Interdire les licenciement boursiers ?

Pourquoi dans notre beau pays la culture exclut la culture scientifique ? J’avoue que cela a toujours été pour moi un mystère. Mais c’est un fait: celui qui dans un dîner en ville – ou dans une émission de radio – se vanterait de ne rien connaître à la littérature, à la musique, au théâtre, passerait pour un rustre. On peut par contre exhiber sa fierté d’être “nul en maths” ou de ne rien connaître à l’économie, et cela sera parfaitement accepté. Pire, ce sera considéré un titre de gloire. Un peu comme si l’on préférait la vision du monde flexible et subjective des arts plutôt que l’analyse rigoureuse qu’apportent les sciences.

Le discours politique porte les traces de cette approche: on admet qu’un homme politique prenne des libertés avec les faits, pourvu qu’il le fasse avec panache. Jean-Luc Mélenchon est un exemple quasi caricatural de cette permissivité. Mais il n’est pas, et de loin, le seul. D’autres figures de nos étranges lucarnes préfèrent les descriptions littéraires plutôt que les analyses rigoureuses. Et cela ne contribue pas vraiment à accroître la compréhension rationnelle des problèmes chez les téléspectateurs.

Ces réflexions m’ont été suggérées par un reportage vu à la télévision chez des amis vendredi dernier. Je ne saurais pas vous dire sur quelle chaîne (peut être France 5) mais le sujet m’est resté gravé: il s’agissait de l’affaire de la papeterie M-Real d’Alizay, dans l’Eure. Cette papeterie, propriété d’un groupe finlandais qui souhaitait s’en débarrasser, a été rachetée par le Conseil général qui l’a revendue immédiatement à un groupe thaïlandais. Si vous faites une recherche dans la presse, vous trouverez de nombreux articles… mais bien rares sont ceux qui expliquent la véritable mécanique de l’affaire. Car il faut se poser des questions. Voici un groupe A qui possède une installation industrielle, dont il souhaite se débarrasser. Et s’il souhaite se débarrasser d’elle, c’est vraisemblablement qu’elle ne doit pas être très rentable. D’un autre côté, voici un groupe B qui est prêt à racheter l’entreprise. Et s’il est prêt à la racheter, c’est qu’elle est raisonnablement rentable. Déjà, cela pose un petit problème de logique, non ? Bien sur, le groupe B parle de faire des investissements, de fabriquer “du haut de gamme”, et tous les discours qu’on a entendu mille fois dans la bouche des repreneurs. Mais pourquoi le groupe A n’a pas envie de faire ces mêmes investissements ?

La deuxième curiosité de cette affaire, c’est le rôle joué par le Conseil général. S’il y a un vendeur prêt à vendre, et un acheteur prêt à acheter, pourquoi ne peuvent-ils se mettre d’accord directement, sans qu’il soit besoin d’un intermédiaire qui achète à l’un et revend à l’autre ?

Ainsi posé, le problème conduit vers une solution simple: si A a intérêt à vendre et B a intérêt à acheter, c’est parce qu’ils ne le font pas au même prix. En fait, A touchera 22 M€ pour son usine, mais B ne payera que 18 M€. La différence, qui est loin d’être négligéable (4 M€ soit un peu moins de 20% de la transaction) sera payée par le contribuable local. Sans compter sur d’autres sucreries elles aussi supportés par le trésor public: ainsi, l’usine dispose d’une centrale de cogénération qui ne pouvait vendre son électricité à prix bonifié – bonification payée par l’ensemble des abonnés – à EDF du fait d’un “blocage administratif” non identifié, mais qui sautera miraculeusement pour permettre la reprise d’une centrale électrique devenue “ultra rentable” (1).

Que cette opération soit encensée par la gauche et la droite confondues devrait nous inquiéter. Il est vrai qu’elle a en apparence tout pour plaire: la “gauche radicale” peut la présenter comme une victoire des travailleurs, le girondins comme la démonstration que les collectivités locales savent faire ce que l’Etat ne fait pas, les libéraux comme un exemple de l’entreprise privée sauvant des emplois. Mais pour cela, il faut glisser sous le tapis la vérité économique: on a sauvé 200 emplois – pour combien de temps ? – en y mettant quelques millions de fonds publics. Et je ne serais pas étonné que demain le repreneur thaïlandais vende à son tour l’usine qu’il a acheté à prix d’ami pour toucher sa plus-value. C’est d’ailleurs cette procédure qui avait fait la fortune des vautours comme B. Tapie au début des années 1980.

Tout cela illustre un problème plus général. L’opinion – et les militants politiques avec elle – ne comprennent pas bien pourquoi les usines ferment. On a en France une vision très “paysanne” de l’économie: aussi longtemps qu’une activité économique fait du bénéfice – c’est à dire, que les recettes dépassent les dépenses – il n’y a aucune raison de l’arrêter. Et si on le fait, c’est forcément avec des arrières pensées ignobles. Il y a dans cette vision une erreur fondamentale qu’il me semble nécessaire de corriger pour bien comprendre ce qui est en train de se passer.

Comment une entreprise se procure-t-elle du capital ? En le rémunérant, bien entendu. Comme dans tout marché, cette rémunération est déterminée par l’équilibre entre l’offre et la demande. Pour schématiser, le capital va d’abord aux activités les plus rémunératrices. A mesure que celles-ci sont couvertes, le capital va s’investir dans des activités de moins en moins profitables, jusqu’à épuisement du capital disponible (2). Cela a une conséquence qui peut sembler paradoxale pour notre mentalité paysanne: une entreprise peut être “rentable” (au sens que les recettes dépassent les dépenses) et ne pas pouvoir trouver des investisseurs pour lui fournir du capital, tout simplement parce qu’il y a d’autres activités qui sont plus profitables et que le capital a tendance à aller vers elles (3).

Dans le cas de la papeterie M-Real, ce qu’on a fait est d’augmenter artificiellement la rentabilité de l’entreprise en y injectant de l’argent public. Pour le propriétaire original, la papeterie était un investissement valant 22 M€ avec un revenu X. Pour le repreneur, le revenu est toujours X, mais il se compare à un investissement de 18 M€. En d’autres termes, la rentabilité a fait un bond de 20%…

Ce qui pose la question de savoir jusqu’où ces interventions doivent aller. Car sauver des emplois de cette manière ou plus banalement  “interdire le licenciement boursier” revient à accepter qu’au nom de la sauvegarde de l’emploi le capital reste engagé dans des activités ou des entreprises à la productivité faible, alors qu’il pourrait être mieux employé ailleurs. Pour le dire d’une autre manière, l’interdiction du “licenciement boursier” ou de la “fermeture d’une entreprise rentable” revient à empêcher la mobilité du capital vers les activités les plus productives. Or, si le capitalisme au pu augmenter massivement la productivité et donc le niveau de vie général, c’est grâce à cette mobilité. Que les ouvriers qui tissaient à la main aient été mis au chômage  par le développement des métiers à tisser mécaniques est certainement très triste pour les personnes concernées. Mais le gouvernement aurait-il du subventionner avec de l’argent public le tissage manuel pour sauver des emplois ? Cela semble une aberration économique.

C’est pourquoi la politique industrielle ne peut être une politique de l’emploi. Comme l’avait noté Schumpeter, le développement d’une économie industrielle passe par une suite de destructions d’activités anciennes accompagnées de la création d’activités nouvelles. Soutenir à bout de bras les activités promises à la destruction ne fait que congeler la société. D’ailleurs, l’histoire de la gauche depuis trente ans est une suite de combats perdus pour sauver telle ou telle usine. Malheureusement, on n’est jamais revenu d’une manière critique sur ces combats. Pire: on a fini par subordonner toute réflexion sur une politique industrielle à la question de l’emploi. Ce faisant, on sacrifie le long terme au court terme. Interdire les “licenciements boursiers” pourra peut-être sauver quelques emplois aujourd’hui. A long terme, cela ne peut que condamner l’industrie française au retard et donc à la mort.

Descartes

(1) L’Usine nouvelle, 24 janvier 2013

(2) C’est d’ailleurs pour cela qu’au fur et à mesure que le stock de capital augmente, le “taux de profit” diminue. C’est la fameuse “baisse tendantielle du taux de profit” prévue par Ricardo et par Marx.

(3) C’est pour cela que l’action d’une entreprise en général prend de la valeur lorsque celle-ci ferme une usine ou licencie du personnel. Les actionnaires supposent – et ils ont généralement raison – que l’entreprise se débarrassera en priorité de ses usines ou de ses personnels les moins “rentables”, et que le capital ainsi recupéré pourra être investi dans des activités plus productives. lls anticipent donc une rentabilité globale supérieure.

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36 réponses à Interdire les licenciement boursiers ?

  1. CVT dit :

    bonjour Descartes,

    vous n’avez pas choisi un sujet vraiment sexy… Mais fondamental, quand même.

    J’ai deux remarques et une objection à faire: la première, c’est que vous êtes très injuste d’ oublier un autre vautour des années 80, homonyme de Tapie et qui est l’homme le plus riche de
    France: Bernard Arnault, alias le “sauveur de Boussac”. Tenez, 30 ans plus tard, le contribuable et Laurent Fabius lui disent encore merci! Ce serait vraiment dommage de l’oublier, celui-là

    Ma deuxième remarque tient à la “nulliité” de nos élites sur les sujets techniques et scientifiques: n’est-ce pas là le symptôme de l’effacement dans l’Administration des hauts
    fonctionnaires issus des écoles scientifiques (X, Mines, Pont,Normale Sup et Centrale)? Ces derniers sont souvent remplacés par d’anciens élèves des écoles de commerces et/ou administration
    (alias ENA, HEC, ESSEC, et autres MBA)? A mon sens, l’avantage d’une formation scientifique, c’est qu’elle permet souvent de faire un lien entre les idées et la réalité… Je ne dis pas que c’est
    le cas de tous les anciens élèves des grandes écoles scientifiques, mais durant les trente glorieuses, les ingénieurs des corps ont permis une réorganisation efficace de l’industrie dans notre
    pays, ce dont les enarques d’aujourd’hui sont incapables, eux qui sont terriblement ennuyés par tout ce qui est d’ordre pratique (“et l’intendence suivra…”). D’ailleurs, vous
    avez souvent évoqué ce point dans votre blog. Je crois que cela n’est pas sans conséquences: depuis une vingtaine d’années, il y a l’effondrement du nombre d’étudiants dans les filières
    scientifiques, ce qui risque de nous condamner à un déclin économique durable. C’est peut-être la rançon de la gloire de notre époque hédoniste, où tout effort est proscrit; or les études
    scientifiques sont très exigentes et peu sexy pour les futurs étudiants: il suffit de voir l’indifférence polie avec laquelle a été reçu Serge Laroche, le prix Nobel de Physique 2012…

    Par contre j’ai une objection de taille par rapport à votre propos sur Schumpeter. Contrairement à vous, je ne suis pas cynique, mais je sais aussi rester analytique: je vous suis
    parfaitement lorsque vous dites qu’il est scandaleux que ce soit au contribuable de payer pour compenser le manque de rentabilité des usines, car ça grève le budget des collectivités locales pour
    financer des emplois qui seront de toute façon précaires. Là où je ne vous suis plus, c’est dans l’hypothèse où on ferme les usines, comme vous le laissez entendre (étant donnée qu’elles ne sont
    plus rentables): quid des ouvriers laissés sur le carreau? Eux aussi seront aidés par le contribuables plus ou moins indirectement (chômage, RSA, voire retraite), donc dans les deux cas, le
    contribuable en sera de sa poche! Alors quel est le moindre mal, d’un point de vue politique? J’avoue ne pas avoir trop d’avis sur la question… 

    L’autre problème, qui est une question à long terme, vient de l’application même du principe de Schumpeter: vous dites que le capital va et doit se placer sur les activités les plus productives,
    et que grâce à la destruction créatrice, de nouveaux emplois pourront être crééer grâce à l’amélioration des outils de production; or, nous savons depuis près de trois décennies que le fameux
    théorème de l’ex-Chancelier Schmidt (“les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-main”) est FAUX! Il a surtout servi de paravent pour justifier la
    libéralisation des économies occidentales. Le gros talon d’Achille de la financiarisation de l’économie, qui résulte de la mondialisation libre-échangiste, c’est justement qu’il n’y a peu ou pas
    d’investissements pour améliorer l’outil productif! Dès lors, comment espérer résorber le chômage en France si le capital ne recherche que la rentabilité au détriment des investiments pour
    améliorer l’outil productif?

    Si votre position se comprend, elle est politiquement difficile à défendre: elle signifie la mise au rencard pour au moins une génération de travailleurs, le temps de trouver une
    technique qui recréer des emplois…A moins qu’il ne faille encore ressortir du placard l’Etat colbertiste pour impulser l’investissment dans de nouveaux outils de production, je ne vois pas
    comment le marché lui pourra y pourvoir…

    • Descartes dit :

      Bernard Arnault, alias le “sauveur de Boussac”. Tenez, 30 ans plus tard, le contribuable et Laurent Fabius lui disent encore merci! Ce serait vraiment dommage de l’oublier, celui-là

      Je n’ai pas de tendresse particulière pour B. Arnault. Mais il est injuste de le mettre en paralèlle à B. Tapie. Arnault a depecé l’empire Boussac, mais a préservé les parties qui étaient encore
      viables et il a construit un empire industriel. Tapie n’a conservé aucune des sociétés qu’il a “sauvé”. Il s’est contenté de rejouer “prend l’oseille et tire toi”. Arnault est un véritable
      capitaine d’industrie, pas Tapie.

      Ma deuxième remarque tient à la “nulliité” de nos élites sur les sujets techniques et scientifiques: n’est-ce pas là le symptôme de l’effacement dans l’Administration des hauts
      fonctionnaires issus des écoles scientifiques (X, Mines, Pont,Normale Sup et Centrale)? Ces derniers sont souvent remplacés par d’anciens élèves des écoles de commerces et/ou administration
      (alias ENA, HEC, ESSEC, et autres MBA)?

      Je vous trouve bien injuste de mettre l’ENA dans le même sac que les écoles de commerce. Pour travailler quotidiennement avec des énarques – non pas ceux qui font de la politique, ceux qui font
      des carrières discrètes et anonymes dans nos administrations – je peux vous dire qu’ils ne correspondent nullement à la caricature qu’on fait d’eux. Ce sont de véritables “techniciens” du
      fonctionnement de l’Etat. Mais vous avez raison pour ce qui concerne l’effacement progressif des “corps techniques” de la conception des politiques publiques dans les domaines où ils
      étaient naguère rois, comme l’énergie, la politique industrielle, l’équipement… La “république des ingénieurs” n’est guère plus ce qu’elle était.

      Je ne dis pas que c’est le cas de tous les anciens élèves des grandes écoles scientifiques, mais durant les trente glorieuses, les ingénieurs des corps ont permis une réorganisation efficace
      de l’industrie dans notre pays, ce dont les enarques d’aujourd’hui sont incapables, eux qui sont terriblement ennuyés par tout ce qui est d’ordre pratique (“et l’intendence
      suivra…”).

      Encore une fois, je pense que vous cédez à un lieu commun en opposant énarques et “corps techniques”. D’abord, vous seriez étonné je pense d’apprendre qu’un certain nombre d’énarques (entre 10%
      et 15% de chaque promotion) ont une première formation d’ingénieur. Mais surtout, dans les domaines “techniques” le problème ne vient pas d’un remplacement des ingénieurs par des énarques, mais
      du remplacement des “grands commis de l’Etat” par des “grands débats” et des “grenelles” où s’expriment des “lobbies” divers et variés sans la moindre compétence. Le problème n’est pas que le
      décideur est incompétent, mais qu’il n’y a plus de décideur…

      C’est peut-être la rançon de la gloire de notre époque hédoniste, où tout effort est proscrit; or les études scientifiques sont très exigentes et peu sexy pour les futurs étudiants: il suffit
      de voir l’indifférence polie avec laquelle a été reçu Serge Laroche, le prix Nobel de Physique 2012…

      Tout à fait.

      Contrairement à vous, je ne suis pas cynique,

      “Le cynisme est la fumée qui s’élève des cendres des illusions perdues”… 

      Là où je ne vous suis plus, c’est dans l’hypothèse où on ferme les usines, comme vous le laissez entendre (étant donnée qu’elles ne sont plus rentables): quid des ouvriers laissés sur le
      carreau? Eux aussi seront aidés par le contribuables plus ou moins indirectement (chômage, RSA, voire retraite), donc dans les deux cas, le contribuable en sera de sa poche! Alors quel est
      le moindre mal, d’un point de vue politique?

      Le “moindre mal”, c’est celui qui prépare le mieux l’avenir. Je ne suis pas contre – et je pense que mes écrits ne laissent de doute là dessus – le fait de mettre de l’argent public dans une
      politique industrielle, pas plus que je ne suis contre le fait de prendre en charge avec de l’argent public les “ouvriers laissés sur le carreau”. Mais si on met de l’argent public, il faut
      plutôt financer la création des usines et activités d’avenir plutôt que de financer le maintien d’activités qui sont à court ou moyen terme condamnées.

      Le problème est que ce genre de politique est par force une politique integrée, faisant appel à tous les leviers: crédit, fiscalité, règles douanières, équipement, législation sociale, éducation
      et formation. C’est donc une politique d’Etat, à laquelle les collectivités locales peuvent participer, mais guère plus. Ce qui ne correspond pas aux intérêts des élus locaux, qui sont sous
      pression pour sauver “leur” usine (celles des autres peuvent aller se faire pendre).

      Schumpeter: vous dites que le capital va et doit se placer sur les activités les plus productives, et que grâce à la destruction créatrice, de nouveaux emplois pourront être crééer grâce à
      l’amélioration des outils de production; or, nous savons depuis près de trois décennies que le fameux théorème de l’ex-Chancelier Schmidt (“les profits d’aujourd’hui sont les investissements de
      demain et les emplois d’après-main”) est FAUX!

      Faut pas confondre Schumpeter et Schmidt. La théorie de la “destruction créatrice” de Schumpeter a une bonne base empirique: après tout, le progrès technologique a été continu depuis le XVIIème
      siècle. Si les postes de travail détruits par l’introduction de nouvelles technologies n’étaient compensés par les postes de travail crées du fait de la diversification et l’augmentation de la
      demande, l’emploi aurait du décliner depuis. C’est le contraire qui s’est produit, en pratique. A tel point qu’il a fallu importer de la main d’oeuvre et mettre les femmes au travail…

      Le théoreme de Schmidt est une variante du “trickle down economics” (“quand les riches s’enrichissent, les pauvres vivent un peu mieux”) et repose sur une vision idéalisée de la société –
      caractéristique de la vision protestante – qui suppose que “noblesse oblige”, et que les riches respecteront leur devoir de réinvestir leurs profits pour le bien de la communauté. Au démeurant,
      le théorème de Schmidt n’est qu’à moitié faux: les profits d’aujourd’hui sont les investissements et les emplois de demain… en Chine.

      Si votre position se comprend, elle est politiquement difficile à défendre: elle signifie la mise au rencard pour au moins une génération de travailleurs, le temps de trouver une
      technique qui recréer des emplois…

      Pas du tout. Ce que je rejette, c’est l’idée qu’on puisse éviter la “mise au rencard d’une génération de travailleurs” en payant la moitié pour creuser des trous et l’autre moitié pour les
      remplir, le tout avec de l’argent public. Il est vrai qu’on vient de loin, et que mettre en place une politique industrielle aujourd’hui ne se fera pas en claquant les doigts. Mais il n’en faut
      pas une génération pour le faire.

      A moins qu’il ne faille encore ressortir du placard l’Etat colbertiste pour impulser l’investissment dans de nouveaux outils de production, je ne vois pas comment le marché lui pourra y
      pourvoir…

      Il ne faut pas opposer “marché” et “Etat”. Le marché n’est après tout qu’un mécanisme de formation des prix et d’allocation des ressources, rien de plus, rien de moins. L’erreur n’est pas de
      croire que le marché peut allouer correctement les ressources, et notamment le capital. L’erreur est de croire qu’un marché laissé à lui même aboutit nécessairement à ce résultat. Le marché peut
      “pourvoir” à condition que l’Etat le régule pour qu’il fonctionne correctement. Et dans certains domaines (par exemple, la production d’électricité) qui sont des “monopoles naturels”, le marché
      ne peut tout simplement pas fonctionner, et ce sera donc à l’Etat d’allouer les ressources. On n’a pas besoin de tomber dans le “colbertisme” dans tous les domaines… ce que même Colbert ne
      proposait pas, d’ailleurs.

       

  2. CVT dit :

    Faut pas confondre Schumpeter et Schmidt. La théorie de la
    “destruction créatrice” de Schumpeter a une bonne base empirique: après tout, le progrès technologique a été continu depuis le XVIIème siècle. Si les postes de travail détruits par l’introduction
    de “nouvelles technologies n’étaient compensés par les postes de travail crées du fait de la diversification et l’augmentation de la demande, l’emploi aurait du décliner depuis. C’est le
    contraire qui s’est produit, en pratique. A tel point qu’il a fallu importer de la main d’oeuvre et mettre les femmes au travail…”

    Non seulement je ne confonds pas H.Schmidt et Schumpeter, mais votre propos confirme bien mon inquiétude: si je prends l’exemple de l’Angleterre du 18è siècle où est née l’industrie, combien
    de temps s’est-il passé entre la fin du travail manuel (metallurgie, textile, etc…) et son industrialisation? Au moins une, voire deux générations! Cela a correspondu à la période d’exode
    rurale du début du 18è siécle (je tiens aussi compte des effets de l’Enclosure, qui avait déjà jeté des millions de paysans dans la misère et qui est à mon avis le vrai déclencheur de l’exode);
    or l’industrie anglaise n’a vraiment pris son essor qu’au début du 19è… La destruction créatrice s’applique peut-être encore aujourd’hui, mais il y aura un décalage de temps de l’ordre
    d’une génération. Or il n’est pas certain que les hommes politiques actuels puissent assumer les conséquences d’une telle hypothèse. Tout ça pour dire qu’il va être difficile pour un
    gouvernement de faire accepter l’idée qu’on puisser laisser fermer des usines et promettre qu’un hypothétique saut technologique puisse permettre de remettre en route la machine à créer des
    emplois. De plus, la carte Schumpeter a déjà servie.

    En effet j’ai le souvenir que la destruction créatrice avait été abondamment utilisée (pour ne pas dire dévoyé) à partir du milieu des années 80 par nos dirigeants et nos élites intellectuelles
    pour justifier la désindustrialisation du pays (cf “l’entreprise sans usine..” de S.Tchuruk), et pour nous vendre une soi-disant société de la connaissance et des services à la
    personnes… Un génération plus tard, la France est plus déindustrialisée que jamais, et l’économie de service et de la
    connaissance tant vantée par nos élus n’ont créé que des emplois précaires. Eu égard à l’affaiblissement du niveau d’instruction général (“le bac pour tous” fait des ravages…), l’amélioration
    de la productivité, voire le saut technologique qui pourrait relancer l’économie, n’est pas pour demain!

    Vous comprendrez alors ma méfiance envers l’utilisation du principe schumpéterien…

    • Descartes dit :

      si je prends l’exemple de l’Angleterre du 18è siècle où est née l’industrie, combien de temps s’est-il passé entre la fin du travail manuel (metallurgie, textile, etc…) et son
      industrialisation?

      Dans le processus de destruction-création schumpétérien, la destruction et la création ne sont pas successives, elles sont simultanées. Pas la peine d’attendre que tout soi détruit pour créer. Le
      processus de substitution des activités artisanales par les activites industrielles a été un processus très long, qui s’est étendu du XVIIème au XIXème siècle. Mais il n’y a pas eu de “génération
      sacrifiée”. Contrairement à la légende luddite, qui veut qu’avant la révolution industrielle et les clotures tout le monde vivait dans l’abondance, le fait historique est que la vie au village
      était, même avant la clôture, très dure. Si les gens sont partis vers les villes, ce n’est pas tant parce que leurs conditions de vie au village se dégradaient que parce que les conditions de vie
      en ville étaient chaque fois meilleures.

      Tout ça pour dire qu’il va être difficile pour un gouvernement de faire accepter l’idée qu’on puisser laisser fermer des usines et promettre qu’un hypothétique saut technologique puisse
      permettre de remettre en route la machine à créer des emplois.

      Je ne demande pas tant. Ma référence à Schumpeter ne doit pas être lue comme une proposition “destruction aujourd’hui, création demain”, mais comme deux processus simultanés et parallèles. Il ne
      s’agit pas de chercher un “hypothétique saut technologique”, ce “saut” il se produit dans nos laboratoires chaque jour. Mon point est que les crédits publics doivent plutôt chercher à aider ce
      qui se crée, plutôt qu’à essayer de maintenir désespérement ce qui sera de toute manière détruit. L’expérience des “trente glorieuses” a montré qu’on peut parfaitement moderniser un pays tout en
      conservant le plein emploi…

      En effet j’ai le souvenir que la destruction créatrice avait été abondamment utilisée (pour ne pas dire dévoyé) à partir du milieu des années 80 par nos dirigeants et nos élites
      intellectuelles pour justifier la désindustrialisation du pays (cf “l’entreprise sans usine..” de S.Tchuruk), et pour nous vendre une soi-disant société de la connaissance et des services à la
      personnes…

      Je ne me souviens pas que Schumpeter ait été invoqué à l’appui des délires à la Tchuruk. Mais si c’était le cas, je ne pense pas qu’il faille jeter une théorie simplement parce que des gens qui
      ne l’ont pas bien comprise l’ont utilisé à mauvais escient. Schumpeter n’était pas vraiement un défenseur de “l’entreprise sans usine” ou du “services à la personne”…

      Eu égard à l’affaiblissement du niveau d’instruction général (“le bac pour tous” fait des ravages…), l’amélioration de la productivité, voire le saut technologique qui pourrait relancer
      l’économie, n’est pas pour demain!

      Sans doute. C’est probablement l’un des points cruciaux si l’on veut demain faire une politique industrielle digne de ce nom.

      Vous comprendrez alors ma méfiance envers l’utilisation du principe schumpéterien…

      Cela vous honore… mais la méfiance n’est productive que si elle conduit à rééxaminer les principes, pas à les rejeter sans examen…

  3. Jonathan dit :

    Shumpeter l’a dit… mais Marx aussi, décrivant la bourgeoisie comme une classe révolutionnaire, au sens propre : elle révolutionne la société. Elle modernise la technologie, le travail,
    l’organisation du travail, le rapport du travailleur à son travail, le rapport du travailleur à son environnement (je ne parle pas de “la nature”, mais de l’exode rural), ceci avec une seule fin
    : son enrichissement. Ou plutôt, l’accumulation du capital (car dire “son enrichissement” supposerait un processus parfaitement concient ; or, il est historique). Bref, des communistes
    authétiquement marxistes devraient intégrer que le progrès est inarretable, et porter leur attention non sur le “maintien de l’emploi”, fût-ce par le maintien de productions obsolètes, mais bien
    sur la propriété du capital et de l’organisation du travail. C’est la raison pour laquelle l’Union soviétique (qui se revendiquait, pas à tort d’ailleurs, du socialisme scientifique) insistait
    tant (du moins dans certaines limites) sur la participation des travailleurs à l’amélioration de l’organisation du travail, de la productivité et de la qualité des produits.

    Plusieurs remarques :

    – il n’est pas anodin que le discours de la “gauche radicale” soit devenu lyrique plutôt que rationnel ;

    – il n’est pas fortuit que, dans un tel cadre, toute référence à l’URSS ou même, au minimum, au marxisme “rigoureux” ait été bannie ;

    – il n’est pas surprenant de voir que les termes de “productivité”, de “qualité”, etc., soient considérés comme des insultes dans la “gauche radicale”.

    Ceci traduit le symptôme d’une “gauche radicale” qui n’est pas plus radicale que mon éponge pour faire la vaisselle : elle est compatissante, et préfère se porter sur un discours pleurnichard et
    faire office d’assistante sociale, que de pointer la question de la propriété et de l’efficacité de la production. En un mot, et de façon assumée, elle a abandonné le projet du socialisme.

    • Descartes dit :

      – il n’est pas fortuit que, dans un tel cadre, toute référence à l’URSS ou même, au minimum, au marxisme “rigoureux” ait été bannie ;

      Tout à fait. En dehors de la condamnation rituelle, l’expérience soviétique n’intéresse pas grand monde. Pourtant, quelque soit l’opinion qu’on en ait, cela reste une “expérience” historique et
      économique pratiquement unique, et donc intéressante à analyser. Mais il y a une telle crainte de passer devant l’opinion publique pour un nostalgique de l’URSS, un tel niveau de terrorisme
      intellectuel qu’il est difficile d’y faire face…

      Ceci traduit le symptôme d’une “gauche radicale” qui n’est pas plus radicale que mon éponge pour faire la vaisselle : elle est compatissante,

      Il ne vous a pas échappé que je mets l’expression “gauche radicale” toujours entre guillemets…

  4. JMP dit :

     

    « Rapport sur la compétitivité française » , Louis Gallois :

     

    « 34 500 robots industriels, avec une moyenne d’âge élevée, sont en service en France, contre 62 000 en Italie et 150 000 en Allemagne (en fait, 157 000). »

     

    J’avais naïvement pensé que cet aspect dudit rapport ferai au moins l’objet de commentaires volontaristes de la part d’un gouvernement doté d’un ministre du redressement productif ; pour
    l’instant, je n’ai pas entendu grand chose . Mais peut-être s’agit-il d’une discrétion stratégique ? On peut rêver non ?

  5. Denis dit :

    Bonjour,

    Je ne suis pas tout à fait d’accord sur la thèse de Descartes de l’inutilité de principe d’une interdiction des licenciements boursiers.

    L’un des problèmes effectivement est que les investissements des capitalistes ne sont pas forcément rationnels et qu’ils ont tendance à se généraliser dans des opérations uniquement financières,
    non pérennes, voire virtuelles (l’économiste F. Lordon avance le chiffre de plus de 200 milliards contre 13 ou 15 milliards investis dans l’économie réelle pour une année en France – je ne saurai
    discuter la véracité des faits).

    C’est à la lumière de ces faits qu’il faut comprendre l’interdiction des licenciements boursiers et pas uniquement sur l’exemple que vous prenez : à savoir des emplois qui de toute façon étaient
    en “voie d’extinction”.

    Avec de bonnes définitions, des garde-fous, il s’agirait donc d’interdire des licenciements inutiles, à peine destinés à augmenter les dividendes alors que d’autres critères de bonne santé
    financière seraient remplis (taux de marge, CA, bénéfices, ou que sais-je encore : perspectives de marché à court et moyen terme etc.)

    Mais bon je suis d’accord globalement avec les conclusions des commentaires, à savoir : l’Etat ne doit pas se substituer au marché, il devrait le réguler efficacement, et réciproquement “le
    marché” (à imaginer que l’on sache de quoi on parle exactement) ne peut pas se substituer à l’Etat, il ne devrait pas l’organiser seul (à savoir, les rentiers, les capitalistes) mais le
    cogérer.
    “l’initiative privée ne doit pas se substituer à [celle de] l’Etat, elle doit la compléter” (Odon Vallet).

     

    Petit hors sujet mais je rebondis sur une partie de l’échange entre CVT et Descartes :
    Pensez-vous réellement que “le bac pour tous” ait fait des ravages ?
    Je m’interroge assez souvent sur cette problématique… De même qu’en poussant le raisonnement, on peut l’élargir à la méthode retenue pour l’université.
    Ne vaut-il pas mieux avoir énormément de bacheliers avec un niveau moindre qui peuvent et poursuivent fréquemment des études supérieures ? Plutôt que beaucoup de gens moins diplômés et une petite
    élite. Ne faut-il pas se réjouir d’avoir de plus en plus de citoyens éclairés pour la vie en société ?

    Encore une fois, ou est le moindre mal : une baisse générale des connaissances (bien qu’actualisées) ou un niveau global moins élevé académiquement ??? J’aimerais avoir vos points de vue sur ces
    questions

    • Descartes dit :

      L’un des problèmes effectivement est que les investissements des capitalistes ne sont pas forcément rationnels

      Je ne vois pas très bien ce qui vous permet d’arriver à cette conclusion. Mais peut-être est-ce un problème de signification des mots. Qu’est ce que vous appelez un “investissement rationnel” ?
      On considère qu’un acteur est “rationnel” dès lors qu’il prend ses décisions à partir d’un raisonnement logique fondé sur l’information dont il dispose. Evidement, seuls les dieux disposent d’une
      information complète – et encore… – les acteurs humains ont toujours une information incomplète. Mais dire qu’un acteur est “irrationnel” parce que son information est incomplète me paraît
      aller un peu trop loin.

      Je ne crois pas qu’on puisse dire que les investissements des capitalistes ne sont pas “rationnels”. Dans leur immense majorité, ils choisissent les investissements dont ils peuvent, avec
      l’information dont ils disposent, anticiper la plus forte rentabilité. C’est un processus parfaitement rationnel.

      et qu’ils ont tendance à se généraliser dans des opérations uniquement financières, non pérennes, voire virtuelles (l’économiste F. Lordon avance le chiffre de plus de 200 milliards contre 13
      ou 15 milliards investis dans l’économie réelle pour une année en France – je ne saurai discuter la véracité des faits).

      C’est quoi une “opération uniquement financière” ? Là encore, faut savoir de quoi on parle. Le système financier ne peut – en lui même – produire du profit. Le système financier est
      essentiellement une machine à distribuer le profit produit par l’économie réelle

      C’est à la lumière de ces faits qu’il faut comprendre l’interdiction des licenciements boursiers et pas uniquement sur l’exemple que vous prenez : à savoir des emplois qui de toute façon
      étaient en “voie d’extinction”.

      Pourriez-vous donner un exemple ? Vous semblez penser qu’il y a des patrons qui s’amusent à licencier des salariés et fermer des usines alors qu’ils en retirent un profit au moins équivalent à
      celui qu’ils obtiendraient en investissant le même capital ailleurs. Pourquoi ? Pensez-vous qu’ils agissent contre leurs propres intérêts ? Pourquoi ? Ou bien sont-ils mal informés ?

      Avec de bonnes définitions, des garde-fous, il s’agirait donc d’interdire des licenciements inutiles, à peine destinés à augmenter les dividendes

      Mais pourquoi diable le fait de licencier ferait “augmenter les dividendes” ? Par quel mécanisme ? Si vous refaites le raisonnement, vous vous apercevrez que licencier n’augmente les
      dividendes que si les gens licenciés travaillent dans des activités à faible productivité. Licencier des travailleurs très productifs n’a jamais fait augmenter les dividendes. Retirer le capital
      des activités moins productives pour l’investir là où la productivité est meilleure est le mécanisme qui a permis au capitalisme d’accroitre masssivement la productivité et donc le niveau de vie.

      Pensez-vous réellement que “le bac pour tous” ait fait des ravages ?

      Oui. L’idéologie du “bac pour tous” (à l’opposé de l’idéologie du “niveau du bac pour tous”) a fait des ravages parce qu’elle repose sur la croyance que ce qui importe est le diplôme, et non les
      connaissances que ce diplôme est censé certifier. Lorsque je recrute un travailleur, je le recrute par ce qu’il sait faire, pas parce qu’il a une peau d’âne. Si je regarde ses diplômes, c’est
      parce que j’ai confiance sur le fait que ceux-ci me garantissent un certain niveau de connaissances. Si je dévalue le niveau d’exigeance pour donner le diplôme à tout le monde, les employeurs
      finiront par s’en apercevoir et le diplôme ne garantira plus de trouver un emploi. Qui en souffre ? Les gens qui ont effectivement les connaissances en question, mais qui se trouvent mis dans le
      tas de ceux qui n’ont pas le niveau…

      Il faut le dire et le répéter: le diplôme fondé sur un examen exigeant est un élément de promotion sociale. Lorsqu’on donne le diplôme à tous, les recrutements se font sur “connaissances” et
      privilégient ceux qui ont un réséau familial. Lorsque le diplôme est exigeant et certifie donc véritablement un niveau de compétence, il devient le déterminant du recrutement et permet à ceux qui
      n’ont pas ce réseau d’être à égalité par rapport à ceux qui l’ont. C’est pourquoi le système des “grandes écoles” a été en France un élément de la promotion sociale. Et qu’il a été régulièrement
      attaqué non pas par les organisations ouvrières, mais par celles qui défendent l’intérêt des classes moyennes…

      Ne vaut-il pas mieux avoir énormément de bacheliers avec un niveau moindre qui peuvent et poursuivent fréquemment des études supérieures ? Plutôt que beaucoup de gens moins diplômés et une
      petite élite.

      Mais pourquoi rénoncer à priori à avoir “énormément de bacheliers” avec un bon niveau ? Pourquoi accepter dès le départque la seule manière d’avoir beaucoup de bacheliers est de faire baisser le
      niveau ? C’est quoi ce malthusianisme ?

      Remplir les universités de gens qui n’ont pas le niveau minimum pour suivre des études, c’est jeter de l’argent public par les fenêtres et transformer l’université en garderie pour les classes
      moyennes. Et cela n’élargit en rien l’élite: ceux qui ont la connaissance et la compétence restent toujours aussi peu nombreux. Seulement, au lieu de se distinguer par le diplôme, il se
      distingueront d’autres manières…

      Ne faut-il pas se réjouir d’avoir de plus en plus de citoyens éclairés pour la vie en société ?

      En quoi donner le Bac dans les boîtes de savon rendraient les citoyens “plus éclairés” ? Encore une fois, ce n’est pas le diplôme qui “éclaire”, mais les connaissances qu’il est censé certifier.
      Si l’on réduit les connaissances demandés pour permettre à tout le monde d’avoir le certificat, on “n’éclaire” rien du tout. Et envoyer à l’université des gens qui n’ont pas le niveau minimum
      pour suivre l’enseignement n’améliore nullement les choses ?

       

  6. Joe Liqueur dit :

    @ Descartes

     

    Ce qui est bien avec toi, c’est que tu ne cherches pas à te faire des amis… Cette histoire d'”interdiction des licenciements boursiers” m’a toujours paru très douteuse. Quand on veut empêcher des
    licenciements, on nationalise. Quand on veut créer des emplois, on créé des postes dans l’administration, dans l’enseignement et la recherche, ou on crée des entreprises publiques, ou on passe
    des commandes publiques auprès du secteur privé. En bref, on crée de nouveaux services, on investit pour la productivité à long terme, ou on crée de nouveaux actifs en lançant des grands travaux.
    Mais “interdire les licenciements” (boursiers – mais la définition de cette épithète resterait à préciser), pour moi, ça tient de l’enfumage. Curieusement, les camarades du Front “de
    gauche” n’ont prévu quasiment aucune nationalisation dans leur programme ; mais ils veulent “interdire les licenciements boursiers”… Soit ils ne savent plus où ils habitent, soit ils se moquent
    de nous. Concernant les militants je penche bien sûr pour la première explication ; concernant les dirigeants, pour la seconde – je crains que l’on ait affaire à d’authentiques traîtres.

    • Descartes dit :

      Ce qui est bien avec toi, c’est que tu ne cherches pas à te faire des amis…

      Pas du tout. J’adore me faire des amis. Mais les amis que je recherche sont ceux qui aiment qu’on dise ce qu’on pense… 😉

      Quand on veut empêcher des licenciements, on nationalise.

      Non, non, non et NON ! La nationalisation est un outil de politique industrielle, pas un outil de politique de l’emploi. Si l’entreprise qu’on nationalise est en bonne santé, elle ne licenciera
      pas. Et si elle est en mauvaise santé, la nationalisation ne fait que nationaliser les pertes et privatiser les bénéfices. On nationalise lorsqu’une activité est nécessaire à la nation alors que
      pour des raisons structurelles elle ne peut être financée par le privé à un coût raisonnable. Pas pour “éviter des licenciements”. D’ailleurs, ton raisonnement pose un problème d’égalité: qui
      décide quels sont les licenciements qu’il faut éviter et ceux qu’on peut tolérer ? Ou faut-il nationaliser toute entreprise qui licencie ?

      Quand on veut créer des emplois, on créé des postes dans l’administration, dans l’enseignement et la recherche, ou on crée des entreprises publiques, ou on passe des commandes publiques
      auprès du secteur privé.

      Pas seulement: il y a d’autres instruments. La politique fiscale, la politique douanière, le développement des infrastructuers pemettent à l’Etat de stimuler la création d’emplois privés sans les
      créer lui même… pourquoi négliger ces leviers ?

      Curieusement, les camarades du Front “de gauche” n’ont prévu quasiment aucune nationalisation dans leur programme ; mais ils veulent “interdire les licenciements boursiers”

      Le Front de Gauche n’a aucune véritable réflexion économique. S’ils proposent d’interdire les “licenciements boursiers”, c’est parce que cette “solution” a plusieurs avantages: la première, c’est
      couper l’herbe sous le pied du NPA en ayant l’air d’avoir une “solution radicale”; la seconde est que – en apparence – c’est une mesure qui ne coûte rien à personne en dehors des méchants
      financiers; et enfin, elle permet aux militants de se donner l’illusion d’avoir une solution miracle à la détresse des travailleurs menacés de licenciement…

       

  7. Joe Liqueur dit :

    @ Descartes

     

    Il y a peut-être un malentendu. “Faut-il nationaliser toute entreprise qui licencie ?” Je n’ai pas dit ça. J’ai dit : “Quand on veut empêcher des
    licenciements… etc”.

     

    “Ton raisonnement pose un problème d’égalité : qui décide quels sont les licenciements qu’il faut éviter et ceux qu’on peut tolérer ?”. Je pense qu’on peut tolérer TOUS les licenciements
    pourvu qu’on ait instauré le DROIT AU TRAVAIL.
    (Voir aussi cette page.)

     

    “La nationalisation est un outil de politique industrielle” ; “On nationalise lorsqu’une activité est nécessaire à la nation alors que pour des raisons structurelles elle ne peut
    être financée par le privé à un coût raisonnable”. Je suis assez d’accord. Mais je ne vois pas pourquoi l’un exclurait nécessairement l’autre : je pense que l’on peut nationaliser pour
    éviter des licenciements massifs, et ensuite ré-orienter la production de l’entreprise devenue publique vers d’autres activités plus utiles à la nation. Ce dans le cadre de la
    planification économique qui m’est chère.

     

    “Il y a d’autres instruments. La politique fiscale, la politique douanière, le développement des infrastructures permettent à l’Etat de stimuler la création d’emplois sans les créer lui-même.
    Pourquoi négliger ces leviers ?”

     

    Il est vrai que je n’ai pas évoqué la politique douanière ni la politique fiscale, mais là-dessus je suis tout à fait d’accord avec toi… Par contre, pour ce qui est du développement des
    infrastructures et de la possibilité pour l’Etat de “stimuler la création d’emplois sans les créer lui-même”, je ne crois pas que je néglige ces leviers. C’est d’ailleurs pourquoi
    j’écrivais : “ou on passe des commandes publiques auprès du secteur privé” ou encore “on crée de nouveaux emplois en lançant des grands travaux” (“développement des
    infrastructures”, c’est bien à cela que je pensais).

    • Descartes dit :

      Il y a peut-être un malentendu. “Faut-il nationaliser toute entreprise qui licencie ?” Je n’ai pas dit ça. J’ai dit : “Quand on veut empêcher des
      licenciements… etc”.

      D’accord. J’ai lu un peu trop vite. Mais ici se pose une question intéressante: faut-il “vouloir empêcher” les licenciements ? Le but est-il que les gens aient un emploi, ou que les gens puissent
      conserver le même emploi toute leur vie ? C’est là à mon avis que la gauche fait souvent une confusion lorsqu’elle consacre tous ses efforts à lutter contre les licenciements plutôt qu’à lutter
      pour la création de postes de travail. D’une certaine manière, tu poses la même question avec ton “droit au travail”, même si je ne partage pas ta proposition.

      Pourquoi je ne la partage pas ? Parce que ton “droit au travail” est un fait un “droit à rien foutre”. Imaginons que je n’aie pas envie de bosser. Dans ton système, j’ai la garantie d’un salaire
      allant entre 1500 et 2150 € sans avoir à bouger le petit doigt. Car que me fera mon patron si je ne fous rien ? Il me virera, et je pourrai alors bénéficier d’un poste de fonctionnaire ou de
      contractuel de la fonction publique. Et si je ne fous rien, que me fera-t-on ? Me virer ? Pas de problème, je m’inscris à nouveau à l’AME… et je recommence.

      Un “droit” est par essence inconditionnel. J’ai le “droit” à la liberté, la sûreté, la propriété sans avoir à fournir la moindre contrepartie sauf bien entendu le respect de la loi. Même si je
      suis un salaud, ma liberté, ma sûreté, ma propriété sont inviolables. Créer un “droit au travail” au sens où tu l’entends me paraît un travestissement de la notion de “droit” elle même: il ne
      peut y avoir un “droit” à avoir un emploi dans la mesure où l’emploi implique forcément une contrepartie.

      je pense que l’on peut nationaliser pour éviter des licenciements massifs, et ensuite ré-orienter la production de l’entreprise devenue publique vers d’autres activités plus utiles à la
      nation.

      Que la conséquence d’une nationalisation puisse être d’éviter des licenciements massifs, je le conçois. Mais cela ne peut être le but déterminant. S’il n’y a pas un projet industriel, cette
      “re-orientation” vers une production qui satisfasse une nécessité publique, alors la nationalisation ne sert à rien. Et comme je l’ai dit ailleurs cela pose un sérieux problème d’égalité:
      pourquoi utiliserait-on de l’argent public pour sauver l’emploi de certains travailleurs et pas d’autres ?

       

       

       

  8. Joe Liqueur dit :

    “Accessoirement”, il faudrait aussi évoquer le cas des entreprises qui licencient parce qu’elles font des pertes. Leurs travailleurs – et même leur patron, dans bien des cas – sont eux
    aussi en détresse. Et pour eux on fait quoi ? Le problème de l'”interdiction des licenciements boursiers”, c’est aussi qu’on laisse de côté cette question un peu gênante. Mais bien sûr,
    pour la “gauche de la gauche”, cette question est sans objet : “nos vies valent plus que leurs profits”, disait une affiche du NPA. Ou encore, plus sobre : “taxons les patrons”.
    Pour ces manipulateurs (je crois que c’est le mot), le patron est forcément un vautour qui se gave de profits gargantuesques et mange des enfants au petit déjeûner.

    • Descartes dit :

      Leurs travailleurs – et même leur patron, dans bien des cas – sont eux aussi en détresse. Et pour eux on fait quoi ?

      Pour leur patron… faut voir. La règle d’or du capitalisme, celle qui justifie que le patron ait des revenus supérieurs quand les choses vont bien est qu’il prend le risque personnel de tout
      perdre si les choses vont mal. Quelle légitimité aurait-il si l’Etat venait le secourir lorsqu’il est en détresse ? Mais je ferais une exception pour les patrons qui acceptent de payer leurs
      impôts en France: après tout, s’ils acceptent de financer la collectivité quand les choses vont bien, il est juste qu’on les aide quand les choses vont mal, non ?

      La logique de la “destruction créatrice” fait que certaines entreprises mourront pour laisser la place à d’autres. C’est triste, mais c’est comme ça. Et si on se trouvait en situation de plein
      emploi, cela se ferait sans drame, que ce soit pour le patron ou pour les travailleurs. Le patron recupérerait une partie de son capital qu’il pourrait investir dans une activité d’avenir, les
      travailleurs trouveraient des postes ailleurs. C’est parce qu’on en est à 5 M de chômeurs que le fait qu’une entreprise meure est vécu comme une tragédie.

      Pour ces manipulateurs (je crois que c’est le mot), le patron est forcément un vautour qui se gave de profits gargantuesques et mange des enfants au petit déjeûner.

      Sans aller jusque là, il faut admettre aussi que le patron n’est pas un philantrope qui ne vit que pour le bonheur de ses ouvriers. Le patron est et demeure un exploiteur: il prelève sur le
      travail de ses employés autant qu’il peut. Il y a des situations où il peut prélever beaucoup, et d’autres où il ne peut prélever quasiment rien. Et finalement, il y a les cas où il perd de
      l’argent.

      La morale ne rentre pas là dedans. Le patron, en tant qu’individu, peut être plus ou moins moral, plus ou moins vautour. Certains éprouvent une véritable détresse lorsqu’ils sont obligés de se
      séparer d’un employé, d’autres le font sans état d’âme. Certains sont véritablement attachés à leur activité, d’autres n’y voient qu’un moyen de gagner de l’argent. Mais ce sont tous des
      exploiteurs: ce qualificatifs n’est pas une question morale, mais une question de fonction économique. Sans exploitation, le patron ne peut exister.

  9. Bannette dit :

    Il me semble que tu développes ici une distinction bienvenue faite dans un billet précédent sur la différence entre politique du travail/industrielle et politique de l’emploi. Rétroactivement, on
    voit combien le CERES fut visionnaire dans les années 1970, supplanté par les rocardiens et autres démocrates, qui ont eu un comportement de cigale bouffant tout le capital de la génération
    qui a reconstruit après guerre. On paie le sous-investissement des années Mittérand, et le mot d’ordre de “nationalisations” scandé par la gauche radicale (avec “interdiction des
    licenciement boursiers”) comme solution magique à tous les problèmes ne touche même plus les classes populaires.

    Par exemple, sur l’affaire Virgin, je ne vois pas ce que l’Etat peut faire vu que ce distributeur de culture (de masse) a râté le passage au numérique (un peu comme la faillite de Kodak). Il
    serait plus intéressant de lancer une réflexion sur la diffusion de la culture, sa rémunération, la création artistique, prenant en compte les comportements qui ont changé dans les années 2000
    plutôt que d’aider à la reprise d’une chaine de magasins de DVD et de CD.

    Fondamentalement cette “politique de l’emploi” (avec les machins créés par les socialistes du genre “emplois d’avenir”, “emplois séniors”, créant des catégories d’employés jeunes et seniors
    spécifiques) relève de la charité, et les laissés sur le carreau le sentent de toute façon. Ce clientélisme électoral sauvant des emplois à court terme en injectant massivement de l’argent public
    n’amène pas forcément plus d’électeurs à la gauche : voir dans le Nord pour les scores du FN.

    Le pire c’est que la gauche s’enfonce dans le malthusianisme avec les accointements avec les écolos : quand dans leurs liens avec le PCF ils pleurent sur les résistances de certains bastions
    communistes “productivistes”, le PCF devrait être flatté de voir que l’adjectif “productiviste” est tant conspué par certains de ses alliés. Mais pour combien de temps le
    “productivisme” va rester une de leurs marques d’identité ?

    Je suis pessimiste sur l’idée de rebatir une politique industrielle dans les années qui viennent : je ne vois pas pour le moment d’organisation politique pour qui cette question est
    prioritaire, car comme tu le rappelles, elle est transversale : l’éducation nationale, les infrastructures, le rapport à l’Europe sont liés. Même si certains à droite ont un discours promouvant
    l’industrie, le reste du programme n’est pas cohérent, et ils semblent plus affairistes qu’autre chose.

     

    • Descartes dit :

      Rétroactivement, on voit combien le CERES fut visionnaire dans les années 1970, supplanté par les rocardiens et autres démocrates, qui ont eu un comportement de cigale bouffant tout le
      capital de la génération qui a reconstruit après guerre.

      Tout à fait. C’est ironique que ce soit la génération 68, celle qui criait si fort contre la société de consommation, qui depuis trente ans ait fait de la consommation le véritable moteur de
      l’économie, exigeant à chaque fois une “relance par la consommation” et non une “relance par l’investissement”. Le CERES fut visionnaire en économie. Quel dommage qu’il n’ait pas été visionnaire
      en politique… et suivi le flûtiste d’Hamelin de la gauche…

      On paie le sous-investissement des années Mittérand, et le mot d’ordre de “nationalisations” scandé par la gauche radicale (avec “interdiction des licenciement boursiers”) comme solution
      magique à tous les problèmes ne touche même plus les classes populaires.

      Les classes populaires ont très bien compris que la “nationalisation” telle que la gauche l’envisage aujourd’hui est plus un mot d’ordre qu’un véritable projet. Comme souvent, le problème n’est
      pas tant de nationaliser que de décider ce qu’on fait après. La gauche n’a pas su répondre à cette question en 1981, et n’a pas travaillé véritablement cette question depuis. On a beau invoquer
      dans “l’Humain d’abord” l’idée d’un “grand pôle public du crédit” ou d’un “pôle public de l’énergie”, aucune ligne directrice pour savoir ce que serait le programme qu’on demanderait d’appliquer
      à de tels “pôles” n’est donnée.

      Par exemple, sur l’affaire Virgin, je ne vois pas ce que l’Etat peut faire vu que ce distributeur de culture (de masse) a râté le passage au numérique (un peu comme la faillite de Kodak). Il
      serait plus intéressant de lancer une réflexion sur la diffusion de la culture, sa rémunération, la création artistique, prenant en compte les comportements qui ont changé dans les années 2000
      plutôt que d’aider à la reprise d’une chaine de magasins de DVD et de CD.

      Tout à fait. Si Virgin est dans le rouge, c’est parce que l’activité de distribution en magasin de DVD et CD n’attire plus les consommateurs, qui prefèrent acheter moins cher sur internet. C’est
      triste pour les travailleurs de Virgin dans un contexte de chômage massif, mais c’est la réalité économique. Est-il juste d’utiliser des crédits publics pour sauver une activité qui
      économiquement n’a plus de sens pour sauver des emplois ? Quelle différence avec le fait de payer la moitié du personnel de Virgin pour creuser des trous et l’autre moitié pour les remplir ?

      Fondamentalement cette “politique de l’emploi” (avec les machins créés par les socialistes du genre “emplois d’avenir”, “emplois séniors”, créant des catégories d’employés jeunes et seniors
      spécifiques) relève de la charité, et les laissés sur le carreau le sentent de toute façon.

      La difficulté c’est qu’à défaut d’une véritable politique de croissance industrielle, la politique de l’emploi se réduit essentiellement à une politique malthusienne de partage de la pénurie. Et
      notre système est particulièrement rigide par rapport aux jeunes: si le SMIC représente une rémunération relativement adaptée à la valeur créée par un travailleur expérimenté, il est trop élevé
      pour les postes qu’on peut proposer à un jeune sans expérience. Le SMIC représente donc une véritable barrière à l’entrée des jeunes dans le monde du travail, mais l’adaptation du SMIC pour les
      moins expérimentés est très difficile à faire accepter socialement. Il y a donc un danger réel d’avoir une “génération perdue”, qui entrera dans le monde du travail difficilement. Une politique
      de l’emploi qui prenne en compte cette difficulté n’est pas forcément du “clientélisme”…

      Le pire c’est que la gauche s’enfonce dans le malthusianisme avec les accointements avec les écolos : quand dans leurs liens avec le PCF ils pleurent sur les résistances de certains bastions
      communistes “productivistes”, le PCF devrait être flatté de voir que l’adjectif “productiviste” est tant conspué par certains de ses alliés.

      Tout à fait ! C’est d’ailleurs révélateur que “l’antiproductivisme” apparaisse dans les couches sociales qui ont les possibilités de consommation les plus importantes…

      Je suis pessimiste sur l’idée de rebatir une politique industrielle dans les années qui viennent : je ne vois pas pour le moment d’organisation politique pour qui cette question est
      prioritaire,

      Je ne dis pas que ce soit facile… mais il faut se souvenir que la politique industrielle a toujours été un peu le “parent pauvre” chez la droite comme chez la gauche girondine. Il a fallu en
      général des grosses crises pour que les “productivistes” aient voix au chapitre. Ce fut le cas dans les années 1930, et encore plus à la Libération.

       

  10. dudu87 dit :

    Bonjour à tous,

    Licenciments boursiers?

    Ok, les actions de l’entreprise concernée montent lors d’un déclenchement d’un “plan social”. N’est-ce pas la logique du système capitaliste? Lors de ma carrère, j’en ai vécu 12 de ces “plans
    sociaux”! A chaque fois, notre lutte a été défensive et nous avons perdu… Sauf une fois où nous avons empéché la fermeture du site en 1992 mais de 2600, nous sommes passés à 800. Je vais
    prendre l’exemple de la filière “camions, cars et bus”. Si le camion +3.5t à 15t sera toujours nécessaire pour le transport sur moyen distance, ceux de 15t-42t, malgrè les améliorations
    techniques (euro5) sera toujours polluant et aura toujours un rendement énergétique faible (chaine cinématique). Imaginons que le développement du frêt rail soit à l’ordre du jour, qu’est-ce qui
    se passe pour les travailleurs de cette gamme de camions 15t-42t si nous avons le gouvernement en place ou …le FdG? 

    Et que va t-il se passer si la voiture électrique se “démocratise”? N’oublions pas qu’il n’y a plus de chaine cynématique à fabriquer! Il ne suffit pas de dire nous fabriquons autre chose, oui
    mais quoi?

    Dans le cas de l’expèrience du “socialisme soviétique”, un de leur grand défaut a été de ne pas intégrer la notion de compétitivité mondiale et de productivité. Je me souviens de la visite de
    cette usine de radiateurs en RDA, les méthodes de travail nous paraissaient, à nous “occidentaux” d’un autre âge sans parler de la cadence. Il ne suffit pas de produire à n’importe quel prix mais
    il faut aussi le vendre!

    Bien sûr, je n’oublie pas la réalité du “dumping social” mis en place par le systéme, c’est une réalité.

    • Descartes dit :

      Dans le cas de l’expèrience du “socialisme soviétique”, un de leur grand défaut a été de ne pas intégrer la notion de compétitivité mondiale et de productivité.

      Surtout celle de productivité. Paradoxalement, les communistes soviétiques ont été très peu “matérialistes” en matière économique.

      Il ne suffit pas de produire à n’importe quel prix mais il faut aussi le vendre!

      Ce n’est pas tant là qu’est le problème. Les soviétiques arrivaient parfaitement à “vendre” leur production, puisqu’ils étaient dans une économie de pénurie. Le problème, c’est qu’avec une
      productivité faible il est impossible de donner à la population un haut niveau de vie à un coût environnemental acceptable.

  11. Joe Liqueur dit :

    @ Descartes

     

    Juste quelques remarques à propos du droit au travail tel que je le conçois. Pour moi, ce n’est certainement pas un “droit à rien foutre”. C’est bien pourquoi je suis totalement opposé à l’idée
    de “revenu de base” type RSA amélioré. Je parle bien de droit au travail, non pas de droit au revenu (simplement, je pense que tout homme souhaitant travailler au service de la
    collectivité doit pouvoir le faire, voir le préambule de mon programme). Justement j’ai un commentateur qui semble faire la confusion, il va falloir que je lui réponde… que lui et
    moi ne sommes pas du tout sur la même longueur d’onde. Ainsi que je m’explique ici, ma conception du socialisme consiste pour une part à adopter les deux principes
    suivants : tout travail mérite salaire / tout revenu exige travail (et le reste, c’est bien sûr la propriété collective des grands moyens de production et d’échange). A cet égard, tu
    noteras que je prends clairement parti pour la suppression du RSA (dans le cadre de l’instauration de ce fameux droit au travail, bien entendu).

     

    Je ne vais pas entrer dans le débat sur ce qu’un droit est “par essence”, mais je suis bien d’accord sur le fait que l’emploi exige une contrepartie ! Je reprends tes propos :

     

    “J’ai la garantie d’avoir un salaire allant entre 1 500 et 2 150 euros sans avoir à bouger le petit doigt.”

     

    Justement non. Je dis que l’Etat est tenu de me verser un salaire dans un délai d’un mois, même si aucune affectation n’aurait pu m’être attribuée dans ce délai. Mais l’idée c’est bien sûr qu’une
    affectation soit trouvée. Et alors, si je refuse de bouger le petit doigt, je perds bien sûr le bénéfice du droit au travail, je perds son poste (après X avertissements) et je ne suis plus
    rémunéré du tout par l’Etat.

     

    “Que fera un patron si je ne fous rien ?”

     

    Il aura deux options :

     

    1- Me payer au-delà de ce que je pourrais gagner dans la fonction publique au titre du droit au travail, si ce n’est pas déjà le cas, ce qui pourrait m’inciter à foutre quelque chose pour lui
    (c’est bien pour cette raison que je prends également parti pour la suppression du salaire minimum interprofessionnel – on ne conserve qu’un salaire minimum d’Etat, qui s’applique dans la seule
    fonction publique, et sur lequel les employeurs privés seront bien obligés de se caler plus ou moins) ;

     

    2- Me virer. Dans ce cas, en effet, je peux toujours bénéficier du droit au travail dans la fonction publique. Mais là, si je ne fous rien non plus dans la fonction publique, alors je ne suis
    plus rémunéré du tout, et je me démerde.

     

    A part ça, je partage tout à fait ton idée selon laquelle “la gauche fait souvent une confusion lorsqu’elle consacre tous ses efforts à lutter contre les licenciements plutôt qu’à lutter pour
    la création de postes de travail”. Il y a là un sérieux problème, qui à mon avis n’est pas étranger au déferlement inquiétant de cet écologisme bêlant qui aboutit à une méfiance de principe
    envers tout ce qui relève de la production et de la productivité.

    • Descartes dit :

      ma conception du socialisme consiste pour une part à adopter les deux principes suivants : tout travail mérite salaire / tout revenu exige travail

      Je ne peux qu’adhèrer à ces deux principes. Mais sans vouloir t’offenser, je crois que ton discours sur le “droit au travail” fait l’impasse sur la problèmatique du “bon chômeur” opposé au
      “mauvais chômeur”, opposition que la “gauche radicale” balaye d’un revers de la main et qui pourtant est à mon avis essentielle. La société a des devoirs envers ceux de ses membres qui, ayant
      fait tous les efforts à leur portée, ne trouvent pas d’emploi. Mais elle ne doit rien à ceux qui ne font aucun effort. Créer un “droit au travail” dans tes termes revient à créer une solidarité
      inconditionnelle. C’est là que je ne suis pas d’accord.

       

  12. Denis dit :

    Ah, mon pôvre Descartes…

    Il serait temps d’actualiser tes connaissances en sciences éconmiques : tout ça m’a l’air, comment dire… quelque peu daté  😉

    Si même l’émission Mots croisés, de Yves Calvi, permet à des scientifiques d’exprimer des “lieux communs” qui infirment sans échappatoire tes “thèses” (oui, j’ai bien écrit “thèse”……….?)

    C’est la fin des haricots lol

    • Descartes dit :

      Il serait temps d’actualiser tes connaissances en sciences éconmiques : tout ça m’a l’air, comment dire… quelque peu daté  😉

      C’est dans les vieux chaudrons qu’on fait les meilleures soupes…

  13. Trubli dit :

    Il me semble que vous l’effleurer sans jamais l’aborder pleinement. Une entreprise peut décider de fermer une entité qui rapporte de l’argent car en transférant la même entité dans un autre pays
    elle aura une rentabilité du capital plus forte. Dans ce cas on est à mille lieus de la destruction créatrice de Schumpeter : il ne s’agit pas d’innover pour produire ou mieux autant avec moins
    de monde ou d’introduire un nouveau produit. 

    Cela doit nous inciter à réfléchir à la fiscalité du capital, aux mesures protectionnistes adéquates pour inciter/forcer le capital à s’investir en France, aux
    infrastructures qui peuvent attirer le capital et aux gains de productivité qui peuvent inciter les investisseurs à placer le capital en France et pas ailleurs.

     

    • Descartes dit :

      Dans ce cas on est à mille lieus de la destruction créatrice de Schumpeter : il ne s’agit pas d’innover pour produire ou mieux autant avec moins de monde ou d’introduire un nouveau
      produit.

      Tout à fait. Le problème n’est donc pas d’empêcher la mobilité du capital, mais d’empêcher que le capital aille vers des activités qui ne sont plus rentables que grâce à une sous-rémunération du
      travail. Si l’on me parle d’interdire la délocalisation, je dis oui. Mais tous les “licenciements boursiers” ne se font pas aux fins de délocalisation…

       

  14. Joe Liqueur dit :

    @ Descartes

     

    A propos du “bon chômeur” et du “mauvais chômeur” : loin de moi l’idée de nier que certains citoyens puissent être rangés dans la seconde catégorie. Simplement, je pense que ceux-ci forment une
    petite minorité au sein de la catégorie générale des chômeurs. J’en suis même totalement convaincu. Or le discours de la droite néolibérale ou ordo-libérale tend plutôt à accréditer
    l’idée que ces “mauvais chômeurs” formeraient une immense cohorte, une redoutable horde de profiteurs avides de subventions, allocations et autres prébendes diverses, une armée de vampires qui
    sucent le sang de l’économie nationale.

     

    Donc, plutôt que d’aller vers cette problématique à mon avis sans intérêt, j’estime qu’il vaut mieux s’intéresser à une autre : celle qui concerne l’existence même du chômage involontaire. Tu vas
    me dire : c’est la même chose. Dans un sens, oui. Mais l’avantage de cette approche est de mettre en lumière plus directement une opposition politique, de révéler ce qui distingue deux visions de
    l’économie qui s’opposent depuis bien longtemps. Je suis tombé récemment sur ce passage, dans La grande désillusion, cet ouvrage de Stiglitz publié en 2002 :

     

    “Dans le modèle standard de la concurrence – celui qui sous-tend le fanatisme du libre marché cher au FMI -, la demande est toujours égale à l’offre, il n’y a jamais de chômage
    involontaire. Celui qui ne travaille pas a, de toute évidence, choisi de ne pas travailler. Vu sous cet angle, le chômage de la grande crise des années trente, quand une personne sur quatre
    était sans emploi [on en est là aujourd’hui en Espagne], a dû résulter d’un désir irrépressible de loisirs. Chercher les raisons de cette soudaine aspiration au temps libre, et découvrir
    pourquoi ceux qui en jouissaient avaient l’air si tristes, voilà un beau sujet pour les psychologues, mais, selon le modèle standard, ces questions ne relèvent pas du champ de l’économie. Si ces
    modèles surannés peuvent encore amuser un peu au sein du monde académique, ils sont tout à fait inadaptés pour comprendre les problèmes d’un pays comme l’Afrique du sud, accablé d’un taux de
    chômage de plus de 25% depuis le démantèlement de l’apartheid.”

    • Descartes dit :

      Simplement, je pense que ceux-ci forment une petite minorité au sein de la catégorie générale des chômeurs. J’en suis même totalement convaincu.

      Votre “conviction”, en l’absence de tout élément statistique, semble relever plus d’un postulat que d’une observation… Personnellement, je n’en sais rien, et franchement je ne pense pas que
      cela ait une grande importance. On a le choix entre une société qui donne beaucoup en termes de solidarité mais qui exige beaucoup, et une société qui n’exige rien mais qui en
      contrepartie ne donne rien et ou chacun se débrouille. Ma préférence, cela va sans dire, va au premier modèle. Si comme tu le dis les “mauvais chômeurs” sont une minorité, alors le fait d’être
      exigeant ne changera rien pour la majorité. Si ce n’est pas le cas, eh bien l’exigeance est alors indispensable pour garantir que le dispositif soit juste.

      Or le discours de la droite néolibérale ou ordo-libérale tend plutôt à accréditer l’idée que ces “mauvais chômeurs” formeraient une immense cohorte, une redoutable horde de profiteurs avides
      de subventions, allocations et autres prébendes diverses, une armée de vampires qui sucent le sang de l’économie nationale.

      Ce qu’il nous faut éviter, et c’est le panneau dans lequel la gauche tombe à chaque fois, c’est un modèle de société qui donne beaucoup et n’exige rien en échange. Un tel système dégrade le
      climat social parce qu’en créant l’opportunité pour les “profiteurs avides de subventions” de se la couler douce il ouvre la porte à la suspicion. Même en admettant que ces opportunités ne soient
      exploités que par une minorité, ce dont par ailleurs je ne suis pas totalement convaincu, le simple fait que cela soit possible a un effet déletère.

      “Dans le modèle standard de la concurrence – celui qui sous-tend le fanatisme du libre marché cher au FMI -, la demande est toujours égale à l’offre, il n’y a jamais de chômage
      involontaire. Celui qui ne travaille pas a, de toute évidence, choisi de ne pas travailler.

      Ici, Stiglitz oeuvre d’idéologie plutôt que de pédagogie. On peut critiquer la théorie libérale sans pour autant la caricaturer. Il joue donc de l’expression “chômage volontaire” – qui dans le
      cerveau du lecteur construit l’image d’un fainéant qui refuserait de travailler – pour diaboliser la vision libérale. C’est un type de terrorisme intellectuel que je déteste.

      Dans la vision libérale le chômage est “volontaire” tout simplement parce qu’il résulte d’un choix libre du chômeur. Celui-ci fixe en effet “volontairement” le niveau de salaire en dessous duquel
      il refusera un emploi. S’il est au chômage, pour les libéraux, c’est parce qu’il a fixé ce niveau trop haut. Il est donc chômeur volontaire non pas parce quil a “de toute évidence choisi de ne
      pas travailler” mais parce qu’il a “choisi” de ne pas travailler en dessous d’un certain salaire. Que le chômeur soit “volontaire” n’implique nullement une faiblesse morale de sa part.

      La vision libérale est critiquable en économie pour beaucoup de raisons. Certaines critiques sont classiques (par exemple, celle qui montre que les travailleurs, quelque soit leur “volonté”, ne
      peuvent pas réduire leur salaire en dessous de la limite de substistance), d’autres sont keynésiennes (la baisse des salaires génére une baisse de la demande, qui a son tour réduit l’activité, ce
      qui ensuite réduit la demande de travail). Pas besoin de diaboliser en jouant sur les mots.

       

  15. Michelle dit :

    Pourquoi considérez-vous que l’économie appartient au genre science et pas la psychologie ?

    • Descartes dit :

      C’est quoi le “genre science” ? Encore une avancée de la “théorie du genre”?

      Je classe l’économie parmi les pratiques scientifiques parce qu’elle utilise dans son analyse une méthode hypothético-déductive et qu’elle produit des énoncés falsifiables (au sens poppérien du
      terme). Connaissez vous un énoncé falsifiable produit par la psychologie ?

  16. Serge dit :

    Bonsoir Mr Descartes. Une fois n’est pas coutume, je vais vous demander à nouveau quelques précisions sur des points que je n’ai pas bien compris dans le texte et dans les commentaires associés.

     

    Comment une entreprise se procure-t-elle du capital ? En le rémunérant, bien entendu.

    J’ai vraiment du mal à comprendre cette phrase. Elle rémunère un capital qu’elle ne possède pas ? Ou elle rémunère le capital déjà possédé en vue d’en acquérir davantage ? Oui, c’est sot de ma
    part, je fais un blocage psychologique sur l’enchaînement des mots “capital, “procurer” et “rémunération”.  Pour moi, le capital est tout un ensemble de choses possédé par une entité
    économique. Cet ensemble de chose peut-être matériel (machines, locaux, infrastructures, etc…), immatériel (logiciels, financiers, etc…) et humains (employés, etc…). Procurer,
    c’est chercher à obtenir quelque chose que l’on ne possède pas encore. Et rémunérer, c’est donner de l’argent en vue d’une action qui nous sera/nous a été (ou non…) profitable. J’ignore
    pourquoi, cette phrase me perturbe pas mal. Quand j’ai lu la première fois le texte, il y a quelques jours, et encore maintenant, en le relisant. Je continue d’y réfléchir.

     

    […] Notre système est particulièrement rigide par rapport aux jeunes: si le SMIC représente une rémunération relativement adaptée à la valeur créée par un travailleur expérimenté, il est
    trop élevé pour les postes qu’on peut proposer à un jeune sans expérience. Le SMIC représente donc une véritable barrière à l’entrée des jeunes dans le monde du travail, mais l’adaptation du SMIC
    pour les moins expérimentés est très difficile à faire accepter socialement. Il y a donc un danger réel d’avoir une “génération perdue”, qui entrera dans le monde du travail difficilement. Une
    politique de l’emploi qui prenne en compte cette difficulté n’est pas forcément du “clientélisme”… (en réponse à un commentaire)

    Je pense comprendre la réflexion, qui est que la valeur du SMIC est la même entre un travailleur expérimenté et un travailleur qui ne l’est pas. Il est évidemment ‘injuste’ pour le travailleur
    expérimenté (TE) d’avoir le même niveau de salaire qu’un non-expérimenté (TNE), mais si on ne veut pas avoir un TNE payé des clopinettes ou qui reste à barboter au frais de la société (oui,
    crûment, c’est ça) et en parallèle, avoir un TE qui puisse être embauché sans trop de frais (pour une raison plus ou moins justifiable par l’agent économique employeur), il finit par y avoir
    mécaniquement un nivellement entre ces deux variables. Nivellement dû entre autre aux coûts qui ont explosés ces trente dernières années, tout en ayant paradoxalement un “capital” personnel plus
    important au niveau de la société. 

    Ce passage, croisé à celui sur la question des compétences et diplômes résonnent en écho avec mon propre vécu. J’ai une passion certaine pour la programmation depuis pas mal d’années, et j’ai
    acquis un certain nombre de connaissance de ma propre initiative sans être dans une structure encadrante (grâce à divers moyens comme des livres à la bibliothèque universitaire, internet ou des
    connaissances). Le problème, c’est que ce n’est pas formalisable au yeux d’autrui (ce que je comprend aisément), et j’en suis à devoir suivre des cours pour pouvoir formaliser ces connaissances
    (en gros, une licence qui ne m’apprend rien. Le passage au niveau supérieur sera déjà bien plus formateur). Le comble étant que je travaille en tant que programmeur sous-payé (difficilement
    négociable au moment de l’embauche sans diplôme adéquat, sans compter la situation de l’entreprise) qui tire vers le haut des programmeurs plus diplômés et ayant un meilleur niveau de salaire
    (pas tous, heureusement, j’apprends aussi pas mal d’autres collègues). Je ne m’en plains pas ceci dit (bon, en réalité, un petit peu quand même, je reste humain), j’ai accepté car je savais que
    cela serait une porte pour sortir de mon milieu social (disons les choses clairement). Dans mon cas, heureusement que j’ai cette barrière qui est le SMIC (c’était la conclusion à laquelle je
    voulais en arriver, vis à vis du passage cité plus haut).

    • Descartes dit :

      “Comment une entreprise se procure-t-elle du capital ? En le rémunérant, bien entendu”. J’ai vraiment du mal à comprendre cette phrase. Elle rémunère un capital qu’elle ne possède pas ?

      Bien entendu. Si elle le possédait, elle n’aurait pas besoin de le rémunérer. Ce n’est pas l’entreprise qui possède le capital, ce sont les actionnaires. Et les actionnaires acceptent de fournir
      du capital en échange de leurs titres précisement parce que ceux-ci leur donnent droit à une rémunération.

      Je pense que ce qui vous perturbe est une lecture trop dogmatique de l’ordre des facteurs. Dans mon raisonnement, je faisais référence à un chemin classique dans la création d’une entreprise: une
      “entreprise” naït souvent de l’idée d’un entrepreneur, celle d’un produit nouveau, d’un procédé inédit, d’un marché non satisfait. Pour réaliser son entreprise, il part à la recherche de
      capitalistes, c’est à dire, de gens à qui il promet une rémunération en échange de leur investissement. C’est donc en rémunérant le capital qu’on se le procure, même si la rémunération vient
      évidement après l’investissement, et non avant.

      Dans mon cas, heureusement que j’ai cette barrière qui est le SMIC (c’était la conclusion à laquelle je voulais en arriver, vis à vis du passage cité plus haut).

      Je n’ai pas dit que le SMIC “unique” était bien ou mal. Encore une fois, j’évite de passer des jugements moraux. J’essaye de regarder froidement le problème économique. Avec un SMIC unique, ou
      bien on le place très bas et il ne protège plus les travailleurs expérimentés ou qualifiés, ou bien on le fixe haut et alors il est trop “cher” par rapport aux travailleurs débutants ou très peu
      qualifiés. Si on fait le premier choix, on risque de permettre que les premiers soient sous-payés, si on fait le second on pousse vers le chômage des gens qui autrement auraient un emploi (il est
      vrai mal payé). En France, on a fait traditionnellement le premier choix, en Angleterre, par exemple, le second. C’est pourquoi il y a chez nous plus de jeunes au chômage que chez eux, et chez
      les anglais plus de travailleurs pauvres que chez nous.

       

  17. Michelle dit :

    C’est quoi le “genre science” ? Encore une avancée de la “théorie du genre”?

    C’est une formule d’Alain Boyer : http://books.google.fr/books?id=GtYh0MyGQf4C&pg=PA253

    Je classe l’économie parmi les pratiques scientifiques parce qu’elle utilise dans son analyse une méthode hypothético-déductive et qu’elle produit des énoncés falsifiables (au sens poppérien
    du terme). Connaissez vous un énoncé falsifiable produit par la psychologie ?

    Oui : « Si des personnes sont inquiètes, alors elles voudront s’associer. »

    Surtout, l’économie est en partie régie par la psychologie des individus. Je suis donc étonnée que vous fassiez appartenir au genre science un domaine qui a un fondement dans un domaine auquel
    vous refusez l’appartenance au genre science.

    • Descartes dit :

      C’est quoi le “genre science” ? Encore une avancée de la “théorie du genre”? C’est une formule d’Alain Boyer

      Je n’ai pas trouvé dans votre réference l’expression “genre science”. Pourriez-vous m’indiquer le paragraphe précis où cette formule figure ?

      “Connaissez vous un énoncé falsifiable produit par la psychologie ?” Oui : « Si des personnes sont inquiètes, alors elles voudront s’associer. »

      Vraiement ? Et quelle expérience proposez-vous susceptible de “falsifier” cet énoncé ? J’attire votre attention sur le fait que l’observateur extérieur n’a aucun moyen de savoir ce que les gens
      “veulent”, pas plus qu’il n’a de moyen de savoir si une personne donnée est “inquiète”…

      L’enoncé que vous donnez en exemple est en fait un parfait contre-exemple. Il est “infalsifiable” parce qu’il associe un paramètre impossible à constater (“l’inquiétude”) à un autre paramètre
      impossible à constater (la “volonté de s’associer”).

      Surtout, l’économie est en partie régie par la psychologie des individus.

      Absolument pas. Les échanges économiques réels peuvent “dépendre de la psychologie des individus”, mais l’économie, en tant que discipline de la connaissance, non. L’économie fait des hypothèses
      sur le comportement des individus (par exemple, qu’ils poursuivent leurs intérêts, ou qu’ils font des anticipations rationnelles) mais ne cherche nullement la racine de ces comportements dans la
      psychologie des individus. Si a la place des individus on met des ordinateurs qui auraient ce même comportement, le résultat du point de vue des théories économiques serait le même.

      Lorsque la physique fait l’hypothèse qu’il n’y a pas de dieu agissant, cette hypothèse est de nature physique, et non théologique. Et cela ne transforme pas la théologie en une science.

  18. Michelle dit :

    Je n’ai pas trouvé dans votre référence l’expression “genre science”. Pourriez-vous m’indiquer le paragraphe précis où cette formule figure ?

    En effet, le passage en question n’est pas accessible via Google Books, je n’avais pas fait attention. Je suis trop paresseuse pour vous recopier le passage ou pour vous le restituer.

    Vraiment ? Et quelle expérience proposez-vous susceptible de “falsifier” cet énoncé ? J’attire votre attention sur le fait que l’observateur extérieur n’a aucun moyen de savoir ce que les
    gens “veulent”, pas plus qu’il n’a de moyen de savoir si une personne donnée est “inquiète”…

    L’énoncé que vous donnez en exemple est en fait un parfait contre-exemple. Il est “infalsifiable” parce qu’il associe un paramètre impossible à constater (“l’inquiétude”) à un autre paramètre
    impossible à constater (la “volonté de s’associer”).

    Voici l’expérience : on explique aux sujets que l’expérience porte sur les effets de chocs électriques et on les divise en deux groupes. On explique aux sujets du premier groupe que les chocs
    seront douloureux et aux sujets du second groupe qu’ils ne ressentiront aucune douleur. Donc il est évident que le groupe qui s’attend à avoir mal est plus anxieux que l’autre. On leur dit
    ensuite qu’il y aura un certain délai avant le début de l’expérience et on leur demande d’indiquer sur un questionnaire s’ils préfèrent attendre l’expérience seuls ou avec d’autres sujets.

    Absolument pas. Les échanges économiques réels peuvent “dépendre de la psychologie des individus”, mais l’économie, en tant que discipline de la connaissance, non. L’économie fait des
    hypothèses sur le comportement des individus (par exemple, qu’ils poursuivent leurs intérêts, ou qu’ils font des anticipations rationnelles) mais ne cherche nullement la racine de ces
    comportements dans la psychologie des individus. Si a la place des individus on met des ordinateurs qui auraient ce même comportement, le résultat du point de vue des théories économiques serait
    le même.

    Lorsque la physique fait l’hypothèse qu’il n’y a pas de dieu agissant, cette hypothèse est de nature physique, et non théologique. Et cela ne transforme pas la théologie en une science.

    Si je n’interprète pas mal votre propos, il correspond à la vision de Durkheim, qui dit qu’il faut prendre « les faits sociaux comme des
    choses. » Mais on peut la remettre en question. Avez-vous lu Tarde ? Si oui, qu’en pensez-vous ?

  19. Michelle dit :

    Ce qui pose la question de savoir jusqu’où ces interventions doivent aller. Car sauver des emplois de cette manière ou plus banalement  “interdire le licenciement boursier” revient à
    accepter qu’au nom de la sauvegarde de l’emploi le capital reste engagé dans des activités ou des entreprises à la productivité faible, alors qu’il pourrait être mieux employé ailleurs. Pour le
    dire d’une autre manière, l’interdiction du “licenciement boursier” ou de la “fermeture d’une entreprise rentable” revient à empêcher la mobilité du capital vers les activités les plus
    productives.

    Je trouve cette affirmation discutable : il me semble que si l’on empêche les licenciements boursiers, on n’empêche pas la mobilité du capital, on la ralentit. Si le capital reste engagé
    dans des activités ou des entreprises à la productivité faible, mais qui restent rentables, les activités ou entreprises à forte productivité trouveront du capital ailleurs. Ensuite, ces
    dernières concurrenceront les premières jusqu’à les rendre non rentables, et engendreront des licenciements non boursiers. Non ?

    • Descartes dit :

      Si le capital reste engagé dans des activités ou des entreprises à la productivité faible, mais qui restent rentables, les activités ou entreprises à forte productivité trouveront du capital
      ailleurs.

      Cela ne contredit pas mon point. En empêchant les “licenciements boursiers”, vous empêchez le capitaliste de récupèrer le capital investi dans une activité moins rentable pour le déplacer vers
      une plus rentable. Le fait qu’une activité plus rentable puisse trouver du capital dans une autre source ne change en rien le fait que le capital investi dans les activités moins rentables soit
      immobilisé.

      Ensuite, ces dernières concurrenceront les premières jusqu’à les rendre non rentables, et engendreront des licenciements non boursiers. Non ?

      Possiblement. Mais ce processus de libération du capital peut être extraordinairement long. La fabrication des lampes à pétrole est restée suffisamment “rentable” pour survivre bien après
      l’invention de l’ampoule électrique. Si l’on avait attendu pour dégager le capital que les vendeurs de lampes à pétrole fassent faillite, l’électrification aurait été bien plus
      lente…

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