Le multiplicateur de bicylettes

J’ai plusieurs fois abordé dans ce blog la question du crédit bancaire, qui me semble essentielle aujourd’hui pour comprendre les origines de la crise qui nous touche. Au coeur de cette question, se trouve la problématique du “multiplicateur de crédit”.

 

Je rappelle le principe. Prenons un système où il n’y aurait qu’une seule banque. Supposons que vous déposiez 1000 € à la banque sur votre compte à vue. Vous pouvez bien entendu retirer cette somme à tout moment. Mais la banque sait que en moyenne les retraits ne représentent jamais plus de 10% des dépôts. La banque peut donc conserver seulement 8% des sommes en liquide, et prêter le reste. Sur vos 1000 €, elle conservera donc 100 € et prêtera 900 €. Seulement voilà: celui qui emprunte ces 900 € les utilise pour acheter un bien. Et le commerçant qui reçoit les 900 € s’empressera… de les déposer à la banque. La banque aura donc 900 € supplémentaires: elle gardera 10% en réserve (90 €) et prêtera les 810 € restants… et ce processus se répète à l’infini. On voit donc que la banque en fin de comptes, à partir d’un dépôt de 1000 €, arrive à prêter plusieurs fois cette somme. Le rapport entre la somme prêtée et la somme déposée (qui dépend en fait du montant des réserves que la banque est obligée de faire et de la tendance qu’ont les emprunteurs à garder une partie de leur prêt sous forme liquide) est appelé “multiplicateur de crédit”. En pratique, il varie selon les pays et les segments du marché financier entre 1,5 et 10.

 

Les gens ont tendance à croire que cette “multiplication”, qu’on assimile souvent à une “création”, ne fonctionne qu’avec de la monnaie. Qu’il s’agit au fonds d’un jeu d’écritures et qu’il serait impossible de le faire avec un bien matériel. Or rien n’est plus faux. Et il est utile de refaire le raisonnement avec un bien matériel, parce que cela permet de mieux comprendre que cette “création” n’est en fait qu’une optimisation dans l’utilisation de la monnaie existante. Je vais dnc, mesdames et messieurs du public, faire devant vous un grand tour de magie: je vais multiplier devant vos yeux ébahis des bicyclettes !

 

Imaginons une petite ville ou tout le monde roule à vélo. Monsieur X créé un garage à vélos. Les heureux propriétaires peuvent prendre un abonnement, qui leur donne droit d’amener leur engin chez Monsieur X et le laisser le temps qu’ils le souhaitent et le reprendre lorsqu’ils le veulent. Et disons que Monsieur X arrive ainsi à avoir 1000 abonnés. Mais Monsieur X remarque que son garage n’est jamais vide: certains ont besoin de leur vélo pour aller au boulot le matin, mais d’autres travaillent la nuit. Certains prennent le vélo les jours de semaine, d’autres ne l’utilisent que pendant le week-end. Et ainsi de suite. Monsieur X remarque donc qu’à chaque instant il y a toujours au moins les trois quarts des vélos des abonnés qui se trouvent au garage.

 

Et Monsieur X a alors une idée lumineuse: que se passerait-il s’il louait à l’année une partie des vélos qui lui sont confiés à des gens qui n’en possèdent pas ? Le seul problème, c’est que le propriétaire du vélo prêté peut à tout moment se présenter et demander à sortir son bien. Mais supposons que les propriétaires soient prêts à accepter de prendre un vélo qui ne serait pas forcément le leur (on reviendra sur cette hypothèse plus loin). Dans ce cas, l’idée de Monsieur X marchera à merveille. Si à chaque instant 75% des vélos se trouvent dans le garage, cela signifie que Monsieur X peut louer 750 vélos parmi ceux confiés à la garde sans craindre de ne pouvoir satisfaire l’abonné qui se présenterait pour réclamer un vélo. Monsieur X garde donc un réserve de 25% et loue a l’année le reste.

 

Etape suivante: les 750 locataires qui ont pris un vélo à l’année ont besoin d’un endroit ou garder leurs vélos. Le garage a vélos de Monsieur X leur tend précisément les bras. Les heureux locataires prennent donc des abonnements chez Monsieur X, qui reçoit donc 750 vélos supplémentaires. Mais sur ces 750 vélos… seulement le quart est de sortie à chaque instant. Ce qui laisse 562 nouveaux vélos à louer… et ainsi successivement. En renouvelant le processus, on s’aperçoit qu’il arrive un moment où il y aura plus de vélos loués qu’il n’en existe vraiment… j’ai donc crée des vélos.

 

Magique, n’est ce pas ?

 

En fait, non. Lorsqu’on regarde la question, c’est parfaitement compréhensible. Le tout est de poser les problèmes dans les bons termes. Lorsque je loue un vélo, je loue en fait la jouissance du vélo en question, et non le vélo per se. Or les deux choses sont très différentes: le propriétaire du vélo le possède 24 heures sur 24, mais n’en jouit qu’une petite partie de ce temps (25% dans mon exemple). En réservant la jouissance au propriétaire, j’organise un formidable gâchis: 75 % des capacités du bien sont perdues. Le processus de location monté par Monsieur X permet à d’autres que le propriétaire d’accéder à la jouissance du bien sans pour autant porter atteinte aux droits de celui-ci. Le processus que j’ai décrit ne “crée” pas des vélos, mais optimise l’utilisation des vélos existants en récupérant une capacité inutilisée.

 

Monsieur X pourrait même attirer plus de “déposants” en leur proposant de garder leurs vélos gratuitement (c’est ce que font les banques avec les dépôts à vue) ou même de les rémunérer s’ils acceptaient de déposer leur vélo sur des temps plus longs (ce que font les banquiers lorsqu’ils payent des intérêts). Quant au loyer payé par les locataires des vélos, c’est bien entendu… un intérêt.

 

Comme toutes les analogies, celle-ci a quelques faiblesses. La première est qu’un vélo est un objet spécifique, que son propriétaire peut reconnaître. Le propriétaire qui confie son vélo à un garage n’accepterait peut-être pas de prendre n’importe quel autre vélo à sa place. La monnaie, à l’opposé, est un bien “indifférent”: lorsque vous retirez vos dépôts d’une banque, vous ne demandez pas que la banque vous remette les mêmes billets que vous avez déposé. Mais cet élément ne change en rien l’élément explicatif de cette analogie. Comme dans le cas des vélos, le “multiplicateur de crédit” traduit une optimisation de la monnaie disponible, et non une création monétaire ex-nihilo.

 

J’ose espérer que cette petite explication montrera qu’il n’y a rien de mystérieux ou de magique dans la “création monétaire” par le biais du crédit…

 

 

Descartes

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38 réponses à Le multiplicateur de bicylettes

  1. FrédéricLN dit :

    Oui, bravo pour cette analogie. Elle éclaire l’erreur de raisonnement des plaisantins ou naïfs d’extrême-droite ou d’extrême-gauche selon qui le déficit de l’Etat pourrait être financé rien qu’en
    “créant de la monnaie”. Le problème est que, pour acheter plus (de médicaments, d’armes, de produits importés, etc.), il faut créer non pas “de la monnaie”, mais… du pouvoir d’achat. C’est-à-dire
    produire autant de valeur réelle qu’on veut en consommer.

    C’est d’ailleurs de si bon sens que les arguments “création-monétaristes” n’accrochent pas, me semble-t-il, dans l’opinion, qui suspecte à juste titre l’entourloupe.

    Et elle émet sans doute le même soupçon devant les “accords européens” qui prétendent résoudre la crise de la dette en demandant à des prêteurs 750 milliards de prêts en plus. 

    • Descartes dit :

      Oui, bravo pour cette analogie. Elle éclaire l’erreur de raisonnement des plaisantins ou naïfs d’extrême-droite ou d’extrême-gauche selon qui le déficit de l’Etat pourrait être financé rien
      qu’en “créant de la monnaie”. Le problème est que, pour acheter plus (de médicaments, d’armes, de produits importés, etc.), il faut créer non pas “de la monnaie”, mais… du pouvoir d’achat.
      C’est-à-dire produire autant de valeur réelle qu’on veut en consommer.

      Je suis d’accord avec vous sur un point: les questions financières ne doivent pas cacher les questions d’économie réelle. En dernière instance, nous ne consommons pas des billets de banque, mais
      des frigos, des voitures, des fruits et de l’électricité, et pour pouvoir les consommer il faut bien les produire. Et un pays qui consomme plus de valeur qu’il ne produit ne peut que s’appauvrir.

      Cela ne condamne nullement une politique de “monétisation” de la dette ou de financement de l’Etat en partie par “l’impôt inflationnaire” qui est la conséquence de la création de monnaie sans
      contrepartie.

      C’est d’ailleurs de si bon sens que les arguments “création-monétaristes” n’accrochent pas, me semble-t-il, dans l’opinion, qui suspecte à juste titre l’entourloupe.

      Je n’en suis pas persuadé. Les gens ont de la mémoire, et se souviennent que les “trente glorieuses” ont été en grande partie rendue possibles par une politique monétaire qui laminait les taux
      d’intérêt réels.

       

  2. FrédéricLN dit :

    Tout à fait d’accord avec vos restrictions.

    Pour reformuler mon point de vue : Jean-Luc Mélenchon, souvent honnête dans son argumentation, dit que son programme conduit à 5-6% d’inflation (annuelle ?). Mais il rejette depuis des années les
    proposition de François Bayrou au motif unique (et répété) que celui-ci accepterait 2 points de TVA supplémentaires, soit – conséquence concrète et désagréable – 1 gros % d’inflation (une
    fois pour toutes). La contradiction ne semble pas le gêner.

    Parce que dans le 2ème cas, J.-L. Mélenchon voit la difficulté à priver les ménages d’1% de leur pouvoir d’achat ; dans le 1er cas, il postule qu’en période d’inflation, les revenus augmentent
    aussi vite que les prix.

    C’est justement ce à quoi les ménages ne croiront pas, amha : si nous arrivions à décréter de l’inflation pour faire fondre notre dette, je doute que cela se fasse en augmentant les salaires des
    fonctionnaires et autres travailleurs.

    Et là encore, quand M. Sarkozy annonce que les enseignants “ne sont pas assez payés”,qui peut le créditer sérieusement de vouloir couler encore le budget en augmentant significativement les
    salaires ?

    • Descartes dit :

      Mais il rejette depuis des années les proposition de François Bayrou au motif unique (et répété) que celui-ci accepterait 2 points de TVA supplémentaires, soit – conséquence concrète et
      désagréable – 1 gros % d’inflation (une fois pour toutes). La contradiction ne semble pas le gêner.

      Je ne suis pas l’avocat de Mélenchon, mais dans le cas présent il n’a pas tout à fait tort. La hausse de prix par émission monétaire et la hausse de prix par augmentation de la TVA ne touchent
      pas également toutes les poches. La TVA est un impôt à la consommation, et son augmentation touche tous ceux qui achètent des produits de consommation. L’émission monétaire fait baisser la valeur
      de toutes les réserves d’argent. Il est vrai qu’il existe des perméabilités entre les deux, mais l’équivalence est loin d’être évidente.

      Par ailleurs, je pense que la gauche a tort de s’opposer au transfert du financement de la protection sociale du travail vers la TVA. Cela permettrait de diminuer l’effet sur la compétitivité
      intérieure des cotisations sociales…

      C’est justement ce à quoi les ménages ne croiront pas, amha : si nous arrivions à décréter de l’inflation pour faire fondre notre dette, je doute que cela se fasse en augmentant les salaires
      des fonctionnaires et autres travailleurs.

      Je ne suis pas sur d’avoir compris votre commentaire. Si vous voulez dire que la relance salariale est condamnée à l’échec, je suis d’accord avec vous. En économie ouverte, la relance salariale
      ne fait que relancer l’économie de nos voisins, puisque d’un coup elle rencherit les produits made in france et donne du pouvoir d’achat qui, du fait de cette perte de compétitivité, va
      nécessairement servir à acheter des produits étrangers.

  3. FrédéricLN dit :

    “Si vous voulez dire que la relance salariale est condamnée à l’échec, je suis d’accord avec vous.”

    Pas clair en effet. je veux dire que 1) JL Mélenchon reconnaît que la création monétaire provoquerait une
    forte hausse des prix, qu’il estime à 5-6% (par an ou ponctuelle, je ne sais pas) ; 2) il postule que les salaires augmenteront d’autant, ce qui me semble bien moins mécanique. Sans parler des
    pensions de retraite.

    Car a) l’augmentation des salaires dans le privé repose sur des rapports de force avec l’employeur, dans une économie mondialisée, b) concernant les pensions de retraite et les salaires du
    public, l’inflation créée par la monétisation ne rend pas, en elle-même, l’Etat plus riche (en monnaie courante), donc comment augmenterait-il ces salaires et pensions ?

    • Descartes dit :

      1) JL Mélenchon reconnaît que la création monétaire provoquerait une forte hausse des prix, qu’il estime
      à 5-6% (par an ou ponctuelle, je ne sais pas)

      Dans la mesure où JLM utilise l’émission pour payer la dette passée, ce serait un coup d’inflation pendant
      une période courte. Mais je suis très dubitatif quant au moyen qu’il a employé pour calculer ces chiffres.

      2) il postule que les salaires augmenteront d’autant, ce qui me semble bien moins mécanique. Sans parler
      des pensions de retraite.

      Il faudrait savoir sur quoi est fondée cette hypothèse. Elle n’est pas nécessairement fausse. Il faut d’abord
      rappeler qu’un certain nombre de salaires sont indexés sur le SMIC, et que le SMIC lui même est lié à l’inflation. Une partie de l’inflation serait donc absorbée par des augmentations salariales.
      Mais pour moi le problème n’est pas là. Admettons que comme le dit Mélenchon les salaires augmentent à la même vitesse que les prix. Si l’on avait une monnaie nationale, une telle situation
      serait benigne: l’augmentation des prix provoquerait une pression à la baisse de la parité monétaire de manière à maintenir la compétitivité de nos produits constante. Mais Mélenchon nous propose
      de garder l’Euro. Ce qui veut dire qu’une augmentation des prix de 6% ne peut être compensée par la dévaluation, et que nos produits deviendraient bien moins compétitifs !

  4. Trubli dit :

    Il y a un trou dans votre démonstration.

    La banque centrale continue à fabriquer des vélos… pardon de la monnaie.

    Sur quelle base les fabrique-t-il ces vélos ?

    Je suppose qu’elle crée cette monnaie en échange d’une dette (ex : Bons du Trésor) que lui présente les banques commerciales.

    L’effet de levier à lui-seul ne suffit pas, il faut bien une création monétaire pour répondre aux besoins de monnaie, qui peuvent aller croissant, des agents économiques.

    J’ai l’impression que pour vous, seuls les billets et les pièces constituent (liquidités) constituent la monnaie. Que faites-vous de la monnaie scripturale, ce jeu d’écriture entre la banque de
    mon employeur et ma banque ? Pour moi c’est également de la monnaie.

    • Descartes dit :

      La banque centrale continue à fabriquer des vélos… pardon de la monnaie. Sur quelle base les fabrique-t-il ces vélos ?

      Toute analogie devient absurde si on la pousse trop loin. La différence évidente entre les vélos et la monnaie est que pour fabriquer des vélos il faut dépenser de la valeur, alors que la
      fabrication de monnaie par la banque centrale est gratuite. J’avais pensé introduire dans mon analogie une banque centrale sous forme d’un fabriquant de vélos, qui serait en mesure de prêter des
      vélos à notre garagiste si celui-ci devait faire face à un retrait en masse de ses déposants… mais il est difficile de pousser l’analogie plus loin.

      Je suppose qu’elle crée cette monnaie en échange d’une dette (ex : Bons du Trésor) que lui présente les banques commerciales.

      Il ne faut pas confondre la création de monnaie par la banque centrale (qui se fait sans aucune contrepartie) et les conditions dans lesquelles cette monnaie est prêtée aux banques (en général en
      échange d’une garantie en titres bien côtés, par exemple des bons du trésor d’un pays AAA). Lorsque les banques commerciales sont solvables (c’est à dire leurs avoirs dépassent leurs dettes) mais
      illiquides (c’est à dire, elles n’ont pas assez de monnaie pour faire face aux demandes des déposants, souvent parce que le marché sur lequel elles pourraient vendre leurs avoir pour se procurer
      de la monnaie dysfonctionne) la banque centrale peut résoudre le problème en transformant les avoirs des banques (en général des titres) en monnaie. Elle n’achète pas les titres, elle les prend
      en garantie en échange de cette monnaie qu’elle peut créer en quantité illimitée.

      J’ai l’impression que pour vous, seuls les billets et les pièces constituent (liquidités) constituent la monnaie. Que faites-vous de la monnaie scripturale, ce jeu d’écriture entre la banque
      de mon employeur et ma banque ? Pour moi c’est également de la monnaie.

      Bien sur que c’est de la monnaie. Mais cette monnaie est toujours fondée à un moment où à un autre sur la monnaie émise par la banque centrale. Une banque, il faut bien le comprendre, ne peut pas
      créer de la monnaie, fut-elle scripturale, ex-nihilo. Pour créer de la monnaie scripturale, il lui faut à l’origine un dépôt en monnaie émise par la banque centrale.

       

  5. Trubli dit :

    Ma question est donc quelle est la nature de la monnaie produite par la banque centrale ?

    La banque centrale produit-elle de la monnaie scripturale ? Il me semble que oui puisque la base monétaire est composée des pièces, billets et réserves (soldes des comptes des banques dans les livres de la banque centrale)

     

    Un lien très intéressant sur la crise financière actuelle avec une critique du système actuel
    de compensation : http://www.bayard-macroeconomie.com/compensationetreglementsinterbancaires.html

    • Descartes dit :

      La banque centrale peut parfaitement fabriquer de la monnaie scripturale. Lorsqu’on parle de la “planche à billets”, c’est une formule. En fait, la banque centrale peut créér de la monnaie sans
      imprimer un seul billet. Il lui suffit de créditer sans contrepartie un compte. La banque centrale est d’ailleurs la seule qui ait la possibilité de faire cela: lorsqu’une banque crédite un
      compte, elle est obligée de présenter une contrepartie (un dépot, par exemple).

      L’article est effectivement très intéressant, bien que très technique.

  6. Comme vous le démontrez il n’y a pas création de monnaie dans le sens où la monnaie est une marchandise (un objet) qui n’est pas différente d’une bicyclette.

    Le bénéficiaire la banque n’apporte aucun srvice réel au propriétaire de l’argent ce qui n’est pas le cas du garge à vélos…

    • Descartes dit :

      Le bénéficiaire la banque n’apporte aucun srvice réel au propriétaire de l’argent ce qui n’est pas le cas du garge à vélos…

      Ce n’est pas tout à fait vrai. Sinon, expliquez moi pourquoi vous gardez votre argent à la banque, et non dans un tiroir chez vous ? Le banquier vous offre un service très réel: la garde de votre
      argent, la gestion des transactions… sans compter qu’il vous paye aussi un intérêt.

      Mais mon exemple montre aussi que le banquier – comme le garagiste – apporte un service à la société: il optimise l’utilisation d’une ressource, l’argent dans le cas du banquier, les vélos dans
      le cas du garagiste.

  7. J.Halpern dit :

    Bonjour Descartes,

    Je vois que tu “coinces” toujours sur le multiplicateur de crédit. Malheureusement ton analogie est biaisée. Si j’utilise temporairement ton vélo, tu ne peux pas t’en servir pendant que je suis
    dessus, n’est-ce pas ? Si en revanche ma banque prête plusieurs fois les réserves qu’elle possède en monnaie banque centrale, rien ne t’empêches d’utiliser cet argent en même temps que moi. c’est
    donc bien une multiplication, et non une optimisation.

    En dehors de la réglementation sur les réserves, les banques peuvent créer autant de monnaie qu’elle veulent, la seule limite est l’exigence de monnaie centrale de la part des déposants. Mais à
    un niveau élevé de confiance et d’usage de monnaie électronique, celà peut aller très loin.

    “Pour créer de la monnaie scripturale, il lui faut à l’origine un dépôt en monnaie émise par la banque centrale.” C’est à nuancer, car les banques forcent la main à la
    banque centrale. Elles émettent, et après (ou en même temps, mais leur décision étant prise) elles refinancent en monnaie centrale. Comme la banque centrale craint les effets
    macroéconomiques d’une augmentation massive et soudaine des taux, elle laisse faire… et les “bulles” peuvent alors gonfler jusqu’à explosion.

    Concernant le financement des promesses de Mélenchon (ou d’autres) : leur contenu est souvent fantaisiste mais le recours direct à la banque centrale permet d’alléger le budget d’une charge
    d’intérêt économiquement superflue puisque l’Etat n’agit pas pour un gain privé mais pour l’intérêt général (ou du moins le devrait). Il s’agit donc d’un transfert du secteur rentier vers les
    dépenses publiques. L’inflation n’est un problème que si cette création ou cette activation de monnaie pousse la production au-delà du plein emploi. Même dans ce cas, une inflation modérée purge
    un excès d’endettement à moindre frais que des procédures de défaut et faillites. Par ailleurs cette création monétaire permet de lisser dans le temps les difficultés financières transitoires
    dues à des réformes. Elle a donc beaucoup de vertus, mais comme tout remède “ne pas dépasser la dise indiquée”, et gare aux effets d’accoutumance.

    Enfin : la monnaie n’est qu’un moyen de paiement : elle ne crée elle-même aucune richesse véritable, c’est l’évidence. Quand Mélenchon dit “de l’argent, il y en a”, c’est bien entendu fallacieux
    car le problème n’est pas l’argent, mais la richesse réelle qui n’est pas extensible à volonté ! En revanche le flux monétaire est indispensable à la production et aux échanges et elle influence
    la répartition des richesses. Dans le jargon économique, elle n’est pas “neutre”. Comme elle ne fait l’objet d’aucune production, son coût est nul, ce qui rend les procédures de marché
    inefficientes à son endroit. D’où la necessité de reconstruire une procédure administrative adéquate pour fournir à bonne dose et au bon endroit ce bien public. (les banques de second rang
    conservant leur rôle d’intermédiation dans les limites des règles fixées, ce qui relève en revanche d’une procédure de marché).

    • Descartes dit :

      Je vois que tu “coinces” toujours sur le multiplicateur de crédit.

      Je ne “coince” pas. Simplement, je trouve que – comme c’est le cas pour l’ensemble des questions monétaires – c’est un domaine qui reste difficile à comprendre. Pour s’en convaincre, il suffit
      d’écouter les bêtises qui sont dites pratiquement quotidiennement par les politiques de toutes obédiences. J’ai trouvé, en discutant avec un ami économiste, une analogie qui me paraît
      intéressante pour expliquer le phénomène et surtout pour pouvoir l’interpréter. Ensuite, il est évident que comme toute analogie celle-ci a des limites.

      Malheureusement ton analogie est biaisée. Si j’utilise temporairement ton vélo, tu ne peux pas t’en servir pendant que je suis dessus, n’est-ce pas ? Si en revanche ma banque prête plusieurs
      fois les réserves qu’elle possède en monnaie banque centrale, rien ne t’empêches d’utiliser cet argent en même temps que moi.

      L’argent non plus ne peut être “utilisé” par plusieurs personnes en même temps. Imaginons un système d’une seule banque avec un seul déposant. Si je dépose 1000€ à la banque et la banque te prête
      900 € à partir de cet argent, et que nous nous présentons simultanément à la banque et exigeons qu’elle nous délivre des billets, la banque aura de sérieux problèmes. Même chose si nous achetons
      simultanément un bien (avec un chèque, par exemple) et que les deux vendeurs présentent les deux chèques à l’encaisse simultanément. Si un tel cas se produit, la banque est en faillite (ou plus
      simplement, elle doit rechercher un autre prêteur qui lui permette de faire face).

      Comme dans le cas des vélos, le système marche justement parce que tout le monde n’utilise pas son argent en même temps. Il ne faut pas confondre le fait que “rien ne t’empêche d’utiliser” avec
      l’effet d’utiliser effectivement un bien. La banque – comme le garagiste de mon exemple – fonctionne justement sur le principe que nous n’utilisons pas en permanence tous les
      biens que nous possédons. Ce qui libère un espace à l’optimisation: permettre à quelqu’un d’autre que son propriétaire d’utiliser le bien pendant que nous ne l’utilisons pas, tout en maintenant
      la fiction que nous pouvons l’utiliser à notre convenance. Pour donner un exemple plus rigolo, que se passerait-il si tu louais ta chambre à coucher pendant la journée à quelqu’un qui travaille
      de nuit ?

      En dehors de la réglementation sur les réserves, les banques peuvent créer autant de monnaie qu’elle veulent, la seule limite est l’exigence de monnaie centrale de la part des déposants.

      En effet: si les déposants ne retiraient jamais leur argent, les banques pourraient prêter à l’infini. C’est parce que ces salauds de déposants veulent de temps en temps utiliser leur argent que
      le multiplicateur de crédit devient fini… Ce que tu dis est vrai, mais c’est une tautologie. Et je te fais remarquer que mon analogie rend bien compte de ce fait: si les déposants de vélos
      n’utilisent jamais leur machine, et que ceux qui louent un vélo le déposent immédiatement au garage et ne s’en servent jamais, le garagiste serait en mesure de louer un nombre infini de vélos.

      Mais ton affirmation est tendencieuse dans le sens où elle donne l’impression que les barrières à une création monétaire illimité des banques sont faibles, alors qu’en fait elles sont liées à la
      structure même du système.

      “Pour créer de la monnaie scripturale, il lui faut à l’origine un dépôt en monnaie émise par la banque centrale.” C’est à nuancer, car les banques forcent la main à la banque
      centrale. Elles émettent, et après (ou en même temps, mais leur décision étant prise) elles refinancent en monnaie centrale.

      Non. Les banques n’ont pas la possibilité de prêter au delà de la monnaie dont elles disposent. Elles n’ont pas, en particulier, le droit de prêter “à crédit”. Je te rappelle qu’on parle des
      activités légales des banques. Si l’on rentre dans le domaine de l’illégalité, tout est “permis”.

      Comme la banque centrale craint les effets macroéconomiques d’une augmentation massive et soudaine des taux, elle laisse faire… et les “bulles” peuvent alors gonfler jusqu’à explosion.

      Si la banque centrale ne fait pas son boulot, les effets sont désastreux. Mais cela n’a rien à voir avec la question du crédit bancaire. Imaginons que l’on soit dans le système “100% monnaie” que
      tu proposes. Dans ce système, c’est la banque centrale qui règle directement la masse des crédits. Mais si elle comprime le crédit, elle provoquera exactement les mêmes effets macroéconomiques
      qu’une “augmentation massive des taux” dans le système actuel. Qu’est ce qui te fait penser que dans un tel système la banque centrale serait plus courageuse que dans le système actuel à l’heure
      de tuer les bulles ?

      Concernant le financement des promesses de Mélenchon (ou d’autres) : leur contenu est souvent fantaisiste mais le recours direct à la banque centrale permet d’alléger le budget d’une charge
      d’intérêt économiquement superflue

      Admettons. Mais pour le reporter sur qui ? Parce que rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme… En fait, Mélenchon est devenu ces derniers temps plus explicite, en admettant que le
      financement par la banque centrale se traduirait par “une inflation de 5 à 6%”. Au delà du sérieux ou non de ce calcul, c’est finalement un retour dans une vision plus raisonnable (et plus
      familière, du moins pour ceux qui se souviennent de Keynes) de l’économie: le financement de la dépense publique par l’inflation et l’éuthanasie des rentiers. Je ne suis pas contre, tout au
      contraire. Seulement, une telle politique ne peut fonctionner que dans un cadre national, parce que c’est le seul cadre ou certains groupes sociaux acceptent de payer pour les autres. Il est
      illusoire de croire que les rentiers allemands accepteront de payer pour les travailleurs grecs. Si la BCE faisait cette politique, cela se traduirait par un transfert massif des pays “rentiers”
      (Allemagne, Pays-Bas…) vers les pays à tradition inflationniste (France, Italie, Grèce…). Et les allemands n’y consentiront jamais. Et c’est là où le programme mélenchonien devient totalement
      incohérent: il veut rester dans le cadre maastrichien tout en faisant la politique que le traité voulait empêcher… et il résout cette contradiction en évoquant la magie de “l’exemple de la
      France”. Ce n’est pas sérieux…

      Enfin : la monnaie n’est qu’un moyen de paiement : elle ne crée elle-même aucune richesse véritable, c’est l’évidence. Quand Mélenchon dit “de l’argent, il y en a”, c’est bien entendu
      fallacieux car le problème n’est pas l’argent, mais la richesse réelle qui n’est pas extensible à volonté ! En revanche le flux monétaire est indispensable à la production et aux échanges et elle
      influence la répartition des richesses. Dans le jargon économique, elle n’est pas “neutre”.

      Nous sommes d’accord. Ce qui est regrettable, c’est qu’il y a dans la gauche radicale une incompréhension elle aussi radicale des questions financières et monétaires. Paradoxalement, alors que le
      discours de la gauche dénonce en permanence la déconnexion entre le système financier et l’économie réelle, les programmes sont construits comme si cette déconnexion n’existait pas.

      Comme elle [la monnaie] ne fait l’objet d’aucune production, son coût est nul, ce qui rend les procédures de marché inefficientes à son endroit.

      Je ne vois pas d’où tu sors tu que le coût de la monnaie soit nul. Ce n’est d’ailleurs pas parce qu’un bien n’est pas produit que son coût est nul. Les procédures de marché concernant la vente et
      l’achat de terrains sont très efficentes, et pourtant les terrains ne font l’objet d’aucune production…

  8. J.Halpern dit :

    Le problème est que tu glisses sans cesse de la notion de monnaie à celle de “monnaie Banque Centrale”. Or justement ce n’est pas du tout la même chose. Je ne peux pas utiliser en même billet que
    mon voisin en même temps que lui, c’est entendu. Mais je peux utiliser totalement ma monnaie scripturale et lui aussi. Et c’est en monnaie scripturale que se règle l’essentiel des transactions.
    Donc pour 10 de monnaie Banque Centrale il circulera 100 en monnaie bancaire, et ces 100 auront exactement les mêmes effets que s’il s’agissait de billets. Les billets pourront même ne jamais
    être utilisés, et demeurer en tant que garanties au fond d’un coffre, comme l’or autrefois.

    Concernant le refinancement des banques, quand tu écris qu’elles “n’ont pas la possibilité de prêter au-delà de la monnaie dont elles disposent”, c’est parfaitement faux. leurs crédits doivent
    être adossés à des actifs mais pas forcément monétaires. C’est justement toute la “beauté” du système.

    Coincernant le “100% Monnaie”, j’ai justement précisé dans mon article qu’il ne suffirait pas à régler le problème tant que des bulles spéculatives concurenceraient l’économie réelle pour
    l’utilisation de la monnaie. La politique monétaire ne saurait être efficace que lorsqu’on aura rétabli une certaine dissociation des opérations d’investissement productifs et de finance, et que
    ces dernières auront été sévérement réglementées. Ce n’est qu’alors que le “100% Monnaie” pourrait permettre une meilleure adéquation entre les flux monétaires et les besoins de la production.

    Concernant enfin les incohérences de Mélenchon, nous sommes je pense d’accord. Mais je ne crois pas que ce soit le financement par la banque centrale qui produirait “une inflation de 5 à 6%”. Ce
    financement est neutre par rapport au financement actuel à montant donné. Ce n’est que si le gouvernement utilise le procédé pour accroître les déficits qu’on aboutira à une telle inflation.
    Temporairement, on pourrait même supporter beaucoup plus, la question est de ne pas s’y installer. Il s’agit d’un moyen de modifier la répartition et d’orienter les flux monétaires, mais si elle
    devient permanente elle perd tous ces avantages.

    Par exemple, si l’on veut rétablir la retraite à 60 ans et 40 annuités, comme il le propose, celà ne se financera pas par un trésor caché mais forcément à moyen terme par une ponction du les
    salaires directs (peut-être aussi les profits, mais modestement si on a l’objectif de stimuler l’investissement). C’est possible mais au prix d’une progression des salaires plus faible qu’
    autrement. On peut différer le choix quelques années par des recettes de poche ou l’étaler par le recours à l’endettement, mais ce ne sont que des procédés pour lisser l’ajustement : à long terme
    c’est un nouveau partage de la valeur ajoutée qui en sortira.

    • Descartes dit :

      Mais je peux utiliser totalement ma monnaie scripturale et lui aussi.

      Je t’ai montré dans ma précédente réponse que ceci est impossible – du moins sans violer la loi. Les banques ne peuvent pas passer n’importe quelle écriture, comme elles ne peuvent pas créditer
      un compte sans simultanément débiter un autre. Et si tu utilises ta monnaie scripturale et lui aussi en même temps, la banque se trouve à un moment obligée de débiter un compte de plus qu’il ne
      contient.

      C’est cela que tu ne sembles pas comprendre: contrairement aux billets et aux pièces, la monnaie scripturale est dématérialisée, certes. Mais cela ne veut pas dire qu’on peut en créer autant
      qu’on veut. Il y a des règles comptables à respecter, et ces règles soumettent la monnaie scripturale à des principes de conservation du même type que la monnaie matérielle. Je ne comprends pas
      d’ailleurs comment tu arrives à compatibiliser ton idée d’une création arbitraire de monnaie scripturale avec le fait qu’une banque peut se trouver dans la situation de crise de liquidités en
      dehors de la situation où les déposants iraient chercher leurs dépôts en liquide… si elle pouvait passer des écritures à volonté, elle n’aurait jamais ce problème.

      Concernant le refinancement des banques, quand tu écris qu’elles “n’ont pas la possibilité de prêter au-delà de la monnaie dont elles disposent”, c’est parfaitement faux. leurs crédits
      doivent être adossés à des actifs mais pas forcément monétaires.

      Tu as raison, j’ai généralisé. J’aurais du écrire “elles n’ont pas la possibilité de prêter au delà des actifs liquides dont elles disposent”. Mais le raisonnement reste le même.

  9. J.Halpern dit :

    “elles ne peuvent pas créditer un compte sans simultanément débiter un autre”

    Ce n’est pas vrai, c’est d’ailleurs ce que montre ta réponse suivante :

    “J’aurais du écrire “elles n’ont pas la possibilité de prêter au delà des actifs liquides dont elles disposent”.”

    … à ceci près que ces actifs ne sont pas “liquides”, ce sont généralement des créances, des promesses de remboursement ultérieur.

    “Je ne comprends pas d’ailleurs comment tu arrives à compatibiliser ton idée d’une création arbitraire de monnaie scripturale avec le fait qu’une banque peut se trouver dans la situation de
    crise de liquidités”

    Tout simplement parce que les banques sont endettées en monnaie Banque Centrale, pas dans leur propre monnaie scripturale.

    • Descartes dit :

      “elles ne peuvent pas créditer un compte sans simultanément débiter un autre”. Ce n’est pas vrai, c’est d’ailleurs ce que montre ta réponse suivante :

      Ma “réponse suivante” ne montre rien de tel. Cet échange serait plus intéressant si au lieu de répéter votre affirmation vous preniez le temps de l’argumenter. Vous semblez croire qu’une banque
      peut inscrire de l’argent à un compte sans limite et sans aucune contrepartie. Si tel est le cas, il faut m’expliquer pourquoi lorsque la banque centrale restreint le crédit (ou lorsque le crédit
      interbancaire se tarit), les banques commerciales sont en difficulté. Si, comme vous le dites, elles pouvaient inscrire dans leurs comptes et sans contrepartie les sommes qui les arrangent, elles
      n’auraient pas besoin de recourir au crédit interbancaire…

      … à ceci près que ces actifs ne sont pas “liquides”, ce sont généralement des créances, des promesses de remboursement ultérieur.

      Une “créance” peut être “liquide”. Il suffit qu’il existe un marché ou cette créance peut être facilement échangée contre de la monnaie.

      Tout simplement parce que les banques sont endettées en monnaie Banque Centrale, pas dans leur propre monnaie scripturale.

      C’était précisement mon point… lorsqu’une banque passe une écriture créditant un compte, elle crée une dette qui est convertible en monnaie banque centrale. Et comme elle doit être capable
      d’honorer cette dette, elle ne peut créer arbitrairement de la monnaie scripturale. Chaque création de monnaie scripturale nécessite une contrepartie en monnaie banque centrale. En d’autres
      termes, ce qui limite la quantité de monnaie scripturale qu’on peut créer, c’est le fait que le créateur s’engage à convertir la monnaie scripturale qu’il crée en monnaie banque centrale sur
      simple demande.

      Si l’on peut créer plus de monnaie scripturale que la monnaie banque centrale qui la fonde, c’est parce que, comme dans l’exemple du garage à vélos, tout le monde ne demande pas la conversion de
      la monnaie scripturale en monnaie banque centrale – ou en biens réels – en même temps. Ce qui permet contablement de ne pas inscrire une contrepartie à 100% chaque fois qu’on crée de la monnaie
      scripturale.

  10. Jean Bayard dit :

    Sur le multiplicateur de crédit, je vous propose la page que j’ai écrite sur mon site à l’adresse :

    http://www.bayard-macroeconomie.com/multiplicateur.html

    Cordialement à vous

    jean bayard

    • Descartes dit :

      J’ai lu votre article. Je l’ai trouvé assez peu clair et je ne suis pas sur d’avoir compris correctement votre point. Si j’ai bien compris, vous soutenez que la théorie du “multiplicateur de
      crédit” n’est pas adaptée puisqu’une banque peut créer de la monnaie ex-nihilo, prêter cet argent contre une créance et ensuite transformer cette créance en monnaie banque centrale en empruntant
      auprès de la banque centrale. Cependant, votre exemple présente une faiblesse essentielle: il ne marche que si l’emprunteur est tel que sa dette soit admise à en garantie par la banque centrale.
      Or, de tels emprunteurs sont l’exception, et non la règle.

      Mais surtout, vous semblez croire que le prêt consenti par la banque centrale est postérieur à l’opération de crédit consentie par la banque commerciale, alors qu’en fait il est antérieur: dès
      lors que la banque centrale fait une règle admettant tel ou tel titre en garantie, elle consent implicitement un prêt aux détenteurs du titre en question. En d’autres termes, lorsque la banque
      commerciale prête à un tel emprunteur contre un titre, elle sait dejà que ce titre sera admis en garantie. Sans cette garantie, elle ne pourrait pas prêter.

      En fait, dans l’opération que vous décrivez, la banque commerciale agit comme intermédiaire, et non comme prêteur: elle avance de l’argent à l’emprunteur contre un titre, et avec ce titre elle
      emprunte elle même l’argent auprès de la banque centrale.

       

  11. Jean Bayard dit :

    Bonjour Descartes,

    Merci de l’intérêt que vous portez à mes travaux.

    La première remarque que je ferais concerne les Réserves Obligatoires qui ne représentent que 2% des dépôts à vue et à terme (égal ou
    inférieur à 2 ans). La banque n’a donc pas besoin des créances à l’origine des prêts accordés pour se procurer de la monnaie centrale. De plus, elle dispose de monnaie centrale, disons gratuite,
    quand elle cède les devises qu’elle a échangées contre monnaie nationale (par création). Elle dispose également de monnaie centrale contre mise en pension (par exemple) des bons et obligations
    d’Etat. Les besoins des banques en monnaie centrale sont donc très limités comparés aux crédits consentis par création monétaire.

    La deuxième remarque concerne mon propos central sur la théorie du multiplicateur, repris ci-après dans le texte que vous avez lu :

    La hausse de la masse
    monétaire bancaire s’expliquerait-elle malgré tout par une hausse préalable de la
    base monétaire ?

    Ceci est en
    totale contradiction avec ce que dit la Banque de France (Bulletin n° 70 – octobre 1999), à propos des établissements financiers, dits en banque, c’est-à-dire
    structurellement endettés envers la Banque centrale : La création monétaire de ces établissements, qui intervient
    lorsqu’ils prêtent à leurs clients, exige une création monétaire postérieure par la banque centrale lors de leur
    refinancement.

    J’espère avoir été plus clair.

    Cordialement à vous

    jean bayard

    • Descartes dit :

      La première remarque que je ferais concerne les Réserves Obligatoires qui ne représentent que 2% des dépôts à vue et à terme (égal ou
      inférieur à 2 ans).

      Pourriez-vous m’indiquer les sources de ces chiffres ?

      La banque n’a donc pas besoin des créances à l’origine des prêts accordés pour se procurer de la monnaie centrale.

      Bien sur que si. Même en admettant que la banque ne conserve en réserve que 2% des dépôts à vue et à terme, il faut tout de même trouver ce
      2%.

      De plus, elle dispose de monnaie centrale, disons gratuite, quand elle cède les devises qu’elle a échangées contre monnaie nationale (par
      création).

      C’est une vue fallacieuse des choses. Les devises sont elles aussi de la monnaie banque centrale… même si c’est d’une autre banque
      centrale…

      Elle dispose également de monnaie centrale contre mise en pension (par exemple) des bons et obligations d’Etat.

      Seulement si la banque centrale l’accepte, et à un coût. On arrive toujours à la même conclusion: la banque centrale a de multiples leviers
      pour réguler la capacité des banques commerciales à se procurer de la monnaie banque centrale, et donc de réguler le crédit.

  12. Jean Bayard dit :

    Bonjour Descartes,

    Voici le lien de la Banque de france sur les règles applicables aux RO :

    http://www.banque-france.fr/fr/politique_monetaire/regle_poli/oeuvre/reserves-obligatoires.htm

    Je vous ai donné mon point de vue sur la question et ne cherche d’aucune manière à ce que vous le partagiez.

    Cordialement

    jean bayard

     

  13. Marcailloux. dit :

    Bonjour,

    Si ma mémoire ne me joue pas de tour, il me semble que dans les années 70, dans les formations à la gestion des entreprises, on employait le terme de destructeur pour désigner le
    consommateur final d’un objet ou d’un service. Ce mot imageait bien la nuance entre le locataire, consommateur temporaire de la fonction d’usage liée à l’objet ou au service, et le propriétaire,
    détenteur de la fonction de possession -avec destruction ou non (utilisation). Ce terme s’applique parfaitement aux exemples de votre billet.

    Cependant, je n’en retrouve pas la trace. L’ai – je rêvé?

    • Descartes dit :

      Non. La consommation se distingue de l’usage par le fait qu’elle détruit l’objet consommé. Ainsi, nous “consommons” un poulet, mais nous ne “consommons” pas les routes. Il y a une difficulté
      conceptuelle dans le sens ou lorsqu’on voyage en train, on “consomme” non pas le siège sur lequel on s’assied, mais le droit de l’utiliser pendant un certain temps. Un “usage exclusif” est une
      consommation.

  14. Trubli dit :

    que pensez-vous du néochartalisme ou modern monetary theory ?

    http://frappermonnaie.wordpress.com/les-bases/

  15. Trubli dit :

    Quels sont vos points de divergence ?

    • Descartes dit :

      Ils portent surtout sur l’essence de la monnaie. Pour les chartalistes, la monnaie tire sa valeur du fait qu’elle permet de payer les taxes. A mon sens, c’est une explication partielle: la
      monnaie tient sa valeur de la décision de l’Etat de lui accorder la possibilité d’éteindre toutes créances, publiques et privées. Par contre, je partage l’idée, reprise par
      Keynes, que la monnaie n’a pas d’origine “sacré” (métaux précieux…) et qu’elle ne surgit que de la décision souveraine de l’Etat de “monétiser” l’économie.

  16. stu dit :

    Bon article qui m’avait bien éclairé. Depuis je me suis un petit peu intéressé à la création monétaire et j’ai vu que tout le monde ne partageait pas l’idée du multiplicateur de crédit. Certains
    avancent que c’est en fait un diviseur du crédit qui est à l’œuvre. J’ai pas la référence sous la main, mais un économiste défendait la théorie du diviseur du crédit pour expliquer la création
    monétaire en France dans les années 80. Bref, je nage un peu entre le multiplicateur et le diviseur…

    J’ai pas encore vraiment creusé la question, mais je me disais que tu pourrais peut-être m’éclairer. Dans quelles configurations se manifestent le multiplicateur et le diviseur ? Lequel est
    opérant aujourd’hui (même s’il n’est pas forcément actif, par exemple le multiplicateur de crédit est à l’arrêt si les dépôts à la banque centrale sont rémunérés [si j’ai bien compris]).

    • Descartes dit :

      En fait, diviseur et multiplicateur de crédit sont deux interprétations “idéologiques” du même phénomène, celui qui permet à une banque d’émettre plus de crédit que la monnaie banque centrale
      dont elle dispose.

      Expliquons le phénomene du point de vue du “multiplicateur”: imaginons un système économique à une seule banque. Cette banque emprunte 1000 € à la banque centrale. Un client se présente et
      demande un crédit de 1000 €. La banque le lui accorde. Le client prend les 1000 € et achète avec eux quelque chose à un commerçant. Le commerçant, à la fin de la journée, dépose les 1000 € à la
      banque. Un deuxième client se présente et demande un crédit. La banque, qui a les 1000 € lui accorde, le client achète chez un autre commerçant, le commerçant redepose les 1000 € et le cycle
      continue à l’infini.

      Mais en pratique, ce système ne marche pas. Lorsque les gens déposent de l’argent à la banque, c’est pour le retirer un jour. En fait, statistiquement les banques constatent qu’elles ont besoin
      de disposer en permanence d’une somme de l’ordre de 8% de leurs dépots pour faire face aux retraits des clients. Et puis la banque centrale peut les obliger à garder par sécurité une part
      supérieure. Cela fait que, dans l’exemple qui précède, chaque prêt est amputé par rapport à celui qui le precède. Et qu’en fin de compte, au lieu de croitre indéfiniment l’encours total des prêst
      tend vers une limite. Cette limite, divisée par la somme initiale (1000 € dans notre cas) est le multiplicateur de crédit.

      Mais maintenant, inversons le raisonnement. Dans une économie moderne, les gens ne retirent pas l’argent qu’on leur prête pour acheter des choses. Elles payent par chèque ou par tout autre moyen
      bancaire sans jamais voir la monnaie banque centrale qui se trouve derrière. Au lieu d’emprunter à la banque centrale puis prêter, la banque peut donc prêter par simple jeu d’écritures, à
      condition de se procurer ensuite auprès de la banque centrale non pas l’encours total des prêts consentis, mais seulement la partie de cet encours nécessaire pour faire face aux retraits des
      clients qui reclameraient de la monnaie banque centrale. Alors que dans le premier exemple on “multipliait” le prêt initial de la banque centrale par un “multiplicateur” pour obtenir l’encours
      des prêts, ici on “divise” l’encours de prêts par un “diviseur” pour obtenir le montant du prêt de la banque centrale.

      Ceux qui veulent démontrer la toute puissance des banques utilisent la description du “diviseur”, parce que celle-ci fait penser que les banques peuvent créer des emprunts à volonté et ensuite
      imposer leur loi à la banque centrale, trop faible pour leur résister. En pratique, cette impression est fausse: la banque centrale peut toujours refuser le prêt où fixer pour le consentir des
      conditions telles que cela fera passer aux banques commerciales l’envie de jouer ce jeu là. Je prefère la description du “multiplicateur”, d’une part parce qu’elle est plus facile à comprendre,
      et d’autre part parce qu’elle donne une vision plus “dynamique” du processus. Mais le phénomène monétaire est exactement le même.

      Par ailleurs, le fait de rémunérer les dépôts à la banque centrale n’a aucun effet sur le multiplicateur de crédit lui même. Il ne fait que retirer du circuit monétaire une partie de la monnaie,
      puisque les banques au lieu de la prêter à leurs clients préféreront la prêter à la banque centrale, et que celle-ci ne la remet pas en circulation dans le circuit économique. C’est ce qu’on
      appelle “stériliser la monnaie”…

  17. stu dit :

    En fait, diviseur et multiplicateur de crédit sont deux interprétations “idéologiques” du même phénomène, celui qui permet à une banque d’émettre plus de crédit que la monnaie banque centrale
    dont elle dispose.

    J’ai bien compris cela, mais quelle est la bonne interprétation (s’il y en a une) ?

    Par ailleurs, le fait de rémunérer les dépôts à la banque centrale n’a aucun effet sur le multiplicateur de crédit lui même. Il ne fait que
    retirer du circuit monétaire une partie de la monnaie, puisque les banques au lieu de la prêter à leurs clients préféreront la prêter à la banque centrale, et que celle-ci ne la remet pas en
    circulation dans le circuit économique. C’est ce qu’on appelle “stériliser la monnaie”…

    C’est ce que j’avais en tête, peut-être que ma formulation était mauvaise.

    • Descartes dit :

      J’ai bien compris cela, mais quelle est la bonne interprétation (s’il y en a une) ?

      Il n’y a pas de “bonne” interprétation. Ce sont deux manières de voir le même mécanisme, et on choisit l’une ou l’autre en fonction de ce qu’on veut étudier…

       

  18. stu dit :

    Il n’y a pas de “bonne” interprétation. Ce sont deux manières de voir le même mécanisme, et on choisit l’une ou l’autre en fonction de ce qu’on veut étudier…

    Les deux interprétations ne sont pas interchangeables. Avec le multiplicateur, il y a l’idée que la banque ne peut pas prêter plus d’argent qu’elle n’a. Ce qui aboutit à une création monétaire
    qui s’étale sur x itérations. Avec le diviseur, il y a l’idée que la banque peut prêter autant d’argent qu’elle veut du moment qu’elle reste dans les clous des réserves obligatoires. Ce qui
    implique qu’il n’y a pas besoin d’y avoir x itérations pour arriver à la limite de la création monétaire.

    Soit j’ai mal compris, soit une des deux interprétations doit se rapprocher un plus de la réalité que l’autre.

    • Descartes dit :

      Les deux interprétations ne sont pas interchangeables. Avec le multiplicateur, il y a l’idée que la banque ne peut pas prêter plus d’argent qu’elle n’a. Ce qui aboutit à une création
      monétaire qui s’étale sur x itérations. Avec le diviseur, il y a l’idée que la banque peut prêter autant d’argent qu’elle veut du moment qu’elle reste dans les clous des réserves
      obligatoires.

      Non. Avec le multiplicateur, il est clair que la banque prête bien “plus d’argent qu’elle n’a” (en monnaie de banque centrale). Autrement, on ne parlerait pas de “multiplicateur”. Avec le
      diviseur, aussi. Seulement, lorsqu’on parle de multiplicateur on a l’impression que la banque se procure d’abord la monnaie banque centrale et procède ensuite à
      la création monétaire, et lorsqu’on parle de diviseur c’est l’inverse: la banque émet les crédits d’abord, et se procure la monnaie banque centrale
      ensuite. 

      Dans la réalité, les banques font les deux. Lorsqu’un déposant leur apporte de la monnaie banque centrale, ils s’empressent de la prêter. Lorsqu’un client demande un crédit, ils l’accordent et se
      procurent ensuite, s’ils ne l’ont pas dejà, la monnaie en question.

       

  19. Anne Iversaire dit :

    @ Descartes

    [Mais sur ces 750 vélos… seulement le quart est de sortie à chaque instant. Ce qui laisse 375 nouveaux vélos à louer…]

    375, moitié de 750 ? N’est-ce pas plutôt 562 (environ – soit les 3/4 de 750) ?
    Ceci correspondrait mieux à l’analogie avec les 1000 € (1000€ qui permettent d’en prêter 900, qui eux-même permettent d’en prêter 810, etc.).

    • Descartes dit :

      @ Anne Iversaire

      Je vois que vous faites de l’archéologie sur mon blog… merci de signaler cette erreur – je l’ai corrigé dans le texte – sur l’un des articles de ce blog que j’ai eu le plus de plaisir à écrire…

  20. Anne Iversaire dit :

    @ Descartes

    [Je vois que vous faites de l’archéologie sur mon blog…]

    Mea culpa 🙂
    Et puis, c’était aussi pour voir si j’avais réellement compris !
    Encore bravo et merci pour ces morceaux de pédagogie.

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