Il y a quelques semaines, j’ai eu l’opportunité d’écouter une conférence d’Edwy Plenel, ancien journaliste du Monde et aujourd’hui rédacteur du site Médiapart. Le message de Plenel était schématiquement le suivant: il faut préserver la liberté de la presse, parce que la presse est dans une démocratie un contre-pouvoir absolument indispensable au fonctionnement des institutions démocratiques.
Plenel ne m’a pas convaincu. Parce que sa vision est très partielle. La presse n’est pas, et n’a jamais été un simple “contre-pouvoir”. Elle est un pouvoir. Les journalistes ne sont pas des vertueux chevaliers sans peur et sans reproche qui se font un devoir de porter à la connaissance du peuple des informations. Ils – et Plenel n’a pas été le dernier à le faire – choisissent les “informations” qu’ils publient, et au besoin l’inventent. C’est vrai partout, mais c’est d’autant plus vrai en France, où les journalistes oublient une distinction qui reste fondamentale chez les journalistes anglosaxons: “le commentaire est libre mais les faits sont sacrés”.
Le mélange entre fait et commentaire donne chez nous une espèce particulière de journalistes, qui se permettent de pontifier sur le sujet de leur choix alors qu’ils n’ont ni la connaissance, ni l’expérience qui justifie une telle attitude. Ces pontifes se trouvent un peu partout, mais c’est le journal Le Monde qui a le plus encouragé cette attitude. Et cette semaine, nous avons eu un exemple insigne avec la chronique d’Hervé Kempf intitulée “Ceux d’Areva, votez écolo”.
Kempf commence en fait avec un petit commentaire ironique: “S’ils ont à coeur leur intérêt, logiquement, les salariés d’Areva devraient voter pour les écologistes aux prochaines élections. Europe Ecologie – Les Verts s’engage en effet à garantir leur emploi. Ce parti a insisté pour que (…) la conversion de la filière du retraitement et de fabrication du MOX se fasse à “emploi constant”. Et les écologistes répètent que l’industrie française a un avenir dans le renforcement de ses compétences en matière de démantèlement des centrales (…)”.
Ce paragraphe ne peut que surprendre un connaisseur de la filière. D’abord, à supposer même que EELV arrive à tenir sa promesse de “reconvertir la filière du retraitement et de fabrication du MOX à “emploi constant”, cela ne concernerait qu’une fraction des activités d’Areva. Alors que l’application du programme d’EELV provoquerait des coupes sombres dans l’ensemble des activités du groupe. Or EELV n’a rien dit de ces activités. Kempf conclut donc un peu rapidement que “le personnel d’Areva” dans son ensemble aurait intérêt à voter pour EELV. Mais surtout, Kempf – comme EELV d’ailleurs – n’a toujours pas compris que les différents métiers de la filière nucléaire ne sont pas interchangeables. Les ingénieurs qui travaillent sur le retraitement et la fabrication de combustibles ne sont pas compétents sur les questions de démantèlement, et vice-versa. Ce ne sont pas les mêmes métiers. Ce que EELV propose – et Kempf applaudit – revient à dire aux chirurgiens d’un hôpital “on va fermer le service de chirurgie, mais ne vous en faites pas, on conservera vos emplois puisqu’on ouvrira un service de psychiatrie”.
Enfin, Kempf réduit les “intérêts” des travailleurs de la filière nucléaire au fait de conserver un emploi. C’est une vision extraordinairement réductrice, particulièrement dans une industrie où les personnels croient intimement à ce qu’ils font. Tout le monde trouve normal que les enseignants rejettent des reformes qui pourtant garantissent leur emploi au nom d’une défense du métier. Cela est vrai certainement dans le nucléaire, et si Kempf pense que la motivation essentielle des travailleurs du nucléaire à l’heure de voter est la sauvegarde de l’emploi, il se trompe.
Cela montre que Kempf ne connaît pas le sujet qu’il aborde. Il ne connaît ni le fonctionnement de la filière, ni ses personnels. Mais il ne faut pas croire que cela l’empêche de pontifier. Et d’accuser. Ainsi, il parle des “mensonges du gouvernement” qui aurait affirmé – il n’indique pas où – qu’on “ne toucherait pas aux emplois”. Il accuse Henri Proglio “d’ignorance” pour avoir affirmé que le nucléaire représente un million d’emplois, mais la seule base de cette accusation est que “le parti présidentiel, l’UMP, en compte dix fois moins”, comme si l’UMP était dans ces matières une autorité fiable (1). Il parle de la “fatuité de tous ces dirigeants, qui se trompent depuis des années en négligeant d’analyser en détail ce que font nos voisins – Allemagne, Belgique, Suisse, Italie sortent du nucléaire”. Certes, mais Kempf semble oublier que la Chine, l’Inde, les Etats-Unis, et plus près de nous la Grande Bretagne, le République Tchèque, la Pologne et bien d’autres ont réaffirmé le développement de la part du nucléaire dans leur mix energétique. Pourquoi faudrait-il imiter plutôt l’Allemagne que la Grande-Bretagne ? En quoi les italiens seraient plus raisonnables que les tchèques ?
En fait, Kempf parlant d’écologie c’est un peu BHL parlant de stratégie militaire. De la même manière que BHL, qui n’a jamais de sa vie commandé une troupe se permet toute sorte de conseils et reproches sur la tactique suivie par les professionnels sur le terrain, Kempf se met dans la position du censeur omniscient et se permet de distribuer des reproches et des bons points. Ainsi écrit-il: “Le problème du nucléaire en France, en fait, est qu’il a été géré de façon irrationnelle (la rationalité se définit comme la capacité d’agir en fonction d’une analyse lucide de la réalité) par des dirigeants persuadés d’être totalement rationnels”. Ainsi, tous ces techniciens et ingénieurs qui pendant trente ans ont donné à la France un outil industriel extraordinaire, qui nous permet de bénéficier d’une électricité moitié moins chère que chez nos voisins et qui produit d’une manière extraordinairement fiable plus de 75 % de notre électricité seraient incapables de “gèrer rationnellement”. Et c’est Hervé Kempf, dont l’oeuvre se limite à écrire des papiers, qui vous le dit. Et on se prend à rêver: si ces pontifes sont si infaillibles, si les Kempf savent ce qu’il faut faire, qu’est ce qu’ils attendent pour poser leur candidature à la présidence d’EDF ou d’Areva ?
Comme le disait Cocteau, les critiques c’est comme les eunuques: ils savent, ils ne peuvent pas. Raison de plus pour traiter leurs anathèmes avec la plus grande prudence. Il ne faut pas permettre à ces pontifes auto-érigés d’usurper la place des véritables experts. Les opinions moralisantes de Kempf sur le nucléaire et les gens qui y travaillent n’ont pas plus de valeur que celles de mon coiffeur. La seule différence entre eux est que mon coiffeur n’a pas accès aux pages des journaux et doit se contenter d’exprimer son avis dans sa boutique.
Le plus drôle, c’est qu’après avoir invectivé les différents dirigeants et partisans du nucléaire, Kempf renverse la proposition en dénonçant le fait que ces mêmes dirigeants “passent leur temps à dénigrer leurs contradicteurs plutôt que d’accepter une discussion loyale”…
PS: Toujours sur le nucléaire, le gouvernement japonais a annoncé aujourd’hui que les trois réacteurs accidentés de Fukushima ont atteint l’état d’arrêt à froid. Ce qui signifie que l’intérieur des réacteurs – et donc le combustible – sont à des températures inférieures à 100°C et qu’il est possible donc d’écarter des phénomènes d’ébullition locale et d’hydrolyse pouvant produire de l’hydrogène – à l’origine des explosions qui ont partiellement endommagé le confinement – et à fortiori une nouvelle fusion des éléments combustibles. Bien entendu, l’ensemble de la maffia antinucléaire proclamera dans tous les médias que “cela ne change rien”. Mais cela change beaucoup de choses: d’abord, cela montre que le programme de mise en sécurité des réacteurs se déroule comme prévu, et que la théorie selon laquelle les réacteurs étaient “hors de contrôle” était absurde. Ensuite, cela ferme la porte à un nouveau Tchernobyl, et cela malgré les prières ferventes des antinucléaires…
Descartes
(1) Gageons que si l’UMP avait compte dix fois plus que Henri Proglio, Kempf lui aurait accordé bien moins d’autorité.
Bonjour à tous,
“des phénomènes d’ébullition locale et d’hydrolyse pouvant produire de l’hydrogène – à l’origine des explosions qui ont partiellement endommagé le confinement – et à fortiori une nouvelle
fusion des éléments combustibles”
sauf hallucination de ma part j’ai lu notamment dans un Science et Vie récent que si l’on en avait décidé ainsi à l’époque du choix, il aurait été possible de s’orienter sur une production de
l’électricité par une industrie nucléaire (plus ? ) “propre” !
Alors info ou intox ou je bois trop ?
sauf hallucination de ma part j’ai lu notamment dans un Science et Vie récent que si l’on en avait décidé ainsi à l’époque du choix, il aurait été possible de s’orienter sur une production de
l’électricité par une industrie nucléaire (plus ? ) “propre” !
A côté des pontifes, on trouve un autre type de commentateur, celui du “si l’on avait fait ce que je dis à l’époque, on serait beaucoup mieux”. Je ne connais pas l’article de “Science et Vie”
auquel vous faites référence, alors je ne peux pas commenter. Mais permettez-moi d’exercer une saine méfiance…
Quand les micros font le trottoir…
L’avis du moindre gazier, sur n’importe quel sujet, est devenu parole d’Evangile. Il n’existe plus de matière où le premier péquin venu n’apporte sa pierre à l’édifice de la comprenette
généralisée. On nous somme de prendre parti sur le nucléaire, le grand emprunt, la grippe, l’amitié franco-allemade, le budget de l’État, la fusion GDFCQFD, le bio, etc.
Je savais déjà qu’il y avait, dans notre pays, autant de sélectionneurs de football que d’habitants, j’apprends maintenant que cela vaut également pour les médecins,
les physiciens nucléaires, les agriculteurs, les économistes, les ingénieurs,
les historiens et tutti frutti. Alors que j’ai souvent le plus grand mal à dénicher un mécanicien capable de réparer ma voiture, c’est à ce même mécanicien qu’on demande son avis sur la
pertinence de la stratégie militaire en Afghanistan, ou sur la qualité d’un vaccin. Je n’oublie pas les ayant-droits du PAF : amuseurs, journalistes, acteurs, chanteurs, sportifs, cuisiniers, que
n’effraie aucun sujet, aussi complexe et sensible soit-il. Sans parler, évidemment, des décisions politiques qu’ils se croient tenus de commenter, le plus souvent par des appréciations de la plus
judicieuse lucidité sur l’aspect physique de tel ou telle
ministre, ramenant le niveau de la discussion à celui que ces « experts » maîtrisent le mieux, un peu (beaucoup) au-dessous de la ceinture.
Il n’est pas un événement, une catastrophe, une invention, une découverte, un plan B qui ne fasse l’objet d’une enquête d’opinion, d’un micro-trottoir, d’un référendum inopiné. Qu’on cesse de me
demander mon avis sur n’importe quoi. Que les sondeurs, journaleux et autres enquêteurs sondent, bafouillent et enquêtent sur ce qui leur passe par la bourse.
Au moment où je vous écris ces quelques lignes, j’entends à la radio une employée de France-Soir qui se plaint du sort réservé à son journal. Triste affaire, au sujet de laquelle les
commentateurs passent en revue toutes les raisons expliquant ce naufrage, sauf celles-ci, que personne n’aborde : était-ce un bon canard ? les articles avaient-ils réellement de l’intérêt ? les
enquêtes étaient-elles sérieusement menées ? par des échotiers ou des experts ? etc.
“Que quelqu’un se serve du langage pour dire qu’un ministre est inapte ne fait pas encore de lui un écrivain” Karl Kraus, Dits et contredits.
Je vous renouvelle mes compliments pour vos analyses. Bon courage.
Merci. Tout à fait d’accord avec votre commentaire.
vous écrivez:
“…cela montre que le programme de mise en sécurité des réacteurs se déroule comme prévu, et que la théorie selon laquelle les réacteurs étaient “hors de contrôle” était absurde. Ensuite, cela
ferme la porte à un nouveau Tchernobyl, … “
ce commentaire me paraît un peu optimiste:
– ok ce n’est pas un nouveau Tchernobyl par son ampleur, mais il y a eu des contaminations dans l’environnement proche et moins proche non négligeables (y compris jusqu’à Tokyo). Certes les
conséquences des contaminations “faibles” sont mal connues, mais c’est un point à élucider (j’ai lu quelque part que l’on allait bientôt pouvoir déceler si des cancers sont d’origine radioactives
ou non; à suivre …). A ma connaissance, on ne sait pas encore si une partie du coeur n’a pas traversé par le bas les enceintes de confinement, ce qui pourrait entraîner une pollution du sous
sol (nappes phréatiques).
– les réacteurs ont vraiment été “hors de contrôle” pendant une période non négligeable, avec des risques importants, qui heureusement ne se sont pas matérialisés.
Ceci dit je vous suit quand vous dites que les commentaires des anti-nucléaires ne sont souvent pas sérieux; malheureusement ceux des pro-nucléaire guère plus …
nb: je vous signale un article de Science et Vie assez intéressant sur une autre filière de réacteurs nucléaires, nettement moins dangereuse que la filière à eau pressurisé. Nous avons bien su
nous convertir de la filière graphite-gaz à celle à eau pressurisé. Nous devrions être capable d’ouvrir de nouvelles voies. A moins que ce ne soit de l’intox …
“ce commentaire me paraît un peu optimiste: ok ce n’est pas un nouveau Tchernobyl par son ampleur (…)”
Ni par son ampleur, ni par sa structure. Tchernobyl est un accident qui a vu la rupture de toutes les barrières de confinement et la dispersion dans l’atmosphère du combustible nucléaire. Ce
n’est pas le cas dans Fukushima. Dire cela n’a rien “d’optimiste”, c’est un fait. Dans mon commentaire, je n’ai pas nié ni les contaminations ni leurs effets. Mais ce n’est pas Tchernobyl, point
à la ligne.
mais il y a eu des contaminations dans l’environnement proche et moins proche non négligeables (y compris jusqu’à Tokyo)
Non. Les contaminations jusqu’à Tokyo ont ete négligeables. Les contaminations significatives sont restées bien loin de Tokyo.
Certes les conséquences des contaminations “faibles” sont mal connues,
Arrêtons de répéter comme des perroquets le discours des antinucléaires. Les conséquences des contaminations “faibles” sont très bien connues: elles sont de l’ordre du bruit statistique, c’est à
dire, très faibles. Que ces résultats n’arrangent pas les prêtres de la réligion antinucléaire est compréhensible. Qu’ils cherchent à échaper à la réalité en prétendant que “les conséquences sont
mal connues”, aussi. Mais je ne vois aucune raison pour faire leur jeu. Non: tous les travaux sur les contaminations “faibles” montrent les mêmes résultats, c’est à dire, l’impossibilité de
mettre en évidence des pathologies au delà des incertitudes statistiques.
– les réacteurs ont vraiment été “hors de contrôle” pendant une période non négligeable, avec des risques importants, qui heureusement ne se sont pas matérialisés.
Pourrait-on connaître l’origine de cette information ?
Ceci dit je vous suit quand vous dites que les commentaires des anti-nucléaires ne sont souvent pas sérieux; malheureusement ceux des pro-nucléaire guère plus …
Je n’aurais pas de difficulté à vous citer cinquante commentaires anti-nucléaires qui non seulement manquent de sérieux, mais sont directement mensongers. Je n’ai par contre pas d’exemple de tels
commentaires sous la plume des pro-nucléaires. Auriez-vous l’obligeance de donner quelques exemples ? Avec la date et l’auteur précis du commentaire, s’il vous plait…
nb: je vous signale un article de Science et Vie assez intéressant sur une autre filière de réacteurs nucléaires, nettement moins dangereuse que la filière à eau pressurisé.
Je ne lis pas “Science et Vie”, et je n’ai donc pas vu l’article. C’est quoi comme filière ? Méfiez-vous, “Science et Vie” n’est pas le comble du sérieux…
un article saignant à souhait.
Les khmers verts ou gauche quinoa de manière générale sont des fous furieux.
Pensons à cette Cécile Duflot qui veut céder lep siège de la France au conseil de sécurité de l’ONU à l’Europe. La France est trop petite et le rêve européen si romantique…
Concernant le nucléaire, une piste me parait intéressante, le thorium.
Le thorium est intéressant parce que les réserves mondiales sont plus importantes que les réserves d’uranium et en plus nous en avons en France, ce qui constitue un plus pour notre indépendance
énergétique.
Le thorium est intéressant parce que les réserves mondiales sont plus importantes que les réserves d’uranium et en plus nous en avons en France, ce qui constitue un plus pour notre
indépendance énergétique.
Le problème étant que le Thorium n’est pas lui même fissile (c’est à dire, n’est pas utilisable dans un réacteur nucléaire). C’est un matériau dit “fertile”, c’est à dire, sous bombardement
neutronique il est transmuté dans un matériau fissile. Pour être précis, le thorium 232 en capturant un neutron se transforme en thorium 233, qui lui même se transforme en uranium 233 qui est,
lui, fissile.
Un réacteur utilisant du thorium est donc un surrégénerateur sur le même modèle que Superphénix, le thorium jouant le rôle que jouait sur ce réacteur l’uranium 238, qui est lui aussi très
abondant.
[“S’ils ont à coeur leur intérêt, logiquement, les salariés d’Areva devraient voter pour les
écologistes aux prochaines élections. Europe Ecologie – Les Verts s’engage en effet à garantir leur emploi.]
les promesses n’engagent que ceux qui y croient surtout en période électorale.
C’est une autre explication. Mais je n’imagine pas un instant que dans la tête de Kempf les écologistes puissent ne pas tenir leurs promesses…
@ Descartes
Globalement d’accord avec toi, mais je me demande si tu n’as pas une vision un peu idéalisée de notre industrie nucléaire. Il semble que connaisses bien le sujet, mais as-tu lu les derniers
Dossiers du Canard ? Je ne partage pas du tout le parti pris anti-nucléaire du Volatile, mais il y avait quand même de quoi s’inquiéter un peu il me semble (on apprend ainsi qu’un
certain Bouygues, Martin, a une fâcheuse tendance à saboter le chantier de l’EPR, et à y employer de gros bataillons de travailleurs clandestins). Sans parler de la sous-traitance en cascade,
avec des travailleurs qui passent leur vie sur la route et une sécurité qui semble gravement mise en cause, ou du vieillissement du parc. Alors si je reste un pro-nucléaire forcené, je pense
qu’il serait temps de songer à mieux fiabiliser et à renouveler ce fabuleux outil industriel (et à lancer des programmes de recherche plus vastes et ambitieux).
Pour le Science & Vie sur le sujet, je me permets un petit coup d’auto-promo.
Pas tout à fait d’accord non plus sur la presse et son pouvoir. Là aussi je te trouve un peu caricatural. Une presse indépendante financièrement – c’est-à-dire payante et sans pub – est un vrai
contre-pouvoir ; une presse détenue par Bouygues ou Lagardère et gavée de pub est en effet un (quatrième) pouvoir. Mais puisque tu vas par là je te recommande le discours d’investiture
d’Asselineau, le président de l’UPR, qui penche plutôt de ton côté.
je me demande si tu n’as pas une vision un peu idéalisée de notre industrie nucléaire. Il semble que connaisses bien le sujet, mais as-tu lu les derniers Dossiers du Canard ?
Ayant passé vingt ans de ma vie dans l’industrie nucléaire, je n’ai pas besoin de lire “les dossiers du canard” pour me faire une opinion. Juger l’industrie nucléaire d’après les articles du
“Canard”, c’est un peu comme juger l’immigration à partir des tracts du FN. Et je pèse mes mots.
Je ne partage pas du tout le parti pris anti-nucléaire du Volatile, mais il y avait quand même de quoi s’inquiéter un peu il me semble (on apprend ainsi qu’un certain Bouygues, Martin, a une
fâcheuse tendance à saboter le chantier de l’EPR, et à y employer de gros bataillons de travailleurs clandestins).
Comme dit l’adage, “lorsqu’on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage”. Lorsque le programme nucléaire lancé en 1974 a été construit avec enthousiasme par un Bouygues qui à l’époque
n’employait que des travailleurs régulièrement déclarés, le “Canard” était quand même contre. Lorsqu’on ne veut pas quelque chose, on trouve toujours d’excellents arguments pour le critiquer.
Je ne crois pas que Bouygues ai “saboté le chantier” (je ne vois pas très bien où serait son intérêt de se faire une réputation d’incompétence). Et pour ce qui concerne l’emploi de “gros
bataillons de travailleurs clandestins” le rapport avec la choucroute m’échappe. Bouygues a certainement utilisé de la main d’oeuvre clandestine pour bâtir l’Opéra Bastille, et je vois mal en
quoi cela change l’acoustique de la salle. Je suis le premier à dire qu’il faut lutter contre le travail dissimulé, mais cela n’a rien à voir avec l’industrie nucléaire.
Sans parler de la sous-traitance en cascade, avec des travailleurs qui passent leur vie sur la route et une sécurité qui semble gravement mise en cause, ou du vieillissement du parc.
Faudrait voir à ne pas tout mélanger. Les “travailleurs qui passent leur vie sur la route” sont l’apanage de toute industrie dont les opérations sont fortement saisonnières. On n’imagine pas
d’employer à l’année les gens qui font les vendanges ou la récolte des fruits. Et de la même manière, un réacteur nécessite un arrêt pour maintenance une fois tous les 12-18 mois pendant lequel
quelque 800 travailleurs supplémentaires sont nécessaires. Mais une fois l’arrêt terminé, qu’est ce que tu proposes de faire de ces gens ? Les conserver sur le site à se tourner les pouces
pendant 18 mois ?
Quant à la “sécurité gravement mise en cause”, on n’a jamais d’exemples sérieux et documentés. Et pour cause: l’industrie nucléaire est l’une des plus sevèrement contrôlées, que ce soit au niveau
de la sûreté ou de l’inspection du travail. Dans quelle autre industrie l’inspecteur du travail à le droit de pénétrer à tout moment (jour et nuit) sans préavis sur l’installation, et utilise
effectivement ce droit une fois par mois ?
Enfin, sur le “vieillissement du parc”, j’attire ton attention sur le fait qu’il n’y a aucune corrélation entre la vieillesse du parc et la fréquence des accidents. Pire: les accidents endogènes
les plus graves (Tchernobyl, Three Mile Island) sont arrivés sur des réacteurs neufs. Plus un réacteur vieillit, plus son comportement est connu, plus il y a des chances que ses défauts de
construction aient été repéres et corrigés…
Alors si je reste un pro-nucléaire forcené, je pense qu’il serait temps de songer à mieux fiabiliser et à renouveler ce fabuleux outil industriel (et à lancer des programmes de recherche plus
vastes et ambitieux).
Je trouve presque insultant de dire comme tu le fais “qu’il serait temps de songer à mieux fiabiliser”, alors que l’industrie nucléaire ne fait que ça depuis trente ans. Pour le reste,
je suis tout à fait d’accord. Dans une industrie ou trente ans ce n’est rien, il faut par des programmes de recherche ambitieux préparer le nucléaire de demain. Mais j’attire ton attention sur le
fait que de tels programmes ne sont pas possibles si l’industrie est soumise en permanence au couperet d’une “sortie du nucléaire”. Où trouveras-tu des jeunes chercheurs et ingénieurs prêts à
investir leur vie professionnelle dans une voie qui peut être détruite demain d’un trait de plume ?
Une presse indépendante financièrement – c’est-à-dire payante et sans pub – est un vrai contre-pouvoir ;
Tout contre-pouvoir est aussi un pouvoir. Et l’indépendance financière ne fait rien à l’affaire. Pourquoi le pouvoir serait plus en sécurité dans les mains d’un Plenel que dans celles de Bouygues
ou Lagardère ? Parce que le premier est journaliste et les autres sont des marchands de canons ou de béton ? En sommes nous encore à l’idée plantonicienne du pouvoir qu’on doit confier aux
philosophes ?
Il faut arrêter de croire que le journalisme est un sacerdoce sacré exercé par des hommes qui ont renoncé aux gratifications de se monde. On trouve parmi les journalistes des hommes qui aiment
autant le pouvoir que dans n’importe quelle autre corporation. Et ceux-ci sont prêts aux mêmes bassesses pour le conquérir et le garder. A-t-on oublié ce que fut Le Monde sous la triplette
Minc-Colombani-Plenel ? Et pourtant, le journal était “indépendant financièrement” à l’époque. Quant au “Canard”, je te conseille vivement la lecture du livre “Le vrai Canard” de Karl Laske et
Laurent Valdiguié. Tu y apprendras que l’indépendance financière n’implique pas nécessairement ni l’honnêteté, ni la neutralité politique.
Dans le même Canard, il y a quelques semaines, Porquet soulignait à quel point EELV s’est couché devant le P”S”. Chez EELV, écrivait-il, on est inflexible sur la distribution des places
(Duflot parachutée à Paris dans une circonscription facile, etc), mais pas sur le reste. “C’est sans doute ce qu’il appellent “faire de la politique autrement”, concluait notre
pourfendeur du nucléaire…
Quoiqu’il en soit, quand j’entends tous ces furieux nous dire que le nucléaire est une “technologie du passé”, je frémis devant tant de bêtise.
Et pourtant – et ne vois aucune mechanceté dans mon propos – dans ton article tu te fais l’écho de cette bêtise, lorsque tu écris: “la filière fissile telle qu’elle existe aujourd’hui
présentant des risques inacceptables, aussi bien du côté de la production elle-même que du côté des déchets”. Quel est le “risque inacceptable” là dedans ? Notre société accepte des risques
bien plus importants, qui vont des risques quotidiens – on a infiniment plus de chances de mourir dans un accident de voiture que des suites d’un accident nucléaire – que des risques industriels.
Et pas seulement ceux liés aux industries lourdes ou potentiellement polluantes: pense aux risques liés aux industries alimentaires. Combien de morts chaque année d’intoxications alimentaires ou
de cancers produits par des substances conenues dans les aliments ?
Le nucléaire souffre paradoxalement du fait que c’est un risque facile de mesurer. Fukushima est un excellent exemple de ce problème. Le même tsunami qui a mis en difficulté les réacteurs de la
centrale a balayé des centaines d’installations industrielles, et notamment des usines chimiques. Des substances dangereuses se sont ainsi trouvées dans la nature. Est-ce que vous avez entendu
beaucoup de commentaires sur les effets de ces substances ? Est-ce que vous avez même une idée de ce qu’elles sont ? Bien sur que non. Tout simplement parce qu’il est très difficile de les
détecter. Alors qu’il suffit de se promener avec un compteur Geiger pour avoir une idée des niveaux de radioactivité, pour détecter la présence de produits chimiques il faut des analyses
complexes d’échantillons, et on ne trouve que si l’on sait à peu près quelle est la substance qu’on cherche. Mais comme “loin des yeux, loin du coeur”, on peut vivre dans l’illusion que le risque
chimique n’existe pas, alors que le risque nucléaire ne nous permet pas cet aveuglement volontaire.
Il faut arrêter la démagogie en matière de risques, et faire un choix: ou bien on décide que le bon peuple, pour dormir tranquile, prefère ne pas savoir les risques qu’il encourt et confie alors
leur gestion aux experts; ou bien le peuple doit être informé sérieusement de l’ensemble des risques qui l’entourent afin de faire démocratiquement des choix informés. Mais cela suppose parler de
tous les risques en les mettant en perspective les uns par rapport aux autres. Personnellement, je n’ai pas de préférence entre ces deux positions. Je sais que la première
méthode a été choisie pendant trente ans, et qu’elle n’a pas trop mal marché. Mais on peut essayer l’autre. Cela étant dit, ce qui nous est proposé – par les écologistes notament – c’est une
troisième voie: celle de gonfler pour des raisons idéologiques les risques de telle ou telle filière et de minimiser les autres pour manipuler le vote des gens par la peur.
Je ne suis pas non plus d’accord lorsque tu écris que: “Alors sans doute qu’on a pris trop de risques avec le programme Messmer et ses réacteurs polluants, rudimentaires, dangereux –
« nous disions : « on en fait trop, on va trop vite, on prend trop de risques » », se souvient Bernard Laponche, un ancien du CEA qui a fondé l’association Global Chance en 1992 (cité par Les Dossiers du Canard enchaîné). Je ne me risquerais pas à lui donner tort”. Moi si, je lui donne tort. Et je
lui donne tort parce que si l’on avait comme tu proposes “contenté d’une poignée de réacteurs expérimentaux ou semi-expérimentaux, histoire de poursuivre la recherche et développement”
notre économie aurait été plombée durablement par des prix de l’électricité astronomiques, et notre industrie nucléaire ne serait pas ce qu’elle est. Il faut se souvenir que le programme Messmer
n’était pas un programme de recherche, mais un projet qui avait pour but de résoudre un problème, celui de l’indépendence énergétique et du prix de l’énergie. Que ces buts aient été atteints,
c’est incontestable. A partir de là, les déblatérations de Laponche – qui ne fait que reprendre l’éternelle complainte du chercheur CEA qui n’aime pas l’industrie – n’ont pas de sens. Il fallait
aller vite parce qu’il fallait résoudre un problème. C’est le propre du politique: on ne fait pas les choses bien, on les fait du mieux qu’on peut dans le contexte.
Ce n’est là que mon avis… et je rappelle que, contrairement au blogueur Descartes, je demeure quant à moi un ferme partisan du référendum sur le
nucléaire
Tu exagères. Je ne me souviens pas avoir dit que j’étais opposé à un “référendum sur le nucléaire”. En tant que partisan de l’énergie nucléaire, j’y suis même très favorable, parce que je n’ai
aucun doute sur le fait que ce référendum ne peut qu’être gagné par mon camp. Car tous les sondages le montrent: dès qu’on explique aux gens que la sortie du nucléaire implique une augmentation
considérable du prix de l’électricité, la proposition de sortir du nucléaire ne rassemble que 20% des voix. Ces trente dernières années, le camp pronucléaire a choisi de se draper dans
l’argumentation scientifique alors que le camp antinucléaire a préféré la manipulation des peurs. Mais cela pourrait changer… et les pronucléaires commencent à découvrir que eux aussi ont de
quoi faire peur.
Si je suis sceptique sur un référendum, c’est en tant que démocrate. Car le but est de faire prendre par le peuple une décision rationnelle, et non de tester quel camp est capable de mieux
manipuler le terrorisme intellectuel. Dans cette affaire, organiser un référendum reviendrait à demander au peuple de trancher directement une question hautement technique, dont les tenants et
les aboutissants ne sont accessibles qu’à une toute petite section de la société. Je ne suis pas persuadé que le reste de la population ait l’envie et soit prête à y consacrer le temps nécessaire
pour se faire une opinion informée. Le référendum reviendrait donc à demander aux gens s’ils font confiance plutôt aux experts du CEA ou à ceux de la CRIIRAD. Je ne vois pas trop l’utilité d’une
telle question.
Les avocats de l’industrie nucléaire ont toute mon estime. Mais il me semble qu’ils manquent toujours un aspect de la défense, et sans doute le principal : pour quelle raison, au moins
consciente, les “anti” le sont-ils ? Il me semble que cette raison tient, pour la part reconnue, dans les risques pour la santé liés aux rayonnements. Dans ce cas les bons arguments à mettre en
avant, et les seuls à mon avis valable,s sont les arguments de santé publique et privée. Ce n’est quasi jamais le cas, les arguments éconoomiques étant toujours mis en avant, comme ici. Or il me
semble parfaitement normal et logique qu’un français préfère payer son éléctricité plus cher s’il est prouvé qi’il améliore ainsi son espérance de vie. Et dans ce cas la démocratie consiste à
respecter son avis.
Or il n’en est rien.
La place limitée de ces commentaires interdit de développer les faits, mais il existe de bonne sources qui décrivent honnêtement les derniers résultats sur ces sujets pointus de biologie sous
rayonnement. Citons le wikipédia en français (publicité gratuite bien sûr), ou le petit opuscule de M. Massé paru, ou à paraître aux éditions du Pommier (idem).
Pour faire court.
Les rayonnements, aux doses et surtout flux, envisageables en situation normale, voire MEME ACCIDENTELLE dans le majorité des cas, pour la population (Tchernobyl et fukushima inclus !) sont
probablement BENEFIQUES pour la santé. Le métabolismes journalier NORMAL de nos cellules peut être estimé à 100 à 1000 fois plus destructeur qu’une dose journalière de 100mSV. Cette dose, énorme
au regard des niveaux envisageables pour la population même en situation accidentelle, est la moyenne des doses reçues par les 560 000 “liquidateurs” de Tchernobyl. Il est clair que le vivant
n’est possible que parceque des mécanismes extraordinairement efficaces de réparation sont à l’oeuvre, et que le 10^-3 de dégâts de plus lié à ces irradiations déjà exceptionnelles, ne peut
qu’être, au pire, indétectable. Il se trouve qu’il est bénéfique, sans doute parcequ’il active, à la façon d’un vaccin, des défenses un peu endormies.
Enoncer partout ces résultats scientifiques, certes assez récents, me semble être la seule façon de répondre aux “anti” sincères. Pour les autres, laissons à ces anti-gnostiques la nouvelle
religion de “l’homme mauvais”, et gardons nous de leur laisser aucune place dans nos têtes et raisonnements.
Mais il me semble qu’ils manquent toujours un aspect de la défense, et sans doute le principal : pour quelle raison, au moins consciente, les “anti” le sont-ils ?
Excellente question! Mais…
Il me semble que cette raison tient, pour la part reconnue, dans les risques pour la santé liés aux rayonnements.
Mauvaise réponse. Si les “risques pour la santé” étaient le moteur essentiel des “anti”, alors ceux-ci seraient pour la “sortie de l’alcohol” et “la sortie de la cigarette”, deux habitudes qui
tuent infiniment plus en un an que l’ensemble de l’industrie nucléaire n’a tué en un siècle d’existence. Que les “risques pour la santé” soient brandis par les “anti” comme un croquemitaine pour
faire peur aux bonnes gens, c’est un fait. Mais que ce soit là leur principale motivation, non.
Il est intéressant d’établir des corrélations chez les “anti” entre leurs opinions antinucléaires et leurs autres chevaux de bataille. Tu remarqueras qu’en général les antinucléaires sont aussi
“basistes”, décentralisateurs, libéraux-libertaires. Difficile de trouver un jacobin antinucléaire et un anarchiste pro-nucléaire. On peut donc penser que l’opposition au nucléaire tient plus à
une opposition symbolique qu’à une opposition réelle. On rejette le nucléaire pour ce qu’il représente, et non pour ce qu’il est.
Le fait est que le nucléaire représente un programme ou l’intervention de l’Etat a été déterminant, dont la planification et l’execution ont été fortement centralisés, et qui se prête peu à une
intervention constante de la “base” dans sa gestion. C’est aussi un programme qui dès le départ à été lié plus ou moins fortement à une ambition militaire. Et dès le départ, bien avant qu’il soit
une réalité, il a été honni par une partie du specte politique et adoré par une autre. Et cette division ne se fait pas suivant la ligne “droite/gauche” mais plutôt suivant celle
“jacobins/girondins” (ou dans sa forme moderne, “étatistes/libéraux-libertaires”). Ce qui, si l’on accepte mon explication, n’a rien d’étonnant.
Dans ce cas les bons arguments à mettre en avant, et les seuls à mon avis valable,s sont les arguments de santé publique et privée.
Cela ne sert à rien: des dizaines d’études ont été publiés montrant que les effets de la radioactivité dégagée par le programme nucléaire a des effets indétectables, et que même en cas d’accident
grave ces effets sont très limités. Rien n’y fait: quand on ne veut pas voir, on ne voit pas. L’opposition au nucléaire n’est pas une opposition rationnelle. C’est une Cause Sacrée. Et c’est
d’ailleurs pourquoi les antinucléaires n’hésitent pas à mentir sans vergogne (une lecture même superficielle du site de “sortir du nucléaire” vous en convaincra). Un mensonge pour la Cause n’en
est pas vraiment un, n’est ce pas ?
Les rayonnements, aux doses et surtout flux, envisageables en situation normale, voire MEME ACCIDENTELLE dans le majorité des cas, pour la population (Tchernobyl et fukushima inclus !)
sont probablement BENEFIQUES pour la santé.
Faut tout de même pas exagérer. Il est vrai que l’on a constaté dans certaines études que les faibles doses sont corrélées à une réduction de certaines pathologies. Mais il est probable que ces
résultats soient l’effet de la variabilité statistique, les phénomènes dont on parle étant du niveau du bruit de fonds.
“Je ne lis pas Science et Vie…. Méfiez-vous, Science et Vie n’est pas le comble du sérieux.” (in fine réponse n° 3). Comment pouvez-vous vous permettre pareille affirmation si vous ne le lisez
pas ? Et, en tant que lecteur de ce magazine, je suis curieux de savoir si vous avez un exemple récent d’article pour illustrer votre propos.
Comme je ne voudrais pas être totalement négatif pour une première intervention, qu’il me soit permis de vous faire part de l’intérêt que j’éprouve pour un blog où il est question aussi bien
d’Economie Polotique que de physique nucléaire.
Dernière chose (que vous pourrez supprimer, si vous publiez le reste), si la question vous intéresse: l’article de Science et Vie sur la filière thorium est dans le n° de novembre dernier. Il
n’est plus en vente en kiosque, mais le magazine a un service de vente des anciens n°.
“Je ne lis pas Science et Vie…. Méfiez-vous, Science et Vie n’est pas le comble du sérieux.” (in fine réponse n° 3). Comment pouvez-vous vous permettre pareille affirmation si vous ne le
lisez pas ?
Parce que si je ne lis pas aujourd’hui “Science et Vie”, je l’ai lue par le passé.
Et, en tant que lecteur de ce magazine, je suis curieux de savoir si vous avez un exemple récent d’article pour illustrer votre propos.
Je me souviens encore d’un article sur les probabilités ou l’on soutenait que pour augmenter ses chances de gagner à la roulette il fallait jouer le numéro qui n’est pas sorti depuis le plus
longtemps… (pour ceux qui auraient oublié leur cours de probabilités, la probabilité théorique d’un numéro donné de sortir à la roulette est la même à chaque tirage, quelque soit le résultat
des tirages précédents; en pratique, il faut au contraire jouer le numéro qui sort le plus souvent, car la roulette n’étant pas parfaite, le fait qu’un numéro sorte plus souvent que les autres
est une indication qu’il a une plus forte probabilité de sortir du fait d’une imperfection du mécanisme…).
Comme je ne voudrais pas être totalement négatif pour une première intervention (…),
Ne vous excusez pas, les interventions négatives, lorsqu’elles sont intelligentes, apportent autant sinon plus au débat que les interventions positives. En tout cas, merci de votre encouragement.
réponse au commentaire du gérant de ce site.
Les “anti” ne sont pas pour l’essentiel de ceux que j’appelle les “anti-gnostiques”, c’est à dire des “croyants” de la religion de ” l’homme mauvais” et de la nature sacrée. Ce sont des humains
ordinaires, fatigué après le travail, et qui écoutent et lisent les médias vendus aux puissances du moment, et ignorent donc les faits. Contrairement à ce que vous dites les information réelles
NE SONT PAS CONNUES, elles sont ignoré et non pas refusées, même si la conscience des manipulations dont nous sommes constamment l’objet par les médias sur tous les sujets d’importance, conduit
la pluspart à transposer en une défiance universelle. J’en vois chaque jour la preuve au sein même de mon labo, où les “religieux” sont rares pourtant !! L’irrationalisme qui conduit certains,
les fumeurs, à fumer en toute connaissance de cause, n’a rien à voir avec les doutes de la majorité qui ignore les risques réels de la radioactivité, faute de les avoir jamais entendus exposer
clairement. Les uns tirent un plaisir personnel certain, fût-il suicidaire, de leur intoxication, les autres dans le doute appliquent un simple et sain principe de précaution.
Il importe donc de s’adresser à la raison de ces gens ordinaires, de les éduquer n’ayons pas peur des mots, au besoin. S’appuyer sur une vision défaitiste de la conscience humaine en assurant que
les citoyens ne seront sensibles qu’à une manipulation en contrant une autre, est l’assurance d’un echec définitif à terme. C’est au fond conforter les outils de la désinformation néo-libérale.
Non je ne “pousse pas”. L’hormésis est très probable, elle a été démontrée au delà des effets statistiques sur les souris (au moins), et si elle ne l’a pas été sur l’homme pour des raisons
évidentes, le caractère commun de mammifère laisse peu de doutes à mon avis à cet égard. Par ailleurs la variabilité très forte des niveaux d’irradiation naturelle, non corrélée aux causes de
mortalité, y compris dans les pays développés, plaide en faveur de cet effet. Les scientifiques ont débattu depuis plus de 60 ans de ces risques et les progrès de la connaissance sont maintenant
assez sûrs pour que les débats façon Stewart des années 70 soient clos, et positivement.
Nul ne fait le mal que par ignorance disaient les anciens.
Contrairement à ce que vous dites les information réelles NE SONT PAS CONNUES, elles sont ignoré et non pas refusées,
Bien sur que si. Elles sont repetées depuis trente ans par toutes les académies. Elles sont diffusées par toutes sortes de publications, y compris celles de vulgarisateurs scientifiques de
premier ordre comme Georges Charpak. Si elles ne sont pas connues, ce qu’on ne veut pas les connaître.
S’appuyer sur une vision défaitiste de la conscience humaine en assurant que les citoyens ne seront sensibles qu’à une manipulation en contrant une autre, est l’assurance d’un echec définitif
à terme.
Il fut un temps ou j’ai partagé votre conviction. Et au nom de cette conviction, j’ai participé à des actions de vulgarisation ou j’ai vu des gens éminement estimables et scientifiquement
exceptionnels se faire huer par des ignorants ou tout simplement ignorer. Vingt ans d’expérience m’ont rendu extrêmement sceptique.
Nul ne fait le mal que par ignorance disaient les anciens.
Si les anciens avaient connu le réseau “sortir du nucléaire”, ils auraient changé d’avis.
@ Descartes
Merci pour toutes ces réponses. J’ajoute un lien vers ce billet (et ses commentaires) depuis le mien… Sur les travailleurs qui passent leur vie sur la route, je comprends ton argument, j’ai
balancé tout ça en vrac et un peu vite sans doute… Par contre je ne suis pas tout à fait sûr que le fait d’employer des travailleurs clandestins n’ait aucun rapport avec la choucroute ; non pas
parce qu’ils seraient a priori moins compétents, mais parce que leur statut précaire n’est pas vraiment un gage de sérénité ni donc de sûreté. L’industrie nucléaire, tu connais certes
mieux que moi, mais tu admettras que les enjeux y sont un peu différents de ceux liés à la construction de l’Opéra Bastille…
Autre chose : la comparaison entre le risque nucléaire et le risque routier (d’ailleurs reprise par Asselineau citant lui-même… Rocard) n’a pas de sens. Pour le coup, je trouve que c’est toi qui
mélanges tout… Pour l’alimentation, par contre, je suis bien d’accord – du reste nombre de médecins affirment depuis longtemps que c’est la première cause de cancers. Idem pour les risques
chimiques en général.
Enfin je prends note concernant ta position sur le référendum, cela dit je crois comprendre que tu restes disons plutôt hostile à cette idée. Et je ne partage toujours pas tes réserves. Et
j’insiste à nouveau sur le fait qu’il y a là une question qui va très au-delà du nucléaire en lui-même. Les écologistes ont une fâcheuse tendance à croire que l’homme ne doit toucher à rien, ne
surtout pas créer de flux d’énergie artificiels, et se démerder avec les flux d’énergie naturels – qui ne sont pas toujours “renouvelables” stricto sensu : l’énergie du
Soleil, cet énorme réacteur à fusion nucléaire, n’est pas “renouvelable” ; elle est simplement très durable… et malheureusement le flux d’énergie induit arrive sur Terre avec une densité très
modeste qui en réalité ne permet pas d’en faire grand-chose. Mais savoir si l’homme a ou non le “droit” de créer des flux d’énergie artificiels, ça nous ramène à la maîtrise du feu, très loin en
arrière. Donc j’estime qu’on est face à un problème de religion, et que malheureusement les bondieuseries gagnent du terrain, au moins dans les pays (encore) riches.
Et merci pour le conseil de lecture.
Par contre je ne suis pas tout à fait sûr que le fait d’employer des travailleurs clandestins n’ait aucun rapport avec la choucroute ; non pas parce qu’ils seraient a priori moins compétents,
mais parce que leur statut précaire n’est pas vraiment un gage de sérénité ni donc de sûreté.
Faudrait tout de même pas exagérer. Les pyramides de Gizeh ont été construites par des travailleurs – oh combien! – précaires, et leur oeuvre est toujours là. Que le personnel employé sur le
chantier EPR soit précaire – à supposer que le fait soit prouvé… – est scandaleux du point de vue social. Mais aucune étude sérieuse ne montre que la précarité en soi n’affecte pas
significativement la qualité du travail. D’ailleurs, si c’était le cas, on se demande quel intérêt aurait Bouygues à risquer des retards qui lui coûtent fort cher en argent et en réputation en
employant du personnel précaire…
Autre chose : la comparaison entre le risque nucléaire et le risque routier (…) n’a pas de sens.
J’aimerais que tu argumentes le point… il ne suffit pas d’affirmer que “cela n’a pas de sens” pour balayer la comparaison d’un revers de manche…
Enfin je prends note concernant ta position sur le référendum, cela dit je crois comprendre que tu restes disons plutôt hostile à cette idée. Et je ne partage toujours pas tes réserves.
En d’autres termes, tu penses que la population est prête à consacrer à la question le temps et l’effort nécessaire pour comprendre les tenants et les aboutissants et faire ainsi un choix informé
? Je pense que tu surestimes considérablement l’envie de nos concitoyens de s’investir dans cette question.
Donc j’estime qu’on est face à un problème de religion, et que malheureusement les bondieuseries gagnent du terrain, au moins dans les pays (encore) riches.
Dans ce cas, je comprends encore moins ton attachement au référendum. Crois-tu qu’on puisse règler par référendum une question de foi ?
@ Descartes
Enfin, sur le “vieillissement du parc”, j’attire ton attention sur le fait qu’il n’y a aucune corrélation entre la vieillesse du parc et la fréquence des accidents. Pire: les
accidents endogènes les plus graves (Tchernobyl, Three Mile Island) sont arrivés sur des réacteurs neufs. Plus un réacteur vieillit, plus son comportement est connu, plus il y a des chances que
ses défauts de construction aient été repéres et corrigés…
Ce que tu dis est logique , mais n’aurais-tu pas du ajouter qu’il y a une limite au vieillissement?
En terme de fiabilité, les procédés industriels ont très souvent une courbe en baignoire:
– Un fort taux de défaillance en début de vie (période de deverminage)
– Un faible taux de défaillance pendant de nombreuses années
– Un fort taux de défaillance en fin de vie
Personnellement, sans être un expert dans le domaine du nucléaire, je pense qu’il y a probablement une limite au delà de laquelle le vieillissement d’un réacteur est source de défaillances
accrues, même si cette limite peut-être repoussée par de la maintenance et des investissements ( Si ce n’était pas le cas il n’y aurait pas besoin de provisionner des charges pour
le démentellement des centrales, non?).
Ce que tu dis est logique , mais n’aurais-tu pas du ajouter qu’il y a une limite au vieillissement?
J’aurais pu, bien sur. La limite au vieillissement repose aujourd’hui sur le seul composant d’une centrale qu’on ne peut remplacer: la cuve. Car il faut bien comprendre que dans les centrales
d’aujourd’hui il n’y a pratiquement aucun composant d’origine… tous ont été remplacés au fur et à mesure des programmes de maintenance. Seule la cuve ne peut être remplacée… c’est pourquoi
elle est examinée en profondeur à chaque visite décenale. Si une telle visite montrait une dégradation… le réacteur ne serait plus autorisé à démarrer.
En terme de fiabilité, les procédés industriels ont très souvent une courbe en baignoire:
Pas tous. En particulier, les procédés dans lesquels on remplace régulièrement le materiel ont une courbe d’apprentissage monotone, et leur fiabilité s’accroit jusqu’au moment où ils sont
abandonnés (en général, parce qu’il ne serait plus rentable de continuer leur exploitation).
Personnellement, sans être un expert dans le domaine du nucléaire, je pense qu’il y a probablement une limite au delà de laquelle le vieillissement d’un réacteur est source de défaillances
accrues,
Eh non. Il y a une limite, il est vrai, à partir de laquelle l’exploitation est impossible (cela se produira lorsque la cuve sera suffisamment degradée). Mais cela n’a pas d’incidence sur la
“fiabilité”.
Bien sûr que non les informations ne sont pas disponibles !! Vous confondez existence et disponibilité réelle. Qui lit les documents émanant de l’Académie des sciences ? Pas même les
chercheurs scientifiques d’une discipline à l’autre. Mes jeunes collègues dans le bus matinal lisent exclusivement “Metro”, et tout a été fait pour. Une preuve entre mille vous même, expert
nucléaire apparemment, ignoriez que l’hormésis ne fait plus réellement de doute sérieux !
Toute tentative de contrer une manipulation (déculturation, bourrage de crane, fausses nouvelles ….) par une autre finit nécessairement in fine par conforter la manipulation dominante, ne
serait-ce que parce que le réveil eventuel des esprits conforte alors le “tous pourris” qui mène à l’inaction. C’est précisément pour cela qu’ont disparus les partis communistes d’Europe.
Il faut croire en l’esprit humain et être convaincu qu’un esprit une fois éveillé ne se rendormira jamais. Ou l’action politique ‘a plus de justification.
Les anciens connaissaient bien pire que nos gnostiques du moment, eux qui ont vu la bibliothèque d’Alexandrie incendiée par les leurs, dont cetains se sont baptisés eux-mêmes chrétiens par la
suite.
Bien sûr que non les informations ne sont pas disponibles !! Vous confondez existence et disponibilité réelle. Qui lit les documents émanant de l’Académie des sciences ?
C’est vous qui confondez: “disponible”, cela veut dire qu’on peut se les procurer, pas qu’elles sont lues. Les documents émanant de l’Académie des sciences ne sont peut-être pas lus, mais ils
sont tout à fait “disponibles” pour quiconque veut se donner la peine de les chercher. Comme sont également “disponibles” des centaines de titres de vulgarisation fort sérieux sur toutes les
questions touchant à l’énergie nucléaire.
Mes jeunes collègues dans le bus matinal lisent exclusivement “Metro”, et tout a été fait pour.
Vos jeunes collègues lisent “Metro” parce qu’ils n’ont pas envie de faire l’effort que signifie lire des textes et des documents sérieux. Et si vous commencez à mettre des choses sérieuses dans
“Metro”, ils iront lire autre chose. Comme le dit un sage, le grand ennemi de la liberté n’est pas la tyrannie, mais la paresse.
Une preuve entre mille vous même, expert nucléaire apparemment, ignoriez que l’hormésis ne fait plus réellement de doute sérieux !
Vraiment ? Pourriez-vous m’indiquer quelle est la source de cette passionnante information ?
Vous abondez donc dans mons sens. Les informations existent mais ne sont pas lues car les médias les occultent, et les français ordinaires ne peuvent se les procurer que par un effort qui excède
ce que peut raisonnablement faire un citoyen ordinaire après sa journée de travail, scientifique honnête mais d’une autre discipline compris. C’est exactement ce que je dis. Il faut les répandre
et répéter en s’adressant à la raison des auditeurs.
Le citoyen ordinaire est paresseux, moi le premier. Pas vous et c’est formidable. Bravo.
Source en ce qui me concerne : conférence de M. A. Aurengo, du 21 septembre 2011 au C.E. Saclay, références incluses, certainement disponible sur demande aurengo@wanadoo.fr.
Vous abondez donc dans mons sens. Les informations existent mais ne sont pas lues car les médias les occultent,
Non, je dis exactement le contraire: les informations non seulement existent, mais elles sont disponibles, et si elles ne sont pas lues ce n’est pas parce que la terrible Conspiration des Médias
les occultent, mais parce que les gens n’ont pas envie de faire l’effort nécessaire pour se les approprier. Contrairement à ce que vous semblez croire, les médias ne font que suivre les désirs
des spectateurs. S’il y avait une demande pour des émissions ou des articles sérieux et informés, et bien les médias les publieraient.
et les français ordinaires ne peuvent se les procurer que par un effort qui excède ce que peut raisonnablement faire un citoyen ordinaire après sa journée de travail, scientifique honnête
mais d’une autre discipline compris. C’est exactement ce que je dis.
Alors vous avez beaucoup changé votre discours. Parce que jusqu’à votre dernier mesage, vous disiez quelque chose de très différen: vous souteniez l’idée qu’il suffirait de diffuser un discours
rationnel et scientifique pour gagner les “anti” sincères. Ce qui suppose que l’effort à fournir pour intégrer ce discours puisse être fourni par ce “citoyen ordinaire parès sa journée de
travail”. Maintenant vous écrivez exactemetn le contraire…
Source en ce qui me concerne : conférence de M. A. Aurengo, du 21 septembre 2011 au C.E. Saclay, références incluses, certainement disponible sur demande aurengo@wanadoo.fr.
Je doute fort que le prof. Aurengo ait affirmé que “l’hormésis ne fait pas réellement de doute sérieux” dans le domaine nucléaire…
lorsque Marat a soumis un mémoire de chimie a Lavoisier celui ci l’a éconduit en lui reprochant de n’avoir fait aucune mesure, ce qui retirait toute valeur a sa thése.
c’est aussi ce que les responsables américains demandent avec la formule “give me datas”
alors je voudrais rappeler quelques chiffres pour dire que le dangereux ce n’est pas le nucléaire, c’est le charbon
en additionnant three miles island, tchernobyl et fukushima on a quelques dizaine de mort rapide en 30 ans
pendant la m^me periode 120 000 mineurs chinois ont péri au fond de la mine ( 4000 par an)
et les morts a petit feu par silicose sont incomparablement plus nombreuses que celles par irradiation.
mais ça ça ne ferait pas vendre du papier, ni justifier des défilés