Vœux présidentiels: pourquoi la CGT a tort

L’actualité est décidément bonne fille. A peine mon article précédent publié sur ce blog, que l’actualité donne une magnifique illustration des difficultés que pose aujourd’hui à la gauche la notion d’institution.

 

Résumé du film: la CGT, par un communiqué (consultable ici) annonce son intention de ne pas assister à la cérémonie des voeux au président de la République des “forces vives” du pays, cérémonie que le communiqué qualifie de “simulacre”. Bien entendu, à l’heure qu’il est cette décision a été applaudi par de nombreuses voix dans la “gauche radicale”.

 

Cette décision (et l’appui qu’elle a reçu) posent problème. Car la cérémonie en question, ce ne sont pas les voeux de Nicolas Sarkozy, mais les voeux du président de la République. Ce n’est pas un meeting politique, mais une cérémonie institutionnelle. Or, si le fait d’assister à un meeting politique est une manière de manifester son intérêt ou son soutien à un homme ou organisation politique, le fait d’assister à une cérémonie institutionnelle ne fait que marquer le soutien à une institution. Et de même, le refus de participer implique un rejet de l’institution, et non pas de l’homme qui l’incarne. On ne refuse pas d’assister aux commémorations du 8 mai 1945 sous prétexte que c’est Nicolas Sarkozy qui les préside. Alors, pourquoi les voeux ?

 

Dans la logique issue de notre tradition républicaine, on fait une distinction fondamentale entre les institutions et les hommes qui les incarnent.  L’homme peut être combattu et critiqué, mais l’institution, elle, mérite en toutes circonstances le respect. Cette conception n’est pas un caprice de l’histoire, mais une nécessité. Comment une démocratie pourrait-elle fonctionner si chaque groupe n’acceptait comme légitimes que les autorités qui lui sont agréables et cherchait à renverser en permanence celles qui ne lui agréent pas ? L’ordre démocratique dépend d’un consensus général pour accepter la légitimité de l’institution. Et l’homme qui l’occupe hérite de la légitimité de l’institution et des obligations qui vont avec.

 

Les tenants d’une certaine gauche ont toujours méprisé ce point de vue au motif que les institutions ne sont qu’un paravent qui dissimule les rapports de force entre classes et groupes sociaux. Ils n’ont pas tout à fait tort: il serait ridicule de nier que la démocratie fonctionne dans le cadre de ces rapports de force. Mais ils ont tort sur un point: les institutions ne sont pas inutiles pour autant. Elles sont utiles pour donner un cadre aux rapports de force et de leur permettre de s’exprimer avec un coût minimal. Plus une société progresse, plus on admet qu’il est plus rationnel de régler les conflits autour d’un tapis vert avec des règles connues et acceptées par tous que de laisser le rapport de force se manifester sur les barricades avec des morts et des blessés. Et ce sont ces “règles connues et acceptées par tous” qui constituent nos institutions. Rejeter l’institution, vouloir que les rapports de force s’expriment crûment, c’est vouloir la guerre civile. C’est à quoi rêvent un certain nombre de gauchistes qui ont oublié (ou n’ont jamais appris) que de tels épisodes ont déjà eu lieu dans notre pays, et que la classe ouvrière en a payé un prix considérable.

 

Les cérémonies républicaines, dont les voeux ne sont qu’une variante, servent à  montrer qu’il existe un consensus dans la société pour faire fonctionner ses institutions. Refuser d’y participer, c’est mettre en cause ce consensus. C’est appeler non pas à une réforme des institutions – ce qui reste totalement légitime dans une démocratie – mais à une rupture de l’ordre institutionnel, puisque cela revient à contester ici et maintenant la légitimité de l’institution qu’est la présidence de la République en la ravalant au rang de “simulacre”.

 

La CGT est-elle vraiment sur cette ligne ? A-t-elle réfléchi à la signification symbolique de son geste ? Est-ce que la CGT considère que le président n’a plus la légitimité pour gouverner et que ses décisions devraient donc être considérées comme nulles et non avenues ? Comment la CGT pourrait-elle demain négocier avec des ministres ou des autorités qui reçoivent leur pouvoir d’un président de la République qui n’est même pas digne de présider une cérémonie républicaine ?

 

Je ne le crois pas un instant. Ce “coup” médiatique de la CGT n’est qu’un avatar d’une politique de communication destinée à se singulariser des autres syndicats et de lustrer ses crédentiales “révolutionnaires” auprès de ses troupes et notamment des secteurs anarcho-syndicalistes, dont le poids à la CGT est loin d’être négligeable. Et les gauchistes qui ont applaudi le font parce que rien de ce qui est antisarkozyste ne leur est étranger. Ce qui est regrettable, c’est que la Confédération puisse sacrifier à un “coup de pub” une réflexion de fonds sur les questions institutionnelles, et qu’une bonne partie de la “gauche radicale” lui emboîte le pas bêtement, sans réaliser ce qui est en jeu. De ce point de vue, il est révélateur que le communiqué de la CGT ne porte pas de signature: on ne saura donc pas qui a pris la décision, et quels ont été les débats qui l’ont précédé.

 

Affaiblir les institutions, c’est ouvrir la porte à la domination nue et sans limite des plus forts. Nicolas Sarkozy, que cela nous plaise ou non, est président de la République par la volonté du peuple français. Boycotter les cérémonies républicaines qu’il préside revient à affaiblir l’idée même de République, qui repose sur le respect de la légitimité issue du vote populaire. Demain, lorsqu’un président de gauche sera installé à l’Elysée, que faudra-t-il répondre aux organisations de droite qui contesteront sa légitimité et boycotteront ses initiatives ? Après tout, ils ne feraient rien de plus que ce que fait la CGT aujourd’hui. Il est temps de finir avec ces enfantillages, d’arrêter de confondre un acte institutionnel avec un meeting électoral.

 

 

Descartes

 

 

 

 

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16 réponses à Vœux présidentiels: pourquoi la CGT a tort

  1. marc malesherbes dit :

    Vous écrivez:

    “Car la cérémonie en question, ce ne sont pas les voeux de Nicolas Sarkozy, mais les voeux du président de la République. Ce n’est pas un meeting politique, mais une cérémonie institutionnelle
    […] le fait d’assister à une cérémonie institutionnelle ne fait que marquer le soutien à une institution”

    En ce qui me concerne je ne donne pas le caractère de “cérémonie institutionnelle” à ces voeux. Je ne sais pas d’ailleurs depuis quand ils existent sous cette forme, mais je doute qu’ils existent
    depuis la fondation de la république (merci de m’éclairer). C’est une pratique politicienne de la présidence (sous Sarkozy, comme sous Mitterrand), et les représentants des travailleurs n’ont rien
    à y faire.

    Ces mondanités diverses servent à corrompre tous ceux qui peuvent l’être: c’est leur raison d’être.

    • Descartes dit :

      En ce qui me concerne je ne donne pas le caractère de “cérémonie institutionnelle” à ces voeux. Je ne sais pas d’ailleurs depuis quand ils existent sous cette forme, mais je doute qu’ils
      existent depuis la fondation de la république (merci de m’éclairer).

      En fait, la cérémonie des voeux est bien plus ancienne: elle date de l’ancien régime, quand les différents corps constitués se rendaient auprès du Roi pour lui faire ses voeux. Contrairement à ce
      qu’on croit, dans la logique des voeux ce n’est pas le président qui présente ses voeux, ce sont les corps qui présentent leurs voeux au président, qui ne fait que répondre.

      La cérémonie a été maintenue sous une forme pratiquement inchangée depuis le début de la IIIème République.

      C’est une pratique politicienne de la présidence (sous Sarkozy, comme sous Mitterrand), et les représentants des travailleurs n’ont rien à y faire.

      Si c’est ainsi, pourquoi la CGT a été présente sans discontinuer aux voeux présidentiels depuis la Libération (et chaque fois qu’elle a été invitée) ? N’est-ce pas un peu tard pour découvrir que
      “les représentants des travailleurs n’ont rien à y faire” ?

      Sur cette dernière formule, je ne suis pas d’accord avec toi. Il faut choisir: ou bien la lutte des travailleurs se déroule dans le cadre des institutions, et alors les représentants des
      travailleurs ont toute leur place dans les cérémonies républicaines, ou bien on décide que la lutte se déroule en dehors des institutions, et on entre dans une logique de guerre civile.

      Ces mondanités diverses servent à corrompre tous ceux qui peuvent l’être: c’est leur raison d’être.

      Encore une fois, il faut savoir ce qu’on veut. Les cérémonies républicaines servent à marquer le consensus sur les institutions. Non pas le consensus sur le fait que les institutions sont bonnes
      ou mauvaises, mais le consensus sur le fait que les institutions doivent fonctionner. Sauf à choisir la logique de guerre civile, il faut participer pour marquer le fait que les travailleurs se
      placent à l’intérieur du jeu institutionnel.

  2. marc malesherbes dit :

    merci pour l’éclairage historique.

    Comme toujours il faut être précis. Il me semble qu’une cérémonie “institutionnelle” définit les participants (ou les représentants) qui sont sensés y participer “de droit”, et ceux qui sont
    invités en surplus. Décliner une invitation quand on y est invité “de droit” n’a pas la même signification que quand ont est invité “en surplus”.

    Pour la cérémonie des voeux en question, j’ai appris que le syndicat “Solidaire” n’était pas invité. J’aimerai donc bien savoir précisément quels sont les invités de “droit”.

    D’autre part le Président présente ses voeux plusieurs fois (dont une à la TV), devant plusieurs publics. Je ne sais pas si celle ou était invité la CGT fait partie des cérémonies
    “institutionnelles” remontant aux débuts de la république.

    Enfin, même en admettant qu’il s’agissait d’une cérémonie institutionnelle dont la CGT était un participant de droit, il est toujours possible de remettre en cause une cérémonie parmi d’autres (1),
    sans remettre en cause l’ensemble de l’institution, surtout si cette cérémonie est relativement marginale.

    (1) ceci dit la position de la CGT apparaît plus “ad hominem”, et non contre le principe de cette cérémonie, ce qui va dans votre sens.

    • Descartes dit :

      Comme toujours il faut être précis. Il me semble qu’une cérémonie “institutionnelle” définit les participants (ou les représentants) qui sont sensés y participer “de droit”, et ceux qui sont
      invités en surplus. Décliner une invitation quand on y est invité “de droit” n’a pas la même signification que quand ont est invité “en surplus”.

      Dans les cérémonies institutionnelles, il n’y a pas d’invités “de droit” au sens du droit écrit. En matière de cérémonie, c’est celui qui organise la cérémonie qui décide qui est invité. Cela
      étant dit, il y a quand même une tradition. Le fait d’inviter ou pas une organisation a aussi un sens: l’inviter implique lui reconnaître un rôle institutionnel, ne pas l’inviter implique lui
      refuser ce rôle. Et symmétriquement, le fait pour un invité de répondre positivement à une invitation implique se placer à l’intérieur du jeu institutionnel, la refuser, de se placer à
      l’extérieur. La CGT a été invitée aux voeux (et y a toujours assisté) depuis 1947. Difficile de faire plus “de droit”…

      Imaginons un instant que Sarkozy eut choisi de ne pas inviter la CGT… je suis sur que la direction de la CGT aurait hurlé. Ils auraient dit qu’exclure la première organisation représentative
      des salariés du jeu institutionnel est un affront, et ils auraient eu raison. Cela rend d’autant plus incompréhensible leur décision de ne pas accepter l’invitation.

      Pour la cérémonie des voeux en question, j’ai appris que le syndicat “Solidaire” n’était pas invité. J’aimerai donc bien savoir précisément quels sont les invités de “droit”.

      Ce n’est pas irrationnel. Après tout, “Solidaire” a toujours refusé le jeu institutionnel. Quel sens y aurait-il à les inviter à une cérémonie institutionnelle ?

      D’autre part le Président présente ses voeux plusieurs fois (dont une à la TV), devant plusieurs publics. Je ne sais pas si celle ou était invité la CGT fait partie des cérémonies
      “institutionnelles” remontant aux débuts de la république.

      Je ne saurais pas te dire. Il faudrait savoir depuis quand la représentation syndicale est considérée comme l’un des “corps constitués” de la Nation. Cela date à mon avis au moins de la
      Libération, sinon plus tôt. J’ajoute qu’il ne faut pas confondre les voeux télévisés du président, où c’est le président qui présente ses voeux aux français, avec les cérémonies des voeux des
      corps constitués, ou ce sont les “corps” qui présentent leurs voeux au président…

      Enfin, même en admettant qu’il s’agissait d’une cérémonie institutionnelle dont la CGT était un participant de droit, il est toujours possible de remettre en cause une cérémonie parmi
      d’autres (1), sans remettre en cause l’ensemble de l’institution, surtout si cette cérémonie est relativement marginale.

      Oui, lorsque la cérémonie en question a une signification particulière. Par exemple, on peut boycotter la cérémonie d’entrée de X au Panthéon si l’on estime que X ne mérite pas pareil honneur.
      Mais dans le cas présent, ce que la CGT conteste dans son communiqué n’est pas le contenu de la cérémonie elle même, mais la légitimité de l’institution présidentielle pour
      l’organiser.

  3. Bonsoir,

    Et tout d’abord, bonne année.

    Je ne vois pas bien ce qu’il y a de choquant dans l’attitude de la CGT: après tout, la politique de la “chaise vide” n’est pas nouvelle. Est-ce que la CGT conteste les institutions? Je ne le crois
    pas. Et qui le croit? Mais il faut toujours se replacer dans le contexte. La bataille des retraites a été dure. A certains égards, la CGT a perdu son bras de fer. Cela peut être ressenti comme une
    humiliation par l’organisation syndicale. Dans, ces conditions, la CGT a pu estimer que se rendre à cette cérémonie serait encore un affront. Et vu le discours tenu par le président, je ne donne
    pas tort à la CGT.

    Je pense que le respect des institutions, et de la fonction présidentielle dans ce cas, ne doit pas empêcher de temps à autre quelque coup d’éclat (bien inoffensif en l’occurence…). Ne nous
    enfermons pas dans un conformisme cérémoniel rigide. Evidemment, si la CGT insulte le président, le menace ou lui lance une tomate à la figure, c’est inadmissible: là, l’institution est attaquée.
    Mais ici, c’est un geste symbolique, qui a un sens et qui n’est en rien choquant. Après, on peut en effet penser que le syndicat a tort.

    Une démocratie trop apaisée et trop consensuelle, je suis désolé de le dire, c’est une démocratie morte. Or, la démocratie a besoin de débats, de contradictions, d’affrontements idéologiques, osons
    l’expression. On ne peut pas parler de “lutte des classes”, terme fort, et reprocher à un syndicat de boycotter une cérémonie officielle, parce que, mon dieu, ça ne se fait pas, ça fait mal
    élevé… La CGT ne prépare pas de coup d’Etat armé! La “chaise vide” est une mesure de représaille, c’est de bonne guerre. Ce n’est pas un crime que d’être mauvais perdant…

    • Descartes dit :

      Tout d’abord, bonne année à toi aussi.

      Je ne vois pas bien ce qu’il y a de choquant dans l’attitude de la CGT: après tout, la politique de la “chaise vide” n’est pas nouvelle.

      Certaienement. Mais il y a chaise vide et chaise vide. Lorsqu’on laisse la chaise vide dans un acte politique (une négociation, par exemple), on manifeste ainsi le rejet du cadre ou de la manière
      dont la négociation est organisée. Mais quel message transmet-on lorsqu’on pratique la chaise vide non pas à un acte politique mais à un acte civique, dont le seul but est justement de manifester
      l’adhésion à un ordre institutionnel ?

      Est-ce que la CGT conteste les institutions? Je ne le crois pas.

      Moi non plus. C’est pourquoi il est idiot de faire semblant, surtout pour faire plaisir aux franges “gauchistes” de la confédération.

      Mais il faut toujours se replacer dans le contexte. La bataille des retraites a été dure. A certains égards, la CGT a perdu son bras de fer. Cela peut être ressenti comme une humiliation par
      l’organisation syndicale.

      Une institution (et la CGT en est une) ne peut pas entrer dans la logique imbécile de l’humilliation et de la vengeance. On exige des policiers qu’ils aient un comportement conforme à l’éthique
      de leur institution alors même qu’ils se font insulter et attaquer physiquement. La même chose vaut pour les syndicalistes: dès lors qu’on se place à l’intérieur du jeu institutionnel, on ne peut
      pas prendre prétexte d’une “humiliation” pour en sortir.

      Je pense que le respect des institutions, et de la fonction présidentielle dans ce cas, ne doit pas empêcher de temps à autre quelque coup d’éclat (bien inoffensif en l’occurence…).

      Un jacobin comme toi devrait savoir que les symboles ne sont jamais “inoffensifs”. Cette affaire n’est qu’une dans une longue série d’incidents qui montrent l’ambiguïté de la gauche envers les
      institutions. Et à chaque fois, on cède à ceux qui – consciemment ou pas – poussent à la guerre civile dans le langage.

      Ne nous enfermons pas dans un conformisme cérémoniel rigide. Evidemment, si la CGT insulte le président, le menace ou lui lance une tomate à la figure, c’est inadmissible: là, l’institution
      est attaquée.

      Je ne saisis pas la différence: refuser l’invitation du président en le traitant de “simulacre”, n’est ce pas aussi l’insulter ? Je laisse de côté le lancer de tomates, qui est, lui, une
      agression physique.

      Une démocratie trop apaisée et trop consensuelle, je suis désolé de le dire, c’est une démocratie morte. Or, la démocratie a besoin de débats, de contradictions, d’affrontements idéologiques,
      osons l’expression.

      Je suis d’accord. Seulement, il y a une place pour chaque chose. Les cérémonies civiques ne sont pas un lieu “de débat, de contradiction, d’affrontement”. Ce sont au contraire des enceintes où
      l’on réaffirme une unité, un consensus qui permet justement qu’il y ait “débat, contradiction, affrontement” sans que cela dégénère en guerre civile.

      On ne peut pas parler de “lutte des classes”, terme fort, et reprocher à un syndicat de boycotter une cérémonie officielle, parce que, mon dieu, ça ne se fait pas, ça fait mal élevé…

      Ce n’est pas parce que “ça ne se fait pas” ou parce que “ça fait mal élevé”. C’est parce que c’est contraire à tout ce que la CGT défend. Si la CGT veut se positionner en dehors des institutions
      et revenir à l’anarcho-syndicalisme, c’est son droit. Mais la CGT proclame depuis plus de soixante ans le contraire. Non seulement elle assiste aux cérémonies civiques chaque fois qu’elle est
      invitée, mais elle proteste hautement lorsque, par volonté ou par erreur on oublie de l’inviter. Alors, faut savoir: on peut pas chasser avec les chiens et courir avec le lièvre.

      Je te demande sérieusement: quelle serait ta réaction si demain la CGT n’était plus invitée à aucune cérémonie civique ? Et pourtant, ce serait le plus logique: à quoi bon convier un invité qui
      juge une telle invitation “un simulacre” ?

  4. JCM dit :

    Passionnante vos analyses.Concernant la non invitations de solidaires, je crois que l’ETAT ne reconnait officiellement que les 6 syndicats confédérés.CGT,FO ,CFDT,CFDT,CFTC,CGC.
    NS à manquer de respect aux représentants des salariés par exemple les retraites:il a organisé plein de consultations mais aucune NEGOCIATION.Pour les petites gens comme moi j’ai vécu cela comme
    une vraie humiliation et pour moi,après cette gifle ce rendre à cette cérémonie serait tendre la deuxième joue.Je veux être respectueux des institutions mais je croix que NS est un monarque qui lui
    ne les respecte plus .

    • Descartes dit :

      Concernant la non invitations de solidaires, je crois que l’ETAT ne reconnait officiellement que les 6 syndicats confédérés.CGT,FO ,CFDT,CFDT,CFTC,CGC.

      Il ne faut pas confondre la question de la représentativité syndicale et celle de la “reconnaissance officielle”. Aucun texte ne fixe la liste des organisations syndicales que le président peut
      inviter à la cérémonie des voeux.

      NS à manquer de respect aux représentants des salariés par exemple les retraites:il a organisé plein de consultations mais aucune NEGOCIATION

      Là n’est pas le problème. Ce n’est pas NS qui invite aux voeux, c’est le président de la République. Il ne faut pas confondre la personne et l’institution. Si la CGT boycotte les prochaines
      rencontres politiques ou négociations avec le gouvernement pour protester contre l’attitude de NS, cela me paraîtrait tout à fait normal. Mais boycotter une cérémonie civique, non.

      Je veux être respectueux des institutions mais je croix que NS est un monarque qui lui ne les respecte plus.

      Le président de la République mérite le respect parce qu’il a reçu mandat du peuple français. Indépendement des actes personnels de celui qui l’occupe. Si l’on n’apprend pas à faire la
      distinction entre l’institution et la personne qui l’incarne, on est mal barrés.

  5. Se rendre à la cérémonie des vœux du nouvel an serait « manifester l’adhésion à un ordre institutionnel » ? L’expression me paraît bien forte pour une cérémonie que moi je qualifierai
    d’insignifiante. De plus, tu as dit que, en réalité, ce sont les corps constitués qui présentent leurs vœux. Donc, le président invite la CGT pour qu’elle lui souhaite la bonne année ? Mais la CGT
    a le droit de ne pas vouloir présenter ses vœux au président… Sans pour autant appeler à la guerre civile.
    “Logique imbécile de l’humiliation et de la vengeance” : désolé, mais je ne vois rien d’ « imbécile » là-dedans. Qu’on le veuille ou non, l’amour-propre est une réalité humaine, et je ne vois pas
    au nom de quoi les dirigeants et les militants CGT devraient renoncer au leur. L’amour-propre, c’est aussi ce qui permet de vivre dans la dignité. Je n’imagine pas qu’on puisse faire preuve de
    civisme sans amour-propre. Je récuse le terme de « vengeance », car l’attitude de la CGT (et c’est là notre désaccord) s’inscrit justement dans les institutions, de mon point de vue. OK, cette «
    chaise vide » ne rime à rien dans le fond, mais c’est une façon pour la CGT de montrer officiellement (presque « institutionnellement » !) son mécontentement, sans troubler la paix publique comme
    ce serait le cas en organisant des manifestations qui pourraient déboucher sur des émeutes, par exemple. Préfères-tu une chaise vide ou l’entraînement de commandos armés cégétistes en vue
    d’attaquer l’Elysée au bazooka ? Et puis, on n’est pas non plus dans une vendetta corse ! J’ajouterai malicieusement que le chef de l’Etat est le premier à faire preuve d’une susceptibilité
    pointilleuse… Peut-être que si le détenteur de la magistrature suprême respectait un peu mieux sa fonction, il forcerait un peu plus le respect…
    Tu évoques les policiers, on ne saurait comparer les deux : les policiers sont des fonctionnaires, des représentants de l’Etat dépositaires d’une part de son autorité, ils sont armés et en charge
    de la sécurité publique. La CGT (comme tout syndicat) n’est pas un corps de la fonction publique, elle ne représente pas l’Etat, ne possède donc aucune véritable autorité politique et son rôle est
    en définitive fixé par l’Etat à travers la loi et la place qu’il accorde (ou pas) aux syndicats dans les négociations. J’ajoute que la CGT n’a pas d’armes (du moins j’espère…).
    C’est l’invitation qui est un « simulacre », pas le président. Où est l’insulte ?
    “Je te demande sérieusement: quelle serait ta réaction si demain la CGT n’était plus invitée à aucune cérémonie civique ?”
    Ce serait logique : quand on refuse une invitation, il faut s’attendre à ne plus être invité. Je n’ai aucune affection pour la CGT, même si je comprends sa position. Si les dirigeants de ce
    syndicat sont responsables, j’espère qu’ils ont mesuré les conséquences de leur décision.
    “Si l’on n’apprend pas à faire la distinction entre l’institution et la personne qui l’incarne, on est mal barrés.” Ben oui, mais la V° République, c’est le choix d’une présidentialisation du
    pouvoir, accentuée par le quinquennat. Et la présidentialisation entraîne une personnalisation croissante du pouvoir… Donc Nicolas Sarkozy et le président, ou le président et Nicolas Sarkozy, ce
    sont les mêmes jusqu’en 2012 (au moins). L’idée de les distinguer, c’est beau, mais c’est de la rhétorique. Dans les faits… Comment critiquer Nicolas Sarkozy sans critiquer le président et
    affaiblir la « prestigieuse » fonction ? Explique-moi ta méthode…
    Le « respect de l’institution » se limite à ne pas diffamer, insulter grossièrement, agresser ou tenter de tuer le détenteur de la magistrature suprême. A cela s’ajoute : respecter les lois qu’il
    promulgue (même si on les désapprouve) et reconnaître l’autorité des ministres, préfets, généraux… qu’il nomme. Point à la ligne. Nicolas Sarkozy est le président légitime de la France. Mais on
    pourrait lui reprocher de diviser plus que de rassembler (ce qui est, paraît-il, son rôle). Alors, n’est-il pas le premier à se jouer des institutions ?

    • Descartes dit :

      Mais la CGT a le droit de ne pas vouloir présenter ses vœux au président… Sans pour autant appeler à la guerre civile.

      Pas vraiment. La CGT peut mettre ce qu’elle veut dans ses “voeux”. Son “voeu” peut être que Sarkozy change de politique ou qu’il se casse une patte. Mais refuser de les présenter alors
      qu’on y est invité, c’est à dire, refuser de répondre au président de la République, c’est rejeter la légitimité de l’institution elle même. Et une fois qu’il n’y a plus d’institution,
      on est dans un contexte où seule la force compte: c’est la guerre civile.

      “Logique imbécile de l’humiliation et de la vengeance” : désolé, mais je ne vois rien d’ « imbécile » là-dedans. Qu’on le veuille ou non, l’amour-propre est une réalité humaine, et je ne vois
      pas au nom de quoi les dirigeants et les militants CGT devraient renoncer au leur.

      Moi non plus. Mais il faut faire la différence entre les dirigeants et les militants de la CGT, qui en tant que personnes ont des passions (l’amour propre, la haine, l’amour…) d’une part, et la
      CGT et ses dirigeants en tant qu’institution. Et les institutions n’ont pas d’amour propre.

      Pour illustrer ce propos, prends le cas de Sarkozy répondant au geste insultant d’un citoyen “casse toi pauvre con”. Comme tu dis, “l’amour propre est une réalité humaine”. Pourquoi alors
      demander à Nicolas Sarkozy, personne humaine, de “renoncer” à l’exprimer ? Parce que Nicolas Sarkozy n’est pas allé au salon de l’agriculture en tant que personne, mais en tant qu’il incarne une
      institution. Et qu’une institution ne peut pas rentrer dans la logique de l’honneur et commencer à insulter les gens.

      Préfères-tu une chaise vide ou l’entraînement de commandos armés cégétistes en vue d’attaquer l’Elysée au bazooka ?

      Et pourquoi pas comparer à la bombe atomique, puisque t’y est ? L’alternative, ce n’est pas la chaise vide ou le bazooka. Je dirai même que la chaise vide et le bazooka sont tous les deux du même
      côté de l’alternative. L’une prépare – symboliquement – l’autre. Il n’y a qu’un pas (que beaucoup franchisent dejà) entre contester la légitimité du gouvernant et le qualifier de tyran. Et de là
      à l’idée qu’on est légitime à abattre le tyran, il n’y a pas loin…

      Peut-être que si le détenteur de la magistrature suprême respectait un peu mieux sa fonction, il forcerait un peu plus le respect…

      Le général De Gaulle avait un respect pointilleux pour sa fonction, et cela n’a pas empêché le major de l’Ecole Normale de refuser de lui serrer la main en mai 1968 (il faut lire le paragraphe de
      Debray sur ce sujet dans “A demain De Gaulle”). L’anti-institutionnalisme a commencé bien avant l’élection de Sarkozy. D’une certaine manière, le comportement de Sarkozy est le résultat de cet
      anti-institutionnalisme. Sans cette idéologie pernicieuse selon laquelle les institutions symboles ne servent à rien, Sarkozy n’aurait peut-être pas été élu.

      Tu évoques les policiers, on ne saurait comparer les deux : les policiers sont des fonctionnaires, des représentants de l’Etat dépositaires d’une part de son autorité, ils sont armés et en
      charge de la sécurité publique. La CGT (comme tout syndicat) n’est pas un corps de la fonction publique,

      Non, mais elle est une institution. Au même titre que la police, l’armee, la magistrature, les églises et l’Etat lui même. Ton commentaire est intéressant parce qu’il montre justement le poids de
      cette idéologie anti-institutionnelle. Tu sembles croire que l’Etat est la seule institution, ou du moins le père de toutes les institutions. Ainsi par exemple, tu écris:

      [Le rôle de la CGT] est en définitive fixé par l’Etat à travers la loi et la place qu’il accorde (ou pas) aux syndicats dans les négociations.

      Et bien non. Le “rôle” de la CGT est celui qu’une longue histoire institutionnelle, faite de luttes, de débats, d’avancées et de reculs lui donne. L’Etat n’a rien à voir là dedans. Si la CGT a
      décidé de s’engager dans la lutte contre l’occupant (et c’est l’un des éléments qui lui ont donné sa place dans la société), ce n’est pas à l’initiative de l’Etat. L’Etat fournit, par la loi, le
      cadre à l’intérieur duquel les institutions évoluent. Mais les institutions ont une existence propre, distincte de lui.

      C’est l’invitation qui est un « simulacre », pas le président. Où est l’insulte ?

      Non. C’est la cérémonie elle même qui est qualifiée de “simulacre”. Or, quelle est la différence entre une cérémonie civique “véritable” est un “simulacre” ? Ne serait-ce la légitimité de ses
      participants ?

      Comment critiquer Nicolas Sarkozy sans critiquer le président et affaiblir la « prestigieuse » fonction ? Explique-moi ta méthode…

      C’est très simple: en choisissant soigneusement les occasions et les termes. Pratiquer la politique de la chaise vide à une négociation où à une réunion où l’on discute politique, c’est critiquer
      la personne (c’est à dire, la manière dont il exerce sa fonction). Refuser d’assister à une cérémonie civique (les voeux, le 11 novembre, le 8 mai…) c’est affaiblir la fonction. Dire “Sarkozy
      est un mauvais président”, c’est critiquer l’homme. Dire “Sarkozy est illégitime”, c’est affaiblir la fonction.

      Le « respect de l’institution » se limite à ne pas diffamer, insulter grossièrement, agresser ou tenter de tuer le détenteur de la magistrature suprême. A cela s’ajoute : respecter les lois
      qu’il promulgue (même si on les désapprouve) et reconnaître l’autorité des ministres, préfets, généraux… qu’il nomme. Point à la ligne.

      Ce serait dejà pas mal, mais je crois que tu oublies l’aspect symbolique. Respecter une institution, c’est aussi se plier à un certain nombre d’obligations symboliques. Assister lorsqu’on vous
      invite à une cérémonie civique est la moindre des choses.

      Nicolas Sarkozy est le président légitime de la France. Mais on pourrait lui reprocher de diviser plus que de rassembler (ce qui est, paraît-il, son rôle). Alors, n’est-il pas le premier à se
      jouer des institutions ?

      En d’autres termes, “madame, c’est lui qui a commencé…”. Laissons ce genre d’argument aux cours de récréation. Ce n’est pas parce que NS ne respecte pas les institutions qu’il faut
      faire de même.

  6. « Refuser de les présenter alors qu’on y est invité, c’est à dire, refuser de répondre au président de la République, c’est rejeter la légitimité de l’institution elle-même. » C’est ton point de
    vue et je le respecte. Mais je pense que tu as tort et que tu es excessif. A te lire, j’ai l’impression que le geste de la CGT va provoquer une guerre civile. Je n’en crois rien et je trouve que tu
    exagères. Des scènes de guerre urbaine, il y en a en France parfois : elles opposent policiers et voyous, et non les forces de l’ordre aux cégétistes.
    « Et les institutions n’ont pas d’amour propre. » Dans l’idéal sans doute, mais c’est un vœu pieux. Car, tu le dis ensuite : « il [Nicolas Sarkozy] incarne cette institution ». Là est tout le
    problème : les institutions sont incarnées par des hommes, et il est inévitable qu’ils amènent avec eux leurs passions, haines… Qu’ils tâchent de les limiter, c’est là leur devoir. Qu’ils y
    renoncent totalement me paraît utopique. En parlant d’ « incarnation » tu reconnais que l’institution se fait homme. Donc l’homme et l’institution se trouvent mêlés au point que distinguer l’un de
    l’autre est en réalité difficile, même si la méthode que tu proposes est sage, je pense qu’elle est difficile à appliquer en permanence. J’ajoute que la nature de la fonction présidentielle, et la
    logique de la V° République, renforcent sa personnalisation. Plus que pour toute autre fonction, c’est véritablement l’homme qui donne (ou pas) le lustre et qui inspire le respect de
    l’institution.
    « Et pourquoi pas comparer à la bombe atomique, puisque t’y est ? » Parce qu’une bombe atomique rendrait Paris invivable à cause du nuage radioactif. Or le siège de la CGT est à Paris, non ? Le but
    d’un coup d’Etat n’est pas de rayer la capitale de la carte mais de s’emparer du siège des institutions pour les contrôler.
    « Il n’y a qu’un pas (que beaucoup franchissent déjà) entre contester la légitimité du gouvernant et le qualifier de tyran. » Je n’ai pas qualifié M. Sarkozy de tyran, et la CGT non plus. Pas de
    procès d’intention, car rien n’est pire que de prétendre interpréter les sous-entendus présumés des autres. « Beaucoup » : qui ça ? Les gauchistes du NPA ? Ils sont plus bruyants que nombreux… En
    revanche, lorsque des dirigeants socialistes accusent Nicolas Sarkozy de « tenir des discours fascistes, comme celui de Grenoble » (propos de Mme Vallaud-Belkacem, conseillère de Ségolène Royal) ou
    d’être « un danger pour la démocratie », c’est infiniment plus grave que l’absence de la CGT aux vœux ! Et là, je suis d’accord, c’est l’institution, et même la République, qui est insultée.
    « Tu sembles croire que l’Etat est la seule institution, ou du moins le père de toutes les institutions. » Oui, car c’est l’Etat (jusqu’à preuve du contraire) qui a autorisé les syndicats en 1884,
    si je ne me trompe. Avant, il y avait l’Etat et pas de syndicat. L’Eglise catholique a acquis un caractère officiel lorsque les empereurs convertis lui ont accordé cette place. Avant l’Eglise
    n’était rien… Mais l’Etat romain était là. Certes, l’Eglise a survécu à l’empire, mais qui a institué l’autre ? Un syndicat n’est pas une institution, parce que sa légitimité est discutable :
    pourquoi les salariés qui ne sont pas membres ou sympathisants de la CGT reconnaîtraient-ils à celle-ci le droit de négocier en leur nom ? En revanche, je reconnais à M. Sarkozy la légitimité de
    signer des traités et promulguer des lois en mon nom et en celui des autres citoyens, pourtant je suis hostile à une bonne part de sa politique. Un syndicat n’est rien d’autre qu’un groupe de
    pression organisé, auquel le passé donne un certain poids. Mais je ne considère pas la CGT comme une institution, pas plus que l’UIMM n’en est une.
    « C’est aussi se plier à un certain nombre d’obligations symboliques. » Lesquelles ? Il y a une liste officielle ? Qui est en mesure de la dresser ?
    « Assister lorsqu’on vous invite à une cérémonie civique est la moindre des choses. » Ah bon ? C’est un point de vue contestable. D’abord, les vœux comme « cérémonie civique », je ne suis pas
    d’accord. C’est un usage qui n’a rien de véritablement officiel, contrairement à la fête nationale ou aux commémorations ayant lieu les jours fériés (11 novembre, 8 mai…). D’autre part, le terme
    même d’ « invitation » m’interpelle. « Invitation », le mot ne contient-il pas en lui la possibilité de refuser ? Ou bien cette possibilité est-elle fictive et l’emploi du terme relève-t-il d’une
    politesse masquant une contrainte de fait ? Invitation n’est pas obligation.
    « En d’autres termes, “madame, c’est lui qui a commencé…”. Laissons ce genre d’argument aux cours de récréation. » Eh ! Je suis prof, les cours de récré, ça me connaît ! Enfin, je trouve qu’au
    nom de la sacro-sainte fonction (pour laquelle j’ai du respect quoi que tu en penses), tu pardonnes beaucoup à Nicolas Sarkozy. Sa responsabilité est sans commune mesure avec celle de la CGT :
    dois-je te rappeler qu’il représente le pays ? Il est le premier à devoir montrer l’exemple. Son comportement ne force pas toujours le respect. Et, personnalisation de la fonction oblige, cette
    dernière s’en ressent… Mais sache que je le déplore.

    • Descartes dit :

      A te lire, j’ai l’impression que le geste de la CGT va provoquer une guerre civile.

      Ce n’est pas ce que j’ai dit. Mais je pense que le geste de la CGT participe de la tendance d’un secteur gauchiste à utiliser à tort et à travers le langage de la guerre civile. Or, ce langage
      est dangereux parce que cans la tête de certains cela peut justifier beaucoup de choses. N’oublions pas Action Directe…

      « Et les institutions n’ont pas d’amour propre. » Dans l’idéal sans doute, mais c’est un vœu pieux. Car, tu le dis ensuite : « il [Nicolas Sarkozy] incarne cette institution ». Là est tout le
      problème : les institutions sont incarnées par des hommes, et il est inévitable qu’ils amènent avec eux leurs passions, haines… Qu’ils tâchent de les limiter, c’est là leur devoir. Qu’ils y
      renoncent totalement me paraît utopique.

      Peut être que les hommes ne réussiront pas toujours à laisser de côté leurs passions et leurs haines lorsqu’ils incarnent une institution. Mais je pense qu’ils doivent s’efforcer de le faire. Et
      la meilleure façon de s’assurer qu’ils fassent cet effort, c’est de les critiquer impitoyablement lorsqu’ils manquent à ce devoir. On le fait régulièrement lorsque Sarkozy dit à un citoyen “casse
      toi pauv’con”, je ne vois pas pourquoi on devrait être plus tolérant avec B. Thibaut.

      « Il n’y a qu’un pas (que beaucoup franchissent déjà) entre contester la légitimité du gouvernant et le qualifier de tyran. » Je n’ai pas qualifié M. Sarkozy de tyran, et la CGT non
      plus.

      C’est discutable. Qu’est ce que c’est qu’un gouvernant illégitime, sinon un tyran ? Il faut se décider: si le président est le légitime représentant du peuple français, refuser son invitation
      revient à insulter le peuple. Et si le président n’est pas légitime, il usurpe sa fonction et il est donc un tyran. Le geste de la CGT va bien plus loin que la simple “chaise vide” à une
      négociation…

      En revanche, lorsque des dirigeants socialistes accusent Nicolas Sarkozy de « tenir des discours fascistes, comme celui de Grenoble » (propos de Mme Vallaud-Belkacem, conseillère de Ségolène
      Royal) ou d’être « un danger pour la démocratie », c’est infiniment plus grave que l’absence de la CGT aux vœux !

      Non. Le discours de Grenoble est un discours politique, et en tant que tel il peut être critiqué sans porter atteinte à la fonction de celui qui le prononce. Je répète,
      il y a une différence entre les actes politiques et les actes civiques du chef de l’Etat.

      Oui, car c’est l’Etat (jusqu’à preuve du contraire) qui a autorisé les syndicats en 1884, si je ne me trompe. (…) L’Eglise catholique a acquis un caractère officiel lorsque les empereurs
      convertis lui ont accordé cette place. Avant l’Eglise n’était rien…

      Le fait que l’Etat autorise une catégorie d’institutions n’implique pas que l’Etat en soit le créateur. Par ailleurs, lorsque l’Etat a interdit les syndicats en 1940, ils n’ont pas disparu pour
      autant. Tu confonds, j’ai l’impression, le statut juridique d’une institution (qui est accordé par l’Etat) avec l’institution elle même. L’Eglise catholique “n’était rien” juridiquement dans
      l’Empire Romain avant Constatin. Mais c’était une institution quand même. Il y a des institutions qui sont même plus anciens que l’Etat (le langage, la filiation…). 

      Un syndicat n’est pas une institution, parce que sa légitimité est discutable

      Ce qui fait une “institution”, ce n’est pas le fait que sa “légitimité soit indiscutable”. Une institution est une construction sociale qui adquiert une personnalité propre, distincte des hommes
      qui l’incarnent. Ainsi, le mariage est une institution, parce qu’il possède des règles qui ne résultent pas de l’accord des mariés (ou de qui que ce soit d’autre) mais qui sont “instituées” par
      la société. Le langage est une institution, parce que nous n’avons pas le choix des règles et des mots, ils sont imposés par l’histoire. Dès lors que les adhérents à une organisation admettent
      que celle-ci edicte des règles qui leur sont applicables, elle devient une institution. Et la CGT est une institution: la preuve en est que lorsque le secrétaire général de la CGT appelle à une
      grève, des gens arrêtent de travailler. Alors que si M. Bernard Thibaut appelle à titre personnel à arrêter le travail, tout le monde s’en fout.

      « C’est aussi se plier à un certain nombre d’obligations symboliques. » Lesquelles ? Il y a une liste officielle ? Qui est en mesure de la dresser ?

      En général, elles sont fixées soit par la loi, soit par la coutume. 

      « Assister lorsqu’on vous invite à une cérémonie civique est la moindre des choses. » Ah bon ? C’est un point de vue contestable. D’abord, les vœux comme « cérémonie civique », je ne suis pas
      d’accord. C’est un usage qui n’a rien de véritablement officiel,

      Un usage constant est source de droit… et la CGT a assisté aux voeux chaque fois qu’elle a été invitée. S’il ne s’agit ps d’une cérémonie civique mais d’une manifestation politique, il faudra
      m’expliquer le sens de cette assiduité.

      D’autre part, le terme même d’ « invitation » m’interpelle. « Invitation », le mot ne contient-il pas en lui la possibilité de refuser ?

      A ma connaissance, le président n’a pas envoyé les gendarmes pour amener B. Thibaut manu militari, non ? Bien sur qu’on peut refuser. Mais en refusant, on envoie un message: on ne reconnait pas
      la légitimité de l’institution qui invite. La réponse de la CGT est par ailleurs parfaitement claire là dessus.

       

       

  7. Mon cher Descartes,

    Je ne résiste pas à l’envie d’utiliser l’actualité récente: puisque cet article était consacré au respect des institutions, que penses-tu de la “sortie” de Nicolas Sarkozy sur la justice, suite à
    l’affaire Laetitia? J’avoue que je m’interroge à nouveau sur le respect dû à notre président. Comme je dis toujours à mes élèves, vous n’êtes en droit de réclamer le respect que si vous-mêmes en
    faites preuve…
    Il me semble qu’ici, on est au-delà du “c’est lui qu’a commencé!”.
    Ton avis, toujours pertinent, m’intéresse.

    Bien à toi.

    • Descartes dit :

      Tu en poses des questions complexes…

      Je commence par la fin: le principe “vous n’êtes en droit de reclamer le respect que si vous mêmes en faites preuve” vaut pour les individus, mais pas pour les institutions. Le respect qu’on
      accorde à une institution est un respect qu’on accorde à celui qui l’a instituée, pas à celui qui l’incarne. Le président de la République doit être respecté parce qu’il est institué par le
      peuple souverain. Lorsqu’on se lève à son entrée, c’est par respect pour le peuple, pas par respect pour Nicolas Sarkozy intuitu personae.

      La problématique sous-jacente dans ta question est celle du respect que l’homme doit à l’institution dont il est lui même l’incarnation. Peut-on continuer de respecter l’institution qu’est le
      président de la République si Nicolas Sarkozy ne la respecte pas lui même ? C’est une très bonne question, à laquelle il n’y a pas de réponse évidente. Il est clair que Sarkozy ne respecte pas
      les institutions en général. En d’autres temps, ce simple fait lui aurait probablement déjà couté sont poste. Si ce n’est pas le cas, c’est précisement parce que son mépris des institutions
      rencontre l’anti-institutionnalisme des “classes bavardantes”. Lorsque les ex-soixantehuitards qui ont tiré a boulets rouges sur le décorum présidentiel de Mongénéral et considéré une grande
      conquête pour la liberté de la presse le fait de pouvoir dire des gros mots à la télévision demandent aujourd’hui du “respect pour les institutions”, ils ne sont pas crédibles. On ne peut pas
      exiger que “Le gorille” de Brassens passe sur les ondes de la radio publique (qui elle aussi est une institution) et s’indigner ensuite lorsque le président de la République critique les
      magistrats.

      Voilà un objectif “républicain” pour notre gauche: révaloriser auprès de nos concitoyens l’idée d’institution. Et cela passe par la rénonciation à cette logique facile qui consiste à dévaloriser
      l’institution quand c’est quelqu’un d’autre qui l’incarne. Lorsque le président de la République entre dans une salle, on se lève. C’est un geste de respect envers soi-même beaucoup plus
      qu’envers lui.

  8. Je suis d’accord avec toi. J’ai trouvé inadmissible que des journalistes ne se lèvent pas à l’entrée du président. Après tout, s’ils ne voulaient pas venir, qui les y obligeait? D’autant que nombre
    de publications font leurs choux gras des paroles et actes de M. Sarkozy. Avec des “Une” qui m’ont souvent donné une impression désagréable: “Cet homme est-il dangereux?”, “Menace-t-il la
    démocratie?”. Est-ce être responsable que de titrer ainsi son journal?

    Pour ma part, je pense que Nicolas Sarkozy ne menace pas la démocratie, mais je pense qu’il menace la crédibilité de l’Etat. J’ignore si c’est la première fois, mais un chef de l’Etat qui fait de
    l’anti-étatisme démagogique son fond de commerce, voilà qui est inquiétant. Et comme je te l’avais déjà dit, il est bien difficile de demander aux Français de respecter les institutions quand le
    premier d’entre eux, qui devrait être exemplaire, ne le fait pas…

    • Descartes dit :

      Pour ma part, je pense que Nicolas Sarkozy ne menace pas la démocratie, mais je pense qu’il menace la crédibilité de l’Etat.

      L’Etat en a vu d’autres. On peut même se demander si Sarkozy n’aura joué un rôle positif, en présentant aux “libéraux-libertaires” de tout poil un miroir grossissant. Il sera difficile, après
      Sarkozy, de prétendre qu’il faut un président “décontracté”, “libéré des pesanteurs” et autres balivernes.

      il est bien difficile de demander aux Français de respecter les institutions quand le premier d’entre eux, qui devrait être exemplaire, ne le fait pas…

      Le paradoxe, justement, c’est que les français dans leur immense majorité sont très respectueux des institutions, malgré toutes les avanies que les hommes politiques de droite comme de gauche
      leur font subir.

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