Où sont les bougies ?

Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, le 1er janvier 2012 marque l’anniversaire d’un évènement majeur qui, si l’on croit du moins les discours de l’époque, auraient du réjouir le coeur de tous les “vrais européens”. Le 1er janvier 2002, en effet, nos vieux billets libellés en Francs et représentant toutes sortes de vieilles gloires – horresco referens – nationales (vous savez, Pierre et Marie Curie, Saint-Exupéry, Debussy, Cézanne, Eiffel…) sont partis aux oubliettes, remplacés par ces merveilleux billets représentants des ponts inexistants qui ne conduisent nulle part et des fenêtres tout aussi inexistantes qui ne regardent sur rien.

 

Souvenez-vous, chers lecteurs. Souvenez-vous des discours enflammés tenus par des personnalités de droite comme de gauche qui à l’époque occupaient 99% de l’espace médiatique. Ce merveilleux changement illustrait la marche irrésistible de l’Europe vers son avenir radieux. Les vieilles nations – vade retro Satanas – allaient s’effacer pour laisser leur place à cet espace indifférencié, métissé, joyeux que Klapisch illustra dans son inoubliable – mais pas dans le bons sens – “auberge espagnole”. Et tout ça sous la sage conduite des fonctionnaires “apolitiques” de Bruxelles, guidés non plus par des bas instincts électoraux mais par le plus grand bien, celui de la stabilité des prix et de la concurrence libre et non faussée. Le matin du 1er janvier 2002, on ne trouva pour montrer au journal télévisé que quelques grincheux pour regretter la disparition du franc, qu’on présenta d’ailleurs dans le meilleur style de l’époque sous un jour ridicule: des vieux attachés au passé et incapables de comprendre le monde merveilleux qui s’offrait à eux.

 

2002 fut l’apothéose du bourrage de crâne commencé à la fin des années 1980. L’Europe occidentale devait faire face à une crise multiforme, produit de la fin des “trente glorieuses”. L’idéologie libérale s’installe, et avec elle une vision cynique et utilitaire de la politique par les élites. Il fallait donner à cette vision un déguisement qui la rendit politiquement acceptable par les peuples, et l’Europe, avec son message passe partout – qui peut être contre la paix, l’amitié, la coopération ? – offrait un minimum commun dénominateur permettant de montrer à l’horizon une perspective radieuse et d’habiller les politiques néo-libérales qui, sauf dans les pays de tradition anglo-saxonne, n’auraient jamais été acceptées si elles avaient été présentées nues. Le thatcherisme prit sur le continent européen le déguisement “soft” de la construction européenne. On privatisa à qui mieux mieux… mais ce fut au nom de l’amour entre les peuples. Et on expliqua qu’il fallait faire la monnaie unique pour permettre aux européens de voyager sans avoir à changer leurs billets, quand en fait c’était le moyen – la finance en avait rêvé depuis la nationalisation de la Banque de France – de sortir la politique monétaire des mains des élus du peuple pour la mettre dans les mains de techniciens bénis par les institutions financières. Ces inepties et beaucoup d’autres encore ont été soutenues par une classe politico-médiatique qui, avec de très honorables exceptions, fit de l’Europe un dogme.

 

Imaginons, cher lecteur, ce qu’auraient répondu ces personnalités si on leur avait demandé en 2002 ce que serait la fête d’anniversaire de l’Euro en 2012 ? Malheureusement, personne n’a songé à l’époque à leur poser la question. Ce qui est fort regrettable, parce qu’on se serait payé une bonne tranche de rigolade. En tout cas, on peut en être surs, aucun n’aurait eu la clairvoyance – ou la franchise – de décrire la situation où nous sommes. La monnaie unique est devenue un carcan qui risque fort d’entrainer l’ensemble des économies européennes dans le gouffre. On ne peut que partager l’analyse de Paul Krugman (“Italian default is the real eurozone worry”, 26/10/2011). Pour ceux qui ne dominent pas la langue de Shakespeare, je traduis la partie la plus notable:

 

C’est un cercle vicieux. Pour sauver l’Euro, cette menace [celle d’un défaut sur la dette] doit être contenue. Mais comment ? La réponse implique la création d’un fonds qui peut, si nécessaire, prêter à l’Italie (et à l’Espagne, qui est aussi menacée) suffisamment d’argent pour lui éviter d’avoir à emprunter à des taux astronomiques. Il est probable que le fonds en question ne soit jamais utilisé, sa simple existence mettant fin au cycle de la peur. Mais il faut que l’argent pour faire face à des prêts très considérables, de l’ordre de mille milliards d’Euro, soit en caisse.

 

Et c’est là que se trouve le problème: toutes les propositions pour la création d’un tel fonds reposent en dernier ressort sur le soutien des principaux pays européens, soutien qui doit être crédible pour que le plan fonctionne. Mais l’Italie est précisement l’un de ces gouvernements: elle ne peut pas se sauver en se prêtant de l’argent à elle même. Et la France, la deuxième économie de la zone Euro, n’a pas l’air très solide en ce moment, ce qui fait craindre que la création du fonds, en s’ajoutant à la dette française, mette la France sur la liste des pays en crise (…).

 

Pensez à des pays comme Grande Bretagne, Japon ou les Etats-Unis, qui ont des dettes et des déficits énormes, et qui arrivent pourtant à emprunter à des faibles taux. Quel est leur secret ? La réponse, c’est qu’ils conservent leur propre monnaie, et que les investisseurs savent qu’ils peuvent toujours financer leurs déficits en faisant tourner la planche à billets.

 

Et la conclusion de Krugman est sans appel, et mérite d’être gardée en mémoire:

 

Plus généralement, le problème est que le système Euro a été conçu pour faire face à la dernière guerre économique. C’est une ligne Maginot construite pour éviter une nouvelle crise des années 1970, ce qui est pire qu’inutile quand le grand danger est une nouvelle crise des années 1930.

 

L’histoire de l’Europe de l’après-guerre est extraordinairement intéressante. Sur les ruines de la guerre, les européens ont bâti un ensemble de paix et démocratie, en construisant au passage des sociétés qui, quoique imparfaites – et quelle société ne l’est pas ? – sont probablement les plus solidaires dans l’histoire humaine. Et aujourd’hui, cette réalisation est menacée parce que les élites européennes, dans leur arrogance, ont enchaîné le continent dans un système monétaire qui recréé les rigidités de l’étalon or, et qui – comme l’étalon or dans les années 1930 – est devenu un piège.

 

Et cela devient si évident que même les plus fervents partisans de l’Euro ont fait profil bas ce 1er janvier. Pas de concert géant à la Concorde, pas de fête à la Porte de Brandebourg, pas de gens sabrant le champagne devant le siège de la BCE à Francfort. Pas même de rétrospective sur ARTE sur le mode “les dix merveilleuses années de l’Euro” – avec les généreux financements européens que ce genre de publi-documentaire reçoit habituellement. Silence et discrétion de rigueur. Et on peut parier que le vingtième anniversaire du traité de Maastricht sera lui aussi fêté “dans la stricte intimité, ni fleurs ni couronnes”, comme on écrit sur les faire-part. Il ne faut surtout pas rappeler aux peuples les promesses faites il y a vingt ans. Cela pourrait le pousser à de regrettables excès, par exemple, de se demander ce que sont devenus ces pontifes qui prêchaient “l’Euro c’est la croissance et l’emploi” et “l’Europe qui protège”.

 

Le pire, c’est que les mêmes qui hier balayaient d’un revers de manche méprisant les arguments des euro-sceptiques sont les premiers au fenestron pour nous proposer de contourner les règles qu’ils ont eux mêmes instituées. On a eu aujourd’hui une illustration de cette détestable manière avec la tribune publiée dans Le Monde par Michel “la vieillesse est un naufrage” – Rocard et Pierre Larrouturou.

 

Dans cette tribune, Rocard et Larrouturou constatent en passant que si “la banque centrale européenne n’est pas autorisée à prêter aux Etats membres, elle peut prêter sans limite aux organismes publics de crédit”. Ils en concluent qu’il n’est pas nécessaire de modifier les traités pour que la BCE prête aux Etats. Il suffit que la BCE accepte de prêter à un “organisme public de crédit” qui servirait de prête nom, et que celui-ci prête à l’Etat en question. Ce genre de raisonnements font passer la lettre des textes avant leur esprit. Lorsque Rocard et Larrouturou ont appelé à ratifier le traité de Maastricht (et plus tard le traité constitutionnel européen, qui reprend les mêmes dispositions), leur lecture du texte n’était nullement celle-là. Pour tous les commentateurs du traité, il était clair que ces dispositions visaient à interdire directe ou indirectement le financement des Etats par la BCE, c’est à dire par la planche à billets. C’est cette interprétation qui a été défendue devant le peuple, et c’est sur cette interprétation que le peuple a voté et ratifié le traité. Prétendre aujourd’hui, parce que cela devient politiquement opportun, d’en faire une lecture diamétralement opposée, c’est se foutre du monde et d’abord de ceux devant qui on a défendu une autre interprétation (1).

 

Il n’est pas inutile de rappeller ce que pensait en 1992 un certain Michel Rocard du traité de Maastricht, celui-là même qu’il voudrait contourner aujourd’hui:

 

«Maastricht constitue les trois clefs de l’avenir: la monnaie unique, ce sera moins de chômeurs et plus de prospérité ; la politique étrangère commune, ce sera moins d’impuissance et plus de sécurité ; et la citoyenneté, ce sera moins de bureaucratie et plus de démocratie » (Michel Rocard, Ouest-France, 27.8.92)

 

Il est grand temps d’en finir avec un certain nombre de mythes de la construction européenne. C’est la condition sine qua non pour sortir de l’angélisme et être en mesure d’articuler une politique européenne cohérente et réaliste. Le premier de ces mythes, c’est le mythe de la paix. Oui, l’Europe a connu entre 1945 et nos jours la plus longue période de paix de son histoire. Non, cette paix ne doit rien à la construction européenne. Elle est le résultat combiné – et successif – de la défaite totale de l’Allemagne en 1945, des nécessités de la guerre froide, de la crainte qu’inspirait le Grand Voisin de l’Est, de la fin des empires coloniaux et d’un changement géopolitique qui fait qu’aujourd’hui ce n’est pas l’extension territoriale qui fait la puissance des nations. Mais si la guerre a disparu, on n’est pas devenu des frères pour autant. La guerre s’est poursuivie, mais avec d’autres méthodes. Elle s’est déplacée de la sphère militaire à la sphère économique.

 

Il faut arrêter de croire que la construction européenne poursuit, on ne sait pas par quelle sorte de magie, le bien commun. La construction européenne est le résultat de rapports de force dans la défense d’intérêts. Certains de ces intérêts – ceux des grandes entreprises multinationales – sont transnationaux. D’autres, ceux des Etats, sont nationaux. Mais aucun n’est véritablement “européen”. En 1992, la France a subi une défaite: elle a du accepter la généralisation à l’ensemble de l’Europe de la monnaie allemande et de la politique monétaire orthodoxe de la Bundesbank. On peut dire tout ce qu’on veut, le fait est là: le mandat de la BCE est identique à celui de la banque centrale allemande, et pendant dix ans elle a conduit le même type de politiques, quelque fut la nationalité de son président. Or, ces politiques sont adaptées à la structure économique de l’Allemagne (et de quelques pays qui lui ressemblent), et profondément inadaptées aux structures des autres pays. Et le résultat a été un transfert de richesse massif qui appauvrit les pays “non-allemands” pour enrichir les autres. Ce phénomène est resté imperceptible aussi longtemps que ces pays ont pu emprunter de quoi masquer leur appauvrissement en maintenant le niveau de vie des populations. Aujourd’hui, ce n’est plus possible, et c’est pourquoi le système est entré en crise. Et de la même manière qu’on ne peut remplir une passoire, on ne peut résoudre la crise par injection de monnaie sauf à la rendre permanente, c’est à dire, de créer un mécanisme de transfert de richesse des pays les plus riches vers les pays les plus pauvres. Et on voit mal qu’est ce qui pourrait pousser les plus riches à accepter une telle ponction.

 

Devant cette crise, que nous disent les anciens maastrichiens ? Et bien, surtout pas d’auto-critique. Le traité reste bon, il suffit de le contourner. Les partisans acharnés de la politique du “franc fort” et de la déflation des années 1980 crient maintenant “Faisons tourner la planche à billets et finançons avec ces billets les déficits publics !”. Seulement voilà, il faudra qu’ils nous expliquent par quel miracle les pays à faible endettement et aux finances publiques équilibrées accepteraient de faire tourner la planche à billets au bénéfice exclusif des plus endettés. Par bonté d’âme, peut-être ?

 

 

Descartees

 

 

(1) La proposition de Rocard est ensuite d’utiliser cet artifice pour financer la dette des Etats. Mais comme il veut ménager la chèvre et le chou, il réaffirme le vieux principe germanique qui a inspiré les rédacteurs du traité de Maastricht selon lequel “rien ne doit encourager les gouvernments à continuer la fuite en avant” vers un endettement toujours croissant. Comment concilier ces deux impératifs inconciliables, celui du financement bon marché de la dette et celui de la sobriété ? Et bien, par une pirouette: Rocard et Larrouturou séparent la “vielle dette” (à refinancer à des taux proches de 0%) et la “nouvelle dette” qui, elle, serait financée par les marchés. L’ennui, c’est que toute dette finit par devenir “vieille” avec le passage du temps. La distinction est donc assez artificielle: lorsqu’un Etat émet de la dette, l’argent qu’il se procure n’est pas “fleché”. Il va dans un pot commun, d’où sortira l’argent qui sert à payer les instituteurs, les policiers, l’entretien des routes… ou à rembourser les dettes anciennes. La dette se “renouvelle” donc en permanence, et la distinction entre “dette ancienne” et “dette nouvelle” est donc totalement artificiel.

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22 réponses à Où sont les bougies ?

  1. argeles39 dit :

    En France il y a une péréquation, des transferts de fonds inter-régions, un seul pouvoir politique, un seul régime fiscal…….C’est une
    condition sine qua non pour cimenter la nation compte tenu des disparités économiques et régionales. Mais la construction de la France a été un long processus guerrier, il n’est jamais facile
    d’agréger des peuples n’ayant pas la même histoire.

    L’Europe et l’Euro ne pourraient fonctionner que sur ce même principe de solidarité, personnellement l’idée ne me choque pas (si j’ai voté
    « non » au référendum sur Maastricht c’est à cause du caractère ultralibéral du traité), mais c’est irréaliste car jamais les peuples ne l’accepteront, jamais ils n’accepteront la perte
    de souveraineté.

    Non seulement l’Europe et l’euro ne peuvent pas fonctionner compte tenu des disparités, mais c’est aussi un processus mortifère dans le cadre
    néolibéral qui nous est imposé, c’est un véritable recul de civilisation et démocratie.

    Cette évidence, seuls quelques uns l’avait mise en exergue en 1992, notamment Seguin, Chevènement, le PCF et la CGT,  et effectivement il est aujourd’hui savoureux d’écouter les Rocard, Delors & Co réagir devant l’évidence du fiasco néolibéral dans lequel ils nous ont
    plongés.

    Pour l’avenir j’ai du mal à être optimiste, Hollande n’a pas le tempérament pour faire marche arrière et affronter le capitalisme financier
    (il ressemble de plus en plus à sa marionnette des guignols), Méluche n’est pas crédible  et Chevènement me semble bien marginalisé.

    • Descartes dit :

      Mais la construction de la France a été un long processus guerrier, il n’est jamais facile d’agréger des peuples n’ayant pas la même
      histoire.

      Je ne partage pas. Le processus de construction de la France a été un long processus, mais pas forcément “guerrier”. Le brassage de
      populations par le jeu de la conscription et l’uniformisation de la langue par l’école de la République a été bien plus “constructeur” de la Nation que beaucoup de guerres.

      L’Europe et l’Euro ne pourraient fonctionner que sur ce même principe de solidarité,

      Tout à fait. Mais cette solidarité exige une communauté politique, c’est à dire, que chaque citoyen voie dans un concitoye, quel qu’il soit,
      un autre “soi même”. Et cela nécessite qu’on partage un ensemble d’expériences et de signes. Si cela doit arrive en Europe, ce n’est pas pour demain.

      Cette évidence, seuls quelques uns l’avait mise en exergue en 1992, notamment Seguin, Chevènement, le PCF et la CGT,  et
      effectivement il est aujourd’hui savoureux d’écouter les Rocard, Delors & Co réagir devant l’évidence du fiasco néolibéral dans lequel ils nous ont plongés.

      Entendre Mélenchon sur ce point n’est pas mal non plus…

      T

  2. Trubli dit :

    Bonjour.

    Que pensez-vous de ce sondage qui affirme en substance que plus de 50% des Français pensent que l’euro a été une mauvaise chose pour eux mais néanmoins  à 64% souhaitent le conserver ou ne
    pas revenir au Franc ?

    Est-ce la peur de l’inconnu ? Ou est-ce la croyance que quitter l’euro provoquerait une catastrophe ou est-ce par désamour du Franc ? 

    • Descartes dit :

      Je pense que la contradiction apparente contenue dans ce sondage traduit le fait que si une majorité de nos concitoyens font un diagnostic négatif des effets de l’euro, seule une minorité est
      capable d’imaginer un scénario de sortie. Et ce n’est pas étonnant, vu que aucune organisation politique, aucun groupe de réflexion n’a élaboré un scénario de sortie crédible et chiffré.

      Nos concitoyens sont profondément réalistes. Ils ne sont pas prêts à s’embarquer sans être convaincus que le capitaine sait comment arriver à bon port. C’est pourquoi on observe sur beaucoup
      d’autres questions le même phénomène que vous signalez sur l’Euro. Ainsi les français se manifestent majoritairement contre les politiques libérales, mais ne votent pas les politiciens
      antilibéraux…

  3. argeles39 dit :

    Les partisans acharnés de la politique du “franc fort” et de la déflation des années 1980 crient maintenant “Faisons tourner la planche à billets et finançons avec ces billets les
    déficits publics !”. Seulement voilà, il faudra qu’ils nous expliquent par quel miracle les pays à faible endettement et aux finances publiques équilibrées accepteraient de faire tourner la
    planche à billets au bénéfice exclusif des plus endettés. Par bonté d’âme, peut-être ?

    Il parait fort probable que L’Allemagne, encore traumatisée par son inflation des années 40, ne sera jamais partante pour faire un haircut de ce type

     

    • Descartes dit :

      Il parait fort probable que L’Allemagne, encore traumatisée par son inflation des années 40, ne sera jamais partante pour faire un haircut de ce type

      Arrêtons de répéter une idée toute faite qui est fausse. Ce n’est pas dans l’hyperinflation des années 1920 (et non de 1940)
      qu’li faut chercher l’origine de la position allemande. Il y a des pays qui ont eu régulièrement des crises d’hyperinflation (l’Argentine, sans aller plus loin, a eu une en 1975, une deuxième en
      1986, une troisième en 2001) et pourtant les argentins n’ont pas une allergie particulière pour l’inflation. Si l’Allemagne craint l’inflation, c’est parce que c’est traditionnellement un pays de
      rentiers. Or l’inflation détruit la rente.

       

  4. Quelle est la différence entre “libéralisme”, “néolibéralisme” et “ultralibéralisme”? Ces termes sont souvent employés, mais n’ayant guère de culture économique, je ne saisis pas bien la nuance.

    • Descartes dit :

      Quelle est la différence entre “libéralisme”, “néolibéralisme” et “ultralibéralisme”? Ces termes sont souvent employés, mais n’ayant guère de culture économique, je ne saisis pas bien la
      nuance.

      Personnellement, je n’utilise jamais le terme “ultralibéralisme”, qui pour moi n’a pas véritablement de sens.

      Pour le reste, je crois qu’on fait un contresens en oubliant, lorsqu’on étudie une philosophie politique, d’examiner “contre quoi” cette philosophie est née. Le “libéralisme” désigne une
      philosophie politique née à la fin du XVIIIème siècle qui méttait l’accent sur la liberté et la responsabilité individuelles face à la toute-puissance des monarchies absolues. Les principes du
      libéralisme classique ont été repris au XXème siècle, mais pour les opposer non plus à l’Etat absolutiste, mais à l’Etat-providence démocratique. Même si les “nouveaux” libéraux utilisent les
      mêmes termes et références que les “anciens”, la signification des deux mouvements n’est évidement pas la même. Le terme “néo-libéral” a été inventé pour rendre compte de cette
      différence.

  5. Trubli dit :

    En effet il faut faire très attention à ces falsifications de l’Histoire.

    La politique de l’euro fort est adaptée à la structure économique de l’Allemagne et à sa capacité a avoir une inflation toujours plus faible que la France.

    Monétisation à la française ou rigueur à l’allemande ? Moi je préfère le défaut une fois que la balance des transactions courante est équilibrée et qu’on retrouve un solde primaire positif. 

  6. Trubli dit :

    “Ils ne sont pas prêts à s’embarquer sans être convaincus que
    le capitaine sait comment arriver à bon port”

    J’en doute. Chevènement présente un programme cohérent,
    Asselineau aussi. Seulement ils ne décollent pas dans les sondages. 

    Les français sont comme ces femmes battues par leurs maris et qui n’osent pas le quitter.
    Songent-ils seulement à lire les programmes ou quelques bouts de programmes ?  Je pense qu’ils sont soient paresseux car votant uniquement pour ceux qu’ils voient le plus souvent à la télé,
    soient votent consciemment pour celui qui défendra leurs intérêts particuliers (ex : TVA à 5,5% dans la restauration)  même si cela va à l’encontre de l’intérêt général. 

    • Descartes dit :

      “Ils ne sont pas prêts à s’embarquer sans être convaincus
      que le capitaine sait comment arriver à bon port”. J’en doute. Chevènement présente un programme cohérent, Asselineau aussi. Seulement ils ne décollent pas dans les sondages. 

      Vous confondez une condition nécessaire avec une condition
      suffisante. Que les français “ne soient pas prêts à s’embarquer sans être convaincus que le capitaine saura les mener à bon port” n’implique pas qu’ils soient prêts à s’embarquer avec un
      capitaine qui saurait les convaincre qu’il sait ou aller. Encore faut-il qu’ils aient envie d’aller dans cette direction. Il faut distinguer à
      mon avis Mélenchon, qui a un problème de crédibilité et Chèvenement, dont le problème est le déphasage avec l’opinion.

      Les français sont comme ces femmes battues par leurs maris et qui n’osent pas le quitter.
      Songent-ils seulement à lire les programmes ou quelques bouts de programmes ?

      Non. Et ils ont raison. Ils ont vu par le passé ce que deviennent les “programmes” après
      quelques mois au pouvoir. Contrairement à vous, je pense que les français votent avec beaucoup de rationnalité et de pragmatisme. Ils ne votent pas Chèvenement parce qu’ils savent que la vision
      républicaine, qui exige des citoyens des devoirs et des sacrifices, et qu’ils n’ont pas envie de faire ces sacrifices ou de se sentir liés par ces devoirs. L’histoire de France montre que les
      français ne choisissent l’option républicaine que lorsque la crise est profonde. Et celle où nous sommes n’est pas encore assez profonde pour que les gens aient l’impression que les sacrifices
      sont nécssaires.

      votent consciemment pour celui qui défendra leurs intérêts particuliers (ex : TVA à 5,5%
      dans la restauration)  même si cela va à l’encontre de l’intérêt général. 

      Et c’est parfaitement normal. Si les citoyens étaient capables de se dégager de leurs intérêts
      particuliers pour poursuivre l’intérêt général, nous n’aurions pas besoin d’un système politique. Il suffirait de prendre au hasard un citoyen (ou de recruter par concours le plus compétent) et
      le mettre à gouverner. S’il faut un système politique, c’est précisement parce que les individus poursuivent leurs intérêts. Il faut donc un système complexe qui soit capable, à partir du jeu des
      intérêts individuels, de dégager l’intérêt général. C’est d’ailleurs pourquoi les partisans de la démocratie “directe” ou “participative” se trompent !

  7. argeles39 dit :

    l’hyperinflation des années 1920 (et non de 1940)

    Oui bien sur, mea culpa.

    Pour illustrer L’hyperinflation de la République de Weimar:

    – le 20 juin 1923 il faut dépenser 80 millions de marks pour déjeuner (modestement mais avec une brouette) dans un restaurant
    d’Allemagne:
    http://biblioteca2.uclm.es/biblioteca/CECLM/ARTREVISTAS/cuenca/dia_cuenca/pdf/n1167.pdf
    Le 20 septembre 1923 ces 80 millions de marks valaient 5 pesetas Espagnoles contre 100 millions de pesetas avant la guerre de 14-18.

  8. « Si l’Allemagne craint l’inflation, c’est parce
    que c’est traditionnellement un pays de rentiers. Or l’inflation détruit la rente ».

    J’ai entendu une autre explication dans la bouche de
    Chevènement, à plusieurs reprises : lui ne parle ni des années 20 (comme beaucoup), ni de rente. Il évoque la confiscation de l’épargne des Allemands (80 % ou 85 % je crois) lors de la
    création du Deutsch Mark en 1948. Que s’est-il passé à ce moment-là ? Car Chevènement ne développe jamais (ce n’est pas le point central de ses interventions, c’est compréhensible).

     

    D’autre part, que penses-tu personnellement de son idée
    de transformer l’euro en monnaie commune ? Enfin, je me demande ce que tu penses de l’UE en général : crois-tu qu’il faille en sortir ? Ou bien faut-il la conserver tout en rendant
    aux Etats-nations leurs prérogatives (ou certaines d’entre elles) ?

    • Descartes dit :

      Il évoque la confiscation de l’épargne des Allemands (80 % ou 85 % je crois) lors
      de la création du Deutsch Mark en 1948. Que s’est-il passé à ce moment-là ?

      C’est le début de la guerre froide. Les alliés ont décidé l’uniformisation des trois
      zones d’occupation occidentales et la réorganisation de l’économie. L’un de ces éléments de la réorganisation est la création d’une nouvelle unité monetaire, le Deutsche Mark pour remplacer le
      Reichsmark toujours en circulation. La nouvelle monnaie est crée d’un coup le 20 juin 1948, avec un taux de change par tranches: les sommes inférieures à 40 Reichsmarks étaient changés à une
      parité 1 pour 1, les sommes supérieures à une parité de 10 pour 1. Ce qui bien entendu ruina les rentiers qui avaient des capitaux en monnaie.

      D’autre part, que penses-tu personnellement de son idée de transformer l’euro en
      monnaie commune ?

      J’ai dejà répondu à cette question. Si l’on rétablisse les monnaies nationales avec
      la possibilité de dévaluer les unes par rapport aux autres pour tenir compte des différentiels de compétitivité, on résout l’essentiel des problèmes. Après, si pour sauver la face des europhiles
      on a envie de constituer virtuellement un “panier” de monnaies et appeller cette unité “monnaie commune”, j’y vois pas d’inconvénient. Mais il faut être bien conscient que la “monnaie” ainsi
      définie n’a plus rien à voir avec une véritable monnaie. Ce n’est qu’une unité de compte…

      Enfin, je me demande ce que tu penses de l’UE en général : crois-tu qu’il
      faille en sortir ?

      Si le choix est de rester ou de partir de l’UE telle qu’elle est aujourd’hui, la
      sortie me paraît nécessaire. Par contre, il est peut-être possible de la réformer et d’en faire un mécanisme de coopération entre états souverains. Pour moi, la pierre d’achoppement est la
      question de la “concurrence libre et non faussée”. Si l’on peut sortir de cette idée sans sortir de l’UE, alors tout va bien. Si l’on ne peut pas, alors il faut sortir de
      l’UE.

  9. Trubli dit :

    Bonjour,

    toujours au sujet de ces dix ans de l’euro, vous pouvez écouter le pugilat, lors de la matinale de France Culture, entre Brice Couturier – chien de garde du néolibéralisme et de l’euro – et
    Jacques Sapir. Sapir gagne par KO. http://www.dailymotion.com/video/xniqt4_jacques-sapir-lundi-2-janvier-2012-france-culture-les-matins_news

     

    • Descartes dit :

      Je crois que ton zèle militant t’aveugle. Sapir ne gagne pas vraiment par KO, même si son argumentation est nettement plus sérieuse que celle de Couturier. C’est plus une confrontation entre deux
      fois contradictoires qu’une véritable discussion argumentée. En particulier, Sapir a tort d’essayer d’expliquer que Mélenchon partage son analyse par rapport à l’Euro, alors que toutes les
      déclarations et les écrits du candidat disent le contraire. L’analyse que Sapir attribue à Mélenchon est en faite celle que Chèvenement avait développé dans son avant dernier livre…

  10. Trubli dit :

    C’est plus une confrontation entre deux fois contradictoires qu’une véritable
    discussion argumentée.

    La faute en revient entièrement à Brice Couturier qui ne sait pas débattre et a cherché à tout prix à casser son adversaire, à le trainer dans la boue en l’associant au FN. Compte tenu de ces
    conditions de départ Sapir selon moi s’en sort très bien. Brice Couturier c’est le libéral type qui critique l’état sans que vivre des subsides de l’état (producteur d’émissions pour France
    Culture) ne le gêne le moins du monde. Il devrait s’interroger pourtant sur son utilité marginale vu la fricassée de néolibéraux qui sévissent sur les ondes FM et hertziennes.

    En particulier, Sapir a tort d’essayer d’expliquer que
    Mélenchon partage son analyse par rapport à l’Euro, alors que toutes les déclarations et les écrits du candidat disent le contraire. 

    Il peut y avoir ce que Melenchon confie en privé à Sapir et ce qu’il dit en public, non
    ? Mélenchon de par son positionnement gauchiste et sa volonté de se démarquer de Marine Lepen n’est-il pas obligé de défendre l’Euro ? 

    • Descartes dit :

      La faute en revient entièrement à Brice Couturier qui ne sait pas débattre et a cherché à tout prix à casser son adversaire, à le trainer dans la boue en l’associant au FN.

      Dans une confrontation, on voit toujours plus facilement les fautes chez celui dont on ne partage pas les idées. Si vous essayez de faire abstraction de vos opinions, vous verrez qu’ils ont
      chacun cherché à “casser” l’autre. Si Couturier a utilise l’épouvantail FN, Sapir ne se prive pas d’utiliser l’épouvantail “néo-libéral”. Ni Sapir ni Couturier ne cherchent à argumenter
      sérieusement leur point de vue. Ils se contentent trop souvent d’invoquer des croquemitaines (“si vous dites ça, alors vous êtes d’accord avec MLP/Thatcher/Ceaucescu/etc.”).

      Brice Couturier c’est le libéral type qui critique l’état sans que vivre des subsides de l’état (producteur d’émissions pour France Culture) ne le gêne le moins du monde.

      Et Sapir est l’anti-libéral qui critique les système financier mais qui place certainement ses économies dans des SICAV. C’est la vie, que voulez vous. Votre commentaire est symptomatique de ce
      que je dénonçais: en quoi la cohérence du comportement personnel de Couturier a un rapport avec la justesse ou non de son discours ?

      Il peut y avoir ce que Melenchon confie en privé à Sapir et ce qu’il
      dit en public, non ?

      Oui. Mais ce que Mélenchon confie en privé est à l’opposé de ce qu’il dit en public, cela pose des questions fort gênantes, parce que cela veut
      dire que Mélenchon essaye soit de tromper le public, soit de tromper Sapir, soit ne sait pas ce qu’il veut.

      Mélenchon de par son positionnement gauchiste et sa
      volonté de se démarquer de Marine Lepen n’est-il pas obligé de défendre l’Euro ?

       Si MLP demain appelait à régulariser tous les
      sans-papiers, Mélenchon serait-il obligé de demander leur expulsion immédiate pour se “démarquer” ? Certainement pas. Un homme d’Etat se positionne par rapport à ce qu’il
      pense devoir dire et faire, et non en fonction des autres.

  11. Trubli dit :

    Et Sapir est l’anti-libéral qui critique les système
    financier mais qui place certainement ses économies dans des SICAV. C’est la vie, que voulez vous.

    Avez-vous une preuve de ce que vous avancez ? Quel est le rapport entre une SICAV ou un FCP et le libéralisme ? On peut très bien investir dans une SICAV car on ne veut pas consacrer tout son
    temps libre à faire fructifier soi-même son argent et d’un autre côté demander à son gouvernement de promouvoir des lois limitant la fuite des capitaux ou freinant des demandes de ROE
    exhorbitantes. 

    Votre commentaire est symptomatique de ce que je dénonçais:
    en quoi la cohérence du comportement personnel de Couturier a un rapport avec la justesse ou non de son discours ?

    On peut dire des choses justes et ne pas s’y conformer en effet. Par ailleurs on peut dire des
    choses fausses et être cohérent dans l’erreur ou dans la bêtise. Le problème en la matière est que je pense que ce que dit Couturier est faux. Alors son comportement personnel vient encore
    amplifier ma défiance. Finalement je me dis que soit il ne croit pas à ce qu’il dit, soit il y a de gros trous dans son raisonnement qu’il ne voit pas

    Si son discours sur la dette publique est juste il devrait réfléchir ardamment à se l’appliquer
    à lui-même puisqu’il est lui-même partie prenante de la dette publique. Pourquoi ne demande-t-il pas la fermeture pure et simple ou la privatisation de
    France Culture , une radio écoutée par une infime partie de la population ? Son discours est simplement intéressé. Je ne lui en veux pas pour ça, il faut bien que chacun défende son beefsteack
    mais qu’il l’assume au lieu de se donner des airs de neutralité. 

    • Descartes dit :

      Avez-vous une preuve de ce que vous avancez ?

      Autant que vous la preuve que Couturier est payé par l’Etat.

      Quel est le rapport entre une SICAV ou un FCP et le libéralisme ?

      Aucun. Par contre, il y a un rapport entre les SICAV et le système financier, que Sapir critique. C’était le sens de mon commentaire. Si vous contestez le droit de Couturier de critiquer l’Etat
      parce que celui-ci le paye, alors vous ne devriez pas tolérer que celui qui touche des bénéfices grace aux marchés financiers critique ces derniers. Question de cohérence.

      Le problème en la matière est que je pense que ce que dit Couturier est faux.
      Alors son comportement personnel vient encore amplifier ma défiance.

      C’est justement ce que je critique. Je ne crois pas qu’il faille juger un
      argument autrement qu’en fonction de sa logique interne. La vie de famille de celui qui le porte ne devrait pas entrer en ligne de compte.

      Pourquoi ne demande-t-il pas la fermeture pure et
      simple ou la privatisation de France Culture

      Comment savez-vous qu’il ne l’a pas fait ? Et sur le raisonnement symétrique, si vous avez
      investi dans une SICAV, et que celle-ci vous a rapporté beaucoup, vous pensez à reverser ce qui dépasse du “taux raisonnable” au Trésor public ? Non ? Alors vous n’êtes guère plus cohérent que
      Couturier…

       

  12. Trubli dit :

    Bonsoir,

    voici une nouvelle livraison de Jean-Claude Werrebrouck. http://www.lacrisedesannees2010.com/article-mais-de-quoi-est-elle-faite-cette-dette-97463955.html

    On remarquera que vos argumentations respectives sont très proches. 

     

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