négationnisme d’un Faurisson ou un Dieudonné sans en faire une victime ? Peut-on critiquer une femme qui porte la burqua sans en faire une victime ? Peut-on croasser au passage d’un curé sans en faire une victime ? Critiquer, c’est toujours faire une victime. Et c’est encore plus vrai dans une société “victimiste” comme la notre. Faut-il pour autant fermer sa gueule ? Je ne le crois pas.
L’auteur de l’article a raison de dénoncer l’hystérisation de la question après l’intervention de Julien Odoul (pou rne donner qu’un exemple, “Le Monde” insiste dans chacun de ses articles sur les “invectives” qu’aurait proféré Odoul, alors que l’écoute attentive de la vidéo qui a largement circulé ne montre aucune “invective”). Mais ce sont ceux qui participent à cette hystérisation qui sont à blâmer, et non Odoul.
Pour le reste
Salut à tous, à l’hôte de ces lieux, qui nous régale de ses analyses, et à ceux qui le suivent,
Comme nombre de lecteurs fidèles de ce blog, je le lis assidûment, sans intervenir. Sur ce coup-là toutefois, je voudrais apporter une petite contribution au débat..
j’ai toujours trouvé relevant de la plus haute corneculterie (depuis les premières histoire d’exclusion de collégiennes dans les années 1990) le fait de stigmatiser une partie de la population pour des raisons vestimentaires. Ce qu’on appelle pompeusement le “voile islamique” (pour faire peur) n’étant en fait que l’équivalent moderne du fichu que portaient nos grand-mères dans les années 50, sans que personne à l’époque n’exige le “dévoilement” des femmes… Comme l’indique Emmanuel Todd, on exige des Françaises de culture musulmane ce que l’on n’a jamais demandé à leurs prédécesseurs de culture catholique…
Et il faut voir où nous mène ces obsessions vestimentaires : après avoir débuté par des histoires de fichus, nous en sommes aujourd’hui à des menaces d’exclusions pour des jeunes filles qui portent des jupes jugées trop longues… Quand on met le doigt dans se type d’engrenage, difficile de trouver des limites aux exhortations vestimentaires…
Déjà en 1905, les ultras de la laicité ont voulu inscrire dans la loi l’interdiction aux religieux d’arborer leur tenue de cérémonie en public, exigence qui n’a pas été retenue par la loi de séparation…
A la limite, si on avait voulu adopter une mesure “républicaine” face à cette mode du fichu, il aurait fallu interdire tout couvre-chef dans les établissements scolaire, et pas l’un d’entre eux spécifiquement…
N’étant ni aveugle, ni naïf, je constate que ce phénomène a aujourd’hui un caractère communautaire évident, et je partage la préférence de mes concitoyens pour une société sans “voile”, mais je considère que cela doit s’obtenir comme résultat d’une action politique, et non être imposé par décret.
De quoi le “voile” est-il le nom, si ce n’est de l’exclusion sociale des classes populaires, avec en leur sein les populations issues de l’immigration, qui n’ont plus comme la génération précédente, celle des 30 glorieuses et son plein emploi, de cadre professionnel pour trouver à adopter un modèle de société auquel adhérer? Comme il a été signalé plus haut, le cadre le plus performant pour adopter les habitudes sociales dominantes est le monde du travail. Or, ce n’est pas le chomage de masse, les emplois en intérim, les collectifs de travail destructurés qui peuvent aujourd’hui assurer cette fonction.
Obtenir une société affranchie en public du fichu “islamique” (tout de suite, ça fait moins peur) suppose donc de retrouver une société du plein emploi, avec des collectifs de travail solidement reconstitués, pour permettre au modèle d’intégration social français de recommencer à jouer son rôle.
Mais cela s’obtient par des choix économiques et sociaux keynésiens qui rompent avec l’euro-libéralisme des 35 dernières années. Pas par des décrets stigmatisant les modes vestimentaires de certains.
@ Sorge
[Comme nombre de lecteurs fidèles de ce blog, je le lis assidûment, sans intervenir. Sur ce coup-là toutefois, je voudrais apporter une petite contribution au débat…]
Je ne le dirai jamais assez : toutes les contributions sont les bienvenues. Le but de ce blog, c’est le débat.
[J’ai toujours trouvé relevant de la plus haute corneculterie (depuis les premières histoire d’exclusion de collégiennes dans les années 1990) le fait de stigmatiser une partie de la population pour des raisons vestimentaires.]
Au sens étymologique du terme, les « stigmates » étaient les marques qu’on faisait sur quelqu’un (un soldat, un criminel) pour pouvoir le reconnaître et l’empêcher de se fondre dans la masse. On doit donc conclure qu’en portant un signe distinctif – que personne, notez-le bien, ne l’oblige à porter – c’est cette partie de la population qui se « stigmatise » elle-même…
[Ce qu’on appelle pompeusement le “voile islamique” (pour faire peur) n’étant en fait que l’équivalent moderne du fichu que portaient nos grand-mères dans les années 50, sans que personne à l’époque n’exige le “dévoilement” des femmes…]
Si vous allez par-là, une croix n’est que deux bouts de bois collés ensemble. Pourquoi interdire dans nos écoles et dans nos tribunaux deux bouts de bois ? Le « voile islamique » est, matériellement, un bout de tissu, pas très différent du bout de tissu que portaient nos grands-mères. Mais à côté de son contenu matériel, le bout de tissu que portent les femmes musulmanes chez nous et le bout de tissu que portaient nos grand-mères n’a pas du tout le même contenu symbolique. La meilleure preuve en est que nos grands-mères ne refusaient pas d’enlever le fichu pour faire une photo d’identité ou pour assister à un concert, quand il faisait très chaud, ou bien quand on portait un chapeau, par exemple. Nos grands-mères portaient le fichu d’abord parce que c’était pratique pour sortir – les hommes se couvraient d’ailleurs aussi la tête lorsqu’ils sortaient avec un chapeau ou une casquette. Mais surtout, nos grands-mères n’ont jamais utilisé le fichu pour proclamer urbi et orbi qu’elles n’étaient pas soumises aux mêmes règles de sociabilité que les autres. Au contraire, le fichu faisait partie de la sociabilité commune.
[Comme l’indique Emmanuel Todd, on exige des Françaises de culture musulmane ce que l’on n’a jamais demandé à leurs prédécesseurs de culture catholique…]
Justement, parce que le fichu n’a jamais été un signe de la « culture catholique ». Les femmes juives le portaient aussi. C’est là toute la différence entre fichu et voile. Le fichu n’a jamais été le signe d’appartenance à une communauté particulière – qui plus est, refusant de socialiser avec les autres. Le voile, si.
[Et il faut voir où nous mène ces obsessions vestimentaires : après avoir débuté par des histoires de fichus, nous en sommes aujourd’hui à des menaces d’exclusions pour des jeunes filles qui portent des jupes jugées trop longues… Quand on met le doigt dans se type d’engrenage, difficile de trouver des limites aux exhortations vestimentaires…]
Pourtant, vous trouverez des centaines de lois et règlements qui exigent une « tenue correcte » ou le respect de la « pudeur ». Il faut croire que les gens réussissent à « trouver les limites aux exhortations vestimentaires ». Et puis, vous le dites vous-même, ce n’est que du tissu. Si une directrice d’école oblige une jeune fille à raccourcir sa jupe ou à la rallonger, ce n’est pas la fin du monde !
C’est justement ce que je trouve très amusant. Les partisans de la liberté de porter le voile soutiennent qu’on fait tout un foin pour un carré de toile. Très bien, si ce n’est qu’un banal carré de toile, en quoi c’est problématique de devoir l’enlever ? Mais de toute évidence, les femmes voilées ne considèrent pas que leur voile soit un simple carré de toile, puisqu’on dirait qu’en leur demandant de l’enlever on leur enlève leur identité et leur dignité. Alors, si elles accordent à ce simple carré de toile autant d’importance, pourquoi devrions-nous lui en accorder moins ?
[A la limite, si on avait voulu adopter une mesure “républicaine” face à cette mode du fichu, il aurait fallu interdire tout couvre-chef dans les établissements scolaire, et pas l’un d’entre eux spécifiquement…]
Pourquoi ? Le but n’est pas d’en finir avec « la mode du fichu », mais d’en finir avec les signes qui proclament un séparatisme communautaire et servent à le perpétuer. Et si vous proposez de supprimer tous les couvre-chef qui servent ces objectifs… vous aurez mon soutien !
[N’étant ni aveugle, ni naïf, je constate que ce phénomène a aujourd’hui un caractère communautaire évident, et je partage la préférence de mes concitoyens pour une société sans “voile”, mais je considère que cela doit s’obtenir comme résultat d’une action politique, et non être imposé par décret.]
Pardon, mais… faire un décret n’est-ce pas une « action politique » ? Au demeurant, je ne pense pas qu’il faille terminer avec le voile par décret, et je l’ai dit dans mon papier. Je pense que pour finir avec le séparatisme dont le voile est le nom, il faut une pression sociale et une action politique résolu pour imposer le choix entre l’assimilation et le départ.
[De quoi le “voile” est-il le nom, si ce n’est de l’exclusion sociale des classes populaires,]
Quel rapport ? A ma connaissance, les classes populaires du nord et de l’est de la France sont tout aussi « exclues » que beaucoup d’immigrés, et leurs femmes ne sont pas voilées que je sache. Par ailleurs, si vous allez en Grande Bretagne vous trouverez des femmes musulmanes appartenant à la haute bourgeoisie et qui se promènent voilées. Lier voile et « exclusion sociale», c’est à mon avis faire fausse route.
[avec en leur sein les populations issues de l’immigration, qui n’ont plus comme la génération précédente, celle des 30 glorieuses et son plein emploi, de cadre professionnel pour trouver à adopter un modèle de société auquel adhérer? Comme il a été signalé plus haut, le cadre le plus performant pour adopter les habitudes sociales dominantes est le monde du travail. Or, ce n’est pas le chomage de masse, les emplois en intérim, les collectifs de travail destructurés qui peuvent aujourd’hui assurer cette fonction.]
Cela ne suffit pas. Vous trouverez de pays « communautaires » comme la Grande Bretagne où malgré le plein emploi les communautés restent séparées. Pour que tout le monde adopte les « habitudes sociales » du pays, il faut une pression résolue pour l’assimilation. C’est ce que nous avons eu en France jusqu’à la fin des années 1970, avant que les « classes intermédiaires » refusent de payer le prix des politiques d’assimilation.
Durant les années 1990-2000 ,je réalisai mes cours de svt devant des collégiennes voilées au nombre croissant jusqu’en 2004,année de première victoire de la laïcité.
C’était affreux.
Les prosélytes islamiques traitaient les autres adolescentes de putes car elles n’étaient pas voilées.
Elles battaient les non voilées en les traitant de impies.
Tout au long des cours,elles commentaient bruyemment par des ‘haram’,’cochons’,et autres vitupérations mes cours sur la reproduction sexuée,la géologie ou la rotondité de la Terre.
A cause des troubles psychiques que ça a entraîné chez moi,j’ai eu une dépression ,qui n’est pas terminée .
Quelle méconnaissance de la réalité de l’islam , lit on ici,par exemple chez le commentaire,que je penserai de bonne foi et candide signé Sorge?
Le voile est une agression contre celles qui ne sont pas voilées.
Monsieur Sorge , pensez vous que les
millions de clients potentiels en France,laissent les organisateurs des pèlerinages à la Mecque et commerce halal indifférent ?
@ Luc
[Durant les années 1990-2000 ,je réalisai mes cours de svt devant des collégiennes voilées au nombre croissant jusqu’en 2004,année de première victoire de la laïcité. C’était affreux. Les prosélytes islamiques traitaient les autres adolescentes de putes car elles n’étaient pas voilées. Elles battaient les non voilées en les traitant de impies. Tout au long des cours, elles commentaient bruyamment par des ‘haram’, ’cochons’, et autres vitupérations mes cours sur la reproduction sexuée, la géologie ou la rotondité de la Terre.]
Oui, vous avez tout à fait raison de signaler que le voile n’est que la partie visible d’un iceberg dont, comme pour tout iceberg, l’essentiel est caché. Le port du voile n’est que la manifestation symbolique d’une volonté de séparatisme qui va bien au-delà de la coiffure. C’est pourquoi il est absurde de comparer le voile au fichu de nos grandes mères, ou même à la kipa. Ni le fichu, ni la kipa sont la manifestation d’une volonté de rejet d’une civilisation, de sa sociabilité, de ses connaissances, ni la volonté d’imposer cette séparation aux membres de la « communauté » qui ne s’y plieraient pas de bonne grâce. Le combat contre le voile n’est pas un combat esthétique contre le port d’un carré de toile, c’est le combat contre ce que ce carré de toile représente.
[Monsieur Sorge, pensez-vous que les millions de clients potentiels en France, laissent les organisateurs des pèlerinages à la Mecque et commerce halal indifférent ?]
Je fais ici une incidente : le domaine du Halal et encore plus de l’organisation du pèlerinage donnent lieu à de très nombreux abus et escroqueries, abus et escroqueries qui sont intra-communautaires puisque ces créneaux sont massivement occupés par des opérateurs « issus de l’immigration ». Devant ces abus, les leaders communautaires se tournent… vers l’Etat pour exiger qu’il intervienne pour y mettre de l’ordre. Avouez qu’il est drôle d’imaginer que ceux-là même qui refusent à l’Etat le droit d’intervenir dans les rapports communautaires exigent de lui qu’il garantissent le pèlerinage à La Mecque…
Bonsoir Descartes,
Quand vous dites à juste titre plus haut, en parlant des musulmanes voilées en France, que de toute façon ces gens, en s’accrochant à des signes communautaires, n’ont pas réussi à recréer la sociabilité de leur pays d’origine, cela me donne à penser.
Pourquoi en est-il ainsi en fait ? Est-ce que cela ne serait pas une manifestation, par un jeu mimétique, de notre propre individualisme exacerbé ?
Dans une société du « c’est mon choix » sans limite, ces femmes exprimeraient moins une fidélité à une communauté introuvable (et donc largement fantasmée) qu’une affirmation forcenée d’elles mêmes et de leur choix à elles.
C’est ce que semble vouloir dire, entre autre, la très républicaine Fatiha Agag-Boudjahlat dans un livre récent.
Marcel Gauchet considérait par exemple la réforme protestante comme le point clé de la dérive de l’occident vers l’individualisme (mais il en discernait aussi des signes précurseurs dès la réforme grégorienne).
En récusant l’intermédiation de l’église catholique entre lui et Dieu, le croyant protestant exprimait autant sa foi exclusive en lui-même que sa foi en Dieu.
Dans le même ordre d’idée, est-ce que l’on ne ferait pas fausse route en nous accrochant à une fausse alternative entre l’espace public et l’espace privé, laquelle nous condamne à des combats douteux ?
Toujours en me référant à Marcel Gauchet, il n’est plus question d’invasion de l’espace public par l’espace privé, car désormais l’individu EST l’espace public dans sa totalité. Celui où des jeunes filles à peine pubères se livrent à des danses pornographiques au vu et au su de tout le monde sur internet depuis leur chambre à coucher.
Je ne dis pas qu’il faille s’abandonner au découragement de la fatalité, mais de revisiter des concepts qui deviennent inopérant à force d’ouvrir en grand les fenêtres à toutes sortes de malveillances.
Il me semble que l’enjeu serait désormais de ménager dans notre société des espaces étanches au public des individus, car il s’agit bien de cela.
Seul l’état pourrait le faire et il le ferait en imposant des règles au nom d’une tradition historique et politique précise. Par pour plaire à tout le monde, au risque justement que des éléments d’origine allogène récente prennent cette politique comme de la discrimination en faveur d’un public précis.
Tant pis ! La République doit redevenir ce qu’elle a toujours été -une marâtre fermement bienveillante plutôt qu’une bonne fille- ou disparaître.
Toujours à propos de cette fausse alternative entre l’espace public et privé, je constate une fois de plus que Macron a quand même bien joué son coup.
Dans un premier temps l’on fait lever la tempête dans le Lanterneau et, pour finir, je fais « le président cool » en me déclarant indifférent au voile dans l’espace public.
Le public visé ? Celui qui lui a assuré des scores de république bananière dans les « quartiers » sud de ma ville (Grenoble) après avoir largement sacré Mélenchon au premier tour.
Dernier point sur lequel j’aimerai avoir votre avis (si ce qui précède ne vous a point paru obscur). Ne pensez-vous pas que la liberté d’expression la plus large possible reste une arme de choix face à la pensée dogmatique de toute obédience.
Par liberté la plus large, j’entends celle qui existait avant les lois Pleven et surtout Gayssot, et qui n’avait pour seules limites que l’injure directe aux personnes et la diffamation.
J’ai la faiblesse de penser que le rire blasphématoire reste en sous-main majoritaire en France, celui-là même qui a du céder la place à la culture du ricanement contemporaine qui n’en constitue que son ombre.
Cordialement à vous.
@ La Gaule
[Quand vous dites à juste titre plus haut, en parlant des musulmanes voilées en France, que de toute façon ces gens, en s’accrochant à des signes communautaires, n’ont pas réussi à recréer la sociabilité de leur pays d’origine, cela me donne à penser. Pourquoi en est-il ainsi en fait ? Est-ce que cela ne serait pas une manifestation, par un jeu mimétique, de notre propre individualisme exacerbé ?]
Oui et non. Une sociabilité ne tombe pas du ciel. Elle se construit historiquement à partir de rapports matériels. Or, l’environnement matériel auquel sont confrontés les immigrés et autres « issus de l’immigration » en France n’a absolument rien à voir avec celui qui a construit la sociabilité telle qu’on la trouve dans les pays arabes. Pour ne donner qu’un exemple, notre société exerce une pression économique réelle pour que les femmes sortent de la maison et rentrent sur le marché du travail. Comment conserver dans ces conditions la sociabilité traditionnelle qui confine les femmes à la maison ?
Ce que vous appelez « notre individualisme exacerbé » est lui aussi une construction historique fondée sur les rapports matériels qui se sont établis du fait du développement du capitalisme. Ces rapports arrivent d’ailleurs dans les pays musulmans eux-mêmes, et sapent une sociabilité musulmane construite au long des siècles. C’est pourquoi la crise qui prend la forme des débats autour du voile chez nous est en fait une crise bien plus vaste, qui touche l’ensemble du monde musulman.
[Dans une société du « c’est mon choix » sans limite, ces femmes exprimeraient moins une fidélité à une communauté introuvable (et donc largement fantasmée) qu’une affirmation forcenée d’elles mêmes et de leur choix à elles.]
Je ne suis pas personnellement sur cette interprétation qui me semble par trop « psychologisante ». En bon matérialiste, ma tendance est à chercher quelle est la structure derrière chaque crise de la superstructure. Si les sociétés occidentales sont individualistes, c’est parce que cet individualisme est nécessaire au fonctionnement du capitalisme. C’est pourquoi la bourgeoisie a brisé l’ensemble des structures (corporations, églises…) héritées des siècles, comme l’avait si bien prédit Marx dans le « manifeste ».
[En récusant l’intermédiation de l’église catholique entre lui et Dieu, le croyant protestant exprimait autant sa foi exclusive en lui-même que sa foi en Dieu.]
Et ce n’est pas par hasard si la réforme protestante prépare l’avènement de la bourgeoisie comme classe dominante…
[Dans le même ordre d’idée, est-ce que l’on ne ferait pas fausse route en nous accrochant à une fausse alternative entre l’espace public et l’espace privé, laquelle nous condamne à des combats douteux ? Toujours en me référant à Marcel Gauchet, il n’est plus question d’invasion de l’espace public par l’espace privé, car désormais l’individu EST l’espace public dans sa totalité. Celui où des jeunes filles à peine pubères se livrent à des danses pornographiques au vu et au su de tout le monde sur internet depuis leur chambre à coucher.]
Je ne parle pas « d’espace » public ou privé, parce que cela crée une ambiguïté. Je préfère parler de « sphère » publique ou privée. Mais je dois ici être totalement en désaccord avec vous : c’est la sphère publique – c’est-à-dire, l’ensemble soumis au scrutin de l’autre et à la réglementation par l’Etat – qui tend à se réduire, et la sphère privée – celle ou l’individu est libre de faire ce qu’il veut sans rendre de compte à personne – qui tend à occuper tout l’espace. L’effet est plutôt la privatisation des espaces publics que la publicisation du privé.
Car il ne faut pas se tromper : lorsque je publie mes ébats sexuels sur Internet, j’applique à un espace « public » les règles qui régissent habituellement un espace « privé ». C’est donc une extension de l’espace privé.
[Seul l’état pourrait le faire et il le ferait en imposant des règles au nom d’une tradition historique et politique précise. Par pour plaire à tout le monde, au risque justement que des éléments d’origine allogène récente prennent cette politique comme de la discrimination en faveur d’un public précis.
Tant pis ! La République doit redevenir ce qu’elle a toujours été -une marâtre fermement bienveillante plutôt qu’une bonne fille- ou disparaître.]
La difficulté, c’est que la République, c’est nous. En d’autres termes, la République ne peut imposer des règles que si nous, les citoyens, sommes prêts à faire notre part. C’est là que le bât blesse : imposer des règles implique un coût, parce que pour avoir une chance de succès ceux qui respectent ces règles doivent y trouver un avantage. C’est la logique de l’assimilation : offrir l’égalité des droits en échange de l’adoption de la sociabilité du pays d’accueil. Or, le bloc dominant dans notre société n’est pas prêt à payer ce coût, et les autres n’en ont pas les moyens.
[Toujours à propos de cette fausse alternative entre l’espace public et privé, je constate une fois de plus que Macron a quand même bien joué son coup. Dans un premier temps l’on fait lever la tempête dans le Lanterneau et, pour finir, je fais « le président cool » en me déclarant indifférent au voile dans l’espace public.]
Je ne pense pas qu’il ait bien joué son coup. Disons qu’il a fait de nécessité vertu : il s’est saisi d’un sujet qu’il pensait intéressant dans son combat contre Le Pen, puis s’est rendu compte que pour couper l’herbe sous le pied du RN, il lui faudrait tenir un discours susceptible de lui aliéner son électorat de centre-gauche. Il a donc rétropédalé avec élégance essayant de ménager les uns et les autres. En pratique, je pense qu’il a perdu sur les deux tableaux. Pour les uns il est apparu inconséquent, pour les autres opportuniste.
[Dernier point sur lequel j’aimerai avoir votre avis (si ce qui précède ne vous a point paru obscur). Ne pensez-vous pas que la liberté d’expression la plus large possible reste une arme de choix face à la pensée dogmatique de toute obédience. Par liberté la plus large, j’entends celle qui existait avant les lois Pleven et surtout Gayssot, et qui n’avait pour seules limites que l’injure directe aux personnes et la diffamation.]
En dernière instance, oui. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille rejeter les lois Plevent et Gayssot, dont la fonction est à mon avis moins de lutter contre la « pensée dogmatique » que d’éviter la banalisation médiatique du nazisme. J’aurais tendance à penser qu’il faut une application intelligente de ces lois, et en particulier exclure de leur application les débats universitaires, ce qui en pratique est largement le cas.
[J’ai la faiblesse de penser que le rire blasphématoire reste en sous-main majoritaire en France, celui-là même qui a dû céder la place à la culture du ricanement contemporaine qui n’en constitue que son ombre.]
Je suis d’accord avec vous. De ce point de vue, le discours radical sur le féminisme reste un vernis qui se craquelle dès que quelqu’un en rit. C’est d’ailleurs pourquoi ils veulent interdire le rire…
Tout est relatif !
On disait pareil des protestants lors des guerre de religions.
Moi entre un accoutrement de protestant et un accoutrement de catholique je fait point de différence.
Tout est relatif.
@ Relativiste
[Tout est relatif !]
J’attire votre attention sur le fait que cette affirmation est paradoxale. Si “TOUT est relatif”, alors l’affirmation “tout est relatif” est elle-même relative, ce qui suppose qu’on puisse trouver un contexte dans lequel quelque chose n’est pas “relative”…
[On disait pareil des protestants lors des guerre de religions.]
On disait quoi ? A ma connaissance, les protestants n’ont jamais porté des signes pour marquer leur refus de tout contact avec les catholiques. La question ne se posait donc pas dans les mêmes termes. Mais les guerres de religion en France ont tourné aussi autour de la volonté d’un groupe religieux de constituer un “Etat dans l’Etat”…
[Moi entre un accoutrement de protestant et un accoutrement de catholique je fait point de différence.]
C’est quoi un “accoutrement de protestant” ?
Bonjour Descartes,
Je vous remercie pour ce papier, comme toujours, très instructif.
Dans le fond, je suis d’accord avec vous, je pense qu’il y a de plus en plus de lâcheté et d’indifférence dans notre société. Je me reconnais dans votre propos, notamment quand j’emprunte le métro parisien, dégueulasse, dans lequel les gens font n’importe quoi, un n’importe quoi contre lequel personne ne s’élève. On regarde ailleurs, le plus souvent, rivé comme un âne à l’écran de son téléphone portable. C’est le « lâche soulagement » ; on sait où il mène.
Que ce soit envers les petits blancs mal élevés, la racaille venue d’ailleurs (mais qui a grandi ici…), ou encore nos propres enfants, on n’ose plus ou plutôt on n’a plus le droit de faire quoi que ce soit, comme d’exercer une pression. Tous les choix se valent, quasiment toutes les attitudes sont défendables, ou à tout le moins, excusables. Grande horizontalité du monde.
Pourtant, je continue à hiérarchiser, il y a des choses que j’aime, d’autres qui me rebutent. Le voile, je n’arrive pas à m’y faire, ce n’est clairement pas mon truc, je n’apprécie pas du tout le concept. Si j’ai bien compris, je suis de par mon sexe, structurellement libidineux et impur, à un degré tel que je ne suis pas en droit de voir les cheveux de telle personne. C’est une conception particulièrement archaïque (et conne, pardon) des rapports humains, qui nie complètement ce que NOUS sommes (pour moi il existe un « nous » de référence en France).
J’abonde toutefois dans votre sens, aborder le voile par le biais de la laïcité ou encore celui du droit des femmes, me semble, sans jeu de mots, un « cache-sexe ». On veut donner un côté un peu bobo et surtout juridique à la contestation de cet obscurantisme, comme si ce qui n’était pas appuyé par le DROIT aujourd’hui n’avait aucun fondement et comme si le droit suffisait à donner une valeur intangible à quelque chose. Je ne développerai pas ce point ici, vous l’avez déjà bien fait dans votre texte, mais il est clair que le droit, impersonnel, individualiste et de plus en plus extranational, ne défend aucunement une conception française (collective) de la société, on dirait davantage qu’il contribue au développement d’une société anomique, paradoxalement.
Pour revenir au voile, soyons plus francs : ce bout de tissu, la fonction qui lui est donnée par les musulmans qui le portent, est complètement contraire à notre ethos, à nos mœurs. A Rome, il conviendrait de vivre comme les romains. Et là, j’en reviens au renoncement, on n’exerce plus de pression, on ne dit rien, et surtout, en laissant les uns et les autres vivre entre eux, entre communautés, on sape les fondements de la société. Nous créons ou laissons créer quelque chose d’autre.
Que devient ce pays ? J’ai parfois le sentiment que nous tendons à revenir à une sorte de tribalisme. J’évolue au travail dans un environnement assez « bobo », parisien, diplômé (je ne dirais pas éduqué, le diplôme n’étant plus nécessairement synonyme d’éducation, ni même de maîtrise de la langue…) et jeune. Au travail, nombre de mes collègues, quand je leur indique qu’il y a un problème ou quelque chose qui ne va pas dans une tâche x ou y, me répondent en me disant que je vois les choses en tant « qu’homme blanc ».
Cela va peut-être vous surprendre, mais il y a quelques années encore, je ne me serais jamais imaginé comme tel. Pour moi, j’étais français, élément structurant, mais je ne me pensais pas en « mâle blanc ». Au boulot ce n’est que ça, untel parle en tant que noir, que femme, que machin bidule… Face à cet essentialisme, je reste coi. On gagne à fermer sa gueule au travail, même si c’est dur de dissimuler ce qu’on est. On voudrait me faire croire que je suis l’intolérant du service. Personne ne veut le voir, mais le roi est nu, malheur à celui qui le dit.
Il m’est déjà arrivé de critiquer le voile au travail, on me rétorque les arguments classiques : les bourgeois, eux aussi utilisent des artifices pour se couper des autres, ou pire, qu’est-ce que ça peut te faire qu’ils se voilent, ça ne t’enlève aucun droit (encore le droit, comme si tout se réduisait à ça…) ?
Pour le voile, je vous ai bien lu mais j’ai encore du mal à bien affirmer les choses, à les argumenter ; je ne veux surtout pas, comme mes contradicteurs, prêter le flanc à un ton péremptoire. Concrètement, si on me dit, c’est juste un tissu, pour autant, elle veut bien te parler, en clair c’est sans portée aucune, que puis-je rétorquer ? (Je n’ai pas vos facilités…)
L’autre argument, le droit, on me l’a déjà opposé en 2013, pour le mariage entre personnes de même sexe. Beaucoup autour de moi n’ont pas compris que j’aille manifester, pour « empêcher certains de jouir d’un droit alors que ça ne m’enlevait rien » ; comme si on devait se foutre de qui ne nous touche pas directement, belle conception de la République…. Ils disent pareil pour le voile.
Mais ces gens-là sont paradoxaux, d’un côté, ils laissent leur société aller à vau-l’eau, de l’autre, ils viennent m’emmerder au bureau avec la « RSE », en deux mots : le trop de gobelets en plastique et le fait qu’il y ait trop de gens comme moi (comprenez homme blanc), au C.A de la boite. Par contre, il n’y a personne pour tenter une organisation collective, syndiquée ou non, et demander à la Direction d’introduire la participation ou encore défendre des acquis sociaux.
Rendez-vous compte, ce matin en arrivant au bureau, mon N+1 (qui a tenu à me dire l’autre jour que la galanterie n’était qu’une forme de sexisme déguisé… et ce type n’a pas 35 ans…) m’a donné une étiquette à afficher quelque part dans le bureau, sur laquelle était inscrite « agression sexuelle, 4 ans de prison et 10K€ d’amende, exemple : main aux fesses… » Il faut rappeler au bureau que les mauvais comportements sont pénalement répréhensibles. Et toujours le droit en toile de fond… Droit partout, société nulle part, spontanéité évanouie.
Vous posez la vraie question : « Aimons-nous assez notre façon d’être nous-mêmes collectivement pour la défendre ? » J’ai de gros doutes. Pour les dominants je n’en n’ai aucun, eux, vomissent leur pays. Tant qu’ils peuvent prendre l’avion 3 fois par an pour aller au soleil, faire du ski de temps en temps, regarder un petit porno et des séries Netflix ; en somme, vivre comme des porcs, avec un petit vernis culturel, tout peut s’écrouler autour d’eux.
Je ne suis pas cynique, je m’accroche à ma conception française de la société. Néanmoins, j’ai critiqué la lâcheté de mes compatriotes, mais moi-même, je n’ose pas défendre mes opinions partout, que ce soit au travail, ou en groupe avec des gens que je ne connais pas bien. Les gens sont de plus en plus intolérants, ils ne souffrent pas la contradiction et ont vite fait de vous ostraciser et de vous « diaboliser », plutôt que d’accepter le débat. J’ai un foyer à nourrir donc je fais attention, tout en demeurant convaincu que beaucoup sont comme moi.
Je m’excuse d’avoir beaucoup parlé de moi et de m’être répandu, mais votre blog reste pour moi un espace de liberté, j’en profite donc pour dire ce que je pense et le partager. Merci encore pour votre travail, on a besoin de gens comme vous.
Bien à vous,
@ Bruno
[Dans le fond, je suis d’accord avec vous, je pense qu’il y a de plus en plus de lâcheté et d’indifférence dans notre société. Je me reconnais dans votre propos, notamment quand j’emprunte le métro parisien, dégueulasse, dans lequel les gens font n’importe quoi, un n’importe quoi contre lequel personne ne s’élève. On regarde ailleurs, le plus souvent, rivé comme un âne à l’écran de son téléphone portable. C’est le « lâche soulagement » ; on sait où il mène.]
Oui, mais ne soyons pas trop durs avec les gens. Cette lâcheté est rationnelle. Car vous savez que si vous intervenez, vous ne serez pas suivi, vous ne serez pas soutenu, et si vous vous faites agresser c’est pour votre pomme. Dans ces conditions, difficile de sortir défendre la vérité et la justice.
L’indifférence… c’est autre chose. J’ai pu faire l’expérience que même dans des situations où le risque est minime ou inexistant, personne ne bouge. Un exemple : vendredi dernier, dans le wagon du métro ou je voyageais, je vois un type assis sur le strapontin qui tourne de l’œil et tombe sur le sol. Comme on était en station, je me lève, je tire le signal d’alarme pour que le train ne reparte pas, et je cours vers l’avant pour prévenir le conducteur qui appelle lui le personnel de station. Lorsque je reviens dans le wagon… le type est toujours allongé par terre. Tout le monde reste assis, personne ne s’est approché pour vérifier qu’il respirait, pour le mettre en position de sécurité, pour essayer de lui parler pour voir s’il reprenait conscience… non, tout le monde attend que ça se passe. Il a fallu que moi-même – je lui parle et je lui tapote un peu la joue pour qu’il reprenne connaissance, juste avant que le personnel de station arrive pour le prendre en charge. Personne ne s’est approché, personne n’a réagi… et pourtant, la situation ne comportait absolument aucun risque.
[Pour revenir au voile, soyons plus francs : ce bout de tissu, la fonction qui lui est donnée par les musulmans qui le portent, est complètement contraire à notre ethos, à nos mœurs. A Rome, il conviendrait de vivre comme les romains. Et là, j’en reviens au renoncement, on n’exerce plus de pression, on ne dit rien, et surtout, en laissant les uns et les autres vivre entre eux, entre communautés, on sape les fondements de la société. Nous créons ou laissons créer quelque chose d’autre.]
Je partage tout à fait votre raisonnement. On parle d’individualisme, mais il ne faut pas confondre l’individualisme des Lumières et celui que les néo-libéraux nous proposent aujourd’hui. L’individu des Lumières était un individu social, qui « de sa liberté ne veut faire usage que pour obéir à la loi », exerçant sa liberté tant que membre d’un corps social, et soumis à ce titre a des obligations légales, mais aussi éthiques et morales considérées nécessaires à une sociabilité civilisée.
L’individualisme des néo-libéraux repose sur un individu-île, qui n’a d’autre limite que lui-même. Même la loi ne constitue pas une limite : lorsque l’individu la juge injuste, il est parfaitement loisible de la contourner, comme le montre le débat concernant la transcription dans l’état civil français des enfants nés par GPA à l’étranger. Et si même la loi est relative, imaginez-vous quel peut être le statut des obligations qui tiennent à la sociabilité. C’est en réaction à ce modèle de l’individu-île qu’on cherche dans la « communauté » un écrin protecteur.
[Cela va peut-être vous surprendre, mais il y a quelques années encore, je ne me serais jamais imaginé comme tel. Pour moi, j’étais français, élément structurant, mais je ne me pensais pas en « mâle blanc ». Au boulot ce n’est que ça, untel parle en tant que noir, que femme, que machin bidule… Face à cet essentialisme, je reste coi.]
Oui, je partage votre perplexité. J’entends d’ailleurs souvent des gens qui se présentent comme parlant « en tant que femme » ou « en tant que jeune », comme si le simple fait d’appartenir à un groupe et donc de partager son « essence » vous autorisait à parler en son nom.
[Il m’est déjà arrivé de critiquer le voile au travail, on me rétorque les arguments classiques : les bourgeois, eux aussi utilisent des artifices pour se couper des autres, ou pire, qu’est-ce que ça peut te faire qu’ils se voilent, ça ne t’enlève aucun droit (encore le droit, comme si tout se réduisait à ça…) ?]
Ce dernier argument est très intéressant. Il fait écho à celui qui a été utilisé lors du « mariage pour tous » : pourquoi les hétérosexuels devraient s’émouvoir puisque la modification de la loi ne changeait en rien la situation des hétérosexuels ? Un peu comme si seules les choses qui touchent notre petite situation personnelle comptaient, comme si le fonctionnement global de la société n’était pas un bien commun qu’il importe à chacun de préserver.
[Concrètement, si on me dit, c’est juste un tissu, pour autant, elle veut bien te parler, en clair c’est sans portée aucune, que puis-je rétorquer ? (Je n’ai pas vos facilités…)]
Eh bien, si c’est « juste un tissu », alors cela ne devrait pas leur poser de problème de l’enlever, non ? Le fait qu’elles refusent de l’enlever, même dans des situation où il est absolument clair que l’usage du voile gêne, montre que pour ces femmes le voile n’est pas « juste un tissu », que c’est pour elles quelque chose de très important. Et si c’est important pour elles, pourquoi ne serait-ce important pour moi ?
La question n’est pas de savoir si elle veut ou non me parler. La question est ce qu’elle me dit. En portant son voile elle me dit « j’appartiens à une communauté qui n’est pas la vôtre ». Alors, si elle a le droit de me rejeter, pourquoi n’aurais-je pas le droit de faire de même ?
[Je ne suis pas cynique, je m’accroche à ma conception française de la société. Néanmoins, j’ai critiqué la lâcheté de mes compatriotes, mais moi-même, je n’ose pas défendre mes opinions partout, que ce soit au travail, ou en groupe avec des gens que je ne connais pas bien. Les gens sont de plus en plus intolérants, ils ne souffrent pas la contradiction et ont vite fait de vous ostraciser et de vous « diaboliser », plutôt que d’accepter le débat. J’ai un foyer à nourrir donc je fais attention, tout en demeurant convaincu que beaucoup sont comme moi.]
Ce n’est pas moi qui ira vous le reprocher. Le courage est peut-être une vertu, mais la prudence en est une plus grande encore. A rien ne sert d’engager des combats qu’on ne peut ni gagner, ni perdre avec honneur. Et vous avez raison, beaucoup de gens sont comme vous et moi, un peu comme les marginaux qui mémorisent les livres dans « Farenheit 451 ».
[Je m’excuse d’avoir beaucoup parlé de moi et de m’être répandu, mais votre blog reste pour moi un espace de liberté, j’en profite donc pour dire ce que je pense et le partager.]
Ne vous excusez pas, ce blog est là pour ça.
[Tout le monde reste assis, personne ne s’est approché pour vérifier qu’il respirait, pour le mettre en position de sécurité, pour essayer de lui parler pour voir s’il reprenait conscience]
Très grand classique, l’effet du témoin. C’est un phénomène psychologique comme il en existe beaucoup (étudié à la fin des années 60 suite a un meurtre… devant un public qui n’a pas bougé).
Pour faire simple plus il y a de gens confronter a une situation plus il y a une “dilution” de la responsabilité. Une situation catastrophique peut être observé par le grand nombre sans susciter de réactions.
Pour en sortir il faut un certain degrés de volonté, une connaissance de l’effet peut aider a le contourner. Les contextes de vies jouent grandement (les personnes du mondes médicales viennent en aide plus facilement). Sans parler du fait qu’une fois cette état psychologique levé il faut être apte a agir (arrêter un train c’est une chose, stopper un meurtre une autre) mais la on sort du cadre de l’effet du témoin et on revient a votre avant dernier paragraphe.
D’ailleurs la clé quand on est la victime : ne pas s’adresser a une foule, s’adresser directement aux individus eux même. Trouver quelqu’un et lui dire “aidez moi, j’ai untel problème”. Bien plus efficace que s’adresser a une foule…
Un autre phénomène, moins psychologique, qui lui est a mettre en relation avec notre société existe… Une histoire pour le présenter : un chercheur Africain venu en France nous expliquait avoir été témoin d’un accident. A sa grande surprise, contrairement a ce qu’il se passe dans son pays, il n’y a pas eu d’attroupement autour du blessé, personne pour tenter de l’aider, pas de grande scène qu’on jugerait ubuesque nous. Il était assez choqué, mais en bon chercheur il y a réfléchi aux différences fondamentales entre la France et son pays avant de trouver une explication : les institutions. Chez nous en cas d’accident, on appelle le 17, on laisse faire les pompiers, on évite en passant d’aggraver la situation en déplaçant des victimes d’accidents. Peut être que cela renforce l’effet du témoin (il faudrait l’étudié), mais quand on est face a quelqu’un qui fait un malaise dans le métro on attend des institutions qu’elles jouent leurs rôles… Et elles l’ont fait dans votre exemple. On attend qu’elles jouent leur rôle, et on sait qu’elles le joueront.
@ Yoann Kerbrat
[mais quand on est face a quelqu’un qui fait un malaise dans le métro on attend des institutions qu’elles jouent leurs rôles… Et elles l’ont fait dans votre exemple. On attend qu’elles jouent leur rôle, et on sait qu’elles le joueront.]
Tout à fait. J’ai beaucoup d’amis qui viennent de pays du sud ou les institutions ne sont guère fiables, et ils se font tous écho de l’analyse de votre chercheur. Cela étant dit, pour que les institutions puissent jouer un rôle, encore faut-il qu’il y a quelqu’un pour les saisir! Si tout le monde regarde sans rien faire, l’ambulance n’arrivera jamais!
[encore faut-il qu’il y a quelqu’un pour les saisir!]
En général il y a quelqu’un; un vous; un mois (ça m’est arrivé), un autre… Mais oui il en faut un.
[ il est clair que le droit, impersonnel, individualiste et de plus en plus extranational, ne défend aucunement une conception française (collective) de la société, on dirait davantage qu’il contribue au développement d’une société anomique, paradoxalement. (…) on n’exerce plus de pression, on ne dit rien, et surtout, en laissant les uns et les autres vivre entre eux, entre communautés]
Finalement ils vivent comme les Romains d’une certaine façon, non ? 😉
Bonjour, c’est encore moi. A force de poursuivre mes lectures et réflexions sur cette question, j’ai aussi trouvé cette tribune d’une sénatrice UDI, rapporteuse d’une commission d’enquête sur le djihadisme, et qui nous rappelle qu’à force de nous focaliser sur le voile nous risquons d’oublier la dénonciation bien plus urgente et pertinente des réseaux djihadistes et prêches sécessionnistes, un peu comme de se focaliser sur l’arbre empêche qu’on voit la forêt qui pousse derrière et le pousse en avant.
https://www.huffingtonpost.fr/entry/islam-pourquoi-tant-de-haine_fr_5da6cf66e4b062bdcb1af4f7?ncid=other_huffpostre_pqylmel2bk8&utm_campaign=related_articles
Et merci encore pour votre souci de prendre en compte vos intervenants et de tenter de leur répondre.
@ Claustaire
[Bonjour, c’est encore moi. A force de poursuivre mes lectures et réflexions sur cette question, j’ai aussi trouvé cette tribune d’une sénatrice UDI, rapporteuse d’une commission d’enquête sur le djihadisme, et qui nous rappelle qu’à force de nous focaliser sur le voile nous risquons d’oublier la dénonciation bien plus urgente et pertinente des réseaux djihadistes et prêches sécessionnistes, un peu comme de se focaliser sur l’arbre empêche qu’on voit la forêt qui pousse derrière et le pousse en avant.]
Cela me rappelle le discours gauchiste qui vouait aux gémonies les municipalités PCF au prétexte qu’elles s’occupaient d’essayer d’améliorer les conditions de vie des habitants au lieu de concentrer tous leurs efforts à la préparation de la grève générale insurrectionnelle qui allait libérer le prolétariat de ses chaînes. L’être humain n’est pas monotâche : pourquoi ne pourrait-on s’occuper à la fois du problème du voile et de celui des réseaux djihadistes et des prêches sécessionnistes ? D’autant plus que, contrairement à ce que suppose votre sénatrice, ce sont deux faces d’une même réalité, à savoir, l’existence d’une communauté qui prétend se séparer de la collectivité nationale. On combat les uns en combattant les autres.
Après, on retrouve dans cette tribune tous les lieux communs, toutes les idées fausses que véhicule la bienpensance. Pour la n-ième fois elle rappelle que le port du voile par un parent lors d’une sortie scolaire est permis par la loi, oubliant que la question ici n’est pas vraiment la loi, mais une question de sociabilité. D’ailleurs, comme je le signale dans mon article, ni la « maman voilé » ni l’élu RN à l’origine de l’incident n’a violé la loi : l’une avait le droit de porter le voile, l’autre avait le droit de dire qu’il n’était pas d’accord.
« Pourquoi tant de haine ? » demande la sénatrice ? « Parce que tant de connerie », comme aimait à répondre un ami à moi. Parce que le bloc dominant dans notre société, c’est-à-dire la bourgeoisie et les « classes intermédiaires », ne veulent pas d’une assimilation qui ferait des enfants issus de l’immigration des concurrents pour leurs propres enfants. Or, en détruisant les mécanismes qui permettaient l’assimilation, ils ont créé un problème majeur dont ils ne veulent pas assumer les conséquences. Et c’est pourquoi depuis trente ans, chaque fois que le problème est sur la table ils se drapent dans leurs grands principes pour refuser tout débat sérieux sur la question en réduisant toute voix dissonante au silence ou en la marginalisant sous les accusations de « racisme » ou « islamophobie ». Zemmour est un provocateur, certes, mais lorsqu’un Chevènement, personnalité connue par son intelligence des situations, s’est permis le mot de « sauvageons », il a eu droit au même traitement.
Le débat devient nauséabond parce que seuls les nauséabonds, ceux qui n’ont plus rien à perdre, peuvent se permettre de s’exprimer. Les autres ont le choix entre suivre la bienpensance ou garder un silence prudent, sous peine d’être trainés dans la boue, d’être ostracisés par leurs collègues et dans le pire des cas de perdre leur boulot.
Et comme vous le dites dès le début de ce post : En trente ans, rien n’a avancé.
Sauf l’obscurantisme religieux et son hégémonie sociale dans certains de nos quartiers ou villes.
D’ailleurs, à l’occasion, vous pourriez mettre les liens des nombreuses pages de votre blog que vous avez déjà consacrées à ces questions. 🙂
A une prochaine !
@ Claustaire
[Et comme vous le dites dès le début de ce post : En trente ans, rien n’a avancé. Sauf l’obscurantisme religieux et son hégémonie sociale dans certains de nos quartiers ou villes.]
Pourquoi dites vous “religieux” ? C’est l’obscurantisme en général qui a avancé, et pas seulement l’obscurantisme religieux. L’obscurantisme religieux, c’est l’obscurantisme des pauvres, qui vont chercher dans la religion un sens et une armature sociale que la société ne leur propose pas ou plus. Mais il y a aussi l’obscurantisme des riches: l’écologisme, les “médecines alternatives”, le primat du “ressenti” sur la réalité, le postmodernisme… Cet obscurantisme est infiniment plus dangereux, parce qu’il détermine l’action des classes dominantes, c’est à dire, de celles qui fabriquent l’idéologie qui domine la société.
Aujourd’hui, la raison est devenue un privilège…
@Descartes
> Aujourd’hui, la raison est devenue un privilège…
Je suis un peu étonné de cette formulation. A priori, la raison (ou son exercice) est surtout un effort constamment renouvelé. Pourquoi parlez-vous de privilège ?
@ Ian Brossage
[« Aujourd’hui, la raison est devenue un privilège… » Je suis un peu étonné de cette formulation. A priori, la raison (ou son exercice) est surtout un effort constamment renouvelé. Pourquoi parlez-vous de privilège ?]
L’exercice de la raison est un effort constamment renouvelé, certes, mais celui qui s’y astreint touche des retours qui sont loin d’être négligeables : la capacité d’agir sur le monde, et non seulement de le subir. Je verrais l’exercice de la raison plutôt comme un investissement avec une mise au départ importante et une rentabilité tout aussi importante à l’arrivée.
Seulement, tout le monde n’est pas égal devant cet investissement. D’abord, pour investir il faut un capital, et ce capital comme tout autre capital est essentiellement transmis d’une génération à l’autre, par les parents bien entendu, mais aussi par les institutions et d’abord l’institution scolaire. Or, celle-ci a renoncé à ce rôle sous la pression d’un bloc dominant qui veut garder pour lui ce patrimoine. C’est en ce sens que je parle de « privilège ».
De plus en plus, les instruments qui permettent d’exercer la raison ne seront disponibles que pour une couche réduite de la population, celle qui aura la chance d’avoir les “bons” parents, ceux qui vous transmettent leur patrimoine et vous poussent à aller aux “bonnes” écoles, collèges, lycées, universités.
@Descartes
> L’exercice de la raison est un effort constamment renouvelé, certes, mais celui qui s’y astreint touche des retours qui sont loin d’être négligeables : la capacité d’agir sur le monde, et non seulement de le subir.
Cela ne me paraît hélas pas si simple. Pour avoir la capacité d’agir sur le monde, c’est au niveau collectif que l’exercice de la raison doit être reconnu comme efficace et souhaitable. Sinon, la raison permey éventuellement de mieux mener sa barque sur le plan personnel, mais pas d’agir sur le monde. D’ailleurs, n’est-ce pas aussi le constat que vous faites fréquemment, d’une incapacité de la raison à faire entendre ses arguments dans le débat public ?
@ Ian Brossage
[Cela ne me paraît hélas pas si simple. Pour avoir la capacité d’agir sur le monde, c’est au niveau collectif que l’exercice de la raison doit être reconnu comme efficace et souhaitable.]
Je prenais l’expression « agir sur le monde » dans le sens le plus général, c’est-à-dire, pas seulement pour ce qui concerne les plus petites choses, mais aussi les plus grandes. Celui qui devant un incendie appelle les pompiers agit sur le monde. Celui qui devant un incendie allume un cierge et prie dieu pour qu’il l’éteigne, non.
La Raison permet d’agir sur le monde parce qu’elle permet d’établir les lois qui régissent le monde qui nous entoure, d’anticiper grâce à elles les effets de nos actions, donc de choisir les moyens les plus adaptés et les plus efficaces pour atteindre un but donné. Et cela est vrai sur le plan personnel comme sur le plan collectif. Ceux qui rejettent la Raison en sont réduits à choisir leurs moyens en fonction de leurs préjugés, sans pouvoir estimer leur efficacité réelle.
[D’ailleurs, n’est-ce pas aussi le constat que vous faites fréquemment, d’une incapacité de la raison à faire entendre ses arguments dans le débat public ?]
Tout à fait. Mais cette incapacité se traduit par une perte d’efficacité du « débat public » à l’heure d’avoir un effet réel sur le monde.
PS. Mon tout dernier post (proposant le lien vers la tribune de la sénatrice UDI) est parti trop vite, car je voulais vous proposer en contre-exemple, ou en revers plus smashé que lifté, les liens vers deux vidéos, la première courte et cinglante (moins de 5 minutes), la deuxième un peu plus développée (23 minutes), de Fatiha Agag-Boudjahlat, dont on connaît peut-être le parcours et l’engagement à la fois laïque et républicain.
Merci, svp, de lier donc ces deux dernières propositions de commentaires.
Bien à vous.
@ Claustaire
[car je voulais vous proposer en contre-exemple, ou en revers plus smashé que lifté, les liens vers deux vidéos, la première courte et cinglante (moins de 5 minutes), la deuxième un peu plus développée (23 minutes), de Fatiha Agag-Boudjahlat,]
J’ai regardé la première vidéo. Je retiens une formule qui me semble très intéressante: “La liberté sans contenu éthique, sans réflexion, sans émancipation, sans éducation, c’est de la licence”. Je ne partage pas par contre la vision “féministe” exprimé dans la première vidéo. Je ne crois pas que le problème du voile soit la subordination de la femme au “patriarcat” diabolisé. Je trouve très intéressant aussi un autre raisonnement qu’elle énonce: “L’Etat doit garantir l’égal accès aux opportunités économiques, politiques et sociales. Si votre choix de religion et votre choix d’orthodoxie vous interdit de vous saisir de ces opportunités-là, ce n’est pas la faute de l’Etat ou de la société. C’est à vous de l’assumer, c’est votre choix”. Et je trouve que cette formule pourrait être appliquée à bien d’autres choix que le choix religieux…
La deuxième vidéo est intéressante par les exemples qu’elle donne, mais j’avoue que regarder des vidéos, c’est pas trop ma tasse de thé… et pourtant je n’ai pas vu le temps passer. Je trouve particulièrement intéressante sa réflexion finale sur l’école. Les autres interventions sont aussi très intéressantes.
Désindustrialisation, perte de savoir faire dans la filière nucléaire.
Quelles causes, voici les conséquences, quels remèdes ?
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/10/28/une-perte-de-competences-generalisee-le-rapport-folz-dresse-un-bilan-severe-de-l-echec-de-l-epr-de-flamanville_6017201_3234.html
Désolé du hors sujet, j’aimerais bien avoir votre avis sur ce désastre à bas bruit, qui touche à une de vos estimables marottes, mais que je crains annonciateur de lourdes tragédies futures ….
@ Jordi
[Désindustrialisation, perte de savoir-faire dans la filière nucléaire. Quelles causes, voici les conséquences, quels remèdes ? (…) Désolé du hors sujet, j’aimerais bien avoir votre avis sur ce désastre à bas bruit, qui touche à une de vos estimables marottes, mais que je crains annonciateur de lourdes tragédies futures ….]
Le rapport Folz ne dit que ce que je répète depuis des années dans les différentes fonctions que j’ai eu à occuper, et qui m’ont valu d’ailleurs une solide réputation d’oiseau de mauvais augure. J’aurais préféré avoir tort !
Oui, comme vous dites, c’est un désastre à bas bruit. Et c’est un désastre annoncé, pour des raisons sur lesquelles Folz ne s’étend pas trop. Il constate bien les difficultés d’EDF dans l’organisation du chantier et notamment dans la constitution d’une équipe projet ayant une autorité suffisante, mais il ne recherche pas les causes. Or, ces causes sont connues : lorsque la construction de l’EPR est lancée, la préoccupation essentielle de la direction d’EDF et des ministères de tutelle est l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité, le changement de statut de l’entreprise et l’ouverture du capital. C’est peu dire que le management de l’entreprise fait de ces affaires la priorité absolue, les questions techniques passant au second plan.
Et bien sûr, il faut faire des économies pour que la mariée soit belle le jour de l’introduction en bourse, et pour faire face à l’obligation de brader une partie de l’électricité produite a vil prix, imposée par l’Union européenne dans le cadre de l’ouverture du marché. Autant dire que là où il fallait 50 ingénieurs, on mettait dix, et que dans la sous-traitance EDF a souvent pris le moins-disant sans trop regarder à la qualité.
A cela s’ajoute les vices historiques de l’EPR, produit monstrueux d’une coopération franco-allemande voulue par l’autorité politique qui aboutit à un objet extraordinairement difficile à construire, puisqu’il a fallu contenter tout le monde. Il ne faudrait pas négliger non plus les conséquences néfastes de la création d’une autorité de sûreté « indépendante », dont le premier soin a été de se forger une image médiatique en jouant les « monsieur plus », et une autorité politique défaillante qui depuis trente ans souffle alternativement le chaud et le froid sur la filière nucléaire sur le mode « cachez ce réacteur que je ne saurais voir ».
Dans ce projet, on a eu tout ce qu’il fallait pour assurer l’échec : un projet voulu par les politiques en dépit des techniciens, une volonté politique défaillante, un opérateur appauvri, un tissu industriel qui s’étiole…
Très intéressant les deux vidéos. J’ai toujours apprécié le MRC pour ses réflexions sur ce sujet.
Souvenirs pas si anciens de mon temps de prof, de 1996 à 2013.
On vit parfois dans le collège un ou deux foulards, vite réprimés. Il est vrai qu’au même moment on interdit le port de la capuche sur la tête, susceptibles de dissimuler les visages et donc ne permettant plus d’identifier les petits canaillous qui se seraient permis quelque incivilité.
Mais en même temps nous eûmes un débat puis une modification du règlement intérieur pour définir ce qu’était une “tenue décente”. Par ce que quelques garçons arboraient le jean largement baissé , qui ne laissait rien ignorer du caleçon et surtout de la marque d’icelui. Filles et garçons optant un peu plus tard pour les jeans lacérés découvrant généreusement la peau des cuisses, voire la naissance des fesses. Pour ne rien dire des shorts microscopiques que plus petit ça s’appelle un timbre poste, des décolletés qui gênaient parfois les profs mâles car ils ne savaient plus où poser les yeux, dans la hantise qu’on puisse soupçonner leur regard d’être trop appuyé. Et alors là, c’était la dénonciation sur les réseaux sociaux, une réputation compromise et parfois carrément la diffamation.
Et pendant ce temps-là, un pauvre foulard posé sur les cheveux, pas le voile qui dissimule tête et cou, je parle du foulard, était impitoyablement pourchassé.
On eut d’ailleurs beaucoup de mal à définir cette fameuse tenue décente, et les termes étaient assez flous pour laisser place à toutes les interprétations comme ça on avait la paix.
J’eus à recevoir des mamans marocaines ou d’origine marocaine en caftan et foulard, et croyez-moi, elles étaient bien plus agréables dans leur tenue, leur engagement vis à vis de l’école, que d’autres qui posaient littéralement leur poitrine abondante et largement découverte, style famille Groseille mais en vrai, qui venaient défendre les droits de leur affreux Jojo incapable d’apporter un cahier et un stylo en cours.
Pour les mamans d’origine marocaine (il y a une importante communauté dans cette ancienne cité minière), le port du foulard ne leur a jamais interdit l’entrée du collège. Alors que la fameuse tenue décente posait problème, parce que des parents venaient en bermuda de plage et en tongs et qu’ils ne comprenaient pas pourquoi on aurait interdit la même tenue à leur progéniture.
Bref, du grand délire, et qui perdure.
J’ajoute que j’ai passé 18 ans dans cet établissement. Au début, en 1996, pour l’Aid, les élèves musulmans (qui n’étaient jamais absents pendant le Ramadan car les enfants et ados en pleine croissance sont dispensés du jeûne) étaient autorisés à ne pas venir en cours, mais arrivaient dans la matinée, avec leurs plus beaux vêtements, accompagnés des mamans, et porteurs de plateaux de pâtisseries maison en salle des profs.
10 ans plus tard, on nous demandait d’éviter les contrôles un peu difficiles parce que les enfants (quelques uns) étaient fatigués par le jeûne et les couchers tardifs. Encore quelques années, et des cancres agressifs criaient au racisme s’ils écopaient d’une mauvaise note pourtant méritée. Encore un peu, et dans cette ville de tradition laïque et socialiste, s’invitaient dans les conseils d’établissement ceux qui réclamaient des repas alternatifs, voire hallal. Quand je pense que dans les années 90, le Vendredi Saint, on servait des spaghettis bolognaise pour que la viande soit impossible à trier.
Pourtant c’est la même ville, le même collège, et juste 20 ans d’évolution. Je peux ajouter que les parents d’origine maghrébine étaient au départ d’anciens mineurs et ouvriers, et que d’autres nouveaux arrivants, via l’Espagne, n’avaient pas, comment dire pudiquement, les mêmes valeurs. Pour avoir été ,en fin de carrière, agressée, menacée, et jamais soutenue par une administration qui donnait systématiquement raison aux élèves pour acheter la paix, je peux dire que j’ai payé au prix fort ma tentative de conserver une laïcité de simple bon sens.
J’ai fini par la dépression, et le départ sans gloire au moment de la retraite. Trois personnes m’ont saluée ce jour-là: l’intendant, la secrétaire, et une employée d’entretien, par ailleurs maman d’élève et… qui portait le foulard.
J’ai déménagé depuis, mais je retourne parfois dans cette ville où j’ai des amis.
Aux dernières nouvelles, le FN à eu les élus en conseil municipal, et chacun s’accorde à penser que leur nombre doublera l’an prochain, au vu des résultats des dernières élections nationales ou européennes.
Mes amis musulmans un peu âgés évitent d’aller à la salle de prière et font leurs dévotions chez eux, car le lieu est squatté par des croyants …disons véhéments.
Je ne prétends pas détenir de recettes, je fais juste un constat.
Je pense que beaucoup d’angélisme, plus que du laxisme d’ailleurs, à mené à cette situation.
Pour finir, j’ajoute que je suis fort surprise de voir que Castaner à déclenché un tollé en s’exprimant, et d’entendre Macron dire que le voile n’est pas le problème du gouvernement.
Mais si, justement, la preuve, nous avons, sauf erreur, un ministre des cultes, qui est aussi ministre de l’Intérieur, et qui est le seul à conserver un silence prudent (alors que son prédécesseur Collomb n’a pas cette prudence).
Enfin, je fais la différence entre le foulard, qui couvre la chevelure, qui est certes un symbole religieux, mais qui, dans l’espace public, ne me dérange pas, et le voile, qui couvre le visage et/ou le corps. Après tout, il est interdit d’entrer casqué dans un magasin ou une banque, il faut que l’on puisse vous identifier, sauf erreur Vigipirate est toujours d’actualité. Moi, je n’entre même plus dans la parlotte du féminisme ou des libertés, je dis que je préfère savoir si la personne voilée qui passe à côté de moi est un homme ou une femme, si elle est susceptible d’être armée ou munie d’une ceinture d’explosifs. Ça aussi, c’est du ressort du ministère de l’Intérieur, non?
Alors j’aimerais bien qu’on arrête les chicailleries à visées électorales, et qu’on applique une loi qui n’est pas si mal faite, sans se perdre dans les dédales des discussions aussi vaines que stériles. Parce que j’ai exposé ce que ma petite ville tranquille à vécu en 20 ans, et que si on continue ainsi on se prépare une drôle de société.
@ Cherrytree
Merci d’abord pour cette passionnante “tranche de vie”.
[Mais en même temps nous eûmes un débat puis une modification du règlement intérieur pour définir ce qu’était une “tenue décente”. Par ce que quelques garçons arboraient le jean largement baissé, qui ne laissait rien ignorer du caleçon et surtout de la marque d’icelui. Filles et garçons optant un peu plus tard pour les jeans lacérés découvrant généreusement la peau des cuisses, voire la naissance des fesses. Pour ne rien dire des shorts microscopiques que plus petit ça s’appelle un timbre poste, des décolletés qui gênaient parfois les profs mâles car ils ne savaient plus où poser les yeux, dans la hantise qu’on puisse soupçonner leur regard d’être trop appuyé. Et alors là, c’était la dénonciation sur les réseaux sociaux, une réputation compromise et parfois carrément la diffamation. Et pendant ce temps-là, un pauvre foulard posé sur les cheveux, pas le voile qui dissimule tête et cou, je parle du foulard, était impitoyablement pourchassé.]
Beh oui. Parce que je doute que les jeans largement baissés pour montrer la marque du caleçon, les jeans lacérés ou les minishorts aient été la manifestation d’un séparatisme communautaire. On peut porter une tenue « incorrecte » pour beaucoup de raisons. L’incorrection n’est d’ailleurs pas objective, elle est dans l’œil de la société qui la définit.
[On eut d’ailleurs beaucoup de mal à définir cette fameuse tenue décente, et les termes étaient assez flous pour laisser place à toutes les interprétations comme ça on avait la paix.]
Que manifeste un adolescent lorsqu’il porte le jean baissé ou lacéré ? Il manifeste une rébellion contre l’ordre. Pour les générations précédentes, c’était le maquillage – strictement interdit dans les lycées – où le t-shirt avec l’image du « che ». Et de mon point de vue il est bon que ces choses-là soient interdites, parce qu’ainsi on fournit une règle contre laquelle se rebeller sans se mettre en danger. Puisque la rébellion fait partie aussi du processus de construction de la personnalité, autant fournir des prétextes de rébellion inoffensifs.
D’ailleurs, quel est l’enjeu dans cette affaire ? Est-ce grave, docteur, si le lycée interdit un peu trop ou un peu trop peu ? Franchement…
[J’eus à recevoir des mamans marocaines ou d’origine marocaine en caftan et foulard, et croyez-moi, elles étaient bien plus agréables dans leur tenue, leur engagement vis à vis de l’école,]
Encore une fois, la question n’est pas individuelle. Je suis persuadé qu’il y a des femmes qui sous la burqua sont absolument charmantes et très intelligentes. Le problème est qu’elles ont fait un choix, qui est un choix communautaire, et que ce choix est incompatible avec le vivre ensemble tel que nous le concevons en France.
[Pour les mamans d’origine marocaine (il y a une importante communauté dans cette ancienne cité minière), le port du foulard ne leur a jamais interdit l’entrée du collège. Alors que la fameuse tenue décente posait problème, parce que des parents venaient en bermuda de plage et en tongs et qu’ils ne comprenaient pas pourquoi on aurait interdit la même tenue à leur progéniture.]
Là, je ne comprends pas le raisonnement. Pourquoi estimez-vous « correct » le caftan et le voile et « incorrect » les tongs et le bermuda ?
[J’ajoute que j’ai passé 18 ans dans cet établissement. Au début, en 1996, pour l’Aid, les élèves musulmans (qui n’étaient jamais absents pendant le Ramadan car les enfants et ados en pleine croissance sont dispensés du jeûne) étaient autorisés à ne pas venir en cours, mais arrivaient dans la matinée, avec leurs plus beaux vêtements, accompagnés des mamans, et porteurs de plateaux de pâtisseries maison en salle des profs.]
J’insiste : la question n’est pas de savoir si les musulmanes voilées sont ou non sympa à titre individuel. Je n’ai aucune raison de penser qu’elles ne le sont pas. Le problème n’est pas là. La question est de savoir quel est le message que ces musulmanes veulent transmettre lorsqu’elles se voilent. Pourquoi est-il si important pour elles de se montrer voilées, au point que toute injonction d’enlever le voile – même lorsqu’elle est objectivement justifiée, par exemple pour une photo ou n contrôle d’identité – devient un drame ?
Je peux même imaginer que pour les marocaines dont vous parlez, qui sont arrivées en France à une époque et dans une région ou la machine à assimiler marchait encore, puissent ne porter le voile que par habitude, et ne lui donnent aucune signification particulière. Mais aujourd’hui, ce n’est clairement plus le cas.
[Mes amis musulmans un peu âgés évitent d’aller à la salle de prière et font leurs dévotions chez eux, car le lieu est squatté par des croyants …disons véhéments. Je ne prétends pas détenir de recettes, je fais juste un constat.]
Votre expérience confirme ce que je disais plus haut. Les musulmans qui sont arrivés quand la machine à assimiler fonctionnait encore ne constituent pas un problème. Même s’ils ont conservé des traditions à eux, ces traditions fonctionnent plus comme du folklore que comme manifestation d’une revendication séparatiste. J’ai vécu quelques années dans une cité peuplée en grande majorité de gens issus des immigrations anciennes, et mes souvenirs coïncident avec les vôtres.
[Enfin, je fais la différence entre le foulard, qui couvre la chevelure, qui est certes un symbole religieux, mais qui, dans l’espace public, ne me dérange pas, et le voile, qui couvre le visage et/ou le corps.]
Personnellement, je regarde moins la configuration du carré de tissu que le message que veut transmettre la personne qui le porte. Il est vrai que celles qui portent le « simple foulard » sont souvent moins loin dans l’échelle du séparatisme que celles qui se couvrent intégralement visage et corps. Mais il peut y avoir des exceptions. Je me permets d’insister : la question n’est pas le carré de toile, c’est ce que ce carré de toile signifie, et d’abord pour celle qui le porte.
[Alors j’aimerais bien qu’on arrête les chicailleries à visées électorales, et qu’on applique une loi qui n’est pas si mal faite, sans se perdre dans les dédales des discussions aussi vaines que stériles. Parce que j’ai exposé ce que ma petite ville tranquille à vécu en 20 ans, et que si on continue ainsi on se prépare une drôle de société.]
Je suis d’accord avec vous sur le fait qu’il suffit d’appliquer les lois existantes, et qu’il est inutile d’en faire de nouvelles. Mais je pense que nous serons d’accord qu’il faut aussi faire appliquer par une pression sociale humaine mais ferme des règles qui ne sont pas dans la loi, mais qui font partie de notre conception de la sociabilité. Parce que sans cela, l’atomisation de la société finira par rendre notre quotidien invivable.
@ Cherrytree
« Mais si, justement, la preuve, nous avons, sauf erreur, un ministre des cultes, qui est aussi ministre de l’Intérieur »
Vous vous trompez, il n’y a – fort heureusement – pas de ministre des cultes dans notre pays.
Le ministre de l’intérieur a de fort nombreuses attributions :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000034807038&categorieLien=id
mais il faut aller jusqu’au sein de la sous-direction des libertés publiques, pour trouver le bureau central des cultes qui est chargé des relations avec les autorités représentatives des religions présentes en France et de l’application de la loi de 1905 en matière de police des cultes.
La religion n’étant pas seulement une affaire privée mais se pratiquant dans des espaces publics et collectivement, l’État veille à ce que ces pratiques ne remettent pas en cause l’ordre républicain ou qu’elles ne créent pas de troubles à l’ordre public.
La loi encadre ainsi l’exercice du culte. C’est pourquoi il n’y a pas de ministre des cultes mais un ministre de l’intérieur dont les nombreux services abritent un bureau des cultes,
@morel
Je me suis fort mal exprimée. En effet, il n’y a pas de” Ministère des cultes “, mais un “Ministère de l’Intérieur et des cultes”, dont une des attributions est de veiller à l’application de la loi de 1905, et, c’est ce que je voulais dire, que les cultes ( et, partant, leur manifestation) ne troublent pas l’ordre républicain.
C’est pourquoi, et je le maintiens, selon moi, il est curieux de n’entendre que le ministre de l’Éducation s’exprimer clairement sur le port d voile dans le cadre de l’ École, déclenchant au passage des réactions mitigées y compris dans son propre camp, et l’indignation de Jean-Luc M. Je persiste à trouver curieux que le chef de l’État affirme que le port du voile dans l’espace public n’est pas le problème du gouvernement, ce qui à mon sens est une très macronienne expression du “en même temps” et de l’urgence s’attendre que le Sénat fasse le boulot, ce qui prendra un certain temps et aura le mérite d’occuper le terrain médiatique tout en occultant la grogne sociale qui menace. Et je trouve encore plus bizarre que le membre du gouvernement qui est le plus, vu ses attributions, à même de s’exprimer (eh oui, il est ministre de l’Intérieur et des cultes…) garde un silence prudent.
Il est vraiment que m. Castaner n’apparait plus que dûment encadré par Édouard Philippe, et qu’à défaut de le remplacer, ce qui apparaîtrait comme un aveu de faiblesse du gouvernement – et qui mettre à sa place? personnelle ne se bousculerait -, ON fait en sorte qu’il ne commette aucune bourde.
J’espère m’être mieux fait comprendre.
@ Cherrytree
[Je persiste à trouver curieux que le chef de l’État affirme que le port du voile dans l’espace public n’est pas le problème du gouvernement, ce qui à mon sens est une très macronienne expression du “en même temps”]
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous. Je pense qu’il y a ici une confusion entre « espace public » et « sphère publique ». Le port du voile dans la « sphère publique » est l’affaire du gouvernement presque par définition, puisque la « sphère publique » est constituée de l’ensemble des affaires ou l’Etat est légitime à intervenir et réglementer. Mais l’espace public et la sphère publique ne se confondent pas, même s’ils se recouvrent largement. Le fait que je choisi de porter une cravate bleue avec une chemise rouge ou l’inverse est un choix qui relève de la sphère privée, quand bien même je choisirais de le faire dans l’espace public.
En fait, ce que Macron dit avec cette expression est que le port du voile relève de la sphère privée. Ce n’est pas forcément faux : pourquoi le fait de porter un chapeau serait dans la sphère privée alors que le fait de porter un foulard cachant les cheveux relèverait de la sphère publique ? Ma réponse à cette question tient non pas à l’objet lui-même (chapeau ou foulard) mais à la SIGNIFICATION que cet objet acquiert dans l’espace public. Dans le premier cas, le chapeau, le port est parfaitement neutre : le fait de voir une personne couverte dans la rue ne vous permet de tirer aucune conclusion. Dans le second, le voile, la volonté de marquer une séparation est aujourd’hui trop évidente.
Macron aurait raison en disant que le gouvernement n’a pas à s’occuper de la coiffure des gens dans l’espace public. Par contre, il a tort s’il pense que le gouvernement n’est pas concerné par les SIGNES que les gens portent sur eux. Ou alors, il faut d’urgence abolir les lois qui interdisent d’arborer les signes nazis.
Je pense que Blanquer a eu la bonne expression. Même en supposant que l’Etat renonce à interdire le port du voile dans les lieux publics, ce port n’est pas souhaitable et la société devrait le faire savoir aux intéressées. C’est toute la différence entre ce qui est imposé par la loi et ce qui est prescrit par les règles de sociabilité.
@ Cherrytree
Je suis désolé. Comment vous faire comprendre que ce n’est ni par volonté de pinaillage ni pour étaler une science que je ne possède pas mais parce que je rencontre trop souvent ce type d’erreur chez les enseignants au point de m’interroger quel syndicat ou groupe politique la répand dans ce milieu.
« En effet, il n’y a pas de” Ministère des cultes “, mais un “Ministère de l’Intérieur et des cultes” »
Même ce titre n’a pas cours. Si le ministre de l’intérieur possède dans ses attributions un bureau des cultes, c’est parce que la loi de séparation des Eglises et de l’État garanti d’un côté la liberté de culte et, de l’autre, veille à ce que la pratique de ces cultes ne mette pas en cause l’ordre Républicain ou ne troublent pas l’ordre public.
En quelque sorte une mission de police, de ministre de l’intérieur.. dont l’intitulé correspond bien à sa charge ; choses qu’il doit faire respecter aussi dans d’autres domaines que religieux.
PS : pour votre gouverne, il existe aussi, auprès du ministre des affaires étrangères un pôle des « cultes » ; là aussi, il ne concerne que l’objet du ministère : la diplomatie.
@ Cherrytree @ Descartes
Je suis surpris par le post de « Léa », cela me semble tellement énorme côté justification des inégalités sociales mais.. à suivre.
@ Cherrytree @ Descartes
PS : On peut, bien entendu, critiquer Castaner, il y aurait évidemment bien des choses à dire, mais en matière de laïcité, beaucoup ne portent pas assez leur attention à ceux qui n’ont que ce mot à la bouche, la main sur le cœur.
Je ne résiste pas à vous faire lire ces propos d’Hollande alors président :
http://www.leparisien.fr/politique/francois-hollande-il-faut-un-enseignement-des-religions-a-l-ecole-04-03-2015-4574593.php
entre autres énormités anti-laïques : « La République française reconnaît tous les cultes » soir l’exact opposé de la loi du 9 décembre 1905, art 2 : « LA RÉPUBLIQUE NE RECONNAÎT, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. »
@morel
[PS : On peut, bien entendu, critiquer Castaner, il y aurait évidemment bien des choses à dire, mais en matière de laïcité, beaucoup ne portent pas assez leur attention à ceux qui n’ont que ce mot à la bouche, la main sur le cœur. Je ne résiste pas à vous faire lire ces propos d’Hollande alors président : (…)]
Au cas où vous l’auriez oublié, François Hollande et Christophe Castaner ont fait l’essentiel de leur carrière dans le même parti politique… Mais le document que vous citez est vraiment éclairant, en particulier dans la formule de François Hollande : « la République française reconnaît tous les cultes », qui est la négation du principe même de laïcité tel qu’énoncé par la loi de 1905. Car la laïcité, c’est précisément cela : placer les croyances dans la sphère privée, celle dans laquelle « la République » n’a pas à s’immiscer. Dans la doctrine française, la « République française » garantit la liberté des cultes, mais ne « reconnaît » rien en matière religieuse.
Que Hollande hier et Castaner aujourd’hui disent des énormités sur ces sujets montre à quel point la gauche a cessé de penser, au point de ne pas avoir les idées claires sur un élément essentiel de son histoire, celui qui plus qu’aucun autre a été son marqueur identitaire.
« la gauche a cessé de penser, au point de ne pas avoir les idées claires sur un élément essentiel de son histoire, celui qui plus qu’aucun autre a été son marqueur identitaire. »
En illustration de vos propos :
https://www.liberation.fr/debats/2019/11/01/le-10-novembre-a-paris-nous-dirons-stop-a-l-islamophobie_1760768
La gauche unie derrière l’étendard vert de l’islam ! Y compris avec la très raciste Rokhaya Diallo et la représentante du comité Adama présenté en victime.
Martinez a tort de s’embarquer dans cette galère mais la CGT s’est toujours voulue de « gauche », hélas !
@ morel
[La gauche unie derrière l’étendard vert de l’islam ! Y compris avec la très raciste Rokhaya Diallo et la représentante du comité Adama présenté en victime. Martinez a tort de s’embarquer dans cette galère mais la CGT s’est toujours voulue de « gauche », hélas !]
« Toujours voulue de gauche » ? Comme vous y allez… je doute que la CGT du temps de Séguy ou de Krasucki ait utilisé ce vocabulaire. A l’époque, la CGT était une organisation « du mouvement ouvrier » avant toute chose. Quand à imaginer Krasucki défilant avec Diallo… non, le tableau est impossible à représenter.
Me croirez-vous si je vous dis qu’en voyant la liste des signataires de cet appel, j’ai honte de ce que le PCF est devenu ?
« Me croirez-vous si je vous dis qu’en voyant la liste des signataires de cet appel, j’ai honte de ce que le PCF est devenu ? »
Nous avons suffisamment échangé pour que je ne doute pas de votre réel attachement à la cause ouvrière.
Croyez bien que ma déploration de la position de Martinez procède plus de la rage de constater la colonisation à petit feu par la petite bourgeoisie de secteurs ouvriers que d’une exultation propre aux ennemis de ces derniers. Si vous voulez signifier que Séguy ou Krasuki n’auraient pas eu cette position, c’est bien évident mais mon constat ne se voulait pas péjoratif : soutien au programme commun, à l’union de la gauche, appels à voter (y compris contre le FN) et même plus récemment, des sections entières CGT sous mes yeux, faisant promotion de la candidature de JLM. L’horizon était bien « de gauche ».
Nombre de militants se rattachent à « la gauche » et nonobstant la résistance de nombre d’éléments populaires, ce sont eux qui prennent le plus souvent les commandes.
Les thèmes de « gauche » portés par les petits bourgeois traversent toutes les organisations à l’origine ouvrières : si vous saviez avec quelle ironie mordante, j’ai traité les exhortations du BN de « promouvoir des femmes » (quitte sous l’agacement à être grivois, ce qui n’est guère mon naturel). Le plus drôle, c’est que j’ai contribué à promouvoir celle qui m’a succédé car elle a vraiment la « carrure », un point c’est tout !
@ morel
[Nous avons suffisamment échangé pour que je ne doute pas de votre réel attachement à la cause ouvrière.]
Merci, j’apprécie beaucoup cette remarque.
[Nombre de militants se rattachent à « la gauche » et nonobstant la résistance de nombre d’éléments populaires, ce sont eux qui prennent le plus souvent les commandes.]
Logique. Depuis trente ans, les « classes intermédiaires », se sont réservé les instruments intellectuels qui permettent de « prendre les commandes ». Pour permettre à des ouvriers d’accéder aux responsabilités, il n’y a qu’une seule solution : il faut former les militants ouvriers. C’est l’ambition de l’école républicaine plus l’extraordinaire appareil de formation mis en place par le PCF qui a permis à des militants venus de la classe ouvrière de faire jeu égal avec les dirigeants bourgeois, petits ou grands. Aujourd’hui, l’école est sinistrée et aucun parti politique n’investit dans la formation intellectuelle de ses militants.
Faucillon, Peu… Toujours les mêmes. C’est pas “Roussel, Chassaigne”.
Au fond et vous n’avez pas tord il y a assez de couches intermédiaires au PCF pour empêcher une rupture avec ces idées la…
Je discutais avec un CGTiste de ma boite (informatique) qui me racontait qu’un jeune nouveau s’est syndiqué, et qu’il est PCF. Après lecture des comptes rendus du CE il a grosso-modo fait comprendre qu’en tant que vegane il aimerait qu’on en parle…
Terrible d’entendre ça. On est la pour défendre les salariés en tant que syndicaliste, et on devrait être la pour défendre (au mieux) les ouvriers (au pire) “les gens” et ceux qui souffrent, pas faire la promotion de son mode de vie…
@ Yoann Kerbrat
[Faucillon, Peu… Toujours les mêmes. C’est pas “Roussel, Chassaigne”.]
Désole de vous décevoir, mais André Chassaigne – à ma grande surprise, je dois dire – figure parmi les signataires de l’appel « STOP à l’Islamophobie ». Triste…
[Je discutais avec un CGTiste de ma boite (informatique) qui me racontait qu’un jeune nouveau s’est syndiqué, et qu’il est PCF. Après lecture des comptes rendus du CE il a grosso-modo fait comprendre qu’en tant que végane il aimerait qu’on en parle…]
« Le personnel est politique », comme on disait sur les campus américains en 1968…
[Désole de vous décevoir, mais André Chassaigne – à ma grande surprise, je dois dire – figure parmi les signataires de l’appel « STOP à l’Islamophobie ». Triste…]
On me dit à l’oreillette qu’il n’y est plus. 🙂
@ Yoann Kerbrat
[On me dit à l’oreillette qu’il n’y est plus.]
En effet, on assiste à une étrange débandade parmi les signataires de cette pétition. La nuit portant conseil, certains ont rétiré leur signature, d’autres l’ont conservé mais se sont trouvé des prétextes transparents pour ne pas participer. C’est un véritable bal des faux culs: Jadot, qui a signé l’appel, déclare maintenant qu’il “ne valide pas l’ensemble du texte” – heureusement qu’il n’est pas président de la République, il serait capable de signer un décret alors qu’il ne le valide pas… – et déclare ne pouvoir assister pour cause de “déplacement prévu de longue date” pour un meeting municipal. Il est vrai qu’entre défendre les principes et défendre les sièges, un écologiste choisit toujours le siège. Alexis Corbière, lui, déclare qu’il n’était pas au courant de l’identité des organisateurs de la marche, qu’il “croyait qu’elle était organisée par la Ligue des droits de l’homme”. On saura maintenant que Corbière signe n’importe quoi sans vérifier l’origine du document. Ruffin, après l’avoir signé, déclare qu’il “jouera au foot, comme tous les dimanches”. Caroline de Haas fait retirer sa signature invoquant le fait que d’autres signataires “ont fait des déclarations contraire à la cause des femmes”. Et ainsi de suite.
Tous ces gens sont des hypocrites. Même sans connaître l’identité des organisateurs ou des autres signataires, le texte était assez explicite: il condamnait les “lois liberticides” censées empêcher les musulmans de s’épanouir. A quelles lois cette formule peut-elle s’appliquer, sinon aux lois sur le port du voile à l’école, sur le port du voile intégral ou, pourquoi pas, à la loi de 1905 elle même ? Comment des gens censés être de gauche, de cette gauche dont le marqueur historique est la lutte contre l’obscurantisme, ont pu signer pareil texte ?
Réponse, parce qu’ils agissent par réflexe, et non par réflexion. Parce qu’une pétition qui condamne les agissements d’un conseiller RN ne peut qu’être du côté du “bien”. Cette affaire met tout de même en évidence la fracture entre la “gauche radicale” prête à signer n’importe quoi, et une gauche un peu plus intelligente, celle d’Olivier Faure ou Fabien Roussel, qui dès le départ ont refusé de se joindre au cirque.
« Me croirez-vous si je vous dis qu’en voyant la liste des signataires de cet appel, j’ai honte de ce que le PCF est devenu »
Je comprends votre déception.
Mais on ne peut être surpris, nous sommes à 4 mois des municipales.
Compte tenu de poids de la communauté musulmane dans les municipalités détenues par le PCF en région parisienne, et de l’influence de plus en plus importante des « barbus »sur cette communauté , le PCF est prêt à toutes les compromissions pour conserver quelques mairies.
En résumé, il ne s’agit ni de lâcheté ni d’indifférence, mais intérêts électoraux bien compris à court terme.
@ delendaesteu
[Compte tenu de poids de la communauté musulmane dans les municipalités détenues par le PCF en région parisienne, et de l’influence de plus en plus importante des « barbus »sur cette communauté , le PCF est prêt à toutes les compromissions pour conserver quelques mairies.]
C’est certainement un élément à prendre en considération… peut-être cela explique que certains notables communistes soient plus enthousiastes que d’autres à signer ce type de pétitions ?
« peut-être cela explique que certains notables communistes soient plus enthousiastes que d’autres à signer ce type de pétitions ? ».
Dans le même ordre d’idée, il ne vous a certainement pas échappé que JLM a fait son meilleur score (34%) au 1er tour de la présidentielle 2017 en Seine St Denis, et que 5 des 17 députés de LFI sont issus de ce même département.
De même , JLM est député de la 4ème circonscription des BDR où la population musulmane est très importante.
Un certaine gauche , après avoir abandonné l’idée de nation pour un plan de lentilles européen, est prête à abandonner la laïcité pour quelques voix.
Parfois, je songe au célèbre mot de Chateaubriand : »Il faut être économe de son mépris étant donné le grand nombre des nécessiteux ».
Pour JLM , je peux faire preuve de prodigalité.
@ delendaesteu
[Dans le même ordre d’idée, il ne vous a certainement pas échappé que JLM a fait son meilleur score (34%) au 1er tour de la présidentielle 2017 en Seine St Denis, et que 5 des 17 députés de LFI sont issus de ce même département.]
Non, effectivement, cela ne m’avait pas échappé. Le fait que la gauche – et la gauche radicale en particulier – soit dépendante du « vote ethnique » (mais aussi du militantisme ethnique) peut expliquer pas mal de revirements. Mais je ne pense pas que ce soit la raison fondamentale : le plus grave est que la gauche a trahi l’héritage universaliste qui est le sien, pour se vautrer dans l’héritage catégoriel. Lisez les documents de congrès du PCF, du NPA ou de LFI : vous y trouvez un paragraphe pour faire plaisir aux féministes, un paragraphe pour les immigrés, un paragraphe pour les handicapés, un paragraphe pour les paysans, un paragraphe pour les retraités… quitte à ce qu’un paragraphe contredise l’autre. L’idée que nous faisons société ensemble et que la société doit être pensée dans son ensemble, et non catégorie par catégorie, a disparu sous le poids des revendications catégorielles.
[Un certaine gauche, après avoir abandonné l’idée de nation pour un plan de lentilles européen, est prête à abandonner la laïcité pour quelques voix.]
Je pense que c’est plus grave qu’une pure question électorale. L’idée de « nation » est anathème pour les classes intermédiaires parce qu’elle suppose une solidarité inconditionnelle entre les citoyens. Et comme les classes intermédiaires sont avec la bourgeoisie en haut de la pyramide, cette solidarité se fait forcément à leur détriment. Une société « universaliste » avec une solidarité forte redistribue la richesse. Une société fragmentée, où la solidarité s’arrête aux frontières de la communauté est bien plus avantageuse pour les classes intermédiaires : les pauvres redistribuent entre eux, et les riches aussi…
Globalement je partage le constat et je voterai Emmanuel Macron en 2022 car votre modèle de “mélange” est condamné à l’échec. Je m’explique.
A mes yeux l’immigration est quand même nécessaire mais je suis pour une partition comme aux Etats-Unis, avec des quartiers pour les gens biens et d’autres pour les délinquants et cie.
L’essentiel c’est de permettre aux personnes qui apportent suffisamment de valeur à la société de se loger dans les bons quartier à l’abri des incivilités et de la violence. Dès que je prends les transports dans des coins un peu populaire j’entends systématiquement des cries ou des gens qui parlent forts sans tenir aucun compte des gens qu’il y a autour. Pareil pour les locataires de petits loyers qui dégradent beaucoup plus que les autres, des gens qui insultent sur les réseaux sociaux etc, des exemples il y en a beaucoup d’autre. C’est le signe que ce qu’on appelle les petites gens (même si c’est un terme idéologisé qui les ferait passer pour des gens + droits et honnêtes ) ont généralement peu d’empathie et de respect pour les personnes qui les entourent.
Bien sûr il doit exister des gens biens dans ces quartiers mais je sais pas si c’est si significatif (et comment on pourrait créer un modèle différent pour l’instant). Dans l’ensemble je pense que les personnes qui ont des bonnes valeurs morales ont aussi de meilleures capacités intellectuelles ( https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4664650/ ), ce qui leur permet de s’élever plus facilement dans la société, apporter plus de valeur aux autres et gagner de l’argent pour cela, argent qui a son tour permet entre autre d’aller ou rester dans les bons quartiers.
Je pense d’ailleurs que la méritocratie n’existe pas puisqu’à mes yeux nos compétences intellectuelles tout comme nos valeurs morales sont avant tout déterminées par notre génétique. La personne qui est née prolo, en règle générale, aura des valeurs morales moins bonnes (non pas qu’à cause de son environnement mais aussi de sa génétique) et sera moins utile à la société qu’une personne née dans un milieu favorisé. C’est injuste mais la nature est faîte comme ça.. Et si une personne née dans un milieu prolo a une bonne morale (ce qui est une exception je pense), sans doute qu’elle aura + de moyens intellectuels que ses congénères pour s’élever parce que la morale est très souvent corrélée au QI. Et c’est peut-être un peu carricuatural de dire ça mais je trouve que c’est pareil pour la beauté, en fait pour à peu près tout. En gros de manière générale les gens riches sont des êtres humains génétiquement mieux optimisés que les autres. C’est aussi une des raisons pour lesquelles dans tous les pays du monde les élites se reproduisent entre-elles. C’est injuste mais les enfants de prolétaires, sauf exception, ne peuvent pas avoir la même morale et les mêmes capacités intellectuelles que les enfants de riche.
@ Léa
[Globalement je partage le constat et je voterai Emmanuel Macron en 2022 car votre modèle de “mélange” est condamné à l’échec. Je m’explique.]
Avant de vous expliquer, notez bien que « mon modèle » n’est pas le « mélange », mais l’assimilation, c’est-à-dire l’adoption imposée de la culture et la sociabilité françaises par les populations qui veulent s’installer de façon permanente sur notre territoire national.
Je trouve par ailleurs amusant que vous rejetiez dans la même phrase le modèle du « mélange » et que dans la même lancée vous proclamiez votre volonté de voter pour Macron, puisque notre jeune président de la République est un grand partisan du modèle de « mélange ».
[A mes yeux l’immigration est quand même nécessaire (…)]
Pourriez-vous expliciter quelle « nécessité » l’immigration est censée satisfaire ?
[mais je suis pour une partition comme aux Etats-Unis, avec des quartiers pour les gens biens et d’autres pour les délinquants et cie.]
J’ignorais qu’aux Etats-Unis il y avait des quartiers pour les « gens bien » et d’autres réservés aux « délinquants ». J’ai pu, oui, constater que dans ce pays il y a des quartiers où se concentrent les pauvres, et d’autres que les prix de l’immobilier réservent aux riches. Mais nulle part j’ai vu une sélection en fonction de l’honnêteté. Si vous êtes un délinquant riche, rien ne vous empêche de vivre dans les meilleurs quartiers : Madoff n’habitait pas un taudis, je vous prie de le croire.
Je me demande en fait si dans votre conception du monde les « gens bien » ne seraient plutôt « les gens qui ont des biens »…
[L’essentiel c’est de permettre aux personnes qui apportent suffisamment de valeur à la société de se loger dans les bons quartiers à l’abri des incivilités et de la violence.]
Je suis tout à fait d’accord avec vous. Mais vous noterez que cela suppose de loger les ouvriers dans le VII arrondissement, et les rentiers dans les cités HLM de la Grande Borne. Car qui apporte le plus de valeur à la société ? Un ouvrier qui travaille ou un rentier oisif ?
[Dès que je prends les transports dans des coins un peu populaire j’entends systématiquement des cries ou des gens qui parlent forts sans tenir aucun compte des gens qu’il y a autour.]
Difficile de comparer les comportements : il est rare de pouvoir prendre les transports en commun avec Bolloré, Bettencourt ou Bouygues. Si ça se trouve, eux aussi crient et parlent très fort. Mais il est vrai que lorsqu’on se déplace exclusivement en voiture de luxe avec vitres teintées, cela se voit moins.
[Pareil pour les locataires de petits loyers qui dégradent beaucoup plus que les autres, des gens qui insultent sur les réseaux sociaux etc, des exemples il y en a beaucoup d’autre.]
Je me demande d’où tirez-vous que les « petits loyers dégradent beaucoup plus que les autres ». Avez-vous une statistique ? Une étude à proposer ? Et même chose sur les « réseaux sociaux » : d’où tirez-vous que ce sont les couches populaires qui « insultent sur les réseaux » plus que les autres ?
[C’est le signe que ce qu’on appelle les petites gens (même si c’est un terme idéologisé qui les ferait passer pour des gens + droits et honnêtes) ont généralement peu d’empathie et de respect pour les personnes qui les entourent.]
Alors que les riches, c’est bien connu, ne sont qu’empathie et respect. Je crains que vous ne preniez pas un peu trop au sérieux Downtown Abbey… ou que vous ne le regardiez superficiellement. Parce qu’un regard plus attentif vous montrerait que sous le vernis de paternalisme et d’empathie, ceux qui habitent « en haut » jouissent d’énormes privilèges alors que ceux « d’en bas » sont réduits à une vie de privations. Oui, on a plus tendance à crier sur ses enfants quand on revient du travail crevé que quand on a passé la journée dans un beau bureau et qu’on peut se payer une nonou pour les coucher le soir.
[Dans l’ensemble je pense que les personnes qui ont des bonnes valeurs morales ont aussi de meilleures capacités intellectuelles (…), ce qui leur permet de s’élever plus facilement dans la société, apporter plus de valeur aux autres et gagner de l’argent pour cela, argent qui a son tour permet entre autre d’aller ou rester dans les bons quartiers.]
Je dois dire que ce paragraphe m’a fait beaucoup rire. D’abord, l’idée qu’il y aurait un lien entre « capacités intellectuelles » et « valeurs morales » est démentie chaque jour (j’ajoute que le lien que vous proposez et qui est censé appuyer votre démonstration ne fait pas référence une seule fois aux « valeurs morales »). Vous n’aurez pas de difficulté à trouver parmi nos dirigeants politiques ou nos patrons un grand nombre d’individus d’une intelligence supérieure et dont les valeurs morales sont particulièrement flexibles, et c’est un euphémisme. L’histoire a montré au contraire que pour gagner de l’argent et aller vivre dans les beaux quartiers, les « valeurs morales » sont une gêne plutôt qu’un avantage.
[Je pense d’ailleurs que la méritocratie n’existe pas puisqu’à mes yeux nos compétences intellectuelles tout comme nos valeurs morales sont avant tout déterminées par notre génétique. La personne qui est née prolo, en règle générale, aura des valeurs morales moins bonnes (non pas qu’à cause de son environnement mais aussi de sa génétique) et sera moins utile à la société qu’une personne née dans un milieu favorisé.]
Puis-je vous demander, pure curiosité, ce que faisaient vos grands parents et vos arrière-grands parents ? Juste par curiosité, pour connaître votre « patrimoine génétique »…
Si vous regardez autour de vous, vous verrez qu’un grand nombre de ceux qui aujourd’hui vivent dans des beaux quartiers ont connu une promotion sociale très importante sur les trois ou quatre dernières générations. Dit autrement, leurs ancêtres sont nés paysans ou prolos. Si je me fie à votre logique, ces gens devraient « avoir des valeurs morales moins bonnes », et comme pour vous moral et « capacités intellectuelles » sont liées, de pauvres capacités intellectuelles. Comment expliquer alors qu’ils soient arrivés là où ils sont ?
[C’est injuste mais la nature est faîte comme ça…]
Et surtout, cela justifie moralement la position de ceux qui sont « en haut », et justifie qu’on maintienne « en bas » ceux qui y sont. Chacun mérite donc sa position, et nous vivons donc dans le meilleur des mondes possibles. Avouez que les choses sont bien faites…
[Et si une personne née dans un milieu prolo a une bonne morale (ce qui est une exception je pense),]
Une impossibilité, plutôt, puisque sa « génétique » rend cela impossible. Un paon ne peut sortir de l’accouplement d’une poule et d’un coq, non ?
[Et c’est peut-être un peu caricatural de dire ça mais je trouve que c’est pareil pour la beauté, en fait pour à peu près tout. En gros de manière générale les gens riches sont des êtres humains génétiquement mieux optimisés que les autres. C’est aussi une des raisons pour lesquelles dans tous les pays du monde les élites se reproduisent entre-elles.]
Beh… pas vraiment. Après la révolution de 1789, par exemple, les « gens riches et optimisées » sont passés par la guillotine, et on a constitué une nouvelle élite à partir des fils de paysan et de prolos qu’on a envoyés aux grandes écoles. Et cela a donné des élites bien plus efficaces que les vieilles élites aristocratiques italiennes ou espagnoles… J’attire aussi votre attention sur le fait qu’un petit groupe endogame est rarement « optimisé génétiquement », ce serait plutôt le contraire !
[C’est injuste mais les enfants de prolétaires, sauf exception, ne peuvent pas avoir la même morale et les mêmes capacités intellectuelles que les enfants de riche.]
En tout cas, c’est ce que les riches veulent croire… là encore, la curiosité me ronge: êtes vous vous-même un “enfant de riche” ?
Bon, bon. Je l’avoue. Je suis un imposteur. Je ne fais que relayer ici le message de Léa (qui existe réellement mais n’a pas voulu écrire elle) même par pure curiosité des réactions car je trouve sa position… disons… fortement dissonante par rapport aux lecteurs de ce blog et même parmis les libéraux. Vu la quasi unanimité ici sur les fondamentaux, vous me pardonnerez j’espère de partir avec mon bâton de pèlerin à la pêche au contradicteurs (via MP sur twitter…).
Après avoir transmis vos réponses, voici son retour (je copie et met en forme car elle n’a toujours pas souhaité le faire directement, je fais donc l’aller retour, désolé !).
—–
[Pourriez-vous expliciter quelle « nécessité » l’immigration est censée satisfaire ? ]
Je pense qu’il faut considérer la chose dans son ensemble. Oui les immigrés apportent beaucoup de problèmes et sont plus prompts à la violence mais d’un autre coté ils comblent aussi un manque démographique et sans ça notre niveau de vie serait moins bon.
On a beau avoir 10% de chômage on a sur notre territoire des millions d’emplois sans qualifications nécessaires qui ne trouvent pas preneur. Si je voterai Emmanuel Macron c’est aussi parce qu’il s’emploie à faire des reformes nécessaires et notamment sur la question du chômage alors que les autres présidents avant lui n’ont pas osé par crainte que cela nuise à leur popularité et leur éventuelle réélection. Sans l’immigration les petites gens n’auraient pas de retraite comme aujourd’hui et on aurait des problèmes sans doute plus importants.. Il faut voir la chose dans son ensemble. C’est pas parfait l’immigration et elle apporte avec elle tout un lot de problème mais il ne faut pas non plus voir que le côté mauvais.
Tous les pays développés font venir beaucoup d’immigration aujourd’hui, même l’Allemagne, il faut se poser la question de pourquoi.. Si on pouvait s’en passer sans avoir de retombées économiques négatives je pense qu’on en accueillerait pas un seul. Et oui je pense que l’immigration c’est mieux de la regrouper hors des zones riches mais j’ai expliqué pourquoi. Si tu penses qu’il y a un autre modèle mieux que cela et bien on peut en discuter.
[Car qui apporte le plus de valeur à la société ? Un ouvrier qui travaille ou un rentier oisif ?]
Il n’y a pas que des rentiers dans notre société, et encore ils apportent leur capital.
Mais prenons l’exemple d’un trader et d’un éboueur. Pourquoi l’éboueur serait-il plus indispensable qu’un trader ? Les marchés financiers ne pourraient pas fonctionner efficacement sans trader ou sans algorithmes de trading à haute fréquence. De la même manière qu’une société ne fonctionnerait pas efficacement sans éboueurs. Pour moi le trader est plus précieux à la société – et c’est pourquoi il est souvent mieux payé – dans le sens où le trader peut parfaitement devenir éboueur (étant donné qu’éboueur c’est un travail sans qualification nécessaire) alors que le contraire n’est généralement pas possible.
Rien n’est vraiment indispensable à la société, il y a des sociétés sans éboueurs (la plupart des villes en inde ou quelques smart city comme cella à Toronto…) et d’autres sociétés sans marchés financiers comme en Somali. Pour ma part je pense que les 2 sont utiles mais les marchés financiers encore plus car sans marchés financier il est beaucoup plus difficile pour les entreprises d’être financées. On aurait peut-être pas pu développer aussi vite certains médicaments, certains services, etc et notre niveau de vie serait inférieur à celui que l’on a aujourd’hui même si évidemment c’est très difficile à évaluer.
[Je me demande d’où tirez-vous que les « petits loyers dégradent beaucoup plus que les autres ». Avez-vous une statistique ? Une étude à proposer ? Et même chose sur les « réseaux sociaux » : d’où tirez-vous que ce sont les couches populaires qui « insultent sur les réseaux » plus que les autres ?]
De mon expérience, je vois beaucoup de personne aisées qui s’habillent de manière sobre, sans marques apparentes, qui ne cherchent pas à démontrer particulièrement leur richesse. Alors qu’à contrario dans un environnement plus populaire on peut voir plein de monde avec des nikes, des gros motif de marque. On peut également parler du rap où beaucoup de mention sont faîtes pour des marques de luxe.
Les cris c’était un exemple… même si dans mon arrondissement (XVI) il y en a pratiquement aucun, mais c’est pas que ça.. par exemple à la piscine de mon arrondissement les parents disent bien à leur enfant de pas faire des plongeons devant les gens pour pas déranger alors qu’ailleurs les autres parents s’en moquent éperdument, j’ai pu le constater par moi même. Ou il suffit de regarder les avis de seloger sur des quartiers comme Aubervilliers. Dans le 19eme/20eme à Paris par exemple je connais des gens qui n’y vont plus du tout parce que c’est trop mal famé. La situation est hallucinante dans certains endroits.
Je préfèrerais que la délinquance n’existe pas et que personne ne la subisse mais ça c’est une vision idéale qui n’est pas le reflet de la réalité.. Et on ne peut pas choisir une autre immigration sinon nos instances dirigeantes l’auraient déjà fait (les asiatiques rapportent beaucoup plus de PIB par tête que les immigrés moyen-orientaux mais ils sont peu à vouloir venir ici).
Quand à la question de savoir où est-ce qu’on loge cette délinquance, je suis pour qu’on la laisse dans les quartiers pauvres tout simplement parce que ça permet de donner une motivation à l’effort pour aller ou rester dans les beaux quartiers, et ça permet aussi de donner aux meilleurs éléments de notre pays des conditions de vie qui font qu’ils ne vont pas avoir envie de partir ailleurs. Si on commençait à loger la délinquance un peu partout, je pense que beaucoup de cadre etc qui auraient les moyens de partir dans un autre pays pour un travail à rémunération équivalente le feraient. Sans parler du fait que de manière générale les personnes qui vivent dans des situations précaires sont moins émotives et sont donc moins sensibles aux faits de délinquance (même si ça ne veut pas dire qu’ils méritent de subir une telle situation..)
A Paris, Hidalgo essaye de construire des HLM dans des quartiers chics. Je pense que pour faire ça c’est qu’Anne Hidalgo estime que si délinquants il y a, c’est qu’ils sont regroupés dans des mêmes quartiers entre eux et s’engrainent Alors que personnellement j’aurais tendance à penser que c’est pas que ça. Qu’il y a une part de génétique qui fait que, peu importe le milieu, ce sont des gens qui créer des problèmes.
J’y reviens mais c’est un tabou dans notre société qui commence à être bien analysé au niveau génétique. Par exemple pour les enfants de dentistes qui deviennent dentistes à leur tour, je pense que leurs capacités intellectuelles qui leur permettent de faire de telles études sont d’ordre génétiques, en revanche le choix de faire dentiste est dû à leur environnement (influence par leur parent). Puis on observe des similitudes génétiques dans pratiquement tous les domaines. Par exemple la plupart des nobels de physique ou des médaillés fields ont une génétique qui est très proche. Ce sont des personnes qui descendent principalement d’ashkénazes de Pologne ou de Russie, ou des asiatiques.
Et on ne peut pas accuser les élites de vouloir garder leurs avantages. On essaye même d’aider les moins bien lotis sur le plan génétique à grimper dans les meilleures universités en faisant des quota spécifiques
@ Léa
[Bon, bon. Je l’avoue. Je suis un imposteur. Je ne fais que relayer ici le message de Léa (qui existe réellement mais n’a pas voulu écrire elle) même par pure curiosité des réactions car je trouve sa position… disons… fortement dissonante par rapport aux lecteurs de ce blog et même parmis les libéraux. Vu la quasi unanimité ici sur les fondamentaux, vous me pardonnerez j’espère de partir avec mon bâton de pèlerin à la pêche au contradicteurs (via MP sur twitter…).]
En fait, cela se voyait un peu… mais comme vous le dites, il y a pas mal de gens qui pensent comme votre fausse Léa, et c’est pourquoi il est intéressant de travailler les arguments contre ce type de position. Quand à l’unanimité sur les fondamentaux… elle est moins évidente que vous ne le pensez : il y a parmi les commentateurs des libéraux et des antilibéraux, par exemple. Mais toute diversité est bienvenue !
[« Pourriez-vous expliciter quelle « nécessité » l’immigration est censée satisfaire ? » Je pense qu’il faut considérer la chose dans son ensemble. Oui les immigrés apportent beaucoup de problèmes et sont plus prompts à la violence mais d’un autre coté ils comblent aussi un manque démographique et sans ça notre niveau de vie serait moins bon.]
Qui est ce « nous » dont le niveau de vie serait « moins bon » sans l’immigration ? Pas les couches populaires, pour qui les immigrés sont des concurrents qui tendent à pousser les salaires vers le bas et les loyers des logements modestes vers le haut. Mais je vous accorde que pour les classes intermédiaires et la bourgeoisie, qui trouve dans l’immigration une main d’œuvre docile et qui accepte des salaires de misère, oui, c’est une autre histoire… Quant au « manque démographique ». Il faut raison garder. Avec 5 millions de chômeurs et précaires, on voit mal en quoi il y aurait un « manque démographique ».
[On a beau avoir 10% de chômage on a sur notre territoire des millions d’emplois sans qualifications nécessaires qui ne trouvent pas preneur. Si je voterai Emmanuel Macron c’est aussi parce qu’il s’emploie à faire des réformes nécessaires et notamment sur la question du chômage alors que les autres présidents avant lui n’ont pas osé par crainte que cela nuise à leur popularité et leur éventuelle réélection.]
Je ne comprends pas votre raisonnement. En quoi des réformes qui auraient permis d’en finir avec le chômage et un retour au plein emploi auraient « nui à la popularité et éventuelle réélection » d’un président de la République ? Au contraire, on pourrait se dire qu’un président qui réussirait ça aurait au contraire une réélection assurée, non ?
A moins que pour vous les « réformes nécessaires » visent moins un retour au plein-emploi qu’à réduire le coût du dispositif pour les classes intermédiaires et pour la bourgeoisie en poussant les chômeurs dans la précarité et la misère. Dans ce cas, oui, je comprends que cela puisse nuire à sa popularité… du moins, dans certaines couches de la société.
[Sans l’immigration les petites gens n’auraient pas de retraite comme aujourd’hui et on aurait des problèmes sans doute plus importants…]
Oui mais… qui paiera la retraite des immigrés que vous amenez pour payer les retraites des « petites gens » ? Il faudra encore amener en plus grand nombre pour cela… et qui payera leurs retraites, alors ? Vous voyez bien que cette logique c’est celle de la cavalerie…
[Il faut voir la chose dans son ensemble. C’est pas parfait l’immigration et elle apporte avec elle tout un lot de problème mais il ne faut pas non plus voir que le côté mauvais.]
C’est bien la question : l’immigration apporte tout un lot de problèmes et aussi un lot d’avantages. Les problèmes sont pour les couches populaires, les avantages pour les classes intermédiaires et les bourgeois. Vous avez très bien résumé le problème.
[Tous les pays développés font venir beaucoup d’immigration aujourd’hui, même l’Allemagne,]
« Mangez de la merde, 400 milliards de mouches ne peuvent pas avoir tort ».
[il faut se poser la question de pourquoi.. Si on pouvait s’en passer sans avoir de retombées économiques négatives je pense qu’on en accueillerait pas un seul.]
Encore une fois, cela suppose que « les pays développés » sont homogènes, mais ce n’est pas le cas. Pour les couches dominantes, les immigrés sont un avantage, et c’est pourquoi ils en font venir. Pour les couches populaires, c’est un désastre, mais elles n’ont pas voix au chapitre. Donc, on fait venir.
[« Car qui apporte le plus de valeur à la société ? Un ouvrier qui travaille ou un rentier oisif ? » Il n’y a pas que des rentiers dans notre société, et encore ils apportent leur capital.]
Vous ne répondez pas à la question.
[Mais prenons l’exemple d’un trader et d’un éboueur. Pourquoi l’éboueur serait-il plus indispensable qu’un trader ?]
Parce que si je mettais au chômage tous les traders pendant dix jours, il ne se passerait rien. Et si l’on arrêtait de ramasser vos poubelles pendant dix jours, vous verriez la différence.
[Les marchés financiers ne pourraient pas fonctionner efficacement sans trader ou sans algorithmes de trading à haute fréquence.]
Et alors ? « L’efficacité » des marchés financiers se mesure à leur capacité à faire gagner d’énormes sommes d’argent aux investisseurs. Dans ces conditions, qu’ils fonctionnent ou pas « efficacement », tout le monde – sauf les investisseurs en question – s’en fout. Maintenant, si par « efficacité » vous entendez l’allocation optimale du capital à des activités productives, il n’y aucune preuve que le « trading haute fréquence » ait amélioré en quoi que ce soit les choses. Et il y a de nombreuses preuves du contraire !
[De la même manière qu’une société ne fonctionnerait pas efficacement sans éboueurs. Pour moi le trader est plus précieux à la société – et c’est pourquoi il est souvent mieux payé – dans le sens où le trader peut parfaitement devenir éboueur (étant donné qu’éboueur c’est un travail sans qualification nécessaire) alors que le contraire n’est généralement pas possible.]
Si l’on suit ce raisonnement, celui qui devrait être le moins payé est l’actionnaire. Après tout, c’est un boulot que n’importe qui peut faire et qui ne demande aucune qualification. Il suffit d’hériter quelques millions de vos parents, et le tour est joué… Plus sérieusement : on pourrait soutenir que l’échelle salariale devrait être alignée sur celle des qualifications. Le problème, c’est qu’il faut plus de qualification pour être éleveur laitier que pour être trader…
[Rien n’est vraiment indispensable à la société, il y a des sociétés sans éboueurs (la plupart des villes en inde ou quelques smart city comme cella à Toronto…) et d’autres sociétés sans marchés financiers comme en Somali.]
Mais il n’y a pas de société sans travailleurs manuels. Ce sont eux, les seuls « indispensables »… et selon votre logique, ils devraient donc être les mieux payés.
[Pour ma part je pense que les 2 sont utiles mais les marchés financiers encore plus car sans marchés financier il est beaucoup plus difficile pour les entreprises d’être financées.]
Que les marchés financiers soient indispensables n’implique pas nécessairement que les traders le soient. On pourrait parfaitement organiser les marchés financiers sans trading tel que nous l’entendons aujourd’hui.
[On aurait peut-être pas pu développer aussi vite certains médicaments, certains services, etc et notre niveau de vie serait inférieur à celui que l’on a aujourd’hui même si évidemment c’est très difficile à évaluer.]
Non seulement il est difficile à évaluer, mais c’est difficile à prouver. Parce que si certains médicaments et certains services ont pu être financés grâce aux marchés financiers, d’autres bien plus utiles mais jugés « non rentables » par ces mêmes marchés ont été étouffés dans l’œuf. Tout dans tout, le caractère bénéfique des marchés financiers n’est pas aussi évident que vous le croyez. C’est d’ailleurs pourquoi la plupart des services essentiels ne sont PAS financés par les marchés financiers, mais par les budgets publics. Si on avait attendu que les marchés financiers construisent le système électrique français, on attendrait encore. Même dans les pays les plus libéraux, le système électrique s’est développé autour de l’action publique.
[« Je me demande d’où tirez-vous que les « petits loyers dégradent beaucoup plus que les autres ». Avez-vous une statistique ? Une étude à proposer ? Et même chose sur les « réseaux sociaux » : d’où tirez-vous que ce sont les couches populaires qui « insultent sur les réseaux » plus que les autres ? » De mon expérience, je vois beaucoup de personne aisées qui s’habillent de manière sobre,]
Je ne vois pas le rapport avec la « dégradation des petits loyers » ou les « insultes sur les réseaux sociaux ». Vous évitez la question…
[sans marques apparentes, qui ne cherchent pas à démontrer particulièrement leur richesse.]
Je vous avouez que cela m’a échappé. Les rares personnes aisées que je connais portent plus souvent du Vuitton que du Tati. Et je vous prie de croire qu’ils n’enlèvent pas les étiquettes. Et elles ne roulent pas en Clio…
[Les cris c’était un exemple… même si dans mon arrondissement (XVI) il y en a pratiquement aucun, mais c’est pas que ça.. par exemple à la piscine de mon arrondissement les parents disent bien à leur enfant de pas faire des plongeons devant les gens pour pas déranger alors qu’ailleurs les autres parents s’en moquent éperdument,]
Excusez-moi, mais combien de fois êtes-vous allée à la piscine à La Courneuve, à la Grande Borne ou dans n’importe quel autre quartier de ce genre ? Et si vous n’êtes jamais allée, comment savez-vous que dans ces quartiers les parents sont moins vigilants que chez vous ?
J’ajoute que quand on est femme au foyer mariée à un cadre supérieur qui apporte 10.000€ par mois, il est plus facile de se consacrer à l’éducation de ses enfants que lorsqu’on est femme de ménage mariée à un ouvrier de l’automobile et qu’on peine à joindre les deux bouts. Rien de « génétique » là dedans.
[j’ai pu le constater par moi-même. Ou il suffit de regarder les avis de seloger sur des quartiers comme Aubervilliers.]
En lisant les annonces sur Seloger vous pouvez tirer des conclusions sur les cris dans les piscines ? Franchement, je suis émerveillé.
[Et on ne peut pas choisir une autre immigration sinon nos instances dirigeantes l’auraient déjà fait]
Je dois dire que j’admire la confiance que vous avez dans nos « instances dirigeantes ». Peut-être parce qu’elles vous ressemblent ? Quand on est du même monde, la confiance est naturelle…
[Quand à la question de savoir où est-ce qu’on loge cette délinquance, je suis pour qu’on la laisse dans les quartiers pauvres tout simplement parce que ça permet de donner une motivation à l’effort pour aller ou rester dans les beaux quartiers, et ça permet aussi de donner aux meilleurs éléments de notre pays des conditions de vie qui font qu’ils ne vont pas avoir envie de partir ailleurs.]
Et ces « meilleurs éléments », si je comprends bien, vous en faites partie ? Quelle chance pour vous, n’est-ce pas, d’être née avec la bonne « génétique ». Je ne peux que vous conseiller la lecture de la « théorie de la justice » de Rawls. Ce penseur considère qu’une décision est juste lorsqu’elle est prise par un juge qui ne sait pas de quel côté de la décision il sera. De toute évidence, ce n’est pas votre cas.
[Sans parler du fait que de manière générale les personnes qui vivent dans des situations précaires sont moins émotives et sont donc moins sensibles aux faits de délinquance]
Là encore, vous êtes arrivé à cette conclusion à partir d’une étude quelconque ? Ou seulement à partir de la consultation de Seloger ?
[J’y reviens mais c’est un tabou dans notre société qui commence à être bien analysé au niveau génétique.]
Pourriez-vous indiquer à quelles études vous faites référence ?
[Par exemple pour les enfants de dentistes qui deviennent dentistes à leur tour,]
Il parait que les enfants d’orphelins deviennent orphelins à leur tour.
[je pense que leurs capacités intellectuelles qui leur permettent de faire de telles études sont d’ordre génétiques, en revanche le choix de faire dentiste est dû à leur environnement (influence par leur parent).]
Une autre possibilité est que les dentistes ont les moyens d’habiter près des « bons » collèges et lycées, qu’ils peuvent payer des cours particuliers de qualité lorsque leurs rejetons ne sont pas au niveau, qu’ils ont des relations et des réseaux qui permettent de pallier aux insuffisances intellectuelles de leur progéniture pour les faire admettre dans les bonnes formations, et qu’ils ont aussi l’argent pour installer leur enfant dans un cabinet.
Un père ouvrier sait par contre que son enfant ira au collège et au lycée en ZEP, qu’il bénéficiera au mieux du soutien scolaire payé par la mairie, qu’il n’aura aucun moyen de l’aider à ouvrir les bonnes portes, et que même s’il avait son diplôme il aurait tout le mal du monde à s’installer. Cela explique peut-être que son fils ne choisisse pas la profession de dentiste sans avoir recours à la génétique, non ?
[Puis on observe des similitudes génétiques dans pratiquement tous les domaines. Par exemple la plupart des nobels de physique ou des médaillés fields ont une génétique qui est très proche. Ce sont des personnes qui descendent principalement d’ashkénazes de Pologne ou de Russie, ou des asiatiques.]
Là, vous dites vraiment n’importe quoi. Prenons les prix nobel français de Physique et Chimie : Becquerel, Pierre Curie, Marie Curie, Moissan, Lippmann, Grignard, Sabatier, Perrin, de Broglie, Joliot-Curie, Kastler, Néel, Lehn, de Gennes, Charpak, Cohen-Tannoudji, Chauvin, Fert. Sur ces dix-neuf lauréats, un seul est descendant d’ashkénazes (Charpak) et aucun n’est asiatique.
D’ailleurs, vous me surprenez. Au début de cet échange, vous aviez affirmé que ceux qui avaient le “bon” patrimoine génétique avaient plus de facilité pour gagner de l’argent et vivre dans les beaux quartiers. Or, je crois me souvenir que les juifs ashkénazes étaient particulièrement misérables en Pologne et en Russie, où ils étaient essentiellement ouvriers, paysans, ou petits commerçants. Comment expliquez-vous que leur patrimoine génétique se soit tellement améliorée qu’en une seule génération ils trusteraient selon vous les prix nobel ?
[Et on ne peut pas accuser les élites de vouloir garder leurs avantages.]
Surtout pas ! Elles pourraient mal le prendre…
[On essaye même d’aider les moins bien lotis sur le plan génétique à grimper dans les meilleures universités en faisant des quota spécifiques]
Que c’est gentil…
Eh bien merci beaucoup d’avoir joué le jeu et gardé votre calme (ça a été dur pour moi de ne pas surréagir en lisant ses propos). J’en tire moi-même pas mal d’enseignement…
Malheureusement, Léa n’a pas souhaité faire de réponse plus détaillée. Voici son dernier message:
“Sinon je comprends votre avis.. J’ai juste défendu un point de vue qui me semblait cohérent mais j’entends le votre. Ca peut se tenir aussi.”
Une des sources brandies (de ce que comprend, une sorte de matérialisme historique gravitant autour de l’évolution génétique ?):
Un exemple donné par Léa (parlant des immigrés issus du Maghreb):
“Par exemple, pour prendre ces populations-là génétiquement elles ont évolué dans un milieu aride (le désert etc) où l’agriculture était difficile donc peu de nourriture, d’eau et tout ça. Et du coup il y a eu une sélection génétique intense sur les individus les plus agressifs car c’était le meilleur moyen de défendre un territoire ou des ressources et pas mourir de faim. Donc peut-être qu’on retrouve chez ces gens dans l’ensemble une tendance à s’adonner + facilement à des violences.”
Pour la petite histoire: Léa est une jeune femme de bonne famille qui travaille dans la finance. Elle fait partie de ces gens à fond sur le transhumanisme, et ils sont un nombre grandissant. En France, c’est surtout anecdotique avec des gens comme Laurent Alexandre, mais leur regard est surtout tourné vers la Silicon Valley avec des entreprises à la croisée des sciences cognitives, de la biotech et des autres technologies (intelligence artificielle). Pour eux, la génétique joue un rôle extrêmement important, la méritocratie n’existe pas et dans max 80 ans les plus riches pourront être immortels.
@ Léa
[Eh bien merci beaucoup d’avoir joué le jeu et gardé votre calme (ça a été dur pour moi de ne pas surréagir en lisant ses propos). J’en tire moi-même pas mal d’enseignement…]
C’est un excellent exercice que de lire un texte avec lequel on est fondamentalement en désaccord en essayant de garder un regard neutre, et de comprendre comment fonctionne la tête de celui qui l’a écrit. En lisant votre « Léa », on comprend très vite que ce discours a des accents d’auto-justification. L’idée que l’ordre social est « naturel », qu’il est ordonné par une puissance sur laquelle nous n’avons aucun contrôle – Dieu, la « génétique » – permet à ceux qui sont en haut de jouir de leurs privilèges sans culpabilité. Et accessoirement, de persuader ceux qui sont en bas qu’il est inutile de chercher à changer la situation.
Le paradoxe est que cette idée est fondamentalement aristocratique. La bourgeoisie s’est constituée sur l’idée inverse : que la situation de chacun d’entre nous est déterminée non pas par la naissance, mais par l’effort et le mérite. La promesse libérale et bourgeoise, c’est que chacun de nous peut y arriver, à condition de le vouloir et de consentir l’effort nécessaire. Que les électeurs de Macron, pourtant censé être libéraux, reviennent à une vision fondamentalement figée de la société montre à quel point la société est bloquée, à quel point l’arrêt de l’ascenseur social est assumée.
[Une des sources brandies (de ce que comprend, une sorte de matérialisme historique gravitant autour de l’évolution génétique ?): (…)]
Je ne perlerais pas de « matérialisme historique », sinon plutôt le contraire. On nie ici l’histoire au profit de la génétique. L’homme ne serait pas déterminé par des processus historiques, mais par la sélection naturelle…
[Un exemple donné par Léa (parlant des immigrés issus du Maghreb): “Par exemple, pour prendre ces populations-là génétiquement elles ont évolué dans un milieu aride (le désert etc) où l’agriculture était difficile donc peu de nourriture, d’eau et tout ça. Et du coup il y a eu une sélection génétique intense sur les individus les plus agressifs car c’était le meilleur moyen de défendre un territoire ou des ressources et pas mourir de faim. Donc peut-être qu’on retrouve chez ces gens dans l’ensemble une tendance à s’adonner + facilement à des violences.”]
Un raisonnement assez absurde : c’est au contraire dans les contrées arides et les conditions les plus difficiles que les comportements compétitifs et agressifs sont les moins aptes à assurer la survie du groupe. Ce n’est pas par hasard si les grandes civilisations (Egypte, Babylone, Israel, Grèce) apparaissent dans des contrées arides, alors que les contrées plus fertiles de l’Europe tempérée sont peuplées par des tribus à l’organisation primitive…
[Pour la petite histoire: Léa est une jeune femme de bonne famille qui travaille dans la finance.]
C’était assez évident. Sa défense passionnée de la profession de « trader » et de l’utilité des marchés financiers, son insistance sur l’importance du « patrimoine génétique » des gens bien révélait assez bien son profil…
[Elle fait partie de ces gens à fond sur le transhumanisme, et ils sont un nombre grandissant. En France, c’est surtout anecdotique avec des gens comme Laurent Alexandre, mais leur regard est surtout tourné vers la Silicon Valley avec des entreprises à la croisée des sciences cognitives, de la biotech et des autres technologies (intelligence artificielle). Pour eux, la génétique joue un rôle extrêmement important, la méritocratie n’existe pas et dans max 80 ans les plus riches pourront être immortels.]
Que voulez-vous… dans notre monde, les riches ont presque tout. Il ne leur manque qu’une chose, l’immortalité. C’est leur seule conquête possible…
[c’est au contraire dans les contrées arides et les conditions les plus difficiles que les comportements compétitifs et agressifs sont les moins aptes à assurer la survie du groupe]
C’est un discours que je voie de plus en plus, alimenté par les séries télés et les jeux vidéos : en cas de gros problèmes (zombies, extraterrestre… ) les humains se tourneraient les uns contre les autres, sans aucune forme de solidarité.
Alors qu’en vrai les chances de survis sont maximisé par la coopération. La sagesse populaire rappelle toujours que c’est dans les moments difficiles que les gens se rapprochent les uns des autres.
@ Yoann Kerbrat
[Alors qu’en vrai les chances de survis sont maximisé par la coopération. La sagesse populaire rappelle toujours que c’est dans les moments difficiles que les gens se rapprochent les uns des autres.]
Et on sait expérimentalement que c’est dans les moments de crise que les gens sont plus solidaires. C’est une constante humaine.
@ Léa
Merci. Grâce à vous, nous pouvons constater sans équivoque possible que Jacques Attali et Alfred Rosenberg sont miscibles.
@ Descartes
Permets-moi de te féliciter pour le stoïcisme dont tu fais preuve dans ta réponse. J’avoue je suis moi-même encore incertain s’il faut prendre ce commentaire au sérieux…
@ BolchoKek
[ermets-moi de te féliciter pour le stoïcisme dont tu fais preuve dans ta réponse. J’avoue je suis moi-même encore incertain s’il faut prendre ce commentaire au sérieux…]
Mais il faut, il faut… même si je vois un certain “deuxième degré” dans le commentaire de Léa, il faut savoir qu’il existe des gens qui pensent VRAIMENT ainsi. Il n’est donc pas inutile de travailler ses arguments…
@Léa
Jésus, fils de prolo (charpentier en principe), certainement dénué des valeurs morales, mais bon, le cas est ambigu, le vrai papa étant…
Louis Pasteur, fils d’un tanneur.
Honoré de Balzac, en vrai le fils de Bernard François Balssa, issu d’une longue lignée de paysans de la vallée du Viaur (entre Tarn et Aveyron), et qui avait fui la ferme paternelle avec aux trousses un procès en recherche de paternité.
On pourrait compléter la liste. Je pourrais évoquer mon cas, descendante d’immigrés de la misère, illettrés et meurt-de-faim, élevée dans un quartier de HLM bien prolo et bien sinistre, qui enseigna longtemps le français et le latin à des petits jeunes dorés sur tranche qui gagnaient plus que moi en trafiquant dans le beau monde des beaux quartiers des substances illicites.
On peut en effet répartir les différents composantes de la société selon leur origine, leur fortune liées à une supposée valeur morale et à une hypothétique intelligence, et pourquoi pas l’origine ethnique et la religion. Cela s’appelle un ghetto, je crois.
Ceci dit, je subodore une forme d’humour un peu particulière dans votre post. Parfois le raisonnement par l’absurde peut être mal compris, est-ce le cas?
Je reprends ici notre débat laissé plus haut.
“Je pense que c’est exactement la même chose pour le voile : vous trouverez peu de gens pour affirmer que dans un monde idéal il serait bon qu’il y ait des femmes voilées…”
=> Je suis ravi de lire que nous sommes d’accord sur l’existence d’un consensus idéaliste. Pour le voile en revanche, je maintiens qu’il n’y a pas de consensus idéaliste. La question n’est pas de trouver “bon” qu’il y ait des femmes voilées, mais de voir en quoi leur présence peut être un problème de société. Comme je l’ai mentionné plus haut, il n’ y a que 61 % de gens contre l’idée “je n’ai pas de difficulté avec le voile en sortie scolaire”. De plus, il y a un fort clivage générationnel dans la répartition des réponses. Dans mon entourage, j’ai des femmes voilées aussi bien que des gens de tous les milieux et de tous les âges qui font partie des 39% restants. Si vous considérez que c’est un consensus contre le voile, ce n’en est en tout cas pas suffisamment un pour qu’un conseiller puisse en constituer le fondement d’une remarque injonctive envers une femme qu’il ne connaît pas et qui n’est pas devant la loi en tort.
“Pourriez-vous m’expliquer pourquoi des gens qui « savent qu’il faudrait » retirer sa casquette ou dire bonjour ne le font pas, alors même que cela ne leur coûterait qu’un effort minime ? Je pense que la réponse se trouve dans votre formulation : ce n’est pas parce que vos élèves « admettent volontiers » une formule qu’ils sont d’accord avec elle. On peut « admettre » beaucoup de choses pour que votre enseignant vous lâche la grappe…”
=> Je ne crois pas. Mon expérience d’habitant en cité, qui précède dans le temps mon expérience d’enseignant, montre qu’un jeune n’admet pas ces règles de sociabilités que pour qu’on lui lâche la grappe.
Il ne les applique pas pour 3 raisons essentielles: ils sont dotés d’une très faible volonté, ils aiment provoquer, et ne s’estimant appartenir à la société, ils n’estiment pas devoir en respecter les règles. Ces 3 raisons sont en lien avec la disparition du sentiment d’appartenance que j’ai évoqué plus haut. Et interviennent inégalement en fonction de son contexte personnel.
“Encore une fois, c’est la tolérance qui nous tue, et non la règle. Parce qu’une règle organise le monde, qu’on l’admette ou qu’on se rebelle contre elle, on se définit par rapport à elle.”
=> Je suis d’accord à la condition d’admettre qu’une règle s’adosse à une idée. Dans les institutions puissantes, dans les organismes hiérarchisés que vous mentionnez, il y avait des idéologies fortes qui structuraient ces règles. L’Eglise, le parti ou le syndicat n’étaient pas qu’un tissu normatif.
“Je préfère de loin un rejet qui oblige celles qui le portent à se poser des questions qu’une tolérance molle.”
=> En l’espèce, rejet et tolérance molle auront les mêmes effets: séparer, cloisonner, détruire le tissu social. Le problème d’Odoul, c’est que dans sa remarque, il rejette moins le voile de l’accompagnatrice que la tolérance molle dont vous parlez. Ce qui veut dire qu’il utilise ou instrumentalise la femme à qui il s’adresse. Qui n’est alors plus le but mais le moyen. Or, quelque soit le sujet, lorsque l’homme devient le moyen et non le but, il devient aussi la victime.
“Oui, « certains individus ». Il y a toujours « certains individus » qu’aucune mesure répressive ne forcera à respecter les règles. Mais l’immense majorité de nos concitoyens les applique”
=> En effet, elle les applique. Soit par peur du gendarme : combien de fois ai-je vu des files de voiture ralentir d’un coup à cause de la présence d’un radar et repartir au-dessus des limites ensuite ? Soit, par souci du bien commun. Il est prouvé que la vitesse est la première cause de mortalité sur la route, il faut donc la réduire. Dans le cas du voile, il n’y a ni peur du gendarme, ni souci du bien commun. Pour revenir à ce que vous disiez, il n’y a pour la femme voilée ni punition ni récompense si elle garde ou enlève son voile. De toutes façon pour elle, “les blancs n’aiment pas les arabes”, voile ou pas voile.
“Il est nécessaire que la loi soit juste et comprise (…) Cela peut faciliter les choses, mais ce n’est nullement nécessaire. Les lois régissant les relations dans l’entreprise sont massivement considérées comme injustes, et sont pourtant très largement appliquées. Je pense que vous sous-estimez la puissance institutionnelle de la loi. On applique les règles non pas parce qu’elles sont justes, mais parce qu’on s’imagine ce que serait un monde ou chacun choisirait, selon son sens particulier de la justice, quelles règles appliquer.”
=> Je n’aurais pas choisi cet exemple. D’abord et surtout parce que (comme vous, je crois) je ne veux pas que mon pays soit géré comme une entreprise. Ensuite parce que la puissance institutionnelle de la loi que vous évoquez n’est pas du tout la même chez Danone et dans les quartiers. Ou alors dans un monde idéal. Dans les quartiers, personne ne s’imagine ce que serait un monde ou chacun choisirait quelles règles appliquer. C’est malheureux, j’en conviens, mais vous ne pouvez pas faire comme si. Particulièrement dans le contexte actuel dans les quartiers, il importe ABSOLUMENT que la loi soit juste et comprise. Je n’ai jamais rien fait dans ma classe sans règles justes et comprises. Aucun collègue ne vous dira le contraire.
“Mais ça veut dire quoi, « le débat est clos » ? Est-ce que le Code Napoléon a « clos » le débat sur l’avortement en l’interdisant ?”
=> Le débat n’est pas clos dans le sens où chacun garde le droit d’exprimer son opinion sur le sujet, dans la mesure où la loi peut évoluer, mais il l’est dans la mesure , où il devient légitime d’utiliser le mode injonctif.
“Souvenez-vous du major de l’Ecole normale refusant de serrer la main de De Gaulle. Et de la même façon, un conseiller régional peut indiquer qu’à son avis une personne ne devrait pas assister à la séance ou accompagner une classe voilée, quoi que dise la loi.”
=> A mon avis, cela n’a rien à voir. Le major de l’Ecole normale, ne s’oppose pas aux règles de sociabilité, il s’oppose à la personne du Général et à sa politique, ce qui est son droit le plus strict. Comme je l’ai dit plus haut, Julien Odoul, ne s’opposant pas à la femme voilée directement, il l’instrumentalise. Or, il est infiniment préférable d’instrumentaliser les règles pour s’opposer à une personne ou à une politique que d’instrumentaliser des gens pour défendre des règles (que je répète, hypothétiques puisque je ne vois pas de consensus en la matière). Dans un cas la personne est le but, dans l’autre, elle n’est que le moyen.
“Pardon, mais c’est qui ce « il » pour qui la chose n’est pas souhaitable ? Vous parlez comme si le voile « n’était pas souhaitable » d’une façon abstraite et universelle. Non, ce qu’il s’agit de faire comprendre, c’est que les règles de NOTRE SOCIETE rendent le voile est indésirable. Et que les gens qui aspirent à rejoindre NOTRE SOCIETE sont tenus d’appliquer ses règles. ”
=> Ce il, n’est autre que ce que je crois être le bien commun. Quelle est ce “NOTRE SOCIETE” dont vous parlez ? A mon avis, elle n’existe plus. Le débat sur les règles n’est jamais clos et vitrifié dans un “NOTRE SOCIETE” immuable. On en revient au débat sur le consensus. Celui qui existait il y a 40 ans n’est sans doute plus. Je n’y vois aucun fatalité. Comme dans le fond, je pense que le voile n’est pas souhaitable, je me battrai politiquement pour que cela devienne une règle mais je ne vois pas aujourd’hui où est cette règle. Qu’est-ce qui a bien pu vous faire dire que “ne pas porter un voile en sortie scolaire” correspond à une règle de “NOTRE SOCIETE” ?
“Je pense que la femme en question a parfaitement compris que dans notre société le voile est rejeté.”
=> Non. Elle a compris en revanche que l’Islam était rejeté. Elle sait probablement que 70% des gens pensent que le voile n’est pas souhaitable parce qu’elle regarde TF1. Mais comme elle pense sincèrement (et parfois pas complètement à tort) que voile ou pas voile, c’est toute une religion que les gens rejettent, elle se dit que peu importe. Toute façon les “blancs” ne m’accepteront jamais parce que je suis d’origine immigrée, et musulmane. Donc autant que je reste comme je suis. Si on arrivait à faire comprendre à ces immigrés que nous les accueillons avec grande joie qu’ils soient musulmans ou pas, nous pourrions leur dire, chez nous, il y a des règles. Je ne sais évidemment pas ce que cette femme du CR a pensé, mais ma réflexion correspond à celle de nombreuses voilées rencontrées dans le cadre personnel ou professionnel. En cité (surtout) ou ailleurs.
“vous n’allez pas les enraciner sans leur dire clairement et sans ambiguïté quelles sont les règles à appliquer pour « s’enraciner ».
=> Encore faut-il les dire de manière à ce qu’ils les comprennent. Dans ma classe, pour l’élève en échec, je vais commencer par créer un climat stimulant dans lequel il se sentira considéré pour ce qu’il est en tant que personne digne et capable d’apprendre et de progresser. Ce n’est pas cependant pas le monde des bisounours, ce climat sera exigeant et comprendra des règles strictes mais claires. Le climat social actuel ne permet aux femmes (en tout cas pas à toutes) de comprendre qu’il est souhaitable de ne pas se voiler. Ce n’est donc pour moi pas l’urgence d’une politique sérieuse d’intégration.
“Au contraire, il le faut. Comme le dit Brighelli, toute éducation trouve son origine dans une humiliation. ”
=> Vous êtes vraiment prêt à humilier une grande part de nos populations immigrées et à l’assumer ? Vous voulez défendre votre modèle de société au prix d’une guerre civile dévastatrice ?
@ Antoine
[Je suis ravi de lire que nous sommes d’accord sur l’existence d’un consensus idéaliste. Pour le voile en revanche, je maintiens qu’il n’y a pas de consensus idéaliste. La question n’est pas de trouver “bon” qu’il y ait des femmes voilées, mais de voir en quoi leur présence peut être un problème de société.]
Non. S’il y a consensus sur le fait qu’il n’est pas bon qu’il y ait des femmes voilées, alors il y a un consensus pour souhaiter un monde sans femmes voilées. Le fait que les gens n’aient pas tous les mêmes raisons pour vouloir un tel monde ne change rien à l’affaire.
[Comme je l’ai mentionné plus haut, il n’ y a que 61 % de gens contre l’idée “je n’ai pas de difficulté avec le voile en sortie scolaire”.]
Non. Il n’y a que 61% pour DECLARER A UN SONDEUR qu’ils sont contre cette idée. Ce qu’ils pensent vraiment, ni vous ni moi ni personne ne le sait. Sur un sujet comme celui-là, on sait qu’il y a un biais important au profit de l’idéologie dominante. Les gens n’ont pas envie d’apparaître comme des fachos et évitent donc de prendre des positions anticonformistes.
[Si vous considérez que c’est un consensus contre le voile, ce n’en est en tout cas pas suffisamment un pour qu’un conseiller puisse en constituer le fondement d’une remarque injonctive envers une femme qu’il ne connaît pas et qui n’est pas devant la loi en tort.]
A partir de quel pourcentage de réponses positives à la question que vous posez trouveriez-vous le consensus suffisant pour constituer le fondement d’une « remarque injonctive ». Par ailleurs, au risque de me répéter, le discours d’Odoul ne contenait aucune « injonction » envers la femme voilée. Tout au plus, il contenait une injonction envers la présidente de séance. Je trouve très révélateur la manière dont on falsifie le discours d’Odoul : le Monde parle de « injures », vous parlez de « injonction envers la femme »… Ni l’un ni l’autre ne se trouvent dans el texte.
[Il ne les applique pas pour 3 raisons essentielles: ils sont dotés d’une très faible volonté, ils aiment provoquer, et ne s’estimant appartenir à la société, ils n’estiment pas devoir en respecter les règles.]
Attendez un instant : vous me dites que ces jeunes sont d’accord avec le fait qu’il faut enlever la casquette, mais ils ne le font pas parce qu’ils estiment « ne pas devoir en respecter les règles ». Ne voyez-vous pas une contradiction ? Si j’estime qu’il faut que j’enlève ma casquette, alors je l’enlève QU’IL Y AIT OU NON UN REGLE QUI LE PRESCRIT. La « règle » n’est nécessaire que pour que ceux qui n’estiment pas devoir enlever leur casquette le fassent quand même !
La règle n’est pas nécessaire pour ceux qui partagent le « consensus ». Je n’ai pas besoin d’invoquer une « règle » quelconque pour céder la place dans le métro, enlever mon chapeau ou tenir la porte. Je le fais parce que je pense qu’il est bon de le faire, point à la ligne. De la même façon que je n’ai pas besoin du Code pénal pour ne pas tuer mon voisin. Je pense qu’il est « mal » de tuer, et je ne le ferai pas quand bien même le Code pénal me le permettrait. Si vos jeunes étaient aussi convaincus qu’il est bon d’enlever sa casquette, ils le feraient, règle ou pas règle.
[« Encore une fois, c’est la tolérance qui nous tue, et non la règle. Parce qu’une règle organise le monde, qu’on l’admette ou qu’on se rebelle contre elle, on se définit par rapport à elle. » Je suis d’accord à la condition d’admettre qu’une règle s’adosse à une idée. Dans les institutions puissantes, dans les organismes hiérarchisés que vous mentionnez, il y avait des idéologies fortes qui structuraient ces règles. L’Eglise, le parti ou le syndicat n’étaient pas qu’un tissu normatif.]
Ce n’est pas moi qui dirai le contraire.
[“Je préfère de loin un rejet qui oblige celles qui le portent à se poser des questions qu’une tolérance molle.” En l’espèce, rejet et tolérance molle auront les mêmes effets: séparer, cloisonner, détruire le tissu social.]
Pas du tout. Le rejet met en évidence un marché – l’acceptation contre l’assimilation – et exerce une pression pour que le marché soit accepté. La tolérance molle assure que tout reste comme il est. Le rejet pousse au changement, parce que personne n’aime être rejeté. La tolérance perpétue une situation.
[Le problème d’Odoul, c’est que dans sa remarque, il rejette moins le voile de l’accompagnatrice que la tolérance molle dont vous parlez.]
Je n’ai pas très bien compris cette remarque. Comment aurait-il dû formuler sa remarque pour rejeter le voile de l’accompagnatrice, et non la tolérance molle ?
[En effet, elle les applique. Soit par peur du gendarme : (…) Soit, par souci du bien commun.]
Vous oubliez un troisième cas : certains respectent une norme par souci du regard de l’Autre. Parce qu’on craint d’être regardé par ses voisins, ses compagnons, sa famille, ses concitoyens comme un malotru, un ignorant, une personne en qui on ne peut pas avoir confiance. Et qu’on craint la sanction sociale qui accompagne ce regard.
[Dans le cas du voile, il n’y a ni peur du gendarme, ni souci du bien commun.]
D’où l’importance d’introduire le regard de l’Autre. C’est un peu ce qu’a fait Odoul.
[Pour revenir à ce que vous disiez, il n’y a pour la femme voilée ni punition ni récompense si elle garde ou enlève son voile. De toutes façon pour elle, “les blancs n’aiment pas les arabes”, voile ou pas voile.]
Pardon, mais rien ne prouve que les « blancs n’aiment pas les arabes ». Je ne vois pas que dans notre pays les « arabes » assimilés soient moins « aimés » que les autres. On a des préfets « arabes », des stars de cinéma ou des arts « arabes », on a même des ministres « arabes ». A-t-on vraiment besoin de montrer qu’en France l’étranger assimilé bénéficie d’avantages incomparables en termes d’acceptation sociale par rapport à l’étranger non assimilé ? La « récompense » me paraît assez évidente. Mais vu l’investissement que l’assimilation représente, je suis convaincu qu’une petite dose de « punition » est nécessaire.
[Je n’aurais pas choisi cet exemple. D’abord et surtout parce que (comme vous, je crois) je ne veux pas que mon pays soit géré comme une entreprise.]
Je ne vois pas le rapport. Vous me dites que pour qu’une loi soit obéie, il est nécessaire qu’elle soit perçue comme « juste ». Je vous signale que les lois régissant les rapports dans l’entreprise – je parle bien de la loi faite par le Parlement, et non des règles dictées par le patron – sont très largement considérées comme injustes, et qu’elles sont pourtant très largement obéies.
[Dans les quartiers, personne ne s’imagine ce que serait un monde ou chacun choisirait quelles règles appliquer.]
Au contraire, c’est dans les quartiers qu’on se l’imagine le mieux, parce c’est là que ce monde est le plus proche. Et c’est d’ailleurs pourquoi c’est dans les cités ou les jeunes sont le plus en demande de règles, au point que lorsque l’Etat et ses institutions ne les imposent plus, ils vont chercher des règles dix fois plus rigides à la mosquée. Pour moi, le retour du religieux dans sa forme la plus rigoriste dans les quartiers c’est d’abord la conséquence d’une demande de règles dans une société qui n’exige plus rien, et qui ne réagit pas lorsque la règle est violée.
[C’est malheureux, j’en conviens, mais vous ne pouvez pas faire comme si. Particulièrement dans le contexte actuel dans les quartiers, il importe ABSOLUMENT que la loi soit juste et comprise.]
Non. Il faut ABSOLUMENT que la loi républicaine soit claire et soit appliquée, juste ou pas, et que celui qui ne l’applique pas soit terriblement puni, aussi terriblement que sont punis ceux qui violent la loi religieuse. Parce que, croyez-moi, ce qu’Odoul a fait à la femme voilée, c’est peanuts en comparaison avec ce qu’on fait dans certains quartiers aux femmes qui refusent de porter le voile.
[Je n’ai jamais rien fait dans ma classe sans règles justes et comprises. Aucun collègue ne vous dira le contraire.]
Et avec, vous avez fait quoi ?
[Le débat n’est pas clos dans le sens où chacun garde le droit d’exprimer son opinion sur le sujet, dans la mesure où la loi peut évoluer, mais il l’est dans la mesure, où il devient légitime d’utiliser le mode injonctif.]
Avec le même raisonnement, toute injonction d’enlever sa casquette, de dire bonjour ou de céder le siège dans le métro devient tout aussi illégitime. Aucun de ces gestes n’est ordonné par la loi.
[A mon avis, cela n’a rien à voir. Le major de l’Ecole normale, ne s’oppose pas aux règles de sociabilité, il s’oppose à la personne du Général et à sa politique, ce qui est son droit le plus strict.]
Je n’ai pas dit qu’il s’opposait aux règles de sociabilité, j’ai dit qu’il a manqué à une règle de sociabilité. Ce n’est pas tout à fait la même chose.
[Comme je l’ai dit plus haut, Julien Odoul, ne s’opposant pas à la femme voilée directement, il l’instrumentalise.]
Vous voulez dire que Julien Odoul aurait dû s’adresser DIRECTEMENT à la femme voilée pour lui demander d’enlever son voile ?
[Or, il est infiniment préférable d’instrumentaliser les règles pour s’opposer à une personne ou à une politique]
Porter le voile, c’est aussi une décision « politique ».
[“Pardon, mais c’est qui ce « il » pour qui la chose n’est pas souhaitable ? Vous parlez comme si le voile « n’était pas souhaitable » d’une façon abstraite et universelle. Non, ce qu’il s’agit de faire comprendre, c’est que les règles de NOTRE SOCIETE rendent le voile est indésirable. Et que les gens qui aspirent à rejoindre NOTRE SOCIETE sont tenus d’appliquer ses règles. ” Ce il, n’est autre que ce que je crois être le bien commun.]
Je n’ai pas compris cette remarque.
[Quelle est ce “NOTRE SOCIETE” dont vous parlez ? A mon avis, elle n’existe plus.]
Si elle « n’existe plus », alors je ne vois pas en quoi une quelconque règle de sociabilité serait légitime. Mais je ne partage pas votre vision. L’immense majorité des Françaises ne porte pas le voile, ne refuse pas de serrer la main d’un homme. L’immense majorité des Français ne considère pas que le porc ou l’alcool lui soient interdits. L’immense majorité des Français parle la même langue, agite les mêmes drapeaux lors des victoires sportives, et se retrouve autour des mêmes traditions.
[Le débat sur les règles n’est jamais clos et vitrifié dans un “NOTRE SOCIETE” immuable.]
Qui a dit le contraire ? « Notre société » évolue en permanence, et alors ? Cela n’implique pas qu’elle n’existe pas…
[On en revient au débat sur le consensus. Celui qui existait il y a 40 ans n’est sans doute plus. Je n’y vois aucune fatalité.]
Vous voulez dire qu’il serait possible que le consensus qu’il existait il y a 40 ans soit encore ? Faudrait savoir : si vous considérez que l’évolution est inévitable, alors il y a une forme de fatalité…
[Comme dans le fond, je pense que le voile n’est pas souhaitable, je me battrai politiquement pour que cela devienne une règle mais je ne vois pas aujourd’hui où est cette règle. Qu’est-ce qui a bien pu vous faire dire que “ne pas porter un voile en sortie scolaire” correspond à une règle de “NOTRE SOCIETE” ?]
Parce que l’un des principes fondamentaux de « notre société », celle qui s’est construit en France au cours des siècles et tout particulières ces deux derniers siècles, c’est de refuser l’atomisation communautaire. Et que le voile est à la fois le symbole et le moyen de cette atomisation.
J’avoue que votre discours me déroute. Au nom de quoi vous vous « estimez que le voile n’est pas souhaitable » ? Sans faire référence à une tradition – c’est-à-dire à « notre société » – qu’est-ce qui vous permet de dire qu’il est souhaitable que les femmes se couvrent les seins et non qu’elles se couvrent les cheveux. Vous savez, il y a des sociétés où l’on se balade en tenue d’Adam. Pourquoi l’interdire à Paris… sauf par référence à ce qui se fait ou ne se fait pas dans « notre société » ?
[“Je pense que la femme en question a parfaitement compris que dans notre société le voile est rejeté.” Non. Elle a compris en revanche que l’Islam était rejeté.]
Odoul est intervenu pour qu’elle enlève son voile, pas pour qu’elle se convertisse. Je ne vois rien dans son discours qui évoque un quelconque rejet de l’Islam.
[Elle sait probablement que 70% des gens pensent que le voile n’est pas souhaitable parce qu’elle regarde TF1. Mais comme elle pense sincèrement (et parfois pas complètement à tort) que voile ou pas voile, c’est toute une religion que les gens rejettent, elle se dit que peu importe. Toute façon les “blancs” ne m’accepteront jamais parce que je suis d’origine immigrée, et musulmane. Donc autant que je reste comme je suis.]
Si vous poursuivez votre raisonnement, sa conclusion ne devrait pas être de « rester comme elle est », mais d’aller vivre dans un pays où elle et son voile seraient aimés et acceptés. Pourquoi ne le fait-elle pas ?
Il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles. Si votre femme voilée regarde TF1, elle sait que beaucoup d’immigrés de première, deuxième ou troisième génération se distinguent dans les arts, les sciences, l’administration, la politique. Bien sûr, ils ont quelque chose en commun : ils sont assimilés, et font de la religion une affaire privée. On ne peut pas cracher à la gueule des gens et ensuite s’étonner que les gens vous rejettent.
[Si on arrivait à faire comprendre à ces immigrés que nous les accueillons avec grande joie qu’ils soient musulmans ou pas, nous pourrions leur dire, chez nous, il y a des règles.]
Non. Moi je ne les accueille avec grande joie QUE S’ILS RESPECTENT LES REGLES. Ce sont les règles d’abord et la joie ensuite, et non l’inverse. Parce que si j’accueille avec joie les femmes voilées sans exiger au préalable qu’elles se dévoilent, pourquoi le feraient elles ?
[« vous n’allez pas les enraciner sans leur dire clairement et sans ambiguïté quelles sont les règles à appliquer pour « s’enraciner » ». Encore faut-il les dire de manière à ce qu’ils les comprennent.]
Sans doute. Mais je ne prends pas les gens pour des imbéciles. Je n’imagine pas un instant qu’il y ait une seule femme qui s’imagine que porter le voile intégral soit la meilleure manière de s’enraciner en France. Et pourtant, il y en a pas mal qui le portent, au point qu’il a fallu faire une loi pour combattre le fléau. Vous connaissez beaucoup de femmes qui pensent qu’aller voilées à la plage ou se baigner en burkini soit la meilleure manière de s’enraciner ?
[Dans ma classe, pour l’élève en échec, je vais commencer par créer un climat stimulant dans lequel il se sentira considéré pour ce qu’il est en tant que personne digne et capable d’apprendre et de progresser.]
Dois-je comprendre que s’il n’apprend pas et ne progresse pas, vous lui enlevez votre considération ? Ce serait pourtant logique puisque c’est sa « capacité d’apprendre et de progresser » qui lui vaut votre considération. Pourtant, je suis persuadé que ce n’est pas votre position.
[Ce n’est pas cependant pas le monde des bisounours, ce climat sera exigeant et comprendra des règles strictes mais claires.]
Et que se passe-t-il si ces règles « strictes et claires » sont violées ?
[Le climat social actuel ne permet aux femmes (en tout cas pas à toutes) de comprendre qu’il est souhaitable de ne pas se voiler.]
« Souhaitable » dans quel sens ? Ce n’est pas « souhaitable » pour vous, mais c’est de toute évidence « souhaitable » de leur point de vue, sans quoi elles l’enlèveraient. C’est ce que je ne comprends pas dans votre position : d’un côté vous contestez l’existence d’une « notre société » qui pourrait légitimer une règle en dehors de nous, et d’un autre vous érigez votre opinion sur le voile en règle universelle.
Encore une fois, il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles. Les femmes qui se voilent savent parfaitement que ce geste les coupe de « notre société ». ET C’EST PRECISEMENT POUR CELA QU’ELLES LE FONT. Au fond, vous les méprisez bien plus que moi. Vous les traitez en mineures, en personnes qui ne sont pas responsables de leurs actes parce qu’elles n’en comprennent pas leur portée. Moi, je les traite en adultes. J’estime qu’elles font un choix en se voilant, et que ce choix est conscient et mérite d’être traité comme tel.
[« Au contraire, il le faut. Comme le dit Brighelli, toute éducation trouve son origine dans une humiliation. » Vous êtes vraiment prêt à humilier une grande part de nos populations immigrées et à l’assumer ?]
Si c’est le prix de la paix sociale, oui, mille fois. Comme disait Richelieu, la politique consiste à rendre possible ce qui est nécessaire.
[Vous voulez défendre votre modèle de société au prix d’une guerre civile dévastatrice ?]
Quel rapport avec la guerre civile ?
Voila une intéressante contribution au débat…
https://lepcf.fr/Papicha-de-Mounia-Medour
@ Gugus69
Un rappel qui s’impose…
@ Gugus69
Merci d’avoir porté à notre connaissance le texte de Mireille Popelin. On oublie un peu trop souvent dans nos polémiques avec les idiots utiles de l’islamisme que ce qui est en jeu, c’est aussi les forces de vie contre celles de la mort, Il est plus qu’important de le rappeler.
Je suis en fâcheuse posture parce que je suis assez largement d’accord avec vous sur le fond. Et pourtant je continue de penser qu’Odoul aurait dû se taire. 2 de vos propos illustrent je crois précisément notre incompréhension :
1) « Non il faut absolument que la loi soit claire et appliquée »
=> Vous avez tout dit. Et je suis d’accord. Ici, elle n’est pas claire puisque comme vous le signalez dans votre article (note de bas de page n°3), le règlement du conseil est ambigu sur la question du voile.
2) « Pardon mais rien ne prouve que « les blancs n’aiment pas les arabes »
=> Vous avez raison mais ce qui importe ici, ce n’est pas de savoir ce qui est vrai pour vous et moi ou même ce qui le serait dans l’absolu, c’est plutôt de savoir ce que pense une grande partie de nos banlieues. Et par expérience, même en tentant d’éliminer tous les biais imaginables, je peux vous dire que beaucoup se disent : «Marine le Pen est raciste, tous les Français qui votent pour elle (et même bien davantage) le sont aussi. Nous sommes victimes de leur haine, ouin, ouin». Encore une fois, peu importe le fait que cela ne corresponde en rien à la réalité, c’est leur perception à eux.
En somme, je crois que l’assimilation est un combat perdu d’avance. Même si je crois comme vous à ses vertus. Ce modèle d’intégration a fait ses preuves mais il est abîmé aujourd’hui et je le crois irréparable dans le contexte politique et social actuel. Pourquoi ? Justement pour les raisons que vous décrivez dans l’article. Les élites ont admis le fractionnement de la société. A tel point qu’elles ne peuvent plus envisager une autre situation.
Or l’assimilation ou l’organisation d’une sociabilité commune ne peut fonctionner que si tout le monde s’engage à reconnaître certaines règles, à les respecter mais aussi à les faire respecter. Si ce n’est pas le cas, le modèle s’effondre.
Pardonnez-moi, mais j’insiste avec les exemples scolaires. Dans ma classe, je peux bien exiger de mes élèves qu’ils ne sortent pas leur téléphone pendant la récréation ou l’intercours. Mais si tous mes collègues, voir même le principal et le règlement du bahut, leur disent le contraire, non seulement ma règle ne sera pas appliquée, mais en plus ils se serviront de mes collègues pour me discréditer, moi et tous mes enseignements ultérieurs. Collègues qui d’ailleurs pourraient venir me dire éventuellement à la demande des élèves: «Ecoute, on ne voit pas trop où est le problème. Ca leur fait une récompense après le travail, adapte toi ». => Les élèves ne se poseront pas la question de savoir quel prof a raison, ils se diront juste que tel prof -ce con- voulait vraiment les saquer.
Au conseil régional, c’est pareil, Julien Odoul peut bien demander que la présidente exige (injonction indirecte je vous le concède mais cela revient au même) de la femme voilée qu’elle se dévoile, s’il n’a pas le soutien de tout le CR, non seulement sa demande ne sert à rien, mais en plus elle donne un argument de victimisation supplémentaire à l’accompagnatrice qui pourra se jeter dans les bras du CCIF. Or il savait très bien qu’il ne l’aurait pas le soutien du CR.
Une façon de faire honnête et constructive aurait été selon moi qu’il intervienne quelques jours plus tard pour dire à ses collègues : « il y a quelques jours, j’ai vu une femme voilée dans le public, notre règlement n’est pas clair sur la question, je pense qu’on devrait le modifier pour telles raisons, qu’en pensez-vous ? ». Il y aurait ainsi pu (pas garanti totalement certes) avoir un débat apaisé sur le sujet. Peut-être que le résultat aurait-été le même. Mais au moins, le scandale médiatique n’aurait pas accru le clivage gros fachos/vilains communautaristes.
Et pour répondre à vos questions en vrac :
=> je trouve que le voile n’est pas souhaitable dans la mesure où il est un symptôme d’un repli communautaire. Je ne fais pas référence à “ce qui se fait ou ne se fait pas dans notre société” mais à ce qui devrait ou ne devrait pas se faire. Ce que je considère comme un comportement approprié ne correspond pas aujourd’hui à un consensus social et j’en prends acte.
=> Sur la casquette :pour qu’un individu qui identifie un bien, le réalise effectivement, il faut deux conditions, un qu’il soit rationnel, deux qu’il ait les ressources physiques et mentales pour le faire. Je peux trouver bon de recycler mes déchets, de ne pas reprendre deux fois de dessert et d’envoyer mes vœux à ma grand-mère et pourtant ne pas le faire ou ne pas toujours le faire. Chez vous et moi, il y a déjà un écart entre ce qu’on trouve bon et ce qu’on fait réellement, alors combien plus existe-t-il chez un individu fragile et déraciné comme on trouve dans les quartiers ! Cela me permet de rebondir sur vos accusations de mépris. Je ne les méprise pas, -sans cela je n’aurais pas habiter où j’ai habité et je ne travaillerai pas là où je travaille- mais essaye de considérer leurs fragilités. Fragilités dont nous sommes en partie (au sens où nous n’avons pas exigé de règles claires dès le début) responsables.
=> Sur le retour au pays natal: les situations sont multiples. Mais notez qu’elles ne seraient pas plus intégrées “chez elles”. Au bled, où elles ne sont plus que des émigrées, elles sont tout aussi méprisées qu’en France.
Dans la situation actuelle, je suis très pessimiste, et je ne vois rien d’autres à faire que de mettre parfois momentanément ses principes de côté pour créer les conditions du dialogue. Je pense que les petites phrases à la Odoul, qui prétendent lutter contre les « capitulations » sont en quelques sortes des idées assimilationistes devenues folles. Et ne peuvent qu’aboutir à un surcroît de victimisation. Si une affaire de ce genre éclate par hasard dans une banlieue, on pourrait avoir un nouveau 2005, oui.
@ Antoine
[Je suis en fâcheuse posture parce que je suis assez largement d’accord avec vous sur le fond. Et pourtant je continue de penser qu’Odoul aurait dû se taire.]
Rationnellement, les deux choses sont incompatibles…
[1) « Non il faut absolument que la loi soit claire et appliquée » => Vous avez tout dit. Et je suis d’accord. Ici, elle n’est pas claire puisque comme vous le signalez dans votre article (note de bas de page n°3), le règlement du conseil est ambigu sur la question du voile.]
Le règlement est peut-être interprétable en ce qui concerne le port du voile dans la tribune du public, mais il est très clair sur la possibilité d’un conseiller régional de demander à la présidente d’exiger d’un membre du public qu’il l’enlève. Encore une fois, même en supposant que rien dans le règlement n’oblige la présidente à faire lieu à la demande, cela n’implique nullement qu’il soit interdit à un conseiller de la formuler.
Par ailleurs, au risque de me répeter, j’affirme que le fait que la loi n’interdise pas certains comportements n’implique pas que la société doive les accepter dans l’espace public. Rien dans la loi n’interdit de rire à un enterrement, que je sache.
[2) « Pardon mais rien ne prouve que « les blancs n’aiment pas les arabes » => Vous avez raison mais ce qui importe ici, ce n’est pas de savoir ce qui est vrai pour vous et moi ou même ce qui le serait dans l’absolu, c’est plutôt de savoir ce que pense une grande partie de nos banlieues.]
Pas seulement. Ce qui importe ici, c’est aussi de savoir si « ce que pense une grande partie des banlieues » est fondé sur une réalité objective ou sur un préjugé. Parce que dans le premier cas il s’agit de changer quelque chose qui tient du fait, et dans l’autre de combattre un préjugé. Et les politiques nécessaires ne sont pas les mêmes dans les deux cas.
[Et par expérience, même en tentant d’éliminer tous les biais imaginables, je peux vous dire que beaucoup se disent : «Marine le Pen est raciste, tous les Français qui votent pour elle (et même bien davantage) le sont aussi. Nous sommes victimes de leur haine, ouin, ouin». Encore une fois, peu importe le fait que cela ne corresponde en rien à la réalité, c’est leur perception à eux.]
J’insiste. C’est au contraire essentiel de savoir s’il s’agit d’une réalité ou d’une simple « perception ». Et c’est essentiel à plusieurs titres : celui du choix des armes, comme je l’ai dit plus haut, mais aussi celui de la compréhension. Car un préjugé social n’apparaît pas par hasard. Tout préjugé partagé a une fonction sociale. Ici, à mon sens, le préjugé s’impose parce qu’il permet de tout justifier. Le cancre à l’école peut dire « je ne fais pas d’effort parce que cela ne sert à rien, puisque de toute façon les « blancs » ne nous aiment pas et feront en sorte que j’échoue ». Le candidat qui se voit préférer un concurrent plus compétent – et la statistique fait que souvent c’est un « blanc » – dira qu’il n’a pas été pris parce que les « blancs » ne l’aiment pas. Et ainsi de suite. La position de « victime » recèle des trésors d’auto-justification. Et c’est pourquoi ce préjugé est si difficile à combattre.
[En somme, je crois que l’assimilation est un combat perdu d’avance. Même si je crois comme vous à ses vertus. Ce modèle d’intégration a fait ses preuves mais il est abîmé aujourd’hui et je le crois irréparable dans le contexte politique et social actuel. Pourquoi ? Justement pour les raisons que vous décrivez dans l’article. Les élites ont admis le fractionnement de la société. A tel point qu’elles ne peuvent plus envisager une autre situation.]
Que l’assimilation soit impossible aujourd’hui pour les raisons que vous citez, je suis d’accord. Que ce soit un combat perdu à tout jamais… je suis moins persuadé. Le coût de la non-assimilation grimpe un peu plus chaque jour, et il n’est pas impossible qu’un jour le bloc dominant décide que finalement il vaut mieux payer le prix de l’assimilation que de devoir supporter le coût du fractionnement.
[Or l’assimilation ou l’organisation d’une sociabilité commune ne peut fonctionner que si tout le monde s’engage à reconnaître certaines règles, à les respecter mais aussi à les faire respecter. Si ce n’est pas le cas, le modèle s’effondre.]
Je vous trouve bien angélique. Non, il s’agit pas que tout le monde « s’engage à reconnaître certaines règles », mais que la société IMPOSE le respect des règles en question, en utilisant tous les moyens dont elle dispose et en les adaptant à chaque situation. Votre formulation suggère qu’il y aurait une forme « d’engagement » que les individus souscriraient volontairement. Ce caractère volontaire mérite d’être réexaminé. Oui, les individus doivent rester libres de leurs choix, mais doivent en accepter les conséquences. Et les conséquences de la non-reconnaissance des règles doivent être suffisamment lourdes pour que le refus soit l’exception, et non la règle.
[Pardonnez-moi, mais j’insiste avec les exemples scolaires. Dans ma classe, je peux bien exiger de mes élèves qu’ils ne sortent pas leur téléphone pendant la récréation ou l’intercours. Mais si tous mes collègues, voir même le principal et le règlement du bahut, leur disent le contraire, non seulement ma règle ne sera pas appliquée, mais en plus ils se serviront de mes collègues pour me discréditer, moi et tous mes enseignements ultérieurs.]
Je pense qu’il y là une erreur. Vous n’êtes pas l’autorité légitime pour interdire l’usage du téléphone portable à la récréation ou à l’intercours. L’enseignant est maître de sa classe, en dehors de sa classe ce n’est pas lui qui fait les règles. Il est soumis à la discipline générale de l’établissement, et c’est au principal ou au proviseur de dire ce qui est licite et ce qui ne l’est pas. Il est évident qu’en matière de sociabilité on ne peut pas chacun faire sa règle, autrement c’est le désordre. Dans le cas des règles de sociabilité, c’est le consensus social qui les fait.
Je n’ai jamais enseigné au niveau scolaire, mais mes souvenirs d’écolier me poussent à voir la chose différemment. J’ai eu pendant ma scolarité beaucoup d’enseignants. Parmi eux, se distingue un groupe qui imposait SES règles à la classe. Et lorsque quelqu’un se risquait à dire que dans la classe de M. Untel on ne faisait pas pareil, la réponse était : « dans la classe de M. Untel vous ferez comme M. Untel vous dit. Mais dans la mienne, c’est moi qui fait les règles. C’est comme ça, et pas autrement ». Et contrairement à ce que vous signalez, ce sont ces enseignants-là qui étaient les plus respectés – et les plus craints, l’un n’allant pas sans l’autre. Et leurs règles étaient appliquées.
Si vous me permettez un commentaire – je ne voudrais pas vous offenser – vous me semblez affecté d’un syndrome courant chez les enseignants, qui est le besoin d’être aimé de ses élèves. C’est à mon avis une erreur. Bien sûr, cela fait toujours plaisir d’être aimé, mais le but de l’enseignant n’est pas celui-là, c’est celui de transmettre le savoir. Aujourd’hui, que j’ai quelques cheveux blancs, j’ai beaucoup de reconnaissance envers certains de mes enseignants dont l’exigence et la sévérité suscitaient plutôt de l’animosité à l’époque, mais à qui je me rends compte aujourd’hui je dois beaucoup. Et sur l’affaire du voile, c’est un peu pareil : les gens ont envie d’être aimés, et c’est pourquoi ils délèguent dans les corps répressifs la tâche de faire la loi, ce qui leur permet de se donner le beau rôle – par exemple en prenant le parti du fraudeur dans un contrôle de billets dans le train.
[Collègues qui d’ailleurs pourraient venir me dire éventuellement à la demande des élèves: «Ecoute, on ne voit pas trop où est le problème. Ca leur fait une récompense après le travail, adapte toi ».]
Réponse : la récompense de l’élève, c’est la connaissance acquise. Et si le téléphone portable gêne l’acquisition des connaissances, alors au diable le téléphone.
[Les élèves ne se poseront pas la question de savoir quel prof a raison, ils se diront juste que tel prof -ce con- voulait vraiment les saquer.]
Et alors ? Encore une fois, la fonction de l’enseignant est de transmettre la connaissance. Pas de satisfaire les préjugés des élèves. Comme je vous disais plus haut, moi aussi j’ai pensé quand j’avais l’âge que le zéro que j’ai eu était la faute de « ce vieux con qui voulait me saquer ». Aujourd’hui, à ce vieux con je lui dis merci.
[Au conseil régional, c’est pareil, Julien Odoul peut bien demander que la présidente exige (injonction indirecte je vous le concède mais cela revient au même) de la femme voilée qu’elle se dévoile, s’il n’a pas le soutien de tout le CR, non seulement sa demande ne sert à rien, mais en plus elle donne un argument de victimisation supplémentaire à l’accompagnatrice qui pourra se jeter dans les bras du CCIF. Or il savait très bien qu’il ne l’aurait pas le soutien du CR.]
Si pour protester vous attendez d’avoir la majorité, alors vous ne protesterez pas beaucoup. C’est en protestant très longtemps dans le désert qu’on finit par construire des mouvements sociaux. Et si l’intervention d’Odoul a été condamnée par ses collègues du CR, au moins elle aura provoqué un débat national sur la question – dont les palinodies des signataires de « l’appel contre l’islamophobie » dans Libération montrent qu’il n’est pas aussi simple que vous le pensez.
Quant à « pousser l’accompagnatrice dans les bras du CCIF »… franchement, si l’on commence à se dire qu’il ne faut pas accepter un comportement de peur de pousser les gens dans les bras de ceux qui militent pour étendre ce comportement, on est mal barrés.
[Une façon de faire honnête et constructive aurait été selon moi qu’il intervienne quelques jours plus tard pour dire à ses collègues : « il y a quelques jours, j’ai vu une femme voilée dans le public, notre règlement n’est pas clair sur la question, je pense qu’on devrait le modifier pour telles raisons, qu’en pensez-vous ? ». Il y aurait ainsi pu (pas garanti totalement certes) avoir un débat apaisé sur le sujet.
Peut-être que le résultat aurait-été le même. Mais au moins, le scandale médiatique n’aurait pas accru le clivage gros fachos/vilains communautaristes.]
Le résultat aurait été pire : il n’y aurait pas eu débat du tout. La présidente aurait dit « qui est a faveur de cette proposition ? Qui est contre ? La proposition est rejetée. Affaire suivante… ». Et vous ne l’auriez même pas su. Si l’affaire est sortie de l’enceinte du Conseil, c’est parce qu’elle a été dramatisée par la présence de la personne dans l’enceinte.
[je trouve que le voile n’est pas souhaitable dans la mesure où il est un symptôme d’un repli communautaire. Je ne fais pas référence à “ce qui se fait ou ne se fait pas dans notre société” mais à ce qui devrait ou ne devrait pas se faire. Ce que je considère comme un comportement approprié ne correspond pas aujourd’hui à un consensus social et j’en prends acte.]
Je pense, contrairement à vous, qu’il existe un large consensus « sur ce qui constitue un comportement approprié ». Ce qui n’existe pas, c’est le consensus pour imposer cette propriété. Et un tel consensus, le seul qui peut sortir votre opinion de la sphère des idées et lui donner une réalité, ne peut être fondé que sur la valeur d’une tradition, c’est-à-dire, « sur ce qui se fait et ce qui ne se fait pas chez nous ».
[Sur la casquette :pour qu’un individu qui identifie un bien, le réalise effectivement, il faut deux conditions, un qu’il soit rationnel, deux qu’il ait les ressources physiques et mentales pour le faire.]
Pas du tout. La rationalité n’est pas nécessaire. La peur du châtiment ou du regard de l’autre peut remplacer très avantageusement la rationalité. Pouvez-vous m’expliquer « rationnellement » pourquoi il ne faut pas mettre les coudes sur la table ?
Je suis un matérialiste : pour qu’un individu qui identifie un « bien » le réalise effectivement, il suffit que le rapport entre ce que la réalisation de ce « bien » lui procure et le coût de cette réalisation soit favorable. La rationalité et les ressources n’ont pas grande chose à voir là-dedans. Quand le fait de ne pas dire « bonjour » en entrant dans le commerce vous attirait une remarque des clients, et que chacun vous regardait de travers, le rapport entre l’effort de dire « bonjour » et ce qu’il vous rapportait socialement était clairement favorable, et les gens s’y pliaient donc. Aujourd’hui, le jeune qui garde sa casquette malgré la demande de l’enlever gagne la considération de ses petits camarades et n’encourt pas véritablement la condamnation du monde adulte. Pourquoi l’enlèverait-il ?
[Je peux trouver bon de recycler mes déchets, de ne pas reprendre deux fois de dessert et d’envoyer mes vœux à ma grand-mère et pourtant ne pas le faire ou ne pas toujours le faire.]
Tout est une question de rapport « coût/avantages ». Si vous êtes dans une famille dans laquelle ne pas envoyer de vœux à votre grand-mère vous condamne à l’ostracisme, vous réfléchirez peut-être deux fois avant de vous soustraire à ce qui devient une obligation. Si le recyclage implique d’apporter vos bouteilles en verre à un point de collecte à une demie-heure de voiture, vous hésiterez probablement à le faire… sauf si le fait d’y aller vous procure une satisfaction morale telle qu’elle dépasse le coût du déplacement.
[Cela me permet de rebondir sur vos accusations de mépris. Je ne les méprise pas, -sans cela je n’aurais pas habité où j’ai habité et je ne travaillerai pas là où je travaille- mais essaye de considérer leurs fragilités. Fragilités dont nous sommes en partie (au sens où nous n’avons pas exigé de règles claires dès le début) responsables.]
Il y a beaucoup de formes de mépris. On peut mépriser quelqu’un ouvertement, mais on peut aussi le mépriser en le réduisant au rôle de victime. C’est la forme paternaliste du mépris. Alors de deux choses l’une : soit ces gens sont « fragiles » au point de ne pas assumer la responsabilité de leurs actes, et dans ce cas il faut les mettre sous tutelle – et pour commencer, les priver du droit de vote – soit on les considère majeures et responsables et alors les « fragilités » cessent d’être une justification.
[Sur le retour au pays natal: les situations sont multiples. Mais notez qu’elles ne seraient pas plus intégrées “chez elles”. Au bled, où elles ne sont plus que des émigrées, elles sont tout aussi méprisées qu’en France.]
Je ne crois pas avoir parlé du « pays natal », d’autant plus que beaucoup de femmes voilées sont nées en France. Non, il ne s’agit pas d’un retour mais d’un choix. Les règles de sociabilité dans notre pays sont ce qu’elles sont. Si ces femmes trouvent que ces règles violent leurs convictions, alors la conduite logique serait de rechercher dans le vaste monde une société ou les règles de sociabilité soient plus proches de leurs demandes, non ? Encore une fois, je prends les gens pour des adultes responsables de ce qui leur arrive : j’ai plus de respect pour les gens qui, adhérant à un Islam rigoriste, émigrent vers des pays dont le droit et la sociabilité leur permet de vivre pleinement la sociabilité islamique que pour les gens qui restent chez nous a chouiner qu’on n’aime pas les voir porter le voile tout en touchant les allocations.
[Dans la situation actuelle, je suis très pessimiste, et je ne vois rien d’autres à faire que de mettre parfois momentanément ses principes de côté pour créer les conditions du dialogue.]
Mais avec qui et sur quoi voulez-vous « dialoguer » ? Vous répétez « dialogue, dialogue », comme si le fait que les gens se parlent pouvait changer quelque chose. Et surtout, comme si les gens pouvaient « dialoguer » alors qu’ils parlent des langues différentes. En quoi pourrait consister un « dialogue » entre Odoul et la femme voilée ?
[Je pense que les petites phrases à la Odoul, qui prétendent lutter contre les « capitulations » sont en quelques sortes des idées assimilationistes devenues folles.]
A quelle « petite phrase » faites-vous référence ? Je ne vois aucune « petite phrase » là-dedans. Encore une fois, je trouve intéressant la manière répétitive dont on cherche à faire dire à Odoul ce qu’il n’a pas dit. Il n’y a dans son intervention ni injures, ni injonction, ni « petite phrase ». Odoul s’est contenté de demander à la présidence, chargée de la police de l’assemblée, de demander à la femme voilée d’enlever son voile, estimant que sa tenue n’était pas compatible selon nos règles de sociabilité – car Odoul n’invoque pas la loi – avec les travaux d’une assemblée. Oui, c’est de l’assimilationniste de penser que les gens qui aspirent à s’installer chez nous doivent se socialiser selon nos règles. On peut être en désaccord avec lui, mais je ne vois là-dedans aucune idée « devenue folle ».
[Et ne peuvent qu’aboutir à un surcroît de victimisation. Si une affaire de ce genre éclate par hasard dans une banlieue, on pourrait avoir un nouveau 2005, oui.]
Et donc, par peur d’un nouveau 2005, il faut se taire. Tout au plus chercher un « dialogue » qui s’apparente à échange entre la poule et le renard. Et, pourquoi pas, donner de l’argent aux « grands frères » pour acheter la paix sociale. C’est ce qu’on fait depuis trente ans.
@ Antoine et Descartes
[Le règlement est peut-être interprétable en ce qui concerne le port du voile dans la tribune du public, mais il est très clair sur la possibilité d’un conseiller régional de demander à la présidente d’exiger d’un membre du public qu’il l’enlève. Encore une fois, même en supposant que rien dans le règlement n’oblige la présidente à faire lieu à la demande, cela n’implique nullement qu’il soit interdit à un conseiller de la formuler.]
Je pense personnellement que le débat sur si Odoul avait le droit ou non de faire ce qu’il a fait, une fois qu’on a constaté qu’à tout le moins cela ne lui était pas interdit, a peu d’intérêt. Tant pis si le règlement est imprécis, et je suis partisan du principe dans ce genre de cas d’interpréter l’imprécision dans le sens le plus libéral possible.
Mais plus fondamentalement, je pense qu’il faut analyser l’intervention d’Odoul en termes politiques : oui, c’était assez manifestement prévu pour faire le “buzz”, oui, cela a un côté opportuniste, mais je pense que c’est de bonne guerre, ce n’est pas comme si les anti-FN se privaient d’utiliser des procédés bien plus vils.
Au final, le matraquage de nos bonnes âmes sur le droit ou non d’Odoul à faire son intervention me semble assez révélateur de quelque chose d’inquiétant. Odoul est un politicien élu qui siège dans une instance représentative éminemment politique. Et même en dehors du cadre des débats, on attend de quelqu’un dans cette position qu’il fasse… de la politique. Qu’on l’attaque non sur le terrain purement politique, non sur ce qu’il a dit, sur le fond de sa remarque, qu’on ne réponde pas à la question si une femme voilée a oui ou non à se dévoiler dans cette situation, mais que l’on préfère aller sur le terrain du droit et d’argumenter purement en termes légalistes n’est pas sans une certaine ironie. Car dans le temps, c’était aux élus des mouvements ouvriers, des communistes aux anarchisants, qu’on faisait ce genre de coup tordu pour délimiter les sujets que l’on pouvait aborder, en quelles circonstances, selon quelles formalités… Un torrent d’arguties légalistes pour seule esquive des sujets qui fâchent, en somme.
@ BolchoKek
[Je pense personnellement que le débat sur si Odoul avait le droit ou non de faire ce qu’il a fait, une fois qu’on a constaté qu’à tout le moins cela ne lui était pas interdit, a peu d’intérêt.]
Je ne suis pas d’accord. Ce débat a de l’intérêt parce qu’il montre l’asymétrie dans le raisonnement. Lorsqu’il s’agit de la femme voilée, on se place sur le plan du droit, en insistant sur le fait que la loi lui permettait d’accompagner des enfants et d’entrer dans l’enceinte du Conseil avec son voile. Lorsqu’il s’agit de Julien Odoul, on se place sur le plan de la sociabilité pour condamner son discours. Pourquoi ce choix, à votre avis ? Et pourquoi pas avoir fait le choix inverse, qui cette fois aurait condamné la femme voilée et excusé Julien Odoul ? Mon point, c’est qu’il faut avoir un raisonnement uniforme : ou bien on se place sur le plan de la sociabilité, ou bien sur celui du droit. Mais on ne peut mélanger les deux débats.
[Tant pis si le règlement est imprécis, et je suis partisan du principe dans ce genre de cas d’interpréter l’imprécision dans le sens le plus libéral possible.]
Il ne vous reste plus alors qu’à interpréter le terme « possible » dans votre commentaire. Parce que si par « possible » vous entendez « physiquement possible », cela rend la disposition inopérante. Et si par « possible » vous entendez « acceptable en tenant compte du contexte », alors on est ramené au même problème, sauf qu’au lieu de décider ce qui est « correct » ou non, vous avez à décider ce quie est « possible » ou non.
[Mais plus fondamentalement, je pense qu’il faut analyser l’intervention d’Odoul en termes politiques : oui, c’était assez manifestement prévu pour faire le “buzz”, oui, cela a un côté opportuniste, mais je pense que c’est de bonne guerre, ce n’est pas comme si les anti-FN se privaient d’utiliser des procédés bien plus vils.]
De Zola à Odoul, mutatis mutandis, le clash public a toujours été utilisé pour mettre un débat sous les yeux de l’opinion. Je ne vois pas ce qu’il y aurait de « vil » dans le procédé. Je ne sais pas si Odoul a calculé son coup – il est possible que son intervention ait été simplement un cri du cœur – mais on peut dire qu’il a touché la « gauche radicale » là où ça fait mal. Les contradictions autour de la tribune de Libération et la manifestation de dimanche le montrent amplement.
[Au final, le matraquage de nos bonnes âmes sur le droit ou non d’Odoul à faire son intervention me semble assez révélateur de quelque chose d’inquiétant. Odoul est un politicien élu qui siège dans une instance représentative éminemment politique. Et même en dehors du cadre des débats, on attend de quelqu’un dans cette position qu’il fasse… de la politique. Qu’on l’attaque non sur le terrain purement politique, non sur ce qu’il a dit, sur le fond de sa remarque, qu’on ne réponde pas à la question si une femme voilée a oui ou non à se dévoiler dans cette situation, mais que l’on préfère aller sur le terrain du droit et d’argumenter purement en termes légalistes n’est pas sans une certaine ironie.]
Si Odoul a été attaqué sur la forme – quitte à répéter qu’il aurait « injurié » la femme voilée ou qu’il aurait « exigé d’elle » qu’elle enlève son voile, ce que la vidéo de l’incident dément – c’est justement que le fond gêne. Vous savez comme moi que la gauche – et la gauche radicale en particulier – n’a pas de doctrine sur ces questions entre autres choses parce qu’elle a interdit tout débat interne. A chaque congrès, à chaque convention, à chaque université d’été c’est le grand tabou. Le sujet de l’immigration – mais aussi de la nation et de sa constitution – ne peut être abordé qu’à travers un catalogue d’idées toutes faites qui fleure bon l’irénisme et le discours victimaire. Ce tabou n’est pas étranger à la scission entre la « gauche radicale » et les classes populaires. Je me souviens encore de camarades – en général d’origine ouvrière – qu’on a fait taire en les accusant de « racistes » parce qu’ils voulaient évoquer les problèmes que certaines minorités causaient dans leur cité. Ces camarades se sont tus, mais ils n’en pensaient pas moins, et souvent se sont éloignés du PCF pour se réfugier dans l’abstention ou aller grossir les rangs électoraux du FN.
La gauche se prétend antilibérale mais a incorporé l’un des principes fondamentaux du libéralisme, qui est la vénération quasi-religieuse de la règle de droit… il est vrai que le débat sur le fait de savoir si la loi prescrit permet de mettre sous le tapis le débat sur ce que la loi DEVRAIT prescrire… ou tout simplement sur les règles non-légales que la société devrait faire respecter.
La réaction hystérique du camp progressiste est la conséquence de sa faiblesse idéologique, qui l’empêche d’engager un débat qu’elle n’est pas sûre – à juste titre – de gagner. Proclamer comme un mantra “le fascisme ne passera pas” n’a jamais permis de gagner un combat.
@ Antoine @ Descartes
Veuillez m’excuser de me mêler à votre échange.
« Ici, elle n’est pas claire puisque comme vous le signalez dans votre article (note de bas de page n°3), le règlement du conseil est ambigu sur la question du voile. »
Ceci nous renvoie au faux distinguo énonçant que seuls les fonctionnaires dans l’exercice de leur mission doivent présenter une neutralité en matière de religion. Dans ce cas, il ne serait pas contraire à la laïcité d’ installer des crèches de Noël dans des lieux du ressort d’ institutions de la République. Ce dernier exemple tend à démontrer qu’il y a des lieux qu’il faut aussi épargner de manifestations religieuses. Un conseil régional, n’en est-il pas un ?
@ morel
[Ceci nous renvoie au faux distinguo énonçant que seuls les fonctionnaires dans l’exercice de leur mission doivent présenter une neutralité en matière de religion. Dans ce cas, il ne serait pas contraire à la laïcité d’installer des crèches de Noël dans des lieux du ressort d’institutions de la République.]
Si la crèche est considérée un élément religieux, alors son installation dans les locaux d’une mairie est contraire au principe de neutralité. Le principe fondamental n’est pas celui de la « neutralité des fonctionnaires », mais de la « neutralité du service public ». Le fait que les fonctionnaires doivent s’abstenir de toute manifestation religieuse n’est qu’une conséquence de ce principe, tout comme le fait que les manifestations et signes religieux – par exemple les crèches – sont interdits dans les locaux affectés au service public.
Il reste qu’il faut tenir compte de l’histoire. Dans un pays comme le nôtre, certaines pratiques et signes, au départ liés à la religion, sont aujourd’hui traditionnels et dépouillés largement de leur contenu religieux. Ainsi, par exemple, le repas de noël organisé dans les cantines et restaurants d’entreprise est une occasion festive partagée autant par les employés chrétiens que par les juifs, musulmans ou athées. Dans certaines régions de France, la crèche à la mairie est une tradition qui n’a plus de religieux que l’apparence – d’ailleurs on voit quelquefois fleurir des crèches « républicaines » : j’en ai vu une où une Marianne copiée sur le tableau de Delacroix prenait la place de la vierge… Dans ces cas, peut-on considérer une telle pratique comme contraire à la laïcité ? Personnellement, je ne crois pas. Et n’étant pas chrétien, je ne suis pas offensé de voir dans le hall de ma mairie une crèche, à condition qu’elle soit esthétique et que l’aspect religieux reste discret.
[Ce dernier exemple tend à démontrer qu’il y a des lieux qu’il faut aussi épargner de manifestations religieuses. Un conseil régional, n’en est-il pas un ?]
De la part de l’institution, certainement. De la part du public… c’est plus discutable. Une nonne peut-elle se rendre en habit à la mairie ? Je pense que oui. Peut-elle accompagner des enfants d’une école catholique à une séance du conseil ? Cela ne me parait pas scandaleux. Et de même, je ne vois pas pourquoi il faudrait interdire la présence d’une personne portant les signes religieux musulmans, juifs ou orthodoxes…
Encore une fois, je pense qu’il ne faut pas prendre la question du voile sous l’angle religieux. Si le voile musulman doit être découragé et pas l’habit d’une nonne ou la kipa d’un juif, c’est parce que le voile n’est pas seulement un signe religieux, c’est un signe qui proclame une volonté de séparation communautaire. Si on commence à mélanger avec la question de la laïcité, on ne s’en sortira pas. A mon sens, il faut rester simple : la société se doit de décourager – et éventuellement d’interdire – TOUT SIGNE QUI MANIFESTE LA VOLONTE D’UNE COMMUNAUTE DE SE SEPARER DU RESTE DE LA NATION. Et cela n’a rien à voir avec la religion.
@ Descartes
« Il faut tout de même leur reconnaître une chose : côté PS, on s’est tenu prudemment à l’écart de cette initiative »
Je leur en donne acte volontiers mais pour les raisons précédemment citées ne leur accorderait pas pour autant un brevet de laïcité.
« Dans certaines régions de France, la crèche à la mairie est une tradition qui n’a plus de religieux que l’apparence »
C’est là où vous rejoignez la décision du Conseil d’État que je désapprouve qui a suivi l’avis de son rapporteur, Aurélie Bretonneau : installer une crèche dans une mairie ne saurait être autorisé qu’à trois conditions, que cette exposition soit « temporaire », qu’elle ne s’accompagne d’aucune manifestation de « prosélytisme religieux » et enfin qu’elle revête le « caractère d’une manifestation culturelle ou au moins festive ». « Nous ne croyons pas que le contexte de crispations sur la laïcité vous impose d’instruire par principe le procès de la crèche », a-t-elle conclu, insistant sur la « dimension pacificatrice de la laïcité ».
Appréciations très subjectives qui permet, comme cela est arrivé, d’autoriser ici mais pas là au nom de raisons pas toujours très claires car
– temporaire : ça ne se fait qu’au moment de la fête de Noël
– pas de prosélytisme religieux : à cette aune, il sera facile de prétendre qu’en soit bien des signes religieux peuvent avoir leur place dans des édifices publics
– manifestation culturelle ou au moins festive : dans la mesure d’un passé historique sous l’égide du catholicisme, on peut tout justifier.. quant au « festif », difficile de le percevoir dans l’installation d’une crèche de la nativité.
De plus, je ne crois pas que l’installation de crèches dans les mairies puisse évoquer une « tradition » quelconque puisque jusqu’à une époque récente, on est bien en mal de citer des exemples connus et constants d’une telle pratique.
Or, l’article 28 de la loi 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’État dispose qu’ « il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées et expositions ».
Il eût mieux valu s’en tenir à ces termes pour ne pas rouvrir la boîte de Pandore. La fameuse « dimension pacifique de la laïcité » n’est qu’apparence et, ce n’est qu’une perception à un moment donné tant (c’est d’actualité) remettre le travail à l’ouvrage car l’équilibre sera toujours précieux mais fragile.
Pour ma part, je ne connais pas de ville où la « crèche à la mairie » est une « tradition » au sens où cela aurait eu une continuité dans la France Républicaine. Il me semble que le sujet apparaît plutôt récemment.
Et, je mets au défi quiconque de me démontrer que ces crèches ne sont pas la représentation de la Nativité. Les élus partisans de l’installation de telles crèches – et il faut souligner que celles qu’ils ont installées – ne relève pas d’une « tradition » (dans un conseil régional ?), trouveront de nombreuses raisons sous les « caractères culturels, artistique ou festif » de justification.
« De la part de l’institution, certainement. De la part du public… c’est plus discutable. Une nonne peut-elle se rendre en habit à la mairie ? Je pense que oui. Peut-elle accompagner des enfants d’une école catholique à une séance du conseil ? Cela ne me parait pas scandaleux. Et de même, je ne vois pas pourquoi il faudrait interdire la présence d’une personne portant les signes religieux musulmans, juifs ou orthodoxes… »
Sans doute, suis-je allé trop loin. Oui, mais l’ordre public fait parfois aussi mention de restrictions quant à la tenue vestimentaire. Et, il n’y a pas si longtemps le Conseil Constitutionnel au sujet me semble t-il de la loi sur la non-dissimulation du visage, avait évoqué les nécessités de la vie en société. Par ailleurs, le règlement de l’Assemblée Nationale fait obligation au public d’avoir « la tête découverte ».
Mais votre exemple de nonne n’est pas réductible à une accompagnatrice scolaire de l’école publique qui me semble être une collaboratrice certes occasionnelle mais dans le cadre d’activités relevant de l’obligation scolaire, qui est couverte par l’assurance de l’école concernée, et qui détient une autorité sur des élèves par délégation.
« A mon sens, il faut rester simple : la société se doit de décourager – et éventuellement d’interdire – TOUT SIGNE QUI MANIFESTE LA VOLONTE D’UNE COMMUNAUTE DE SE SEPARER DU RESTE DE LA NATION. Et cela n’a rien à voir avec la religion. »
Je réfléchis quand à votre dernière phrase car cette volonté de séparation a tout de même quelque chose à voir avec une interprétation religieuse.
@ morel
[Je leur en donne acte volontiers mais pour les raisons précédemment citées ne leur accorderait pas pour autant un brevet de laïcité.]
Tout à fait. Les socialistes ont abandonné la laïcité dans les années 1980, quand ils ont décidé de jouer le jeu de la « community politics » venue des Etats-Unis, avec l’expérience SOS Racisme. C’est là que se trouve la capitulation fondamentale qui a entraînée toutes les autres.
« Dans certaines régions de France, la crèche à la mairie est une tradition qui n’a plus de religieux que l’apparence »
[C’est là où vous rejoignez la décision du Conseil d’État que je désapprouve qui a suivi l’avis de son rapporteur, Aurélie Bretonneau : installer une crèche dans une mairie ne saurait être autorisé qu’à trois conditions, que cette exposition soit « temporaire », qu’elle ne s’accompagne d’aucune manifestation de « prosélytisme religieux » et enfin qu’elle revête le « caractère d’une manifestation culturelle ou au moins festive ».]
Je trouve cette décision sage, du moins dans l’état actuel de notre législation.
[Appréciations très subjectives qui permet, comme cela est arrivé, d’autoriser ici mais pas là au nom de raisons pas toujours très claires car]
Lors de la rédaction du Code pénal, la proposition avait été faite d’attacher à chaque délit une peine précise, sans laisser au juge aucune liberté d’appréciation, pour éviter toute subjectivité. Il y a une illusion très française : celle d’imaginer qu’on pourrait avoir un cadre législatif et réglementaire qui pourrait exclure toute appréciation subjective de l’autorité. Mais dans la réalité, c’est impossible. La diversité des situations est telle qu’on ne peut pas faire une règle de cette nature, et qu’il faut laisser à l’autorité une marge d’appréciation.
[– pas de prosélytisme religieux : à cette aune, il sera facile de prétendre qu’en soit bien des signes religieux peuvent avoir leur place dans des édifices publics]
Mais bien de signes religieux ONT leur place dans les édifices publics. Faut-il enlever les croix de la chapelle royale de Versailles ou de la Sainte Chapelle à Paris ? Faut-il décrocher les tableaux religieux du Louvre ? Ce serait idiot : ces deux édifices, au départ religieux, sont aujourd’hui des musées et les signes qu’ils renferment ne visent certainement plus à convertir ceux qui les regardent.
Voyez-vous, si ma mairie demain organise une exposition sur la culture islamique et exhibe dans le hall de la mairie un beau vase décoré avec des versets du coran écrits dessus, trouveriez-vous que cela porte atteinte à la laïcité ? Pas moi.
[– manifestation culturelle ou au moins festive : dans la mesure d’un passé historique sous l’égide du catholicisme, on peut tout justifier.. quant au « festif », difficile de le percevoir dans l’installation d’une crèche de la nativité.]
Vous exagérez… le caractère « festif » des décorations de Noël et tout particulièrement du montage de la crèche avec les enfants me paraît difficilement contestable. D’ailleurs, les illuminations de Noël sont-elles laïquement correctes ? Elles aussi sont liées à une fête religieuse… Quant à la question du « passé historique »… eh oui, il faut l’assumer : la France a une histoire qui est liée à celle de l’église catholique, les autres institutions religieuses ayant joué un rôle mineur. Une bonne partie de nos traditions et de notre culture sont marqués par cet héritage. La laïcité n’oblige nullement à renier cet héritage.
[De plus, je ne crois pas que l’installation de crèches dans les mairies puisse évoquer une « tradition » quelconque puisque jusqu’à une époque récente, on est bien en mal de citer des exemples connus et constants d’une telle pratique.]
Cela dépend où. En Provence, la crèche dans les bâtiments et lieux publics est une tradition très ancienne et continue. C’est le cas aussi en Alsace, par exemple. Mais vous noterez que les conditions énoncées par le Conseil d’Etat dans son arrêt n’incluent pas la « tradition ». Le conseil s’en est abstenu je pense pour éviter de d’ouvrir la porte à la légalisation des processions ou prières collectives, ce qui serait trahir la volonté du législateur de 1905.
[Or, l’article 28 de la loi 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’État dispose qu’ « il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées et expositions ».]
Et bien, la décision du Conseil d’Etat ne fait qu’interpréter la notion de « exposition », que le législateur de 1905 n’avait pas cru nécessaire de définir précisément. Définir une exposition comme une manifestation temporaire, à caractère culturel ou festif, et n’ayant pas un but de prosélytisme paraît une bonne définition, non ?
[Il eût mieux valu s’en tenir à ces termes pour ne pas rouvrir la boîte de Pandore. La fameuse « dimension pacifique de la laïcité » n’est qu’apparence et, ce n’est qu’une perception à un moment donné tant (c’est d’actualité) remettre le travail à l’ouvrage car l’équilibre sera toujours précieux mais fragile.]
La laïcité ne peut pas et ne doit pas être la négation de la culture et de l’histoire des peuples. Nos monuments, nos institutions, notre langue même porte la marque des rapports intimes avec le christianisme et plus précisément le catholicisme. La neutralité de la sphère publique vis-à-vis des religions doit s’entendre dans ce cadre. Le fait qu’un fonctionnaire fasse ses « adieux » – mot dont l’étymologie s’explique d’elle-même – ne viole pas le principe de laïcité. Ou alors il faut se lancer dans une véritable épuration de notre culture, dont nous sortirons forcément appauvris.
Votre problème, je crois, est que vous abordez la laïcité dans une logique d’égalité. La laïcité dans ce cadre serait un instrument d’égalité entre toutes les croyances. Et le véritable laïque serait enjoint de faire la chasse à tout ce qui, dans notre héritage, introduirait une dissymétrie entre les religions. Or, la laïcité, ce n’est pas ça. La laïcité, c’est faire de la croyance une affaire personnelle, qui ne touche pas la sphère publique. Ce qui est la condition pour que chacun puisse croire en ce qu’il veut ou ne pas croire du tout, et accomplir dans les limites fixées par l’ordre public les actes prescrits par son culte. Mais la laïcité n’a pas pour but de satisfaire les revendications symboliques de tel ou tel groupe qui voudrait ses signes traités à égalité avec ceux des autres.
[Pour ma part, je ne connais pas de ville où la « crèche à la mairie » est une « tradition » au sens où cela aurait eu une continuité dans la France Républicaine. Il me semble que le sujet apparaît plutôt récemment.]
En Provence, c’est souvent le cas. Certains maires particulièrement anticléricaux ont tourné la tradition en faisant des « crèches républicaines » où la triade mariale est remplacée par la devise de la République…
[Et, je mets au défi quiconque de me démontrer que ces crèches ne sont pas la représentation de la Nativité.]
De nombreux tableaux du Louvre représentent aussi la Nativité. Faut-il les décrocher ?
[Mais votre exemple de nonne n’est pas réductible à une accompagnatrice scolaire de l’école publique qui me semble être une collaboratrice certes occasionnelle mais dans le cadre d’activités relevant de l’obligation scolaire, qui est couverte par l’assurance de l’école concernée, et qui détient une autorité sur des élèves par délégation.]
Franchement, je ne vois pas la différence. En quoi une accompagnatrice laïque et une nonne sont-elles différentes du point de vue de la collaboration qu’elles prêtent et de l’autorité qu’elles détiennent ?
[« A mon sens, il faut rester simple : la société se doit de décourager – et éventuellement d’interdire – TOUT SIGNE QUI MANIFESTE LA VOLONTE D’UNE COMMUNAUTE DE SE SEPARER DU RESTE DE LA NATION. Et cela n’a rien à voir avec la religion. » Je réfléchis quand à votre dernière phrase car cette volonté de séparation a tout de même quelque chose à voir avec une interprétation religieuse.]
Je pense que vous avez mal lu ma phrase. Pour moi, c’est le fait de vouloir se séparer du reste qui n’a rien à voir avec la religion. Que la religion soit utilisée comme un moyen de maintenir ou de creuser cette séparation, c’est incontestable. C’est peut-être là que réside la principale difficulté : dans l’amalgame qui est faite par les séparatistes eux-mêmes entre la question religieuse et la question communautaire. Dans une religion qui n’a jamais vraiment accepté la séparation du civil et du religieux, cela rend très difficile de penser l’idée de laïcité.
@ Descartes
Premier jet de réponse dans notre échange :
Dans une de vos réponses à la fin de votre texte, vous me signifiez :
« Je pense que vous avez mal lu ma phrase. »
Sans vouloir du tout entrer dans une concurrence accusatoire, j’ai pensé la même chose en vous lisant.
Donc, posons les valises 😉 !
De mon point de vue l’article 28 de la loi de 1905 : « il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées et expositions » est très clair : il ne peut être interprété comme un dogme du style « du passé faisons table rase » mais par une volonté de vouloir abstenir les représentants des institutions Républicaines d’introduire des symboles religieux dans les dites institutions mais aussi de les laisser en place là où ce peut être.
Esprit d’équilibre de la loi dirigé tant contre les cléricaux que contre les « radicaux » de la laïcité. Ce qui est loin de m’étonner car, la Révolution Française a toujours eu beaucoup d’importance auprès des progressistes de notre pays et son parti le plus raisonnable a pris note de ce qu’à souligné l’historien Michel Vovelle lorsqu’il évoque l’arrivée des révolutionnaires en actuelle Belgique : les populations adhéraient aux principes mais avaient le sang glacé devant les martèlements de statues religieuses et autres comportements de même type. Jaurès, grand conseil de Briand durant l’épisode de la loi en est un exemple.
Je pense avoir clairement répondu à votre assertion :
« Faut-il enlever les croix de la chapelle royale de Versailles ou de la Sainte Chapelle à Paris ? Faut-il décrocher les tableaux religieux du Louvre ? Ce serait idiot : ces deux édifices, au départ religieux, sont aujourd’hui des musées et les signes qu’ils renferment ne visent certainement plus à convertir ceux qui les regardent. ».
qui répondait à ma phrase :
« – pas de prosélytisme religieux : à cette aune, il sera facile de prétendre qu’en soit bien des signes religieux peuvent avoir leur place dans des édifices publics » que je complète en précisant « nouveau », ce qui est bien l’esprit du texte.
Je persiste à penser comme précédemment écrit :
« Il eût mieux valu s’en tenir à ces termes pour ne pas rouvrir la boîte de Pandore. ».
Dans ce contexte de tensions.
Je ne crois pas que les Waulquiez, de Villiers ou Ménard s’ouvrent brusquement à des formes nouvelles de décorations par goût profond de l’art ou quelque chose d’avoisinant. Il y a autant de clientélisme chez eux que chez certains élus du 93 et je ne vois nulle raisons de conforter aucun de ces penchants.
@ morel
[« Je pense que vous avez mal lu ma phrase. » Sans vouloir du tout entrer dans une concurrence accusatoire, j’ai pensé la même chose en vous lisant.]
[De mon point de vue l’article 28 de la loi de 1905 : « il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées et expositions » est très clair : il ne peut être interprété comme un dogme du style « du passé faisons table rase » mais par une volonté de vouloir abstenir les représentants des institutions Républicaines d’introduire des symboles religieux dans les dites institutions mais aussi de les laisser en place là où ce peut être.]
Nous sommes donc d’accord : la loi de 1905 permet parfaitement d’introduire de nouveaux « symboles religieux » dans les cas prévus par la loi, et notamment pour des « expositions ». Je pense que c’est sur cette exception que s’est appuyé le Conseil d’Etat pour déduire les conditions dans lesquelles une crèche pouvait être placée dans une mairie : caractère temporaire, pas de volonté prosélyte, contenu culturel ou festif.
[Je ne crois pas que les Waulquiez, de Villiers ou Ménard s’ouvrent brusquement à des formes nouvelles de décorations par goût profond de l’art ou quelque chose d’avoisinant. Il y a autant de clientélisme chez eux que chez certains élus du 93 et je ne vois nulle raisons de conforter aucun de ces penchants.]
Que des élus instrumentalisent les libertés accordées par la loi pour des raisons politiques ne permet pas pour autant de les suspendre…
Dernier post sur ce sujet qu’on ne pourra traiter à l’infini. Simple désir d’être bien compris, après les divergences de vue..
« Nous sommes donc d’accord : la loi de 1905 permet parfaitement d’introduire de nouveaux « symboles religieux » dans les cas prévus par la loi, et notamment pour des « expositions ».
Ma position tient en la phrase :
« Il eût mieux valu s’en tenir à ces termes pour ne pas rouvrir la boîte de Pandore »
Le Conseil d’État n’a pas fait, en cette occasion preuve de sagesse. D’ailleurs la position de la rapporteuse tend à confondre « dimension pacifique de la laïcité » avec la prétendue laïcité « ouverte » où tout un chacun pourra se prévaloir d’une « exposition », comme si le hall ou l’accueil d’une mairie, d’un conseil départemental, régional.. était destiné à cela pour affirmer « son camp » ; les mairies du 93 pourraient se voir soumises au nom de la « réciprocité » (et la pression sera forte) à procéder de même lors de fêtes d’autres religions.
De mon point de vue, la sagesse dans la situation actuelle consiste plutôt à l’abstention publique. D’ailleurs l’article 28 tend plus à figer la situation des symboles religieux que d’en introduire là où ils n’étaient pas.
@ morel
[Le Conseil d’État n’a pas fait, en cette occasion preuve de sagesse. D’ailleurs la position de la rapporteuse tend à confondre « dimension pacifique de la laïcité » avec la prétendue laïcité « ouverte » où tout un chacun pourra se prévaloir d’une « exposition », comme si le hall ou l’accueil d’une mairie, d’un conseil départemental, régional… était destiné à cela pour affirmer « son camp » ; les mairies du 93 pourraient se voir soumises au nom de la « réciprocité » (et la pression sera forte) à procéder de même lors de fêtes d’autres religions.]
Si l’exhibition est temporaire, qu’elle a un caractère festif et qu’il n’y a aucune intention prosélyte, pourquoi pas. Qu’on organise une exposition de calligraphie ou d’enluminure islamique à l’occasion du ramadan, cela ne me gênerait pas particulièrement.
Votre position aboutit à priver 90% de la population des manifestations festives ou traditionnelles liées à son histoire au prétexte que le 10% restant pourrait demander la même chose au titre de la réciprocité. Pour moi, cette position est une négation de notre histoire. Parce que, qu’on le veuille ou pas, nous sommes un vieux pays de civilisation gréco-latine marquée par la tradition chrétienne. Il ne viendrait à l’idée de personne que les pays de tradition islamique pourraient, en devenant laïques, renoncer aux manifestations traditionnelles musulmanes pour faire plaisir à la minorité chrétienne. Alors pourquoi exiger de nous le comportement symétrique ?
La réponse est assez claire : l’exigence de « réciprocité » n’a rien à voir avec la liberté de culte, et tout à voir avec une question d’identité. Celle d’une population qui veut être « française » (et donc bénéficier des avantages qu’un tel statut procure) sans faire sienne l’histoire et la sociabilité françaises, dont les crèches font partie. Ce qui revient à réduire la citoyenneté française à une simple formalité administrative.
Drôle de « mère de famille ordinaire » qui court se réfugier pour ses déclarations dans les bras très salafistes du CCIF. Lequel saute sur tout ce qui bouge en sa faveur quitte à déformer les faits : « L’appel, lancé dans Libération le 1 er novembre, a été lancé par quelques groupes et personnalités, dont Madjid Messaoudene, élu de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) et le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF).
Ces gens ont un sens de la mesure très spécial : « Ils ont détruit ma vie » pleurniche la militante de la calotte, « Désormais, elle se dit « fatiguée » et précise avoir « peur de tout » : « la première nuit, je me suis réveillée une dizaine de fois, avec une boule au ventre ». Les nuits de son fils sont aussi « très agitées », « il se réveille souvent ».
In : http://www.leparisien.fr/societe/stop-a-l-islamophobie-quatre-questions-sur-une-marche-qui-ne-fait-pas-l-unanimite-06-11-2019-8187639.php
Curieusement, c’est Joffrin que je n’ai pas l’habitude de citer favorablement qui soulève des lièvres intéressants : « Outre l’usage du mot «islamophobie» qui reste problématique (s’agit-il de combattre le racisme anti-musulmans, tâche urgente et nécessaire, ou de proscrire les critiques adressées à une religion, qui sont parfaitement légales et légitimes ?), on lit au détour d’une phrase que les signataires se mobilisent aussi contre des «lois liberticides». Compte tenu du contexte, il s’agit de toute évidence des deux lois laïques de 2004 et de 2010, la première interdisant les signes religieux ostensibles dans les salles de classe, la seconde le fait de se couvrir entièrement le visage sur la voie publique (sauf exception, par exemple en période de carnaval). Chose à moitié étonnante, dans la mesure où, parmi les initiateurs de l’appel, figure le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), qui s’est précisément constitué en réaction à la loi de 2004. Les leaders précités sont-ils favorables à l’abrogation de ces textes ? On en doute. Ou alors ce serait une nouvelle intéressante. » [ pour ma part, je ne donne pas dans ce concept spécieux « racisme anti-musulmans » qui ne constituent ni une race, ni une ethnie]
in : https://www.liberation.fr/politiques/2019/11/06/la-gauche-de-la-gauche-est-elle-laique_1761909
Mais il est vrai que Joffrin penche lui, côté PS dont j’ai déjà cité l’étrange conception de la « laïcité » de leur présidence en exercice d’alors : Hollande, Positionnement purement opportuniste, leur place dans l’échiquier politique, différente de celle de leurs concurrents.
L’article du Parisien :
http://www.leparisien.fr/societe/stop-a-l-islamophobie-quatre-questions-sur-une-marche-qui-ne-fait-pas-l-unanimite-06-11-2019-8187639.php
semble suggérer des remous suite à ces prises de position. Étant donné qu’ils ont signé, cela pourrait provenir de retour de bâtons de certains de leurs soutiens. A suivre..
Bien à vous pour Ecr.l’inf.
@ morel
[Drôle de « mère de famille ordinaire » qui court se réfugier pour ses déclarations dans les bras très salafistes du CCIF.]
C’est pour cela que je pense qu’il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles. Les femmes qui portent leur voile lors d’une sortie scolaire – qui plus est, dans une enceinte comme celle du Conseil Régional – savent ce qu’elles font. Et si l’on trouve parmi elles des « mères de famille ordinaires », on y trouve aussi des militantes communautaristes. Il y a des militants des deux côtés, et ils sont tout aussi experts dans l’art de la manipulation.
[Ces gens ont un sens de la mesure très spécial : « Ils ont détruit ma vie » pleurniche la militante de la calotte, « Désormais, elle se dit « fatiguée » et précise avoir « peur de tout » : « la première nuit, je me suis réveillée une dizaine de fois, avec une boule au ventre ». Les nuits de son fils sont aussi « très agitées », « il se réveille souvent ».]
Ce qui, paradoxalement, tend à prouver que les agressions contre les femmes voilées ne sont pas fréquentes. Autrement, elle serait habituée… Mais bon, dans une société qui donne des médailles aux victimes, chacun a intérêt à se trouver un récit de malheur, quitte à l’embellir. Vous trouvez des féministes pour vous expliquer qu’un regard concupiscent ou un frottement suspect dans le métro a ruiné leur existence. Alors, pourquoi les femmes voilées n’iraient pas jouer le jeu ? Quitte à s’auto-victimiser si nécessaire…
[Mais il est vrai que Joffrin penche lui, côté PS dont j’ai déjà cité l’étrange conception de la « laïcité » de leur présidence en exercice d’alors : Hollande, Positionnement purement opportuniste, leur place dans l’échiquier politique, différente de celle de leurs concurrents.]
Il faut tout de même leur reconnaître une chose : côté PS, on s’est tenu prudemment à l’écart de cette initiative, là où les élus LFI, PCF ou écologistes se sont précipités à signer. Honneur à qui honneur est dû…
Le rétro-pédalage semble continuer :
https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/11/07/marche-contre-l-islamophobie-la-gauche-se-divise-philippe-denonce-le-communautarisme_6018291_823448.html
@ morel
[Le rétro-pédalage semble continuer :]
Entre ceux qui ont retiré leur signature, ceux qui l’ont conservé tout en déclarant qu’ils “n’adhèrent pas à la totalité du texte” (!?), ceux qui adhèrent au texte tout en déclarant qu’ils ont mieux à faire le jour de la manifestation à laquelle le texte appelle… la “gauche radicale” montre ici son vrai visage, et c’est pas joli joli!
Veuillez m’excuser d’être aussi prolixe mais j’ai l’impression que sur ce coup là, la « gauche » a franchi une nouvelle borne.
Au-delà de la position d’Hollande sur la laïcité lorsqu’il était au pouvoir, le « sage » PS qui ne participe pas à la manif et est si « laïc » dans sa critique d’icelle, n’est-il pas à l’origine du buzz pour présenter « les musulmans » et particulièrement les voilées en d’irrémédiables victimes des « fachos » de tout poil ? Respect ! Nous dicte t-il, comme dans les quartiers (à sens unique).
Les macroniens eux se frottent les mains, n’ont-ils pas des avalanches de « réformes » contre le salariat à passer ? Mais leur très petit Castaner : “A tous les promoteurs de haine, je n’ai qu’un message à adresser : venez ici voir la réalité de l’engagement des soldats musulmans”, a déclaré le ministre de l’Intérieur, à la grande mosquée de Paris, lors d’une cérémonie d’hommage aux militaires musulmans morts pour la France, à l’occasion du 101ème anniversaire de l’Armistice de 1918.
En clair, il y a dans l’armée française des « soldats musulmans », présence officialisée et dans son propos positif. Moi qui croyait bêtement que, particulièrement à ce niveau, il ne doit y avoir ni catholiques, ni protestants, ni juifs, ni musulmans mais des Français combattant pour leur pays.. j’en reste su’l’cul comme dit un vieux copain.
@ morel
[Au-delà de la position d’Hollande sur la laïcité lorsqu’il était au pouvoir,]
Je pense que la position de Hollande – sur cette question comme sur d’autres – est mal interprétée. Je suis convaincu que Hollande n’a de position personnelle sur aucune question d’importance. Sa logique est celle qu’il a appris au PS pendant toute sa carrière, celle du compromis et de la « synthèse » qui permet de garder tout le monde à bord. Que cette « synthèse » aboutisse à l’impuissance et à des malheurs futurs encore plus grands n’a pas d’importance, tant qu’on garde l’équilibre au présent. Hollande a compris beaucoup mieux que Macron combien l’équilibre social en France est précaire, combien les gens sont exaspérés. Et il y a répondu en allant de compromis boiteux en compromis boiteux.
[le « sage » PS qui ne participe pas à la manif et est si « laïc » dans sa critique d’icelle, n’est-il pas à l’origine du buzz pour présenter « les musulmans » et particulièrement les voilées en d’irrémédiables victimes des « fachos » de tout poil ? Respect ! Nous dicte t-il, comme dans les quartiers (à sens unique).]
Oui. Mais ou moins il a la sagesse de ne pas mêler sa signature à celle de Diallo et du CCIF, sagesse que notre « gauche radicale » n’a pas.
[Les macroniens eux se frottent les mains, n’ont-ils pas des avalanches de « réformes » contre le salariat à passer ?]
Je ne pense pas que les macroniens se frottent les mains. Je pense au contraire qu’ils ont le sentiment qu’en se replaçant sur la question de l’immigration Macron a commis une grave erreur, qui risque de réveiller les divisions de sa majorité et metre à nu ses faiblesses sur les questions régaliennes. Plus que jouer le rôle de « distracteur », la question de l’immigration risque d’exciter l’opinion et la rendre réceptive à d’autres revendications, sociales en particulier.
[En clair, il y a dans l’armée française des « soldats musulmans », présence officialisée et dans son propos positif. Moi qui croyait bêtement que, particulièrement à ce niveau, il ne doit y avoir ni catholiques, ni protestants, ni juifs, ni musulmans mais des Français combattant pour leur pays.. j’en reste su’l’cul comme dit un vieux copain.]
C’est malheureusement une tendance qui vient de l’époque Mitterrand. A la « grande fraternité des tranchées » ou celle de la Résistance qui avait la vertu d’effacer les barrières, on a substitué la demande de chaque catégorie d’avoir son monument aux morts particulier, qui distingue les siens et par voie de conséquence exclut les autres. La gauche c’était « la rose et le réséda », magnifique chant à la fraternité. Maintenant, c’est une galaxie de communautés et catégories qui crient « et moi, et moi, et moi ? ». Et finalement, on laisse la fraternité (comme on a laisse le drapeau tricolore et la Marseillaise) à l’extrême droite.
Bonsoir,
Un article d’Amar Bellal sur le sujet :
https://environnement-energie.org/2019/11/09/vous-avez-remarque-on-ne-parle-plus-d-arabes-billet/
@ Ian Brossage
[Un article d’Amar Bellal sur le sujet : (…)]
Ce n’est pas tout à fait sur le même sujet. Et franchement, je trouve cet article très révélateur d’un raisonnement devenu presque canonique dans la gauche radicale, mais qui repose sur une prémisse fausse. Voici le paragraphe le plus significatif :
« Vous avez remarqué? On ne parle plus d’arabes. Il n y a plus que des musulmans… C’est une des grandes victoires du FN-RN d’avoir déporté le débat sur le terrain de l’appartenance religieuse. Musulmans : c’est une façon commode de désigner les arabes, les noirs, les Turcs, sans les nommer ainsi directement, et masquer ce racisme derrière une apparence de débat sur la place des religions dans la société »
Il y a là une prémisse cachée : le but ultime du FN-RN est raciste. Et s’il parle de religion, c’est pour cacher son racisme derrière une façade plus acceptable. Le problème, c’est que Bellal n’offre aucun argument pour appuyer cette prémisse. Or, l’inflexion idéologique du FN-RN peut être interprétée aussi comme un changement de fond dans la vision de l’extrême droite française, qui s’éloigne de sa vision « ethnique » pour se ranger à une vision « culturelle » de la société, a un moment, soit dit en passant, ou la gauche fait le chemin contraire.
C’est cela pour moi le grand paradoxe : l’extrême droite parle de laïcité, et la “gauche radicale” parle racisation. La gauche, qui considérait naguère que les conflits communautaires résultaient d’un choc des cultures qui pouvait se résoudre par l’éducation et l’assimilation, tient de plus en plus un langage « ethnique » et signe des pétitions avec les partisans de la « racisation » des rapports. A l’inverse, l’extrême droite qui naguère tenait le discours ethnique de la « race française » parle de conflit de cultures. Faut-il voir un lien avec le fait que l’extrême droite est devenue majoritaire dans les couches populaires qui autrefois votaient à gauche, alors que la gauche chasse sur les terres des classes moyennes, qui étaient autrefois la cible de l’extrême droite ?
@Descartes
> Or, l’inflexion idéologique du FN-RN peut être interprétée aussi comme un changement de fond dans la vision de l’extrême droite française
Je dirais surtout qu’il y a un changement de fond dans la société française elle-même, où tout le monde a fini par comprendre 1) que les descendants d’immigrés vont de toute façon, pour la plupart, rester ici, 2) que la grande majorité d’entre eux sont parfaitement intégrés. Il ne sert donc à rien de s’arc-bouter sur le discours porté par le FN jusqu’aux années 80 et qui était grosso modo « les immigrés et les étrangers dehors ». Le racisme n’a plus aucune justification fonctionnelle sur le plan politique.
> La gauche, qui considérait naguère que les conflits communautaires résultaient d’un choc des cultures qui pouvait se résoudre par l’éducation et l’assimilation, tient de plus en plus un langage « ethnique » et signe des pétitions avec les partisans de la « racisation » des rapports. A l’inverse, l’extrême droite qui naguère tenait le discours ethnique de la « race française » parle de conflit de cultures.
Je n’ai pas l’impression que ce soient des discours différents en fait. Le discours « ethnique » est largement un discours culturaliste (sauf chez quelques toqués genre CRAN, Diallo, Bouteldja…). La différence est sur le point de vue adopté au sein de ce discours : la gauche considère que les cultures d’origine doivent être protégées voire promues (avec des arguments particulièrement contournés), l’ED considère qu’elles doivent être résorbées et assimilées. La majorité des Français semblant plutôt sur les positions de l’ED, mais sans forte conviction.
> Faut-il voir un lien avec le fait que l’extrême droite est devenue majoritaire dans les couches populaires qui autrefois votaient à gauche, alors que la gauche chasse sur les terres des classes moyennes, qui étaient autrefois la cible de l’extrême droite ?
Je ne vois pas pourquoi. Le racisme est présent dans toutes les couches de la société. Renvoyer le racisme aux classes moyennes-supérieures, c’est le discours de gens comme Jacques Rancière qui ont trouvé ce « truc » rhétorique pour renvoyer à leurs adversaires désignés la responsabilité de la montée du FN, dans un discours qui finalement reste obsédé par le FN.
Par ailleurs, quand vous dites « l’extrême droite est devenue majoritaire dans les couches populaires qui autrefois votaient à gauche », il faut faire attention avec la signification de cette phrase. Je ne crois pas qu’il soit établi que les membres des couches populaires qui aujourd’hui votent ED votaient autrefois massivement à gauche.
@ Ian Brossage
[« Or, l’inflexion idéologique du FN-RN peut être interprétée aussi comme un changement de fond dans la vision de l’extrême droite française » Je dirais surtout qu’il y a un changement de fond dans la société française elle-même, où tout le monde a fini par comprendre 1) que les descendants d’immigrés vont de toute façon, pour la plupart, rester ici, 2) que la grande majorité d’entre eux sont parfaitement intégrés. Il ne sert donc à rien de s’arc-bouter sur le discours porté par le FN jusqu’aux années 80 et qui était grosso modo « les immigrés et les étrangers dehors ». Le racisme n’a plus aucune justification fonctionnelle sur le plan politique.]
Ce n’est pas contradictoire. Si la vision du FN-RN a changé, c’est aussi sous la pression du changement des conditions objectives que vous décrivez. Oui, les immigrés arrivés jusque dans les années 1970 sont pour une large part assimilés et leurs enfants sont des Français comme les autres. Le FN-RN a compris d’ailleurs que les immigrés assimilés et leurs enfants, souvent plus patriotes que la moyenne par un effet bien connu de surinvestissement, sont sensibles à son discours et peuvent devenir un réservoir non négligeable de voix et de militants. Or, il y a un rapport dialectique entre les idées d’un parti politique et les intérêts de son électorat. Plus les descendants d’immigrés joueront un rôle important au FN-RN, et moins le discours « raciste » aura de sens. Or, la dernière décennie a vu le FN-RN devenir un parti comme les autres aussi de ce point de vue.
Le glissement vers un discours « culturel » peut ainsi s’expliquer. Car les étrangers assimilés et leurs descendants sont sensibles au rejet de la culture et de la sociabilité française par les nouveaux immigrés. Cela devient même un facteur de différenciation par ce même effet de surinvestissement.
[Je n’ai pas l’impression que ce soient des discours différents en fait. Le discours « ethnique » est largement un discours culturaliste (sauf chez quelques toqués genre CRAN, Diallo, Bouteldja…).]
Mais vous noterez que les « toqués » en question peuvent de plus en plus compter sur la sympathie ou du moins l’acceptation bienveillante de très larges secteurs de la gauche et tout particulièrement de la gauche radicale. Après tout, c’est un syndicat bien marqué « à gauche », SUD-Education, qui en 2017 lors d’une action de formation a proposé des ateliers en « non-mixité raciale », façon élégante d’écrire « fermés aux Blancs ». Pensez aussi au festival « paroles non blanches » organisé dans les locaux de l’Université Paris VIII en 2016 et 2017, ou la tribune était réservée exclusivement aux « non-blancs ». Tout ça, c’est du « culturel » ou de « l’ethnique », pour vous ?
[La différence est sur le point de vue adopté au sein de ce discours : la gauche considère que les cultures d’origine doivent être protégées voire promues (avec des arguments particulièrement contournés),]
Pas seulement. Elle lie dangereusement ces « cultures d’origine » avec des critères ethniques. Ainsi par exemple on voit se multiplier les revendications contre la reprise par des « Blancs » d’éléments venus des cultures d’origine, au prétexte que cela constituerait un « pillage culturel ». Elle en arrive même a refuser qu’un acteur blanc grimé puisse jouer un personnage noir, par exemple… (mais curieusement, personne n’exige que Shylock soit joué par un acteur juif !).
[l’ED considère qu’elles doivent être résorbées et assimilées.]
C’est un peu une caricature. L’extrême droite ne prétend pas que la culture malienne – pour ne prendre qu’un exemple – doive être « résorbée et assimilée ». Elle pense que la culture française doit être prédominante en France, et la culture malienne prédominante au Mali. Et que si les Maliens veulent vivre leur culture, ils n’ont qu’à rester au Mali.
[La majorité des Français semblant plutôt sur les positions de l’ED, mais sans forte conviction.]
Là encore, ce ne sont pas « les positions de l’extrême droite ». L’extrême droite n’a rien inventé dans ce domaine. C’est la position assimilationniste qui est en fait dans la tradition française en général et dans la tradition de la gauche en particulier. Si la gauche n’avait pas laissé tomber ses idées généreuses pour épouser le communautarisme à l’américaine, on n’en serait pas là.
Les Français partagent ces positions parce que l’expérience a montré abondamment que le communautarisme conduit à une forme d’apartheid déguisé, et que l’assimilation reste le meilleur moyen de construire une société républicaine. Et ils ne montrent pas une « forte conviction » parce qu’ils savent que l’assimilation a un prix pour la société d’accueil, et ne font pas confiance à nos dirigeants pour partager ce coût de façon égalitaire. Là encore, l’expérience leur a montré que les classes intermédiaires et la bourgeoisie n’entendent pas payer leur part.
[« Faut-il voir un lien avec le fait que l’extrême droite est devenue majoritaire dans les couches populaires qui autrefois votaient à gauche, alors que la gauche chasse sur les terres des classes moyennes, qui étaient autrefois la cible de l’extrême droite ? » Je ne vois pas pourquoi. Le racisme est présent dans toutes les couches de la société. Renvoyer le racisme aux classes moyennes-supérieures, c’est le discours de gens comme Jacques Rancière qui ont trouvé ce « truc » rhétorique pour renvoyer à leurs adversaires désignés la responsabilité de la montée du FN, dans un discours qui finalement reste obsédé par le FN.]
Vous me connaissez trop pour croire que je pourrais « essentialiser » le racisme de telle ou telle classe. Tout est une question d’intérêt : les classes populaires ont intérêt à l’assimilation, parce que l’étranger assimilé a moins recours aux dispositifs d’aide et aux emplois moins qualifiés, et partage leurs luttes. Les classes intermédiaires n’ont pas intérêt à l’assimilation parce qu’ils ont intérêt à avoir une main d’œuvre taillable et corvéable à merci pour faire baisser les salaires et donc le coût des biens et services qu’ils sont les premiers à consommer. Quoi d’étonnant dans ces conditions à ce que les classes intermédiaires adhérent à une idéologie « raciale » qui nous dit que l’assimilation est impossible, et les couches populaires à une idéologie « culturelle » qui dit le contraire ?
[Par ailleurs, quand vous dites « l’extrême droite est devenue majoritaire dans les couches populaires qui autrefois votaient à gauche », il faut faire attention avec la signification de cette phrase. Je ne crois pas qu’il soit établi que les membres des couches populaires qui aujourd’hui votent ED votaient autrefois massivement à gauche.]
Moi non plus, entre autres choses parce qu’une génération de « membres des couches populaires » qui votaient massivement à gauche dans les années 1980 mange aujourd’hui les pissenlits par la racine, et qu’une génération d’électeurs qui votent aujourd’hui FN-RN n’étaient pas nés à cette époque. Ce que je veux dire, c’est que le vote de gauche était prédominant dans les couches populaires il y a trente ans, et qu’aujourd’hui c’est le vote FN-RN qui l’est.
@Descartes
> C’est un peu une caricature. L’extrême droite ne prétend pas que la culture malienne – pour ne prendre qu’un exemple – doive être « résorbée et assimilée ». Elle pense que la culture française doit être prédominante en France, et la culture malienne prédominante au Mali. Et que si les Maliens veulent vivre leur culture, ils n’ont qu’à rester au Mali.
Oui, mais en quoi est-ce différent de ce que j’ai dit ? Évidemment l’ED ne prétend pas que la culture malienne doive être résorbée *au Mali*. Nous parlons de l’ED française qui, fort logiquement, s’intéresse au cadre social français.
> Quoi d’étonnant dans ces conditions à ce que les classes intermédiaires adhérent à une idéologie « raciale » qui nous dit que l’assimilation est impossible, et les couches populaires à une idéologie « culturelle » qui dit le contraire ?
Je ne suis pas sûr que l’idéologie des classes intermédiaires dise que l’assimilation est impossible. À mon avis, ils savent bien au contraire que l’assimilation est parfaitement possible. Simplement, ils trouvent une telle perspective détestable.
@ Ian Brossage
[Oui, mais en quoi est-ce différent de ce que j’ai dit ? Évidemment l’ED ne prétend pas que la culture malienne doive être résorbée *au Mali*.]
Pourquoi « évidemment » ? Cela n’a rien d’une évidence. Il fut un temps où l’extrême droite française était « impérialiste ». Il s’agissait alors de substituer à la culture locale de nos colonies la culture française, donc de « résorber » la culture locale et l’assimiler. Aujourd’hui, l’extrême droite est bien plus « provinciale » : elle se contente de militer pour la protection de la culture française en France, à la rigueur d’une « culture européenne » en Europe, et le reste du monde n’a qu’a faire ce qu’il veut. L’extrême droite n’a aujourd’hui aucune prétention « civilisatrice », contrairement à d’autres qui à droite comme à gauche militent pour un « droit d’ingérence ».
C’est pourquoi j’ai trouvé nécessaire de préciser votre affirmation non pas pour vous contredire, mais pour faire apparaître clairement ce qui pour vous est « évident » mais qui ne me semble pas l’être nécessairement.
[Je ne suis pas sûr que l’idéologie des classes intermédiaires dise que l’assimilation est impossible. À mon avis, ils savent bien au contraire que l’assimilation est parfaitement possible. Simplement, ils trouvent une telle perspective détestable.]
Certains se trouvent des arguments pour démontrer que l’assimilation n’est pas désirable. Mais de plus en plus on entend un discours qui prétend que l’assimilation est impossible, ce qui permet d’éviter tout débat de nature éthique ou morale.
@Descartes
> Cela n’a rien d’une évidence. Il fut un temps où l’extrême droite française était « impérialiste ». Il s’agissait alors de substituer à la culture locale de nos colonies la culture française, donc de « résorber » la culture locale et l’assimiler.
Oui, mais il ne vous aura pas échappé que la France n’a plus de colonies… Quand l’ED défendait l’imposition de la culture française dans les colonies (à supposer que c’est ce qu’elle fît réellement ? plutôt que de vouloir simplement la domination des colons sur des peuplades indigènes gardant par ailleurs leurs particularités locales), c’était parce que les colonies étaient des territoires français. Le Mali d’aujourd’hui est un pays indépendant.
> Mais de plus en plus on entend un discours qui prétend que l’assimilation est impossible, ce qui permet d’éviter tout débat de nature éthique ou morale.
Par exemple ? J’avoue que cela ne m’a pas frappé.
@ Ian Brossage
[Oui, mais il ne vous aura pas échappé que la France n’a plus de colonies…]
Certes. Mais on peut ne pas avoir de colonies et rester sur l’idée qu’il faut imposer notre civilisation aux autres. La gauche, paradoxalement, est resté largement « colonialiste » à travers de théories comme le « droit d’ingérence ». L’extrême droite, elle, se tourne plutôt vers l’intérieur que vers l’extérieur. Elle est plutôt régionaliste que colonialiste. Il n’est d’ailleurs pas inutile de rappeler que le colonialisme français a été historiquement porté par le centre gauche et le centre droit, et non par les extrêmes…
[« Mais de plus en plus on entend un discours qui prétend que l’assimilation est impossible, ce qui permet d’éviter tout débat de nature éthique ou morale ». Par exemple ? J’avoue que cela ne m’a pas frappé.]
Pensez au discours de la droite classique sur « l’incompatibilité de l’Islam et de la République », par exemple.
Je viens de prendre connaissance de ce texte. Manifestons comme nous le pouvons notre soutien à ces concitoyens et exigeons des autorités qu’elles fassent tout pour les protéger et retrouver les intimidateurs.
https://www.marianne.net/societe/insultees-harcelees-le-calvaire-des-musulmanes-qui-ont-signe-la-tribune-contre-le-voile
Merci.
@ morel
[Je viens de prendre connaissance de ce texte. Manifestons comme nous le pouvons notre soutien à ces concitoyens et exigeons des autorités qu’elles fassent tout pour les protéger et retrouver les intimidateurs.]
Tout à fait. Et je ne peux m’empêcher de me dire qu’on ne voit pas de tribunes dans “Libération” signées par les figures de la gauche et de l’extrême gauche pour défendre ces femmes-là. Qui subissent des insultes, des humiliations et des menaces bien pires que celles qu’a enduré ll’accompagnatrice sur laquelle tout le monde s’apitoie. Dis moi quels combats tu choisis…
“Rationnellement, les deux choses sont incompatibles…”
=> Je suis convaincu que si, et c’est pour cela que je suis intervenu. Le débat est intéressant parce que si la gauche radicale se dispute allègrement sur le sujet, les tenants d’une laïcité plus classique et les anti-communautarisme qui sont ici en majorité doivent aussi affûter leur réflexion et leurs arguments. Vous dîtes qu’il faut choisir entre le terrain du droit et celui de la sociabilité. Je suis d’accord. J’ai écarté le droit ici et je me trouve sur le terrain de la sociabilité. Si l’accompagnatrice aurait dû se dévoiler pour respecter des règles de sociabilités, Odoul aurait dû se taire pour respecter lui aussi d’autres règles de sociabilité. Vous croyez vraiment qu’on peut se réjouir des fractures de la gauche sur la tribune et la manif’ en tant que conséquences heureuses de son intervention au CR ?
“Non, il s’agit pas que tout le monde « s’engage à reconnaître certaines règles », mais que la société IMPOSE le respect des règles en question”
=> Encore une fois, OK mais avant d’imposer des règles, il faut bien les définir, pas seulement philosophiquement pour soi mais aussi collectivement.
Sur l’exemple de la classe:
“Je pense qu’il y là une erreur. Vous n’êtes pas l’autorité légitime pour interdire l’usage du téléphone portable à la récréation ou à l’intercours. L’enseignant est maître de sa classe, en dehors de sa classe ce n’est pas lui qui fait les règles. Il est soumis à la discipline générale de l’établissement, et c’est au principal ou au proviseur de dire ce qui est licite et ce qui ne l’est pas.”
=> Tout à fait et c’est justement pour cela que je prenais cet exemple. Julien Odoul est de la même façon soumis au règlement du CR. Ce n’est pas lui qui fait les règles. Pour éviter de se trouver en porte-à-faux devant les élèves ou les femmes voilées mieux vaut pour l’enseignant ou le conseiller discuter des règles communes avant de les énoncer et de les faire appliquer. Cela, qu’il s’agisse de règles de droit ou de règles de sociabilité.
“vous me semblez affecté d’un syndrome courant chez les enseignants, qui est le besoin d’être aimé de ses élèves.Et sur l’affaire du voile, c’est un peu pareil : les gens ont envie d’être aimés, et c’est pourquoi ils délèguent dans les corps répressifs la tâche de faire la loi, ce qui leur permet de se donner le beau rôle”
=> Votre réflexion est très juste. Il y a ce risque dont je suis bien conscient et que j’essaye d’éviter. Mais dans mon exemple, ce qui est surtout en jeu il me semble, c’est la lisibilité et la clarté du règlement pour l’élève. C’est aussi la cohérence des dépositaires de l’autorité. Les élèves ou les femmes voilées, joueront toujours des failles ou des contradictions du professeur ou du politique représentant le corps social à leur profit. Autant les limiter.
“Et alors ? Encore une fois, la fonction de l’enseignant est de transmettre la connaissance. Pas de satisfaire les préjugés des élèves.”
=> Dans certains établissements, si vous avez une classe contre vous, pour une bonne ou une mauvaise raison, vous êtes morts. Et le résultat c’est que les élèves ne vous écouteront plus et n’apprendront rien. Il est rare que le soutien de l’établissement en terme disciplinaire soit suffisant pour rétablir votre autorité. De la même manière en politique, lorsque à tort le plus souvent ou à raison vous êtes catégorisé comme raciste, islamophobe, c’est fini le débat ne peut plus être rationnel. Je ne dis pas qu’il faille donc chercher à satisfaire les préjugés des élèves ou des musulmans mal intégrés, mais on peut essayer quand même de prendre en compte les effets attendus de nos actions pour en limiter les dégâts. La nuance est fine et délicate à mettre en oeuvre, je vous le concède, c’est pour tenter de la clarifier que je suis intervenu dans cet échange.
Sur l’intervention d’Odoul:
“Le résultat aurait été pire : il n’y aurait pas eu débat du tout. La présidente aurait dit « qui est a faveur de cette proposition ? Qui est contre ? La proposition est rejetée. Affaire suivante… ». Et vous ne l’auriez même pas su. Si l’affaire est sortie de l’enceinte du Conseil, c’est parce qu’elle a été dramatisée par la présence de la personne dans l’enceinte.”
=> Dans ce cas-là, un comportement idoine selon moi aurait été pour le RN de construire un argumentaire solide sur le sujet qui ne se résume pas à une petite phrase. Et de faire une conférence de presse. De lancer des assises sur le sujet. De montrer qu’on est dans la réflexion plus que dans la réaction. Du point de vue de certains gauchistes, le résultat aurait peut-être été le même, mais de nombreuses personnes (c’est difficile à mesurer mais je vois dans mon entourage pas mal de Blanquer qui condamnent à la fois Odoul et le voile) se seraient alors intéressées au débat plus sereinement s’il n’avait pas débuté sur un conflit de personne. Peut-être que je fais dans la sensiblerie.
Sur le respect des règles de sociabilité:
“Pas du tout. La rationalité n’est pas nécessaire. La peur du châtiment ou du regard de l’autre peut remplacer très avantageusement la rationalité. Pouvez-vous m’expliquer « rationnellement » pourquoi il ne faut pas mettre les coudes sur la table ?”
=> Pardon je n’ai pas été clair, ce n’est pas le bien ou la règle qui doit être rationnel, c’est l’individu qui va la respecter. Et oui la peur du châtiment ou du regard de l’autre tend à disparaître. Votre histoire du coût-avantage joue évidemment aussi. Mon point est de dire en tout cas que le jeune sait qu’il devrait enlever sa casquette mais ne le fait pas. Dans le cas du voile, la personne ne sait pas toujours qu’elle devrait l’enlever. Et comme vous l’aviez souligné plus haut, le voile est souvent le résultat d’une quête d’appartenance, d’affirmation identitaire. La personne sait d’autant moins qu’elle devrait l’enlever, qu’elle lie parfois le fond de son être et son identité toute entière au port de ce voile. On ne pourrait donc lui demander de l’enlever sans lui retirer ce qu’elle est. Et ça c’est une violence. A cette femme, on ne peut lui demander de retirer le voile qu’en lui proposant une appartenance solide à la place.
@ Antoine
[Vous dîtes qu’il faut choisir entre le terrain du droit et celui de la sociabilité. Je suis d’accord. J’ai écarté le droit ici et je me trouve sur le terrain de la sociabilité. Si l’accompagnatrice aurait dû se dévoiler pour respecter des règles de sociabilités, Odoul aurait dû se taire pour respecter lui aussi d’autres règles de sociabilité.]
Je ne vois pas très bien quelle règle de sociabilité interdit à Odoul de s’exprimer comme il l’a fait. Quand un jeune ne dit pas bonjour ou omet de céder son siège à un ancien, pensez-vous que celui qui le rappelle poliment à ses devoirs viole une « règle de sociabilité » ? Moi, je ne le pense pas.
[Vous croyez vraiment qu’on peut se réjouir des fractures de la gauche sur la tribune et la manif’ en tant que conséquences heureuses de son intervention au CR ?]
Je ne me réjouis pas des fractures de la gauche. Mais je note par contre que ces fractures existent, et qu’on les mets sous le tapis depuis trente ans. Alors, oui, je me réjouis qu’on finisse par voir que le roi est nu. Parce qu’à force de faire semblant de le voir habillé, on a rendu tout débat sérieux impossible. Et si l’intervention d’Odoul a permis de montrer qu’une certaine gauche trahit ses principes en défilant avec le CCIF sous les cris « Allah akhbar », alors bénit soit Odoul. Parce que pour pouvoir débattre d’un problème, il faut d’abord admettre que le problème existe.
[Tout à fait et c’est justement pour cela que je prenais cet exemple. Julien Odoul est de la même façon soumis au règlement du CR. Ce n’est pas lui qui fait les règles.]
Vous faites erreur : ce sont bien les conseillers généraux qui font le règlement du Conseil, et il leur incombe d’ailleurs de le faire appliquer par la présidence à travers les rappels au règlement. Odoul était donc parfaitement dans son rôle en appelant la présidente de séance à appliquer le règlement tel qu’il l’interprète, quand bien même cette interprétation vous paraîtrait erronée.
[« Et alors ? Encore une fois, la fonction de l’enseignant est de transmettre la connaissance. Pas de satisfaire les préjugés des élèves. » Dans certains établissements, si vous avez une classe contre vous, pour une bonne ou une mauvaise raison, vous êtes morts. Et le résultat c’est que les élèves ne vous écouteront plus et n’apprendront rien.]
Si on a le choix entre enseigner Darwin et ne pas être écouté, ou enseigner le créationnisme pour avoir la classe avec soi, je choisis la première solution. Je préfère que les élèves n’apprennent rien plutôt que de les confirmer dans leurs préjugés faux. Je ne sous-estime pas la difficulté d’enseigner à une classe hostile des choses qui contredisent ses préjugés. Mais ce n’est pas parce que c’est difficile qu’il ne faut pas le faire.
La démagogie, c’est un poison mortel pour l’école comme institution. Parce que la rigueur dans la connaissance est la seule source de sa légitimité. Quand l’école cherche à plaire – que ce soit aux parents ou aux élèves – plutôt qu’à éduquer, elle scie la branche sur laquelle elle est assise.
[Il est rare que le soutien de l’établissement en terme disciplinaire soit suffisant pour rétablir votre autorité.]
A qui la faute ? Je crois me souvenir que depuis 1968 ce sont les enseignants qui sont les plus réticents à voir l’institution exercer ses pouvoirs disciplinaires, et qui sont les premiers à critiquer les autorités scolaires lorsqu’elles prennent des mesures répressives. Les enseignants, en s’imaginant qu’ils pouvaient s’autoriser d’eux mêmes contre l’institution scolaire on coulé leur propre bateau.
[De la même manière en politique, lorsque à tort le plus souvent ou à raison vous êtes catégorisé comme raciste, islamophobe, c’est fini le débat ne peut plus être rationnel.]
Oui. Mais dites-vous que cet état de fait n’est pas le fruit du hasard. Ce contexte a été créé et cultivé par ceux qui ne veulent justement pas que le débat ait lieu. Parce que s’il y avait eu un vrai débat, il aurait été difficile de démonter les mécanismes d’assimilation et d’arrêter l’ascenseur social.
[Je ne dis pas qu’il faille donc chercher à satisfaire les préjugés des élèves ou des musulmans mal intégrés, mais on peut essayer quand même de prendre en compte les effets attendus de nos actions pour en limiter les dégâts. La nuance est fine et délicate à mettre en oeuvre, je vous le concède, c’est pour tenter de la clarifier que je suis intervenu dans cet échange.]
Vous ne dites pas qu’il faille chercher à satisfaire les préjugés des élèves… mais le raisonnement que vous exposez aboutit inévitablement à cette conclusion. Parce que si, comme vous l’écrivez, « si vous avez une classe contre vous, pour une bonne ou une mauvaise raison, vous êtes morts », la seule façon d’être vivant est de ne rien faire qui puisse mettre la classe contre vous. Et cela suppose de ne pas lui dire ce qu’elle ne veut pas entendre.
Au risque de me répéter : l’enseignant le plus respecté n’est pas celui qui cherche à se faire aimer. Non, le plus respecté est celui qui est rigoureux, avec les autres et avec lui-même. On peut le détester sur le moment, mais c’est de lui qu’on apprend le plus, et dont on garde rétrospectivement le meilleur souvenir.
[Dans ce cas-là, un comportement idoine selon moi aurait été pour le RN de construire un argumentaire solide sur le sujet qui ne se résume pas à une petite phrase. Et de faire une conférence de presse. De lancer des assises sur le sujet. De montrer qu’on est dans la réflexion plus que dans la réaction.]
Je pense que vous êtes peu réaliste. Quelle est la dernière fois ou vous avez vu les médias rapporter un débat de fond organisé par un parti politique ? S’il n’y a pas de scandale, vous tombez dans l’oubli.
[Mon point est de dire en tout cas que le jeune sait qu’il devrait enlever sa casquette mais ne le fait pas. Dans le cas du voile, la personne ne sait pas toujours qu’elle devrait l’enlever.]
Dans un cas comme dans l’autre… comment le savez vous ?
[Et comme vous l’aviez souligné plus haut, le voile est souvent le résultat d’une quête d’appartenance, d’affirmation identitaire. La personne sait d’autant moins qu’elle devrait l’enlever, qu’elle lie parfois le fond de son être et son identité toute entière au port de ce voile.]
Là, vous faites des femmes voilées des malades. Parce que le fait d’inscrire « le fond de son être et son identité toute entière » dans un objet, c’est un symptôme psychotique. Oui, le foulard est un repère identitaire. Mais il représente une identité dysfonctionnelle. C’est un peu comme un adulte qui s’habillerait en enfant parce qu’il ne veut pas grandir. Le voile est le signe d’une culture que l’immigré a abandonnée, mais sans assumer cet abandon. Et du coup, il cherche une synthèse impossible : bénéficier des avantages d’ici tout en vivant comme là-bas. Cela fabrique des déracinés. C’est pourquoi l’assimilation est la seule solution : elle permet à l’étranger de grandir.
[On ne pourrait donc lui demander de l’enlever sans lui retirer ce qu’elle est. Et ça c’est une violence. A cette femme, on ne peut lui demander de retirer le voile qu’en lui proposant une appartenance solide à la place.]
Non : la question n’est pas de « proposer », mais d’IMPOSER. La simple proposition ne suffit pas. Parce que si vous laissez le choix, vous obligez l’immigré de porter la responsabilité d’avoir renié ses ancêtres. C’est pourquoi l’assimilation ne peut être qu’imposée.
“Quand un jeune ne dit pas bonjour ou omet de céder son siège à un ancien, pensez-vous que celui qui le rappelle poliment à ses devoirs viole une « règle de sociabilité » ? ”
=> Bien sûr que non et tout mon point est de dire que c’est différent dans le cas du voile. 1) Parce que le consensus sur la règle de sociabilité est moindre 2) Parce que le voile est parfois lié à une souffrance identitaire, qu’une remarque risque d’aggraver. Au mieux ce serait soigner les symptômes et pas les causes.
“Parce que pour pouvoir débattre d’un problème, il faut d’abord admettre que le problème existe.S’il n’y a pas de scandale, vous tombez dans l’oubli.”
=> Vous avez raison et mon point n’est pas de cacher la poussière sous le tapis. Seulement, il faut veiller pour des raisons éthiques et stratégiques à ne pas prendre un cas particulier et des petites phrases comme base du débat. Je préfère alors l’oubli au scandale, la fin ne justifiant pas toujours les moyens.
“ce sont bien les conseillers généraux qui font le règlement du Conseil”
=> Oui les conseillers régionaux dans leur ensemble, pas Odoul tout seul. D’où l’idée d’un débat préalable sur le règlement.
“Vous ne dites pas qu’il faille chercher à satisfaire les préjugés des élèves… mais le raisonnement que vous exposez aboutit inévitablement à cette conclusion.”
=>La question n’est pas de satisfaire les préjugés, je sais et dis qu’il ne faut pas les satisfaire. La question n’est donc pas sur ce qui doit être transmis, mais plutôt sur la façon de le transmettre. Cela demande une forte coopération entre les professeurs, et une remise en question régulière des techniques pédagogiques. Imaginons un cas où il ne s’agirait plus d’interdire le téléphone dans la cour mais en sortie scolaire. Celle-ci est accompagnée de 3 enseignants: 1 qui interdit le téléphone, 2 qui l’autorisent. La solution n’est pas pour le seul qui l’interdit de faire des remarques à tout va aux élèves le jour J qui ne manqueront pas de jouer sur l’obscurité de la règle. La solution serait plutôt de réunir les 3 collègues concernés au préalable pour qu’ils se mettent d’accord sur le règlement. Pareil en politique et pour le voile. La question n’est pas ce qu’il faut vouloir( le retrait du voile) mais comment l’obtenir de la manière la plus apaisée possible.
“Dans un cas comme dans l’autre… comment le savez vous ?”
=> Grâce à mon expérience personnelle et professionnelle. Il existe évidemment de nombreux biais. Mais j’ai assez d’exemples variés pour dire que c’est au moins vrai en partie ou dans certains cas. Suffisamment vrai pour prendre des précautions.
“Là, vous faites des femmes voilées des malades. Parce que le fait d’inscrire « le fond de son être et son identité toute entière » dans un objet, c’est un symptôme psychotique. Oui, le foulard est un repère identitaire. Mais il représente une identité dysfonctionnelle. C’est un peu comme un adulte qui s’habillerait en enfant parce qu’il ne veut pas grandir. Le voile est le signe d’une culture que l’immigré a abandonnée, mais sans assumer cet abandon. Et du coup, il cherche une synthèse impossible : bénéficier des avantages d’ici tout en vivant comme là-bas. Cela fabrique des déracinés. C’est pourquoi l’assimilation est la seule solution : elle permet à l’étranger de grandir.”
=> Entièrement d’accord avec tout ce paragraphe. Ma formulation était peut-être excessive ou maladroite.
“Non : la question n’est pas de « proposer », mais d’IMPOSER. C’est pourquoi l’assimilation ne peut être qu’imposée.”
=> Bien sûr qu’il faut imposer, mais l’interdiction du voile seule est une violence. Vous ne pouvez pas retirer les références à la culture d’origine ( ou à des aspects mythifiés de la culture d’origine) si vous n’êtes pas sur que la culture “d’adoption” est solidement arrimée. Quand je dis proposer une appartenance solide, je dis transmettre la culture française. Aujourd’hui, on nie la culture d’origine et on ne transmet pas la culture d’adoption. C’est du perdant sur tous les tableaux.
@ Antoine
[“Quand un jeune ne dit pas bonjour ou omet de céder son siège à un ancien, pensez-vous que celui qui le rappelle poliment à ses devoirs viole une « règle de sociabilité » ? ” Bien sûr que non et tout mon point est de dire que c’est différent dans le cas du voile. 1) Parce que le consensus sur la règle de sociabilité est moindre 2) Parce que le voile est parfois lié à une souffrance identitaire, qu’une remarque risque d’aggraver. Au mieux ce serait soigner les symptômes et pas les causes.]
Pour ce qui concerne le 1), regardons un autre exemple : une personne qui me montre dans la rue une pancarte où il est écrit « repentez-vous ou vous irez en enfer ». Est-ce qu’elle manque à une règle de sociabilité au prétexte qu’il n’y a guère de consensus dans notre société pour considérer que la repentance permet d’éviter l’enfer ? Bien sûr que non. Les règles de sociabilité n’interdisent nullement d’exprimer notre opinion sur les actions de quelqu’un d’autre, quand bien même elles ne seraient consensuelles.
Pour ce qui concerne le 2), comment savez-vous que le jeune à qui vous demandez d’enlever sa casquette n’a pas une « souffrance identitaire » que vous risquez d’aggraver ?
Et pour ce qui concerne votre dernière phrase, j’imagine que vous avez voulu dire l’inverse, qu’il vaut mieux soigner les causes et pas les symptômes. Seulement, c’est quoi la « cause » ici ? Le voile n’est pas qu’un « symptôme », c’est un acte politique. Et à un acte politique doit répondre un autre acte politique. Les femmes voilées ne sont pas idiotes : la plupart d’entre elles savent très bien qu’une partie de la population ressent cette exhibition communautaire comme une agression. Et elles font quand même le choix de le porter. Respecter ces femmes, c’est aussi considérer que ce choix est un choix adulte. Et qu’il doit donc recevoir une réponse en tant que tel, et non en tant d’expression inconscient d’on ne sait pas très bien quelle « souffrance identitaire ».
[“ce sont bien les conseillers généraux qui font le règlement du Conseil” Oui les conseillers régionaux dans leur ensemble, pas Odoul tout seul. D’où l’idée d’un débat préalable sur le règlement.]
Mais pourquoi « préalable » ? Le règlement doit être interprété en fonction des situations concrètes qui se présentent. On ne peut demander à une assemblée de prévoir tous les scénarios à l’avance et en débattre. Dans une situation concrète, je vois mal pourquoi on interdirait à un conseiller de proposer une interprétation des règles.
[La question n’est pas de satisfaire les préjugés, je sais et dis qu’il ne faut pas les satisfaire. La question n’est donc pas sur ce qui doit être transmis, mais plutôt sur la façon de le transmettre. Cela demande une forte coopération entre les professeurs, et une remise en question régulière des techniques pédagogiques.]
On n’est pas ici sur une question de didactique, mais sur une question de fond. On ne peut pas considérer qu’éviter certains sujets ou tenir le faux pour vrai soit une question de « technique pédagogique ».
[Imaginons un cas où il ne s’agirait plus d’interdire le téléphone dans la cour mais en sortie scolaire. Celle-ci est accompagnée de 3 enseignants: 1 qui interdit le téléphone, 2 qui l’autorisent. La solution n’est pas pour le seul qui l’interdit de faire des remarques à tout va aux élèves le jour J qui ne manqueront pas de jouer sur l’obscurité de la règle. La solution serait plutôt de réunir les 3 collègues concernés au préalable pour qu’ils se mettent d’accord sur le règlement.]
En d’autres termes, que celui qui interdit le téléphone, et qui est en minorité, accepte une situation qu’il juge néfaste pour les élèves. Maintenant, imaginons une situation analogue : un enseignant qui considère qu’il faut expliquer aux élèves la reproduction humaine, deux qui estiment que le sujet est par trop épineux et ne doit pas être évoqué pour ne pas effaroucher les élèves. A quoi votre « réunion » aboutit-elle ? A ce que la voix dissidente se taise, et avec elle toute possibilité pour les élèves de voir leurs préjugés contestés.
Non, la solution à votre problème est que les deux enseignants fassent une sortie avec leurs élèves, et que le troisième la fasse avec les siens. Et que chacun applique sa règle.
[Pareil en politique et pour le voile. La question n’est pas ce qu’il faut vouloir (le retrait du voile) mais comment l’obtenir de la manière la plus apaisée possible.]
Personnellement, je ne vois pas comment on obtient le retrait du voile avec ces méthodes « plus apaisées » que celle qui consiste à dire aux intéressées de l’enlever. Vous connaissez un seul exemple de méthode « apaisée » qui ait abouti à un résultat probant ?
[Grâce à mon expérience personnelle et professionnelle. Il existe évidemment de nombreux biais. Mais j’ai assez d’exemples variés pour dire que c’est au moins vrai en partie ou dans certains cas.]
C’est déjà plus raisonnable. On est passé de « Dans le cas du voile, la personne ne sait pas toujours qu’elle devrait l’enlever » à « c’est au moins vrai en partie ou dans certains cas ». Oui, j’imagine qu’il doit avoir des femmes voilées qui ignorent que le voile est vécu par une part importante de la population comme une agression. Mais je doute qu’elles soient très nombreuses, ou alors elles vivent dans une caverne.
[Bien sûr qu’il faut imposer, mais l’interdiction du voile seule est une violence.]
Tout changement imposé est une « violence ». L’enfant qui devient adolescent puis adulte subit une « violence », puisque la réalité lui impose de force un changement qu’il ne souhaite pas forcément. Ce que la société peut faire de mieux, c’est d’offrir en échange de ce sacrifice imposé des contreparties qui le rendent plus acceptable, mais c’est tout.
[Vous ne pouvez pas retirer les références à la culture d’origine (ou à des aspects mythifiés de la culture d’origine) si vous n’êtes pas sur que la culture “d’adoption” est solidement arrimée. Quand je dis proposer une appartenance solide, je dis transmettre la culture française. Aujourd’hui, on nie la culture d’origine et on ne transmet pas la culture d’adoption. C’est du perdant sur tous les tableaux.]
Je suis bien entendu tout à fait d’accord avec ce dernier paragraphe.
@ Descartes et Antoine
[Seulement, c’est quoi la « cause » ici ? Le voile n’est pas qu’un « symptôme », c’est un acte politique. Et à un acte politique doit répondre un autre acte politique.]
Un peu comme le gilet jaune. Bizarrement, on n’a jamais vu personne dire que ce n’est qu’un “bout de tissu”…
« 2) Parce que le voile est parfois lié à une souffrance identitaire, qu’une remarque risque d’aggraver. Au mieux ce serait soigner les symptômes et pas les causes. »
La difficulté dès lors qu’on se penche sur les motivations, c’est que cela ne mène à rien tant – et plus particulièrement lors de manifestations de séparatisme – ce domaine est plus que subjectif (au-delà de l’exprimé les motivations peuvent être inconscientes ce qui nous entraîne fort loin),
Et, à ce propos, pourquoi ne prendre en compte que la motivation de la personne voilée et pas celles qui rejettent le voile pour qui aucune « souffrance identitaire » ne pourrait être invoquée ?
Méfiez vous des explications renvoyant à ce type d’explication superficielle.
Les faits, sont bruts (et têtus). Et ces faits sont qu’il y a quelques décennies, il n’y avait pas de voiles dans les rues, pas de hallal, pas de revendications « piscines » etc. etc.
Donc, quels faits auraient changé amenant d’autres perceptions.
« mais l’interdiction du voile seule est une violence. Vous ne pouvez pas retirer les références à la culture d’origine. »
Pour beaucoup de ces femmes, il ne s’agit pas, loin de là, pour le voile, à « une référence à la culture d’origine ». Par ailleurs, il est des « références » qu’il faut absolument interdire : l’excision par exemple.
@ morel
[Et, à ce propos, pourquoi ne prendre en compte que la motivation de la personne voilée et pas celles qui rejettent le voile pour qui aucune « souffrance identitaire » ne pourrait être invoquée ?]
C’était un peu ma position dans l’échange avec Antoine. Mais au-delà de cette question, se pose une question plus intéressante : pourquoi cette asymétrie entre la « souffrance identitaire » de celle qui porte le voile, et la « souffrance identitaire » de celui qui voit la présence de ce voile comme une négation de sa culture ?
J’insiste : je pense que cette asymétrie traduit une vision paternaliste. La femme voilée, comme l’enfant, ne peut comprendre la portée de son geste ou se mettre à la place de l’autre. Le « gaulois» qui la regarde, lui, est censé être adulte et donc contrôler ses pulsions et comprendre le point de vue d’autrui. Comme l’adulte en rapport avec un enfant capricieux, on lui demande de faire preuve d’une bienveillance qu’on n’exige guère à son interlocuteur.
Le paradoxe de cette vision, est qu’elle devrait conduire à une mise sous tutelle des femmes voilées. Après tout, ce sont les adultes qui imposent aux enfants leurs règles, et non l’inverse. Mais les partisans de la bienveillance sont en fait des parents soumis à leurs enfants tyrans…
[Les faits, sont bruts (et têtus). Et ces faits sont qu’il y a quelques décennies, il n’y avait pas de voiles dans les rues, pas de hallal, pas de revendications « piscines » etc. etc. Donc, quels faits auraient changé amenant d’autres perceptions.]
La réponse je pense est dans le changement de notre société. Il y a quelques décennies, il n’y avait pas d’ambiguïté sur la question de l’assimilation. Le message social était clair : la société française a ses règles, et ceux qui viennent de l’extérieur sont priés fermement de les intégrer pour pouvoir bénéficier des avantages de la citoyenneté, ou alors partir. Aujourd’hui, ce message set brouillé. Les classes intermédiaires ne sont pas prêts à payer le prix qu’implique cette promesse de bénéficier des avantages de la citoyenneté. Et du coup, le discours ne fait pas de l’assimilation un objectif.
@ Descartes
« Mais les partisans de la bienveillance sont en fait des parents soumis à leurs enfants tyrans… »
Oui, il y a bien de ça. Des parents partisans aveugles ce qui ressort particulièrement quand au traitement de l’intervention de Odoul : il est très très méchant comme l’on dit aux enfants qui, en retour, s’empressent d’exagérer pour obtenir encore plus des dits-parents.
« La réponse je pense est dans le changement de notre société »
Bien entendu mais honnêtement, je n’arrive pas à percevoir ce que vous énoncez :« Les classes intermédiaires ne sont pas prêts à payer le prix qu’implique cette promesse de bénéficier des avantages de la citoyenneté. », Pourriez-vous, je vous prie, développer ?
@ BolchoKek
« Un peu comme le gilet jaune. Bizarrement, on n’a jamais vu personne dire que ce n’est qu’un “bout de tissu”… »
Vous avez le même résultat avec nombre de symboles : drapeau nationaux ou drapeau rouge mais d’aucun trouvent très exagéré lorsqu’il s’agit du voile de parler de symbole de conviction affirmée ; E pur si muove !
@ morel
[Bien entendu mais honnêtement, je n’arrive pas à percevoir ce que vous énoncez :« Les classes intermédiaires ne sont pas prêts à payer le prix qu’implique cette promesse de bénéficier des avantages de la citoyenneté. », Pourriez-vous, je vous prie, développer ?]
L’assimilation implique que l’étranger qui accepte de faire sienne la culture, la civilisation, la sociabilité française ait les mêmes opportunités que le Français “de souche”. Cela suppose en particulier qu’il puisse accéder à une éducation de qualité qui lui permette de participer à la course méritocratique à égalité des armes. C’est là que se trouve le problème: l’étranger assimilé est un concurrent redoutable pour les “classes intermédiaires” locales. Regardez ce qui s’est passé dans les années 1960: vous trouverez dans les arts, dans les sciences, dans la haute administration, dans les hautes fonctions de la banque ou de l’entreprise un nombre d’étrangers assimilés tout à fait disproportionné en relation avec leur poids statistique dans la population.
Or, les “classes intermédiaires” ne veulent surtout pas que de nouveaux entrants concurrencent leurs propres rejetons. C’est là le prix de l’assimilation que les classes intermédiaires ne veulent pas payer. C’est pour cela qu’ils ont cassé l’ascenseur social, au détriment des couches populaires “de souche”, mais aussi de celles issues de l’immigration. Or, la contrepartie essentielle à l’effort d’assimilation était bien l’opportunité de monter dans l’ascenseur social.
Bien sûr que les règles de sociabilités vous interdisent d’exprimer une opinion sur l’action d’autrui si celle-ci n’est pas répréhensible (par la loi ou par un consensus social). Enfin si, vous pouvez toujours l’exprimer évidemment mais pas directement devant cette personne et encore moins sur le ton injonctif. Sauf à ce que celle-ci soit un de vos amis proches ou que vous soyez son supérieur hiérarchique. Un type dans la rue qui vous dirait “ah je vois que vous avez un piercing dans le nez, vous n’avez pas honte ? Enlevez-le” ne respecterait pas pour moi ces règles de sociabilité. Dans le cas de la pancarte, c’est différent, le propos est très vague, il est moins susceptible d’être pris personnellement. Quand bien même, ce serait moins grave que pour le voile parce que moins susceptible de bousculer/heurter une identité fragile (cf point 2). Identité fragile dont tout le monde conviendra qu’elle concerne davantage le porteur de la pancarte.
“comment savez-vous que le jeune à qui vous demandez d’enlever sa casquette n’a pas une « souffrance identitaire » que vous risquez d’aggraver ?”
=> Vous vous moquez de moi sans doute. Comment ne pas voir qu’une casquette a moins de valeur communautaire/identitaire qu’un voile ?
“Seulement, c’est quoi la « cause » ici ?”
=> Au risque de me répéter, c’est le manque d’intégration des personnes immigrées, c’est l’affaiblissement des grands vecteurs de socialisation que sont la religion, le travail, l’école, la nation, la famille… Guérir ces causes, c’est le but. Interdire le voile, c’est un moyen.
“Respecter ces femmes, c’est aussi considérer que ce choix est un choix adulte. Et qu’il doit donc recevoir une réponse en tant que tel, et non en tant d’expression inconscient d’on ne sait pas très bien quelle « souffrance identitaire »”
=> J’ai bien compris votre point. Tout le mien est de dire que ce n’est pas adulte de balancer une petite phrase pour choquer et faire scandale.
Si vous voulez traiter le voile en tant qu’acte politique, il vous faut davantage de hauteur.
“En d’autres termes, que celui qui interdit le téléphone, et qui est en minorité, accepte une situation qu’il juge néfaste pour les élèves.
=> Exactement. J’accepte une situation à court terme néfaste pour les élèves, parce que l’inverse aboutirait à une situation pire décrite plus haut. Mais parallèlement j’oeuvre ailleurs pour que cela change. Je mets d’autre règles dans classe et en montre les succès. Je tente d’expliquer délicatement aux parents d’élèves ce qu’il serait bon de faire à la maison…
“Maintenant, imaginons une situation analogue : un enseignant qui considère qu’il faut expliquer aux élèves la reproduction humaine, deux qui estiment que le sujet est par trop épineux et ne doit pas être évoqué pour ne pas effaroucher les élèves. A quoi votre « réunion » aboutit-elle ? A ce que la voix dissidente se taise, et avec elle toute possibilité pour les élèves de voir leurs préjugés contestés.”
=> Hmm. Ici la situation est différente pour deux raisons. D’abord j’ai la loi avec moi: un bulletin officiel et un programme à respecter. Ensuite, la question ne porte pas sur le comportement des élèves mais sur celui du professeur (ce qu’il doit enseigner). Je peux donc vraisemblablement continuer à enseigner la reproduction sans perdre la cohérence et la justice devant mes élèves. Ces exemples sont intéressants parce qu’ils permettent selon moi de réfléchir au but véritable de l’action pédagogique. L’interdiction du téléphone est-il un but ou un moyen ? L’enseignement de la reproduction est-il un but ou un moyen ? L’interdiction du voile est-il un but ou un moyen ? Je crois que vous pensez davantage que moi que la fin justifie les moyens. C’est peut-être même notre divergence fondamentale ici.
“Non, la solution à votre problème est que les deux enseignants fassent une sortie avec leurs élèves, et que le troisième la fasse avec les siens. Et que chacun applique sa règle.”
=> Certes. Mais dans votre solution, il y a bien une discussion préalable qu’il n’y a pas eu au CR. Et c’est ça que je reproche à Odoul.
“Vous connaissez un seul exemple de méthode « apaisée » qui ait abouti à un résultat probant ?”
=> Ca dépend c’est quoi pour vous des résultats probants ? C’est l’intégration des personnes d’origine étrangère ? C’est la disparition du voile dans les CR ? Encore une histoire de but et de moyen. Une méthode apaisée et vous serez d’accord avec moi c’est une méthode qui transmet la culture française et la fierté nationale à tous ceux qui choisissent la France. Ca c’est l’urgence. Pour l’instant les populations immigrées sont entassées dans des ghettos où on leur rabâche sans cesse, que la France c’est des méchants colons racistes. Non seulement on ne transmet pas, mais on se sépare de plus en plus. Le problème, on l’a dit maintes fois, c’est que les élites ont abandonné cette question. Sur ce sujet, la responsabilité de ceux qui ne sont pas au pouvoir, Odoul, vous et moi, c’est soi de le prendre, soit d’agir en tant que société civile en faveur de la transmission et de la mixité sociale (dans les écoles, les associations, les mairies…), soit d’en débattre pour éclaircir les enjeux et affûter ses raisonnements. J’essaye de faire dans la mesure du possible la deuxième solution, vous faites au moins admirablement bien la troisième. Et Odoul ? Aucun des 3.
“Oui, j’imagine qu’il doit avoir des femmes voilées qui ignorent que le voile est vécu par une part importante de la population comme une agression. Mais je doute qu’elles soient très nombreuses, ou alors elles vivent dans une caverne.”
=> Oui elles vivent dans une caverne, ça s’appelle les banlieues. Cela dit vous avez raison, on leur rapporte souvent que les français sont contre le voile, elles sentent parfois les regards de travers en centre-ville donc peu d’entre elles ignorent totalement que leur voile est une agression pour les autres. Mais elles ne le comprennent pas et associent ce rejet à du racisme ou de la discrimination.
@ Antoine
[Bien sûr que les règles de sociabilités vous interdisent d’exprimer une opinion sur l’action d’autrui si celle-ci n’est pas répréhensible (par la loi ou par un consensus social). Enfin si, vous pouvez toujours l’exprimer évidemment mais pas directement devant cette personne et encore moins sur le ton injonctif.]
D’où tirez-vous cela ? Le curé qui du haut de la chaire promet l’enfer aux adultères exprime directement, devant les personnes concernées, et sur un mode injonctif une opinion qui est très loin d’être consensuelle. Manque-t-il aux « règles de sociabilité » ? Non, bien sûr que non. L’église est une institution normative, et il est normal qu’on dénonce ceux qui ne s’y plient pas. Et de même, les enceintes politiques sont des lieux de débat des normes, et il est normal qu’on puisse exprimer sur le mode de l’injonction une interprétation des normes, quand même bien cette interprétation serait minoritaire.
[Un type dans la rue qui vous dirait “ah je vois que vous avez un piercing dans le nez, vous n’avez pas honte ? Enlevez-le” ne respecterait pas pour moi ces règles de sociabilité.]
Oui, mais c’est l’irrationalité de l’intervention qui la rend contraire aux règles de sociabilité, et non le fait qu’elle soit injonctive. Si la personne m’aborde en disant « je vois que vous avez un piercing dans le nez, vous savez, ces trucs-là sont dangereux et provoquent des infections, vous devriez l’enlever », l’intervention serait parfaitement conforme aux règles de sociabilité.
L’intervention d’Odoul était parfaitement rationnelle. Il n’a pas dit « vous n’avez pas honte de porter le voile, enlevez-le ». Il a expliqué pourquoi le port du voile dans cet endroit particulier et dans cette situation particulière posait problème. J’ajoute que son « injonction », si l’on peut utiliser ce mot, ne s’adressait pas à la femme voilée, mais à la présidente du Conseil.
[Dans le cas de la pancarte, c’est différent, le propos est très vague, il est moins susceptible d’être pris personnellement.]
Ah bon ? On vous menace de l’enfer et vous ne le prenez pas personnellement ? Eh beh…
[Quand bien même, ce serait moins grave que pour le voile parce que moins susceptible de bousculer/heurter une identité fragile (cf point 2). Identité fragile dont tout le monde conviendra qu’elle concerne davantage le porteur de la pancarte.]
Qu’est-ce que vous en savez ? Qu’est-ce qui vous permet de dire qu’une personne qui se sent obligée de proclamer que les pêcheurs non repentants iront en enfer a une identité moins « fragile » que celle d’une personne qui a besoin d’un carré de toile pour exister ?
[« comment savez-vous que le jeune à qui vous demandez d’enlever sa casquette n’a pas une « souffrance identitaire » que vous risquez d’aggraver ? » Vous vous moquez de moi sans doute. Comment ne pas voir qu’une casquette a moins de valeur communautaire/identitaire qu’un voile ?]
Absolument pas. Pour les adolescents, la casquette peut être elle aussi la manifestation d’appartenance à une génération, à une bande, à un territoire. Autrement dit, elle peut être aussi un signe identitaire, et l’obligation de l’enlever être vue comme une négation de cette identité. Au lieu d’invoquer l’évidence, cherchez à argumenter votre position : en quoi le fait de porter un carré de toile sur la tête est un « élément identitaire » et le fait de porter une casquette non ?
Prenez par exemple la kipa. Elle n’a jamais posé un problème. Les juifs qui refusent de l’enlever pour aller à la piscine ou pour prendre une photo d’identité constituent une toute petite secte si tant est qu’il en existe – personnellement, je n’en connais pas. Pourtant, vous aurez du mal à me soutenir qu’il ne s’agit pas d’un élément « identitaire » au même titre que le voile. Pourquoi enlever le voile est vécu par les uns comme un viol de leur identité, alors que de l’autre la kipa est enlevée sans difficulté ?
[Au risque de me répéter, c’est le manque d’intégration des personnes immigrées, c’est l’affaiblissement des grands vecteurs de socialisation que sont la religion, le travail, l’école, la nation, la famille… Guérir ces causes, c’est le but. Interdire le voile, c’est un moyen.]
Votre terminologie me gêne. Les immigrés en question sont parfaitement « intégrés ». Ils fonctionnent parfaitement dans notre société, et savent faire valoir leurs droits et en tirer tous les avantages. C’est l’assimilation, et non l’intégration, qui pêche. Sous cette réserve, je suis d’accord avec vous. Mais je ne sous-estime pas pour autant l’importance des questions symboliques. Il faut traiter la maladie, mais on ne peut pas se désintéresser des symptômes. Un bon médecin ne se contente pas de soigner un cancer, il prescrit aussi des analgésiques pour traiter la douleur du patient.
[J’ai bien compris votre point. Tout le mien est de dire que ce n’est pas adulte de balancer une petite phrase pour choquer et faire scandale. Si vous voulez traiter le voile en tant qu’acte politique, il vous faut davantage de hauteur.]
Je ne sais pas pourquoi vous persistez à qualifier – à tort – le discours d’Odoul. Non, il ne s’est pas adressé à la femme voilée. Non, son discours ne contenait aucune « injonction » envers elle. Non, ce n’était pas une « petite phrase », mais une intervention argumentée. Réécoutez la vidéo disponible sur la toile, s’il vous plait…
[“Maintenant, imaginons une situation analogue : un enseignant qui considère qu’il faut expliquer aux élèves la reproduction humaine, deux qui estiment que le sujet est par trop épineux et ne doit pas être évoqué pour ne pas effaroucher les élèves. A quoi votre « réunion » aboutit-elle ? A ce que la voix dissidente se taise, et avec elle toute possibilité pour les élèves de voir leurs préjugés contestés.” => Hmm. Ici la situation est différente pour deux raisons. D’abord j’ai la loi avec moi: un bulletin officiel et un programme à respecter.]
Je suis toujours surpris par votre légicentrisme. Mais quand bien même vous auriez la loi avec vous, la question demeure : vos deux collègues n’expliqueront pas le sujet, vous vous voulez l’expliquer. Si chacun suit son penchant, vous vous trouverez dans la contradiction que vous avez dénoncé à propos du téléphone. Et le fait que vous ayez la loi pour vous n’y changera rien. Dans ce cas concret, que feriez-vous ? Iriez-vous dénoncer à l’inspection vos collègues pour les obliger à faire appliquer la loi ? Non ? Alors, ma question demeure.
[Ensuite, la question ne porte pas sur le comportement des élèves mais sur celui du professeur (ce qu’il doit enseigner).]
Non. La question porte sur le comportement des élèves (qui refusent d’entendre le discours sur la reproduction humaine, comme ils refusent d’entendre le discours sur le portable) et sur le fait de savoir si l’enseignant doit ou non céder à la logique de l’élève, éventuellement lorsqu’il n’y a pas de consensus parmi les enseignants.
[Je peux donc vraisemblablement continuer à enseigner la reproduction sans perdre la cohérence et la justice devant mes élèves.]
Bien sûr que non. Lorsque vous élèves perturberont votre cours en déclarant que ce que vous enseignez est « impur » et que d’ailleurs d’autres enseignants s’en abstiennent, se posera le même problème que dans le cas du portable.
[Ces exemples sont intéressants parce qu’ils permettent selon moi de réfléchir au but véritable de l’action pédagogique. L’interdiction du téléphone est-il un but ou un moyen ? L’enseignement de la reproduction est-il un but ou un moyen ? L’interdiction du voile est-il un but ou un moyen ? Je crois que vous pensez davantage que moi que la fin justifie les moyens. C’est peut-être même notre divergence fondamentale ici.]
Je souscris à votre formulation en grande partie. Mais j’apporterai une nuance : je ne pense pas que « la fin justifie les moyens », mais plutôt qu’il faut se donner les moyens d’atteindre une fin qu’on estime nécessaire. C’est là pour moi l’essence de la politique : « rendre possible ce qui est nécessaire », dans les mots de Richelieu. Et si l’on n’est pas prêt à se donner les moyens, alors il faut assumer le fait de renoncer au but. Pour le dire autrement, je m’insurge contre ceux qui veulent la fin tout en refusant d’avoir recours aux moyens nécessaires pour l’atteindre (ou pire encore, qui voudraient que ces moyens soient mis en œuvre par d’autres, pour pouvoir garder les mains propres).
[« Non, la solution à votre problème est que les deux enseignants fassent une sortie avec leurs élèves, et que le troisième la fasse avec les siens. Et que chacun applique sa règle. » Certes. Mais dans votre solution, il y a bien une discussion préalable qu’il n’y a pas eu au CR. Et c’est ça que je reproche à Odoul.]
Mais préalable à quoi, exactement ? Faut-il discuter toutes les questions susceptibles de se poser dans la réalité avant qu’elles se posent ? Cela ne me parait pas très réaliste.
[“Vous connaissez un seul exemple de méthode « apaisée » qui ait abouti à un résultat probant ?”
=> Ca dépend c’est quoi pour vous des résultats probants ? C’est l’intégration des personnes d’origine étrangère ? C’est la disparition du voile dans les CR ?]
Ici on parlait du port du voile dans les lieux publics. C’est donc bien une réduction significative du port en question qui constituerait un « résultat probant ». Et j’attends une réponse à ma question…
[Encore une histoire de but et de moyen. Une méthode apaisée et vous serez d’accord avec moi c’est une méthode qui transmet la culture française et la fierté nationale à tous ceux qui choisissent la France. Ca c’est l’urgence.]
J’avais cru comprendre que pour vous une « méthode apaisée » était une méthode fondée sur le dialogue, la discussion et le respect des identités excluant toute injonction. C’est à partir de cette compréhension que je vous ai demandé un exemple ou les « méthodes apaisées » aient été efficaces. Maintenant, si pour vous une « méthode apaisée » est une méthode qui change radicalement l’homme et la société pour faire régner la concorde universelle… évidemment, vous ne trouverez jamais d’exemple et la discussion s’arrête là.
J’ajoute que votre commentaire me surprend. La transmission de la culture française ou de la fierté nationale peut être réalisée par des moyens qui sont très loin d’être « apaisés », du moins si l’on s’en tient au sens habituel de ce mot.
[Pour l’instant les populations immigrées sont entassées dans des ghettos où on leur rabâche sans cesse, que la France c’est des méchants colons racistes. Non seulement on ne transmet pas, mais on se sépare de plus en plus. Le problème, on l’a dit maintes fois, c’est que les élites ont abandonné cette question. Sur ce sujet, la responsabilité de ceux qui ne sont pas au pouvoir, Odoul, vous et moi, c’est soi de le prendre, soit d’agir en tant que société civile en faveur de la transmission et de la mixité sociale (dans les écoles, les associations, les mairies…), soit d’en débattre pour éclaircir les enjeux et affûter ses raisonnements. J’essaye de faire dans la mesure du possible la deuxième solution, vous faites au moins admirablement bien la troisième. Et Odoul ? Aucun des 3.]
Je suis d’accord sur le développement, mais pas sur la conclusion. Je n’ai pas d’admiration particulière pour Odoul, mais il faut reconnaître que sans les gens comme lui le sujet ne serait même pas débattu. C’est très triste, mais c’est comme ça. Il a fallu l’irruption de l’extrême droite pour qu’on sorte du discours lénifiant genre SOS-Racisme « tout va très bien, il suffit de faire des concerts métissés et de repeindre les boîtes à lettres ». Imaginez-vous que Odoul ait fermé sa gueule. Auriez-vous su qu’une femme voilée avait assisté à la séance ? Auriez-vous eu la possibilité de débattre sur le fait de savoir si c’était une bonne ou une mauvaise chose ? Non. La question n’aurait pas été posée.
“Oui, j’imagine qu’il doit avoir des femmes voilées qui ignorent que le voile est vécu par une part importante de la population comme une agression. Mais je doute qu’elles soient très nombreuses, ou alors elles vivent dans une caverne.” Oui elles vivent dans une caverne, ça s’appelle les banlieues.]
Je ne le crois pas un instant. Comment réagit une personne dont le comportement offense ceux qui l’entourent sans qu’elle en ait conscience lorsqu’on lui fait savoir ? En général, elle s’excuse et cesse le comportement. Elle n’a pas une argumentation toute prête pour exiger qu’on respecte son « droit » à se comporter de la sorte.
[Cela dit vous avez raison, on leur rapporte souvent que les français sont contre le voile, elles sentent parfois les regards de travers en centre-ville donc peu d’entre elles ignorent totalement que leur voile est une agression pour les autres. Mais elles ne le comprennent pas et associent ce rejet à du racisme ou de la discrimination.]
Admettons. Mais pourquoi leur reconnaissez-vous le droit à ne pas comprendre, et vous le refusez à ceux qui ressentent ce voile comme une agression ? Pourquoi cette asymétrie qui vous pousse à exiger de la bienveillance aux uns et pas aux autres ?
Sans vouloir vous offenser, je pense que votre vision est profondément paternaliste. Les femmes voilées sont comme des enfants capricieux, que l’adulte est invité à « comprendre » alors que la réciproque n’est pas possible.
@Morel
=> D’où tirez vous que je ne prendrais aucun compte des motivations des personnes qui rejettent le voile pour qui aucune « souffrance identitaire » ne pourrait être invoquée ? De même @ Descartes, où identifiez-vous dans mes propos une asymétrie entre la « souffrance identitaire » de celle qui porte le voile, et la « souffrance identitaire » de celui qui voit la présence de ce voile comme une négation de sa culture ? Ici nous parlons de la souffrance identitaire de la femme voilée parce que vous parliez initialement de la pression sociale qu’Odoul aurait le droit de faire subir à l’accompagnatrice. Mais j’aurais pu parler de celle du “Gaulois” et la défendre, s’il était question du racisme dont on les accuse. Je ne vois pas ce qu’il y a de paternaliste à tenter de comprendre les souffrances d’autrui. C’est vous qui seriez peu réaliste de ne pas envisager leur faible capacité à comprendre la portée de leur geste. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il soit possible ni même souhaitable de les mettre sous tutelle.
“Les faits, sont bruts (et têtus). Et ces faits sont qu’il y a quelques décennies, il n’y avait pas de voiles dans les rues, pas de hallal, pas de revendications « piscines » etc. etc.
Donc, quels faits auraient changé amenant d’autres perceptions ?”
=> En accord total avec la réponse de Descartes, j’ajouterai qu’au-delà du message de l’assimilation, toutes les institutions qui seraient en mesure de le produire sont en crise et en souffrance identitaire elles-mêmes. (Famille, école, religion, nation….).
@Descartes, nous restons en désaccord sur l’exemple du piercing. Je ne permettrai pas ces remarques quelles qu’en soient les formes. En revanche votre exemple du curé me convainc assez. Tous les cadres ne se valent pas. L’église ou le CR sont des institutions normatives beaucoup plus que la rue. Débattre des normes y a nécessairement plus de place. Même si l’accompagnatrice n’était que dans le public, peut-être que j’ai sous-estimé cet aspect là dans ma réflexion. Je l’ai sous-estimé parce que votre article initial semble le défendre en tant que citoyen libre d’exercer une pression sociale et non en tant que conseiller libre d’exprimer une opinion politique. C’est votre comparaison avec le fait de reprendre qqn qui ne dirait pas bonjour qui m’a fait tiquer.
“Qu’est-ce qui vous permet de dire qu’une personne qui se sent obligée de proclamer que les pêcheurs non repentants iront en enfer a une identité moins « fragile » que celle d’une personne qui a besoin d’un carré de toile pour exister ?”
=> Pardon, je comparais la fragilité des identités du porteur de la pancarte et du destinataire du message. Pas celle de la femme voilée.
“en quoi le fait de porter un carré de toile sur la tête est un « élément identitaire » et le fait de porter une casquette non ?”
=> Pour la casquette, je n’ai pas dit que la dimension identitaire n’existait pas mais qu’elle était moins forte. Ce qui est tout à fait différent. Je ne crois pas que des Etats forcent les résidents à porter une casquette, je ne crois pas que des textes sacrés la prescrivent. Je ne crois pas que le port de la casquette donne autant d’information sur l’identité de la personne que le port du voile.
” Pourquoi enlever le voile est vécu par les uns comme un viol de leur identité, alors que de l’autre la kipa est enlevée sans difficulté ?”
=> Je ne sais pas ce que vous cherchez à me faire dire. Pour différentes raisons contextuelles, je pense qu’on attache plus de valeur identitaire au voile qu’à la kippa, oui. Il y a peut-être aussi une question purement religieuse. Je ne crois pas que la kippa et le voile soient complètement comparables en terme doctrinaux. La kippa n’est pas une prescription des textes sacrés.
“Réécoutez la vidéo disponible sur la toile, s’il vous plait…”
=> J’ai réécouté la vidéo. Et je maintiens l’essentiel de ce que j’ai écrit précédemment. Qu’il s’adresse à la présidente du CR ne change pas grand-chose. Pourquoi s’exprime-t-il “au nom de toutes les femmes dans le monde qui luttent contre la dictature islamique” ? Pourquoi fait-il le lien avec l’assassinat des 4 policiers ? C’est extrêmement démago/populo et je ne peux pas croire qu’il n’ait pas agi que pour le buzz et le scandale. Quand bien même, je maintiens qu’il aurait du prendre davantage de précaution pour traiter ce sujet. Cela qu’il agisse en tant qu’ homme politique ou a fortiori en tant que citoyen lambda.
“Dans ce cas concret, que feriez-vous ? Iriez-vous dénoncer à l’inspection vos collègues pour les obliger à faire appliquer la loi ? Non ? Alors, ma question demeure.”
=> Je poursuis mon enseignement. Il n’y a pas de contradiction devant les élèves parce que ce n’est pas à mes collègues d’établir les programmes scolaires. Si eux ne les respecte pas, ce n’est certes pas l’idéal, mais c’est leur problème. Je ne dénonce pas mes collègues sauf cas grave, cela m’est arrivé une fois. Cela étant j’en parle avec eux dans la salle des profs. Je suis intransigeant quand je suis certain d’être dans mon bon droit et que je ne risque pas de rencontrer des conflits d’autorité. Si les élèves refusent, ils subiront mes sanctions et je me plaindrai à l’inspection si mes collègues m’empêchent de les faire appliquer. A partir du moment où il existe un règlement clair, il n’y a plus lieu d’en discuter. Il n’existe pas pour le téléphone, il n’existe pas pour le voile au CR.
“Mais préalable à quoi, exactement ? Faut-il discuter toutes les questions susceptibles de se poser dans la réalité avant qu’elles se posent ? Cela ne me parait pas très réaliste.”
=> Certes vous avez raison. Mais cela n’empêche pas d’être délicat sur des sujets brûlants. Ici, le débat n’a aucun caractère urgent, il aurait pu le noter dans un coin et refaire son argumentaire plus posément le lendemain en l’absence de la femme concernée.
“C’est donc bien une réduction significative du port en question qui constituerait un « résultat probant ». Et j’attends une réponse à ma question…”
=>Très bien. Je distingue ici deux dimensions. Celle politique de Richelieu qui rend possible ce qui est nécessaire et celle des sociabilités qui me relient par exemple moi homme blanc chrétien né en France de parents français à elle femme voilée algérienne née en Algérie de parents algériens, en France depuis 20 ans, dont les enfants sont français. Le problème d’Odoul c’est qu’il mélange les deux. Or les règles ne sont pas les mêmes (ou ne devraient pas l’être) dans un cas ou dans l’autre. Souvenez-vous de Vanneste, arguant de l’infériorité de l’homosexualité. La situation est d’autant plus similaire que comme pour Odoul, j’ai tendance à être d’accord avec le fond de son argumentaire. Je défends son droit à exprimer une opinion politique dans un lieu comme l’assemblée. En revanche, j’aurais condamné absolument le fait qu’il utilise cette opinion pour condamner ou reprendre une personne homosexuelle. Le public d’une assemblée ou d’un conseil ne doit je crois manifester aucun signe d’approbation ou de désapprobation et ne participer d’aucune sorte au débat politique. Ce ne serait pas logique selon moi que ce public puisse dès lors y être introduit à son insu par les conseillers ou députés. De deux choses l’une, soit la question d’Odoul est strictement politique mais alors il ne devrait pas faire référence directement à cette accompagnatrice, encore moins devant elle. Soit elle de l’ordre des sociabilités, et alors tous vos argument sur les scènes normatives et la nécessité de l’existence de débat dans ces lieux ne tiennent plus.
Pour ce qui est des méthodes apaisées:
1) Sur le plan des sociabilités, je ne fais pas de remarque dans la rue à ces personnes. Au contraire, j’essaye de rentrer dans la confiance de ces personnes voilées. Par exemple, en m’intéressant à leur culture d’origine ou à leur religion, mais aussi en leur montrant fièrement la mienne. J’ai par exemple participé à un groupe d’amitié islamo-chrétienne dans une cité, avec notamment des femmes voilées mais pas que. J’ai malheureusement déménagé trop tôt pour voir des fruits de long terme, mais au bout de plusieurs séances, j’ai observé des dialogues qui étaient déjà une preuve d’un rejet du communautarisme. Je crois que c’est un succès probant.
2) Sur le plan politique, je n’ai pas de mandat politique et n’ai ( pas encore) réfléchi à un dispositif précis mais je crois en tout cas que le voile n’est pas souhaitable en tant que vecteur du communautarisme. Je chercherais donc à prendre des mesures (que ce soit des discours ou des textes législatifs) qui aillent en ce sens en veillant toutefois à ce qu’elles restent justes, particulièrement sur un sujet aussi brûlant.
@ Antoine
[=> D’où tirez vous que je ne prendrais aucun compte des motivations des personnes qui rejettent le voile pour qui aucune « souffrance identitaire » ne pourrait être invoquée ?]
Mais… de vos écrits, pardi. Depuis que nous avons commencé cet échange, je vous ai vu plusieurs fois vous montrer bienveillant au nom des femmes voilées invoquant leur « souffrance identitaire ». Pas une seule fois je n’ai perçu la même bienveillance envers ceux qui interpellent publiquement les femmes voilées invoquant le même argument. Mais bon, peut-être ai-je mal interprété ?
[De même @ Descartes, où identifiez-vous dans mes propos une asymétrie entre la « souffrance identitaire » de celle qui porte le voile, et la « souffrance identitaire » de celui qui voit la présence de ce voile comme une négation de sa culture ?]
Là encore, je me réfère à vos écrits. Vous avez parlé de « souffrance identitaire » pour appeler à une certaine bienveillance envers les femmes voilées, pas une seule fois avez-vous fait le raisonnement symétrique qui devrait vous conduire à une certaine bienveillance envers les semblables de Julien Odoul.
[Ici nous parlons de la souffrance identitaire de la femme voilée parce que vous parliez initialement de la pression sociale qu’Odoul aurait le droit de faire subir à l’accompagnatrice.]
Oui, mais cette « pression sociale » qu’Odoul prétend exercer, ne trouve-t-elle pas elle aussi sa racine dans sa « souffrance identitaire » ?
[Je ne vois pas ce qu’il y a de paternaliste à tenter de comprendre les souffrances d’autrui.]
Comprendre la souffrance d’autrui n’a rien de « paternaliste », et je ne crois avoir jamais dit pareille chose. Ce qui par contre est « paternaliste », c’est de nier à l’autre la même rationalité dont nous sommes capables. Je ne vois pas au nom de quoi on exigerait de Julien Odoul qu’il se comporte en être rationnel – quelque puisse être par ailleurs sa « souffrance identitaire – mais on tolère que la femme voilée se comporte irrationnellement au prétexte qu’elle souffre. Ou bien on considère que la « souffrance » justifie, et alors la règle vaut pour l’un comme pour l’autre, ou bien on exige un comportement rationnel, et cela vaut là aussi pour les deux.
Je constate par ailleurs que si vous essayez de comprendre la « souffrance identitaire » de la femme voilée, vous ne semblez pas vous être penché sur la « souffrance identitaire » de Julien Odoul. Comment expliquez-vous cette différence ?
[C’est vous qui seriez peu réaliste de ne pas envisager leur faible capacité à comprendre la portée de leur geste. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il soit possible ni même souhaitable de les mettre sous tutelle.]
Peut-on accorder le droit de vote ou celui de contracter à un individu dont la « capacité à comprendre la portée de ses gestes » est faible ? Réfléchissez bien à cette question. On ne peut reconnaître des droits sans les sujétions qui vont avec. Il ne peut pas avoir de liberté pour celui qui n’est pas en mesure d’assumer ses actes.
[En revanche votre exemple du curé me convainc assez. Tous les cadres ne se valent pas. L’église ou le CR sont des institutions normatives beaucoup plus que la rue. Débattre des normes y a nécessairement plus de place. Même si l’accompagnatrice n’était que dans le public, peut-être que j’ai sous-estimé cet aspect-là dans ma réflexion. Je l’ai sous-estimé parce que votre article initial semble le défendre en tant que citoyen libre d’exercer une pression sociale et non en tant que conseiller libre d’exprimer une opinion politique. C’est votre comparaison avec le fait de reprendre qqn qui ne dirait pas bonjour qui m’a fait tiquer.]
Ravi qu’on tombe d’accord sur quelque chose, c’est la preuve que le débat permet de mieux se comprendre. Mais j’ajouterais que pour moi il n’y a pas séparation entre le conseiller qui exprime une opinion sur une norme dans une enceinte « politique », et le citoyen qui exprime une opinion sur les règles de savoir vivre. Bien sûr, il faut prendre en compte le contexte : il y a des enceintes dans lesquelles l’expression d’une opinion est presque obligatoire, car nous attendons de nos élus qu’ils réagissent à ce qui leur paraît inacceptable. Il y a d’autres enceintes ou l’opinion, pour respecter les règles de sociabilité, doit être nuancée. On ne condamne pas le péché dans une fête d’anniversaire comme on le fait à l’église. Cela ne suppose pas qu’on ne doive pas le faire, juste que l’expression doit être différente.
[“en quoi le fait de porter un carré de toile sur la tête est un « élément identitaire » et le fait de porter une casquette non ?” Pour la casquette, je n’ai pas dit que la dimension identitaire n’existait pas mais qu’elle était moins forte. Ce qui est tout à fait différent. Je ne crois pas que des Etats forcent les résidents à porter une casquette, je ne crois pas que des textes sacrés la prescrivent.]
Justement : si on a besoin de le prescrire – et d’utiliser la violence de l’Etat pour faire appliquer cette prescription, alors on peut raisonnablement prétendre que ce n’est pas un élément « identitaire ». L’identité, c’est l’ensemble d’éléments qui font que nous sommes qui nous sommes. Les comportements, les croyances, les préjugés qui constituent notre « identité » nous sont donc naturels. Nous n’avons besoin que personne nous les impose par la force.
Le voile n’est pas – pas plus que la casquette – un « élément identitaire » au sens qu’il ne fait pas partie de l’identité. L’identité est en nous, dans nos comportements, dans nos croyances, dans notre vision du monde. Elle n’est jamais dans un objet. Je suis Français, d’origine juive, de culture gréco-latine. C’est ça mon identité. Et quand même je serais nu comme un vers ou habillé d’une djellaba ou d’un kimono, cela ne changerait en rien ce que je suis. Croire qu’on peut nous enlever notre identité en nous enlevant un vêtement relève de la même pensée magique que de croire qu’on peut nous voler notre âme en prenant une photo. Le voile n’est pas un « élément identitaire ». C’est un FETICHE identitaire.
[Je ne crois pas que le port de la casquette donne autant d’information sur l’identité de la personne que le port du voile.]
Ah bon ? Quelle information sur « l’identité » d’une personne vous donne le voile ? A peu près rien. Il y a des femmes qui portent le voile parce qu’elles y voient une obligation religieuse, d’autres parce qu’elles y voient une manifestation d’appartenance communautaire, d’autres encore qui le portent parce que leurs maris, leurs parents ou leurs frères les y obligent et qui le jetteraient aux ordures s’il n’y avait pas cette pression. Il y a qui le font parce que c’est la tradition, et d’autres qui, de culture catholique, se sont converties à l’Islam et portent le voile dans une logique de révolte adolescente.
Un objet qu’on porte par obligation ne vous dit rien sur la personne qui le porte, sauf qu’elle est soumise à cette obligation. La mitre de l’évêque ou la casquette du préfet ne vous dit rien sur son « identité ».
La casquette, elle, vous dit beaucoup plus sur l’identité de la personne justement parce que son port est facultatif.
[” Pourquoi enlever le voile est vécu par les uns comme un viol de leur identité, alors que de l’autre la kipa est enlevée sans difficulté ?” Je ne sais pas ce que vous cherchez à me faire dire. Pour différentes raisons contextuelles, je pense qu’on attache plus de valeur identitaire au voile qu’à la kippa, oui. Il y a peut-être aussi une question purement religieuse. Je ne crois pas que la kippa et le voile soient complètement comparables en terme doctrinaux. La kippa n’est pas une prescription des textes sacrés.]
Le voile non plus. Dans les deux cas, il s’agit d’une interprétation des textes sacrés. L’obligation de porter la kipa résulte du texte du Talmud : « Rav Houna, fils de Rav Yehoshoua, ne marchait pas quatre coudées tête découverte, par égard envers la présence Divine ». L’obligation de porter le voile islamique résulte de l’interprétation de la sourate XXXIII : « « Ô Prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, de resserrer sur elles leur mante : c’est pour elles le meilleur moyen de se faire connaître et de ne pas être offensées. – Dieu est celui qui pardonne, il est miséricordieux. »
La kipa ne pose pas le même problème que le voile parce que l’immense majorité des juifs français sont assimilés. Combien de juifs français connaissez-vous qui parlent Yddish ou Ladino à la maison, avec leurs enfants, avec leurs amis, avec leurs clients ? Moi, aucun. Les juifs français n’ont dans leur immense majorité aucune envie de se singulariser, de rappeler qu’ils sont juifs à chaque opportunité, d’établir des barrières communautaires.
[“Réécoutez la vidéo disponible sur la toile, s’il vous plait…” => J’ai réécouté la vidéo. Et je maintiens l’essentiel de ce que j’ai écrit précédemment.]
Je vous rappelle que mon commentaire répondait au fait que vous aviez qualifié de « petite phrase » l’intervention d’Odoul. Une écoute de son intervention suffit à voir qu’il ne s’agit pas d’une « petite phrase », mais d’un long paragraphe.
[Qu’il s’adresse à la présidente du CR ne change pas grand-chose.]
Ah bon ? Mais alors, pourquoi on insiste tellement sur le fait qu’il a interpellé la femme voilée directement ? Si cela « ne change pas grande chose », pourquoi ne pas se tenir strictement aux faits, et dire que l’interpellation s’adressait à la présidence ,
[Pourquoi s’exprime-t-il “au nom de toutes les femmes dans le monde qui luttent contre la dictature islamique” ? Pourquoi fait-il le lien avec l’assassinat des 4 policiers ? C’est extrêmement démago/populo et je ne peux pas croire qu’il n’ait pas agi que pour le buzz et le scandale. Quand bien même, je maintiens qu’il aurait dû prendre davantage de précaution pour traiter ce sujet. Cela qu’il agisse en tant qu’homme politique ou a fortiori en tant que citoyen lambda.]
On peut ne pas partager son discours, mais ce n’est pas une raison pour déformer les faits. Quant au fond, s’il avait été moins « démago/populo » et qu’il avait pris toutes les précautions que vous indiquez, serions-nous en train de débattre de la question ?
[“Dans ce cas concret, que feriez-vous ? Iriez-vous dénoncer à l’inspection vos collègues pour les obliger à faire appliquer la loi ? Non ? Alors, ma question demeure.”=> Je poursuis mon enseignement. Il n’y a pas de contradiction devant les élèves parce que ce n’est pas à mes collègues d’établir les programmes scolaires.]
Il n’en reste pas moins que leurs élèves ne recevront pas l’enseignement sur la reproduction humaine et les vôtres oui. Et qu’ils verront bien la contradiction, tout comme ils la verraient si vous interdisez le portable et vos collègues non. Ma question demeure donc : si vous êtes prêt à négocier et à faire comme la majorité dans le cas du portable, pourquoi ne pas appliquer le même raisonnement dans le cas d’un enseignement ? Question annexe : si le ministre interdisait le portable mais vos collègues continuaient à l’autoriser, votre attitude vis-à-vis de la « négociation » avec eux changerait-elle ?
[“C’est donc bien une réduction significative du port en question qui constituerait un « résultat probant ». Et j’attends une réponse à ma question…”=>Très bien. Je distingue ici deux dimensions. (…)]
Votre développement est fort intéressant, mais vous ne répondez pas à ma question. La question portait sur le fait de savoir si vous connaissez un cas dans lequel les méthodes bienveillantes que vous proposez aient donné un résultat probant.
[Celle politique de Richelieu qui rend possible ce qui est nécessaire et celle des sociabilités qui me relient par exemple moi homme blanc chrétien né en France de parents français à elle femme voilée algérienne née en Algérie de parents algériens, en France depuis 20 ans, dont les enfants sont français.]
Le problème est précisément qu’aucune « sociabilité » ne vous lie à cette femme. Elle agit selon les règles de sa communauté, et vous selon les règles qui sont la norme dans la collectivité nationale. Et du coup, la « socialisation » est impossible et chacun reste chez soi. La question ici n’est pas une question morale, celle de savoir s’il y a des cultures supérieures à d’autres. La question est qu’avec des règles de sociabilité différentes on aboutit à une société morcelée, où chacun ne socialise qu’avec ceux qui lui ressemblent. Est-ce cela que nous voulons ? Pas moi, en tout cas. Or, la seule option à ce monde morcelé est l’imposition par la collectivité nationale de ses règles de sociabilité à toutes les « communautés ».
[Le problème d’Odoul c’est qu’il mélange les deux. Or les règles ne sont pas les mêmes (ou ne devraient pas l’être) dans un cas ou dans l’autre. Souvenez-vous de Vanneste, arguant de l’infériorité de l’homosexualité. La situation est d’autant plus similaire que comme pour Odoul, j’ai tendance à être d’accord avec le fond de son argumentaire.]
Excusez-moi, mais je n’arrive pas à comprendre votre raisonnement. Dans l’affaire du voile, la question ici n’est pas de juger un comportement qui relève de l’intime – comme c’était le cas dans l’affaire Vanneste – mais l’étalement de ce comportement dans la sphère publique. Si madame a envie de porter chez elle une burqua, c’est son problème. C’est lorsqu’elle essaye de le porter dans l’enceinte d’un Conseil régional que cela pose problème.
[Le public d’une assemblée ou d’un conseil ne doit je crois manifester aucun signe d’approbation ou de désapprobation et ne participer d’aucune sorte au débat politique. Ce ne serait pas logique selon moi que ce public puisse dès lors y être introduit à son insu par les conseillers ou députés.]
Là, je ne comprends plus rien. Si, comme vous dites, le public d’une assemblée est tenu de s’abstenir de toute expression, alors la présence d’une femme voilée – car on peut soutenir que le port du voile est bien l’expression d’un choix social – peut être entendue comme la violation de cette obligation. Ce qui justifie l’intervention de Julien Odoul, sauf à supposer que les conseillers devraient s’abstenir de réagir lorsque le règlement est violé.
[De deux choses l’une, soit la question d’Odoul est strictement politique mais alors il ne devrait pas faire référence directement à cette accompagnatrice, encore moins devant elle. Soit elle de l’ordre des sociabilités, et alors tous vos argument sur les scènes normatives et la nécessité de l’existence de débat dans ces lieux ne tiennent plus.]
Je ne comprends pas très bien cette dichotomie. Les normes sociales et les normes juridiques ne constituent pas des ensembles étanches. Souvent, ce sont les unes qui déterminent les autres : lorsque la loi exige une « tenue décente », les critères de « décence » dépendent des règles de sociabilité. Dans le cas d’espèce, la question de savoir si la présence de la femme voilée dans les tribunes viole les règles de sociabilité ou la norme juridique qu’est le règlement du Conseil régional n’est d’ailleurs pas tranchée. Ou commence la décence et la neutralité à laquelle le public qui assiste aux séances et tenu ? Et comment peut-on contester l’attitude d’une personne qui viole le règlement sans faire référence à la personne en question ?
Je pense que vous compliquez une affaire qui au fond est simple : si la personne dans la tribune avait porté un T-shirt « fuck Macron », avait présenté ses seins nus ou brandi un drapeau rouge frappé de la faucille et le marteau, et qu’un conseiller avait soulevé un point de règlement pour la faire expulser, vous auriez trouvé cela parfaitement normal et conforme au règlement. Et bien, Julien Odoul estime que le fait de se présenter voilé dans la tribune du public revient à porter un T-shirt « fuck You ». C’est une opinion contestable, mais elle n’est ni irrationnelle, ni absurde. Et le rappel au règlement est dans ces conditions parfaitement logique.
[Pour ce qui est des méthodes apaisées: 1) Sur le plan des sociabilités, je ne fais pas de remarque dans la rue à ces personnes. Au contraire, j’essaye de rentrer dans la confiance de ces personnes voilées. Par exemple, en m’intéressant à leur culture d’origine ou à leur religion, mais aussi en leur montrant fièrement la mienne. J’ai par exemple participé à un groupe d’amitié islamo-chrétienne dans une cité, avec notamment des femmes voilées mais pas que.]
Très bien : ils vous ont offert des pâtisseries orientales, et vous les avez mangées avec plaisir. Mais lorsque vous leur avez offert « fièrement » du saucisson, l’ont-ils mangé ? Ils vous ont fait visiter leur mosquée, mais avez-vous réussi à les faire visiter une cathédrale ? Vous vous êtes intéressé à leur culture ou à leur religion, mais se sont-ils intéressés à la vôtre ? J’aimerais connaître plus sur ces échanges…
[J’ai malheureusement déménagé trop tôt pour voir des fruits de long terme, mais au bout de plusieurs séances, j’ai observé des dialogues qui étaient déjà une preuve d’un rejet du communautarisme. Je crois que c’est un succès probant.]
Combien de femmes se sont dévoilées suite à ces « dialogues » ? Je vous rappelle que c’est là le but, pas que les gens soient gentils les uns avec les autres.
[2) Sur le plan politique, je n’ai pas de mandat politique et n’ai (pas encore) réfléchi à un dispositif précis mais je crois en tout cas que le voile n’est pas souhaitable en tant que vecteur du communautarisme. Je chercherais donc à prendre des mesures (que ce soit des discours ou des textes législatifs) qui aillent en ce sens en veillant toutefois à ce qu’elles restent justes, particulièrement sur un sujet aussi brûlant.]
Vous croyez vraiment qu’on peut résoudre un tel problème sans faire de la peine à personne ?
@ Antoine
« D’où tirez vous que je ne prendrais aucun compte des motivations des personnes qui rejettent le voile pour qui aucune « souffrance identitaire » ne pourrait être invoquée ? »
Je ne vais pas redonder sur les propos de Descartes mais vous insistez sur ce que vous appelez « la souffrance identitaire » de l’une et, de facto, faites silence sur l’autre, ce qui indique généralement, même involontairement, une prise de position.
« Oui elles vivent dans une caverne, ça s’appelle les banlieues ».
La cité HLM, je peux vous en parler, j’y ai vécu. Alors arrêtons de considérer qu’il s’agit de « ghetto » « d’apartheid », de choses graves qui, comme la qualification de « fascisme » ne doit pas être galvaudée sous peine qu’à force de crier au loup à tous (mauvais) propos..
Ce n’est en tout cas pas réductible à cela, plus compliqué.
« A partir du moment où il existe un règlement clair, il n’y a plus lieu d’en discuter. Il n’existe pas pour le téléphone, il n’existe pas pour le voile au CR. »
Le burkini n’est pas formellement interdit, la non-mixité des piscines, l’auto-école non mixte non plus autres tentatives d’introduire d’autres formes de « nouvelles sociabilités » sous couvert de piété…
« J’ai réécouté la vidéo. Et je maintiens l’essentiel de ce que j’ai écrit précédemment. Qu’il s’adresse à la présidente du CR ne change pas grand-chose. Pourquoi s’exprime-t-il “au nom de toutes les femmes dans le monde qui luttent contre la dictature islamique” ? Pourquoi fait-il le lien avec l’assassinat des 4 policiers ? C’est extrêmement démago/populo et je ne peux pas croire qu’il n’ait pas agi que pour le buzz et le scandale. Quand bien même, je maintiens qu’il aurait du prendre davantage de précaution pour traiter ce sujet. »
Et quand la militante pro-voile nous ramène en retour le très salafiste CCIF ? N’avez-vous rien à dire ?
Un peu marre de tout cela : faut-il être baba devant les pires cafards ? Faudrait-il donner du crédit à des bigotes qui nous content que leur dieu exigent pour leur « pudeur » qu’elles cachent leurs cheveux aux hommes ( et dans ce cas, que sommes nous pour elles, sinon des lubriques )?? Au secours Voltaire !
Un rappel d’une chanson de Brel :
Elles vieillissent à petits pas
De petits chiens en petits chats
Les bigotes
Elles vieillissent d’autant plus vite
Qu’elles confondent l’amour et l’eau bénite
Comme toutes les bigotes
Si j’étais diable en les voyant parfois
Je crois que je me ferais châtrer
Si j’étais Dieu en les voyant prier
Je crois que je perdrais la foi
Par les bigotes
Elles processionnent à petits pas
De bénitier en bénitier
Les bigotes
Et patati et patata
Mes oreilles commencent à siffler
Les bigotes
Vêtues de noir comme Monsieur le Curé
Qui est trop bon avec les créatures
Elles s’embigotent les yeux baissés
Comme si Dieu dormait sous leurs chaussures
De bigotes
Le samedi soir après le turbin
On voit l’ouvrier parisien
Mais pas de bigotes
Car c’est au fond de leur maison
Qu’elles se préservent des garçons
Les bigotes
Qui préfèrent se ratatiner
De vêpres en vêpres de messe en messe
Toutes fières d’avoir pu conserver
Le diamant qui dort entre leurs f…s
De bigotes
Puis elles meurent à petits pas
A petit feu en petit tas
Les bigotes
Qui cimetièrent à petits pas
Au petit jour d’un petit froid
De bigotes
Et dans le ciel qui n’existe pas
Les anges font vite un paradis pour elles
Une auréole et deux bouts d’ailes
Et elles s’envolent… à petits pas
De bigotes
“Pas une seule fois je n’ai perçu la même bienveillance envers ceux qui interpellent publiquement les femmes voilées invoquant le même argument. Mais bon, peut-être ai-je mal interprété ?”
=>En fait, je fais ici la même dichotomie que plus haut. Je n’ai pas la même indulgence dans un cadre politique et dans un cadre social. Si l’accompagnatrice avait été une conseillère régionale, j’aurais trouvé la remarque d’Odoul légitime. Si n’importe quel type lambda me dit qu’il trouve le voile insupportable, qu’il en peut plus de voir toutes ces femmes voilées, je lui trouverais sans doute des souffrances identitaires atténuantes. Mais pas venant d’un homme politique qui s’exprime devant la femme concernée. La pression sociale qu’Odoul prétend exercer devrait trouver sa racine dans les souffrances identitaires de ses électeurs. Et le rôle d’un politique est de les exprimer paisiblement.
“Je constate par ailleurs que si vous essayez de comprendre la « souffrance identitaire » de la femme voilée, vous ne semblez pas vous être penché sur la « souffrance identitaire » de Julien Odoul. Comment expliquez-vous cette différence ?”
=> Je ne me penche pas sur l’éventuelle souffrance identitaire des hommes politiques mais sur celle de leurs électeurs. J’estime qu’un politique qui choisit la noble tâche de représenter ses concitoyens ne peut pas utiliser ses propres souffrances identitaires dans le débat. Celles de ses électeurs ne sont pas ici en jeu puisqu’ils n’assistent pas CR. De la même manière pour tous les sujets, je ne vais pas chercher à comprendre ni ne vais excuser les positions d’aucun politique à l’aune de son histoire propre.
“Peut-on accorder le droit de vote ou celui de contracter à un individu dont la « capacité à comprendre la portée de ses gestes » est faible ? ”
=>Je dirais que oui. La faible capacité ou faible capacité supposée d’un individu à comprendre la portée de ces gestes ne doit pas entraîner son exclusion du jeu politique.
“Il ne peut pas avoir de liberté pour celui qui n’est pas en mesure d’assumer ses actes.”
=> A quoi pensez-vous par exemple ?
“Mais j’ajouterais que pour moi il n’y a pas séparation entre le conseiller qui exprime une opinion sur une norme dans une enceinte « politique », et le citoyen qui exprime une opinion sur les règles de savoir vivre. ”
=> En effet, c’est d’ailleurs pour cela que vous me faisiez les remarques auxquelles je viens de répondre.
“Cela ne suppose pas qu’on ne doive pas le faire, juste que l’expression doit être différente.”
=> Oui mais ici, la femme faisant partie du public ( et n’étant donc pas dans l’enceinte politique) et Odoul utilisant un ton injonctif (” je vais vous demander de bien vouloir demander”) on n’est pas tout à fait non plus dans la situation du conseiller qui exprime une opinion. L’expression doit donc être différente, comme vous le dites.
“C’est un FETICHE identitaire”
=> Complètement d’accord, c’est donc un élément parfaitement identitaire ou en tout cas VECU comme parfaitement identitaire. Ce qui importe étant moins ce qui correspond à une vérité objective que ce qui est identifié par un tel comme caractéristique de son soi.
“Un objet qu’on porte par obligation ne vous dit rien sur la personne qui le porte, sauf qu’elle est soumise à cette obligation. La mitre de l’évêque ou la casquette du préfet ne vous dit rien sur son « identité ».”
=> Le voile n’est pas toujours porté par obligation, étant entendu qu’une soumission volontaire à des prescriptions religieuses est davantage de l’ordre de l’adhésion à que de l’obligation de. Un catholique fervent ne va pas à la messe par obligation. J’ajoute qu’on pourrait admettre que le port de la casquette est une obligation si vous considérez la pression du groupe ou le phénomène de mode. On sait que la porteuse du voile est musulmane ( ce qui n’est certes pas tout de l’identité, mais une partie quand même), alors que le porteur de casquette peut la porter pour mille raisons (protection du soleil, masquer des cheveux ou une absence de cheveu non assumée, vouloir être cool devant ses potes, goût vestimentaire…). Et c’est justement pour cela que le voile me gêne, c’est que je n’ai pas envie de savoir a priori que telle ou telle est musulmane. Pour la mitre ou la casquette du préfet, ce sont des professions, la situation est donc différente. Je range dans cette catégorie aussi le voile d’une religieuse.
“La kipa ne pose pas le même problème que le voile parce que l’immense majorité des juifs français sont assimilés. ”
=> Tout à fait, mais pourquoi faites-vous donc la comparaison du voile et de la kippa ? Que voulez-vous montrer ? Oui le voile est un fétiche identitaire parce que les musulmans français ne sont pas tous assimilés. Mais c’est une tautologie, on a pas besoin de fétiche quand on n’a pas de “souffrance identitaire”.
“Une écoute de son intervention suffit à voir qu’il ne s’agit pas d’une « petite phrase », mais d’un long paragraphe.”
=> Justement, je trouve qu’on a tous les éléments d’une “petite phrase” qui se définit pour moi par la volonté de faire le buzz et pas par la longueur du propos.
“Ah bon ? Mais alors, pourquoi on insiste tellement sur le fait qu’il a interpellé la femme voilée directement ? Si cela « ne change pas grande chose », pourquoi ne pas se tenir strictement aux faits, et dire que l’interpellation s’adressait à la présidence”.
=> Probablement veut-on exagérer l’outrance de Julien Odoul ? Mais “on”, ce n’est pas moi. Pour moi, c’est un détail. Mais vous avez raison il faut s’en tenir aux faits.
“On peut ne pas partager son discours”
=> Tiens, tiens, est-ce à dire qu’il n’y aurait pas un consensus sur la question ? Je vous rappelle que ma remarque initiale cherchait à comprendre le bien-fondé de votre comparaison d’Odoul avec le fait de faire une remarque à quelqu’un quand celui-ci ne dit pas bonjour. Mais a-t-on besoin d’argumenter autant et d’utiliser le point godwin “terrorisme” si une chose est aussi évidente ?
” serions-nous en train de débattre de la question ?”
=> Quant au débat, s’il peut y avoir quelques conséquences heureuses à son existence, je pense que le résultat de cette polémique, c’est bien davantage une hausse du communautarisme qu’un recul significatif du voile. Or la fin ne justifie absolument pas les moyens si la fin n’est que très incertaine voire complètement improbable. Même quand on s’appelle Richelieu ?
« Ma question demeure donc : si vous êtes prêt à négocier et à faire comme la majorité dans le cas du portable, pourquoi ne pas appliquer le même raisonnement dans le cas d’un enseignement ? Question annexe : si le ministre interdisait le portable mais vos collègues continuaient à l’autoriser, votre attitude vis-à-vis de la « négociation » avec eux changerait-elle ? »
=> Je donnais cet exemple, parce que je suis dans ma classe le seul à faire la loi ( dans la limite des cadres du ministère) contrairement à Odoul qui doit partager ce rôle avec ses nombreux collègues du CR. Je fais comme la majorité quand c’est la majorité qui fait la loi (sortie avec 3 enseignants), je fais comme bon me semble quand je suis seul à faire la loi. Cela ne dépend pas de la réaction des élèves mais du pouvoir que j’ai moi et de la marge de manœuvre dont je dispose. J’en profite ici pour répondre @Morel. Oui, en effet ni le burkini ni la non mixité ne sont clairement interdits. Celui qui fait appliquer la loi doit donc sur ces sujets délicats s’assurer d’avoir le soutien de tous ceux qui partagent avec lui l’autorité. Au risque de me répéter, le problème est moins la réaction envisagée des baigneuses que la contestation de l’autorité par ses pairs/collègues.
« La question est qu’avec des règles de sociabilité différentes on aboutit à une société morcelée, où chacun ne socialise qu’avec ceux qui lui ressemblent. Est-ce cela que nous voulons ? »
=> Je ne sais pas si je suis clair avec ma dichotomie mais à l’échelle politique, globale, dépersonnalisée, idéelle presque, je suis tout à fait d’accord avec vous. A l’échelle interpersonnelle, je nuance. Je peux créer des sociabilités qui me lieront avec cette femme algérienne quelles que soient mes positions politiques sur l’assimilation des immigrés.
« Excusez-moi, mais je n’arrive pas à comprendre votre raisonnement. Dans l’affaire du voile, la question ici n’est pas de juger un comportement qui relève de l’intime – comme c’était le cas dans l’affaire Vanneste – mais l’étalement de ce comportement dans la sphère publique. »
=>En effet, mais là n’est pas mon point. Je différencie les deux cas dans la suite de mon propos, mais il y a dans les deux situations le risque d’heurter violemment une catégorie de personne déjà bien prompte à se victimiser. Comme vous l’avez compris, j’estime qu’on reste dans les deux cas dans le registre de l’opinion, puisque l’interprétation du règlement d’Odoul n’est qu’une interprétation qui lui est propre.
« Si madame a envie de porter chez elle une burqua, c’est son problème. C’est lorsqu’elle essaye de le porter dans l’enceinte d’un Conseil régional que cela pose problème. »
=> Soyons rigoureux, dans le cas du CR, ce n’était pas une burqua puisque le visage n’était pas couvert et d’autre part vous savez bien que le problème ne se pose pas à la maison puisque le port du voile n’est justement prescrit qu’à l’EXTERIEUR.
« Si, comme vous dites, le public d’une assemblée est tenu de s’abstenir de toute expression, alors la présence d’une femme voilée – car on peut soutenir que le port du voile est bien l’expression d’un choix social – peut être entendue comme la violation de cette obligation. »
=> Un point pour vous. Mais encore une fois sur le fond je suis d’accord, cette femme ne devrait pas être autorisée à porter son voile dans l’enceinte du CR. Simplement sur la forme, ce n’est pas parce qu’une violation a lieu qu’une autre doit lui succéder.
« Et comment peut-on contester l’attitude d’une personne qui viole le règlement sans faire référence à la personne en question ? Je pense que vous compliquez une affaire qui au fond est simple : si la personne dans la tribune avait porté un T-shirt « fuck Macron », avait présenté ses seins nus ou brandi un drapeau rouge frappé de la faucille et le marteau, et qu’un conseiller avait soulevé un point de règlement pour la faire expulser, vous auriez trouvé cela parfaitement normal et conforme au règlement. »
=> Le « T-SHIRT fuck Macron » est une violation beaucoup plus nette et évidente de cette neutralité exigée. Je ne dis pas qu’assimiler un voile à ce T-shirt est absurde ou irrationnel. Je dis simplement que c’est une opinion contestable et que comme pour toute opinion contestable, on doit être extrêmement prudent avant de la transformer en propos injonctif ( parce que oui je vous demande de demander, c’est pour moi un propos injonctif, qu’il s’adresse directement à la femme voilée ou non). Je regrette donc simplement qu’Odoul n’ait pas attendu un moment où son autorité ne serait pas contestée par le brouhaha de ses collègues offrant ainsi une victimisation royale à l’accompagnatrice. Je regrette qu’il ne se soit pas dit : »Mon opinion est contestable, je note la présence d’une femme voilée, je mettrai ce point à l’ordre du jour une fois prochaine. Ainsi ma remarque ne sera pas dictée par les évènements, à froid les débats sont moins virulents. » Probablement que ses collègues n’auraient pas réagi avec autant de force si la femme voilée n’était pas présente.
« Très bien : ils vous ont offert des pâtisseries orientales, et vous les avez mangées avec plaisir. Mais lorsque vous leur avez offert « fièrement » du saucisson, l’ont-ils mangé ? Ils vous ont fait visiter leur mosquée, mais avez-vous réussi à les faire visiter une cathédrale ? Vous vous êtes intéressé à leur culture ou à leur religion, mais se sont-ils intéressés à la vôtre ? J’aimerais connaître plus sur ces échanges… »
=> D’abord non ils n’ont pas mangé de saucisson mais oui ils ont visité une cathédrale et ont même visité un couvent de religieuses et échangé avec les sœurs. Et oui ils se sont intéressés à notre religion. Au cours de nos rencontres, deux thèmes étaient fixés à chaque fois. 1 pour l’Islam et pour le Christianisme. On essayait de ne pas trouver deux thèmes similaires de manière à ne pas pouvoir les comparer systématiquement dans la conversation (typiquement pas Carême et Ramadan le même jour). Un représentant de chaque religion faisait un exposé un peu théorique sur le sujet puis chacun s’exprimait dans un ordre défini pour préciser comment il interprétait/vivait cet aspect théorique dans sa pratique religieuse personnelle. Nous ne devions pas ni dire ni « nous » ni « vous » mais nous contenter d’un « je », pour éviter toute généralisation. Nous étions dans une situation de départ pas évidente parce qu’en plus de la différence religieuse, il existait une différence sociale assez forte entre chrétiens et musulmans du groupe. J’ai en tout cas pu constater une écoute grandissante au fur et à mesure des séances. D’une discussion initialement parfois « tu vas voir ma religion est mieux que la tienne », nous avons réussi progressivement à nous débarrasser des tentations prosélytes et à nous écouter véritablement voir à nous comprendre. En tout cas à ne plus vivre côte à côte mais ensemble. Sans mièvrerie, je crois que c’est déjà un succès dans la lutte contre le communautarisme. Et donc C’est un succès
« Combien de femmes se sont dévoilées suite à ces « dialogues » ? Je vous rappelle que c’est là le but, pas que les gens soient gentils les uns avec les autres. »
=> Notre but n’était absolument pas de les dévoiler. Notre but était de les aimer pour ce qu’ils étaient, de les reconnaître en tant que croyants, de connaître davantage leur religion et leur pratique religieuse. De ce fait là nous pouvions légitimement attendre la même chose d’eux. Et nous n’avons pas été déçus. Nous étions dans une situation de départ pas évidente parce qu’en plus de la différence religieuse, il existait une différence sociale assez forte entre chrétiens et musulmans du groupe.Sans mièvrerie, je crois que c’est déjà un succès dans la lutte contre le communautarisme. Et donc un succès tout court. Je reconnais que c’est une sorte de laboratoire et que ce n’est pas directement généralisable parce que probablement que pas tous les chrétiens comme pas tous les musulmans accepteraient de constituer de tels groupes. Mais c’est déjà qqch. Je crois cela en tout cas plus efficace que la remarque d’Odoul.
« Vous croyez vraiment qu’on peut résoudre un tel problème sans faire de la peine à personne ? »
=> Il n’est pas question de faire de la peine à personne, mais d’en faire le moins possible et surtout d’être juste.
@Morel
« Et quand la militante pro-voile nous ramène en retour le très salafiste CCIF ? N’avez-vous rien à dire ? »
=> Bien sûr que j’ai à redire, mais comme tout le monde ou presque est d’accord là-dessus ici quel intérêt de réagir ?
@ Antoine
[La pression sociale qu’Odoul prétend exercer devrait trouver sa racine dans les souffrances identitaires de ses électeurs. Et le rôle d’un politique est de les exprimer paisiblement.]
Encore une fois, je vous mets au défi de m’indiquer en quoi l’intervention d’Odoul n’était pas « paisible ». La vidéo montre bien qu’il a demandé la parole pour intervenir, qu’il s’exprime dans un ton posé, que son discours ne contient pas de mots insultants ou injurieux, qu’il ne s’adresse même pas à la femme voilée, mais à la présidence de l’assemblée.
Ce que vous demandez dans le cas d’espèce n’est pas qu’un politique exprime « paisiblement », mais qu’il ne s’exprime pas du tout. Ce n’est pas la même chose. L’enceinte d’un conseil régional est une enceinte politique. La femme qui y rentre voilée sait parfaitement qu’elle n’est ni dans un cinéma, ni dans un restaurant. Et si ce n’est pas le lieu pour un élu pour exprimer la « souffrance identitaire » de ses électeurs, alors où ?
[Je ne me penche pas sur l’éventuelle souffrance identitaire des hommes politiques mais sur celle de leurs électeurs. J’estime qu’un politique qui choisit la noble tâche de représenter ses concitoyens ne peut pas utiliser ses propres souffrances identitaires dans le débat. Celles de ses électeurs ne sont pas ici en jeu puisqu’ils n’assistent pas au CR.]
Voyons si je comprends bien. Une femme voilée peut exprimer sa « souffrance identitaire » en portant le voile dans l’enceinte du CR. Mais un élu devrait s’abstenir d’exprimer la sienne – ou celle de ses électeurs – dans cette même enceinte. J’ai bien saisi votre position ?
Imaginons maintenant le cas symétrique : une personne entrant dans la gallérie du public portant un T-shirt libellé « la France aux Français » (ou « les Arabes dehors »), et un conseiller régional demandant à la présidence d’exiger que la personne quitte la salle ou couvre l’inscription. Là aussi, le porteur de T-shirt exprime sa « souffrance identitaire ». Auriez-vous la même compréhension envers lui et exprimeriez-vous la même indignation que dans le cas de la femme voilée ? Permettez-moi d’en douter.
[“Peut-on accorder le droit de vote ou celui de contracter à un individu dont la « capacité à comprendre la portée de ses gestes » est faible ? ” Je dirais que oui. La faible capacité ou faible capacité supposée d’un individu à comprendre la portée de ces gestes ne doit pas entraîner son exclusion du jeu politique.]
Alors, je ne comprends pas pourquoi on exclut du vote et du contrat les mineurs et les aliénés sous tutelle. La capacité de voter ou de contracter implique une responsabilité quant aux conséquences de l’acte qu’on accomplit. Et comment pourrait-on prendre cette responsabilité si l’on ne comprend pas la portée des actes et des obligations auxquelles on a souscrit ?
[“Il ne peut pas avoir de liberté pour celui qui n’est pas en mesure d’assumer ses actes.” A quoi pensez-vous par exemple ?]
Notre droit limite la liberté des incapables : mineurs, personnes sous tutelle ou curatelle ne peuvent ni voter, ni contracter valablement. Cette limitation de leur liberté tient à ce que ne pouvant comprendre la portée des leurs actes, ils ne peuvent exprimer un consentement éclairé. Supposer qu’une catégorie de la population est par essence incapable de comprendre la portée de ses actes implique lui reconnaître un statut de mineur. Alors de deux choses l’une : ou bien la femme voilée est incapable de comprendre la portée de ses actes, et elle doit être mise sous tutelle, ou bien elle est capable de les comprendre, et alors elle doit être regardée comme responsable.
[“Cela ne suppose pas qu’on ne doive pas le faire, juste que l’expression doit être différente.” Oui mais ici, la femme faisant partie du public (et n’étant donc pas dans l’enceinte politique)]
Pardon, mais le public EST dans l’enceinte politique. Et c’est pourquoi d’ailleurs il est soumis à la police de l’assemblée, et qu’il lui est interdit de s’exprimer sous une forme quelconque.
[“C’est un FETICHE identitaire” => Complètement d’accord, c’est donc un élément parfaitement identitaire]
Non, vous ne me lisez pas. Un objet ne peut être un « élément identitaire », parce que l’identité est quelque chose qui est dans nos têtes. Je suis athée, de culture juive et français. Et quand même je serais habillé en femme ou en sumotori, que j’habite une pagode ou une hutte, je serais toujours aussi athée, toujours aussi juif, et toujours aussi français. L’identité fait partie de mon « moi », et c’est pourquoi il n’y a pas d’objet identitaire, seulement des fétiches identitaires, c’est-à-dire, des objets auxquels nous accordons le pouvoir magique de renfermer notre identité.
J’irais même plus loin : le simple fait qu’on ait besoin de s’accrocher à un objet pour affirmer son identité montre combien cette identité est illusoire. On fétichise une identité lorsque celle-ci est en train de disparaître. C’est une façon de s’accrocher désespérément à quelque chose qui vous file entre les doigts. Moi, je n’ai pas besoin de porter un drapeau tricolore pour me sentir français.
[ou en tout cas VECU comme parfaitement identitaire. Ce qui importe étant moins ce qui correspond à une vérité objective que ce qui est identifié par un tel comme caractéristique de son soi.]
Pardon : il est toujours important de savoir si les choses sont réelles ou ne sont qu’une illusion, ne serait-ce que pour une raison : la réalité existe indépendamment de nous, alors que les illusions sont de notre propre création. Et il faudrait peut-être se demander pourquoi une partie de la population a un tel besoin de se créer des fétiches identitaires.
[“Un objet qu’on porte par obligation ne vous dit rien sur la personne qui le porte, sauf qu’elle est soumise à cette obligation. La mitre de l’évêque ou la casquette du préfet ne vous dit rien sur son « identité ».” => Le voile n’est pas toujours porté par obligation,]
Non, pas toujours. Mais c’est un cas fréquent. Et comme celles qui le portent par obligation ne portent aucun signe particulier qui permette de les identifier, vous n’avez aucune façon de savoir si la femme voilée que vous voyez dans la rue – ou à la tribune du public d’un CR – le porte par obligation ou par choix, et ce qui motive ce choix. Le voile per se ne vous dit donc rien sur l’identité de celle qui le porte. C’était là mon point. Je peux aussi imaginer qu’il y ait des évêques qui portent la mitre non par obligation, mais parce qu’ils aiment l’esthétique de l’objet. Il n’empêche que si un évêque ne l’aime pas, il la portera quand même. Son port ne contient donc aucune information.
[J’ajoute qu’on pourrait admettre que le port de la casquette est une obligation si vous considérez la pression du groupe ou le phénomène de mode. On sait que la porteuse du voile est musulmane (ce qui n’est certes pas tout de l’identité, mais une partie quand même), alors que le porteur de casquette peut la porter pour mille raisons (protection du soleil, masquer des cheveux ou une absence de cheveu non assumée, vouloir être cool devant ses potes, goût vestimentaire…).]
C’est le cas aussi pour la femme voilée. Elle peut porter le voile pour beaucoup de raisons : parce qu’elle a une foi ardente et est persuadée qu’Allah l’a voulu ; parce que c’est une habitude dans sa famille dont elle ne connaît même pas l’origine ; parce qu’elle craint la réaction de sa communauté, de son mari, de ses parents ; parce qu’elle est en pleine rébellion adolescente, et que porter le voile est une façon d’épater le bourgeois… vous voyez, en voyant une femme voilée dans la rue, vous ne pouvez pas en déduire grande chose, si ce n’est un vague attachement à l’Islam. Et encore : mon grand-père avait un ami qui portait la kipa alors qu’il n’était pas plus juif que le pape. Seulement, il faisait très souvent des affaires dans le milieu des diamantaires anversois, et dans ce milieu le port de la kipa vous donne une certaine respectabilité…
[“La kipa ne pose pas le même problème que le voile parce que l’immense majorité des juifs français sont assimilés. ”=> Tout à fait, mais pourquoi faites-vous donc la comparaison du voile et de la kippa ? Que voulez-vous montrer ? Oui le voile est un fétiche identitaire parce que les musulmans français ne sont pas tous assimilés. Mais c’est une tautologie, on a pas besoin de fétiche quand on n’a pas de “souffrance identitaire”.]
Je fais la comparaison pour vous montrer que si le voile pose problème, c’est un fétiche identitaire. Les juifs, dans leur immense majorité, sont assimilés : ils ont accepté la primauté du civil sur le religieux, et placent donc les signes religieux dans la sphère privée. L’immense majorité ne porte la kipa, les tefilin et autres signes religieux que dans la synagogue, au cimetière, ou plus rarement lors des fêtes religieuses à la maison. Le reste du temps, ils s’habillent comme tout le monde et ne « souffrent » dans leur identité pour autant.
La majorité des musulmans est, elle aussi, assimilée. Mais il reste une minorité relativement importante qui soit sont arrivés trop tard, alors que la machine à assimiler était cassée, soit se sont désassimilés à la recherche d’une identité que la République ne leur offrait plus. Et cette minorité s’est fabriqué des fétiches, dont le voile est le plus notable.
[“Une écoute de son intervention suffit à voir qu’il ne s’agit pas d’une « petite phrase », mais d’un long paragraphe.” => Justement, je trouve qu’on a tous les éléments d’une “petite phrase” qui se définit pour moi par la volonté de faire le buzz et pas par la longueur du propos.]
Je n’appelle pas une position expliquée de façon cohérente une « petite phrase », quand bien même elle serait destinée à « faire le buzz ».
[“On peut ne pas partager son discours” => Tiens, tiens, est-ce à dire qu’il n’y aurait pas un consensus sur la question ? Je vous rappelle que ma remarque initiale cherchait à comprendre le bien-fondé de votre comparaison d’Odoul avec le fait de faire une remarque à quelqu’un quand celui-ci ne dit pas bonjour. Mais a-t-on besoin d’argumenter autant et d’utiliser le point godwin “terrorisme” si une chose est aussi évidente ?]
D’abord, je ne suis pas d’accord pour parler d’un « point Goodwin terrorisme ». Le nazisme ne tue personne aujourd’hui, le terrorisme oui. Et c’est pourquoi invoquer le premier relève du fantasme, alors qu’invoquer le second relève d’une réalité. Tous les musulmans ne sont pas terroristes, c’est un fait. Seule une infime minorité parmi les musulmans français passe à l’acte. Mais tous les terroristes qui ont endeuillé notre pays ces derniers temps étaient des musulmans, et qui plus est ont commis leurs crimes au nom de l’Islam. Cela devrait nous faire réfléchir.
Ensuite, le fait qu’on ait le droit de ne pas partager un discours n’a rien à voir avec le consensus. Je crois que vous confondez consensus et unanimité. J’aurais tendance à dire que les idées d’Odoul sur le voile sont, sinon « consensuelles », au moins largement majoritaires. Bien sur, beaucoup de gens ne vous le diront pas, parce que le poids du « politiquement correct » est écrasant….
[” serions-nous en train de débattre de la question ?”=> Quant au débat, s’il peut y avoir quelques conséquences heureuses à son existence, je pense que le résultat de cette polémique, c’est bien davantage une hausse du communautarisme qu’un recul significatif du voile.]
Je ne le crois pas. J’ai d’ailleurs eu l’impression, dans les jours qui ont suivi l’affaire, une baisse notable du nombre de têtes voilées dans le métro que je prends chaque matin. Cela peut vous paraître anecdotique, mais je ne suis pas sûr que ce soit tant que ça. Je suis persuadé que ce débat a servi à ce que beaucoup de femmes voilées prennent conscience que leur voile offense ou choque une partie de la population. Il est difficile de savoir si cela a un effet, et si cet effet est durable. Mais l’effet existe. Et je ne crois pas que cela change quoi que ce soit au « communautarisme ».
[Comme vous l’avez compris, j’estime qu’on reste dans les deux cas dans le registre de l’opinion, puisque l’interprétation du règlement d’Odoul n’est qu’une interprétation qui lui est propre.]
Pas tout à fait. Il n’est pas dans la mission d’un député de proposer une interprétation de ce qu’on peut ou ne peut pas faire dans le domaine de l’intime. Il est de la compétence d’un conseiller régional de proposer au président du conseil régional une interprétation du règlement.
[« Si, comme vous dites, le public d’une assemblée est tenu de s’abstenir de toute expression, alors la présence d’une femme voilée – car on peut soutenir que le port du voile est bien l’expression d’un choix social – peut être entendue comme la violation de cette obligation. »
=> Un point pour vous. Mais encore une fois sur le fond je suis d’accord, cette femme ne devrait pas être autorisée à porter son voile dans l’enceinte du CR.]
Vous voulez dire que la présidente du conseil aurait du demander à cette femme de se dévoiler ou de quitter la salle sans que Julien Odoul ait à le demander ?
[Le « T-SHIRT fuck Macron » est une violation beaucoup plus nette et évidente de cette neutralité exigée.]
Je vois mal pourquoi « fuck Macron » devrait être considéré comme une violation caractérisée alors que « fuck la sociabilité française » devrait être considéré comme un geste sans conséquence.
[« Très bien : ils vous ont offert des pâtisseries orientales, et vous les avez mangées avec plaisir. Mais lorsque vous leur avez offert « fièrement » du saucisson, l’ont-ils mangé ? Ils vous ont fait visiter leur mosquée, mais avez-vous réussi à les faire visiter une cathédrale ? Vous vous êtes intéressé à leur culture ou à leur religion, mais se sont-ils intéressés à la vôtre ? J’aimerais connaître plus sur ces échanges… » => D’abord non ils n’ont pas mangé de saucisson]
Vous leur en avez offert ?
[mais oui ils ont visité une cathédrale et ont même visité un couvent de religieuses et échangé avec les sœurs. Et oui ils se sont intéressés à notre religion. Au cours de nos rencontres, deux thèmes étaient fixés à chaque fois. 1 pour l’Islam et pour le Christianisme.]
Voilà donc pour la religion. Mais quid de la culture ? Se sont-ils intéressés à notre culture, et en particulier à la séparation du civil et du religieux, au fait que chez nous la religion est dans le domaine privé, par exemple ? A la mythologie gréco-latine ? A l’histoire de France ?
Ce que vous me décrivez, c’est le dialogue interreligieux. Qui est la partie la plus facile de la chose, parce qu’entre bigots, on a toujours beaucoup de points en commun. Mais le christianisme chez nous n’est pas qu’une religion, c’est une culture construite à partir d’un compromis entre le privé et le public, entre l’Etat et les églises. J’aurais bien aimé savoir si vous leur avez parlé de cela, et qu’est ce que vous avez obtenu comme réponse.
[« Combien de femmes se sont dévoilées suite à ces « dialogues » ? Je vous rappelle que c’est là le but, pas que les gens soient gentils les uns avec les autres. »=> Notre but n’était absolument pas de les dévoiler. Notre but était de les aimer pour ce qu’ils étaient, de les reconnaître en tant que croyants, de connaître davantage leur religion et leur pratique religieuse.]
En d’autres termes, que chacun reste ce qu’il est. Encore une fois, ce genre de stratégie conduit à une société morcelée. Dont les morceaux se comprennent peut-être un peu mieux, mais morcelée quand même. Or, je vous rappelle que cette conversation tournait autour des moyens d’éviter le morcellement de la société. Le but est bien que les musulmans français partagent la sociabilité française, et non que chacun pratique la sienne dans son coin, et rencontre les autres de temps en temps dans un groupe de parole.
Au fond, je crois que c’est là notre grande différence. Vous semblez vous contenter d’une société morcelée à condition que les morceaux en question “se comprennent” même s’ils sont incapables d’établir une sociabilité commune. Moi, je pense que ce morcellement remet tôt ou tard en cause la solidarité inconditionnelle entre les membres de la collectivité nationale, et donc l’idée même de nation. Même si on se connaît mieux, sera-t-on prêt à se sacrifier les uns pour les autres ? Je ne le crois pas.
« La pression sociale qu’Odoul prétend exercer devrait trouver sa racine dans les souffrances identitaires de ses électeurs. Et le rôle d’un politique est de les exprimer paisiblement. »
Nous nageons ici dans le bisounoursisme. Faut-il vous rappeler que la République fait l’objet d’assauts répétés de la part de ce courant salafiste qui tente de s’imposer à nous pas que dans les « quartiers », pas que dans les piscines, pas que sur les plages …même dans la rue (et pas que la burqa). Je ne crois pas que c’est en maintenant le cours du « pas de vague » que nous les ferons refluer. Leur arrogance tient assurément au soutien omniprésent des bobos de gôche car concernant les couches populaires qu’on a privé de parole, elles n’en pensent pas moins et cela n’a rien à voir avec un quelconque « racisme ». J’ajoute qu’en ce qui me concerne, j’ai suffisamment combattu le FN pour qu’on ne me soupçonne d’une quelconque sympathie.
Par ailleurs, la « pression sociale » que vous évoquez me semble incomparablement peser plus sur les critiques des voilées avec reductio ad hitlerum que sur leurs supporters.
« je pense que le résultat de cette polémique, c’est bien davantage une hausse du communautarisme qu’un recul significatif du voile. »
Faudrait-il en remercier la quasi totalité de l’échiquier politique qui s’est peu ou prou inscrit « contre le fascisme » ?
« J’en profite ici pour répondre @Morel. Oui, en effet ni le burkini ni la non mixité ne sont clairement interdits. Celui qui fait appliquer la loi doit donc sur ces sujets délicats s’assurer d’avoir le soutien de tous ceux qui partagent avec lui l’autorité. Au risque de me répéter, le problème est moins la réaction envisagée des baigneuses que la contestation de l’autorité par ses pairs/collègues. »
Je n’ai avancé le burkini, la non mixité comme exemples pour tenter de mieux souligner les attaques multiformes pour imposer la vue tendant à créer un fossé entre citoyens sur une base confessionnelle, De ce point de vue, veuillez considérer que le voile n’est pas qu’un phénomène isolé (pour lequel les complaisants nous parlent de « bout de tissu ») mais s’inscrit souvent dans un ensemble prégnant (allez demander à la voilée du CR si elle serre la main ou fait la bise aux hommes, entre autres).
« Et quand la militante pro-voile nous ramène en retour le très salafiste CCIF ? N’avez-vous rien à dire ? »
=> Bien sûr que j’ai à redire, mais comme tout le monde ou presque est d’accord là-dessus ici quel intérêt de réagir ?
Pourquoi la totalité de vos critiques vont au seul Odoul (dont je ne partage nullement les positions politiques) contre lequel aussi «tout le monde ou presque est d’accord là-dessus » ?
@ morel
[« La pression sociale qu’Odoul prétend exercer devrait trouver sa racine dans les souffrances identitaires de ses électeurs. Et le rôle d’un politique est de les exprimer paisiblement. » Nous nageons ici dans le bisounoursisme.]
Si l’on entend par là que le rôle du politique se réduit à « exprimer paisiblement » la souffrance identitaire de ses électeurs, alors plus que du bisounoursisme, c’est réduire le rôle du politique à un rôle purement expressif. Mais je ne pense pas que c’est ce que voulait dire Antoine. Je pense plutôt qu’il faisait référence au cas d’espèce. Quant à moi, il me semble évident que le rôle d’un politique ne peut se réduire à « exprimer », mais qu’il est aussi d’agir sur le réel.
[Par ailleurs, la « pression sociale » que vous évoquez me semble incomparablement peser plus sur les critiques des voilées avec reductio ad hitlerum que sur leurs supporters.]
Ca, c’est certain !
“Et si ce n’est pas le lieu pour un élu pour exprimer la « souffrance identitaire » de ses électeurs, alors où ?”
=> L’enceinte est le lieu. Ce n’est pas mon point. Pour ce qui est du caractère paisible de l’intervention, je vosu renvoie au brouhaha et à la véhémence de la réaction des collègues du CR d’Odoul. (“Facho”…) Celles-ci sont condamnables bien sûr mais prévisibles, notamment au égard aux interprétations plausibles multiples du règlement. Je reproche à Odoul de ne pas avoir “tendu l’autre joue” au sens de ne pas avoir cherché à calmer le jeu. Voir même d’avoir cherché ces réactions.
“Voyons si je comprends bien. Une femme voilée peut exprimer sa « souffrance identitaire » en portant le voile dans l’enceinte du CR. Mais un élu devrait s’abstenir d’exprimer la sienne – ou celle de ses électeurs – dans cette même enceinte. J’ai bien saisi votre position ?
=> Encore une fois, un silence ici ne signifie pas que je ne condamne pas. L’accompagnatrice n’aurait pas du être voilée pour moi. Elle devrait même encore bien moins qu’Odoul exprimer sa “souffrance identitaire”. Sachant que vs êtes d’accord sur ce point, je ne voyais pas l’intérêt de réagir.
“Auriez-vous la même compréhension envers lui et exprimeriez-vous la même indignation que dans le cas de la femme voilée ? Permettez-moi d’en douter.”
=> Vous avez raison d’en douter parce qu’il n’y a pour moi aucune symétrie entre un T-short “la France aux Français” et le port du voile. Porter un voile n’est absolument pas l’expression aussi nette d’un rejet.
“Alors de deux choses l’une : ou bien la femme voilée est incapable de comprendre la portée de ses actes, et elle doit être mise sous tutelle, ou bien elle est capable de les comprendre, et alors elle doit être regardée comme responsable.”
=> On en revient toujours à la même chose. Quand vous dites “comprendre”, c’est en réalité comprendre dans le même sens que vous. Or comment peut-elle comprendre puisque ici ni la loi ni le consensus social ne sont clairs ? Vous allez sans doute me répondre que cela justifie qu’Odoul lui explique. Mais le message d’Odoul est (en tout cas dans l’oreille de la femme voilée) complètement brouillé par les réactions des ses collègues. Suite à l’intervention d’Odoul, la seule chose que comprend l’accompagnatrice, appelons la X, c’est qu’Odoul est un facho donc qu’elle a bien le droit de porter son voile. On en revient aussi aux exemples scolaires. A toutes les échelles, l’autorité ne peut qu’être contestée si elle n’est pas souveraine.
“Non, vous ne me lisez pas. Un objet ne peut être un « élément identitaire »
=> Je suis parfaitement d’accord avec tout le développement que vous faites ensuite. Notre différence est ici purement rhétorique. Parlons donc de fétiche.
“Le voile per se ne vous dit donc rien sur l’identité de celle qui le porte. ”
=> Mais alors je ne comprends pas ce qui vous gêne dans le port du voile. Si le voile ne dit rien sur l’identité de qui le porte, ce ne peut être un signe de repli communautaire.
“Mais il reste une minorité relativement importante qui soit sont arrivés trop tard, alors que la machine à assimiler était cassée, soit se sont désassimilés à la recherche d’une identité que la République ne leur offrait plus. Et cette minorité s’est fabriqué des fétiches, dont le voile est le plus notable.”
=> Entièrement d’accord avec ça et avec ce qui précède. Comme la République a sa part de responsabilité, elle doit être à mon sens irréprochable dans la clarté des règles imposées. Qu’il soit impossible de lui reprocher à elle ou à ses représentants un quelconque racisme. Les mots d’Odoul ne vont pas en ce sens. Non pas, encore une fois, pour leurs caractéristiques propres, mais pour leur interprétation inévitable et leur contexte piégeur.
“Je n’appelle pas une position expliquée de façon cohérente une « petite phrase », quand bien même elle serait destinée à « faire le buzz ».”
=> Alors n’appelons pas cela “petite phrase”. Le mot qui me gêne ici, et j’espère que vous l’aurez compris, c’est celui de “position”. N’y a-t-il pour vous aucune différence entre l’expression d’une position et la formulation d’une injonction ? Si Odoul s’était contenté d’une position, (” je pense qu’il ne devrait pas y avoir de voile dans le public”), alors ma réaction n’aurait pas été la même et je ne serais pas ici en train d’échanger avec vous.
“Je crois que vous confondez consensus et unanimité. J’aurais tendance à dire que les idées d’Odoul sur le voile sont, sinon « consensuelles », au moins largement majoritaires. Bien sur, beaucoup de gens ne vous le diront pas, parce que le poids du « politiquement correct » est écrasant….”
=> Je suis d’accord. Mais nous sommes au CR de Bourgogne-Franche-Comté à débattre du règlement du CR et pas à l’assemblée en train de débattre d’une loi qui s’appliquerait à tous et partout. Force est de constater qu’il n’y avait pas de consensus dans ce CR. Et qu’Odoul pouvait l’anticiper. µ
“Je ne le crois pas. J’ai d’ailleurs eu l’impression, dans les jours qui ont suivi l’affaire, une baisse notable du nombre de têtes voilées dans le métro que je prends chaque matin. Cela peut vous paraître anecdotique, mais je ne suis pas sûr que ce soit tant que ça. Je suis persuadé que ce débat a servi à ce que beaucoup de femmes voilées prennent conscience que leur voile offense ou choque une partie de la population. Il est difficile de savoir si cela a un effet, et si cet effet est durable. Mais l’effet existe. Et je ne crois pas que cela change quoi que ce soit au « communautarisme ».”
=> Ca c’est un point très intéressant qui tendrait à me convaincre. Mais évidemment vos observation ne suffisent pas et malheureusement il est très difficile de le mesurer à une plus large échelle.
“Il est de la compétence d’un conseiller régional de proposer au président du conseil régional une interprétation du règlement.”
=> Certes, et je ne dis pas qu’odoul n’était pas dans son droit.
“Vous voulez dire que la présidente du conseil aurait du demander à cette femme de se dévoiler ou de quitter la salle sans que Julien Odoul ait à le demander ?”
=> Je veux dire que si j’avais été à sa place et que j’avais le soutien du CR, oui je l’aurais demandé. Le problème ici n’est pas d’interdire le voile dans le public d’une assemblée ( j’y suis favorable), le problème est de faire semblant de l’interdire alors qu’on en a pas l’autorité. L’autorité revenant bien sûr à la présidente et à sa majorité et non à Odoul.
“Je vois mal pourquoi « fuck Macron » devrait être considéré comme une violation caractérisée alors que « fuck la sociabilité française » devrait être considéré comme un geste sans conséquence.”
=> Pour vous et moi, cela semble évident. Sauf que les CR de BFC ne le comprennent pas ainsi. Que vous le voulez ou non. Et Odoul ne pouvait que l’anticiper.
Voilà déjà pour la partie directement Odoul, je reviendrai plus trad sur la suite (dialogue inter-religieux/ culture) qui me demande un peu plus de temps et de réflexion. Bonne journée.
@ Antoine
[“Et si ce n’est pas le lieu pour un élu pour exprimer la « souffrance identitaire » de ses électeurs, alors où ?” => L’enceinte est le lieu. Ce n’est pas mon point. Pour ce qui est du caractère paisible de l’intervention, je vous renvoie au brouhaha et à la véhémence de la réaction des collègues du CR d’Odoul.]
Là, je ne vous comprends plus. Vous reprochez à Julien Odoul de ne pas être intervenu de façon « paisible », en vous fondant pour cela sur la violence de l’expression des collègues qui ne partagent pas son avis ? Avec le même raisonnement, vous devriez condamner le port du voile comme n’étant pas « paisible » dès lors qu’il suscite des réactions violentes, non ?
Désolé, mais il faut revenir aux faits : l’intervention d’Odoul était dans des termes correctes et paisibles. La violence et l’injure était du côté des autres membres du conseil.
[(“Facho”…) Celles-ci sont condamnables bien sûr mais prévisibles, notamment au égard aux interprétations plausibles multiples du règlement. Je reproche à Odoul de ne pas avoir “tendu l’autre joue” au sens de ne pas avoir cherché à calmer le jeu. Voir même d’avoir cherché ces réactions.]
En d’autres termes, vous pensez qu’il aurait dû céder au chantage à la « violence » et garder le silence ? Si je suis votre raisonnement, les violents gagnent toujours. Il faut s’abstenir de publier des caricatures, de représenter des pièces de théâtre, d’organiser des expositions, d’exprimer des idées dès lors que celles-ci risquent de provoquer une réaction « violente » ? Finalement, c’est le raisonnement de ceux qui affirment que la rédaction de Charlie-Hebdo a eu tort de publier les caricatures de Mahomet…
[“Voyons si je comprends bien. Une femme voilée peut exprimer sa « souffrance identitaire » en portant le voile dans l’enceinte du CR. Mais un élu devrait s’abstenir d’exprimer la sienne – ou celle de ses électeurs – dans cette même enceinte. J’ai bien saisi votre position ? => Encore une fois, un silence ici ne signifie pas que je ne condamne pas. L’accompagnatrice n’aurait pas dû être voilée pour moi.]
D’accord. Elle n’aurait pas dû. Elle s’est présentée voilée. Alors, vous faites quoi ? Vous gardez le silence en répétant dans votre for intérieur « elle n’aurait pas dû, elle n’aurait pas dû » ? La politique répond à la question « qu’est-ce qu’on fait », pas à la question « qu’est-ce qu’on pense ».
[“Auriez-vous la même compréhension envers lui et exprimeriez-vous la même indignation que dans le cas de la femme voilée ? Permettez-moi d’en douter.” => Vous avez raison d’en douter parce qu’il n’y a pour moi aucune symétrie entre un T-short “la France aux Français” et le port du voile. Porter un voile n’est absolument pas l’expression aussi nette d’un rejet.]
Ah bon ? En quoi le rejet de nos règles de sociabilité exprimé par le voile est-il moins « net » que le fait de porter un T-shirt ? Combien de femmes voilées connaissez-vous qui boivent de l’alcool, mangent du porc et embrassent les hommes qu’elles connaissent sur les deux joues ?
[“Alors de deux choses l’une : ou bien la femme voilée est incapable de comprendre la portée de ses actes, et elle doit être mise sous tutelle, ou bien elle est capable de les comprendre, et alors elle doit être regardée comme responsable.”=> On en revient toujours à la même chose. Quand vous dites “comprendre”, c’est en réalité comprendre dans le même sens que vous. Or comment peut-elle comprendre puisqu’ici ni la loi ni le consensus social ne sont clairs ?]
Pardon : sur le fait que le voile constitue un rejet de nos règles de sociabilité, le consensus est clair et massif. Sur le fait que le voile « n’est pas une bonne chose », le consensus est tout aussi fort. Les gens qui pensent que le voile est tout à fait compatible avec nos règles de sociabilité et que la présence des voiles dans l’espace public est un grand progrès sont assez rares. Personnellement, je n’en connais pas une.
[Vous allez sans doute me répondre que cela justifie qu’Odoul lui explique.]
Certainement pas. A ma connaissance, Odoul n’a cherché à « expliquer » quoi que ce soit à la femme voilée. Il s’est contenté de demander à la présidence d’appliquer le règlement tel qu’il l’interprète. Je le répète : Odoul ne s’est pas un seul instant adressé à la femme voilée.
[Mais le message d’Odoul est (en tout cas dans l’oreille de la femme voilée) complètement brouillé par les réactions de ses collègues.]
Ca, ce n’est pas sa faute. On peut difficilement reprocher à un homme politique le discours incohérent de ses adversaires.
[Suite à l’intervention d’Odoul, la seule chose que comprend l’accompagnatrice, appelons la X, c’est qu’Odoul est un facho donc qu’elle a bien le droit de porter son voile. On en revient aussi aux exemples scolaires. A toutes les échelles, l’autorité ne peut qu’être contestée si elle n’est pas souveraine.]
Mais allons plus loin dans la question : Julien Odoul a exprimé son interprétation du règlement, la majorité du CR a manifesté clairement une interprétation inverse, qui donnait le droit à la femme en question le droit de porter son voile. En d’autres termes, si la femme voilée tire de cette affaire la conclusion que le consensus social lui donne le droit de paraître voilée au CR, sa conclusion est PARFAITEMENT RATIONNELLE.
Dans le contexte d’une réunion de CSP+ comme peut l’être un conseil régional, il est évident qu’Odoul allait être mis en minorité et trainé dans la boue. Aurait-il dû se taire pour autant ? Je ne le crois pas. C’est un fait qu’aujourd’hui nos « élites » – ou prétendues telles – politico-médiatiques sont prêtes à toutes les compromissions pour avoir la paix. Cela peut aller des horaires « aménagés » pour interdire la mixité, comme ce fut le cas dans une piscine à Lille, la présence des signes communautaires de plus en plus prégnante dans les enceintes publiques, chez les auxiliaires du service public et demain, ne vous faites aucune illusion, dans le service public lui-même. Faut-il garder le silence au prétexte que cette démission est « consensuelle » ?
[“Le voile per se ne vous dit donc rien sur l’identité de celle qui le porte. ”=> Mais alors je ne comprends pas ce qui vous gêne dans le port du voile. Si le voile ne dit rien sur l’identité de qui le porte, ce ne peut être un signe de repli communautaire.]
Je pense que vous confondez l’identité, qui est un fait strictement individuel, et l’appartenance à une communauté, qui est un fait collectif. Le judaïsme fait partie de mon « identité », mais je ne m’estime pas appartenir à la « communauté » juive. Et en même temps, vous pourrez trouver des gens récemment convertis au judaïsme qui participent à la vie communautaire mais qui n’ont aucune véritable « identité » juive.
Le voile ne vous dit rien sur la personne qui le porte. Comment savoir s’il le porte parce qu’il le trouve joli, pour se protéger du froid, parce que son père lui impose ou au contraire pour se rebeller contre lui, ou même parce que c’est une tradition ? Ce n’est pas le fait de porter le voile, mais le refus de l’enlever dans telle ou telle situation qui me dit quelque chose sur la volonté de la personne de se séparer de la collectivité nationale au sein d’une communauté. Imaginez-vous par exemple que la femme voilée dans l’affaire Odoul ait fait le geste d’enlever son voile en entrant dans l’enceinte du CR, pour le remettre en sortant. Le même objet aurait pris un sens totalement différent.
[Comme la République a sa part de responsabilité, elle doit être à mon sens irréprochable dans la clarté des règles imposées. Qu’il soit impossible de lui reprocher à elle ou à ses représentants un quelconque racisme. Les mots d’Odoul ne vont pas en ce sens.]
J’aimerais savoir ce qui dans les « mots d’Odoul » laissent la place à un soupçon de « racisme ».
[N’y a-t-il pour vous aucune différence entre l’expression d’une position et la formulation d’une injonction ? Si Odoul s’était contenté d’une position, (” je pense qu’il ne devrait pas y avoir de voile dans le public”), alors ma réaction n’aurait pas été la même et je ne serais pas ici en train d’échanger avec vous.]
Bien sûr que je vois une différence. Mais contrairement à vous, je pense que le politique n’est pas là pour exprimer une simple « position », mais pour pousser à l’action. Et l’action, dans ce cas, implique une injonction.
[“Il est de la compétence d’un conseiller régional de proposer au président du conseil régional une interprétation du règlement.”=> Certes, et je ne dis pas qu’odoul n’était pas dans son droit.]
Ce que je dis, c’est qu’il est non seulement dans son droit, mais dans sa fonction.
[“Vous voulez dire que la présidente du conseil aurait du demander à cette femme de se dévoiler ou de quitter la salle sans que Julien Odoul ait à le demander ?”=> Je veux dire que si j’avais été à sa place et que j’avais le soutien du CR, oui je l’aurais demandé.]
En d’autres termes, le président n’applique le règlement que s’il a « le soutien du CR » ? J’avoue que c’est une interprétation fort innovante du rôle d’un président de séance…
[Le problème ici n’est pas d’interdire le voile dans le public d’une assemblée ( j’y suis favorable), le problème est de faire semblant de l’interdire alors qu’on en a pas l’autorité. L’autorité revenant bien sûr à la présidente et à sa majorité et non à Odoul.]
Non. L’interprétation du règlement revient au président ET A LUI SEUL. Sa « majorité » n’a pas voix au chapitre. Et je ne vois pas très bien qui, dans le cas d’espèce, a « fait semblant d’interdire ». Odoul a proposé à la présidente une interprétation du règlement et lui a demandé de l’appliquer. C’est tout.
[“Je vois mal pourquoi « fuck Macron » devrait être considéré comme une violation caractérisée alors que « fuck la sociabilité française » devrait être considéré comme un geste sans conséquence.”
=> Pour vous et moi, cela semble évident. Sauf que les CR de BFC ne le comprennent pas ainsi. Que vous le voulez ou non. Et Odoul ne pouvait que l’anticiper.]
Les CR ne le comprennent pas ainsi, et du coup la femme voilée n’a pas été expulsée. Où est le problème alors ? Franchement, je ne comprends pas votre raisonnement. D’ailleurs, sur tout autre sujet l’affaire serait banale. Il y a des milliers de cas chaque année dans les différents organes délibératifs de rappels au règlement ou des élus interpellent la présidence en considérant que le règlement – dans leur interprétation – a été violé. Et c’est au président de décider si l’interprétation en question est ou non recevable. Cela peut concerner les règles de vote, l’ordonnancement de la salle des séances, l’ordre du jour, la présence de tel ou tel groupe dans les tribunes du public…
Souvent ces interpellations viennent de l’opposition, est sont rejetées par la présidence, sans qu’on trouve matière à fouetter un chat. Pourquoi faire une différence dans ce cas particulier ? Pourquoi le brouhaha, les insultes ? Parce qu’il y aurait eu une expression « raciste » ? Dans ce cas, c’est à la justice d’agir. Non, si cela fait du bruit, c’est parce que Odoul exprime ce que tout le monde pense tout bas, mais que personne n’ose dire tout haut. Parce que les CR savent très bien que si le discours d’Odoul est condamné par eux, il est au contraire approuvé par beaucoup, beaucoup d’électeurs.