La taxe carbone et l’impossible écologie sans douleur

Tout le monde aime l’écologie et les écologistes. Yann Arthus Bertrand, Nicolas Hulot ou, dans un autre registre, Daniel Cohn-Bendit sont “sympas” et adulés par les médias. Tous les politiciens (avec quelques honorables exceptions) ont repeint en vert leurs boutiques et mettent l’adjectif “écologique” à toutes les sauces. L’école se doit de parler interminablement à nos chères petites têtes blondes d’eco-responsabilité et de respect de l’environnement. La société semble s’être convertie à la nouvelle réligion de la protection de l’environnement.

Il faut dire que jusqu’à maintenant le coût de cette conversion était, du moins du point de vue de la perception publique, très réduit. Certes, la legislation foisonnante sur la protection de l’environnement a imposé aux industriels des obligations dont le coût est fatalement reporté sur le consommateur final. Certes, il a fallu subventionner les énergies “vertes” qui autrement n’auraient jamais été compétitives, et le coût de cette subvention est en dernière instance assumée, là encore, par le consommateur. Mais ces coûts restent soigneusement cachés sous la forme de transferts entre budgets publics (comme c’est le cas du transfert du nucléaire vers l’éolien pour le tarif de rachat imposé) ou dans des chaines de valeur plus ou moins complexes.

Avec la taxe carbone, pour la première fois, le prix de la préservation de la planète n’est plus une abstraction, mais une réalité tangible affectant notre pouvoir d’achat. Est-ce que les bonnes résolutions écologiques résisteront au test du portefeuille ? Car une chose est d’être éco-responsable tant qu’il s’agit de bavarder, et une autre très différente est d’assumer socialement la décision que la protection de l’environnement coûte cher, et que le payeur sera, inévitablement, le citoyen-contribuable-consommateur.

Il semblerait que ces choses n’aillent pas de soi. Le discours politique, à gauche comme à droite, est que la taxe carbone sera “compensée”. En d’autres termes, qu’on prélèvera la taxe sur le carbone, mais que la richesse ainsi prelevée doit revenir dans les poches des citoyens par des mécanismes plus ou moins complexes. Disons le tout de suite, ce raisonnement est faux: si l’on veut que la taxe soit efficace du point de vue de l’environnement, il faut nécessairement qu’elle ait un coût en termes de niveau de vie, et ce coût ne sera jamais récupéré. Voici pourquoi:

La logique de la taxe carbone est de remonter artificiellement le prix les pratiques “carbonées”, pour rendre compétitives les alternatives “écologiques”. Ainsi, par exemple, une taxe sur le fioul domestique rend économiquement rentables des travaux d’isolation qui, avec un fioul non taxé, ne seraient pas intéressants. Prenons un exemple: une famille dépense en fioul 1000 € par an. Une isolation  aurait un coût annualisé (1) de 450 €  mais lui permettrait d’économiser 40% de la facture, soit 400 €. On voit bien qu’il est plus intéressant de continuer à consommer comme avant plutôt que d’isoler.

Imaginons maintenant une taxe carbone de 20% sur le fioul: la facture de chauffage monte maintenant à 1200 € par an. L’isolation permet d’économiser 40% de cette somme, soit 480 €, alors que l’isolation, elle, n’a pas augmenté et vaut toujours en coût annualisé 450 €. Il devient intéressant d’isoler, et de ce fait on réduit les émissions de carbone de 40%. Un excellent résultat, me direz vous. Oui, mais en fait, combien notre famille paye maintenant son chauffage ? Et bien, elle a réduit de 40% sa consommation de fuel, et sa facture hors taxe s’est donc réduit de 1000 € à 600 €, auxquels il faut ajouter les 20% de taxe, soit 120 € et le 450 € de coût annualisé de l’isolation. Soit un total det 1170 € à la place des 1000 € de départ. L’Etat, quant à lui, empoche la taxe de 20% de 600 € soit 120 €.

Supposons maintenant que l’Etat, dans un élan de générosité, reverse la totalité de la taxe à la famille en question. Cela réduirait sa facture de chaufage de 1170 € à 1050 €. Notre famille aura bien réduit de 40% ses émissions, mais est  toujours perdante de 50 €. Que s’est-il passé ?

L’équilibre de marché fait que, dans l’état initial, la société choisit les alternatives les plus économiques. Dans notre exemple, la famille calcule le coût du fuel, le compare au coût de l’isolation, et choisit l’alternative la moins chère, qui dans le cas présent se trouve être aussi être la plus polluante. Ce que la taxe carbone crée en fait une distorsion de la réalité qui pousse les acteurs économiques à choisir une alternative qui n’est pas l’alternative la plus économique. Et il faut bien que la difference de prix soit assumée par quelqu’un. Pour l’exprimer d’une autre manière, la taxe carbone introduit dans l’équation un coût supplémentaire par rapport au coût du fuel et de l’isolation: c’est le coût du dommage environnemental. Mais il faut bien que ce coût soit payé par quelqu’un. Et c’est pourquoi la mise en place de la taxe carbone ne peut jamais etre une opération blanche: si nos pratiques actuelles correspondent à un choix économique rationnel, alors changer ces pratiques a nécessairement un coût. Et ce coût devra être payé in fine par quelqu’un, quelque soient les mécanismes mis en place. C’est pourquoi, quelque soit le mécanisme de “compensation” de la taxe, il restera toujours une part irréductible qui ne pourra pas être compensée.

L’écologie ne saurait être gratuite. Si nous voulons un environnement preservé, il faudra passer à la caisse. Et les politiques (de droite et de gauche) qui nous promettent une compensation totale nous trompent.

Descartes

(1) Pour simplifier le calcul, on introduit le coût de l’isolation sous forme annualisé: on divise le coût des travaux d’isolation et d’entretien de celle-ci par sa durée de vie (car une isolation n’est pas éternelle…). On obtient ainsi un cout annuel.

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Une réponse à La taxe carbone et l’impossible écologie sans douleur

  1. Jérôme dit :

    Très bonne déduction…Les émissions de CO2 des ménages proviennent essentiellement des modes de chauffage utilisés. L’isolation d’une maison dans les normes (R supérieur à 5) avec un matériel permettant un déphasage long (ouate de cellulose / laine de roche) permet, en effet de diminuer considérablement la consommation d’énergie et donc de diminuer le rejet de CO2.
    En 2009 les opérations d’isolation des toits (isolation des combles / isolation sous rampant) prennent en compte la main d’oeuvre pour le crédit d’impôts de 25 %.

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