« L’autre Allemagne » de Joachim Gauck

Ces dernières années, il est devenu de bon ton d’inviter des dirigeants allemands à accompagner nos autorités à nos célébrations publiques. On peut longuement débattre sur ce qu’on peut tirer de la vue des soldats de al Wehrmacht – pardon, de la Bundeswehr – défilant le 14 juillet sur le pavé parisien. Mais là où cela devient indécent, c’est lorsqu’on invite des dirigeants allemands a assister à ces commémorations liées aux deux guerres mondiales.

A ce propos, il n’est pas inutile de rappeler que dans ces affairs ce sont les allemands, et pas nous, qui ont quelque chose à se faire pardonner. Ce serait donc à eux, s’ils veulent venir, de solliciter humblement la possibilité d’y participer, ce n’est certainement pas à nous d’en prendre l’initiative. Ces invitations ont d’ailleurs un côté indécent : je peux éventuellement pardonner l’homme qui a tué mon père, mais je ne l’inviterai certainement pas à se recueillir avec moi sur sa tombe. Pardonner, pourquoi pas. Mais le pardon n’efface pas la faute, et la présence d’un dirigeant allemand à Oradour est pour moi une insulte aux victimes. Joachim Gauck aurait du le comprendre et refuser poliment l’invitation : si son but est d’exprimer le repentir de la nation allemande – un repentir dont je doute personnellement qu’il soit très partagé, mais cela est une autre histoire – répondre « non somus dignus » aurait eu bien plus de gueule. L’utilisation de ces tragiques évènements aux fins de « com » et de propagande pour la « construction européenne » est pour moi totalement inacceptable.

Mais la manière dont Joachim Gauck, président de la République fédérale d’Allemagne qui doit accompagner François Hollande sur le site d’Oradour sur Glane, explique le but de sa visite ajoute l’insulte à l’injure. Voici ses propres termes, s’adressant au président français : « Vous avez bien voulu que je sois à vos côtés à Oradour pour qu’on se souvienne ce que des Allemands d’une autre Allemagne ont commis comme atrocités ». Et il ajoute, s’adressant cette fois-ci aux survivants et aux familles des victimes: « je n’hésiterai pas, en pleine conscience politique, à dire que cette Allemagne que j’ai l’honneur de représenter est une Allemagne différente de celle qui hante leurs souvenirs ». Résumons donc : l’Allemagne dont les soldats de la division « Das Reich » ont assassiné collectivement 642 civils dont plus de 200 enfants le 10 juin 1944 dans des conditions horribles – après avoir assassiné 99 personnes à Tulle quelques jours plus tôt – est un « autre Allemagne », tout à fait « différente » de celle qui hante nos souvenirs.

Je me demande si Joachim Gauck a déjà entendu parler d’un certain Lammerding. Et c’est fort dommage, car ce n’est pas n’importe qui. Né à Dortmund en 1905, adhérent au parti Nazi depuis 1931, entré en 1935 à la SS, il gravira tous les échelons jusqu’à sa promotion au grade fort élevé de SS-Brigadenführer (général de brigade) et accessoirement « lieutenant-général de la Waffen SS » en 1944. Il doit cette promotion à sa fidélité personnelle à Himmler et à ses exploits sur le front de l’Est, particulièrement dans la politique d’exécution de civils et de destruction de villages pour combattre les partisans. En 1944, il commandera la division « Das Reich » qui s’illustrera par des actes de barbarie similaires à Tulle et Oradour-sur-Glane. Il fera d’ailleurs partie du dernier carré de fidèles, commandant la division « Nibelungen », la dernière à se battre pour son Führer dans les ruines de Berlin…

Ca, me direz vous, c’était « l’autre Allemagne ». Mais qu’est devenu Lammerding dans la nouvelle Allemagne, celle dont Gauck nous explique qu’elle est « différente » ? Et bien, Lammerding sera jugé sous l’inculpation de crime de guerre pour les massacres de Tulle et d’Oradour, est sera condamné à mort par contumace par le tribunal de Bordeaux en 1949. Cette condamnation ne changera guère sa situation. L’Allemagne fédérale ne donnera jamais aucune suite aux demandes répétées d’extradition venues de la France. Lammerding n’aura même pas besoin de se cacher ou de changer d’identité. Il s’offrira même le luxe de proclamer en 1962 et sur procès verbal qu’il ne ressent aucune culpabilité et de faire un procès à un journaliste qui avait eu l’outrecuidance de penser autrement et de le dire. Il poursuivra une juteuse carrière d’ingénieur jusqu’à sa retraite, et décédera d’un cancer en 1971 entouré d’une famille aimante et de nombreux amis. A ses obsèques, qui réuniront le ban et l’arrière ban des anciens des SS, personne n’aura le mauvais goût d’évoquer les hommes pendus de Tulle ou les femmes et les enfants carbonisés dans l’église d’Oradour sur Glane.

On peut donc se demander si la « nouvelle Allemagne » que Gauck est si fier de présider a vraiment tourné le dos aux fantômes de « l’autre Allemagne ». Si Joachim Gauck veut nous rassurer, au lieu de déverser les poncifs habituels sur l’indéfectible amitié franco-allemande et sur la barbarie d’une « autre Allemagne » qui n’est plus, il pourrait peut-être nous expliquer pourquoi la nouvelle Allemagne, celle « qu’il a l’honneur de présider » a permis à des gens comme Lammerding – et bien d’autres, parce que Lammerding n’est qu’une goutte d’eau dans la mer – de mener des vies heureuses et tranquilles sous sa protection (1). Et pourquoi cette Allemagne ne se décide finalement à poursuivre timidement quelques anciens nazis qu’après avoir attendu qu’ils soient morts ou grabataires, pour les libérer ensuite rapidement « pour raison de santé ».

Non, monsieur le président Gauck. L’Allemagne que vous présidez n’est pas une « autre Allemagne », et l’histoire ne se découpe pas en tranches. On ne peut pas prendre la période nazi, la mettre dans un coffre fermé à double tour, jeter la clé à la mer et faire comme si elle n’avait aucun rapport avec vous. Les allemands vivants, c’est entendu, n’ont pas à être tenus pour responsables de ce qu’on fait les allemands morts, et il serait injuste de leur reprocher leurs crimes. Mais les allemands vivants sont tout de même responsables de ce qu’ils ont eux-mêmes fait. L’Allemagne de Gauck n’est pas coupable d’avoir massacré les habitants d’Oradour, mais elle est coupable d’avoir laissé des gens comme Lammerding impunis. Et les dirigeants de l’Allemagne qui a permis et toléré ce déni de justice devraient avoir la décence de ne pas mettre les pieds à Oradour.

PS: Depuis que j'ai écrit cet article, la visite a eu lieu et j'ai pris connaissance du discours du président Gauck à Oradour. En le lisant, je me suis dit que j'avais peut-être été trop sévère à son égard. Après tout, il faut lui reconnaître d'avoir répondu en partie à mon objection en déclarant, s'adressant aux familles des victimes, "Je partage votre amertume par rapport au fait que des assassins n'ont pas eu à rendre des comptes ; votre amertume est la mienne, je l'emporte avec moi en Allemagne, et je ne resterai pas muet". Ce sont des fortes paroles, dont il faudra juger la sincérité à l'aune de ce que Joachim Gauck dira publiquement une fois rentré dans son pays. Mais je ne peux que me demander comment Gauck peut d'un côte proclamer la fierté de présider une "autre Allemagne" tout en ressentant l'amertume qu'elle ait laissé impunis les crimes de l'ancienne…

Descartes

(1) Heinz Barth, un autre participant au massacre d’Oradour sur Glane, avait lui été obligé de vivre caché en RDA. Il avait finalement été démasqué, condamné et emprisonné par en 1983. Il sera libéré par la « nouvelle Allemagne » après la réunification en 1997 « pour raison médicale », et vivra libre les dix dernières années de sa vie. Je laisse le lecteur tirer ses propres conclusions.

Ce contenu a été publié dans Uncategorized. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

128 réponses à « L’autre Allemagne » de Joachim Gauck

  1. Gérard Couvert dit :

    Je crains que contre les gros tambours de la propagande européiste vos considérations d’un bon sens moral et d’une mémoire historique ne pèsent que bien peu !
    Pour aller plus avant quelle réponse à la lancinante question : le nazisme est-il allemand, pouvait-il naître ailleurs ?

    • Descartes dit :

      @Gérard Couvert

      [Pour aller plus avant quelle réponse à la lancinante question : le nazisme est-il allemand, pouvait-il naître ailleurs ?]

      C’est une très vaste question, qui a fait travailler deux générations de philosophes et d’historiens… On pourrait dire que le meurtre de masse, par exemple, n’a rien de spécifiquement allemand. On y trouve des traces dans les papyrus égyptiens et dans la bible hébraïque, écrits à une époque où l’Allemagne n’était qu’une énorme forêt peuplée par des hommes de Cro-Magnon…

      Cependant, il y a dans le nazisme des traits spécifiques qui plongent leurs racines profondément dans la culture allemande. La définition de la Nation sur une base ethnique, par exemple, avait déjà été signalée dans l’opposition entre Renan et Fichte. De ce point de vue, on peut dire que non, le nazisme en tant qu’idéologie spécifique n’aurait pas pu naître ailleurs. Il est caractéristique de l’Allemagne et de la sphère d’influence germanique. Ce qui ne veut pas dire que des régimes racistes ou génocidaires soient impossibles ailleurs, bien entendu. Mais ils prendraient d’autres formes.

  2. Ruben dit :

    En suivant ce raisonnement, on pourrait se demander s’il faut alors que le Président français se déplace étant données les fautes du régime de Vichy ? En quoi serait-ce moins indécent pour les victimes du Vel d’Hiv ?

    • Descartes dit :

      @Ruben

      [En suivant ce raisonnement, on pourrait se demander s’il faut alors que le Président français se déplace étant données les fautes du régime de Vichy ? En quoi serait-ce moins indécent pour les victimes du Vel d’Hiv ?]

      Bonne question. Je vais essayer d’y répondre. Derrière votre question, se pose celle de savoir quelle est la continuité entre le régime de Vichy et la République française d’aujourd’hui. Est-elle de même nature que celle qui existe entre le IIIème Reich et la République fédérale ? La réponse me semble devoir être négative pour plusieurs raisons :

      D’abord, parce que le régime du IIIème Reich fut un régime voulu par le peuple allemand. Hitler accède au pouvoir démocratiquement. Il l’exerce pendant douze ans sans véritable opposition, ni du peuple, ni des corps constitués, et cela bien avant d’établir le régime de terreur qui sera la règle après 1938. L’armée le soutiendra jusqu’au bout, et les rares groupes qui chercheront à comploter – comme celui de Stauffenberg – le feront non pas parce qu’ils rejettent le nazisme, mais parce qu’ils craignent que le Führer ne les conduise à la défaite. A l’opposé, le régime de Vichy est un régime surgi d’un véritable coup d’Etat associé à une défaite militaire. Même si Pétain est personnellement populaire, le régime se garde bien d’organiser quelque élection que ce soit pour confirmer son assise. Contrairement au nazisme, dont l’idéologie s’implante sans difficulté en Allemagne, la « révolution nationale » ou l’idée de créer un parti unique qui servirait de soutien au régime capotent très rapidement devant le rejet des français et l’opposition des corps constitués. Il n’y a pas à Londres ou ailleurs de « Allemagne Libre » qui proclame « les allemands parlent aux allemands ». Le rapport des français avec les crimes commis par un régime qui leur a été imposé et qu’ils n’ont jamais vraiment accepté ne peut donc pas être le même que celui des allemands avec un régime qu’ils ont voulu et qu’ils ont soutenu jusqu’aux dernières conséquences, et même au delà. L’histoire de Marlène Dietrich est d’ailleurs très illustrative de cette ambiguïté : l’actrice, dont les convictions antinazies étaient connues, se réfugie aux Etats-Unis et soutient activement les alliés. Elle ne pourra jamais retourner vivre en Allemagne, et lorsqu’elle essaye d’y séjourner en 1960, l’accueil est glacial, elle est agressée en pleine rue et on lui crache dessus. Imagine-t-on les français crachant sur Gabin sous prétexte qu’il fut un des premiers à s’engager contre le régime de Vichy ? Il faut croire que pour les allemands de 1960 ( !!) le IIIème Reich n’était pas tout à fait une « autre Allemagne ». Ce n’est certainement pas le cas pour les français, qui n’éprouvent la moindre solidarité envers le régime de Vichy.

      Ensuite, et c’est une conséquence de ce qui précède, parce que la rupture entre Vichy et la France d’aujourd’hui est effective. On peut critiquer l’épuration, considérer qu’elle n’est pas allée suffisamment loin et que beaucoup de pétainistes sont passés à travers les mailles du filet. Mais le fait est que beaucoup ont été jugés – et beaucoup d’entre eux condamnés et éventuellement exécutés – par des tribunaux français. Ce fut le cas pour les leaders politiques – Laval, Darnand, Brinon – mais aussi pour des intellectuels – Drieu la Rochelle, par exemple. D’autres n’ont du leur salut qu’à un exil prolongé. Ce n’est pas le cas en Allemagne : lorsque les allemands récupèrent les manettes en 1949, c’en est fini de la « dénazification ». Les nazis qui n’auront pas été poursuivis par les alliés couleront dès lors des jours tranquilles et poursuivront pour certains de brillantes carrières, jusqu’au sommet de l’Etat : j’ai déjà parlé sur ce blog du cas de Kiesinger, haut fonctionnaire nazi qui est devenu chancelier d’Allemagne en 1966 alors que son passé nazi était parfaitement connu.

      Enfin, et je sens que cela ne va pas vous plaire, il faut faire attention aux comparaisons. Le régime de Vichy est certainement condamnable à beaucoup d’égards, mais ne peut être comparé au régime nazi. Vichy n’a pas son Oradour sur Glane. Je ne connais pas d’ailleurs de cas où le régime de Vichy ait ordonné des représailles sur les populations civiles. De la même manière qu’on peut reprocher au régime de Vichy la rafle du Vel-d’Hiv, mais certainement pas l’extermination des juifs, décidée et mise en œuvre par les allemands à Auschwitz. A supposer même que ceux qui ont ordonné la rafle en connussent les conséquences, il y a une différence objective entre celui qui permet qu’un crime soit commis et celui qui le planifie et le commet effectivement. Il ne s’agit pas de dédouaner le régime de Vichy, mais de rétablir une vérité historique qu’on a tendance à occulter : la « solution finale » est une décision allemande, imposée aux pays occupés. La rafle du Vel d’Hiv, tout comme l’exécution des otages de Chateaubriand et d’autres horreurs du même type ont été imposées au gouvernement de Vichy par les autorités allemandes. Et s’il est juste de noter leur coopération active ou passive, c’est une falsification de l’histoire que de mettre leurs actes sur le même plan que ceux des autorités allemandes.

      Pour ces raisons, je pense que le président de la République est légitime à visiter autant Oradour sur Glane que le Vel-d’Hiv. Il n’y a pas d’ambiguïté quant au fait que la République était en ce temps là du côté des victimes et non du côté des bourreaux. Pour la République fédérale d’Allemagne, c’est moins évident. Un pays qui crache à la gueule de Marlène Dietrich parce qu’elle a soutenu les Alliés, qui fait d’un ancien nazi un chancelier fédéral et qui permet à un Lammerding de vivre riche et tranquille a-t-il rompu véritablement avec ceux qui ont brûlé Oradour ? La question reste posée…

      PS : Je vous invite à lire la note que j’ai ajouté en fin de mon article pour prendre en compte le discours de Joachim Gauck à Oradour, elle répond aussi un peu à votre question.

    • Ruben dit :

      J’avais posté ce commentaire à chaud, cet objection me venant en tête et pensant qu’un développement dessus serait utile. Vous avez parfaitement répondu.
      Je précise que je partage globalement votre impression, sur l’incongruité de la présence de Gauck et la récupération vis-à-vis de la Syrie ; je ne me prononcerai par contre pas sur les sentiments allemands vis-à-vis du nazisme que je ne connais pas assez et envers lesquels vous semblez adopter une position intransigeante qui ne leur laisse pas d’autres choix que d’être affiliés au nazisme : mais les faits sont les faits, je ne prétends pas lutter contre eux, et ne les connaissant pas ici suffisamment (je parle ici de l’opinion des allemands au-delà des procès et autres réhabilitations dont vous parlez) je m’abstiendrai de prendre position.
      Je me permettrai ensuite deux remarques suite à votre réponse. Il n’y a pas eu d’"Allemagne libre", mais l’Allemagne était victorieuse et n’était pas sous l’empire d’un autre Etat que son régime fut détestable ou non ; la France libre fut contre la défaite. Quant aux errements post-guerre, on pourrait ajouter un petit bémol (rien avoir avec les agissements du côté allemand d’accord) avec Mitterrand et ses penchants pétainistes dont vous avez déjà parlé sur ce blog.
      Votre réponse ne m’a donc pas déplue et j’accepte parfaitement que Vichy ne soit pas à mettre sur le même plan que le régime nazi.
      Je conclurai ce message en citant cette brève sur Causeur qui semble reprendre votre argumentation :http://www.causeur.fr/ordaour-allemagne-hollande,24020

    • Descartes dit :

      @Ruben

      [Je me permettrai ensuite deux remarques suite à votre réponse. Il n’y a pas eu d’"Allemagne libre", mais l’Allemagne était victorieuse et n’était pas sous l’empire d’un autre Etat que son régime fut détestable ou non ; la France libre fut contre la défaite.]

      Tout à fait. Vichy est imposé aux français par une défaite. Le fait est qu’il ne s’est pas trouvé suffisamment d’allemands pour contester au IIIème Reich la légitimité à représenter le peuple allemand, alors qu’il s’en est trouvé pour contester celle de Vichy à représenter le peuple français. Et que quinze ans après la défaite de l’Allemagne, le public allemand rejetait une grande actrice pour le seul motif qu’elle avait appuyé ceux qui faisaient la guerre au IIIème Reich. C’est pour cela que comparer le rapport entre le IIIème Reich et la République fédérale à celui qui existe entre Vichy et la République n’a pas de sens. Le IIIème Reich est issu du même peuple que la République fédérale.

      [Quant aux errements post-guerre, on pourrait ajouter un petit bémol (rien avoir avec les agissements du côté allemand d’accord) avec Mitterrand et ses penchants pétainistes dont vous avez déjà parlé sur ce blog.]

      Non. Quand bien même Mitterrand aurait eu des « penchants pétainistes » – ce que personnellement je ne crois pas, je pense surtout que Mitterrand avait des penchants carriéristes, et qu’il aurait offert ses services à quelque régime que ce fut – ce n’est tout de même pas un Lammerding. D’ailleurs, pour se faire élire à la présidence il lui a fallu occulter son passé à Vichy, ce qui montre combien cette étiquette est considérée par la plupart des français infamante.

      [Je conclurai ce message en citant cette brève sur Causeur qui semble reprendre votre argumentation :http://www.causeur.fr/ordaour-allemagne-hollande,24020%5D

      Il m’arrive très souvent d’être d’accord avec des articles du Causeur…

  3. Bonsoir Descartes, et merci pour cet intéressant point historique.

    "un repentir dont je doute personnellement qu’il soit très partagé, mais cela est une autre histoire"
    Mais j’avoue que cette histoire-là m’intéresse beaucoup. Je crois me rappeler que tu as été amené à résider outre-Rhin. Y as-tu observer des choses qui laisseraient à penser que les Allemands (je ne parle pas du gouvernement) ne sont pas très portés sur la repentance?

    Je ne peux m’empêcher de faire le lien avec ce que me disait il y a des années un de mes professeurs d’allemand, et Allemand lui-même: "Vous savez, les Allemands ont un rapport ambigu avec le III° Reich. D’un côté, la Shoah, les exactions, bon c’est difficile d’en être fier, et cela les embarrasse. D’un autre côté, le III° Reich, c’est l’hégémonie allemande sur l’Europe, des succès militaires au début. Les Allemands ne l’avouent pas, mais au fond ils sont un peu fiers d’avoir fait marché l’essentiel de l’Europe au pas allemand…"
    Peut-être est-il difficile pour un peuple de renier une période qui n’est pas dénuée de gloire militaire. Cela étant, la gloire de massacrer des femmes et des enfants désarmés m’échappe. Or Lammerding ne semble pas s’être distingué pour autre chose.

    En revanche, la "Nouvelle Allemagne" semble avoir repris quelques réflexes de l’ancienne, au moins depuis la réunification. Je lisais récemment un article peut-être un peu excessif, mais qui pointait du doigt la politique allemande en Alsace, où, sous couvert de "fraternité européenne", "coopération transfrontalière" et de "promotion d’une identité rhénane", la République Fédérale ou/et le Land de Bade-Wurtemberg subventionne(nt) des programmes qui encouragent l’autonomie, linguistique d’abord (et officiellement), politique ensuite. Pour ma part, je m’inquiète assez des menées de l’UFCE (Union Fédérale des Communautés Ethniques Européennes), qui combat le modèle jacobin français, et dont l’Allemagne est doublement le bailleur de fonds (au niveau national et régional).

    Je te mets l’article en lien:
    http://www.xn--lecanardrpublicain-jwb.net/spip.php?article664

    Bon, il y a peut-être un peu d’extrapolation, mais si les citations de responsables allemands sont exactes, on doit bien convenir que l’Allemagne défend son hégémonie, son modèle… et verrait bien le modèle du voisin français disparaître! J’ai le sentiment que nous Français en sommes arrivés à plus respecter l’Allemagne que l’Allemagne ne nous respecte. Et cela me gêne, en dépit de mon admiration pour la culture et l’histoire passionnantes de ce pays (hors nazisme, bien que le nazisme s’inscrive comme tu le dis dans cette histoire, je crois qu’on peut aimer d’autres composantes de la civilisation allemande).

    Y aurait-il un nouveau conflit larvé franco-allemand? Qu’en penses-tu?

    • Descartes dit :

      @nationalistejacobin

      [Y as-tu observer des choses qui laisseraient à penser que les Allemands (je ne parle pas du gouvernement) ne sont pas très portés sur la repentance?]

      Je ne parle pas de « repentance », terme qui aujourd’hui semble recouvrir le fait de se frapper la poitrine publiquement en toute occasion, chose que je trouve ridicule. Je préfère infiniment les actes aux paroles : la condamnation de Lammerding à une lourde peine et sa mort en prison aurait parlé infiniment plus fort que trente discours.

      Quant au repentir personnel des allemands… je ne peux que citer l’exemple de Marlène Dietrich, conspuée et agressée lors de son retour à son pays natal pour cause de soutien aux alliés. Et cela se passait en 1960… Je veux bien qu’on m’explique comment un peuple qui se repent des crimes du IIIème Reich peut cracher à la figure de ceux qui lui ont résisté.

      [Peut-être est-il difficile pour un peuple de renier une période qui n’est pas dénuée de gloire militaire. Cela étant, la gloire de massacrer des femmes et des enfants désarmés m’échappe.]

      Tu pointes un élément important de la psyché allemande, le culte de la démesure. Ils ont la fierté des « grandes » choses bien faites. Peu importe ce que c’est, pourvu que ce soit « grand » et bien fait. Un désastre, un crime peut être sujet de gloire à condition que ce soit « grand » et bien fait. As-tu lu « Le commandant d’Auschwitz parle » de Rudolf Höss ? Il s’agit d’un texte autobiographique écrit par le commandant d’Auschwitz lors de son séjour dans une prison alliée avant son exécution. On est étonné par la fierté qu’il tire d’avoir « bien organisé » une « grande » usine. Le fait que ce fut une usine de mort ne semble pas l’émouvoir particulièrement. Dans un registre moins dramatique, on pouvait lire le même raisonnement dans le reportage sur la « transition énergétique » allemande diffusé par Arte mercredi dernier. Le discours était « la transition énergétique allemande est un désastre, mais un grand désastre, et les allemands peuvent donc en être fiers ». On retrouve le même type de logique dans la Tétralogie de Wagner. A ce propos, il est drôle que Hitler ait choisi comme héros Siegfried, personnage qui provoque a propre mort et la chute des dieux (rien que ça !) en refusant de rendre l’Anneau à ses légitimes propriétaires…

      [En revanche, la "Nouvelle Allemagne" semble avoir repris quelques réflexes de l’ancienne, au moins depuis la réunification. Je lisais récemment un article peut-être un peu excessif, mais qui pointait du doigt la politique allemande en Alsace, où, sous couvert de "fraternité européenne", "coopération transfrontalière" et de "promotion d’une identité rhénane", la République Fédérale ou/et le Land de Bade-Wurtemberg subventionne(nt) des programmes qui encouragent l’autonomie, linguistique d’abord (et officiellement), politique ensuite. Pour ma part, je m’inquiète assez des menées de l’UFCE (Union Fédérale des Communautés Ethniques Européennes), qui combat le modèle jacobin français, et dont l’Allemagne est doublement le bailleur de fonds (au niveau national et régional).]

      Normal. L’Allemagne est une puissance, elle conduit une politique de puissance. Je ne comprends pas qu’on puisse s’en étonner. Il est vrai qu’on est noyé depuis trente ans par l’idéalisme des eurolâtres qui veulent nous faire croire que « cette fois-ci c’est différent », et que par la magie de l’amour européen les états auraient cessé d’agir en fonction de leurs intérêts et agiraient pour le bien de l’Europe toute entière…

      [J’ai le sentiment que nous Français en sommes arrivés à plus respecter l’Allemagne que l’Allemagne ne nous respecte.]

      Nous français nous avons toujours été de grands idéalistes. Contrairement aux anglo-saxons, il ne nous suffit pas d’avoir raison, nous voulons être aimés. Et cela nous a joué souvent des tours. Il n’est pas inutile de nous rappeler le serment que prêtent les chanceliers fédéraux d’Allemagne : « Je jure de consacrer mes forces au bien du peuple allemand, d’accroître ce qui lui est profitable, d’écarter de lui tout dommage (…) ».

      [Et cela me gêne, en dépit de mon admiration pour la culture et l’histoire passionnantes de ce pays (hors nazisme, bien que le nazisme s’inscrive comme tu le dis dans cette histoire, je crois qu’on peut aimer d’autres composantes de la civilisation allemande).]

      Bien entendu. La civilisation allemande est passionnante, tout comme la civilisation anglaise ou américaine. Seulement, la civilisation c’est une chose, et la politique c’est une autre. On peut aimer les allemands sans pour autant être dupe du fait qu’ils ont des intérêts, qu’ils les poursuivent activement par tous les moyens à leur portée, et que ces intérêts sont très souvent contradictoires avec les nôtres.

      [Y aurait-il un nouveau conflit larvé franco-allemand? Qu’en penses-tu?]

      Bien entendu. Il y a toujours eu un conflit. Seulement, entre 1945 ce conflit a été masqué par un ensemble d’éléments. D’une part, après la parenthèse nazi l’Allemagne postulait à sa réadmission dans l’espèce humaine, et a compris très vite que de bons rapports avec ses voisins étaient la condition sine-qua non pour que sa candidature soit examinée. Ensuite, l’Allemagne fédérale visait la réunification, et là encore elle avait besoin du soutien de ses voisins pour y parvenir. Mais une fois ces objectifs politiques atteints, on est revenu au statu quo ante. L’Allemagne n’a plus aucune raison de nous faire des cadeaux, et nous devrions en faire notre parti.

    • giz dit :

      "D’abord, parce que le régime du IIIème Reich fut un régime voulu par le peuple allemand. Hitler accède au pouvoir démocratiquement."

      Ce ne semble pas avoir été le cas :

      "Avec une rapidité foudroyante et par des moyens tout à fait illégaux, Hitler va asseoir sa dictature en dépit de la faible représentation de son parti au gouvernement et au Reichstag.

      Dès le lendemain de son investiture à la Chancellerie, Hitler dissout le Reichstag et prépare de nouvelles élections pour le 5 mars 1933. Dans le même temps, il trace ce que son chef de la propagande, Josef Goebbels, appelle «les grandes lignes de la lutte armée contre la terreur rouge ».

      Hitler salue Hindenburg à Postdam le 21 mars 1933 Les miliciens de son parti, les Sections d’Assaut (SA), terrorisent l’opposition en guise de campagne électorale (ils commettent pour le moins 51 assassinats)."

      Ce qui a permis le nazisme c’est l’efficacité de ses cadres et l’organisation terribles de la répression interne, ainsi que celles de son armée tout en mettant en œuvre une relance de son économie. Ensuite, les victoires militaires du début ont provoqué une adhésion croissante de la population mise à genoux par la défaite de 1918, la dette de guerre puis les crises économiques, inflationniste puis déflationniste.

    • Descartes dit :

      @giz
      ["D’abord, parce que le régime du IIIème Reich fut un régime voulu par le peuple allemand. Hitler accède au pouvoir démocratiquement." Ce ne semble pas avoir été le cas :]
      C’est tout à fait le cas. Je vous invite à relire le paragraphe que vous citez vous-même :

      ["Avec une rapidité foudroyante et par des moyens tout à fait illégaux, Hitler va asseoir sa dictature en dépit de la faible représentation de son parti au gouvernement et au Reichstag. Dès le lendemain de son investiture à la Chancellerie, Hitler dissout le Reichstag (…)]
      Lisez bien : « dès le lendemain de son investiture à la Chancellerie… ». Et comment est il arrivé à la Chancellerie, ce brave Adolf ? Et bien, à la suite des élections de novembre 1932, qui sont considérés par l’ensemble des historiens comme étant libres et régulières. Il est incontestable que Hitler ait eu recours à la violence et à toutes sortes de méthodes que la démocratie reprouve pour ASSEOIR son pouvoir. Mais pas pour y ACCEDER, et c’est exactement ce que j’avais écrit.
      Quant à la question de savoir si les allemands ont voulu le régime, je vous rappelle combien l’opposition à Hitler a été peu nombreuse pendant les douze années de son règne. Vous me direz que dans le climat répressif de l’Allemagne nazie, l’opposition n’était pas facile. Mais cela n’explique pas pourquoi l’opposition en exil a été si faible, pourquoi les allemands ont autant soutenu le régime, et pourquoi bien après 1945 les allemands ont considéré comme des traîtres ceux qui s’y sont opposés. Rappelons par exemple que Von Stauffenberg n’est devenu un « héros » que récemment, et grâce aux américains, par exemple… Comment comprendre ce comportement, sauf à admettre que le régime nazi comptait avec une large légitimité populaire ?
      [Ce qui a permis le nazisme c’est l’efficacité de ses cadres et l’organisation terribles de la répression interne, ainsi que celles de son armée tout en mettant en œuvre une relance de son économie. Ensuite, les victoires militaires du début ont provoqué une adhésion croissante de la population mise à genoux par la défaite de 1918, la dette de guerre puis les crises économiques, inflationniste puis déflationniste.]
      Mais comment expliquez vous que Marlène Dietrich se soit vu violemment reprocher par ses concitoyens – et cela quinze ans après la défaite du IIIème Reich – son appui aux alliés. En 1960, il n’y avait plus ni la répression interne, ni l’efficacité des cadres, ni les victoires militaires. Pourquoi alors ? Pourquoi l’Allemagne fédérale considérait ceux qui s’étaient battus contre le IIIème Reich comme des traîtres, alors que ceux qui l’avaient servi accédaient aux plus hautes responsabilités ? Là encore, impossible d’expliquer sans admettre que les allemands avaient voulu le régime nazi…

  4. CVT dit :

    Bonsoir Descartes,
    encore une fois, vous cherchez à vous faire des amis :))))! Affirmez que l’Allemagne du IIIè Reich n’est pas une Allemagne si différente de l’Allemagne d’aujourd’hui est perçu par l’establishment comme la pire des insultes germanophobes, un "reductio ad Hitlerium", bref l’arme atomique absolue!
    Remarquez, je comprends votre colère, et dans un certain sens, je la partage! Le premier à blâmer, dans cette affaire, est bien sûr cet imbécile de Hollande (et c’est très dur de parler comme ça pour moi…), qui du haut de son inculture et de sa désinvolture coutumière, joue avec des symboles importants pour notre histoire. Franchement, il y en a assez de se couvrir de cendres pour notre passé durant la deuxième guerre mondiale, il faut en plus qu’on s’humilie devant notre ancien occupant! Jusqu’où va-t-on descendre dans l’auto-flagellation? Après avoir une rafle de Vel’d’Hiv soi-disant uniquement organisée par la France (et non le régime de Vichy), Hollande continue dans l’abaissement du pays et dans la profanation de sa mémoire…
    Ensuite, le président allemand a une drôle de conception de la nation: par définition, une nation, c’est un héritage et une histoire en héritage, et dire que l’Allemagne est "une autre Allemagne", c’est s’exonérer de ses responsabilités devant l’histoire, donc devant soi-même! Encore plus gros, et vous me l’apprenez: certains des criminels ayant commis ces massacres sont demeurés impunis? Vous avez dit juste: on nous bassine suffisamment en France avec la repentance du colonialisme et de l’esclavagisme qu’il est inacceptable d’excuser les Allemands pour l’impunité dont ont bénéficié LEURS criminels de guerre, et Hollande aurait été avisé de demander des comptes, car si vous, Descartes, êtes au courant de toutes ces informations, le président de la République et ses conseillers devraient le savoir. Pour ma part, si vous avez totalement raison à propos du discours ahurissant du président allemand, je vous trouve bien indulgent avec Hollande…

    • Descartes dit :

      @CVT

      [Le premier à blâmer, dans cette affaire, est bien sûr cet imbécile de Hollande (et c’est très dur de parler comme ça pour moi…), qui du haut de son inculture et de sa désinvolture coutumière, joue avec des symboles importants pour notre histoire.]

      Tout à fait. Après tout, ce n’est pas Gauck qui est venu tout seul, c’est Hollande qui l’a invité. Il y aurait mauvaise grâce à trop reprocher à Gauck d’avoir accepté une invitation qu’il aurait eu politiquement du mal à refuser (même si à mon avis il se serait grandi en le faisant, pour les raisons que j’ai expliquées dans mon papier). Le problème, c’est que pour Hollande l’Histoire – comme tout le reste – n’est finalement qu’un outil au service d’objectifs politiques. Sarkozy avait beaucoup de défauts, mais il était capable d’une émotion devant l’histoire. Sa réaction – excessive, comme toujours – lorsque Guaino lui a fait lire la dernière lettre de Guy Moquet est d’ailleurs révélatrice à cet égard. A l’opposé, Hollande est un monstre froid. Oradour, c’est tout juste bon pour faire passer un discours sur la Syrie.

      [ je vous trouve bien indulgent avec Hollande…]

      On m’avait accusé de beaucoup de choses dans ma vie… mais jamais de celle-là !

    • giz dit :

      Que quelques allemands aient fustigés Dietrich ne fait pas une majorité, tout comme nombre de français regrettaient Pétain. De Gaulle a amnistié nombre de pétainistes. C’est la règle après un conflit pour apaiser la situation, éviter d’aller trop loin dans la purge et fait partie des règles de Sun Tzu.

      "Et bien, à la suite des élections de novembre 1932, qui sont considérés par l’ensemble des historiens comme étant libres et régulières."

      Non, les historiens sont loin d’être unanimes sur ce point. Car en quoi employer des moyens illégaux de terroriste pour dissuader l’opposition correspond à une élection démocratique ? A moins que la démocratie ne relève d’une pitrerie bananière où la justice est mise de côté.

    • Descartes dit :

      @giz

      [Que quelques allemands aient fustigés Dietrich ne fait pas une majorité, tout comme nombre de français regrettaient Pétain.]

      Faut tout de même pas exagérer. D’abord, ce n’était pas « quelques allemands ». L’accueil a Marlène Dietrich fut glacial dans la presse et dans les médias. Le public boycotta ses spectacles et des gens l’ont agressé dans la rue. Et ce qui est plus révélateur, il n’y eut pas de mouvement de l’opinion pour condamner ces agissements de « quelques allemands » et montrer une solidarité envers la grande actrice. Oui, « quelques allemands » ont agressé directement Marlène, mais le reste a laissé faire. C’est révélateur, vous ne trouvez-pas ? Imaginez-vous « quelques français » fustigeant Gabin pour s’être engagé dans la France Libre et l’opinion française rester indifférente ? Bien sur que non.

      Je me demande aussi d’où sortez vous que « nombre de français » aient regretté Pétain. Après 1945, les pétainistes ont constitué une infime minorité, dont la position était essentiellement qu’il fallait reconnaître à Pétain un certain mérite d’avoir protégé les institutions françaises pendant l’occupation. A ma connaissance personne, même parmi les pétainistes les plus radicaux, n’a « regretté » la période 1940-45.

      [De Gaulle a amnistié nombre de pétainistes. C’est la règle après un conflit pour apaiser la situation, éviter d’aller trop loin dans la purge et fait partie des règles de Sun Tzu.]

      Certes. Mais avant de pouvoir les amnistier, il a donc fallu qu’ils fussent condamnés. Le problème en Allemagne, c’est que les anciens nazis n’ont pas été condamnés, ni même poursuivis. L’exemple de Lammerding est assez révélateur de ce point de vue. Non seulement il ne fut pas poursuivi, mais il s’est même permis de poursuivre judiciairement un journaliste dont le tort était d’avoir rappelé sa responsabilité dans l’affaire. Par ailleurs, De Gaulle n’a pas amnistié tant de pétainistes que ça. Il est plutôt connu pour avoir refusé d’amnistier certains parmi les plus notables : Drieu La Rochelle, Brasillach, Laval, Pétain lui-même…

      ["Et bien, à la suite des élections de novembre 1932, qui sont considérés par l’ensemble des historiens comme étant libres et régulières." Non, les historiens sont loin d’être unanimes sur ce point. Car en quoi employer des moyens illégaux de terroriste pour dissuader l’opposition correspond à une élection démocratique ?]

      Quels moyens « terroristes » ont été employés lors des élections de 1932 ? Il est vrai que la vie politique allemande était violente, mais elle l’était depuis 1918, et tous les principaux partis avaient des « milices » qui s’affrontaient régulièrement. Les élections de novembre 1932 n’ont pas été moins « libres » que toutes les élections qui les ont précédées sous la République de Weimar. Je crois que vous confondez les élections de novembre 1932 avec celles de 1933.

  5. Dell Conagher dit :

    A en croire certains, le Troisième Reich, c’était une "autre Allemagne", mais la rafle du Vel’ d’Hiv et l’Etat Français c’était bien la France ! Je peine à m’expliquer le décalage assez net entre les troubles français vis à vis de notre histoire nationale, et ce qui me semble être une relative sérénité allemande vis à vis de la leur.

    • Descartes dit :

      @Dell Conagher

      [A en croire certains, le Troisième Reich, c’était une "autre Allemagne", mais la rafle du Vel’ d’Hiv et l’Etat Français c’était bien la France !]

      J’ai déjà abordé ce point dans ma réponse à Ruben ci-dessus. Le IIIème Reich était un régime voulu et élu par le peuple allemand, autonome, soutenu par lui jusqu’au bout et même au-delà. Le régime de Vichy était le résultat d’un coup d’Etat, soumis au bon vouloir de l’occupant, et bénéficiant dans le pays d’un soutien faible (la figure du Maréchal fut populaire, mais la « révolution nationale » ne le fut guère). Il n’y avait pas à Londres une « Allemagne Libre » qui prétendait représenter l’Allemagne, alors qu’il y eut une « France Libre ». Et finalement, après la fin de la guerre il y eut en France une « épuration » conduite par les tribunaux et les autorités françaises. Rien d’équivalent en Allemagne, ou des SS comme Lammerding ont vécu des vies riches et heureuses en revendiquant publiquement leur passé. La continuité entre le IIIème Reich et la République fédérale n’est donc pas de même nature que celle entre Vichy et la République française.

      [Je peine à m’expliquer le décalage assez net entre les troubles français vis à vis de notre histoire nationale, et ce qui me semble être une relative sérénité allemande vis à vis de la leur.]

      C’est là la véritable grandeur de l’esprit français : ne jamais se contenter de rien. La France a un surmoi démesuré – ce n’est pas une critique, juste une constatation. Il ne nous suffit pas d’être ce que nous sommes, nous voudrions en plus être bons, honnêtes, justes, dévoués, clairvoyants… or la période de Vichy, parce qu’elle était une situation-limite, met en évidence toutes les petitesses et les limitations de l’être humain. Des gens qui dans leur immense majorité n’étaient pas tout à fait des salauds mais pas non plus tout à fait des héros ont pris des décisions – qui aujourd’hui nous paraissent mauvaises – pour des raisons plus ou moins nobles avec les informations qu’ils avaient et finalement ont fait ce qu’ils ont pu. Vichy nous renvoie cette image finalement d’une grande banalité à laquelle nous ne nous résignons pas. Et c’est pourquoi nous y revenons régulièrement pour nous flageller, une autre habitude bien française.

      Les allemands n’ont pas ce problème. Ce qui frappe lorsqu’on travaille en Allemagne, c’est cette conviction absolue chez les allemands que tout ce qui est allemand est parfait. Ils n’ont pas de surmoi, parce que le moi occupe toute la place. Lammerding peut faire un procès en diffamation à un journaliste qui l’accuse d’avoir manqué à ses devoirs à Oradour-sur-Glane, outré qu’on mette en cause ses qualités professionnelles. Il ne nie pas avoir massacré femmes et enfants, mais exige qu’on reconnaisse qu’il les a massacré de la manière la plus professionnelle. On imagine mal une situation pareille en France.

    • giz dit :

      Il y a partout des imbéciles, aussi en Allemagne. Cette cérémonie à Oradour me parait ridicule car on ne demande à autrui de nous demander pardon. C’est autrui qui seul de sa propre initiative demande pardon.

      Quelques soient les éléments historiques discutables, incendie du Reichstag, je ne vois pas bien l’intérêt de vouloir encore fustiger l’Allemagne pour des crimes qu’elle a reconnus, même si les poursuites judiciaires n’ont pas été toujours à la hauteur des remords. Je pense que beaucoup d’allemands ont accumulé une énorme honte de cette époque atroce, y compris pour eux. Au point que l’Allemagne se vit comme une grosse Suisse insouciante malgré son poids dans l’économie de la zone euro et ne voulant jamais se mouiller dans la géopolitique des conflits actuels.

      C’est surtout ça qu’on peut lui reprocher dans les temps actuels, sans avoir besoin de ressasser le passé.

    • Descartes dit :

      [je ne vois pas bien l’intérêt de vouloir encore fustiger l’Allemagne pour des crimes qu’elle a reconnus, même si les poursuites judiciaires n’ont pas été toujours à la hauteur des remords]

      C’est un euphémisme. Le fait est n’est pas que "les poursuites n’ont pas été toujours à la hauteur", c’est que les poursuites ont été inexistantes. Dans le cas de Lammerding, non seulement on ne l’a pas poursuivi, mais en plus on l’a protégé de la justice française. Il ne s’agit pas de "fustiger l’Allemagne", mais de rappeler quelques vérités historiques qu’on a une certaine tendance à oublier au profit d’un bisounoursisme eurolâtre. Oui, l’Allemagne a "reconnu" les crimes du IIIème Reich. Mais son comportement montre qu’au delà des reconnaissances diplomatiques, la République fédérale – ce fut différent en RDA – n’a pas vraiment rompu radicalement avec la période nazi.

      [Je pense que beaucoup d’allemands ont accumulé une énorme honte de cette époque atroce, y compris pour eux.]

      Eh bien, je ne vois aucune raison de les décharger de cette honte. Au contraire. Ceux qui oublient l’histoire sont condamnés à la revivre, et je n’ai aucune envie de voir l’histoire recommencer. Avec l’Allemagne, il faut pratiquer la doctrine définie par Cromwell: ok pour s’embrasser, mais gardons la poudre sèche.

      [Au point que l’Allemagne se vit comme une grosse Suisse insouciante malgré son poids dans l’économie de la zone euro et ne voulant jamais se mouiller dans la géopolitique des conflits actuels. C’est surtout ça qu’on peut lui reprocher dans les temps actuels]

      Ce n’est certainement pas moi qui ira leur reprocher. Au contraire, cet état me convient parfaitement. Chaque fois que l’Allemagne a choisi de "se mouiller dans la géopolitique des conflits actuels", cela s’est très mal terminé. Si les allemands l’ont eux mêmes compris, tant mieux pour tout le monde.

      [sans avoir besoin de ressasser le passé.]

      "Ressasser" le passé, comme tu dis, c’est la seule manière de s’en souvenir. Et tu sais ce qui arrive à ceux qui oublient…

    • giz dit :

      La France a aussi son passé sombre, l’esclavage, les aventures napoléoniennes…

      Pour ce qui est d’oublier, je ne risque pas de le faire, une tante résistante communiste déportée à Ravensbrück et rescapée. Un oncle mort de malnutrition pendant l’occupation, mon père aussi n’étant passé pas loin de la mort par tuberculose et malnutrition.

      Mon grand père compositeur, plusieurs premiers prix du conservatoire de musique de Paris, avec des revenus misérables en France s’est vu offert selon ses conditions un poste en Allemagne dans le domaine de la musique, il était un spécialiste de Bach mais aussi de Rameau. Les allemands pendant l’occupation lui ont envoyé une délégation de hauts gradés pour lui faire un pont en or qu’il a refusé ainsi le relate mon père témoin de l’entrevue :

      "Devant le refus de mon père ils le prirent très mal lui demandant s’il n’aimait pas le Peuple allemand, mon père rétorqua que l’on ne pouvait qu’aimer les sublimes musiciens issus de ce peuple. Il finit par dire qu’il ne pouvait être question pour lui d’aller gagner notre subsistance dans un pays ou deux millions de ses concitoyens étaient prisonniers. La réponse vint instantanée "Nous n’insistons pas et vous comprenons", claquements de talons et départ de la délégation."

      Ceux de ma famille ont souffert de la guerre mais n’en ont jamais voulu au peuple allemand.

      En revanche, nombre de français ont dénigré mon grand père en colportant toutes sortes de ragots infects alors qu’il avait caché des juifs dans la cave de son appartement. Un de ses fils, mon oncle, s’est fait tabasser par les communistes car il était horrifié de leur attitude et leur avait dit.

    • Descartes dit :

      @giz

      [La France a aussi son passé sombre, l’esclavage, les aventures napoléoniennes…]

      Et alors ? Je vois mal ce que le « passé sombre » de la France vient faire dans cette affaire. C’est le discours de Gauck qui est en discussion ici. Si demain Hollande déclarait que la France des guerres napoléoniennes était « une autre France », je trouverais cela détestable.

      [Pour ce qui est d’oublier, je ne risque pas de le faire, une tante résistante communiste déportée à Ravensbrück et rescapée. Un oncle mort de malnutrition pendant l’occupation, mon père aussi n’étant passé pas loin de la mort par tuberculose et malnutrition.]

      Je n’aime pas introduire des éléments personnels dans le débat. Mais permettez moi une question : qu’est-ce que cela vous inspire l’idée que les dirigeants de la République fédérale ont tout fait pour que les responsables de la déportation de votre tante et de la mort de votre oncle restent impunis ? Seriez-vous prêt à recevoir chez vous pour partager une fête de famille les responsables de cette injustice ?

      [Ceux de ma famille ont souffert de la guerre mais n’en ont jamais voulu au peuple allemand.]

      Si votre grand-père ne leur en voulait pas, pourquoi a-t-il refusé d’aller travailler chez eux ?

      [En revanche, nombre de français ont dénigré mon grand père en colportant toutes sortes de ragots infects alors qu’il avait caché des juifs dans la cave de son appartement. Un de ses fils, mon oncle, s’est fait tabasser par les communistes car il était horrifié de leur attitude et leur avait dit.]

      Ah, ces communistes… rien à voir avec ces officiers allemands, qui devant un refus claquent les talons, disent « nous comprenons » et n’insistent pas… Sans vouloir vous offenser, méfiez-vous des traditions familiales. Quelquefois, elles ont tendance à embellir les faits.

    • giz dit :

      "Chaque fois que l’Allemagne a choisi de "se mouiller dans la géopolitique des conflits actuels", cela s’est très mal terminé."

      Concernant la France en 1914, ce ne fut pas brillant en termes de se mouiller :

      La France a construit le système d’alliances qui va rendre tout conflit mondial

      La France compense l’instabilité de ses gouvernements par la permanence de ses institutions et de sa bureaucratie. Les ministres passent, les ambassadeurs restent : des diplomates jouent ainsi un rôle considérable.

      Ministre des Affaires étrangères presque inamovible, Théophile Delcassé a fixé la ligne de la politique française : l’alliance avec l’Angleterre est plus précieuse que tous les territoires disputés en Afrique. Ce pourquoi la droite nationaliste se déchaîne contre lui et la presse le traîne la boue ! En 1899, il est, cette fois, critiqué à gauche pour avoir relancé l’alliance franco-russe qui devient de plus en plus clairement une alliance militaire. Le tsar Nicolas II se rend triomphalement à Paris, les Russes et les Français organisent des parades et des manœuvres communes. Ce rapprochement avec le plus antidémocratique des régimes européens heurte bien Jean Jaurès, mais l’opinion républicaine l’approuve, parce qu’il paraît clairement dirigé contre l’Allemagne. Théophile Delcassé n’est pas un va-t-en-guerre, mais il a mis au point un redoutable système d’alliances, qui donne au moindre conflit une dimension européenne, sinon mondiale."

      http://www.marianne.net/Comment-on-declenche-une-boucherie-universelle_a231594.html

      Un peu plus tard la France exigeait l’Euro contre la réunification de l’Allemagne, sans jamais accepter le fédéralisme proposé par l’Allemagne en 1994, condition nécessaire pour une monnaie unique.

      Qui a préparé les poudres ?

    • Descartes dit :

      @giz

      [Concernant la France en 1914, ce ne fut pas brillant en termes de se mouiller : La France a construit le système d’alliances qui va rendre tout conflit mondial]

      Oui, on connaît la chanson… tout est de la faute de la France, ce pays impérialiste, raciste, paresseux, etc. Sans lui, l’Allemagne et le reste de l’Europe auraient vécu dans une paix irénique depuis le début des temps et les guerres mondiales n’auraient pas eu lieu…

      Si vous étudiez l’Histoire dans Marianne, je ne suis pas étonné que vous arriviez à ce genre de conclusions. Dommage qu’elles soient fausses. Le fait est que la France avait expérimenté la politique allemande en 1870. Cette année-là, la Prusse unie aux autres états allemands déclare la guerre à la France avec un faux prétexte, puisque la véritable raison de la guerre est la nécessité pour Bismarck de galvaniser les états allemands derrière la Prusse pour ouvrir les portes à la constitution de l’Empire Allemand. La « générosité » de l’Allemagne se manifestera par l’occupation de la France et l’annexion une partie de son territoire, les départements alsaciens et la Moselle (vous remarquerez que dans toutes les guerres subséquentes, la France n’a jamais imposé à l’Allemagne des concessions territoriales…).

      Peut-on dans ces conditions reprocher à Delcassé et à ses successeurs d’avoir cherché la sécurité dans des alliances ? Qu’aurait-il du faire, rester isolé et faire confiance à l’Allemagne pour rendre poliment l’Alsace et la Moselle et ne pas chercher d’autres agrandissements ? Qu’auriez-vous fait à sa place ?

      [Théophile Delcassé n’est pas un va-t-en-guerre, mais il a mis au point un redoutable système d’alliances, qui donne au moindre conflit une dimension européenne, sinon mondiale.]

      Ah le salaud ! Il aurait du se contenter d’un système d’alliances qui ne fasse peur à personne… Que reproche-t-on ici à Delcassé ? D’avoir constitué un système d’alliances qui garantissait à son pays un soutien qui aurait du être dissuasif en cas d’attaque ? Mais c’est cela la fonction d’un ministre des affaires étrangères, non ? Soyons sérieux : la diplomate française d’avant 1914 a constitué un système d’alliances « qui donnait au moindre conflit une dimension européenne ». Mais c’est l’Allemagne qui a pris la responsabilité, en attaquant la France, d’ouvrir le conflit. J’ajoute que si on avait un minimum de cohérence, on devrait faire le même reproche à l’OTAN…

      [Un peu plus tard la France exigeait l’Euro contre la réunification de l’Allemagne, sans jamais accepter le fédéralisme proposé par l’Allemagne en 1994, condition nécessaire pour une monnaie unique.]

      « Un peu plus tard » ? Vous sautez quelques épisodes, il me semble. Mais vous falsifiez les faits. La France n’a jamais « exigé l’Euro ». Elle a fait une proposition : l’Euro à l’allemande en échange de la réunification. Et l’Allemagne a accepté. Si le paquet ne lui plaisait pas, elle n’avait qu’à le refuser, ou à demander que le fédéralisme soit inclus dans le paquet de Maastricht, puisqu’il était comme vous dites « indispensable au fonctionnement de l’Euro ». On ne peut reprocher à la France de ne pas avoir accepté la tutelle allemande proposée en 1994 sans contrepartie pour faire plaisir aux allemands.

      [Qui a préparé les poudres ?]

      L’Allemagne, en 1870.

    • [Cette année-là, la Prusse unie aux autres états allemands déclare la guerre à la France avec un faux prétexte]
      Ce n’est pas tout à fait vrai. D’abord, il me semble que c’est la France qui a déclaré la guerre. Nous sommes bien d’accord que Bismarck voulait cette guerre pour cimenter la nation allemande autour de la Prusse et qu’il a tout fait pour la provoquer (affaire de la dépêche d’Ems si je ne m’abuse). Mais il faut tout de même rappeler que Napoléon III avait donné des motifs de griefs à la Prusse et aux états allemands, notamment en tentant d’exploiter la guerre austro-prussienne de 1866 pour agrandir la France au nord-est, y compris sur la rive droite du Rhin. C’était de bonne guerre, mais il est assez logique que l’opinion allemande y fût hostile. On peut difficilement reprocher aux Allemands de 1870 d’avoir eu un mauvais souvenir de l’impérialisme français. Par ailleurs, le "prétexte" de la candidature d’un Hohenzollern au trône de Madrid n’était pas si anodin: après tout, il n’était pas souhaitable pour la France qu’un prince prussien pût être un allié du plus puissant état allemand.

      Bismarck voulait donc la guerre, mais il y avait aussi un "parti de la guerre" en France, autour de l’impératrice, et même dans l’opinion. Dire que la "Prusse et les états allemands déclarent la guerre à la France" est factuellement faux, et il est même excessif de dire que seule la Prusse voulait la guerre. Il est plus juste de dire que chacun avait de bonnes raisons de se battre. Autant l’unité italienne ne posait pas de problème majeur à la France, autant l’unité allemande représentait un danger pour nos intérêts… et c’est toujours le cas. Car je voudrais souligner qu’au XX° siècle, la France ne s’est jamais aussi bien portée que lorsqu’il y avait deux Allemagnes…

    • Descartes dit :

      [Ce n’est pas tout à fait vrai. D’abord, il me semble que c’est la France qui a déclaré la guerre.]

      Du point de vue juridique, vous avez raison: c’est la France qui déclare "être en état de guerre" avec l’Allemagne en 1870, comme elle le fera en 1940. Mais en 1870 comme en 1940 la France aura été contrainte à la guerre par une politique agressive de l’Allemagne. Le "parti de la guerre" en France se trouve dans les salons, mais en pratique il n’est pas très ardent. La meilleure preuve en est qu’en 1870 comme en 1940, les troupes françaises ne tentent pas de franchir le Rhin. Comme en 1940, ce seront les troupes allemandes qui les premières initieront les hostilités, et le conflit se déroulera en territoire français.

  6. Trubli dit :

    Bonjour,
    l’amnésie est si facile. Mais les Allemands d’aujourd’hui valent à peine mieux que ceux d’hier. La période nazie aura permis au monde entier de voir la face sombre de la culture allemande.

    http://www.youscribe.com/catalogue/rapports-et-theses/savoirs/sciences-humaines-et-sociales/amnesie-amnistie-memoire-la-jeune-republique-federale-d-allemagne-1529555

    • giz dit :

      Il me semble que la France n’a pas été toujours irréprochable lors de la colonisation, de la traite des noirs, des aventures impériales napoléoniennes dont beaucoup sont encore très fiers. Ceci dit les français ou allemands de maintenant n’ont pas commis ces crimes, mais doivent rester conscients de ceux ci par l’enseignement de l’histoire à l’école.

    • giz dit :

      Les faits ne sont pas glorieux pour les communistes pendant la guerre et après, vous le savez.

      Mon oncle a vécu tout le reste de sa vie avec des séquelles physiques de la barbarie communiste, ce n’est pas une rêverie familiale.

      Concernant ma tante, ce n’est pas un français qui lui a permis de s’échapper de Ravensbrück, mais un officier allemand.

      Glauck ne s’enorgueillit pas du Reich, mais beaucoup de français sont fiers de Napoléon de façon indéniable, méfiez vous aussi des traditions nationales. Mon grand père s’est simplement permis de dire à des hauts gradés que la culture allemande était de valeur considérable mais que l’occupation était inacceptable. Il faisait la part des choses entre des salopards nazis et la culture allemande.

      Vous oubliez beaucoup la rose blanche. J’ai bien peur que vous ne vouliez essentialiser ou ontologiser la question allemande qui est avant tout contextuelle, comme l’histoire de tous les peuples. En cela vous feriez un bon nationaliste heideggerien, le philosophe immense mais malheureusement nazi.

    • Gérard Couvert dit :

      Il ne vous semble pas que les remarques de ce style sont dans le sens de la pensée unique et de la déconstruction du roman national ? Concernant la traite des noirs, il y-a-t-il un seul exemple de pays qui ce soit élevé contre ? ignorez-vous que même Voltaire y gouta, et que les européens n’ont pas rendu esclaves les victimes de la traites mais qu’ils les achetaient à des "grossistes" noirs et/ou musulmans ? L’horrible code nègre était un progrès, il faut juger en fonction des considérations de conscience de l’époque (le débat pourrait être long, je pense à Suétone …).
      La colonisation (celle du XIXeme) est aussi dans le même ordre quoique de nombreuses personnes (à droite notamment) se soient élevées contre ; il faut relire Ferry avec le sens des mots de l’époque et l’on voit bien qu’il s’agissait d’une entreprise généreuse, même si, évidement, elle n’était pas exempte de considération géo-politiques, Lord Kitchner (je crois, c’est un souvenir de presque un demi-siècle !) à écrit un opuscule intéressant comparant les colonies françaises et britanniques..
      Napoléon, le marqueur de l’appartenance politique et culturelle réelle ! La grande armée ne s’est pas conduit différemment des autres armées de l’époque, et même souvent mieux par rapport à notre morale actuelle ; grand brassage d’hommes et de cultures, animés longtemps par l’idéal républicain, l’armée napoléonienne n’est pas une armée de métier ou de soudards, elle n’est pas commandée par des aristocrates cyniques … et est constituée de contingents de toute l’Europe où les français de France sont souvent minoritaires.
      L’Espagne et un peu à part, ce fut l’un des premiers soulèvement de civils contre une armée, mais là aussi il faut voir dans le détail, en particulier les trahisons d’accord et les refus de trêves. Les anti-français sont responsables de massacres de certains catalans qui souhaitaient devenir français ; au bout du compte le nombre de mort n’est pas si élevé que cela. Et puis il ne faut pas oublier que les anti-français étaient les pires réactionnaires possibles, qui ont ensuite éliminé les pro-français : c’est l’une des causes essentielles du retard de l’Espagne durant les 160 ans qui suivent !

    • Descartes dit :

      @giz

      [Les faits ne sont pas glorieux pour les communistes pendant la guerre et après, vous le savez.]

      Cette affirmation gratuite ne mérite même pas l’honneur d’une réponse. D’autant plus qu’avec ce « vous le savez » vous prétendez m’en rendre complice. Un procédé que je trouve totalement inacceptable.

      [Mon oncle a vécu tout le reste de sa vie avec des séquelles physiques de la barbarie communiste, ce n’est pas une rêverie familiale. Concernant ma tante, ce n’est pas un français qui lui a permis de s’échapper de Ravensbrück, mais un officier allemand.]

      Je vous avais prévenu que je n’aimais pas mêler des questions familiales et personnelles à ce genre de discussions, parce que souvent un commentaire franc offense lorsqu’il concerne des sujets qui relèvent de l’intime. Mais puisque vous insistez lourdement, je me considère autorisé à vous dire le fond de ma pensée. Vous m’excuserez encore une fois de ne pas prendre de gants pour vous le dire, mais encore une fois c’est vous qui avez exposé votre histoire familiale, pas moi.

      L’anecdote que vous racontez sur votre grand-père contient beaucoup d’éléments qui me font penser que ce monsieur devait être très proche de Vichy, sinon engagé activement dans la collaboration. Vous savez, il n’était pas courant que les officiers allemands – et encore plus, des « hauts gradés » – se présentassent chez des français leur proposer « un pont d’or » pour aller travailler pour l’Allemagne, et encore moins courant qu’ils répondissent à un refus en claquant les talons et en se retirant après s’être excusés poliment du dérangement. L’officier nazi au comportement honorable avec le vaincu fait partie des clichés pétainistes. Par ailleurs, je vous prie de noter la réponse qu’est censé faire, selon un « témoin », votre grand-père : « Il finit par dire qu’il ne pouvait être question pour lui d’aller gagner notre subsistance dans un pays ou deux millions de ses concitoyens étaient prisonniers ». Le fait que ce même pays occupât la France, les lois antisémites, les patriotes fusillés, l’annexion de l’Alsace-Moselle et l’expulsion de ses habitants pour faire place aux colons allemands, tout cela ne semble pas avoir beaucoup gêné votre grand-père. En tout cas, pas assez pour constituer un motif de refus du « pont d’or » offert par l’Allemagne. Son seul souci, dans votre récit, semble être le sort des prisonniers. Ce langage sera très familiers à tous ceux qui s’intéressent à cette époque : c’est exactement celui que tenait Pétain, qui avait fait du sort des prisonniers une question essentielle de son régime. L’histoire de votre oncle est, elle aussi, surprenante. Je vous cite : « mon oncle, s’est fait tabasser par les communistes car il était horrifié de leur attitude et leur avait dit ». Etait-il aussi « horrifié » par l’attitude de l’occupant allemand ? A-t-il pensé à leur dire ? Probablement pas, autrement il n’aurait pas vu la Libération. Etonnant, le nombre de gens qui ont fermé leur gueule pendant l’occupation quand il s’agissait de dire leur fait aux allemands, mais qui n’ont rien eu de plus important à faire à la Libération que de protester des horreurs communistes…

      L’histoire de votre grand-père « dénigré alors qu’il avait caché des juifs dans la cave de son appartement » a elle aussi quelque chose de familier. Elle ressemble drôlement à l’histoire de beaucoup de collaborateurs qui, l’heure des comptes ayant sonné, se sont tout à coup découvert des amis juifs qui leur devaient la vie… Et pour finir, il y a la tante soi-disant déportée à Ravensbrück. Une tante « résistante communiste », notez-le bien – c’est en pensant à elle que vous écrivez que « les faits ne sont pas glorieux pour les communistes pendant la guerre » ? – qui devrait sa vie à sa fuite facilitée par un officier allemand. Curieusement, dans votre histoire familiale on semble trouver beaucoup trop d’officiers allemands pleins de prévenance, qui prennent les refus avec le sourire et qui vous aident à fuir du camp où d’autres – on ne sait pas vraiment qui, mais apparemment ce n’étaient pas les mêmes officiers – vous avaient déporté. A supposer que cette évasion ait un fond de réalité, affirmer que « ce n’est pas les français qui l’ont aidé à s’évader, mais un officier allemand » montre une telle inversion des rôles qu’elle me fait douter fort de l’exactitude factuelle de votre récit.

      [Glauck ne s’enorgueillit pas du Reich, mais beaucoup de français sont fiers de Napoléon de façon indéniable,]

      Napoléon lui-même disait qu’après sa mort son empire n’existerait peut-être plus, mais que son Code Civil rayonnerait pour toujours. Presque deux siècles après sa mort, l’histoire lui a donné raison. Le Code Civil, le Code Pénal, les institutions juridiques, les académies scientifiques qu’il a créées continuent de rayonner. Et pas qu’en France. A l’inverse, l’œuvre de Hitler a péri avec lui. C’est pourquoi il est ridicule de comparer l’empire napoléonien au IIIème Reich.

      [Mon grand père s’est simplement permis de dire à des hauts gradés que la culture allemande était de valeur considérable mais que l’occupation était inacceptable. Il faisait la part des choses entre des salopards nazis et la culture allemande.]

      C’est fou ce que les « hauts gradés » nazis ont été gentils avec votre grand-père… j’aimerais bien savoir dans quels termes il leur a dit que « l’occupation était inacceptable ». En tout cas, le témoin que vous citez ne dit rien de tel. Si l’on croit le texte que vous avez cité, la seule chose que votre grand-père trouvait « inacceptable », c’était que l’Allemagne retienne prisonniers des soldats français.

      [Vous oubliez beaucoup la rose blanche.]

      Je n’oublie rien de tout. Mais il faut mettre « la rose blanche » en perspective. Une hirondelle ne fait pas le printemps, et une dizaine d’étudiants idéalistes ne sont pas non plus représentatifs de l’état de l’opinion publique allemande de l’époque.

      [J’ai bien peur que vous ne vouliez essentialiser ou ontologiser la question allemande qui est avant tout contextuelle, comme l’histoire de tous les peuples.]

      Ah bon ? En 1870, les troupes des états allemands envahissent la France sans provocation. En 1918, les troupes allemandes envahissent la France, toujours sans provocation. En 1940, encore une fois les troupes allemandes entrent en territoire français sans provocation. Vous ne trouvez pas que le « contexte » a bon dos ?

      Il n’est pas bien entendu question pour moi de « essentialiser » la question allemande. Il n’y a pas une « essence » allemande qui prédisposerait les allemands à tel ou tel comportement. Mais il y a par contre une histoire allemande, et cette histoire longue crée une spécificité allemande qu’on ne peut pas non plus ignorer. Faire de Hitler un accident, une sorte d’ovni qui serait tombé sur des allemands innocents on ne sait pas très bien pourquoi, c’est falsifier l’histoire. L’idéologie nazie plonge profondément ses racines dans la pensée et l’histoire allemandes. Si le nazisme est arrivé au pouvoir, ce n’est pas seulement parce qu’il répondait à une conjoncture, mais parce qu’il répondait d’une manière tout à fait allemande.

      [En cela vous feriez un bon nationaliste heideggerien, le philosophe immense mais malheureusement nazi.]

      Je ne sais pas s’il est si « immense » que ça. Mais qu’il a été nazi, c’est incontestable. Encore un à qui on n’a jamais demandé des comptes…

    • Descartes dit :

      @Gérard Couvert

      [Concernant la traite des noirs, il y-a-t-il un seul exemple de pays qui ce soit élevé contre ?]

      Oui, la France. Le 4 février 1794, la Convention abolit l’esclavage (la mesure est connue sous le nom du décret du 16 pluviôse an II)…

    • Gérard Couvert dit :

      Oui nous sommes d’accord, mais je parlais de la "grande" époque de la traite négrière qui se situe un peu avant. On ne prête plus assez attention à la somme de novations politiques (et intellectuelles) issues de la Convention. Napoléon va rétablir l’esclavage pour des raisons moins immorales que ce que l’on croit généralement : avec le blocus anglo-espagnol "nos iles" ne peuvent plus exporter et les grands propriétaires n’ont plus besoin de beaucoup de main-d’œuvre, en rétablissant le servage Napoléon rétabli aussi l’obligation alimentaire.
      L’action des Jésuites en Amérique du Sud est elle-aussi méconnue.

  7. Baruch dit :

    Merci de cet article.
    Le mot indécence est le mot juste.
    J’avais été choquée l’an dernier à l’automne quand le survivant Robert Hébrard avait été condamné à un euro de dommages et intérêts et 10 000 euros de frais de justice pour avoir dit en parlant des SS. de la division "Das Reich " les "soi-disant malgré-nous ".
    Certes l’incorporation dans l’armée Allemande, et même celle dans la SS s’est faite malgré eux, mais la responsabilité d’un massacre de masse, d’une série de massacres de masse tout le long de la route en ce mois de Juin 1944 reste à ces individus qui ont perpétré ces actes,qu’ils soient Allemands du Reich ou alsaciens sous uniforme allemand SS.
    La victimisation des assassins, le langage policé et flasque du politiquement correct, l’interdiction de rappeler les faits débouchent sur l’ indécence de cette invitation.
    Vladimir Jankélévitch a écrit un très beau petit livre paru après sa mort, je crois: "L’imprescriptible". A relire.

    • Descartes dit :

      @Baruch
      [Certes l’incorporation dans l’armée Allemande, et même celle dans la SS s’est faite malgré eux, mais la responsabilité d’un massacre de masse, d’une série de massacres de masse tout le long de la route en ce mois de Juin 1944 reste à ces individus qui ont perpétré ces actes,qu’ils soient Allemands du Reich ou alsaciens sous uniforme allemand SS.]
      C’est une affaire compliquée et douloureuse, qu’on peut difficilement traiter en quelques lignes. Ma position est qu’on ne peut punir quelqu’un pour ne pas avoir été un héros. La lâcheté fait partie de l’humain, et la norme est que chacun cherche à sauver sa vie. On peut mépriser le lâche, on peut le condamner moralement. Mais le punir serait absurde. L’héroïsme doit être récompensé, mais on ne saurait exiger de tout un chacun qu’il soit héroïque.
      Les « malgré nous » avaient été forcés de revêtir l’uniforme allemand. Pouvaient-ils désobéir aux ordres de leurs supérieurs sans prendre un risque déraisonnable ? Dans le climat de 1944, la réponse est de toute évidence « non ». Ceux des « malgré nous » qui se sont contentés d’exécuter les ordres sont donc couverts par cette présomption. Sans en faire des « victimes », il me semble clair que les punir eut été une injustice.

  8. Gugus69 dit :

    Voyons, vous le savez bien ami et camarade : il n’est pas question ici de décence ou d’indécence, mais de politique.
    L’Europe des Nations souveraines était l’Europe des confrontations et des guerres ; l’Europe unie est une Europe garante de paix éternelle. L’Allemagne d’avant et l’Allemagne d’aujourd’hui, comme l’Europe d’hier et celle de maintenant.
    On nous fait le coup depuis Mitterrand… Quel bilan voudriez-vous qu’ils défendent ? Leur bilan économique ?

    • giz dit :

      Dans la même ligne, les nazis avaient le colt sur la tempe si ils n’obéissaient pas.

      Relire Hannah Arendt sur la problématique de l’obéissance et de l’extermination.

    • Descartes dit :

      [Dans la même ligne, les nazis avaient le colt sur la tempe si ils n’obéissaient pas.]

      Quand ça ? Je veux bien que les allemands aient eu le colt – ou plutôt le lüger – sur la tempe entre 1936 et 1945. Mais cela n’explique pas pourquoi quinze ans plus tard ils ont fait mauvais accueil à une grande actrice allemande en lui reprochant justement d’avoir tout fait pour faire échec à ceux qui tenaient le "colt" en question en main. Cela n’explique pas non plus qu’ils aient admis que des Lammerding vivent non seulement impunis, mais fiers de leurs oeuvres, ou porté d’anciens nazis à la Chancellerie. C’est là le problème: ce qui est en cause n’est pas l’obéissance des allemands sous le nazisme, c’est que cette "obéissance" se soit prolongée après. Ce qui est difficile à comprendre si l’on n’admet pas qu’il y ait eu une véritable adhésion au régime nazi, qui n’était pas une pure soumission à la menace d’un révolver.

  9. Jacques Payen dit :

    Les faits sont ce qu’ils sont et je partage votre colère Descartes.
    L’histoire de Lammerding renvoie au jeu globalement assez trouble des autorités allemandes dans la répression des criminels de guerre nazis.

    Ce sont bien des excuses que les familles des victimes de Tulle et d’ Oradour ( à travers elles les français) auraient dû recevoir du Président Gauck. Des excuses et une condamnation de l’inertie coupable de la Justice allemande qui n’a ni extradé, ni même incriminé, le contumax Lammerding.
    Évidemment, eût-il fallu, pour en recevoir, qu’il y ait un gouvernement français digne de ce nom, pour les exiger.
    Et non des fantoches, en quête de belles images commémoratives, ou prétendues.

    • Descartes dit :

      [Ce sont bien des excuses que les familles des victimes de Tulle et d’ Oradour ( à travers elles les français) auraient dû recevoir du Président Gauck. Des excuses et une condamnation de l’inertie coupable de la Justice allemande qui n’a ni extradé, ni même incriminé, le contumax Lammerding.]

      En fait, elles les ont eu. Le président Gauck, s’adressant aux familles des victimes, a déclaré "je partage votre amertume par rapport au fait que des assassins n’ont pas eu à rendre des comptes, votre amertume est la mienne". De ce point de vue, Gauck a été très correct. Pour moi, ce ne sont pas les excuses qui comptent, mais les actes.

  10. edgar dit :

    apparemment les commentaires sont prudents. j’ai l’impression que gauck a tenu des propos moins nuls sur place : («Cela n’enlève rien à l’effroi, à l’horreur que je ressens face à ce qu’a fait l’Allemagne»). là il ne s’agit pas d’un autre Allemagne.

    ce qui me choque aussi néanmoins c’est que hollande a essayé de récupérer la journée au profit de sa politique syrienne ("Notre présence (…) est l’affirmation d’une promesse. Promesse d’honorer partout et toujours les principes qui sont bafoués par les bourreaux d’hier mais aussi d’aujourd’hui. Promesse de défendre les droits de l’Homme chaque fois qu’ils sont violés, près de chez nous ou loin d’ici. Promesse de refuser l’inacceptable partout où il se produit") C’est assez indigne aussi…

    • Descartes dit :

      Je partage tout à fait ce commentaire. Hollande a – et a toujours eu – un rapport purement instrumental avec l’Histoire. Il est incapable d’une véritable émotion historique. L’histoire, on la convoque quand elle est utile et on s’en désintéresse ensuite. Vous remarquerez d’ailleurs qu’il est très rare de trouver dans le discours de notre président une référence historique quelconque…

    • Gérard Couvert dit :

      Jolie formule "rapport instrumental", encore faut-il savoir en jouer !
      Cet aspect clinique, dépassionné, techno-propre des choses provient de la formation de nos zélotes élites, ces zozos anti-zorro proches de zéro, accrochés à leurs €uro.

    • Descartes dit :

      @Gérard Couvert

      [Cet aspect clinique, dépassionné, techno-propre des choses provient de la formation de nos zélotes élites, ces zozos anti-zorro proches de zéro, accrochés à leurs €uro].

      Je ne partage pas cette mode qui veut qu’on rejette tous les problèmes sur « la formation de nos élites », et qui curieusement concentre ses attaques sur les rares institutions qui assurent encore une sélection méritocratique : le concours, l’ENA, les grandes écoles d’ingénieurs… Hollande est énarque, certes. Mais Philippe Séguin et Jean-Pierre Chèvenement aussi. Et on peut difficilement faire à ces derniers le reproche d’avoir un rapport « clinique, dépassionné, techno-propre des choses ». Même Fabius, énarque parmi les énarques, a été capable d’un moment de passion pour faire voter « non » – et son vote n’a pas été pour rien dans le résultat final – au référendum sur le traité constitutionnel européen.

      Le problème est moins la formation des élites que leur sélection. L’opinion publique – et ceux qui la font, c’est-à-dire, les classes moyennes – veut des gens lisses, gentils, neutres. La passion, l’engagement suscitent une certaine sympathie de principe mais à l’heure des choix, font peur. Que Hollande ait réussi à se faire élire avec une campagne sur la « normalité » n’est pas un hasard. En proclamant la « normalité » comme valeur, Hollande a ciblé les désirs les plus profonds des classes moyennes terrorisées par la perspective du déclassement : que rien ne change. Et de ce point de vue, on peut dire que Hollande a tenu ses promesses. C’est pourquoi malgré les désastres qui s’accumulent, malgré sa chute abyssale dans les sondages, on n’entend pas les médias brocarder Hollande personnellement comme ce fut le cas avec Sarkozy. On entend tout au plus des regrets, mais d’attaques, point.

    • Gérard Couvert dit :

      Je n’ai pas évoqué les institutions mais le contenu de l’enseignement, par exemple sur-représentation des mathématiques ou de l’anglais, une vision sois-disant pragmatique et qui n’est qu’un utilitarisme à courte-vue.
      Hélas je crois que vous avez raison concernant le vertige du lisse, mais alors pourquoi Dupont-Aignan ne décolle-t-il pas ?
      Chevènement et Seguin sont parmi ceux qui avaient déjà un vrai caractère et que l’école n’a pu raboter, même sans l’ENA -et peut être mieux ! – ils seraient parvenu au sommet. Mais on peut aussi se demander si Chevènement, sans le formatage ENA, n’aurait pas envoyé promener G. Sarre et accepté d’être élu par des gens de droite en 2002. Quand à Seguin pourquoi diable est-il passé à coté de son destin ?

    • Descartes dit :

      @Gérard Couvert

      [Je n’ai pas évoqué les institutions mais le contenu de l’enseignement, par exemple sur-représentation des mathématiques ou de l’anglais, une vision sois-disant pragmatique et qui n’est qu’un utilitarisme à courte-vue.]

      Pour ce qui concerne les mathématiques, je pense que là encore vous sacrifiez à une idée reçue. Ainsi, si je vous suis, nos élites souffriraient d’une formation trop mathématique. Prénons quelques exemples, voulez-vous ? Pensez-vous par exemple que Sarkozy ait fait trop de mathématiques ? Hollande ? Chirac ? Mitterrand ? Ayrault ? Fillon ? De Villepin ? Raffarin ? Jospin ? Juppé ? Balladur ? Beregovoy ? Rocard ? Fabius ? Mauroy ? Vous voyez, parmi les présidents et les premiers ministres qui se sont succédés ces trente dernières années pas un seul, je dis bien un seul, n’a une formation mathématique dépassant le niveau terminale…

      Si vous me demandiez mon avis, le problème n’est pas que nos élites aient une formation trop mathématique. Ce serait plutôt l’inverse. Contrairement à ce que vous pensez, les mathématiques ne prédisposent nullement à une vision froide et utilitariste. Plutôt le contraire : peu d’activités sont aussi peu utilitaristes que les mathématiques. Quant à l’anglais – ou n’importe quelle autre langue – je doute fort qu’on puisse considérer qu’il occupe une place trop importante dans l’enseignement ou qu’il soit véritablement discriminant.

      [Hélas je crois que vous avez raison concernant le vertige du lisse, mais alors pourquoi Dupont-Aignan ne décolle-t-il pas ?]

      Je ne vois pas que Dupont-Aignan soit très « lisse ». Appeler à sortir de l’Euro implique quand même une grosse rupture…

      [Chevènement et Seguin sont parmi ceux qui avaient déjà un vrai caractère et que l’école n’a pu raboter, même sans l’ENA -et peut être mieux ! – ils seraient parvenu au sommet.]

      Ce n’est pas l’avis ni de l’un, ni de l’autre. Dans ses mémoires, Séguin souligne au contraire combien il doit à l’ENA en termes de formation intellectuelle et humaine. Même Chèvenement, qui lorsqu’il était élève de cette vénérable école écrivit un pamphlet au vitriol, a changé d’avis les années aidant et défend l’ENA à chaque opportunité.

      [Mais on peut aussi se demander si Chevènement, sans le formatage ENA, n’aurait pas envoyé promener G. Sarre et accepté d’être élu par des gens de droite en 2002. Quand à Seguin pourquoi diable est-il passé à coté de son destin ?]

      Je doute fort que la formation qu’il a réçu à l’ENA ait fait la moindre différence dans ces questions. Contrairement à un fantasme très répandu, on n’apprend guère à l’ENA la tactique politique. D’ailleurs, seule une infime minorité de chaque promotion de l’ENA fait de la politique : plus de neuf énarques sur dix font une carrière administrative ou plus rarement de cadre supérieur dans le privé.

  11. xxxxxxxxxxxxxxxxxxx dit :

    vous avez pas á donner des leçons a qui que se soit .La France n’on plus d’ailleur ,je vous rapelle la guerre d’Algérie 1 000 000 d’algériens morts ou la torture etaient systématique ,et ou l’armée française c’est montrer digne de la division "das REICH"
    Aucuns militaires juger tous mourrons dans leurs lits les généraux Massu et bigeard serons pour le 1ER commandant en chef des troupe française en Allemagne ,le second secraitaire d’etat aux armées sous Giscard . vous oublier la France coloniale ,avec ses millions d’esclave assassiné par le systéme coloniale français ,tous les pays ont un coté noir la france donneuse de leçon comme tous les autres pays .bonsoir

    • Descartes dit :

      @xxxxxxxxxxxxxxx

      [vous avez pas á donner des leçons a qui que se soit]

      Encore un qui prédique ce qu’il ne pratique pas…

      [La France n’on plus d’ailleur]

      Orthographe, quand tu nous tiens… oh pardon, j’avais oublié que je n’avais pas à donner des leçons à qui que ce soit… permettez-moi tout de même un conseil : achetez-vous un dictionnaire.

      [je vous rapelle la guerre d’Algérie 1 000 000 d’algériens morts ou la torture etaient systématique ,et ou l’armée française c’est montrer digne de la division "das REICH"]

      Admettons. Dans ce cas, le président de la République algérienne serait bien mal avisé d’inviter le président de la République française à visiter un village martyr. Et le président français serait bien mal avisé d’accepter. C’est d’ailleurs ce qui se fait en réalité : lorsque les présidents français se sont rendus en visite officielle en Algérie – ce qui reste relativement rare – on ne les a jamais invité à faire une telle visite. Vous aurez remarqué d’ailleurs que je ne critique pas le fait que le président Gauck vienne en visite en France, mais le fait qu’on l’amène à Oradour-sur-Glane. Il n’a rien à y faire, pas plus qu’un président français n’aurait sa place dans un village martyr algérien.

      [vous oublier la France coloniale ,avec ses millions d’esclave assassiné par le systéme coloniale français]

      Ne vous laissez pas emporter par votre lyrisme. L’esclavage a été aboli définitivement en 1848. Cela a laissé bien peu de temps pour assassiner « des millions d’esclaves »…

    • Gérard Couvert dit :

      C’est étonnant de voir comme les commentaires débiles viennent souvent de deux groupes humains acrimonieux : les Bretons et les Algériens.
      Pour ce qui est des "crimes" coloniaux nous pourrions allez chercher ceux de l’Allemagne en Namibie, ou ceux des Arabo-musulmans partout où ils sont passés (plus de 70 millions de morts en Inde par exemple). Comme le note Descartes l’essentiel de l’empire colonial français s’est constitué après l’abolition de l’esclavage et les budgets français montrent que la bannière tricolore sur les 5 continents cela coutait fort cher ! Puisque nous parlons chiffres, notre monsieur xxxxxx a du taper un ‘0’ de trop, à moins qu’il ne compte le résultat de la pacifique et prospère Algérie depuis 1962 …
      Descartes votre réponse à mon commentaire et à celui de Jacobin est similaire à ce que je pense, et dans la politique actuelle de l’Allemagne on peut retrouver les mêmes racines (cf. "Beau comme l’antique" J Gaillard), lesquelles en effet plongent dans les forets teutonnes ; sages Romains qui après avoir vengé Teutobourg, ra menèrement vers le Sud le limes !

    • Descartes dit :

      @Gérard Couvert

      [C’est étonnant de voir comme les commentaires débiles viennent souvent de deux groupes humains acrimonieux : les Bretons et les Algériens.]

      Là vous allez vous faire des amis… heureusement que vous n’avez pas mentionné les corses…

    • La Gaule dit :

      Pourquoi « Admettons » ! Il est rageant de constater combien les mêmes bobards demi centenaires sur la guerre d’Algérie arrivent encore à passer comme une lettre à la poste, même chez des gens à l’esprit aussi critique que le vôtre.
      A part les thuriféraires du FLN, qui oserait encore défendre un tel chiffre, au simple vu des travaux des historiens les plus tièdes sur le sujet.
      Je pense surtout à l’historien quasi officiel de la gauche sur la question algérienne, Pierre Nora, lequel juge plausible les données fournies par les travaux de Guy Pervillé (fourchette de 300 à 400 000 victimes) ou de Xavier Yacono (fourchette 250 à 300 000 victimes).
      Le chiffre de 400 000 fut le premier coin enfoncé par Yves Courrières à travers ces récits historiques (dont « Les feux du désespoir », écrit il y a quarante cinq ans), le million de morts lancé au hasard par le FLN au milieu des années soixante lui paressant invraisemblable.
      Je rappelle que ce chiffre de 1 millions de morts fut « étayé » par la suite en comparant les recensements algériens effectués au terme de cette période avec ceux effectués par la France au début du conflit. Y sont donc logiquement englobés :
      – Les victimes des violences commises entre les différentes factions indépendantistes, pendant et après le conflit (les armes se turent réellement en 1965), plus bien sûr celles résultant de leur statut réel ou supposé de « harkis ».
      – Les personnes mortes de causes naturelles où accidentelles, qu’elles aient un rapport ou non avec la guerre
      – Les personnes ayant quitté le territoire, pendant ou au terme du conflit, les harkis bien sûr, mais aussi nombre de simples travailleurs puisque les flux migratoires n’ont jamais cessé durant cette période.
      A noter qu’un historien « anti-repentance » comme Daniel Lefeuvre avance non sans arguments le chiffre de 170 000, assez proche de celui estimé publiquement en son temps par le Général de Gaulle.
      De son côté, Lounis Agoun, peut suspect de complaisance pour l’ancien colonisateur, dans son ouvrage sur la « françalgérie », admet que les ravages humains causés par la deuxième guerre d’Algérie, celle mettant en scène le FLN « contre » les « islamistes » (lire le livre pour comprendre le sens des guillemets) sont dans les mêmes proportions que la première.
      Enfin, le « million de martyrs » est généralement invoqué par les mêmes qui vous assènent sans rire les 350 000 morts africains au bénéfice de la France durant la seconde guerre mondiale (350 000, c’était l’effectif TOTAL des soldats d’outre mer, pieds noirs compris !), où les soixante dix mille morts coloniaux dans les tranchées de Verdun (les pertes « indigènes » totales pour toute la durée de la première guerre mondiales furent de 77 000, à rapprocher tout de même, malgré tout le respect qu’on leur doit, au 1 280 000 soldats français autochtones morts au front).

    • Gérard Couvert dit :

      Les Corses et les Basques n’ont pas dans leur manière de faire ce coté teigneux et lancinant, ils ne sont pas mal-assurés et au fond savent très bien ce qui sépare une culture d’une nation (la petite et la grande ?). Il suffit d’observer leur attitude lors de la dernière guerre. Pour la Corse, ce qu’il faudrait ce n’est pas moins de France sur l’ile mais plus de Corse dans la France ; on y retrouverai sans doute un peu de l’esprit de Cyrano (cf. Riposte Laïque !) qui m’inspire cette réponse à votre remarque : "on n’abdique pas l’honneur d’être une cible".

    • Descartes dit :

      @La Gaule

      [Pourquoi « Admettons » !]

      Parce que je ne veux pas rentrer dans un débat sur le nombre de morts des uns et des autres. D’une manière générale, la nécro-comptabilité ne m’intéresse pas. Elle ne sert généralement qu’à introduire un élément émotionnel dans des débats qui devraient être purement rationnels. Que les juifs gazés par les nazis soient quatre ou six millions, que les algériens tués par l’armée française soient cinq cents mille ou un million ne change pas fondamentalement les termes du problème. Ce genre de polémiques sert de diversion par rapport au point essentiel du débat qui est la nature des faits eux-mêmes. J’ai dit « admettons » parce que même si les chiffres en question étaient exactes, elles ne mettent pas en cause ma position, à savoir, que Joachim Gauck ne devrait pas aller à Oradour. « Admettons » n’implique nullement que l’on soit d’accord avec les faits évoqués, seulement que même s’ils étaient avérés, cela ne changerait rien.

      Pour le reste, je partage votre commentaire. Les chiffres dans ce genre d’affaire sont généralement gonflés à des fins politiques, et les « martyrs » de la guerre d’Algérie n’échappent pas à cette tendance. Pire, dans une logique actuelle qui est celle de la compétition entre les mémoires, chacun se croît obligé de gonfler ses chiffres pour montrer qu’il est « plus victime » que les petits camarades. D’où une inflation constante du « body count » des victimes, que ce soit les « martyrs » de telle ou telle guerre d’indépendance, des « indigènes » dans telle ou telle bataille, des victimes de l’esclavage ou du viol domestique.

    • Descartes dit :

      @Gérard Couvert

      [Les Corses et les Basques n’ont pas dans leur manière de faire ce coté teigneux et lancinant, ils ne sont pas mal-assurés et au fond savent très bien ce qui sépare une culture d’une nation (la petite et la grande ?).]

      Je ne suis pas totalement persuadé. Je connais mal le Pays Basque, mais en Corse on entend en permanence la « complainte du colonisé » qui crache en permanence sur l’Etat français tout en touchant les subventions. Je n’ai pas vraiment vu de différence avec la Bretagne.

      [Pour la Corse, ce qu’il faudrait ce n’est pas moins de France sur l’ile mais plus de Corse dans la France ; on y retrouverai sans doute un peu de l’esprit de Cyrano (cf. Riposte Laïque !) qui m’inspire cette réponse à votre remarque : "on n’abdique pas l’honneur d’être une cible".]

      Je ne peux que me reconnaître dans votre citation… mais je doute que « plus de Corse dans la France » aboutisse à ce résultat…

    • Gérard Couvert dit :

      Nous ne devons pas fréquenter ni la même Bretagne, ni la même Corse … les yeux de Chimène peut être ?
      Rostand à capté le génie français en 3000 alexandrins, être français c’est savoir et ressentir que tout est toujours dans Cyrano.
      Je suis bien certain que le "mercure françois" vous importe peu.

    • CVT dit :

      @Descartes et Gérard Couvert,
      c’est bizarre, quand je pense à la Corse, je ne pense pas à Cyrano mais à la nouvelle de Prospère Merimée "Mattéo Falcone"…
      C’est cette image-là de la Corse que j’ai, et elle me fait froid dans le dos…

    • La Gaule dit :

      Merci de votre réponse, sur laquelle je suis également d’accord. Croyez que j’avais bien conscience, en écrivant mon commentaire, de verser dans ce que vous appelez « la nécrocomptabilité », mais il est bien difficile d’échapper à ce genre d’inventaire lorsque l’on recherche la vérité historique.
      Le flux de l’histoire humaine est fait de violence extrême et inlassablement répétée (des conflits au moins aussi meurtriers depuis la fin de notre guerre d’Algérie, je vous en sors une bonne centaine), et recadrer un évènement particulier dans ce flot peu ragoutant sert moins à le relativiser qu’à lui restituer toute sa valeur exemplaire… au-delà des passions encore tièdes.
      La compétition mémorielle, que vous décrivez si bien, prétend aller précisément à l’encontre de cette démarche, en sortant des évènements particuliers de l’histoire pour en faire non plus des mythes (les mythes sont indispensables à l’imaginaire collectif des peuples) mais des totems –soit des symboles désintégrateurs de l’histoire à propos desquels tout questionnement critique devient tabou.

    • Descartes dit :

      @Gérard Couvert

      [Rostand à capté le génie français en 3000 alexandrins, être français c’est savoir et ressentir que tout est toujours dans Cyrano.]

      Sans doute ! A défaut de peindre les français tels qu’ils sont, Rostand les peint tels qu’ils aimeraient être…

      [Je suis bien certain que le "mercure françois" vous importe peu.]

      Pourquoi dites vous ça ?

    • Descartes dit :

      Bonne remarque…

    • Descartes dit :

      @CVT

      Bonne remarque…

    • odp dit :

      Bon – puisque, contre tout attente, le Café du Commerce a décidé d’ouvrir une annexe chez Descartes, je me permets, afin d’apporter ma pierre à ce noble édifice d’ethnologie comparée, de rappeler qu’à Londres, en 1940, il n’y avait, selon le Général de Gaulle, que "des bretons, quelques juifs et des aristocrates". Sinon, je pensais que pour les souverainistes et les Républicains, la France devait être une et indivisible… Mais voilà que certains voudraient l’amputer de la Bretagne, de la Corse et du Pays Basque… jugés pas assez sûrs. Intéressant. Et l’Alsace? Et la Catalogne? On garde ou on épure?

    • odp dit :

      Petite correction: ce n’est pas Pierre Nora mais Benjamin Stora.

    • Gérard Couvert dit :

      Merci ! Ne découvrir du talent qu’aux mazettes ?
      Être terrorisé par de vagues gazettes,
      Et se dire sans cesse : "Oh, pourvu que je sois
      Dans les petits papiers du Mercure François ?"…
      Acte II scène VIII
      … peints comme beaucoup sont, et comme plus pourrait l’être si nous cessions de détruire les cadres culturels et matériels qui le permettaient.

    • Descartes dit :

      @odp

      [Bon – puisque, contre tout attente, le Café du Commerce a décidé d’ouvrir une annexe chez Descartes, je me permets, afin d’apporter ma pierre à ce noble édifice d’ethnologie comparée,]

      Un bon conseil : avant de d’appuyer sur le bouton « envoi », enlevez la première phrase de vos messages. Il s’agit invariablement d’une agression dirigée contre l’hôte de ce blog et les autres participants, qui n’apporte pas grande chose à la discussion.

      [de rappeler qu’à Londres, en 1940, il n’y avait, selon le Général de Gaulle, que "des bretons, quelques juifs et des aristocrates".]

      Et … ? Faut-il voir dans ce commentaire autre chose qu’une justification pour l’agression qui précède ? Disons qu’à partir de là, je décroche. J’avoue ma curiosité : j’aimerais comprendre pourquoi vous persistez à participer aux discussions sur cette « annexe du Café du Commerce » dont vous méprisez tant les participants. N’avez-vous pas trouvé un forum où le niveau du débat est plus proche du votre ? Vous y gagneriez, et nous aussi.

    • Descartes dit :

      @Gerard Couvert

      Bravo! vous êtes un poète…

    • Gérard Couvert dit :

      Mérimée, un mondain parisien d’origine Normande, proche de la cul-bénie ci-devant Impératrice Eugénie, l’homme qui fit mettre des toits en ardoise à Carcassonne, et des tourelles gothiques a divers bâtiments qui n’avaient rien demandé !
      Pas forcement le plus fin connaisseur de l’âme Méditerranéenne comme le montre aussi La Venus d’Ille, qui ne doit rien à l’imaginaire Catalan.
      Ce que vous semblez penser de la Corse me fait songer à ce que me disent bien des gens d’une autre ile où je passe plusieurs semaines par an, la Sicile.

    • La Gaule dit :

      Pardon pour la bévue de mémoire, elle est de taille (Nora n’est pas particulièrement de gauche). Comme quoi l’on rencontre encore des gens lucides partout, même dans les cafés…

    • odp dit :

      Disons que tout sur ce blog n’est pas du niveau de la conversation de comptoir sur les mérites comparés des Bretons, des Corses ou des Basques. En général, ça vole plus haut et il arrive souvent que l’on y apprenne des choses. Comme vous l’avez compris, ce qui m’intéresse, ce sont les faits ou les opinions argumentées; pas les jugements à l’emporte-pièce. Néanmoins, en l’espèce, cela m’a fait plus rire qu’autre chose et mon tempérament a fait le reste.

      Ceci dit, je réfute votre argumentation initiale en plusieurs points:

      1. On ne fait la paix qu’avec ses ennemis. Plus de 40 ans après que Willy Brandt s’est agenouillé à Varsovie devant le mémorial dédié aux victimes et héros du ghetto puis à Jérusalem devant la dalle du Yad Vashem pour y lire des psaumes de l’Ancien Testament implorant le pardon divin, il est assez baroque que des français puissent trouver à redire à une visite "mémorielle" d’un Président allemand à Oradour-sur-Glane. Contrairement à ce que vous dites, Gauck avait tout à faire à Oradour-sur-Glane (et notamment évoquer "son humilité et sa profonde reconnaissance pour l’invitation" et faire part de son "horreur, émotion et dégoût devant ce qui s’est passé sous commandement allemand") puisque c’est là que c’est produit l’une des pires atrocités allemandes en France. A vrai dire, ce qui est surprenant, c’est que cela ne ce soit pas produit plus tôt; mais cela tient probablement au fait que, comme l’a fait justement remarquer Régis de Castelnau dans Causeur, la France vient plutôt en bas de la pile sur l’échelle des massacres commis par les allemands contre les civils au cours de la seconde guerre mondiale.

      2. Vous avez été surpris par les mots du Président Gauck indiquant qu’il partageait l’amertume des français sur les errements de la justice allemande (partagés ceci dit par la justice française puisque les "malgré nous" impliqués dans le massacre ont été amnistiés une semaine après leur condamnation et que les condamnés allemands ont été libérés peu de temps après dans le cadre de la politique de réconciliation initiée par la Général de Gaulle et le Chancelier Adenauer). Mais c’est parce que votre connaissance des réalités allemandes est, sauf votre respect, un peu datée. Il est vrai que durant les 20-25 ans qui ont suivi la guerre, il y a eu en Allemagne, comme en France et en Israël d’ailleurs, un véritable refoulement des événements de la seconde guerre mondiale. En Allemagne, ce refoulement a en quelque sorte culminé avec l’accession du nazi Kiesinger à la Chancellerie (que vous avez d’ailleurs qualifié à tort, dans un autre billet, de "tortionnaire" alors qu’il ne fut qu’un haut fonctionnaire du Ministère des Affaires Etrangères). Mais en France, je rappelle que jusqu’à la publication du livre de Robert Paxton, en 1973, sur "la France de Vichy", la thèse officielle était celle du "bouclier et de l’épée" tandis qu’en Israël, ce n’est qu’à partir du procès Eichmann que la Shoah trouva sa place dans le débat public; auparavant, elle avait été complètement occultée.

      3. Néanmoins, avec l’arrivée au pouvoir d’une génération qui n’avait pas connu la guerre comme qu’adulte, et qui par définition, pouvait se permettre plus de recul, les choses ont commencé à changer. En ce qui concerne l’Allemagne, j’ai déjà cité Willy Brandt; mais j’aurai pu citer Hörst Kolher qui, en 2005, à la Knesset, effectua un discours pour partie en Hébreux au cours duquel il déclara "s’incliner avec honte et humilité devant les victimes" et indiquant par ailleurs que "la responsabilité pour la Shoah faisait partie de l’identité allemande"; ou Roman Herzog qui institua au Bundestag une commémoration annuelle consacrée aux victimes du Troisième Reich; ou, plus près de nous encore, Angela Merkel déclarant en janvier dernier, à l’occasion de la commémoration de l’arrivée d’Hitler au pouvoir, que "la culpabilité allemande pour les crimes du National-Socialisme, les victimes de la seconde guerre mondiale et, par dessus tout, celle de l’Holocauste, était infinie" et se rendant en août dernier à Dachau "avec un sentiment de honte et de compassion".

      4. La liste n’est évidemment pas exhaustive car l’Allemagne n’est pas exactement l’un de mes centres d’intérêts, mais elle devrait suffire à vous convaincre que l’Allemagne de Kiesinger est véritablement derrière nous et que celle de Gauck est véritablement une "autre Allemagne", au moins en ce qui concerne son passé nazi. Je note d’ailleurs, puisque vous avez utilisé des décisions judiciaires vieilles de 50 ans pour "démontrer" la continuité entre Allemagne nazie et l’Allemagne d’aujourd’hui (en omettant le fait qu’en Allemagne comme dans tous les pays démocratique la justice est indépendante et ne reflète pas obligatoirement les orientations du pouvoir politique), que, ces jours derniers, des poursuites judiciaires ont été lancées contre 30 gardes présumés d’Auschwitz par l’Office central d’enquête sur les crimes du national-socialisme.

      PS: je serai intéressé de connaître le fond de votre position sur la "repentance". En effet, vous avez éludé ce sujet dans votre réponse au commentaire, certes particulièrement décousu, de xxxxxxx. Cependant, si je vous suis bien, puisque vous demandez une "repentance" de l’Allemagne, c’est que cette démarche est, dans certaines circonstances, légitime, voire même impérative. Les Russes ont d’ailleurs récemment fait de même avec Katyn, ce qui vu, le style de Putin, est tout de même un bel effort; ainsi que les Japonais, mais avec plus de réserve, avec Nankin.

    • CVT dit :

      @Gérard Couvert,
      désolé, mais à titre personnel, l’âme méditerranéenne en soi me laisse froid: je suis un Parisien, un Français du nord et j’ai toujours eu du mal avec le tempérament méridional…
      Sinon, dans le département où j’ai grandi, les Hauts-de-Seine, longtemps réputé pour avoir été contrôlé par les Corses, j’ai pu expérimenter de visu les effets de leur mentalité clanique… Désolé, mais ma fibre républicaine s’accorde toujours mal avec ce type d’usage.
      Pour en revenir à Mattéo Falcone, je trouve que Mérimée a bien saisi ce qu’impliquent les codes d’honneur corses, et jusqu’à quelles extrémités ils peuvent mener. D’ailleurs, il fournit excellente une bonne grille de lecture de ce qui se passe sur l’île aujourd’hui avec les attentats et les règlements de compte…

    • Descartes dit :

      @odp

      [Disons que tout sur ce blog n’est pas du niveau de la conversation de comptoir sur les mérites comparés des Bretons, des Corses ou des Basques. En général, ça vole plus haut et il arrive souvent que l’on y apprenne des choses. Comme vous l’avez compris, ce qui m’intéresse, ce sont les faits ou les opinions argumentées; pas les jugements à l’emporte-pièce. Néanmoins, en l’espèce, cela m’a fait plus rire qu’autre chose et mon tempérament a fait le reste.]

      Dans ce cas, je ne peux que regretter qu’au lieu de commenter les parties de ce blog qui « volent plus haut », vous perdiez votre temps en agressant inutilement ceux qui selon vous échangent des conversations de comptoir. Vivez, et laissez vivre…

      [Ceci dit, je réfute votre argumentation initiale en plusieurs points:]

      Disons que vous la contestez. Vous n’avez pour le moment rien « réfuté »…

      [1. On ne fait la paix qu’avec ses ennemis. Plus de 40 ans après que Willy Brandt s’est agenouillé à Varsovie devant le mémorial dédié aux victimes et héros du ghetto puis à Jérusalem devant la dalle du Yad Vashem pour y lire des psaumes de l’Ancien Testament implorant le pardon divin, il est assez baroque que des français puissent trouver à redire à une visite "mémorielle" d’un Président allemand à Oradour-sur-Glane.]

      Et pourquoi ça ? Je m’intéresse plus aux actes qu’aux paroles. Pendant que Willy Brandt s’agenouillait dans les lieux de mémoire, Lammerding et d’autres coulaient des jours tranquilles et heureux sous la protection de la République fédérale. Il n’est donc pas déraisonnable de douter de la sincérité de la « repentance » complaisamment affichée, d’autant plus qu’elle était payante politiquement.

      Le test à l’acide du repentir, c’est ce qu’on est prêt à faire pour réparer le dommage qu’on a causé. Que Lammerding – et beaucoup d’autres, car il n’est pas le seul – ait vécu la vie d’un industriel prospère et soit mort dans son lit sans être inquiété alors que la justice française le réclamait, que Kiesinger ait pu rester chancelier alors que son passé nazi était connu de tous montre les limites du repentir allemand. A votre avis, qu’est ce qui a empêché Willy Brandt, celui-là même qui s’est agenouillé à Varsovie et récité des psaumes àYad Vachem de signer l’extradition de Lammerding ? Que craignait-il, à votre avis ?

      [Contrairement à ce que vous dites, Gauck avait tout à faire à Oradour-sur-Glane (et notamment évoquer "son humilité et sa profonde reconnaissance pour l’invitation" et faire part de son "horreur, émotion et dégoût devant ce qui s’est passé sous commandement allemand") puisque c’est là que c’est produit l’une des pires atrocités allemandes en France.]

      Franchement, l’extradition de Lammerding aurait apporté bien plus que la visite de Gauck. Le discours de contrition alors qu’on refuse de rien faire pour réparer le dommage sonne creux.

      [A vrai dire, ce qui est surprenant, c’est que cela ne ce soit pas produit plus tôt;]

      Cela tient probablement au fait qu’il fallait attendre que Lammerding et ses congénères soient morts. Vous imaginez un président de la République fédérale visitant Oradour alors que l’Allemagne refusait d’extrader les coupables du massacre ? Cela aurait fait mauvais genre. Il fallait attendre que tous ces gens-là disparaissent pour que l’hypocrisie de l’affaire ne soit pas trop visible.

      [2. Vous avez été surpris par les mots du Président Gauck indiquant qu’il partageait l’amertume des français sur les errements de la justice allemande (partagés ceci dit par la justice française puisque les "malgré nous" impliqués dans le massacre ont été amnistiés une semaine après leur condamnation et que les condamnés allemands ont été libérés peu de temps après dans le cadre de la politique de réconciliation initiée par la Général de Gaulle et le Chancelier Adenauer).]

      Je ne vois pas les « errements de la justice française » auxquels vous faites référence. J’ai expliqué pourquoi à mon avis l’amnistie des « malgré nous » était un acte de justice. Punir des gens pour avoir obéi des ordres alors que la désobéissance était punie de mort aurait été absurde. Je ne trouve pas non plus scandaleux le fait que des allemands condamnés pour des crimes de guerre aient pu être libérés par décision du gouvernement français dans le cadre d’une politique de réconciliation. Il est du privilège de la victime – et d’elle seule – de pardonner. Si Lammerding avait été jugé, condamné, puis amnistié par les autorités françaises, je n’aurais rien à redire. Le problème, c’est que Lammerding n’est pas passé en jugement, et cela parce qu’il a été protégé par les autorités allemandes.

      Quant aux paroles de Gauck, honneur à qui honneur est du. Il aurait pu se contenter des traditionnels poncifs du genre « laissons tout ça derrière nous », et son discours sur « l’autre Allemagne » laissait penser qu’il le ferait. Il a montré au contraire avoir compris combien la « repentance » allemande était creuse dans la mesure où les actes ne sont pas conformes aux paroles. Un bon point pour lui.

      [Mais c’est parce que votre connaissance des réalités allemandes est, sauf votre respect, un peu datée. Il est vrai que durant les 20-25 ans qui ont suivi la guerre, il y a eu en Allemagne, comme en France et en Israël d’ailleurs, un véritable refoulement des événements de la seconde guerre mondiale.]

      Faudrait pas exagérer. Que les sociétés qui ont subi le traumatisme de la guerre aient voulu oublier, on peut le comprendre. Que la logique de la guerre froide ait poussé les politiques à ne pas trop taper sur des gens qui pouvaient encore servir, c’est incontestable. Mais on peut tout de même constater que les tribunaux français se sont penchés longuement sur les affaires de collaboration, et que ces procès ont abouti à la condamnation de citoyens français à des peines graves qui furent exécutées. Ce ne fut pas le cas en Allemagne fédérale, où la justice s’est voilée la face et a non seulement ignoré les crimes, mais protégé les criminels lorsque leur extradition était demandée. Cela va bien plus loin qu’un simple « refoulement ». Vous remarquerez d’ailleurs que ce ne fut pas le cas en RDA, ou la « dénazification » fut bien plus profonde, ce qui montre combien la décision de laisser les nazis en paix fut une décision politique de la RFA.

      [En Allemagne, ce refoulement a en quelque sorte culminé avec l’accession du nazi Kiesinger à la Chancellerie (que vous avez d’ailleurs qualifié à tort, dans un autre billet, de "tortionnaire" alors qu’il ne fut qu’un haut fonctionnaire du Ministère des Affaires Etrangères).]

      Je ne me souviens pas de l’avoir qualifié de « tortionnaire ». Si je l’ai fait, c’est bien entendu à tort. Il était en effet fonctionnaire du ministère des affaires étrangères, domaine dans lequel on n’a pas véritablement l’occasion de torturer les gens.

      [Mais en France, je rappelle que jusqu’à la publication du livre de Robert Paxton, en 1973, sur "la France de Vichy", la thèse officielle était celle du "bouclier et de l’épée"]
      La thèse officielle n’a jamais été celle « du bouclier et de l’épée ». Si cela avait été le cas, on se demande pourquoi le « bouclier » aurait fini ses jours à l’Ile d’Yeu. La thèse de « l’épée et du bouclier » était celle de ceux qui après la guerre ont cherché à justifier l’action de Pétain et de Vichy. Ceux-ci étaient une toute petite minorité, et on peut difficilement parler de « thèse officielle » à leur égard. Non, la « thèse officielle » (pour autant qu’une telle chose ait existé) était plutôt celle d’une France quasi-unanimement résistante, qui gommait les incertitudes et les affrontements de ce qui avait été une quasi-guerre civile.

      [3. Néanmoins, avec l’arrivée au pouvoir d’une génération qui n’avait pas connu la guerre comme qu’adulte, et qui par définition, pouvait se permettre plus de recul, les choses ont commencé à changer. En ce qui concerne l’Allemagne, j’ai déjà cité Willy Brandt;]

      Alors, expliquez-moi pourquoi Willy Brandt n’a pas signé l’extradition de Lammerding. Un oubli, peut-être ? Vous avez raison de signaler que le changement de génération a permis de généraliser un discours de « repentance » crédible. On imagine mal Kiesinger s’agenouillant à Varsovie sans provoquer un scandale. Mais on peut s’interroger sur la sincérité réelle de cette « répentance » alors qu’elle ne se manifestait pas dans les faits par aucun acte substantiel. Lorsque Brant accède à la chancellerie en 1969, Lammerding est encore vivant. Pourquoi avoir attendu qu’il meure paisiblement dans son lit ? Si l’on admet la sincérité personnelle de Brandt – ce que je suis prêt à faire – il faut alors admettre aussi qu’il devait craindre la réaction de son opinion publique s’il autorisait l’extradition… ce qui donne une idée de la portée réelle de la « répentance » affichée par leurs dirigeants sur l’opinion allemande.

      [mais j’aurai pu citer Hörst Kolher qui, en 2005, à la Knesset, effectua un discours pour partie en Hébreux au cours duquel il déclara "s’incliner avec honte et humilité devant les victimes" et indiquant par ailleurs que "la responsabilité pour la Shoah faisait partie de l’identité allemande";]

      Et la responsabilité pour avoir protégé les gens comme Lammerding, il n’en a pas parlé ? Quel dommage… un oubli, sans doute.

      [ou Roman Herzog qui institua au Bundestag une commémoration annuelle consacrée aux victimes du Troisième Reich; ou, plus près de nous encore, Angela Merkel déclarant en janvier dernier, à l’occasion de la commémoration de l’arrivée d’Hitler au pouvoir, que "la culpabilité allemande pour les crimes du National-Socialisme, les victimes de la seconde guerre mondiale et, par dessus tout, celle de l’Holocauste, était infinie" et se rendant en août dernier à Dachau "avec un sentiment de honte et de compassion".]

      « Avec des mots, on ne fait pas bouillir la marmite », comme disait mon grand-père. A côté de toutes ces déclarations débordant de bonnes intentions, pourriez vous lister quelques actes de réparation commis par les mêmes ? Un acte qui ait coûté quelque chose à son auteur ? Non ?

      [4. La liste n’est évidemment pas exhaustive car l’Allemagne n’est pas exactement l’un de mes centres d’intérêts, mais elle devrait suffire à vous convaincre que l’Allemagne de Kiesinger est véritablement derrière nous et que celle de Gauck est véritablement une "autre Allemagne", au moins en ce qui concerne son passé nazi.]

      Vous pensez qu’on a changé d’Allemagne parce que des gens se frappent la poitrine à chaque occasion ? Vous n’êtes pas bien exigeant… quand je vois comment a été conduite la « décommunisation » de l’ex-RDA, quand j’entends les déclarations des dirigeants politiques allemands au sujet de la Grèce, quand j’entends Angela Merkel faire risette aux « déplacés » des Sudètes et parler des Tchèques dans des termes qui rappellent de bien mauvais souvenirs, je me dis que l’Allemagne n’a pas changé tant que ça.

      [Je note d’ailleurs, puisque vous avez utilisé des décisions judiciaires vieilles de 50 ans pour "démontrer" la continuité entre Allemagne nazie et l’Allemagne d’aujourd’hui (en omettant le fait qu’en Allemagne comme dans tous les pays démocratique la justice est indépendante et ne reflète pas obligatoirement les orientations du pouvoir politique),]

      La justice est indépendante, mais elle applique le droit. Et le droit est fait par les politiques. Si les politiques avaient voulu que les criminels de guerre nazis soient poursuivis, rien ne les empêchait de faire des lois à cet effet. Par ailleurs, le refus de l’extradition de Lammerding n’était pas une décision judiciaire, mais politique. Et pour finir, je vous fais remarquer que si le peuple allemand était si mécontent des décisions prises par ses juges, il a tout à fait les moyens de le faire savoir. Je ne me souviens pas de protestations massives sur cette question.

      [que, ces jours derniers, des poursuites judiciaires ont été lancées contre 30 gardes présumés d’Auschwitz par l’Office central d’enquête sur les crimes du national-socialisme.]

      J’attends avec impatience les condamnations. L’accusé le plus jeune doit avoir, quoi, 85 ans ? 90 ans ? D’ici à ce que les procédures aboutissent, je vois mal comment on pourrait les condamner à une peine effective. Loin de me satisfaire, ce genre de gesticulation me donne la nausée. C’est un amuse-couillon, une opération médiatique pour se donner bonne conscience et pour pouvoir dire « on a fait quelque chose » alors que cela ne sert plus à rien. Et d’éviter de se poser la question de savoir pourquoi on n’a rien fait pendant soixante-dix ans. Répugnant.

      [PS: je serai intéressé de connaître le fond de votre position sur la "repentance". (…). Cependant, si je vous suis bien, puisque vous demandez une "repentance" de l’Allemagne, c’est que cette démarche est, dans certaines circonstances, légitime, voire même impérative. Les Russes ont d’ailleurs récemment fait de même avec Katyn, ce qui vu, le style de Putin, est tout de même un bel effort; ainsi que les Japonais, mais avec plus de réserve, avec Nankin.]

      Je vais essayer de clarifier ma position. D’abord, je fais une différence entre la « repentance » et le « repentir ». La différence étant que le deuxième se traduit par des actes substantiels tendant à réparer, dans la mesure du possible, les dommages provoqués et la douleur infligée aux victimes, et que le premier se limite à une expression, spectaculaire certes, mais sans véritable action de réparation. D’un côté, des actes substantiels qui coûtent cher à son auteur et témoignent d’un véritable regret, de l’autre une expression qui ne coûte rien.

      Contrairement à ce que vous semblez penser, je ne demande aucune « repentance » à l’Allemagne. Il m’est indifférent d’avoir devant ma porte le chancelier d’Allemagne se frappant la poitrine tous les matins et m’expliquant combien il est désolé pour la mort de mes arrière-grands-parents à Verdun ou pour mes grands-parents à Buchenwald. Cela ne me donne guère envie de pardonner. Je serai par contre tout à fait sensible à un repentir véritable qui se traduirait par des actes : l’extradition des assassins, la punition des criminels, la reconnaissance formelle et perpétuelle des frontières, la création de fonds pour entretenir les lieux de mémoire, l’indemnisation des victimes…

      Le problème, c’est qu’il y a un temps pour le repentir. Et l’Allemagne a raté le coche. Il ne reste plus guère de criminels à punir ou d’assassins à extrader. La reconnaissance des frontières a été trop retardée pour avoir encore un sens. Trop tard aussi pour indemniser les victimes. Faute d’avoir été soignée à temps, la blessure a laissé une hideuse cicatrice. Et c’est notre devoir de mémoire d’empêcher que celle-ci soit cachée sous des discours. Nous devons nous souvenir que l’Allemagne n’a pas cherché à réparer le mal qu’elle avait fait quand il était encore temps de le faire. Cela ne veut pas dire, je tiens à le souligner, qu’on ne puisse pas avoir des rapports normaux avec l’Allemagne, qu’il faille haïr à jamais son peuple. Je ne rejette pas la réconciliation. Mais sans tomber dans l’illusion que l’Allemagne aurait changé, qu’on serait en face d’une « autre Allemagne » dont il ne faudrait attendre que des bonnes choses. L’Allemagne a une dette envers nous, qu’elle n’a pas payé lorsqu’il était encore temps de le faire, et qui maintenant ne peut plus être réglée. C’est cette dette qui pour moi barre à jamais la route d’Oradour à un dirigeant allemand.

      J’ajoute que ce raisonnement ne s’applique pas qu’à l’Allemagne. Je trouverais indécent qu’un président français visite, lors d’un déplacement en Algérie, un ancien centre de tortures de l’armée française. La France a choisi, pour des raisons qui politiquement ont leur mérite, de ne pas punir les tortionnaires. Ce faisant, elle s’est à mon sens définitivement barré la possibilité d’une telle visite. Il faut savoir assumer ses dettes, surtout celles qu’on n’a pas, qu’on ne peut pas, payer.

    • Gérard Couvert dit :

      "désolé", je ne résiste pas à la réponse "vous pouvez l’être !".
      Plus sérieusement, ce que vous appelez le "tempérament méridional" demanderai à être précisé, mais l’on entend bien souvent que vous sommes des paresseux, sans parole, jamais à l’heure, bavards et emportés, bref les foutaises médiocres, le racisme tranquille sur fond de méconnaissance comme tous les racismes.
      Les hauts de Seine fut-il un département mal-géré ? ses habitants ont-ils été lésés, n’ont-ils pas profité de la manne des impôts locaux sur les entreprises ? Voulez-vous que je vous parle du clientélisme radical-cassoulet qui sévit en Ariège ou dans le Gers ? voulez-vous que nous parlions de la fédération du Nord du PS ?
      Pour bien percevoir l’âme méridionale il faut aller dans les coulisses, quitter la scène où nous jouons à être "couleur locale", ça a tellement l’air de faire plaisir aux nordistes de nous voir ainsi, on ne va pas leur enlever leurs illusions !
      Nous sommes des " schpountz" lucides et consentants, nous comprenons vite les choses, les situations et les sentiments puis nous passons, ce n’est pas de la légèreté, notre approfondissement est global, rémanent.
      Peut être êtes-vous plus lents, que vous avez besoin d’une appréhension segmentée ; au final ne croyez pas que nous ayons une vison moins précise de la réalité que la votre, c’est plutôt une question de focale.
      Ce qui se passe en Corse ? des cinglés PS qui soufflent sur de petites braises, et lorsqu’un référendum est organisé un résultat sans appel ! Au moins 90% de la population ne voit que d’un œil lointain et critique les magouilles et les explosions (procédé plus franc que la mort civile de ce qui n’est pas socialo-ariégeois à Foix ou Pamiers) .. et puis cela évite l’horreur de la Costa Brava.. Beaucoup plus grave la collusion entre l’U.E. et les "indépendantistes" sur fond d’éclatement des états-nations et de gros sous pas très net.
      Croyez-moi, allez dans les coulisses de l’âme Corse, vous y trouverez un amour d’une nature pas toujours clémente, un intérêt sensuel pour l’Autre dés lors qu’il est là sans jugement.

    • Descartes dit :

      @Gérard Couvert

      [Plus sérieusement, ce que vous appelez le "tempérament méridional" demanderai à être précisé, mais l’on entend bien souvent que vous sommes des paresseux, sans parole, jamais à l’heure, bavards et emportés, bref les foutaises médiocres, le racisme tranquille sur fond de méconnaissance comme tous les racismes.]

      Au-delà des clichés dont il faut toujours se méfier, il y a quand même quelques réalités. On ne peut que constater que le modèle social féodal-clanique reste très présent dans la partie méridionale, alors qu’elle a pratiquement disparu ailleurs. Oui, le clientélisme existe partout, mais le clientélisme clanique tel qu’il est pratiqué dans la région PACA ou en Corse est très spécifique. Ailleurs, le « notable » clientéliste achète des voix avec des prébendes. A Marseille, on achète bien plus que des voix, on achète une fidélité, une soumission. Cette logique, dans laquelle la seule loi sacrée est celle du clan, et non celle de la République, est infiniment plus dangereuse que le clientélisme nordiste, parce que c’est en fait une forme de communautarisme.

      [Pour bien percevoir l’âme méridionale il faut aller dans les coulisses, quitter la scène où nous jouons à être "couleur locale", ça a tellement l’air de faire plaisir aux nordistes de nous voir ainsi, on ne va pas leur enlever leurs illusions !]

      Je ne vous le conseille pas. Dans les coulisses, c’est encore pire. Guérini ou Andrieu en public, c’est déjà pas ragoûtant. Mais en privé…

      [Croyez-moi, allez dans les coulisses de l’âme Corse, vous y trouverez un amour d’une nature pas toujours clémente, un intérêt sensuel pour l’Autre dés lors qu’il est là sans jugement.]

      Et surtout qu’il a de l’argent qu’on peut prendre sans trop de risques…

    • Gérard Couvert dit :

      Votre réponse est décevante, j’y perçois un réflexe, non de classe, mais de caste ; c’est déjà ce que je voulais exprimer dans une autre réponse, que j’ai renoncé à poster, qui commençait par ces noms ; comme un plainte contre X…
      Valery Giscard-d’Estaing, Jacques Attali, Claude Bébéar, Carlos Ghosn, Nathalie Kosciusko-Morizet, André Lévy-Lang, Albert Lebrun, Jean-Marie Messier, Francis Mer, Michel Pébereau, Jean-Jacques Servan-Schreiber, Paul Quilès, Serge Tchuruk, Lionel Stoléru, Bruno Mégret, Christian Beullac, ne me semblent pas être sans importance et leur niveau en mathématiques à largement dépassé celui d’une terminale.

      La république, en Méditerranée, nous savons ce que c’est, c’est nous qui l’avons inventé, quelques siècles avant que nous ne vous l’imposions ; c’est comme en Irak, ou ailleurs aujourd’hui dans le monde musulman, la greffe met longtemps à prendre ! Margaritas ante porcos ?
      Ce (ceux) que vous citez c’est un peu une pathologie de notre sens de l’honneur et des relations humaines, comme le nationalisme peut l’être au patriotisme.
      La fidélité dont vous parlez n’est pas achetée elle est concédée, et s’exerce comme un sous-ensemble de la République, c’est le système de la "gens", les romains n’était-il pas républicains ? C’est une façon raccourcit qui peut alléger le fonctionnement de l’ensemble, tolérable et même efficace pour le bien public, à la condition obligatoire de la tenue morale du patricien.
      Il y a dans votre vision rigide des mécanismes républicains quelques choses de calviniste qui abouti à la création de frustrés. Je préférerai toujours la censure à l’auto-censure, et Verdi à Bach.

    • CVT dit :

      @Gérard Couvert,
      vous m’entraînez sur le terrain du racisme là où je ne fais que des constatations…Que je trouve avérées.
      Le tempérament méridional comme vous dites, c’est tout ce que je déteste chez certaines personnes qu’on qualifie de méditerranéennes: cette fausse convivialité et le caractère volubile et expansif, bref pour des gens réservés comme moi, trop familier… J’ai tendance à me méfier des gens qui ne respectent pas un certain quant à soi, c’est une marque de manque d’éducation.
      Sinon, pour l’âme corse, je n’en démords pas: je ne suis pas fan, et pire, j’exècre le clanisme, à la fois par républicanisme et par histoire personnelle. On ne peut pas d’un côté plastiquer des gendarmeries, pleurnicher que l’Etat ne fait rien pour rétablir l’ordre dans l’île et venir ensuite faire des règlements de comptes et entraver des enquêtes. C’est d’ailleurs un peu le propos de Mattéo Falcone. Enfin, pour ausculter l’âme corse, je vous conseille la lecture d’un livre que j’ai lu il y a quelques années d’un auteur d’origine corse et républicain, Pierre-François Paoli, intitulé "Je suis Corse et je n’en suis plus fier". Je crois qu’il dit plus de choses sur la Corse que la majorité des guides touristiques…

    • Descartes dit :

      @Gerard Couvert

      [Votre réponse est décevante, j’y perçois un réflexe, non de classe, mais de caste ;]
      Mon dieu ! Un réflexe de caste, rien de moins… aurais-je été promu sans le savoir ?

      [c’est déjà ce que je voulais exprimer dans une autre réponse, que j’ai renoncé à poster, qui commençait par ces noms ; comme un plainte contre X…
      Valery Giscard-d’Estaing, Jacques Attali, Claude Bébéar, Carlos Ghosn, Nathalie Kosciusko-Morizet, André Lévy-Lang, Albert Lebrun, Jean-Marie Messier, Francis Mer, Michel Pébereau, Jean-Jacques Servan-Schreiber, Paul Quilès, Serge Tchuruk, Lionel Stoléru, Bruno Mégret, Christian Beullac, ne me semblent pas être sans importance et leur niveau en mathématiques à largement dépassé celui d’une terminale.]

      Je vois que vous avez un annuaire de l’Ecole Polytechnnique… seulement, cette liste n’a aucun rapport avec le sujet discuté. Je vous rappelle que cet échange portait sur la question de « cet aspect clinique, dépassionné, techno-propre des choses » qui selon vous « provient de la formation de nos zélotes élites » et qui s’est généralisé ces dernières années. Aspect que vous attribuiez entre autres au poids excessif des mathématiques dans cette formation.

      Vos exemples posent deux problèmes. Le premier, c’est que parmi les noms que vous citez il y a essentiellement des chefs d’entreprise. Un secteur dans lequel les ingénieurs ont toujours eu un grand poids, et cela depuis le XIXème siècle. On ne voit donc pas pourquoi leur présence induirait aujourd’hui une vision « clinique, dépassionnée, techno-propre » du monde alors que ce n’était pas le cas hier. Certes, vous donnez aussi quelques exemples d’hommes politiques… mais la plupart de vos exemples vient d’une époque très ancienne : évoquer Lebrun pour illustrer une transformation qui a eu lieu ces dernières décennies me paraît un peu excessif. Pourquoi pas Sadi Carnot, puisque vous y êtes ? JJSS, Giscard, Beullac, Stoléru ont tous exercé leurs talents il y a plus de trente ans. C’est d’ailleurs là que votre exemple est paradoxal : alors qu’on trouvait naguère bien plus de polytechniciens parmi les ministres, la vision de la politique était nettement plus « passionnée », nettement moins « techno-propre » qu’aujourd’hui. Les polytechnicien pétri de mathématiques qu’était un JJSS ou un Guillaumat étaient infiniment plus « passionnés », moins « techno-lisses » qu’Hollande ou Moscovici.

      [La république, en Méditerranée, nous savons ce que c’est, c’est nous qui l’avons inventé, quelques siècles avant que nous ne vous l’imposions ;]

      C’est qui ça, « nous » ? Avez-vous été mandaté pour parler au nom d’autres ? Ou bien s’agit-il du pluriel de majesté ?

      Sans le vouloir, vous avez donné l’illustration parfaite de ce que je trouve détestable dans les régionalistes méridionaux : cette manie de s’ériger en représentant des autres sans le moindre mandat. Non, la République, ce n’est pas « nous en Méditerranée » qui l’ont inventé. Ce sont les grecs. Jusqu’à plus ample information, « nous en Méditerranée » ne constituent pas un peuple, une nation, une unité quelconque, et l’héritage grec n’appartient pas plus au marseillais qu’au parisien. Un marseillais déclarant « nous en Méditerranée avons inventé la démocratie » est aussi ridicule qu’un brésilien proclamant « nous en Atlantique nous avons inventé la machine à vapeur ». Quoi, allez vous nier que la terre qui a vu naître la machine à vapeur est baignée par les eaux de l’océan Atlantique ?

      Je vais vous raconter une anecdote personnelle. C’était pendant les premières années de mon séjour en Provence. Je participais à l’époque à une campagne électorale pour une liste réunissant socialistes, communistes, personnalités de la société civile… et parmi elles quelques candidats du « Partit Occitan ». Lors d’un meeting, l’un de ces candidats commence son intervention par les mots « Chers amis, puisque nous sommes ici tous des gens du Sud, nous pouvons nous parler franchement… ». Après son discours, lors de l’inévitable séance d’interventions de la salle, j’ai pris le micro pour demander si je devais interpréter cette introduction comme une invitation à quitter la salle, puisque étant moi-même un « homme du Nord », je ne pouvais qu’empêcher les « gens du Sud » de se parler franchement. Je peux vous assurer que cela a jeté un froid… mais je n’ai pas eu droit à des excuses.

      [La fidélité dont vous parlez n’est pas achetée elle est concédée, ]

      A oui, pardon. Ou avais je donc la tête. Effectivement, elle n’est pas achetée. Elle est « concédée » en échange d’avantages de prébendes, de protection. Ce qui bien entendu est tout à fait différent…

      [et s’exerce comme un sous-ensemble de la République,]

      Oui. Un « sous-ensemble » qui s’appelle le « clan ». On ne peut pas rejeter d’un côté le communautarisme et de l’autre admettre que des « sous-ensembles » de la République puissent faire des lois supérieures, aux yeux de leurs membres, aux lois républicaines.

      [c’est le système de la "gens", les romains n’était-il pas républicains ?]

      Tout à fait. Une République aristocratique où les « gens » profitaient de la vie et les esclaves bossaient. Vous m’excuserez, ce n’est pas tout à fait le genre de République que je prefère…

      [Il y a dans votre vision rigide des mécanismes républicains quelques choses de calviniste qui abouti à la création de frustrés.]
      Alors qu’avec la vision « flexible » de la République, vous avez Alexandre Guérini, Sylvie Andrieux, Maurice Arreckx et Gaston Defferre. Ah, et j’oubliais, Jacques Médécin. C’est ça, votre République à la Verdi ?

    • Gérard Couvert dit :

      Bonsoir,

      Merci de votre longue réponse, même si elle est parfois quelque peu désagréable. Comme je l’indique dans le message commenté par vos soins j’ai renoncé à aller plus loin sur le sujet et n’en ait extrait qu’une liste et une phrase, inachevée, sorte de notes.
      Faute de temps et aussi parce que nous nous éloignions du thème initial.

      Promotion je ne sais, mais je persiste à croire que vous ordonnez et décidez plus qu’on ne le fait pour vous.
      L’X est un réservoir intéressant et j’ai longtemps eu le sentiment d’être proche des Saint-Simoniens.
      Je ne vois pas pourquoi en l’espèce il faudrait éliminer les chefs d’entreprise des élites ? il me semble qu’aujourd’hui leur rôle est prépondérant, ce que je regrette et rejette.
      Au XIXeme les élites, en France, -quel qu’elles soient- sont encore aussi des élites culturelles ; il y eu quelques ânes, mais globalement il était impossible de progresser sans avoir de solides références littéraires, artistiques et historiques. Je ne doute pas que vous allez me trouver des contre-exemples, mais changeront-ils la réalité globale ?

      Votre remarque sur les ministres d’il y a 30 ans est un argument remarquable, mais "notre nation" à l’époque était encore sous l’influence de ce que je décris plus haut, croyez-vous que Sarkozy eu pu être élu en 1981 ? C’est parfaitement exact que l’on trouve dans la liste des polytechniciens de parfaits "honnêtes hommes" et même des individus dotés d’une sensibilité fine et sachant l’exprimer ; nous aurions plus de mal avec HEC !

      Le paragraphe ou vous imaginez que j’utiliserais le "nous" de majesté est sans doute de trop ; d’une part parce que c’est vous qui m’avez placé dans le rôle du Sudiste et qui avez multiplié les attaques "nordistes", ensuite parce que, en langues du sud c’est plutôt la troisième personne du singulier qui est utilisée.

      "Sans le vouloir, vous avez donné l’illustration parfaite de ce que je trouve détestable dans les régionalistes méridionaux" Ceux qui connaissent mon activité politique et mes prises de bec avec tout ce qui n’est pas dans l’orthodoxie d’une république "une et indivisible" doivent beaucoup s’amuser de votre remarque. Ceci étant vous n’êtes pas très "clair" (oserais-je "honnête" ?) dans votre changement d’approche ; d’un coté vous me faites tout un pataquès de nordiste, avec je ne sais qu’elle permanence de comportement, de pensées et d’actes que "nous" aurions au sud parce que nous sommes du sud (d’ailleurs ça commence ou le Sud ? à Limoges, au bois de Boulogne) et de l’autre vous nous refusez un héritage, dans lequel, justement on retrouve l’origine de ce que vous nous reprochez. Le soleil à du me taper sur la tête cet été en Sicile, j’ai perdu ma logique !
      Votre comparaison ensuite me donne à penser que je ne suis pas seul à avoir des vapeurs, personne ne peux croire que vous ne sachiez pas que le bassin méditerranéen et le berceau de la civilisation, et particulièrement de la notre. Je serais d’accord avec vous si vous me disiez que la culture française et davantage l’héritière de Rome que ne le sont les Italiens, mais ne pas voir ce qui transparait de l’antique Méditerranée dans les pratiques du sud de la France c’est tout simplement refuser à son cerveau la découverte de ce qui fâche.
      Il est vrai que Cugnot, Stephenson et les machinistes du XIXeme sont souvent des non-méditéranéens, on peut en découvrir toutes sortes de raisons, dont nombre sont d’ordre culturel, cela ne me dérange pas, Fabre et Lapérouse sont du sud.
      Avec vos excuses vous me faites penser aux anti-racistes dont la lutte s’appuie sur une distinction qu’ils nient ! sinon ne vous plaignez pas, aujourd’hui, grâce aux putasseries des pouvoirs locaux socialistes, il se serait exprimé en occitan.

      Je ne répond pas sur les paragraphes "fidélité" et "sous-ensemble", soit ce serait long de vous montrer ce que vous faites semblant de ne pas voir, sois je serais désagréable et nous nous fâcherions.

      Concernant les romains, je crois que vous lisez de mauvais livres d’histoire, gauchistes ou ultra-catho, je ne sais !
      Il n’est pas pertinent de juger d’une chose passée avec la conscience d’aujourd’hui, cela revient à nier le progrès.
      Les "gens" ("gentes" devrais-je écrire), les clans selon votre terminologie nordiste (encore qu’il me semble que dans Hamlet, enfin passons) correspondaient à une segmentation fonctionnelle présente dans nombre de sociétés antiques, mais qui avait à Rome la particularité d’être plus pyramidale, et nettement moins fermée ; ainsi des "gentes" de Campanie ou de Gaule vinrent s’ajouter aux 30 majeures. C’était un moyen de représentation et de solidarités, peu à peu l’immense extension de la république (la forme juridique n’a jamais changé) à accru le nombre des membres et aussi diversifié leur état de fortune.

      Et oui, Cicéron n’avait pas lu Clermont-Tonnerre.
      Mais aucune de ces parties du tout n’a jamais trahi Rome.

      L’esclavage à été "rétabli" en Maurétanie et jamais aboli en Arabie ; il est universel (faites moi grâce des iles Salomon).
      En revanche à Rome il est réglementé (un genre de code nègre) et, à part les malheureux esclaves publics, leur sort n’est pas toujours insuportable dans un monde ou la fain rode. Et puis, à Rome, un affranchissement est toujours possible, il est même si répandu que l’on trouve un chapelet de Lois tentant d’en limiter le nombre.
      Croyez-vous que seuls les esclaves travaillaient à Rome ? Ignorez-vous que le travail manuel est exalté sur des dizaines de milliers d’inscriptions ou de bas-reliefs, et qu’il était le plus souvent celui d’hommes libres ? Ignorez-vous que dés le II siècle la force du vent ou de l’eau est de plus en plus préférée à celle des esclaves, et que les animaux de traits sont fréquents.

      Comparé aux sociétés précédentes -notoirement Athènes- et à la situation suivante la république romaine à permis à presque 100 millions de personnes de vivre sous une même Loi, écrite, appliquée (l’arbitraire est un blessure rapprochée du soleil), dans le cadre d’institutions stables ; combien de siècles faudra-t-il attendre ensuite pour que les plébéiens retrouvent cet état ?

      Maurice Arreckx, Jacques Médécin, Gaston Defferre, il n’y a pas que moi qui ait des références anciennes !
      Je vois que Calvin vous fait réagir, alors que pensez-vous que Jules Ferry ait pensé, lisez ses discours, moi il me semble qu’il laisse toujours la porte ouverte -peu je vous l’accorde- aux arrangements huilant ; après tout la Loi de 1905 est une Loi concordataire !

      Dites-moi maintenant que vous préférez Wagner à Verdi, et la boucle sera refermée.

    • Descartes dit :

      @Gérard Couvert

      [Merci de votre longue réponse, même si elle est parfois quelque peu désagréable.]

      Je vous prie de croire que ce n’est pas mon intention. Il m’arrive de me laisser emporter par ma passion, et d’être plus brusque ou sarcastique que je ne le devrais. Si j’ai dépassé les bornes admissibles dans une discussion entre personnes civilisées, je vous prie de m’excuser. Comme vous le voyez, malgré ma formation mathématique, je n’ai guère une approche « clinique, techno-propre et dépassionnée » des choses… 😉

      [Je ne vois pas pourquoi en l’espèce il faudrait éliminer les chefs d’entreprise des élites ? il me semble qu’aujourd’hui leur rôle est prépondérant, ce que je regrette et rejette.]

      Je n’ai pas dit qu’il faille les « éliminer des élites ». Ce que j’ai dit, c’est qu’ils en ont toujours fait partie, et que parmi eux il y a toujours eu de nombreux ingénieurs. Le changement dans le rapport que nos élites entretiennent avec la réalité ces deux dernières décennies ne peut donc venir d’un paramètre qui est resté constant depuis le XIXème siècle. Quant à dire que « leur rôle est prépondérant »… je pense que vous exagérez. Je doute que la pensée de Tchuruk ait beaucoup d’influence sur le discours politique.

      [Au XIXeme les élites, en France, -quel qu’elles soient- sont encore aussi des élites culturelles ; il y eu quelques ânes, mais globalement il était impossible de progresser sans avoir de solides références littéraires, artistiques et historiques.]

      C’est tout à fait exact. Mais je ne vois pas très bien en quoi le fait d’avoir une formation mathématique devrait empêcher d’avoir de telles références. J’aurais d’ailleurs tendance à penser plutôt le contraire. Je pense qu’on trouve bien plus d’amateurs d’opéra, de lecteurs de Flaubert, des connaisseurs de l’histoire de France chez les physiciens et les ingénieurs que chez les journalistes et les sociologues.

      [Votre remarque sur les ministres d’il y a 30 ans est un argument remarquable, mais "notre nation" à l’époque était encore sous l’influence de ce que je décris plus haut, croyez-vous que Sarkozy eu pu être élu en 1981 ?]

      Ni Sarkozy, ni Hollande. Les français de 1981 étaient infiniment plus exigeants envers leurs gouvernants que ceux de 2007. Je suis le premier à admettre ce changement. Ce que je conteste c’est votre idée qu’il serait lié à la « prédominance des mathématiques » dans la formation des élites. Les élites de 1981 étaient bien plus « matheuses » qu’aujourd’hui… ce qui ne les empêchait pas d’avoir aussi une culture littéraire et historique bien supérieure.

      [Le paragraphe ou vous imaginez que j’utiliserais le "nous" de majesté est sans doute de trop]

      Relisez mon commentaire. Je n’imagine nullement que vous utilisez le pluriel de majesté. Je m’étonne simplement que vous écriviez « La république, en Méditerranée, nous savons ce que c’est, c’est nous qui l’avons inventé ». Je m’interroge sur la signification de ce « nous », et sur le mandat que vous avez reçu pour pouvoir parler au nom des autres. Cette utilisation abusive du « nous » est malheureusement une manie très courante dans le sud de la France. Pour ne donner qu’un exemple d’actualité, Menucci vient de publier un livre sur les turpitudes de la politique marseillaise. Son titre ? « Nous, les marseillais ».

      ["Sans le vouloir, vous avez donné l’illustration parfaite de ce que je trouve détestable dans les régionalistes méridionaux" Ceux qui connaissent mon activité politique et mes prises de bec avec tout ce qui n’est pas dans l’orthodoxie d’une république "une et indivisible" doivent beaucoup s’amuser de votre remarque.]

      Malheureusement, je ne connais pas votre activité politique ou vos prises de bec. Je ne peux réagir qu’à vos écrits…

      [Ceci étant vous n’êtes pas très "clair" (oserais-je "honnête" ?) dans votre changement d’approche ; d’un coté vous me faites tout un pataquès de nordiste, avec je ne sais qu’elle permanence de comportement, de pensées et d’actes que "nous" aurions au sud parce que nous sommes du sud (d’ailleurs ça commence ou le Sud ? à Limoges, au bois de Boulogne) et de l’autre vous nous refusez un héritage, dans lequel, justement on retrouve l’origine de ce que vous nous reprochez.]

      Encore une fois, je vous fais remarquer l’utilisation des pronoms : « d’un côté, vous ME faites tout un pataquès de nordiste (…) et de l’autre vous NOUS refusez un héritage dans lequel, justement on retrouve l’origine de ce que vous NOUS reprochez ». Décidez-vous. Parlez vous en votre nom propre, ou bien au nom d’un « nous » que vous n’avez toujours pas défini ?

      L’héritage grec n’appartient pas plus au « nous de la méditerranée » qu’aux parisiens ou aux bordelais. Les gens qui habitent aujourd’hui Marseille ne sont pas les descendants des marins grecs qui ont fondé Phocée…

      [personne ne peux croire que vous ne sachiez pas que le bassin méditerranéen et le berceau de la civilisation, et particulièrement de la notre.]

      La « notre »… encore une fois, c’est qui le « nous » ici ? Lorsque vous dites « notre civilisation », de quelle civilisation parlez vous ?

      Par ailleurs, encore une fois vous revendiquez un héritage qui n’est pas à vous. Non, le « bassin méditerranéen » n’est pas le berceau de notre civilisation occidentale. Notre civilisation est née en Grèce, en Egypte, en Palestine, à Rome… mais aussi en Babylone, en Chaldée, à Assur, en Perse, lieux qui ne sont nullement « méditerranéens ». A la rigueur, on pourrait dire que la civilisation est née dans la partie orientale du bassin méditerranéen. Mais les apports à la naissance de la civilisation de la partie occidentale est nulle.

      [Je serais d’accord avec vous si vous me disiez que la culture française et davantage l’héritière de Rome que ne le sont les Italiens, mais ne pas voir ce qui transparaît de l’antique Méditerranée dans les pratiques du sud de la France c’est tout simplement refuser à son cerveau la découverte de ce qui fâche.]

      Je ne crois pas avoir parlé des « pratiques ». Je me suis contenté de commenter votre remarque dans le style « nous les méditerranéens nous avons inventé la démocratie ». C’est faux : ce sont les grecs qui ont inventé la démocratie. Pas les « méditerranéens » en général.

      [Je ne répond pas sur les paragraphes "fidélité" et "sous-ensemble", soit ce serait long de vous montrer ce que vous faites semblant de ne pas voir, sois je serais désagréable et nous nous fâcherions.]
      Cela me fâche bien plus que vous pensiez que je « fais semblant de ne pas voir ». Je préfère qu’on mette en doute mon intelligence plutôt que ma bonne foi. Parce que la première ne dépend pas de moi, et la seconde si.

      [Les "gens" ("gentes" devrais-je écrire), les clans selon votre terminologie nordiste (encore qu’il me semble que dans Hamlet, enfin passons) correspondaient à une segmentation fonctionnelle présente dans nombre de sociétés antiques, mais qui avait à Rome la particularité d’être plus pyramidale, et nettement moins fermée ; ainsi des "gentes" de Campanie ou de Gaule vinrent s’ajouter aux 30 majeures. C’était un moyen de représentation et de solidarités, peu à peu l’immense extension de la république (la forme juridique n’a jamais changé) à accru le nombre des membres et aussi diversifié leur état de fortune.]

      Je ne saisis pas très bien ce que vous voulez démontrer…

      Je vous le demande en toute franchise : pensez-vous vraiment qu’un système dans lequel les individus sont tenus par la loi du clan, considérée supérieure à la loi de la République, est un système acceptable aujourd’hui ?

      [Croyez-vous que seuls les esclaves travaillaient à Rome ? Ignorez-vous que le travail manuel est exalté sur des dizaines de milliers d’inscriptions ou de bas-reliefs, et qu’il était le plus souvent celui d’hommes libres ?]

      Le travail artisanal, celui de l’artiste, oui. Celui, dangereux et dur, dans les champs ou dans les mines, plus rarement.

      [Maurice Arreckx, Jacques Médécin, Gaston Defferre, il n’y a pas que moi qui ait des références anciennes !]

      J’ai choisi des références anciennes pour vous montrer que la chose ne date pas d’aujourd’hui. Mais je vous avais proposé aussi Guérini et Andrieux. Pas de commentaire ?

      [Je vois que Calvin vous fait réagir, alors que pensez-vous que Jules Ferry ait pensé, lisez ses discours, moi il me semble qu’il laisse toujours la porte ouverte -peu je vous l’accorde- aux arrangements huilant ; après tout la Loi de 1905 est une Loi concordataire !]

      Je ne vois pas très bien le rapport avec la choucroute. C’est quoi exactement votre point ? Que sous peine d’être accusé de « calviniste » il faudrait accepter le clientélisme claniste comme une sorte de folklore local ?

    • odp dit :

      1. Sur les réparations.

      Je ne sais pas à quoi vous pensez précisément, mais s’il s’agit de compensations monétaires pour les ayant-droits des victimes d’Oradour, il me semble que c’est à la fois hors d’échelle et bien imprudent. En effet, malgré toute l’horreur déployée, Oradour n’est qu’un crime de guerre parmi tant d’autres (c’est d’ailleurs le chef d’inculpation qui a été retenu conter Lammerding) et je ne connais pas d’exemple de "réparations" versées aux victimes de crimes de guerre. Par ailleurs, si la France en venait à exiger des réparations pour Oradour, je crains que, dès le lendemain, la France se retrouve avec les Algériens et les Malgaches à notre porte pour la répression des émeutes de 1945 et 1947 – pour ne parler que des moins contestables.

      D’une manière plus générale, en 1945, l’Allemagne a "payé" par la destruction complète de son territoire, sa partition, plus de 20 ans d’occupation étrangère et la perte de la Prusse Orientale, de la Silésie et d’une grande partie de la Poméranie. Quant aux réparations monétaires, elles avaient, comme vous le savez, très mauvaise presse chez les vainqueurs occidentaux en raison des problèmes qu’elles avaient créé dans le règlement de la première guerre mondiale. Et qui plus est, l’Allemagne était, en 1945, comme le reste de l’Europe, ruinée.

      Enfin, contrairement à ce que vous dites, l’Allemagne a bien versé, volontairement, des compensations financières dans le cadre de sa politique de réconciliation avec Israël pour "réparation" du crime contre l’humanité commis à l’encontre des Juifs d’Europe. 75 milliards de dollar 2012 versés entre 1953 et 1964. http://www.cclj.be/sites/default/files/etude_142.pdf

      2. Le Ghetto de Varsovie, Yad Vashem et Oradour.

      Vous n’avez pas répondu à mon objection qui est de constater que, si les polonais et les israéliens, dont le prix payé à la barbarie nazie fut bien supérieur avec celui que français payèrent, ont jugé que, malgré les ambigüités allemandes, les excuses officielles des leaders politiques "suffisaient", il y aurait une forme d’indécence à que les français trouve que cela fut insuffisant. Je note d’ailleurs que le Général de Gaulle lui-même, dans la mise en œuvre de la politique de réconciliation avec Adenauer ne fit pas du cas Lammerding un casus belli et, après avoir reçu Adenauer en France (où il lui remit la Légion d’Honneur), réalisa une visite "triomphale" en Allemagne où il effectua 14 discours en allemand : http://www.charles-de-gaulle.org/pages/l-homme/dossiers-thematiques/de-gaulle-et-le-monde/de-gaulle-et-l-allemagne/analyses/de-gaulle-et-adenauer.php. Symboliquement, cela me paraît bien plus fort que d’accepter un discours de repentance sur les lieux d’un massacre ; et d’ailleurs nul leader israélien ou polonais n’a jamais fait l’équivalent.

      3. Sur l’amnésie allemande.

      Je me permet de citer l’article premier de l’Edit de Nantes: "Que la mémoire de toutes choses passées d’une part et d’autre, depuis le commencement du mois de mars 1585 jusqu’à notre avènement à la couronne et durant les autres troubles précédents et à leur occasion, demeurera éteinte et assoupie, comme de chose non advenue. Et ne sera loisible ni permis à nos procureurs généraux, ni autres personnes quelconques, publiques ni privées, en quelque temps, ni pour quelque occasion que ce soit, en faire mention, procès ou poursuite en aucunes cours ou juridictions que ce soit."

      Cela me semble assez clair: pour la génération qui a été l’acteur de tels drames, le refoulement est la seule option. Cela a été le cas en Allemagne ("nous ne savions pas"), en France ("tous Gaullistes") et en Israël ("silence sur la Shoah").

      4. Sur Lammerding.

      Après avoir fouillé un peu plus cette affaire, elle me semble qu’elle pourrait être un peu plus complexe que ce que vous avez présenté. Tout d’abord, Lammerding n’était pas présent à Oradour et il n’existe apparemment pas de preuves matérielles indiquant qu’il ait donné l’ordre de perpétuer le massacre. La "réalité" de sa culpabilité (au moins sur plan juridique) n’était donc peut-être pas évidente. Par ailleurs, en amnistiant les condamnés français du procès de Bordeaux, la France reconnaissait que le verdict du tribunal avait été "excessif" ; comment pouvait-elle, dès lors, demander l’extradition de Lammerding et l’exécution de sa peine ? Enfin, la RFA ne fut pas la seule à refuser son extradition : les britanniques, qui contrôlèrent la région où il vivait jusqu’en 1955, refusèrent également. Le général de Gaulle, lors de sa visite de 1962 à Oradour indiqua que l’affaire suivait son cours mais qu’existaient "des barrières internationales" à l’extradition.

      5. Sur Gauck et Hollande.

      Vous reprochez à Gauck "d’avoir permis à Lammerding de mourir dans son lit". Je ne vois pas comment un jeune homme de 31 ans, est-allemand qui plus est, pouvait empêcher quoique ce soit en la matière. Par ailleurs, en ce qui concerne la dimension judiciaire qui, à votre surprise, a été abordée par Gauck, c’est selon toute vraisemblance une demande expresse de Hollande, élu de Corrèze, exprimée afin d’aider à refermer cette plaie encore béante localement, notamment en raison de l’amnistie prononcée aux bénéfice des malgré-nous. Enfin, vous avez souligné, après Edgar, puis avec d’autres, l’indécence dont aurait fait preuve Hollande en "exploitant" le massacre d’Oradour pour justifier l’intervention en Syrie. En 1999, Jacques Chirac initiateur d’une tentative de réconciliation entre alsaciens et limousins avait de même ; mais pour le Kosovo cette fois…

    • Gérard Couvert dit :

      Je ne saurais vous entrainer là où vous ne voulez aller, l’ai-je voulu, je ne crois pas ….
      Qu’est que vous en savez qu’il s’agit d’une "fausse convivialité" ? avez-vous le mètre-étalon (je vous renvoie aux film de Pagnol).
      Vous parlez de guides touristiques et bien vous devriez en écrire, ils disent les mêmes sornettes, le "quant à soi" coincé, genre pisse-vinaigre, croyez-vous que les vieux provençaux ou les vignerons des Corbières en soient exempt, toujours et tout le temps ?
      Ayant quelque peu fréquenté un ancien ministre de l’intérieur qui avait pas mal de Corses dans son entourage j’ai pu entendre ce directement des choses écrites par d’autres ; vous faites de quelques faits détonants et de dérives montées en épingles des généralités et des descriptifs d’une société bien plus rigoureuse et apaisée qu’elle ne parait. J’ai déjà tenté d’exprimer cela, il y a le théâtre et la réalité ; allez dans les coulisses, mais c’est vrai il faut montrer patte blanche et ne pas arriver comme un touriste US à Hawaï.

    • Descartes dit :

      @odp

      [Je ne sais pas à quoi vous pensez précisément, mais s’il s’agit de compensations monétaires pour les ayant-droits des victimes d’Oradour, il me semble que c’est à la fois hors d’échelle et bien imprudent.]

      Je donne au mot « réparer » un sens général. Je ne pensais pas à des compensations monétaires – quoi qu’un peut d’argent n’a jamais fait de mal à personne – mais je pensais plutôt à une réparation de nature symbolique. Par exemple, de livrer à la justice les auteurs des faits.

      [D’une manière plus générale, en 1945, l’Allemagne a "payé" par la destruction complète de son territoire, sa partition, plus de 20 ans d’occupation étrangère et la perte de la Prusse Orientale, de la Silésie et d’une grande partie de la Poméranie.]

      Je crois que vous confondez deux notions distinctes. Si vous voulez dire que l’Allemagne a été punie par la destruction de son territoire, la partition, l’occupation étrangère et la perte de territoires, je pourrais l’admettre. Mais l’Allemagne n’a pas « payé » pour autant, au sens qu’aucune de ces calamités ne fut consentie volontairement par les allemands. La punition ne suffit pas pour obtenir le pardon. Pour obtenir le pardon, il faut montrer un véritable repentir. Si l’Allemagne avait volontairement donné la Silésie à la Pologne et la Prusse orientale à l’URSS, elle aurait par ce fait démontré son repentir et mérité un pardon. Mais le fait que les alliés aient décidé de se compenser sur la bête en 1945 ne justifie nul pardon.

      Encore une fois, notre échange se place dans le cadre d’un « repentir ». Or, comment montre-t-on qu’on regrette ses actes ? Pour vous, un discours du président allemand suffit. Moi, je demande des actes qui, parce qu’ils coûtent, témoignent d’un regret sincère. Or, ces actes, l’Allemagne les a refusés quand il était encore temps de les accomplir.

      [Enfin, contrairement à ce que vous dites, l’Allemagne a bien versé, volontairement, des compensations financières dans le cadre de sa politique de réconciliation avec Israël pour "réparation" du crime contre l’humanité commis à l’encontre des Juifs d’Europe. 75 milliards de dollar 2012 versés entre 1953 et 1964.]

      Fort bien. Israël a donc une bonne raison de pardonner, et je comprendrais qu’ils reçoivent Joachim Gauck à Yad Vashem. Mais pour la France, l’Allemagne n’a rien fait, pas même ce geste de livrer à la justice un homme comme Lammerding. Gauck n’a donc rien à faire à Oradour.

      [Vous n’avez pas répondu à mon objection qui est de constater que, si les polonais et les israéliens, dont le prix payé à la barbarie nazie fut bien supérieur avec celui que français payèrent, ont jugé que, malgré les ambigüités allemandes, les excuses officielles des leaders politiques "suffisaient", il y aurait une forme d’indécence à que les français trouve que cela fut insuffisant.]

      Je ne sais pas ce que les polonais pensent de la question. Et cela n’a d’ailleurs aucune importance. Je les laisse libres de juger ce qu’ils estiment être « suffisant » en matière d’excuses, et ils me rendent, je l’espère, la pareille. Par ailleurs, je vous fait remarquer qu’Israel a récupéré de l’argent et la Pologne la Silésie et Dantzig. Nous, rien.

      [Je note d’ailleurs que le Général de Gaulle lui-même, dans la mise en œuvre de la politique de réconciliation avec Adenauer ne fit pas du cas Lammerding un casus belli et, après avoir reçu Adenauer en France (où il lui remit la Légion d’Honneur), réalisa une visite "triomphale" en Allemagne où il effectua 14 discours en allemand (…) Symboliquement, cela me paraît bien plus fort que d’accepter un discours de repentance sur les lieux d’un massacre ;]

      Vous m’obligez à me répéter. Je n’ai rien contre la politique de « réconciliation » entre la France et l’Allemagne. Les allemands sont nos voisins, que cela nous plaise ou pas. Et on a toujours intérêt à avoir des rapports civilisés avec ses voisins. De Gaulle a eu grand mérite à rétablir les ponts avec nos voisins malgré le contentieux des deux guerres mondiales. Mais rétablir les ponts ne veut pas dire pardonner. J’essaye d’être civilisé avec mes voisins, mais je ne leur pardonne pas d’avoir empoisonné mon chien. De Gaulle avait très bien compris la différence entre réconciliation et pardon, d’ailleurs. Il invita Adenauer en France, mais le reçut à l’Elysée et dans sa résidence privée de Colombey. Il ne l’amena pas à Verdun ou à Oradour. Et ce n’est pas à mon avis une coïncidence.

      [Je me permet de citer l’article premier de l’Edit de Nantes: "Que la mémoire de toutes choses passées d’une part et d’autre, depuis le commencement du mois de mars 1585 jusqu’à notre avènement à la couronne et durant les autres troubles précédents et à leur occasion, demeurera éteinte et assoupie, comme de chose non advenue. Et ne sera loisible ni permis à nos procureurs généraux, ni autres personnes quelconques, publiques ni privées, en quelque temps, ni pour quelque occasion que ce soit, en faire mention, procès ou poursuite en aucunes cours ou juridictions que ce soit." ]

      Cela s’appelle une amnistie. Qu’il ne faut pas confondre avec « amnésie ».

      [Cela me semble assez clair: pour la génération qui a été l’acteur de tels drames, le refoulement est la seule option. Cela a été le cas en Allemagne ("nous ne savions pas"), en France ("tous Gaullistes")]

      Non. Demandez à Laval, à Petain, à Darnand, à Brasillach, à Brinon si en 1945 en France on était « tous gaullistes ». Faut pas déconner : en France, on n’a pas tant « refoulé » que ça. Les tribunaux français on fait emprisonner et fusiller des français pour faits de collaboration. Et longtemps après les personnalités compromises avec l’occupant s’en sont cachées. Contrairement à un Lammerding, qui porta avec fierté ses décorations jusqu’à sa mort, personne en France n’a porté fièrement la Francisque. En Allemagne, rien.

      [Après avoir fouillé un peu plus cette affaire, elle me semble qu’elle pourrait être un peu plus complexe que ce que vous avez présenté. Tout d’abord, Lammerding n’était pas présent à Oradour et il n’existe apparemment pas de preuves matérielles indiquant qu’il ait donné l’ordre de perpétuer le massacre. La "réalité" de sa culpabilité (au moins sur plan juridique) n’était donc peut-être pas évidente.]

      C’était aux tribunaux français de le déterminer. Le fait que Lammerding était coupable ou innocent n’a aucune importance. Le fait est que la République fédérale l’a soustrait à la juridiction des juges compétents pour juger de cette question.

      [Par ailleurs, en amnistiant les condamnés français du procès de Bordeaux, la France reconnaissait que le verdict du tribunal avait été "excessif" ;]

      Certainement pas. En amnistiant les « malgré nous », la représentation nationale a jugé « excessive » la condamnation infligée à des hommes enrôlés sous la menace et qui n’auraient pu se soustraire aux ordres qui leur ont été données qu’au péril de leur propre vie. Rien de cela ne s’appliquait à Lammerding, qui n’était pas devenu général SS involontairement, que je sache.

      [Enfin, la RFA ne fut pas la seule à refuser son extradition : les britanniques, qui contrôlèrent la région où il vivait jusqu’en 1955, refusèrent également.]

      Les troupes d’occupation ont perdu les compétences judiciaires lors de la création de la République fédérale en 1949. En 1948, les britanniques ont accepté l’extradition, ce qui a provoqué la fuite de Lammerding qui s’est caché au Schleswig-Holstein jusqu’à l’établissement de la RFA.

      [Vous reprochez à Gauck "d’avoir permis à Lammerding de mourir dans son lit".]

      Pas personnellement. Le reproche s’adresse à « cette Allemagne qu’il a l’honneur de représenter » pour reprendre ses propres mots. Gauck ne visite pas Oradour à titre privé.

      [Par ailleurs, en ce qui concerne la dimension judiciaire qui, à votre surprise, a été abordée par Gauck, c’est selon toute vraisemblance une demande expresse de Hollande, élu de Corrèze, exprimée afin d’aider à refermer cette plaie encore béante localement, notamment en raison de l’amnistie prononcée aux bénéfice des malgré-nous,]

      Vous voulez dire que lorsque Gauck a déclaré partager l’amertume des familles sur le fait que les responsables n’aient pas eu à répondre de leurs actes il faisait référence aux « malgré nous » et non aux gens comme Lammerding ? J’avoue que je n’avais pas pensé à cette interprétation, mais si c’est le cas, cela dépasse toutes les limites de l’indécence. Personnellement, je ne le crois pas. D’abord, parce que les « malgré nous » ont répondu de leurs actes – ils ont bien été jugés – même si leur peine a été amnistiée.

    • odo dit :

      @ Descartes

      1. Sur le jugement des criminels de guerre

      Pour des raisons évidentes de partialité, il me semble que la norme en la matière est de recourir à un tribunal international plutôt qu’à une juridiction de l’un des belligérants (le vainqueur bien évidemment). De fait, la compétence du tribunal de Bordeaux est, en la matière, largement sujette à caution; ce qui explique peut-être que la France n’ait pas bénéficié du soutien des britanniques ou des américains sur ce sujet. J’ai lu quelque part que les britanniques avaient refusé d’extrader Lammerding; mais peut-être était-ce faux ; peut-être se sont-ils juste abstenu de soutenir la France en cette affaire. Enfin, aucun "grand" Etat, à commencer par la France, n’extrade ses nationaux; l’affaire était donc "complexe", comme le soulignait le Général de Gaulle qui évoquait, je le répète, des "barrières internationales".

      2. Sur la responsabilité de Gauck (ou plus généralement des allemands nés après 1940).

      Il paraît difficile de refuser à la génération des enfants le pardon pour les crimes des parents. Et j’inclue le refus de juger les criminels dans les "crimes" de la génération des parents. Je le répète, on ne fait la paix qu’avec ses ennemis et on ne pardonne que les offenses.

      Or, Gauck vient exprimer non seulement la repentance classique à l’égard des crimes réalisés, mais également une repentance à l’égard de la manière dont ceux-ci ont été jugés par la génération de ceux qui les avait commis; ce qui, comme vous l’avez noté, est assez neuf. Et il faudrait refuser cette "repentance"? Alors même que ce sujet est le cœur du différent actuel (si l’on veut en trouver un); notamment pour les "communautés" directement impliquées, à savoir Oradour et sa région? Cela me paraît très difficile à défendre.

      A ce titre, je me permet de préciser que je ne suggérais pas que Gauck ait fait référence aux "malgré-nous" quand il évoqua l’amertume qu’avait causé certaines décisions de justice (ce qui serait évidemment complètement aberrant) ; mais que, dans le contentieux qui existe entre Oradour/le Limousin et l’Etat au sujet des malgré-nous, François Hollande avait voulu faire d’une pierre deux coups en amenant Gauck a évoquer les problèmes posés par les décisions judiciaires allemandes. Bref, puisque l’Etat ne peut ni ne veut revenir sur l’amnistie des malgré-nous, la moindre des choses était qu’il "traite" les cas Lammerding et Barth. C’est ce qui a été fait ; et à mon avis bien fait.

      Aussi, en définitive, contrairement à ce que vous avez dit, recevoir Gauck à Oradour ne revient pas à brader la mémoire de vos grands parents morts à Buchenwald et de vos arrières grand parents morts à Verdun, mais au contraire.

      3. Réconciliation, amitié, repentance, pardon.

      Vous avez raison, on peut très bien se réconcilier (c’est-à-dire renouer des liens) sans pardonner ; par réalisme ou bien parce que la "faute" est "impardonnable". C’est par exemple le cas des israéliens. Ils se sont réconciliés avec les allemands mais n’ont pas pardonné – pour des raisons évidentes.

      Ceci dit, dans le cas de la France, il s’agit, avec l’Allemagne, bien plus que de réconciliation, mais d’amitié ; qui elle implique le pardon, car "amitié" et "défiance" ne sauraient aller de pair. Votre position de refuser le pardon à l’Allemagne de 2010 parce que celle de 1970 aurait "raté le coche" est donc, sous cet angle, intenable.

      Certes, me direz-vous mais, vous n’avez que faire de l’amitié de l’Allemagne ; la réconciliation vous suffit. On pourrait longuement gloser sur les avantages et les inconvénients qu’il y a à avoir ou pas, avec son principal partenaire commercial, des relations d’amitié ou de simple voisinage ; mais l’essentiel n’est pas là. L’essentiel est que l’amitié franco-allemande est une constante de la diplomatie française en Europe depuis le Général de Gaulle.

      Et j’ai bien dit amitié ; pas réconciliation. Je me permets d’ailleurs de citer la fin du discours du Général de Gaulle prononcé à Cologne, en Allemand, en Septembre 1962 : Vive Cologne, Vive l’Allemagne, Vive l’amitié franco-allemande. Quelle plus belle preuve d’amitié que de prononcer chez son ancien adversaire des discours d’amitié dans la langue de celui-ci ? A côté de ça, recevoir Gauck à Oradour c’est franchement peu. Aussi, vous pouvez bien entendu être contre cette politique mais, plutôt que d’isoler Hollande, il faudra alors englober l’ensemble des dirigeants français de la Vème République, y compris et avant tout le Général de Gaulle. http://www.charles-de-gaulle.org/pages/l-homme/dossiers-thematiques/de-gaulle-et-le-monde/de-gaulle-et-l-allemagne/documents/traduction-de-l-allocution-prononcee-en-allemand-a-cologne–5-septembre-1962.php

      4. Sur l’Edit de Nantes

      La deuxième phrase est en effet une amnistie; mais c’est la première qui, dans notre débat, me paraissait intéressante. Elle stipule qu’après que ce soient produits "de si effroyables troubles, confusions et désordres" (je cite là le préambule), l’amnésie est la condition de l’amnistie. Si cela ne vous suffisait pas, je citerai donc le 2ème article: "Défendons à tous nos sujets, de quelque état et qualité qu’ils soient, d’en renouveler la mémoire" qui est encore plus explicite. Par ailleurs, comme vous l’avez très probablement remarqué, amnésie et amnistie ont la même racine grecque qui signifie "oubli". Ce n’est évidemment pas un hasard. Une autre façon de l’exprimer est cette formule de Renan : "celui qui souhaite faire l’Histoire doit oublier l’Histoire".

    • Gérard Couvert dit :

      Quelques mots …

      En écrivant "désagréable", je pensais assez aux scrupulus, vous voyez je n’ai donc rien à vous pardonner, sauf à vouloir une discussion de monologues parallèles …

      L’action de Tchuruk à beaucoup fait pour la mondialisation et la désindustrialisation de la France, infiniment plus dommageable que toute la carrière de Madelin !
      Xavier Niel est un autre exemple.

      "journalistes et les sociologues" vous en avez rencontré, je veux dire des vrais, avec éthique et recul ?

      "ce qui ne les empêchait pas d’avoir aussi une culture littéraire et historique bien supérieure." C’est exactement ce que je pense et écris lorsque je parle de la sur-représentation des mathématiques.

      "pluriel de majesté" c’est pourtant ce que vous écrivez, et je maintiens que c’est vous qui m’avez placé dans le rôle de "défenseur" des sudistes, donc le nous est justifié dans ce cadre-là.

      "malheureusement une manie" forcement tout ce que nous sommes et faisons qui est distinguable des habitudes du nord est une manie malheureuse … vous êtes la norme en tout en quelque sorte, cela me rappelle l’une des lettres de Chopin à G. Sand où il parle des anglais.

      Sous mon nom et parfois avec un pseudonyme j’écris dans divers sites (Riposte Laïque par exemple), je suis fréquemment candidat à des élections ; j’ai aussi une activité d’interventions publiques sur l’armée romaine antique, j’organise et guide des voyages en Italie.

      C’est à moi que vous faites un pataquès et aux sudistes que vous refusez un héritage ; sans doute que mon approche du français et celle d’un pied-noir inculte vivant au Sud de notre pays … vous savez chez les paresseux qui sentent l’ail !

      "Les gens qui habitent aujourd’hui Marseille ne sont pas les descendants des marins grecs qui ont fondé Phocée…" pas si sur, et quand bien même, s’ils le croient et le vivent ?

      Vous avez bien noté que le début de mes remarques sur la civilisation était bancal, je n’en étais rendu-compte mais j’ai eu un peu "la flemme" de le réécrire …

      La Perse, celle en tout cas dont l’apport est décelable dans notre civilisation "occidentale" est une puissance méditerranéenne, l’épopée d’Alexandre ne doit rien au hasard.
      Le bassin du Tigre et de l’Euphrate à vu l’éclosion de la vie urbaine et les prémices du droit, là encore si ce ne sont pas des lieux géographiquement méditerranéens, leur relations principales se font vers la méditerranée ; Mycène est une articulation primordiale.

      "les apports à la naissance de la civilisation de la partie occidentale est nulle" bien sur, ais-je dit autre chose ? Celto-ligures peu de chose en rapport des Étrusques dés lors que ceux-ci s’hellénisent, et c’est encore plus vrai des peuples italiques du sud avant la Grande-Grèce.
      Je n’ai d’ailleurs pas d’approche ethnique, c’est en cela que je suis "romain", "latin" ; c’est du reste cette ouverture qui permet à cette tribu vivant dans un lieu mal-foutu de construire ce que nous appelons l’Empire romain, et qui est -souvent au travers de la religion catholique- au fondement de notre pensée politique, sociale et artistique. "notre" :la civilisation occidentale, faute de trouver une désignation moins polémique.
      Mais a cette époque la, le monde "germain" n’a pas d’offre concurrente.

      Niez-vous, ou pas, qu’il y ait des marqueurs culturels propres à la méditerranée dans son ensemble, à la méditerranée chrétienne, à la méditerranée (d’origine) catholique ? Si vous l’admettez et que vous pensez que ces marqueurs sont assez prégnants pour influer sur les pensées individuelles et donc les consciences collectives soutenez-vous que ces marqueurs sont sans relation avec ceux de la civilisation méditerranéenne antique ?

      "faire semblant" peut être un artifice rhétorique qui témoigne de l’intelligence de la situation.

      " les individus sont tenus par la loi du clan, considérée supérieure à la loi de la République, est un système acceptable aujourd’hui ?"
      bien sur que non ! mais cela est une réalité faible, y compris en Corse, je vous le répète, le théâtre est à la clef, et c’est sans doute cela que vous ne désirez, ou ne parvenez pas à percevoir. Que des dérives de ce genre existent, hélas (pas seulement au sud !) mais elles ne résultent pas de la "culture" locale, les pitreries dramatiques de Hollande, sont-elles le résultat de la culture du Quai d’Orsay ?

      "Le travail artisanal, celui de l’artiste, oui. Celui, dangereux et dur, dans les champs ou dans les mines, plus rarement."
      "Artiste" est un mot qu’il ne faut pas trop manipuler en parlant de l’antiquité ; il faut attendre la fin de la Renaissance pour voir ce statut émerger (cf. Vassari).
      "dans les champs" si, si ; avec des situations différentes selon les époques et les lieux ; les marques cadastrales que l’on retrouve dans tout le bassin méditerranéen, jusqu’aux lotissements le long du limes germain, montrent que la propriété individuelle de la terre reste vivace ; ceci n’excluent pas les grandes propriétés et le travail servile.
      "les mines" c’est à cela que je faisais allusion dans mon intervention, mais ce n’est guère mieux dans les siècles qui suivent, après tout Germinal c’est la même histoire.
      "accusé de « calviniste » " pas d’accusation mais une tentative pour accrocher une logique à une école intellectuelle, ensuite je n’écrirai pas "calviniste" mais "calvinisme", nous manipulons des idées, pas des armes.

      Nous sommes loin de l’Allemagne et de ses démons, et je trouve le débat mal engagé ; un jour vous écrirez un papier sur ce sujet, et nous reprendrons notre joute.

    • Descartes dit :

      @ odp

      [Sur le jugement des criminels de guerre. Pour des raisons évidentes de partialité, il me semble que la norme en la matière est de recourir à un tribunal international plutôt qu’à une juridiction de l’un des belligérants (le vainqueur bien évidemment).]

      « La norme en la matière » n’est certainement pas celle-là. La plupart des crimes de guerre ont été jugés par les juridictions du pays où les faits se sont produits. Le recours aux tribunaux internationaux n’est d’ailleurs possible que lorsque les juridictions du pays en question se refusent à poursuivre.

      [De fait, la compétence du tribunal de Bordeaux est, en la matière, largement sujette à caution;]

      L’impartialité du tribunal peut être mise en doute, mais sa compétence me semble incontestable en raison de la « ratione loci ».

      [ce qui explique peut-être que la France n’ait pas bénéficié du soutien des britanniques ou des américains sur ce sujet.]

      N’importe quoi. La raison pour laquelle la France n’a pas bénéficié du soutien des britanniques et des américains tient à une raison bien moins avouable : britanniques et américains étaient déjà dans la logique de la guerre froide et considéraient que les anciens nazi pouvaient resservir. C’est pourquoi ils ont fermé les yeux sur les départs de nazis notoires vers des exils dorés au Brésil, en Argentine, au Chili. L’idée que les américains et les britanniques voulaient protéger les gens comme Lammerding des injustices des tribunaux français est ridicule.

      [Enfin, aucun "grand" Etat, à commencer par la France, n’extrade ses nationaux; l’affaire était donc "complexe", comme le soulignait le Général de Gaulle qui évoquait, je le répète, des "barrières internationales".]

      Admettons – même si c’est inexact. Mais rien n’empêchait la justice allemande de juger Lammerding elle-même. Une condamnation par un tribunal allemand m’aurait largement satisfait.

      [Sur la responsabilité de Gauck (ou plus généralement des allemands nés après 1940). Il paraît difficile de refuser à la génération des enfants le pardon pour les crimes des parents. Et j’inclue le refus de juger les criminels dans les "crimes" de la génération des parents.]

      Je ne vois pas pourquoi je devrais « pardonner » à celui qui ne se repent pas. Et c’est un drôle de « repentir » celui qui refuse de faire ce qui est en son pouvoir pour réparer la faute. Il serait injuste de reprocher à la génération de Gauck le crime d’Oradour. Il est juste, par contre, de lui reprocher d’avoir laissé le crime d’Oradour impuni.

      [Je le répète, on ne fait la paix qu’avec ses ennemis et on ne pardonne que les offenses.]

      Je veux bien faire la paix avec les allemands, mais il ne peut y avoir pardon sans repentir. Et je parle d’un repentir véritable, qui se traduise en actes. Pas des discours qui ne coûtent rien, pendant que les criminels reposent en paix après avoir vécu comme des princes.

      [Or, Gauck vient exprimer non seulement la repentance classique à l’égard des crimes réalisés, mais également une repentance à l’égard de la manière dont ceux-ci ont été jugés par la génération de ceux qui les avait commis; ce qui, comme vous l’avez noté, est assez neuf.]

      « Res, non verba ».

      [Et il faudrait refuser cette "repentance"?]

      Oui. Parce que les paroles ne sont pas appuyées par des actes. Je le répète : l’Allemagne a eu l’opportunité de réparer au moins symboliquement le mal qu’elle a fait à Oradour, en punissant les coupables du massacre. Elle a préféré les protéger. Et maintenant, il est trop tard. Ce manquement rend à tout jamais les autorités de la RFA persona non grata à Oradour. Que le président de la République invite le président allemand à l’Elysée, je trouve cela tout à fait normal. Qu’il l’invite à Oradour, non. Comme je l’ai dit ailleurs, je peux peut-être me réconcilier avec l’homme qui a tué mon fils, mais je ne l’inviterai pas à se recueillir sur sa tombe.

      [Réconciliation, amitié, repentance, pardon. Vous avez raison, on peut très bien se réconcilier (c’est-à-dire renouer des liens) sans pardonner ; par réalisme ou bien parce que la "faute" est "impardonnable". C’est par exemple le cas des israéliens. Ils se sont réconciliés avec les allemands mais n’ont pas pardonné – pour des raisons évidentes.]

      Je trouve curieux que les raisons des israéliens vous paraissent « évidentes » alors que vous soutenez que les français ne sauraient pas refuser leur pardon.

      [Ceci dit, dans le cas de la France, il s’agit, avec l’Allemagne, bien plus que de réconciliation, mais d’amitié ; qui elle implique le pardon, car "amitié" et "défiance" ne sauraient aller de pair.]

      L’amitié entre les états n’est qu’une communauté d’intérêts. Elle ne nécessite ni confiance, ni pardon. On parle en permanence de l’amitié franco-américaine, ce qui n’a pas empêché les américains de mettre des bâtons dans les roues de notre programme nucléaire ou de nous espionner. Et nous faisons de même. Il ne faut pas donner aux mots qui s’appliquent aux rapports entre états le même sens que lorsqu’ils s’appliquent aux rapports entre personnes.

      [Votre position de refuser le pardon à l’Allemagne de 2010 parce que celle de 1970 aurait "raté le coche" est donc, sous cet angle, intenable.]

      La répétition ne constitue pas un argument. L’Allemagne a eu une opportunité de manifester son repentir, et ne l’a pas fait. Maintenant, c’est trop tard.

      [Certes, me direz-vous mais, vous n’avez que faire de l’amitié de l’Allemagne ; la réconciliation vous suffit. On pourrait longuement gloser sur les avantages et les inconvénients qu’il y a à avoir ou pas, avec son principal partenaire commercial, des relations d’amitié ou de simple voisinage ; mais l’essentiel n’est pas là. L’essentiel est que l’amitié franco-allemande est une constante de la diplomatie française en Europe depuis le Général de Gaulle.]

      Non. L’invocation de l’amitié franco-allemande fait certainement partie du discours de la diplomatie française, mais en dessous les rapports n’ont jamais été véritablement « amicaux ». Est-ce l’acte d’un « ami » que de protéger un criminel de guerre qui a massacré des centaines d’innocents d’une manière atroce ? Je ne le pense pas. Encore une fois, je pense que vous oubliez que le mot « amitié » dans les rapports entre états n’a pas le sens qu’il a dans un rapport entre personnes.

      [Et j’ai bien dit amitié ; pas réconciliation. Je me permets d’ailleurs de citer la fin du discours du Général de Gaulle prononcé à Cologne, en Allemand, en Septembre 1962 : Vive Cologne, Vive l’Allemagne, Vive l’amitié franco-allemande.]

      Parole, parole, parole… Mongénéral, qui était un pragmatique, est allé en Allemagne pour obtenir un résultat politique, et ce résultat politique supposait de séduire les allemands. Je ne crois pas un instant qu’il ait pu penser que l’Allemagne et la France étaient devenues « amies », et que l’Allemagne pouvait un jour aller contre ses intérêts par « amitié » pour la France.

      [Sur l’Edit de Nantes. La deuxième phrase est en effet une amnistie; mais c’est la première qui, dans notre débat, me paraissait intéressante. Elle stipule qu’après que ce soient produits "de si effroyables troubles, confusions et désordres" (je cite là le préambule), l’amnésie est la condition de l’amnistie. Si cela ne vous suffisait pas, je citerai donc le 2ème article: "Défendons à tous nos sujets, de quelque état et qualité qu’ils soient, d’en renouveler la mémoire" qui est encore plus explicite.]

      Mais alors… que fait Gauck sur un lieu dont le but est précisément de « renouveler la mémoire » ? Soyez cohérent : si vous pensez que « l’amnésie est la condition de l’amnistie », alors vous devriez proposer la destruction des lieux de mémoire, des monuments, des musées qui perpétuent le souvenir de l’horreur nazi.

      [Une autre façon de l’exprimer est cette formule de Renan : "celui qui souhaite faire l’Histoire doit oublier l’Histoire".]

      Mais alors, que faisaient Hollande et Gauck à Oradour ?

    • odo dit :

      Je serai bref car il me semble que nous avons presque épuisé le sujet.

      Le point central, me semble-t-il, est que vous faites l’impasse sur la notion de génération.

      Pour reprendre votre métaphore, l’homme que vous emmèneriez sur la tombe de votre fils, n’est pas celui qui l’a tué, mais le fils de celui qui l’a tué. C’est très différent. La culpabilité n’est pas, me semble-t-il, une maladie génétique qui se transmet de génération en génération ; à moins que, comme certains, vous trouviez une noblesse "romaine" à la pratique de la vendetta.

      De même, et vous me forcez également à me répéter, vous ne pouvez pas reprocher à Gauck (on plus génériquement à la génération née après la guerre) d’avoir "laissé le crime d’Oradour impuni", puisque cette génération n’est pas celle qui a eu à "juger" Lammerding.

      Enfin, vous faites la même erreur dans l’interprétation de cette très jolie formule de l’Edit de Nantes. L’amnésie est en effet requise quand les armes viennent juste de se taire; ce n’est plus le cas pour les générations qui suivent, qui, si elles le souhaitent, peuvent passer à la mémoire. C’est, je le répète également, ce qui s’est passé en Israël et en France – à un degré moindre pour la France, je vous l’accorde. Quant à l’histoire, elle vient en général bien après. Je vous renvoie à l’introduction du livre de Michelle Cointet – dont par ailleurs vous avez vanté le mérites: nombre d’historiens pensent qu’il est encore trop tôt pour faire l’histoire de Vichy.

      Bref. Amnésie, mémoire, histoire. C’est un cycle très classique dans le regard que portent les communautés humaines sur leurs actions et celles de leur prédécesseurs. Nulle contradiction ni incohérence donc dans ce qui j’expose; une perspective historique qu’apparemment vous refusez.

    • Descartes dit :

      @Gérard Couvert

      ["ce qui ne les empêchait pas d’avoir aussi une culture littéraire et historique bien supérieure." C’est exactement ce que je pense et écris lorsque je parle de la sur-représentation des mathématiques.]

      Je ne comprends pas votre raisonnement. Je vous ai montré que la formation des élites naguère était beaucoup plus « mathématique » que maintenant. Or vous soutenez encore que c’est la « sur représentation des mathématiques » dans la formation de nos élites qui provoque la dégradation…

      ["pluriel de majesté" c’est pourtant ce que vous écrivez, et je maintiens que c’est vous qui m’avez placé dans le rôle de "défenseur" des sudistes, donc le nous est justifié dans ce cadre-là.]

      Sauf que vous avez utilisé le « nous » avant que je vous place nulle part, puisque j’ai relevé cette utilisation dans ma première réponse à votre commentaire.

      [C’est à moi que vous faites un pataquès et aux sudistes que vous refusez un héritage]

      Certainement. Je leur refuse la possession exclusive d’un héritage qui n’est pas le leur, et qu’ils ont une certaine tendance à s’approprier…

      ["Les gens qui habitent aujourd’hui Marseille ne sont pas les descendants des marins grecs qui ont fondé Phocée…" pas si sur, et quand bien même, s’ils le croient et le vivent ?]

      Le fait que je me croie Alexandre ne me donne pas droit au trône de Macédoine…

      [La Perse, celle en tout cas dont l’apport est décelable dans notre civilisation "occidentale" est une puissance méditerranéenne, l’épopée d’Alexandre ne doit rien au hasard.]

      Tout au plus une puissance égéenne. On ne vit pas des navires perses sillonner le Golfe du Lyon… Là encore, on retrouve le mythe de la « méditerranée » perçue comme un espace unique. Elle le fut pour les grecs, les phéniciens, les romains. Pas pour les égyptiens, les perses, les babyloniens. Faire de « la méditerranée » le berceau de la civilisation est donc pour le moins erroné.

      [Le bassin du Tigre et de l’Euphrate à vu l’éclosion de la vie urbaine et les prémices du droit, là encore si ce ne sont pas des lieux géographiquement méditerranéens, leur relations principales se font vers la méditerranée ; Mycène est une articulation primordiale.]

      Il n’empêche que même qu’à supposer que leurs relations principales se fassent vers la méditerranée, cela ne les transforme pas en peuples méditerranéens. Après tout, l’essentiel des rapports de l’Algérie se font avec l’Europe, et il n’est pas pour autant un pays européen.

      [Niez-vous, ou pas, qu’il y ait des marqueurs culturels propres à la méditerranée dans son ensemble, à la méditerranée chrétienne, à la méditerranée (d’origine) catholique ?]

      Oui, je le nie. Mais vous avez l’air d’y croire. Pourriez vous donner quelques exemples précis de « marqueurs » qui soient « propres » à la méditerranée « dans son ensemble » (c’est-à-dire, qui se retrouvent dans l’ensemble de la méditerranée et nulle part ailleurs) ?

      ["les individus sont tenus par la loi du clan, considérée supérieure à la loi de la République, est un système acceptable aujourd’hui ?" bien sur que non !]

      J’en ai fini, monsieur le président…

      [mais cela est une réalité faible, y compris en Corse,]

      Vous le croyez vraiment ? Moi pas. J’ai l’honneur de compter parmi mes amis deux anciens préfets de Corse. Et tous deux m’ont raconté la même histoire, celle d’une population qui protège les membres de son « clan » quelque soit le crime qu’ils aient pu commettre. Il n’y a jamais de témoins en Corse. Et pas seulement parce que les gens ont peur : des individus qui ont le courage de prendre un flingue et d’aller tuer le frère ou le fils de celui qu’ils pensent coupable n’iront jamais le dénoncer aux gendarmes.

      [Que des dérives de ce genre existent, hélas (pas seulement au sud !)]

      Connaissez-vous un exemple de « dérive » équivalente à celle d’Yvan Colonna qui ait eu pour cadre une autre région de France ?

      ["Le travail artisanal, celui de l’artiste, oui. Celui, dangereux et dur, dans les champs ou dans les mines, plus rarement.". » Artiste" est un mot qu’il ne faut pas trop manipuler en parlant de l’antiquité ; il faut attendre la fin de la Renaissance pour voir ce statut émerger (cf. Vassari).]

      C’est pourquoi je l’ai assimilé à celui de l’artisan.

      ["dans les champs" si, si ; avec des situations différentes selon les époques et les lieux ; les marques cadastrales que l’on retrouve dans tout le bassin méditerranéen, jusqu’aux lotissements le long du limes germain, montrent que la propriété individuelle de la terre reste vivace ; ceci n’excluent pas les grandes propriétés et le travail servile.]

      Et même les petites propriétés et le travail servile. La possession d’esclaves n’était pas exclusivement réservée aux grands domaines.

    • Descartes dit :

      @odp

      [Le point central, me semble-t-il, est que vous faites l’impasse sur la notion de génération. Pour reprendre votre métaphore, l’homme que vous emmèneriez sur la tombe de votre fils, n’est pas celui qui l’a tué, mais le fils de celui qui l’a tué. C’est très différent. La culpabilité n’est pas, me semble-t-il, une maladie génétique qui se transmet de génération en génération ;]

      Vous avez raison. Mais poussons jusqu’au bout l’analogie. Il s’agit certes du fils de celui qui a tué mon enfant, et non de l’assassin lui-même. Mais il s’agit d’un fils qui a tout fait pour que son père soit soustrait au bras de la justice, et dont l’action a abouti à laisser le meurtre de mon enfant impuni. Dans ces conditions, je trouverais normal de ne pas l’emmener avec moi sur la tombe de mon enfant… et je trouverais indécent qu’il se permette un discours sur son « repentir ».

      [De même, et vous me forcez également à me répéter, vous ne pouvez pas reprocher à Gauck (on plus génériquement à la génération née après la guerre) d’avoir "laissé le crime d’Oradour impuni", puisque cette génération n’est pas celle qui a eu à "juger" Lammerding.]

      Comment ça ? Lammerding est mort en 1972. Gauck est né en 1940. Il appartient donc à une génération qui a eu les droits politiques bien avant que Lammerding quitte ce monde.

      [Enfin, vous faites la même erreur dans l’interprétation de cette très jolie formule de l’Edit de Nantes. L’amnésie est en effet requise quand les armes viennent juste de se taire; ce n’est plus le cas pour les générations qui suivent, qui, si elles le souhaitent, peuvent passer à la mémoire.]

      C’est une interprétation un peu osée du texte… mais admettons. J’en déduis que vous trouvez normal que Lammerding n’ait pas été poursuivi, ou que Kiesinger ait été chancelier d’Allemagne. N’est ce pas là l’application éclatante de cet « oubli » dont vous parlez ? Pensez-vous que Beate Klarsfeld ait eu tort de gifler publiquement Kiesinger ?

      [Quant à l’histoire, elle vient en général bien après. Je vous renvoie à l’introduction du livre de Michelle Cointet – dont par ailleurs vous avez vanté le mérites: nombre d’historiens pensent qu’il est encore trop tôt pour faire l’histoire de Vichy.]

      Je ne partage pas cette position. Qu’il soit difficile d’écrire l’histoire de faits récents, je suis d’accord. Qu’il ne faille pas le faire… non, je ne le crois pas.

    • odp dit :

      @ Descartes

      Merci de vos réponses. Je suis content de voir que l’on peut engager un débat franchement contradictoire sans que cela se termine dans l’acrimonie.

    • Descartes dit :

      @odp

      [Merci de vos réponses. Je suis content de voir que l’on peut engager un débat franchement contradictoire sans que cela se termine dans l’acrimonie.]

      Vous en doutiez ? 😉
      En tout cas, je vous remercie aussi. Le but de ce blog est bien celui-là: des débats ouverts et passionnés entre des gens qui se respectent personnellement.

  12. Gérard Couvert dit :

    erreur de frappe, dernière ligne lire "ramenèrent"

    • @ Descartes & odp,

      En lisant vos échanges, je me pose une question, et me permets de vous la soumettre puisque vous paraissez tous deux connaître le dossier Lammerding: est-ce que la République Fédérale a, à un moment donné, fourni une quelconque justification officielle à son refus d’accorder l’extradition de Lammerding? A-t-elle publiquement contesté le verdict du tribunal français? odp fait valoir que Lammerding n’était pas personnellement présent sur place et que la transmission de l’ordre dans la chaîne de commandement est confuse. L’Allemagne a-t-elle invoqué ces doutes ouvertement?

      Autre question: j’ai lu que la RFA avait aboli la peine de mort en 1949. Dans ce cas-là, n’est-il pas normal qu’elle ait refusé l’extradition d’un de ses ressortissants risquant la peine capitale dans le pays de condamnation?

    • Descartes dit :

      @ nationalistejacobin

      [En lisant vos échanges, je me pose une question, et me permets de vous la soumettre puisque vous paraissez tous deux connaître le dossier Lammerding: est-ce que la République Fédérale a, à un moment donné, fourni une quelconque justification officielle à son refus d’accorder l’extradition de Lammerding?]

      Jamais à ma connaissance. Elle s’est contentée de laisser sans réponse la demande française d’extradition.

      [A-t-elle publiquement contesté le verdict du tribunal français? odp fait valoir que Lammerding n’était pas personnellement présent sur place et que la transmission de l’ordre dans la chaîne de commandement est confuse. L’Allemagne a-t-elle invoqué ces doutes ouvertement?]

      Pas à ma connaissance.

      [Autre question: j’ai lu que la RFA avait aboli la peine de mort en 1949. Dans ce cas-là, n’est-il pas normal qu’elle ait refusé l’extradition d’un de ses ressortissants risquant la peine capitale dans le pays de condamnation?]

      Non. Dans ces cas, l’extradition est souvent conditionnée au fait que l’extradé ne puisse être condamné à une peine supérieure que celle prévue pour le même délit par le pays qui accorde l’extradition. Par ailleurs, l’Allemagne aurait pu choisir de juger Lammerding sur son sol, ce qui en vertu du principe « non bis in idem » aurait rendu l’extradition sans objet.

    • odp dit :

      Bonjour NJ,

      Le premier point à noter c’est en effet qu’aucun "grand" pays n’extrade ses nationaux; la France pas plus que les autres, depuis une loi de 1927. http://www.juripole.fr/Juripole_etudiant/html_melanie/Penal7.html.

      Cependant, comme l’a noté Descartes, l’Allemagne aurait très bien pu juger Lammerding sur place; sauf que, comme je l’ai indiqué, Lammerding, bien que Général de la division Das Reich, n’était pas présent lors du massacre (qui fut perpétré par l’une des nombreuses unités de ladite division) et qu’il n’existe pas de "preuves" matérielles indiquant qu’il ait donné l’ordre de réaliser celui-ci.

      Le commandant du bataillon impliqué dans la tuerie était Adolf Diekmann (qui mourut quelques jours plus tard sur le front de Normandie) secondé par Heinz Barth, qui, comme Descartes l’a indiqué, fut lui condamné à la prison à vie en 1983 par les autorités de RDA et relâché pour raisons de santé en 1997.

      De fait, quand Lammerding "refit surface" en 1958 et que la France demanda son extradition, ses avocats se réfugièrent derrière le fait que la constitution allemande interdisait au gouvernement l’extradition de nationaux et qu’un accord signé en 1955 entre la RFA et les "alliés" proscrivait une révision ou la reprise des procès pour crimes de guerre.

      Néanmoins, partant du principe que Lammerding n’avait pas été réellement jugé par les autorités françaises (puisqu’il était absent du procès), le procureur de Dortmund ré-ouvrit le dossier en 1961 mais conclut en 1964 qu’il n’y avait pas de preuves suffisantes pour engager des poursuites, notamment après que de nombreux témoignages d’anciens SS de la division Das Reich l’aient disculpé. Par la suite, les français, et notamment le procureur de Tulle, essayèrent d’amasser des preuves de l’implication directe de Lammerding dans le massacre; mais celui-ci mourut avant que les poursuites puissent aboutir. A noter que les autorités allemandes ont ré-ouvert le dossier très récemment après que des historiens ont fait état de dépositions retrouvées dans les archives de la Stasi indiquant que les soldats savaient qu’un massacre serait commis. 6 anciens SS font actuellement l’objet d’une enquête et pourraient être traduits devant un tribunal dans les prochains mois.

      Au total, je ne nie pas l’Allemagne de l’après guerre n’ait été que très faiblement dénazifiée ni que la justice d’alors ait été très réticente à traîner les anciens criminels de guerre devant les tribunaux; et ce d’autant plus que les juges censés juger les nazis étaient souvent les mêmes que ceux qui avaient condamnés à mort les opposants du 3ème Reich sous le régime nazi. Néanmoins, dans le cas spécifique de Lammerding et d’Oradour-sur-Glane, le cas semble être, sur le strict plan juridique, assez complexe.

      Par ailleurs, comme je l’ai indiqué, il paraît difficile de juger l’Allemagne de 2010 sur la base de décisions judiciaires prises dans les années 50 et 60; surtout quand le consensus des historiens est que, à partir des années 70, le regard porté par les allemands sur leur passé s’est très nettement infléchi vers une reconnaissance claire et nette des crimes de l’Allemagne nazie pour en arriver d’ailleurs, à notre époque, à une situation de véritable stupéfaction/incrédulité face à la monstruosité de ces actes; comme l’indique bien le livre récemment édité en Français « Grand-père n’était pas un nazi » ou les commentaires d’Angela Merkel ou Joachim Gauck lors de leurs visites mémorielles.

      Cela ne veut pas dire que cette mise à distance radicale ne soit exempte de "problèmes", ni qu’il n’existe des franges de la population du pays prêtes à prendre leur distance avec le "temps de la repentance" et le "politiquement correct". Néanmoins, il me paraît indubitable que l’Allemagne est le pays du monde qui porte, et de loin, sur son histoire le regard le plus critique (à juste titre me direz-vous); et que leur chercher des poux là-dessus me paraît assez excessif.

      http://www.ushmm.org/wlc/en/article.php?ModuleId=10007840.
      http://www.spiegel.de/spiegel/print/d-45921995.html http://www.oradour.info/appendix/dortmund/dortmund.htm
      http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/09/03/01016-20130903ARTFIG00509-oradour-sur-glane-une-enquete-menee-en-allemagne-vise-six-anciens-ss.php

    • Descartes dit :

      @odp

      [Cependant, comme l’a noté Descartes, l’Allemagne aurait très bien pu juger Lammerding sur place; sauf que, comme je l’ai indiqué, Lammerding, bien que Général de la division Das Reich, n’était pas présent lors du massacre (qui fut perpétré par l’une des nombreuses unités de ladite division) et qu’il n’existe pas de "preuves" matérielles indiquant qu’il ait donné l’ordre de réaliser celui-ci.]

      Même s’il n’existe pas de preuve matérielle qu’il ait ordonné spécifiquement le massacre d’Oradour, il existe des ordres signées de sa main ordonnant l’application des directives de Hitler concernant les représailles contre les populations civiles. Ce fait à lui seul suffit pour caractériser le crime de guerre. Quand aux preuves concernant Oradour, on ne saura jamais si elles existent ou pas. Dans la mesure où le procès n’a pas eu lieu, nous ne savons pas quelles auraient été les « preuves » qu’une instruction réalisée par un juge allemand aurait pu retrouver.

      [De fait, quand Lammerding "refit surface" en 1958 et que la France demanda son extradition,]

      D’où tirez vous que Lammerding « refit surface » en 1958 ? Si mes renseignements sont exacts, la justice française a demande l’extradition bien avant. Lammerding fut même obligé de se cacher dans le nord de l’Allemagne en 1948 devant le risque que les britanniques acceptent finalement de le faire arrêter.

      [ses avocats se réfugièrent derrière le fait que la constitution allemande interdisait au gouvernement l’extradition de nationaux et qu’un accord signé en 1955 entre la RFA et les "alliés" proscrivait une révision ou la reprise des procès pour crimes de guerre.]

      Cet accord est à mon sens la meilleure preuve des limites du « repentir » allemand. Malgré tous les discours, l’Allemagne a négocié un accord qui a permis a des criminels nazis d’échapper à toute poursuite.

      [Néanmoins, partant du principe que Lammerding n’avait pas été réellement jugé par les autorités françaises (puisqu’il était absent du procès), le procureur de Dortmund ré-ouvrit le dossier en 1961 mais conclut en 1964 qu’il n’y avait pas de preuves suffisantes pour engager des poursuites, notamment après que de nombreux témoignages d’anciens SS de la division Das Reich l’aient disculpé.]

      Etonnant, non ?

      [A noter que les autorités allemandes ont ré-ouvert le dossier très récemment après que des historiens ont fait état de dépositions retrouvées dans les archives de la Stasi indiquant que les soldats savaient qu’un massacre serait commis.]

      Comme c’est étrange… le procureur de Dortmund n’a pas pensé en 1961 à interroger les autorités de la RDA pour obtenir des informations et des témoignages ? Mais peut-être ne voulait-il pas savoir…

      [6 anciens SS font actuellement l’objet d’une enquête et pourraient être traduits devant un tribunal dans les prochains mois.]

      A 90 ans, le risque d’une condamnation doit les terrifier… Que voulez-vous parier qu’ils ne feront pas un seul jour de prison ?

      [Néanmoins, dans le cas spécifique de Lammerding et d’Oradour-sur-Glane, le cas semble être, sur le strict plan juridique, assez complexe.]

      Qu’il fut complexe n’est contesté par personne. Mais les juges traitent tous les jours des affaires complexes. Dans le cas de Lammerding – comme dans beaucoup d’autres – il y a une volonté partagée par l’ensemble du corps politique allemand à de très rares exceptions près de ne pas demander des comptes aux criminels de guerre. Ce qui rend le « repentir tardif » dont on nous abreuve aujourd’hui particulièrement indécent.

      [Par ailleurs, comme je l’ai indiqué, il paraît difficile de juger l’Allemagne de 2010 sur la base de décisions judiciaires prises dans les années 50 et 60; surtout quand le consensus des historiens est que, à partir des années 70, le regard porté par les allemands sur leur passé s’est très nettement infléchi vers une reconnaissance claire et nette des crimes de l’Allemagne nazie]

      Oui… juste au moment où cette « reconnaissance » ne gênait plus personne. Curieusement, « le regard porté par les allemands sur leur passé » a peut-être changé sur la période 1933-45, mais pas encore sur la période 1949-1990, cette période pendant laquelle l’invocation du « péril rouge » a justifié qu’on laisse des criminels nazis en paix, voire d’en faire des dirigeants de al République fédérale.

      [pour en arriver d’ailleurs, à notre époque, à une situation de véritable stupéfaction/incrédulité face à la monstruosité de ces actes; comme l’indique bien le livre récemment édité en Français « Grand-père n’était pas un nazi » ou les commentaires d’Angela Merkel ou Joachim Gauck lors de leurs visites mémorielles.]

      Oui… quel dommage que ces « commentaires » ne soient accompagnés de rien sur le plan des actes. Le repentir sans frais, si l’on veut.

      [Néanmoins, il me paraît indubitable que l’Allemagne est le pays du monde qui porte, et de loin, sur son histoire le regard le plus critique (à juste titre me direz-vous); et que leur chercher des poux là-dessus me paraît assez excessif.]

      Je ne le crois pas. Je ne vois pas les allemands très critiques de la période 1949-1990, par exemple…

  13. Gérard Couvert dit :

    "odp" à une haine tenace contre moi, c’est maladif, quoique j’écrive il faut qu’il agresse les imprudents qui ont laissé parler la bête immonde et qu’il triture ce que j’écris pour pouvoir le ranger dans l’une de ses petites boites de psycho-rigide.

  14. Guilhem dit :

    Cher Descartes,

    C’est amusant de voir que les évènements viennent illustrer le débat que nous avions eu en août suite à votre article sur le décès d’Henri Alleg. J’étais déjà hors sujet à l’époque, permettez-moi de le rester: vous avez écrit qu’Hollande utilisait l’émotion suscitée par la commémoration du massacre d’Oradour pour justifier l’intervention en Syrie. J’aimerais justement avoir votre avis sur la possible intervention française en Syrie: selon vous, la France doit-elle ou non attaquer des cibles militaires syriennes?

    • Descartes dit :

      @guilhem

      [J’aimerais justement avoir votre avis sur la possible intervention française en Syrie: selon vous, la France doit-elle ou non attaquer des cibles militaires syriennes?]

      J’essaierai de répondre à cette question dans un futur papier lorsque j’aurai travaillé un peu le sujet. Mais pour essayer de répondre à votre question d’une façon générale, j’aurais tendance à dire que en matière de politique étrangère je reste un réaliste. C’est donc par rapport aux intérêts de la France, et non pas de considérations de droit ou de morale (en dehors bien entendu du fait que le respect du droit et d’une certaine morale est aussi dans nos intérêts) qu’il faut répondre.

      Je pense qu’aujourd’hui la plus grande menace pour nos intérêts et pour l’ordre international est celle posée par les « états faillis ». De l’Irak à la Somalie, de l’Afghanistan à la Libye, on voit les dangers d’une situation dans laquelle les ressources d’un territoire échappent au contrôle d’une entité avec laquelle on peut discuter, négocier et arriver à des accords. On a toujours intérêt à discuter avec le propriétaire du cirque plutôt qu’avec les lions. C’est pourquoi j’hésiterais beaucoup à soutenir une intervention dont l’issue probable serait l’effondrement de l’Etat. C’est d’ailleurs ce qui m’avait amené à soutenir sur ces pages l’intervention au Mali, destinée au contraire à éviter que l’Etat malien ne se dissolve.

      L’Etat syrien est fragile. Et quelque soient ses défaillances, les alternatives du moins telles que je peux les connaître semblent être pires. Avons-nous les moyens d’intervenir tout en préservant l’Etat syrien et en aboutissant à un régime plus stable que celui de Bachar Al-Assad ? Je ne le crois pas. Le risque est que l’intervention aboutisse à transformer une dictature en une anarchie. Je ne pense pas qu’on doive prendre ce risque.

  15. dsk dit :

    Je trouve que votre discours souffre d’un certain illogisme, Descartes. Le coupable d’Oradour est-il Lammerding ? Dans ce cas, ce ne sont pas "les allemands" en général. Ceux-ci sont-ils, au contraire, les véritables coupables ? Dans ce cas, ils ne sauraient "se repentir" collectivement en livrant aux tribunaux le seul Lammerding.
    Autrement dit, si l’emmerdant c’est Lammerding, ce ne sont pas "les allemands", et si "les allemands" sont emmerdants, ce n’est pas Lammerding.

    • Descartes dit :

      @dsk

      [Je trouve que votre discours souffre d’un certain illogisme, Descartes. Le coupable d’Oradour est-il Lammerding ? Dans ce cas, ce ne sont pas "les allemands" en général.]

      Bien entendu. Je n’ai jamais dit que « les allemands » fussent coupables du massacre d’Oradour. Tout au plus, on peut dire que « les allemands » de 1933-45 sont coupables d’avoir amené au pouvoir puis soutenu un régime qui a donné à des gens comme Lammerding le pouvoir de commander des troupes et de commettre ce crime. Et « les allemands » de 1945-1973 sont coupables d’avoir protégé un homme comme Lammerding de la justice française, et de lui avoir permis de vivre riche et tranquille jusqu’à la fin de ses jours. J’avais pourtant été très clair : je ne reproche pas à Joachim Gauck d’avoir assassiné les femmes et les enfants d’Oradour, je lui reproche d’avoir permis à Lammerding de mourir dans son lit. Il n’y a donc aucun « illogisme » là dedans.

      [Dans ce cas, ils ne sauraient "se repentir" collectivement en livrant aux tribunaux le seul Lammerding.]

      La question n’est pas là. Pour moi, le « repentir » qu’on éprouve à propos d’un acte qu’on a commis se mesure non pas à l’intensité avec laquelle on se frappe la poitrine, mais aux efforts qu’on fait pour le réparer. Si les allemands avaient éprouvé un véritable « repentir » – non pas d’avoir assassiné les habitants d’Oradour, fait dont ils ne sont pas coupables, mais d’avoir soutenu le régime nazi – ils auraient pu réparer au moins en partie leur faute en s’assurant que les coupables du massacre soient traduits en justice. Ils ne l’ont pas fait. Au contraire, ils les ont activement protégés. J’en déduis que leur « repentir » n’est pas aussi profond, aussi véritable que certains le croient…

    • dsk dit :

      ["Si les allemands avaient éprouvé un véritable « repentir » – non pas d’avoir assassiné les habitants d’Oradour, fait dont ils ne sont pas coupables, mais d’avoir soutenu le régime nazi – ils auraient pu réparer au moins en partie leur faute en s’assurant que les coupables du massacre soient traduits en justice."]

      Effectivement, je n’éprouverais sans doute pas cette sensation d’illogisme à vous lire, si, tout comme vous, je parvenais à concevoir que les allemands aient pu être à la fois coupables d’avoir soutenu le régime nazi, et néanmoins innocents des crimes nazis. Or, je vous avoue que je n’y parviens que très difficilement. En effet, il me semble que "soutenir" un criminel en connaissance de cause, c’est être un criminel soi-même, non ?

    • Descartes dit :

      @dsk

      [Effectivement, je n’éprouverais sans doute pas cette sensation d’illogisme à vous lire, si, tout comme vous, je parvenais à concevoir que les allemands aient pu être à la fois coupables d’avoir soutenu le régime nazi, et néanmoins innocents des crimes nazis.]

      Je n’ai peut-être pas été très clair. Plutôt que d’écrire que les allemands « n’étaient pas coupables du crime d’Oradour » j’aurais du écrire qu’ils n’en étaient pas les auteurs. Cela n’exclue pas qu’on puisse les considérer complices.

      [Or, je vous avoue que je n’y parviens que très difficilement. En effet, il me semble que "soutenir" un criminel en connaissance de cause, c’est être un criminel soi-même, non ?]

      C’est toute la différence entre l’auteur d’un crime et le complice.

    • dsk dit :

      ["Plutôt que d’écrire que les allemands « n’étaient pas coupables du crime d’Oradour » j’aurais du écrire qu’ils n’en étaient pas les auteurs. Cela n’exclue pas qu’on puisse les considérer complices."]

      D’accord. Mais dans ce cas, je vous dirais que ce n’est plus une sensation d’illogisme, mais un certain malaise que j’éprouve à vous lire, car je suis extrêmement réservé sur la notion de responsabilité collective, a fortiori quand il s’agirait d’une responsabilité pour complicité. Les individus allemands qui ont soutenu Hitler peuvent être tenus pour responsables de leur soutien, de même, ceux qui ont permis à certains nazis d’échapper à la justice, mais certainement pas "les allemands" en général. Je pense, en effet, qu’une telle conception ne peut conduire qu’à la xénophobie, au racisme, et ne me semble pas, du reste, conforme à l’idéologie des Lumières dont vous vous réclamez.

    • Guilhem dit :

      Merci pour votre réponse concernant une éventuelle intervention franco-américaine en Syrie. J’attends avec impatience votre papier sur le sujet (j’imagine qu’il doit évoluer en fonction des évènements). Je comprends parfaitement votre pragmatisme mais l’absence d’intervention des pays occidentaux se traduit par un blanc-seing donné au régime qui a finalement eu raison d’utiliser des armes chimiques (pour leur intérêt militaire) et qui pourra réitérer ses attaques dans un avenir proche, même à plus grande échelle, ne serait-ce que pour provoquer ouvertement la "communauté" (bien discordante) internationale. Une ligne rouge avait été fixée, elle a été franchie, tout le monde le sait et rien n’est fait alors que le régime aurait dû être sanctionné (sans aller à son renversement) malgré les risques.

    • Descartes dit :

      @Guilhem

      [Une ligne rouge avait été fixée, elle a été franchie, tout le monde le sait et rien n’est fait alors que le régime aurait dû être sanctionné]

      Ah bon ? Et pourquoi ? Qui fixe les "lignes rouges" au delà desquelles un pays "doit être sanctionné" ? Et que fait-on si la "ligne rouge" est franchie par une grande puissance, disons, à tout hasard, les Etats-Unis ? On la "sanctionne" comment ?

      Rien n’est pire que le discours qui déguise derrière des considérations pseudo-morales des purs actes de force. On sanctionne un Assad lorsqu’il utilise des armes chimiques, on ne sanctionne pas un Bush lorsqu’il attaque et occupe unilatéralement un autre pays. Que vient faire la morale là dedans ?

    • Descartes dit :

      @ dsk

      [D’accord. Mais dans ce cas, je vous dirais que ce n’est plus une sensation d’illogisme, mais un certain malaise que j’éprouve à vous lire, car je suis extrêmement réservé sur la notion de responsabilité collective,]

      Admettons. Mais alors, que vient faire Gauck à Oradour ? Après tout, Gauck n’est responsable de rien à titre personnel. Quel sens donner alors à sa « répentance » puisqu’il n’a rien de quoi se « repentir » ? Si vous êtes réservé sur la notion de responsabilité collective, alors vous devriez à fortiori être réservé sur des exercices de « répentance » qui n’ont de sens que dans ce cadre.

      Personnellement, je rejette l’idée d’une responsabilité pénale collective : je ne pense pas que les allemands en général devraient être collectivement punis pour ce que les nazis ont fait. Mais je crois à une responsabilité collective en matière historique. Si l’on peut bénéficier collectivement des réalisations de nos ancêtres et en être fiers, il est juste qu’on doive porter le poids moral de leurs crimes et en être honteux.

      [Les individus allemands qui ont soutenu Hitler peuvent être tenus pour responsables de leur soutien, de même, ceux qui ont permis à certains nazis d’échapper à la justice, mais certainement pas "les allemands" en général.]

      Au même titre que peuvent être fiers de la victoire de l’équipe d’Allemagne de football ceux qui ont joué sur le terrain, et ceux qui ont supporté l’effort des joueurs, mais pas « les allemands en général » ? Pourtant il est largement admis qu’on n’a pas besoin d’avoir contribué personnellement à la victoire pour en tirer les bénéfices symboliques…

      Lorsqu’on est membre d’une collectivité, on porte collectivement un certain nombre de pêchés, même lorsqu’on ne les a pas commis personnellement, même lorsque, ironiquement, on s’y est opposé. On reproche « aux américains » d’avoir bombardé le Vietnam, pourquoi on ne pourrait pas reprocher « aux allemands » la destruction d’Oradour ?

      [Je pense, en effet, qu’une telle conception ne peut conduire qu’à la xénophobie, au racisme,]

      Oui, c’est un risque. Mais en même temps, c’est un peu facile de bénéficier comme membre d’une collectivité de ses turpitudes, et se laver les mains lorsqu’il faut payer l’addition.

      [et ne me semble pas, du reste, conforme à l’idéologie des Lumières dont vous vous réclamez.]

      Je ne vois pas très bien pourquoi.

    • dsk dit :

      ["Admettons. Mais alors, que vient faire Gauck à Oradour ? Après tout, Gauck n’est responsable de rien à titre personnel."]

      Je dirais qu’il représente l’État allemand, dont le rôle est de défendre les intérêts du peuple allemand. A ce titre, et dans un but de communication, il tente de nous convaincre que de telles horreurs, on les doit à "des allemands d’une autre Allemagne"; autrement dit : "Nous autres allemands de l’actuelle Allemagne, nous n’y sommes pour rien, et nous ne commettrions jamais une chose pareille". Libre à nous, toutefois, de le croire…

      ["Quel sens donner alors à sa « répentance » puisqu’il n’a rien de quoi se « repentir » ?"]

      A peu près le même sens que celui que l’on peut donner à une pub pour Volkswagen.

      ["Si vous êtes réservé sur la notion de responsabilité collective, alors vous devriez à fortiori être réservé sur des exercices de « répentance » qui n’ont de sens que dans ce cadre."]

      Tout à fait. Ce qui me gêne, dans la repentance, c’est précisément cette notion de responsabilité collective, en ce qu’elle touche de parfaits innocents. En ce qui me concerne, par exemple, je n’ai absolument rien à voir avec l’esclavage, le colonialisme, le génocide des vendéens etc. Tout au plus, si j’avais voté Sarkozy en 2012, aurais-je à répondre de la destruction de l’État libyen, que j’aurais ainsi approuvée par mon vote.

      ["Mais je crois à une responsabilité collective en matière historique. Si l’on peut bénéficier collectivement des réalisations de nos ancêtres et en être fiers, il est juste qu’on doive porter le poids moral de leurs crimes et en être honteux."]

      Certains de nos ancêtres ont pu commettre des crimes, mais comment pourrait-on en être honteux, si on ne les a pas commis nous-mêmes ? Par quel mécanisme ? La véritable question, à mon avis, est de savoir si un peuple a commis un crime à cause d’un élément criminogène présent au sein de sa culture, ce qui rejoint la question posée par M. Couvert en ouverture de cette discussion : "le nazisme est-il allemand, pouvait-il naître ailleurs ?". A partir de là, nous n’avons que faire de savoir si les allemands sont "honteux". Ce qui nous intéresse, c’est de savoir si cet élément criminogène est toujours présent, ou bien a disparu. Or c’est bien le sens de la déclaration de Gauck, lorsqu’il parle d’une "autre Allemagne".

      ["Pourtant il est largement admis qu’on n’a pas besoin d’avoir contribué personnellement à la victoire pour en tirer les bénéfices symboliques…"]

      En tout cas, pas par moi. Je trouve que ces victoires par procuration ont quelque chose de puéril.

      ["Oui, c’est un risque. Mais en même temps, c’est un peu facile de bénéficier comme membre d’une collectivité de ses turpitudes, et se laver les mains lorsqu’il faut payer l’addition."]

      En l’espèce, je ne suis pas sûr que les allemands aient tellement bénéficié des turpitudes du nazisme…

      ["Je ne vois pas très bien pourquoi."]

      Parce que la responsabilité collective ne me paraît pas fondée sur la raison, et me semble contraire à la liberté individuelle.

    • Descartes dit :

      @dsk

      [« Admettons. Mais alors, que vient faire Gauck à Oradour ? Après tout, Gauck n’est responsable de rien à titre personnel ». Je dirais qu’il représente l’État allemand, dont le rôle est de défendre les intérêts du peuple allemand.]

      Admettons. Il y a donc des « intérêts du peuple allemand » que le chef de l’Etat sert. Si le président d’Allemagne fait quelque chose pour faire avancer ces intérêts, c’est le « peuple allemand », dans son ensemble, qui en profite. Mais si pour servir cet intérêt le président d’Allemagne commet un crime, la responsabilité serait sienne seulement ? Vous voyez bien qu’en admettant l’idée qu’un peuple puisse se donner des représentants dont l’action bénéficie collectivement à l’ensemble des citoyens, vous admettez intrinséquement l’idée d’une responsabilité collective pour les crimes que ces représentants pourraient commettre. Comment admettre que celui qui profite du crime, n’en assume pas la responsabilité ?

      [A ce titre, et dans un but de communication,]

      C’est bien là mon point. Je trouve indécent qu’on utilise des lieux de mémoire comme Oradour pour monter une opération de com’

      [« Quel sens donner alors à sa « répentance » puisqu’il n’a rien de quoi se « repentir » ? ». A peu près le même sens que celui que l’on peut donner à une pub pour Volkswagen.]

      Et bien, je trouverais indécent qu’on utilise Oradour pour faire une pub pour Volkswagen. J’imagine que vous aussi. Je ne comprends pas dans ces conditions que vous ne partagiez pas mon rejet de la visite de Gauck.

      [Certains de nos ancêtres ont pu commettre des crimes, mais comment pourrait-on en être honteux, si on ne les a pas commis nous-mêmes ? Par quel mécanisme ?]

      Parce que nous en sommes les bénéficiaires.

      [La véritable question, à mon avis, est de savoir si un peuple a commis un crime à cause d’un élément criminogène présent au sein de sa culture, ce qui rejoint la question posée par M. Couvert en ouverture de cette discussion : "le nazisme est-il allemand, pouvait-il naître ailleurs ?". A partir de là, nous n’avons que faire de savoir si les allemands sont "honteux". Ce qui nous intéresse, c’est de savoir si cet élément criminogène est toujours présent, ou bien a disparu.]

      Tout à fait d’accord. Et c’est pourquoi je suis contre la symbolique de la « répentance », qui vise à faire croire aux peuples que le « repentir » a un sens dans les rapports entre Etats.

      [En l’espèce, je ne suis pas sûr que les allemands aient tellement bénéficié des turpitudes du nazisme…]

      C’était en tout cas leur but. L’erreur ne constitue pas une défense dans ce genre d’affaires…

      [Parce que la responsabilité collective ne me paraît pas fondée sur la raison, et me semble contraire à la liberté individuelle.]

      La responsabilité PENALE ne peut être, en effet, qu’individuelle. Mais j’ai bien exclu cette hypothèse. La responsabilité collective est historique, morale, mais certainement pas pénale.

    • dsk dit :

      ["Vous voyez bien qu’en admettant l’idée qu’un peuple puisse se donner des représentants dont l’action bénéficie collectivement à l’ensemble des citoyens, vous admettez intrinsèquement l’idée d’une responsabilité collective pour les crimes que ces représentants pourraient commettre."]

      Je ne peux pas dire que j’admette vraiment cette idée, qui me paraît largement fictive, et sur laquelle il ne m’a d’ailleurs jamais été offert d’exprimer mon consentement. Ce qui est sûr, c’est que je ne l’admets pas au point où mes prétendus "représentants" auraient toute latitude pour commettre des crimes en mon nom.

      ["Et bien, je trouverais indécent qu’on utilise Oradour pour faire une pub pour Volkswagen. J’imagine que vous aussi. Je ne comprends pas dans ces conditions que vous ne partagiez pas mon rejet de la visite de Gauck."]

      Qu’on utilise Oradour pour faire de la com, je trouve cela indécent pareillement. Mais la principale responsabilité ne me paraît pas en incomber à ce pauvre Gauck, qui pouvait difficilement décliner l’invitation.

      ["Certains de nos ancêtres ont pu commettre des crimes, mais comment pourrait-on en être honteux, si on ne les a pas commis nous-mêmes ? Par quel mécanisme ?"] ["Parce que nous en sommes les bénéficiaires."]

      J’avais un voisin particulièrement pénible. Récemment, il s’est fait assassiner. Depuis, je jouis d’une parfaite tranquillité. Dois-je en être honteux ?

      ["La responsabilité collective est historique, morale, mais certainement pas pénale."]

      D’acord, mais selon moi, celle-ci ne concerne que le présent et l’avenir, autrement dit ce sur quoi nous pouvons agir nous-mêmes, personnellement. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ces cérémonies de repentance dégoulinantes de bons sentiments me sont odieuses. Interrogeons-nous plutôt sur ce que nous avons, aujourd’hui, de criminogène dans notre culture, comme par exemple cette passion d’exporter à coups de bombes notre fantastique démocratie bourgeoise dans des pays qui n’en peuvent mais.

    • Descartes dit :

      @dsk

      ["Vous voyez bien qu’en admettant l’idée qu’un peuple puisse se donner des représentants dont l’action bénéficie collectivement à l’ensemble des citoyens, vous admettez intrinsèquement l’idée d’une responsabilité collective pour les crimes que ces représentants pourraient commettre." Je ne peux pas dire que j’admette vraiment cette idée, qui me paraît largement fictive, et sur laquelle il ne m’a d’ailleurs jamais été offert d’exprimer mon consentement.]

      Votre consentement particulier, peut-être pas. Mais celui de vos ancêtres certainement, puisque la constitution qui établit un gouvernement représentatif a été soumise à référendum. D’ailleurs, je ne comprends pas très bien ce que vous proposeriez de mettre à la place. Pensez-vous qu’il faille consulter l’ensemble du peuple à chaque décision ? Et même dans ce cas, quid de la responsabilité de la minorité quand aux crimes décidés par la majorité ?

      [Ce qui est sûr, c’est que je ne l’admets pas au point où mes prétendus "représentants" auraient toute latitude pour commettre des crimes en mon nom.]

      En d’autres termes, vous êtes parfaitement prêt a en empocher les bénéfices de l’action de vos représentants, mais pas d’assumer la responsabilité pour les méthodes utilisées ? Comme c’est confortable…

      [Qu’on utilise Oradour pour faire de la com, je trouve cela indécent pareillement. Mais la principale responsabilité ne me paraît pas en incomber à ce pauvre Gauck, qui pouvait difficilement décliner l’invitation.]

      La responsabilité est également partagée entre un Hollande et un Gauck. Et je pense que Gauck se serait grandi en déclinant l’invitation sur une réponse du type « non somus dignus ».

      [J’avais un voisin particulièrement pénible. Récemment, il s’est fait assassiner. Depuis, je jouis d’une parfaite tranquillité. Dois-je en être honteux ? ]

      Si vous saviez qu’il allait être assassiné et que vous n’avez rien fait, oui.

      [Interrogeons-nous plutôt sur ce que nous avons, aujourd’hui, de criminogène dans notre culture, comme par exemple cette passion d’exporter à coups de bombes notre fantastique démocratie bourgeoise dans des pays qui n’en peuvent mais.]

      L’un n’empêche pas l’autre… et personnellement, je n’ai jamais été partisan des politiques qui consistent à faire le bonheur des autres malgré eux.

    • dsk dit :

      ["Votre consentement particulier, peut-être pas. Mais celui de vos ancêtres certainement, puisque la constitution qui établit un gouvernement représentatif a été soumise à référendum."]

      Et alors ? Mes ancêtres ont peut-être approuvé le gouvernement représentatif, mais en quoi cela implique-t-il que je l’approuve moi-même ?

      ["D’ailleurs, je ne comprends pas très bien ce que vous proposeriez de mettre à la place."]

      C’est une autre question. Tout ce que je dis pour l’instant, c’est que si l’on entend engager ma responsabilité pour les crimes de mes "représentants", alors il serait quand même juste de s’assurer que j’ai bien consenti à ce qu’ils me représentent, y compris en commettant ces crimes, ce que le vote de mes ancêtres ne saurait établir.

      ["Pensez-vous qu’il faille consulter l’ensemble du peuple à chaque décision ?"]

      Pourquoi le faudrait-il ? Il est certain que le peuple est plus responsable lorsque la décision lui est soumise par référendum. Mais je ne cherche pas spécialement à ce que le peuple, qui inclut ma personne, puisse être davantage tenu pour responsable des crimes commis par ses prétendus "représentants".

      ["Et même dans ce cas, quid de la responsabilité de la minorité quand aux crimes décidés par la majorité ?"]

      Eh bien la minorité n’est pas responsable, tout simplement. Et d’ailleurs, je vous dirais que c’est la raison majeure pour laquelle, selon moi, même en démocratie, il ne saurait y avoir de responsabilité collective.

      ["En d’autres termes, vous êtes parfaitement prêt a en empocher les bénéfices de l’action de vos représentants, mais pas d’assumer la responsabilité pour les méthodes utilisées ? Comme c’est confortable…"]

      Pas du tout. Je veux bien restituer les bénéfices, car ce serait effectivement immoral que de les conserver.

      [J’avais un voisin particulièrement pénible. Récemment, il s’est fait assassiner. Depuis, je jouis d’une parfaite tranquillité. Dois-je en être honteux ? ] ["Si vous saviez qu’il allait être assassiné et que vous n’avez rien fait, oui."]

      Vous confirmez donc que l’on ne saurait avoir honte que de ses propres actes ?

      [Interrogeons-nous plutôt sur ce que nous avons, aujourd’hui, de criminogène dans notre culture, comme par exemple cette passion d’exporter à coups de bombes notre fantastique démocratie bourgeoise dans des pays qui n’en peuvent mais.] [L’un n’empêche pas l’autre…]

      D’une certaine manière, je crois que si. On donne le sentiment qu’aujourd’hui, tout est tellement merveilleux, l’homme est devenu si bon, qu’il n’a rien de mieux à faire que de se repentir des fautes de ses arrières grands-pères. Finalement, je dirais que ces cérémonies de repentance sont en réalité des cérémonies d’auto-satisfaction.

    • Descartes dit :

      @dsk

      [Et alors ? Mes ancêtres ont peut-être approuvé le gouvernement représentatif, mais en quoi cela implique-t-il que je l’approuve moi-même ?]

      Aussi longtemps que la constitution n’est pas modifiée, oui, elle bénéficie d’une présomption que le peuple l’approuve. Si chacun pouvait se prévaloir du fait qu’il n’a pas personnellement approuvé les lois pour s’y soustraire, la vie deviendrait impossible. Nous héritons de nos ancêtres leurs œuvres et leur patrimoine, nous héritons aussi leur dettes et leurs lois.

      ["D’ailleurs, je ne comprends pas très bien ce que vous proposeriez de mettre à la place.". C’est une autre question.]

      Non, c’est la même. On ne peut pas, sans encourir le reproche d’une argumentation ad hoc, rejeter les conséquences du régime représentatif si l’on n’a rien d’autre à proposer.

      [Tout ce que je dis pour l’instant, c’est que si l’on entend engager ma responsabilité pour les crimes de mes "représentants", alors il serait quand même juste de s’assurer que j’ai bien consenti à ce qu’ils me représentent, y compris en commettant ces crimes, ce que le vote de mes ancêtres ne saurait établir.]

      Dans ce cas là, il faudrait avant de vous accorder le bénéfice de la sécurité sociale, vérifier que l’ensemble de la population consent à vous les accorder. Le vote de nos ancêtres en 1945 ne saurait suffire, n’est ce pas ? Ou bien faut-il conclure que le vote des ancêtres suffit lorsqu’il accorde un avantage, mais ne suffit plus dès lors qu’il vous faut en assumer la responsabilité des conséquences ?

      ["Pensez-vous qu’il faille consulter l’ensemble du peuple à chaque décision ?". Pourquoi le faudrait-il ? Il est certain que le peuple est plus responsable lorsque la décision lui est soumise par référendum. Mais je ne cherche pas spécialement à ce que le peuple, qui inclut ma personne, puisse être davantage tenu pour responsable des crimes commis par ses prétendus "représentants".]

      Encore une fois, vous vous placez dans une logique où vous touchez les avantages liés aux décisions de vos représentants sans avoir à assumer la responsabilité de leurs conséquences… c’est un peu facile…

      [Eh bien la minorité n’est pas responsable, tout simplement. Et d’ailleurs, je vous dirais que c’est la raison majeure pour laquelle, selon moi, même en démocratie, il ne saurait y avoir de responsabilité collective. ]

      Dans ce cas, on a toujours intérêt à voter contre. C’est le meilleur moyen de toucher les bénéfices d’une décision sans avoir à en assumer les conséquences. Le problème, c’est que comme tout le monde fait ce raisonnement, finalement aucune décision ne pourra jamais être prise… c’est d’ailleurs en partie ce qui nous arrive aujourd’hui. Nos hommes politiques ont tellement peur d’être pris en faute, qu’ils évitent toute décision pour ne pas avoir à en prendre la responsabilité en transférant les décisions ailleurs : à des autorités administratives indépendantes, à Bruxelles…

      [Pas du tout. Je veux bien restituer les bénéfices, car ce serait effectivement immoral que de les conserver.]

      Fort bien. J’attends avec impatience que vous m’expliquiez comment vous entendez « restituer les bénéfices » de l’esclavage ou de la colonisation, par exemple…

      [Vous confirmez donc que l’on ne saurait avoir honte que de ses propres actes ? ]

      Je ne « reconnais » rien du tout. Je vous ai donné un exemple pour répondre à votre question. Si au lieu d’être moi qui n’a rien fait, c’était mon père, j’aurais été honteux aussi. Si je peux être fier que mon père ait été résistant, je vois mal pourquoi je ne pourrais pas être honteux qu’il ait été collabo. Et pourtant, je n’ai participé aux « actes » ni dans un cas, ni dans l’autre. Contestez-vous le fait qu’on puisse être « fier » de ce que vos ancêtres ont fait ? Et si c’est le cas, pourquoi cette asymétrie entre fierté et honte ?

      [D’une certaine manière, je crois que si. On donne le sentiment qu’aujourd’hui, tout est tellement merveilleux, l’homme est devenu si bon, qu’il n’a rien de mieux à faire que de se repentir des fautes de ses arrières grands-pères. Finalement, je dirais que ces cérémonies de repentance sont en réalité des cérémonies d’auto-satisfaction.]

      Je partage cette analyse. L’exemple du discours de Gauck sur « l’autre Allemagne » est de ce point de vue une illustration flagrante de cette prétention à peindre un présent parfait en rupture avec un passé terrible. Mais la conscience d’une responsabilité collective du passé ne conduit pas nécessairement à un raisonnement de « répentance ». Au contraire : elle devrait conduire à la conclusion qu’il faut une attention constante pour empêcher le passé de se répéter.

    • Guilhem dit :

      Je me suis mal exprimé. Je ne veux pas envisager le débat dans le cadre de la morale ou de la pseudo-morale qui justifierait l’attaque du régime syrien. Le plus ennuyeux est que les pays occidentaux, en particulier les Etats-Unis, ont clairement défini une limite à ne pas franchir sous menaces de représailles. Or, celle-ci a été franchie. Ne pas intervenir, ce serait se dédire et conforter un régime criminel dans l’utilisation d’armes non conventionnelles. Qu’est ce qui empêcherait alors d’autres pays non signataires de la convention sur l’interdiction des armes chimiques de les employer?

    • dsk dit :

      ["Aussi longtemps que la constitution n’est pas modifiée, oui, elle bénéficie d’une présomption que le peuple l’approuve."]

      Peut-être. Mais on ne saurait fonder une responsabilité pour crime sur une simple présomption, a fortiori lorsque cette responsabilité serait d’ordre "historique et moral".

      ["Si chacun pouvait se prévaloir du fait qu’il n’a pas personnellement approuvé les lois pour s’y soustraire, la vie deviendrait impossible."]

      La seule "loi" que je conteste, pour le moment, c’est celle qui rendrait le peuple tout entier moralement responsable des crimes commis par ses représentants, car je pense qu’une telle "loi" n’existe, pour l’instant, que dans votre esprit.

      ["Nous héritons de nos ancêtres leurs œuvres et leur patrimoine, nous héritons aussi leur dettes et leurs lois."]

      Peut-être. Mais c’est autre chose que d’hériter de leur culpabilité.

      ["Non, c’est la même. On ne peut pas, sans encourir le reproche d’une argumentation ad hoc, rejeter les conséquences du régime représentatif si l’on n’a rien d’autre à proposer."]

      Ce que je rejette, ce ne sont que les conséquences excessives que vous-même semblez attacher au régime représentatif.

      ["Dans ce cas là, il faudrait avant de vous accorder le bénéfice de la sécurité sociale, vérifier que l’ensemble de la population consent à vous les accorder."]

      Pourquoi pas ? A condition toutefois, si la population ne me les accorde pas, qu’elle me rembourse alors mes cotisations.

      ["Le vote de nos ancêtres en 1945 ne saurait suffire, n’est ce pas ?"]

      Il suffit parfaitement pour légitimer la sécurité sociale aujourd’hui. En revanche, aucun vote de mes ancêtres ne saurait suffire à me rendre moralement responsable d’un crime que je n’ai pas commis.

      ["Dans ce cas, on a toujours intérêt à voter contre. C’est le meilleur moyen de toucher les bénéfices d’une décision sans avoir à en assumer les conséquences."]

      Cela fait partie de la condition humaine : agir, c’est prendre le risque de se tromper, mais aussi celui de réussir.

      ["c’est d’ailleurs en partie ce qui nous arrive aujourd’hui. Nos hommes politiques ont tellement peur d’être pris en faute, qu’ils évitent toute décision pour ne pas avoir à en prendre la responsabilité en transférant les décisions ailleurs : à des autorités administratives indépendantes, à Bruxelles…"]

      Tout à fait. Notre classe politique ne ressemble plus, aujourd’hui, qu’à un pauvre troupeau de moutons confiné dans son petit enclos et terrorisé à l’idée de franchir les barbelés de la pensée dominante.

      ["Fort bien. J’attends avec impatience que vous m’expliquiez comment vous entendez « restituer les bénéfices » de l’esclavage ou de la colonisation, par exemple…"]

      Vous risquez d’attendre longtemps, car je crois aussi à cet autre principe protecteur des libertés individuelles, qui figure à l’article 1315 du Code civil, et aux termes duquel : "Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver". J’attendrai donc tranquillement que les victimes me démontrent en quoi l’esclavage et la colonisation m’ont personnellement procuré un bénéfice, ce d’autant que très sincèrement, il me paraît loin d’être évident.

      ["Si je peux être fier que mon père ait été résistant, je vois mal pourquoi je ne pourrais pas être honteux qu’il ait été collabo. Et pourtant, je n’ai participé aux « actes » ni dans un cas, ni dans l’autre. Contestez-vous le fait qu’on puisse être « fier » de ce que vos ancêtres ont fait ?"]

      Voici peut-être le nœud de notre divergence. Je vous assure, Descartes, que je ne connais aucun sentiment de fierté ou de honte vis-à-vis de ce qu’ont pu faire mes ancêtres. Tout au plus, si je reconnais en moi certaines caractéristiques génétiques familiales qui auraient pu être à l’origine d’actes honteux ou glorieux accomplis par mes ancêtres, alors en éprouverais-je à mon tour une certaine honte ou fierté. Toutefois, de tels sentiment n’auront de sens véritable que si je traduis ces caractéristiques génétiques en actes, ce qui relèvera bien de ma pure responsabilité personnelle. Et j’ajouterais même que je serais d’autant plus fier que j’aurais surmonté mon héritage négatif, et honteux de ne pas avoir été à la hauteur de mon héritage positif.

      ["Mais la conscience d’une responsabilité collective du passé ne conduit pas nécessairement à un raisonnement de « répentance ». Au contraire : elle devrait conduire à la conclusion qu’il faut une attention constante pour empêcher le passé de se répéter."]

      Absolument. C’est pourquoi, pour ma part, j’admets quand même une forme de responsabilité collective, qui tient au fait que, bien qu’étant des individus libres, nous n’en sommes pas moins de culture française, tout comme nos ancêtres. Dès lors, si des crimes commis par ceux-ci trouvaient leur origine dans la culture française, alors nous en partagerions nécessairement l’aspect criminogène, qu’il nous incomberait, dès lors, d’amender, en vue d’éviter la répétition des crimes du passé.

    • Descartes dit :

      @Guilhem

      [Le plus ennuyeux est que les pays occidentaux, en particulier les Etats-Unis, ont clairement défini une limite à ne pas franchir sous menaces de représailles. Or, celle-ci a été franchie. Ne pas intervenir, ce serait se dédire et conforter un régime criminel dans l’utilisation d’armes non conventionnelles.]

      Pour ça, il fallait réfléchir avant. Définir des « lignes rouges » alors qu’on n’a pas l’ombre d’une idée de ce qu’on fera si elles sont franchies, c’est une grave erreur. Je crois que c’est Napoléon qui disait que la pire erreur c’était de se placer dans une situation à partir de laquelle il ne reste que de mauvaises solutions. Et tout jouer d’échecs sait qu’il faut penser avec cinq ou six coups d’avance…

      Quant à la question du « régime criminel »… je crois me souvenir que lorsque Saddam Hussein utilisa les armes chimiques contre les iraniens, les pays occidentaux, ces démocraties gardiennes parait-il de la morale internationale et si soucieuses de ne pas conforter des « régimes criminels » ont pudiquement regardé ailleurs. Il est vrai qu’à l’époque Saddam Hussein était leur allié contre le « grand Satan » iranien… Il faut arrêter de faire comme si on vivait dans le monde des bisounours. Chaque fois que leurs intérêts ont été en jeux, les pays ont utilisé les armes dont ils disposaient à leur convenance, et en violant les traités lorsqu’ils l’estimaient nécessaire. Vous êtes-vous demandé si les deux armes nucléaires utilisées contre les populations civiles par les américains ne constituaient pas des crimes de guerre au sens des Conventions de Genève ? Pensez-vous que l’invasion de l’Irak par les américains ne rentre parfaitement dans la définition d’une agression au sens de la Charte des Nations Unies ? Alors, je nous vois mal placés pour donner des leçons aux « régimes criminels »…

      Franchement, si vous me dites qu’il faut intervenir en Syrie pour préserver les intérêts de la France, je suis prêt à vous entendre. J’ai soutenu l’intervention au Mali précisément parce que je considère que c’est dans l’intérêt de la France de ne pas voir l’Etat malien sombrer. Mais lorsqu’on m’explique qu’il faut "punir" untel ou faire triompher la "morale internationale"… je rigole doucement.

      [Qu’est ce qui empêcherait alors d’autres pays non signataires de la convention sur l’interdiction des armes chimiques de les employer?]

      Qu’est ce qui empêche à votre avis les Etats-Unis d’utiliser les armes chimiques ? Vous croyez vraiment que c’est la peur de représailles ?

    • Descartes dit :

      @dsk

      [Peut-être. Mais on ne saurait fonder une responsabilité pour crime sur une simple présomption, a fortiori lorsque cette responsabilité serait d’ordre "historique et moral".]

      Je ne vois pas pourquoi pas. Dans la mesure où la Constitution est censée, jusqu’à preuve contraire, la volonté du peuple français, il me semble justifier de conclure que les français ont décidé de déléguer le pouvoir à des dirigeants pour qu’ils prennent en leur nom des décisions. Et dans la mesure où chacun de nous bénéficie de leurs conquêtes, chacun porte aussi une responsabilité historique pour leurs crimes.

      [Pourquoi pas ? A condition toutefois, si la population ne me les accorde pas, qu’elle me rembourse alors mes cotisations.]

      Pas du tout. Avant de vous rembourser vos cotisations, il faudrait que le peuple manifeste son accord. Et que faites vous si, comme vous le suggérez, le peuple est content d’empocher votre cotisation mais refuse d’assumer toute responsabilité pour votre maladie ? Finalement, je trouve votre exemple excellent…

      [Cela fait partie de la condition humaine : agir, c’est prendre le risque de se tromper, mais aussi celui de réussir.]

      Certes. Mais si vous êtes assuré de toucher les bénéfices de l’action des autres, vous avez tout intérêt à ne pas agir. Comme ça, si quelqu’un se trompe, le blâme ne tombera pas sur vous, et si quelqu’un réussit vous aurez une part du gâteau…

      [Tout à fait. Notre classe politique ne ressemble plus, aujourd’hui, qu’à un pauvre troupeau de moutons confiné dans son petit enclos et terrorisé à l’idée de franchir les barbelés de la pensée dominante.]

      Je ne comprends pas ce que vous leur reprochez. Après tout, suivant votre raisonnement, on n’est responsable que des crimes qu’on commet soi même. A partir du moment où leurs prédécesseurs ont transféré le pouvoir à Bruxelles, comment pourriez vous leur reprocher quelque chose ?

      ["Fort bien. J’attends avec impatience que vous m’expliquiez comment vous entendez « restituer les bénéfices » de l’esclavage ou de la colonisation, par exemple…"]

      [Vous risquez d’attendre longtemps, car je crois aussi à cet autre principe protecteur des libertés individuelles, qui figure à l’article 1315 du Code civil, et aux termes duquel : "Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver". J’attendrai donc tranquillement que les victimes me démontrent en quoi l’esclavage et la colonisation m’ont personnellement procuré un bénéfice, ce d’autant que très sincèrement, il me paraît loin d’être évident.]

      Lorsque vous avez écrit « je veux bien restituer les bénéfices, ce serait immoral de les garder », je n’imaginais que vous parliez d’une restitution volontaire dont vous admettiez vous-même la nécessité pour des raisons « morales ». J’ignorais que les obligations morales étaient soumises aux règles du Code Civil. Mais puisque pour vous c’est le cas, j’ai le regret de vous dire que votre analyse est erronée. Même si la preuve de l’obligation était apportée, elle serait inopérante puisque le Code Civil dispose que les obligations civiles sont prescrites au bout de trente ans. Vous pouvez dormir tranquille donc, vous n’êtes responsable de rien… du moins civilement.

      [Voici peut-être le nœud de notre divergence. Je vous assure, Descartes, que je ne connais aucun sentiment de fierté ou de honte vis-à-vis de ce qu’ont pu faire mes ancêtres.]

      Si c’était le cas ce serait en effet le nœud de notre différence. Je dois dire que lorsque vous énoncez cette affirmation, j’ai beaucoup de mal à vous croire. Ne le prenez pas mal, mais je suis convaincu que c’est une pose que vous prenez pour pimenter la discussion.

    • dsk dit :

      ["Mais on ne saurait fonder une responsabilité pour crime sur une simple présomption, a fortiori lorsque cette responsabilité serait d’ordre "historique et moral".] ["Je ne vois pas pourquoi pas."]

      Parce qu’on ne saurait être présumé coupable, en vertu d’un autre principe fondamental protecteur des libertés, qui s’appelle la présomption d’innocence.

      ["Dans la mesure où la Constitution est censée, jusqu’à preuve contraire, la volonté du peuple français, il me semble justifier de conclure que les français ont décidé de déléguer le pouvoir à des dirigeants pour qu’ils prennent en leur nom des décisions."]

      Je crois qu’il faudrait vous décider : si les dirigeants nazis n’ont fait que prendre des décisions au nom du peuple allemand, alors c’est bien tout le peuple allemand qui est coupable, par l’intermédiaire de ses représentants, puisque le propre de la représentation, c’est que c’est le représenté lui-même qui agit par l’intermédiaire de son représentant. Or vous m’avez déclaré au tout début de cette discussion que le peuple allemand n’avait été que le "complice" du régime nazi, et non l’auteur des crimes nazis.

      ["Certes. Mais si vous êtes assuré de toucher les bénéfices de l’action des autres, vous avez tout intérêt à ne pas agir. Comme ça, si quelqu’un se trompe, le blâme ne tombera pas sur vous, et si quelqu’un réussit vous aurez une part du gâteau…"]

      Tout ce raisonnement est sans objet, puisque je vous rappelle que le vote est secret. Par conséquent, que je vote pour ou contre, cela n’aura aucune influence sur ma "part de gâteau".

      ["A partir du moment où leurs prédécesseurs ont transféré le pouvoir à Bruxelles, comment pourriez vous leur reprocher quelque chose ?"]

      Eh bien je leur reproche, entre autres, de ne pas reprendre le pouvoir à Bruxelles.

      ["J’ignorais que les obligations morales étaient soumises aux règles du Code Civil."]

      C’est le contraire. Le Code civil ne fait souvent rien d’autre que de consacrer des obligations morales.

      ["Même si la preuve de l’obligation était apportée, elle serait inopérante puisque le Code Civil dispose que les obligations civiles sont prescrites au bout de trente ans. Vous pouvez dormir tranquille donc, vous n’êtes responsable de rien… du moins civilement."]

      Je vous le dis très respectueusement, Descartes, mais vous commencez à me faire un peu froid dans le dos. Déjà que vous voulez rendre responsable de crimes le peuple tout entier des crimes de ses ancêtres, maintenant, vous voudriez en plus que cette responsabilité soit imprescriptible. Décidément, où vous arrêterez-vous ? Quoi qu’il en soit, la question de la prescription ( encore une règle raisonnable protectrice des libertés contenue dans ce maudit Code civil ) se pose effectivement. Sinon, diriez-vous que je dois aussi restituer les bénéfices que m’auraient rapporté les crimes de Napoléon ? de Vercingétorix ?

      ["Je dois dire que lorsque vous énoncez cette affirmation, j’ai beaucoup de mal à vous croire."]

      C’est pourquoi j’ai pris soin de vous en "assurer", car je me doutais bien que si vous éprouviez un tel sentiment, il devait être difficile de vous imaginer que d’autres puissent ne pas l’éprouver. Cependant, je ne puis faire autrement que de vous l’assurer de nouveau. Et si vous ne me croyez pas, essayez peut-être de faire comme si cela était vrai, afin que nous puissions néanmoins continuer cet échange…

      ["Ne le prenez pas mal, mais je suis convaincu que c’est une pose que vous prenez pour pimenter la discussion."]

      Je ne le prends pas mal. Je trouve cela très intéressant, au contraire, car nous touchons là peut-être, effectivement, au "nœud de notre divergence". J’aimerais que vous tentiez de m’expliquer comment vous pouvez, de votre côté, être honteux ou fier des actes de vos ancêtres, alors que vous-même n’y avez aucunement participé ?

    • Descartes dit :

      @dsk

      ["Mais on ne saurait fonder une responsabilité pour crime sur une simple présomption, a fortiori lorsque cette responsabilité serait d’ordre "historique et moral".] ["Je ne vois pas pourquoi pas."][Parce qu’on ne saurait être présumé coupable, en vertu d’un autre principe fondamental protecteur des libertés, qui s’appelle la présomption d’innocence.]

      Vous confondez culpabilité et responsabilité. On peut parfaitement être jugé responsable sur une présomption. Encore une fois, vous appliquez les catégories du droit pénal à une responsabilité dont je vous ai précisé dès le début de cette discussion qu’elle n’était pas pénale.

      [Je crois qu’il faudrait vous décider : si les dirigeants nazis n’ont fait que prendre des décisions au nom du peuple allemand, alors c’est bien tout le peuple allemand qui est coupable, par l’intermédiaire de ses représentants, puisque le propre de la représentation, c’est que c’est le représenté lui-même qui agit par l’intermédiaire de son représentant. Or vous m’avez déclaré au tout début de cette discussion que le peuple allemand n’avait été que le "complice" du régime nazi, et non l’auteur des crimes nazis.]

      Le peuple ne serait « coupable » – moi j’utiliserais plutôt le mot responsable, pour marquer qu’il ne s’agit d’une responsabilité pénale – si le mandat donné à ses représentants était impératif. Mais dans la mesure où les responsables politiques ont un degré d’autonomie importante, je pense qu’il faut parler de complicité, et non d’auteur principal.

      ["A partir du moment où leurs prédécesseurs ont transféré le pouvoir à Bruxelles, comment pourriez vous leur reprocher quelque chose ?"][Eh bien je leur reproche, entre autres, de ne pas reprendre le pouvoir à Bruxelles.]

      Alors, je ne comprends pas pourquoi vous rejetez mon idée de reprocher aux allemands de la génération courante d’avoir laissé impunis les crimes de la génération précédente…

      [C’est le contraire. Le Code civil ne fait souvent rien d’autre que de consacrer des obligations morales.]

      N’importe quoi. La loi civile est justement le contraire de la loi morale.

      [Je vous le dis très respectueusement, Descartes, mais vous commencez à me faire un peu froid dans le dos. Déjà que vous voulez rendre responsable de crimes le peuple tout entier des crimes de ses ancêtres, maintenant, vous voudriez en plus que cette responsabilité soit imprescriptible.]

      C’est vous qui le voulez, pas moi. Vous avez déclaré que vous vouliez bien rendre le bénéfice que vous avez tiré de l’esclavage dans les conditions prévues par le Code Civil pour les obligations. Etant donné que l’obligation en question date de plus de deux cents ans, c’est que vous considérez cette obligation comme imprescriptible… Je vous rappelle que c’est vous qui proposez de soumettre les responsabilités historiques aux règles du Code Civil, pas moi.

      [Je ne le prends pas mal. Je trouve cela très intéressant, au contraire, car nous touchons là peut-être, effectivement, au "nœud de notre divergence". J’aimerais que vous tentiez de m’expliquer comment vous pouvez, de votre côté, être honteux ou fier des actes de vos ancêtres, alors que vous-même n’y avez aucunement participé ?]

      Parce que je suis une créature historique. Je ne suis pas « moi », je suis le produit d’une longue histoire, avec laquelle j’ai une continuité. J’assume donc les responsabilités, les gloires et les peines de ceux qui m’ont fait et qui vivent un petit peu en moi. C’est, je pense, un sentiment qui est à l’origine de toute civilisation. Comment une société pourrait se reproduire si les parents n’éprouvaient pas le désir de se survivre à travers leurs enfants, et si les enfants n’éprouvaient pas le besoin de continuer l’œuvre des parents ?

      Je pense effectivement que c’est là une différence d’opinion fondamentale entre nous. Vous semblez penser que chaque individu est un « voyageur sans bagage » au sens où l’a dépeint Anouilh, un être autonome qui se construit de lui-même et qui ne doit donc rien à personne. Moi je conçois l’individu comme un être historique, continuateur d’un passé et fondateur d’un futur.

    • dsk dit :

      ["Vous confondez culpabilité et responsabilité."]

      Pas du tout. Je cite votre texte : "L’Allemagne de Gauck n’est pas coupable d’avoir massacré les habitants d’Oradour, mais elle est coupable d’avoir laissé des gens comme Lammerding impunis."

      ["Encore une fois, vous appliquez les catégories du droit pénal à une responsabilité dont je vous ai précisé dès le début de cette discussion qu’elle n’était pas pénale."]

      Je n’applique aucune "catégorie du droit pénal". La présomption d’innocence n’est rien d’autre qu’un principe d’élémentaire justice, qui transcende le droit pénal. Pensez-vous, par exemple, qu’il soit juste de punir son enfant pour une bêtise qu’il n’aurait peut-être pas faite ? Ou de licencier un salarié pour une faute qu’il n’aurait peut-être pas commise ?

      ["Le peuple ne serait « coupable » – moi j’utiliserais plutôt le mot responsable, pour marquer qu’il ne s’agit d’une responsabilité pénale – si le mandat donné à ses représentants était impératif. Mais dans la mesure où les responsables politiques ont un degré d’autonomie importante, je pense qu’il faut parler de complicité, et non d’auteur principal."]

      Puisque vous me reprochez d’appliquer les catégories du droit pénal à une responsabilité "historique et morale", je pense que vous devriez également vous interroger sur la pertinence des catégories du droit constitutionnel que, de votre côté, vous cherchez à tout prix lui appliquer.

      ["Alors, je ne comprends pas pourquoi vous rejetez mon idée de reprocher aux allemands de la génération courante d’avoir laissé impunis les crimes de la génération précédente…"]

      Peut-être le comprendrez-vous si je vous dis que je ne reproche pas aux "hommes politiques" en général de ne pas reprendre le pouvoir à Bruxelles. Je ne mets pas Marine Le Pen dans le même sac que Mélenchon.

      ["N’importe quoi. La loi civile est justement le contraire de la loi morale."]

      Et la Constitution ? Elle n’est pas le contraire de la loi morale ? Si vous voulez dire par là qu’une responsabilité d’ordre moral ne saurait découler d’une quelconque règle juridique, alors je serais d’accord avec vous. Mais dans ce cas, cessez donc de vouloir fonder cette "responsabilité pour crime de ses ancêtres" sur le droit constitutionnel. Quant à moi, si je vous cite des règles juridiques, ce n’est, depuis le début, que parce qu’elles me paraissent être des règles morales avant que d’être juridiques.

      ["Déjà que vous voulez rendre responsable de crimes le peuple tout entier des crimes de ses ancêtres, maintenant, vous voudriez en plus que cette responsabilité soit imprescriptible.] ["C’est vous qui le voulez, pas moi."]

      Ah bon ? Dois-je en conclure que votre "responsabilité morale du Peuple pour la complicité de ses ancêtres face aux crimes des représentants de la Nation" serait bien soumise à une prescription ?

      ["Vous avez déclaré que vous vouliez bien rendre le bénéfice que vous avez tiré de l’esclavage dans les conditions prévues par le Code Civil pour les obligations."]

      Non. J’ai dit que j’adhérais volontairement à cet autre principe d’élémentaire justice qui veut qu’il incombe à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver.

      ["Je vous rappelle que c’est vous qui proposez de soumettre les responsabilités historiques aux règles du Code Civil, pas moi."]

      Ah bon ? Dans ce cas, je vous remercie bien vouloir m’indiquer à combien vous évaluez le bénéfice que vous avez personnellement tiré de l’esclavage et de la colonisation.

      ["Parce que je suis une créature historique. Je ne suis pas « moi », je suis le produit d’une longue histoire, avec laquelle j’ai une continuité."]

      Certes. Mais la responsabilité n’a de sens que si l’on est "soi". Pour que je puisse être responsable, il faut bien que je sois autre chose qu’une "créature historique" et le "produit d’une longue histoire". Sinon, comment me reprocher personnellement quelque chose si "je ne suis pas moi" ?

      ["Comment une société pourrait se reproduire si les parents n’éprouvaient pas le désir de se survivre à travers leurs enfants, et si les enfants n’éprouvaient pas le besoin de continuer l’œuvre des parents ?"]

      Le "désir de se survivre à travers ses enfants" n’implique pas celui de leur transmette notre culpabilité. Tout au contraire, il me semble que pour que les enfants puissent continuer notre œuvre dans de bonnes conditions, nous ne voulons surtout pas les lester d’une telle charge. Nous sommes vieux et coupables tandis qu’ils sont jeunes et innocents, et c’est cela, précisément, qui fera qu’ils pourront continuer notre œuvre, tandis que nous-mêmes ne le pouvons plus.

      ["Moi je conçois l’individu comme un être historique, continuateur d’un passé et fondateur d’un futur."]

      Moi aussi. Mais la culpabilité et la repentance perpétuelles ne me paraissent pas être la bonne manière de fonder un futur.

    • Descartes dit :

      @dsk

      [Pas du tout. Je cite votre texte : "L’Allemagne de Gauck n’est pas coupable d’avoir massacré les habitants d’Oradour, mais elle est coupable d’avoir laissé des gens comme Lammerding impunis."]

      Oui, mais je croyais qu’on parlait des allemands, pas de l’Allemagne. L’Allemagne de Gauck est certainement coupable d’avoir laissé Lammerding impuni, dans la mesure où ce fut une décision consciente et volontaire des dirigeants allemands. Mais la question était ici la conséquence qu’il faut tirer de cette culpabilité institutionnelle quand à une éventuelle culpabilité des allemands.

      ["Encore une fois, vous appliquez les catégories du droit pénal à une responsabilité dont je vous ai précisé dès le début de cette discussion qu’elle n’était pas pénale."][Je n’applique aucune "catégorie du droit pénal". La présomption d’innocence n’est rien d’autre qu’un principe d’élémentaire justice, qui transcende le droit pénal. Pensez-vous, par exemple, qu’il soit juste de punir son enfant pour une bêtise qu’il n’aurait peut-être pas faite ?]

      Non, mais dès lors que vous parlez de « punir un enfant », nous sommes bien dans le champ pénal. En dehors du champ pénal, la simple présomption a des conséquences : si votre femme a un enfant, vous êtes tenu de le protéger, de le nourrir et de le soigner comme s’il était votre enfant, et cela en vertu de la présomption de paternité attaché au mariage.

      [Puisque vous me reprochez d’appliquer les catégories du droit pénal à une responsabilité "historique et morale", je pense que vous devriez également vous interroger sur la pertinence des catégories du droit constitutionnel que, de votre côté, vous cherchez à tout prix lui appliquer.]

      Je ne vois pas très bien de quoi vous parlez.

      [Peut-être le comprendrez-vous si je vous dis que je ne reproche pas aux "hommes politiques" en général de ne pas reprendre le pouvoir à Bruxelles. Je ne mets pas Marine Le Pen dans le même sac que Mélenchon.]

      Nous sommes d’accord. Ceux qui ont personnellement résisté ou dénoncé échappent bien évidement à la responsabilité collective et historique.

      [Et la Constitution ? Elle n’est pas le contraire de la loi morale ? Si vous voulez dire par là qu’une responsabilité d’ordre moral ne saurait découler d’une quelconque règle juridique, alors je serais d’accord avec vous.]

      C’est exactement ce que je dis.

      [Mais dans ce cas, cessez donc de vouloir fonder cette "responsabilité pour crime de ses ancêtres" sur le droit constitutionnel.]

      Je ne crois pas l’avoir fait.

      [Ah bon ? Dois-je en conclure que votre "responsabilité morale du Peuple pour la complicité de ses ancêtres face aux crimes des représentants de la Nation" serait bien soumise à une prescription ?]

      Bien entendu. Je vous l’ai dit depuis le début. Je ne reproche à la génération de Gauck le crime d’Oradour. Cette responsabilité est prescrite. Je lui reproche de en pas avoir puni les criminels d’Oradour, alors qu’elle pouvait le faire. Celle-là ne l’est pas…

      [Certes. Mais la responsabilité n’a de sens que si l’on est "soi". Pour que je puisse être responsable, il faut bien que je sois autre chose qu’une "créature historique" et le "produit d’une longue histoire". Sinon, comment me reprocher personnellement quelque chose si "je ne suis pas moi" ? ]

      Je n’ai pas contracté les dettes de mon père, et pourtant j’en suis responsable dès lors que j’accepte son héritage. Etre français, c’est accepter cet héritage, celui de Valmy comme celui de l’esclavage.

      [Le "désir de se survivre à travers ses enfants" n’implique pas celui de leur transmette notre culpabilité.]

      Un héritage ne s’accepte pas au détail. On prend le passif et l’actif.

      [Tout au contraire, il me semble que pour que les enfants puissent continuer notre œuvre dans de bonnes conditions, nous ne voulons surtout pas les lester d’une telle charge.]

      Ce n’est pas un lest. Le fait de regretter les crimes de l’esclavage ne m’oblige pas à me frapper la poitrine tous les matins pour demander pardon. Pire, je ne demande pardon de rien. Mais je garde cette responsabilité au fond de moi, et elle m’aide chaque fois que je risque de faire une bêtise du même genre. Elle a valeur d’avertissement.

      [Nous sommes vieux et coupables tandis qu’ils sont jeunes et innocents, et c’est cela, précisément, qui fera qu’ils pourront continuer notre œuvre, tandis que nous-mêmes ne le pouvons plus.]

      S’ils n’ont pas cette responsabilité, ils pourront refaire notre œuvre – et donc nos erreurs. Pour pouvoir la continuer, il leur faut précisément cette responsabilité.

      [Moi aussi. Mais la culpabilité et la repentance perpétuelles ne me paraissent pas être la bonne manière de fonder un futur.]

      Je ne comprends pas très bien pourquoi vous associez culpabilité – je préfère le mot « responsabilité » – et repentance. J’ai commis des erreurs dans ma vie, et je ne passe pas mon temps à me frapper la poitrine. Je me sens responsable, et cette responsabilité a valeur d’avertissement.

    • dsk dit :

      ["S’ils n’ont pas cette responsabilité, ils pourront refaire notre œuvre – et donc nos erreurs. Pour pouvoir la continuer, il leur faut précisément cette responsabilité."]

      Dans ce cas, je crois que nous sommes d’accord sur l’essentiel, et il me paraît inutile de continuer à nous disputer sur des questions accessoires. Je me permettrais juste de formuler le souhait qu’une telle conception saine de la responsabilité collective apparaisse plus nettement, si d’aventure vous deviez consacrer d’autres articles à des questions semblables. Sans quoi vous risqueriez à nouveau de vexer le descendant de nazi que je suis;-).

    • Guilhem dit :

      Je suis tout à fait d’accord avec vous, on ne gagnera rien à bombarder la Syrie (il n’y a qu’à voir le résultat en Lybie), si ce n’est des tensions diplomatiques avec la Russie, la Chine et l’Iran, des reproches de la part de nos alliés européens, des critiques de la majorité du peuple français et sans doute des représailles de la Syrie mais peut-on et doit-on laisser Assad massacrer son peuple même au regard du nombre de peuples que les occidentaux ont laissé massacrer ou ont directement massacré eux-mêmes? Cela fait deux ans que cela dure, des gaz neurotoxiques sont maintenant utilisés massivement, on le sait, c’est difficile de concevoir que le monde laisse faire uniquement parce que le reste du monde n’a aucun intérêt à l’en empêcher… C’est difficile de concevoir cette dichotomie entre l’horreur que l’on peut ressentir à l’évocation de génocides passés qui semblent si présents à notre esprit et des massacres qui ont lieu en ce moment même sur lesquels nous devons nous garder de jeter un regard sous prétexte que nous n’avons aucun intérêt à les arrêter. L’histoire se répète donc parce que nous laissons faire. Pardonnez ma naïveté sur le sujet.

    • Descartes dit :

      @Guilhem

      [mais peut-on et doit-on laisser Assad massacrer son peuple même au regard du nombre de peuples que les occidentaux ont laissé massacrer ou ont directement massacré eux-mêmes?]

      Quelles sont les alternatives ? Si on se met à intervenir pour empêcher Assad, faut-il intervenir aussi pour empêcher Kim-Jong-Un ? Et pourquoi pas intervenir aussi en Birmanie, en Indonésie, ou dans un paquet d’états africains ? Et l’Irak ? La somalie ? L’Afghanistan ? Comment décider quels sont les massacreurs qu’on "laisse" et ceux qu’on bombarde ? Je sais, la position "réaliste" n’est pas satisfaisante. Mais elle est moins pire que la position "moraliste" qui consiste à s’octroyer un pouvoir de police international.

      [C’est difficile de concevoir cette dichotomie entre l’horreur que l’on peut ressentir à l’évocation de génocides passés]

      Et que personne n’est intervenu pour empêcher, il ne faudrait pas l’oublier…

  16. JMP dit :

    @ Gérard Couvert
    C’est étonnant de voir comme les commentaires débiles viennent souvent de deux groupes humains acrimonieux : les Bretons et les Algériens.
    étant un lecteur assidu et exhaustif de ce blog, j’aimerai que vous me citiez précisément les commentaires débiles et acrimonieux de bretons dument authentifiés que vous avez relevés ; sinon,j’en conclurai que vous écrivez n’importe quoi

    • Gérard Couvert dit :

      Il s’agissait d’une remarque générale et un tantinet provocatrice. Une chose est à considérer c’est que je ne parlais pas de ce site en particulier où, en effet, il n’y a pas de commentaires provenant de Breton bretonnants revendiquant leur celtitude et ressassant un hypothétique statut de colonisés en bute aux agressions de l’état français … mais pour assez fréquenter les fora et les blogs politiques cela se trouve, assez souvent, et par ailleurs connaissant bien l’Algérie j’ai pu noter des analogies de comportements.

    • Guilhem dit :

      "[C’est difficile de concevoir cette dichotomie entre l’horreur que l’on peut ressentir à l’évocation de génocides passés]

      Et que personne n’est intervenu pour empêcher, il ne faudrait pas l’oublier…"

      Justement! On ne peut plus rien y faire. En Syrie par contre, l’action est toujours possible… mais effectivement au nom de quel principe choisirait-on d’aider les syriens plutôt que les nord-coréens?
      Vous avez raison, ce que je prenais pour un cynisme excessif n’est en fait que du "réalisme". Qu’a apporté l’intervention en Libye si ce n’est le chaos à la place de la dictature…

    • Descartes dit :

      @Guilhem

      [Justement! On ne peut plus rien y faire. En Syrie par contre, l’action est toujours possible… mais effectivement au nom de quel principe choisirait-on d’aider les syriens plutôt que les nord-coréens?]

      Et surtout, au nom de quoi invoquerions nous le droit d’imposer par la force les valeurs que nous considérons universels aux autres ? Et si demain l’Arabie Saudite intervenait en force chez nous pour permettre aux femmes de porter le voile dans les écoles, que répondrions nous ? Avons nous le droit d’imposer par la force notre conception du monde à des gens qui ne nous ont rien demandé ?

      [Vous avez raison, ce que je prenais pour un cynisme excessif n’est en fait que du "réalisme". Qu’a apporté l’intervention en Libye si ce n’est le chaos à la place de la dictature…]

      Effectivement. En matière de politique internationale plus que dans toute autre, le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions…

  17. D3gl1ng0 dit :

    Les troupes nazies ont commis 628 Oradour-Sur-Glane rien qu’en Biélorussie pendant la Seconde Guerre Mondiale :
    Y verrons-nous M. Glauck venir y faire acte de contrition ?

    • Descartes dit :

      Probablement pas. Du moins aussi longtemps que "la réconciliation biélorusso-allemande" ne présente pas un intérêt politique suffisant. Il faut arrêter de croire que l’amitié entre états est un geste désintéressé.

    • D3gl1ng0 dit :

      [Il faut arrêter de croire que l’amitié entre états est un geste désintéressé.]
      Cela fait bien longtemps que j’ai arrêté de croire (aussi) à ça… Ma question était ironique.

      En fait, avec le temps, la somme des choses en lesquelles je crois se réduit comme peau de chagrin.
      Dois-je consulter avant que de sombrer dans le nihilisme le plus total ? 😉

  18. Yeil dit :

    Vous dite que le pardon ne peut pas se faire sans un repentir, mais le pardon ne peut pas se faire non plus si la victime ne l’accepte pas et continue a croire a la malfaisance. Vous ne seriez pas un peu germanophobe, M. Descarte ? Legerment ? J’ai deja remarque que la France avait l’habitude de selectionner ses souvenirs dans l’histoire et des les “enjoliver”. Retournons 200 ans en arriere. Napoleon perd Waterloo contre les Anglais et les Prussiens. En 2015, la Belgique organise une ceremonie de commemoration . L’Angleterre, L’Allemagne y seront presente mais pas la France, qui refuse l’invitation. Pourquoi ? Pour hommage aux victimes tombees peut etre ? Non, elle a meme refusee que l’on fasse une simple piece commemorative ! La France rale. On celebre sa defaite, et contrairement aux allemands qui viennent assister aux commemoration de la deuxieme guerre mondiale pour faire de veritables excuses ( et non pas pour provoquer les victimes encore en vie. ) L’Allemagne assume pleinement ses crimes. Mais les francais non jamais voulu assumer Waterloo. La France rale. Elle est tres mauvaise perdante. Elle deteste qu’on la confronte, elle veut envoier une image de Napoleon comme un empreur conquerant. Allez dire ca aux anglais et aux allemands, je suis certaine qu’ils vont bien se marrer. C’est a ce moment la que la France me degoutte le plus. Napoleon, dise ils, un grand type. Mais c’est vrai , bien sur ! Il n’a jamais envahi les pays voisins jusqu’en Russie, ni retabli l’esclave ! D’ailleur lui aussi est mort tranquillement a St Helene, comme ce cher Lammerding, tiens. La France fait quelque chose de mauvais et c’est toujours chez l’autre qu’elle va attaquer. Quelle mentalite de mauvais revanchard chez certains.

    • Descartes dit :

      @ Yeil

      [Vous dite que le pardon ne peut pas se faire sans un repentir, mais le pardon ne peut pas se faire non plus si la victime ne l’accepte pas et continue a croire a la malfaisance. Vous ne seriez pas un peu germanophobe, M. Descartes ?]

      Cela dépend ce que vous appelez « germanophobe ». Si refuser d’oublier que ce sont des allemands qui ont déporté et gazé mes grands oncles et tantes à Treblinka ou Auschwitz est être « germanophobe », alors je le suis. Quoi qu’il en soit, le pardon accordé par la victime est un acte souverain. Si la victime n’a pas envie de pardonner, rien ne l’oblige.

      Je voudrais tout de même insister sur un point : pour moi, le « repentir » et le « pardon » ne s’appliquent qu’aux auteurs et aux victimes de l’acte. On ne peut se repentir ou pardonner pour autrui. Et c’est pourquoi je trouve détestable cette logique dans laquelle des hommes politiques demandent « pardon » d’actes dont ils ne sont pas les auteurs un siècle après les faits. Hitler pouvait demander pardon pour les crimes du nazisme, mais la même demande n’a pas de sens venant de Merkel, pas plus que je ne peux lui pardonner au nom de mes grands oncles et grandes tantes, parce que je ne peux présumer de leur réaction.

      J’ajoute que le pardon implique réparation. Les autorités de la RFA ont protégé des anciens nazis, leur ont permis de poursuivre tranquillement leurs carrières – pour certaines brillantes, y compris jusqu’à la Chancellerie – et de mourir riches et entourés de leurs familles. Et maintenant que tous ces gens sont morts ou trop vieux pour payer pour leurs crimes, tout à coup leurs successeurs manifestent un « repentir » bien tardif…

      [J’ai deja remarque que la France avait l’habitude de sélectionner ses souvenirs dans l’histoire et des les “enjoliver”.]

      Tous les pays font de même. Cela fait partie de la construction d’un « roman national ». Tant qu’on se souvient de la différence entre le « roman national » et l’histoire, cela ne me pose aucun problème.

      [Retournons 200 ans en arrière. Napoleon perd Waterloo contre les Anglais et les Prussiens.]

      Non. Napoléon perd contre Wellington et Blücher. Ou bien les Français perd contre les Anglais et les Prussiens. Je trouve très drôle que vous grandissiez la figure de Napoléon au point d’estimer qu’il s’est battu tout seul contre deux pays…

      [En 2015, la Belgique organise une cérémonie de commémoration . L’Angleterre, L’Allemagne y seront présente mais pas la France, qui refuse l’invitation. Pourquoi ? Pour hommage aux victimes tombées peut être ? Non, elle a même refusée que l’on fasse une simple pièce commémorative ! La France râle.]

      Excusez moi, mais il faudrait être précis : la Belgique n’a pas organisé « une cérémonie de commémoration », mais une « célébration ». Ce n’est pas tout à fait la même chose, voyez-vous. Je trouve parfaitement normal que la France ne « célèbre » pas Waterloo. Qu’est ce qu’il y a à célébrer ?

      Aucun pays ne « célèbre » des défaites. Il n’y a qu’un contexte ou cela se fait, et c’est lorsque le gouvernement du pays utilise sa participation pour marquer une rupture avec le passé, pour bien proclamer que le pays actuel n’a rien à voir avec celui qui, dans le passé, à mené la guerre en question. Le président allemand, en visite à Oradour sur Glane, l’a d’ailleurs dit explicitement : l’Allemagne d’aujourd’hui n’a rien à voir avec l’Allemagne qui a détruit le village martyr. Or, pour revenir à Waterloo, je ne vois aucune raison pour la France de renier son passé, de proclamer que la France d’aujourd’hui n’a rien à voir avec Napoléon.

      [L’Allemagne assume pleinement ses crimes.]

      Non. Comme je vous l’ai montré plus haut, Joachim Gauck a bien déclaré à Oradour que l’Allemagne d’aujourd’hui n’a rien à voir avec l’Allemagne d’hier. Et comme c’est celle d’hier qui a commis les « crimes » en question…

      L’Allemagne a une attitude bien plus ambiguë par rapport aux crimes de la dernière guerre que vous ne semblez le croire. Jusqu’aux années 1990, de nombreux criminels de guerre ont été protégés par le gouvernement de la RFA, et ont coulé des jours heureux sans craindre de devoir répondre de leurs crimes. L’exemple du général SS Lammerding, l’ordonnateur des massacres de Tulle et d’Oradour sur Glane, condamné à mort en 1953 par le tribunal de Bordeaux et jamais extradé malgré toutes les demandes françaises, mort paisiblement en Allemagne en 1971 sans jamais avoir été inquiété, est un excellent exemple. Alors, ça veut dire quoi « assumer pleinement ses crimes » ?

      [Mais les francais non jamais voulu assumer Waterloo.]

      Au contraire. C’est parce qu’elle l’assume qu’elle ne la célèbre pas. Si l’Allemagne peut célébrer le débarquement, c’est parce qu’elle fait semblant de croire que ce n’était pas elle qui était en cause, que c’était une « autre Allemagne » aujourd’hui disparue.

      [Elle déteste qu’on la confronte, elle veut envoyer une image de Napoléon comme un empereur conquérant.]

      Conquérant ou pas, il fait partie de notre passé. Et c’est précisément pour cette raison que nous nous interdisons de célébrer ses défaites.

      [Allez dire ca aux anglais et aux allemands, je suis certaine qu’ils vont bien se marrer.]

      Chacun se marre comme il peut… il n’empêche que Napoléon continue à fasciner Anglais et Allemands. Vous trouverez beaucoup plus de collectionneurs d’objets napoléoniens en Grande Bretagne et en Allemagne que des collectionneurs de reliques de Wellington…

      [C’est a ce moment la que la France me dégoûte le plus. Napoleon, dise ils, un grand type. Mais c’est vrai , bien sur ! Il n’a jamais envahi les pays voisins jusqu’en Russie, ni rétabli l’esclave !]

      Et alors ? Je ne comprends pas très bien votre raisonnement. Si vous jugez « dégoûtants » ceux qui envahissent des pays, vous allez avoir du mal à trouver un pays qui ne le soit pas.

      [D’ailleur lui aussi est mort tranquillement a St Helene, comme ce cher Lammerding, tiens.]

      Non, pas vraiment. Napoléon est mort prisonnier, loin de son pays, soumis à ses ennemis. Lammerding est mort libre, entrepreneur prospère dans son propre pays, et jamais livré à ses ennemis. On voit bien que vous ne connaissez pas l’histoire…

Répondre à Descartes Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *