L’étrange démocratie du Front de Gauche

Le Front de Gauche rappelle furieusement un vieux slogan des galeries Lafayette: il s’y passe toujours quelque chose. Mais cela devient, il faut bien le dire, de plus en plus difficile de comprendre exactement quoi. On se souvient de l’affaire du Conseil régional d’Ile de France, où l’on a vu se constituer deux groupes “Front de Gauche” distincts, et tout ça parce que les conseillers PG n’ont pas vu leurs ambitions satisfaites. On se souvient de l’affaire Moglia, qui vit les conseillers régionaux PG du Nord-Pas de Calais quitter le groupe “Front de Gauche” pour aller se comettre avec un rénégat du PS. Et maintenant, voici que l’histoire se répète en Aquitaine. Témoin, cet étrange texte publié dans l’Humanité du 30 janvier 2013:

 

Le PCF de la région Aquitaine dénonce l’attitude du Parti de gauche

Les secrétaires du PCF des cinq départements 
de la région Aquitaine dénoncent le choix des deux conseillers régionaux du Parti de gauche « de mettre fin sans concertation » à leur participation « au groupe Front de gauche » du conseil régional, qui comptait quatre élus, et leur décision de « créer un nouveau groupe avec un élu exclu du groupe écologiste ». Les élus Alain Baché (PCF) 
et Isabelle Larrouy (Mouvement social) étant, 
de fait, « exclus » de ce nouveau groupe. Les responsables communistes s’interrogent sur les « stratégies obscures, pour d’autres échéances, (que) cachent ces manœuvres politiciennes du Parti de gauche » et l’appellent 
« à se ressaisir ».

 

Curieux, non ? Bien entendu, vous ne trouverez aucun commentaire sur cette affaire dans les sites des différentes organisations du Front de Gauche. Pas plus que sur les blogs de ses dirigeants (1). La règle du Front de Gauche semble être “quand il y a un problème, le mieux c’est de ne pas en parler”. Du moins pas au niveau du “vulgum pecus”, parce que je me suis laissé dire que dans les cercles d’initiés on en parle, et pas forcément avec des mots très châtiés. Mais on ne va pas étaler ces questions devant les électeurs, ou pire encore, devant les militants… ces gens-là pourraient arriver à des conclusions fâcheuses alors que la direction du PCF s’apprête à faire ratifier sa stratégie par un congrès.

 

Mais les bizarreries ne se limitent pas à des querelles de clocher et la recherche d’alliances “alternatives” par des élus du PG un peu trop pressés d’arriver.On les trouve aussi au plan de l’organisation et de la réflexion programmatique. On a vu ainsi paraître deux documents absolument remarquables. Le premier, intitulé “texte sur le fonctionnement du front de gauche” est censé avoir été approuvé par le Conseil National du FdG le 25 janvier 2013 et par la coordination nationale le 28 janvier. Le second, intitulé “imposer une alternative à l’austérité” a rang de “texte stratégique” et est censé avoir été adoptée… par la coordination nationale du 21 janvier et par le conseil national du 25 janvier. On remarquera que les deux textes auront été donc adoptés par les deux instances (“coordination nationale” et “conseil national”) en ordre inverse, ce qui laisse penser que la hiérarchie entre les deux instances est pour le moins fumeuse. Mais bon, au point où nous en sommes… vu que personne ne sait ni quel est le fonctionnement de ces instances, ni quelle est leur composition, ni quels sont leurs pouvoirs, ni qui les convoque et fixe l’ordre du jour, qui ira se soucier de leurs rapports entre elles ?

 

Encore une bizarrerie: aucun de ces textes n’a fait l’objet de débats publics dans les organisations. Aucun des deux textes n’a été soumis au stade du projet à l’examen des militants, aucun n’a été approuvé par les instances nationales des différents partis. Là encore, comme ce fut le cas pour beaucoup de décisions du FdG, on a l’impression qu’elles sont prises dans les coulisses d’un processus dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’est ni transparent, ni démocratique. Des “coordinations” et des “comités” se réunissent sans ordre du jour public, sans compte rendu des débats, sans qu’on sache qui en sont les membres…et approuve des textes censés avoir valeur de “stratégie”…

 

Mais venons-en aux textes eux mêmes. Le premier, celui sur le “fonctionnement”, est proprement comique. En fait, c’est une longue liste de pétitions de principe et des “faut que y’a qu’a”. Prenons par exemple celui sur le fonctionnement du Conseil National lui même:

 

Le Conseil National
L’objectif est de le rendre encore plus légitime, représentatif et utile qu’il ne l’est aujourd’hui. La priorité est qu’il soit le carrefour d’expériences sociales diversifiées, de représentants de combats collectifs, de militants syndicalistes, associatifs, de personnalités intellectuelles, culturelles…
Le CN a un rôle d’initiative, consultatif et propositionnel. Ce rôle accru nécessite d’élargir et diversifier le CN. Toutes les forces du FDG doivent y être représentées.
Il faut l’élargir de manière évolutive, sans brusquer artificiellement les rythmes de structuration aux animateurs du FDG, animateurs des FT et notamment du Front des luttes, voir des AC et personnalités du mouvement social.
Les associations qui souhaitent adhérer au FDG, dans le respect de leurs statuts, pourront être représentées au CN. Il faut des réunions régulières : deux fois par trimestre.
La coordination du Front de Gauche travaillera à une proposition d’élargissement du CN sur le principe de la double parité.

 

Il n’y a pas de doute: ce texte fondamental éclaire d’un jour nouveau le fonctionnement de l’instance supposée avoir, excusez du peu, “le rôle d’initiative, consultatif et propositionnel”. Avec ça, on est bien avancés.

 

Le texte “stratégique” est lui beaucoup plus bizarre. Il commence par le traditionnel message triomphaliste (en résumé, “le Front de Gauche a battu Sarkozy” et “le Front de Gauche pèse de plus en plus”), il fait ensuite le procès de François Hollande – sans oublier le paragraphe “féministe” incongru mais qui fait partie des figures imposées dans ce genre de textes. Une fois ces classiques évacués, on passe aux choses sérieuses. On retrouve dans ce document le “virage” que j’avais signalé sur le texte préparatoire au congrès du PG, avec une référence aux convergences avec la gauche du PS et EELV on ne peut plus explicite: “Nous savons déjà que des convergences sont possibles avec des secteurs, des militants et des responsables socialistes et EELV (…) Nous nous tournons également vers les courants issus de l’écologie radicale et de l’extrême gauche qui partagent cette démarche.“. Gauchisme assumé serait a moitié pardonné ?

 

Ensuite, après un paragraphe convenu et pas vraiment novateur sur les moyens de “développer le Front de Gauche”, on passe aux choses sérieuses: les élections. Mais de toute évidence il y a de l’eau dans le gaz, puisque le sujet, annoncé dans le titre, est évacué dès le premier paragraphe: “Ces élections municipales et européennes feront l’objet d’un débat spécifique entre nos organisations mais nous en traçons quelques traits“. On est devenu prudent…

 

Autre bizarrerie: ces textes font l’objet d’une diffusion très inégale. Le premier figure sur le site de la FASE, mais n’est repris dans aucun des sites nationaux des partis membres du Front de Gauche. Le second ne figure que sur les sites du PG (site officiel, blog des dirigeants) mais on ne trouvera pas trace dans les autres sites… et notamment sur le site du PCF, qui semble-t-il laisse ses militants dans la plus parfaite ignorance concernant ces deux textes. Et pourtant, ce n’est pas rien: le premier est censé clarifier le fonctionnement du FdG, le second est qualifié de “texte stratégique”… mais peut-être que derrière “l’unanimite” avec laquelle ces textes sont censés avoir été approuvés, il y a quelques arrières pensées…

 

Et finalement, dernière question: le PCF prépare son congrès qui aura lieu dans une semaine. Celui du PG aura lieu dans un peu plus d’un mois, en mars. Et pourtant, les directions de ces deux partis, qui sont censées être totalement renouvelées lors de ces congrès ont donné leur accord à un “texte stratégique”. Drôle de conception de la démocratie, que de lier les mains des directions qui seront issues de ces deux congrès avant même que les congressistes aient pu confirmer la stratégie. Mais il est vrai que ce sont des congrès sans surprise, à tel point verrouillés que les directions sortantes ne s’en cachent même pas et agissent comme si leur reconduction et celle de leur stratégie allait de soi…

 

Descartes

 

 

(1) Ou par ailleurs les commentaires concernant cette affaire ont été rapidement censurés. Peut-être étaient elles “hors sujet”, l’éternel argument invoqué par le webmestre du blog de Jean-Luc Mélenchon…

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12 réponses à L’étrange démocratie du Front de Gauche

  1. Ifig dit :

    Quand j’ai vu un papier sur ce “document stratégique”, je me doutais bien que tu en parlerais à un moment. Et de manière plus détaillée que la presse. Merci.

  2. Ifig dit :

    Maintenant, sur le fond, je suis d’accord avec tes remarques sur le fait que la démocratie nécessite des institutions rigoureuses. En même temps, le front de gauche est quelque chose en
    construction, donc tu pourrais être plus indulgent, si tu souhaitais t’investir dans cette construction, en espérant que ce sont des pêchés de jeunesse et en pointant les problèmes pour les
    corriger. Articuler les différents niveaux de légitimité entre des partis et une coalition de partis est forcément difficile. Ceci étant dit, ça fait quelques années maintenant que le FdG se
    construit.

    • Descartes dit :

      En même temps, le front de gauche est quelque chose en construction, donc tu pourrais être plus indulgent,

      Concernant le Front de Gauche, l’indulgence à laquelle tu m’appelles serait pire qu’un crime. Elle serait une faute. Il est des partis comme des êtres humains: si tu n’exiges pas de ton enfant à
      8 ans qu’il dise bonjour, qu’il cède son siège dans le bus aux anciens, qu’il fasse ses devoirs et qu’il mette pas les pieds sur la table, ce n’est pas à 20 ans que tu iras le faire. Les bonnes
      habitudes se prennent dès le départ, et elles se prennent parce qu’il y a autour de l’enfant des personnes qui sont exigeantes plutôt qu’indulgentes.

      Une organisation est d’autant plus facile à institutionnaliser qu’elle est plus jeune. Une fois les mauvaises habitudes acquises, une fois les mauvais précédents établis, il est très difficile de
      les changer.

      si tu souhaitais t’investir dans cette construction,

      Je l’ai souhaité, je l’ai fait, et j’ai vite compris que c’était sans espoir.

      Ceci étant dit, ça fait quelques années maintenant que le FdG se construit.

      N’est ce pas ? Et tu trouves que son fonctionnement, ses structures, son débat démocratique interne se sont beaucoup améliorés ?

  3. Bannette dit :

    Vraiment la prétention de certains élus PG me dépasse, en quelques semaines décider abritrairement de créer des micros-groupes avec des exclus du PS et/ou EELV, et croyant qu’avec ces gens là,
    ils vont avoir un poids politique…

    Moi la 1ère réflexion qui me vient à l’esprit quand un élu PS/EELV isolé ne fait plus partie d’un groupe à un Conseil Régional, Municipal ou l’Assemblée, c’est pourquoi il ne va pas tout
    simplement dans un groupe déjà préexistant et partageant beaucoup de points communs, et s’y adapte. C’est personnellement ce que je ferais. Enfin je connais la réponse : ces gens ont une telle
    haine et un tel mépris des communistes, sournoisement distillés par 30 ans d’empirisme dans les chaumières du PS/Les Verts, qu’ils préfèrent magouiller des micro-groupes débiles et sans poids
    plutôt que de renforcer les rangs communistes.

    Franchement, déjà que la gauche hors PS/EELV n’a pas beaucoup d’élus, à quoi ça rime d’avoir des groupes de 2/4 personnes ????? Même si un groupe a peu d’élus, déjà en bâtir un avec au moins 10
    personnes (comme à l’assemblée nationale), ça commence déjà à avoir plus de gueule.

    Par exemple, les communistes du Conseil Régional d’IDF se “vantent” qu’ils furent les premiers à défendre l’idée de pass dézoné pour les transports en commun en région parisienne il y a + 10 ans.
    Bien sûr, le projet est plutôt attribué à Duflot et ses sbires dans la presse, mais les communistes au lieu d’un discours du genre “rendez à César/on exige le copyright/c’est nous qui l’avons
    fait tous seuls” (au contraire du fameux “nous sommes les ayant-droits de la défaite de Sarkozy” de JLM) assument le fait qu’ils ont du batailler, faire preuvent d’opiniatreté, maintenir la
    communication avec leurs homologues PS bien plus nombreux afin que cette idée fasse son chemin, et remercient d’ailleurs les 2 groupes PS/EELV du travail en commun. Bref dans le parcours du
    projet de dézonage, on a tout le résumé de ce que doit être un combat politique : 1/ prioriser certaines mesures (ici le dézonage), 2/ continuer à discuter avec des alliés plus ou moins naturels
    même si on ne les aime pas, 3/ ramener l’idée sur le tapis encore et encore, 4/ faire des concessions (du moment qu’on a bien hiérarchisé). Ainsi, devant leurs mandants, les élus communistes
    d’IDF peuvent justifier leurs résultats. Et quand ils se représenteront, expliquer ce parcours d’une idée qui a été acomplie par d’autres et la lenteur de son acheminement ne les désservira pas
    au contraire : cette modestie et cet effacement devant le résultat qui importe (pour l’électeur) sont bien mieux perçus que les slogans du genre “avec moi, la crise financière sera réglée en 6
    mois, yakafokon”. 

    Au Conseil Régional d’IDF, j’avais benoitement posé la question au PG et la réponse fut qu’il y avait des désaccords portant sur les questions écolos (ouf merci^^), mais qu’à 2 groupes distincts,
    ça ne les empêchait pas de travailler ensemble. Mmmmmmmouais, je pense surtout qu’ils sont persuadés d’avoir la Vérité Vraie Révélée et qu’ils refusent le vrai débat argumenté avec les
    communistes et de leur faire des concessions (la mentalité infantile du tout ou rien). les communistes étant plus nombreux, de toute façon, leurs idées qu’ils estiment si géniales, auraient été
    retoquées, et qu’il leur aurait fallu se soumettre à l’avis majoritaire comme dans toute démocratie.

    Je trouve que le micro-parti de Christian Piquet plus loyal et plus coopératif, bien qu’il fasse l’objet de moqueries du genre “la bande à Piquet mange dans la main de celle à Laurent” de la part
    de la bande à Mélenchon. Or Piquet a une conscience aigüe de son caractère minoritaire, et ses très rares élus savent pertinement qu’ils le sont grâce au PCF. On n’a pas entendu de crasses de
    leur part du type création de micro-mini-groupes débiles, qui ont la prétention de renverser la table un de ces jours de tout un Conseil Régional. Dans ses futures négociations
    municipales/européennes, le PCF devrait donner plus de places potentiellement éligibles à ces gens là qu’aux camarades mélenchonistes.

    Pour ce qui est du Nord, des bruits m’ont également fait comprendre que certains PG ont été abasourdis par la création d’un groupe distinct, faite sans concertation et sans même prévenir (ya rien
    de pire qu’un camarade du même comité qui l’apprend par la presse). ça et le départ de Dolez, ça commence à faire beaucoup.

    • Descartes dit :

      Moi la 1ère réflexion qui me vient à l’esprit quand un élu PS/EELV isolé ne fait plus partie d’un groupe à un Conseil Régional, Municipal ou l’Assemblée, c’est pourquoi il ne va pas tout
      simplement dans un groupe déjà préexistant et partageant beaucoup de points communs, et s’y adapte.

      Je suis étonné par ton ingénuité… Les élus PS/EELV “isolés”, ça n’existe pas. Lorsqu’ils quittent leur groupe, ces gens là ont déjà négocié quelque chose de mieux. Tu crois vraiment que Moglia
      a d’abord quitté son groupe et ensuite cherché pour se trouver des gens pour constituer un nouveau groupe ?

      Franchement, déjà que la gauche hors PS/EELV n’a pas beaucoup d’élus, à quoi ça rime d’avoir des groupes de 2/4 personnes

      Il y a encore des gens qui préfèrent être la tête d’une souris plutôt que la queue d’un lion…

      Bref dans le parcours du projet de dézonage, on a tout le résumé de ce que doit être un combat politique : 1/ prioriser certaines mesures (ici le dézonage), 2/ continuer à discuter avec des
      alliés plus ou moins naturels même si on ne les aime pas, 3/ ramener l’idée sur le tapis encore et encore, 4/ faire des concessions (du moment qu’on a bien hiérarchisé). Ainsi, devant leurs
      mandants, les élus communistes d’IDF peuvent justifier leurs résultats.

      Mille fois d’accord. C’est ainsi que se sont écrites les plus belles pages du “communisme municipal”. Si le PCF a eu un rôle si important dans notre pays, c’est parce qu’à la fin de la guerre il
      a su marier harmonieusement la vision des “lendemains qui chantent” dans le long terme avec une véritable politique d’amélioration de la vie des gens sur le court terme. Et qu’il a choisi ses
      alliés non pas en fonction d’un amour éternel, mais pragmatiquement en fonction de ce qu’on pouvait faire ensemble. Tout le contraire des branquignols actuels, qui refuseraient d’aller au
      gouvernement avec un De Gaulle sous prétexte “qu’il est de droite”.

      Je trouve que le micro-parti de Christian Piquet plus loyal et plus coopératif,

      J’avoue que je connais très mal ce groupuscule. Je ne supporte pas le style personnel de Piquet, surtout lorsqu’il s’échauffe. Mais je dois reconnaître que je n’ai pas eu vent de situations dans
      lesquelles les gens de la GU aient cherché à magouiller contre leurs alliés ou à tirer un avantage personnel.

       

       

  4. bernard dit :

    bonsoir Descartes , curieusement on retrouve le même langage dans le syndicat cgt , on saute sur tout ce qui bouge en espérant que la sauce prend forme , sur fond bien sur d’europe sociale 

  5. Marencau dit :

    Bonjour Descartes,

    Ah… quelle tristesse que je ne puis commenter plus souvent par manque de temps… mais le coeur y est – je peux te l’assurer – aussi voici un
    petit message d’encouragement et de voeux pour cette année 2013.

    Et puis puisque j’y suis et que j’ai énormément de billets de retard, autant en
    profiter pour commenter un peu celui-ci.

    Le cas du FdG est intéressant, mais je me permet d’extrapoler un petit peu sur ce que devrait être la structure idéale d’un parti. C’est un
    sujet sur lequel je crois que tu as beaucoup travaillé et là encore dans ce billet, j’ai l’impression entre autres que ta critique provient du fait que des déclarations d’intentions vagues ne se
    traduisent pas par l’instauration d’une institution au fonctionnement clairement défini (chargé de faire respecter les principes choisis). Mais à quoi devrait ressembler ces institutions ?

    Alors, reprenons depuis le début. En tant que matérialiste, je pense qu’un parti politique ce n’est pas des gens qui définissent ensemble un
    intérêt général, rejoints ensuite par des militants convaincus que cet intérêt général est “le bon”. Au contraire, ce sont des gens qui se mettent en accord pour défendre leurs intérêts qui
    ensuite sont défendus en tant que tendant vers “l’intérêt général”. Est-on d’accord en gros sur ce point ? 

    Mais bon, tous les militants n’ont pas exactement la même vision des choses, la même conception de leurs intérêts, les même envies de
    réalisation, les même ambitions pour leur parti… alors, comment choisir ? Comment constituer une direction compétente à partir de tant d’opinions divergentes même à
    priori suffisamment rapprochées ? Au niveau électoral hors parti, la démocratie directe donne une confrontation “brute” des intérêts. Mais dans un parti, a-t-on besoin de corps
    intermédiaires ?  De même, il faut à priori définir une sphère pour savoir quelle est à la limite entre un débat dans le parti et un débat entre partis… sphère bien sûre définie non par la
    pureté de la réflexion mais aussi par les opportunités stratégiques, mais cela peut-être tranché lors des congrès…

    • Descartes dit :

      Ah… quelle tristesse que je ne puis commenter plus souvent par manque de temps…

      Tristesse partagée, je te l’assure. Ce qui fait pour moi au moins la moitié de l’intérêt de ce blog, c’est l’échange avec mes commentateurs… alors, un petit effort…

      mais le coeur y est – je peux te l’assurer – aussi voici un petit message d’encouragement et de voeux pour cette année 2013.

      Mes meilleurs voeux pour toi aussi, et merci de l’encouragement j’essaierai d’être à la hauteur… 😉

      Le cas du FdG est intéressant, mais je me permet d’extrapoler un petit peu sur ce que devrait être la structure idéale d’un parti. C’est un sujet sur lequel je crois que tu as beaucoup travaillé
      et là encore dans ce billet, j’ai l’impression entre autres que ta critique provient du fait que des déclarations d’intentions vagues ne se traduisent pas par l’instauration d’une institution au
      fonctionnement clairement défini (chargé de faire respecter les principes choisis). Mais à quoi devrait ressembler ces institutions ?

      Alors, reprenons depuis le début. En tant que matérialiste, je pense qu’un parti politique ce n’est pas des gens qui définissent ensemble un intérêt général, rejoints ensuite par des
      militants convaincus que cet intérêt général est “le bon”. Au contraire, ce sont des gens qui se mettent en accord pour défendre leurs intérêts qui ensuite sont défendus en tant que tendant vers
      “l’intérêt général”. Est-on d’accord en gros sur ce point ?

      Pas vraiment, je le crains… Je pense que ton matérialisme est légérement mécaniste. Il y a une dialectique qui rend les choses un peu plus compliquées. On trouve des millionnaires qui ont
      adhéré au Parti Communiste, et au contraire des ouvriers qui ont adhéré au Modem. Si les intérêts économiques déterminent “en dernière instance” les conduites des classes, ce n’est pas forcément
      vrai au niveau des individus.

      Un parti naît autour d’une idéologie. Cette idéologie n’a pas un rapport mécanique avec les “intérêts” des gens qui en sont membres. Chèvenement n’est pas, du point de vue de classe, très
      différent de beaucoup de dirigeants socialistes. Et pourtant, leurs idéologies sont fondamentalement différentes. Là où les intérêts jouent un rôle, c’est dans la manière dont un parti politique
      se développe. Un parti conquiert le pouvoir ou au contraire en est éloigné dans la mesure où son idéologie rencontre les intérêts d’une classe ou d’un groupe social.

      Mais bon, tous les militants n’ont pas exactement la même vision des choses, la même conception de leurs intérêts, les même envies de réalisation, les même ambitions pour leur parti… alors,
      comment choisir ? Comment constituer une direction compétente à partir de tant d’opinions divergentes même à priori suffisamment rapprochées ?

      La réponse se trouve dans le mot que j’ai utilisé plus haut: dans l’idéologie. Tous les militants n’ont pas à avoir “exactement la même vision des choses”. Mais ils doivent tout de même partager
      une certaine interprétation de la réalité qui les entoure, sans quoi il est impossible de penser et d’agir ensemble. C’est pourquoi l’idée d’un parti qui n’exclut personne est un leurre. Un
      parti, comme n’importe quelle institution, doit tracer une frontière entre ce qui est “dedans” et ce qui est “dehors”. Le militant qui ne partage une certaine idéologie doit être mis dehors. Non
      pas comme sanction, mais simplement parce qu’il n’est pas à sa place.

      Au niveau électoral hors parti, la démocratie directe donne une confrontation “brute” des intérêts.

      Mais ce qui est bon pour la cité n’est pas bon pour un parti. Le gouvernement de la cité a pour objectif de gouverner en mettant en oeuvre des mesures acceptables par tous. C’est un compromis
      permanent. Le parti, lui, a pour fonction de proposer à ses concitoyens une politique cohérente qui correspond à une vision du monde. Il est donc tenu à une obligation de cohérence qui n’est pas
      celle d’un gouvernement.

      Mais dans un parti, a-t-on besoin de corps intermédiaires ? 

      Je ne le crois pas. Les corps intermédiaires sont la traduction de la diversité d’une société. Ils sont là pour représenter des intérêts particuliers. Mais dans un parti, la diversité est
      beaucoup plus réduite. Et il n’y a aucun intérêt à voir représentés les intérêts particuliers.

      De même, il faut à priori définir une sphère pour savoir quelle est à la limite entre un débat dans le parti et un débat entre partis… sphère bien sûre définie non par la pureté de la
      réflexion mais aussi par les opportunités stratégiques, mais cela peut-être tranché lors des congrès…

      Je vois… un optimiste…

  6. Baruch dit :

    Je trouve que la question de l'”organisation” d’un “front” est une question plus que piégée.

    Je comprends plus  aisément que l’on pose la question de l'”organisation” d’un” parti”, qui se fonde comme tu le dis autour d’une idéologie, idéologie vague au départ, spontanée (comme on
    parlait dans ma jeunesse du matérialisme comme philosophie spontanée des savants) , mais Parti dont la fonction va être d’ élaborer aussi cette idéologie, de  lui forger des concepts, des
    outils, des références, un parti qui transmet et éduque (toutes choses qui semblent se déliter et se dissoudre actuellement dans l’émotion et le lyrisme partagé). Je trouve qu’on doit, qu’il faut
    comme tu le dis “marquer de claires délimitations” effectivement pour un parti .La question d’une organisation, de l’organisation est nécessaire pour un parti.

    Mais un “front”? Est-ce autre chose que “tactique”, j’entends par là, circonstantiel , limité à une phase déterminée de la vie politique, un front c’est une alliance et dans cette alliance se
    jouent à la fois la poussée pour obtenir le but qu’on a déterminé, mais aussi le rapport de forces entre les partis qui composent l’alliance ,il ne saurait en être autrement. dialectique comme on
    dit le rapport!, C’est à dire concevant le négatif comme immanent au positif comme disait le vieil Hegel!

    Je trouve dans la phase actuelle, derrière l’unité proclamée, ou la lutte active, précise telle que celle que”Banette” a décrite plus haut, il y a dans le front de gauche un poker menteur tous
    azimuts . Le PG pensant que le PCF est cliniquement mort, et voulant prendre sa place. Pour cela il se déclare moderne, ouvert, généreux, bien aidé par les mutants de la direction.

    Pendant ce temps là les militants communistes qui restent ou qui sont encore accrochés à leur idéal, un peu radotants et crapoteux comme moi (tu remarqueras que je n’écris pas ces mots en les
    redoublant et en ajoutant -es) se surprennent à leur faire la leçon : Camarades, vous trahissez, votre union votre machine à unifier pour la poussée contre le capitalisme est une mélée qui
    croûle, vous n’avez rien lu, vous êtes des paresseux intellectuellement, politiquement, économiquement. Vous vous réfugiez dans des discours des phrases toutes cousues, toutes controuvées. et
    beaucoup de militants actifs sont devenus désabusés. Effectivement faire un “front” c’est une bonne idée,quand on a déterminé le but à long terme: l’émancipation de l’homme et l’abolition des
    classes. Mais c’est quoi organiser un front en Parti, pour gagner une élection? C’est liquider le Parti.

    Pourquoi pas si le parti n’est plus qu’une dépouille, et n’a plus conscience de ses buts? Ma foi, on bâtira autre chose. Oui, mais dans la construction du front-comme-parti ce n’est pas seulement
    le PCF qui retournera à la poussière et à la critique rougeuse des souris, ce sera l’idée communiste elle-même.

    Alors que nous avons besoin d’une nouvelle approche communiste, il est promu un vague méli-mélo écolo-socialisme, mâtiné de féminisme à trois sous dont la grande affaire sera de débaptiser
    l’école “maternelle” car le terme est connoté machiste! (bientôt il faudra parler d’Anne Lauvergeon et de Parisot comme de “matrones” et pas de patrones si on les suit dans leur délire), bon,
    bref, là où par delà les crimes du stalinisme, la défaite de l’Urss et dans la nouvelle phase du capitalime, intégrant de nouveaux champs grâce à l’extraordinaire développement de la technique,
    là donc où il faudrait une organisation puissante, efficace, intellectuelle et mettant les masses en marche, on voit un Frontde gauche qui propose le  droit au désir et à la mer comme avenir
    de l’homme..

    L’analyse des petites trahisons des groupuscules groupusculants où chacun cherche sa place et son expression, la tentation vert, mer, écosocialisme, les regroupements, placer un thème, un terme
    une expression, avoir une influence montre bien comme l’intérêt général que Républicains, Gaulistes, communistes partageaient n’est plus au centre.

    Je sens que je me fais vieille à vitupérer ainsi, et il se fait tard. Mais  je me sens plus que piégée par les temps qui courent !

     

     

     

    • Descartes dit :

      Mais un “front”? Est-ce autre chose que “tactique”, j’entends par là, circonstantiel , limité à une phase déterminée de la vie politique

      Là est toute la question. Un “front” se constitue entre des organisations aux idéologies différentes à partir d’un “contrat” minimum. Cet un accord dans lequel des organisations qui veulent aller
      vers des destinations différentes s’accordent sur le fait qu’elles peuvent faire un bout de chemin ensemble. Mais sauf à ce que certains renoncent à leur destination finale, il est évident qu’il
      arrivera un moment où les chemins des membres du “front” devront se séparer…

      Le problème du Front de Gauche est que l’objectif de ses différentes composantes n’est pas de faire un bout de chemin ensemble, mais de faire adopter sa destination aux autres et donc de
      transformer le Front en un véritable Parti à son image. C’est pour cette raison que son institutionnalisation est impossible: institutionnaliser le Front, c’est “congéler” son caractère
      d’alliance tactique.

      Je trouve dans la phase actuelle, derrière l’unité proclamée, ou la lutte active, précise telle que celle que”Banette” a décrite plus haut, il y a dans le front de gauche un poker menteur
      tous azimuts.

      Ce n’est pas nouveau. Le Front s’est construit sur un accord de base dans lequel le PCF sacrifiait la candidature présidentielle à Mélenchon en échange de l’aide pour sauver ses élus. C’est
      pourquoi malgré les tentations et un certain nombre de coups de canif, le PCF a tout de même pu garder le contrôle des candidatures dans les circonscriptions qui l’intéressaient. Le problème
      aujourd’hui est que ce pacte se fissure parce que les activistes du PG veulent leur part du fromage.

      Effectivement faire un “front” c’est une bonne idée,quand on a déterminé le but à long terme: l’émancipation de l’homme et l’abolition des classes.

      Non. Si l’on avait un allié avec lequel on partage les buts, alors il n’y a aucune raison de ne pas fusionner avec lui. Si on fait un “front”, c’est précisement parce qu’on n’est pas d’accord sur
      les buts stratégiques, seulement sur des buts tactiques. Je n’ai personnellement rien contre la stratégie du “front”, à une condition: que les choses soient claires. Un “front” est un contrat, et
      ce contrat doit être public. Il faut que les droits et les obligations de chaque partenaire, que la manière dont les décisions communes se prennent et la latitude que chaque partenaire a pour les
      appliquer soient précisées sans ambiguïté. Ce n’est pas le cas du Front de Gauche, dirigé par des instances dont on ne connaît publiquement ni la composition, ni les pouvoirs, et qui ne
      produisent jamais le moindre compte-rendu.

      Alors que nous avons besoin d’une nouvelle approche communiste, il est promu un vague méli-mélo écolo-socialisme, mâtiné de féminisme à trois sous dont la grande affaire sera de débaptiser
      l’école “maternelle” car le terme est connoté machiste!

      Et si on l’appellait “paternelle” ? Ah non, ça sent trop le patriarcat… 😉

      Je sens que je me fais vieille à vitupérer ainsi, et il se fait tard. Mais  je me sens plus que piégée par les temps qui courent !

      Ne vous découragez pas! Nous les vieux – moi aussi, j’assume – nous avons une grande responsabilité: celle de continuer à raconter aux jeunes une autre histoire. De leur expliquer que ce qu’ils
      ont devant eux n’est pas le seul possible. Qu’il fut un temps ou l’on pensait rationnellement le réel dans le Parti, et que c’est donc possible de le refaire. Pas comme avant, certainement.
      Différement. Mais que c’est possible.

  7. CVT dit :

    Bonsoir Descartes,

    je viens de lire la nouvelle à propos du 36è congrès du PCF: la direction a supprimé la faucille et le marteau sur les tracts et les documents officiels! Bien des militants s’en sont émus,
    apparemment. Ca ne m’étonne pas vraiment, étant donné ce qu’est devenu le PCF, qui n’est que l’ectoplasme de ce qu’il fut dans les années 70: à l’époque, bien des journaux faisaient la une
    d’un congrès du PCF…Sic transit gloria mundi… Pourquoi ne pas changer de nom, au point où la direction en est
    arrivée?

    Et pourtant, je n’ai jamais été communiste, mais j’ai grandi dans une ville cernée par des mairies communistes, donc ça me fait toujours un peu quelque chose, en tant que socialiste “authentique”
    (je ne parle pas des sociaux-démocrates ou libéraux-libertaires…).

     

    • Descartes dit :

      je viens de lire la nouvelle à propos du 36è congrès du PCF: la direction a supprimé la faucille et le marteau sur les tracts et les documents officiels! Bien des militants s’en sont émus,
      apparemment.

      J’ai eu de vent de cette affaire. Mais en fait, il n’y a là rien de nouveau. Les “outils” ont été progressivement éliminés des affiches et des documents du PCF à partir du 28ème Congrès, avec la
      “mutation” du père UbHue. La seule nouveauté est qu’ils ont cette année disparu du dernier document qu’ils décoraient encore: la carte d’adhérent. A la séance d’aujourd’hui, d’ailleurs,
      quelqu’un a posé la question et s’est vu répondre de la tribune que “la faucille et le marteau ont disparu des décorations du Parti il y a trente ans” (ce qui nous place en 1983, bien avant la
      chute du Mur de Berlin…) alors qu’un autre dirigeant est intervenu pour répondre que les “outils” avaient disparu depuis 15 ans…

      Il faut d’ailleur noter que cette disparition n’a jamais fait l’objet d’un vote explicite de quelque instance que ce soit. Faut croire que certains symboles font encore trop peur pour qu’on ose
      véritablemetn en discuter…

      Je dois dire par ailleurs que la séance d’aujourd’hui était un régal pour l’observateur avec un peu d’humour. Ainsi, par exemple, le congrès a rejeté avec mépris une motion visant à réintroduire
      le mot “socialisme” dans le texte, ses défenseurs ayant été accusés de “vouloir ramener le Parti quinze ans en arrière”. Quelques heures plus tard, lorsque le micro fut donné au secrétaire
      général du “Forum de Sao Paulo”, celui-ci conclut son discours avec un “vive le socialisme”… et le congrès d’applaudir avec ravissement. Vérité au délà des Pyrenées, mensonge en déçà…

       

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