Qu’est-ce qu’on attend pour faire la fête ?

Fut un temps où la Fête était l’un des points d’orgue de mon calendrier liturgique. Comment  “quelle fête” ? Mais la Fête de l’Humanité, tudieu ! Pour trois générations de militants communistes, la Fête a représenté ce que pour les catholiques était le jour de Noël, ou plutôt la semaine de Pâques. Pendant des mois, on s’y préparait en harcelant les amis et connaissances soumis à un chantage moral de tous les instants pour qu’ils achètent la vignette. Pour les militants les plus motivés, c’était des semaines de préparation ex-ante et des semaines de rangement ex-post.  Il fallait sortir de la cave du “siège” les comptoirs, les tables, le matériel de cuisine, les éclairages, les restes de boissons et les lots de tombola rangés depuis l’année précédente, réparer ce qui était réparable, jeter ce qui ne l’était pas, acheter ce qu’on ne retrouvait plus. Il fallait charger tout ça dans l’utilitaire ou dans la remorque prêtée par un copain. Et puis, se payer une semaine de présence sur la fête pour monter tout ça. Et le soir du dimanche arrivé, démonter tout ça, le charger, et le descendre à la cave du “siège” – sans ranger, on était trop crevés pour cela – en attendant l’année prochaine. Et pour certains camarades, jugés les plus fiables, c’était la co-optation dans le mythique “service d’ordre” de la Fête ou, encore plus exclusif, dans la “sécurité de la scène centrale” (1).

 

Mais il n’y avait pas que les militants. J’ai connu dans mon quartier des ouvriers qui économisaient toute l’année pour pouvoir s’offrir “le” gueuleton à la Fête. Et pour acheter des livres: On y croisait à la “cité du livre” de la Fête des gens qui n’achetaient des bouquins qu’une fois par an, parce que c’étaient “les bouquins du Parti”, de la même manière qu’on croisait dans les expositions d’art organisées rituellement par le “stand de l’Humanité” des gens qui n’avaient de toute évidence pas l’habitude de visiter les expositions, et qui attendaient sagement une demie heure pour voir les Picasso ou les Léger prêtés par des sympathisants ou des collectivités “amies” parce que c’était “une exposition du Parti”. Ceux qui aujourd’hui veulent – à juste titre – remettre en selle l’éducation populaire auraient beaucoup à apprendre de ce que fut la politique de diffusion culturelle du PCF en général et de la Fête en particulier.

 

En ce temps-là, la Fête était avant tout la fête des communistes. Bien sûr, il n’était pas obligatoire d’être communiste pour s’y promener, mais cela restait une fête de famille, ou les invités étaient traités avec tous les égards, mais restaient des invités. Les stands étaient réservés aux communistes et aux organisations “amies”, et il était hors de question de donner une place à ceux qui défendaient des options politiques contraires à celles du PCF. Pendant deux jours, on était dans la fête dans un espace protégé, ou des gens qui pendant toute l’année étaient brimés ou regardés de travers parce que communistes, pouvaient se permettre d’afficher avec fierté leurs adhésion. La Fête témoignait de la capacité du PCF de créer une contre-société avec ses règles, qui n’étaient pas celles du monde qui l’entourait.

 

La Fête change véritablement au milieu des années 1990, avec l’arrivée du père UbHue et sa bande aux commandes du PCF. Les effets de la “mutation” sur les effectifs militants est en effet désastreuse, et la Fête en subit le contrecoup. Le graphique suivant montre le nombre de vignettes vendues au cours des années. Pour mémoire, le 28ème congrès du PCF a lieu au début 1995. Les dégâts sont tels que depuis le début des années 2000 le PCF ne donne plus de chiffres officiels de vente de la vignette, se contenant de donner des chiffres triomphalistes”à la louche” de fréquentation de la fête – le chiffre du “million” revenant plusieurs fois ces dernières années – au risque de provoquer quelques petites contradictions: ainsi par exemple on trouve dans l’Humanité datée du lundi 17 septembre 2012 le chiffre de “650.000”. Pourquoi pas. Le seul ennui, c’est que dans le numéro du 6 septembre 2012, en rendant compte du dernier “rendez-vous de la vignette” (c’est à dire, dans le jargon communiste, de la dernière réunion des diffuseurs de la vignette au cours de laquelle on fait un dernier pointage) Pierre Laurent annonce avec joie « Déjà 37 000 vignettes vendues, dont plus de 8 000 en août ! ». S’il y avait 37.000 vignettes vendues le 6 septembre, et que 650.000 personnes sont allées à la fête le 17, cela suppose soit que une immense resquille, soit une vente de 623.000 vignettes en dix jours, soit une toutes les secondes et demie. Même avec des militants communistes gonflés à block, cela semble un tout petit peu invraisemblable. Non ?

 

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Cette baisse de l’activité militante a trois conséquences importantes. D’une part, la Fête se professionnalise: le travail militant représente une part toujours décroissante du fonctionnement de la fête, et l’organisation se repose de plus en plus sur des professionnels de l’organisation des grands spectacles. Un deuxième changement est la relative dépolitisation de la Fête, avec une importance croissante de “l’affiche” des spectacles et une importance décroissante des débats et meetings, y compris le meeting de clôture de la fête, qui était naguère le point d’orgue de la rentrée politique du PCF, et qui est aujourd’hui limité à des interventions de “témoins du siècle” sur le mode compassionnel – on rigole d’y voir Barbara Hendricks, hier la castafiore du régime mittérandien, devenue depuis ambassadrice du HCR – suivies par un court discours du directeur de l’Humanité.

 

Le troisième changement, le plus révélateur, est l’introduction dans la fête d’organisations qui n’ont rien à voir avec le PCF, et qui pour la plupart d’entre elles seraient ravies de le voir disparaître dans les poubelles de l’Histoire. Cela a commencé avec les organisations religieuses, invitées depuis le début de l’ère UbHue, puis des autres partis politiques de l’extrême gauche (LCR, POI) et maintenant jusqu’à EELV. Le raton-laveur, c’est certainement pour l’année prochaine. Tout ça a transformé la Fête en une sorte de foire aux associations politique, où tout se vaut. Clémenceau avait dit “la tolérance, il y a des maisons pour ça”. Et bien, il y a des fêtes aussi, semble-t-il.

 

Ce changement dans l’esprit de la Fête ne fait que traduire un changement profond du PCF.  De ce point de vue, l’intervention de Pierre Laurent devant les nouveaux adhérents était très intéressante. En résumé, le discours était le suivant: les “vieux” du Parti doivent s’adapter aux demandes des “jeunes”. Il n’est pas question d’avoir une “discipline” – terme que Laurent rejette explicitement – mais de faire en sorte que chacun puisse faire ce qu’il a envie de faire. On ne saurait être plus clair. Ce dont je ne suis pas convaincu que Laurent ait conscience, c’est qu’en prenant cette position on abdique de toute capacité à produire une contre-société, et donc a disputer à l’organisation sociale telle qu’elle est l’hégémonie politique. Si l’on n’est pas capable de manière autonome de créer des normes et des valeurs – et de les faire respecter – on se trouve à la merci de la normative que les individus apportent, c’est à dire, celle qu’ils ont internalisée. Et celle-ci est la normative de la société où nous vivons. Dans ces conditions, le Parti ne peut que devenir une auberge espagnole au langage vaguement compassionnel et pleurnichard.

 

C’est cela qui me rend aujourd’hui la fête difficilement supportable. C’est ce ton pleurnichard qui s’impose doucement dans les débats, à l’image du ton du secrétaire national du PCF. Que ce soit le discours des intervenants ou les “témoignages”, on a droit à de longs exposés de tous les malheurs du monde. On se demande bien à quoi sert ce genre de litanie. On sait tous qu’il y a des pauvres, des chômeurs, des exclus dans notre société. On sait tous qu’il y a des gens qui ont du mal à joindre les deux bouts, qui sont angoissés par la précarité et le chômage. On sait tous que Sarkozy était très méchant et a tout cassé. On sait tous que Hollande ne fait rien de ce qu’il faudrait pour changer les choses. A quoi bon le répéter en boucle ? On a la désagréable impression d’assister à une conversation de café du commerce, vous savez, celles qui se terminent par “c’est un scandale, que fait la police ?”. A part communier dans la constatation du malheur – le plus souvent du malheur d’autrui – en quoi ce genre de discours fait avancer le schmilblick ? En rien. Cette description du malheur du monde prétend en théorie aboutir au besoin urgent de charger quelque chose, mais s’arrête à l’énonciation du malheur, sans amorcer une réflexion réaliste sur ce qu’il faudrait changer et comment le faire. On se contente de formules creuses du style “interdire le malheur” (le malheur étant selon les débats incarné dans les licenciements, les expulsions locatives, la violence faites aux femmes, etc.), sans rentrer dans l’analyse approfondie des dynamiques qui produistent ce malheur, et qu’il ne suffit pas “d’interdire” pour qu’elles disparaissent.

 

 

Descartes

 

 

(1) Oui, j’ai eu cet honneur. Il n’est pas inutile de rappeler que’à la Fête de l’Humanité, la police restait gentiment à la porte, et qu’en soixante-dix années d’existence, elle n’a pas eu besoin d’intervenir une seule fois. Compte tenu des turbulences politiques que la Fête a traversé, et du nombre de gens qui – à droite mais aussi à gauche – auraient voulu se payer la Fête, on peut dire que c’est unexploit. Qui doit beaucoup à la discipline des communistes et à la qualité de son appareil. Cela aussi a bien changé, comme en témoigne l’incident arrivé à Caroline Fourest, violemment prise à partie par des militants d’organisations telles que “Indigènes de la République” au point de provoquer l’annulation du débat auquel elle éait invitée. La déclaration de Dartigolles – bienheureux les pauvres d’esprit… – est révélatrice: “Ce qui s’est passé, ce n’est pas la Fête de L’Humanité, la fête de la fraternité et du respect. Nous ne pouvons que condamner l’action de groupuscules organisés extérieurs à la Fête”. Il a raison Dartigolles: aujourd’hui, le PCF ne peut “que condammner” et rien d’autre. Il y a quelques années, les “Indigènes” se seraient fait expulser manu militari par l’assistance et par le service d’ordre. Mais aujourd’hui, on n’a plus les moyens. Et si le PCF n’est pas capable, dans l’enceinte de sa fête, de botter les fesses de ceux qui empêchent l’un de ses invités de s’exprimer, on le voit mal bottant les fesses du patronat et du système, qui sont nettement plus coriaces. 

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43 réponses à Qu’est-ce qu’on attend pour faire la fête ?

  1. Bannette dit :

    Bonjour,

    Ma première fête c’était au début des années 2000, et du fait de mon âge, je n’ai pas du tout connu l’âge d’or dont tu parles. Il me semble que c’est chez toi que j’ai lu que la Fête de
    l’Huma pouvait organiser des concerts de musique classique, ce qui m’a abasourdie. C’est un professeur (pas de musique) qui m’avait initiée à la musique classique, et je lui en serais
    éternellement reconnaissante. Côté musique, la Fête (post-Hubue, si je te suis) invite aujourd’hui des zartistes vaguement engagés ou vaguement pointus, un peu comme certains festivals des
    inrocks.

    J’ai remarqué chez les militants communistes les plus expérimentés un sens de l’hospitalité et surtout de l’organisation que je n’ai jamais vu chez d’autres partis politiques. Issue d’une
    culture qui met le sens de l’hospitalité au dessus de tout, c’est la première chose qui m’a frappée. On a tendance à l’oublier, et dans une société où on ne remarque pas ces gestes discrets
    d’amabilité et où tout serait du, c’est presque une anomalie. C’est tout un art de savoir recevoir les gens, et même les professionnels de l’évènementiel n’y sont pas forcément sensibles.

    Je n’étais pas au courant de l’incident de Mme Fourest. D’un autre côté, dans cette Fête qui est devenue un fourre-tout de gauchistes, je ne m’étonne même plus de la présence des Indigènes de la
    République (au delà de la nullité du SO). Ce type d’organisations (ainsi que les représentantes des associations féministes médiatiques) a grignoté l’espace d’expression des
    communistes, car elles sont typiques du victimisme à la mode que tu dénonces.

    • Descartes dit :

      Ma première fête c’était au début des années 2000, et du fait de mon âge, je n’ai pas du tout connu l’âge d’or dont tu parles.

      En effet: ma première Fête fut celle de 1977, et je n’ai pas manqué une seule (même lorsque je travaillais à l’étranger) jusqu’en 2002. Après, j’y suis allé une ou deux fois, mais ce n’était pas
      la même chose.

      Il me semble que c’est chez toi que j’ai lu que la Fête de l’Huma pouvait organiser des concerts de musique classique, ce qui m’a abasourdie.

      Tout à fait. Il y en avait un tous les ans, le soir du dimanche, avant le feu d’artifice. Je me souviens d’avoir découvert le Réquiem de Mozart par l’Orchestre Nationale de France couché sur
      l’herbe devant la Grande Scène et sous la voute étoilée… un très beau souvenir.

      Côté musique, la Fête (post-Hubue, si je te suis) invite aujourd’hui des zartistes vaguement engagés ou vaguement pointus, un peu comme certains festivals des inrocks.

      Oui. Remarque, le programme n’est pas forcément mauvais, il y a souvent des trucs bien. Mais en moyenne, la programmation ne fait pas preuve de beaucoup d’imagination et de sens politique. Je me
      souviens par exemple du défilé de haute couture Yves Saint Laurent (en 1988) sur la grande scène… c’était non seulement un spectale magnifique, mais cela avait alimenté beaucoup de débats sur
      les rapports entre haute couture et politique. C’est d’ailleurs drôle de revoir le sujet sur le site de l’INA (ici): loin de sortir un discours misérabiliste qu’on entendrait aujourd’hui (genre
      “pourquoi montrer de la haute couture quand les gens crèvent la dalle”) les militants interrogés défendent au contraire le spectacle comme une oeuvre d’art et une partie du patrimoine français. O
      tempora, o mores…

      J’ai remarqué chez les militants communistes les plus expérimentés un sens de l’hospitalité et surtout de l’organisation que je n’ai jamais vu chez d’autres partis politiques. Issue
      d’une culture qui met le sens de l’hospitalité au dessus de tout, c’est la première chose qui m’a frappée. On a tendance à l’oublier, et dans une société où on ne remarque pas ces gestes discrets
      d’amabilité et où tout serait du, c’est presque une anomalie.

      C’est ce qui fait le charme de la fête. Et tant que cette base de “militants experimentés” qui ont connu un temps ou le mot “camarade” n’était pas un vain mot, tant en ce qu’il comprennait qu’en
      ce qu’il excluait, la Fête aura toujours ce goût inimitable. Oui, même si le PCF n’a plus la capacité d’être une contre-société, il reste encore pas mal de militants qui ont été formés dans un
      véritable esprit de fraternité. C’est ce capital qui a permis au PCF de survivre. Pour combien de temps ?

      D’un autre côté, dans cette Fête qui est devenue un fourre-tout de gauchistes, je ne m’étonne même plus de la présence des Indigènes de la République (au delà de la nullité du SO).

      De leur présence, non. Mais qu’ils aient la possibilité de monter une telle provocation sans que personne ne réagisse en dit beaucoup sur l’état du PCF. Il y a quelques années, les militants se
      seraient sentis insultés, et les trouble-fête auraient été sortis et auraient passé un sale quart d’heure. Je ne connais pas de précédent où un invité du PCF n’ait pas pu s’exprimer à la fête.
      Même si pour cela il a fallu quelquefois jouer des poings. Je crois qu’on s’imagine mal à quel point la Fête était, dans les années 1970 et 1980, une démonstration annuelle de la qualité de
      l’organisation du PCF et donc de sa capacité comme organisation politique à gouverner.

      Ce type d’organisations (ainsi que les représentantes des associations féministes médiatiques) a grignoté l’espace d’expression des communistes, car elles sont typiques du
      victimisme à la mode que tu dénonces.

      Effectivement. C’est pourquoi l’affaire Fourest à une certaine ironie involontaire: une personnalité du victimisme pseudo-féministe empêchée de s’exprimer par les représentants du victimisme
      communautariste, avouez que ça ne manque pas de piquant.

       

  2. Gugus69 dit :

    Camarade ! Pour moi ce beau nom a une histoire :

    c’était en juin 1973. J’étais délégué au congrès national du mouvement de la jeunesse communiste. J’étais devenu communiste à l’âge de 15 ans en manifestant pour la libération d’Angela Davis, et
    contre la guerre du Vietnam.

    Le représentant du PCF à la tribune du congrès était un géant minuscule : Jacques Duclos.

    Ce dirigeant était entouré d’un prestige à l’époque, qu’on imagine mal en notre époque de médiocrité politique. Il avait été le principal dirigeant du parti dans la clandestinité entre 1939 et
    1945. Et il venait, quatre ans plus tôt d’obtenir 21 % des suffrages à l’élection présidentielle.

    Lors d’une suspension de séance, Duclos est descendu dans la salle et tous les délégués se pressaient autour de lui ; il avait l’air heureux parmi tous ces gamins en jean et aux cheveux longs,
    longs ! J’ai voulu comme tant d’autre lui demander un autographe, comme à une rock star.

    J’ai tendu ma carte de délégué en balbutiant : “Camarade Duclos, tu veux bien signer ma carte ?”. Et pour moi comme pour tous les autres, dans un sourire lumineux, les yeux dans les yeux : “Mais
    bien sûr, mon camarade !”.

    Dans son “mon camarade” plein de gravier, il y avait toute la fraternité du monde, pas une once de sentiment de supériorité envers le petit gars de 17 ans que j’étais. Son “camarade” m’a fait
    grandir : depuis bientôt 40 ans, je suis le camarade de Jacques Duclos.

    Et j’en suis fier !

    • Descartes dit :

      Et tu as bien raison ! Merci beaucoup d’avoir raconté aussi joliment jolie anecdote… et faisons le voeu qu’il soit donné à chaque militant communiste de connaître, un jour, un Jacques Duclos…

  3. Antigone dit :

    Bonjour Descartes, que je lis avec plaisir depuis quelques temps!

    Je suis assez d’accord avec toi à vrai dire: à part quelques instants de grâce, j’ai l’impression qu’on ne fait que dénoncer, tergiverser sans fin, et que cela nous amène uniquement à penser
    comme modèles de société possibles, à de pâles photocopies de ce que l’on dénonce pourtant.

    Il faudrait remonter faire un tour au ciel des idées lumineuses, ou rester cyniquement à terre comme Diogène qui “cherchait un homme”, ou bien pourquoi pas les deux.

    Tout, je suis prête à tout essayer vois-tu, plutôt que de vivre dans un tel désenchantement du monde, que beaucoup de gens modestes paient au prix fort.

    A la fête, les yeux sont tristes, il faut rallumer la lumière pour que les yeux brillent et que l’on retrouve les franches poignées de mains et les éclats de rire.

    La révolte passe par l’humain.

    Bien amicalement.

    • Descartes dit :

      Tout, je suis prête à tout essayer vois-tu, plutôt que de vivre dans un tel désenchantement du monde, que beaucoup de gens modestes paient au prix fort.

      “Tout ?” Méfie toi… on ne vit certainement pas dans le meilleur des mondes, mais on ne vit pas dans le pire non plus.

      A la fête, les yeux sont tristes, il faut rallumer la lumière pour que les yeux brillent et que l’on retrouve les franches poignées de mains et les éclats de rire.

      Oui. Si je devais formuler un programme en une phrase, ce serait “reconquérir la joie”. Ce que j’ai le plus de mal à comprendre comment le politiquement correcte a transformé notre scène
      politique, si truculente naguère, en une sorte de monde aseptisé peuplé de bigots qui prédisent la fin du monde pour demain et donnent des leçons de morale à la terre entière. Ces gens là ont
      noyé la joie et l’humour dans une sorte de misérabilisme gris et de compassion obligatoire. Dès qu’on fait une plaisanterie, on trouve une “communauté” pour se déclarer offensée et lapider le
      plaisantin. Dès que quelqu’un manifeste sa joie, on lui rappelle avec moults reproches qu’il n’a pas le droit de sourire alors que tant d’enfants meurent de faim et tant de familles
      monoparentales n’arrivent pas à joindre les deux bouts.

      La première chose à reconquérir c’est la beauté, la joie, l’humour…

  4. Jonathan dit :

    Le problème, c’est qu’il faut beaucoup plus de temps pour (re)construire que pour casser… et que, donc, quand bien même, par magie, la direction du PCF décidait de revenir sur “l’acquis” Hubue
    (mais ça n’a pas l’aire d’être le cas, même s’il est bien commode pour tout le monde de cracher sur la trajectoire de celui qui a dirigé le parti pendant 8 ans, car ça évite de remettre en cause
    la ligne qu’il a décidée et qui perdure aujourd’hui, la direction n’ayant pas changé), si donc, la direction se décidait à cette réorientation, combien de temps faudrait-il pour qu’elle produise
    des effets notables ? Au bas mot 5 ans, plus probablement 10.

    Par ailleurs, une petite anecdote. Moi, j’ai le malheure d’être jeune (31 ans), et donc je ne connais de la “grande” époque du PCF que par les bribes qui nous parviennent venant de camarades (de
    vrais camarades) qui continuent d’en porter les valeurs, et de ce que j’en lis ; c’est maigre, je sais, et cela ne manque pas d’une nostalgie reconstruite peut-être un peu artificiellement ; mais
    je l’assume. Si bien que mes critiques contre la ligne actuelle, en adoptant une perspective historique (genre l’évolution des effectifs, ou l’invocation du “socialisme”, ou autre) sonnent un peu
    faux en AG de section, mais cela encore, je l’assume. Non, mon anecdote se réfère à l’AG de rentrée que nous avons eu dans ma section (une section de Paris intra-muros entre le 18e et le 20e
    arrondissement). Faisant le constat que notre stand allait être assez peu politisé (et quand je vois les stands gauchistes, je vois à quel point, eux, politisent le leur), car le seul rendez-vous
    politique prévu était un Apéro avec des dirigeants du PGE le samedi soir, j’ai fait la proposition qu’un débat politique soit organisé. Mal m’en avait pris… On m’a répondu que si je voulais un
    débat, je n’avais qu’à l’organiser (cette réponse venant après les récits enflammés des universités d’été fabuleuses auxquelles certains avaient participé voire avaient contribué à organiser).
    J’ai été sans voix, pour les raisons suivantes :

    – c’est encore la preuve que, sous couvert de “démocratie participative”, les directions se délestent de leur responsabilité, et n’en acceptent pas la critique ;

    – c’est encore la preuve que la dépolitisation de la fête et des stands du PCF est un choix délibéré (et que s’il doit rester quelque chose de ce néant, ce sera au service de la “gauche”
    “européenne”) ;

    – c’est une marque de “non-fraternité” désolante et blessante.

    Et par ailleurs, je vois, comme toi, de façon navrante, la professionnalisation de la fête se poursuivre (mais dans de telles conditions, pour ce qui me concerne, je n’avais pas envie d’en faire
    plus !) et j’ai vécu, comme toi, comme une offense le fait que des communautaristes puissent se permettre d’empêcher un invité de la fête s’exprimer. Et l’an prochain, ce sera qui ?

    Bien à toi,

    • Descartes dit :

      Le problème, c’est qu’il faut beaucoup plus de temps pour (re)construire que pour casser…

      Sans doute. Il a fallu beaucoup de temps et d’efforts pour construire le PCF “historique”. Mais le problème n’est pas le temps. Le PCF a pu devenir ce qu’il était grâce à une conjonction
      historique extraordinaire. Ce genre de conjonction n’apparaît pas tous les jours.

      Par ailleurs, une petite anecdote. Moi, j’ai le malheure d’être jeune (31 ans),

      Ne dis pas ça…

      Faisant le constat que notre stand allait être assez peu politisé (et quand je vois les stands gauchistes, je vois à quel point, eux, politisent le leur), car le seul rendez-vous politique
      prévu était un Apéro avec des dirigeants du PGE le samedi soir, j’ai fait la proposition qu’un débat politique soit organisé. Mal m’en avait pris… On m’a répondu que si je voulais un débat, je
      n’avais qu’à l’organiser (…).

      Tu sais… tu aurais du les prendre au mot et l’organiser ! Mais je sais, ce n’est pas facile pour un militant – surtout un jeune militant – d’aller contre le courant, et la réponse en question
      sonnait effectivement comme une fin de non recevoir.

       

  5. argeles39 dit :

    Jacques Duclos………….Il avait été le principal dirigeant du parti dans la clandestinité entre 1939 et 1945.

    C’est moins connu, mais çà a aussi été le principal rédacteur du programme du CNR.

    • Descartes dit :

      Je crois que tu fais erreur: Jacques Duclos n’a pas participé aux travaux du CNR, dont il n’était pas membre et pour cause, puisqu’il est resté toute la guerre en France pour diriger le PCF en
      l’absence de Thorez. Le principal rédacteur du programme du CNR du côté communiste fut Pierre Villon, qui eut une influence décisive sur la partie sociale du programme.

      Le grand mérite de Duclos fut d’avoir réussi à maintenir l’organisation communiste malgré la repression des allemands et de Vichy. Il faut aussi souligner qu’après avoir assuré la direction du
      PCF pendant les années sombres, il ne fit rien pour prendre la première place et on ne sait qu’il ait éprouvé la moindre amertume au retour de Thorez, avec qui il travailla ensuite jusqu’à la
      mort de ce dernier.

  6. argeles39 dit :

    Je crois que tu fais erreur: Jacques Duclos n’a pas participé aux travaux du CNR, dont il n’était pas membre et pour cause, puisqu’il est resté toute la guerre en France pour diriger
    le PCF en l’absence de Thorez. Le principal rédacteur du programme du CNR du côté communiste fut Pierre Villon, qui eut une influence décisive sur la partie sociale du programme.

    C’est fort possible que je fasse une erreur. Cette info (Duclos principal rédacteur du programme du CNR) je la donne de mémoire, je ne sais plus d’où je la tiens, probablement du “bouche à
    oreille” du temps où j’étais militant au PCF (cela fait plus de 25 ans que je suis dans l’erreur, si erreur il y a).

    Mais il semblerait que  Pierre Villon, dans son autobiographie, indique lui-même que Jacques Duclos n’était pas totalement étranger au programme du CNR:

    http://siteedc.edechambost.net/Programme_CNR/Villon_dans_le_texte.html

    • Descartes dit :

      Mais il semblerait que  Pierre Villon, dans son autobiographie, indique lui-même que Jacques Duclos n’était pas totalement étranger au programme du CNR:

      Bien sur que non. Il est évident que Villon n’agissait pas tout seul, et qu’il soumettait aux instances de son Parti – que Duclos dirigeait à ce moment-là – les difficultés qui se présentaient à
      lui et demandait des arbitrages. Mais cela ne fait pas de Duclos l’un des rédacteurs du programme du CNR…

  7. Antigone dit :

    “Tout, je suis prête à tout essayer vois-tu, plutôt que de vivre dans un tel désenchantement du monde, que beaucoup de gens modestes paient au prix fort”.

    Ne t’inquiètes pas, ce “tout” est juste une façon de parler, je voulais juste traduire le caractère urgent de l’action face à la misère qui avance partout.

    Mais cela dit, tu as raison de relever le caractère impropre de cette expression: les mots doivent être précis, aussi je te remercie.

    Sois rassuré cependant, en ce moment, c’est plutôt le retour à l’essentiel qui prédomine dans mon esprit.

    Bonne journée Descartes!

  8. argeles 39 dit :

     

    Mais cela ne fait pas de Duclos l’un des rédacteurs du programme du CNR…On imagine mal Jacques Duclos, qui était boulimique d’écriture, ne pas prendre la plume lorsque Villon demandait des arbitrages.

    D’ailleurs Villon lui-même le confirme :

     

    “C’est Jacques lui-même qui rédige la formulation qui sera plus tard adoptée.”

    • Descartes dit :

      Je ne doute pas que Duclos ai pu proposer une formulation par ci par là, mais ce n’est pas lui qui a rédigé le texte. Ce qui ne diminue en rien son rôle politique.

  9. buridan dit :

    Dans son “mon camarade” plein de gravier, il y avait toute la fraternité du monde, pas une once de sentiment de supériorité envers le petit gars de 17 ans que j’étais. Son “camarade” m’a fait
    grandir : depuis bientôt 40 ans, je suis le camarade de Jacques Duclos.

    Et j’en suis fier !

    La grande rencontre dans la vie de Duclos (voir ses Mémoires) ça a été celle de Staline, qui l’a reçu une fois. Ca a illuminé la vie de Duclos. En somme : un peu du rayonnement du grand Staline a
    touché ce camarade de 17 ans. Un tout petit peu… Mais comme Saline a assassiné, disons, vingt millions d’hommes, même un tout petit peu de vingt millions ça fait quelque chose.  Ce n’est
    pas en étant fier de Duclos que le Parti commmuniste peut servir en quoi que ce soit la société française actuelle. Duclos, c’était l’équivalent français de Bierut, de Rakosi, d’Ullbricht,
    de Gottwald, de Gheorgiu-Dej.

    • Descartes dit :

      La grande rencontre dans la vie de Duclos (voir ses Mémoires) ça a été celle de Staline, qui l’a reçu une fois. Ca a illuminé la vie de Duclos. En somme : un peu du rayonnement du grand
      Staline a touché ce camarade de 17 ans.

      Oui. Et il ne fut pas le seul. Toute une génération de militants français a été “touché par le rayonnement du grand Staline” et cela leur a fait – à eux et au pays – plus de bien que de mal.
      François George, qu’on ne peut pas suspecter de tendresse pour le stalinisme soviétique, avait dans un livre dejà ancien (“Pour un dernier hommage au cammarade Staline”) pointé ce paradoxe: il y
      a une grande différence entre le stalinisme soviétique et le stalinisme français. Le premier fut peut-être un régime criminel. Le second fut une sorte de religion laïque qui servit de boussole
      politique et morale à des centaines de milliers de militants. Et ce fut une boussole qui pointait dans la bonne direction. Pour citer François George, “ces gens croyaient en quelque chose de
      grand, et cette croyance les grandissait”.

      Il y a une dualité dans les grands hommes, entre l’homme réel et son action réelle, et l’homme mythique et son action mythique. Certains hommes dont on peut rejeter – à tort ou à raison – les
      actions réelles sont, en tant que symboles, extrêmement positifs… et je me demande si au fond les jeunes “staliniens” qui furent éduqués par leurs parents communistes dans la croyance que
      “l’ignorance est une forteresse qu’il nous faut conquérir” ou bien que “le communiste doit être le meilleur étudiant, le meilleur travailleur, le meilleur camarade” n’ont pas eu un bagage plus
      solide dans la vie que ceux qui le sont dans le culte de l’individu-victime qui a tous les droits et aucun devoir. Personnellement, je ne le pense pas. Je ne peux que vous conseiller de voir le
      film “Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes”…

       

  10. buridan dit :

    ” il y a une grande différence entre le stalinisme soviétique et le stalinisme français. Le premier fut peut-être un régime criminel.”   Peut-être ?

     “Le second fut une sorte de religion laïque qui servit de boussole politique et morale à des centaines de milliers de militants. Et ce fut une boussole qui pointait dans la bonne
    direction.”  La bonne direction ? Trahison de l’effort de défense face à la menace soviétique (et, en 39-40, face à l’agression hitlérienne), choix de la dictature et même du
    totalitarisme contre la démocratie, refus de l’économie de marché. L’anticommunisme avait raison, le communisme avait tort.  Accepter cette réalité, ce doit être le point de départ,
    faute duquel le Pcf ne peut avoir aucun crédit.    Il faisait chaud au Pcf ? Mais un parti politique n’est pas fait pour le bonheur de ses membres, et cette chaleur était,
    dans une large mesure, l’envers de son totalitarisme et de l’aversion justifiée dont il était entouré.

    • Descartes dit :

      ” il y a une grande différence entre le stalinisme soviétique et le stalinisme français. Le premier fut peut-être un régime criminel.”   Peut-être ?

      Ce n’est pas le sujet en discussion. Mais personnellement, je me méfie des qualifications morales en politique. La terreur révolutionnaire en 1792 fut ce qu’elle fut, la terreur stalinienne des
      années 1930 aussi. Qualifier Robespierre ou Staline de “criminels” n’aide pas à comprendre les processus historiques à l’oeuvre. Je n’utilise la formule “régime criminel” que parce que c’est le
      terme “politiquement correct”…

      “Le second fut une sorte de religion laïque qui servit de boussole politique et morale à des centaines de milliers de militants. Et ce fut une boussole qui pointait dans la bonne direction.”
       La bonne direction ?

      Oui, tout à fait. En suivant cette boussole des militants se sont engagés dans les Brigades Internationales, ont fait la Résistance contre l’occupation nazi, participé aux conquêtes sociales de
      la Libération, se sont opposés aux guerres coloniales, ont donné à la classe ouvrière une représentation politique, et ont rejeté les “libéraux-libertaires” de mai 68. Ce n’est finalement pas si
      mauvais que ça, comme bilan… La boussole ne devait pas être si mauvaise que ça.

      Trahison de l’effort de défense face à la menace soviétique

      Quelle “menace soviétique” ? Je pense que vous vous êtes laissé duper par la propagande des partisans de la guerre froide. Les accords de Yalta on divisé les “sphères d’influence” des différentes
      puissances, et les soviétiques ont strictement respecté ces accords, au point de demander aux partis communistes occidentaux de désarmer leurs organisations de résistance (ce fut le cas en
      France) et d’abandonner à leur sort ceux qui n’ont pas suivi cette demande (comme ce fut le cas en Grèce). Par ailleurs, je vous rappelle que les communistes français ont été favorables à la
      force de frappe française, conçue précisement pour protéger le pays des “menaces” des grandes puissances…

      (et, en 39-40, face à l’agression hitlérienne), choix de la dictature et même du totalitarisme contre la démocratie,

      C’est une interprétation assez novatrice de la défaite de 1940. Il ne vous a pas échappé, j’imagine, que le groupe communiste fut le seul dont aucun membre ne vota les pleins pouvoirs au Maréchal
      Pétain. Les autres groupes votèrent en majorité en faveur de l’établissement du régime de Vichy. Alors, s’il faut reprocher à quelqu’un en France le “choix de la dictature et même du
      totalitarisme contre la démocratie”, je pense que c’est difficilement les communistes qui viennent en premier…

      refus de l’économie de marché.

      Et c’est un crime, ça ?

      L’anticommunisme avait raison, le communisme avait tort.

      Pensez-vous vraiment que Hitler et Mussolini, Franco et Somoza, Salazar et Pinochet aient eu “raison” ? Je trouve d’ailleurs très étrange qu’après avoir reproché aux communistes d’avoir “fait le
      choix de la dictature et même du totalitarisme contre la démocratie”, vous donniez raison aux “anticommunistes” qui ont fait bien plus souvent ce même choix.

      Accepter cette réalité, ce doit être le point de départ, faute duquel le Pcf ne peut avoir aucun crédit.

      Paradoxalement, le PCF a perdu tout crédit au fur et à mesure qu’il a “accepté” ce que vous appelez “cette réalité”. Le PCF “stalinien” faisait 20%. Après s’être publiquement frappé la poitrine
      et reconnu ses erreurs comme vous le conseillez, il a fait moins de 2%.

      Il faisait chaud au Pcf ? Mais un parti politique n’est pas fait pour le bonheur de ses membres, et cette chaleur était, dans une large mesure, l’envers de son totalitarisme et de
      l’aversion justifiée dont il était entouré.

      Réussir à ce que ses militants et ceux qu’il represente aient plus chaud n’est dejà pas si mal pour un parti politique. Pendant presque un demi-siècle, le PCF a réussi à donner une voix à la
      classe ouvrière, à rendre vivables les quartiers, à permettre l’accès à la culture à des couches de la population qui autrement ne l’auraient pas eu. Il n’y a qu’à voir ce que sont dévenus ces
      quartiers aujourd’hui. Quant à “l’aversion dont il était entouré”, le paradoxe est justement que le PCF était beaucoup plus populaire dans sa période “stalinienne” que dans sa période
      “libérale”… ce qui semble contredire votre théorie.

      En fait, je pense que vous partez d’une prémisse qui est fausse. L’aversion ou la sympathie que les gens peuvent avoir pour un parti politique est liée à la capacité ou non que ce parti a de
      défendre leurs intérêts. Le “totalitarisme” n’est pas l’apanage des communistes, et tous les partis politiques français ont soutenu des régimes totalitaires. Auriez-vous oublié le support que les
      partis “démocratiques” dans les pays occidentaux, qu’ils  soient de droite ou de gauche, ont accordé aux régimes dictatoriaux d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine, souvent au nom de
      l’anticommunisme d’ailleurs ? Suharto, Marcos, Somoza ou Franco n’ont jamais eu à faire face à un boycott, que je sache…

  11. Ifig dit :

    Bonjour Descartes,

    intéressante ta description de la fête de l’Huma et tu mets l’accent sur un point important. Le PC a renoncé à l’idée de produire une contre-société, ce qu’il faisait depuis l’avant-guerre jusque
    dans les années 80. Problème : est-ce que c’est un renoncement, qu’il faudrait condamner, ou est-ce que c’est une constatation que les valeurs de liberté individuelle ont pris une prédominance
    forte dans nos sociétés modernes, et que les techniques font que chacun peut maintenant accéder à des sources d’information qu’il choisira, qui font qu’il ne pourra pas être uniquement “enfermé”
    dans une contre-culture? Dit plus crûment: est-ce que tu peux aujourd’hui avoir le même modèle de construction d’une organisation que dans les années 50?

    Je pense que Lutte Ouvrière, en tant qu’organisation, maintient cet objectif de contre-culture (formation des militants, fête de LO beaucoup plus cadré que la fête de l’Huma.) Est-ce que ça leur
    réussit vraiment mieux qu’au PC?

    • Descartes dit :

      Le PC a renoncé à l’idée de produire une contre-société, ce qu’il faisait depuis l’avant-guerre jusque dans les années 80. Problème : est-ce que c’est un renoncement, qu’il faudrait
      condamner, ou est-ce que c’est une constatation que les valeurs de liberté individuelle ont pris une prédominance forte dans nos sociétés modernes, et que les techniques font que chacun peut
      maintenant accéder à des sources d’information qu’il choisira, qui font qu’il ne pourra pas être uniquement “enfermé” dans une contre-culture?

      Je ne pense pas qu’il faille exagérer la portée des “techniques” dont tu parles. “Chacun” a toujours eu la possibilité d’accéder aux “sources d’information qu’il choisit”. Personne n’était
      “enfermé”: dans les kiosques des mairies communistes on continuait à vendre “France Soir”, “Le nouvel observateur” et, horresco referens, “Le Figaro”, et les livres d’Aron, Kriegel, et toute une
      galaxie d’auteurs anticommunistes étaient librement diffusés dans les bibliothèques municipales et nationales. Les moyens de communication électroniques n’ont fait que changer la temporalité des
      processus, mais pas leur essence.

      En fait, si les gens ont, grace à l’avance des technologies, un accès chaque fois plus facile et plus rapide à de vastes sources d’information de leur choix, en pratique ce “choix” est assez
      discriminant. Connais-tu beaucoup de militants “de gauche” qui vont lire sérieusement des documents sur des sites classés “à droite” et viceversa ? Finalement, malgré tous les cocoricos sur la
      “civilisation numérique”, chacun a tendance à rester chez soi et à lire les informations qui confirment ses préjugés. Dans ces conditions, on ne voit pas en quoi il serait plus difficile de
      construire aujourd’hui une “contre-culture” que ce n’était le cas il y a quelques décennies.

      Dit plus crûment: est-ce que tu peux aujourd’hui avoir le même modèle de construction d’une organisation que dans les années 50?

      Le même modèle, certainement pas. Il y a une nécessité permanente de repenser les modes d’organisation en fonction des évolutions de la société. En même temps, les  principes d’organisation
      sont en fait assez stables, et l’idée qu’on peut tout réinventer dans la matière m’a toujours semblé assez naïve: pense à l’église catholique, un parti révolutionnaire qui, après avoir conquis le
      pouvoir en l’an 300 a su se maintenir comme organisation pendant deux mille ans, s’adaptant intelligement aux nouveaux mouvements et aux nouvelles technologies tout en restant elle même…

      Même si un parti politique doit s’adapter aux temps, on sait bien qu’il y a des choses qui marchent et d’autres qui ne marchent pas. La nécessité d’une unité dans l’action et donc d’une
      discipline de Parti n’a pas disparu miraculeusement avec l’invention de l’Internet.

      Je pense que Lutte Ouvrière, en tant qu’organisation, maintient cet objectif de contre-culture (formation des militants, fête de LO beaucoup plus cadré que la fête de l’Huma.) Est-ce que ça
      leur réussit vraiment mieux qu’au PC?

      Difficile à comparer, dans la mesure où le PCF vit sur un héritage très important. Mais il ne t’aura pas échappé que LO a fait ces derniers temps des scores supérieurs à ceux du PCF aux élections
      présidentielles, par exemple. Mais il me semble indiscutable que le militant de LO est aujourd’hui bien plus actif, plus encadré, plus discipliné et plus mobilisé que le militant du PCF.

      Je n’ai pas dit que toute “contre-culture” soit bonne par essence. LO fonctionne, comme elle a toujours fonctonné, dans une logique groupusculaire, et construit une contre-culture et une
      contre-société qui est éminement groupusculaire. C’est une preuve, une de plus, qu’on peut parfaitement construire des contre-sociétés même à l’ère de l’Internet. Et LO n’est pas seule dans ce
      cas: des églises aux clubs de foot, des “bandes” de banlieue aux sectes, il y a beaucoup d’organisations qui construistent des contre-sociétés.

  12. buridan dit :

    Vous avez à mes yeux (et à ceux de la quasi-totalité de l’opinion) tellement tort que je n’ai guère envie de répondre. Juste un mot : en suivant cette merveilleuse boussole, le Pcf a déclaré la
    guerre de 39 être une guerre impérialiste, Thorez a déserté (déserté !) le 1er Octobre 39, et le chef de la France libre a été qualifié d’agent de la City. Tout le sang versé par les
    communistes après Juin 41 n’effacera jamais cette tache.      Vous me paraissez sur des positions voisines de celles du Pc grec pour autant que je les
    connais. Condamnez-vous, comme lui, Gorbatchev et la fin des dictatures communistes ? Et de quelles organisations étrangères vous sentez-vous proche, s’il en existe ?  
     Je vous sens assez seul, mondialement parlant. Ce qu’il vous faut, c’est une théorie de votre solitude : une théorie qui explique pourquoi les peuples se sont détournés du communisme (et
    pourquoi les gouvernements communistes chinois et vietnamien ont choisi l’économie de marché), communisme qui était si puissant en Europe latine, et qui était au pouvoir à l’Est. Les divers
    trotskistes ont toujours été incapables de produire une telle explication – la trahison et Thermidor n’étant pas des explications. Oui, pourquoi la Pologne a-t-elle rejoint l’Otan, et non la
    France le Pacte de Varsovie ? Pourquoi la Pologne a-t-elle choisi l’économie de marché ?  Pourtant les Polonais ont été abreuvés de propagande communiste pendant assez longtemps, et ils ont
    pu jouir des bienfaits de l’économie collectivisée… Encore une fois : il vous faut une théorie de votre solitude… Un Vert peut dire : je suis porteur d’une idée nouvelle, je progresse – mais
    votre position a régressé ou plutôt, s’est effondrée. Les peuples sont-ils donc complètement imbéciles, et faut-il faire leur bien malgré eux, comme le faisaient Staline, Brejnev et
    leus agents locaux dans les démocraties populaires ?

    • Descartes dit :

      Vous avez à mes yeux (et à ceux de la quasi-totalité de l’opinion) tellement tort que je n’ai guère envie de répondre.

      Vous n’y êtes pas obligé… j’attire tout de même votre attention sur le fait que le recours à “l’opinion” est généralement le dernier réfuge de ceux qui sont à court d’arguments. “L’opinion”
      s’est tellement trompé au cours des siècles, que cet argument ne vaut rien: après tout, le général De Gaulle avait tellement tort aux yeux de la “quasi-totalité de l’opinion” le 18 juin 1940 que
      même Pétain jugea inutile de lui répondre. Je suis donc en bonne compagnie…

      Juste un mot : en suivant cette merveilleuse boussole, le Pcf a déclaré la guerre de 39 être une guerre impérialiste,

      Aucune boussole n’est infaillible. Le PCF a tout de même la circonstance attenuante de ne pas avoir été le seul à se tromper: en 1939, le pacifisme était très largement majoritaire à gauche, et
      les “bellicistes” y étaient très rares. Ceux qui ont vu en 1939 la menace nazie pour ce qu’elle était ont été très peu nombreux. Alors, que celui qui n’a pas péché alors jette au PCF la première
      pierre…

      Thorez a déserté (déserté !) le 1er Octobre 39, et le chef de la France libre a été qualifié d’agent de la City.

      De Gaulle a déserté en Juin 1940, et a appelé Thorez le chef du “parti de l’étranger”. Franchement, si vous vous arrêtez à ce genre de détails…

      Tout le sang versé par les communistes après Juin 41 n’effacera jamais cette tache.

      Vous dites n’importe quoi. De Gaulle lui même estimera au contraire que le sang versé avait effacé cette tâche et bien d’autres, puisqu’il a effacé la condamnation de Thorez et l’a invité à être
      son ministre d’Etat. Il gardera d’ailleurs, malgré une opposition frontale en matière politique, une grande estime personnelle pour les dirigeants communistes et une admiration certaine pour les
      militants du PCF. Malraux a bien résumé cet état d’esprit lorsqu’il déclara “entre les communistes et nous, il n’y a rien”.

      Vous me paraissez sur des positions voisines de celles du Pc grec pour autant que je les connais.

      J’ignorais que le PC grec avait fait une analyse du “stalinisme français”. Après le recours à “l’opinion”, l’argument d’amalgame…

      Condamnez-vous, comme lui, Gorbatchev et la fin des dictatures communistes ?

      Moi, je ne “condamne” personne. Je ne vois pas trop l’intérêt de confondre analyse politique et jugement moral. Ce qui m’intéresse, c’est de comprendre le phénomène historique, de savoir ce qui a
      été fait, par qui et pourquoi. La qualification morale des faits, je la laisse à ceux qui ont encore besoin de réduire la politique à un combat du “bien” (forcément dans leur camp) et le “mal”
      (forcément dans le camp opposé).

      Et de quelles organisations étrangères vous sentez-vous proche, s’il en existe ?

      De celle qui me paye, bien entendu. C’est bien ce que vous vouliez entendre ?

      Je vous sens assez seul, mondialement parlant.

      “Mieux vaut seul qu’en mauvaise compagnie…”.

      Ce qu’il vous faut, c’est une théorie de votre solitude : une théorie qui explique pourquoi les peuples se sont détournés du communisme (et pourquoi les gouvernements communistes chinois et
      vietnamien ont choisi l’économie de marché), communisme qui était si puissant en Europe latine, et qui était au pouvoir à l’Est.

      Celle-là est facile, pour peux qu’on évite le piège d’aller chercher des explications morales et qu’on reste sur une analyse matérialiste. Les peuples, conformément aux analyses de Marx se sont
      rapprochés du “communisme” (pour aller vite, car c’est un peu plus compliqué que cela) lorsque le capitalisme était en crise systémique, dont les deux guerres mondiales et la crise de 1929 ont
      été les symptômes les plus flagrants. Pour répondre à cette crise, des solutions “communistes” ou quasi-communistes ont été essayées non seulement à l’Est et dans certains pays d’Amérique Latine,
      d’Asie et d’Afrique, mais même dans les pays dévéloppés, avec la construction de secteurs publics et nationalisés puissants et des régimes de rédistribution comme la sécurité sociale et les
      systèmes de retraite égalitaires.

      A partir de la fin des années 1960 commence la troisième révolution industrielle, celle de l’informatique et de la mondialisation des échanges. C’est cette révolution qui fait sortir le
      capitalisme de sa crise systémique, lui ouvrant de nouveaux horizons d’expansion. Et dès lors que le capitalisme n’est plus en crise, le communisme n’est plus intéressant et les peuples, comme
      vous dites, “se détournent” de lui. J’attire votre attention sur le fait que la montée de l’intérêt pour des solutions de type socialiste et communiste à partir des années trente fut un phénomène
      global, ressenti dans l’ensemble de la planète indépendament de la politique choisie par les organisations se réclamant de ce courant. Le désintérêt pour ce type de solutions à, lui aussi, été un
      phénomène mondial qui n’a pas épargne les communistes les plus “libéraux” pas plus que les “staliniens”. Ce qui plaide pour un phénomène structurel, et non simplement des erreurs politiques plus
      ou moins importantes.

      Au fonds, cela confirme la prédiction marxiste: le socialisme et le communisme ne sont pas une réponse morale aux méchancetés du capitalisme, mais une solution à un problème économique, celui de
      la crise d’un mode de production capitaliste devenu “un obstacle à l’expansion des forces productives”. Ce qui implique qu’on ne peut avancer vers le socialisme ou le communisme qu’à partir du
      moment où le mode de production capitaliste entre en crise systémique, ce qui n’était pas le cas dans les trente dernières années. Il reste à voir si la crise que nous connaissons aujourd’hui
      rentre dans ce cadre ou pas…

      Oui, pourquoi la Pologne a-t-elle rejoint l’Otan, et non la France le Pacte de Varsovie ? Pourquoi la Pologne a-t-elle choisi l’économie de marché ?

      J’avoue que je ne vois pas le rapport entre l’économie de marché et la discussion en cours. L’économie de marché, contrairement à ce que vous semblez croire, n’est pas contradictoire avec le
      socialisme ou le communisme, pas plus que l’économie planifiée n’est contradictoire avec le capitalisme. Après tout, nous avons eu en France un Plan pendant quarante ans…

        Pourtant les Polonais ont été abreuvés de propagande communiste pendant assez longtemps, et ils ont pu jouir des bienfaits de l’économie collectivisée…

      Mais vous pouvez poser aussi la question à l’envers: pourquoi les chiliens de 1970 ont choisi le socialisme ? Pourquoi les vénézueliens ont fait de même en 1999 ? N’ont-ils pas, eux aussi, été
      abreuvés de propagande sur les bienfaits de l’économie capitaliste ? Ce genre de questions n’a pas de sens. A ma connaissance, personne n’a proposé aux polonais le choix entre “une économie de
      marché” et “une économie collectivisée”.

      Un Vert peut dire : je suis porteur d’une idée nouvelle, je progresse – mais votre position a régressé ou plutôt, s’est effondrée.

      Oh, vous savez, la politique ça va ça vient. Les ultra-libéraux qui en 1947 fondent la Société du Mont Pellerin étaient affreusement minoritaires, et leur idéologie s’était effondrée aussi
      piteusement que le Mur de Berlin pour laisser le pas au keynésianisme généralisé. Eux aussi étaient “seuls, mondialement parlant”. Cela ne les a pas empêché de redevenir trente ans plus tard les
      porteurs de l’idéologie dominante… il n’est pas impossible que la crise que nous connaissons initie le mouvement inverse.

      Les peuples sont-ils donc complètement imbéciles, et faut-il faire leur bien malgré eux, comme le faisaient Staline, Brejnev et leus agents locaux dans les démocraties populaires
      ?

      Ou comme Pinochet, Suharto ou Marcos, n’est ce pas ? Croyez-moi, la tendance à conclure que les peuples ne comprennent rien et qu’il faut faire leur bonheur malgré eux n’a rien de
      particulièrement “communiste”. Elle est universellement partagée… l’un de ses théoriciens les plus distingués était d’ailleurs Jean Monnet avec sa “stratégie des petits pas”. L’auriez-vous
      oublié ?

  13. Jean Bricmont dit :

    Je lis régulièrement votre blog, que j’apprécie beaucoup. Voici un message que j’ai fait circuler et qui concerne aussi la fête.

    J’ai été invité par les Mutins de Pangée à parler des guerres humanitaires dimanche 16 à midi (http://www.lesmutins.org/Les-mutins-a-la-fete-de-l-Huma,208.html) au forum des associations à la
    Fête de l’Huma.
    La veille, des “antifas” (qui attaquent constamment une “galaxie rouge-brune” sur le net, constituée de gens dont le seul point commun est d’être opposés aux guerres américaines et aux politiques
    israéliennes) sont venus au stand proférer des menaces. Les organisateurs ont contacté la sécurité de la fête, qui a promis de venir.
    Le lendemain, soi-disant devant l’ampleur de la “mobilisation” contre ma venue sur les réseaux sociaux, la même sécurité a décidé de ne plus assurer ma protection. Les organisateurs ont donc
    sagement décidé d’annuler la discussion.
    Peu après, je suis venu au forum et il ne s’est rien passé, ni ailleurs dans la fête-si les “antifas” avaient voulu m’attaquer, il leur aurait été facile de le faire. Je pense que le danger était
    surévalué par la sécurité.
    Les enfantillages des antifas ne sont pas importants. Par contre, une question se pose en ce qui concerne la direction de la fête: soit ils ont cédé face aux menaces, ce qui pose des questions en
    ce qui concerne la capacité du PCF de combattre le capitalisme et l’impérialisme, comme annoncé un peu partout dans la fête (en plus de soutenir la Palestine, de libérer Mumia etc.). En effet, on
    peut raisonnablement penser que les capitalistes ont des moyens que n’ont pas les antifas: si on cède aux seconds, comment va-t-on faire pour combattre les premiers?
    Soit, certains dans ceux qui ont pris la décision étaient heureux de ne pas me voir (c’est juste une possibilité), ce qui pose aussi problème concernant la conception du débat démocratique dans
    la gauche.
    A l’appui de la première hypothèse, il faut remarquer que Caroline Fourest avait été chassée de la fête la veille par des “antiracistes” qui “combattent l’islamophobie”
    (http://www.rue89.com/rue89-politique/zapnet/2012/09/16/caroline-fourest-empechee-de-parler-la-fete-de-lhumanite-235383). Si les gens de l’huma ne voulaient plus d’ennuis, on peut les comprendre
    (vu qu’ils ont été incapables d’assurer la sécurité de Caroline Fourest).
    Je remarque que les gens qui “combattent l’islamophobie” ont la même mentalité et les mêmes méthodes que ceux qui “combattent le fascisme et l’antisémitisme”: intimider et censurer. Mais le
    premier combat est beaucoup plus grave que le second (et les attaques contre Caroline Fourest plus graves que celles contre moi).
    En effet, les gens qui sont accusés de fascisme ou d’antisémitisme (comme moi) sont totalement marginaux dans notre société- on peut donc les attaquer sans problèmes, en se donnant en plus des
    airs héroïques (près de 70 ans après la fin de la guerre).
    Les musulmans par contre sont détestés par bon nombre de gens et sont, eux, relativement marginaux dans notre société. Attaquer quelqu’un pour islamophobie revient par conséquent à lui donner une
    énorme visibilité, surtout quand il s’agit d’une habituée de ce genre d’attaques comme Caroline Fourest, qui bénéficie, contrairement à votre serviteur, d’une énorme caisse de résonance dans les
    médias. Le résultat de l’opération contre Caroline Fourest sera d’augmenter la marginalisation des musulmans et l’hostilité envers eux.
    Ce que les gens qui empêchent Caroline Fourest de parler ne comprennent pas, c’est que la raison et la discussion sont les armes du faible et la violence l’arme du fort. Ceux qui “combattent le
    fascisme et l’antisémitisme” par l’intimidation et la brutalité sont plus cohérents.
    Et ce que les deux camps apparemment opposés ne comprennent pas, c’est que se priver de débats contradictoires revient à tuer toute pensée critique, y compris chez soi-même.
    Ma réaction à chaud: http://www.youtube.com/watch?v=cr7-ELD46qs&feature=youtu.be (merci à Meriem et au cercle des volontaires).

    • Descartes dit :

      Je suis toujours surpris, mais bien sur très honoré, de voir que des gens dont j’admire les travaux lisent ce blog. Merci de votre encouragement.

      L’exemple que vous citez ici ne fait que réjoindre celui que je donnais dans mon papier dans une longue liste. Et le fait que cette liste soit longue, ou même qu’elle existe, montre à quel point
      le PCF a perdu le contrôle de sa propre fête, au point que des groupuscules disposent aujourd’hui d’un droit de véto sur les sujets de débat et le choix des invités.

      L’attitude de la Sécurité est à mon sens révélatrice. L’hypothèse la plus vraisemblable, parmi celles que vous proposez, c’est qu’ils “ne veulent pas d’ennuis”. Mais cette attitude montre qu’ils
      n’ont pas compris à quel point leur rôle est politique. Car assurer la sécurité de la fête, cela ne se réduit pas au rôle de protection des biens et des personnes, comme un simple vigile de
      supermarché. C’est bien plus que cela: c’est aussi protéger la liberté de la parole et des échanges. C’est, au sens le plus noble du terme, une fonction de police. Pendant de
      longues années, c’est ainsi qu’elle a été remplie. Ce n’est plus le cas, et on ne peut que le regretter.

  14. Baruch dit :

    Juste une petite remarque sur “la contre-culture”.

    Je crois qu’il ne faut pas confondre l’opinion individuelle de quelqu’un , fût-elle d'”opposition” et la “culture” à laquelle il appartient.

    L’opinion d’un individu se forme certes par les informations auxquelles il a accès mais aussi et surtout par la vie concrète, les expériences qui ont été et sont les siennes. Les “idées” ne
    naissent pas toutes seules et toute idée” individuelle” est toujours déjà “collective”.

    La place qui est celle de l’individu dans les rapports sociaux est donc un élément totalement nodal dans ses “opinions individuelles”.

    Ce n’est pas parce que chaque jour on lit, ( encore faut-il que le travail vous en laisse le temps d’ailleurs !) l’Huma et le Figaro et France – Soir et le Parisien que l’opinion qui va être
    individuelle est plus fondée “objectivement” et que vous aurez su faire “la part des choses” pour  échapper à “la culture” quelle soit “pour” ou “contre” d’ailleurs .

    Quant à la technologie, si elle nous fait accéder rapidement aux informations, nous en propose la multiplication, elle ne change rien à l’élaboration de “l’opinion” ,ni à l’acculturation des
    individus.

    Encore une remarque sur la contre culture communiste. Croire qu’elle était triomphante sur toute la scène sociale, c’est très trompeur.

    Dans les années 1950-1960 à la radio il y avait Zappi Max et le jeu “quitte ou double”, les crochets radiophoniques, les informations racontaient la vie sentimentale de la Princesse Margaret, la
    couleur du chapeau de Mme Kennedy était plus commentée que le rapport Krouchtchev aux informations, ne parlons pas des manips de l’opinion et des pigeons voyageurs de Duclos !.

    La presse communiste était vendue par les militants ou par abonnement, difficilement trouvable ailleurs, elle était l’objet d’une attaque forcenée.

    Une anecdote personnelle : j’étais abonnée à “Vaillant ,le journal le plus captivant”,l’ancètre de Pif le chien, j’avais appris à lire dans Roudoudou et Riquiqui, journaux de la “contre-culture”
    enfantine communiste, j’ai été malade, tuberculose, et je suis partie en sana tenu par des religieuses pendant un an,”Vaillant” ne m’a jamais été remis car il était “à l’index” et mes parents
    m’ont abonnée à “La semaine de Suzette”, journal de filles (Vaillant ne faisait pas de différence) débile à mon avis de fillette de huit ans !

    Ceci pour dire que la culture communiste était violemment combattue, elle ne régnait pas, il ne s’agissait pas de proposer simplement “de nouvelles sources” d’information ,mais il y avait tout
    l’enjeu de la “formation” y compris celle des enfants et de leurs “distractions”.

    Mon anecdote individuelle prouve bien que les couches de la société les plus réactionnaires , les bonnes soeurs d’avant le concile Vatican II, avaient bien compris l’enjeu de la lutte
    idéologique.

    La fête de l’Huma, de Vincennes à la Courneuve, donnait l’occasion aussi de nous faire voir, de nous rencontrer, de paraître nombreux à nos propres yeux, de faire force joyeuse et fière de nous.

    Quant à la question de “l’organisation” je n’ai pas bien compris de quoi il s’agissait dans le dernier message ? L’organisation de la fête ? moi aussi je trouve que quelque chose s’est perdu de
    la puissance collective comme le dit l’ami et camarade Descartes dans son billet.

    L’organisation du Parti communiste français ? là, c’est sacrément problèmatique. Personnellement , j’ai mal supporté l’abandon du centralisme démocratique, même si son fonctionnement n’était en
    rien satisfaisant, mais c’est un autre débat… on en était à la Fête, non?

     

     

     

    • Descartes dit :

      Encore une remarque sur la contre culture communiste. Croire qu’elle était triomphante sur toute la scène sociale, c’est très trompeur.

      Je n’aime pas trop la formule “contre-culture”, et je ne l’ai pas employé dans mon papier. Je prefère de loin celle de “contre-société”, et j’entends par là un groupe humain qui construit un
      réséau de rapports sociaux régis par des règles différentes de celles qui régissent la société dans son ensemble.

      Vous avez raison de souligner que la “culture” communiste était loin d’être la culture dominante même au temps de son apogée. Et c’est logique: la culture dominante est toujours celle issue du
      rapport de production dominant, et quelque aient pu être les ilôts “socialistes” pendant les trente glorieuses, le rapport de production dominant restait celui du capitalisme. Mais l’influence de
      la “culture communiste” était considérable, notamment dans les élites: on se définissait dans ou contre cette culture, mais on pouvait difficilement en faire abstraction.

      Ceci pour dire que la culture communiste était violemment combattue,

      Bien sur! Elle était combattue parce qu’elle était dangereuse, parce qu’elle menaçait quelqu’un. Les réligieuses qui t’ont soigné interceptaient “Vaillant” parce qu’elles étaient persuadées
      qu’une telle lectuer fabriquait des petits communistes. Aujourd’hui, personne ne se soucie de combattre les expressions culturelles du PCF parce qu’elles ne font plus peur à personne.

      Personnellement , j’ai mal supporté l’abandon du centralisme démocratique, même si son fonctionnement n’était en rien satisfaisant, mais c’est un autre débat… on en était à la Fête,
      non?

      Je ne crois pas que ce soit “un autre débat”. L’organisation de la Fête était une vitrine de l’organisation du Parti. Un Parti qui montrait une fois par an au pays qu’il était capable, en
      comptant seulement sur ses forces militants, d’organiser une énorme fête politique sans que jamais rien ne dérape. Aujourd’hui, comme le commente Jean Bricmont ici même, il donne la preuve du
      contraire: comment peut-il prétendre gouverner l’Etat et mettre au pas les patrons, s’il n’est même pas capable de mettre au pas quelques dizaines de perturbateurs qui empêchent ses invités de
      parler ?

  15. buridan dit :

    Condamnez-vous, comme lui, Gorbatchev et la fin des dictatures communistes ?

    Moi, je ne “condamne” personne. Je ne vois pas trop l’intérêt de confondre analyse politique et jugement moral. Ce qui m’intéresse, c’est de comprendre le phénomène historique, de savoir ce qui a
    été fait, par qui et pourquoi. La qualification morale des faits, je la laisse à ceux qui ont encore besoin de réduire la politique à un combat du “bien” (forcément dans leur camp) et le “mal”
    (forcément dans le camp opposé).

    La politique, c’est aussi juger, et éventuellement condamner. Vous-même passez votre temps à juger Mélenchon, je vois que vous n’aimez pas Marcos ou Pinochet. Mais quand il s’agit de Staline ou
    de Brejnev, vous découvrez que juger est une activité mineure ou minable, qui s’oppose à comprendre ou expliquer…

    Et de quelles organisations étrangères vous sentez-vous proche, s’il en existe ?

    De celle qui me paye, bien entendu. C’est bien ce que vous vouliez entendre ?

    Mais non, bien entendu, et pourquoi ce ton de votre part ?. Je me demandais si vous pensiez être tout seul de votre avis, ou s’il y avait au moins dans un pays une organisation dont vous
    pensiez qu’elle était sur la même longueur d’onde que vous. 

    Celle-là est facile, pour peux qu’on évite le piège d’aller chercher des explications morales et qu’on reste sur une analyse matérialiste. Les peuples, conformément aux analyses de Marx se sont
    rapprochés du “communisme” (pour aller vite, car c’est un peu plus compliqué que cela) lorsque le capitalisme était en crise systémique, dont les deux guerres mondiales et la crise de 1929 ont
    été les symptômes les plus flagrants. Pour répondre à cette crise, des solutions “communistes” ou quasi-communistes ont été essayées non seulement à l’Est et dans certains pays d’Amérique Latine,
    d’Asie et d’Afrique, mais même dans les pays dévéloppés, avec la construction de secteurs publics et nationalisés puissants et des régimes de rédistribution comme la sécurité sociale et les
    systèmes de retraite égalitaires.

    Des politiques de ce genre ont eu lieu dans tous les pays développés, des E.-U. de Roosevelt à l’Allemagne d’Erhard, en passant par l’Angleterre de Beveridge. Dans la plupart de ces pays,
    le communisme était insignifiant, et elles ne lui doivent à peu près rien rien politiquement comme intellectuellement. De même il y a un grand écart entre la modestie de vos solutions
    politiques (sortir de l’euro ou défendre la classe ouvrière plutôt que les classes moyennes n’a rien de spécifiquement communiste) et votre référence communiste. Le communisme, ç’a a été la
    dictature totalitaire + l’économie de non-marché. Si c’est votre choix, gardez la référence communiste, si ce n’est pas votre choix, abandonnez-la. Sinon vous êtes dans la confusion, ou le
    déni de réalité. Vous me semblez être dans l’une (la Sécurité sociale quelque chose ayant à voir avec le communisme) et l’autre (Staline pas si mauvais qu’on le
    dit)…   

    • Descartes dit :

      La politique, c’est aussi juger, et éventuellement condamner.

      C’est là où nous différons. Pour moi, la politique c’est d’abord comprendre, et ensuite agir pour changer les choses. La condamnation me semble plutôt relever de la morale.

      Vous-même passez votre temps à juger Mélenchon,

      Certainement pas. J’essaye de comprendre ses choix politiques, tactiques ou stratégiques, et j’exprime mon opinion sur ceux-ci. Mais je ne crois pas avoir exprimé le moindre jugement sur
      Mélenchon lui même, à part pour dire l’estime personnelle que j’avais pour lui.

      je vois que vous n’aimez pas Marcos ou Pinochet

      Je ne vois pas ou voyez-vous cela. Je me contente de constater qu’ils furent des dictateurs, qu’ils se sont rendus coupables de crimes graves, et que malgré cela les forces politiques
      “démocratiques”, si sourcilleuses lorsqu’il s’agissait de défendre les droits de l’homme dans les pays socialistes, se sont fort bien accomodées de ces régimes lorsqu’elles ne les sont encouragés
      et/ou aidés à conquérir et à se maintenir au pouvoir. Ce sont là des faits. Je ne me suis jamais exprimé sur les sentiments personnels que peuvent m’inspirer ces personnages, et je trouve que
      dans le débat politique cela n’a pas la moindre importance.

      Mais non, bien entendu, et pourquoi ce ton de votre part ?.

      Je vous prie de m’excuser si j’ai mal interprété votre intention…

      Je me demandais si vous pensiez être tout seul de votre avis, ou s’il y avait au moins dans un pays une organisation dont vous pensiez qu’elle était sur la même longueur d’onde que vous.

      En toute honneteté, je ne me suis jamais posé la question. Mais oui, je pense qu’il ya en France et à l’étranger beaucoup d’organisations avec lesquelles j’ai des points en commun. Par contre, il
      n’y a probablement pas beaucoup avec qui je sois à 100% d’accord. Mais c’est cela aussi la politique: faire des compromis.

      Des politiques de ce genre ont eu lieu dans tous les pays développés, des E.-U. de Roosevelt à l’Allemagne d’Erhard, en passant par l’Angleterre de Beveridge. Dans la plupart de ces pays,
      le communisme était insignifiant, et elles ne lui doivent à peu près rien rien politiquement comme intellectuellement.

      Les partis communistes étaient peut-être numériquement faibles dans certains de ces pays, mais l’influence des théoriciens marxistes sur les élites étaient loin d’être négligéables. Et puis,
      surtout, l’apparition des premières expériences socialistes après la première guerre mondiale a mis une pression considérable sur les décideurs de l’ensemble des pays capitalistes, qui ont très
      bien compris que s’ils voulaient maintenir les partis communistes faibles, il fallait leur couper l’herbe sous le pied en faisant des réformes au bénéfice de la classe ouvrière. A l’appui de
      cette analyse vous noterez que dès lors que les expériences socialistes se sont effondrées, les gouvernements n’ont plus hésité à privatiser à tour de bras et à remettre en cause les protections
      sociales. Même les sociaux-démocrates, dont la fonction était d’empêcher les ouvriers de rejoindre les partis communistes en proposant des politiques sociales sont devenus libéraux à partir du
      moment où le risque communiste a disparu…

      L’influence des idées communistes ne peut donc pas se mesurer uniquement au poids numérique des partis communistes. Elle se mesure aussi au niveau des concessions – ou des repressions – que les
      gouvernements capitalistes ont mis en oeuvre pour tenir les idées communistes à distance.

      De même il y a un grand écart entre la modestie de vos solutions politiques (sortir de l’euro ou défendre la classe ouvrière plutôt que les classes moyennes n’a rien de spécifiquement
      communiste) et votre référence communiste.

      Il n’y a aucun “grand écart”. Le communisme d’extraction léniniste, où je puise mes références, est fondé sur une analyse dans la quelle la “révolution” nécessite des conditions subjectives
      (l’organisation du Parti, la mobilisation de la classe ouvrière et de ses alliés politiques) mais aussi et surtout des conditions objectives (une crise systémique du capitalisme”). De ce point de
      vue, je suis à mille lieux du gauchisme “volontariste” d’un Guevara, par exemple, qui pensait que la révolution était une pure affaire de volonté, réalisable partout et en tout temps quelque
      soient les conditions objectives.

      Cela étant dit, je ne peux que constater qu’aujourd’hui les conditions objectives pour la construction du socialisme ne sont pas remplies. A partir de là, il faut considérer une stratégie
      politique toujours au bénéfice des travailleurs, mais adaptée à la situation réelle. Et si l’on ne peut pas viser tout de suite le socialisme, on peut par contre renforcer notre économie et notre
      société pour que la classe ouvrière soit plus riche, plus heureuse, mieux éduquée. Et construire les outils pour pouvoir agir le jour où le socialisme redevienda viable…

      Ma position est celle qui fut celle du PCF en 1945, lorsqu’il accepta de désarmer les FTP: puisque le socialisme n’est pas pour tout de suite, travaillons dejà sur la sécurité sociale, les
      services publics, le statut des fonctionnaires, le code du travail, la reconstruction de l’économie…

      Le communisme, ç’a a été la dictature totalitaire + l’économie de non-marché.

      Pour vous, peut-être. Mais pour des millions de français, cela a été une contre-société de lutte, de fraternité, de construction. C’est cette “reference” que j’entends garder…

      Le communisme ne se réduit pas à Staline ou Brezhnev, pas plus que le capitalisme ne se réduit à Marcos, Pinochet ou Suharto. Sortez du raisonnement de propagande qui consiste à prendre ce qu’il
      y a de pire dans le premier pour comparer à ce qu’il y a de meilleur dans le second…

       

       

  16. Marencau dit :

    Bonjour Descartes,

     

    Très intéressantes ces discussions. Quelques remarques et questions sur l’ensemble:

     

    Tu considères que l’admiration de Staline qu’avait le PCF n’était au fond pas un mal car c’était une “religion laïque” qui n’avait rien à voir avec le dictateur, même si tu reconnais certaines
    erreurs (“guerre capitaliste”, soutien du pacte germano-soviétique…). L’explication me paraît intéressante et je n’ai à priori rien contre. Mais alors pourquoi en vouloir à des Badiou pour les
    Khmers ou aux gauchistes pour les socialismes exotiques ?

     

    De plus, je ne vois pas bien comment une société communiste pourrait utiliser une économie de marché. Dans une économie de marché si il y a des compétiteurs, c’est qu’il y a des capitalistes qui
    cherchent à faire du profit… mais peut-être que tu voulais dire qu’on pouvait s’en rapprocher comme pendant les 30 glorieuses où la valeur empochée était proche de la valeur produite (grâce au
    faible chômage, etc.) ? Ça me semble quand même assez “osé” de qualifier cette période de communiste. Socialiste peut-être ? Mais bon, je ne vois pas trop la différence entre les deux…
    socialisme = proche du communisme mais encore capitaliste ? Ca ressemble à de la social-démocratie…

     

    Cela dit ça m’amène à mon autre point, le fameux gaullo-communisme que tu as souvent évoqué. Dans l’idée je suis complètement d’accord… d’ailleurs aujourd’hui, beaucoup de communistes
    “historiques” (comprendre “jacobin” et pas gauchiste) analysent et proposent le même genre de choses que les gaullistes de droite… toi-même, n’as-tu pas de la sympathie pour NDA ? La frontière
    entre la gauche et la droite est parfois fine…  Sans vouloir t’offenser, dans l’idée un Zemmour ne propose pas grand chose de différent de toi, non ?

     

    Mais historiquement ? De Gaulle, tu l’as dis, ne portait pas les communistes dans leur cœur. Et ceux-ci l’ont bien combattu si je ne m’abuse ! Par exemple lors du référendum pour son retour…
    comment – concrètement – s’est matérialisé cette “alliance” ?

     

    Tes explications sur les conditions d’une révolution sont également intéressantes mais j’ai l’impression d’y voir une contradiction. Tu dis “la crise de 29 (je simplifie ton propos) et le
    contexte était favorable à des solutions socialistes car le capitalisme était devenu un frein à l’expansion des forces productives”. Je suis d’accord jusque là, c’est un raisonnement marxiste
    classique, que je partage. Puis, tu expliques que la “3ème révolution industrielle” (la 2nde c’était quoi ?) a constitué un nouvel horizon pour le capitalisme, ce qui me paraît également tout à
    fait raisonnable. Mais c’est là mon objection: si le communisme avait dépassé le capitalisme, c’est parce qu’il aurait mieux développé les forces productives à ce moment de l’histoire. OK. Mais
    alors, sauf à imaginer qu’on aurait jamais découvert l’informatique, etc. si le communisme était plus adapté, il aurait du se développer tout de même… et être plus intéressant matériellement.
    Sauf si le capitalisme, en période de révolution industrielle, est plus adapté à l’expansion des forces productives. Et certains diront qu’on a “plus qu’à” arriver à une nouvelle révolution
    industrielle (écologique diront certains) en favorisant l’innovation et nos problèmes seront résolus…. ou alors qu’il est plus intéressant d’avoir des périodes un peu dures pour gagner beaucoup
    plus plus tard. Qu’en penses-tu ?

     

    En tout cas bonne soirée à toi et à tous les lecteurs !

    • Descartes dit :

      Tu considères que l’admiration de Staline qu’avait le PCF n’était au fond pas un mal car c’était une “religion laïque”

      Exact. Et d’ailleurs on pourrait mener l’analogie assez loin. Après tout, juifs et chrétiens adorent un dieu à coté de qui Staline, en matière de crimes, n’était qu’un amateur. Aurait-on oublié
      le déluge universel, avec l’extermination de toute l’espèce humaine à l’exception d’une seule famille – et je ne parle même pas des dommages à l’environnement ? Et je ne parle même pas de Sodome
      et Gomorrhe…

      Bien sur, on me dira que contrairement à Yahvé, Staline est un personnage réel dont les crimes sont réels. C’est vrai. Mais le Staline que les communistes français adoraient n’était pas celui-là.
      Au contraire: les communistes se sont appliqués à oublier ces crimes et ne rendaient hommage à leur “dieu” qu’en magnifiant – ou en lui inventant simplement – des qualités éminement positives…

      qui n’avait rien à voir avec le dictateur, même si tu reconnais certaines erreurs (“guerre capitaliste”, soutien du pacte germano-soviétique…).

      Des erreurs politiques du PCF, oui.

      L’explication me paraît intéressante et je n’ai à priori rien contre. Mais alors pourquoi en vouloir à des Badiou pour les Khmers ou aux gauchistes pour les socialismes exotiques ?

      Parce que je juge l’arbre à ses fruits. La “réligion stalinienne” a rendu possible la Résistance et le programme du CNR, a donné pendant un demi-siècle à la classe ouvrière une représentation
      politique, a “grandi” une génération de militants. Qu’est ce que la “réligion polpotiste” ou “guévariste” a produit chez ses culteurs ? Rien. Et cela pour une raison très simple: parce que ces
      réligions gauchistes n’ont pas été actives, mais réactives. Ce sont des réligions de substitution construites dans le seul but de combat contre le PCF. C’est d’ailleurs pourquoi elles se sont
      effondrées dès lors que le PCF est devenu trop faible pour être dangereux.

      De plus, je ne vois pas bien comment une société communiste pourrait utiliser une économie de marché.

      Il faut arrêter de mytifier le marché. Le marché est un mécanisme qui sert à la formation des prix, en déterminant le prix qui maximise l’échange. Et lorsque certaines conditions sont remplies –
      celles qui définissent un marché “pur et parfait” – ce prix permet l’allocation optimale (au sens économique du terme) des ressources. C’est tout. Il n’implique nullement que les participants au
      marché soient des “capitalistes qui cherchent à faire du profit”.

      Dans une économie de marché si il y a des compétiteurs, c’est qu’il y a des capitalistes qui cherchent à faire du profit… mais peut-être que tu voulais dire qu’on pouvait s’en rapprocher
      comme pendant les 30 glorieuses où la valeur empochée était proche de la valeur produite (grâce au faible chômage, etc.) ?

      On peut avoir une “économie de marché” sans nécessairement livrer tous les secteurs économiques au marché. Je ne vois pas l’intérêt, dans un régime socialiste, de fixer par décret administratif
      le prix des plats dans les restaurants.

      Ça me semble quand même assez “osé” de qualifier cette période de communiste. Socialiste peut-être ?

      Je crois que c’est plus compliqué que cela. Il n’y a pas de modes de production “purs”, et dans l’histoire, on a vu coexister l’esclavage et le servage, puis le servage avec le capitalisme
      naissant. Je pense que les “trente glorieuses” ont vu coexister un mode de production capitaliste et un mode de production socialiste. Malheureusement, je ne trouve guère d’économistes qui aient
      analyser ce moment du XXème siècle.

      Cela dit ça m’amène à mon autre point, le fameux gaullo-communisme que tu as souvent évoqué. Dans l’idée je suis complètement d’accord… d’ailleurs aujourd’hui, beaucoup de communistes
      “historiques” (comprendre “jacobin” et pas gauchiste) analysent et proposent le même genre de choses que les gaullistes de droite… toi-même, n’as-tu pas de la sympathie pour NDA ? La frontière
      entre la gauche et la droite est parfois fine…  Sans vouloir t’offenser, dans l’idée un Zemmour ne propose pas grand chose de différent de toi, non ?

      Pour quelqu’un qui ne veut pas m’offenser… mais non, Zemmour et moi nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde. Zemmour est un journaliste qui tend un peu trop à penser avec ses tripes. Et
      ce n’est certainement pas mon cas. Je ne te cache pas que souvent je trouve ce qu’il dit intéressant, notamment son refus d’accepter la dictature du “politiquement correct” – qui l’amène
      quelquefois à des excès regrettables – mais ce n’est certainement pas un réflexif…

      Mais historiquement ? De Gaulle, tu l’as dis, ne portait pas les communistes dans leur cœur. Et ceux-ci l’ont bien combattu si je ne m’abuse ! Par exemple lors du référendum pour son
      retour… comment – concrètement – s’est matérialisé cette “alliance” ?

      Le “gaullo-communisme” fut, là aussi, un moment très particulier qui mériterait une analyse par les historiens. Ce fut une convergence dans les faits qu’aucune des deux organisations ne pouvait
      admettre publiquement, tant les réflexes hérités de l’histoire du fossé droite/gauche sont forts. On ne peut donc pas parler à proprement dire “d’alliance”, mais de réflexes similaires qui
      conduisaient dans les faits à une complicité. Lorsqu’en 1968 le PCF refuse de s’embarquer dans l’aventure à laquelle l’invitent les gauchistes et fait son possible pour stabiliser la situation,
      il aide objectivement De Gaulle.

      Mais c’est là mon objection: si le communisme avait dépassé le capitalisme, c’est parce qu’il aurait mieux développé les forces productives à ce moment de l’histoire. OK. Mais alors, sauf à
      imaginer qu’on aurait jamais découvert l’informatique, etc. si le communisme était plus adapté, il aurait du se développer tout de même… et être plus intéressant matériellement.

      C’est une objection très intéressante. Et je pense qu’au lieu de dresser en permanence les listes des crimes de Staline, les historiens communistes feraient mieux de se poser cette question:
      pourquoi le socialisme, qui dans le raisonnement marxiste classique aurait du permettre aux forces productives un développement supérieur, n’a pas réussi à le faire ? Pourquoi après une première
      phase de développement exponentiel il a stagné, alors que le monde capitaliste repartait en profitant à fond des développements des techniques ?

      Je pense qu’il y a un faisceau de raisons pour cela. L’un est sans doute que les socialismes réels sont apparus dans des pays très arriérés, avec un manque cruel de capital humain et
      social/institutionnel. Il y a aussi l’énorme saignée imposée par le capitalisme à chaque expérience socialiste à travers de guerres – comme la seconde guerre mondiale – les blocus, le sabotage
      économique. Mais à mon sens, ces explications sont insuffisantes. Il y a des questions économiques que ces régimes n’ont pas pu résoudre. Et notamment, celle de la formation des prix et de
      l’allocation des ressources. C’est pourquoi il faut à mon avis penser un “socialisme de marché” plutôt qu’un “socialisme sans marché”.

       

       

  17. Marencau dit :

    Après tout, juifs et chrétiens adorent un dieu à coté de qui Staline, en matière de crimes, n’était qu’un amateur.

    J’avoue que j’ai ri ! Pas mal celle-là, je la ressortirai… en tout cas je trouve le raisonnement très pertinent. D’une certaine manière, on rejoint là encore les fictions “positives” (parfois
    nécessaires) que tu as abordé plusieurs fois.

     

    Il n’implique nullement que les participants au marché soient des “capitalistes qui cherchent à faire du profit”.

    Mais… je suis d’accord avec ta description ! De même, je pense aussi que parfois le marché est le mécanisme le plus optimal. En fait je pensais que quand tu parlais d’économie de marché, tu
    pensais d’économie “majoritairement” de marché. Mea culpa.

    Cela dit, je maintiens mon propos sur les capitalistes. Prenons ton exemple du restaurant. Si j’ai un restaurant qui se fait pas mal de profit, un autre pourrait être tenté d’ouvrir à côté, puis
    un autre etc. Le marché étant dans ce cas précis “pur et parfait”, les profits tendront vers 0 et il n’y aura donc par définition plus d’exploitation. Mais les acteurs qui ont ammené leur capital
    pour ouvrir leur restaurant avaient pour objectif de le faire fructifier en faisant du profit: c’est bien un cas particulier du capitalisme ! Bon, dans ce cas précis, c’est vrai, le capital n’est
    pas forcément rémunéré et se maintient tout juste…

     

    Pour quelqu’un qui ne veut pas m’offenser…

    Je te présente mes excuses si tu l’as mal pris, ce n’était pas mon objectif du tout. Tu m’en vois navré… C’est vrai que la comparaison n’était pas heureuse, mais je ne sais pas, j’ai cherché un
    homme qui se disait clairement de droite et non libéral et c’est Zemmour m’est venu à l’esprit. Mais j’avoue ne pas vraiment bien connaître le bonhomme. Tout ce que je peux dire c’est que je
    n’aurais aucun scrupule à voter à droite si l’alternative en face c’est le PS girondin…

     

    L’un est sans doute que les socialismes réels sont apparus dans des pays très arriérés, avec un manque cruel de capital humain et social/institutionnel

    Finalement, le socialisme est assez paradoxal… il s’implante plus facilement dans les pays où il aura le plus de mal à se maintenir…

     

    Il y a des questions économiques que ces régimes n’ont pas pu résoudre. Et notamment, celle de la formation des prix et de l’allocation des ressources. C’est pourquoi il faut à mon avis
    penser un “socialisme de marché” plutôt qu’un “socialisme sans marché”.

    C’est très intéressant. Il faudrait mener une réflexion globale sur les secteurs qui peuvent être nationalisés et ceux qui peuvent être laissés au marché, certes régulé. Lorsqu’il s’agit d’un
    monopole “naturel” (électricité, eau…) ou de marché “naturel” (restaurants, coiffeurs…) la réponse est plutôt simple. Bon, “naturel” c’est subjectif… disons au moins que (re)nationaliser
    les autoroutes choquerait moins les citoyens que de faire un organisme public d’esthéticiennes.

    La réponse est plus ardue lorsque le marché est non pur et parfait mais ne correspond pas à un monopole naturel: certes nous ne sommes pas à un optimal économique (impossible à démontrer, mais on
    peut prendre comme appui l’existence de marges et de profits dans le secteur), mais qu’est-ce qui nous garantit qu’un système socialisé serait plus efficace ?

    Prenons un marché où l’homogénéité est mauvaise: la mode, le luxe. Les marchés ne sont pas optimaux, pour preuve les importantes marges dégagées par les grandes marques.  Pourtant, a-t-on
    intérêt à les nationaliser ? Je pense que dans ce domaine il serait dommage de perdre l’initiative privée mais je n’ai guère d’arguments pour cela…

    En revanche, je pense que ce genre de marché peut et doit être fortement encadré. La fiscalité peut être adaptée, les écarts de salaires régulés…ou tout simplement le respect strict de
    certaines normes à but politique, etc. En fait, laisser le marché fonctionner (il fonctionnera tant qu’il y aura de l’argent à se faire) tout en réduisant au maximum les profits. Je ne pense pas
    que cela aurait des conséquences énormes sur la qualité de l’offre proposée par les entreprises, à condition que cela ne pèse pas trop à la baisse sur l’investissement. De même, les taux de
    profit étant plus faibles, les capitaux étrangers seraient moins attirés pour investir mais je ne sais pas si cela serait un réel problème ou non…

    Je n’ai pas la prétention de présenter un modèle ici (j’en serais bien incapable) et je raconte peut-être des grosses bêtises, mais en tout cas ce sont des chemins sur lesquels il reste encore
    beaucoup à explorer… ce qu’on peut considérer comme stimulant d’une certaine manière. Malheureusement je ne connais pas vraiment de parti ou d’organisme qui réfléchit sur une réelle alternative
    à notre système de production actuel…

    • Descartes dit :

      Cela dit, je maintiens mon propos sur les capitalistes. Prenons ton exemple du restaurant. Si j’ai un restaurant qui se fait pas mal de profit, un autre pourrait être tenté d’ouvrir à côté,
      puis un autre etc. Le marché étant dans ce cas précis “pur et parfait”, les profits tendront vers 0 et il n’y aura donc par définition plus d’exploitation.

      Exactement. C’est d’ailleurs pourquoi les capitalistes sont les pires ennemis des marchés “purs et parfaits” et n’ont de cesse que de constituer des monopoles et de dresser des barrières, puisque
      ce sont dans ces imperfections des marchés que se trouvent les sources de profits… Parler du capitalisme comme d’une “économie de marché” est en fait trompeur: le capitalisme cherche au
      contraire à rendre les marchés le plus “imparfaits” possibles.

      Tout ce que je peux dire c’est que je n’aurais aucun scrupule à voter à droite si l’alternative en face c’est le PS girondin…

      Moi non plus, et je l’ai deja fait plusieurs fois.

      Finalement, le socialisme est assez paradoxal… il s’implante plus facilement dans les pays où il aura le plus de mal à se maintenir…

      Il n’y a là rien de “paradoxal”: il est trivial de dire que plus un pays est instable, plus il a des chances d’expérimenter des régimes politiques variés. Les pays dont les structures politiques
      sont solides tendent à les garder…

      C’est très intéressant. Il faudrait mener une réflexion globale sur les secteurs qui peuvent être nationalisés et ceux qui peuvent être laissés au marché, certes régulé.

      La nationalisation n’empêche pas la concurrence, et il est parfaitement possible pour deux entreprises publiques d’entrer dans un processus de compétition. Pour ne donner qu’un exemple, la
      nationalisation des banques et des assurances en 1945 n’a jamais abouti à la création d’une banque ou d’une compagnie d’assurances uniques, et les différentes entreprises issues de la
      nationalisation ont continué à lutter les unes contre les autres pour conquérir des clients.

      En fait, il n’y a que dans le cas des “monopoles naturels” qu’il y a un véritable intérêt à ce que la nationalisation soit suivie d’une unification du système.

      Prenons un marché où l’homogénéité est mauvaise: la mode, le luxe. Les marchés ne sont pas optimaux, pour preuve les importantes marges dégagées par les grandes marques.  Pourtant,
      a-t-on intérêt à les nationaliser ?

      Oui, parce qu’on récupère pour le public les marges en question. Mais cela suppose au préalable de trouver un mode de gestion qui évite que la nationalisation tue l’initiative et la créativité.
      Et cela n’a rien d’évident.

       

       

       

  18. Marencau dit :

    La nationalisation n’empêche pas la concurrence, et il est parfaitement possible pour deux entreprises publiques d’entrer dans un processus de compétition.

    Ça, nous sommes d’accord ! Si je travaillais pour une entreprise publique et que (par exemple) mon salaire était indexé sur mon travail, sur la valeur que je créé, alors il n’y a absolument
    aucune raison que je travaille moins ou moins bien. Tant qu’on reste matérialiste et qu’on ne considère pas que l’engouement révolutionnaire suffira pour motiver les travailleurs, je ne pense pas
    qu’on aurait de gros problèmes là dessus.

     

    Oui, parce qu’on récupère pour le public les marges en question. Mais cela suppose au préalable de trouver un mode de gestion qui évite que la nationalisation tue l’initiative et la
    créativité. Et cela n’a rien d’évident.

    Je dois t’avouer que je suis plutôt novice dans la réflexion sur cette idée qui me paraît à première vue extrêmement séduisante. Au niveau du modèle des grandes entreprises intégrées nationales,
    pas de problème. Je pense qu’après la récupération des “monopoles naturels”, ce serait les premières entreprises qui pourraient être socialisées. En revanche il y a quelques (gros?) écueils:

    Quid de l’entrepreneuriat ? Y a-t-il une place pour les PME ? Après tout, l’exploitation d’une entreprise de 20 personnes n’est pas moins différente que celle de chez Arcelor. Je ne sais pas
    pourquoi il y a un tel discours actuellement sur les PME comme poumon économique vital du pays (blablabla), peut-être que l’externalisation de certaines tâches pour les grandes entreprises a
    permis des gains de productivité, je ne sais pas… mais donc, que faire ? Comment les petites entreprises peuvent être gérées dans un tel système ?

    Que faire des grandes entreprises étrangères installées en France ? En dévaluant, etc. on peut rendre la production dans notre pays attractive. En revanche, si on veut socialiser la production,
    beaucoup moins ! Je doute qu’un Coca Cola, Nike ou McDonalds accepte de ne faire aucun bénéfice en France. Et je doute également que nos concitoyens acceptent de se passer de leurs produits. On
    pourrait éventuellement les laisser “privées” en coexistant à côté d’entreprises publiques dans le marché (majoritairement) socialisé.

    De plus, avec des chaînes logistiques aujourd’hui très mondialisées, la gestion n’est pas facilitée pour une gestion “nationale”. Tu me diras: si elles continuent de payer cash et de proposer de
    bons produits, il n’y a pas de raison que les entreprises publiques n’y ait plus accès, c’est bien le but de l’opération: faire mieux que le capitalisme. Mais de quoi parle-t-on en parlant
    d’entreprise publique ? De la multinationale complète ? De sa filiale Française ?

    De grandes questions comme tu le vois… Je ne doute pas que tu y as déjà réfléchi, mais à mon avis il y a matière à creuser !

    • Descartes dit :

      “La nationalisation n’empêche pas la concurrence, et il est parfaitement possible pour deux entreprises publiques d’entrer dans un processus de compétition”. Ça, nous sommes d’accord ! Si je
      travaillais pour une entreprise publique et que (par exemple) mon salaire était indexé sur mon travail, sur la valeur que je créé, alors il n’y a absolument aucune raison que je travaille moins
      ou moins bien.

      Je ne faisais pas référence à cette question, mais à celle de la compétition – éventuellement dans un mécanisme de marché – entre deux ou plus entreprises nationalisées. L’exemple le plus évident
      est celui des différentes banques et compagnies d’assurances nationalisées après la Libération.

      Tant qu’on reste matérialiste et qu’on ne considère pas que l’engouement révolutionnaire suffira pour motiver les travailleurs, je ne pense pas qu’on aurait de gros problèmes là dessus.

      C’est une bonne remarque. Malheureusement, la “gauche radicale” de notre pays a cessé depuis bien longtemps d’être matérialiste.

      En revanche il y a quelques (gros?) écueils: Quid de l’entrepreneuriat ? Y a-t-il une place pour les PME ? Après tout, l’exploitation d’une entreprise de 20 personnes n’est pas moins
      différente que celle de chez Arcelor.

      Tout à fait. Mais l’expérience a montré que si la gestion publique fonctionnait pour les grandes structures, elle est mal adaptée aux petites. La raison est simple: la gestion publique implique
      que les décisions stratégiques ne sont pas prises au niveau de l’entreprise, mais de l’Etat. Or, l’Etat ne peut sans croître démésurement suivre des centaines de milliers de structures. Il y a
      donc un compromis entre efficacité et gestion socialiste à trouver. Dans une économie où les “grands moyens de production et d’échange” sont publics, on peut se permettre de laisser subsister des
      PME privées, puisque le pouvoir de négociation des travailleurs du fait d’un secteur public puissant est suffisant pour garantir une exploitation limitée…

      Que faire des grandes entreprises étrangères installées en France ? En dévaluant, etc. on peut rendre la production dans notre pays attractive. En revanche, si on veut socialiser la
      production, beaucoup moins ! Je doute qu’un Coca Cola, Nike ou McDonalds accepte de ne faire aucun bénéfice en France.

      La question se pose dans un pays où le capital est rare. Dans un tel pays, le besoin de capital étranger peut rendre nécessaires certains compromis, par exemple, celui de laisser subsister un
      secteur capitaliste étranger à côté du secteur socialisé. Je ne crois pas que ce soit le cas en France: on peut parfaitement produire les boissons gazeuses, les baskets ou les hamburguers dont on
      a besoin sans dépendre du capital étranger…

      Et je doute également que nos concitoyens acceptent de se passer de leurs produits.

      On ne peut pas tout avoir. Si nos concitoyens préfèrent être des chômeurs mangeant des hamburguers chez McDonalds plutôt que des travailleurs mangeant un jambon-beurre dans le troquet du coin,
      c’est leur affaire. Si l’on veut la sécurité et l’emploi que donne une économie socialisée, il faut accepter les contraintes de celle-ci. L’expérience de la France gaullo-communiste a montré que
      ces contraintes étaient somme toute acceptables.

      Tu me diras: si elles continuent de payer cash et de proposer de bons produits, il n’y a pas de raison que les entreprises publiques n’y ait plus accès, c’est bien le but de l’opération:
      faire mieux que le capitalisme. Mais de quoi parle-t-on en parlant d’entreprise publique ? De la multinationale complète ? De sa filiale Française ?

      L’ensemble. C’est la propriété du capital qui caractérise une entreprise.

      De grandes questions comme tu le vois… Je ne doute pas que tu y as déjà réfléchi, mais à mon avis il y a matière à creuser !

      Certainement. Voilà le genre de sujets qu’on devrait débattre dans les congrès et les universités des partis de gauche. Malheureusement on préfère se concentrer sur les questions
      “sociétales”…

  19. Trubli dit :

    Pourquoi vouloir socialiser la propriété des entreprises si vous pouvez récupérer par l’impôt TOUT OU partie des dividendes ou des plus-values ?

     

    Dans une économie socialisée l’état aurait-il le cran de moderniser l’appareil productif au risque de provoquer des licenciements ? J’en doute.

     

    Dans le même temps, la présence de l’état au capital d’une entreprise n’est pas une garantie contre les délocalisations. Renault et PSA sont les deux exemples types. La plus patriote des deux
    entreprises est celle où l’état est absent. C’est en lien avec la question de la capture de l’état : si l’état agit en faveur des classes moyennes, alors qu’il contrôlerait toutes les
    entreprises, son intérêt serait de délocaliser pour faire produire moins cher ailleurs et ainsi augmenter le pouvoir d’achat des classes moyennes.

     

    Qu’en est-il des exportations ? Les autres pays accepteront-ils que l’on exporte chez eux alors qu’on aurait nationalisé les filiales de leurs entreprises présentes sur notre sol ?

     

    Je ne suis pas sûr que le communisme soit compatible avec le libre échange ; J’ai l’impression que les pays qui se sont engagés sur la voie communiste l’on fait pour échapper à la division
    internationale du travail issue du libre-échange. L’Allemagne et les Etats-Unis ont utilisé le protectionnisme pour résister aux « early comers ». Ces pays avaient le capital humain et
    ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils ne rattrapent l’Angleterre et la France. La Russie était loin d’avoir le même capital humain et a fait le choix de s’extirper de la DIT. 

    • Descartes dit :

      Pourquoi vouloir socialiser la propriété des entreprises si vous pouvez récupérer par l’impôt TOUT OU partie des dividendes ou des plus-values ?

      Pour deux raisons: la première est que je ne peux pas récupérer “tout” le dividende ou plus-values par l’impôt: si je le faisais, personne n’investirait. En effet, quel intérêt aurait un
      capitaliste à investir s’il ne peut retirer aucune plusvalue ? Conserver un secteur privé implique nécessairement la survie de l’exploitation du travail par le capital.

      La deuxième raison est que la récupération de la plus-value par l’impôt n’est pas suffisante. Dans certains secteurs – je pense par exemple aux services publics de réseau, aux banques, aux
      assurances, aux industries stratégiques – il est intéressant que la stratégie de l’entreprise tienne compte de l’intérêt général, et pas seulement de l’intérêt des actionnaires.

      Dans une économie socialisée l’état aurait-il le cran de moderniser l’appareil productif au risque de provoquer des licenciements ? J’en doute.

      Dans une économie socialisée, la modernisation de l’économie ne se traduit pas par des licenciements… par ailleurs, je ne vois pas pourquoi un directeur nommé par l’Etat devrait avoir moins de
      “cran” qu’un directeur nommé par les actionnaires à l’heure de licencier.

      Dans le même temps, la présence de l’état au capital d’une entreprise n’est pas une garantie contre les délocalisations.

      Bien entendu. Si l’Etat choisit comme politique de gérer les entreprises socialisées avec des critères de gestion privée, elles auront le comportement des entreprises privées.

      Qu’en est-il des exportations ? Les autres pays accepteront-ils que l’on exporte chez eux alors qu’on aurait nationalisé les filiales de leurs entreprises présentes sur notre
      sol ?

      Et pourquoi pas ? La nationalisation n’est pas la confiscation…

      Je ne suis pas sûr que le communisme soit compatible avec le libre échange ;

      Je suis même sûr du contraire. Mais rejeter le libre échange n’implique pas nécessairement l’autarcie. Il y a des options d’échanges régulés. J’ai exposé la proposition d’un tel système dans mon
      article “pour un protectionnisme intelligent”. C’est d’ailleurs chez Keynes que j’ai repris l’idée…

       

       

  20. Trubli dit :

     

    Conserver un secteur privé implique nécessairement la survie
    de l’exploitation du travail par le capital.

    Le capital exploite-t-il le travail tant que cela ? Le fait que la classe moyenne grandisse est
    la preuve que de plus en plus de personnes récupèrent dans son intégralité la plus-value qu’ils génèrent.  

     

    Je pense par exemple aux services publics de
    réseau, aux banques, aux assurances, aux industries stratégiques – il est intéressant que la stratégie de l’entreprise tienne compte de l’intérêt général, et pas seulement de l’intérêt des
    actionnaires.

    Je vois bien. Mais il faudrait définir et lister plus précisément ces domaines :
    faut-il nationaliser les boulangeries par exemple ? Faut-il nationaliser Danone ?  Faut-il faire évoluer le droit des sociétés et les formes juridiques : SA, SAS, SARL,
    EURL ?

    Qu’est-ce qui donne la limite objective de ce que l’on a intérêt à
    nationaliser ?

     Dans une économie socialisée, la modernisation de l’économie ne se traduit pas par des licenciements…
    par ailleurs, je ne vois pas pourquoi un directeur nommé par l’Etat devrait avoir moins de “cran” qu’un directeur nommé par les actionnaires à l’heure de licencier.

    => Si je peux fabriquer autant de voitures avec moins d’employés, j’ai tout intérêt à
    licencier le personnel en surplus. Et je crains que dans une économie socialisée l’Etat ne le fera pas quand on voit ce qui se passe avec Peugeot qui est une entreprise privée et à qui le
    gouvernement demande de réduire l’ampleur du plan social. Je vois mal un tel gouvernement dans une économie socialisée avoir le cran de dire aux électeurs qu’on est en surcapacité dans
    l’automobile et qu’il faut donc licencier.

     La nationalisation n’est pas la confiscation…

    => C’est vrai. En effet on indemnise les ex-propriétaires.

     

    J’ai exposé la proposition d’un tel système
    dans mon article “pour un protectionnisme intelligent”.

    => Je m’en souviens très bien. 

     

    • Descartes dit :

      Le capital exploite-t-il le travail tant que cela ? Le fait que la classe moyenne grandisse est la preuve que de plus en plus de personnes récupèrent dans son intégralité la plus-value qu’ils
      génèrent.

      En France, le capital a effectivement des possibilités limitées d’exploitation, et c’est d’ailleurs pourquoi il délocalise dans des pays où le taux d’exploitation reste elevé…

      Je vois bien. Mais il faudrait définir et lister plus précisément ces domaines : faut-il nationaliser les boulangeries par exemple ? Faut-il nationaliser Danone ?  Faut-il faire évoluer
      le droit des sociétés et les formes juridiques : SA, SAS, SARL, EURL ?

      Je ne crois pas que la question réside dans la forme juridique.

      Qu’est-ce qui donne la limite objective de ce que l’on a intérêt à nationaliser ?

      Il n’y a pas de “limite objective”. C’est un compromis entre l’efficacité de l’économie et le désir d’en finir avec l’exploitation. Faire gérer par un système centralisé les boulangeries implique
      un coût de coordination si énorme qu’on se demande s’il ne vaut mieux tolérer une petite exploitation et laisser chaque boulanger faire son métier comme il l’entend.

      => Si je peux fabriquer autant de voitures avec moins d’employés, j’ai tout intérêt à licencier le personnel en surplus.

      Je peux aussi avoir intérêt à faire travailler ces employés à produire autre chose pour augmenter la richesse totale produite. Je peux aussi décider de faire travailler moins les gens et garder
      les mêmes. Lorsque l’objectif de gestion n’est pas la maximisation du profit mais celle des biens disponibles, il y a toute une panoplie de “modernisations” qui ne touchent pas au plein
      emploi…

  21. Trubli dit :

    Je peux aussi avoir intérêt à faire travailler ces employés à
    produire autre chose pour augmenter la richesse totale produite. Je peux aussi décider de faire travailler moins les gens et garder les mêmes. Lorsque l’objectif de gestion n’est pas la
    maximisation du profit mais celle des biens disponibles, il y a toute une panoplie de “modernisations” qui ne touchent pas au plein emploi…

     

    je peux aussi dans une économie socialisée chercher un meilleur aménagement économique du
    territoire. 

    Produire autre chose, oui il faut trouver quoi, et c’est le marché qui jugera de l’utilité.

    Moins faire travailler les gens est une solution qui ne conviendra qu’à ceux qui sont satisfaits de leur pouvoir d’achat. Les classes populaires veulent avant tout gagner plus.

  22. Trubli dit :

    Quelques réflexions :

     

    Sur le licenciement.

    Je me demande si l’autorisation administrative de licenciement n’est pas au final une mauvaise chose. Un de ces cas où l’enfer est pavé de bonnes intentions

    En effet si l’on a créé l’assurance chômage c’est pour donner un filet de sécurité aux personnes qui perdent leur emploi. Sans aller à l’extrême représenté par les Etats-Unis je pense qu’un
    préavis de 6 mois serait une meilleure solution. Cela laisse le temps à l’employé de commencer à chercher un autre contrat. Un employeur doit y réfléchir  très longuement avant d’embaucher
    quelqu’un ce qui n’est pas bon pour l’emploi. Si la gauche (PS) est tant embêtée par les licenciements elle n’a qu’à nationaliser les entreprises, autrement il faut accepter le jeu du marché et
    en atténuer les mauvais côtés avec un préavis de licenciement et une assurance chômage payée par les consommateurs.

     

    Sur l’enseignement supérieur.

    J’ai parmi mes proches deux cas où ceux-ci ont fait deux ou trois années de fac pour ensuite bifurquer vers autre chose.

    Cela ne me gêne pas qu’un élève redouble au collège par exemple, car je considère que jusqu’au bac (jusqu’au brevet au moins) il est dans une phase où il acquiert un savoir qui est la base pour
    le citoyen français d’aujourd’hui et de demain. D’ailleurs je suis contre la multiplication des bacs en tout genre.

    Par contre, concernant l’enseignement supérieur, je suis gêné parce que ces changements d’orientation après deux ou trois années ont un coût pour la société, c’est un mauvais investissement. En
    France, les étudiants ne paient pas le véritable coût de leur formation mais il ne faudrait pas que cela génère un comportement de gaspillage. C’est pourquoi il faut s’assurer au moins de la
    motivation des élèves (si on ne veut pas d’un examen d’entrée) et sélectionner avec numerus clausus en fin de première année.

    On est dans un système ubuesque où l’on sélectionne à l’entrée des prépas, à l’entrée des BTS, en fin de première année de médecine, mais pas ailleurs. Pourquoi laisser des jeunes aller perdre
    leur temps en psycho, socio, droit, etc. si on sait qu’ils ont peu de chance de débouchés et s’ils ne sont pas réellement motivés dans leur choix d’orientation. 

    • Descartes dit :

      Je me demande si l’autorisation administrative de licenciement n’est pas au final une mauvaise chose. Un de ces cas où l’enfer est pavé de bonnes intentions

      Cela dépend ce qu’on attend d’un tel dispositif. L’autorisation administrative de licenciement telle qu’elle était pratiquée avant les années 1980 avait surtout un objectif dissuasif: en
      pratique, elle était accordée dans l’immense majorité des cas. Mais son existance suffisait à dissuader certains patrons de s’embarquer dans des licenciements qui étaient à la limite de la
      légalité, parce qu’ils savaient que prononcer le licenciement impliquait mettre l’affaire sous le nez de l’inspection du travail. De ce point de vue, l’autorisation administrative était utile.
      Par contre, imaginer que l’autorisation administrative de licenciement peut être un instrument de lutte contre le chômage revient à imaginer qu’une loi peut arrêter les marées… L’interdiction
      des licenciements boursiers et autres balivernes rentrent dans cette catégorie.

      En effet si l’on a créé l’assurance chômage c’est pour donner un filet de sécurité aux personnes qui perdent leur emploi. Sans aller à l’extrême représenté par les Etats-Unis je pense
      qu’un préavis de 6 mois serait une meilleure solution. Cela laisse le temps à l’employé de commencer à chercher un autre contrat.

      A l’époque de la création de l’assurance-chômage, le chômage était essentiellement “frictionnel”, c’est à dire, les gens restaient en chômage le temps de changer de poste. Aujourd’hui, que le
      chômage est devenu “structurel”, le système ne fonctionne plus. Un “préavis de 6 mois” (il est de trois mois actuellement, si ma mémoire ne me trompe pas) n’est utile que si le chômage est
      frictionnel.

      Un employeur doit y réfléchir  très longuement avant d’embaucher quelqu’un ce qui n’est pas bon pour l’emploi.

      Le problème que vous posez est très complexe. Les libéraux défendent l’idée qu’en simplifiant le licenciement on facilite l’embauche, puisque l’employeur n’est pas dissuadé d’embaucher par les
      difficultés qu’il aurait à se séparer du salarié. C’est un peu comme dire que la simplification du divorce favorise le mariage. Sauf que dans le cas du mariage, l’expérience a montré le
      contraire… et c’est aussi un peu le cas pour le contrat de travail. Ce que les libéraux tendent à ignorer est le fait que les gens ne travaillent pas de la même manière lorsqu’ils sont
      “stables” que lorsqu’ils sont “précaires”. D’une part, dans les pays où les emplois sont “stables” les salariés ont tendance à accepter des salaires plus bas, parce que le risque de la
      “précarité” doit, comme tout risque, être rémunéré. Et d’autre part, un employé “précaire” n’a pas le même attachement à son entreprise, il n’est ni aussi loyal, ni aussi dévoué, ni aussi
      productif. Et tout ça pèse sur la productivité du travail. La corrélation entre la précarité du contrat de travail et la productivité n’est pas évidente à établir…

      Si la gauche (PS) est tant embêtée par les licenciements elle n’a qu’à nationaliser les entreprises, autrement il faut accepter le jeu du marché et en atténuer les mauvais côtés avec un
      préavis de licenciement et une assurance chômage payée par les consommateurs.

      Sans aller jusqu’à nationaliser les entreprises – je ne vois pas l’utilité de tout nationaliser, surtout s’il s’agit de charger l’Etat avec les canards boîteux et laisser les entreprises
      productives au privé – on peut utiliser les instruments de politique industrielle, budgétaire, fiscale et monétaire. Bien sur, cela suppose de se fâcher avec la toute-puissante Union
      Européenne…

      Par contre, concernant l’enseignement supérieur, je suis gêné parce que ces changements d’orientation après deux ou trois années ont un coût pour la société, c’est un mauvais
      investissement.

      L’état de l’enseignement supérieur atteint l’irréparable. C’est devenu le parking pour les enfants des classes moyennes qui n’ont pas envie d’aller bosser, et un moyen de faire baisser les
      statistiques du chômage. Des centaines de milliers de jeunes qui n’ont ni l’envie, ni la vocation, ni les moyens de suivre une formation universitaire y passent quelques années butinant ici ou là
      des connaissances, changeant de filière au gré des caprices, des mauvaises notes et des possibilités fantasmatiques de telle ou telle filière de conduire vers l’emploi et la “réussite”.

      L’état de l’enseignement est l’exemple le plus flagrant des dégâts provoqués par l’idéologie des “droits”. “Droit aux études”, “droit à la réussite”, “droit à suivre la formation de son choix”…
      ces droits donnés sans la moindre contrepartie ni conditionnalité entraînent nécessairement la collectivité à financer le système à caisse ouverte, sans le moindre rapport avec les nécessités du
      pays. Et le système ne peut, physiquement, s’autoréguler. Tout simplement, parce que les étudiants choisissent leur orientation plusieurs années avant leur sortie sur le marché du travail, et
      donc sans la moindre idée de l’état de ce marché à la date de leur sortie. Il n’y a qu’à voir ce qui arrive actuellement aux filières du droit: comme il manquait des professionnels dans ce
      domaine il y a quelques années, les étudiants se sont persuadées que la filière garantissait l’emploi. Ils se sont donc précipités en masse vers cette filière provoquant aujourd’hui la saturation
      du marché… et faisant que ceux qui ont suifi cette filière peinent aujourd’hui à trouver un emploi.

      Les seules filières qui tirent leur épingle du jeu sont les filières sélectives, parce qu’elles arrivent à travers un numérus clausus à maintenir une offre à la sortie proportionnée à la demande
      de l’économie, et donc le plein emploi de leurs anciens étudiants. Casser la sélection à l’entrée, comme on est en train de le faire dans les “Grandes Ecoles” depuis des années, ne va rien
      arranger: au lieu d’avoir des étudiants qui échouent à l’entrée de Polytechnique, on aura des polytechniciens au chômage. Ce qui est bien pire, pour deux raisons: la première, c’est qu’on aboutit
      au même résultat en ayant dépensé une fortune à former des gens qui n’exerceront pas leurs talents, et la seconde, c’est que lorsque tout le monde a le même diplôme, le choix entre ceux qui
      auront du travail et les autres se fait en fonction des “connaissances” et des “amitiés” familiales…

      Si l’on veut finir avec l’université-parking, la solution est simple: le “droit à la formation” doit être un droit conditionné au travail, à l’effort, à la motivation. Il faut donc une sélection
      à l’entrée de l’université. Que ce soit par l’intermédiaire d’un véritable Bac, qui vérifie la capacité à suivre la formation universitaire, ou à travers un examen dédié (j’avoue que je préfère
      de loin la première option) c’est discutable. Mais aussi longtemps que les “droits” à la formation universitaire seront inconditionnels, on ne s’en sortira pas.

      On est dans un système ubuesque où l’on sélectionne à l’entrée des prépas, à l’entrée des BTS, en fin de première année de médecine, mais pas ailleurs.

      C’est drôle… ce sont les filières qui marchent le mieux, tant par le niveau académique que par les possibilités d’emploi…

      Pourquoi laisser des jeunes aller perdre leur temps en psycho, socio, droit, etc. si on sait qu’ils ont peu de chance de débouchés et s’ils ne sont pas réellement motivés dans leur choix
      d’orientation.

      Parce que l’alternative est de laisser sur le carreau les enfants des classes moyennes, ce qui obligerait papa-maman à admettre leur “déclassement”. Il vaut mieux dans beaucoup de familles un
      sociologue au chômage qu’un ouvrier au travail.  

       

       

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